Cadre Naturel, Environnement Et Territoires [PDF]

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Zitiervorschau

Cadre Naturel, Environnement et Territoires Recueil des Contributions Ali AGOUMI Mohamed BADRAOUI Faiçal BENCHEKROUN Amina BENKHADRA Abdellatif BERRAHO Abdelhafid DEBBARH Ahmed EL ABBAOUI Mohamed KSIKES Abdellah LAOUINA Mohamed MENIOUI Omar MHIRIT Hamid NARJISSE

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Avertissement au lecteur Le présent recueil regroupe les contributions individuelles aux travaux du groupe thématique « Cadre Naturel, Environnement et Territoires », constitué dans le cadre du processus d’élaboration du Rapport « 50 ans de développement humain au Maroc et perspectives pour 2025 ». Ce groupe de travail a été animé par M. Abdeladim LHAFI, membre de la Commission Scientifique du Rapport, et composé de Mme Amina BENKHADRA et MM. Ali AGOUMI, Mohamed BADRAOUI, Faiçal BENCHEKROUN, Abdellatif BERRAHO, Ahmed BIROUK, Abdelfatah Mounir DEBBARH, Abdelhafid DEBBARH, Ahmed EL ABBAOUI, Mohamed KSIKES, Abdellah LAOUINA, Mohamed MENIOUI, Omar MHIRIT et Hamid NARJISSE. Le groupe a élaboré ces contributions afin d’approfondir des aspects particuliers de la dimension thématique couverte et dans l’objectif de réunir les matériaux analytiques pour l’élaboration de son Rapport thématique de synthèse. Ces contributions ont ainsi constitué principalement un support pour les débats organisés au sein du groupe de travail, plutôt que des études exhaustives abordant l’ensemble des aspects scientifiques et pratiques relevant de la dimension thématique étudiée. Les contributions qui sont publiées ici ont fait l’objet d’un examen au sein du groupe thématique, mais ne reflètent que les points de vue de leurs auteurs. Il a été jugé utile de publier fidèlement la totalité de ces contributions. Cependant, n’ayant pas fait l’objet d’un travail systématique d’harmonisation, des différences peuvent alors y être décelées tant au niveau des données utilisées qu’au niveau des argumentaires déployés, ainsi que de leur degré de finalisation. En particulier, les données statistiques et les références utilisées sont celles du moment où les contributions ont été remises par les auteurs. L’objectif principal de la publication de ces documents est de restituer la richesse du travail de recherche, de documentation et de débat qui a caractérisé le processus d’élaboration du Rapport sur « 50 ans de développement humain au Maroc et perspectives pour 2025 ». Mettre cette richesse à la disposition du lecteur, c’est aussi rendre hommage aux compétences nationales, issues de l’université, de l’administration et de la société civile, qui y ont contribué avec beaucoup d’engagement et de patriotisme. Nous tenons à les remercier, et à travers eux toutes les personnes et administrations qui n’ont pas hésité à mettre à leur disposition données, documents et divers supports.

Présentation

La segmentation du sujet a été raisonnée, par rapport aux questions que le groupe thématique « Cadre Naturel, Environnement et Territoires » (CNET) a estimé constituer les points fondamentaux autour desquels se mesureront les réussites ou les échecs face aux défis actuels et à venir en relation avec le développement humain. Le séquençage des sujets traités par les différents contributeurs, et leur périodisation sur les cinquante dernières années, apportent à l’analyse, la nécessaire contextualisation des politiques et décisions majeures, pour tenir compte des nuances et rendre le jugement plus objectif et les enseignements plus fiables pour la construction des correctifs et des réajustements nécessaires pour construire le Maroc de 2025. Le périmètre de la contribution du groupe CNET couvre les cinq secteurs suivants : i) les écosystèmes (forestiers, péri forestiers et agropastoraux), ii) les ressources en eau et les bassins versants, iii) la biodiversité et les équilibres écologiques, iv) le littoral et écosystème marin et les ressources naturelles du sol et du soussol. Chaque secteur a été traité conformément aux indications générales suivantes : •

Dresser l’état des lieux à travers un examen de la situation actuelle, et procéder à une comparaison de la situation au lendemain de l’indépendance ;



Procéder à une analyse cinétique des ressources, et reconstitution de l’utilisation des espaces, en localisant les points d’inflexion majeurs dans la courbe d’évolution couvrant les 50 dernières années ;



Analyser les effets et les liens de causalité, d’une part avec les inflexions et changements majeurs dans les politiques de développement (phases des grands chantiers, état investisseur, périodes de planification sectorielle et d’incitations, périodes d’ajustement et de déréglementation démographique, l’urbanisation, les changements climatiques et les pressions sur les ressources. Ce séquençage historique est à moduler en fonction du degré de sensibilité de chaque secteur ;



Mesurer les zones de tensions, les conflits intersectoriels dans l’utilisation de l’espace et des ressources et localiser les fragilités. Retracer en particulier les recompositions dans l’utilisation des espaces, les flux migratoires (temporaires, transitoires ou définitifs) et dégager les zones de rupture définitive d’équilibre.



Tracer l’évolution tendancielle, situer les zones de fragilité prévisible et suggérer les perspectives pour le Maroc 2025.

Cadre naturel, environnement et territoires Ressources en eau et bassins versants du Maroc : 50 ans de développement(1955-2005) Ali AGOUMI Abdelhafid DEBBARH .................................................9

L’ÉNERGIE : développement énergétique au Maroc depuis 1955, perspectives 2025 A. Mounir DEBBARH...................................................59

Connaissance et utilisation des ressources en sol au Maroc Mohamed BADRAOUI.................................................87

Biodiversité et équilibres écologiques Abdellatif BERRAHO Ahmed BIROUK Mohamed MENIOUI.................................................. 115

Le littoral marocain, milieux côtier et marin Abdellah LAOUINA.................................................... 183

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Évaluation du milieu marin Abdellatif BERRAHO.................................................. 215

Les écosystèmes agricoles et pastoraux Hamid NARJISSE....................................................... 345

Les écosystèmes forestiers et periforestiers : situation, enjeux et perspectives pour 2025 Omar MHIRIT Faiçal BENCHEKROUN ............................................. 391

Ressources minérales Amina BENKHADRA Ahmed EL ABBAOUI ................................................. 469

50 ans de développement de l’industrie phosphatière au Maroc et évolutions possibles à l’horizon 2025 Mohamed KSIKES...................................................... 507

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Sommaire Ressources en eau et bassins versants du Maroc : 50 ans de développement 1955-2005 1. Eau et développement au Maroc ...................................................................11 2. Contexte climatique et ressources en eau ...................................................15 3. Mobilisation et affectation des ressources en eau .....................................29 4. Planification et gestion durable des ressources en eau ............................46 5. Perspectives du secteur de l’eau pour 2025 ..................................................50 Conclusion et perspectives ...................................................................................55 Références................................................................................................................57

L’énergie : développement énergétique au Maroc depuis 1955, perspectives 2025 Introduction ...............................................................................................................61 1. La problèmatique énergétique du maroc .........................................................62 2. Les étapes du développement énergétique depuis 50 ans ...........................68 3. Perspectives énergétiques a l’horizon 2025 ....................................................80 Conclusion et résumé ...............................................................................................85

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Connaissance et utilisation des ressources en sol au Maroc 1. Introduction ........................................................................................................89 2. Sol : une ressource naturelle indispensable pour le développement durable ..............................................................................89 3. Etat de connaissance sur les sols du Maroc ................................................94 4. Les efforts de formation et de recherche en Science du Sol ....................98 5. Les principales formes de dégradation des sols au Maroc .....................101 6. Perspectives pour 2025 ...................................................................................107 Références ............................................................................................................108 Annexes ..................................................................................................................110

Biodiversité et équilibres écologiques 1. Introduction : la diversité biologique au Maroc, un patrimoine fragile et constamment menace....................................................................119 2. État des lieux de la biodiversité au Maroc ..................................................122 3. Importance socio-économique de la biodiversité marocaine – contribution depuis 50 ans au développement du pays ...........................145 4. Cinquante ans de conservation de la biodiversité marocaine ................150 5. Perturbations de la biodiversité et incidences écologiques et socio-économiques – 50 ans de pression ..............................................157 6. Tendances de l’évolution de la biodiversité nationale à l’horizon 2025 ................................................................................................169 7. Orientations stratégiques pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc ...............................177 8. Plan d’action pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc .........................................................181

Le littoral marocain, milieu côtier et marin Introduction ...............................................................................................................185 I. la côte marocaine, sa diversité, sa fragilité et ses ressources ...................186 1. Le littoral marocain, extension et définition (mer, rivage et bande côtière) ..............................................................................................186

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2. Fragilité des milieux côtiers marocains .......................................................191 II. Le littoral, milieu de vie et de reproduction des cycles biologiques ...........................................................................................................193 III. Les activités humaines du littoral ...................................................................194 1. Analyse évolutive ............................................................................................194 2. Urbanisation et développement du tourisme .............................................196 3. L’évolution de l’occupation de la côte, le cas du littoral de Tétouan .......................................................................................................197 IV. Les impacts de la concentration des activités sur le domaine littoral ....................................................................................................................198 1. L’effet de l’utilisation humaine et l’impact écologique .............................198 2. La pollution du milieu marin et littoral et la dégradation de la qualité des eaux de baignade ..................................................................200 3. La menace sur la stabilité des rivages .........................................................203 V. Perspectives ........................................................................................................206 1. Cadre juridique .................................................................................................206 2. La prospective d’évolution du littoral ...........................................................207 Conclusion ................................................................................................................213

Évaluation du milieu marin Introduction .............................................................................................................217 I. Milieu marin littoral .............................................................................................221 1. Présentation du littoral marocain ...................................................................221 2. Activités littorales ...........................................................................................222 3. Apports polluant le littoral .............................................................................222 II. Qualité du milieu littoral marocain ..................................................................229 1. Qualité physico-chimique et microbilogique................................................229 2. Efflorescences phytoplanctoniques nuisibles et altération du milieu.............................................................................................................269 III. Surveillance de la qualité du milieu marin littoral et des plages ..............287 1. Réseau de surveillance de la qualité du milieu marin littoral ..................287 2. Réseau de surveillance des plages..............................................................294 IV. Accidents écologiques.....................................................................................305 1. L’affaire Kharq 5 ...............................................................................................306 2. L’affaire sea spirit.............................................................................................306 3. Accident de pollution par l’acide phosphorique, survenu à Jorf Lasfar (octobre 1997) .........................................................................308 4. Mortalité de poissons survenue au port de Casablanca (avril 1998) .......................................................................................................308

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5. Pollution organique du bassin portuaire de Larache (janvier 1999)................................................................................................... 309 6. Incendie survenu à la société CPCM située sur le littoral de Casablanca (juillet 1999) ......................................................................... 310 7. Apparition de petits pélagiques à proximité de la côte de Tamaris au sud de Casablanca (juillet 1999)........................................ 310 8. Accident de pollution par le charbon au niveau de la côte de Mohammedia (août 99)............................................................................ 311 V. Conclusion et recommandations ................................................................. 315 VI. Plan, d’action national pour l’environnement.............................................. 316 1. Actions du Pane ..............................................................................................317 Bibliographie et documents consultés.............................................................. 321 Définitions et abréviations ................................................................................... 329 Liste des figures .................................................................................................... 335 Liste des tableaux ................................................................................................. 339 Liste des photos..................................................................................................... 343

Les écosystèmes agricoles et pastoraux : état des lieux et voies d’évolution Introduction ............................................................................................................ 347 I. Les écosystèmes aménagés: état des lieux .................................................. 348 1. Les écosystèmes agricoles .......................................................................... 348 2. Les écosystèmes pastoraux ......................................................................... 360 3. Les principaux enseignements ..................................................................... 364 II. L’évolution tendancielle et les risques qui lui sont associés ..................... 376 1. Quelques indications sur les tendances prévisibles du secteur agricole ........................................................................................ 376 2. Quelle place pour le secteur agricole dans l’économie du pays: la question controversée de « la vocation agricole du Maroc » ........... 380 III. La problématique et les défis du développement rural durable ............. 382 1. Les limites de l’ancienne approche au développement agricole............................................................................................................ 382 2. Les idées directrices d’une nouvelle approche au développement ........................................................................................ 383 Conclusion .............................................................................................................. 389

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Les écosystèmes forestiers et périforestiers : situation, enjeux et perspectives pour 2025 1. La forêt, produit d’une longue histoire..........................................................395 2. Les utilisations des écosystèmes forestiers ...............................................406 3. Conservation et développement : 50 années d’efforts en faveur des écosystèmes forestiers ..........................................................................421 4. Éléments de réflexion prospective................................................................449 Références bibliographiques .............................................................................464 Annexes .................................................................................................................466

Ressources minérales Introduction ............................................................................................................ 471 1. Place du secteur minier dans l’économie nationale .................................... 472 2. Les grandes étapes du développement minier national .............................. 473 3. L’apport du secteur minier dans le développement économique et social ........................................................................................ 489 4. Environnement et développement durable.................................................... 495 5. Perspectives à l’horizon 2025 ........................................................................... 502

50 ans de développement de l’industrie phosphatière au Maroc et évolutions possibles à l’horizon 2025 Introduction ..........................................................................................................511 1. Les exploitations minières .............................................................................512 2. Les industries de transformation du phosphate (valorisation) ................518 3. Le positionnement commercial et les partenariats ...................................523 4. Les ressources humaines et le développement social .............................528 5. L’apport au développement national ............................................................533 6. L’environnement et le développement durable ..........................................538 7. Les perspectives pour l’horizon 2025 ...........................................................544

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1. Eau et développement au Maroc L’économie marocaine est une économie en développement à forte composante agricole. Depuis l’indépendance, cette économie a connu différentes réformes et orientations dont les plus importantes sont (3) : – 1967-1979 avec le lancement d’une politique de développement économique et sociale basée sur la modernisation de l’agriculture, d’une façon générale, et de l’agriculture irriguée, de façon particulière. Cette période a été marquée par une politique interventionniste des pouvoirs publics visant à la fois à développer les capacités de mobilisation des ressources en eau, notamment superficielles, et à aménager les terres agricoles en infrastructures d’irrigation (politique du million d’hectares) ; une panoplie de mesures techniques, juridiques et institutionnelles a été mise en place pour la mise en œuvre de cette politique ; – 1980-1990 avec des réformes visant à réduire les déséquilibres macro-économiques et à relancer la croissance par les exportations. Cette période est aussi celle de la mise en œuvre du programme d’ajustement structurel avec en particulier un désengagement progressif de l’État de secteurs de production ; – 1990-2004 avec l’engagement de l’État dans un processus de privatisation et d’encouragement de l’investissement privé. L’évolution du PIB entre les années 70 et l’an 2000 montre un taux réel de croissance de 4.4 % en moyenne annuelle. Ce rythme de croissance a été très irrégulier en relation avec les différents choix économiques et orientations pris durant ces années mais aussi avec l’évolution du climat, des secteurs de l’eau et de l’agriculture pendant cette période. Depuis l’indépendance, l’économie nationale a connu trois périodes particulières : (Figure 1) – 1961-1980 avec une moyenne annuelle du taux de croissance du PIB de l’ordre de 4.8 %; – 1980-1990 avec une moyenne proche des 4 %; – 1990-2000 ou la moyenne n’a pas dépassé les 3 % et ce en relation avec la fréquence élevée des années de sécheresse qu’a connu cette décennie.

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Figure 1 : Évolution du taux de croissance annuel du PIB par habitant 1957-2002

PIB et périodes de sécheresse au Maroc : 1957-2002

Ces données macro-économiques indiquent en partie le poids important que jouent le climat et les apports pluviométriques annuels au niveau de l’économie du pays : un climat aride à semi aride, et un contexte hydrologique marqué par une forte irrégularité annuelle et inter-annuelle des précipitations avec une distribution géographique irrégulière. Dès l’indépendance, conscient de cet aspect, le Maroc s’est doté d’une politique forte et dynamique dans le secteur de l’eau avec pour objectif de vaincre la vulnérabilité de la disponibilité en eau face aux aléas climatiques, en maîtrisant et en stockant les eaux des années humides pour pouvoir faire face aux années de sécheresse. L’objectif visé était de répondre à la demande croissante en eau potable des populations et de donner à l’agriculture un essor important en vue de satisfaire les besoins alimentaires de ces populations et d’encourager l’exportation des produits agricoles. Le défi lancé alors, pratiquement atteint dés 1998, visait à irriguer un million d’hectares à la fin du siècle passé. La politique des barrages lancée par Feu Sa Majesté le Roi Hassan II dès 1967 traduit la pertinence des choix stratégiques opérés en matière de développement économique et social et de valorisation des potentialités agricoles du pays à travers le développement de l’irrigation. Des résultats tangibles ont été enregistrés pour bon nombre de régions du royaume. En effet, si les cinquante dernières années ont été traversées sans grandes crises de l’eau au Maroc, alors que la demande en eau pour répondre aux besoins des populations a plus que triplé et que les épisodes de sécheresse se sont faits de plus en plus nombreux et étalés au niveau de leur durée c’est bien grâce à cette politique clairvoyante (Figure 2). Celle-ci a permis d’assurer au pays la sécurité hydrique et alimentaire, d’améliorer les revenus des agriculteurs, d’intensifier et de diversifier la production agricole, de développer les exportations agricoles, et de promouvoir l’emploi en milieu rural. Notons toutefois, que si le pari du million d’hectares a été gagné, un décalage important reste à résorber 12

entre les superficies dominées par les barrages et celles équipées. Ce décalage se répercute et limite la rentabilité des investissements hydrauliques et hydro-agricoles. Figure 2 : Évolution de la population du Maroc 1955-2002

Population totale (en million)

Outre cet aspect lié à la mobilisation des ressources en eau, considéré comme une véritable réussite du royaume dans le domaine de l’eau, le devenir des eaux usées et la pollution des eaux ont connu durant cette période nettement moins d’intérêt et de succès : à ce jour, quasiment toutes les grandes villes du pays et grandes industries rejettent leurs eaux usées dans les systèmes naturels, rivières, mers, océan sans le moindre traitement. Les retombées négatives ne se sont pas fait attendre. La qualité des eaux des rivières, barrages et nappes phréatiques s’est dégradée à grande vitesse ces deux dernières décennies limitant ainsi le potentiel réel en eau mobilisé à travers la qualité moindre de ces eaux. Plusieurs dégradations de la faune et de la flore, notamment des écosystèmes aquatiques, en ont résulté. La dégradation de la ressource coûte cher au pays, elle est estimée actuellement à plus de 15 milliards de Dhs par an, soit 6 % du PIB (27). Un autre aspect a entravé en partie les succès de la politique nationale en matière d’eau : une séparation nette dans l’approche menée entre les aménagements hydrauliques et hydro-agricoles à l’aval des bassins versants et les aménagements requis à l’amont de ces bassins versants. On a ainsi peu préparé les bassins versants à connaître des projets de mobilisation des ressources viables en mettant en œuvre des stratégies intégrées des aménagements amont et aval des bassins versants permettant une bonne conservation des sols contre les risques d’érosion et par conséquent la limitation de l’envasement des lacs et retenues de barrages. D’importants phénomènes d’érosion ont été observés dans certains bassins non aménagés entraînant l’envasement de bon nombre de barrages construits à des niveaux non négligeables ; en l’an 2000 cet envasement correspondait à une perte en capacité équivalente à celle d’une retenue moyenne. 13

L’accès à l’eau potable des populations rurales a connu un retard important. Jusqu’en 1990, 70 % de la population rurale consommait moins de 20 litres par habitant par jour (1/6e de la consommation en milieu urbain). Grâce à un effort spécifique mené durant ces dernières années la situation est en cours de rétablissement. Quel impact négatif ce retard a-t-il engendré sur la politique rurale de notre pays ? Dans quelle mesure a-t-il pu favoriser l’exode rural des années 80 ? La distribution géographique des populations sur le territoire national durant ces 50 dernières années a été certainement conditionnée par les réalisations et comportements du secteur de l’eau et par conséquent de l’agriculture. Les sécheresses de plus en plus fréquentes, le manque d’accès à l’eau potable et aux infrastructures de base ont induit un exode rural assez important se traduisant par un développement des grandes villes qui ont connu une multiplication des bidonvilles et zones d’habitat anarchiques et insalubres. Ainsi on est passé d’un pays à population principalement rurale (70 %) vers l’indépendance à un pays actuellement dominé, à près de 60 %, par une population urbaine. (Figure 3) Figure 3 : Populations rurale et urbaine du Maroc 1955-2002

La politique de l’eau menée après l’indépendance s’est longtemps focalisée sur la mobilisation des ressources. La gestion de la demande n’a été un souci qu’une fois le bilan offre-demande devenait précaire avec la croissance de la demande et la limitation de la ressource durant les sécheresses répétées des années 80. C’est là qu’une politique de gestion planifiée de l’eau au Maroc par bassins versants intégrant la participation des usagers a été initiée. Cela a abouti en 1995 à la promulgation de la loi sur l’eau qui a introduit une série de principes fondamentaux dont l’unicité de la ressource en eau, sa gestion de façon intégrée et décentralisée par bassin versant, une gestion participative des usagers, la maîtrise des gaspillages et l’économie de la ressource... Depuis, des efforts notables ont été déployés, en matière de limitation de la demande, avec des résultats tangibles au niveau de l’eau potable grâce à l’introduction de la tarification par seuils de consommation. Ces 14

efforts ont aussi été menés en agriculture irriguée, secteur le plus consommateur d’eau, les résultats obtenus jusqu’à maintenant restent mitigés. Plusieurs questions peuvent être soulevées : est-ce un problème d’ordre technique et technologique ? Est-ce une question de niveau d’instruction et d’analphabétisme des agriculteurs ? Quelles sont les contraintes réelles limitant une valorisation optimale des eaux d’irrigation ? En 2002, suite aux orientations de Sa majesté le roi Mohammed VI données dans son discours d’ouverture des travaux du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat tenu en 2001 à Agadir, une nouvelle politique de l’eau a été définie et une réforme du secteur de l’eau a été lancée (26). Cette reforme est axée sur les points suivants : – La gestion de la demande – La participation des usagers – La dépollution à l’échelle des basins versants Ainsi, depuis l’indépendance, des choix socio-économiques ont été faits où l’eau joue un rôle essentiel. Une priorité a été donnée à l’agriculture mais aussi au tourisme, à l’industrie agro-alimentaire, au textile... Ces choix et les retombées économiques qu’ils ont engendrés ont ils été faits tenant compte du prix de revient réel de l’eau utilisée ? Avec cette prise en compte, certains de ces choix auraient pu ne pas être aussi importants qu’on le croit ! La politique de l’eau a eu un coût fort que l’État a dû supporter. Les investissements budgétaires alloués aux équipements hydrauliques représentaient plus de 50 % du budget global d’investissements entre 1968 et 1972 et plus de 35 % entre 1968 et 1990(21). En 2000 ils étaient de l’ordre de 20 % (17). Les années à venir ; étant donnés les besoins prévus et la nécessité de recourir à des ressources en eau plus difficiles à mobiliser et plus coûteuses ; ces investissements risquent de croître fortement ! l’État ne pourra alors supporter ce fardeau. La participation des usagers et du secteur privé à cette gestion de l’eau est le seul recours. Comment et dans quelle mesure cela est réalisable et comment le concrétiser pour une ressource vitale pour l’économie nationale et pour le citoyen ? Comment peut on envisager l’avenir de l’eau au Maroc et donc l’avenir de l’économie du royaume en 2025, tenant compte de ces différents aspects ? Quelles sont les perspectives du secteur irrigué au-delà du million d’hectares irrigués et comment valoriser au mieux le potentiel irrigable marocain ? C’est à cet ensemble de questions que nous chercherons à apporter des éléments de réponses dans la présente communication, après avoir dressé un bilan des 50 dernières années du Maroc dans le domaine de l’eau avec ses retombées socio-économiques.

2. Contexte climatique et ressources en eau De par sa position géographique, située en zone aride à semi-aride, le Maroc a depuis des millénaires eu une évolution fortement liée au climat de la région et à sa variabilité (0). Ce climat se caractérise par des contrastes importants avec des types de climats très différents et ce, en relation avec les particularités géographiques et écologiques de la région (1) (2), (3) : – Le Maroc s’étend sur une superficie de 710.850 km2 dont une grande partie est située en zone désertique ; – La région est à dominance semi aride à aride, soumise à un climat résultant d’influences maritimes au nord (Mer Méditerranée) et à l’ouest (Océan atlantique) et sahariennes au sud ; 15

– Une grande diversité de type de climat, associée à l’étendue du pays en latitude, à l’existence de chaînes montagneuses dépassant les 3 000 m et à l’influence maritime au voisinage des côtes ; – Une grande variabilité spatiale, et inter annuelle des précipitations avec des précipitations plus faibles dans la partie sud, un nombre de jours de pluie très limité (moins de 50 jours sur une grande partie du pays) et des épisodes de sécheresses périodiques et fréquents dont la durée peut dépasser trois années successives ; – Des températures moyennes annuelles élevées, dépassant les 20o C dans le sud et plus douces le long du littoral. Ceci est lié au niveau élevé du rayonnement solaire parvenant aux différentes régions du pays, et aux advections fréquentes de masses d’air chaudes. Ces éléments entraînent une forte évapotranspiration.

2.1. Évolution climatique constatée depuis les années 50 2.1.1. Températures Les températures de la région sont : – très élevées dans la partie sud, où elles peuvent atteindre jusqu’à 60o C dans le Sahara l’été. L’hiver ces mêmes zones connaissent des températures très faibles ; – tempérées dans les zones en bordure de la Méditerranée (10o C les mois les plus frais et 29o C les mois les plus chauds) ; – modérées sur la partie ouest atlantique résultant du courant froid des Canaries (14 à 20o C à Essaouira) ; – Fortes durant l’été (des maximums absolus dépassant les 45o C) et froides durant l’hiver (des températures minimales bien au dessous de 0o C) dans les zones intérieures. Une analyse de l’évolution de la température ces dernières décennies, dans plusieurs stations météorologiques relevant de la Direction de la Météorologie Nationale, montre l’évolution suivante (13) : – Les températures maximales d’hiver, et minimales et maximales d’été, montrent des tendances à la hausse ; – La température minimale d’hiver montre une tendance à la baisse. Par ailleurs, une analyse des températures enregistrées à Casablanca depuis le début du siècle et à Marrakech depuis 1960 indique l’existence de deux périodes significatives du point de vue thermique entre 1955 et 2000 : – La période 1955-1970 a connu un refroidissement progressif du climat de l’ordre de 1o C en moyenne annuelle ; – La période 1970-2000 a connu un réchauffement important, où des records absolus de température ont été battus : la moyenne des températures annuelles à Marrakech était de l’ordre de 25 à 26 o C durant les années 70 ; elle se situe actuellement autour de 27 à 28 o C.

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Figure 4 : Températures moyennes à Casablanca 1910-1990 (1)

Ainsi et au delà du léger refroidissement des années 70 on peut dire que la température moyenne annuelle a augmenté au Maroc de façon significative ces 50 dernières années : plus de 1 o C de réchauffement. Ce réchauffement s’inscrit dans le contexte de réchauffement global enregistré durant le XXe siècle au Maroc et qui est mis en évidence sur la figure 4 pour Casablanca (8).

2.1.2. Précipitations, sécheresses et inondations Les précipitations au Maroc sont rares et irrégulières : les moyennes annuelles enregistrées varient fortement du nord vers le sud du pays (de 800 mm au nord à moins de 25 mm au sud) et de l’ouest à l’est (de 600 mm à 100 mm) avec une amplification sur les reliefs du Rif et de l’Atlas (jusqu’à plus de 1200 mm). Les statistiques disponibles sur les précipitations et celles portant sur plusieurs siècles, utilisant les techniques de dendrochronologie (28), indiquent que le territoire national a subi plusieurs cycles des sécheresses suivies par des années humides. Sur la base de 1000 ans de données, on peut déduire que le phénomène de sécheresse est structurel pour le climat marocain ; des cycles de sécheresses de différentes durées (1, 2, 3, 4 et 5 ans) ont été régulièrement observés. Ainsi il a été conclu que les sécheresses annuelles se présentent une fois tous les 10 ans ; les sécheresses de longue durée de 5 ans ont par contre une période de retour de 360 ans. En plus du caractère structurel de la récurrence des sécheresses, ces dernières deviennent de plus en plus sévères. La variabilité des conditions climatiques accuse des écarts de plus en plus importants. Aux années extrêmes sèches peuvent succéder des années extrêmes humides. Ainsi, à la sévère sécheresse de la campagne 1994-1995 (année la plus chaude du XXe siècle) a succédé une campagne très humide (1995-1996), elle-même suivie d’une année sèche. En conséquence de cette variabilité des précipitations, les productions céréalières et les rendements ont évolué dans des rapports respectifs de 1 à 6 et de 1 à 4 durant les campagnes agricoles de 1989-90 à 1998-99. La production céréalière est passée de 17,5 millions de quintaux en 17

1995, à plus de 100,9 millions de quintaux en 1996 pour redescendre à 40,8 millions de quintaux en 1997 (29). La figure 5 indique l’évolution, durant la période 1960 et 2000, de l’écart à la moyenne des précipitations annuelles sur l’ensemble du Royaume. On distingue une première période pluvieuse à normale de 1960 à 1972 puis une période sèche et très peu pluvieuse entre 1972 et l’an 2000, avec un épisode particulièrement sec, long et critique 1972-1995 (3). Une étude réalisée par la direction de la météorologie nationale a permis de quantifier la différence en précipitations entre ces deux périodes. Elle a estimé que le cumul des précipitations était en baisse de plus de 30 % durant les années 1978-1996 par rapport à la période 1961-1977 (2). Figure 5 : Ecart à la moyenne des précipitations annuelles sur l’ensemble du Maroc (3)

Les cinquante dernières années ont vu une augmentation nette de la fréquence des sécheresses et inondations : – On est passé d’une sécheresse tous les dix ans les années 50-60 à deux à trois sécheresses par décennie. Durant la période 1955-2004, 7 périodes de sécheresses généralisées ont été enregistrées au Maroc dont 5 après 1975 : il s’agit des sécheresses des années 1957 ; 1966 ; 1974-1975 ; 1980-1985 ; 1986-1987 ; 1990-1995 et 1998-2000 (6), (17)(19). De plus, plusieurs années sèches ont été marquées par de fortes intensités supérieures à 35 % (cas des campagnes 1980-81, 1991-92, 1994-95). La campagne agricole 1994-95 a connu une sécheresse record avec une intensité supérieure à 60 %. – La période 1975-2004 s’est aussi distinguée par la nature excessive des rares années humides avec une pluviométrie très forte et concentrée sur de très courtes périodes de l’année ; on a vu des centaines de millimètres d’eau tomber dans des régions arides en quelques jours et rien pour le reste de l’année ! Un sol aride, une érosion forte, un ruissellement excessif, sont des caractéristiques de ces régions qui favorisent des catastrophes naturelles en relation avec ces fortes précipitations et des inondations : la der18

nière en date est celle de 2002, après celle de 1996 (Encadré ci-dessous).Ces inondations ont eu des effets néfastes sur les activités économiques, l’habitat et la production agricole dans différentes régions du pays (Gharb, Loukkos, El Jadida,Tétouan,Tanger, Béni Mellal..) Encadré Inondations au Maroc (novembre 2002) Lors de la semaine du 20 au 27 novembre 2002 le Maroc a connu l’une des plus importantes inondations de son histoire avec des dégâts matériels et humains considérables : – – – –

Au moins 63 morts, 26 disparus, des dizaines de blessés; Des pertes importantes au niveau de l’habitat (24 habitations effrondrées; 373 inondés; ...); Des centaines d’hectares de terres agricoles endommagés; des centaines de têtes de bétail emportées. Des unités industrielles subissant de graves dégâts notamment à Berrechid et Mohammadia : Dans cette ville, la plus importante raffinerie du royaume (La SAMIR) a pris feu ce qui représenterait plus de 300 millions USD en pertes.

Il est à noter que cette année humide et pluvieuse succède à plusieurs années sèches ou partiellement sèches et que la dernière année humide avant celle-ci était 1996 ou le Maroc avait connu aussi des inondations catastrophiques pour le pays.

2.1.3. Bilan Le climat du royaume durant les 50 dernières années a connu deux périodes : – 1955-1972 avec des températures en baisse et un niveau de pluviométrie normal et proche des moyennes ; – 1972-2004 où les températures moyennes ont fortement augmenté, les niveaux de précipitations ont diminué de près de 30 % et où les sécheresses et inondations ont vu leur fréquence et leur importance croître de façon significative. Les trois dernières décennies ont connu une température plus élevée en moyenne annuelle, une évaporation et une évapotranspiration plus fortes et donc des besoins en eau plus importants. Parallèlement les apports pluviométriques ont chuté : d’où une situation critique du secteur eau dans le royaume.

2.2. Ressources en eau Les apports pluviométriques sur l’ensemble du territoire sont évalués à 150 milliards de m3. Sur ces apports pluviométriques, la pluie utile ne représente que 20 %, soit 29 milliards de m3. Si l’on déduit les pertes par évaporation et les écoulements non maîtrisables vers la mer, le potentiel hydraulique mobilisable, dans les conditions techniques et économiques actuelles, est estimé à 20 milliards de m3 dont 16 milliards à partir des eaux superficielles et 4 milliards en provenance des eaux souterraines (4) (tableau 1). 19

Tableau 1 : Ressources en eau du Maroc et Possibilités de mobilisation (en milliards de m3) Maroc

Ressources en eau

Ressources mobilisables 16

Eaux de surface

22.5

Eaux souterraines

6.5

4

Total

29

20

Cette estimation reste tributaire du niveau d’évaporation des eaux qui dépend directement de la température. Ainsi et devant le réchauffement significatif qu’a connu le royaume durant le XXe siècle (plus de 1o C) et l’occurrence accentuée des sécheresses durant les trois dernières décennies, une validation des estimations des différentes composantes de ce cycle de l’eau s’impose. Les 20 milliards de m3 économiquement et techniquement mobilisables pourraient être facilement revues à la baisse. Ces apports pluviométriques sont aussi caractérisés par une forte irrégularité de leur distribution dans l’espace, diminuant fortement du nord au sud et de l’ouest à l’est. Ces apports sont inégalement répartis sur les différentes régions du pays. Ainsi 15 % de la superficie totale reçoit plus de 50 % des apports pluviométriques. Les régions du Nord et le bassin de Sebou, bien que n’occupant que 8,5 % de superficie totale, reçoivent plus de 29,3 % des précipitations globales et participent pour 51,1 % des écoulements, alors que le bassin de la Moulouya, situé à l’Est, et occupant 8,1 % de cette superficie ne reçoit que 9,4 % de pluviomètre globale et ne participe que pour 8,7 % des écoulements moyens.

2.2.1. Ressources en eau de surface Les écoulements des eaux de surface sont étroitement liés aux précipitations et sont donc caractérisés par d’importantes variabilités : – Au cours d’une même année, l’essentiel des débits écoulés sont sous forme de crues qui sont souvent courtes et violentes : et les apports sont concentrés en général sur quelques mois, voire quelques jours ; – Sur plusieurs années, les apports d’eau sont caractérisés par une grande variabilité, laquelle s’accentue du Nord vers le Sud ; – L’importance des écoulements diminue également du Nord vers le Sud. Le potentiel des eaux superficielles du pays s’élève à 22.5 milliards de m3 dont 16 milliards mobilisables. Le potentiel des eaux superficielles se répartit selon les régions, comme suit : – Bassins rifains du nord, l’ensemble des oueds de cette zone enregistre en moyenne un apport de 4.200 M m3/an soit 20 % environ des ressources superficielles du pays ; – Bassins atlantiques du nord et du centre : ce sont les grands bénéficiaires des ressources en eau produites sur les chaînes montagneuses du Rif et de l’Atlas. Ces bassins renferment 56 % des ressources en eau superficielles du Maroc soit 11.300 M m3/an. – Bassins de l’Oriental, la région enregistre un apport moyen annuel estimé à 1.650 M m3/an ; – Bassins du Sud Atlantique Ouest, ces bassins totalisent un apport moyen annuel de 780 millions de m3/an ; – Bassins pré-sahariens sud atlasiques et sahariens : Ils couvrent le sud de l’Atlas et sont caractérisés par l’aridité de leur climat présaharien à saharien. La quasi totalité des apports, estimée à 240 millions de m3, est due à des crues rapides et violentes en provenance de l’Atlas.

20

Réparties sur une dizaine de bassins versants, les ressources en eau de surface du royaume se caractérisent par l’irrégularité de leur répartition. Les seuls basins de Sebou, d’Oum Erbia et de la Moulouya rassemblent les 2/3 des ressources en eau de surface (Figure 6). Par ailleurs, les besoins en eau ne sont pas dans les zones les plus riches en eau d’où la nécessité de transferts d’eaux coûteux et difficiles a réaliser : la région Nord-Nord ouest avec 35 % de la population du pays détient 48 % des ressources en eau alors que la région Centre-Ouest avec 46 % de la population ne contient que 34 % des ressources en eau. (7) Figure 6 : Répartition des ressources en eau de surface au Maroc (7)

Le potentiel des eaux de surface est très vulnérable aux aléas climatiques. En effet, en années de sécheresses sévères, celui-ci peut baisser de 30 à 90 % (18). L’importance en fréquence et en intensité des sécheresses hydrologiques dans les différents bassins versants n’est pas uniforme : les régions de l’oriental, du Tensift, du Souss-Massa et les zones sud-atlasiques sont généralement les plus touchées par les sécheresses. Celles du nord le sont moins mais les répercussions sont toutefois importantes car les réserves d’eaux souterraines des régions Nord sont très limitées (18).

2.2.2 Ressources en eau souterraine Les eaux souterraines constituent une part importante du patrimoine hydraulique du Maroc. Elles présentent des avantages certains sur le plan de la couverture des besoins, par rapport aux eaux de surface, en raison de leur régularité et de leurs faibles coûts de mobilisation comparativement aux eaux de surface. Il s’agit aussi d’une ressource moins vulnérable aux aléas climatiques et à la pollution et mieux repartie géographiquement. Dans certaines régions ; même si cette ressource est rare elle est unique lui conférant une valeur déterminante : c’est le cas des régions sahariennes. Sur l’ensemble du territoire national, on dénombre 32 nappes profondes (profondeurs variant de 200 à plus de 1 000 m) et plus de 48 nappes superficielles (une faible profondeur de niveau d’eau). Les premières sont difficiles d’accès avec un coût de mobilisation et d’exploitation assez élevé, les secondes plus accessibles mais aussi plus vulnérables à la pollution et à la sécheresse. 21

Figure 7 : Répartition des ressources en eau souterraine au Maroc (7)

Globalement, les ressources en eau souterraines s’élèvent à près de 9 milliards de m3/an comme ressources renouvelables dont 3 milliards de m3/an s’écoulent par l’intermédiaire des sources contribuant à la régularisation des débits des oueds (débits de base) et 2 milliards de m3/an s’écoulent directement vers les mers. Ainsi, les ressources en eau souterraines mobilisables sont estimées à 4 milliards de m3/an. Ces chiffres n’englobent pas les réserves qui constituent des ressources non renouvelables et qui peuvent être exploitées en période de pénurie d’eau. D’ailleurs pour certaines nappes, une sur-exploitation s’est déjà matérialisée par des baisses des niveaux piézométriques : c’est le cas du Souss, du Haouz, de Jbel Hamra, de Saiss....

2.2.3. Qualité des eaux Entre 1950 et 1980, la qualité des eaux était moyenne à excellente indépendamment de l’hydraulicité (23). Dés 1980 la qualité des eaux s’est dégradée fortement (figure 8) et ce en relation avec les différentes pollutions auxquelles elles sont soumises : domestiques industrielles et agricoles.

22

Figure 8 : Evolution de la concentration globale en DBO5 Dans les eaux de surface entre 1950 et 2002 (22)

Durant l’année 1998-1999 la qualité des eaux, observée par la Direction Générale de l’Hydraulique, a été jugée dégradée dans 37 % des stations échantillonnées et bonnes dans 53 %. Cet état s’est encore dégradé en 1999-2000 puisque la qualité des eaux a été jugée dégradée dans plus de 50 % des stations (17). Les deux principaux fleuves du Royaume, oued Sebou et Oued Oum Er Rbia, connaissent des situations critiques : – l’été en période d’étiage où le pouvoir auto-épurateur et de dilution des polluants diminuent ; – L’hiver lors des campagnes oléicoles caractérisées par le déversement des margines dans les cours d’eau et l’augmentation en concentration des métaux lourds suite à leur entraînement par les crues (5). Aussi, le traitement de l’eau de surface pour la rendre potable atteint des coûts élevés lors des épisodes de sécheresse et devient parfois techniquement impossible. Plusieurs stations de traitement ne peuvent plus fonctionner l’été en raison du niveau trop élevé de la pollution des eaux des rivières : Les stations d’eau potable de Mkansa et de Karia Ba Mohamed sur l’oued Sebou ont été contraintes d’arrêter durant plus de 80 jours de 1993 à 1995 (6). Les eaux souterraines restent de meilleure qualité. Mais certaines nappes importantes sur la côte atlantique sont déjà polluées par l’utilisation importante et non rationnelle des engrais et des pesticides par le secteur agricole et par l’intrusion des eaux marines et le pompage excessif. Des signes alarmants paraissent ici et là : – Le niveau d’azote dans certaines nappes est élevé (des concentrations dépassant de loin les 50mg/l), c’est le cas de certaines zones de la nappe des Béni-Moussa (Tadla), de la zone des Mnasra au Gharb... ; 23

– la salinité des eaux est parfois bien au dessus des seuils des eaux douces (atteignant des valeurs de 10 à 12 g/l) (5). Cette dégradation de la qualité des eaux, associée à la rareté de la ressource, a engendré des risques de développement de maladies hydriques surtout en milieu rural. En 1995, année connue par sa sécheresse très sévère, 1312 cas de maladies hydriques ont été enregistrés alors que durant l’année suivante particulièrement humide aucun cas n’a été signalé (6).

Qualité des eaux et pollution urbaine Les eaux usées domestiques non épurées représentent la principale source de pollution organique des eaux au Maroc. Elles engendrent une dégradation de la qualité des eaux de surface et souterraines ainsi que celle des eaux marines. La mer reçoit la plus grande partie des rejets domestiques car les principales villes sont situées sur la côte. Les régions de Casablanca (centre) et Rabat-Tanger (Nord ouest) représentent plus de 60 % des rejets domestiques. C’est là une chance relative pour nos ressources en eau douces qui a limité leur cinétique de dégradation durant les 20 dernières années. En réalité ceci s’est fait au détriment de la qualité des eaux marines et des ressources biologiques qu’elles intègrent ! ! ! Notre littoral se retrouve avec une qualité des eaux de baignade parfois critiques et un contexte écologique – dans certaines régions – défavorable à un développement sain de nos ressources halieutiques. Même si une grande partie est rejetée par les grandes villes directement dans l’océan atlantique, les villes intérieurs arrivent avec leur population croissante à atteindre fortement l’équilibre biologique des eaux des rivières et retenues, c’est le cas par exemple de Fès qui asphyxie complètement l’oued Sebou par ses rejets ! En 2000, on estimait que plus de 180 millions de m3 d’eaux usées urbaines non épurées étaient rejetées annuellement dans les cours d’eau ou répandus sur les sols. (17) Depuis l’indépendance, l’ensemble des stations d’épuration réalisées assure un niveau d’épuration très faible. Actuellement il y a 69 stations dont 42 % seulement sont fonctionnelles avec des quantités d’eaux usées traitées ne dépassant pas les 2,8 Mm3 réutilisées en agriculture, soit moins de 3 % du total (22), (figure 9). Un tel retard au niveau de l’épuration des eaux usées est à l’origine d’une très grande partie de la dégradation que connaît la qualité des eaux à ce jour.

24

Figure 9 : Évolution du nombre de stations d’épuration depuis 1950 (22)

Qualité de eaux et pollution agricole Le recours à l’agriculture intensive s’est accéléré durant les 20 dernières années avec le développement de l’irrigation. Cela s’est fait avec un recours progressif mais finalement important aux engrais chimiques. Le niveau de pollution agricole par les phosphates et nitrates a été estimé à 10.000 tonnes /an en 1994(10). Pour plusieurs nappes phréatiques les teneurs en nitrates ont atteint des seuils limites dépassant les 50 mg/l qui sont fixés par l’OMS pour la potabilité des eaux. Des teneurs variant de 50 à 70 mg/l ont été observées dans les zones maraîchères de bon nombre de périmètres irrigués (Tadla, Gharb, Moulouya, ...). L’intensification agricole étant appelée à s’accentuer, notamment pour valoriser l’eau agricole, les risques d’accroissement des pollutions chimiques par les engrais sont certains si des mesures de bonnes pratiques ne sont pas mises en œuvre. L’autre problème qui menace potentiellement la qualité des eaux est l’usage de plus en plus fréquent de produits phytosanitaires avec ce que cela engendre comme contamination par des produits organiques toxiques. Environ 1 million d’hectares sont annuellement traitées avec les pesticides dont 60 % en zones irriguées (30). Les quantités de pesticides utilisées par les agriculteurs sont jugés faibles et estimées à près de 9.400 tonnes. Les données actuellement disponibles au Maroc indiquent que peu de choses sont connues sur les substances actives, les formulations et les conditions d’application des pesticides. Les niveaux et types de pollution des eaux et des sols sont aussi mal connus ; il est, cependant, estimé que 0.5 à 1 % de ces produits se retrouvent dans les cours d’eaux (4). Les estimations des contaminations des nappes phréatiques par les pesticides sont à ce jour indéterminées.

Qualité des eaux et pollution industrielle Les rejets d’eaux usées industrielles dans les cours d’eau sont estimés à 3,3 millions d’équivalentshabitants. La plus grande partie de ces rejets se retrouve dans le bassin de Sebou et dans l’Océan Atlantique. Le Sebou concentre les pollutions organiques dues aux huileries et la pollution par le chrome liée aux tanne-

25

ries. Le bassin du Tensift recueille les métaux lourds (présence de mines d’extraction de plomb, zinc et cuivre). Les bassins du Loukkos, du Bouregreg, de Souss-Massa restent les moins atteints par les rejets industriels (5).

Qualité des eaux et décharges 4.700.000 tonnes de déchets solides ménagers et industriels étaient déposées en 2000 dans des décharges non contrôlées, parfois en bordure de systèmes hydriques vulnérables. Ces déchets intègrent des polluants organiques des métaux lourds et d’autres polluants toxiques qui nuisent à la qualité des eaux. C’est là un aspect qui devrait connaître une limitation les années à venir dans la mesure où les grandes villes du royaume se dotent aujourd’hui de décharges contrôlées.

Erosion et envasement des barrages Sur les 20 millions d’hectares de bassins versants en amont des barrages existants, plus de 5 millions d’hectares, présentent des risques importants d’érosion hydrique. La région rifaine présente une forte dégradation spécifique des sols dépassant les 2000 tonnes/km2/an (31). Ceci constitue une menace permanente pour les ouvrages de régularisation et de stockage des eaux. Les données récentes permettent d’estimer les pertes des capacités des retenues des barrages à plus de 65 millions de m3/an (soit l’équivalent d’un barrage moyen par an). Ainsi, La perte de la couche arable est estimée à plus de 22.000 hectares chaque année, alors que le retard pris dans protection des barrages entraîne, du fait de l’envasement, une perte en eau régularisée équivalente au volume nécessaire à l’irrigation de 6.000 hectares par an. L’érosion a connu une accélération nette après les années 80, où les sécheresses répétées et de longues durées et les fortes précipitations enregistrées sur de courtes périodes ont déstabilisé les sols et engendré un envasement important des retenues de barrages. La figure 10 confirme ceci avec des volumes d’eaux perdus par envasement évalués à 200 millions de m3 entre 1950 et 1970 (20 ans) et plus de 1000 millions de m3 entre 1970 et 2000 (30 ans). Cette tendance risque de s’aggraver dans le futur avec un rythme annuel d’envasement des barrages autour de 150 millions de m3 par an engendrant une perte potentielle de la superficie irriguée de près de 15.000 hectares.

26

Figure 10 : Envasement des retenues de barrages (20)

Eutrophisation des eaux L’eutrophisation accélérée des eaux des rivières et retenues de barrages s’est déclarée à partir des années 80 où durant les épisodes de sécheresses les niveaux d’oxygène dans certaines retenues a chuté et des conditions anaérobies se sont créées avec une qualité des eaux critique. C’est le cas des retenues des barrages sidi Mohamed ben Abdellah, Al Kansra et autres barrages. L’utilisation des eaux de ces retenues l’été devenait alors chère au niveau du traitement et parfois impossible pour l’eau potable. C’était là une conséquence directe des rejets en matière organique et minérale liés aux pollutions urbaines et agricoles dans les eaux douces. Pour parer à cette problématique l’ONEP s’est doté d’une expérience et de techniques pointues qui lui ont permis d’avoir une bonne maîtrise de la gestion des retenues eutrophisées (introduction de poissons algivores, destratification des retenues l’été, oxygénation du fonds des retenues..). Cet acquis reste cependant coûteux et ne résoud en rien le problème qui est le vieillissement accéléré des eaux de ces retenues dont la mobilisation a été coûteuse !

2.2.4. Ressources en eaux non conventionnelles Devant les difficultés et les prix croissants de mobilisation des eaux conventionnelles, le recours aux eaux non conventionnelles a connu un léger développement depuis le début des années 90. Il s’agit principalement de la réutilisation des eaux usées et de la minéralisation des eaux saumâtres et dessalement des eaux marines. Cela a été fait de façon structurée et maîtrisée pour les eaux saumâtres et halines. Ce n’était pas le cas pour les eaux usées réutilisées de façon anarchique et non contrôlée par les agriculteurs avec des effets néfastes sur la santé et l’hygiène. 27

Eaux usées Le potentiel d’eaux usées est évalué pour l’an 2000 à plus de 500 millions de m3. 50 % de ces eaux sont rejetées dans les bassins versants intérieurs et 50 % sont supposées être rejetées en mers. En réalité une bonne partie de ces eaux est réutilisée à l’état brut en agriculture (17). La réutilisation des eaux usées brutes sans le moindre traitement est une pratique qui s’est répandue fortement au Maroc durant les années 80 ; période de grandes sécheresses. On estime que les eaux usées brutes ont irrigué en 1994 plus de 7200 hectares de cultures maraîchères, céréalières et fruitières situées prés des principaux centres urbains avec des conséquences néfastes pour la santé des populations ; soit environ 70 M m3 d’eaux usées brutes utilisées. Une valorisation saine et rentable du potentiel hydrique que représentent ces eaux usées, reste tributaire aujourd’hui de la mise en place de systèmes fiables de traitement et d’épuration des eaux usées brutes (10). Le seul volume d’eaux usées perdues en mer évalué autour de 200 M m3 permettrait une fois traité d’irriguer plus de 25.000 ha (22).

Dessalement d’eaux de mer Au Maroc le recours au dessalement des eaux est une pratique récente. Les premiers grands projets ont été réalisés dans les années 75 pour le sud du Maroc. L’unité la plus importante à ce jour est la station de Lâayoune mise en service en 1995. Elle permet aujourd’hui aux habitants de cette ville de disposer de 7000 m3/jour d’eau potable. Le prix de revient est encore de plus de dix fois supérieur au prix du m3 d’eau conventionnelle, autour de 20 DH le m3. Le développement du dessalement reste une solution alternative pour les périodes de pénurie à venir où le coût des eaux conventionnelles deviendrait plus élevé. Plusieurs projets sont à l’étude pour les horizons 2010-2020 en vue d’approvisionner les régions sud du pays. (Tableau 2) (25). Tableau 2 : Déminéralisation et dessalement des eaux au Maroc Réalisations et perspectives (25) Projets réalisés : année de mise en service

Nature de la station

Débit d’eaux traitées en m3/j

Ville

1975

Déminéralisation des eaux saumâtres

75

Tarfaya

1977

Dessalement des eaux de mer

25

Boujdour

1983

Déminéralisation : Osmose inverse

1995

Dessalement des eaux de mer : Osmose inverse

7 000

Layoune

1995

Dessalement des eaux de mer : Osmose inverse

800

Boujdour

2002

Déminéralisation des eaux saumâtres

3 500

Tantan

2004

Dessalement des eaux de mer :extension

6 500

Layoune

2004

Dessalement des eaux de mer :extension

2 400

Boujdour

2007

Dessalement des eaux de mer :extension

13 500

Layoune

2007

Dessalement des eaux de mer : osmose inverse avec énergie Eolienne

5 000

Tantan

2020

Dessalement des eaux de mer

86 400

Agadir

Tarfaya

Projets programmés : année de mise en service

28

Parmi ces projets, le plus important est celui de la station de dessalement d’Agadir prévue pour 2020. Elle permettra de produire plus de 86.000 m3/j. À cette échéance, Agadir ne pourra avoir d’autres alternatives que le recours au dessalement des eaux de mer pour répondre aux besoins en eau des différents secteurs économiques.

3. Mobilisation et Affectation des ressources en eau 3.1. Mobilisation des ressources en eau La politique de mobilisation de l’eau fût assez timide durant la période coloniale et même jusqu’en 1966. Le Maroc ne disposait alors que de 16 ouvrages hydrauliques d’une capacité totale de 2,2 milliards de m3. À partir de 1967, une impulsion significative de cette politique par la construction de nombreux barrages a été donnée par Feu Sa Majesté Hassan II. Celle-ci visait le développement de l’irrigation sur un million d’hectares à l’horizon 2000 (cette politique était aussi appelée politique du million d’hectares) mais aussi la satisfaction des besoins en eau potable et industrielle, notamment au niveau des grandes villes du pays. Ainsi, le Maroc a mené un politique dynamique et forte en matière de mobilisation des ressources en eau depuis son indépendance. Il a développé un patrimoine hydraulique de plus de 103 barrages, grands à moyens, d’une capacité de stockage de 15,8 milliards de m3 permettant de fournir en année moyenne près de 10 milliards de m3 d’eaux superficielles régularisées. Il a aussi développé une importante infrastructure de mobilisation des ressources en eau souterraine (forages et puits) permettant d’exploiter annuellement près de 2,7 milliards de m3. Sur les 20 milliards de m3 d’eaux mobilisables, 13,7 milliards de m3 le sont actuellement, soit un niveau de mobilisation de l’ordre de 68 %. (Tableau 3) (11). Tableau 3 : Potentiel hydraulique global (en millions de m3) (MAROC) Potentiel

Mobilisable

mobilisé

Surface

22 500

16 000

11 000

Souterrain

6 500

4 000

2 700

Total

29 000

20 000

13 700

Aussi, peut-on considérer que la mobilisation des ressources en eau au Maroc est à un stade avancé même s’il reste beaucoup à faire car les sites de mobilisation les plus faciles ont déjà été exploités et ceux qui restent sont certainement plus difficiles et les coûts inhérents à la mobilisation de ces eaux peuvent être exorbitants.

Eaux de surface La politique des barrages menée depuis l’indépendance visait les principaux objectifs suivants (7) : – Satisfaire les besoins croissants en eau potable et industrielle des agglomérations ; avec l’augmentation des besoins (3 % de plus par an) et la saturation progressive des ressources souterraines proches des zones d’utilisation, le recours aux eaux de surface s’est imposé. En l’an 2000 les barrages participaient pour 68 % à la satisfaction de la demande en eau potable et industrielle ; 29

– Irriguer un million d’hectares. En 1998 l’objectif du million d’hectares irrigués était déjà atteint ; – Créer une solidarité inter-régionale avec des transferts d’eaux des zones excédentaires vers les zones déficitaires ; – Développer la production de l’énergie hydro-électrique, autant que faire se peut, afin de réduire la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur en produits énergétiques. Cette politique de mobilisation des ressources en eau de surface a connu deux phases distinctes (7) Tableau 4 : Tableau 4 : Barrages du Royaume réalisés depuis l’indépendance Barrage

Capacité utile de la retenue (mm3)

Nakhal

507

Safi

2

Mohamed V Ajras

410 3

Province

Année de mise en service

Tétouan

1961

Safi

1965

Oujda

1967

Tétouan

1969 1969

Moulay youssef

175

El Kelaa Des Sraghna

Hassan Addakhil

374

Errachidia

1971

Mansour Eddahbi

529

Ouazazate

1972

Youssef Ben Tachfine

304

Agadir

1972

Idriss premier

1182

Taounate

1973

Sidi Mohamed Ben Abdallah

486

Rabat

1974

Ibn Batouta

38.5

Tanger

1977

Oued El Makhazine

773

Larache

1979

Al Massira

2760

Settat

1979

Abdelmoumen

216

Taroudant

1981

Ben Abdelkrim El Khatabi

33.6

Al Hoceima

1981

Garde du Loukous Timi N’outine Sidi Driss

Larache

1981

5.5

3

El Kelaa Des Sraghna

1981

7

El Kelaa Des Sraghna

1984

Ait Lamrabtya

0.2

Khemisset

1985

Arid

0.7

Khemisset

1985

Masakhskha

2.6

Oujda

1985

Kwacem Aval

3

Settat

1985

Marrakech

1985

Imi Larbaa

0.5

Sfa

0.6

Agadir

1985

Hassan 1er

262

Azilal

1986

Beni Smir

0.9

Khouribga

1986

Dkhila

0.7

Taroudant

1986

Taguenza

0.3

Agadir

1986

30

Tableau 4 (suite) Agafai

0.5

Marrakech

1986

Tlet Boubker

2.7

Nador

1986

Si Miari

1.1

Béni mellal

1986

Tizguit Aval

0.1

Ifrane

1986

Boukerdane

0.4

Boulemane

1986

Akkerouz

0.6

Errachidia

1986

Achbarou

1

Errachidia

1986

Boutaaricht

0.7

Errachidia

1986

Hammou Ourzag

1.6

Figuig

1986

Ouarzazat

1986

Akka N’ousikis

1

Kheng El Hda

3.8

Oujda

1986

Azib Douirani

0.6

Marrakech

1987

Imi Lhad

0.4

Essaouira

1987

Batma’t R’ma

0.7

Oujda

1987

Amane Seyernine

0.3

Meknes

1987

Ain Tourtout

0.8

Khénifra

1987

Rwidat

2.9

Ben Slimane

1987

Ain Koreima

1.3

Temara-Skhirat

1987

Mouillah

0.4

Khouribga

1987

Boukhalef

1.1

Tanger

1989

Touiltest

1

Khouribga

1989

itzer

0.6

Khénifra

1989

Allal Al Fassi

81.5

Fes

1990

Smir

43

Tetouan

1991

Garde de Sebou

40

Kenitra

1991

Aoulouz

110

Taroudant

1991

Ras Bel Firane

0.3

Taza

1991

Blad El Gaada

0.3

Fés

1991

Tizguit Amont

0.3

Ifrane

1991

Jorf El Ghorab

0.9

Taounate

1991

1

Taounate

1991

Settat

1991

Essaf Oued Aricha

1.8

Saboun

1.1

Tanger

1991

Sghir

2.3

Tanger

1991

Douiss

0.9

Errachidia

1992

Imaouene

0.2

Cuelmim

1992

Agherghise

0.3

guelmim

1992

Joumoua

6.5

Al hoceima

1992

31

Tableau 4 (suite) Mahraz

0.6

Fés

1992

Imin El Khang

12

Taroudant

1993

Sahla

62

Taounate

1994

Aggay

1.2

Sefrou

1994

Saquia El Hamra

110

Laayoune

1995

9 avril 1947

300

Tanger

1995

Enjil

12

Boulmane

1995

Arabat

Nador

1995

3800

Sidi Kacem

1996

Sidi chahed

170

Meknés

1996

Ben vachlef

0.03

Bouhouda

55.5

Taounate

1999

El Menzel

0.16

Berkane

1998

Hassan II

275

Taourirte

1999

Bab Louta

37

Taza

1999

Asfalou

317

Taounate

2000

Al Wahda

1.7

1997

Chokoukane

50

Taroudant

2001

Ahmed El Hansali

740

Zaouiyat Echeikh

2001

Ait Messaoud

13.2

Zaouiyat Echeikh

2001

Moulay Abdellah

110

Agadir

2002

Mokhtar Soussi

62

Taroudant

2003

– 1956-1966 C’était une période de transition juste après l’indépendance où une politique de mobilisation était en gestation ; durant cette décennie seulement trois barrages ont été construits mobilisant ainsi 0,4 milliards de m3 : – Barrage Mohamed V – Barrage Nakhla – Digue de Safi

32

Ces barrages sont venus s’ajouter à ceux construits durant la période 1925-1955 au nombre de 13 permettant de mobiliser 1,5 milliard de m3. Ainsi en 1967, la capacité totale de stockage d’eaux de surface était de 2.2 milliards de m3. – 1967-2004 Le tournant de la politique du Maroc en matière d’eau a été donné par feu Sa Majesté le Roi Hassan II en 1967 avec le lancement de la construction de 6 grands barrages et d’un programme de barrages visant en 2000 l’irrigation d’un million d’hectares. Cette politique a été renforcée par la décision de Sa majesté le Roi en 1986 de construire un barrage par an jusqu’à l’an 2000. Aujourd’hui, avec 103 grands barrages, la capacité de mobilisation d’eaux des barrages est passée de 1,5 milliards de m3 en 1955 à plus de 15,8 milliards de m3 avec la possibilité de régulariser en année hydraulique moyenne plus de 10 milliards de m3.

Eaux souterraines Les eaux souterraines ont aussi connu un effort important avec la mobilisation actuelle de plus de 67 % du potentiel en eaux souterraines mobilisables. L’exploitation d’une cinquantaine de nappes superficielles principales et près de la moitié des nappes profondes recensées, a permis de porter le volume d’eau souterraine mobilisé à 2,7 milliards de m3. Il est important de noter que la connaissance que l’on a des nappes souterraines reste limitée, en particulier les nappes profondes. Les efforts menés ces dernières années dans le sens d’une meilleure connaissance de nappes profondes dans les zones sahariennes ont donné de très bons résultats. De nouvelles recherches dans ce sens s’imposent pour d’autres nappes profondes du Royaume, actuellement mal connues. De nos jours, la presque totalité des eaux souterraines renouvelables connues sont exploitées avec un prélèvement annuel de l’ordre de 2,7 milliards de m3. Un bon nombre de nappes commencent à connaître des diminutions importantes de leurs niveaux piézométriques suite à une certaine sur-exploitation, c’est le cas des nappes du Souss-Massa, de la zone côtière des Doukkala, du Saiss...

Eaux régularisées Globalement, les volumes d’eaux régularisés sont prélevés à partir ; R des grands barrages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 milliards de m3 R des prises au fil de l’eau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 milliard de m3 R des nappes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2,7milliards de m3 Ces eaux permettent en année moyenne (7) : – l’irrigation de près de 1 million d’hectares d’une manière pérenne, l’agriculture irriguée représente en année moyenne 45 % du PIB agricole. Cette valeur atteint même les 75 % en années de sécheresses. – la production de l’eau potable et industrielle en quantité suffisante pour répondre aux besoins d’une population galopante ; à titre d’illustration, 840 M m3 d’eau de barrage ont été alloués à ce secteur en 1996. La desserte en eau potable urbaine a été multipliée par 5 entre 1972 et 1996.

33

– la production annuelle de l’hydro-électricité permettant d’économiser des produits énergétiques ; c’est ainsi qu’en 1996-1997 l’électricité produite à partir des usines hydroélectriques a été estimée à 2000 GWh/an, soit un gain de 720.000 tonnes de fuel par an. – l’atténuation des effets des sécheresses difficiles et aigues en réduisant leurs impacts aussi bien sur l’agriculture irriguée que sur le secteur de l’eau potable. – l’atténuation des effets de crues dévastatrices au niveau de grands bassins hydrauliques, à titre d’exemple le barrage Al Wahda a permis d’éviter l’inondation de 150.000 ha en aval durant les inondations de 1996.

Limites de la politique de mobilisation menée Cette politique a permis d’assurer l’alimentation en eau potable des zones urbaines à un rythme correct et d’accomplir, juste avant 2000, le défi du million d’hectares irrigués en régularisant les apports superficiels des cours d’eau permettant aussi d’éviter des inondations de ces zones. Notons toutefois que (21) : – Un intérêt très limité et tardif a été donné à l’alimentation en eau potable en milieu rural ; – Près de 150.000 ha de terres disposant des eaux mobilisées ne peuvent en profiter par manque d’équipements agricoles, (décalage persistant entre superficies dominées et superficies aménagées) ; ce décalage structurel a été progressivement réduit, notamment durant la décennie 1990, celui-ci devait être résorbé en partie à la fin du plan quinquennal 2000-2004 ; – Une politique privilégiant l’aval sur l’amont ; en effet les aménagements des bassins versants amont n’ont pas suivi avec la même cadence ceux des aménagements hydrauliques et hydro-agricoles. Les zones amont de production de l’eau ne profitent pas des effets induits de la richesse inhérente à la valorisation de l’eau par les secteurs économiques à l’aval des bassins versants ; – Le potentiel en eau au Maroc – rapport entre les eaux mobilisables et le nombre d’habitants (m3/habitant) – a connu une chute importante durant les 50 dernières années malgré ces efforts en matière de mobilisation. Il était autour de 2800m3/habitant en 1955. Il ne dépassait guère les 1000m3/habitant en 2000. le Maroc est alors entré dans une phase de stress hydrique.

3.2. Affectation des ressources en eau La partie la plus importante des eaux mobilisées est utilisée en agriculture. Toutefois cette dominance tend à s’atténuer avec les années : En 1990 l’irrigation représentait 93 % des usages de l’eau (4). En 2000 le poids de l’agriculture était moins important avec 86 % seulement. On estime aujourd’hui ce pourcentage à moins de 85 %. En 2020 l’agriculture devrait représenter au niveau des usages aux environs de 76 %. Cette tendance s’explique par la diversification de l’économie nationale et l’augmentation de la demande en eau potable (Tableau 5). Tableau 5 : Evolution des volumes mobilisables et leur affectation en Milliards de m3 Ressources/Emploi

1990

2000

2020

Volume mobilisé AEPI Irrigation % Irrigation/volume mobilisé

10,90 0,85 10,65 92 %

14,11 2,04 12,07 85 %

16,77 3,66 13,61 81 %

34

3.2.1. Agriculture Les conditions climatiques du Maroc font de l’irrigation un impératif technique incontournable dont les retombées économiques et sociales sont indéniables. Au lendemain de l’indépendance, l’irrigation a constitué une voie privilégiée du développement agricole et a bénéficié d’une attention particulière des pouvoirs publics. Les objectifs escomptés autour de l’irrigation ont été quasiment atteints ; aussi l’irrigation a-elle permis de contribuer substantiellement à satisfaire les besoins alimentaires croissants de la population, d’une part, et de promouvoir un développement économique et social autour des périmètres irrigués, d’autre part. En fait, les zones irriguées ont joué un rôle déterminant, en tant que véritables pôles de développement agricole et rural, tant au niveau local que régional. Globalement les retombées de l’irrigation sur l’économie du pays ont été amplement démontrées. Compte tenu du potentiel hydraulique mobilisable et de la part qui peut être réservée à l’agriculture, le potentiel irrigable est estimé actuellement à 1,664 millions d’hectares (ha) : 1,364 millions d’ha en irrigation pérenne dont 880.000 ha et en Grande Hydraulique (GH) et 484.000 ha en Petite et Moyenne Hydraulique (PMH) et 300.000 ha en irrigation saisonnière (tableau 4) (32). Rapporté à l’effectif de la population, le potentiel irrigable passera de 57,1 hectares pour 1000 habitants en l’an 2000 à 42,2 hectares pour 1000 habitants en 2020 (29). Actuellement, la superficie irriguée est de 43,0 hectares pour 1000 habitants. Le potentiel irrigable reste relativement limité eu égard à l’étendue des zones arides et au rôle que doit jouer ce secteur dans le développement socio-économique du pays. Tableau 6 : Superficies irrigables en ha Nature des irrigations

Grande Hydraulique

Petite et Moyenne hydraulique

Total

Pérenne Saisonnière/Crue

880.160 -

484.090 300.000

1.364.250 300.000

Total

880.160

784.090

1.664.250

Au lendemain de l’indépendance, le Maroc comptait 72.600 ha aménagés pour une superficie dominée par les barrages en service de 229.000 ha. Cependant, la superficie effectivement irriguée et mise en valeur ne dépassait guère les 38.100 ha. La période 1956-1960 a constitué une période de transition et ce fût le plan 1960-64 qui a constitué le point de départ d’une politique d’irrigation volontariste et intégrée (33). À fin 1966, la superficie totale aménagée s’élevait à 218.264 hectares : 137.479 ha en GH et 80.785 ha en PMH. Depuis 1967 à nos jours, d’importants efforts ont été consentis en aménagements hydro-agricoles aussi bien dans les neuf grands périmètres irrigués (gérés par le Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole ORMA) qu’en périmètres de petite en moyenne irrigation. Globalement, les superficies aménagées jusqu’à fin 2002 ont été de 1.014.863 ha dont 682.563 ha en GH et 332.300 ha en PMH (Tableau 7). Le mode d’irrigation prédominant est le gravitaire avec près de 83 % de la superficie sous irrigation pérenne au niveau national (figure 11), (34).

35

Tableau 7 : Superficies aménagées à fin 2002 Périmètres

S/Périmètres

Grande hydraulique Moulouya Triffa Bouareg Garet Zebra Gharb Beht PTI STI TTI Doukkala Faregh Boulaouane Sidi Smaïl Sidi Bennour Zemamra Tnine Gharbia Extension Sidi Smaïl Extension Faregh Cuvette sidi Smaïl Haut Service Tr1 Haut Service Tr2* Haouz Central* Tessaout Amont Tessaout Aval Tadla Béni Amir Béni Moussa Tafilalet Recasement Plaine de Tafilalet Vallée de ziz Ouarzazate Idelsan Vallée de Drâa Souss-Massa Issen Massa Souss Amont Loukkos Loukkos Sud* R’mel Thé Plaine Bas.Collines Petite et moyenne hydraulique Total

36

Superficie Aménagée 682 563 77 281 44 125 10 322 14 900 7 934 106 843 28 750 38 078 37 215 2 800 104 527 10 691 1 216 10 766 10 935 16 078 14 200 1 507 2 692 1 442 16 000 19 000 153 056 43 374 51 735 57 947 108 940 30 101 78 839 28 000 1 000 22 400 4 600 37 636 420 37 216 39 864 13 400 20 164 6 300 26 416 1 614 13 882 220 10 700

En cours Équipement 10 900

693 463 77 281

Mode irrig. Gravitaire 564 566 61 546 43 290 10 322

Mode irrig. Aspesion 128 897 15 735 835 14 900

7 000

113 843

7 000 104 527

7 934 95 111 28 750 35 520 21 041 9 800 68 834 10 691

18 732 2 558 16 174 35 693 1 216

10 766 10 935 16 078 14 200 1 507 2 692

153 056

108 940

28 000

3 900 3 900

332 300

1 014 863

Total

37 636 420 37 216 39 864 13 400 20 164 6 300 30 316 5 514 13 882 220 10 700

1 442 16 000 19 000 153 056 43 374 51 735 57 947 108 940 30 101 78 839 28 000 1 000 22 400 4 600 37 636 420 37 216 5 750 4 500 1 250

1 793

34 114 8 900 18 914 6 300 24 623 1 614 13 882 220 8 907

564 566

128 897

5 693 3 900

332 300

10 900

1 025 763

Mode irrig. Localisée

Figure 11 : Répartition de la superficie totale irriguée par mode d’irrigation

Le rythme moyen d’équipement global enregistré de 1967 à 1998 se situe aux environs de 25.3222 ha/an (Figure 12) ; pour la grande hydraulique ce rythme a été de 17.211 ha/an (Figure 13) alors qu’il n’a été que de 8011 ha/an pour le secteur de la PMH (Figure 14). Ces rythmes ont enregistré d’énormes variations ; ainsi le rythme d’aménagement a été de près de 21.127/ha/an entre 1973 et 1977 avec un maximum de 35.000 ha équipés en 1974. La décennie 1980, marquée par la mise en place du Plan d’Ajustement Structurel (PAS), a connu un ralentissement des grands aménagements hydro-agricoles et les rythmes d’équipement ont baissé de façon considérable atteignant des minima de près de 4000 ha/an. La décennie 1990 a connu une redynamisation de la politique des aménagements des grands périmètres irrigués et ce dans le cadre du Plan National de l’Irrigation (PNI), lancé en 1992, avec un rythme moyen de 18.624 ha/an. Les aménagements en PMH ont été très timides durant la période 1967 à 1979 enregistrant une cadence moyenne d’équipement de près de 4.549 ha/an ; à partir de 1980 ce secteur a connu un essor plus marqué avec un rythme moyen de 10.360 ha/an (des maxima de près de 20.000 ha/an ont été enregistrés au début des années 90).

37

Figure 12 : Évolution des superficies aménagées en irrigation au Maroc

Figure 13 : Évolution des superficies aménagées en grande hydraulique

38

Figure 14 : Évolution des superficies aménagées en petite et moyenne hydraulique

Cependant, le fait marquant reste le décalage structurel entre les superficies dominées par les barrages en service et celles équipées en réseaux d’irrigation. La figure 25 montre qu’à l’exception de la période 19681977 où ce décalage a été ramené à 65.327 ha, les autres périodes accusent un décalage important qui a atteint les 180.852 ha en 1977 dont 112.470 ha en grande hydraulique et 68.382 ha en petite et moyenne hydraulique (34). Le secteur de l’irrigation consomme actuellement près de 85 % du volume total des ressources en eau mobilisées ; ce chiffre a été de 92 % en 1992 et se situera autour de 80 % en 2020. Le potentiel d’économie d’eau dans ce domaine est très important eu égard aux niveaux assez faibles des efficiences des systèmes d’irrigation constatées dans les grands périmètres d’irrigation ; celles-ci se situent entre 35 à 45 % pour le mode d’irrigation gravitaire, et entre 50 à 70 % pour l’aspersion.

39

3.2.2. Eau potable Eau potable en milieu urbain Les efforts consentis dans ce secteur durant les deux dernières décennies ont permis de rattraper le retard enregistré durant les années 70 et d’assurer un développement considérable tant sur le plan organisationnel et institutionnel qu’au niveau des infrastructures, de la couverture et de la qualité de service. C’est ainsi que la production urbaine en eau potable est passée de 260 millions de m3 en 1972 à 510 millions de m3 en 1981 pour atteindre successivement 810 millions de m3 en 1992 et 840 millions de m3 en 1996. Une production multipliée par 5 entre 1972-1996 dont 60 % provient des eaux de barrages (7). Cet effort a même par périodes dépassé le rythme de la croissance démographique.On a ainsi vu un triplement de la production sur la période 1972-1992 pour une population qui a doublé à peine. Concernant le niveau de service, le taux de branchement est passé de 53 % en 1972 à 62 % en 1981 puis 79 % en 1998 pour atteindre en 2002 les 90 %(27). La population urbaine ayant l’eau potable à domicile est passée de 3 millions d’habitants en 1972 à 5,2 millions en 1981 pour atteindre 9.7 millions d’habitants en 1992 ; le reste de la population étant principalement alimenté par des bornes fontaines. Ces efforts ont permis en l’an 2000 à la totalité de la population urbaine d’accéder aux services d’eau potable (12). Il est à signaler que les réseaux d’adduction d’eau potable continuent de poser des problèmes au niveau de leur entretien avec une perte importante des eaux. Les fuites enregistrées dans ces réseaux sont estimées à plus de 35 % (24). Elles peuvent parfois avoisiner les 50 % (27).

Eau potable en milieu rural À l’inverse du secteur de l’eau potable en milieu urbain, l’eau potable en milieu rural n’a pas bénéficié du même effort. Jusqu’en 1990, 70 % de la population rurale consommait moins de 20 litres par habitant par jour (le sixième de la consommation en milieu urbain). L’approvisionnement se faisait principalement à partir des eaux souterraines (70 %) ; les eaux de surface sans traitement préalable et les eaux pluviales contribuaient successivement avec 20 % et 10 %. La qualité bactériologique des eaux constituait alors un véritable problème de santé publique. Une enquête réalisée en 1990 a permis de montrer que 30,3 % seulement de la population rurale disposaient alors de systèmes publics d’approvisionnement en eau dont : – 14.3 % étaient desservis par des équipements publics, – 16 % s’approvisionnaient à partir d’équipements collectifs (non mécanisés). Pour palier à cette situation, un Programme d’Alimentation Groupée en Eau potable en milieu Rural (PAGER) a été mis en place en 1995. Grâce aux réalisations faites en particulier dans le cadre de ce programme, le taux d’accès à l’eau potable en milieu rural a rapidement évolué pour atteindre 43 % en 2000 (23) et 50 % en 2002 (27). Le PAGER devrait permettra de porter le taux de desserte à 90 % vers l’année 2007. En 2010, plus de 31.000 localités rurales regroupant 11 millions d’habitants sont prévues d’être desservies en eau potable (Figure 15).

40

Figure 15 : Évolution du taux d’accès à l’eau potable Dans le milieu Rural (22)

3.2.3. Industrie Les activités industrielles sont concentrées principalement dans l’axe Kénitra-Casablanca qui abrite près de 50 % des établissements industriels. La consommation d’eau par ce secteur a été évaluée à 1 milliard de m3 en 1996 dont 81 % provient de la mer, 14 % des eaux superficielles et 1 % des eaux souterraines.

3.3. Évolution des bilans : Offre et Demande en eau Pour une population totale, estimée à 28.7 millions en 2000, le capital en eau par habitant par an (ressource /population) était de l’ordre de 1010 m3/hab/an : la région est alors passée à un état de stress hydrique après avoir été depuis 1955 dans un contexte hydrique excédentaire (2870 m3/hab/an en 1955). Aujourd’hui, en 2004 on est dans cette situation de stress avec 960 m3/hab/an. Cette caractérisation de l’équilibre offredemande en eau est optimiste car elle tient compte du capital global en eau du pays qui est de 29 milliards de m3 et non du potentiel mobilisable qui ne dépasse pas les 20 milliards (tableau 8). 41

Tableau 8 : Capital en eau du Maroc par habitant par an pour 1955-2025 Années

1955

2000

2004

2025

Capital en eau potentielle (m /hab/an)

2870

1010 Proche de stress

966

798 Stress

Population (millions hab)

10.1

28.7

30.0

36.3

3

Par ailleurs, cette analyse quantitative et globale, masque une variabilité inter-régionale entre les différents bassins hydrauliques. En effet la situation en l’an 2000 indiquait que le capital en eau variait de 180 m3/hab/an dans les zones sahariennes et la région du Souss-Massa à 1850 m3/hab/an dans le Loukkos et la région méditerranéenne. L’analyse détaillée des bilans hydriques par bassin versant (tableau 13) faite pour 2000 et projetée pour 2020 (17) indique que (figures 16 et 17) :

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Figure 16 : Bilan des ressources en eau par bassin en l’an 2000 (17)

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Figure 17 : Bilan des ressources en eau par bassin à l’horizon 2020 (17)

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– En 2000, des situations de déficit hydriques en eau sont rencontrées dans les bassins hydrauliques de la Moulouya (10 %), de la zone du Bouregreg (8 %),du Souss-Massa (3 %) et de la zone sud de l’Atlas (20 %) ; – La situation pourrait être plus critique pour les bassins du Souss et du Tensift si le déficit enregistré au niveau de ces bassins versants n’était pas atténué par une surexploitation des nappes du Souss-Massa et du Haouz ; – Le nombre de bassins versants déficitaires s’élargira à l’horizon 2020 pour atteindre six sur huit bassins, seuls les bassins du Sebou et du Loukkos-Tangérois continueront à être excédentaires. Il est à noter que durant les périodes de sécheresses généralisées, 1980-1985 et 1990-1995 le bilan hydrique était déficitaire dans pratiquement tous les bassins versants du pays. – Plusieurs nappes phréatiques ont été surexploitées durant ces deux dernières décennies en particulier celles du Souss, du Haouz, de la zone littorale Rabat-Safi, de Saiss... La baisse du niveau d’eau dans ces nappes a été continue depuis les années 70 et a atteint des niveaux critiques en 2001 (figure 18). Le problème de la salinisation des eaux souterraines, par intrusion marine, s’est déjà posé dans la zone côtière d’El Oualidia. Figure 18 : Évolution piézométrique des nappes de Saiss et du Haouz 1980-2001 (17)

Ainsi, l’évolution socio-économique rapide associée à la limitation des apports en eau par précipitation qu’a connu le Maroc durant ces dernières décennies ont engendré (i) une forte pression sur les ressources en eau liée à l’accroissement des besoins en eau des secteurs usagers, (ii) l’apparition de grandes disparités régionales, et (iii) des problèmes aigus de pollution de l’eau (14). Il en a résulté une forte instabilité du bilan offredemande qui a déclenché une certaine compétition pour l’eau parmi les usagers en particulier entre l’eau potable et l’agriculture. Le cas extrême de distorsions entre les besoins des villes et les ressources disponibles a été enregistré à Tanger durant la période 1991-1993 avec pour conséquences l’affectation de quartiers entiers et d’une bonne partie de la population de la ville par cette insuffisance de la ressource (24). 45

4. Planification et gestion durable des ressources en eau 4.1. Planification de la gestion de l’eau Depuis l’indépendance jusqu’aux années 70 la planification de l’eau a été faite au Maroc de façon sectorielle ou par projet (14). Durant les années 80, est apparu le besoin d’avoir une planification au niveau de la gestion de l’eau. En effet la rareté de l’eau et l’apparition d’une compétition au niveau de son utilisation ont rendu impératif la mise en place d’une planification intégrée prenant en compte les ressources et besoins en eau, les relations entre le développement et la préservation du secteur eau et le développement socioéconomique (14). Cette planification de la gestion de l’eau a permis au Maroc d’accomplir, durant ces dernières décennies, les objectifs suivants (14) : – – – – –

Généralisation de l’accès à l’eau potable des populations urbaines en 2000 et rurales en 2010 ; Irrigation d’un million d’hectares en 2000 et de l’ensemble du potentiel des terres irrigables en 2020 ; Veiller à garder une adéquation entre les besoins et les ressources disponibles ; Permettre un accès équilibré à l’eau de toutes les régions du royaume ; Adoption de dispositions administratives, législatives et économiques permettant une gestion efficace et durable des ressources en eau.

Ce processus de planification a été conduit avec l’établissement de plans directeurs à l’échelle d’un ou plusieurs bassins versants avec pour horizon de planification 2020. Ces plans régionaux ont été élaborés et mis en œuvre progressivement. Ce sont là des étapes importantes dans la perspective de l’établissement d’un plan national de l’eau. Ce Plan a pour objet l’intégration des différents plans régionaux en vue de définir une vision dynamique de la gestion intégrée des ressources en eau à long terme s’articulant autour des deux axes suivants : – l’élaboration d’une stratégie nationale basée sur la consolidation des processus mis en œuvre par la loi 10-95 sur l’eau (cf. chapitre 4.2.1 de la loi) ; – la formulation et l’adoption de plans d’actions précis et des programmes d’investissement correspondants. La planification nationale de la gestion des ressources en eau vise à mettre en cohérence les options majeurs de l’ensemble des secteurs connexes dont notamment l’eau potable, l’agriculture, l’assainissement et l’épuration des eaux usées industrielles et domestiques.

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4.2. Cadre législatif, juridique et institutionnel 4.2.1. Aspects législatifs et réglementaires Dans le cadre de la refonte de la législation nationale dans le domaine de l’eau et pour la compléter par des dispositions relatives à des domaines qu’elle ne couvrait pas auparavant et à épurer le régime juridique des ressources en eau, il a été procédé à son unification en une seule loi sur l’eau adoptée par la chambre des représentants le 15 juillet 1995. La loi sur l’eau constitue aujourd’hui la base légale de la politique de l’eau au Royaume. Elle repose sur un certain nombre de principes qui découlent de plusieurs objectifs à savoir : – la mise au point d’une planification de l’aménagement et de la répartition des ressources en eau basée sur une large concertation entre les usagers et les pouvoirs publics ; – la protection de la santé de l’homme par la réglementation de l’exploitation, de la distribution et de la vente des eaux à usage alimentaire ; – la réglementation des activités susceptibles de polluer les ressources en eau : notamment, la prévision des sanctions et la création d’une police des eaux pour réprimer toute exploitation illicite de l’eau ou tout acte susceptible d’altérer sa qualité, l’introduction des principes « préleveur-payeur » et « pollueurpayeur » ; – la répartition rationnelle des ressources en eau en période de sécheresse pour atténuer les effets de la pénurie ; – la recherche d’une plus grande valorisation agricole de l’eau grâce à l’amélioration des conditions d’aménagement et d’utilisation des eaux à usage agricole. Cette loi a introduit la notion de gestion participative, concertée et décentralisée de l’eau à travers le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat (CSEC), la création des agences de bassin et le développement de la contractualisation. Il faut toutefois reconnaître que l’application des termes de cette loi connaît encore des difficultés certaines dues principalement : – À la multiplicité des intervenants dans le domaine de l’eau et à la nouveauté du rôle attribué par la loi aux agences de bassins au niveau local : Il y a encore un manque d’appropriation des éléments de base de cette loi par les usagers et les acteurs locaux du secteur de l’eau ; – Aux niveaux très limités à ce jour des budgets dont les agences de bassin disposent pour assumer leurs missions, les redevances liées à la pollution de l’eau ne sont pas encore mises en application et celles liées aux prélèvements d’eau sont limitées. Ainsi les agences restent très liées à l’administration centrale et donc peu en mesure de jouer leur rôle régional de façon autonome et dans le cadre d’une concertation locale tel que cela est prévu par la loi. En réalité, l’impression qui se dégage est qu’au niveau de la mise en œuvre de cette loi, l’administration rencontre des réticences et freins qui l’obligent – au moins dans cette phase initiale du processus – à en limiter l’esprit de reforme. Un esprit basé sur de nouveaux modes de gestion des ressources, plus transparents, plus performants autour des principes de proximité, d’intégration et d’implication des agents économiques et usagers de l’eau. (21) 47

4.2.2. Instruments économiques et financiers Les plans successifs de développement économique et social mis en œuvre au Maroc depuis l’indépendance ont accordé une grande priorité au secteur de l’eau. Cela a donné des résultats significatifs. Toutefois, les investissements mobilisés pour le secteur de l’hydraulique sont sans mesure avec les possibilités du budget de l’État : 50 % les années 70, 30 % les années 80 et 20 % actuellement. La problématique du recouvrement du coût de l’eau brute, de la tarification des services de l’eau (eau potable, irrigation, énergie) et la contribution respective de l’État et des usagers se trouve alors posée avec grande acuité.

Eau potable Dès les années 90, des actions tarifaires ont été menées dans l’ensemble du pays en matière d’eau potable et ce avec pour objectifs de : – Permettre l’accès à l’eau potable des populations des couches sociales à revenus limités ; – Réaliser des économies d’eau en pénalisant les fortes consommations ; – Permettre aux organismes en charge de l’eau potable de disposer des ressources pour investir et développer le secteur. Le système de tarification adopté est basé sur des tarifs de vente de l’eau progressifs (14) : – La première tranche est facturée à un tarif correspondant à moins que le prix de revient ; – La deuxième tranche est facturée au prix de revient ; – La troisième tranche est surestimée. Elle permet de compenser les pertes liées à la première tranche. Avec ce système de tarification par tranches on a vu la croissance de la demande en eau potable ralentir. Ainsi le taux de croissance annuel de la demande en eau potable et industrielle a baissé de 7 % en 1983 à prés de 5 % actuellement. La consommation par abonné qui était de 440 m3/an en 1982 a baissé vers 360 m3/an durant les années 90 (23).

Irrigation Ces dernières années, une action au niveau de la tarification de l’eau d’irrigation a été lancée. Dans les 7 ORMVA pratiquant la tarification de l’eau d’irrigation (Moulouya, Loukkos, Gharb, Doukkala, Tadla, Haouz, et Souss-Massa) un plan de réajustement des redevances d’eau a été adopté en 1997. Ce plan visait à promouvoir un usage efficient, économe et productif de l’eau d’irrigation ; le réajustement tarifaire est basé sur les principes suivants (35) : – la couverture progressive des coûts récurrents du service de l’eau ; – la prise en compte de la capacité de paiement des exploitations agricoles dans la fixation des tarifs objectifs à appliquer ; – le plafonnement de l’augmentation annuelle des tarifs de l’eau à des niveaux compatibles avec les possibilités d’ajustement des exploitations agricoles, en terme de gain de productivité et d’économie d’eau. La mise en œuvre de ce plan de rattrapage a été entamée en 1997 et devait se poursuivre jusqu’ en 2003 pour les périmètres d’irrigation fortement déficitaires. Trois tranches de rattrapage tarifaire ont été effectivement mises en œuvre depuis la campagne 1997-98 ; les augmentations de tarifs ainsi appliquées ont varié de 10 % à 37 % en fonction du contexte de chaque périmètre d’irrigation. 48

Des résultats encourageants commencent à être enregistrés dans ce domaine dans bon nombre de périmètres irrigués. La loi 10-95 sur l’eau, a déjà intégré en partie ces préoccupations et introduit la mise en place de redevances liées aux principes « préleveur-payeur » et « pollueur-payeur » : Ces redevances seront utilisées pour financer les actions d’inventaire, d’évaluation, de planification, de mobilisation, de gestion de l’eau, ainsi que l’entretien courant des ouvrages hydrauliques. Cela tarde à être concrétisé et restera malgré tout insuffisant ! Globalement, le recouvrement du coût de l’eau reste faible par rapport à l’importance de développement des ressources en eau et de leur protection

4.2.3. Organisation institutionnelle La réussite de la politique nationale en matière d’eau depuis l’indépendance est très liée à son organisation et à sa planification engagées dés les années 80 avec la création d’un organe national de concertation, le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat (CSEC). Ce conseil dont les missions ont été étendues en 1998 au climat, a pour vocation de définir les orientations générales de la politique nationale de l’eau, et de rassembler les différents opérateurs et usagers de l’eau pour adopter des choix stratégiques communs dans la planification, la mobilisation, l’affectation et la protection des ressources en eau. Il a été crée pour renforcer et consolider la concertation nationale dans le domaine de l’eau. Il regroupe en son sein des représentants des administrations, des usagers de l’eau, des élus ainsi que des représentants des organismes professionnels intéressés par le développement des ressources en eau. C’est grâce à ce Conseil, à la régularité de ses travaux et leur consistance que la planification de la gestion de l’eau au Maroc est devenue réalité. Au niveau gouvernemental, la responsabilité de la conduite de la politique nationale dans le domaine de l’eau a été depuis l’indépendance donnée au Ministère des Travaux Publics et/ou de l’Équipement. La structure directement chargée de la planification, des aménagements et de la gestion de l’eau a évolué d’une division à une direction puis à une Direction Générale de l’Hydraulique. En 2002 un Secrétariat d’État chargé de l’Eau a été créé ; ce département a été rattaché au Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement avec pour objectif de donner plus de poids à l’environnement et à l’aménagement du territoire dans la politique nationale de l’eau. D’autres Départements ministériels interviennent dans le domaine de l’eau, il s’agit en particulier de l’agriculture, de l industrie, de l’intérieur (responsable de l’assainissement) ; des eaux et forêts et de l’énergie. Ces ministères agissent de façon sectorielle dans le domaine de l’eau. D’autres départements ministériels agissent de façon horizontale dans le domaine de l’eau, ce sont les ministères en charge de la santé, de l’environnement, de l’économie et des finances. Plusieurs secteurs d’activités du domaine de l’eau sont confiés à des établissements publics : les Agences de bassins sont chargés de la gestion de l’eau au niveau des bassins versants ; l’Office National de l’Eau Potable (ONEP) pour la production de l’eau potable ; l’Office National de l’Électricité (ONE) est chargé de la politique électrique du pays, neuf Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricoles (ORMVA) qui ont pour missions d’aménager, de gérer et de mettre en valeur les périmètres irrigués relevant de leurs zones d’action. Dès 1999 on a assisté à la mise en place des agences de bassin. Ces agences de bassin constituent désormais le cadre adéquat pour concrétiser la prise en charge progressive du coût de l’eau par les usagers, en partenariat entre l’administration, les collectivités locales et les usagers de l’eau en vue d’une gestion solidaire et participative de l’eau à l’échelon du bassin versant (unité hydrologique). La mise en service effective de l’Agence du Bassin de l’Oum Er Rabia a été faite en juillet 1999, puis ont suivi en 2002 les agences de Sebou, Tensift, Bouregreg, Moulouya, Loukkos et Souss-Massa.

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On voit ainsi la multitude d’intervenants dans le secteur de l’eau. Ceci donne à la gestion de ce domaine une inertie et une complexité considérables. Deux composantes de cette organisation devraient logiquement atténuer les difficultés inhérentes à cette diversité d’acteurs dont les missions parfois s’entremêlent : – Le conseil supérieur de l’eau et du climat qui définit les éléments stratégiques de la politique nationale en matière d’eau ; – Les agences de bassin au niveau de la gestion concrète des ressources en eau : leur conseil d’administration associe tous ces opérateurs ce qui devrait donner à leur action régionale une visibilité réelle. Mais, cet aspect a du mal à s’imposer à ce jour.

5. Perspectives du secteur de l’eau pour 2025 5.1. Évolution climatique probable et son impact sur les ressources en eau Les analyses faites tant au niveau international que national indiquent que le climat planétaire est entré dans une phase de son histoire liée aux gaz à effet de serre cumulés dans l’atmosphère et au réchauffement planétaire qui en résulte. Les perspectives du climat de notre région pour les 25 prochaines années devraient dépendre de cette évolution planétaire. Les modèles climatiques globaux élaborés pour prédire l’avenir climatique de la planète lié aux changements climatiques attendus ; même s’ils ne sont pas assez précis à l’échelle d’un pays ; convergent pour estimer un réchauffement probable de notre région de l’ordre de 2o a 4o durant le XXIe siècle avec en particulier de 0.6o C à 1.1 o C de réchauffement entre 2000 et 2020 selon des études réalisées pour le Maroc en 2001 et dont les résultats ont été présentés dans la communication nationale initiale du Maroc à la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (2),(3). Ces mêmes études ont donné des indications sur le devenir des précipitations au niveau du Royaume en relation avec ces changements climatiques. La tendance serait à une réduction des précipitations estimée autour de 4 % antre 2000 et 2020 (2),(3). Ces changements climatiques auraient également un impact sur la fréquence et la distribution des phénomènes climatiques extrêmes notamment ceux liés au cycle hydrologique : – Une augmentation de la fréquence et de l’intensité des orages dans le nord ; – Une augmentation de la fréquence et l’intensité des sécheresses dans le sud et à l’est du pays ; – Un dérèglement du signal saisonnier des précipitations (moins de jours de pluies et une pluie moins persistante l’hiver) ; – Une diminution de l’enneigement. Impacts possibles sur les ressources en eau renouvelables Cette évolution probable du climat de la région avec 1o C de réchauffement et 4 % de réduction des précipitations entre 2000 et 2020 aurait, si elle se produisait, un impact énorme et significatif sur le cycle de l’eau et aussi sur la demande en eau dans notre pays. – Le potentiel en eau du Maroc risque de diminuer en relation avec l’augmentation prévue des tempéra50

tures. On estime l’évaporation des eaux précipitées à plus de 80 % ce qui explique que sur les 150 milliards de m3 précipitées par an, le potentiel restant est évalué à 29 milliards. Avec des températures plus élevées on pourrait avoir une évaporation plus élevée et donc moins de potentiel en eau renouvelable. – La demande en eau risque, avec des températures plus élevées, de croître notamment en agriculture irriguée. En effet l’efficacité d’utilisation de l’eau en irrigation sera moindre par exemple. Cet aspect serait d’autant plus important que plus de 80 % des ressources en eau mobilisées sont utilisées en agriculture irriguée. Une étude, réalisée en 2001 (3), est venue confirmer une baisse moyenne à envisager au Maroc pour 2020 par rapport à 2000 des débits des eaux superficielles et souterraines. La baisse a été estimée de l’ordre de 10 à 15 %; ces chiffres sont du même ordre de grandeur que ceux avancés pour deux pays limitrophes, l’Espagne et l’Algérie.Tenant compte de cette hypothèse, c’est tout le cycle de l’eau qui risque de changer de façon significative. Le potentiel en eau renouvelable ne serait plus en 2020 de 29 milliards de m3 mais plutôt de 25.5 milliards. Au niveau des eaux mobilisables on aurait plutôt 17 milliards de m3 au lieu des 20 milliards considérés actuellement (13.6 pour les eaux de surface et 3.4 pour les eaux souterraines) (figure 19). Figure 19 : Ressources en eau du Maroc en 2020 en cas de changement climatique (3)

Par ailleurs, le dérèglement des précipitations saisonnières, prévu avec ces changements climatiques, pourrait entraîner un dérèglement des apports par ruissellements et diminuer la capacité annuelle réelle de mobilisation des ouvrages hydrauliques actuels. Si avec le même apport en précipitations, celles-ci surviennent comme le prévoient certains modèles durant une courte période de l’année (un à deux mois), la capacité actuelle des barrages risque d’être insuffisante. Le potentiel pouvant être réellement mobilisé risque alors de chuter. 51

Au niveau de la qualité des eaux, les trois principaux problèmes posés liés à la pollution organique et par métaux lourds des eaux, la salinisation des eaux et l’envasement des retenues risquent de prendre une dimension plus importante dans notre pays en cas de changement climatique : – Avec des températures de l’air plus élevées, les oueds premiers réceptacles de divers polluants dans la région verraient la température de leurs eaux augmenter et ainsi leur potentiel en oxygène diminuer (16). Ces oueds auraient ainsi une capacité d’auto-épuration affaiblie. Par ailleurs, la diminution attendue des ruissellements rendra plus faible la dilution des polluants rejetés, l’impact sur la qualité de la ressource en sera accentué ; – Avec le réchauffement et l’augmentation de l’évaporation, la salinité des eaux des nappes superficielles augmenterait. Cette salinisation des eaux serait favorisée, d’une part, par la pression forte sur les nappes due à l’augmentation envisagée de la demande en eau, d’autre part, par l’augmentation prévue du niveau des mers et l’intrusion des eaux marines pouvant en résulter ; – L’assèchement des sols pouvant résulter d’un réchauffement climatique avec de longs épisodes de sécheresses et de fortes inondations pourrait induire une plus grande exposition des sols de la région à l’érosion. Il en résulterait une augmentation de la pollution solide et de l’envasement des retenues.

5.2. Évolution possible du bilan offre-demande En 2020 le capital en eau serait de l’ordre de 720 m3/habitant /an et en cas de changement du climat de la région conformément aux prévisions, il serait même plutôt de 680m3/hab/an : proche du seuil dit de pénurie de l’eau (500 m3/habitant /an). (figure 15). Les estimations faites par la direction générale de l’hydraulique concernant les besoins en eau en 2020 sont de 15.4 milliards de m3. Ces estimations ne prennent pas en compte les possibilités de réchauffement de la région durant ces 20 années et l’accroissement des besoins en eau qui en résulterait surtout en agriculture. Une augmentation de ces besoins de 10 % (ce qui n’est pas énorme !) pour tenir compte de cet aspect amènerait les besoins vers les 17 milliards de m3. On serait ainsi en 2020 avec 17 milliards de m3 mobilisables – estimation faite tenant compte du changement prévu du climat de la région – et 17 milliards de m3 de besoins en eau. Cette situation, déjà critique, reste tributaire de la continuité de l’effort supplémentaire de mobilisation des 2.6 milliards de m3 d’eaux de surface et des 0.9 milliards de m3 d’eaux souterraines qui restent et qui nécessitent la construction de plusieurs grands barrages et petits barrages et le forage de milliers de puits entre 2000 et 2020. Il y a donc une convergence entre l’approche capital en eau, et une estimation plus détaillée pour affirmer que 2020, 2025 seraient des années où les besoins en eau au Maroc dépasseraient le potentiel en eaux mobilisables : le Maroc entamerait alors une autre étape de son histoire dans un contexte de pénurie d’eau. Notons que les hypothèses considérées ici n’ont en rien exagéré la situation probable en 2025. En effet, et à titre d’exemple, la dégradation de la qualité des ressources en eau et la diminution qui en résulterait au niveau du potentiel réel en eau mobilisé pouvant être utilisé par les usagers n’ont pas été prises en considération. De plus, il a été démontré qu’en 2020 six bassins hydrauliques sur les huit bassins existants seraient déficitaires. 35 % des populations du pays disposeraient de moins de 500 m3/hab/an et connaîtraient donc une pénurie critique de l’eau (27). Ainsi le secteur de l’eau, élément central de la politique du développement économique et social du Royaume du Maroc, connaît différentes faiblesses, qui, même sans changement climatique handicaperaient 52

l’évolution socio-économique des décennies à venir : rareté et insuffisances de la ressource par rapport à la demande ; mauvaise répartition spatio-temporelle de ces ressources ; dégradation de la qualité en relation avec l’érosion ; la pollution et la salinisation. Le changement climatique prévu et ses conséquences pourrait accentuer ces faiblesses et rendre le pays dans une situation critique si une stratégie d’adaptation au nouveau contexte climatique et socio-économique n’est pas tracée et mise en œuvre.

5.3. Besoin d’une adaptation structurelle de la politique de l’eau au nouveau contexte socio-économique et climatique du pays L’évolution probable du secteur de l’eau, à l’horizon 2025, évaluée ci-dessus, même si elle intègre de grandes incertitudes en particulier celles liées à l’évolution possible du climat, pose le problème de l’eau au Maroc à cette échéance et le besoin de définir des choix stratégiques structurels pour y faire face. Pour relever ce défi, une stratégie nationale de l’eau s’impose pour les années à venir et ce dans la continuité de la réforme du secteur de l’eau engagée en 2002 (26). Cette stratégie doit viser l’adaptation de la politique nationale de développement au nouveau contexte hydrique et socio-économique prévu. Elle pourrait s’articuler autour des axes suivants :

5.3.1. Mobilisation totale des ressources renouvelables mobilisables Il s’agit de mobiliser le reste en ressources conventionnelles (Constructions de barrages, aménagements hydrauliques..) : continuer l’effort de mobilisation, avec la construction d’une série de grands barrages durant les 20 prochaines années et la réalisation d’une moyenne annuelle de 100km de forages et de puits. L’objectif serait une mobilisation vers 2025 de plus de 17 milliards de m3. Un intérêt particulier est à accorder à la recherche des eaux souterraines pour une meilleure exploitation des nappes profondes.

5.3.2. Développement de moyens non conventionnels de mobilisation de l’eau – Valoriser les débits de crues en favorisant l’infiltration dans les nappes souterraines avec des aménagements de surface appropriés ; – Recharger les nappes d’eau dans certaines zones arides, avec la dérivation et l’épandage des eaux de crues sur de vastes étendues ; – Promouvoir et développer le recours aux ressources en eau non conventionnelles (eaux usées, eaux saumâtres, eaux marines), notamment : R La déminéralisation des eaux saumâtres et le dessalement des eaux marines en ayant recours aux énergies renouvelables serait une alternative intéressante, à moyen terme, surtout si on cherche à avoir l’appui financier de pays industrialisés dans la réalisation de tels projets par le Mécanisme de Développement Propre (Protocole de Kyoto). Le coût reste cependant élevé mais avec la rareté des eaux prévue en 2025 la situation serait toute autre !(25) ; R Le potentiel d’eaux usées pouvant être réutilisées de façon bénéfique – avec un traitement préalable – est important, en 2020 on estime ce potentiel à plus de 900 millions de m3. Ceci nécessite au préalable une action de traitement des eaux usées et une organisation des usages possibles avec une telle eau. Il est à noter qu’aujourd’hui le coût net d’épuration des eaux usées est estimé entre 2.5 et 100 DH le m3 alors que le coût de mobilisation des eaux conventionnelles est de 5 DH le m3. Si on tient compte 53

des pertes dues à la dégradation de la santé des citoyens liée à l’utilisation des eaux usées sans traitement, la différence entre ces deux coûts serait encore plus faible. La ressource en eau usée sera certainement largement compétitive les années à venir

5.3.3. Maintien des grands équilibres hydriques régionaux Il faudra veiller à planifier et réaliser des transferts d’eau entre bassins (excédentaire vers déficitaire) pour équilibrer la situation hydrique du pays.

5.3.4. Dépollution et préservation de la qualité des eaux – Arriver à épurer le plus tôt possible l’ensemble des rejets liquides et solides avant émission dans les milieux récepteurs : faire appliquer les termes de la loi de l’eau concernant cet aspect ; – Dépolluer les eaux de surface et souterraines, avec une priorité à donner aux bassins du Sebou et d’ Oum Er Rbia. Il s’agit là de la première priorité de la stratégie nationale de l’environnement. Faire appliquer les principes de base de la loi de l’eau « Pollueur-Payeur » et « Préleveur-Payeur » ; – Instaurer et promouvoir des mécanismes permettant de développer la prévention de la pollution industrielle et agricole en adoptant plus les technologies dites « propres » ; – Renforcer l’intégration du développement des ressources en eau et de l’aménagement des bassins versants pour limiter la problématique de l’érosion et ses conséquences ; – Développer un observatoire de suivi et contrôle des processus de salinisation des eaux sous irrigation et définir une stratégie adaptée à chaque situation pour atténuer ces phénomènes.

5.3.5. Maîtrise et gestion de la demande en eau – Renforcer et généraliser aux différents usagers les actions de sensibilisation et vulgarisation, de tarification, déjà initiées, en vue de juguler la croissance de la demande en eau ; – Développer des études économiques permettant de définir les choix prioritaires à faire dans le domaine de l’agriculture prenant en compte la situation véritable des ressources hydriques du pays et leurs perspectives à moyen terme. Les choix agricoles et les méthodes et techniques d’usage de l’eau dans ce secteur doivent être appropriés : R Développer davantage et généraliser les programmes visant à maîtriser la demande en eau agricole en adoptant des techniques d’irrigation économes en eau (aspersion, irrigation localisée ...) ; R Adapter les types de cultures au contexte climatique et hydrique tenant compte des vocations agricoles des sols et de la demande du marché. – Développer des mécanismes d’incitations financières et douanières visant à promouvoir les technologies d’économies d’eau particulièrement celles faisant appel aux énergies renouvelables ; – Appuyer et renforcer la mise en œuvre effective d’une gestion des eaux décentralisée au niveau des bassins versants, participative, concertée, impliquant mieux les différents usagers dans les décisions relatives à l’usage de l’eau ; – Renforcer et développer les programmes d’amélioration de l’efficience des réseaux de distribution aussi bien de l’eau potable que des systèmes d’irrigation. 54

5.3.6. Mise en place d’une organisation structurelle pour faire face aux événements extrêmes liés à l’eau – Renforcer les capacités techniques, technologiques et humaines dans le domaine de l’eau pour pouvoir faire face aux défis plus durs pouvant résulter du manque d’eau dans certaines régions du pays ; – Encourager des programmes de recherche appliquée dans tous les domaines d’usage de l’eau afin de disposer des solutions prospectives aux problèmes actuels et futurs liés aux effets des changements climatiques éventuels, la gestion de la demande en eau, l’économie d’usage de l’eau... – Consolider, optimiser et intégrer les réseaux de mesures hydro climatiques du pays pour en faire un observatoire continu de l’évolution du climat et de l’eau dans toutes les régions hydrauliques ; – Élaborer un programme d’urgence contre les événements extrêmes du type inondations, sécheresses extrêmes. Ce programme doit définir les différents volets et acteurs ainsi que les étapes de lancement du programme.

6. Conclusion et perspectives Une politique forte et soutenue a été menée dans le domaine de l’eau depuis l’indépendance. Cette politique a permis de réaliser des objectifs importants et stratégiques tant au niveau de l’eau potable que de l’agriculture. Cette politique a toutefois enregistré des retards au niveau de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural, de l’équipement de périmètres irrigués, de l’aménagement des bassins versants et de la protection et la préservation des ressources des différentes formes de pollution. Ces retards associés à l’augmentation de plus en plus élevée de la demande en eau et à l’évolution climatique que connaît la région méditerranéenne ces dernières décennies – avec des températures plus élevées, moins de précipitations et des sécheresses plus fréquentes et plus étalées – risquent de compromettre le développement socio-économique du Royaume à moyen et long termes si une nouvelle stratégie de l’eau n’est pas tracée et traduite par des plans d’action précis, réalisables et dont les résultas seraient mesurables. C’est dans ce sens qu’une première reforme au niveau des modes de gestion de l’eau optant pour une planification intégrée, décentralisée et participative a été lancée au courant des années 90 et confirmée en 2002. La mise en application de ces reformes se trouve confrontée à des difficultés qu’il est nécessaire de vaincre. Dans la perspective de préparer le Maroc de l’après 2025, période durant laquelle le pays sera en situation de pénurie d’eau et l’ensemble des ressources en eaux conventionnelles mobilisables seraient déjà mobilisées, une nouvelle vision prospective du secteur de l’eau s’impose et devrait servir de base pour alimenter les reformes nécessaires de ce secteur. Outre la poursuite des efforts entamés pour arriver à la mobilisation totale des ressources mobilisables et à le généralisation de l’accès à l’eau potable vers 2020, la vision 2025 du secteur eau pourrait s’articuler autour des axes suivants :

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6.1. Limitation et optimisation de la demande en eau – Orienter dés à présent les choix de développement économiques tant au niveau national qu’au niveau des régions vers des secteurs peu consommateurs d’eau : Éviter toute agriculture dont le rendement serait trop faible avec une eau dont le coût risque de croître fortement ; aller vers des activités agricoles peu consommatrices d’eau, s’orienter vers le tourisme avec comme facteur limitant connu l’eau ... Il sera utile de réaliser des études économiques permettant de prendre en compte le véritable coût de l’eau en vue d’évaluer réellement les secteurs ou l’handicap eau n’est pas pénalisant ; – Promouvoir les technologies permettant l’économie dans l’utilisation de l’eau en particulier en agriculture. Des incitations financières importantes et encourageantes s’imposent dans ce sens ; – Aller de plus en plus vers un prix de l’eau réel et transparent que le citoyen, le secteur privé devra assumer pour appuyer la politique de l’état en la matière ; – Renforcer les capacités nationales en matière d’économie d’eaux : aux niveaux institutionnel, réglementaire et humain (de l’expert à l’agriculteur et au citoyen consommateur de l’eau potable).

6.2. Dépollution et préservation des eaux – Veiller à épurer toutes les eaux usées avant rejet dans le milieu récepteur : l’un des outils pour atteindre cet objectif pourrait être la loi sur l’eau si elle est appliquée correctement avec son principe « pollueurpayeur » ; – Lancer des programmes intégrés de dépollution de certains bassins versants stratégiques comme le Sebou et Oum Er Rbia.

6.3. Mobilisation des eaux non conventionnelles : Politique intégrée EAU-ÉNERGIE – Définir des à présent une politique nationale intégrée eau-énergie pour pouvoir aller vers le dessalement des eaux de mer de façon organisée et planifiée : les Énergies Renouvelables devraient trouver leur place dans cette dynamique. L’expérience de la station de Tan Tan où l’éolien est utilisé comme source d’énergie est à renforcer ; – Réaliser et renforcer les projets actuels de dessalement et de déminéralisation des eaux de mer pour permettre une acquisition progressive de la technologie et préparer les champs d’eaux des décennies 2030 et 2040.

6.4. Amélioration de la connaissance du secteur de l’eau – Disposer d’une meilleure et plus précise évaluation de notre potentiel en eaux de surface et souterraine et de la partie mobilisable de ces ressources devient impératif (cycle de l’eau). Notre planification de la politique de l’eau à moyen terme est conditionnée par cette connaissance ; – Renforcer les réseaux météorologiques, hydrologiques, hydrogéologiques et du suivi de la qualité des 56

eaux pour consolider notre connaissance de ce potentiel eau, son évolution et en atténuer les impacts négatifs ; – Renforcer la capacité de l’expertise nationale dans le domaine de l’eau pour lui permettre d’accompagner le Royaume dans les nouvelles étapes attendues avec un intérêt particulier pour l’optimisation de la demande en eau, l’économie d’usage de l’eau et le dessalement des eaux de mer ; – Mettre en place une banque de données relatives à l’eau, transparente et accessible pour permettre une plus grande activité scientifique et technique et inciter des programmes finalisés de recherche autour de l’eau. Ainsi et pour aller dans le sens de cette vision eau 2025 la stratégie nationale de l’eau devrait, dés à présent, intégrer le facteur Énergie parmi les autres éléments stratégiques de cette vision ; un rapprochement entre les politiques des deux secteurs eau-énergie s’impose pour réussir le pari de développement durable du Maroc de 2025 !

Références (0) « Climat-eau, le savoir et la technologie » Ambroggi, kabbaj (1993) Académie du Royaume du Maroc 1993. (1) « L’eau et les Changements Climatiques au Maghreb » ouvrage réalisé dans le cadre du projet PNUDFEM RAB 94G31 : Ministère en charge de l’environnement-Maroc, 1998. (2) « Vulnérabilité du Maroc face aux changements climatiques » Étude réalisée dans le cadre du projet PNUD-FEM RAB94G31 : Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’environnement, 2001 (3) « Communication Nationale Initiale du Maroc à la Convention Cadre des Nations Unis sur les Changements Climatiques », Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’environnement, 2001 (4) « État de l’environnement du Maroc » ; Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’environnement, 2001 (5) « Évaluation du coût de la dégradation de l’Environnement au Maroc », Document de la banque mondiale, 2003 (6) « Un siècle d’observations météorologiques : sécheresses et gestion des eaux au Maroc », Ministère de l’agriculture, de l’équipement et de l’environnement, 1997. (7) « Les grands barrages du Royaume » ; Ministère de l’Agriculture, de l’équipement et de l’environnement – Département de l’équipement. 1998. (8) « The regional impact of climat change : An assessment of vulnerability » rapport de l’IPCC groupe II, 1997. (9) « Changements climatiques : Évolution régionale Maroc ». AGOUMI A., NAJI A., RAHIB H. Revue Marocaine de Génie Civil, no 33, Avril 1991. (10) Conseil supérieur de l’eau et du climat, 1994. (11) Conseil supérieur de l’eau et du climat, 2001 (12) Banque mondiale, World developement indicators, 2001 (13) « Changements climatiques et ressources en eau au Maroc » MOKSSIT A., BENBIBE A., OULDBBA A., BENABDELFADE A., BENSAID F. Rapport établi dans le cadre du projet PNUD/RAB 94G31, 1998 57

(14) « Développement des ressources en eau au Maroc » – JELLALI M. – Direction générale de l’hydraulique – Ministère des travaux publics, 1995 (15) « Développement des ressources en eau au Maroc ». Documents du premier forum mondial de l’eau. Direction générale de l’hydraulique – Ministère des travaux publics – MARRAKECH 1997 (16) « Variabilité climatique et ressources en eau au Maroc ». AGOUMI A – Présenté lors du colloque International « Eau : Gestion de la rareté » organisé par l’Amicale des Ingénieurs Marocains des Ponts et Chaussées, les 19 et 20 Octobre 1995. (17) « Politique et stratégies de gestion des ressources en eau au Maroc » BZIOUI M – Académie du Royaume du Maroc – session de novembre 2000. (18) « Développement des ressources en eau au Maroc » JELLALI M. Options méditerranéennes, ser A/No 31 1997 Séminaires Méditerranéens (19) « Les changements climatiques et la gestion de la sécheresse au Maroc : un siècle d’observations météorologiques » – DIOURI. A – Académie du Royaume du Maroc – session de novembre 2000. (20) « Bienfaits des barrages et développement économique et social au Maroc » – ZITOUNI. B – Académie du Royaume du Maroc – session de novembre 2000. (21) « Une bonne lecture de la loi de l’eau pour une véritable gestion de la ressource » BALAFERJ. R – Académie du Royaume du Maroc – session de novembre 2000. (22) (« Données relatives au secteur de l’eau » 2004) Communication de la part du secrétariat d’état chargé de l’eau 2004. (23) « le territoire marocain – état des lieux » Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’environnement, 2000 (24) « Plan d’action national pour l’environnement » Ministère de l’aménagement du territoire, l’urbanisme, de l’habitat et de l’environnement, 2002. (25) « Le dessalement au Maroc – Réalisations et Perspectives » Rapport établi par l’ONEP – 2004. (26) « Maroc, une politique de l’eau en constante évolution » Ministère de l’aménagement du territoire, de l’eau et de l’environnement, présentation faite lors du forum mondiale de l’eau Kyoto, 2003. (27) « Secteur de l’eau au Maroc » Rapport de l’agence Française de Développement, 2003. (28) « Drought in Morocco and its relation to El MOULARAK ». C.W. STOCKTON, A. DEBBARH, A. ALLALI. Séminaire sue l’économie de l’eau et irrigation des Agrumes, ORMVA/SM – IAV Hassan II, SASMAASPAM, Taroudant, 5 et 6 Juin 1992. (29) « La valorisation de l’eau en agriculture : au-delà du million d’hectares irrigués ». M. Yacoubi, Académie du Royaume du Maroc – session de novembre 2000. (30) « Élaboration d’une base de données des pesticides à usage agricole utilisés au Maroc ». L. Erraki, B. Ezzahiri, M. Bouhache & M. Mihi. Proceedings du 5e congrès de l’AMPP, Rabat, 30-31 mars 2004. (31) « Programme d’Action National PAN de Lutte contre la Désertification ». Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, juin 2001. (32) « L’Irrigation au Maroc » : un choix stratégique pour le développement agricole et la sécurité alimentaire, Revue thématique sur « Irrigation et Développement », Agridoc-BDPA, numéro 4, octobre 2002. (33) « Aménagement Hydro-agricole : situation actuelle et perspectives ». 7e session du Conseil Supérieur de l’Eau, Rabat, avril 1993. (34) « L’Économie d’Eau, une opportunité et un défi pour le secteur de l’irrigation », 9e session du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat, Agadir, mars 2001.

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L’ÉNERGIE : développement énergétique au Maroc depuis 1955, perspectives 2025 Introduction .............................................................................................................. 61 1. La problèmatique énergétique du maroc ........................................................ 62 1.1. Ressources nationales réduites .............................................................. 62 1.1.1. Les énergies fossiles ......................................................................... 62 1.1.2. Les énergies renouvelables ............................................................. 62 1.2. Consommation croissante ........................................................................ 62 1.2.1. La multiplication par 2,34 de la consommation globale............... 62 1.2.2. La recomposition de sa structure.................................................... 63 1.3. Balance énergétique déficitaire .............................................................. 64 1.3.1. La production nationale en hydrocarbures n’a jamais été importante..................................................................................... 64 1.3.2. La dépendance du charbon devient totale .................................... 64 1.3.3. La fourniture hydoélectrique est instable ...................................... 65 1.4. Importations et factures énergétiques en hausse ............................... 65 1.4.1. Importations de pétrole..................................................................... 65 1.4.2. Importations de charbon................................................................... 66 1.4.3. Importations d’électricité.................................................................. 66 1.4.4. Facture énergétique alourdie........................................................... 67 1.5. Poids du secteur énergétique dans l’économie nationale .................. 68 1.5.1. La contribution du secteur énergétique au PIB............................ 68 1.5.2. La contribution des recettes fiscales tirées du secteur énergétique aux finances publiques............................................... 68 2. Les étapes du développement énergétique depuis 50 ans .......................... 68 2.1. Les efforts de mise en valeur des potentialités énergétiques ............................................................................................... 68 2.1.1. Les hydrocarbures ............................................................................ 68 2.1.2. Le charbon .......................................................................................... 71 2.1.3. L’hydroélectricité ............................................................................... 71 2.1.4. Les énergies renouvelables ............................................................ 72

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2.2. Les évolutions de la politique énergétique ........................................... 72 2.2.1. Le dirigisme étatique ........................................................................ 72 2.2.2. La marocanisation contrôlée .......................................................... 73 2.2.3. La libéralisation progressive .......................................................... 73 2.2.4. Les réformes tarifaires et fiscales des produits énergétiques ..................................................................................... 74 2.2.5. La compétitivité législative : Le Code des Hydrocarbures .......................................................................... 77 2.3. Résultats de la nouvelle stratégie énergétique ................................... 78 2.3.1. Sécurité d’approvisionnement ........................................................ 78 2.3.2. Investissements et financements .................................................. 79 2.3.3. Production énergétique ................................................................... 79 2.3.4. Impact sur les consommateurs ...................................................... 79 3. Perspectives énergétiques a l’horizon 2025 .................................................. 80 3.1. Croissance inexorable de la demande énergétique ............................ 80 3.2. Scenarii sur le développement des ressources nationales ................ 80 3.2.1. Les énergies fossiles......................................................................... 80 3.2.2. Les énergies renouvelables............................................................. 81 3.3. Développement du Gaz Naturel dans la stratégie énergétique .................................................................................................. 82 3.4. Rôle de l’Etat sur la scène énergétique future ...................................... 83 3.5. Développement Humain et Energie au Maroc ...................................... 84 Conclusion et résumé ............................................................................................. 85

A. MOUNIR DEBBARH

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Introduction L’énergie est au cœur de tous les progrès et développements qu’a connus l’humanité depuis l’invention de la roue, la navigation à voile et plus proche de nous, les révolutions industrielles du charbon puis du pétrole et de l’électricité qui ont, sans conteste, modelé la civilisation du XXe siècle où l’urbanisation, les transports rapides, les télécommunications audio-visuelles, les avancées scientifiques et technologiques, constituent les piliers du formidable essor des échanges et de la richesse des nations. Cependant, si le monde n’a jamais été globalement aussi opulent, il demeure marqué par des gaspillages et des disparités qui consacrent sa division en deux blocs, composés, d’un côté, par des pays industrialisés, démographiquement minoritaires, mais développés et riches, et de l’autre côté, par les pays du tiers-monde, sous développés et pauvres. À partir des années 50, avec les luttes pour l’indépendance, et depuis les années 70, avec les travaux du Club de Rome, une prise de conscience universelle s’est opérée sur la nécessité, d’une part, de réduire les inégalités entre le Nord et le Sud, et d’autre part, d’assurer un développement durable centré sur l’homme et respectueux des équilibres écologiques et environnementaux de la planète qui, autrement, courrait vers une impasse grave la conduisant à sa perte. Pour assurer le développement durable, il est nécessaire de disposer de l’énergie commerciale et moderne, centrale dans son concept, qui doit satisfaire à trois objectifs stratégiques fondamentaux : – La disponibilité en tout temps et en tout lieu de l’énergie en quantités suffisantes, en préparant la relève à terme des énergies fossiles, épuisables et polluantes, par des énergies alternatives renouvelables et propres. – L’accessibilité généralisée à l’énergie à des prix abordables, notamment pour les 2 milliards d’habitants des pays en développement qui en sont actuellement privés, en mettant en place les énormes infrastructures nécessaires à sa mise à disposition. – L’acceptabilité sociale des formes d’énergie, en minimisant leurs impacts sur l’environnement et en maximisant leur sécurité (syndrome de Chernobyl). Cet exposé tente d’abord d’examiner les efforts déployés par le Maroc, depuis son indépendance, pour satisfaire ses besoins en énergie afin d’assurer son développement économique et social avant d’analyser la politique énergétique mise en place pour répondre à la demande énergétique présente et future d’ici l’horizon 2025. Dans ce but, Il a semblé judicieux de partir de la situation d’aujourd’hui, fruit de l’évolution passée et illustration de la problématique énergétique du Maroc et de la prendre comme base de référence pour dégager les perspectives énergétiques pour le premier quart du XXIe siècle.

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1. Problématique énergétique du Maroc Le Maroc doit relever de nombreux défis dont la forte contrainte énergétique à laquelle il est soumis et qu’il est nécessaire desserrer pour dégager une meilleure perspective à son essor économique et social. La problématique énergétique est illustrée par la situation énergétique marocaine, caractérisée actuellement par les traits suivants :

1.1. Des ressources énergétiques domestiques réduites Elles sont estimées pour :

1.1.1. Les énergies fossiles Les réserves prouvées restantes récupérables de 1550 Kilo Tonnes Équivalent Pétrole (KTep = 1000 Tep) répartis en : – Gaz naturel : 1250 KTEP ou 1,4 Milliards de m3 – Condensat : 300 KTEP – Charbon : épuisé avec le gisement de Jerrada

1.1.2. Les énergies renouvelables La production d’électricité avec une puissance installée : – en grande hydroélectricité : 1266 MW – en éolienne : 50 MW – en solaire : pas encore d’installations à l’échelle industrielle

1.2. Une consommation énergétique en constante croissance Elle s’est traduite de 1980 à 2003, par :

1.2.1. la multiplication par 2,34 de la consommation globale Passant de 4680 KTep à 10960 KTEP, accompagnant la croissance économique et démographique. Mais la consommation par habitant reste faible avec moins de 0,4 Tep par an, contre 0,6 Tep et 1,7 Tep en moyenne respectivement dans les PVD et dans le monde.

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1.2.2. La recomposition de sa structure Avec :

A. La baisse de la part des produits pétroliers de 85 % à 61 % En raison de la politique visant une meilleure sécurité d’approvisionnement par la diversification des sources d’énergie qui a atténué la dépendance excessive du pétrole. Cependant, ils ont progressé en valeur absolue, le volume de leur consommation ayant cru de 73 % (de 3860 à 6680 KTEP) pendant la période. Cette augmentation est tirée, d’une part, par le butane, avec un accroissement de +355 % (de 270 à 1226 KTEP), massivement adopté pour les usages ménagers à la place notamment du charbon de bois, et d’autre part, par le gas-oil qui croît de 1140 à 3140 KTEP, soit +175 %, en tant que carburant préféré dans les transports routiers en net développement, au détriment de l’essence ordinaire en recul continu, de 137 à 73 KTEP (i47 %) et du super en légère hausse de 234 à 312 KTEP (+ 33 %). Par contre, le fuel-oil, de premier produit pétrolier consommé dans les années 80, comme combustible principal des industries énergivores, centrales thermiques, cimenteries et sucreries, chimie, monte de 1750 KTEP en 1980 à un pic de 2089 KTEP en 1984 et se met à régresser pour se situer à 1464 KTEP en 2003 (i30 %), cédant peu à peu la place au charbon. Le pétrole lampant, utilisé surtout pour l’éclairage en milieu rural, tend à disparaître devant la butanisation et l’électrification (61900 TEP en 1983 et seulement 47 TEP en 2003).

B. La percée remarquable du charbon Sensible depuis 1985, son prix devenant compétitif par rapport au coût du pétrole brut importé. Aujourd’hui totalement approvisionné de l’extérieur après l’épuisement de la mine de Jerrada, le charbon, avec 3440 KTEP consommés en 2003, plus de 9 fois supérieur au 371 KTEP de 1980, représente 32 % de nos consommations énergétiques totales contre 17 % en 1986 (900 KTEP) quand sa consommation avait quasiment triplé par rapport à son niveau de 1980 où il ne représentait que 8 % du total consommé. Utilisé à plus de 81 % dans la production d’électricité thermique et 16 % par les cimentiers, le charbon voit le rythme de sa consommation s’accélérer depuis le second choc pétroler de 1979-1980 avec les reconversions au charbon de l’ONE, la montée en puissance des centrales au charbon de Jorf Lasfar, confiées en concession de production au groupement ABB/CMS (JLEC), dont les deux premières tranches de 330 MW chacune entrent en pleine production en 1998 et les deux dernières de même puissance en 2001.

C. L’explosion de la consommation électrique Qui passe de 4460 à 16780 GWH (+276 %) entre 1980 et 2003, soit une croissance annuelle moyenne de 7 %, due à la dynamique de développement économique et social du pays, à l’expansion rapide des villes, et à l’accélération de l’électrification rurale dont le taux s’est élevé à 62 % en 2003 alors qu’il n’était encore que de 14 % en 1990, l’objectif étant une couverture quasi-totale en 2007. De grands efforts ont été engagés pour répondre à cet important accroissement de la demande, avec des investissements de l’ordre de 6 Milliards de Dirhams par an en équipements de production, la réalisation des interconnexions avec l’Algérie et l’Espagne et l’appel aux capitaux étrangers comme à Jarf Lasfar et à Koudia Al Beida. Ce dispositif a mis fin aux délestages connus dans les années 80 et permet la fourniture de l’électricité de plusieurs sources, comme le montre les origines diversifiées de l’électricité appelée nette en 2003 qui se répartit en 81,3 % pour le thermique (dont 68,4 % par les centrales de Jorf Lasfar (JLEC)), 8,6 % pour l’hydraulique, autant pour les importations surtout d’Espagne pour compenser le déficit en hydroélectricité, 1,2 % pour l’éolien qui vient de faire son entrée en 2000 avec le parc concédé d’Abdelkhalek Torres et 0,3 % par les auto- producteurs. 63

1.3. Une balance énergétique structurellement déficitaire Avec des ressources nationales réduites dont la production est très insuffisante pour couvrir sa consommation croissante en diverses énergies, le Maroc importe aujourd’hui la quasi totalité de ses besoins en pétrole brut et en charbon, la majeure partie des GPL, butane surtout, un appoint en quelques autres produits pétroliers, comme le gas-oil, et une partie de son électricité qui peut se révéler importante dans les années de mauvaise pluviométrie. Cette dépendance de l’extérieur s’est aggravée au cours du temps, entraînée par une détérioration constante du déficit énergétique qui d’environ 73 % en 1970 grimpe à 83 % en 1980 pour se situer actuellement à 96-97 % en fonction de la pluviométrie. Ceci reflète la diminution de la contribution des ressources nationales à la satisfaction de la consommation croissante en énergie, qui passe de 30 % en 1970 à 17 % en 1980 pour chuter à moins de 5 % actuellement avec l’épuisement des gisements charbonnier et pétrolier et la modestie relative de la production hydroélectrique.

1.3.1. La production nationale en hydrocarbures n’a jamais été importante Sauf de 1955 à 1965, où elle a baissé de 15 % à 7 %, sa contribution à l’alimentation du marché pétrolier intérieur a varié entre 3 % et 2 % de 1970 à 1985 pour stagner depuis à moins de 1 %. Malgré des efforts plus ou moins intenses mais continus en recherches pétrolières, le Maroc n’a pas réalisé à ce jour de découvertes consistantes en pétrole et gaz. C’est le talon d’Achille du Maroc en matière énergétique, en considération de sa forte « pétrolisation ». Sa production modique en hydrocarbures à partir de ses réserves très limitées n’a contribué que très partiellement à sa consommation croissante en produits pétroliers, comme mis en évidence dans le tableau cidessous (en 1000 TEP) : Tableau 1 : Évolution de la production et de la consommation des produits pétroliers 1955 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2003

Production nationale

Consommation en Produits Pétroliers

Déficit %

102 126 59 73 64 79 55 25 51 57

670 1 723 2 560 2 700 3 920 4 370 4 985 6 127 6 435 6 445

85 93 98 97 98 98 99 99+ 99 99

1.3.2. La dépendance du charbon devient totale Alors que le Maroc a longtemps joui d’une autonomie relative en ce combustible avec la découverte de la mine d’anthracite de Jerrada à la fin des années 20. Même si elle n’a pas été aussi importante que prévue, quelque 100 millions de tonnes, elle a répondu à une partie importante des besoins en charbon du pays jusque dans les années 80 quand de quasi autosuffisant il est passé progressivement à la dépendance totale comme illustré par les chiffres ci-dessous (1000 Tonnes) 64

Tableau 2 : Évolution de la production et de la consommation du charbon

1955 1965 1970 1980 1990 2000 2003

Charbon local

Consommation de charbon

P/C en %

467 000 636 000 657 000 628 600 518 000 28 570 0

500 000 546 400 537 000 662 500 1 987 500 4 584 000 6 141 000

93 116 122 95 26 0.6 0.0

1.3.3. La fourniture hydroélectrique est instable Un effort considérable a été consenti pour mobiliser cette ressource nationale renouvelable. La puissance installée a quasiment quadruplé entre 1956 et 2003, passant de 317 MW à 1266 MW bien que sa part par rapport au thermique ait baissé considérablement entre les deux dates de 80 % à 28 %. Mais les productions hydroélectriques sont erratiques et semblent être plus en fonction des conditions climatiques que de la puissance installée. Pendant les 8 années, 1956-1963, à bonne pluviométrie, la production hydroélectrique cumulée a été de 7440 GWH avec une puissance installée moyenne de 320 MW. En comparaison, la période 1981-1988, où cette capacité s’est accrue de +90 % à 609 MW, la production cumulée a baissé de 30 % (5230 GWH), en raison de la sècheresse sévère qui y a sévi. Dans tous les cas de figures, la contribution de l’électricité d’origine hydraulique à la consommation énergétique totale restera désormais inscrite dans des proportions modestes, comme le démontre son évolution depuis l’indépendance : Tableau 3 : Évolution de la part de l’énergie hydro-électrique 1956

1961

1970

1980

1990

2000

2003

21 %

18.5 %

15 %

7.6 %

5%

2%

3.4 %

Les interconnections avec les réseaux électriques de l’Algérie et, plus récemment, de l’Espagne permettent au Maroc de compenser la variabilité incontrôlable de la production hydroélectrique et de réguler son offre électrique pour mieux répondre à la demande tout en profitant des échanges avantageux que ces liaisons permettent.

1.4. Importations et facture énergétiques en hausse Le creusement du déficit de la balance énergétique, faute de ressources nationales adéquates pour faire face à la croissance de la demande, entraîne des importations de plus en plus importantes, notamment en produits pétroliers et en charbon, alourdissant d’autant la facture énergétique..

1.4.1. Importations de pétrole Le Maroc a toujours été importateur de pétrole en quantités croissantes, et ceci bien avant son indépendance, d’abord sous forme de produits finis qui ont été remplacés progressivement par le brut au fur et à mesure de la construction et du développement des capacités de l’outil national de raffinage composé de deux raffineries, celle l’ex-SCP de Sidi Kacem dont la capacité annuelle de traitement est passée de 120 KT 65

en 1951 à 1500 KT aujourd’hui, et celle de la SAMIR à Mohammadia, en service depuis 1962, qui, conçue au départ pour traiter annuellement 1250 KT de brut, en met en œuvre actuellement plus de 7000 KT. En 1955, Le Maroc consommait 670000 T de produits pétroliers finis satisfaits à hauteur de 14 % par la raffinerie de Sidi Kacem (92000 T) à partir du brut national et à 86 % par des importations (578000 T). Dix ans plus tard, en 1965, la tendance s’est inversée pour se perpétuer jusqu’à nos jours, les importations croissantes de brut se substituant à celles des produits finis importés en quantités réduites, sauf pour le butane, pour compléter la production des deux raffineries qui, par ailleurs, exportent leurs excédents, notamment le naphta. Ce que montre le tableau suivant qui décrit l’évolution des importations de pétrole brut, la production des raffineries et la consommation en produits pétroliers (en 1000 TEP) : Tableau 4 : Évolution des importations de brut et de la capacité de raffinage

1955 1965 1970 1980 1990 2000

Importations de brut

Production des raffineries

Consommations en Produits Pétroliers

40 995 1 504 4 200 5 681 6 696

92 1 037 1 172 4 048 5 339 6 450

670 1 025 1 464 3 866 4 985 6 435

1.4.2. Importations de charbon La mine d’anthracite de Jerrada a longtemps assuré au Maroc une autonomie relative en ce combustible. La production n’a été que de quelque 5500 tonnes (T) en 1931 (avec 150 000 T importées). Suite aux efforts successifs de mécanisation réalisés, la production s’élève à 467000 T en 1955, atteint un maximum de 837500 T en 1984 pour entamer son déclin. Malgré les travaux importants effectués dans la mine pour augmenter sa production, et ses réserves, il est apparu qu’elle avait atteint ses limites. Le Maroc, d’exportateur net depuis les années 60, est devenu importateur net de volumes croissants de charbon pour satisfaire notamment la production grandissante d’électricité thermique qui, avec la hausse des cours du pétrole, revient au charbon au détriment du fioul. C’est ainsi que nos importations en charbon, limitées au début des années 80, 36220 T en 1982, dérapent depuis lors et connaissent une progression plus qu’exponentielle. Elles quadruplent en 1983 à 152272 T, pour être multipliées par 10 et par 20 respectivement en 1985 (385000 T) et 1986 (767270 T). En 1990 le million de tonnes est dépassé pour grimper à 1680 KT en 1994, le double en 1998 (3350 KT) et plus du triple en 2001 (5300 KT) pour se stabiliser pour le moment à ce niveau.

1.4.3. Importations d’électricité En raison de son suréquipement en hydroélectricité, le Maroc, depuis 1956 a été souvent exportateur d’électricité sur l’Algérie jusqu’en 1974 quand les échanges se sont arrêtés, le maximum ayant été de 148 GWH en 1968. En 1988 la liaison avec l’Algérie reprend, et l’ONE, à cause de la baisse notamment de la production hydroélectrique due à la sécheresse, fait appel au réseau algérien pour des quantités relativement importantes, allant jusqu’à un maximum de 1027 GWH en 1993. Mais depuis 1997, l’Espagne est son principal fournisseur, avec des achats supérieurs à 1200 GWH à partir de 1999 allant jusqu à 2268 GWH en 2000, et avec l’amélioration de la pluviométrie, tombent à 1355 GWH en 2002 pour remonter légèrement à un peu plus de 1438 GWH en 2003. 66

1.4.4. facture énergétique alourdie L’importance de la facture énergétique du Maroc non producteur de pétrole et où les produits pétroliers sont dominants dans sa consommation énergétique, dépend essentiellement des cours du brut qu’il importe en totalité. Les bas prix du pétrole qui ont prévalu jusqu’en 1972 ont permis au Maroc de s’approvisionner en brut sans grande pression sur ses finances extérieures. C’est ainsi que la facture pétrolière est passé de 64 à 114 millions de Dirhams (MM DH) entre 1963 et 1970 pour des volumes de brut importé respectivement de 865 KT et 1504 KT, le prix moyen pondéré sur la période s’établissant en Dirham courant à environ 75 DH/ tonne équivalent à 2 /baril. Les achats en produits énergétiques, rapportés aux importations et aux exportations totales du pays n’ont pas dépassé 7 % entre 1970 et 1973, et ont absorbé de 25 % à 33 % des recettes d’exportations de phosphate. Le premier choc pétrolier de 1973 se produit quand l’OPEP décide d’augmenter les prix du brut pour les porter à 12  le baril, le quadruple du niveau moyen de 3  pratiqué jusqu’à lors. Le montant de la facture pétrolière quadruple aussi en une année, passant de 257,5 MM DH en 1973 à 1067 MM DH en 1974, pour désormais absorber une part croissante de nos exportations totales, bondissant de 6,8 % en 1973 à 14,3 % en 1974 pour dépasser les 20 % en 1976 et se trouver à plus de 26 % en 1978. L’indexation éphémère des prix à l’export des phosphates sur ceux du pétrole a permis entre 1974 et 1975 de couvrir la totalité de nos achats en énergie avec un peu plus de 26 et 30 % de nos recettes de phosphates, mais cette tentative ayant échoué, ce taux de couverture grimpe à 56 % dés 1976 pour atteindre 81,5 % en1978. Le second choc pétrolier de 1979-1980 frappe de plein fouet le Maroc, quand les prix du brut flambent à 35-40 /baril au lendemain de la révolution iranienne et du déclenchement de la guerre Irak-Iran qui font peser une menace de pénurie pétrolière. La facture énergétique va absorber 36,3 % de nos exportations totales en 1979 équivalent à 112 % de nos recettes de phosphate exporté. Ces pourcentages montent à 41 % et 113 % respectivement en 1980 pour arriver à 50 % et 115 % en 1981 quand sa valeur va dépasser les 6 Milliards de Dirhams et atteindre plus de 10 Md DH en 1985, soit respectivement 6 et 10 fois son montant de 1974 (1067 MM DH) qui avait déjà plus que doublé en 1979 (2770 MM DH). Entre 1980 et 1985 il a fallu consacrer l’équivalent de 6 à 9 % de notre PIB à la facture pétrolière. Le contre choc de 1986 dû à la pléthore d’offre pétrolière, suite principalement aux découvertes de la Mer du Nord et à la politique de reconquête des parts de marché par les pays de l’OPEP. En février 1986, les cours du brut chutent à 10 $/baril pour remonter et fluctuer entre 15 et 22 $ jusqu’au milieu de 1999, à l’exception d’une flambée éphémère à 35 $ en août 1991, au moment de l’invasion du Koweit par l’Irak. Bien que nos importations de pétrole et de charbon continuent à augmenter, cette détente durable du marché pétrolier soulage considérablement notre facture énergétique qui va baisser à 4 % du PIB durant toute cette période et absorber en moyenne 20 % de nos exportations totales, le prix CIF moyen étant de 17.75 $/baril. La hausse des prix du brut reprend à la fin de1999 et semble inaugurer un cycle haussier durable des cours du pétrole, si la reprise économique mondiale se confirme comme il est le cas aux USA et en Asie, et surtout en Chine dont l’économie croît à plus de 7 % par an. Le prix CIF moyen du baril importé au Maroc monte de 17 $ en 1999 à 27.25 en 2000, et nos importations énergétiques ont représenté 18 % des importations totales et ont été couverts par 28 % des exportations. Les 2004-2005 connaissent une nouvelle flambée des prix du brut, dépassant le seuil historique de 70 $. Des projections plus pessimistes envisagent le maintien de cette tendance haussière. La facture pétrolière nationale a augmenté de ... % en 2004 et de ... % estimée pour 2005, soit ... MDhs 67

1.5. Poids du secteur énergétique dans l’économie nationale 1.5.1. La contribution du secteur énergétique au PIB S’est élevée de 3 % entre 1980 et 1994 à 8 % actuellement. Sa valeur ajoutée directe a cru de moins de 3000 MM DH en 1980 à plus de 28000 MM DH courants aujourd’hui, constituée essentiellement par l’électricité (57 %) et le raffinage (43 %) sans compter celle des activités induites. Avec des investissements annuels de 6 Milliards DH en moyenne et plus de 40 000 emplois permanents, il se place au premier rang du secteur industriel.

1.5.2. La contribution des recettes fiscales tirées du secteur énergétique aux finances publiques Est appréciable. De 1980 à 1985, les prix intérieurs des produits pétroliers relativement stables, permettent des entrées fiscales de quelque 3 à 4 Milliards DH, soit 5 à 6 % des recettes fiscales de l’État. Le régime de prélèvement pétrolier instauré de 1986 à 1994, en imposant les produits pétroliers sur la base d’un cours fictif de 30 $/baril au lieu des 15-17$ réels, rapporte au Budget, entre 1990 et 1995, 7 à 11 Milliards Dh en taxes sur l’énergie, soit 9 à 14 % des recettes fiscales totales. Les réaménagements introduits en 1995 dans les systèmes de fixation des prix et de taxation des produits énergétiques, permettent une stabilisation des recettes fiscales, les prix de reprise en raffinerie étant indexés sur les cotations de Rotterdam. Cette réforme a permis de prélever en 2000 plus de 13000 MM DH de TIC et de TVA sur les produits pétroliers, portant à 17 % leur part dans les prélèvements fiscaux totaux de l’État, ceci malgré la suspension du système d’indexation depuis août 1999 en ne répercutant pas la hausse des cours du brut sur les prix intérieurs. À fin 2001, ce blocage a occasionné un manque à gagner de plus de 7 Milliards de dirhams dont 4,3 compensés par le Budget Général pour ne pas compromettre la compétitivité de notre économie.

2. Les étapes du développement énergétique depuis 50 ans Le Maroc conscient de l’importance cruciale de l’énergie pour son développement économique et social a depuis toujours déployé de grands efforts pour développer son potentiel énergétique. Malheureusement, les résultats n’ont pas été jusqu’à maintenant à la hauteur de ses espérances, du moins dans les domaines pétrolier et charbonnier. Cette partie de l’exposé va passer en revue l’évolution des moyens et des politiques mis en œuvre pour développer le secteur énergétique marocain.

2.1. Les efforts de mise en valeur des potentialités énergétiques 2.1.1. Les hydrocarbures À l’indépendance, le Maroc confirme sa volonté de rechercher l’autonomie même relative en ressources pétrolières. À cet effet, Il dispose déjà de deux principaux instruments nationaux qui vont dominer l’activité 68

de recherche pétrolière, le BRPM, entreprise publique créée en 1928 et la SCP à capitaux privés en 1929, jusqu’à la relève du premier par l’ONAREP en 1981 et la fusion du second avec la SAMIR après leur privatisation en 1997 par cession au groupe saoudien, Coral.

Période 1957-1980 En 1958, avec la promulgation du premier code des hydrocarbures plus moderne, la relance de l’exploration est immédiate aussi bien par les sociétés nationales que par la quinzaine de compagnies étrangères de différentes nationalités qui affluent au Maroc, parmi lesquelles on trouve Agip, Erap, Esso, Pétrofina-Apex, Preussag, Candel & Allen, SNPA, Tosco, Burmah et d’autres. La recherche s’élargit à de nouveaux bassins terrestres, Tarfaya, Essaouira, Souss, Doukkala, Hauts Plateaux, et pour la première fois à l’offshore au large de Tarfaya, Agadir, Essaouira, Larache. Plus de 200 forages sont effectués dont 15 en offshore et le reste en onshore avec 110 dans le GharbPrérif et 51 à Essaouira. En mer, seul Esso, après 8 forages au large de Tarfaya découvre au puits MO-2 une petite accumulation de pétrole lourd inexploitable. À terre les découvertes sont mineures, les réserves récupérables étant estimées pour le bassin d’Essaouira, à 910.000 tonnes d’huile à Sidi Ghalem et 800.000.000 m3 de gaz à Jeer et Kechoula pour la SCP, 200.000.000 m3 de gaz associé à 100.000 tonnes de condensat à Toukimt pour le BRPM, et 700 millions de m3 de gaz notamment pour APEX dans le Gharb. Les résultats demeurent très insuffisants comme au temps du protectorat.

Période 1981-2003 L’ONAREP est créé en novembre 1981 par transfert de l’activité pétrolière du BRPM pour redynamiser la recherche pétrolière essoufflée par les déceptions passées. Cette décision intervient en plein deuxième choc pétrolier dans un contexte favorable où les compagnies pétrolières internationales, devant des cours pétroliers en hausse, entreprennent l’exploration pétrolière hors des pays OPEP et intensifient les recherches sur la pyrolyse des schistes bitumineux de par le Monde. De 1981 à 1985, l’ONAREP concentre ses efforts d’une part, sur l’appréciation et le développement rapide de la découverte de Meskala faite par le BRPM en 1980 et dont les experts de la Banque Mondiale estiment les réserves à des centaines de millions de TEP de gaz et de condensat, et d’autre part, sur l’accélération de la mise en valeur des roches bitumineuses de Timahdite. Des moyens financiers importants sont engagés dont deux prêts de 75 et 20 Millions US$ de la BIRD en plus des dotations budgétaires de l’État. Parallèlement, il s’attèle à attirer les compagnies pétrolières internationales dans l’exploration au Maroc. L’ONAREP réalise 10 forages à Meskala dont seulement 4 sont positifs avec des réserves récupérables limitées à 1 Milliard de m3 de gaz associés à 200.000 Tonnes de condensat. Il continue par ses propres moyens l’exploration dans d’autres bassins où 12770 Km de sismique sont acquis et 43 forages exécutés qui aboutissent à des découvertes insignifiantes de moins de 50 millions m3 de gaz associé à 4500 de tonnes de condensat dans la région d’Essaouira. Plusieurs accords pétroliers sont signés avec des compagnies d’envergure mondiale, comme ARCO, AMOCO, MOBIL, ESSO, ELF AQUITAINE, qui acquièrent 20 420 Km de lignes sismiques notamment dans l’offshore (18010 Km) et forent sans résultat appréciable 20 puits dont 13 à terre et 7 en mer. Au niveau des schistes bitumineux, l’usine pilote construite à Timahdite par ONAREP montre la non fiabilité du procédé marocain de pyrolyseT3. Shell, après d’importants travaux et études technico-économiques sur les schistes bitumineux de Tarfaya dont le potentiel est estimé à 4 milliards de tonnes de pétrole, conclut à la non rentabilité du projet à moins de 40-50 $/baril et abandonne ses recherches après avoir dépensé quelque 20 Millions $. De 1986 à 1996, les compagnies pétrolières durement affectées par la chute durable des prix du pétrole 69

quittent le Maroc où leurs travaux ont été vains. La promulgation en 1992 d’une nouvelle loi pétrolière plus avantageuse produit très peu d’impact. L’ONAREP avec des ressources financières propres insignifiantes et des dotations budgétaires très limitées consacrées au remboursement des prêts de la Banque Mondiale, réduit drastiquement son activité d’exploration et procède à sa restructuration qui entraîne le départ volontaire indemnisé d’un millier de ses agents. Peu de travaux sont entrepris, totalisant 23 forages dont 21 à terre et uniquement 2 en offshore. Quelques petites découvertes sont cependant réalisées avec la SCP, 60 000 tonnes de pétrole à Sidi Ghalem et 400 Millions de m3 de gaz dans le Gharb qui en remédiant à la déplétion des gisements d’APEX permettent de reprendre les livraisons à la CMCP arrêtées en 1991 faute de production suffisante. Malgré les espoirs déçus, l’ONAREP maintient sa stratégie de promotion du potentiel pétrolier des bassins sédimentaires marocains auprès de l’industrie pétrolière internationale. À partir de 1997 avec une accélération depuis 2000, à la suite des amendements très incitatifs apportés à la loi pétrolière d’avril 1992, les activités de recherche pétrolière au Maroc connaissent une relance sans précédent, portée par une conjoncture internationale en général et pétrolière en particulier favorable, marquée par le redressent des cours du brut et la reprise des investissements d’exploration des compagnies pétrolières encouragées par leur succès en offshore et notamment en mer profonde où d’importantes découvertes ont été réalisées dans les Golfes du Mexique et de Guinée, en Angola, au Brésil et en Nouvelle Écosse. Le Maroc bénéficie de ce renouveau avec l’afflux de plusieurs sociétés pétrolières qui signent avec L’ONAREP plusieurs accords portant notamment sur les zones maritimes profondes où les études préliminaires montrent des similitudes et des analogies avec les régions précitées. Actuellement, 17 sociétés pétrolières opèrent sur notre territoire aussi bien à terre qu’en mer, comprenant des firmes de différentes tailles allant des majors comme Shell et Total, aux grands indépendants comme Eni, Repsol, Kerr McGee, Maersk, les grandes sociétés nationales internationalisées comme Petronas et Norsk Hydro jusqu’aux compagnies émergentes de moindre dimension mais très dynamiques comme Vanco, Energy Africa, Maghreb Petroleum Exploration, Cabre et d’autres. Nos partenaires ont acquis plus de 60 000 Km de sismique 2D dont 95 % en mer où pour la première fois au Maroc de la sismique 3D a été tirée couvrant plus de 11000 Km2. Les résultats prometteurs de ces travaux qui ont permis d’identifier plusieurs prospects, ont encouragé certains de nos associés à réaliser des forages offshore qui ont commencé en mai 2004. Le premier a été achevé par Vanco en juin sur le permis Cap Draa Offshore et ses résultats vont être analysés et appréciés. Deux autres sont en cours d’exécution par Shell sur les permis Rimella et Ras Tafelney. D’autres partenaires s’apprêtent à effectuer ultérieurement d’autres forages dès qu’ils auront terminé l’interprétation de leurs travaux géologiques et géophysiques. Auparavant, 7 forages terrestres ont été exécutés, aboutissant pour Cabre dans le Gharb à des découvertes évaluées à environ 50 millions de m3 de gaz et pour l’ex Lone Star, devenu depuis MPE, à la mise à jour d’accumulations de gaz et de pétrole à Talsinnt avec des réserves qui restent à prouver par des forages d’appréciation pour en confirmer la consistance. En résumé, les efforts déployés jusqu’à maintenant demeurent très insuffisants et les bassins sédimentaires marocains sous explorés avec une densité de forage de moins de 4 forages par 1000 Km2 contre une moyenne mondiale de 80 forages par 100 Km2. Ce qui explique les résultas modestes obtenus avec des découvertes cumulées de moins de 3 Millions de tonnes d’huiles et 3,5 Milliards de m3 de gaz. De plus, les recherches, concentrées sur des zones limitées et des objectifs géologiques superficiels, ont été menées avec des moyens techniques inadéquats pour les approfondir et prospecter plus avant les formations plus prometteuses du Trias, du Jurassique, du crétacé et du Paléozoïque. Dans l’offshore atlantique dont les bassins sédimentaires couvrent plus de 350 000 km2, seulement 30 forages ont été exécutés en eau peu pro70

fonde et concentrés sur la zone Agadir-Tarfaya avec un certain nombre arrêté sur instrumentation. En Méditerranée, seuls deux forages ont été effectués au large de Nador. Il faut espérer que les hautes technologies utilisées actuellement, sismique 3D, modélisation des bassins, observations et cartographies par satellites, vont permettre de mettre en valeur nos richesses réelles en hydrocarbures.

2.1.2. Le charbon Avec les mêmes motivations que pour le pétrole, le protectorat cherche à développer l’activité charbonnière au Maroc pour approvisionner, d’une part, la métropole qui ne dispose pas de grandes réserves houillères comme l’Angleterre ou l’Allemagne, et d’autre part, le développement industriel impulsé par les sociétés françaises installées au Maroc. Le BRPM créé en décembre 1929, avait aussi pour objectif de développer le gisement d’anthracite découvert en 1927 à Jerrada. En décembre 1946 il participe à la constitution de la société Charbonnages NordAfricains, dotée d’importants moyens financiers pour équiper et exploiter à grande échelle la mine. Après l’indépendance, à part Jerrada, qui est d’ailleurs exploitée jusqu’en 1970 à moins de 500.000 tonnes, alors qu’équipée depuis 1953 pour une capacité de 700.000 tonnes, les efforts de recherche ne donnent lieu à aucune nouvelle découverte. La concurrence de l’hydroélectricité en développement et du fuel-oil, dont l’utilisation augmente dans les centrales thermiques, freine la production de Jerrada. Il faut attendre la politique plus volontariste des années 70 et la mise en service de la centrale thermique de Jerrada en 1971-1972 qui absorbe 95 % du charbon extrait, pour que la production de la mine dépasse les 700.000 tonnes et atteigne un maximum de 835.000 tonnes en 1984. Malgré les transformations et travaux d’approfondissement réalisés, l’objectif du million de tonnes ne sera jamais réalisé. L’augmentation des coûts et des difficultés d’exploitation, les réserves limitées en déclin et la vente du charbon sous le prix de revient, mettent les CDM dans une situation financière intenable qui a entraîné sa fermeture en 2000.

2.1.3. L’hydroélectricité En 1955, le Maroc dispose de 12 barrages construits sous le protectorat, dont l’important complexe de Bin EL Ouidane-Afourer, qui produisent 770 GWH d’hydroélectricité, représentant plus de 85 % de l’énergie électrique totale produite de 910 GWH, la part du thermique étant de15 %. En terme de puissance, les parts sont respectivement de 76 % pour hydraulique (316,7 MW) et 24 % pour le thermique (98,5 MW). Pendant la période 1960-1972, le rythme d’équipement en barrages est ralenti et seulement deux centrales sont mises en service, Mohamed V et Bouareg, portant la puissance hydroélectrique globale à 362,5 MW. La part de l’hydroélectrique commence à diminuer par rapport celle du thermique (310,5 MW) avec respectivement en 1972 54 % et 46 % de la puissance totale installée. Au plan de la production, la contribution de l’hydroélectricité baisse de 92 % en 1960 à 69 % en 1972 pour une production totale d’électricité qui a plus que doublée entre les deux dates en passant de 1012 GWH à 2311 GWH. De 1972 à 2003, douze nouveaux ouvrages hydroélectriques ont été mis en production, totalisant une puissance de 965 MW s’étalant de 6,4 à 247,5 MW et dont les plus importants sont les usines d’Al Massira (128 MW), Allal El Fassi (240 MW), Al Wahda (247,5 MW) et Ahmed Al Hansali (92 MW). À l’achèvement des travaux lancés en 2001 de la Station de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) d’Afourer de 450 MW, le Maroc disposera d’une puissance totale installée en hydroélectricité de 1715 MW, soit 54 % de la puissance thermique totale installée en 2003 (3189 MW). Le renversement de la situation en faveur définitivement du thermique s’est accentué, la longueur du 71

temps de maturation des projets hydroélectriques ne permettant pas de suivre le rythme de progression élevée de la demande électrique. À partir de 1973, la capacité des groupes thermiques dépasse celle de l’hydraulique, d’abord par recours au fuel-oil et aux turbine à gaz pour assurer la pointe, puis avec les chocs pétroliers et la hausse des prix du pétrole, par le basculement au charbon importé qui se substitue au fuel comme combustible dans les deux dernières tranches de Mohammadia (300 MW) mis en service en 19841985 et dans les quatre centrales de Jorf Lasfar (330 MW chacune) en production depuis 1994 pour les deux premières et 2001 pour les deux autres.

2.1.4. Les énergies renouvelables L’option de développer les énergies renouvelables ne s’est confirmée qu’avec le second choc pétrolier pour atténuer la dépendance accrue des sources extérieures d’approvisionnement en énergies fossiles, notamment le pétrole et le charbon. Le Centre de Développement des Énergies Renouvelables (CDER) a été créé en 1982 avec une mission plus d’études et de promotion que de réalisation de projets qui est laissée à l’initiative des entreprises privées et /ou publiques spécialisées. Les énergies renouvelables qui semblent actuellement avoir le plus haut potentiel de développement sont l’éolien qui selon les sites recensés pourrait produire 6000 MW et le solaire dont le rayonnement est estimé à 5 KWH/m2 /jour. Les réalisations les plus remarquées mais à une échelle encore limitée concernent : – La mise en service du parc éolien de Abdekalek Torres de 53 MW. – Les systèmes éoliens isolés de Moulay Bouzerktoune et Sidi Kaouki près d’Essaouira totalisant 65 KW. – Le début d’électrification par kits solaires de 7000 foyers à Taroudant et par kits photovoltaïques de 32 000 foyers dans les régions du Centre et du Nord. La puissance installée actuellement, estimée à 6 MW, sert aux besoins électriques de 2000 foyers, au pompage d’eau potable et aux télécommunications des sites isolés. Les projets planifiés produiront dans le moyen terme un plus grand apport avec l’implantation des parcs éoliens de Tanger et Tarfaya totalisant 200 MW et la réalisation de la centrale thermo-solaire de 180 MW à Ain Béni Mtar qui fonctionnera au gaz pour 2/3 et l’énergie solaire pour 1/3. Les actions de promotion de la commercialisation du matériel par les micro entreprises dites MaisonsÉnergie et de l’utilisation des chauffe-eau solaires (PROMASOL) dans le secteur immobilier pourrait jouer un rôle non négligeable dans le développement du solaire.

2.2. Les évolutions de la politique énergétique 2.2.1. Le dirigisme étatique Jusqu’à la vague des privatisations commencée en 1994, et à l’instar de la plupart des pays, l’activité énergétique au Maroc a relevé, avec certaine nuance, du monopole d’État. Dans l’électricité, l’Office National d’Électricité (ONE), institué le 5 août 1963 comme entreprise publique, a l’exclusivité des activités électriques au-dessus de 10 MW. À ce titre, il reprend le service public concédé jusqu’alors à la société Énergie Électrique du Maroc créée en 1923, la gestion de la distribution déléguée à la Société Chérifienne de l’Énergie et la régie de Tanger, Electras Marroquis, qui lui cède sa centrale en 1968. 72

L’ONE contrôle toute la filière électrique, depuis la production, le transport et la distribution sauf pour la basse tension qui est pour la plupart gérée par des régies municipales. Dans le raffinage, la SAMIR, dont le capital est détenu à sa création en 1959 à 50 % par l’ENI à égalité avec l’État, passe complètement sous le contrôle de ce dernier en 1973 avec la marocanisation. La SCP considérée comme privée, malgré son caractère mixte, était de fait une filiale du BRPM puis de l’ONAREP. À la veille de sa privatisation en1997, l’ONAREP et le Trésor détenaient 73,88 % de son capital, Elf 20,48 % et le reste par le public. Pour le charbon, les Charbonnages Nord-Africains (CNA) de société d’économie mixte dont les actions sont détenues à sa création en 1946 à 33 % par le BRPM, l’État français et des intérêts privés, passe progressivement après l’indépendance sous le contrôle de l’État marocain qui en détiendra 98 % du capital en 1972 à travers le BRPM, après le rachat de la part des sociétés françaises et belges, le Trésor français lui ayant cédé sa participation de 15 % dès 1957. Dans les activités pétrolières amont, Le BRPM avec le code pétrolier de 1958 et après lui l’ONAREP, à travers leurs participations obligatoires dans les permis de recherches et les concessions d’exploitation, contrôlent l’exploration et la production des hydrocarbures, par ailleurs largement ouvertes à travers les associations, aux tiers qui remplissent les conditions de capacités techniques et financières.

2.2.2. La marocanisation contrôlée La Société Nationale des Produits Pétroliers (SNPP) est constituée en 1974 dans le cadre de la marocanisation pour prendre et gérer les participations étatiques de 50 % dans le capital des sociétés pétrolières étrangères de distribution des hydrocarbures quasi entièrement dominée par elles et qui leur procurait de grands profits. L’État complète ainsi son contrôle sur les activités pétrolières amont et aval. Les transactions aboutissent avec toutes les sociétés dont la plupart garde leur appellation sauf BP et AGIP qui fusionnent pour devenir CMH et Esso qui prend le nom de PETROM après avoir cédé la totalité de ces parts à la SNPP qui en revend 49 % au consortium maroco-koweitien, CMKD. En fait, à la différence des autres entreprises publiques du secteur énergétique qui contrôlent l’ensemble des activités relevant de leur responsabilité, la SNPP ne dispose que d’une partie de la distribution où subsiste un large pan privé, les 9 sociétés de son groupe où 50 % sont détenus par des parties étrangères et les 12 sociétés marocaines du secteur. Bien que cette atomisation du marché ne permette pas d’appliquer plus efficacement la politique gouvernementale dans l’aval pétrolier, la SNPP exerce son pouvoir indirectement par le poids de son groupe, par ses opérations d’importations et d’exportations, de reprise en raffinerie et en centre emplisseur ainsi que de distribution en gros des produits pétroliers et des GPL. Elle supervise le développement du stockage et de sa répartition à travers le pays, en créant en 1977 la Compagnie d’Entreposage Communautaire (CEC) pour gérer les stocks de sécurité à travers la construction de plusieurs dépôts qui seront de véritables pools de stockage pour l’ensemble des sociétés avec des gains d’échelle et de réduction des coûts d’exploitation. Le transport collectif des produits est organisé à terre et une société de cabotage Pétrocab est crée par Mobil et Shell, deux sociétés du groupe. La SNPP assure aussi une fonction importante de gestion, statistiques de consommation et de ventes, plans d’investissement, politique des implantations des stations services.

2.2.3. La libéralisation progressive Depuis les années 90 le Maroc est engagée dans une nouvelle ère de démocratisation politique et de libéralisation économique comme choix stratégique pour s’intégrer dans la mondialisation. Des réformes ont été 73

engagées par le Maroc dans le but de favoriser les investissements privés, ouvrir les marchés à la compétition, libéraliser progressivement les différents secteurs pour améliorer leur efficacité et leur compétitivité. Ces options sont illustrées par le transfert de plusieurs services et sociétés publiques au capital privé et le secteur de l’énergie a joué un rôle majeur dans ce processus de privatisation et de libéralisation. C’est ainsi que sont intervenues : – La privatisation des sociétés de distribution des produits pétroliers en 1994 avec la rétrocession par la SNPP de ses parts aux sociétés de son groupe et celle des sociétés de raffinage SAMIR et SCP en 1997 au groupe saoudien Coral qui les a fusionnées en 1999. – La perte du monopole de production électrique par l’ONE par le décret-loi du 23 septembre 1994 permettant au secteur privé de devenir producteur sous un régime de concession à long terme imposant au concessionnaire la capacité, le mode de fonctionnement et le combustible avec garantie de fourniture exclusive à l’ONE de l’électricité produite pendant la durée du contrat. Cette réforme reste limitée, l’ONE gardant la main mise sur la commercialisation et le transport de l’électricité. Les premières applications de cette politique ont commencé avec les concessions des centrales de Jorf Lasfar à ABB/CMS (JLEC), du parc éolien de Abdelkalek Torres à la Compagnie Eolienne du Détroit. Il en est de même pour la future centrale à cycle combiné de Tahaddart, première filiale de l’ONE en partenariat avec Endesa et Siemens, et qui constitue le premier jalon du développement du gaz dans notre pays en utilisant en nature la royaltie reçue par le Maroc sur le passage du gaz algérien livré à l’Espagne à travers le Gazoduc Maghreb-Europe mis en service en 1996 et exploité aussi par une société concessionnaire, Metragas. – Le système de concession est aussi appliqué par la délégation de la distribution de l’électricité et de l’eau à des opérateurs privés. Les premières expériences ont démarré à Casablanca avec Lydec, à Rabat avec Rédal ainsi qu’à Tanger et Tétouan avec Amendis. – Et Tétouan avec Vivendi. – Pour l’instant, l’amont pétrolier n’est pas touché explicitement. Mais les amendements de mars 2000 apportés à la loi sur la recherche pétrolière d’avril 1992, en stipulant que la participation de l’État est au maximum de 25 %, n’exclue pas le principe que celle-ci soit nulle et que des entreprises puissent dans ce cas agir seules, l’État ne remplissant alors, en tant que partenaire, qu’un simple rôle de contrôle. Ces réformes n’ont concerné que les acteurs tout en introduisant des aménagements sur la fixation des prix et les dispositions fiscales relatives aux produits pétroliers, étape de transition vers la libéralisation complète de leur marché prévue en 2009. En fait, à partir de juillet 2002, la protection accordée au raffinage depuis sa privatisation pour lui permettre de se mettre à niveau est en train de prendre fin progressivement avec le début du démantèlement douanier dont les droits vont baisser de 2,5 % par an sur les sept prochaines années quand les raffineries seront en concurrence directe avec les importations de produits pétroliers qui seront entièrement libérées.

2.2.4. Les réformes tarifaires et fiscales des produits énergétiques Un des instruments déterminants pour influencer l’orientation de la structure de consommation des produits énergétiques réside dans la politique tarifaire et fiscale qui leur est appliquée.

A. Les prix à la consommation des produits pétroliers Les prix payés par les consommateurs sont fixés administrativement et comprennent les éléments fondamentaux suivants dont les modes de calcul vont varier avec les différentes réformes : 74

– Les prix de reprise auxquels les raffineurs vendent leurs produits – Les taxes et les montants de compensation prélevés par l’État – La compensation Les prix de reprise Jusqu’en 1972, les prix de reprise se réfèrent à des prix d’importation fictifs CIF des produits finis CaraïbeMaroc auxquels sont ajoutés les droits de douane avec un mécanisme compensatoire pour éviter une grande fluctuation des prix. Ces prix calculés à partir d’un marché non représentatif et n’intégrant pas les coûts réels du raffinage seront abandonnés. De 1973 à 1994, les prix de reprise sont liés aux prix de revient des raffineries déduits de leurs comptes d’exploitation en leur laissant une marge pour rémunérer leur « capital raffinage » de 10 % pour la SCP et de 8 % pour la SAMIR. En fait, c’est le prix du Fuel no 2, produit le plus consommé à l’époque, qui sert de référence en le multipliant par des coefficients spécifiques pour déterminer celui de chacun des autres produits raffinés. À la fin de chaque exercice des régularisations sont faites avec la Caisse de Compensation sur la base des comptes d’exploitation réels. Ce système rigide a permis aux raffineries de survivre aux chocs pétroliers, mais ne permet pas d’instaurer la vérité des prix, les raffineries travaillant pratiquement en régies, n’encourage pas les importations et cause des frais financiers aux raffineries par les retards d’ajustement des prix. De plus, Il a été pratiquement délaissé a partir de 1986, quand le Gouvernement avait décidé de taxer en amont le pétrole brut sur la base d’un cours théorique de 30 $ par baril pour tirer profit de la chute des prix du pétrole. Le 1er janvier 1995, un nouveau système entre en vigueur, les prix étant indexés sur les cotations des produits pétroliers de Rotterdam en vue de la libéralisation progressive de l’économie et du secteur énergétique. Le calcul des prix de reprise est resté à peu près le même sauf que le pétrole brut ne subit plus aucune taxe à l’importation, alors que les droits de douane sont maintenus sur les produits finis importés pour assurer provisoirement une protection du raffinage national afin de le préparer à l’ouverture totale du marché en 2009. La marge de raffinage est ramenée à 6,5 % et certains frais ne sont plus intégrés. Le plus important dans cette réforme est la répercussion sur le consommateur des fluctuations du marché international pour toute hausse ou baisse qui dépasse 2,5 % introduisant ainsi une automaticité de variation des prix de vente. Toutefois, ce système est suspendu depuis août 1999 pour atténuer les effets de la flambée des cours du baril, la Caisse de Compensation couvrant la différence entre les prix intérieurs bloqués et les prix réels que l’indexation aurait exigés. De même les importations de produits sont ouvertes à tous les acteurs dans les conditions de protection précitées sauf pour les huiles de base, le bitume, la paraffine et le propane qui sont libérés complètement. La fiscalité sur les produits pétroliers Avant janvier 1995 tous les produits pétroliers, y compris le brut, subissent les droits de douane, le PFI et les taxes comprenant la TVA et la TIC calculée de manière arbitraire et discriminatoire sur les volumes. Si le PFI et la TVA sont uniformes 15 % et 7 % respectivement, les droits de douane s’étalent de 2,5 % sur le brut, à 12,5 % sur la paraffine, à 17 % sur le propane et le butane pour monter à 35 % sur les autres produits. Le brut depuis 1986 supportait un excédent pétrolier avec une TIC de 500 DH/T et une multiplication par 6 des droits de douane et de PFI. Depuis la réforme de janvier 1995, le pétrole brut ne subit plus aucune taxe, les droits de douane ont été réduits sur les produits pétroliers pour s’établir à 2,5 % sur le propane et le butane, 12,5 % sur les autres produits pétroliers sauf le carburéacteur qui en est exonéré, le PIF restant à son niveau antérieur. Pour compenser les pertes de recettes que ces baisses allaient causer à l’État, le principal de la taxation est reporté sur la 75

TIC qui est désormais calculée sur le pouvoir calorifique de chaque produit à raison de 0,04 Dh la thermie. Sauf pour le propane et le butane qui restent à 46 DH/T, les quotités de la TIC subissent des augmentations substantielles sur tous les autres produits en étant multipliées pratiquement par trois pour le Super (130,38 à 376,4 DH/HL), l’ordinaire (126,7 à 357,2 DH/HL) et le Gasoil (64,05 à 220DH/HL pour croître à 254,2 DH le 01/ 07/96 et être ramené à 242,2 DH le31/O7/96 après les grèves des routiers). Quant au fuel sa quotité est multipliée par plus de 26 fois pour monter de 16,5 DH/T en 1994 à 435,9 DH/T en janvier 1995 pour plafonner actuellement à 386,7 DH/T ; cependant sa fiscalité est harmonisée avec celle du charbon qui est désormais soumis à la TIC dont il était exonéré (101,2 DH/T le 01/01/95 et 179,4 DH/T le 01/07/96) avec un alignement de son PFI à 15 % au lieu de 12,5 % auparavant et une augmentation de sa TVA de 19 % à 20 % en juillet 1996. Comme antérieurement, les carburants subissent un prélèvement, selon un système de péréquation, destiné à subventionner le butane. La différenciation de taxation entre les produits pétroliers engendre une différence de prix allant du simple au double. En 2001 les prélèvements fiscaux y compris pour la compensation ont représenté plus de 50 % du prix de vente public des essences et du gasoil. Le Super et le gasoil destinés aux provinces sahariennes, le gasoil pour la pêche et le transport maritime, ne subissant aucune taxation. Le fuel destiné principalement aux industries et à la production électrique est taxé à hauteur de 27 %, cette charge est tombée à 19 % depuis la décision de baisser la TIC sur ce produit pour la production de l’électricité de puissance. Le lampant, destiné essentiellement au monde rural, n’est pas assujetti à la TIC mais contribue au prélèvement pour subvention du butane. La fiscalité sur ce produit représente 43 % de son prix de vente, alors que son prix de reprise est proche de ceux des essences et du gasoil. Le butane en raison de son caractère social est moins taxé, la fiscalité ne représente que 7 % et 9 % du prix de vente respectivement pour les bouteilles de 12 Kg et de 3 Kg. De plus, la part de compensation représente 50 % de son prix de vente au détail. Les distorsions introduites au niveau de la fiscalité influencent largement la structure de consommation des produits pétroliers, le gasoil 36 % moins cher que les essences est le carburant préféré du parc automobile, malgré un différentiel de seulement 7 % du prix sortie raffinerie. De même, elles encouragent des fraudes et des détournements au niveau du marché national, comme le mélange du lampant au gasoil et la réintroduction clandestine des produits exonérés dans les marchés taxés. La compensation Jusqu’en 1994, la Caisse de compensation intervenait par ses subventions ou prélèvements au niveau du raffinage et de la distribution, les prix étant administrés à la production et à la consommation. Suite à la réforme tarifaire de 1995, l’intervention de la Caisse s’est limitée à la distribution du butane, sauf depuis le blocage de l’indexation des prix en juillet 2001. Les prélèvements sur les carburants pour subventionner le butane a mobilisé en 2000 près de 180 millions de dirhams par mois. À signaler que pendant la période 1986-1994, la Caisse de Compensation réalisait des excédents financiers versés au Trésor qui, depuis la flambée des prix mondiaux, a été sollicité pour un montant de plus de 4 milliards de dirhams entre 1999 et 2001. Cette réforme tarifaire et fiscale prépare la libéralisation totale prévue en 2009 en visant les objectifs suivants : – assurer l’approvisionnement en produits pétroliers dans les meilleures conditions de prix et de sécurité ; – améliorer les performances et la productivité des raffineries en leur permettant ainsi qu’aux importateurs et distributeurs de saisir les opportunités du marché international pour importer les produits pétroliers quand les prix le justifient ; 76

– stabiliser la charge fiscale sur les produits énergétiques et instaurer une équité entre différents combustibles en harmonisant les taxes qu’ils supportent ; – inciter la mise en place de l’environnement nécessaire pour encourager l’investissement privé dans le secteur ; – donner des signaux économiques tant aux producteurs qu’aux consommateurs pour orienter leurs choix sur les produits ; – automatiser le système de tarification sans procédures administratives compliquées permettant aux opérateurs d’accélérer et d’adapter leur décision aux nouvelles tendances du marché pour choisir les techniques et les investissements en conséquence.

B. La tarification de l’électricité Les tarifs de l’électricité sont administrés et dépendent de la tension utilisée, de la quantité consommée et de la période de consommation. En janvier 1996, une réforme tarifaire a porté à la fois sur la structure et les niveaux des tarifs avec l’introduction du barème tri-horaire pour inciter les industriels à consommer en heures creuses en contrepartie d’une réduction des prix. Ces tarifs sont présentés comme suit (THT : Très Haute Tension, HT : Haute Tension, MT : Moyenne Tension) : Tableau 5 : Tarification modulée de l’électricité Niveau de tension

Prime fixe Dh/KVA/An

Heures de pointe Dh/KWH

Heures pleines Dh/KWH

Heures creuses Dh/KWH

THT et HT

280

0,9769

0,7179

0,4820

MT

291

1,0614

0,7216

0,4844

La tarification de la basse tension destinée au résidentiel et au tertiaire est basé sur les tranches de consommations mensuelles pour inciter à l’économie d’énergie. Ainsi le tarif du KWH varie de 0,8420 DH, 0,9055 DH, 0,9851 DH respectivement pour les consommations mensuelles de 0-100 KWH, 101-200 KWH, 201-500 KWh et 1,3464 DH au delà de 500 KWH. La production de l’électricité bénéficie depuis octobre 2000 d’une réduction de plus de 50 % sur la TIC des combustibles utilisés. Cette mesure, conjuguée aux améliorations du marché électrique, notamment les concessions et les interconnexions, a permis des baisses de tarifs en 2000 de 17 % et 10 % pour l’électricité à usage industriel et agricole respectivement, le cumul des réductions depuis 1997 atteignant 28 %. Autant de mesures qui renforcent la compétitivité de notre économie.

2.2.5. La compétitivité législative : le Code des Hydrocarbures Pour monter comment les réformes législatives et réglementaires peuvent améliorer la compétitivité du Maroc dans plusieurs secteurs, le Code des hydrocarbures à travers ses refontes successives va servir d’exemple. Comme déjà montré plus haut, à chaque amélioration et simplification de la législation sur la recherche et l’exploitation des hydrocarbures, le Maroc a pu attirer un grand nombre de compagnies pétrolières, notamment après la loi de 1958 et les amendements de mars 2000 apportés à celle promulguée en 1992. Le Code de 1958 avait l’avantage de mettre un terme au vide législatif qui existait en le détachant du code minier. Il est bâti sur les principes appliqués dans les pays producteurs et le nouveau partage « fifty/fifty » de 77

la rente pétrolière introduit par le Président Mattei de l’ENI italienne avec le paiement d’une royalty allant de 12,5 % à 20 % déductible ou non de la base de calcul de l’impôt sur le bénéfice. Les frais d’exploration sont pris en charge par le partenaire. Le BRPM en rembourse la moitié s’il y a découvertes commerciales dans le cadre des contrats d’association, ou pas du tout s’il s’agit d’accords de concession. Dans les deux cas, les dépenses de développent et d’exploitation et les bénéfices nets sont partagés à 50/50. Il a permis de relancer l’exploration pétrolière dans notre pays avant de s’essouffler au début des années 70 en raison des résultats décevants des recherches. Une analyse sérieuse aurait montré qu’il fallait l’amender pour l’adapter aux conditions difficiles du Maroc non producteur et où le risque géologique élevé demandait des avantages plus substantiels pour le balancer. Des modifications dans ce sens auraient sans doute pu faire revenir les opérateurs étrangers au moment des chocs pétroliers où les prix élevés du pétrole les auraient convaincus des possibilités de haute rentabilité en cas de découverte. Un projet de nouvelle loi avait été proposé effectivement au début des années 80, mais le manque de réactivité diligente de l’administration avait retardé sa sortie jusqu’en 1992 dans la période où les prix du brut sont restés bas après le contre choc pétrolier et décourageait l’exploration dans le monde entier. C’est ce qui explique que la Loi 21-90 d’avril 1992, malgré les encouragements incitatifs qu’elle offrait mais qui restaient somme toute limités à des exonérations de royalties sur les premières productions de pétrole et de gaz extraites des découvertes réalisées dans les dix ans suivant sa promulgation, à l’exemption des équipements et consommables des droits de douane et de la TVA, n’a pas eu les résultats escomptés en intervenant trop tard et dans un Contexte moins favorable, d’autant que de plusieurs pays producteurs, comme l’ex URSS et l’Algérie, jusque là fermés aux sollicitations des compagnies pétrolières, leur avaient ouvert leurs portes. L’observation plus attentive de la scène pétrolière internationale a permis de saisir plus rapidement la nécessité de réviser la loi pétrolière pour la rendre encore plus avantageuse pour les sociétés pétrolières qui étaient assidûment contactées par les campagnes de promotion fréquentes que l’ONAREP organisait. D’importantes modifications apportées au Codes des hydrocarbures d’avril 1992 sont promulguées en mars 2000. Tenant compte de la réalité du Maroc, non producteur de pétrole, les principaux amendements concernent la baisse de la participation de l’État à 25 % maximum au lieu de 50 % maximum, l’exonération du paiement de l’Impôt sur les Sociétés pendant les 10 années qui suivent la mise en production de toute découverte, l’introduction d’une Provision de Reconstitution des Gisements (PRG) déductible de l’assiette de l’IS avec obligation de la réinvestir, de la possibilité pour un concessionnaire de consolider ses comptes. Les royalties sont devenues à taux fixes et tiennent compte des difficultés de recherches. Ainsi elles sont de 10 % pour le pétrole et 5 % pour le gaz pour les zones terrestres et maritimes à moins de 200 mètres de profondeur d’eau, abaissées respectivement à 7 et 3,5 % pour l’offshore au delà de 200 mètres de profondeur d’eau. Du coup le Maroc est classé parmi les cinq meilleures lois pétrolières en remontant de la 156 ème place que lui attribuait le ranking des experts pétroliers. Ce qui a permis la relance de l’exploration comme mentionnée plus haut.

2.3. Résultats de la nouvelle stratégie énergétique 2.3.1. En sécurité d’approvisionnement La diversification des sources d’énergie et leur libéralisation ont permis de disperser le risque de rupture d’approvisionnement ou d’indisponibilité momentanés. Ainsi les interconnexions électriques suppléent aux baisses de production nationale et notamment hydroélectrique tout en permettant des échanges fructueux avec les autres pays. La constitution des stocks de sécurité et l’anticipation des mesures d’ouverture du mar78

ché pétrolier ont permis de remédier à l’immobilisation de la raffinerie de Mohammedia suite à l’incendie qui l’a ravagée en novembre 2002. Les importations de charbon permettent d’atténuer la dépendance du pétrole plus soumis aux fluctuations géopolitiques et des prix et d’arbitrer entre ses utilisations et celles du fuel selon les opportunités.

2.3.2. Au niveau des investissements et des financements Avec la stabilité politique et sociale et la clarification de l’option libérale de l’économie, le Maroc jouit de la confiance des investisseurs et des institutions financières internationales qui permet une plus grande célérité dans les réalisations des projets tout en allégeant le recours à l’endettement coûteux du passé. Ainsi, l’introduction du système des concessions dans la production électrique et sa distribution a permis de reporter sur les capitaux des groupes étrangers les investissements nécessaires pour la construction des nouvelles centrales de Jorf Lasfar et l’assainissement des réseaux de distribution d’eau et d’électricité dans les villes où la gestion déléguée a été appliquée. Ceci sans compter les transferts technologiques et de savoir-faire que ces partenariats apportent.

2.3.3. Sur le plan de la production énergétique Il est indéniable que l’ouverture accentuée sur l’extérieur a accéléré le développement de la production électrique et a contribué à mieux suivre l’accroissement rapide de plus de 6 % de la demande électrique. Les statistiques citées plus haut ont montré comment l’édification et la mise en production des deux dernières tranches thermiques de le JLEC ont permis en un temps assez court d’installer une puissance supplémentaire de 660 MW à laquelle viendra s’ajouter début 2005 les 380 MW du premier cycle combiné au gaz de Tahaddart. De même, le premier parc éolien de Tétouan en concession introduit l’utilisation de cette énergie renouvelable qui est à ses débuts.

2.3.4. L’impact sur les consommateurs N’est pas encore visible en termes de prix des produits énergétiques qui sont encore administrés en attendant leur libéralisation totale. Mais néanmoins, le blocage depuis août 1999 du régime d’indexation des prix des produits pétroliers a permis de ne pas répercuter sur le consommateur le renchérissement du cours mondial du pétrole et la baisse progressive de 28 % des tarifs de l’électricité pour les industriels tend à croître leur compétitivité. Le système de financement judicieux de l’électrification rurale en ne faisant subir au client qu’une part réduite de la charge d’installation est une subvention déguisée au tarif électrique dans le monde rural qui a permis son électrification accélérée. C’est une pratique courante admise même dans les économies les plus libérales pour favoriser l’introduction ou orienter la préférence d’une énergie. En fait, toutes ses mesures tendent à montrer que le libre fonctionnement des lois du marché ne peut pas s’appliquer dans le domaine stratégique de l’énergie et que l’intervention dosée des pouvoirs publics est nécessaire pour le réguler.

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3. Perspectives énergétiques à l’horizon 2025 Cette partie de l’exposé sera construite sur des hypothèses les plus objectives possibles, tenant compte du développement économique du Maroc qui appellera des besoins énergétiques croissants.

3.1. La croissance inexorable de la demande énergétique À l’instar de tous les pays, le progrès économique et social ainsi que l’augmentation de la population du Maroc induiront inéluctablement la croissance de sa demande en énergie commerciale. Il faut espérer et croire que les options adoptées par le Maroc dans le cadre de la mondialisation vont opérer un véritable décollage économique avec une croissance annuelle moyenne de 6 % pendant le premier quart de ce siècle entraînant une élévation substantielle et progressive du revenu moyen par habitant de 1200  aujourd’hui à 2500-3000  à l’horizon 2025. Ce qui impliquera une amélioration de la consommation énergétique moyenne par individu qui sera prise comme base synthétique pour évaluer les besoins en énergie à cet horizon. En 2003, la consommation totale en énergie commerciale est proche de 11000 KTep pour une population d’environ 30 Millions d’habitants, soit une moyenne par marocain de 0,37 Tep. En 2012 et 2025, le Maroc compterait respectivement 38 et 47 millions Individus. Dans une première hypothèse (H1), qui suppose une progression annuelle constante de 5 % de la consommation énergétique totale, la demande s’élèverait pour ces deux années à 17000 et 32000 KTep soit 0,45 et 0,7 TEP/habitant. Malgré ces améliorations, la consommation par tête n’est guère plus élevée en 2025 que celle enregistrée aujourd’hui pour les pays en développement. Dans la seconde hypothèse (H2), on conçoit que la modernisation exigera un meilleur confort énergétique portant ces taux à 0,7 et 1 Tep aux horizons considérés pour accroître la consommation totale à 27000 et 47000 Ktep. Ces niveaux peuvent constituer des fourchettes pour projeter la contribution des différentes énergies primaires commerciales dans la balance énergétique future. Il est admis que le développement de l’industrialisation et des transports, notamment dans les PVD, requerra encore une consommation importante de pétrole qui restera une énergie dominante d’ici le milieu du siècle en l’absence d’énergies alternatives dans ses usages spécifiques. En raison du progrès technique qui permet un meilleur rendement énergétique et les substitutions par d’autres énergies, on peut tabler sur la baisse de la part des produits pétroliers dans la consommation énergétique totale du Maroc pour se situer à 55 % en 2012 et 50 % en 2025, cas PTS, au lieu des 60 % actuellement. Au cas où une politique conséquente de maîtrise de l’énergie est appliquée pour économiser du pétrole, un gain de 5 points pourrait être réalisé sur ces taux qui seraient alors de 50 % et 45 % respectivement, Cas ME.

3.2. Scenarii sur le développement des ressources nationales 3.2.1. Les énergies fossiles Pour les hydrocarbures la période actuelle d’exploration est cruciale. Car en effet, c’est du succès ou non des campagnes de forage en cours ou à exécuter dans les cinq prochaines années, notamment dans l’offshore profond, que dépendra, et pour longtemps, l’avenir pétrolier du Maroc. Si des découvertes de pétrole sont réalisées pour disons réduire de moitié la dépendance du Maroc des 80

produits pétroliers, cela signifie qu’elles devraient produire 4250 KTEP en 2012 et 7200 KTEP en 2025 KTEP en prenant l’hypothèse la plus basse (H1+ME), ou 6750 et 10500 KTEP, avec l’hypothèse confort moyen (H2+ME). C’est à dire que les importations seraient stabilisées à leurs niveaux d’évolution depuis les années 80 à aujourd’hui. Il est évident, que l’allègement ou l’alourdissement plus ou moins important de la facture pétrolière sera fonction de la dimension de ces découvertes, des cours du pétrole et du niveau de consommation atteint. La probabilité que de grandes quantités d’hydrocarbures soient mises à jour en onshore est très réduite sur la foi des résultats obtenus jusqu’à maintenant et de la géologie très complexe de nos bassins. De même, il n’est pas envisagé que du brut puisse être produit des schistes bitumineux d’ici 2025. Si c’est du gaz naturel qui est rencontré, il faudra attendre 10 ans et davantage pour qu’il soit commercialisé, c’est à dire pas avant 2015, ses projets ayant un délai de maturation plus long que ceux du pétrole. D’ici là son utilisation dans la production électrique et d’autres industries n’est possible qu’à travers son importation sous sa forme gazeuse ou liquéfiée (GNL). Les projets d’électricité en cours de réalisation dans le cycle combiné de Tahaddart-1 et du thermo-solaire de Aïn Beni Mtar vont brûler du gaz provenant du Gazoduc Maghreb Europe (GME) et vont absorber 810 millions de m3 de gaz. Supposant que d’autres projets du même ordre soient mis en service d’ici 2012, la contribution du gaz importé (1330 Ktep) à la consommation énergétique totale serait alors de 8 % ou 5 % selon les hypothèses envisagées. Si tous les projets identifiés actuellement sont réalisés vers 2015, hydrocracking et production d’ammoniac compris, le volume total de gaz consommé atteindrait 3 milliards de m3 (2125 Ktep), ces taux resteraient du même ordre en 2025. À moins que des découvertes majeures ou qu’une coopération régionale plus large puissent permettre un emploi plus massif du gaz pour accroître ces proportions par exemple à 20 % ou 25 % et plus, comme dans l’Union Européenne. Au quel cas, il remplacerait plus significativement le pétrole et/ou le charbon. Pour le charbon, il ne semble pas y avoir de chance de voir ressurgir une production locale, tous les besoins devant être couverts par des importations comme actuellement. Malgré les traitements pour le rendre plus propre, le charbon, qui reste le combustible le plus polluant, verrait sa part diminuer à 25 % puis à 20 %.

3.2.2. Les énergies renouvelables En grande hydroélectricité, le potentiel étant en saturation, une puissance additionnelle de 500 MW à installer par moitié, constituerait un bon pronostique, et porterait la puissance totale hydroélectrique installée à 2000 MW d’ici 2012 et 2250 MW en 2025, soit, l’aléa pluviométrique mis à part, une productibilité totale de 6840 et 7700 GWH, sa part dans la consommation énergétique totale serait de10 % et 6 % dans le cas H1, ou 7 % et 4 % dans le cas H2. L’énergie éolienne est techniquement la plus au point pour produire un impact effectif sur la balance énergétique. Le triplement à chaque période des projets réalisés (53 MW) ou prévus (200 MW) actuellement porterait les puissances installées d’ici 2012 et 2025 à 800 MW et 1600 MW, soit 5 % et 3 % de la demande énergétique totale pour les deux horizons quelle que soit l’hypothèse retenue. Le solaire, selon toutes les projections de l’industrie énergétique, ne connaîtra pas de saut technologique très sensible avant 2050 quand les réserves d’hydrocarbures auraient été ou seraient proches de l’épuisement. Il continuera donc d’ici 2025, au même titre que les autres énergies renouvelables, biomasse, micro et mini-hydraulique, de jouer un rôle d’appoint dans certains usages, chauffage d’eau, pompage d’eau potable et fourniture d’électricité décentralisés dans les zones rurales isolées. Multiplier par 10 en 2012 et par 20 en 2025 l’apport solaire actuel de 6 MW serait un scénario plutôt optimiste que conservatoire. Vu le caractère dispersé de leurs utilisations, ces énergies ne seront pas comptabilisées dans la balance énergétique. 81

Il apparaît ainsi que le développement prévu ici pour les énergies renouvelables, ne sera pas en mesure de faire la soudure avec les énergies fossiles. L’écart atteindrait alors, dans l’hypothèse H2 et économie de pétrole, 8 % en 2012 et 23 % en 2025. Sa couverture appellerait davantage le recours aux énergies fossiles, vraisemblablement du gaz dont la part dans la consommation énergétique totale serait de 13 % et 28 % respectivement à ces deux dates. Ce qui est plus en ligne avec le réalisme admis en général sur l’équilibrage du rôle respectif des différentes énergies à ces horizons.

3.3. Développement du gaz dans la stratégie énergétique Dans sa stratégie de diversification énergétique, pour assurer une plus grande sécurité de son approvisionnement et atténuer sa dépendance du pétrole, tout en diminuant la pollution atmosphérique que cause le pétrole et le charbon, le Maroc préconise de développer l’utilisation du gaz, d’abord dans la production de l’électricité, pour l’étendre, au fur à mesure, à des usages industriels, puis ultérieurement aux secteurs tertiaire et résidentiel. L’introduction du gaz, comme évoqué plus haut, se fera, dans une première phase, par des branchements courts sur le Gazoduc Maghreb Europe pour produire de l’électricité dans le cycle combiné de Tahaddart-1, dont la mise en service est prévue pour début 2005, et dans la centrale thermo-solaire de Aïn Beni Mathar, à réaliser d’ici 2007. La royaltie de passage perçue en nature du GME avec une capacité portée à 12 milliards m3 à fin 2004, suffira pour ces deux projets qui consommeront environ 800 millions m3. Un second Tahaddart portera ce volume à près de 1,4 milliards m3, le payage ne suffirait plus pour le couvrir même avec le doublement de capacité du GME. Le Maroc devra acheter le complément à l’Algérie dans le cadre de son droit de réservation de capacité de 14 % maximum, royaltie comprise. L’installation d’hydrocraking dans la raffinerie de la SAMIR à Mohammedia demandera 800 millions m3 de gaz qui sera acheminé par une conduite de 50 Km jusqu’au pipeline existant Sidi Kacem-Mohammedia, saturant pratiquement le volume total de gaz auquel le Maroc a accès à partir du GME doublé (16 milliards m3 ×14 % = 2,24 milliards m3). Tout autre développement du gaz exige des découvertes majeures ou bien des importations. Dans la première éventualité on peut imaginer, à partir de 2015, une utilisation très large du gaz dans les industries y compris pétrochimiques à créer, dans le tertiaire et le résidentiel. Autrement, il n’est raisonnablement concevable que dans les zones de concentration industrielle le long de la côte atlantique de Kénitra à Jorf Lasfar où le volume critique de gaz nécessaire pour assurer la rentabilisation des installations coûteuses pourrait être atteint. Ce qui implique, soit la pose de nouveaux gazoducs pour importer du gaz d’Algérie, soit l’édification de stations de regazification de gaz naturel liquéfié (GNL) importé par méthaniers. Quel que soit le cas, de tels projets requièrent d’importantes infrastructures exigeant des investissements très lourds et une gestion efficace du marché du gaz au niveau aussi bien de son organisation que de la tarification. Dans ce but, il devient urgent que le gouvernement donne une plus grande visibilité aux acteurs gaziers futurs en promulguant le projet de Code Gazier en préparation depuis longtemps en y associant au préalable toutes les parties intéressées pour éventuellement y apporter les modifications pertinentes nécessaires. La version actuelle, assez libérale dans sa conception, tente de répondre à certaines questions importantes, comme l’octroi de concessions de longue durée aux investisseurs dans la construction des réseaux de transport et de distribution, le principe de formation des prix incluant une marge pour rémunérer les concessionnaires, l’instauration d’une autorité indépendante de régulation qui veillera à la transparence des opérations, à la bonne application des règles établies ainsi qu’à l’équité des prix facturés aux consommateurs. Il faudra aussi trancher le problème de l’approvisionnement où il semble judicieux, du moins dans un pre82

mier temps, de créer une Centrale d’Achats sous forme de GIE réunissant les utilisateurs et qui, centralisant leurs demandes, aura un meilleur pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Il sera aussi impératif d’établir les règles et mesures de sécurité à respecter, d’intégrer la politique du gaz dans le plan d’aménagement du territoire et les schémas directeurs d’urbanisme en prévision de l’arrivée du gaz de ville qui remplacera le butane dans nombre de ses usages etc. La réflexion devra aussi porter sur la libéralisation plus large du marché du gaz, notamment si, à plus ou moins long terme, plusieurs opérateurs devaient s’y livrer concurrence à la suite de plusieurs découvertes ou de provenance du gaz de sources différentes comme il se passe actuellement dans l’UE.

3.4. Le rôle de l’état sur la scène énergétique future La libéralisation de l’économie ne signifie pas absence de l’État et plus particulièrement dans le domaine énergétique qui demeurera toujours un secteur stratégique vital pour tous les pays. Les évènements alarmants survenus aux USA, cœur du libéralisme, faillite frauduleuse d’Enron et ruptures de fourniture d’électricité en Californie, ont montré que, comme pour la guerre, « l’énergie est assez sérieuse pour ne pas être menée que par le privé ». Le raffinage et la distribution des produits pétroliers, aujourd’hui totalement privatisés, seront complètement libéralisés en 2010. La production et la distribution électriques sont ouverts au privé à travers le régime des concessions et d’ici 2012, l’électricité sera commercialisée sur deux marchés parallèles, l’un libre, destiné aux consommateurs industriels éligibles (THT, HT et MT) et l’autre réglementé, relevant du service public pour les secteurs tertiaire et résidentiel. Les interconnections électriques renforcées avec l’Espagne (doublement de la capacité de 700 à 1400 MW en 2005) et l’Algérie (mise en service d’une 3ème ligne de 400 KV en 2005), vont relier le Maroc à l’horizon 2010-2015 à la boucle méditerranéenne en cours d’édification pour permettre un choix très large entre plusieurs sources d’approvisionnement. De même, le développement du gaz va entraîner la multiplication de ses provenances, de ses infrastrutures et et de ses opérateurs, gaz national en cas de découvertes majeures surtout en offshore, gaz importé sous ses formes naturelle et liquéfiée. Dans cette perspective, il faut s’attendre à l’émergence d’un marché énergétique de plus en plus concurrentiel où l’appareil national de production pourrait être déstabilisé (raffinage et production électrique notamment) si dès maintenant il ne s’y prépare pas en gagnant en puissance et en compétitivité. – Dans la phase actuelle de transition, il est nécessaire que l’État renforce les dispositions visant à : R améliorer les mesures d’encouragement aux investisseurs nationaux en alignant les taux d’intérêt sur le niveau moyen européen et en suscitant une plus grande implication du système bancaire dans la prise de risque et de participation ; R favoriser la création de grands groupes nationaux capables de se défendre sur le marché intérieur et de se positionner à l’international ; R doter la recherche pétrolière de moyens suffisants en ressources financières et humaines pour lui permettre de mettre plus efficacement en valeur les potentialités peu explorées du pays ; R mettre à niveau les capacités législative, réglementaire et gestionnaire de l’Administration en charge de l’énergie ; R consolider la visibilité des opérateurs : statut futur de l’ONE, avenir du raffinage, code gazier – La libéralisation quasi totale de tout le secteur énergétique à l’horizon 2012 va amener l’État à jouer 83

plus un rôle de contrôle et de régulation que d’intervention directe. Dans ce contexte il aura pour missions de : R Définir, en concertation avec les acteurs du secteur, les grandes orientations stratégiques et veiller à leur application : sécurité d’approvisionnement, équilibre régional, protection de l’environnement, établissement des normes pour les produits et les installations, mesures fiscales et d’encouragement pour orienter le choix des investisseurs et des consommateurs vers les énergies à promouvoir ; R Assurer le bon fonctionnement des marchés : respect des règles de concurrence, absence de positions monopolistes ou d’ententes illicites pouvant affecter le niveau des prix au détriment des consommateurs, conditions d’accès des tiers aux réseaux ; R Arrêter les modalités de son intervention pour corriger les mécanismes de marché impropres : subventions des produits énergétiques de première nécessité en faveur des couches populaires les plus vulnérables, distorsions préjudiciables à l’intérêt national (suspension du système de fixation des prix comme actuellement avec le blocage de l’indexation) ; R Établir les règles de contrôle et d’audit par les organismes indépendants de régulation ainsi que leur composition (professionnels et administration) : observation de la tarification des produits énergétiques, arbitrage des conflits, sanctions ; R Intégrer dans sa vision les implications induites par les conventions internationales et régionales (UE, accords de libre échange avec les USA) et notamment les engagements futurs dans l’UMA (principes de subsidiarité, législations et réglementations supra nationales etc.).

3.5. Développement humain et énergie au maroc L’énergie c’est la vie, sans elle pas de développement économique et a fortiori humain. Il faut reconnaître que jusqu’à maintenant, malgré les efforts déployés depuis 50 ans d’indépendance, le Maroc n’a pas encore réalisé son véritable décollage économique. Les réformes adoptées depuis les années 90 vont certainement permettre d’ouvrir une ère nouvelle de développement économique et social de notre pays dans le cadre de la démocratie et de l’économie libérale et sociale dans lesquelles il s’est définitivement engagé. Le retard économique, l’analphabétisme, le système de santé, le bas niveau des revenus de la majorité de la population, ont aujourd’hui plus d’impacts négatifs sur le développement humain qui souffre de ce fait de l’accès encore très faible aux énergies commerciales dont la consommation est de moins de 0,4 Tep par habitant et par an en 2003, en dessous de la moyenne de 0,6 Tep dans les pays en développement. Plus gravement, l’isolement « énergétique » auquel le monde rural a été longtemps tenu est pour une grande part responsable de son sous développement prononcé : très bas taux de scolarisation, manque d’équipements sanitaires et d’eau potable, saccage des forêts, exode rural. Tous ces phénomènes s’y sont traduits socialement par le travail épuisant surtout des femmes qui, en plus des travaux domestiques et des champs, se chargent du ramassage du bois de chauffe et du puisement de l’eau potable de plus en plus lointains en raison de la déforestation et du recul de la nappe phréatique. Ce qui explique les taux d’avortement et de mortalité enfantine ainsi que d’emploi des enfants plus forts qu’en milieu urbain. Le Programme d’Électrification Rurale Globale (PERG) lancé 1996 avec comme objectif de généraliser l’accès à l’électricité à l’ensemble du territoire national en 2007 ainsi que la pénétration plus large du butane et des énergies renouvelables permettent progressivement de remédier à cette situation en urbanisant le monde rural qui, avec la modernisation de l’agriculture et d’autres secteurs économiques, jouira d’un mode 84

et d’un niveau de vie meilleurs. Ce qui fera reculer la part de déforestation imputable au ramassage inorganisé du bois, combustible principal dans les campagnes. Les industries et les transports terrestres ne sont pas très développés au Maroc pour que leurs émissions en CO2 et autres gaz ou particules nocifs puissent entraîner une pollution atmosphérique et une dégradation de l’environnement massives et généralisées comme dans les pays industrialisés. Ces manifestations sont réelles mais limitées aux zones de concentration des activités économique et industrielle de la côte atlantique de Kénitra à Jorf Lasfar et tout particulièrement à Casablanca-Mohammadia où se trouvent les installations les plus anciennes dont la conception ne souciait guère à l’époque de leur construction (années 60 et 70) d’impact environnemental. De même, rouler avec du gasoil à 10000 ppm combiné à la vétusté et au manque d’entretien des véhicules ne favorisent pas tellement la pureté de l’air dans nos villes et nos routes. La promulgation de la loi sur l’environnement prévoyant que tous les grands projets doivent inclure une étude d’impacts sur le plan local, régional et national et recevoir au préalable l’aval d’une commission nationale comprenant les représentants de l’Administration, des collectivités locales et de la société civile avant d’être réalisés, doit être en mesure de réduire très sensiblement les préjudices environnementaux qui pourraient en découler. La mise à niveau des raffineries pour aligner la qualité des carburants sur les normes européennes, essence sans plomb, gasoil à 350 puis 50 ppm, parallèlement à l’introduction des pots d’échappement catalytique et à la réduction de la consommation de carburants au fur et à mesure du renouvellement du parc des véhicules apporteront une amélioration certaine pour limiter les émissions dues au secteur des transports en expansion rapide. Il est nécessaire en attendant d’appliquer avec plus de rigueur les décisions prises contre les rejets industriels en mer et dans les rivières et contre les pollueurs de la circulation, et en premier lieu les transports publics. Il faudra aussi mettre à profit tous les mécanismes de financement prévus par le protocole de Kyoto et les institutions internationales (MDP, FFEM, GEF, FPC) et mobiliser toutes les opportunités de coopération internationale et régionale pour moderniser notre appareil de production par des outils plus propres et plus respectueux de notre patrimoine naturel.

Conclusion et résumé La problématique énergétique au Maroc n’a pas évolué depuis l’indépendance et demeure caractérisée par : la faiblesse des ressources nationales en énergies fossiles, un bas niveau de la consommation par habitant, des importations et une facture énergétique de plus en plus lourdes en raison d’une dépendance plus marquée de ses approvisionnements extérieurs, notamment en produits pétroliers qui continuent de dominer sa balance énergétique. Dans le cadre de la mondialisation, le Maroc a opté pour une stratégie d’ouverture et de libéralisation économique dans laquelle s’inscrit la politique énergétique adoptée depuis 1990 et qui englobe : – La privatisation de l’aval pétrolier – La libéralisation progressive puis totale en 2009 des produits pétroliers avec le démantèlement douanier – La réforme tarifaire et fiscale des produits pétroliers par indexation sur leurs cotations à Rotterdam et neutralisation fiscale entre les différents produits énergétiques – La production et la distribution concessionnelles de l’électricité dont le marché grands consommateurs industriels dits « éligibles » sera libéralisé d’ici 2012 85

– La diversification des ressources et sources d’énergies : importation de charbon et d’électricité à travers les interconnexions avec l’Algérie et l’Espagne, afin de réduire la domination du pétrole – La promotion des énergies renouvelables (hors hydraulique d’ailleurs en saturation) : éolien, solaire, biomasse et autres – L’encouragement à la recherche pétrolière dont la relance depuis 2000, et notamment en offshore profond, porte tous les espoirs d’un éventuel changement du paysage énergétique marocain si des découvertes majeures sont réalisées – Le développement du gaz d’abord à travers le GME puis par utilisation du gaz national en cas d’éventuelles découvertes importantes et/ou recours à son importation sous sa forme naturelle et/ou liquéfiée – L’accès du monde rural à plus d’énergie commerciale à travers le PERG et le développement des énergies renouvelables. Dans la perspective du développement économique et énergétique du pays dans le contexte d’une plus grande libéralisation, l’État est appelé à préparer l’appareil énergétique national pour faire face à la vague de concurrence à laquelle il va s’affronter et à concevoir son rôle futur plus comme une autorité de contrôle et de régulation que d’acteur direct du marché énergétique. À cet effet il sera nécessaire de renforcer la capacité législative, réglementaire et gestionnaire de l’Administration en charge de l’énergie. Le développement humain au Maroc souffre de son énergétisation limitée due à son retard économique et au bas niveau des revenus des populations qui en découle. Le développement économique et social prévu, en entraînant une élévation des niveaux de vie, va impliquer un accroissement de la consommation énergétique notamment d’origine fossile. Il est, par conséquence, nécessaire de renforcer les législations et réglementations en voie de formation pour édicter des normes et des comportements plus stricts pour réduire son impact sur l’environnement qui actuellement n’est sensible que dans la zone de concentration économique et industrielle de l’axe Casablanca-Mohammedia.

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Connaissance et utilisation des ressources en sol au Maroc 1. Introduction ........................................................................................................89 2. Sol : une ressource naturelle indispensable pour le développement durable ..............................................................................89 2.1. Cas général .................................................................................................. .89 2.2. Cas des pays méditerranéens ...................................................................92 2.3. Cas du Maroc ...............................................................................................93 3. Etat de connaissance sur les sols du Maroc ............................................... 94 3.1. Avant l’indépendance ................................................................................ 94 3.2. Après l’indépendance ................................................................................ 95 3.2.1. Inventaire et cartographie des sols .............................................. 95 3.2.2. Organismes intervenant .................................................................. 97 3.2.3. Les cadres opérationnels ............................................................... 98 4. Les efforts de formation et de recherche en Science du Sol ................... 98 4.1. Les potentiels et les difficultés de la recherche marocaine en science du sol ....................................................................................... 98 4.2. Les principaux axes actuels de la recherche marocaine en science du sol ....................................................................................... 99 4.3. Recommandations .....................................................................................100 5. Les principales formes de dégradation des sols au Maroc .....................101 5.1. L’extension de l’urbanisation ...................................................................101 5.2. L’érosion des sols........................................................................................104 5.3. La dégradation des sols et des eaux sous irrigation ...........................104 5.4. Désertification ............................................................................................105 6. Perspectives pour 2025 ...................................................................................107

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6.1. Besoin d’un programme National d’Interventaire et de Cartographie des Sols (PNICS) ................................................... 107 6.2. Eléments d’une stratégie d’intégration de la connaissance des sols pour l’équilibre écologique, la durabilité des systèmes de production, la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification......................................................... 107 6.3. Accord multipartite pour la prise de décision concernant le problème de l’urbanisation des terres agricoles ........................... 108 Références .............................................................................................................. 108 Annexes.................................................................................................................... 110

MOHAMED BADRAOUI

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1. Introduction Le sol est une ressource naturelle très peu renouvelable à l’échelle d’une génération humaine. C’est la partie meuble de la lithosphère qui constitue une composante majeure de la biosphère continentale. Cette couche superficielle, organisée et d’épaisseur variable, couvrant les substrats géologiques est essentielle pour la vie. La connaissance des ressources en sol d’un pays et de leurs aptitudes à différentes utilisations par les communautés humaines est un préalable pour l’aménagement du territoire et le développement durable. Le sol est actuellement considéré comme une interface dans l’environnement et une ressource pour le développement (Robert, 1996). Au Maroc, le sol est la ressource la moins connue par rapport aux autres ressources naturelles tels que l’eau, l’air, les mines et les forêts. Et pourtant, il est reconnu par les pouvoirs publics comme une composante principale de la planification de l’aménagement du territoire à travers l’utilisation rationnelle des terres. Ce rapport fera le point sur l’état des connaissances des sols au Maroc depuis l’indépendance. Les efforts déployés par les pouvoirs publics en matière de développement des ressources humaines et de la recherche dans le domaine des sols seront présentés et analysés dans la perspective d’en déduire les insuffisances et de proposer les améliorations éventuelles. Les contraintes liées à l’utilisation rationnelle et durable des ressources en sol seront synthétisées avant de passer aux perspectives pour l’an 2025. Le cadre général du développement durable plaçant le sol au centre des préoccupations à l’échelle globale est esquissé avant de passer au cas spécifique des sols méditerranéens et du Maroc.

2. Sol : une ressource naturelle indispensable pour le développement durable 2.1. Cas général Le sol est ce milieu naturel terrestre où naît la vie, aussi bien animale que végétale, et c’est également le milieu où se termine la vie. C’est une mince couche de « terre » d’épaisseur variable (quelques cm à quelques m), située entre le substrat rocheux et l’atmosphère. Ce matériau meuble et organisé se forme de manière très lente à partir des matériaux géologiques, sous l’action de l’air, de l’eau et de la vie. Les sols sont donc très divers, distribués en fonction des reliefs, des roches, des végétations, des climats... et, en plus, des activités humaines. Naturellement, le sol est une ressource lentement renouvelable. Par contre, Il est très sensible aux activités humaines : il se transforme très vite, et en particulier se dégrade rapidement, dès que les sociétés humaines interviennent sans précautions.

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Par rapport au monde, par rapport à la vie en général et, plus particulièrement, par rapport aux besoins et à la santé des sociétés humaines, le sol remplit un certain nombre de fonctions fondamentales (Ruellan, 2003) : – La fonction alimentaire. Le sol nourrit le monde ; il produit, contient, accumule, tous les éléments nécessaires à la vie (azote, phosphore, calcium, potassium, fer, oligoéléments...) y compris l’air et l’eau. Le sol joue le rôle de réservoir, plus ou moins grand et plus ou moins rempli selon les cas. Les sociétés humaines, qui se nourrissent des plantes et des animaux, sont donc bien totalement dépendantes des sols (alimentation et santé). Cette fonction du sol, la plus apparente, est reconnue traditionnellement par les populations et les décideurs. – La fonction filtre. Le sol est un milieu poreux, en permanence traversé par des flux hydriques et gazeux. De ce fait, le sol transforme, épure ou pollue, les eaux qui le traversent. Il régule le régime des cours d’eau et la recharge des nappes souterraines et en influence la composition chimique et biologique. Mais aussi, le sol influence la composition de l’atmosphère. En particulier, il stocke et relâche des gaz à effet de serre (séquestration du carbone). – La fonction biologique. Le sol est un milieu vivant. C’est le lieu de vie et de passage obligé pour de nombreuses espèces animales et végétales. De nombreux cycles biologiques passent par le sol, incluent le sol, qui est donc partie prenante de nombreux écosystèmes. Le sol est une vaste réserve génétique : il abrite et influence une grande partie de la biodiversité terrestre. Par ailleurs, les activités biologiques sont essentielles à la construction des sols, à leur fonctionnement et à leur fertilité. On lui reconnaît le rôle d’habitat et de préservation de la biodiversité. – La fonction matériau et support. Le sol fournit les matériaux que l’homme utilise pour construire et pour ses activités industrielles et artisanales. Il contient également des ressources minérales et supporte les habitats et les infrastructures liées aux activités des sociétés humaines. – La fonction mémoire. Le sol conserve les traces de l’histoire, souvent très longue (plusieurs millions d’années), de sa formation : en étudiant les sols on peut découvrir quelles furent certaines des conditions climatiques et biologiques du passé. Mais aussi, le sol conserve les témoins de l’histoire de l’humanité. Au même titre que l’air et l’eau, le sol est une ressource naturelle essentielle à la vie et non renouvelable à l’échelle d’une ou plusieurs générations humaines. Il n’y a pas de développement durable sans une bonne gestion des ressources en sol. Or, du fait des activités humaines et des mauvaises relations actuelles entre les sols et les sociétés humaines, les sols sont soumis à différentes formes de dégradation, le plus souvent irréversibles. À ce titre, cinq groupes de constats sont souvent faits : 1. Dans le monde entier, les sols sont de plus en plus fortement, de plus en plus violemment, sollicités par les activités humaines tels que : – L’intensification de l’agriculture sur les sols déjà cultivés, avec la volonté d’augmenter de plus en plus artificiellement leur productivité ; – La mise en culture de nouvelles surfaces, dans de mauvaises conditions, sans tenir compte des potentialités et des fragilités des sols. La mise en culture des terres de parcours et des terrains en pente forte, sans mesures de protection, en sont des exemples ; – L’urbanisation et industrialisation, souvent sur de très bons sols ; développement des axes de transport (rail, route, aéroport...) ; le tout détruit les sols et imperméabilise les surfaces ; – L’épandage de déchets, agricoles, industriels, urbains, sur des surfaces de plus en plus grandes.

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2. Le plus souvent, les différentes activités humaines se développent et se concurrencent, sans tenir compte de la diversité des sols, de leurs fonctions et de leurs aptitudes. Ces concurrences débouchent alors sur des conflits : – conflits d’usage, d’accès aux sols : par exemple, conflits dans la périphérie des grandes agglomérations (conflits entre agriculteurs, industriels, urbaniste, voies de circulation...) ; – conflits résultant de l’utilisation inadaptée des sols et conduisant à la dégradation des sols : les activités humaines, en se développant, influencent, transforment le milieu sol et font pression sur lui. Les sols sont modifiés, dans leurs propriétés, dans leurs potentiels, dans leurs fonctions, et, plus grave encore, ces modifications affectent aussi les autres milieux qui sont en relation avec les sols : l’eau, l’air, les animaux, les végétaux, les sociétés humaines. 3. En effet, partout dans le monde, les exemples de sols gravement modifiés, endommagés sont nombreux. En particulier, suite à l’utilisation agricole inadaptée, les formes de dégradation les plus apparentes sont : – des appauvrissements (biologiques, organiques, minéraux) ; – des destructions de structures et des tassements qui affectent les porosités ; – de l’érosion, de la sédimentation, des glissements de terrain ; – de la salinisation et de l’alcalinisation ; – de l’acidification ; – des pollutions (minérales, organiques, radioactives). Au total : – les fertilités des sols baissent ; – leurs fonctions fondamentales ne sont plus assurées ; – la vitesse de fabrication des sols se ralentit ; – les vitesses et les orientations des principaux processus de formation et de différenciation des sols sont modifiées (altération des roches, arrangement et mouvements des constituants...). Et il y a aussi : – la croissance des villes, des complexes industriels et touristiques ; – l’intensification des réseaux pour les transports ; – la construction de barrages hydroélectriques ; – le développement de l’exploitation de ressources minérales superficielles. Tout ceci soustrait annuellement, sans espoir de retour, plusieurs dizaines de milliers d’hectares souvent très fertiles et dont les fonctions ne sont plus assurées. Il faut, cependant, souligner que les sociétés humaines ont aussi su améliorer, voire construire les sols dont elles avaient besoin. On peut citer à titres d’exemples : la construction de terrasses dans les zones de montagne, le défoncement des croûtes calcaires et l’épierrage, les apports et transferts de grandes quantités de matières organiques et d’amendements chimiques. 4 En conséquence aussi, les autres milieux sont touchés. En effet, l’évolution anthropique des sols porte atteinte : – à la biodiversité qui se transforme et s’appauvrit ; – au cycle de l’eau qui devient plus violent (crues, inondations, sédimentations aval) et qui se raccourcit (l’eau est moins disponible pour les besoins humains) ; 91

– à la qualité des eaux qui se polluent, chimiquement et biologiquement, localement et latéralement (l’eau est encore moins disponible pour les besoins humains) ; – à la qualité de l’air qui se pollue et, en particulier, qui s’enrichit en gaz à effet de serre (gaz carbonique, méthane) ; – à la fertilité des milieux par rapport aux activités humaines : beaucoup de milieux s’appauvrissent, voir même abandonnés (désertification) ; mais il y a aussi des milieux qui s’enrichissent grâce aux activités humaines ; – à la santé et au comportement des sociétés humaines, au travers de ce qu’elles mangent, boivent, respirent... et vivent au quotidien : il y a des relations entre l’évolution des systèmes de sols et celle des systèmes sociaux. 5. Les sols, malgré leur rareté, sont donc aujourd’hui utilisés de manière non renouvelable par nombre de sociétés humaines. La deuxième moitié du XXe siècle fut particulièrement désastreuse : un peu partout, les développements agricoles, industriels et urbains sont très destructeurs des sols et de leurs fonctions. Par ailleurs, dans les régions pauvres, c’est souvent la misère qui contraint les populations à la surexploitation des sols et à la dégradation de leurs fonctions vitales. La responsabil000ité de cette situation revient grandement aux choix économiques et techniques qui ne tiennent pas suffisamment compte des diversités naturelles des sols et des besoins des sociétés humaines. Cependant, s’il y a peu de choses faites concrètement pour atténuer les dégradations des sols et pour améliorer la situation des sols déjà fortement dégradés, c’est en grande partie aussi par ignorance, dans toutes les sphères de la société, de ce qu’est le sol et pourquoi il est nécessaire d’en préserver les fonctions. Producteurs, techniciens, administrateurs et politiques participent à cette ignorance qui prend ses racines dans l’absence de toute découverte des sols dans les systèmes éducationnels depuis l’école primaire jusqu’à l’université. Le sol fait peu partie des cultures populaires : il est peu ou mal connu. De ce fait, la ge stion durable des sols ne fait que peu partie des préoccupations prioritaires de la population, des responsables politiques, administratifs et techniques et des propriétaires des terres. Il faut en particulier souligner le faible niveau de connaissances dans le domaine des sols de la plupart des agronomes et de la plupart des environnementalistes : beaucoup d’ingénieurs raisonnent l’agriculture et l’aménagement du territoire en donnant la priorité aux techniques et aux conditions économiques et en oubliant les diversités concernant les milieux naturels et les sociétés humaines. Tout cela pose, en définitive, la question des priorités de la connaissance et de l’éducation concernant les sols : quelles recherches et quels enseignements faut-il développer dans le but de mieux gérer, durablement, les ressources en sol ?

2.2. Cas des pays méditerranéens Les sols des régions méditerranéennes sont originaux et le Maroc en est un exemple parfait. Du fait de l’aridité estivale des régions méditerranéennes et du fait d’une forte présence de roches calcaires et calciques, la majorité des sols y sont dominés par la présence du calcium voire du calcaire. Par ailleurs, les sols sont souvent argileux et naturellement riches en matières organiques et en calcium, donc bien structurés et bien drainés. Les sols appauvris en argile (dit lessivés) y sont nettement plus rares que dans les régions tempérées et tropicales. Les principaux handicaps des sols méditerranéens sont liés aux excès de calcaire (croûtes calcaires des 92

régions semi-arides et arides) et aux excès localisés de sels solubles (régions arides et désertiques et périmètres irrigués avec des eaux chargées en sels). Cependant, vu sous l’angle écologique et agricole, on peut dire que la majorité des sols des régions méditerranéennes sont parmi les plus riches du monde. C’est le lieu de formation et de préservation des argiles gonflantes qui règlent la fertilité physique et chimique des sols. Le principal obstacle à la valorisation agricole de cette richesse « sol » est le manque d’eau. Les tendances des 40 dernières années montrent une réduction moyenne des précipitations de l’ordre de 50 à 200 mm en fonction des stations. Cependant, du fait de l’ancienneté de l’occupation humaine qui, souvent, n’a pas su les gérer, les ressources en sol du monde méditerranéen sont le plus souvent fortement dégradées : appauvrissements organiques et minéraux, déstructurations, érosion hydrique et éolienne, salinisation...et plus récemment pollution et urbanisation de sols agricoles de grande qualité. La désertification est un fléau dont les causes sont certainement en partie climatiques, mais l’action humaine accélère fortement le processus de dégradation des terres (Badraoui, 2004). Mais c’est aussi dans le monde méditerranéen que l’on trouve quelques uns des plus beaux exemples de gestion durable intensive des ressources en sols et en eau (aménagement des pentes dans les zones de montagne, gestion des oasis et des khettaras au Sud des Atlas... etc). Dans le monde méditerranéen, le Maroc est probablement le pays de la plus grande diversité : en particulier, tous les types de sols méditerranéens, tous les types de « pédopaysages » méditerranéens, y sont présents. Ce fait est la conséquence de la grande diversité des facteurs de pédogenèse (roches, reliefs, climats, couverts végétaux, temps d’évolution et occupations humaines (Badraoui et Stitou, 2002 ; Badraoui et al., 2002 ; Ruellan, 2003). En effet, le Maroc est riche de ses sols et de leur diversité ; il est riche de la diversité des occupations humaines qui, traditionnellement, ont eu des impacts aussi bien positifs que négatifs sur la qualité des sols. Ceci veut dire aussi que, pour la recherche scientifique concernant les sols méditerranéens et leur utilisation, le Maroc est un « laboratoire » idéal. C’est au Maroc en particulier, et dans les pays de l’Afrique du Nord en général, que les grands naturalistes (pédologues, géologues, géomorphologues, écologistes,...etc) européens ont été formés. C’est dans les pays du Sud de la Méditerranée que les ressources en sol sont les plus menacées de dégradations suite à leur surexploitation et à la réduction de la couverture forestière. C’est encore là où le dilemme développement et protection de l’environnement prend sa vraie dimension.

2.3. Cas du Maroc Pour mieux utiliser les sols dans le contexte du développement durable, il faut les connaître. Connaissons nous les sols au Maroc ? Même si les travaux d’inventaire et de cartographie des sols au Maroc ne couvrent qu’environ 30 % du territoire (MADRPM, 1993 ; MADRPM, 1996 ; Badraoui et Stitou, 2002), l’essentiel de ce que sont les sols du Maroc est connu : ce qu’ils sont, les principales règles de leur répartition régionale, comment ils fonctionnent, leurs principaux qualités et défauts et les agressions qu’ils subissent du fait de l’intensification de l’occupation humaine. Il reste, cependant, beaucoup à faire : – On ne connaît, avec un certain détail, que 30 % des couvertures pédologiques du Maroc (cartographie des sols). Un effort d’inventaire et de cartographie des sols est un préalable pour l’aménagement du territoire et la planification de l’utilisation des terres. 93

– Malgré les recherches, les études, les campagnes d’information et de vulgarisation, les problèmes de mise en valeur s’accumulent et s’amplifient : R dégradation des sols irrigués qui constituent l’une des grandes richesses du Maroc (1 million d’ha) : baisse de la teneur en matière organique, déstructuration de la structure, baisse de fertilité chimique, salinisation des sols et des eaux, pollutions des sols et des eaux. En général, il y a une baisse progressive de la productivité agricole ; R dégradation des sols non irrigués (bour) qui couvrent l’essentiel de la SAU du pays (environ 7.7 millions d’ha) : baisse des fertilités organiques et chimiques, développement de l’érosion hydrique et éolienne, réduction de la capacité de rétention d’eau et de la réserve utile en eau des sols (aridification des régimes hydriques) ; – Dans les périphéries urbaines, développement anarchique des occupations urbaines et industrielles sur de bons sols agricoles. Les trois principales urgences en vue d’une meilleure connaissance des sols du Maroc ont été listées par Ruellan (2003). Il s’agit de : – La connaissance morphologique et géochimique des couvertures pédologiques de l’ensemble du Maroc : inventaire et cartographie des systèmes pédologiques et de leur fonctionnement. C’est la base pour toute politique, locale, régionale, nationale, de bonne gestion des ressources en sol et de ce qui est associé aux sols (les eaux, les couverts végétaux, les sociétés humaines). – La connaissance approfondie des dynamiques physiques, chimiques, biologiques, minéralogiques des divers types de sols du Maroc. C’est la base d’une bonne évaluation et d’une bonne gestion de la fertilité des sols et des phénomènes de pollution des sols et des eaux. – La connaissance de l’évolution des sols (et des eaux) en fonction des occupations humaines : en milieu « bour », en milieu irrigué, en milieu périurbain et urbain. Mais aussi, la connaissance des conséquences des dégradations et des pollutions des sols (et des eaux) sur les développements humains. En fait, il s’agit de chercher à mieux comprendre les interrelations entre les systèmes pédologiques et les systèmes sociaux pour mieux les gérer. La durabilité des systèmes de production passe nécessairement par la durabilité des ressources en sol et en eau (Badraoui et al., 2000).

3. État de connaissance sur les sols du Maroc Les travaux de pédologie au Maroc ont passé par plusieurs étapes tant sur le plan envergure que sur leur pertinence. Sans avoir un programme national d’inventaire des sols au Maroc, les connaissances actuelles sont le fruit d’une longue accumulation du savoir sur les milieux écologiques marocains. Cette partie présentera succinctement l’évolution de l’acquisition des connaissances depuis la fin du dix-neuvième siècle.

3.1. Avant l’indépendance Depuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à la 4ème décennie du siècle dernier, les observations pédologiques au Maroc étaient l’œuvre de pédologues, de forestiers ou de géographes étrangers. Des prospections étaient réalisées à l’occasion des excursions scientifiques. Il a fallu attendre les années cinquante pour voir se déve94

lopper les toutes premières études pédologiques proprement dites. Celles-ci avaient été entreprises dans le cadre des études monographiques d’avant-projets pour les aménagements hydroagricoles. Le protectorat français au Maroc s’était attaché à mobiliser la maximum d’eau dans des barrages en vue de l’irrigation des terres dans les zones jugées potentiellement prioritaires tels que les Béni Amir et les Béni Moussa (au Tadla), Sidi Slimane (au Gharb), les Triffas (à la Moulouya), la plaine du Souss, le plateau de Fes-Meknes et dans le Haouz de Marrakech (Prefol, 1986). D’autres études à petites et à moyennes échelles ont également été publiés sur les Doukkala (Feodoroff, 1955). La première étude sur l’évaluation de la fertilité des sols du Maroc a été réalisée par Ch. Thomann (1952). Beaucoup d’autres travaux préliminaires sur les comportements physiques et chimiques des sols ont été réalisés par George Bryssine qui peut, sans aucun doute, être considéré le père de la pédologie Marocaine.

3.2. Après l’indépendance 3.2.1. Inventaire et cartographie des sol Après l’indépendance, les grands travaux de pédologie ont été réalisés dans le cadre des aménagements des grands périmètres hydro-agricoles, d’aménagement des forêts, de développement rural et sylvopastoraux. Il s’agit des chantiers déjà entamés durant les années 50. Les travaux du projet Sebou dans le Gharb et le Saiss, ceux de la Maamora, du Tadla et du Moyen Atlas, publiés en 1966 dans le livret guide de la tournée organisée à l’occasion de la tenue du congrès de la pédologie Méditerranéenne (INRA, 1967), sont des exemples éloquents à ce titre. La politique du développement agricole sous irrigation lancée par S.M. Le Roi Hassan II en 1967 avait suscité la réalisation des travaux de cartographie détaillée (> 1/20.000e) des sols pour la mise en valeur intensive. Plus de 2.5 millions d’ha ont ainsi été cartographiés dans les périmètres de grande hydraulique (zone des ORMVA) et dans les périmètres de petite et moyenne hydraulique (PMH) un peu partout au Maroc (MADRPM, 1993). L’avènement des grands projets intégrés de mise en valeur en Bour des années 80 a été l’occasion de combler le déficit en étude de sol dans les zones d’agriculture pluviale. En effet, le Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire avait lancé en 1982 un programme d’études pédologiques de reconnaissance aux échelles 1/50.000 et 1/100.000 couvrant plusieurs régions du pays. Ainsi, une superficie d’environ 6.12 millions d’ha a été cartographiée. Un inventaire des études pédologique réalisées au Maroc a été réalisé par le MADRPM en 1993. Il en ressort que la superficie totale cartographiée demeure faible par rapport à la superficie du Maroc. Ne nous connaissons jusqu’alors qu’environ 20 millions d’ha toutes échelles confondues, soit 28 % du territoire. Ce retard constaté en matière de reconnaissance des sols au Maroc avait suggéré à certaines institutions d’enseignement et de recherche de tester de nouvelles technologies d’inventaire et de cartographie des ressources en sol telle que la télédétection spatiale. Ainsi, et à titre d’exemple, les travaux de l’IAV Hassan II (Merzouk et al., 1990) avaient montré que si les dates d’acquisition des images sont bien choisies et s’il existe une relation étroite entre l’état de surface des sols et le type de sol, il est possible d’élaborer des cartes des ressources en sol à l’échelle de reconnaissance (< 1/50 000e) dans les zones non boisées. L’apport de la télédétection et des SIG à la cartographie des sols se traduit essentiellement par des gains de temps et de moyens. Cependant, le travail de prospection sur le terrain n’est pas éliminé, mais mieux planifié et peu même être réduit. 95

L’étude d’inventaire des études pédologiques de 1993 avait mis le doigt sur le problème d’archivage des études. En effet, une partie des rapports et cartes répertoriés n’ont pas pu être retrouvés. D’où la nécessité de mise en place d’un système d’archivage numérique sous SIG. Cette option exige des changements importants dans les CPS des études. Jusqu’à présent, cet objectif n’est que partiellement réalisé malgré l’effort constaté au niveau de l’équipement des administrations en SIG. Plusieurs programmes et projets de développement agricole et rural avaient souffert du manque de données sol. C’est le cas, par exemples, du programme d’élaboration des cartes de vocation agricole des terres au Maroc qui est mis en œuvre par l’INRA, du plan national d’aménagement des bassins versants en cours de réalisation par le HCEFLCD, le programme de développement rural intégré des périmètre de mise en valeur en bour (PMVB) piloté par le MADRPM et le programme de cartographie des sols autour des agglomérations en vue de l’orientation de l’urbanisation. Du point de vue géographique, l’essentiel des études réalisées intéressent la partie Nord-ouest du pays. Les provinces de l’Est et du Sud ne sont que très partiellement prospectées. Les études de cartographie des sols réalisées entre 1993 et 2003 sont estimées à environ 2 millions d’ha, ce qui porte la superficie totale prospectée à 22 millions d’ha, soit 31 % du territoire national. Pour la valorisation des études pédologiques existantes le Maroc participe à deux initiatives régionales : – L’élaboration de la base de données Euro-Méditerranéenne, géo-référencée à l’échelle du 1/1000 000e des sols autour de la Méditerranée. L’équipe marocaine coordonne les travaux des pays de l’Afrique du Nord en collaboration avec le Bureau Européen des sols à Ispra en Italie et l’INRA d’Orléans en France. Un atelier de travail a été tenu en juin 2001 à Rabat. – L’élaboration de la base de données SOTER (SOl et TERrain) pour les pays de l’UMA en collaboration avec la FAO. Le Maroc a déjà réalisé sa carte SOTER au 1/5000 000e en collaboration entre le MADR et l’Association Marocaine des Science du Sol (AMSSOL) (Carte 1 en annexe 1). Les deux cartes susmentionnées n’ont pas d’intérêt pratique pour le développement agricole au niveau opérationnel. Cependant, elles ont permis de mettre en ordre les connaissances et de mettre le Maroc en position de négocier avec les pays de la région sur des questions plus globales tels que les changements climatiques et la lutte contre la désertification. À ce titre, la base de données SOTER du Maroc a été utilisée pour l’élaboration de la carte de sensibilité à la désertification des pays de l’UMA plus l’Égypte en collaboration avec l’Observatoire du Sahara et du sahel (Carte 2 en annexe 2).

96

Encadré 1 Les sols du Maroc : diversité, processus et contraintes 1. Principales classes de sol Classification française)

Soil Taxonomy américaine

Légende FAO

Sols minéraux bruts

Entisols

Fluvisols, Regosols, lithosols

Sols peu évolués d’érosion

Entisols, Aridisols

Regosols, Lithosols, Rankers, Yermosols

Sols peu évolués d’apport

Inceptisols, Mollisols, Aridisols

Fluvisols, Rankers, Greyzems

Sols calcimagnésiques

Inceptisols, Mollisols, Aridisols

Rendzinas, Yermosols, Xerosols

Sols Isohumiques

Inceptisols, Mollisols

Xerosols, Kastanozems, Chernozems, Phaezems

Vertisols

Vertisols

Vertisols

Fersiallitiques

Alfisols

Luvisols, Acrisols

Sols brunifiés

Inceptisols, Alfisols

Cambisols, Luvisols

Andosols

Inceptisols

Andisols

Sols sodiques

Soils avec saline phase

Solonchaks, Solonetz

Sols hydromorphes

Soils avec aquic moisture regime

Gleysols, Planosolss

2. Principaux processus : Décarbonatation Brunification

Vertisolisation Salinisation

Rubéfaction Hydromorphie

Erosion

3. Principales formes de dégradation Érosion hydrique Érosion éolienne Perte de matière organique Alcalinisation Encroûtement Drainage

Salinisation secondaire Urbanisation Compaction

3.2.2. Organismes intervenant Après l’indépendance, les études de reconnaissance des sols ont été assurées par l’Office National d’Irrigation (ONI), la Direction de la Mise en valeur Agricole (DMVA) dont la suite a été reprise par la Direction de l’Équipement Rural (DER) et la Direction de Production Végétale (DPV). Parallèlement, l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) avait réalisé des études pédologiques de reconnaissance à petite et moyenne échelles dans certaines régions du Maroc tels que Le SoussMassa, Les Zaer, le Tangérois et le Moyen Atlas. De même, l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, avait réalisé des études pédologiques à petite échelle (Chaouia) et à grande échelle avec un objectif essentiellement de formation et de recherche. Il faut également citer la station de recherche forestière qui disposait de pédologues (LePoutre et Sauvageot en particulier) et qui avait réalisé des études thématiques sur la régénération du chêne liège dans la Maamora et du cèdre dans le Moyen Atlas. Cependant, malgré l’implication des instituts de recherche et d’enseignement, l’essentiel des travaux de cartographie des sols ont été réalisés par des bureaux d’études. C’est là une spécificité du Maroc par rapport aux autres pays Maghrébins où même méditerranéens dont les études sont réalisées par les services spécialisés de l’administration ou de la recherche. 97

3.2.3. Les cadres opérationnels La gestion durable des ressources en sol exige la présence de spécialistes dans les services extérieurs de développement rural. La situation actuelle montre que les ORMVA sont relativement bien dotés de cadres pédologues par rapport aux DPA, DREF et SPEF. En effet, il y a au moins un spécialiste de science du sol par ORMVA (20 cadres dans les ORMVA), par contre DPA disposant d’un pédologue sont rares (10 cadres seulement). Il y a lieu de constater que les ingénieurs pédologues sont concentrés dans les services centraux où ils font des activités administratives (suivi des projets) ayant peu de contact avec le terrain, au moment où les services extérieurs souffrent d’un manque terrible de cadres. Dans les services ne relevant pas du MADRPM et du HCEFLCD, il est rare de trouver des ingénieurs pédologues. Le Maroc n’avait jamais formé de cadre moyens spécialisés en sciences du sol (techniciens) comme c’est le cas pour les autres disciplines. Cet handicap se fait sentir sur le terrain lorsqu’il s’agit d’encadrer les agriculteurs et diffuser l’information technique. Les quelques prospecteurs, spécialisés en cartographie des sols se sont formés sur le tas et prennent tous de l’âge. Certains bureaux d’études dispose de pédologues qui s’occupent entre autres des activités environnementales.

4. Les efforts de formation et de recherche en Science du Sol Les informations concernant ce volet sont issues de documents préparés lors des assises de la recherche agricole au Maroc (MARDPM, 2000), des actes de la journée-débat organisée par l’AMSSOL en septembre 1993 et de l’évaluation du système national de recherche scientifique (Ruellan, 2003).

4.1. Les potentiels et les difficultés de la recherche marocaine en science du sol Les institutions de formations et de recherche ont toujours eu une mission tripartite : enseignement, recherche et développement. L’objectif est de former des ingénieurs agronomes spécialisés en sciences du sol (pédologue) capables de résoudre des problèmes du développement agricole. Il n’a jamais été question de former spécifiquement des chercheurs ou des enseignant-chercheurs. Depuis les années 70, le Maroc a progressivement formé et recruté un nombre significatif d’enseignantschercheurs et de chercheurs en science du sol. Le nombre de chercheurs en science du sol, senso stricto, s’élève à 60 dans les écoles et instituts relevant du MADRPM et du HCEFLCD. En plus, le nombre d’enseignantchercheurs travaillant sur des aspects liés à l’aménagement des sols dans les universités est estimé à 30. Le nombre total de 90 demeure faible lorsqu’on le met en rapport avec la superficie du pays (1 chercheur par 789 000 ha) ou avec la SAU et les problématiques de recherche. En effet, le ratio est de 1 chercheur pour 97 000 ha de SAU. La plupart des chercheurs sont de bon niveau scientifique, et un certain nombre d’entre eux sont reconnus internationalement. Cependant, les autorités n’ayant jamais défini d’objectifs prioritaires à la recherche en science du sol, la formation des chercheurs s’est faite en ordre dispersé, beaucoup en fonction des bourses doctorales offertes par la coopération internationale. Il en résulte aujourd’hui une grande dispersion de l’activité de recherche, chacun cherchant à poursuivre, pour lui-même et pour ses étudiants, les thématiques auxquelles il a été formé : l’équipe de recherche est rare (bien que souhaitée). Par ailleurs, après des années fastes, les recrutements d’enseignants-chercheurs spécialistes en sciences du sol ont été arrêtés : depuis une quinzaine d’années dans les établissements agronomiques et forestiers, plus récemment dans les Universités ; cela pose un grave problème de continuité des dynamiques scientifiques et de la relève dans les années à venir. 98

Bien que la recherche, et la formation à la recherche, soient clairement dans les missions des enseignantschercheurs, un budget recherche n’est que très rarement identifié au sein des Écoles Agronomiques et des Universités. Les enseignants chercheurs qui souhaitent poursuivre une activité de recherche (et c’est la majorité d’entre eux) doivent donc rechercher des financements contractuels : auprès des sociétés privées (agricoles et industrielles), auprès des services de développement du des ministères (ORMVA, DPA, DREF,.. etc... mais aussi auprès de la coopération internationale. Il en résulte une programmation scientifique aléatoire et dispersée essentiellement pilotée par la demande des utilisateurs. Ce fait n’est en soit pas un mal, à condition que ce pilotage par l’aval s’inscrive dans une programmation scientifique bien identifiée et à condition aussi que les enseignants-chercheurs puissent prendre le temps de la valorisation scientifique de leurs travaux contractuels. Des recherches complémentaires plus fondamentales, à partir des résultats obtenus dans le cadre des études contractuelles, ont pu conduire à des publications scientifiques de haut niveau dans des revues internationales. Toutes les équipes de recherche disposent de moyens de laboratoire. Cependant, ces moyens sont en général plutôt modestes, avec de nombreuses difficultés de fonctionnement, d’entretien, de renouvellement. L’accès à une documentation scientifique régulière pose également de sérieux problèmes à beaucoup de chercheurs. Ces handicaps poussent les universitaires et les chercheurs à partir vers des laboratoires étrangers pour réaliser une partie des travaux et pour se remettre à jour au niveau des connaissances. Enfin, toutes les équipes se plaignent des lourdeurs administratives et budgétaires, incompatibles, en particulier, avec la nécessaire recherche sur le terrain qui exige, bien au contraire, beaucoup de souplesse et de disponibilité : les faibles moyens de fonctionnement dont peuvent disposer les enseignants-chercheurs et les chercheurs sont rendus partiellement indisponibles par la lourdeur des lignes budgétaires multiples et par les nombreux contrôles a priori. Il y a un potentiel humain important, compétent, reconnu, volontariste et dynamique. Ce potentiel est cependant, insuffisamment organisé, appuyé, évalué pour qu’il puisse mieux valoriser scientifiquement son travail pédagogique et ses études finalisées. Il y a en particulier urgence à ce que ce potentiel humain soit utilisé pour former les équipes du futur.

4.2. Les principaux axes actuels de la recherche marocaine en science du sol Eu égard aux urgences des connaissances à acquérir concernant les sols du Maroc, les constats sont les suivants : La connaissance morphologique et géochimique des couvertures pédologiques n’avance pratiquement pas. Le programme national de cartographie des sols est en veilleuse. Les études de découverte des systèmes pédologiques sont rares. Un effort est cependant fait, dans le cadre de collaborations internationales, pour valoriser les données existantes (participation à des banques de données et à des cartes de synthèse). Par ailleurs quelques recherches méthodologiques sont en cours (SIG, télédétection...). Les recherches sur la modélisation de l’érosion hydrique et éolienne se sont développées en utilisant des nouvelles technologies de SIG et de télédétection. Cependant, l’évaluation scientifique de l’impact des techniques de conservation des sols et des eaux dans les bassins versants demeure très timide. Les recherches finalisées qui touchent à l’utilisation agricole des sols se sont beaucoup développées : – fertilité et fertilisation, chimique et biologique, des sols, en agriculture pluviale (bour) et en milieu irrigué, en fonction des divers types de climats et de sols ; 99

– travail du sol (en milieu bour) pour lutter contre les dégradations organiques et structurales et contre l’érosion ; l’un des buts étant aussi une meilleure gestion de l’eau des sols pour lutter contre l’aridité ; – suivi de l’évolution des sols irrigués, dans le but de lutter contre les dégradations structurales, physicochimiques, biologiques et ainsi de mieux valoriser les potentialités des sols irrigués. Une attention particulière est apportée aux phénomènes de salinisation et alcalinisation des sols et des eaux ; – cartographie des vocations agricoles des terres (principalement céréalières) en fonction des sols, des climats, des occupations humaines (programme d’élaboration des cartes d’aptitude des terres). Cependant, les recherches plus fondamentales nécessaires à ces recherches finalisées, concernant par exemple les dynamiques physiques, chimiques, biologiques des divers types de sols agricoles du Maroc, sont insuffisamment développées. Les recherches finalisées concernant les pollutions des sols et des eaux en fonction de l’intensification de l’agriculture, de l’industrie, de l’urbanisation, se développent également : – pollutions nitrique ; – mais aussi utilisation raisonnée, en agriculture, des eaux usées et des déchets.

En résumé : – la recherche marocaine est très axée sur l’utilisation des sols, ce qui est en soi une bonne chose; – elle ne l’est cependant pas assez sur les connaissances des sols et de leur fonctionnement, connaissances pourtant indispensables à leur bonne utilisation. L’appauvrissement scientifique de la recherche finalisée est, de ce fait, prévisible; – cette situation est la conséquence des conditions de travail obligeant les chercheurs au pilotage principal par la demande des utilisateurs, le cadre de programmation scientifique et d’appui financier pour la recherche étant insuffisant.

4.3. Recommandations i. Pour les recherches devant être développées Relancer les études détaillées concernant ce que sont les sols et leurs fonctionnements, en donnant la priorité d’une part aux systèmes pédologiques les moins connus, d’autre part à ceux qui sont les plus utilisés par les sociétés humaines. Le choix des systèmes pédologiques prioritaires doit être débattu, conjointement, par les scientifiques et par les utilisateurs, en cohérence avec les choix de développement du pays. Reprendre, à petite échelle, l’inventaire cartographique des sols de l’ensemble du Maroc. Pour cela, la recherche méthodologique doit être approfondie, dans le but d’élaborer des cartes aussi représentatives que possible de la réalité. Poursuivre et approfondir les travaux concernant tout ce qui touche à la gestion durable des sols par les sociétés humaines : fertilités et fertilisations, relations sols-eaux, évolution des sols irrigués, gestion des déchets et résidus de récolte et érosion-conservation des sols. Il s’agit, à la fois, d’amplifier les nombreuses études déjà en cours, mais aussi de prendre le temps de leur donner plus de bases et de rendus scientifiques.

100

ii. Pour améliorer l’organisation et les moyens de la recherche Identifier un Programme National de Recherche en Science du Sol, doté d’un budget significatif. Ce programme, scientifiquement structuré, devrait donner la priorité à l’acquisition des connaissances fondamentales nécessaires à la gestion durable des sols du Maroc. Inciter à la création, au Maroc, d’équipes et de réseaux thématiques de recherche en science du sol, mais aussi d’équipes interdisciplinaires et internationales plus larges. Dans le cadre du Programme National de Recherche en Science du Sol, la priorité devrait être donnée aux équipes et aux réseaux pour le financement de leurs travaux de recherche. Inciter les équipes scientifiques à ne pas se laisser trop disperser par la multiplication des contrats. Il est souhaitable que le nécessaire pilotage partiel par la demande des utilisateurs (publics et privés) soit mieux cadré par une programmation scientifique clairement identifiée et affichée. Instituer un système d’évaluation des travaux scientifiques, des enseignants-chercheurs et des équipes. Il conviendrait que ce système valorise efficacement, en termes de carrière (et de budget pour les équipes), les efforts de ceux qui contribuent à la recherche (et qui ne se satisfont pas seulement du bénéfice personnel de consultances). Reprendre, de toute urgence, le recrutement et la formation de jeunes chercheurs et enseignantschercheurs. Il en va de la continuité et du développement des équipes de recherches et de leurs programmes. Mettre à profit cette reprise du recrutement pour faire des choix scientifiques thématiques clairs, en cohérence avec les priorités nationales du Maroc. Développer les moyens de travail, sur le terrain, dans les laboratoires, dans les bibliothèques. Il faut relancer la curiosité, la recherche bibliographique autonome, et la participation au mouvement international de la recherche au plus haut niveau. Instituer plus de souplesse administrative et budgétaire, indispensable au bon déroulement des activités de la recherche scientifique.

5. Les principales formes de dégradation des sols au Maroc 5.1. L’extension de l’urbanisation Au Maroc, les terres agricoles sont menacées par l’urbanisation (betonisation). C’est l’une des formes de perte totale des sols de bonne qualité pour la production agricole. L’orientation de l’urbanisation aux alentours des villes, fait partie intégrante de la planification de l’utilisation des terres qui est un des principes de l’aménagement du territoire. L’aménagement du territoire consiste en l’évaluation systématique du potentiel qu’offrent les terres et les eaux, des possibilités d’utilisation des terres et des conditions économiques et sociales afin de sélectionner et d’adopter les modes d’utilisation des terres les mieux appropriés (FAO, 1993). L’aménagement harmonieux et durable du territoire repose sur les principes de i) l’efficacité (productive et économiquement viable), ii) l’acceptabilité et l’équité (utilisations socialement acceptables telles que la sécurité alimentaire, l’emploi et la sécurité des revenus) et iii) la durabilité (satisfaire les besoins de la génération actuelle tout en conservant les ressources dans l’intérêt des générations futures). Il s’agit de combiner la production et la conservation. Le processus de planification de l’utilisation des terres se fait en 10 étapes (tableau 1). 101

Tableau 1 : Processus de planification de l’utilisation des terres No

Consistance de l’étape

1

Définition des objectifs et du champ d’application

2

Organisation des travaux

3

Analyse des problèmes

4

Identification des possibilités de changement

5

Évaluation de l’aptitude des terres

6

Évaluation des options

7

Choix de la meilleure option

8

Préparation du plan d’utilisation des terres

9

Exécution du plan

10

Suivi et révision

Le sol est une composante de la terre qui devrait être affectée à la meilleure utilisation possible dans les conditions économiques, sociales et culturelles d’un territoire donné. C’est dans ce cadre que les pouvoirs publics avaient délimité des zones favorables à la mise en valeur agricole intensive sous irrigation au Maroc. D’autres terres de moindre qualité (manque d’eau ou d’autres contraintes physiques ou chimiques) avaient été réservées à l’agriculture pluviale, à la foresterie ou au développement de l’élevage extensif. L’existence des études de sol est une condition nécessaire pour la planification des terres. Ayant connu une forte croissance démographique durant la fin du 20e siècle, la structure spatiale et l’armature urbaine du Maroc se sont profondément transformées. Plusieurs villes nouvelles sont apparues et beaucoup de villages ruraux se sont transformés en véritables villes. Cependant, cette urbanisation galopante se fait de manière anarchique. Malheureusement, l’extension des villes se fait au dépend des terres de bonne qualité pour l’agriculture. Selon des données du MADRPM, sur 63 projets d’extension urbaine autour de différents centres urbains qui avaient prévu 65 518 ha, 36 264 ha de terres agricoles (dont une bonne partie est équipée pour l’irrigation dans les zones d’action des ORMVA du Tadla, de la Moulouya et du Gharb) et de forêts ont été incluses comme espace urbanisable. 45 % (16 567 ha) de la superficie incluse a été effectivement retenue pour l’urbanisation. La superficie annuellement grignotée par les différentes formes d’urbanisation est estimée à 4 000 ha (MADRPM, 2004). Les opérations immobilières représentent 45,75 %, les opérations industrielles et les équipements 25 % et les opérations touristiques 12,5 % de la consommation totale des terres agricoles À titre d’exemple, une étude récente réalisée dans la plaine du Tadla (ORMVAT, 2004) a révélé des chiffres alarmants de consommation des terres irriguées et équipées à haut potentiel de production. Ainsi, le bâti dispersé est passé de 932 ha en 1986 à 2 284 ha en 2004, soit une extension moyenne de 79,5 ha/an. Parallèlement, les agglomérations et villes du périmètre ont occupé en 2003 une superficie de 6 750 ha, soit une extension moyenne annuelles de 83,5 ha/an (encadré 2). La situation dans le Périmètre irrigué du Tadla n’est pas unique. Des cas similaires existent également dans la Moulouya et le Gharb. C’est également le cas autour des principales villes du Maroc. Malgré l’implication du MADRPM dans l’évaluation des documents de l’urbanisme en veillant à l’application de la loi 12-90 sur l’urbanisme pour préserver les terres agricoles, les terres plantées et les forêts, le poids de son avis ne pèse pas fortement sur la prise de décision. Il y a besoin urgent d’un accord qui précise 102

les responsabilités entre les départements concernés clés (Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Urbanisme et le MADRPM). Encadré 2

Consommation des terres agricoles par l’urbanisation dans le périmètre irrigué du Tadla (ORMVAT, 2004) Problématique Malgré les lois et les réglementations en vigueur au Maroc (loi 12-90 relative à l’urbanisme) l’urbanisation ne cesse de s’étendre aux dépens des terres agricoles. La durabilité de l’agriculture périurbaine est remise en question. Les pertes économiques en terme de productivité et en valeur foncière sont importantes. Forte densité urbaine : 243 hab/km2 dans le Périmètre irrigué contre 50 hab/km2 dans le reste de la province de Béni Mellal. Objectifs – Établissement de la situation actuelle de l’habitat groupé et dispersé dans la zone du périmètre irrigué du Tadla. – Évaluation de l’ampleur de l’extension des agglomérations urbaines sur les terres agricoles, par rapport à la situation de 1986. Méthodologie Utilisation des images satellitaires de haute résolution SPOT, 2,5 m, du 23/O6/2003), photo-interprétation et SIG. Résultats – La superficie du bâti à l’intérieur du périmètre en 2003 est évaluée à 6 750 ha, répartie comme suit : Bâti dispersé : 2 283 ha et Bâti groupé : 4 467 ha. – L’extension de l’habitat sur les terres agricoles du périmètre depuis 1986 est estimée à 2 772 ha, répartie comme suit : 1986 : 3 970 ha et 2003 : 6 750 ha, soit un taux d’accroissement de 163 ha/an. – Perte en superficie équipée et aménagée évaluée à 16 millions de dh/an

Les cartes d’orientation de l’urbanisation préparées par le MADRPM ne sont considérées qu’à titre indicatif. En plus, le programme d’élaboration de ces cartes souffre de moyens financiers insuffisants. Si rien n’est fait et si le taux moyen de consommation des terres agricoles par l’urbanisation se maintien à 3 500 ha/an, l’étendue des terres consommées arrivera à 70 000 ha à l’horizon 2025, soit 0,8 % de la SAU. Cette réduction des terres agricoles pourrait présenter un enjeu alimentaire pour le pays, sachant que la population nationale serait de 37 831 000 hab en 2020 (projection établie par le SNAT), soit 0,23 ha SAU/ personne alors qu’actuellement on l’estime à 0,34 ha SAU/personne (une diminution de 32 %). Cette diminution représente une perte économique et financière pour le Maroc. Selon le scénario tendanciel, la perte est évaluée à 1 750 millions de dh pour la valeur de la production endommagée et 2 240 millions de dh pour la valeur des équipements endommagés (MADRPM, 2004). L’urbanisation des terres agricoles au Maroc est un problème sérieux qui mérite une attention particulière de la part des pouvoir publics. La spéculation foncière est un handicap majeur du développement durable et de la sécurité alimentaire de notre pays. 103

5.2. L’érosion des sols Principales formes de dégradation des sols au Maroc – Érosion hydrique – Érosion éolienne – Salinisation secondaire – Alcalinisation – Perte de matière organique – Encroûtement – Drainage – Compaction – Urbanisation – (Pollution) L’érosion hydrique est reconnue comme étant la forme de dégradation des sols la plus dangereuse au Maroc. Elle se manifeste essentiellement dans les montagnes du Rif et du pré-Rif où la dégradation spécifique dépasse souvent 3 000 tonnes/km2.an. Les précipitations fortement érosives, associées aux fortes pentes et aux matériaux géologiques tendres explique les forts taux d’érosion enregistrés. En plus, les pratiques agricoles non conservatoires des sols et des eaux accentuent l’érosion hydrique. Les provinces du Sud et de l’Est du Maroc sont fortement touchées par l’érosion éolienne qui décape les horizons superficiels des sols suite à leur mise en valeur sans mesures de protection permettant de réduire la vitesse du vent. La mise en culture des terres de parcours dans l’Oriental constitue une menace réelle des écosystèmes des hauts plateaux. Environ 300 000 ha sont menacés d’ensablement dans les régions de Ouarzazate, Zagora et Errachidia. L’érosion éolienne dans ces régions fait perdre environ 500 ha/an. En plus, l’érosion éolienne menace 25 % des canaux d’irrigation (65 km) dans la vallée du Draa. En plus des pertes des couches arables et fertiles des sols à l’amont des bassins versants, l’érosion réduit la capacité de mobilisation des ressources en eaux dans les barrages. Ainsi, la tranche d’eau perdue chaque année suite à l’envasement des retenues de barrages est évaluée à 75 millions de m3. Ce volume constitue un manque à gagner en irrigation équivalent à une superficie de 10 000 ha.

5.3. La dégradation des sols sous irrigation La salinisation secondaire est la forme de dégradation des sols la plus rapide dans les périmètres irrigués. Elle affecte environ 160 000 ha (tableau 2), soit environ 16 % des terres irriguées (Badraoui et al., 2003).

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Tableau 2 : Salinisation secondaire dans les périmètres irrigués au Maroc Zone irriguée Gharb Basse Moulouya Haouz de Marrakech Tafilalet Ouarzazate Tadla Doukkala Souss Massa Loukkos Bahira Total

Superficie affectée par la salinité (x 1000 ha) 15,0 30,2 24,6 20,9 14,5 19,3 0,6 9,8 2,8 21,0 158,7

En pourcentage de la superficie irriguée 12,5 27,7 29,9 70,4 65,9 24,5 1,0 28,8 14,5 22,8

Les principales causes de la salinisation secondaire sont l’aridité du climat, l’utilisation d’eau chargée en sels solubles, la mauvais drainage associé à la remontée de la nappe phréatique, l’utilisation de techniques d’irrigation peu économes en eau, et dans une moindre mesure l’utilisation abusive des engrais chimiques. Dans les périmètres irrigués la réduction de la teneur en matière organique est une tendance lourde observée. Elle est causée par une mauvaise gestion des résidus de récoltes (pas d’enfouissement), à la faible utilisation des engrais verts (fumier et compost) et à la forte minéralisation des composés organiques. En effet, la teneur en matière organique des sols est généralement inférieure à 1,5 %. Le taux de réduction observé est de l’ordre de 6 à 10 %/an.

5.4. Désertification Définie par les Nations Unies comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi arides et subhumides sèches, la désertification touche 93 % du pays. Elle constitue une contrainte majeure au développement économique et social. Le Maroc a ratifié la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la désertification (CNULCD) en novembre 1996 et a validé son Plan d’Action National (PAN-LCD) en juin 2001. Ce dernier fait partie intégrante du Programme d’Action National de l’Environnement (PANE). Le PAN-LCD est vu par les pouvoirs publics comme un cadre de mise en œuvre de la stratégie de développement rural 2020 et d’intégration des actions sectorielles. Les causes de la désertification sont aussi bien climatiques (sécheresse) que humaines (utilisation non rationnelle des espaces et ressources naturels. En effet, la Sécheresse est une cause majeure de la désertification (voir schéma suivant) :

Changements climatiques – Précipitations Irrégulières et Faibles – Averses violentes concentrées sur un petit nombre de jours/an – Occurrence de fortes averses pendant la saison non pluvieuse – Perturbation du régime de température Fréquentes sécheresses/inondations

105

Dégradation des terres La pauvreté induisant une pression très forte sur les ressources naturelles est une deuxième cause majeure de la désertification. Le PAN-LCD a pour objectifs de : – Préserver et conserver la qualité des terres productives par des mesures préventives ; – Améliorer la productivité des terres moyennement dégradées par des mesures de correction ; – Réhabiliter les terres gravement dégradées en utilisant des moyens techniques appropriés et des mesures d’accompagnement et de facilitation ; – Promouvoir la participation des populations, la coordination et l’intégration des actions sectorielles ; – Atténuer les effets de la sécheresse et réduire la pauvreté. Il s’articule autour de 4 catégories d’actions : – Actions d’appui à la lutte contre la désertification ; – Actions d’appui aux initiatives génératrices de revenu ; – Actions de lutte contre la désertification et atténuation des effets de la sécheresse ; – Actions de renforcement des connaissances de base et développement de systèmes d’information, de suivi et d’évaluation. L’évaluation de la mise en œuvre du PAN depuis 2001 a fait ressortir un certain nombre d’acquis et de points de faiblesse. Les points forts concernent : – Évolution progressive des projets sectoriels descendants vers des projets de développement rural intégré basé sur l’approche ascendante participative (PMVB, DRI, ...). – La plupart des projets de développement rural intégré contiennent des activités de lutte contre la désertification et peuvent ainsi être inscrits dans le cadre stratégique du PAN. – Implication effective et directe de certains partenaires dans la mise en œuvre du PAN (MADR, HCEFLCD, SEE, ONG, PNUD, GTZ, MM, Coops. Française, Belge, Italienne ; Américaine, Japonaise, ... etc). – Société civile très active, spécialement dans les régions du Sud : RIOD-Maroc en activité. – Cadre institutionnel en cours de consolidation à différents niveaux (Projet PAN-GTZ, voir cadre institutionnel). – Système de suivi-évaluation du PAN et de la désertification en cours d’élaboration (Projet SMAP-CE). – Programme prioritaire et mécanisme de mobilisation des ressources en cours d’élaboration : table ronde prévue en sept. 2004 (Appui du Mécanisme Mondial). Les insuffisances concernent : – La visibilité du PAN dans le PDES mérite d’être améliorée ; – La démarche participative maîtrisée par le personnel des projets n’est pas encore appropriée par les agents de l’administration à l’échelle locale ; – Les équipes de terrain souffrent de moyens de fonctionnement leur permettant de réaliser les activités prévues dans de bonnes conditions ; – Le cadre de partenariat entre ONG/ADL et administration à renforcer ; – La réalisation des PDD, PDC n’est pas toujours assurée : frustration des populations. – Les moyens humains et matériels des communes et des régions en milieu rural doivent être renforcés ; – Le processus de suivi-évaluation des projets et de leurs impacts est peu opérationnel : besoin de tester les indicateurs ; 106

– L’intégration des actions au niveau central et au niveau local mérite d’être améliorée ; – Les procédures budgétaires demeurent un handicap majeur qui pèse très fortement sur la mise en œuvre des actions prévues ; – Certains projets manquent d’études de base sur les ressources naturelles et humaines. La définition des actions d’aménagement n’est pas toujours techniquement valable. Malgré les insuffisances identifiées et qui méritent des efforts coordonnés de la part de tous les acteurs, le Maroc est considéré par les Nations Unies comme l’un des pays touchés où un grand progrès est réalisé dans la mise en œuvre de l’UNCCD.

6. Perspectives pour 2025 6.1. Besoin d’un Programme National d’Inventaire et de Cartographie des Sols (PNICS) Le retard cumulé par le Maroc en matière de connaissance des sols exige l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme national d’inventaire et de cartographie des sols. Ce vœux a été exprimé à maintes reprises pour assurer la coordination des travaux entre les administrations concernées, suivre les réalisations et compléter la connaissance dans les régions du Sud et du Sud-Est. Actuellement les travaux de pédologie se font sans coordination, ni concertations entre les ministères et même à l’intérieur du même ministère. Les travaux se font au coup par coup selon les besoins des projets. Le PNICS a été inscrit comme priorité dans le Plan d’Action National de l’Environnement (PANE), mais jusqu’à présent ne lui a été attribué. Les bailleurs de fonds considèrent que l’inventaire des ressources en sol est une responsabilité de chaque état. À l’horizon 2025, il serait très important que le Maroc complète l’inventaire des ses sols à l’échelle du 1/500 000, comme étape préalable pour des travaux plus détaillés selon les besoins. Le recours aux techniques spatiales et aux SIG permettra d’aller plus vite, de réduire les coûts et d’archiver les données sous format numérique.

6.2. Eléments d’une stratégie d’intégration de la connaissance des sols pour l’équilibre écologique, la durabilité des systèmes de production, la sécurité alimentaire et la lutte contre la désertification. Les données recueillies à travers les travaux du PNICS doivent être mises à la disposition de tous les utilisateurs potentiels. Les bases de données sol devront être intégrées dans des systèmes de bases de données plus élargie concernant l’aménagement du territoire en général, le suivi de l’environnement et le développement agricole et rural. Une base de données « sol » centralisée doit être mise en place au niveau d’un département ministériel choisi. Ce dernier suivra, évaluera et archivera les réalisations du programme national d’inventaire et de cartographie des sols.

107

6.3. Accord multipartite pour la prise de décision concernant le problème de l’urbanisation des terres agricoles. L’urbanisation des terres agricole à haut potentiel de production, les terres plantées et de forêt est un enjeu important pour le développement humain du Maroc. Le foncier est sous pression suite aux fortes demandes par les différents opérateurs de développement. Les responsabilités des différents acteurs concernés (ministère de l’Intérieur, MADRPM, HCEFLCD, Aménagement du territoire, Urbanisme ...) doivent être clairement définies. La seule promulgation de la loi 12-90 stipulant la préservation des terres agricole n’est pas suffisante. Un accord multipartite définissant les responsabilités de chaque intervenant serait très utile pour que les décisions soient au service du développement durable du pays.

Références AMSSOL, 1993. Réflexions générales sur les apports de la recherche en science du sol au développement, in Badraoui et Soudi Eds. Place de la pédologie au sein du Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire : situation actuelle et perspectives. Journée-débat, Rabat 8 septembre 1993. Badraoui M., Agbani M., Soudi B. 2000. Évolution de la qualité des sols sous mise en valeur intensive au Maroc. In Soudi & al. Eds. Intensification agricole et qualité des sols et des eaux, Actes du séminaire organisé à Rabat les 2 et 3– Novembre 2000. Badraoui M. et Stitou M. 2002. Status of soil survey and soil information system in Morocco. In Badraoui, Bouabid & Pavlovic Eds. Proceedings de l’atelier sur les bases de données SOTER pour les pays de l’Union du Maghreb Arabe. P. 21-28, 12-16 novembre 2001, Rabat, Maroc, FAP/SNEA, Tunis Badraoui M., Bouabid R., Ljouad L., Rouchdi M., 2002. Base de données digitale SOTER pour le Maroc. In Badraoui, Bouabid & Pavlovic Eds. Proceedings de l’atelier sur les bases de données SOTER pour les pays de l’Union du Maghreb Arabe. P. 63-76, 12-16 novembre 2001, Rabat, Maroc, FAP/SNEA, Tunis Badraoui M., Bouabid R., Rachidi F., Ljouad L. 2003. Land degradation and conservation in the agroécosystems of Morocco. P. Zdruli éd., Ecosystem-based assessment of soil degradation to facilitate land users’ and land owners’ prompt actions, Medcoastland net project workshop, Adana, Turkey, 2-7 june 2003. p : 247-258 Badraoui M. 2004. Mise en œuvre du programme d’action national de lutte contre la désertification. Communication au Colloque International sur la désertification, la sécheresse et la lutte contre la pauvreté, Mardi 15 juin 2004, Bruxelles, Belgique, Feodoroff A. 1955. Etude générale des sols du périmètre irrigable des Doukkala. Prospections Zone Nord de Sidi Bennour. Service Rech. Agro. Exp. Agric. SOGETIM. Rapport + Cartes 1/50 000. INRA. 1967. Congrès de Pédologie Méditerranéenne : excursion au Maroc, Les cahiers de la recherche agronomique No 25. MADRPM, 2004. Evaluation de l’utilisation des terres agricoles à des fins non agricoles. INAT/DAF, Rabat. MADRPM, 1993. Inventaire des études pédologiques au Maroc. DCFCC/DC, Rabat MADRPM, 1996. Carte des sols du Maroc au 1/2 000 000e. DCFCC/DC, Rabat Robert M. 1996. Le sol : interface dans l’environnement, ressource pour le développement. Masson, 241p. MARDPM, 2000. Actes des Assises Nationales sur la Recherche Agricole, Colloque National de l’Agriculture et du Développement Rural, 19-20 juillet 2000. 108

Merzouk A., Badraoui M., Fassi D., Bonn F., Gwyn Q.H.J., Hinse M. 1990. Essai méthodologique pour le classement et la cartographie des Terres en vue de la conservation des sols et des eaux en zones arides. Apport de la télédétection. In J.M. Dubois et P. La France eds. Apport de la télédétection à la lutte contre la sécheresse : 163-171, AUPELF-UREF ORMVAT, 2004. Evolution de l’urbanisation et de la déperdition des terres agricoles dans le périmètre du Tadla. ORMVAT Prefol P. 1986. Prodige de l’irrigation au Maroc : le développement exemplaire du Tadla 1936-1985. Nouvelles Editions Latines, Paris, 266p. Ruellan A. 2003. Évaluation du système de recherche scientifique et technique au Maroc : Sols et Environnement. MESFCRS, SERS. Thomann Ch. 1952. Contribution à l’étude de la fertilité chimique des sols du maroc. Trav. Section. Pédol. 13/ 14 : 9-34

109

Annexes Annexe 1 : Carte SOTER du Maroc

110

Unités SOTER des zones pour lesquelles des études pédologiques sont disponibles Terrain

Composant Ter- Composant Sol Code Attribut Forme du Relief rain Unité SOTER

Type de sol (1)

1 1 1

1 1 1

1 2 3

1/11 1/12 1/13

SM LV LL

Calcimagnesique Vertisol Sesquioxyde

2

1

1

2

TM

Peu évolué d’érosion

3

1

1

3

TM

Peu évolué d’érosion

4

1

1

4

SH

Calcimagnésique

5 6 6 6 6 6

1 1 1 1 1 1

1 1 2 3 4 5

5 6/11 6/12 6/13 6/14 6/15

LP LP LP LP LP LP

Peu évolué d’apport Isohumique Brunifié Vertisol Sesquioxyde Hydromorphe

7 7 7 7 7

1 1 1 4 1

1 2 3 4 5

7/11 7/12 7/13 7/14 7/15

LP LP LP LP

Calcimagnésique Sesquioxyde Vertisol Vertisol Hydromorphe

8

1

1

8

SM

Peu évolué d’érosion

9

1

1

9

SH

Peu évolué d’érosion

10

1

1

10

LL

Calcimagnésique

11

1

1

11

SH

Complexe

18 18 18

1 1 1

1 2 3

18/11 18/12 18/13

LP LP LP

Isohumique Calcimagnésique Vertisol

19 19

1 1

1 2

19/11 19/12

20 20 21 21

1 1 1 1

1 2 1 2

20/11 20/12 21/11 21/12

Peu évolué d’érosion Calcimagnésique LP LP LV LV

Isohumique Peu évolué d’érosion Isohumique Peu évolué d’apport

(1) : Voir légende de la carte pour la nature du relief dominant (2) : Il s’agit en fait d’association de sols. Seul le sol dominant est indiqué.

111

Unités SOTER des zones n’ayant pas fait l’objet d’études pédologiques. Terrain

Composant Ter- Composant Sol Code Attribut Forme du Relief rain Unité SOTER

Type de sol (1)

12 12 13 14 15 15 16 17

1 1 1 1 1 1 1 1

1 2 1 1 1 2 1 1

12/11 12/12 13 14 15/11 15/12 16 17

LL LL SM TM SM SM TM TM

Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe Calcimagnésique Complexe Complexe

22 23 23 24 25 26 27 28 29

1 1 1 1 1 1 1 1 1

1 1 2 1 1 1 1 1 1

22 23/11 23/11 24 25 26 27 28 29

SM LV LV SM SM LL LL LL LL

Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe

30 31 32 33 34 35 36 36 37 38 39

1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1

1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1

30 31 32 33 34 35 36/11 36/12 37 38 39

SM LP LL LL LL LL LL LL LP LV SH

Complexe Complexe Complexe Complexe Complexe Peu évolué d’érosion Peu évolué d’érosion Peu évolué d’érosion Complexe Calcimagnésique Complexe

(1) : Type de sol dominant déduits par interprétation des facteurs de pédogenèse. La plupart des Unités complexes sont constituées des Sols Minéraux Bruts et Peu Evolués Xériques

112

Annexe 2 : Carte de sensibilité à la désertification des pays de l’UMA

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Biodiversité et équilibres écologiques 1. Introduction : la diversité biologique au Maroc, un patrimoine fragile et constamment menace...................................................................119 1.1. Biodiversité, concept nouveau ..............................................................119 1.2. Une biodiversité riche mais très vulnérable ........................................120 2. État des lieux de la biodiversité au Maroc .................................................122 2.1. Diversité Écosystémique et paysagère ................................................122 2.1.1. Écosystèmes terrestres .................................................................122 2.1.2. Écosystèmes des eaux continentales .........................................124 2.1.3. Écosystèmes marins et côtiers .....................................................126 2.2. Diversité spécifique .................................................................................128 2.2.1. Flore ...................................................................................................128 2.2.2. Faune .................................................................................................129 2.2.3. Microorganismes ............................................................................131 2.3. Diversité génétique ..................................................................................131 2.3.1. Importance et enjeux de la diversité génétique ........................131 2.3.2. Diversité des Ressources Génétiques au Maroc ......................132 2.4. Diversité des connaissances et pratiques traditionnelles ...............133 2.5. Cadres législatif et institutionnel ...........................................................135 2.5.1. Législation : Protection des espèces et des espaces ...............135 2.5.2. Les institutions, ou la Biodiversité entre l’urgence de l’action et la polycéphalie de la gestion ................................139 2.5.3. Engagement international du Maroc (Appréciation de l’état de cet engagement dans le cadre des accords bilatéraux et multilatéraux) ...........................................................142 3. Importance socio-économique de la biodiversité marocaine – contribution depuis 50 ans au développement du pays ..........................145 3.1. Biodiversité terrestre ...............................................................................145 3.2. Biodiversité marine et côtière ................................................................146 3.3. Biodiversité des zones humides ............................................................149

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4. Cinquante ans de conservation de la biodiversité marocaine ............... 150 4.1. Efforts de Conservation in situ (SIBE’s, Aires protégées, réserves de la biosphère) ........................................................................ 150 4.1.1. Parcs nationaux et parcs naturels ............................................... 150 4.1.2. Réserves biologiques ..................................................................... 153 4.1.3. Réseau SIBE’s (Sites d’Intérêt Biologique et Écologique) .................................................................................. 153 4.1.4. Parcelles Porte -Graines ................................................................ 154 4.1.5. Réserves MAB ................................................................................. 154 4.2. Efforts Conservation ex situ (jardins botaniques, jardins zoologiques) ............................................................................................... 154 4.2.1. Flore ................................................................................................... 154 4.2.2. Faune ................................................................................................. 156 4.2.3. Collections ........................................................................................ 156 4.3. Restauration – Réhabilitation (élevages et aquaculture de repeuplements) .................................................................................... 157 4.3.1. Réintroductions ............................................................................... 157 4.3.2. Aquaculture ...................................................................................... 157 5. Perturbations de la biodiversité et incidences écologiques et socio-économiques – 50 ans de pression ............................................. 157 5.1. Fragmentation et Pertes d’habitats ....................................................... 158 5.1.1. Déforestation ................................................................................... 158 5.1.2. Urbanisation - Littoralisation ......................................................... 158 5.1.3. Drainage des zones humides ........................................................ 159 5.1.4. Infrastructures de développement (Tourisme, Transport, etc.) ................................................................................ 160 5.2. Surexploitation des ressources naturelles .......................................... 161 5.2.1. Surexploitation de la biodiversité forestière .............................. 161 5.2.2. Sur pêche (Efforts de pêches, Engins non adaptés, non respect des périodes de reproduction et de recrutement) .................................................................................... 162 5.2.3. Surpâturage ..................................................................................... 162 5.2.4. Autres formes de surexploitation (eau, sable, etc.) .................. 163 5.3. Pollutions ................................................................................................... 164 5.3.1. Rejets urbains .................................................................................. 164 5.3.2. Rejets industriels ............................................................................. 164 5.3.3. Pollution agricole ............................................................................ 165 5.3.4. Pollution de l’air et induction des changements hydro- climatiques .......................................................................... 166 5.3.5. Pollution accidentelle (pétroliers) ................................................ 166 5.4. Introduction d’espèces exotiques ......................................................... 167 5.4.1. Flore ................................................................................................... 167 5.4.2. Faune ................................................................................................. 167

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5.5. Coût de dégradation de l’environnementet de la biodiversité ............................................................................................ 168 6. Tendances de l’évolution de la biodiversité nationale à l’horizon 2025 ................................................................................................169 6.1. Tendances des paramètres régissant le maintien de la biodiversité .............................................................................................169 6.1.1. Déforestation ....................................................................................169 6.1.2. Démographie .....................................................................................171 6.1.3. Urbanisation ......................................................................................171 6.1.4. Déchets ..............................................................................................171 6.1.5. Pollution de l’air ................................................................................172 6.1.6. Climat ..................................................................................................173 6.2. Tendances des principaux écosystèmes et leur biodiversité .................................................................................................174 6.2.1. Écosystèmes terrestres ..................................................................174 6.2.2. Écosystèmes marins et côtiers ......................................................175 6.2.3. Écosystèmes des zones humides ..................................................176 7. Orientations stratégiques pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc ...............................177 7.1. Mieux connaître la biodiversité pour mieux la protéger et mieux l’utiliser à des fins de développement socio-économique et humain durable ....................................................177 7.2. Plus de compétence pour garantir un développement durable de la biodiversité .........................................................................178 7.3. Utiliser et gérer de façon rationnelle pour assurer la durabilité des ressources et de leurs services ................................178 7.4. Sensibiliser, éduquer et intéresser les populations pour une meilleure approche participative ....................................................179 7.5. Actualiser les structures institutionnelles et juridiques nationales et harmoniser la législation nationale avec les engagements internationaux du Maroc ..........................................179 7.6. Renforcer les capacités nationales par le renforcement de la coopération .......................................................................................180 8. Plan d’action pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc .........................................................181

ABDELLATIF BERRAHO AHMED BIROUK MOHAMED MENIOUI

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1. Introduction : La diversité biologique au Maroc, un patrimoine fragile et constamment menacé 1.1. La biodiversité, un concept nouveau Le concept de biodiversité (ou diversité biologique) fait référence à l’ensemble des variations qui existent au sein du monde vivant, c’est-à-dire au nombre, à la variabilité des organismes et des éléments qu’ils constituent par association. La Convention Internationale sur la Diversité Biologique (Rio de Janeiro, 1992) en a clairement défini le contenu comme étant : « la variabilité des organismes vivants, de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». La biodiversité recouvre donc trois niveaux de variabilité du monde vivant : au sein des espèces vivantes (ou diversité génétique), entre les espèces (diversité interspécifique) et entre les écosystèmes (diversité écologique). Ainsi, à côté de l’inventaire des différents éléments constitutifs de la biodiversité, cette approche met également l’accent sur la notion d’« interactivité » entre ces trois différents niveaux d’organisation. On avance habituellement trois types de justifications (Barbault, 1993) pour expliquer la valeur de la biodiversité : – des justifications biologiques ou écologiques, – des justifications économiques, – des justifications d’ordres éthique ou culturel. La biodiversité est en effet importante à divers titres : éthique, scientifique (anthropocentrique), sociologique, utilitaire, écologique, économique et récréative. La classification souvent employée de la valorisation des ressources biologiques fait la distinction entre les valeurs directes et les valeurs indirectes (Tableau 1). Tableau 1 : Typologie des valeurs de la biodiversité proposée par les économistes (Heywood, 1997) Catégorie de valeur

Définitions

Valeur de consommation directe

Consommation des ressources sans transformation : chasse, pêche, cueillette

Valeur productive

Utilisation des ressources génétiques dans des cycles productifs (obtention variétale, exploitation forestière, pêches, médicaments à base des plantes médicinales)

Valeur récréative

Exploitation sans consommation (éco-tourisme, récréations)

Valeur écologique

Liée à l’interdépendance entre organismes et au bon fonctionnement des systèmes naturels

Valeur d’option

Liée à l’exploitation future des ressources génétiques

Valeur d’existence

Liée à la satisfaction et au bien être que procure l’existence de la biodiversité

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1.2. Une biodiversité riche mais très vulnérable Situé à l’angle nord-ouest du continent Africain entre 21o et 36o de latitude nord et entre le 1er et le 17e degré de longitude ouest, le Maroc jouit d’une position géographique privilégiée, au carrefour entre l’Afrique et l’Europe, avec deux façades maritimes de plus de 3000 km donnant sur la Méditerranée et l’Océan Atlantique. Le territoire du Royaume du Maroc est situé à la rencontre de grands ensembles très distincts : la mer Méditerranée au nord, l’Océan Atlantique à l’ouest et au nord-ouest et le front désertique du Sahara au sud-est. Cette position géographique particulière confère au Maroc une gamme remarquable de bioclimats très variés allant de l’humide et du sub-humide au saharien et désertique en passant par l’aride, le semi-aride et le climat de haute montagne dans le Rif, le Moyen et le Haut Atlas, où les altitudes dépassent respectivement 2 500, 3 000 et 4 000 m. À cette diversité du relief et du climat correspond une grande diversité bioécologique ainsi qu’une gamme importante de milieux naturels : formations ligneuses forestières, formations prèsahariennes et sahariennes, steppes, matorrals, littoral... Grâce à la diversité de ses bioclimats, à la variété des écosystèmes naturels et aux cortèges floristiques et faunistiques qui leur sont liés, le Maroc occupe une place privilégiée dans le Bassin Méditerranéen. Ceci peut être mis en évidence par le nombre d’espèces qu’il abrite (richesse spécifique), par le taux d’endémisme (proportion d’espèces et sous-espèces végétales ou animales qui existent uniquement au Maroc) et par la diversité des écosystèmes identifiés. La biodiversité nationale revêt une importance écologique particulière, avec plus de 24 000 espèces animales et de 7 000 espèces végétales et un taux d’endémisme global de 11 % pour la faune, et de plus de 20 % pour les plantes vasculaires, taux presque sans égal par rapport à tout le bassin méditerranéen. La diversité des écosystèmes est aussi remarquable ; en plus des écosystèmes côtiers et marins, méditerranéens ou atlantiques, une quarantaine de milieux continentaux ont été identifiés comme particulièrement riches en biodiversité, dont près des 3/4 sont représentés par des écosystèmes forestiers stricts (forêts) et des écosystèmes pré forestiers et pré steppiques. La richesse biologique du Maroc présente aussi un intérêt socio-économique vital pour le pays. Les ressources biologiques exploitées contribuent à une part importante de la richesse nationale dans différents secteurs de l’économie comme l’agriculture (8 456 000 ha cultivables, plus du tiers de la population active, 20 % des exportations totales du pays, 25 % de son P.I.B.), l’élevage (un tiers de la PIBA, 40 % de l’emploi rural), la foresterie (8 969 600 ha, 114 000 emplois permanents ou temporaires, 1,5 Milliard d’unités fourragères /an, bois, liège, chasse) et les pêcheries (production globale d’environ 750 000 tonnes par an, exportations d’une valeur de près de 5 milliards de DH, près de 80 000 emplois, d’après ENB, 1997). Les écosystèmes terrestres et aquatiques recèlent bien d’autres potentialités occultes, dont la valeur de consommation ou d’utilisation directe et les valeurs d’option ne sont pas toujours aisément estimées : Potentialités végétales (plantes médicinales, lichens, plantes aromatiques, caroube, glands, champignons comestibles, champignons ectomycorrhiziens, truffes, oignon sauvage, etc.), animales (apiculture, gibiers, escargots, tortues, oiseaux, pêche continentale, fertilisants organiques du sol etc.), côtières et marines (algues marines, corail), éco-touristiques (diversité écosystémique, paysagère) et génétiques (espèces endémiques, variétés et races locales, espèces spontanées apparentées aux plantes cultivées). Ces composantes jouent un rôle non négligeable, pourvoyeur de recettes parfois difficiles à estimer en termes économiques, mais dont le rôle social est très important. Cependant, de sérieuses menaces, dérivant essentiellement des multiples activités de l’homme pèsent sur la biodiversité au Maroc, comme dans de nombreux autres pays du monde. L’impact des différentes acti120

vités humaines va souvent à l’encontre de la préservation de cette biodiversité et d’une gestion rationnelle de nos ressources naturelles. Les écosystèmes sont plus ou moins touchés par les activités directes ou indirectes de l’homme liées au développement économique et à la croissance démographique qu’a connus le pays (agriculture intensive, surpâturage, déforestation, pêche excessive, industrie et pollution, urbanisation). Dans des cas extrêmes, l’impact négatif de ces activités aboutit à une disparition irrémédiable d’espèces animales ou végétales et à des dégradations irréversibles de certains écosystèmes, comme dans le Rif Central, où l’écosystème à chêne-liège a été pratiquement anéanti. Le Maroc, comme tout autre pays, puise l’essentiel des éléments nécessaires pour son développement dans ses ressources naturelles dont les principales, à part les phosphates, sont l’agriculture, les forêts, les parcours d’élevage, les ressources halieutiques et la diversité de ses paysages (tourisme). Toutes ces ressources biologiques sont fondées sur la notion de race, de variété, d’essence, d’espèce et de milieu écologique. Notre développement se fait donc, en grande partie, aux dépens de ces composantes. Il en résulte des pertes écologiques et socio-économiques incalculables dues à la perte de ce fonds biologique souvent irremplaçable. Alors que les phosphates, comme les autres ressources minières, sont une ressource épuisable, et si ses stocks nécessiteraient, dans les meilleures conditions des millions d’années pour se reconstituer, les ressources biologiques, disponibles et renouvelables, constituent les seules ressources naturelles pérennes, lorsqu’elles sont gérées de façon rationnelle. Sur les 7000 espèces qui composent la flore marocaine, près de 1700 taxons sont actuellement considérés comme rares et menacés de disparition, ce qui représenterait une perte potentielle de plus de 24 % de notre richesse floristique ! La déforestation entraîne la disparition de 31000 ha de forêts par an, et par suite, la dégradation des écosystèmes forestiers et péri-forestiers. Du point de vue faunistique, la situation n’est guère plus brillante. Les animaux disparaissent également à une vitesse alarmante. Bon nombre d’espèces sont aujourd’hui éteintes, et plus de 600 espèces sont menacées. L’ichtyofaune est fortement menacée, aussi bien en mer qu’en eau douce. La pêche maritime enregistre une baisse continue des captures, due essentiellement à la surexploitation de nos ressources halieutiques, notamment par les flottes étrangères. En eau douce, ce sont des espèces comme l’alose et l’anguille qui sont menacées, notamment par la pollution des cours d’eau et surtout la construction de barrages (sans échelles à poissons) qui empêchent leurs migrations vers les lieux de ponte. La grande Alose a ainsi pratiquement disparu de certains fleuves (Sebou, Bou Regreg). Dans le cas des oiseaux, au moins une dizaine d’espèces nidificatrices ont disparu du Maroc depuis le début de ce siècle, et une vingtaine d’autres sont aujourd’hui très sérieusement menacées d’extinction. Les causes de disparition, par ordre d’importance décroissante sont : la prédation humaine (chasse et braconnage), les dérangements humains (nomadisme, pastoralisme, tourisme), les pesticides et la dégradation forestière. Pour ce qui est des Mammifères, 6 espèces ont disparu entre 1925 et 1956, dont 4 Ongulés (Oryx, Addax, Gazelle leptocère, Bubale) et 2 carnivores (Lion de l’Atlas et Serval). Le dernier Lion de L’Atlas a été vu dans le moyen Atlas en 1930. Le Maroc a une longue tradition dans le domaine de la protection de la nature, tradition qui n’a peut être pas toujours été appliquée dans les mêmes termes et selon la perception actuelle de la biodiversité. L’existence de pratiques communautaires séculaires, l’ancienneté de certains textes législatifs, datant déjà de l’année 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts, ainsi que l’instauration de parcs nationaux depuis les années 1940 (Par le Département des Eaux et Forêts et de la Conservation des Sols) témoignent qu’une conscience de ce problème a toujours existé. Néanmoins, si des efforts de protection des ressources naturelles en général, et biologiques en particulier, ont été entrepris depuis le début du 20e siècle par les autorités 121

marocaines, ils n’ont malheureusement pas permis d’endiguer entièrement la pression croissante sur les ressources biologiques. Le « Sommet de la Terre », Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED, Rio de Janeiro, 1992) est venu rappeler aux pays du Nord, comme à ceux du Sud que le monde est unique, que la planète Terre ignore les frontières politiques et administratives et que la protection de l’environnement doit être érigée en priorité à tous les échelons. Cette prise de position n’est pas un choix ni un luxe, mais plutôt une nécessité incontournable pour pouvoir protéger la planète et mieux la conserver pour les générations futures. Ce sommet a adopté un plan d’action planétaire, « l’Agenda 21 », visant à instaurer un développement durable, ainsi que deux conventions internationales dont la Convention sur la Diversité Biologique. Ainsi, la notion de ressources inépuisables est désormais caduque. Notre patrimoine naturel et la police d’assurance que constitue la biodiversité sont donc des ressources tarissables. La Convention sur la Diversité Biologique a été signée lors de ce Sommet par un grand nombre de pays dont le Maroc. Elle a été ratifiée par notre pays en Août 1995. Cette Convention a pour objectifs (1) la conservation de la biodiversité, (2) l’utilisation durable de ses éléments constitutifs et (3) le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques. L’avènement de la Convention sur la Diversité Biologique a permis d’accélérer la coordination et la mise en œuvre du processus de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité, dans un cadre national mais aussi en concertation et en harmonie avec les préoccupations à l’échelle planétaire. Dans les chapitres qui suivent, après une vue rapide de la composition de la biodiversité nationale, les facteurs de pression seront détaillés, suivis de l’identification des composantes les plus menacées de la biodiversité. Les principales mesures et actions de protection entreprises sont précisées, ainsi que les différents acteurs impliqués. Dans le cadre d’une vision prospective, les orientations stratégiques et des éléments de réflexion pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc sont présentés.

2. État des lieux de la biodiversité au Maroc 2.1. Diversité écosystémique et paysagère 2.1.1. Écosystèmes terrestres A. Les écosystèmes forestiers et steppiques Ces écosystèmes sont formés principalement de formations naturelles de feuillus (chêne vert, chêne liège, chêne tauzin, arganier, etc.) et de résineux (Pin, thuya, cèdre, etc.), mais, aussi, de steppes d’Alfa qui occupent d’importantes étendues. Les 21 essences constituant les principaux écosystèmes forestiers du Maroc sont : les Cédraies, les Pinèdes, les Tétraclinaies, les Oxycédraies, les Junipéraies rouges, les Thuriféraies, les Sapinières, les Cupressaies, les Chênaies vertes, les Subéraies, les Chênaies caducifoliées, les Cocciféraies, les Oléastraies, les Cératoniaies, les Pistaciaies, les Arganeraies, les Rétamaies et Adénocarpaies, les Steppes à xerophytes épineux, les Steppes à Alfa et, enfin, les Steppes à armoise. Leurs proportions relatives sont données dans la figure ci-dessous. 122

Figure 1 : Structure de la forêt marocaine (d’après les données du HCEFLCD) Les cortèges floristiques et faunistiques de ces milieux diffèrent parfois considérablement en fonction des conditions édapho climatiques : température, précipitations, altitude, nature du sol, etc. Ces écosystèmes abritent la quasi-totalité des phanérogames du pays (4500), près de 90 mammifères, plus de 320 oiseaux et un grand nombre d’invertébrés. À l’exception de quelques unes de ces formations (subéraie, cédraie, etc.), les cortèges floristiques et faunistiques n’y ont été que très peu étudiés. Les cédraies, par exemple, abritent entre autres plus de 260 espèces d’oiseaux dont une trentaine sont nicheurs, ce qui est également le cas de la pinède. Les oxycédraies offrent un habitat important pour certaines espèces endémiques telle que la fauvette de l’Atlas ou le Merle de Plastron qui s’y nourrit de baies de genévrier. La junipéraie abrite de nombreuses espèces gibier telles que les tourterelles ou les perdrix. L’arganeraie est surtout connue par sa faune reptilienne dont 8 taxa sont endémiques du Maroc. La forêt marocaine se démarque également par certains écosystèmes d’intérêt international dont : – l’arganeraie, presque unique dans le monde et qui joue au Maroc un rôle écologique et économique d’une grande importance ; – le cèdre de l’Atlas, espèce noble ; – le sapin du Maroc, formation endémique du Maroc ; – la thuriferaie, rare et très menacée ; – la formation du pin noir très localisé au Maroc et rare ailleurs ; – le thuya de berbérie dont la plus intéressante formation se situe au Maroc ; – Le Cyprès de l’Atlas, spécifique au Maroc et y est, de plus, très localisé.

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B. Les écosystèmes sahariens De par leurs formations végétales, constitués principalement de regs et d’ergs, les écosystèmes sahariens (environ 1.000.000 ha), sont très souvent rattachés aux écosystèmes forestiers et steppiques. Les formations végétales arborées y sont à base d’Acacia (A. radiana, A.ehrensbergiana, A. albida). Les regs, qui sont des reliefs plats caillouteux, sont souvent occupés par des Chaméphytes très clairsemés et plus particulièrement des Chénopodiacées (Hamada, Anabis, Nucula, etc.). Les ergs, formés essentiellement de dunes de sables sont plutôt pauvres, aussi bien en espèces végétales qu’animales. Malgré que le développement de la végétation y soit limité à cause des faibles précipitations, on y dénombre 730 formes végétales différentes, dont 60 endémiques, abritant plus de 650 invertébrés, plus de la moitié des amphibiens et reptiles du Maroc (50) pour la plupart endémiques, au moins 40 mammifères des plus menacés du pays, plus de 250 oiseaux, etc.

C. Les agro-écosystèmes Les écosystèmes agricoles, ou agro-écosystèmes, sont des écosystèmes dans lesquels des plantes et des animaux d’origine naturelle ont été remplacés par des plantes cultivées et des animaux délibérément domestiqués et sélectionnés par l’homme. Les méthodes les plus intensives, dont la monoculture moderne, les plantations et les fermes d’élevage à haute technicité, peuvent modifier un écosystème si radicalement qu’il ne subsiste plus grand-chose du biotope ou des éléments topographiques qui le caractérisaient auparavant » (Convention sur la Diversité Biologique, 1996). Au Maroc s’individualisent nettement des régions d’agriculture paysanne ancienne, où la polyculture s’appuie sur des techniques plus au moins intensives, et des régions où l’élevage pastoral a été l’activité principale jusqu’au début du xxème siècle et où domine aujourd’hui la céréaliculture. Schématiquement, on peut distinguer ces deux grands types de zones de part et d’autre de la ligne de crête des montagnes de l’Atlas. Dans les régions céréalières d’agriculture « moderne », l’adoption des systèmes de culture basés sur l’utilisation des variétés performantes et uniformes, l’épandage des engrais azotés et le développement de la mécanisation ont entraîné la quasi disparition des systèmes traditionnels basés sur un matériel diversifié. À l’inverse, on peut encore trouver des régions de vieille agriculture où la diversité phyto et zoo génétique est encore maintenue. Les semences auto-reproduites sur les exploitations restent prédominantes dans ces zones. (cultivars traditionnels de blé dur, seigle, épeautre, mil, sorgho, vesces, gesses, d’arbres fruitiers au nord, d’orges dans les régions méridionales, de palmiers, de luzerne, de légumes, de safran et de blé tendre appelé « blé des pharaons » dans les oasis...). Ces milieux constituent cependant des écosystèmes fragiles où l’érosion génétique sévit rapidement sous l’effet de la sécheresse, la salinité et parfois la concurrence des variétés améliorées.

2.1.2. Écosystèmes des eaux continentales (Fig. 2) Selon le rapport national sur les zones humides, la superficie totale de ces écosystèmes serait de 200000 ha, y compris les lagunes et les estuaires.

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Figure 2 : Zones humides du Maroc (d’après Dakki et hamzaoui, 1996)

A. Les lacs Le Maroc se distingue des pays du Maghreb par l’existence de vrais lacs permanents, concentrés essentiellement dans le Moyen Atlas et dont le plus grand est celui de l’Aguelmame Sidi Ali, atteignant 300 ha de superficie et 40 m de profondeur. Certains lacs du Haut Atlas sont encore plus profonds, atteignant par exemple 61 mètres au moins pour le lac d’Ifni et 92 m pour le lac d’Isly. L’intérieur du pays comporte un grand nombre de zones humides temporaires localisées surtout en bioclimats aride, semi-aride et subhumide. La durée de mise en eau est comprise entre 4 et 11 mois, débutant en général dans la seconde moitié de l’automne avec les premières pluies, parfois même plus tardivement. Ces lacs naturels comportent une diversité biologique assez riche, mais essentiellement à base d’arthropodes. Les poissons y sont rares, mais intéressants. C’est ainsi qu’on trouve encore Salmo pallary à Aguelmane Sidi Ali et Salmo trutta au Lac d’Ifni etc., par contre les oiseaux sont très abondants (Grèbes, Anatidés, Rallidés, Grands échassiers, limicoles, etc.). Aux lacs naturels, on peut associer les milieux créés artificiellement que sont les retenues des barrages avec plus de 100 grands barrages et 10 autres devraient être construits à court terme. La flore et faune y est limitée, conditionnée dans leur développement par les variations brusques du régime hydraulique. La vie y est principalement représentée par dy phytoplancton, des oiseaux et des poissons. 125

B. Les cours d’eau Le Maroc est le pays qui possède les rivières et les fleuves permanents les plus importants du Maghreb. Les chaînes de montagnes en constituent des châteaux dont le plus important reste le Moyen Atlas, qui donne naissance aux trois principaux cours d’eau du pays (Oueds Moulouya, Oum-er-Rbiâ et Sebou). Le Haut Atlas donne naissance aux Oueds Dadès, Ghériss, Guir, Souss, Tensift et Ziz, et en partie Draâ. Il alimente également les grands affluents de l’Oum-er-Rbiâ (Oueds Abid, Lakhdar et Tassaout) ; et les affluents du Souss (Aoulouz, Assif n’Aït Moussa, Assif n’Ait AI Haj) et du Tensift (Chichaoua, N’fis, Ourika), ainsi que certains affluents de la Moulouya. Le Rif alimente, entre autres, les Oueds Ghiss, Kert, Laou, Loukkos, Nkor et Oueea. Oued Beht, affluent du Sebou, et Oued Bou Regreg et ses affluents prennent naissance dans le Plateau Central. Dans ces milieux, les conditions sont très favorables à un développement de la biodiversité qui y est représentée par tous les maillons de la chaîne trophique. Toutes les espèces de poissons du Maroc s’y trouvent pratiquement, dont 9 endémiques. Les oiseaux y sont également très richement diversifiés.

C. Les sources Les sources, connues pour leur fraîcheur et la stabilité de leurs températures sont les plus abondantes au Moyen Atlas, suivi par le Haut atlas et le Rif. Cantonnées généralement dans des hautes altitudes, chaque source a pratiquement ses propres particularités physico-chimiques et biologique, ce qui explique les cortèges d’espèces endémiques, inféodées à chacune d’elles. Les sources les plus importantes au point de vue faunistique sont situées au Moyen Atlas (Aghbalou Abekhbakh, Aïn Soltane, Aïn Taoutaou, Sources de l’Oued lfrane, Ras El Ma d’Azrou et Ras El Ma de Taza) et au Rif (Beni Snassen : Bou Abdel et leur émissaire; El Anacer).

D. Les grottes Les Grottes constituent un autre type particulier d’écosystèmes humides qui enrichit le paysage écologique du pays. Plus de 60 grottes existent au Maroc. Plusieurs d’entre elles présentent un intérêt préhistorique, en plus de leur intérêt bioécologique. Ces milieux, caractérisés par la stabilité de leurs paramètres abiotiques (faibles températures, faibles quantités de lumière, etc.), comportent une faune particulière, essentiellement à base d’invertébrés. Des poissons et des mammifères (chauves souris essentiellement) peuvent y représenter des composantes stables et spécifiques. La biodiversité des zones humides continentales marocaines est relativement bien étudiée, plus sur les plans systématique et écologique que sur les plans conservation et restauration. Ce n’est que récemment (à partir de 1980, date de l’inscription de 4 sites dans la liste Ramsar) qu’on a commencée à s’intéresser réellement à ces zones en tant qu’écosystèmes productifs, comportant des espèces particulières pouvant jouer des rôles socio-économiques importants, surtout aux échelles locale et régionale.

2.1.3. Écosystèmes marins et côtiers Ces milieux s’étendant sur au moins 3 000 kilomètres et deux façades : une atlantique avec plus de 2 600 km de longueur et une méditerranéenne de près de 400 km

A. Écosystèmes marins Les études consacrées au domaine maritime marocain, et plus particulièrement à sa composante éco systémique sont relativement peu nombreuses. Certes, un grand nombre de campagnes scientifiques y a été 126

organisé, et ce depuis le 18e siècle ; mais ce fut souvent des études ponctuelles systématiques ou hydrologiques. Ce n’est que récemment qu’on a commencé à s’intéresser au fonctionnement des eaux du large et de leurs relations avec les richesses biologiques, en particulier les ressources halieutiques. Selon ces études, toutes les composantes biotiques (pratiquement tous les groupes zoologiques, différents types d’algues, phanérogames marines, etc.) et pratiquement tous les habitats identifiées à l’échelle internationale (fonds sableux, vaseux, rocheux, avec ou sans métaphytes, coralligènes, etc.) y sont présents et, parfois même, très développés. L’Étude Nationale sur la Biodiversité a d’ailleurs montré que les côtes marocaines seraient plus diversifiées et plus riches que la Méditerranée toute entière y compris la mer noire. L’origine de ces richesses vivantes des eaux marocaines résiderait, entre autres, dans leur position biogéographique stratégique, mais aussi au phénomène de remontées d’eaux profondes riches en sels nutritifs dites « Upwellings ». La région marocaine est d’ailleurs, l’une des cinq principales zones influencées par le phénomène d’upwelling qui est produit, maintenu et entretenu par certaines particularités géomorphologiques et climatiques. Le domaine marin marocain a fait l’objet de nombreuses expéditions scientifiques internationales et ce depuis plus de deux siècles. Ses particularités physico-chimiques et biogéographiques en ont fait l’un des pays les plus riches à l’échelle planétaire. Ces richesses restent très peu connues, exceptées celles ayant un intérêt commercial, faute de suffisamment de spécialistes nationaux et faute de moyens matériels.

B. Écosystèmes côtiers paraliques Les écosystèmes côtiers paraliques, autrement dit les zones côtières plus ou moins piégées entre terre et mer, saumâtres, fermées ou adoucies par des eaux continentales (estuaires et lagunes, principalement), font également partie des écosystèmes côtiers, malgré leurs particularités. Un grand nombre d’espèces viennent s’y développer, s’y reproduire, s’y nourrir ou tout simplement s’y abriter ou s’y reposer. a. Estuaires Les principaux estuaires du Maroc sont ceux de l’Oued Moulouya, sur la côte méditerranéenne, et les Oueds Sebou et Oum-Er-Rbiâ, sur la côte atlantique. Sur la façade méditerranéenne, d’autres oueds (Oueds Martil, Laou, Ghis, Nkor et Kert) se comportent plutôt en torrents ; ils reçoivent peu d’affluents et drainent des bassins versants de dimensions modestes. Sur la façade atlantique, les autres principaux cours d’eau sont le Loukkos, le Bou Regreg, le Tensift et le Souss. D’autres cours d’eau (Massa, Draâ, etc.), beaucoup moins importants, sont assez souvent fermés à leurs embouchures par des bouchons sablonneux, comme beaucoup d’autres oueds sahariens. Ce sont des milieux très peu étudiés, à l’exception de celui de l’Oued Bou Regreg. Ils sont généralement peu profonds (une dizaine de mètres, environ) ; mais, qui s’avèrent d’une grande richesse floristique et faunistique (plus de 400 espèces déterminées dans l’esuaire du Bou Regreg) et surtout d’un grand intérêt socioéconomique pour les populations locales (pêche, ramassage de coquillages, etc.). b. Lagunes La côte marocaine abrite également de nombreuses lagunes et merjas dont les plus importantes sont la lagune de Nador (115 km2) prolongée vers l’Est par les salines de Qariat Arekmane, et la lagune de RestingaSmir. Sur le littoral atlantique, les plus importantes sont la lagune de Moulay Bousselham, la Merja de Sidi Boughaba, le complexe lagunaire de Oualidia-Sidi Moussa, la lagune de Khnifiss et la baie de Dakhla. Cette dernière, qui s’étire sur près de 37 km de long et 10 à 12 km de large dispose d’un potentiel extraordinaire de production biologique non seulement pour le Maroc, mais pour la région toute entière. 127

De nombreuses études ont été consacrées aux milieux lagunaires, surtout pour en évaluer les potentialités aquacoles. Les mieux connues de ces écosystèmes sont ceux de Oualidia, Nador, Merja Zerga et Khnifiss.

2.2. Diversité spécifique 2.2.1. Flore La richesse spécifique de la flore marocaine est estimée à près de 7 000 taxa, largement dominée par les espèces terrestres (environ 4 500 espèces) qui par la même occasion sont les mieux connues et les mieux étudiées.

Figure 3 : Structures par groupes systématiques de la flore marocaine (d’après Menioui, 2004)

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A. Flore marine L’un des groupes végétaux les mieux représentés du Maroc correspond aux algues pluricellulaires dont plus de 610 espèces ont été recensées et qui sont très largement dominées par les Rhodophycées (algues rouges) avec 379 formes différentes. Pour ce groupe végétal, de nombreuses régions restent encore à prospecter et à étudier le long de la côte marocaine. Le phytoplancton, moins étudié que les macroalgues, ne compte à l’état actuel des connaissances que quelques 200 espèces. L’endémisme est très faible chez ce groupe ; une seule espèce (Gelidiocolax verruculata) est considérée actuellement comme endémique de la côte marocaine ; cependant, d’autres prospections et analyses systématiques permettraient probablement d’autres découvertes..

B. Flore des eaux continentales L’un des domaines les plus lacunaires en matière de connaissance de la flore marocaine est certainement celui des zones humides en général et celles des eaux continentales en particulier. Le phytoplancton a principalement été étudié dans certaines retenues de barrages ou certains lacs. Quant aux végétaux supérieurs, quelques rares études ont jusqu’à présent été effectuées, mais il n’existe pas à notre connaissance de liste nationale connue et reconnue comme telle. Quelques exemples de richesses spécifiques de zones humides continentales : – 151 dans la Meja Zerga ; – 78 dans la Merja de Sidi boughaba, 121 dans les dayas de la Maamora, etc.

C. Flore terrestre La biodiversité végétale terrestre marocaine est riche et diversifiée. Elle comporte, selon les derniers recensements, quelques 6 500 espèces ; chiffre qui reste certainement en deçà de la richesse floristique réelle du Royaume, dans la mesure où d’une part il n’existe aucun spécialiste national pour certains groupes et, d’autres part, de nombreuses régions du pays restent à explorer. Cette flore terrestre reste dans tous les cas largement dominée par les phanérogames avec près de 4 500 espèces ; suivis des champignons (820 espèces), des lichens (700 espèces), des mousses (350 espèces) et des fougères (60 espèces). Le taux d’endémisme parmi la végétation terrestre est exceptionnellement élevé (930 espèces), mais aussi celui des menaces (près de 1 000 espèces menacées).

2.2.2. Faune La faune marocaine, comparée à celles d’autres pays voisins, peut être considérée comme relativement riche et diversifiée ; plus de 24 600 espèces ont été identifiées jusqu’à présent, mais, on pense que ce chiffre demeure bien inférieur à ce qui s’y trouve réellement et ce pour les mêmes raisons que la flore : des études ponctuelles et peu nombreuses, nombreuses régions non encore prospectées, insuffisance des moyens et insuffisance de compétences nationales. Le graphique de la figure 3 montre que la faune nationale est très largement dominée par les arthropodes, essentiellement les insectes, puis la faune marine et la faune des eaux continentales.

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Figure 4 : Structure par groupes systématiques de la faune marocaine (d’après Menioui, 2004)

A. Faune marine La faune marine marocaine compte, selon le recensement de l’ENB plus de 7 130 espèces et dépasserait, qualitativement, tout ce qui a été identifié en Méditerranée et dans la Mer noire. Cette faune est très largement dominée par trois principaux groupes que sont les Arthropodes (près de 1 930 espèces) principalement les crustacés, puis les mollusques (près de 1 600 espèces) et les vertébrés (près de 1 150 espèces), constitués principalement de poissons. L’endémisme au niveau de la faune marine (près de 240 espèces) touche principalement les mollusques (84 espèces) qui proviennent presque tous de la région saharienne, très paticulière de point de vue biogéographique.

B. Faune des eaux continentales Les 1 575 espèces recensées par l’ENB dans les eaux continentales marocaines sont considérées comme représentant une faune pauvre par rapport aux régions biogéographiques voisines et ne constituent que 80 % de ce qui existe réellement dans le pays. Le taux d’endémisme dans les eaux continentales du Maroc est estimé à près de 8,65 %, considéré comme relativement élevé et représenté en grande partie par des insectes, puis des crustacés.

C. Faune terrestre C’est le groupe le mieux représenté de la diversité spécifique du Maroc. En effet, plus de 15 290 espèces y ont été identifiées dont 14 495 arthropodes comportant eux même plus de 13460 insectes. L’endémisme 130

dans le milieu terrestre est très élevé puisque 2 280 taxa ne sont connus que du Maroc, dont 2 155 arthropodes comportant 1 950 insectes.

2.2.3. Microorganismes C’est l’un des groupes qui restent très mal connus et très peu étudiés au Maroc, malgré son importance capitale sur les plans écologique, scientifique et socio-économique. On en estime le nombre à près de 1.120.000 espèces dans le monde dont 143.000 espèces recensées. L’étude Nationale sur la Biodiversité a révélé la présence de 226 espèces au Maroc ; mais avec des centaines d’isolats par espèce. C’est un chiffre qui montre l’importance de la lacune des études microbiologiques dans notre pays. De cet inventaire, très sommaire, il semble que les microorganismes sont étudiés dans notre pays essentiellement pour leur usages agro indistriels (phytopathogènes, agro-alimentaires, agricoles, etc.).

2.3. Diversité génétique 2.3.1. Importance et enjeux de la diversité génétique Les efforts fournis dans le domaine de la sélection des plantes et des animaux au cours du demi siècle passé se sont traduits par des augmentations très importantes du rendement de certaines variétés et de certaines races. Cela s’explique par l’adoption de systèmes agricoles modernes qui optimisent la productivité de ces nouvelles variétés végétales et races animales à haut rendement. Ces changements s’accompagnent d’une tendance à adopter des méthodes agricoles nécessitant des facteurs de production commerciaux tels que les engrais, les pesticides et les antibiotiques. L’agriculture commerciale moderne s’est employée à créer un nombre plus limité de variétés culturales et de races animales qui ont été largement diffusées par la suite. L’impact économique des variétés à haut rendement et des races performantes a été spectaculaire. La diffusion de ce nouveau système agricole s’est caractérisée aussi par la croissance de l’industrie des semences et de l’agrochimie. Cependant, la sur dépendance à l’égard des variétés modernes et uniformes a entraîné, entre autres, une plus grande vulnérabilité aux parasites et aux maladies.. La mutation des systèmes agricoles s’est produite plus lentement dans les pays en développement, où l’environnement socio-économique ne permet pas à la forte proportion de la population engagée dans la production alimentaire de modifier les conditions physiques de manière à faire de l’agriculture et de l’élevage intensifs. Il en résulte que la diversité génétique reste plus disponible aujourd’hui dans les pays en développement où persistent les systèmes d’agriculture traditionnelle, alors que les pays industrialisés sont plutôt riches en technologies. L’interdépendance internationale en matière de conservation de la biodiversité et d’accès aux ressources génétiques, comme aux technologies qui en facilitent l’utilisation a, entre autres, conduit à l’instauration, en 1992, de la Convention sur la Diversité Biologique, dont l’un des 3 objectifs concerne le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques, notamment grâce à un accès satisfaisant aux ressources génétiques et à un transfert approprié des techniques pertinentes. C’est précisément autour de la forme d’application de cet objectif que se cristallisent les enjeux Nord-Sud en matière de ressources génétiques. Selon la convention, l’accès aux ressources génétiques est régi par la législation nationale, et lorsque cet accès est accordé, il est régi par des conditions convenues d’un commun accord et soumis au consentement préalable de la Partie contractante qui fournit les dites ressources. Certains pays 131

ont élaboré une législation touchant l’accès aux ressources génétiques en général. Il est encore trop tôt pour tenter d’évaluer quelle influence ces initiatives pourraient avoir sur la diversité biologique agricole. Avant la Convention, les débats à la FAO sur les mêmes questions autour des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) avaient abouti à la reconnaissance des Droits des Agriculteurs, défendus par les pays du Sud, en contrepoids des Droits des obtenteurs. Un Plan d’Action Mondial pour la conservation et l’utilisation durable des RPGAA a été élaboré par la FAO et adopté en 1996. Sa mise en application se heurte encore à l’absence de fonds financiers. La Commission des Ressources Génétiques de la FAO a pu aboutir en 2001 à l’adoption du Traité international sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture après des négociations ardues qui ont duré plusieurs années. Ce Traité est en harmonie avec les dispositions de la Convention sur la Diversité Biologique.

2.3.2. Diversité des ressources génétiques au Maroc A. Ressources phytogénétiques À l’échelle nationale, les objectifs prioritaires des activités « ressources génétiques » s’articulent autour des axes suivants : – L’élargissement et l’enrichissement de la variabilité génétique au moyen des collectes et des introductions. – La préservation de la diversité génétique à travers la conservation des populations et des écotypes locaux. – L’identification des sources de caractères désirables recherchés en caractérisant et en évaluant les ressources génétiques accumulées. Le Maroc est considéré comme Centre de Diversité génétique pour plusieurs genres d’espèces cultivées et d’espèces sauvages apparentées. Citons parmi lesquels les genres, Avena, Medicago, Lupinus,Trifolium, Aegilops, Phalaris,Hordeum, Triticum, Lathyrus, Ononis, Vicia, Astragalus, Bituminaria, Lotus, Stipa, Eragrostis, Beta etc. Cependant, plusieurs espèces décrites dans le passé se sont raréfiées ou même disparu (exemple : certaines espèces des genres Medicago, Lupinus, Cicer,...) ; d’autres ne sont que rarement rencontrées dans les zones montagneuses à fortes pentes et d’accès difficile. Parmi les arbres fruitiers, les genres Olea, Pistacia, Ficus, Prunus et Amygdalus sont bien connus pour leur diversité variétale. La qualité du patrimoine génétique marocain est reconnue à l’échelle internationale et de nombreuses missions ont été effectuées, par divers laboratoires européens, australiens, etc. pour faire profiter les cultures de ces pays, des particularités écologiques et agromorphologiques des variétés marocaines. Jusqu’à présent, les ressources génétiques des plantes cultivées ont été conservées ex situ, et les collections nationales sont préservées soit sous forme de collections aux champs (vergers, espèces fourragères pérennes) soit sous forme de graines. La conservation dynamique in situ (à la ferme) est une approche récente, encouragée avec l’avènement de la Convention Internationale sur la biodiversité. Des expériences et des études sur ce mode de conservation nt été lancées un peu partout dans le monde depuis 1996. Au Maroc, la conservation in situ des variétés de terroir n’a pas encore fait l’objet d’actions organisées par le secteur public, mais elle se fait d’une façon indirecte dans les exploitations des régions où prédomine l’agriculture vivrière. Des expériences pilotes sont conduites dans plusieurs sites d’agriculture traditionnelle du pays. Chacune des institutions impliquées (principalement INRA, IAV Hassan II, ENA Meknès et Direction de l’Élevage) détient des unités de conservation où les collections sont stockées pour une grande part dans des conditions de conservation à court et à moyen terme. On dénombre actuellement plus de 20.000 accessions 132

sauvegardées. Ces collections sont constituées de cultivars, populations, clones appartenant aux espèces économiquement et socialement importantes ; on y trouve des variétés autochtones et des variétés introduites ainsi que des collections mondiales dans certains cas. Les principaux éléments qui se dégagent des activités sur la valorisation des ressources phytogénétiques peuvent être résumés comme suit : Jusqu’à présent, de nombreuses démonstrations concernant la valeur potentielle du patrimoine local ont été faites, surtout à l’étranger, par le passé, mais aussi au Maroc depuis moins de 20 ans. Les réalisations concrètes de la dernière décennie ne doivent pas occulter les lacunes et faire oublier les efforts continus qui restent à déployer en matière de sauvegarde et d’exploitation du matériel local. Dans certains cas, la préservation du germoplasme introduit doit aussi constituer une préoccupation des institutions de recherche puisque celui-ci représente une source alternative de caractères d’importance économique comme les résistances aux principaux parasites. En dehors des espèces de grande importance économique, un certain nombre d’espèces conservées dans la banque de gènes des différentes institutions n’ont pas servi pour des programmes d’intérêt commercial réel ou potentiel au cours des dernières années. Ces espèces n’ont pas été employées beaucoup plus fréquemment dans le passé, mais elles pourraient l’être au cours des quelques prochaines années, si on augmente le nombre de personnel qualifié pour s’occuper de leur sélection. En effet, le nombre des professionnels/scientifiques du pays qui emploient les ressources génétiques (y compris les programmes de sélection végétale qui sont financés par le gouvernement et les applications à caractère commercial) demeure encore faible, d’environ 150, toutes espèces cultivées confondues.

B. Ressources zoogénétiques En ce qui concerne les ressources animales, le Maroc recèle un important patrimoine génétique, adapté à des conditions environnementales particulières. C’est ainsi que, par exemple, le Maroc dispose de plus de 8 races ovines reconnues et cantonnées chacune dans une région plus ou moins restreinte, avec des conditions souvent caractéristiques. De plus, certaines de nos races disposent de traits presque uniques à l’échelle mondiale. C’est le cas, par exemple de la race D’Man, parfaitement adaptée aux conditions particulières des oasis du sud marocain et qui est l’une des races ovines les plus prolifiques dans le monde. La Sardi est répartie dans les plateaux du Chaouia, Settat, Khouribga et El Kalâ ; celle de Timahdite dans les régions du Moyen Atlas, Meknès, Khenifra, Ifrane et Khémisset, la race Beni Guil, celle de Beni Hsein, Boujaade, Oulad Jellal, l’Atlas, etc.. Deux races sont connues dans le cheptel bovin : la « la blonde d’Oulmès » et la « Brune de l’Atlas » Pour le cheptel caprin, un effort d’identification précise des différentes races reste à faire, bien que l’on parle de la race « Yahiaouia » et la race « Attaouia ». Les camelins sont répartis entre les « Aît Khebbach », « Rguibi », « Rahali », « Mamya » et « Guerzini ». Pour les équidés, il y a lieu de citer, entre autres, « le Pur-Sang Arabe » et « le Barbe » et parmi les races canines « le Aidi » et le « Sloughi ».

2.4. Diversité des connaissances et pratiques traditionnelles La diversité des connaissances, pratiques et savoirs traditionnels se manifeste par la pluralité des dialectes, pratiques de gestion des terres, arts, musiques, structures sociales, choix des plantes cultivées, régimes alimentaires, pharmacopée traditionnelle, et un certain nombre d’autres attributs des sociétés 133

humaines. Certains attributs des cultures humaines représentent parfois des solutions aux problèmes de survie dans des environnements particuliers (adapté de IUCN, 1994). Il existe une relation intrinsèque entre patrimoines naturels et patrimoines culturels. Si le patrimoine culturel s’est construit au fil du temps à partir du patrimoine naturel, c’est la culture qui permet de préserver les connaissances au delà des générations. Les connaissances et pratiques traditionnelles doivent être préservées car il existe une diversité de cultures qui constitue une richesse pour l’humanité et qu’aujourd’hui, un nombre croissant de personnes souhaitent avoir accès à ces différentes cultures. En plus de leur valeur intrinsèque, les connaissances et pratiques traditionnelles constituent une opportunité sociale, économique et scientifique, avec un potentiel (économique) susceptible d’être utilisé pour le développement durable. Les connaissances traditionnelles permettent, entre autres, de conserver les ressources biologiques, de mieux connaître la diversité biologique et les relations au sein des différents niveaux de cette diversité, d’envisager une nouvelle approche de la nature, d’accéder parfois à la santé et à la sécurité alimentaire à moindre coût pour les populations. Les pratiques correspondent à une mise en œuvre des connaissances et des innovations. Elles permettent, entre autres, la transmission, la survie des connaissances traditionnelles, de prendre de nouvelles mesures, d’instituer des modes de gestion mieux adaptés. Chaque gène, chaque espèce, chaque écosystème qui disparaît réduit nos possibilités d’adaptation aux changements. Cette perte est exacerbée par la disparition, plus rapide encore, des connaissances sur la biodiversité, notamment parmi les populations qui sont en étroite relation avec des écosystèmes complexes puisque de nombreuses lois, usages et conventions sociales affectent de façon différente l’accès aux ressources biologiques. Plusieurs menaces pèsent sur les connaissances traditionnelles, parmi lesquelles on peut citer (a) la perte de diversité biologique (pressions anthropiques et catastrophes naturelles) ; (b) la pauvreté ; (c) l’évolution du mode de transmission des savoirs ( la perte de la tradition orale qui ne trouve plus une écoute aussi importante auprès des nouvelles générations) ; (d) l’absence de transmission de ces connaissances à un successeur ; (e) le « mépris » des connaissances traditionnelles, à travers leur mise en concurrence avec les systèmes de connaissances moderne et les nouvelles technologies ; (f) l’uniformisation, la globalisation, la marchandisation, etc. Les détenteurs de connaissances et pratiques traditionnelles peuvent être définis, en vue de l’application de la CDB, comme étant des personnes, communautés ou groupes d’individu ayant hérité par voix orale ou écrite de connaissances transmises de générations en générations, utilisant et valorisant de façon durable la diversité biologique (contribuant à travers leur valorisation à la conservation pour des objectifs de bienfaits pour l’humanité). Ces détenteurs peuvent être des individus (chefs traditionnels, herboristes..), des professionnels (tradipraticiens, tisanneurs,...), des communautés locales traditionnelles ou des communautés locales institutionnalisées. Une autre catégorie de détendeurs des connaissances traditionnelles est représentée par des personnes physiques ou morales qui en font les inventaires et les transcrivent de manière statique. Il s’agit des associations professionnelles, des universités, des centres de recherche, des sociétés privées etc. Au Maroc, très peu de cas ont été publiés jusqu’à présent sur les connaissances et pratiques traditionnelles en rapport avec la biodiversité, et il y a un besoin urgent en matière d’inventaires et de transcription de ces connaissances. À titre d’exemple, chaque région du Maroc est connue pour sa richesse propre en plantes aromatiques et médicinales. Cette richesse locale en espèces est liée à une diversité caractéristique de savoirs et de pharmacopées traditionnelles qui sont susceptibles d’alimenter en idées nouvelles l’industrie cosmétique et la pharmacie moderne. D’autre part, le savoir local des habitants sur les cultivars traditionnels et leur distribution dans les écosystèmes agricoles, leur gestion et leur utilisation, montre que la 134

conservation des ressources génétiques est étroitement liée à leur utilisation et aux bénéfices qui en sont tirés. À titre d’exemples, l’art culinaire du Maroc, est bien développé à l’échelle nationale et possède plusieurs variantes et recettes locales. Il fait appel à une multitude de combinaisons complexes d’épices, de légumes et de fruits, dont certains sont autochtones et d’autres « exotiques ». L’inventaire des recettes locales permettra de mettre en lumière les multiples usages des cultivars locaux de plantes cultivées, et peut jouer en faveur de leur conservation et leur valorisation à l’échelle locale. Bien que le Maroc soit un pays maritime par excellence, les marocains ont souvent tourné le dos à la mer, ce qui se traduit, entre autres, par une faible consommation des produits de la pêche (environ 7 Kg./pers/an contre plus de 20 pour l’Espagne et 60 pour le Japon). Il en résulte aussi que les savoir et pratiques traditionnels se limitent essentiellement à certaines approches de pêche qui contribuent à la conservation de la biodiversité marine dans certaines zones reculées. En effet, connaître la position de la lune, l’estimation de la température de l’eau, la direction et l’intensité de vague, etc. permet souvent à des pêcheurs artisanaux de prédire le niveau de la marée, l’état de la mer et parfois la nature des produits disponibles dans l’eau.

2.5. Cadres législatif et institutionnel 2.5.1. Législation : Protection des espèces et des espaces Sur le plan environnemental, le législateur marocain a toujours été avant-gardiste. L’arsenal juridique national est en effet bien fourni et ce depuis déjà le début du siècle dernier. Il s’agit, entre autres, du Dahir de 1917 sur l’exploitation et la conservation de la forêt ou encore du Dahir de 1934 sur les parcs nationaux. Cependant, la pertinence de ces textes est toujours restée proportionnelle à l’intérêt accordé, à l’époque, à chacune des composantes de la biodiversité nationale et, aussi, au degré de compréhension et de perception de la problématique biodiversitaire. Les textes concernaient donc davantage la chasse, la pêche fluviale, la protection du gibier, les paysages, la création d’espaces récréatifs, etc. Les problèmes étaient moins aigus et les dispositions législatives étaient, par conséquent, peu agressives et peu dissuasives comparées, bien sûr, aux risques qu’encourent actuellement aussi bien les espèces que les espaces. L’Étude Nationale sur la Biodiversité a recensé une armada de plus de 240 textes législatifs relatifs à la diversité biologique nationale ; les plantes (végétaux, semences et forêts) y paraissent les plus réglementées (138 des 243 textes répertoriés, soit près de 47 %), alors qu’en réalité, aucune des espèces végétales terrestres n’est réglementée en tant que telle par un texte législatif national, malgré la menace qui pèse sur la plupart d’entre elles. Récemment, un processus d’actualisation de certains textes juridiques a été entamé en concertation avec divers départements et de nombreux projets de lois ont été initiés, développés ou même adoptés et qui sont relatifs au littoral, à la lutte contre la pollution marine, au plan d’urgence national, aux études d’impact, à la gestion des déchets et à leur élimination, à l’eau, aux aires protégées, etc. À côté de ces textes de loi, le Maroc a signé et/ou ratifié un certain nombre de conventions et d’accords bilatéraux, régionaux et internationaux se rapportant pour nombre d’entre eux à la protection et à la conservation de la biodiversité. On compte actuellement une cinquantaine d’accords et de conventions dont la plus spécifique et la plus appropriée reste la Convention sur la Diversité Biologique que le Maroc a signée en 1992 et qu’il a ratifiée, trois ans plus tard, en 1995.

A. Flore réglementée La flore marine du Maroc compte une seule espèce réglementée qui est l’algue rouge Gelidium sesquipedale, et ce par des arrêtés du Département chargé des pêches maritimes qui imposent des restrictions dans 135

le temps de l’exploitation de cette espèce. Cependant lors de la période autorisée, cette algue est soumise à une anarchie et une pression telles qu’on est en droit de s’inquiéter sur le devenir de ses stocks. La flore des eaux continentale est très peu connue et pas du tout réglementée, malgré la grande pression exercée sur elle. En effet, dans de nombreux sites humides, plusieurs espèces sont surexploitées soit dans des activités artisanales (fabrication des nattes, entre autres), soit encore comme fourrage, surtout lors de la période estivale. Quant à la flore terrestre, malgré le grand nombre d’espèces menacées et malgré le grand nombre de formes à intérêt économique et dont certaines sont surexploitées, aucune espèce n’est protégée par aucun texte national. Seuls certains textes internationaux (CITES entre autres) offriraient un cadre éventuel pour leur protection.

B. Faune réglementée

Figure 5 : Structures par groupes systématiques de la faune réglementée (d’après Menioui, 2004) La répartition par groupes systématiques de la faune réglementée du Maroc montre que cette dernière est très largement dominée par les oiseaux (333 espèces, soit 52 % du total des espèces réglementées). La législation nationale relative aux oiseaux est focalisée autour de quatre textes majeurs : – le dahir de 1923 sur la police de chasse ; – le dahir de 1922 sur l’exportation des œufs de gibiers ; – l’arrêté de 1962 sur la réglementation permanente de la chasse et ; – l’arrêté annuel sur l’ouverture et la clôture de la chasse. Quant aux textes internationaux, il s’agit essentiellement des listes d’espèces à protéger proposées dans 136

certaines conventions (CITES, IUCN, Bonn) auxquelles adhère notre pays et qui concernent principalement des espèces migratrices et faisant donc partie d’un patrimoine international. Le deuxième groupe légiféré du patrimoine biologique est celui des coraux (106 espèces, 16 %) qui n’est malheureusement régi par aucun texte national, sauf pour le corail rouge, dont la seule protection correspond à une limitation du nombre de licences délivrées aux corailleurs. Pour cette dernière, ainsi que pour le reste des coraux, la protection pourrait essentiellement se faire dans le cadre des conventions internationales (CITES et IUCN). Les poissons réglementés (85 espèces, soit 13 %) sont pour la plupart marins (seulement 3 amphihalines et 1 d’eau douce), ils sont principalement régis par des textes nationaux dont les Arrêtés du département des pêches de 1936, 1988, 1996, 1995 et le rapport annuel du département des Eaux et Forêts relatif aux aloses et l’anguille. Il s’agit, soit d’une interdiction totale (grande alose), temporaire (anguille, mérou) ou de fixation des tailles de capture et de commercialisation (espèces marines). Trois espèces figurent dans des réglementations internationales auxquelles adhère le Maroc (liste de l’IUCN) : Acipenser sturio, Cethorinus maximus etCarcharodon carcharias. Les mammifères (21 marins et 17 terrestres, soit 6 % au total) sont tous considérés comme menacés et figurent dans des listes internationales de protection, en particulier la CITES pour les formes terrestres et IUCN / CITES / Bonn, pour les espèces marines (à l’exception de Balaenoptera edeni qui ne fait partie que des listes CITES et Bonn). La réglementation nationale relative à la protection des mammifères est extrêmement réduite, limitée à l’arrêté de 1993 pour la protection du phoque moine et les espèces de mammifères marins dans la région du sud et, pour les espèces terrestres, à certains textes encourageant la production animale (1975, 1991, 1992), la restriction de l’abattage de femelles camélines et bovines (1939, 1993,) ou la création de zones dites « berceaux de races » (1984). Le phoque moine figure dans la liste de la Convention d’Alger, en plus des conventions sus-citées. Les reptiles comptent 28 espèces légiférées (22 terrestres et 6 tortues marines) et les amphibiens 8 (1 %). Aucune de ces espèces n’est régie par un texte national. Toutes les tortues marines figurent dans les conventions de Bonn, CITES, IUCN et d’Alger. Tous les amphibiens figurent dans les listes de l’IUCN, ce qui est également le cas des 22 reptiles terrestres ; cependant, certains d’entre eux figurent également dans celle de la CITES (Testudo graeca, Hemidactylus turcicus, Tarentola mauritanica, Eryx jaculus, Coluber hippocrepis). Les mollusques (tous marins) et les échinodermes, représentés respectivement par 17 et 1 espèces, ne sont régis que par des textes nationaux limitant leurs tailles de capture ou réduisant la durée de leur pêche, surtout au sud du Maroc.

C. Espaces protégés La législation marocaine en matière de diversité biologique est abondante ; le nombre de textes en la matière dépasse les 250. L’ancienneté de bon nombre d’entre eux, datant du début du siècle, témoigne de l’intérêt porté très tôt à la protection des ressources naturelles du pays. Cette législation ancienne était peutêtre embryonnaire, mais elle avait le mérite d’exister à une période où le souci de l’environnement était loin d’être la préoccupation majeure de la communauté internationale. Les principaux textes relatifs à la biodiversité et ayant trait directement ou indirectement à la conservation et à l’exploitation des ressources biologiques sont résumés au tableau 39. Des secteurs comme le domaine forestier, l’eau, la pêche fluviale et maritime, la chasse et autres ont été très tôt dotés de textes législatifs destinés à assurer une exploitation durable de ces ressources. Cet arsenal juridique environnemental, qui date des années dix, vingt et trente, a cependant quelque peu vieilli, et devient parfois inadapté. Certains textes ont été révisés, d’autres, relatifs au réajustement des textes nationaux avec les Conventions Inter137

nationales récentes n’ont pas encore fait l’objet de ces révisions. Enfin, les conflits de compétences qu’engendre la multitude de gestionnaires ne peuvent être bénéfiques pour la préservation de la diversité biologique marocaine. D’autres lois et textes ont été décrétés pour conserver les supports de ces ressources biologiques dans leurs milieux naturels. Parmi ceux ci nous citons les textes relatifs à l’eau (une vingtaine de lois et décrets ont été adoptés entre 1916 et 1925 pour gérer les ressources en eau dans le pays), au sol (Arrêté vizirièl du 20 Décembre 1951 relatif à la création de périmètres de défense et de restauration des sols, ainsi que les arrêtés ultérieurs de 1960, 1980 et 1995), aux ressources minières (Dahir du 16 Avril 1951 relatif à la réglementation minières au Maroc) et enfin les textes réglementant l’exploitation des carrières de sable et tous autres matériaux du domaine public utilisés principalement dans le secteur du bâtiment. La législation marocaine avait, dès les années vingt, réglementé l’extraction de ces matériaux, notamment dans les sites comme Essaouira (1924), Rabat – Salé (1930), Safi (1933) et dans l’ensemble des lits des cours d’eau (arrêté du 6 Décembre 1924). D’autres textes sont en relation indirecte avec la conservation de la biodiversité dans certains milieux particuliers. Nous citons principalement le Dahir du 25 Juillet 1969 relatif aux périmètres irrigués, le Dahir du 17 Décembre 1977 relatif à l’application de la réglementation sur la Reforme Agraire ou encore le Dahir du 22 Février 1995 relatif aux périmètres de mise en valeur en bour. Tableau 2 : Principaux textes législatifs marocains traitant directement ou indirectement de la conservation et de l’exploitation des ressources biologiques (ENB, Législation, 1997) Domaine

Titre et dates d’adoption des textes

Domaine Forestier

Textes généraux DAHIR du 10 Octobre 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts DAHIR de 1949 créant un fonds forestier DAHIR de 1976 sur la participation des populations au développement de l’économie forestière Arrêté vizirièl du 15 janvier 1921 sur le droit de parcours en forêts domaniales Arrêté viziriel du 8 septembre 1918 sur les conditions d’exploitation, du colportage et de la vente des produits de la forêt Textes spéciaux : DAHIR du 4 Mars 1925 relatif à la protection et la délimitation des forêts d’arganier Arrêté vizirièl de 1er Mai 1938 relatif au droit d’usage des population locales dans l’arganier. DAHIR du 15 Août 1928 relatif à la détermination du régime juridique des nappes alfatières. DAHIR du 20 Juin 1930 relatif à la conservation et exploitation des peuplement d’alfa. DAHIR du 8 Septembre sur la conservation et l’exploitation des noyers.

Aires protégées

DAHIR du 11 Septembre 1934 relatif à la création des parcs nationaux. Arrêté viziriel du 20 Mars 1946 relatif à la création d’un comité consultatif des parcs nationaux.

La chasse

DAHIR du 21 Juillet 1923 relatif à la police de la chasse (et les dahirs qui l’ont modifiées). DAHIR du 2 Juin créant le Conseil Supérieur de la Chasse et de Fonds de la Chasse. Arrête ministériel du 3 Novembre 1962 relatif à la réglementation permanente de la chasse (et les arrêtes modificatifs) Arrêté ministériel du Août 1998

Les végétaux et la protec- DAHIR du 17 Novembre 1950 relatif à l’exécution des mesures de lutte contre les parasites des plantes tion phytosanitaire Arrêté viziriel des 14 Janvier 1950 relatif à la réglementation du contrôle sur la production, ou la circulation, de la cession et de la plantation de certaines espèces végétales cultivées (et les arrêtés modificatifs ultérieurs). Arrêté du 20 Juin 1950 relatif à la police sanitaire des végétaux ou produits végétaux à l’importation. Les semences

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DAHIR du 25 Juillet 1969 réglementant la production et la commercialisation de toutes les semences et plants DAHIR du 19 septembre 1977, modifiant le Dahir no 1-69-169 du 25 juillet 1969.

La faune domestique

– DAHIR du 1er Juillet 1914 sur la Police sanitaire à l’importation des produits animaux. – DAHIR du 10 Septembre 1993 relatif aux mesures sanitaires vétérinaires à l’importation d’animaux, de denrées animales, de production d’origine animale, de produits de multiplication animale et de produits de la mer et d’eau douce.

Pêche continentale

– DAHIR du 11 Avril 1922 relatif à l’exploitation des cours d’eau fluviaux et l’exercice de la pêche continentale (et le Dahirs modificatif ultérieur). R Arrêté du 3 Janvier 1994 sur les conditions d’introduction des poissons et de crustacés dans les eaux du domaine public terrestre.

Pêche maritime

– DAHIR du 31 Mars 1919 relatif à la réglementation de la pêche maritime – Décret du 2 Février 1974 réglementant La pêche avec les filets forée. R Arrêté du 9 Janvier 1997 relatif à l’institution temporaire de la pêche de certains espèces. R Arrêté du 20 Janvier 1994 relatif à l’institution de la pêche aux coquillages dans certains zones du littoral méditerranéen R Arrêté du 1er octobre 1993 relatif à l’interdiction d’exploitation des algues marines sur le littoral Atlantique. R Arrêté du 26 octobre 1993 interdisant temporairement la pêche du Phoque Moine et autres mammifères marins ainsi que certains autres espèces marines comme les céphalopodes etc...

2.5.2. Les institutions, ou la biodiversité entre l’urgence de l’action et la polycéphalie de la gestion En plus de divers utilisateurs, la diversité biologique nationale est gérée par une multitude de départements ministériels et leurs organes spécifiques. C’est, en fait, une gestion poly-céphalique qui présente des avantages dans la responsabilisation de presque tous les départements et dans la mise en commun des moyens et des compétences pour résoudre les problèmes complexes et pluridisciplinaires de l’utilisation durable de la biodiversité. Cependant, ce genre de gestion génère de multiples inconvénients dont : 1 – le désengagement des responsabilités ; 2 – le temps trop long que prennent les décisions pour la concrétisation d’actions de conservation et d’utilisation rationnelle ; 3 – les discordances et la multiplicité des intervenants dans les actions de conservation et de réhabilitation. Les intervenants dans la gestion de la biodiversité nationale sont cités ci-après :

A. Organes de coordination et de gestion – le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, habilité à suivre, au nom du Maroc, les décisions prises à l’échelle internationale ; – le Ministère chargé de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, et plus particulièrement le Secrétariat d’Etat chargé de l’Environnement, responsable de la coordination des actions relatives à l’Environnement en général et la diversité biologique, en particulier ; – le Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et des Pêches Maritimes, l’un des ministère clés dans la gestion de la biodiversité nationale (agrosystème et ressources halieutiques). – Le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la lutte contre la Désertification avec ses diverses unités techniques et institutions de recherche, il est l’un des départements les plus concernés par la gestion et la conservation de la diversité biologique, surtout continentale (forêts, sol, faune, flore, etc.) ; – le Ministère de l’Equipement et du Transport dont les spécificités (climatologie, édifices hydrauliques, milieux portuaires, domaine public national, grands travaux comme les autoroutes, les aéroports, etc.) ont, d’une manière ou d’une autre, un impact sur les ressources biologiques marines et terrestres ; – le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique dont la tâche est fondamentale pour une meilleure connaissance et, donc, une meilleure conservation de la biodiversité nationale ; 139

– le Ministère de l’Education Nationale est incontournable dans les programmes de sensibilisationéducation, surtout avec sa dimension géographique (présent dans tout le territoire national) et structurelle (enseignants et jeunes générations aptes à recevoir et à réagir) ; – les Ministères de l’Industrie, du Commerce, des Télécommunications ainsi que ceux de l’Artisanat, de l’Energie et des Mines et de l’Economie Sociale sont des départements chargés de gérer des secteurs potentiellement pollueurs ; – le Ministère des Finances et de la Privatisation qui a toutes les compétences pour développer des programmes d’incitation à la conservation de la nature et de l’environnement, et ce, par des facilités fiscales au profit de personnes physiques ou morales contribuant d’une façon efficace à protéger l’environnement en général et la biodiversité en particulier. C’est aussi de ce département que relève l’organe de contrôle (Douanes), département et instrument vital dans le domaine de la biosécurité et du contrôle du commerce international illicite des espèces menacées ; – le Ministère du Tourisme appelé à jouer un rôle primordial dans la valorisation de la biodiversité nationale, en particulier paysagère. – le Ministère de la Culture qui est d’une grande importance pour la sauvegarde et la conservation du patrimoine naturel, en particulier biodiversitaire. Il est chargé de préserver et mettre en valeur le patrimoine culturel et, en liaison avec d’autres administrations, est appelé à contribuer à la préservation de l’environnement et notamment au classement des sites naturels ; – le Ministère de la Communication. Ce département gère également l’un des outils les plus répandus et les plus efficace dans les opérations de sensibilisation/éducation qu’est le secteur audio-visuel ; secteur qui pourrait être capitalisé pour des programmes visant l’information, la sensibilisation et l’éducation ; – le Ministère de la Santé. C’est un Ministère qui, gérant les problèmes épidémiologiques et d’hygiène, est appelé à contribuer, avec d’autres administrations, à assainir des écosystèmes ou à lutter contre certaines formes de vie nuisibles pour la santé humaine. Il est également connu pour ses divers rejets, réputés « très nocifs » pour l’environnement et la biodiversité (produits radio-actifs, substances hautement toxiques, etc.) ; – le Ministère de l’Intérieur qui joue, via les collectivités locales, un rôle déterminant dans la gestion des ressources naturelles et aura un rôle certainement encore plus important dans les divers programmes de régionalisation de la décision, en particulier environnementale ; – le Secrétariat général du gouvernement. Même si son « intitulé » ne reflète aucun lien avec le domaine de la biodiversité ni de l’environnement, c’est un département-clé jouant un rôle également déterminant en assurant, d’une manière continue, un suivi de la législation nationale, de sa conformité avec les principes généraux du droit interne marocain et du droit international, de l’harmonie entre ces deux niveaux et de l’harmonie avec différents lois et règlements proposés par chaque département et par les membres du parlement ; – le Ministère de la Justice. où sont déposées les demandes de création d’associations y comprises celles relatives à l’environnement, que sont jugés les braconniers, que sont jugés les différents de propriétés de terrains forestiers, etc. En s’adaptant aux nouvelles donnes environnementales et en spécialisant certaines de ses sections, ce Minitère pourrait jouer un rôle plus efficient dans la protection de notre environnement et notre patrimoine naturel ; – le Ministère des Habous et des Affaires islamiques. Son rôle est loin d’être négligeable dans la conservation du patrimoine naturel si, d’une part, on tient compte des terrains, donc des paysages/écosystèmes (legs) qui sont sous sa responsabilité et dont la gestion nécessite son approbation et, d’autre part, du rôle qu’il pourrait jouer en matière de sensibilisation ; les Administrations militaires et paramilitaires. La Marine Royale, la Gendarmerie Royale, la Protection 140

Civile, les Gardes Forestiers, les Douaniers, etc. jouent un rôle décisif dans la protection et la conservation du patrimoine vivant national. La surveillance du littoral, les patrouilles, le contrôle routier, les contrôles douaniers, la maîtrise des incendies de forêts, le contrôle et la surveillance des braconnages, etc. sont des mesures utiles et nécessaires pour sanctionner toute action qui porte préjudice à l’environnement, en générale, et sa diversité biologique, en particulier.

B. Organes de consultation À côté des différents départements ministériels chargés de prendre des décisions fondées sur des avis scientifiques de leurs organes de recherche, il existe de nombreux organes de consultation correspondant aux conseils nationaux comportant des administrateurs, des scientifiques et, aussi, des professionnels – opérateurs. Les résultats des assises de ces conseils constituent souvent des bases pour des stratégies ou des actions relatives au domaine concerné et se transforment, par la même occasion, à de véritables décisions politiques. Il s’agit de : – – – – – – – – – – – – – – – –

le Conseil Supérieur de l’Eau ; le Conseil National des Forêts ; le Conseil National de l’Environnement ; le Conseil Supérieur de la Culture ; le Conseil Supérieur de la Chasse ; le Conseil Supérieur pour la Sauvegarde et l’Exploitation du Patrimoine Halieutique ; le Conseil National de la Sélection des Semences et des Plantes ; le Comité Consultatif des Parcs Nationaux ; la Commission de Distraction du Régime Forestier ; le Conseil National de la Chasse ; le Conseil National de l’Energie Nucléaire ; la Commission Interministérielle de Coordination des problèmes concernant les Eaux Alimentaires. le Comité Marocain de l’IUCN ; le Comité National de la biodiversité ; le Comité National des zones humides ; le Comité National de la pêche.

C. Organisations non gouvernementales Les ONG, en tant qu’organisations propres à la société civile et émanation volontaire de certains individus ou groupes d’individus, sont devenues de nos jours de véritables acteurs qui peuvent influencer les décisions politiques, surtout dans les pays développés. Le Maroc a connu ces dernières années un développement important des ONG liées à la protection de l’environnement en général, avec une portée nationale ou locale. On compte actuellement au Maroc une soixantaine d’associations concernées de près ou de loin par la biodiversité dont une dizaine sont parmi les plus actives dans le domaine : Association Marocaine pour la Protection de l’Environnement (ASMAPE), Association Marocaine de la Biodiversité (AMAB), ENDA Maroc, Société pour la Protection des Animaux et de la Nature (SPANA), Association de la Protection de l’Environnement, Association du droit de l’Environnement, Groupe de Recherche sur les Oiseaux au Maroc (GREPOM), Groupe d’ornithologie du Maroc (GOMAC), Association de Développement de la Vallée du Dra (ADEDRA), etc. 141

2.5.3. Engagement international du Maroc (Appréciation de l’état de cet engagement dans le cadre des accords bilatéraux et multilatéraux) Le dispositif juridique international en matière d’environnement est très riche et comporte pas moins de 160 traités, accords et protocoles. Selon l’ENB, 34 textes internationaux, 18 engagements régionaux et un accord bilatéral ont été adoptés par le Royaume et font d’ores et déjà partie de la législation marocaine. De par la qualité et la quantité de ces engagements, le Maroc dispose en principe d’instruments qui devraient lui permettre amplement de protéger sa biodiversité de la manière la plus appropriée. On dénombre au Maroc quelques 53 conventions qui sont directement ou indirectement en relation avec la diversité biologique, parmi lesquelles on distingue 33 Convention Internationales, 19 Conventions Régionales et une Convention bilatérale. Cette dernière a été établie entre le Maroc et l’Espagne le 06 Février 1996. Il s’agit de l’Accord de coopération technique en matière de lutte anti-pollution et de sauvetage en mer. Les tableaux 3 et 4 indiquent les principales conventions internationales et régionales en la matière. Tableau 3 : Principales conventions internationales (d’après REEM, 1999) Domaine d’intérêt Biodiversité

Titre de la convention Convention sur la Diversité Biologique

Lieu d’adoption Rio de Janeiro (Brésil)

Conservation de la faune sau- Conventions Internationales pour la protec- Paris (France) vage terrestre et de ses habi- tion des oiseaux tats C.I. relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement Ramsar (Iran) comme habitats de la sauvagine (RAMSAR) C.I. sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage Bonn (Allemagne) (Conv. de Bonn)

Date d’adoption 05 Juin 1992 18 Octobre 1950

2 Février 1971

23 Juin 1973

Commerce des espèces (faune Convention sur le commerce international Washington (USA) – flore) des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction (CITES)

1973

Poissons marins

21 Mars 1969

Conservation Internationale pour la conser- Rio de Janeiro (Brésil) vation des Thonidés de l’Atlantique (FAO). Accord aux fins de l’application de disposition de la convention des N.U. sur les New York (USA) stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au delà des zones économiques exclusives (ZEE) et les stocks de poisson.

4 Décembre 1995

Conservation de la Nature

Convention créant l’Union Internationale Suisse pour la Conservation de la Nature (UICN)

5 Octobre 1948

Lutte contre la désertification

Convention sur la désertification

26 décembre 1996

Paris (France)

Parmi les conventions internationales qui sont en relation indirecte avec la conservation de la biodiversité on peut citer la convention relative à la protection de la mer contre la pollution (produits chimiques, hydrocarbures), la Convention sur les Changements Climatiques et celles relatives au domaine nucléaire. 142

Tableau 4 : Principales conventions régionales (d’après REEM, 1999) Domaine d’intérêt Conservation de la nature

Titre de la convention

Lieu d’adoption

– Convention Africaine sur la conservation de Alger (Algérie) la Nature et des Ressources Naturelles (Conv. D’Alger) – Charte maghrébine relative à la protection Nouakchott (Mauritanie) de l’environnement et du développement durable

Date d’adoption 15 Septembre 1968

11 Novembre 1992

Oiseaux

– Accord sur la conservation des oiseaux Haye (Pays- bas) d’eau migrateurs d’Afrique – EurasieLa

16 Juin 1995

Ressources Halieutiques

– Convention régionale relative à la coopéra- Dakar (Sénégal) tion halieutique entre les états Africains Riverains de l’Océan Atlantique

5 Juillet 1991

Conservation des plantes

– Convention pour l’établissement de l’Organi- Paris (France) sation Européenne et Méditerranéenne pour la protection des plantes

18 Avril 1951

A. Convention sur la diversité biologique Le Maroc a jusqu’à présent honoré ses engagements quant aux premiers stades de la mise en œuvre de la convention à savoir : une étude nationale sur la biodiversité, – une stratégie nationale pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité et un plan d’action national. Il reste cependant à concrétiser les orientations et les objectifs de cette stratégie par la mise en place par les différents Départements de programmes spécifiques pour la réalisation du plan d’action adopté.

B. Convention sur la lutte contre la désertification Le Maroc a élaboré, conformément aux articles 9 et 10 de cette Convention, son Plan d’Action National, appelé « Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification et d’atténuation des effets de la sécheresse ».

C. Convention cadre sur les changements climatiques Selon les articles 4 et 12 de cette convention, les pays signataires devraient fournir un rapport détaillé comportant essentiellement : – un inventaire des gaz à effet de serre ; – la vulnérabilité du Maroc aux changements climatiques et ; – les moyens de réduire la production de ces gaz. Pour répondre à ces trois requêtes, le Maroc a mené plusieurs études ayant abouti à de nombreux éléments de réponses sur la production du Maroc en gaz à effet de serre, la vulnérabilité du Maroc aux changements climatiques et l’atténuation de la production des gaz à effet de serre.

D. Déclaration de principe sur la protection des forêts Parmi les appels du sommet de Rio aux divers pays présents, l’établissement et la mise en œuvre de programmes visant la protection et la conservation des espaces forestiers. Le Maroc, conscient de l’enjeu stratégique de la forêt pour le pays et de la vitalité de ses espaces forestiers pour l’équilibre de son environnement et son développement socio-économique, a élaboré un Programme Forestier National pour atténuer les impacts de diverses pressions exercées sur la forêt marocaine. 143

E. D’importants progrès dans la mise en œuvre des conventions et traités, mais des lacunes restent à combler Si jusqu’à présent le Maroc a honoré ses engagements quant aux premières étapes des conventions relatives à la biodiversité, notamment en matière d’élaboration des rapports et des stratégies nationales, force est de constater que d’importantes lacunes restent à combler surtout en ce qui concerne le suivi de la mise en œuvre de ces stratégies. De plus, il importe de préciser que l’élaboration de la stratégie et du plan d’action nationaux dans le cadre de la Convention sur la Biodiversité a connu plusieurs années de retard (1997-2004), ce qui a réduit considérablement les chances de bénéficier des supports financiers alloués par les bailleurs des fonds internationaux pour la concrétisation des actions de conservation et de développement durable. Par ailleurs, cette Convention aborde une multitude d’aspects complémentaires, représentés par des programmes thématiques (Biodiversité marine et côtière ; Biodiversité agricole ; Biodiversité des forêts ; Biodiversité des écosystèmes d’eaux intérieures ; Biodiversité des terres arides et sub-humides ; Biodiversité des écosystèmes de montagnes) et des questions multisectorielles, abordant de manière horizontale tous les secteurs thématiques (Biosécurité ; Accès aux ressources génétiques – partage des avantages – droits de propriété intellectuelle ; Les connaissances, innovations et pratiques traditionnelles (article 8(j)) ; l’Identification, surveillance, indicateurs et évaluations ; La taxonomie et l’Initiative Taxonomique mondiale ; l’Economie, commerce et mesures d’incitation ; les Espèces exotiques ; la Diversité biologique et le tourisme, etc.). Le suivi des multiples négociations et de la mise en œuvre nationale des décisions relatives aux différents aspects thématiques et multisectoriels nécessitent la disponibilité d’équipes spécialisées et bien coordonnées, ce qui n’est pas toujours assuré à l’échelle nationale. À titre d’exemple, il n’existe pas encore de texte de loi nationale ne matière de biosécurité, afin de réglementer l’utilisation transparente des organismes génétiquement modifiés. Il en est de même pour la réglementation de l’accès aux ressources génétiques. En effet, le Maroc a été parmi les premiers signataires de la Convention sur la Diversité Biologique et du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 2001). Grâce à son importante richesses en ressources génétiques, notre pays a toujours représenté une destination privilégiée des bio prospections en région méditerranéenne. Cependant, jusqu’à présent, aucune disposition de nature juridique, administrative ou autre n’est mise en place pour réguler l’accès aux ressources génétiques du pays, ni pour prévoir un cadre favorisant le partage équitable des avantages issus de leur exploitation par des programmes étrangers. Cette situation devient complètement inadaptée compte tenu de l’évolution internationale de la question d’accès aux ressources génétiques et du partage des avantages, aussi bien dans le cadre de la CDB que dans celui, plus spécifique, du traité de la FAO. À côté de la Convention sur la Diversité Biologique, plus d’une cinquantaine d’accords internationaux ont été signés par le Maroc qui n’est pas allé jusqu’au bout de ses engagements. En effet : – on ne dispose pas encore de listes rouges des espèces et des espaces menacés à protéger et à faire protéger à l’échelle internationale ; – rien n’est fait pour la protection du phoque moine, l’une des espèces les plus menacées à l’échelle mondiale et figurant dans les listes rouges des principales conventions nationales ; ; – de nombreuses espèces, parfois très menacées, sont prélevées et vendues dans les marchés publiques et parois aux touristes étrangers (tortues, caméléons, fouette-queues, œufs d’oiseaux migrateurs, etc.) – un grand nombre d’espèces menacées à l’échelle internationale, dont des formes migratrices, ne bénéficient dans notre pays d’aucune mesure de protection (oiseaux, baleines, etc.) ; – un grand nombre de plantes menacées ne bénéficient d’aucune conservation (aucune des espèces rares ou menacées) ; 144

– des braconniers détruisent certaines ressources en toute impunité (mérous dans la Méditerranée, Grande nacre, pollutions diverses, etc.) ; Pourtant, tous ces problèmes correspondent à des priorités dans les conventions de Ramsar, d’Alger, de la Convention pour la protection des oiseaux, de la convention de Bonn, de celle de la CITES, etc., signées et ratifiées par le Maroc et qu’il est, en principe, censé respecter.

3. Importance socio-économique de la biodiversité marocaine – contribution depuis 50 ans au développement du pays Les ressources naturelles biologiques jouent un rôle vital dans le développement socio-économique du Maroc.

3.1. Biodiversité terrestre Selon les actes du colloque national sur les forêts (1996), l’Étude National sur la Biodiversité (1997), le Programme Forestier national (1998), le grand livre de la forêt (1999), etc, bien que l’écosystème forestier n’occupe que 12 % environ du territoire national, il est stratégique en raison de ses divers rôles économique (recettes, matière première, ressources énergétiques, etc.), écologique (lutte contre l’érosion, l’envasement des barrages, puit de carbone, etc.) et social (source de revenus pour plus de 114000 familles, etc.). Les données de 1996 montrent que la fonction productrice de la forêt se traduit par des quantités de bois d’œuvre et d’industrie (645 000 m3), de bois de feu (917000 stères, soit 30 % du bilan énergétique national), de bois de liège (43.000 stères) et d’unités fourragères (plus de 1.500.000.000 annuellement, soit 11 % du bilan fourrager national). La production non marchande de bois ramassé est évaluée à quelques 4 415 000 Dh, alors que celle du charbon de bois à 29.350.000 Dh. La forêt fournit également 15.000 emplois permanents (donc des ressources financières pour autant de familles) et 40 millions de jours de travail ; ce qui peut se traduire par quelques 114.000 personnes actives dans ce domaine. On estime que plus de 17 % de la population active dans le domaine rural vit entièrement ou partiellement de la forêt et de ses produits. La forêt marocaine contribue pour 2 % au PIB agricole et 0.4 % au PIB national ; mais, sa contribution réelle serait de près de 10 % du P.I.B. agricole, si on prend en considération le pâturage, l’exploitation de bois combustible et de menus produits. La déforestation fait perdre annuellement au Maroc quelques 119 millions de Dirhams, soit 0,03 % du PIB, en plus de près de 380 millions de Dh pour les reboisements, la sauvegarde des écosystèmes et les substitutions d’énergie. Il s’agit, en fait, d’une somme colossale qu’il serait possible d’investir, au moins en partie pour la conservation et le développement de ce secteur. La valeur totale des biens et services de la forêt serait de près de 5,5 milliards de Dh en moyenne. Au milieu forestier proprement dit, on a souvent articulé les parcours qui couvrent quelques 53 millions d’ha. Ces parcours assurent en moyenne 26 % des besoins fourragers (90 % dans certaines régions). En fait, la couverture des besoins du cheptel national est passée de 60 % durant les années 70 à moins de 26 % aujourd’hui. Les défrichements, l’augmentation du cheptel sur les parcours, l’extension de la durée de pacage et l’arrachage délibéré des essences ligneuses ont fait, que tous nos parcours sont actuellement dégradés : 12 % sont fortement dégradés, 81 % moyennement dégradés et seulement 6,6 %, faiblement dégradés. Cette dégradation se traduit, entre autres, par : 1 – le remplacement de la végétation pérenne par 145

une autre annuelle peu appétable ; 2 – des sols dénudés ; 3 – l’apparition de sables et dunes et ; 4 – en terme de biodiversité, la raréfaction/disparition d’espèces. En dehors des extractions effectuées directement dans divers écosystèmes nationaux, la diversité de la faune terrestre engendre une importante activité de chasse qui prélève chaque année près de 500 000 unités de gibier constitué principalement du lièvre, du lapin, du sanglier, du renard, de la caille, de la bécasse, la bécassine, la tourterelle, etc.. Cependant, l’évolution des ressources cynégétiques se caractérise par une tendance inquiétante de régression due, au moins pour les espèces terrestres, à l’extension des terres arables au détriment de la végétation arbustive servant d’abris au gibier ; mais, aussi, au braconnage (piégeage, ramassage des œufs, etc.), sans compter l’augmentation rapide du nombre de chasseurs. Une autre nuisance générée par le secteur de la chasse est « la régulation des populations des espèces prédatrices des espèces-gibiers ». C’est ainsi, par exemple, que lors de la saison 2000-2001, 889 renards, 259 chacals, 37 corbeaux et 36 pies ont été tués « officiellement » pour protéger le gibier (qui, dans tous les cas, serait tué). L’agrosystème national est également un domaine prioritaire, non seulement en tant que principal pourvoyeur de nourriture ; mais, aussi, en tant qu’élément stratégique de l’économie nationale. En effet, dès l’indépendance, le Maroc a assigné à l’agriculture un rôle déterminant comme secteur d’ajustement et de financement de la croissance économique nationale et, aujourd’hui encore, elle reste l’un des secteurs déterminants de cette économie. Cependant, il importe de préciser que la majorité des formes utilisées dans cette agriculture n’est malheureusement pas autochtone et est constituée par des espèces, variétés et races introduites pour leur intérêt lucratif. L’importance de l’agrosystème ne se limite pas seulement à ses rôles de « grenier » (cultures) et d’« étable » (élevage), mais, aussi, à ses vocations d’employeur de la main d’œuvre, de fournisseur de devises et d’important secteur productif, sachant que près de la moitié de la population marocaine est rurale et que l’agriculture est son activité principale. Le Maroc est, en effet, un pays agricole dont 11,8 % (8 456 000 ha) de sa superficie est cultivable. Plus du 1/3 de la population active du Maroc (4,8 millions) travaille dans le secteur agricole, 2,2 millions de ménages dépendent de l’agriculture et 50 % d’entre eux vivent des cultures pluviales associées à l’élevage. La production agricole constituait au début des années 60 près de 30 % du Produit Intérieur Brut et ne dépassait plus les 17 % en 1993. Les revenus de cette production finançaient environ la moitié des importations totales jusque en 1973 ; mais, ce taux n’a cessé de régresser, depuis, pour atteindre à peine les 11 % en 1990. L’apport en devises des produits de l’écosystème agricole était, par exemple, de 8 milliards de Dirhams en 1994, correspondant à 20 % du total des exportations, soit le deuxième rang après les phosphates et avant les pêches maritimes. Les surfaces irriguées contribuent à 90 % des exportations agricoles proviennent des surfaces irriguées. L’élevage compte pour près du 1/3 du PIB agricole, fait travailler quelques 40 % de la population active rurale, pour un cheptel de plus de 22000000 têtes de bétail qui fournit 90 % des besoins en produits laitiers. Il faut cependant préciser qu’une bonne part de la production agricole nationale provient d’espèces et de variétés allochtones, importées pour leurs spécificités de rendement, de productivité ou de rentabilité, et utilisées au détriment des formes locales utilisées depuis longtemps auparavant. Ceci met en évidence l’importance de la préservation des races et variétés locales pour les générations futures, car elles constituent un potentiel d’amélioration génétique dont l’importance peut se révéler utile par la suite, en fonction des modifications des besoins de culture, d’élevage ou de consommation.

3.2. Biodiversité marine et côtière L’écosystème marin assure une grande partie des protéines d’origine animale ; il assure des emplois directs et des revenus plus ou moins stables pour un grand pourcentage de la main d’œuvre nationale 146

(marins, ramasseurs, fonctionnaires, investisseurs, etc.). La mer fournit aussi une grande part de matière première pour certaines industries (engrais, conserverie de poisson, farine de poisson, produits pharmaceutiques, aliments pour bétail, etc..) ; malheureusement, elle sert aussi d’exutoire pour plus d’un milliard de mètre cube d’eaux usées non traitées. L’espace maritime national, plus vaste que l’espace terrestre, joue un rôle stratégique sur les plans économique et social. Sa façade atlantique joue aujourd’hui le rôle de pôle structurant de l’économie nationale, compte tenu de son poids démographique, économique et de sa fonction dans l’organisation de l’espace national (61 % de la population urbaine des grandes villes, 80 % des effectifs permanents des industries, 78 % de l’ensemble des investissements industriels du pays, 67 % de la valeur ajoutée, 53 % de la capacité touristique, 92 % du trafic maritime, etc.). Elle concentre les principales agglomérations du pays (Casablanca, Rabat, Kénitra, Agadir, Safi, Tanger, Tan Tan, Laâyoune, Dakhla, etc.), les densités démographiques urbaines et rurales les plus élevées, les réseaux d’infrastructures et de communication les plus denses, ainsi que les principales activités économiques. Cependant, la forte littoralisation que connaît le Maroc depuis ces dernières décades y a engendré un important dysfonctionnement et de profondes dégradations de l’environnement marin. En effet, la population urbaine du littoral atlantique qui ne représentait que 19,4 % en 1936, est passée à 29 % en 1960, 35 % en 1971 et 42,8 % en 1982 pour atteindre 49,8 % en 1998 et environ 54 % en l’an 2000. La population marocaine atteindrait 60 à 80 millions en l’an 2025 et l’urbanisation serait de 75 à 77 %. Dans ce grand espace maritime national, le potentiel biologique exploitable a été estimé à 500.000 tonnes pour les espèces demersales et 1.500.000 tonnes pour les espèces pélagiques. La production halieutique du Maroc a atteint en 1999 plus de 758000 tonnes ; correspondant à une valeur de 4.884 Milliards de Dirhams dont 1.818 Milliards de Dirhams pour la pêche côtière et 2.888 Milliards de Dirhams pour la pêche hauturière. Cette production a dépassé le million de tonnes en l’an 2000. La pêche côtière qui constitue la principale composante de la production halieutique du Maroc (85 %) est essentiellement dirigée vers l’exploitation de la sardine ; alors que la pêche hauturière est orientée principalement vers les prises céphalopodières. Pour cette dernière, bien qu’elle ne représente que moins de 15 % de la production nationale, son importance réside essentiellement dans le chiffre d’affaire qu’elle permet de réaliser et qui dépasse les 50 %. L’évolution de l’effort de pêche côtière par ports, depuis 1988 jusqu’en 1997, montre qu’il y a une migration des activités de pêche vers le sud du Royaume. C’est ainsi que, d’une part, le port d’Agadir a perdu de son intérêt depuis l’année 1988 au profit des ports du sud en particulier Tan Tan, puis Laâyoune et, d’autre part, l’effort de pêche durant cette décennie a augmenté de près de 50 %. Il est extrêmement difficile de se prononcer sur l’impact du non renouvellement des accords de pêche entre le Maroc et la communauté européenne. Déjà en 2001, date d’expiration de cet accord, les produits de la pêche ont dépassé pour la première fois la barre d’un million de tonnes, avec une croissance de 22 %; mais rien ne permet de confirmer, qu’en si peu de temps, la nature a repris ses droits. La restructuration du secteur et sa modernisation représentaient des préoccupations majeurs du département de tutelle. Aussi, Une enveloppe de 200 M.DH a été allouée sur 5 ans (1997-2001) au secteur de la pêche maritime pour le financement du programme de mise à niveau de sa flottille (préservation des ressources, redéploiement des unités, équipement en système de réfrigération des cales, amélioration des techniques de manutention du poisson à bord ; remplacement des navires âgés de plus de 15 ans, etc.). Le plan quinquennal 1999-2003 s’est fixé comme principal objectif de placer le Maroc parmi les 15 puissances mondiales sur le plan halieutique en œuvrant pour : – une production de 1,5 millions de tonnes ; avec un taux de croissance moyen de 17 %; – une valeur ajoutée de 13 milliards de dirhams, avec un taux de croissance moyen de 11 %; – un chiffre d’affaire à l’export de 14 milliards de dirhams, avec un taux de croissance moyen de 14 %; 147

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une consommation nationale de 12 kg de poissons/hab/an ; 7,7 milliards de dirhams d’investissements ; la création de 40 000 nouveaux emplois. la création de 5 villages de pêche (300 millions de dirhams) et 60 points de débarquement (600 millions de dirhams).

L’aquaculture, bien qu’elle possède de réelles potentialités de développement, n’a actuellement qu’une part infime dans le développement des ressources halieutiques nationales (0,1 % en tonnage et 1,6 % en valeur). Cette activité a permis de produire quelques 1 200 tonnes en 1998 correspondant à près de 87 millions de Dirhams. À côté des pêches côtière et hauturière et de l’aquaculture, il existe d’autres activités littorales telles que le ramassage des algues, ou de certaines autres espèces animales telles que les moules, les palourdes, les coques et les pieds de biches. L’exploitation de ces ressources reste souvent intensive et non contrôlée. Pour les algues, par exemple, le ramassage a permis l’exploitation de 8 600 tonnes en 1998 ; alors que pour le corail, la production était de 3 000 Kg. en 1998 pour une valeur de 80 Millions de Dirhams, contre 7 000 Kg. en 1992 et 5 000 Kg actuellement. Quant aux autres espèces, il est quasiment impossible d’estimer la production, et ce, à cause de l’insuffisance des données. Un autre indice socio-économique est celui du niveau des exportations des ressources halieutiques à l’état brut (poisson frais) ou transformées. Ces exportations ont, en effet, augmenté de façon notable pour constituer actuellement près de 15 % du total des exportations marocaines globales et environ la moitié des produits agro-alimentaires. Parmi ces exportations, les mollusques, très largement dominés par les céphalopodes, constituent un peu plus de la moitié et sont destinés au marché japonais, essentiellement, alors que les poissons, en partie sous forme de conserves prennent plutôt le chemin de l’Europe. L’enseignement majeur pouvant être tiré de l’analyse, de l’évolution de la pêche et de la destinée de ses produits, est que l’essentiel de cette pêche va aux sous produits, non valorisants, ce qui sous entend, donc, qu’une valorisation de ces produits est plus que nécessaire. En effet, malgré l’importance stratégique de ce secteur dans la vie socio-économique et culturelle du Maroc, le secteur maritime et ses ressources ne sont malheureusement pas encore appréciés à leur juste valeur puisque : – un important pourcentage (60 %) de la production côtière est voué à une transformation en sous produits destinés à nourrir d’autres animaux certainement de moindre valeur alimentaire et de moindre importance économique ; – la presque totalité de la pêche hauturière est « expédiée » sans aucune valeur ajoutée ; – le faible taux de consommation nationale exprimant un certain désintéressement de la population dont chaque membre ne consomme en moyenne que 7,4 kilogrammes de produits de la mer par an. – Sur le plan social, le secteur des pêches maritimes génère un volume important d’emplois directs et indirects de près de 400 000 personnes.

148

Figure 6 : Évolution des pêcheries de 1975 à 2003 (d’après les données du MPM)

3.3. Biodiversité des zones humides Les zones humides n’ont pas de grandes superficies ni les productions des écosystèmes marin, forestier ou agricole ; mais elles sont dotées d’autres richesses, visibles ou occultes, qui leur confèrent un rôle socioéconomique d’une importance majeure à l’échelle locale. Elles constituent une importante source de revenus de subsistance pour un grand nombre de familles riveraines ; ainsi que des richesses non négligeables pouvant contribuer au développement socio-économique des zones et des régions où elles sont situées. En effet, les zones humides se prêtent parfaitement bien à l’écotourisme et à l’aquaculture du fait de leurs accessibilités et de l’abondance de l’eau nécessaire pour le développement de l’une ou de l’autre de ces activités. D’autres avantages socio-économiques sont offerts par les zones humides dont : – Des avantages récréatifs (chasse, pêche, planche à voile, sports nautiques, randonnées, pique-niques et promenades, baignade, etc. ; ) ; – Des avantages agricoles du fait qu’elles constituent d’excellentes zones de pâturages et, aussi, d’agriculture surtout dans les sites déjà asséchés où les rendements sont importants. Ce sont des zones qui fournissent également de nombreuses plantes utilisées à diverses fins ;

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– Des avantages piscicoles et conchylicoles en fournissant, via les activités aquacoles, des poissons et des coquillages ; donc des protéines d’origine animale ; – Des avantages énergétiques par l’utilisation du bois ou la production de méthane (fermentation de végétaux) ; – Des avantages éducatifs en fournissant d’excellents instruments d’illustration pédagogique pour les enseignements primaires, secondaires et universitaires. Chaque année, près de 25 000 tonnes de poissons sont prélevés des eaux douces nationales par le secteur de la pêche dans les eaux intérieures. La pêche contrôlée devient de plus en plus régie par des accords entre l’administration et le privé, soit sous forme d’amodiations visant une pêche sportive organisée, soit encore pour la mise en place d’activités aquacoles de type industriel. C’est une activité qui se pratique aussi bien dans les cours d’eau naturels que dans les retenues artificielles des barrages.

4. Cinquante ans de conservation de la biodiversité marocaine Comme partout dans le monde, et en particulier dans les pays en voie de développement, les besoins sans cesse croissants en ressources biologiques, l’industrialisation, l’urbanisation, l’ancienneté et l’inefficacité du système législatif, l’absence de surveillance et de contrôle, etc. ont indubitablement un impact sur la santé de l’environnement, en général, et la viabilité de la diversité biologique, en particulier. Il en résulte que la majorité de nos écosystèmes et de nos ressources biologiques se trouvent dégradées, à un degré ou à un autre ; certaines de nos espèces et nos ressources génétiques se sont même éteintes. Satisfaire nos besoins et ceux des générations futures exige la planification et l’utilisation durable de ces ressources pour en assurer l’équilibre et la pérennité. Il importe, donc, d’adopter des approches et des mécanismes de prévention, d’utilisation rationnelle et de promouvoir la restauration et la réhabilitation des ressources détruites, leur valorisation ; – de mettre en œuvre des mesures incitatives et d’assurer la participation et l’engagement de la population. Les deux grandes approches de conservation peuvent être soit in-situ (prioritaire), soit ex-situ. Cependant, l’une ou l’autre des approches ne peut se montrer efficiente que s’elle est accompagnée de mesures de sensibilisation / éducation, de recherche / développement, de coopération, etc.

4.1. Efforts de conservation in situ (SIBE’s, aires protégées, réserves de la biosphère) Les principaux efforts fournis par le Maroc en matière de conservation in situ peuvent être résumés dans ce qui suit :

4.1.1. Parcs nationaux et parcs naturels Comme l’indiquent leurs noms, ce sont des sites dont les valeurs patrimoniales naturelles (espèces endémiques, menacées, etc.) imposent une restriction plus ou moins poussée des activités humaines, en vue de leur conservation. C’est une approche qui ne date pas d’aujourd’hui au Maroc. En effet, les principales dispo150

sitions, en particulier législatives, ont été mises en place dès le début du siècle dernier (1917, pour la conservation des forêts, 1922 pour la pêche, 1923 pour la police de chasse, etc.). C’est à partir du 11 septembre 1934 que la création de ces espaces est devenue possible grâce aux procédures fixées par le Dahir portant la même date et, dès les années 1942 et 1950, on a assisté déjà à la création de deux parcs nationaux : « Toubkal » et « Tazekka ». Créés par décret dans des régions naturellement attrayantes sur les plans biologique, scientifique, touristique ou social, les parcs nationaux « doivent être maintenus dans leur état initial et préservés contre toutes les formes d’atteintes » (dahir de 1934 et textes d’application). Dans ces zones, sont donc interdites toutes sortes d’opérations susceptibles de transformer ou de dégrader les lieux. La chasse et la pêche peuvent y être prohibées, en vue de garantir la préservation et, si possible, la reconstitution de la faune. Il existe au Maroc 8 Parcs Nationaux et 2 Parcs Naturels, dont certains déjà mis sur pied et d’autres en prévision (Tableau 5).

151

152 220 000 33.800 49 400

Réserve de Faune de Bouarfa

Parc National du Massa

Parc National du Haut Atlas Oriental

2603

Réserve botanique Talassamtane 10 460 380 123 000

1989 3 8000

Réserve de Sidi Chiker Ile de Skhirate Réserve de Takharkhot

Ile d’Essaouira Embouchure de l’Oued Massa Lac d’Affennouir Parc National d’Iriki

1962

6500

en création

1991

1967

1978 1978 1980 en création

1972

1952 1962 1969

1946

en création

600

43 000

Parc National d’El Hoceïma

1978

Année de création 1942 1950

Réserve biologique de Sidi Boughaba Baie de Khifiss

7 000

Superficie en ha 36 000 12 700

Réserve Biologique Merja Zerga

Zone protégée Parc National de Toubkal Parc National de Tazekka

Objectifs de conservation Espèce de haute montagne (Mouflon à manchette) 680 ha, Extension sur Cédraie du Jbel Tazekka 12 700 ha en 1995 Site Ramsar Zone humide d’importance internationale pour les oiseaux d’eau Parc National, dont Protection du balbuzard pêcheur une partie marine (rapace) et les peuplements de pins naturels. Site Ramsar Zone humide d’importance internationale pour les oiseaux d’eau Site Ramsar Zone humide d’importance internationale pour les oiseaux d’eau Réserve de faune (gazelle dorcas) Ile marine Conservation des oiseaux marins au sein du Parc Natio- Réserve à Mouflon nal du Toubkal Erigée en Parc Naturel Conservation de la sapinière (Abies en 1995 pinsapo) et Singe magot. Ile marine Réserve d’oiseaux (Faucon d’éléonore) Lagune Zone humide (oiseaux d’eau) Site Ramsar Zone humide (oiseaux d’eau) Parc saharien pour les espèces désertiques (oryx, addax...) Réserve permanente de chasse (Outarde Houbara) Côte Atlantique Sud (Agadir-Tiznit) Protection des Euphorbes et des Ibis chauves et estuaires des Oueds Souss et Massa Haut Atlas (Errachidia et Khénifra) Protection du mouflon à manchette, des lacs d’Isli et Tislit, d’une cédraie relique et du patrimoine historique local.

Zone aride steppique (Bouarfa)

Côte Atlantique (Essaouira) Côte Atlantique Sud Agadir Moyen Atlas Zone aride sud (Ouarzazate)

Montagne du Rif (Chaouen)

Plaine du Haouz (Nord Marrakech) Côte Atlantique (S.O. de Rabat) Haut Atlas (Marrakech)

Côte Atlantique Gharb Mamora (Rabat) Côte Atlantique Sud (Tarfaya)

Côte Nord-Atlantique (My Bousselham) Côte méditerranéenne (Al Hoceïma)

Situation géographique Haut Atlas (Marrakech) Nord-Est du Moyen Atlas (Taza)

Tableau 5 : Aires protégées du Maroc (Situation en 1999, tiré du programme de Recherche du Centre National de la Recherche Forestière – CNRF)

4.1.2. Réserves biologiques Le Maroc compte également un certain nombre de Réserves dont : – Réserve Biologique de Takherkhort. Elle a été créée en 1967 sur 1 230 ha dans une forêt de Chêne vert du Haut Atlas où sont protégés des Mouflons à manchettes ; – Réserve Biologique de Sidi Chiker ou M’sabih Talaâ créée dès 1952 sur 1 237 ha pour préserver la dernière population de Gazelles dorcas des plaines du Haouz (quelques 200 têtes) ; – Réserve Biologique de Bouârfa datant de 1967 sur 22 000 ha pour la protection de l’Outarde houbara et la Gazelle dorcas des Hauts Plateaux de l’Oriental. – Réserve Biologique de l’Archipel d’Essaouira Créée en 1962 autour de l’îlot du Pharaon sur 28 ha pour conserver une importante colonie de Faucons d’éléonore.4.1.3 – Réserves Ramsar – Quatre zones humides marocaines ont été classés sites RAMSAR en 1980. Il s’agit de : – Réserve de Merja Zerga Créée en 1978 sur 3 500 ha, ; – Réserve de Sidi Bou Ghaba instituée Réserve Permanente dès 1946 sur 150 ha ; mais dans une réserve permanente de 5 600 ha ; – Réserve de la lagune de Khnifiss : Créée en 1962 sur 6 500 ha ; – Réserve du lac Aguelmame Afenourir « Réserve permanente » de 380 ha depuis 1948. À ces quatre sites, il faut actuellement compter une vingtaine d’autres sites qui sont proposés dans l’objectif de les inscrire sur la liste Ramsar.

4.1.3. Réseau SIBE’s (Sites d’Intérêt Biologique et Écologique)

Figure 7 : SIBE’s par nombres (gauche) et par superficies (droite) au Maroc Il s’agit des milieux identifiés par l’Étude Nationale sur les Aires Protégées pour leurs valeurs écologique, scientifique, socio-économique ou patrimoniale. Ils sont au nombre de 160 SIBE’s d’une superficie totale de 1 080 000 ha, dont 48 considérés « de priorité 1 », 50 « de priorité 2 » et 62 « de priorité 3 ». Les sites terrestres (79 SIBE avec 840 000 ha) sont les plus représentés, suivi des SIBE’s littoraux (38 avec 205 000 ha) puis des zones humides (43 SIBE’s et 35 000 ha). 153

4.1.4. Parcelles porte-graines Près de 837 hectares sont couverts par des formations de ressources génétiques forestières autochtones qui sont répartis sur 137 parcelles classées en guise de peuplements porte-graine in situ pour des espèces dont le pin d’Alep, le pin maritime du Maghreb, le cèdre de l’Atlas, le Cyprès de l’Atlas et le sapin du Maroc. Mais à côté de ces ressources génétiques autochtones, il y a, bien sûr, l’Arganeraie, le chêne liège et le Thuya. Moins nombreux sont les cultivars où sont protégées les cultures des variétés locales.

4.1.5. Réserves MAB Deux écosystèmes patrimoniaux plus ou moins gravement menacés à l’échelle nationale ont été programmés pour constituer des réserves MAB (Man and Biosphere). Le premier, l’arganeraie du sud marocain, qui a déjà bénéficié récemment de ce statut ; alors que le second (palmeraie) est en cours de négociations.

4.2. Efforts de conservation ex situ (jardins botaniques, jardins zoologiques) 4.2.1. Flore Les premières collectes de germoplasme local ont débuté dès les années vingt. Les collectes sont restées cependant sporadiques et ont été organisées essentiellement pour répondre aux besoins précis des programmes d’amélioration étrangers. Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt que des prospections systématiques et planifiées sont organisées par les nationaux pour les espèces cultivées, en l’occurrence les céréales, les cultures fourragères, les légumineuses alimentaires et les arbres fruitiers. Elles ont été effectuées jusqu’à maintenant soit conjointement avec des Institutions étrangères et des Centres Internationaux, soit à l’initiative des programmes nationaux. Jusqu’à présent, les ressources génétiques des plantes cultivées ont été conservées ex situ, et les collections nationales sont préservées soit sous forme de collections aux champs (vergers, espèces fourragères pérennes) soit sous forme de graines. La conservation in situ des variétés de terroir n’a pas encore fait l’objet d’actions organisées par le secteur public, mais elle se fait d’une façon indirecte dans les exploitations des régions où prédomine l’agriculture vivrière.

Jardins botaniques – pépinières : Ils concernent principalement les collections d’espèces exotiques et ornementales. Les jardins exotique de Salé et d’essaie de Rabat peuvent être pris comme exemples. Certains autres jardins, plutôt pédagogiques tels que ceux de l’ENFI ou l’IAV Hassan II comportent également un certain nombre d’espèces rares ou menacées du Maroc. Cependant les pépinières ont également largement contribué aux actions de reboisement qui ont débuté dès les années 20 du siècle dernier et qui se sont poursuivies jusqu’à nos jours produisant chaque année de 30 à 40 millions de plants pour divers usages.. Arboreta : Un réseau national de 40 arboretas de test de comportement des espèces autochtones et exotiques était installé depuis les années 40, d’autre part, les peuplements semenciers pour 11 espèces et 114 peuplements sont maintenus ex situ. Pour les jardins botaniques, à l’exception de quelques espèces pastorales ou fourragères qui ont attiré l’attention de certains généticiens améliorateurs, la conservation ex 154

situ de la biodiversité des espèces sauvages reste très marginalisée. En plus du jardin des plantes maintenu par l’INRA, seul un jardin botanique a été crée à l’IAV Hassan II en 1991. À côté de sa vocation pédagogique, ce jardin constitue un conservatoire pour les espèces rares et menacées de la flore marocaine.

Conservation aux champs : l’INRA maintient d’importantes collections d’arbres fruitiers. Conservation des graines En l’absence d’une banque de gènes nationale, chacune des institutions impliquées (principalement INRA, IAV Hassan II, ENA Meknès et Direction de l’Élevage) détient des unités de conservation où les collections sont stockées pour une grande part dans des conditions de conservation à court et à moyen terme. On dénombre actuellement plus de 20 000 accessions sauvegardées ; le total inclut 700 échantillons de référence de variétés inscrites au Catalogue ou sur des listes provisoires qui sont conservés par la DPVCTRF. Ces collections sont constituées de cultivars, populations, clones appartenant aux espèces économiquement et socialement importantes ; on y trouve des variétés indigènes et des variétés introduites ainsi que des collections mondiales dans certains cas. Toutes ces unités ont été créées à partir de 1980. Elles sont financées soit par le budget de l’État soit dans le cadre de la coopération bilatérale ou avec les organismes et les centres internationaux. Installations de stockage La majorité des institutions possède des collections actives ; certaines collections de base existent et représentent essentiellement les espèces fourragères et pastorales, mais les conditions de stockage sont difficilement maintenues au niveau standard (pannes de matériel et lenteur des réparations..). D’où la nécessité de créer une banque de gènes nationale pour la conservation à long terme. Dans certains cas, le matériel génétique détenu en collection de base est conservé en double dans les banques de gènes de certains Centres GCRAI (ICARDA, CIMMYT) qui assurent les tests de viabilité de ce matériel et sa régénération. Les principaux problèmes que pose actuellement le stockage ex situ sont les suivants : – La détérioration des installations, souvent construites dans des pays en développement par des pays donateurs qui n’ont pas pris d’engagement à long terme pour assurer l’entretien des installations ; – l’absence de recensements, d’inventaires et d’études taxonomiques, et aucune évaluation du matériel présent dans les banques de gènes. Ce type de connaissances est nécessaire pour identifier les lacunes des collections de manière que les obtenteurs sachent où trouver les qualités génétiques déterminées qu’ils recherchent pour des fins de sélection. Même dans des conditions optimales de stockage ex situ, la viabilité des semences diminue, ce qui nécessite une régénération pour reconstituer les stocks de semences. Malgré que les méthodes de conservation ex situ, telles les banques de gènes et les jardins botaniques, ont contribué à l’amélioration d’un certain nombre de végétaux et de la majorité des plantes cultivées à travers l’utilisation du germplasm conservé, elles ne représentent pas la solution pour conserver des ressources génétiques présentes naturellement ou protéger l’habitat des changements dans l’environnement. – La conservation à moyen et à long terme, la sauvegarde et l’aide à l’utilisation rationnelle des ressources génétiques des espèces végétales cultivées et pastorales et des espèces sauvages qui leur sont apparentées. – L’enrichissement de ce germoplasme par de nouvelles collectes. 155

– La création d’une base de données informatisée caractérisant le matériel stocké.

Périmètres d’amélioration pastorale Plusieurs études réalisées durant les dix dernières années sur les ressources génétiques au Maroc (Rumbaugh & Graves 1983 ; IBPGR 1985 ; Graves 1985 ; Francis 1987 ; Bounejmate et al. 1992) ont conclu que plusieurs espèces fourragères et pastorales ont disparu ou sont menacées d’extinction. Depuis 1970, la Direction de l’Élevage du MAMVA s’est engagée à identifier et par la suite à délimiter des zones, particulièrement dans les régions arides et semi-arides, susceptibles de faire l’objet de projet d’amélioration pastorale. À cet effet, 18 périmètres d’amélioration pastorale ont été identifiés dont 15 ont fait l’objet de délimitation par décret et 3 sont encore en cours de délimitation. La création et la délimitation des périmètres d’amélioration pastorale faite durant la décennie 70 sur la base de données écologiques a été depuis le début des années 80 (c’est-à-dire avec l’avènement des projets intégrés), réorientée de façon à tenir compte de la dimension sociale, notamment en considérant les deux critères suivants : Les limites du périmètre d’amélioration pastorale doivent épouser, autant que possible, celles des groupements ethniques concernés afin de réduire les conflits entre les usagers. La bonne adhésion des populations aux programmes définis et la participation effective à leur réalisation, ainsi que leur acceptation des innovations introduites.

4.2.2. Faune – Jardins zoologiques : La principale collection d’espèces marocaines conservées en captivité est maintenue au Parc Zoologique National de Témara, les autres jardins zoologiques du Maroc n’hébergeant que des collections fort modestes ; mais la contributions de ces parcs zoologiques dans la conservation des espèces autochtones reste très limitée dans la mesure où le milieu naturel où ces espèces devraient être introduites n’en profite que très peu. – Banque de sperme : Ce sont des infrastructures principalement destinées à l’amélioration génétique des animaux domestiques, en particulier le cheptel ovin, et bovin.

4.2.3. Collections Pour la faune, il s’agit essentiellement de témoins appartenant au patrimoine marocain, stockés sous forme de collections de recherche ou d’expositions. C’est un matériel qui ne peut certes être utilisé pour des fins de repeuplement, mis à travers son rôle dans la sensibilisation, peut contribuer à la conservation de ce qui reste des populations ou autres espèces. Il s’agit, certes, d’un patrimoine biologique, mais qui ne peut être utilisé pour des opérations de reproduction, de repeuplement, de restauration et de réhabilitation. L’une des plus grandes collections du Maroc et de l’Afrique est domiciliée actuellement à l’Institut Scientifique de Rabat ; elle comporte des milliers de spécimens d’animaux de référence, 25 armoires de Spongiaires, de Coelentérés, Echinodermes,

156

4.3. Restauration – Réhabilitation (élevages et aquaculture de repeuplements) 4.3.1. Réintroductions Il est très difficile de pouvoir se prononcer avec précision sur la disparition d’un taxon, puisque pour s’en rendre compte il faut plusieurs années voire même plusieurs dizaines d’années. Aussi il est difficile de confirmer la date exacte de la disparition d’un certain nombre de taxa du territoire national. Cependant, on peut dire que c’est au courant du siècle dernier que, sous la pression humaine principalement, nombreuses espèces appartenant au patrimoine biologique national se sont éteintes ou raréfiées. Les plus spectaculaires restent les grands mammifères et les oiseaux ; lion de l’Atlas, Addax, Oryx, Baleine bleue, etc. sont certains de ces taxa. Des initiatives ont donc été entreprises pour tenter de restituer aux écosystèmes leurs composantes naturelles. Cependant, s’il est difficile, sinon impossible, de reconstituer des populations génétiquement viables de certaines espèces déjà extrêmement rares au moment de leur disparition comme le lion de l’Atlas, des reproductions assistées ont été tentées et réussies pour de nombreuses autres espèces. C’est ainsi que le Cerf de Berbérie a été réintroduit dans la réserve de Kissarit en 1989 et dans le Tazekka en 1994, la gazelle Dama Mhorr à Rmila à Marrakech en 1992, l’Addax, l’Oryx et l’Autruche à Souss Massa, le Mouflon à Manchette aux Beni Snassen, etc. Dans le règne végétal, le reboisement constitue la principale mesure pour les opérations de restaurationréhabilitation, les pins, le cèdre et le chêne sont certaines des essences concernées par ces actions de repeuplement.

4.3.2. Aquaculture Dans le milieu aquatique, certains projets clés visant le repeuplement, par des espèces autochtones de certains écosystèmes dégradés ont été réalisés. Dans les eaux continentales, c’est essentiellement la truite fario qui a été sujette à des projets aquacoles de repeuplement ; alors que dans le milieu marin, des expériences ont été menées sur les palourdes, un important projet sur le thon rouge et, actuellement certaines espèces sont soumises à des tentatives de reproduction assistée telle que le mérou.

5. Perturbation de la biodiversité et incidences écologiques et socio-économiques : 50 ans de pression Les principales perturbations auxquelles sont soumises les espèces marocaines peuvent être classées parmi les catégories suivantes : 1. Fragmentation et Pertes d’habitats ; 2. Surexploitation des ressources naturelles ; 3. Pollutions ; 4. Introduction d’espèces exotiques. 157

5.1. Fragmentation et pertes d’habitats 5.1.1. Déforestation L’un des facteurs majeurs contribuant à l’érosion de la biodiversité terrestre est la perte des formations forestières. Les prélèvements du bois de feu et les défrichements sont des pratiques très courantes chez les populations locales riveraines et, ce, au profit des extensions des cultures, en particulier dans les zones où les terres de culture sont rares. Ce phénomène s’est particulièrement aggravé lors des dernières décennies, surtout dans les régions isolées où la surveillance par les services forestiers est insuffisante. Il s’agit de zones de développement d’une agro-culture traditionnelle au détriment de formations préforestières. Près de 31.000 ha disparaissent ainsi chaque année dont 22000 ha pour des besoins énergétiques, 4500 ha par les défrichements et 4500 par des incendies. Ces défrichements délictueux n’affectent pas les seules écosystèmes forestiers, mais bien d’autres milieux tels que ceux des dunes (régions d’Essaouira) ou des zones humides (surexploitation de joncs, roseaux, etc. sur les bords des lacs, merjas, lagunes, rives des cours d’eau de montagne, etc. ). En plus, la forêt doit satisfaire, au moins en partie, les besoins en énergie des populations. Les prélèvements en bois de feu s’évaluent à 11.000.000 m3, soit 30 % des besoins énergétiques du pays, ce qui dépasse largement les possibilités de régénération de la forêt marocaine. Un autre facteur majeur de la dégradation de l’écosystème forestier est celui du pâturage avec une charge animale 3 à 5 fois supérieure à la normale, correspondant à un déficit de 23 %. Ces mises à nue des espaces forestiers et ces utilisations abusives des ressources forestières entraînent souvent de graves perturbations du fonctionnement de cet écosystème (absence de régénération, fragilisation des espèces, etc.) ; mais, aussi, sur d’autres écosystèmes tels que l’agro-système (perturbation du cycle de l’eau, érosion du sol, pollution des eaux souterraines, inondations et mort du cheptel, etc.). Cependant, ce qui est encore plus grave dans ces pratiques de déforestations, c’est : – la perte d’habitats pour les milliers d’espèces animales et végétales, parfois endémiques ou menacées, qu’héberge la forêt, et par conséquent la perte « en bolc” de ces espèces ; – la fragilisation écologique et physiologique des essences forestières qui, devenant vulnérables, peuvent facilement être attaquées par des ravageurs, affectées par les conséquences de la sécheresse, etc. aboutissant par la même occasion à la perte des espèces animales et végétales qu’elles hébergent. Un exemple de destruction d’écosystème forestier entier peut être observé dans le Rif Central où l’écosystème à Chêne-liège a été pratiquement anéanti, ce qui est également le cas de la suberaie de la plaine du Ghrab, très gravement menacée par les activités humaines. Aussi C’est pas un hasard si près de 25 % de la biodiversité végétale du Maroc est plus ou moins gravement menacée ; la cause principale reste la dégradation/disparition des forêts qui constituent pour la flore marocaine des espaces de développement, d’évolution et de spéciation.

5.1.2. Urbanisation – Littoralisation La population urbaine du littoral marocain n’a cessé d’augmenter depuis la moitié du siècle dernier. Celle de l’Atlantique, par exemple, est passée de 19.4 % en 1936 à 54 % en l’an 2000. Ces populations sont, de surcroit, concentrées dans un nombre réduits d’agglomérations. Les deux wilayas de Casablanca et de Rabat-Salé-Zemmour-Zair accumulent, à elles seules, près de 62 % de la population urbaine littorale nationale. 158

En Méditerranée, la population littorale a également connu, ces dernières décennies, un rythme de croissance assez rapide (2.3 %), surtout en milieux urbains (4.1 %) ; alors qu’à l’échelle nationale, ces pourcentages ne sont respectivement que de 2.1 % et 3.6 %. Les quatre grandes villes de Tanger, Tétouan, Oujda et Nador concentrent à elles seules les 2/3 de toute la population urbaine de la zone Nord. Les conséquences de l’urbanisation sont de toute évidence des extensions des agglomérations urbaines « dévorant” dans leur passage espaces forestiers et agricoles avec toutes leurs valeurs écologiques, biologiques et paysagères, sans parler des déchets générés par ces extensions qui dégradent la qualité de l’air, celles de l’eau et de la santé humaine. De nombreux exemples pourraient être cités dans ce sens, à commencer par les villes Rabat-Salé et Kénitra avec les énormes dégâts causés dans la Maamora. Quand cette urbanisation concerne des agglomérations côtières (littoralisation), c’est un autre écosystème tout aussi fragile qui est soumis aux impacts de l’urbanisation. Il s’agit du littoral, de la mer, des zones humides côtières etc. Les mêmes exemples de villes et d’impacts pourraient être repris (Rabat-Salé et Kénitra), mais cette fois ci sur les estuaires des oueds Bou Regreg et Sebou qui ont perdu pratiquement toutes leurs richesses biologiques (palourdes, alose, anguille, autres poissons, etc.), mais aussi leurs valeurs écologqiues en tant que voies de migration pour des espèces telles que l’alose ou l’anguille. Les effets de la littoralisation sur la biodiversité pourraient également être illustrés par l’exemple de la ville d Safi qui a passé du premier port mondial de la sardine à un port presque quasiment inactif à cause de l’urbanisation et l’industrialisation qui en a découlé ; une région qui a perdu uniquement entre 1995 et 2000 plus de 6 % de ses richesses biologiques. La ville de Nador a perdu, à cause de la littoralisation, l’une des plus importantes lagunes de toute la Mer Méditerranée et ses valeurs vitales pour la région : stocks de crevettes, de palourdes et de poissons, nombreuses espèces menacées à l’échelle internationale telles que les posidonies ou les nacres, ses valeurs écologiques et touristiques, etc.).

5.1.3. Drainage des zones humides Le drainage a été essentiellement pratiqué dans la zone côtière (Gharb, Loukkos, etc) pour des fins agricoles ou d’urbanisation. La perte d’habitat est ainsi estimée à quelques 34000 ha. Les transformations des zones humides engendrées par les constructions des barrages sont également profondes et les lits des rivières à l’aval de ces retenues sont transformées en chenaux d’écoulement temporaires voire même en canaux d’évacuation d’eau usée. L’eau qui devrait alimenter ces zones humides est, certes récupéré en partie dans les barrage (plus de 100 actuellement) cependant le rôle joué par cette eau dans les barrages se trouve considérablement diminué par rapport à celui joué dans les milieux naturels tels que les cours d’eau ou les lacs permanents. Aussi l’assèchement des ces zones humides a entraîné dans de nombreuses régions la disparition d’habitats pour les oiseaux migrateurs, la disparition des poissons, de la flore et de faune aquatiques, la raréfaction des poissons diadromes, etc. Ces conséquences sont aggravées par les longues périodes de sécheresses qu’a connu notre pays. Les marécages des bas cours de la Moulouya, Bou Areg, Tahaddart, Smir, etc. sont certains des exemples.

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5.1.4. Infrastructures de développement (tourisme, transport, etc.) A. Tourisme Si le tourisme est une activité sociale relativement récente, il a pris très vite une dimension mondiale créant des échanges culturels ; les recettes qu’il engendre en a fait un secteur stratégique pour le développement socio-économique de certains pays, dont le Maroc. Développer ce secteur, au moins dans sa philosophie classique, suggère plus d’infrastructures d’accueil, dans des sites naturels et attrayants ; autrement dit,au détriment de milieux naturels souvent riche en faune et flore indispensables pour l’équilibre écologique local et régional. Par l’ancienneté de son histoire et de ses traditions, la beauté et la diversité de sa nature, le Maroc, attire de nombreux touristes en provenance du monde entier. Le balnéaire reste une des principales catégories du tourisme national, cependant, les particularités historiques, culturelles et le potentiel paysager du Maroc attirent d’autres catégories de touristes développant d’autres pôles touristiques en particulier culturel, sportif et, plus récemment, naturel et écologique. C’est un secteur stratégique dans le développement socioéconomique du Maroc puisqu’il constitue de 3 à 4 % du P.I.B. et de 7 à 10 % des recettes en devises. Le tourisme assure également plus de 260.000 emplois et, dans le mouvement de reprise de l’activité touristique, on prévoit 6 millions de touristes en l’an 2005 et 10 millions en 2010, ce qui l’amène à jouer un rôle de plus en plus important et, de toute évidence, générer de plus en plus de nuisances pour l’environnement et la biodiversité. Cependant, si le tourisme, au moins dans sa philosophie actuelle, peut avoir des effets nuisibles (fragmentation et perte d’habitats, pollutions, etc.), il ne mérite pas pour autant d’être diabolisé car c’est, en grande partie, la carence de gestion qui est la cause des dégâts découlant de la fréquentation touristique. Le Maroc est doté d’importantes potentialités naturelles, susceptibles d’être mises à profit du tourisme écologique et qu’il faudrait, par conséquent, protéger.

B. Transport Le secteur des transports constitue un maillon clé dans le développement socio-économique du Maroc. En effet, en 1995 : – le secteur des transports apporte environ 6 % de la valeur ajoutée du P.I.B. ; – il participé à hauteur de 15 % aux recettes du budget de l’Etat. ; – il absorbe 26 % de la consommation nationale d’énergie. ; – il assure environ 9 % des emplois de la population active. Le réseau routier était en 1995 de 60.449 km dont 30.374 km revêtus et le parc automobile global en circulation comptait quelques 1.295.999 véhicules. Celui des autocars fait l’objet de 5.000 autorisations soit 300.000 places. Toutes ces nuisances ont des effets directs ou indirects sur la biodiversité, mais les plus spectaculaires restent certainement les fragmentations et les disparitions d’habitats qu’occasionnent les constructions de routes. Quant aux Chemins de Fer, ceux-ci comptent un réseau de 1.907 km de lignes, dont 1.003 km électrifiés et 271 km à double voie. Cependant, 98 % des échanges commerciaux du Maroc avec l’étranger sont assurés par mer (27 ports), un chiffre qui montre l’importance du transport maritime pour le pays. Enfin, le transport aérien possède actuellement 11 aéroports de dimension internationale et 8 aéroports de dimension nationale. Le secteur des transports, malgré ses nombreux avantages sur le plan économique et social, a trois principales incidences sur l’environnement de par ses émissions de composés actifs, celles qui appauvrissent la couche d’ozone ainsi que la production de polluants organiques qui ont des effets nuisibles sur les systèmes biologiques. 160

Tout un éventail d’activités qui exercent des pressions sur l’environnement dans diverses opérations de construction d’infrastructures, d’exploitation et d’entretien. L’impact du secteur du transport sur la Biodiversité se traduit à plusieurs niveaux : 1. la pollution atmosphérique qui découle de l’utilisation de carburants. Les gaz émanant de l’utilisation du parc automobile (5815 Kilotonnes) est désigné comme l’un des principaux responsables de l’émission des gaz à effets de serre ayant des répercussions plus ou moins graves sur les changements climatiques, sur les pluies acides, la santé humaine, la dégradation des forêts, etc. Pratiquement toutes les agglomérations marocaines sont affectées par ce problème) ; 2. la fragmentation des habitats puisque plus de 57 000 Km de route sillonnant tout le Royaume sont créés dans des habitats naturels (terres agricoles, forêts, etc.). Les répercussions de ces fragmentations peuvent être illustrés par deux exemples : R dans le région de Saidia où la route traversant les dunes littorales, des dizaines d’individus de certaines espèces très menacées (tortues, Caméléons) sont écrasés en essayant de joindre diverses zones de leurs territoires ; R dans le sud du pays (région de Tiznit ou des centaines de rongeurs et de reptiles) sont également écrasés en traversant la route séparant diverses parties de leurs zones de nourrissage – reproduction. 3. la pollution de la mer par les accidents de pétroliers ou le déballastage qui représente une menace non négligeable pouvant avoir des effets négatifs sur le tourisme (en souillant les plages), sur les écosystèmes (dépôts de nappes de pétroles sur les peuplements, réduction de la photosynthèse, etc.) et sur les espèces (oiseaux, mollusques, etc.). Les exemples des pétroliers Kharg V et Sea Spirit ne sont pas loin de nos mémoires. Un autre impact négatif du transport maritime sur la biodiversité marine correspond aux milieux portuaires considérés souvent que des réceptacles de rejets domestiques et industriels et où les risques d’accidents ne sont pas nuls. C’était le cas en 1997 quand 550 tonnes d’acide phosphorique ont été déversées accidentellement dans le port de Jorf Lasfar suite à une rupture de la tôle d’un bac. En ce qui concerne le transport aérien, son impact sur la biodiversité concerne plus particulièrement les oiseaux, surtout les migrateurs.

5.2. Surexploitation des ressources naturelles 5.2.1. Surexploitation de la biodiversité forestière Les pressions sur la forêt marocaine et sa biodiversité sont énormes, ce qui se traduit par la disparition annuelle de près de 31000 ha et par conséquent leurs services et leurs valeurs écologiques et économiques. L’exploitation du sol de la forêt convoité pour des fins agricoles, génère des défrichements de près de 4500 ha. Le bois de feu extrait des forêts constitue la source majeure de l’énergie des populations locales et riveraines et, même, 58 % du bois consommé à l’échelle nationale provient de la forêt. Ces prélèvements font que 22000 ha disparaissent annuellement. Les ressources fourragères de la forêt (1.7 milliards d’unités) contribuent à 17 % de l’alimentation du cheptel national et le pâturage, ou plutôt le surpâturage, est considéré comme une cause majeur de la dégradation de l’écosystème forestier. D’autres ressources écosystémiques, paysagères et spécifiques sont également extraites de la forêt : plantes aromatiques, champignons, trèfles, divers fruits, etc. et ce de façon anarchique. Iil suffit de circuler 161

sur l’une des routes traversant la forêt de la Maamora par exemple pour se rendre compte que pratiquement tous les glands produits par cette forêts sont prélevés au point qu’il est raisonnablement permis de ce demander « par quel moyen la subéraie de la Maamora » pourrait-elle régénérer ?.

5.2.2. Sur pêche (Efforts de pêches, Engins non adaptés, non respect des périodes de reproduction et de recrutement) Tous les spécialistes sont unanimes que les ressources marines naturelles, partout dans le monde, sont à présent pleinement exploitées et que tout effort de pêche ne peut se faire qu’au dépend de la pérennité de ces ressources. Au Maroc, pays maritime par excellence, même si ses eaux sont considérées parmi les plus poissonneuses du monde, plusieurs indices montrent que ses ressources ne sont pas inépuisables et qu’elles souffrent même, comme toute autre ressource biologique, des répercussions des activités anthropiques. L’un des indices le plus frappant est la translation de l’effort de pêche du nord vers le sud. En effet, c’était tout d’abord la pêcherie du Nord (Tanger – El Jadida) qui a démarré au début du siècle et avait comme principal port, celui de Casablanca. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, c’est la zone Safi – Sidi Ifni qui a pris la relève, atteignant des prises de 300 000 tonnes en 1973 et seulement 50 000 tonnes en 19911992. Ensuite, les pêcheries se sont déplacées vers la zone Sidi Ifni Laâyoune où elles ont débuté vers les années 60 avec un maximum de 130 000 tonnes en 1977 et, seulement, 100 000 en 1990-1992 et puis on est actuellement dans l’extrême sud où de nombreuses flottes (nationale, européenne, russe, asiatique, etc.) opéraient. Sur la côte méditerranéenne marocaines, les statistiques de pêche montrent qu’entre 1995 et 2000 les prises ont diminué de 36994 tonnes à 31134 tonnes. En dehors des espèces visées par la pêche, de nombreuses espèces marines sont au bord de l’extinction ou complètement disparues de nos côtes. La baleine bleue ou la baleine franche, qui jadis se reproduisaient sur nos côtes, y ont complètement disparu. Le phoque moine survit très difficilement au sud du Maroc et le mérou constitue la cible de chasseurs sous marins qui s’en approvisionnent, à volonté et en toute impunité ; les grandes nacres menacées dans toute la Méditerranée sont également la cible de ramasseurs armées de scaphandres autonomes dans la lagune de Nador ; les algues, en particulier Gelidium sesquipedale, malgré la réglementation qui régit son exploitation, est également récoltée en toute saison et en toute impunité. Et pour ne donner qu’un chiffre, la palourde qui était, il y a quelques années, très abondante dans la baie de Dakhla (sud du Maroc), elle n’y est actuellement présente que dans quelques sites et avec quantités et des tailles très réduites ; en trois années les prises en ont diminué de plus de 150 tonnes à moins de 30 tonnes.

5.2.3. Surpâturage Les effectifs des troupeaux (bovins, ovins et caprins) au niveau national connaissent de très importantes fluctuations qui sont dues principalement aux aléas climatiques. Mais, en règle générale, il y a unanimité sur l’importance et la gravité des dégâts causés par le surpâturage aux niveaux des écosystèmes sylvo – pastoraux et de leur biodiversité, surtout dans les régions qui connaissent de longues périodes de sécheresse. Ses prélèvements directs ou par émondage, les piétinements des semis, etc., réduisent considérablement le taux de recouvrement du sol et empêchent la régénération naturelle de la végétation, ce qui contribue à la dénudation des sols et entame les processus de désertification. Le problème du surpâturage est aggravé par la réduction progressive des surfaces laissées en jachères et des terrains de parcours (collectifs et fores162

tiers), conséquence de besoins sans cesse croissants pour l’extension des terres cultivées. Le problème du surpâturage est aggravé durant les années de sécheresse pendant lesquelles les ventes massives du cheptel des zones touchées alourdir une charge déjà excessive pour les régions relativement arrosées. Le surpâturage engendré se traduit, ainsi, par la disparition ou la réduction considérable d’un grand nombre d’espèces appétées et par les autres formes de vie qu’elles abritent. Il finit par déclencher les processus d’érosion qui ont déjà atteint une surface importante des montagnes dénudées. Pour le Maroc, le surpâturage, constitue actuellement l’une des préoccupations fondamentales des aménagistes sylvo-pastoraux et des gestionnaires des aires protégées surtout qu’il est considéré comme l’une des causes majeures de la dégradation de certains écosystèmes, en particulier forestier. En effet, près de 10 millions de têtes pâturent dans le domaine forestier qui, malgré son immensité (5 818 893 ha) accuse un déficit des besoins dépassant les 30 % sous une pression de 200 à 300 fois ses possiblités herbagères. Et, de toutes les espèces animales composant le cheptel, la chèvre, qui est la plus rustique, est la plus nuisible puisqu’elle se nourrit du feuillage des arbres et arbustes qui constituent l’ossature des structures et architectures des écosystèmes sylvo-pastoraux. Le problème est encore plus grave quand l’espèce la plus nuisible (chèvre) est lâchée dans des milieux menacés telle que l’arganeraie. Le surpâturage affecte également les zones humides, surtout lors de la période estivale ou des périodes de sécheresse. 20 000 têtes de bétail pâture, par exemple, dans la lagune de Moulay Bousselham ; un chiffre énorme qui, à terme, finirait par détruire la majorité des habitats de ce site, pourtant classé Ramsar. La gravité du surpâturage s’amplifie dans les zones humides par la présence d’espèces parfois gravement menacées dans le monde (plusieurs espèces migratrices d’oiseaux) et le piétinement des nids et des nichées ainsi que des gisements coquilliers constitue un risque supplémentaire à celui du prélèvement du premier maillon de la chaîne alimentaire qu’est la végétation.

5.2.4. Autres formes de surexploitation (eau, sable, etc.) À côté des prélèvements effectués au sein des populations végétales et animales, d’autres activités d’extractions influent négativement et considérablement sur diverses formes de vie et leurs habitats. Il s’agit, entre autres, de l’eau, du sable, du sel, etc. qui partout au Maroc font l’objet d’intenses prélèvements. L’utilisation excessive des eaux superficielles et souterraines, aggravée par les longues périodes de sécheresses et la « motorisation » des pompages ont fait que de nombreux écosystèmes, en particulier des zones humides ont disparus ; leurs habitats, leurs faune et flore ainsi que leurs valeurs écologiques et économiques. Le lac Iriqi, par exemple, n’assure plus ses fonctions de pourvoyeur d’eau et de niche écologique pour des centaines d’oiseaux migrateurs. Dans le pourtour de l’estuaire de la Moulouya ou encore la lagune de Nador, les pompages, excessives ont contribué à une réduction considérable du niveau de la nappe phréatique et l’augmentation de la salinité ; eau qui n’est plus ni potable ni propre l’agriculture. Il est évident que l’augmentation de la salinité entraîne des perturbations profondes de l’écosystème éliminant toutes les espèces dulcicoles et sténohalines et leur remplacement par des formes euryhalines. Les prélèvements de sables dans les lits d’oueds, sur le littoral, dans les estuaires, des lagunes ou au large par dragage correspondent à des destructions des habitats de centaines d’espèces et par conséquent l’élimination de ces espèces. L’exemple est toujours celui de l’estuaire de la Moulouya où les prélèvements de sable dans la tamariçaie a profondément « dévisagé » certaines zones de ce Site d’Intérêt Biologique et Écologique. Les espèces ne trouvent plus un habitat stable pour s’y développer et évoluer. De nombreuses espèces d’intérêt international s’y trouvent ainsi gravement menacées. 163

5.3. Pollutions 5.3.1. Rejets urbains La production de déchets urbains varie d’un centre à un autre en fonction du nombre de populations. La production journalière moyenne est estimée à 0,75 Kg/h/j soit une production totale de plus de 10 900 T/ hab./j. à l’échelle de l’ensemble du territoire national. L’impact des déchets ménagers sur la biodiversité est important. La pollution des eaux (souterraines, fluviales ou marines), la « défiguration » des paysages, la pollution de l’air après l’incinération des déchets, les maladies et, surtout, les très mauvaises odeurs dégagées par ces décharges sont certaines des conséquences des rejets domestiques. L’impact négatif sur le tourisme, surtout balnéaire, est une autre conséquence de ces rejets et qui pourraient avoir des répercussions à moyen et long termes sur ce secteur que le Maroc projette de développer. L’impact de ces déchets domestiques sur la biodiversité est important très nettement visible par exemple dans les régions littorales où se déversent des égouts comportant des eaux usées. Cet impact se traduit dans la grande majorité des cas par des substitutions de peuplements algaux des eaux purs (avec tous leurs cortèges vivants), par d’autres peuplements nitrophiles des eaux riches en matière organique tels que les moulières. Or si les moulières en général pourraient avoir un intérêt commercial, celles provenant des proximités des égouts sont impropres à la consommation et peuvent même générer des maladies plus ou moins garves.

5.3.2. Rejets industriels Les écosystèmes nationaux et leurs espèces reçoivent annuellement de l’industrie marocaine des déchets dont la quantité est estimée à près de 975 000 tonnes en 2000. En ce qui concerne les déchets liquides, la nature et par conséquent, les écosystèmes et les espèces reçoivent 964 millions de m3 : – 24 millions de m3 en provenance de l’industrie agroalimentaire – 10 millions de m3 en provenance de l’industrie du textile-cuir – 920 millions de m3 de l’industrie chimique et parachimique en particulier la valorisation des phosphates ; une eau principalement chargée de phosphogypse ; – 2 millions de m3 de l’industrie mécanique, métallurgique et électrique puis ; – 6,8 millions de m3 du secteur cimentier. – Les déchets solides rejetés annuellement du secteur industriel sont estimés à près de 800 000 tonnes dont seulement 23 % sont réutilisés. Un autre aspect des déchets industriels correspond aux rejets gazeux dont le plus important reste le dioxyde de carbone (77 %) et on compte, en effet, près de 4 millions de tonnes rejetés uniquement par les cimenteries. Les impacts de ces déchets sur la biodiversité aussi bien écosystémique que spécifique sont énormes à commencer par la santé humaine, en tant que composante essentielle de l’environnement global. Les maladies respiratoires, les épidémies de choléra ou de typhoide, par exemple, sont indéniables à ces rejets. La disponibilité en eau et la détérioration de la qualité de cette eau. L’écosystème du Sebou par exemple est « mort » sur 35 Km en aval de la ville de Fès à cause justement des rejets industriels qui y ont consommé 164

tout l’oxygène de l’eau et y supprimant de toute forme de vie. Ce n’est qu’après une relative dilution de ces rejets par les effluents du Sebou, que ce dernier reprenne vie La mer est également considérée comme un exutoire naturel et commode ; ainsi, la côte marocaine s’est vue envahir par les projets industriels. Le littoral atlantique concentrait, en 1990, 77 % des unités d’industries et 80 % des emplois, surtout dans l’axe Casablanca-Kénitra considéré comme l’espace structurant qui façonne le tissu industriel national et qui a contribué, en 1990, pour plus de la moitié des l’investissement au Maroc. De nombreux milieux marins et côtiers souffrent d’une pollution « chronique » qui les empêche de jouer pleinement leur rôle économique, écologique et social. L’exemple le plus flagrant est celui de la Lagune de Nador dont le taux de pollution est tellement important que tous les stocks de poissons, de crevettes, de palourde, etc. qui y existaient (et qui constituaient la source de subsistance de milliers de familles) se sont complètement effondrés à cause principalement de la pollution et, avec ces stocks, des intérêts et des sources de revenus aussi bien pour les riverains que pour le pays. La lagune ne remplis également plus son rôle écologique en tant qu’abris pour des espèces menacées aux échelles nationale et internationale. L’effondrement des stocks de poissons, et plus particulièrement la sardine, dans la région de Safi est aussi attribué, pour une grande part, à la pollution et aux activités humaines sur terre ; des milliers donc de sans travail de plus, moins de recettes, moins de devises, etc. L’aspect paysager des écosystèmes souffre également de ces pollutions. En effet, les ordures nauséabondes) à proximité des hôtels, des décharges non contrôlés dans des forêts, des plages souillées par des emballages en plastic usagés freinent certainement cette activité et de façon considérable. Un indice est celui de l’importante baisse de fréquentation des hôtels du nord du pays ; cependant s’il est difficile d’établir un lien de cause à effet de l’impact de la pollution sur le secteur du tourisme, d’aucun de nous ne peut nier « le dérangement » et l« écœurement » de se sentir touché par des sachets en plastic en pleine eau ou de passer des vacances dans des zones où règnent des odeurs nauséabondes, faute de mieux ou faute de moyens. Sous l’angle de la diversité spécifique, l’impact de la pollution (domestique et industrielle) est encore plus direct et plus néfaste. La posidonie a disparu de la lagune de Nador à cause de la pollution ; les nacres y sont gravement menacées (pourtant c’est une espèce menacée et protégée à l’échelle internationale). Une bonne partie des algues indicatrices des eaux pures (Cystoseires et laminaires, entre autres) ont disparu pour laisser place à d’autres formes de vie (Moules) qui se sentent mieux dans les milieux riches en matière organique. Dans la région d’El Jadida (Jorf Lasfar), l’impact de la pollution développé dans la zone est si importante que pour retrouver des peuplement apparemment normaux, il faut parcourir près de 25 kilomètres au nord et au sud du point de rejet.

5.3.3. Pollution agricole Nombreux problèmes affectant la biodiversité sont inhérents aux activités agricoles dont l’utilisation de fertilisants et de pesticides-herbicides. En effets, on estime actuellement que 8 à 10 % de la quantité d’azote utilisée comme engrais par l’agriculture migre vers les nappes par lessivage ou vers les eaux superficielles sous l’effet du ruissellement, soit une quantité de l’ordre de 10 760 à 13 500 t/an dont 6 150 t/an proviendraient des zones irriguées (source). Les régions des grandes plaines ont connu depuis les années 1930 le développement d’une agriculture moderne avec de nouvelles cultures orientées vers l’agro-industrie, l’élevage intensif, le ravitaillement des grandes villes du Maroc ou l’exportation. Ces régions ont connu l’introduction de techniques modernes qui ont, certes, permis des augmentations très importantes de la productivité du secteur agricole, mais qui ont, malheureusement, également appauvri la biodiversité, en particulier la diversité génétique. L’introduction de 165

nouvelles variétés, plus productives et généralement plus fragiles, a, en outre, entraîné une utilisation souvent anarchique de produits phytosanitaires, ce qui a engendré un certain nombre de problèmes tels que l’apparition de parasites résistants. L’application de doses de plus en plus fortes a engendré des effets néfastes sur les ressources naturelles et spécialement les ressources biologiques et les ressources en eau. Des mortalités de poissons dans le barrage d’Al Massira et la lagune de Oualidia ainsi que la destruction des colonies d’abeilles ont été exliquées par l’utilisation excessive des produits phytosanitaires.s L’usage d’engrais et de pesticides est appelé à augmenter durant les années à venir, ce qui ne manquera pas d’augmenter le degré de pollution des sols et des eaux, et par conséquent, d’aggraver la détérioration des ressources naturelles et d’une manière générale de la biodiversité..

5.3.4. Pollution de l’air et induction des changements hydro-climatiques La pollution reste un phénomène complexe dans la mesure où il existe plusieurs facteurs dont les effets peuvent être atténués ou accentués par les conditions atmosphériques. Les principaux gaz à effet de serre produits au Maroc sont le CO2, le CH4 et N2O, alors que d’autres gaz également produits au Maroc peuvent avoir un effet plus ou moins néfaste sur l’environnement et sur la santé humaine tels que SO2 et le NOX et les poussières. La production des gaz à effet de serre étaient dans les années 1994 de 31 908 Kilotonnes pour le CO2, de 349 Kt pour le CH2 et 28 Kt pour le N2O, 295 pour le SO2 et 152 pour le NOX. pour la majorité de ces gaz la source reste la consommation d’énergie. Les impacts de ces changements climatiques sur la biodiversité nationale y compris l’Homme restent liés à: – à la nocivité de ces gaz ; – l’augmentation de la température et ; – la réduction des précipitations. En ce qui concerne l’impact de ces gaz sur la santé humaine, bien qu’il soit difficile de donner des chiffres sur les dégâts causés par ces gaz, il reste néanmoins très évident que les populations des grandes agglomérations en subissent les conséquences. Quelques études préliminaires ont montré que des échantillons d’écolier de Rabat présentaient des concentrations de plomb plus élevées que ceux de Témara. Des études similaires dans la région de Safi ont également montré qu’il existe des correlation le taux de pollution et des maladies respiratoires. L’augmentation de la température et la réduction des précipitation entraîneraient certainement une plus grande demande en eau, déjà déficitaire, et par conséquent des difficultés en matière de disponibilité en eau dans certains écosystèmes clés tels que les zones humides, la forêt et l’agrosystème ainsi, de toute évidence l’ensemble de leurs cortèges faunistiques et floristiques.

5.3.5. Pollution accidentelle (pétroliers) La position du Maroc entre l’Atlantique et la Méditerranée et au carrefour de voies maritimes internationales exposent les eaux marines nationales au risques de pollutions accidentelles. En effet, Près de 58 000 navires par ans traversent le Détroit de, ou vers, la Méditerranée dont près de 5 000 pétroliers. Ce trafic fait que par les côtes marocaines transitent quotidiennement plus de 500 000 tonnes de pétrole et 200 000 tonnes de produits chimiques. De plus, près de 6 millions de tonnes de pétroles sont débarqués annuellement dans les ports marocains. C’est pour dire combien les eaux marocaines, les écosystèmes 166

marins et côtiers et, par conséquent, la biodiversité marine, qu’ils abritent sont menacés par les pollutions accidentelles. En effet, en une douzaine d’années (1977-1990), les eaux méditerranéennes ont été le scène de 137 accidents de pétroliers et qui, dans plus de 50 % ont entraîné des pollutions. La part du Maroc dans ces catastrophes était deux accidents l’un en Atlantique (Kharg V) et l’autre en Méditerranée (Sea Spirit).ayant largué sur les côtes marocaines 70 000 et 20 000 tonnes respectivement souillant plus de 700 Km de côtes. Des dégâts ont été observés aussi bien dans l’eau, les sédiments, les parcs aquacoles que dans le secteur touristique de type balnéaire. D’autres accidents sont également survenus en 1994 au large de Mohammadia ayant provoqué une marée noire de 3 km3, en 1997 au port de Jorf Lasfar lorsque 550 tonnes d’acides ont été déversées dans ce port.

5.4. Introduction d’espèces exotiques De nombreux végétaux et animaux ont été introduits au Maroc pour diverses raisons : rentabilité, lutte contre des espèces ou des conditions nuisibles, ornementation, etc.

5.4.1. Flore De nombreuses espèces végétales ont été importées et nombreuses sont encore à l’essai dans des arboreta. Plus de 200 arbres, surtout des Eucalyptus, ont été introduites de l’Australie et utilisées soit comme arbres d’alignement, soit des arbres d’ornement soit encore de reboisement. Parmi ces espèces les plus importantes sont : Eucalyptus camaldulensis, E. gomphocephala, E. globulus, E. grandis, E. saligna, E. sideroxylon, E. cladocalyx, E. occidentalis, E. astringens, E. sargenti, E. torquata, E. brockwayi, E. salmonophloia, E. salubris, Acacia cyanophylla, A. cyclops, A. mollissima, Pinus pinaster maritima, P. canariensis, P. pinea, etc.). Dans le domaine agricole, un grand nombre d’espèces et variétés (céréales, légumes, fruits, etc.) a également été introduit et produit au Maroc et ce essentiellement dans un but lucratif ; exemple : les bananes, les Kiwis, les avocats, l’ananas, etc.

5.4.2. Faune Parmi les espèces animales domestiques, les bovins sont les plus concernés, essentiellement pour assurer une certaine sécurité alimentaire en lait et en viandes rouges. Le milieu aquatique n’échappe pas à cet engouement « vers l’exotique ». Aussi, dans les eaux douces continentales de nombreuses espèces sont introduites à des fins aquacoles soit de production, soit d’aquariophilie, soit de lutte contre l’eutrophisation ou la prolifération d’espèces nuisibles. Il s’agit principalement de la Carpe argentée (Hypophthal-michthys molitrix), la Carpe herbivore (Ctenophar-yngodon idella), la Carpe commune (Cyprinus carpio), le Brochet (Esox lucinus), le Black-Bass (Micropterus salmoides), les Sandres (Lucioperca lucioperca), la Truite Arc en Ciel (Salmo irideus), l’ Ecrevisse à pieds rouges Astacus astacus, etc. vérifier poissons. Dans le milieu marin, les introductions concernent quelques espèces dont les Huitres, principalement l’huître creuse Crassostrea gigas, les coquilles Saint Jacques (Patinopecten yessoensis) et les crevettes telle que la Crevette japonaise (Penaeus japonicus). 167

Si ces introductions peuvent, en effet, permettre des bénéfices financiers (de plus grandes productions et de meilleurs revenus) ou écologiques (lutte contre l’eutrophisation) immédiats, elles peuvent, néanmoins, causer deux grands types de menaces pour la biodiversité du pays : – supplantation des espèces indigènes qui, à la longue, peuvent disparaître ou, du moins s’appauvrir génétiquement par insuffisance de brassage, ce qui est observé pour de nombreuses variétés/ races dites « beldi » (légumes, fruits, bovins, poulets, etc.) ; – un risque de pollution génétique de cette biodiversité. L’érosion génétique pouvant être due à une manque d’intérêt du produit national pourrait être aggravé par une pollution génétique due à des croisements involontaires et incontrôlés des espèces autochtones avec des variétés introduites.

5.5. Coût de dégradation de l’environnement et de la biodiversité Selon le rapport de la banque mondiale (2003), la dégradation de l’environnement au Maroc a un coût économique considérable, à côté des dégâts perçus sur le plan écologique. Cette dégradation ainsi que la disparition des espèces nous privent non seulement d’un potentiel considérable pour l’amélioration de nos conditions de vie (nouveaux médicaments, amélioration génétique, activités récréatives, etc.), mais contribue à la détérioration du bien être commun (pollution, insuffisance de nourriture, insuffisance d’espaces vitaux, etc.). Pire encore, elle nous impose des dépenses considérables pour « rétablir », au moins partiellement, « l’ordre écologique ». C’est ainsi que par exemple, la valeur des services assurés par la biodiversité correspond à 300 milliards de  pour les seuls Etats Unis d’Amérique. Les avantages des écosystèmes mondiaux seraient évalués à près de 33000 milliards de . Les destructions des habitats coûteraient à l’économie mondiale près de 250 milliards de . Au Maroc, le coût de dégradation de la forêt marocaine (dégradation du sol et de la déforestation) est estimé à 1 560 millions de Dirhams, soit 0,44 % du PIB. Le coût de remplacement des 31 000 ha de surfaces déboisées serait de 380 millions de Dirhams. À ce chiffre il faudrait ajouter d’autres frais tels que la lutte contre l’érosion, la pollution agricole, les substitutions d’énergie, etc. pour atteindre la somme de 542 millions de Dh annuellement. Cette valeur reste néanmoins bien inférieure à celle de la dégradation. Quant au coût de dégradation causé par les déchets, il a été estimé à près 1,7 milliards de Dh sans compter les impacts des déchets municipaux collectés, les décharges sauvages, l’impact dur les ressources naturelles, la dévaluation du foncier, etc. La dégradation du littoral et de ses ressources a fait, elle aussi, l’objet d’une estimation du coût qui, bien que partielle montre qu’elle est considérable. Dans cette estimation, seuls ont été pris en considération les dommages causés par le tourisme et l’impact de la pollution sur le stocks de la sardine. La surexploitation des eaux souterraines, l’impact des décharges sauvages, industriels et hasardeux sur la santé humaine et sur la biodiversité n’ont pas été pris en considération dans cette analyse. Si on ajoute à ces coûts ceux des changements climatiques et la pollution de l’air, la dégradation de l’environnement au Maroc coûterait entre 9,7 et 16,5 milliards de Dirhams annuellement soit en moyenne 3,7 % du PIB. Ce sont des coût qui restent bien supérieurs (1,5 fois) à ceux des pays développés. Le tableau ci après montre que la dégradation de l’eau reste la catégorie qui a le plus d’impact sur la société.

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Tableau 6 : Évaluation du coût de la dégradation de l’environnement au Maroc (Banque mondiale, 2003) Catégorie environnementale

Millions de Dh-

% PIB

Eau Air Littoral Déchets Sols et Forêts

4 354 3 637 1 835 1 725 1 560

1,23 1,03 0,52 0,49 0,44

Sous Total

13 109

3,71

Environnement global

3 166

0,89

Total

16 275

4,6

6. Tendances de l’évolution de la biodiversité nationale à l’horizon 2025 Il n’existe pas suffisamment de données statistiques régulières disponibles sur divers éléments de la biodiversité nationale pour la période 1955-2004. De plus, la notion de Biodiversité est un concept relativement nouveau, n’ayant été le centre d’intérêt des départements concernés que pour certains de ses volets socioéconomiques. Il est cependant logique de penser que la pression sur l’environnement, sur le milieu physique et sur les espèces et les écosystèmes qu’il renferme a une évolution et une tendance générale proportionnelle à celle de la démographie, surtout que dans la majorité des pays en développement, cette croissance démographique n’est pas toujours accompagnée de mesures permettant d’atténuer la pression sur les ressources naturelles.

6.1. Tendances des paramètres régissant le maintien de la biodiversité 6.1.1. Déforestation Si la tendance actuelle se poursuit en matière de prélèvements forestiers : Les espèces végétales actuellement rares ou menacées disparaîtraient. L’un des facteurs majeurs contribuant à l’érosion de la biodiversité terrestre est la perte des formations forestières. Les prélèvements du bois de feu et les défrichements sont des pratiques très courantes chez les populations locales riveraines et, ce, au profit des extensions des cultures, en particulier dans les zones où les terres de culture sont rares. Ce phénomène s’est particulièrement aggravé lors des dernières décennies, surtout dans les régions isolées où la surveillance par les services forestiers est insuffisante. Il s’agit de zones de développement d’une agroculture traditionnelle au détriment de formations préforestières de près de 31 000 ha qui disparaissent chaque année dont 22 000 ha pour des besoins énergétiques, 4 500 ha par les défrichements et 4 500 par des incendies. Ces défrichements délictueux n’affectent pas les seules écosystèmes forestiers, mais bien d’autres milieux tels que ceux des dunes (régions d’Essaouira) ou des zones humides (surexploitation de joncs, roseaux, etc. sur les bords des lacs, merjas, lagunes, rives des cours d’eau de montagne, etc.). En 169

plus, la forêt doit satisfaire, au moins en partie, les besoins en énergie des populations. Les prélèvements en bois de feu s’évaluent à 11 000 000 m3, soit 30 % des besoins énergétiques du pays, ce qui dépasse largement les possibilités de régénération de la forêt marocaine. Un autre facteur majeur de la dégradation de l’écosystème forestier est celui du pâturage avec une charge animale 3 à 5 fois supérieure à la normale correspondant à un déficit de 23 %. Ces mises à nue des espaces forestiers et ces utilisations abusives des ressources forestières entraînent souvent de graves perturbations du fonctionnement de cet écosystème (absence de régénération, fragilisation des espèces, etc.) ; mais, aussi, sur d’autres écosystèmes tels que l’agro-système (perturbation du cycle de l’eau, érosion du sol, pollution des eaux souterraines, inondations et mort du cheptel, etc.). Cependant, ce qui est encore plus grave dans ces pratiques de déforestations, c’est : – la perte d’habitats pour les milliers d’espèces au développement du tourisme. Les difficultés économiques et institutionnelles ne permettent pas une amélioration de la gestion des écosystèmes forestiers et de leurs ressources. Le rythme de 30 000 ha de déforestation pourra facilement doubler au bout de 20 ans, plus de 1 000 000 ha pourraient avoir disparu. Cette situation peut conduire à double impasse stratégique à la fois patrimoniale et des outils de gestion. – Le patrimoine, déjà faible en surface, serait sérieusement menacé dans sa pérennité compte tenu des pressions croissantes qui s’exercent. La dégradation qualitative des écosystèmes, de leur potentiel et de leurs fonctions environnementales est d’ailleurs beaucoup plus inquiétante que la diminution apparente en surface. Les tendances au réchauffement des climats pourraient accentuer ces risques.

170

6.1.2. Démographie

Figure 8 : Évolution de la population marocaine D’un peu plus de 11,5 millions au début des années de l’indépendance (1960), la population marocaine compte aujourd’hui près de 30 millions et atteindrait plus de 40 millions en 2025.

6.1.3. Urbanisation Les faibles performances économiques, la sécheresse, la dégradation des ressources naturelles ont entraîné un exode rural massif et par conséquent une urbanisation remarquable qui est passée de 29 % en 1960 à plus de 50 % actuellement. Certaines études prévoient une urbanisation de près de 75 % en 2025. Il est donc logique de penser que cette tendance de la croissance démographique et de l’urbanisation soit accompagnée de besoins et de demandes de même tendance en terrains habitables, en eau, en produits agricoles, en produits maritimes, etc.

6.1.4. Déchets Une augmentation de la population générerait certainement d’autres sources de pollution ou du moins augmenterait la quantité de déchets urbains et industriels. La pollution urbaine qui était évaluée par son DBO en 1992 à 59 000 tonnes par an serait de 99 000 tonnes en 2005 et près de 180 000 tonnes en 2025. 171

6.1.5. Pollution de l’air Pour les gaz à effet de serre, les prévisions pour les annéesx2020-2025 relatives aux émissions nettes vont plus que doubler principalement à cause de la consommation d’énergie. De 1982 à 1992, les quantités de SO2, NOX et de la MES ont augmenté en moyenne de 50 % et ceux du Plomb de 15 %. Les prévisions pour 2020-2025 montrent une nette augmentation encore des émissions de ces gaz surtout le SO2 qui devrait plus que tripler ; la quantité de Plomb augmenterait d’un peu plus de 17 %. Les effets sont tout d’abord directs sur le climat, dont la température qui se verrait augmenter de plus de 0,6oC. L’impact sur la biodiversité toucherait pratiquement tous les secteurs et serait en rapport avec la réduction des ressources en eau et la santé humaine. Les besoins en eau auraient très certainement des répercussions sur l’étendue et les peuplements des zones humides surtout naturelles. Il en découlerait des réductions des habitats pour la flore, pour les invertébrés, pour les vertébrés également, en particulier les poissons et les oiseaux principalement migrateurs.

Figure 9 : Rejets des gaz ayant un effet sur la santé (d’après la communication nationale initiale à la CCNUCC, 2001)

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Figure 10 : Rejets des gaz à effet de serre (d’après la communication nationale initiale à la CCNUCC, 2001)

6.1.6. Climat Les analyses de différents scénario prévisionnels des changements climatiques au Maroc semblent montrer : – une tendance à une augmentation des températures moyennes annuelles de plus de 0,6 à 1,1oC à l’horizon 2025 – une tendance à une diminution du volume annuel moyen des précipitations de près de 4 %. – un dérèglement de la saisonnalité des pluies et de leurs durées ainsi qu’une réduction de la couverture neigeuse. Les impacts de telles évolutions sur la biodiversité sont importants et peuvent être résumés en : Des réductions des ressources en eau de 12 à 15 %, ce qui signifie automatiquement encore plus de pressions sur les zones humides naturelles (et même les barrages) par les populations locales, donc plus d’assèchements, des durées de mise en eau plus courtes, moins d’oiseaux d’eau, moins de faune et flore et des cycles de développement complètement perturbés. La pêche continentale de plus en plus déficitaire. 173

– Moins d’apports fluviaux vers la mer, donc moins de matériaux fertilisants et donc de plus faibles productivités. – D’importantes réductions (jusqu’à 50 %) de productions céréalières. et des demandes en céréales de plus en plus grandes ; – Un déplacement vers le nord du phénomène d’aridité. – Un affaiblissement physiologique de certaines essences forestières et une plus grande prédisposition aux maladies et aux parasites.

6.2. Tendances des principaux écosystèmes et de leur biodiversité 6.2.1. Écosystèmes terrestres Les analyses prospectives relatives aux écosystèmes terrestres (essentiellement forestier et agricole) montrent que l’avenir de ces derniers dépendrait dans l’avenir de deux facteurs majeurs que sont : – la croissance démographique avec tout ce qu’elle génère dans la planification de ses besoins – les changements climatiques causés par les activités humaines à l’échelle planétaire et dont dépend étroitement la forêt et l’agriculture C’est ainsi qu’actuellement, il est établi que le domaine boisé régresse de 31 000 à 33 000 h/an à cause de la pression de la croissance démographique et ses besoins socio-économiques sans cesse croissant, surtout en milieu rural. Ceci se traduit par exemple par un nombre important de délit de coupes illicites (près de 4000 entre 1981 et 1986). On pense alors que si cette tendance n’est pas inversée, un seuil critique de désertification irréversible serait atteint dans 30 à 50 ans, ce qui générerait des pertes économiques considérables sur les ressources en eau, les productions forestières, pastorales et agricoles, estimés à plus de 710 millions de dirhams/an. Les régions du Rif sont les plus touchées par ce déboisement, mais d’autres régions sont également affectées par ce phénomène dont le Haut Atlas. Dans ce dernier et plus particulièrement la région d’Azilal on pense que si le rythme de défrichements se poursuit, d’ici une vingtaine d’années (2025-2030), la forêt disparaîtrait de certaines régions. Les changements auraient également d’importants impacts sur les milieux forestiers, en particulier par un affaiblissement physiologique, une plus grande prédisposition aux maladies et la réduction ou la disparition de certains espaces forestiers tels que l’arganeraie. Les pertes en terres dépassent 20 t/ha/an dans le Rif et se situent entre 5 à 10 t/ha/an dans le Moyen et le Haut Atlas. Si cette cadence se maintient, les pertes dépasseront le seuil des 100 millions de m3/an en l’an 2020, et seraient un peu moins de 150 millions de m3/an en l’an 2030. L’envasement consécutif réduit la capacité des retenues des barrages de 50 à 60 millions de m3/an, correspondant à une réduction des possibilités d’irrigation de 5 000 à 6 000 ha/an. Les répercussions des pertes du sol sur la productivité agricole est estimée à 5 % par an de l’élément fertilisant et de 5 000 tonnes de céréales par hectare et par bonne année agricole. Les changements climatiques prévues d’ici les années 2020-2025, en l’occurrence des augmentations des températures et des réductions des précipitations entraîneraient des réductions des productions céréalières d’au moins 10 % pour une année normale et 50 % pour une année sèche. Dans un horizon de 30 à 50 ans, ce processus d’évolution régressive de la biodiversité pourrait être irréversible, alors que la décrue démographique aurait été à peine inaugurée. Jusqu’à aujourd’hui, le Maroc a su pré174

server l’essentiel. L’avenir dépendra des politiques qui seront adoptées en matière de développement rural et de gestion des ressources forestières qui sont deux volets indissociables.

6.2.2. Écosystèmes marins et côtiers La figure ci-dessus, illustrant les statistiques de pêche depuis l’aube de l’indépendance jusqu’à actuellement montre une augmentation générale progressive des prises, sans compter les prélèvements effectués, jadis, dans le cadre de coopération entre le Maroc et d’autres pays tels que la Russie, l’Union Européenne, etc. Cette coopération étant expirée, le Maroc a pu pour la première fois dépasser le 1 000 000 de tonnes de captures. Ceci laisse logiquement penser à une abondance des ressources halieutiques qui, comme on imaginait il y a quelques décennies encore sont inépuisable, surtout avec la présence au large du Maroc de conditions hydrologiques permanentes très favorables à une production intense tout au long de la chaîne alimentaire. Or des études de terrain ont montré que si cette performance a eu lieu c’est essentiellement à cause de l’augmentation de l’effort de pêche (10 000 tonneaux par exemple entre 1984 et 1994) ; le ratio capture/effort a effectivement passé, pour cette même période de 8,54 à 5,75 pour la pêche côtière ; tendance analogue pour la pêche hauturière. Certaines statistiques (Cf. plus haut) sur certaines régions marocaines montrent même une diminution des prises parfois même avec l’augmentation de l’effort de pêche. Les analyses relatives aux infractions aux règlements visant la conservation des stocks confirment que cette surexploitation est bien réelle puisque plus de 50 % des bateaux de pêche sont arraisonnées pour avoir opéré dans des zones interdites, pour l’utilisation d’engins prohibés ou encore pour le non respect des périodes de repos biologique. La solution de faire embarquer des observateurs scientifiques à bord des bateaux de pêche n’a pas empêché une réduction générale des tailles marchandes des produits de la pêche. Si cette tendance se poursuit les ressources biologiques marines, exprimées en terme de stocks halieutiques, souffriraient considérablement à l’horizon 2025. En effet, si en quelques dizaines d’années (de 1960 à 2000), tous les stocks des régions nord, centre et méditerranéenne, se sont révélés « non rentables », il est légitime de s’inquiéter pour le stock transfrontalier du sud, le plus méridional des stocks nationaux. En terme d’espèces, la plus concernée par cette activité reste la sardina, mais de nombreuses autres espèces sont également visées dont les plus importantes restent le poulpe (Octopus vulgaris), l’ anchois, le chinchard, le maquereau, le merlu, le pageot, etc. En dehors des espèces visées par la pêche côtière ou hauturière, d’autres espèces appartenant à la biodiversité marine et côtière marocaines sont gravement menacées et d’ici 2025 disparaîtraient certainement de toutes nos eaux. Il s’agit, entre autres de : – le corail rouge, surexploité dans toute la Méditerranée marocaine et au large de Larache dont on ne peut prélever actuellement que quelques tonnes ; – la palourde qui, par exemple « a vu » ses stocks chuter de 150 tonnes à 30 tonnes en 3 ans seulement dans la baie de Dakhla et qui s’est considérablement raréfiée dans tous ses habitats (lagunes et estuaires) ; – la grande nacre, espèce très menacée dans toute son aire de disparition. Il nous reste encore quelques spécimens dans la lagunes de Nador qui ne tarderont pas à s’éteindre avec l’énorme pollution sévissant dans ce milieu et la pêche illicite (pour en faire des boutons) ; – le phoque moine, espèce gravement menacée à l’échelle planétaire et dont la population transfrontalière du sud marocain (quelques centaines) souffre énormément de la fréquentation humaine, des pêcheries, et d’autres causes naturelles telles que les algues toxiques ou les effondrements de leurs grottes ; 175

– la grande alose qui, en mer (pêcheries) comme en « terre » (barrage), trouve d’énormes difficultés à survivre. Ses habitats ont complètement été anéantis et on pense qu’elle a déjà disparu de nombreux sites qu’elle fréquentait ces dernières décennies. – l’anguille qui souffre également des même problèmes que l’alose et qui, de plus est soumise, dans ses toutes premiers stades de la vie (civelles) à une intense prédation, éliminant toute chance de reconstitution de ses stocks ; – les algues rouges, bien que la durée de leur exploitation soit très limitée, est soumise à l’assaut de milliers de ramasseurs dès l’ouverture de la saison de ramassage, et le manque de qualification chez les populations ainsi que l’absence de quota, font que l’espèce à du mal à suivre l’évolution des prélèvements ; – etc. La biodiversité comporte également de nombreux habitats tous aussi particuliers que vulnérables : – les lagunes qui souffrent, pratiquement toutes, des activités anthropozoologiques (pollution, pâturage, pêche, prélèvements de sable, etc.) et qui, en 2025 seraient des bras de mer morts. Celle de Nador, par exemple, a perdu pratiquement toutes ces valeurs biologiques (stocks de crevettes, de poissons et de coquillages), écologiques (en tant qu’abris pour de nombreuses espèces migratrices, pour l’engraissement et la reproduction de poissons de crustacés, etc.) et paysagères (tourisme et activités récréatives) ; – les estuaires sont également soumis à des pressions si importantes qu’on craint pour eux de ne constituer en 2025 que de simples exutoires à ciel ouvert azoiques. L’estuaire de Sebou par exemple draine les eaux usées non traitées de nombreuses grandes agglomérations (Fès, Kénitra, etc.) et nombreuses de ses formes vivantes emblématiques telle que la grande alose, ont complètement disparues ; les civelles s’y sont dramatiquement raréfiées et les poissons ou coquillages qui y survivent sont fortement contaminés. L’estuaire de la Moulouya, du Sebou, du Bou Regreg, etc. ont chacun également ses problèmes spécifiques qui les asphyxient jour après jour. La Biodiversité marine c’est aussi la variabilité génétique des espèces et si pour certaines formes telles que la sardine, les individus sont assez abondants pour assurer un minimum de richesses en pools génétiques, pour d’autres espèces tels que le mérou, le thon rouge ou le phoque, la pression est telle qu’on est en droit de se demander si d’ici 2025, il y aurait suffisamment de géniteurs et de caractères sauvages pour assurer à ces espèces leur pérennité.

6.2.3. Écosystèmes des zones humides Plus exposées encore que les écosystèmes terrestres et marins, les zones humides, de par leur accessibilité, le grand intérêt de leur élément fondamental (eau) et les énormes services qu’elles rendent aux populations locales (pêche, chasse, agriculture, pâturage frais tout au long de l’année, etc.) ont toujours été très convoitées. Il en a découlé des abus d’utilisation de diverses ressources de ces zones au point que certaines ont complètement disparu, alors que d’autres ont été amputées de plusieurs de leurs valeurs. Cependant, c’est relativement récemment que ces milieux ont commencé à représenter un centre d’intérêt pour certains départements, et il faudrait certainement un peu plus de temps pour identifier avec précision l’importance des valeurs perdues et les répercussions à moyen long terme (2025). On peut d’ors et déjà citer les exemples suivants : – Au début des années 80 du siècle dernier, le plan d’eau de Khnifiss comportait en son milieu un important site de nidification d’oiseaux migrateurs, en l’occurrence l’île aux huîtres jonchée de nids de diverses espèces. En 2004, et à cause de la fréquentation de l’île par les pêcheurs locaux, toute l’île ne 176

comportait plus qu’un seul nid d’un couple de Goelands. En 2025, aucune des espèces qui nidifiait dans cette zone ne pourrait le faire et choisiraient d’autres sites pour leur reproduction. Ceci est également le cas des marécage de l’oued Moulouya, où en moins de 48 heures, des centaines de nids ont été pillés et vidés de leurs œufs, faisant perdre à ce milieu sa valeur écologique de site de reproduction pour la multiplication et la conservation des espèces d’oiseaux menacées. – De nombreux cours d’eau dont la mise en eau était essentiellement assurée par des crues et des pluies (Sebou, Moulouya, Dr’a, etc.) ne sont actuellement qu’à immersion très brève et d’ici l’an 2025, ces oueds seraient complètement asséchés, faisant perdre toute une faune des rivières chaudes caractérisée par sa grande diversité. Ces milieux perdraient par la même occasion l’une de leurs principales fonctions écologiques qu’est l’épuration des eaux. – De nombreuses autres valeurs biologique (nombreuses espèces endémiques) et socio-économique (pêche et chasse) risquent de se perdre complètement d’ici l’an 2025. Dans les cadre de la conservation des zones humides nationales, 20 autres sites sont proposés pour être inscrits dans la liste des sites Ramsar, mais seraient ils suffisants pour conserver la biodiversité de ces milieux fragiles d’ici 2025 ? De surcroît, 4 de nos sites sont déjà dans cette liste, ce qui n’a pas empêché la continuation de leur dégradation. Même des parcs nationaux créés il y a des dizaines d’années n’ont pu échapper à ce sort.

7. Orientations stratégiques pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc La stratégie nationale du Maroc en matière de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité tient compte des besoins des populations en matière de biodiversité, à satisfaire, mais, aussi de l’état altéré de nombreuses de nos ressources biologiques ainsi que de la nécessité de faire de la biodiversité un outil de développement socio-économique et humain privilégié. Les orientations proposées pour ce faire sont les suivantes :

7.1. Mieux connaître la biodiversité pour mieux la protéger et mieux l’utiliser à des fins de développement socio-économique et humain durable De nombreux éléments indispensables à une meilleure gestion et une meilleure intégration de la biodiversité dans le développement du pays restent encore mal connus ou incompris. Les données systématiques, écologiques, dynamiques, socio-économiques, de restauration etc. sont pour la plupart lacunaires. Certes, de nombreuses études systématiques et écologiques ont été réalisées au Maroc ; mais, de nombreuses questions se rapportant à ces éléments et leurs fonctionnements restent sans réponse. En effet, que savons nous sur l’écologie des quelques 30 000 espèces recensées jusqu’à présent ? Que savons nous des interactions entre ces espèces et leurs habitats respectifs ? Que savons nous des fonctionnements des différents écosystèmes terrestres ? Il faut reconnaître que notre savoir sur ces aspects est extrêmement limité. Pourtant, c’est dans les éléments de réponse à ce genre de questions que réside la clé du succès de toute 177

approche d’intégration de la biodiversité dans le développement socio-économique et humain durables, puisque, protéger et valoriser une espèce ou un écosystème suggère la connaissance de ses exigences écologiques et, donc, de son autoécologie, sa synécologie et son fonctionnement. La stratégie nationale en matière de biodiversité devrait donc avoir parmi ses priorités l’amélioration des connaissances sur ces ressources biologiques ; connaissances sans lesquelles aucune préservation ni aucune action ne seraient efficientes.

7.2. Plus de compétence pour garantir un développement durable de la biodiversité L’amélioration des connaissances sur la biodiversité nécessite des compétences humaines susceptibles de mener des programmes nationaux de recherche, à travers la coopération internationale pour mieux connaître, mieux conserver, mieux conseiller les décideurs et mieux capitaliser les données disponibles pour un développement socio-économique optimal. Or, pour un grand nombre de groupes végétaux et animaux, il n’existe au Maroc aucun spécialiste, et même pas un « généraliste ». C’est le cas par exemple des lichens, des fougères, des spongiaires, des coraux, etc. On n’a pas non plus de « restaurateurs » spécialisés des milieux dégradés, ni de « réhabilitateurs » d’espèces et d’habitats en cours d’extinction. Même pour certains groupes exploités, nos moyens humains demeurent trop limités pour une meilleure gestion de ces ressources. Il en découle que hormis quelques spécialistes, on est à l’heure actuelle, presque complètement dépendant de l’étranger pour nos études approfondies en matière de biodiversité et de son exploitation dans des programmes de développement socio-économique du pays.

7.3. Utiliser et gérer de façon rationnelle pour assurer la durabilité des ressources et de leurs services La conservation était souvent interprétée par les populations locales comme une « mise en conserve » et non pas comme une « mise en réserve » des ressources visées par des programmes de protection. Les nouvelles approches veulent que toute conservation intègre la prise en considération des besoins des populations locales et l’utilisation concertée et maîtrisée des ressources par ces populations. Cette approche est à même d’éviter beaucoup d’actes dont les répercussions ne peuvent qu’avoir un impact négatif sur la conservation. Si le monde entier se donne tant « de peine » pour évaluer les ressources biologiques et établir des programmes souvent coûteux de conservation, de restauration et de réhabilitation d’espèces et d’écosystèmes, c’est pour pouvoir continuer à tirer bénéfice des avantages de cette biodiversité dans des avenirs proches et lointains. Dans le cas de la biodiversité nationale, il s’agit principalement de l’utilisation des produits agricoles, sylvopastoraux et halieutiques. À plus faible échelle, on peut citer certaines plantes des zones humides comme le jonc et certaines espèces sauvages souvent menacées telles que les tortues, renards, varans, serpents, papillons, etc. et qui ont leurs rôles à jouer dans l’équilibre de leurs écosystèmes respectifs. Il y a deux catégories distinctes d’utilisateurs des ressources et qui en tirent avantage : soit de grands utilisateurs (grands agriculteurs, industriels dans le secteur du bois, grands éleveurs, des mareyeurs, des sociétés d’exportation 178

des produits de la mer, etc.) soit des petits utilisateurs (populations locales), bien plus importants par leurs effectifs et souvent par l’impact de leurs activités souvent anarchiques et non organisées. Pour les grands utilisateurs, il est impératif que soit prise en considération, dans tout projet d’investissement et dans toute mise en place d’infrastructures socio-économique, l’intégration de la biodiversité, son utilisation et son développement durable, autrement dit, que soit pris en compte l’impact desdits projets sur la pérennité de la ressource et des écosystèmes voisins. Ceci implique le besoin de se doter des moyens législatifs et institutionnels pour imposer à tout projet, public ou privé, une étude d’impact des répercussions sur la diversité biologique..

7.4. Sensibiliser, éduquer et intéresser les populations pour une meilleure approche participative Il est actuellement communément admis que rien ne peut se faire dans le domaine de la préservation des ressources naturelles et dans l’exploitation durable de ces ressources sans la participation, la contribution, l’intégration et l’appui des populations locales. En effet, comment persuader, par exemple, un paysan d’arrêter des pratiques jugées illicites de défrichement, par exemple, si celui-ci n’a aucune idée, même simplifiée, des répercussions de ses actes sur la qualité de sa propre vie future, celle de sa famille et de ses enfants, sur l’environnement du pays et son avenir socio-économique, etc. Et ce qui est valable pour le défrichement l’est aussi pour les autres nuisances et causes de dégradation de la biodiversité tels que la pollution, le déboisement, la chasse, le braconnage, etc. Il importe donc de mettre à la disposition de divers utilisateurs, toute l’information disponible, mais simplifiée pour pouvoir les sensibiliser à ce problème crucial et pouvoir leur prodiguer une éducation environnementale et en biodiversité efficiente. La sensibilisation de la population et son information sur les répercussions néfastes de la perte de la biodiversité ne peuvent suffire pour la conservation de la biodiversité et son exploitation durable, surtout quand les éléments de cette dernière, constituent des besoins vitaux pour cette population. En effet, comment persuader des ruraux, même avertis et sensibilisés, de se priver du ramassage du bois de feu, de se passer des parcours pour les quelques têtes de bétail dont ils disposent, de s’abstenir de collecter et de vendre les renards, les fouette-queues, les tortues grecques », etc., si on ne les met pas à l’abri de ces besoins, si on ne leur offre rien en échange et si on ne leur propose pas de projets alternatifs incitatifs qui leur permettent de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Une stratégie, pour être efficiente, devrait donc tenir compte des besoins des populations et des communautés locales en biodiversité et, en même temps, de la nécessité de préservation, de conservation et d’utilisation durable de cette biodiversité.

7.5. Actualiser les structures institutionnelles et juridiques nationales et harmoniser la législation nationale avec les engagements internationaux du Maroc En terme de biodiversité, chaque élément (espèce, espace, ressource génétique) est le centre d’intérêt d’un certain nombre d’utilisateurs. Le littoral est un exemple très explicite de cette situation. Ses dunes se trouvent par exemple sous la responsabilité des Eaux et Forêts, ses ressources sous la tutelle du département des pêches maritimes, la protection de ses espèces menacées et de ses aires protégées sous la responsabilité encore une fois des Eaux et Forêts, le domaine public maritime est une affaire des travaux 179

publics, etc. Une multitude donc d’intervenants et une polycéphalie dans la gestion qui ne facilite guère la tâche au décideur. De même, pour la forêt, même si sa gestion relève du Département des Eaux et Forêts, elle a de nombreux et multiples acteurs, avec des intérêts convergents mais souvent antagonistes : les populations locales ont un droit d’usage pour prélever ce dont ils ont besoin, les communes locales ont droit à une partie des recettes conformément à la loi, les grands exploitants et entrepreneurs, les promoteurs touristiques ou immobiliers payent des droits d’exploitation, etc. Il en découle que pour une seule ressource, voir une seule essence, les intérêts et les intervenants sont multiples et, pour conserver cette ressource et l’utiliser de façon durable, il s’impose une concertation, une coordination et le concours des différents intervenants publics et privés. Et ce qui est valable pour la forêt l’est aussi pour l’agriculture, pour la pêche ou, à une plus faible échelle, pour des espèces tels que des oiseaux, des serpents, etc. Tous Les efforts devront être capitalisés et optimisés ; mais sans des cadres juridiques adéquats et dissuasifs, ils resteraient inefficaces. On n’irait pas jusqu’à dire que nous n’avons pas de lois régissant le domaine des ressources naturelles ; bien au contraire, des lois existent, et depuis le début de ce siècle et touchent, en plus, à divers domaines de la nature ; mais, pas en terme de biodiversité telle qu’elle est perçue actuellement. Cependant, usés par le temps et par l’évolution des approches, nombreux de ces textes ont perdu de leur efficacité. Un arsenal législatif actualisé et dissuasif devrait faire partie de la stratégie globale visant la conservation et l’utilisation durable des ressources biologiques de notre pays ; des textes qui devraient être souples pour faciliter la mise en œuvre de cette stratégie de conservation ; mais, en même temps, agressifs et dissuasifs pour en assurer l’efficience. Ces textes devraient également tenir compte des engagements internationaux du Royaume. Il importe également de cerner d’urgence certains problèmes qui s’imposent actuellement aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale et qui, laissés au temps, auraient des répercussions plus ou moins néfastes sur ces ressources. Parmi ces problèmes, il y a lieu de citer la biosécurité, l’accès aux ressources génétiques de notre pays par des pays tiers et aussi les listes rouges d’espèces et d’espaces menacés qu’il importe de dresser et de connaître avec précision.

7.6. Renforcer les capacités nationales par le renforcement de la coopération Le Maroc a besoin et devrait tirer profit des expériences des autres pays en matière d’identification des composantes de la biodiversité, en matière d’approches de conservation et d’utilisation durable, en matière de restauration et de réhabilitation, et ce pour améliorer et renforcer ses propres capacités financières et scientifiques, profiter également des ressources génétiques des autres pays pour améliorer les siennes, etc., d’où la nécessité du développement de la coopération et de partenariat avec d’autres pays détenteurs de ce savoir faire et, aussi, avec des organismes internationaux encadrant des problèmes d’envergure planétaire.

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8. Plan d’action pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc La stratégie et le plan d’action nationaux pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ont été publiés en 2004. Ils visent aussi l’intégration de la biodiversité dans les processus du développement humain et socio-économique du pays. Des séries d’actions sont identifiées par type de milieu (biodiversité terrestre, côtière et marine, zones humides etc.) avec leur niveau de priorité, leur échéancier, les institutions responsables etc. Ils comprennent un certain nombre d’outils et mesures qui pourraient être considérés dans le cadre du développement humain et socio-économique du pays, et qui sont : – Mesures de gestion, qui visent la satisfaction des besoins en matière de biodiversité sans pour autant mettre en péril sa pérennité. Ils visent également le développement de certaines potentialités offertes par la biodiversité pour des fins socio-économiques ; – Outils scientifiques, proposés pour disposer de plus de connaissances, et plus de compétences en matière de biodiversité, mais aussi pour gérer de façon optimale l’information scientifique disponible ; – Mesures de l’IEC correspondant à des dispositifs d’Information, d’Éducation et de Communication dont l’objectif est de constituer des programmes pour une meilleure approche participative des populations ; – Outils économiques et financiers qui sont destinés à développer certains secteurs de la biodiversité pour répondre à des besoins particuliers, à favoriser le monde rural et à encourager l’intégration de la biodiversité dans la stratégie globale de l’avancement du pays ; – Instruments législatifs et institutionnels dont le but est, d’une part, actualiser l’arsenal national pour mieux prendre en considération l’évolution de la biodiversité et son importance de plus en plus importante dans le développement du Maroc, mais aussi mettre en diapason la législation nationale avec les engagements internationaux du pays ; – Outils de coopération permettant de conforter le Maroc dans sa position internationale, pour mieux mettre à profit ses particularités naturelles, et pour renforcer sa contribution dans l’effort mondial ; – Instruments de surveillance qui englobent un grand nombre d’indicateurs permettant de suivre de très près les évolutions des ressources naturelles du pays et de leurs impacts sur divers secteurs socioéconomiques et sociaux.

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Introduction Le système marin est en train de se modifier en profondeur, suite au Global change planétaire, avec notamment le relèvement du niveau de la mer et des transformations biogéochimiques importantes ayant des impacts multiples en termes de biodiversité du milieu et de productivité halieutique et donc de ressources. En même temps, l’occupation humaine du littoral tend à devenir un phénomène majeur, sur le plan de l’économie et de l’emprise territoriale, mais aussi préoccupant du fait de sa concentration et de ses impacts. Le phénomène de littoralisation représente un facteur fondamental d’évolution. La population côtière (zone côtière à moins de 60 km du littoral) représente plus de 60 % de la population mondiale et continue de croître rapidement par immigration ; le taux sera de 75 % en 2020. L’urbanisation côtière s’accentue elle aussi avec notamment la constitution de mégavilles littorales (Plan Bleu, 1998, 2004). Cela a pour conséquences l’extension de la pression sur le terrain littoral et de la pression sur les ressources marines. Des conflits entre usages et une compétition entre types d’implantation représentent actuellement une donnée fondamentale et une problématique sérieuse pour l’aménagement (Berriane et Laouina, 1993). Deux composantes principales constituent le patrimoine côtier : – Le littoral comporte des richesses naturelles physiques et biologiques, dont certaines sont à conserver d’urgence car irremplaçables, certaines espèces rares, par exemple, d’autres à gérer, dans un but de durabilité, exemple des plages... – Le littoral compte des secteurs d’activités humaines et économiques qui recherchent la localisation littorale, comme site préférentiel ou nécessaire : Ports maritimes, Industrie de raffinage et chimie, Centrales thermiques modernes, Pêche maritime, Aquaculture marine, Tourisme balnéaire et ports de plaisance... Cette concurrence sur l’espace met en position côtière des activités parfois antinomiques, l’industrie et le tourisme par exemple, la première produisant les pollutions chimiques, sonores et paysagères que les loisirs cherchent justement à éviter. Divers impacts environnementaux littoraux et marins résultent de l’évolution économique. On peut citer l’extension des transports de produits dangereux très polluants, pour lesquels le risque est fonction du développement des garanties techniques de sécurité. On peut aussi citer la pollution d’origine continentale en relation avec l’installation d’industries polluantes sur la côte ou du fait de la sur-urbanisation. Au Maroc, la côte joue aujourd’hui le rôle de pôle structurant de l’économie nationale, du fait de la concentration démographique, industrielle (80 % des effectifs permanents des industries), touristique (50 % de la capacité d’accueil) et commerciale (92 % du commerce extérieur). Cette concentration est un atout pour le développement du pays, mais la compétition entre secteurs peut jouer un rôle négatif tant économique qu’écologique. Par ailleurs, le littoral représente une ressource précieuse, mais limitée parce qu’il correspond à une étroite zone de contact entre le domaine continental et le monde sous-marin. Toute occupation abusive 185

aboutit à la consommation définitive de cette ressource, sans possibilité de reproduction. Par contre, l’exploitation rationnelle et légère permet à cet espace de se perpétuer sans perdre de sa qualité. Au Maroc, comme dans tous les pays méditerranéens, le littoral tend à devenir un espace suroccupé et surutilisé par l’urbanisation, les activités industrielles, portuaires, halieutiques et de loisirs (Sakrouhi, 1990). Souvent excessive, cette occupation aboutit à la dégradation du milieu physique et à hypothéquer toute possibilité de gestion meilleure de l’espace côtier et marin dans l’avenir. Le processus de littoralisation de la population et des activités est déjà très avancé et aboutit aussi à un déséquilibre flagrant en termes d’aménagement du territoire. Jusqu’à maintenant, l’approche n’a pas pu générer un effet de durabilité. Les rejets urbains et industriels dans le milieu marin, la suroccupation du trait de côte, l’épuisement de certaines ressources halieutiques et l’érosion des rivages sableux – ressource à la base du développement touristique – tout cela conduit à poser la problématique du milieu marin en termes de choix fondamentaux pour la mise en place d’une politique de gestion efficace de cet espace précieux. La mer est par ailleurs le réceptacle final des nuisances développées en milieu continental lointain ; mais ce sont les nuisances du domaine côtier proche qui concourent le plus à dégrader la mer. Cette dégradation a des effets multiples sur la santé des habitants, sur les ressources marines, sur la qualité paysagère du littoral ; mais il y a aussi des dégradations du trait de côte qui résultent soit de phénomènes purement naturels, soit du prélèvement de matériaux ou d’installations ou d’équipements côtiers inadéquats.

I. La côte marocaine, sa diversité, sa fragilité et ses ressources La côte est un domaine d’implantations humaines et économiques variées, souvent fondamentales ; le projet du port de Tanger-Méditerranée constitue par exemple le projet majeur d’infrastructure que le Maroc met en place actuellement, puisqu’il est censé transformer carrément les données économiques du Maroc nord et avoir des impacts inégalés sur tout le territoire national. Mais la côte ne peut être envisagée que dans sa fonction économique ; c’est aussi un patrimoine inégalable, avec des paysages précieux, des sites d’intérêt biologique et des sites d’intérêt archéologique. Plusieurs composantes principales constituent ce patrimoine. La mer est un patrimoine varié (Secrétariat d’État à l’environnement, 1998) qui comporte une flore et une faune originales (le cortège floristique est composé essentiellement d’algues et de formations à halophytes ; la faune marine, encore incomplètement répertoriée, compte de nombreuses espèces connues), des sites naturels divers et un patrimoine édifié par l’homme. Le phénomène d’upwelling – remontées d’eau froide riche en plancton, particulièrement intenses en été – est à la base de la richesse biologique des côtes atlantiques qui comptent parmi les plus poissonneuses du monde. Ces remontées d’eau froide sont particulièrement intenses en été. Le littoral est composé de plusieurs types d’habitats : frange côtière proprement dite, lagunes, estuaires, îles, plages et falaises littorales. La frange intertidale héberge une faune extrêmement diversifiée. L’avifaune côtière, particulièrement riche, englobe les oiseaux marins. Les lagunes et les milieux humides adjacents sont également particulièrement intéressantes pour leur avifaune (Secrétariat d’État à l’environnement, 1998). La bande côtière est de délimitation difficile ; la profondeur de 50-60 km à l’intérieur des terres est souvent avancée ; mais d’autres auteurs limitent l’extension au rivage stricto sensu, c’est-à-dire à la zone de contact 186

terre-mer. Le littoral comprend, selon la définition extensive, environ 66000 km2 d’eaux territoriales et 1,1 Mkm2 de zone économique maritime exclusive. La partie continentale du littoral regroupe 187 communes, au-dessus d’une superficie qui représente 1/7 du territoire (carte de l’extension et de la population des communes littorales, 1994). Sa population atteint 8 Mh sur 26 en 1994 (soit près d’1/3). Du fait de l’extension urbaine et des infrastructures, la surface agricole utile est peu étendue dans la frange littorale (seulement 6 % de la superficie contre 12 % à l’échelle du pays). La population urbaine domine très largement (près de 7 M d’urbains et 1 M de ruraux dans les communes littorales). Sur le littoral méditerranéen se trouvent souvent plusieurs villes importantes : Sebta, Tétouan, Al Hoceima, Melilla et Nador auxquelles s’ajoutent une dizaine de petites villes dont l’accroissement est rapide. Sur le littoral atlantique se situent les deux capitales politique et économique du pays et toute une série de villes à fonctions commerciale, industrielle, touristique et de services, de premier ordre. Le cœur névralgique du pays est localisé dans la partie centrale de cette côte, d’El Jadida à Kénitra.

1. Le littoral marocain, extension et définition (mer, rivage et bande côtière) Au nord-ouest du continent africain, le Maroc présente une façade méditerranéenne de près de 550 km de long et une façade atlantique qui s’étire sur près de 3000 km, du Cap Spartel au Cap Blanc, entre les 36e et 21e parallèles nord.

1.1. Le climat du littoral Il est de caractère méditerranéen, tempéré à chaud avec un été chaud et sec et un hiver relativement doux et pluvieux, du moins, dans sa section non saharienne. L’upwelling atlantique et la brise marine ont une influence notable sur la température de l’air : la température maximale se trouve abaissée et la température minimale rehaussée ce qui se traduit par une faible valeur de l’amplitude thermique mensuelle qui dans certains cas ne dépasse pas 6o C (Essaouira). Les températures maximales moyennes enregistrées permettent de distinguer trois ensembles : 1. des cellules limitées de climat estival tempéré, du fait de la proximité d’eaux fraîches océaniques (Essaouira et région de Sidi Ifni-Tarfaya) ; 2. le reste du littoral atlantique a une température estivale assez chaude ; 3. la côte méditerranéenne entre Al Hoceima et Tanger enregistre les étés les plus chauds (températures maximales moyennes, 30o C-39o C). Les températures minimales moyennes sur le littoral sont supérieures à 15o C sur le littoral méditerranéen et du détroit et entre Sidi Ifni et Boujdour. Sur les autres portions de la côte, elles sont presque toujours comprises entre 10 et 15o C. Les précipitations moyennes annuelles enregistrées dans les stations littorales montrent une décroissance d’ouest en est sur la côte méditerranéenne au nord du Rif, puis une certaine augmentation à l’est de la Moulouya ; la décroissance du nord vers le sud sur la façade atlantique est systématique (800 mm au nord et moins de 200 mm au sud d’Agadir). 187

1.2. Les différentes composantes du littoral 1.2.1. Les eaux marines Les masses d’eaux marines ont des caractéristiques différentes, selon qu’elles appartiennent au domaine méditerranéen ou atlantique, la confrontation entre ces deux masses, se faisant au niveau du détroit. Les eaux méditerranéennes sont plus chaudes (25o C en été) et plus salées (38.5 g/l) que les eaux atlantiques. Cette différence de densité renforcée par une différence de niveau entre ces deux masses d’eaux entraîne, au niveau du détroit de Gibraltar, un appel d’eau océanique superficielle qui gagne la Méditerranée. Un contre courant profond transportant l’eau de la Méditerranée vers l’Atlantique compense le courant de surface. Dans leur progression vers l’est, les eaux atlantiques pénétrant en Méditerranée longent les côtes marocaines et sont à l’origine d’un échange de faune et de flore important sur la façade méditerranéenne du Maroc. Dans l’océan atlantique, les eaux originaires de l’Atlantique nord central, se dirigent vers le sud-est et se subdivisent en plusieurs branches. L’une d’entre elles, connue sous le nom de courant des Canaries, longe la côte marocaine. La température de surface y varie, selon les saisons, de 15 à 23o c le long des côtes. Les eaux sud atlantiques, plus chaudes et moins salées, remontent le long des côtes du Sénégal et de Mauritanie et sont confrontées aux eaux nord atlantiques dans la région de la péninsule de Cap Blanc où elles forment un front de mélange ; un contre courant sub-superficiel permet à ces eaux de remonter jusqu’au 25e parallèle, entre Boujdour et Dakhla. Sous l’influence des alizés (secteurs nord à nord-est) et de la rotation de la terre, plusieurs régions de la côte marocaine sont affectées par des remontées d’eaux froides profondes dénommées « upwelling ». Ces eaux, dont l’origine se situe entre 100 et 300 mètres de profondeur, ont une température nettement inférieure à celle des eaux de surface. Elles ramènent près de la surface des eaux riches en éléments nutritifs qui sont à l’origine d’une production primaire intense.

1.2.2. Le rivage La côte marocaine est relativement rectiligne hormis quelques caps proéminents en Méditerranée. La longueur totale de la côte n’est d’ailleurs que de 3500 km, à peu près équivalente à l’extension linéaire du rivage, du fait de la faiblesse des indentations, de la faible profondeur des golfes et de la rareté des îlots pré littoraux. Elle présente quelques baies largement ouvertes (d’Al Hoceima, Tanger, Azemmour, Essaouira, Agadir, Cintra) ; seule la baie de Dakhla est relativement fermée.

A. La côte méditerranéenne Elle se présente sous la forme de quatre grandes concavités de dimensions variables. Après la plage de Saïdia à l’est, la première concavité longue d’environ 80 km débute à partir de Ras et Ma et est séparée de la suivante par le promontoire du Cap des Trois Fourches. Dans cette portion, un cordon littoral étendu sur 24 km sépare de la mer, la lagune de Nador. La 2e concavité de dimension comparable à la précédente, s’étend à l’ouest jusqu’à Ras Tarf qui limite à l’est la baie d’Al Hoceima. De cette dernière jusqu’à Sebta, la côte se dessine en une large concavité très ouverte où elle change progressivement d’une direction estouest à une direction sud-nord entre Mdiq et Fnidek. L’ensemble de la côte est une succession de falaises qui alternent avec des plages de petites dimensions. 188

La côte méditerranéenne correspond au rivage d’une montagne qui pratiquement domine la mer, sauf là où s’intercalent de petites plaines littorales limitées par un cordon marin et dunaire. C’est ce qui explique la différenciation entre les côtes découpées en falaises de la chaîne rifaine et les côtes basses et sableuses à partir du Cap Mazari vers le nord. La mer ne connaît ni courants forts ni haute barre ; la marée semi diurne a une faible amplitude (0,8 à 1 m) ; un courant fréquent de dérive littorale prend une direction sud-nord dans la région de Tétouan. Dans le relief continental il faut différencier trois sections. Le profil transversal de la montagne à la mer débute par des glacis de raccord au pied des versants montagneux ; ces glacis, découpés en collines, atteignent localement la mer et constituent avec leurs très beaux points de vue, des sites intéressants pour l’urbanisation et l’implantation touristique ; mais les problèmes de stabilité se posent souvent pour les constructions dans ces terrains de flysch à puissantes altérites, dans le cadre climatique pluvieux de la chaîne rifaine. Le profil s’abaisse, au débouché des oueds, à travers de petites plaines, parfois subsidentes et marécageuses, avec quelques milieux humides intéressants sur le plan biologique, mais fortement menacés par la pollution. Ces plaines qui connaissent par ailleurs fréquemment des inondations désastreuses, liées au régime torrentiel fortement chargé des cours d’eau, sont actuellement en voie d’urbanisation dans la zone Tétouan-Martil. Enfin, le profil se termine par un cordon littoral et dunaire rectiligne, limité à une centaine de mètres de largeur, lié à la régularisation opérée par le courant de dérive. Ce milieu est le plus urbanisé et le plus convoité par l’expansion touristique ; c’est le milieu où s’implantent les ports et marinas de plaisance. C’est un milieu fortement menacé, d’abord de suroccupation de cet espace limité, ensuite de rupture dans l’équilibre de son bilan dynamique et sédimentaire. Dans le Maroc oriental, la côte s’individualise. Depuis la frontière et jusqu’à Ras el Ma, il s’agit de larges plages sableuses ininterrompues sur les deux rives du débouché de la Moulouya ; la côte est particulièrement alignée et rectiligne, bordée vers l’intérieur par d’importantes accumulations dunaires, actuellement fixées par le couvert végétal, mais d’une grande fragilité, du fait de la forte pression sur ces milieux. À partir du redan de Cap de l’Eau, la côte est plus variée ; elle s’organise en un grand arc de cercle à l’est du Cap des Trois Fourches qui voit se succéder des falaises vives et découpées par de profondes vallées, taillées parfois sur 70 m de hauteur dans un matériel terreux rouge, sur 30 km le long du piémont des Kebdana puis une étroite flèche sableuse isolant la lagune de Bou Arg, entre Arkmane et Nador, dans un secteur nettement subsident.

B. La côte du Détroit de Gibraltar Le détroit est un milieu de dynamisme élevé, avec des vents forts d’ouest et d’est selon les saisons et les situations météorologiques, une marée d’amplitude moyenne et des hauteurs de houle importantes (> 4 m) de nord-ouest et d’ouest-nord-ouest. En raison de l’origine tectonique récente du rivage (grandes failles pliocènes responsables de l’ouverture du détroit), la plate-forme continentale est fortement réduite. La côte est très découpée, directement dominée par la montagne ; c’est une côte transversale par rapport aux alignements de reliefs et directement sous l’influence de la lithologie. L’érosion y a découpé de petites plaines littorales bordées par des cordons de galets ou de sables, à l’amont desquels les oueds peuvent être barrés, permettant ainsi le développement de petites lagunes. Seule la baie de Tanger, située au droit d’un vaste complexe de roches tendres (unité de Tanger), acquiert une extension importante aussi bien sur le plan transversal que longitudinal. La baie étendue entre Punta Cirrès et Jbel Moussa a été sélectionnée pour abriter le projet du port de Tanger-Méditerranée. Le caractère hydrologique délicat de cette zone impose des travaux techniques majeurs, pour protéger le port, contre l’action marine d’une part et les problèmes de crues et d’érosion continentale d’autre part. 189

C. La côte atlantique Elle est caractérisée par l’absence d’indentation importante ; les caps et les redans ne sont néanmoins pas rares (Larache, Jorf Lasfar, Cap Beddouza, Cap Ghir, Tarfaya, Boujdour). Elle montre une large concavité de Tanger à Rabat, une convexité qui s’étend de Rabat à cap Ghir suivie d’une concavité qui débute avec la baie d’Agadir et se termine au sud par le cap Tarfaya. Elle est constituée de plages sableuses, de platiers rocheux, de falaises mortes ou vives et de grandes dunes dominant immédiatement la côte. Ces structures sont interrompues au niveau des embouchures d’oueds et de lagunes. Les plages de sable sont largement représentées au nord de Tan Tan tandis que le secteur situé plus au sud est plutôt caractérisé par une falaise vive qui tombe plus ou moins directement dans l’océan. Le littoral atlantique correspond au rivage bordant de bas plateaux, sauf au droit du Haut et de l’Anti-Atlas ; ceci se justifie même dans le Tangérois et la région du Loukkos où le plateau du Habt sert de transition, au pied du Rif ; dans la région de Rabat, le bas plateau atlantique s’abaisse depuis les hauteurs des ZemmourZaër ; la côte correspond à une plaine de niveau de base au droit de la région du Rharb et des plaines plus différenciées dans la Chaouïa et les Doukkala. Partout les reliefs élevés sont donc éloignés de la mer. Mais cela n’empêche pas la présence de longues sections en falaises plus ou moins vives bordant des plateaux et interrompues par des sections de plages. Le milieu marin est caractérisé par un dynamisme important, avec une houle permanente, de forts courants de marée. La granulométrie des sables de plages montre l’importance du tri, le transport vers le large des sables fins et des produits en suspension, l’importance de l’érosion des falaises et des plages. Les matériaux sont constamment repris par un courant de dérive de direction nord-sud. Les vents sont forts, avec une dominance des vents d’ouest ; ils expliquent l’importance des remaniements éoliens et le prélèvement de sables sur les plages, l’édification de dunes vives à proximité du haut de plage ; ces dunes vives peuvent recouvrir des dunes plus hautes et plus anciennes, parfois façonnées en falaises. Les cordons marins et dunaires gênent le drainage d’un certain nombre de plaines de niveau de base, notamment la plaine du Rharb, et expliquent la nature marécageuse de ces milieux. La coupe idéale du rivage atlantique est la suivante, notamment dans la région de Rabat : Au-dessus d’un estran rocheux à vasques, inscrit dans des calcarénites plus ou moins anciennes, s’étend une courte plage sableuse, pouvant passer localement à des plages plus étendues dans des zones d’accumulation récente comme la région de Tanger ou de Mehdia. Le haut de plage est façonné en dunes vives qui gravissent les falaises proches. Parfois la falaise domine directement la mer ; ou du moins elle peut être atteinte lors des tempêtes. Sa hauteur peut atteindre 30 à 50 mètres et est façonnée dans des grès dunaires plus ou moins consolidés du Pleistocène récent. Derrière cette dune fixée s’étend l’oulja, une dépression longiligne plus ou moins drainée et plus ou moins perchée, pouvant atteindre 2 à 3 km de large. Ce n’est qu’à l’arrière de cette dépression que l’on trouve une seconde falaise, plus ancienne, recoupant des grès marins et dunaires quaternaires ou le substratum géologique. Souvent, la dune littorale peut être interrompue par des passes qu’emprunte la mer pour pénétrer l’oulja et y constituer des lagunes immergées à marée haute, marécageuses à marée basse. Les implantations humaines se développent sur les plages littorales là où elles sont assez étendues dans l’oulja et notamment sur les bords des plages développées derrières des îlots du cordon dunaire interrompu, c’est-à-dire dans des sites d’eau calme mais constamment renouvelée, ou même sur les bords de lagunes. Le pied de la falaise morte constitue un autre site d’implantation, car suffisamment bien drainé. Mais beaucoup de secteurs de ce littoral atlantique restent sous-utilisés et peu fréquentés pour des raisons physiques (fréquence du vent, mer trop agitée, relief littoral trop raide) ou à cause de leur éloignement par rapport aux centres urbains et aux grands centres de loisirs. 190

1.2.3. Lagunes, estuaires et systèmes adjacents Nombreux sont les cours d’eau qui se jettent en mer. Parmi eux trois grands fleuves sont permanents : la Moulouya en Méditerranée, le Sebou et l’Oum-er-Rbiâ sur l’Atlantique. Les autres oueds méditerranéens se comportent plutôt en torrents venus du Rif. Il s’agit des oueds Martil, Laou, Ghis, Nkor et Kert. Ils reçoivent peu d’affluents et drainent des bassins versants de dimensions modestes ; mais leurs apports sont importants. Sur la façade atlantique, les autres principaux cours d’eau sont le Loukkos, le Bou Regreg, le Tensift et le Souss. D’autres oueds atlantiques (Massa, Draa) beaucoup moins importants, sont assez souvent fermés à leurs embouchures par des bouchons sableux, dus à l’action hydrodynamique de l’océan, comme beaucoup d’autres oueds sahariens. Le Maroc possède plusieurs lagunes littorales qui présentent un intérêt à la fois biologique, économique et paysager. Il est possible de reconnaître, le long du littoral marocain, un certain nombre d’écosystèmes qui détiennent une importance nationale, voire internationale. On retiendra sur le littoral méditerranéen l’embouchure de l’Oued Moulouya, l’imposante lagune de Nador, l’embouchure de l’oued Laou et la lagune de Restinga-Smir. Sur le littoral atlantique il est faut signaler les marais de Larache avec l’embouchure de l’Oued Loukkos, Merja Zerga qui présente une importance internationale pour l’hivernage de l’avifaune migratrice, le lac d’eau douce de Sidi Boughaba, le complexe lagunaire Sidi Moussa-Oualidia, l’embouchure de l’oued Massa, aménagée en parc national, Foum Assaka, les embouchures des oueds Draa, Chebeika, Amma Fatma, El Ouar, la lagune de Khnifiss et la baie de Dakhla.

1.2.4. Plages, falaises et îles L’étendue des plages diffère. En Méditerranée, elles sont plutôt courtes, à sable relativement grossier ou même à galets et accompagnent généralement les embouchures d’oueds. La plage de Saïdia constitue une exception avec sa vaste zone sableuse entre la frontière algéro-marocaine et Ras Kebdana. Les plages atlantiques sont beaucoup plus étendues et présentent une granulométrie plus fine. Elles sont le plus souvent remarquables par leur étendue : plage de la côte du Rharb, plage entre Azemmour et El Jadida, plage de la baie d’Agadir, plage Blanche et plage entre Ras central et Khnifiss. Les falaises les plus remarquables et les plus hautes du Maroc se rencontrent sur le littoral du Haut Atlas. Mais les falaises qui présentent un intérêt bioécologique sont celles du promontoire du Cap des Trois Fourches, celles comprises dans le parc national d’Al Hoceima, les falaises de Sidi Moussa, du sud de Massa et de la côte des phoques. Les îles de l’Atlantique sont celles de l’Archipel d’Essaouira et les îlots localisés près de Cap Barbas. Elles sont occupées assez souvent par une abondante avifaune qui y niche. Parmi les nicheurs, un certain nombre d’espèces sont exceptionnelles et jouissent d’un intérêt et d’une importance internationaux.

2. Fragilité des milieux côtiers marocains Le Maroc possède trois façades maritimes : la Méditerranée, le détroit de Gibraltar et l’océan Atlantique. Chacune se caractérise par une morphologie et une dynamique particulières et offre des potentialités d’occupation humaine qui lui sont propres et qui sont définies par la nature géomorphologique du rivage, son tracé, son profil transversal, par le relief continental et sous-marin qui frangent ce rivage et par la dynamique marine du secteur et notamment l’agitation de la mer, la force des courants et leur direction. 191

Le littoral marocain représente un environnement fragile en équilibre instable. Dans de nombreux secteurs, il est constitué de falaises modelées dans des roches tendres (marnes et schistes du Rif) ou faiblement cimentées (calcarénites superficiellement encroûtées, mais restées friables en profondeur). Les risques de rupture sont évidemment très grands. Les secteurs de plage sont dominés par des falaises mortes, inaptes à fournir le stock nécessaire à l’engraissement côtier. Dans les zones où le littoral est constitué de dunes vives, la recolonisation végétale est souvent malaisée pour des raisons climatiques, alors que la constance et la vigueur de certains vents, de secteur ouest ou de secteur nord-est réactivent rapidement les constructions dunaires en voie de fixation). Cette fragilité du milieu littoral s’explique aussi par l’exploitation abusive et la suroccupation. Le littoral représente en effet une ressource précieuse, mais limitée parce qu’il correspond à une étroite zone de contact entre le domaine continental et le monde sous-marin. Toute occupation abusive aboutit à la consommation définitive de cette ressource, sans possibilité de reproduction. Par contre l’exploitation rationnelle et légère permet à cet espace de se perpétuer sans perdre de sa qualité. La menace d’une rupture de cet équilibre est permanente. C’est le cas des plages où d’importants investissements ont été consentis pour la promotion touristique et balnéaire. L’ablation du sable de la plage suivie par l’affleurement d’écueils rocheux (exemple de la plage des sables d’or au sud-ouest de Rabat) ou l’attaque directe des constructions édifiées sur le haut de plages (exemple de la baie de Tanger ou de Mohammédia) constituent des cas de dégradation difficilement réversible. Dans les ports, le risque d’ensablement est non moins dangereux parce qu’il entraîne la réduction de la capacité d’accueil et à l’inverse l’augmentation des frais de maintien et d’exploitation. La dynamique littorale est basée sur un système d’échange continu entre les terres émergées et le milieu marin, cet échange se faisant dans les deux sens. Les continents fournissent à la mer des matériaux sous différentes formes (solutions, et particules grossières ou en suspension). L’énergie des eaux marines prélève, en plus de ces apports, des matériaux directement érodés sur la ligne côtière. Ces matériaux sont redistribués vers la mer, ou repoussés sur le littoral, parfois repris par le vent et amenés plus ou moins loin à l’intérieur. Deux types de tendances peuvent être distingués : une tendance à l’érosion littorale par recul du trait de côte, ou au contraire une tendance à l’engraissement sous l’effet de l’accumulation de matériaux de progradation sur le littoral. Le long du littoral marocain, les exemples relevés de recul de la côte et d’ablation du sable des plages semblent être plus fréquents, même si les cas d’ensablement ne sont pas rares. La ligne de rivage s’établit selon un tracé particulier en fonction de la dynamique en cours. Chaque portion du littoral est dépendante des secteurs environnants parce que la côte est le lieu d’échanges latéraux importants de matériaux véhiculés par des courants côtiers et notamment la dérive littorale. La tendance générale est souvent une tendance de régularisation par entraînement des matériaux issus d’un point donné fournisseur, vers des zones dont les fournitures sont moindres. Dans les situations stables, la redistribution est réalisée selon un bilan conservant à chaque secteur un « budget » équilibré. Deux séries de causes peuvent intervenir pour transformer la tendance globale d’évolution des côtes : – des causes naturelles ou indirectement influencées par l’action humaine ; il s’agit de modifications à long terme (relèvement général du niveau des mers) ou de la succession d’événements météorologiques particuliers par leur violence ou au contraire leur faible ampleur (tempêtes par exemple) ; – des causes en relation directe avec une explication anthropique, agissant soit sur les échanges transversaux entre le continent et la mer, soit sur les échanges longitudinaux perturbant le transit latéral des matériaux. 192

La succession d’évènements caractérisés par une violence particulière des tempêtes entraîne l’attaque des littoraux et l’entraînement de matériaux vers le large. Les études semblent montrer une accentuation de la fréquence et de la force des tempêtes dans les dernières décennies. Le relèvement du niveau de la mer, d’ampleur non encore précisément fixée, agit sur la dynamique côtière. La valeur moyenne avancée par certains auteurs (1,5 mm/an) est suffisante pour expliquer la tendance générale à l’érosion des côtes, notamment les plages et les basses falaises en matériel non consolidé. En plus du danger d’immersion des côtes très basses (deltas, basses vallées littorales, marais), le relèvement amène une exagération de l’attaque érosive des rivages et donc leur recul. La mise en place de barrages-réservoirs sur les grands fleuves a favorisé la rétention d’une grosse partie des sédiments qui normalement atteignaient la mer. Les barrages retiennent surtout la charge de fond des rivières (matériaux transportés par saltation et charriage). La localisation des barrages joue un rôle fondamental ; en effet plus la retenue est proche du trait de côte, plus le déficit côtier en matériaux de provenance fluviale est accusé. Il se trouve qu’au Maroc la plupart des grands barrages, ont été implantés en montagne ou au débouché de l’oued en plaine, ce qui a moins d’impact sur le bilan sédimentaire côtier. L’homme transforme aussi cet échange transversal en agissant directement sur le milieu côtier, notamment en consolidant les matériaux susceptibles de fournir à l’érosion marine les sédiments équilibrant le budget littoral. La construction de routes en corniche et l’urbanisation de la dune bordière ou même de la plage elle-même empêchent la mer de prélever sur ces milieux – en cas de tempête – les matériaux susceptibles d’alimenter le bas de plage. L’action marine se concentre alors sur la plage elle-même, la fait reculer ou du moins en transforme la composition granulométrique, par prélèvement des sables fins et concentration des sables grossiers. L’appauvrissement du bilan est exagéré par l’homme, partout où des sables sont prélevés dans les plages ou les dunes bordières. En effet, les sables côtiers sont souvent bien triés et constituent pour cela d’excellents matériaux de construction, fortement recherchés. La rareté de ce matériel et son prix élevé ont souvent conduit à leur prélèvement illégal dans le domaine côtier, au détriment de la stabilité du rivage. Cela contribue donc à exagérer l’action érosive de la houle et des courants côtiers à cause de la réduction du potentiel sédimentaire capable de maintenir l’équilibre. L’exemple est rapporté des multiples noyades enregistrées à Mehdia, du fait de la vente de sable prélevé sur le haut de plage en hiver, à laquelle a succédé la formation de grosses cuvettes d’érosion, par érosion sur le bas de plage, très dangereuses pour les nageurs isolés. L’homme agit aussi sur les transferts latéraux de matières en aménageant des obstacles perpendiculaires au trait de côte. Des atterrissements ont lieu contre les jetées qui freinent le courant, alors qu’au-delà, les portions du littoral privées des matériaux qui leur parvenaient, connaissent le démaigrissement et le recul. La côte tétouanaise au nord des falaises de Koudiet Taïfor offre notamment l’exemple d’un littoral régularisé, mais où l’établissement des trois ports de M’diq, Kabila et Smir, a été à l’origine d’une transformation du système de transfert des sables ; c’est pourquoi se succèdent des secteurs d’érosion et des milieux d’accumulation. Ces déséquilibres compromettent l’aménagement lui-même et menacent la ressource « littoral » dans son fondement en gommant pratiquement des rivages équilibrés et d’une rare qualité sur le plan esthétique. Le littoral devient alors une zone dangereuse, inexploitable pour les loisirs. Mais il existe des cas extrêmes où l’érosion a gommé pratiquement des rivages équilibrés et d’une rare qualité sur le plan esthétique. L’homme agit enfin en polluant les littoraux et les estuaires. La côte est le lieu où débouchent les eaux fluviales et les eaux de nappes phréatiques que l’homme a souvent fortement polluées. Les villes côtières et de nombreuses industries déversent directement leurs eaux usées en mer, sans traitement. L’activité maritime, notamment à proximité des ports contribue aussi à la pollution des eaux (déballastage des navires notamment). Des nuisances dangereuses pour l’activité biologique végétale et animale et pour la santé de l’homme affectent de plus en plus le milieu littoral et en rendent l’exploitation de plus en plus difficile, en réduisant notamment les potentialités de loisirs. C’est avant tout à proximité des grandes villes de la côte atlantique 193

(Rabat-Mohammedia-Casablanca) que ces phénomènes s’exagèrent alors que la pollution est moins accusée à l’intervalle de ces lieux de concentration humaine et industrielle. Le tourisme, notamment le tourisme national, se développe surtout à proximité des agglomérations urbaines ; l’effet de la pollution n’en est donc que plus dangereux. Là où de gros centres de loisirs s’implantent, loin des villes et des industries, l’absence de précautions relatives aux rejets d’eaux usées et l’accumulation des déchets, constituent un risque de pollution grave, notamment lors de la haute saison touristique. Mais la pollution qui menace le littoral s’explique aussi par des raisons externes. Le cas du Maroc est pour cela concluant du fait de sa proximité des grandes voies de passage des principales lignes maritimes de transport des hydrocarbures (20 % environ du tonnage total mondial des cargaisons pétrolières transitent par la Méditerranée venant des pays producteurs du Moyen Orient et se dirigeant vers les pays consommateurs d’Europe et d’Amérique. L’accident survenu dernièrement au pétrolier Kharg 5 et la marée noire qui en a résulté a bien mis en évidence cette vulnérabilité du littoral marocain.

II. Les activités humaines du littoral L’importance du littoral, pôle d’attraction des activités et des installations (oulja agricole, urbanisation côtière, activité portuaire, activité industrielle, tourisme), explique son poids dans l’économie nationale.

1. Analyse historique Les littoraux marocains sont restés longtemps sous-occupés. Le basculement des forces vives vers la côte a commencé il y a 50 ans et se poursuit depuis, à un rythme soutenu (Bennouna, 1992 ; Naciri, 1992 ; Zaïm, 1992). Le retard dans l’acquisition de la côte d’un rôle central dans le développement du pays s’explique par l’histoire. Au Moyen Age, les populations côtières marocaines ont joué le rôle d’intermédiaires avec les ports méditerranéens d’Europe et avec le commerce plus lointain longeant la côte atlantique. Les villes méditerranéennes du littoral jouaient le rôle d’étapes dans le cadre des échanges Afrique / Méditerranée. La côte méditerranéenne représentait alors un milieu d’ouverture pour le Maroc et a connu le développement de sites importants, notamment les villes de Sebta et de Tanger, en plus d’une multitude de petits ports (Naciri, 1992). La fortune maritime de Salé est célèbre, par ailleurs. Mais à partir du XVIe siècle, la côte est devenue une zone répulsive, du fait des tentatives d’implantation des Portugais et Espagnols. Le littoral devient alors une ligne de défense et un espace de confrontation, avec tout le long, des marabouts et des forts militaires. Depuis l’occupation des présides et avec l’installation d’une situation de confrontation avec les pays de la façade européenne, les villes se sont repliées sur elles-mêmes (Naciri, 1992). Avec le protectorat, cette situation de marginalisation s’est exagérée avec la nouvelle frontière longeant la crête rifaine (Zaïm, 1992). Le littoral est devenu aussi enclavé, sinon plus que les vallées montagneuses, alors qu’en Europe il a attiré les hommes et les activités. En ce qui concerne l’Atlantique, avec la pénétration européenne, la côte redevient un attrait pour les hommes et les activités économiques, plus particulièrement à partir des années 50. Les densités rurales les plus fortes – le Tadla, les oasis et le Sebou mis à part – sont localisées dans les communes littorales (diurne 194

Atlas, Rif oriental, axe atlantique central Safi-Kénitra). Les valeurs les plus fortes sont enregistrées dans les régions de Nador et de Rabat. La croissance et l’extension des villes sont les plus rapides sur le littoral, avec notamment le développement de la conurbation Casablanca-Kénitra. Dans les centres méditerranéens, tous développés originellement à l’écart de la côte, sur des promontoires défensifs, l’extension s’est orientée vers le trait de côte et les zones de plage (Tanger, côte de Tétouan ; Rharbi, 1996 ; Taouil & Youbi, 1991). L’industrie a elle aussi cherché la localisation côtière (Mohammédia, Safi, Jorf Lasfar, Nador). Mais c’est sans doute le tourisme qui a le plus recherché l’implantation littorale. La majorité des investissements s’oriente vers la zone côtière et cette tendance n’est pas démentie par les projets actuels d’équipement touristique, que ce soit pour le tourisme international ou national (Sakrouhi, 1990). La population du littoral atlantique représentait 19,4 % en 1936 et 54 % en 2000. Son taux d’accroissement est estimé à 5 %. Les deux wilaya de Casablanca et Rabat concentrent à elles seules 62 % de cette population littorale. La population littorale méditerranéenne a connu une augmentation moins forte (2,3 % durant la dernière décennie et 3 % entre 1960 et 1990). La côte joue le rôle de pôle structurant de l’économie nationale, du fait de la concentration démographique, industrielle (80 % des effectifs permanents des industries), touristique (50 % de la capacité d’accueil) et commerciale (92 % du commerce extérieur). Le littoral atlantique concentre les principales activités : textile, chimie, industrie mécanique et électrique. 77 % des unités sont concentrées sur la côte atlantique, notamment dans les grandes villes. Cette même zone accueille 78 % des investissements industriels du Maroc. L’axe Safi-Kénitra est l’espace structurant majeur. L’essentiel des investissements s’y réalise, notamment dans les villes portuaires. Sur la Méditerranée, Tanger et Nador représentent les deux pôles industriels, avec la sidérurgie, le textile, la confection. Le redéploiement profite à la ville de Tanger qui occupe une position devenue primordiale. Mais, comparée aux littoraux des autres pays méditerranéens (Plan Bleu, 1988, 2004), la côte marocaine peut paraître relativement sous-occupée, sauf dans certaines zones particulières, entre Rabat et Casablanca, entre Sebta et Tétouan ou aux environs d’Agadir. Mais le rythme de littoralisation est rapide et seule une anticipation pourrait permettre d’éviter les formes de dégradation déjà constatées. La côte méditerranéenne du Maroc souffre de son faible développement, mises à part la région de Tétouan et celle de Nador. Le retard dans l’implantation d’activités économiques est-il le résultat de la marginalisation de cette côte au profit de l’Atlantique ? On peut aussi se demander pourquoi la dimension méditerranéenne est-elle si peu présente sur ce littoral et pourquoi il y a si peu d’articulation avec la côte espagnole qui lui fait face (Zaïm, 1992) ? Est-ce dû aux difficultés d’accessibilité, enregistrées sur 80 % de cette côte qui reste pratiquement vierge du fait du manque d’infrastructures de transport, du retard dans l’électrification et de l’exiguïté des ressources en eau aménagées et mises à la disposition du développement. D’ailleurs, la région ne vit pas de ressources générées par son littoral, alors que les autres ressources continuent à représenter l’essentiel : la contrebande avec les présides, les revenus des émigrés et la culture du cannabis. Le progrès ne peut se concevoir que dans le développement de ressources propres à la région, sur la côte, tout en prenant en considération les risques de l’occupation excessive du trait de côte et du développement du tourisme de masse, responsable de la dégradation du rivage. L’histoire est importante pour expliquer la situation du Maroc méditerranéen. La zone de Tanger, ouverte sur le commerce international a connu une prospérité factice que l’on essaie de redynamiser aujourd’hui. La côte rifaine (zone du protectorat espagnol) a vécu sur ses ressources propres et n’a pas connu de développement. La côte orientale a surtout connu un développement agricole. Longtemps, le littoral méditerranéen n’a pas connu d’intégration du fait de sa subdivision en 3 régions, avec des capitales éloignées de la côte (Rabat, Fès et Oujda). Il n’y a pas eu de création de structures 195

d’accueil pour l’investissement de l’argent disponible. Ce dernier s’est orienté vers la spéculation immobilière. Un autre problème réside dans la présence de frontières à proximité de chaque ville importante (frontières de Sebta, de Melilla et de l’Algérie) ; d’où la difficulté de développer une industrie productrice (Zaïm, 1992).

2. Urbanisation et développement du tourisme L’urbanisation est déjà excessive (Rharbi, 1996 ; Snoussi & Bensari, 1996 ; Berriane, 1994). La forme classique est celle des agglomérations qui développent un front de mer. La deuxième forme est celle de l’urbanisation à relier aux loisirs balnéaires. Celle-ci peut souvent se réaliser de manière non totalement réglementaire (Berriane, 1992). L’urbanisation touristique planifiée est en pleine expansion, sur la côte tétouanaise (Chikhi & al., 1991 ; Taouil & Youbi, 1991), dans la région de Rabat-Casablanca ou autour d’Agadir. L’urbanisation progresse aux dépens des espaces vierges et ne laisse que de rares fenêtres, sans doute provisoires. La privatisation de fait de cet espace littoral tend à devenir réelle, même si elle est souvent dénoncée. Le cas de Martil est celui d’un petit centre côtier qui a connu le développement du tourisme national populaire et qui a enregistré une forte extension urbaine. La population de la ville est multipliée par 4 en été, par des touristes résidant dans les campings, dans les quelques hôtels de la ville, mais surtout et de plus en plus dans les résidences secondaires, utilisées par voie de location (Berriane, 1994). Cabo Negro connaît par contre une urbanisation haut de gamme pour répondre aux besoins des classes aisées. Le site collinaire de Cabo Negro et son éloignement relatif par rapport à Tétouan et à la route principale expliquent cette spécificité. Le style méditerranéen de la station en est d’ailleurs le reflet. La bande côtière entre Rabat et Casablanca connaît une urbanisation en extension rapide (Berriane & Laouina, éds, 1993). Les plages et leurs environs proches sont les plus fortement occupés et de plus en plus construits de manière définitive. La zone la plus proche de la mer, entre la route et le rivage est la plus fortement sollicitée. De l’autre côté, la progression ne fait que commencer. La fenêtre de l’oued Yquen constitue une exception de taille le long de la côte. Les anciens cabanons occupant le domaine public ont pourtant été remplacés par des constructions souvent cossues ou par des résidences. Dans ces extensions, une bonne partie répond de plus en plus à des besoins en logement permanent. La charge humaine est donc appelée à ne plus être saisonnière. L’occupation littorale revêt par ailleurs des formes non réglementaires, dans beaucoup de régions. C’est le cas dans le nord marocain où la demande dépasse celle des seuls habitants de la région. Les versants dominant les baies et criques de la côte rifaine et le rivage lui-même sont la proie d’une urbanisation de fait qui dégrade fortement l’esthétique et la dynamique de ces rivages fragiles (Berriane, 1994). Les interdits n’ont pas suffi à arrêter ce mouvement initié par la spéculation sur des terrains, autrefois délaissés. Certaines opérations immobilières ont essayé d’acquérir un statut de légalité, tout en se développant de manière non réglementaire sur le domaine public maritime. C’est le cas à Stiha. L’érosion côtière a d’ailleurs vite démontré le caractère déséquilibré de cette opération, puisque des tempêtes hivernales ont fortement endommagé les constructions de première ligne et grignoté la plage, base de cet aménagement. Les ports de plaisance sont en pleine expansion. Ce développement s’explique par la position du Maroc au point de rencontre de la plaisance méditerranéenne et des grands voiliers effectuant de grands voyages à partir de l’Europe. De nombreux sites ont été sélectionnés (35 sites) pour une réalisation à plus ou moins long terme (8 sur la Méditerranée et le reste sur l’Atlantique). La réalisation de ce programme va encore plus accentuer la pression sur le littoral, notamment dans les sections de concentration des activités. Ces ports 196

peuvent, s’ils ne sont pas précédés d’une étude d’impact sérieux, occasionner le déséquilibre des transits sédimentaires côtiers et causer des érosions accentuées ou des cas d’ensablement. L’urbanisation qui accompagne ces ports crée par ailleurs, d’autres problèmes de pollution (Ramdani & al., 1997).

3. L’évolution de l’occupation de la côte, le cas du littoral de Tétouan Le tourisme a été choisi comme moyen de développement de la région nord du Maroc, et de la côte tétouanaise notamment, dès les années 60 (Berriane, 1992) : A. De 1965 à 1973, on enregistre l’intervention continue de l’État avec des incitations au secteur privé et un investissement direct ; c’est l’époque du développement du tourisme international dans des stations installées ex-nihilo entre Tétouan et Sebta et à Tanger. Cet aménagement volontaire visait essentiellement à offrir des moyens à une région en difficultés, liées au marasme économique. Les produits de la pêche pratiquée en Méditerranée sont surtout dirigés vers Sebta et Melilla alors que les ports nationaux ont un trafic pratiquement nul. Or le littoral est très accueillant et le tourisme international est demandeur en loisirs balnéaires, d’autant plus qu’il s’agit d’une zone proche de l’Espagne. Dès le plan triennal 1965-67, le tourisme est érigé comme secteur prioritaire. L’État va s’investir à encourager cette activité par différents moyens (crédits, exonérations, investissements directs, infrastructures). Trois stations voient le jour, Cabo Negro, Mdiq et Restinga. Ces stations devaient d’abord répondre aux besoins du tourisme de groupe (villages de vacances, composés d’appartements, bungalows et chalets), autour de plages privatisées. Les implantations prennent une allure linéaire sur le littoral, à l’écart des centres préexistants, Martil notamment. Le fonctionnement des villages de vacances est celui de clubs privés fermés, organisant des excursions programmées peu ouvertes sur le pays et la société. Ils sont donc peu intégrés à la région et souvent sans réel impact direct sur elle (peu d’emplois locaux, peu d’achats dans la région). B. De 1973 à 1983, les investissements baissent et le tourisme étranger recule fortement. Le repli s’explique par le détournement de la demande sur le sud du Maroc (littoral fonctionnel toute l’année). Les investissements se réduisent et de plus en plus, les équipements réalisés sont vendus à des particuliers. C. À partir de 1980, on enregistre une progression forte du tourisme national et la reprise des aménagements, mais avec un caractère plus immobilier. Cette date correspond à la mise en vente d’appartements et de chalets à des nationaux. Ce remplacement de clientèle amène des changements sur le plan des aménagements (Berriane, 1994). Le changement s’explique par le fait que le nord du Maroc, Tanger et la côte de Tétouan exercent une séduction particulière pour les Marocains (proximité de l’Europe et possibilité d’achat multiples, en plus du potentiel de cette côte en matière de tourisme balnéaire). Les équipements réalisés pour le tourisme international vont faciliter l’installation d’un tourisme national massif. Depuis, de nombreux établissements ont été créés, avec de nouveaux modèles d’hébergement essentiellement résidentiel et privatif. La proportion occupée par les villages de vacances va par contre baisser. La Marina et les résidences allant avec deviennent le modèle le plus représentatif (Marina-Smir, Kabila). De nouveaux promoteurs apparaissent sur le marché, avec en particulier, des sociétés anonymes. On assiste au glissement progressif de projets à composante touristique de base à de simples opérations immobilières. Tout le front de mer est ainsi en voie de durcification, accompagnée d’une sélection sociale, alors que 197

l’aménagement en deuxième ligne est rare. La suroccupation linéaire ne laisse que très peu d’espace aux fenêtres inoccupées, capables de recevoir l’estivant de passage ou le campeur.

III. Les impacts de la concentration des activités sur le domaine littoral La concentration des humains et des activités dans le domaine littoral amène forcément des conflits entre activités, portant parfois préjudice à certaines de ces activités. On note par ailleurs des impacts environnementaux influençant le milieu littoral. Aussi bien la littoralisation et l’urbanisation excessives, l’activité industrielle, la pêche et l’aquaculture, l’implantation portuaire (de commerce et de plaisance), la fréquentation des plages, les loisirs côtiers et le tourisme balnéaire, mais aussi les transports maritimes face aux côtes marocaines, toutes ces activités produisent des nuisances plus ou moins importantes. Le problème vient de la sur-occupation, de l’excès de densification de l’habitat et du trafic, de l’artificialisation, de la pollution de l’eau marine, de l’air et de l’accumulation de déchets.

1. L’effet de l’exploitation humaine et l’impact écologique L’exploitation humaine du littoral est responsable de l’appauvrissement biologique et de pertes en biodiversité, des problèmes que rencontre la pêche. Elle explique par ailleurs la dégradation de certains sites d’intérêt biologique, paysager, historique ou culturel. Plusieurs activités, dont des industries se développent sur le littoral avec des rejets présentent des dangers multiples pour la biodiversité. Cependant la plus grande préoccupation réside dans l’augmentation très rapide des réalisations et projets d’infrastructures immobilières. La « bétonisation » devient malheureusement une réalité et bien des sites de la côte sont aujourd’hui sérieusement menacés. L’extension des agglomérations contribue par exemple à la réduction des espaces tampons tels que les schorres et les zones humides. Plusieurs exemples, le long de la côte méditerranéenne marocaine peuvent être relevés d’Est en Ouest (Idrissi & al., 1994) : – Les menaces sur les marais de Chararba sont l’assèchement et l’extension des cultures. D’autre part, la faune y est constamment dérangée par les activités humaines et perturbée par le braconnage et la chasse. – Au sein de la lagune de Nador, plan d’eau de grande dimension, les risques d’une dégradation accentuée sont élevés et s’expliquent par la réduction de la passe qui se trouve à l’origine du confinement croissant (diminution de la circulation des eaux). Des arrivées d’eau douce par effluents issus de la plaine irriguée provoquent une dessalure et une eutrophisation du milieu accentuées par l’adduction de polluants industriels et des eaux usées des petits centres dominant la lagune. 198

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– La faune du secteur compris entre le Cap des Trois Fourches et Oued Laou est menacée par des agissements directs des plongeurs sous marins qui font parfois un ravage irrémédiable comme celui de tirer sur des phoques ou pêcher excessivement. Ici, l’effectif de phoques a diminué de telle sorte que la survie de l’espèce devient hypothétique dans ce secteur unique. – L’évolution de la lagune de Smir illustre parfaitement les mécanismes responsables de l’altération puis de la quasi-disparition d’un milieu qui était parmi les plus riches du pays. Avec la perte de ce patrimoine, la région de Tétouan perd un espace écologique, récréatif, éducatif, social et touristique, d’une qualité unique pour la production faunistique et d’un intérêt exceptionnel pour les oiseaux. Mais ce site d’importance internationale est très vulnérable. L’urbanisation détruit les habitats et les rejets polluent les marais. La construction du port de Kabila et celle du barrage ont créé de fortes perturbations. Sur le littoral atlantique, le niveau d’exploitation des terres étant très élevé, la frange côtière se trouve soumise sur de vastes portions à des pressions croissantes. Heureusement, ce littoral recèle encore des secteurs épargnés. – Au nord, l’embouchure du Loukkos et les marais de Larache subissent actuellement des modifications qui risquent de compromettre leur avenir : drainage, irrigation, exploitations agricoles et industrielles et extension de la ville de Larache. Certains déchets liquides industriels sont rejetés directement dans les marais. L’avenir de ces marais est fortement compromis. – C’est incontestablement dans la lagune de Merja Zerga que l’impact est le plus menaçant. Plusieurs douars dont 7 dans le périmètre de la réserve avec une population estimée à plus de 10 000 habitants, exploitent la lagune (pêche de poissons et de coquillages, récolte de joncs) et provoquent un cortège de nuisances qui accompagnent ces activités. La lagune de Merja Zerga a besoin d’un plan de gestion qui soit à la hauteur de son importance internationale. La lagune de Merja Zerga constitue justement un prototype d’un intérêt considérable parce qu’il comprend une variété de milieux et notamment une zone fluviatile (deltas progradants à l’amont), une zone lagunaire étendue et une zone littorale de communication avec l’Atlantique. Ce système lagunaire est actuellement en voie de dégradation par le comblement progressif de la dépression lié aux atterrissements bordiers en progradation ; l’aggravation de la pollution chimique, issue du remaniement par les eaux des produits phytosanitaires utilisés par l’agriculture de la plaine du Rharb s’explique par l’action marine sur la zone des passes, aboutissant à leur fréquente fermeture. – Au niveau du complexe lagunaire Sidi Moussa-Oualidia se matérialise aussi l’action de la population sur les espèces et les espaces protégés. On note une urbanisation croissante, l’implantation d’exploitation maraîchères jusqu’au sein des zones sensibles, le prélèvement continu et commercialisé des pontes d’oiseaux sauvages. La zone est fréquentée anarchiquement par la population résidente et les vacanciers, ce qui provoque une altération du milieu et un dérangement nocif pour l’avifaune. – L’archipel d’Essaouira bénéficie d’une protection naturelle du fait de son détachement du continent. Mais son classement en tant que Réserve Biologique est loin d’être effectif sur le terrain et des actions d’information et de valorisation seraient utiles pour consolider la position de ce site exceptionnel. – La terminaison occidentale de l’Atlas domine l’océan avec des pentes couvertes de remarquables peuplements d’arganiers. L’urbanisation anarchique de cette côte devient une sérieuse menace, pour une qualité biologique et paysagère tout à fait exceptionnelle. – Le Parc National du Souss-Massa a été conçu pour protéger un milieu unique, comportant des espèces rares ; il se trouve cependant de plus en plus confronté à des problématiques d’espace et à des antagonismes sociaux multiples. Une gestion au niveau de la distribution des ressources est indispensable pour maintenir une certaine qualité « écologique » à l’ensemble. – Les écosystèmes littoraux sahariens sont d’une manière générale très productifs mais fragiles. Ils 200

offrent des qualités paysagères des plus remarquables, accompagnées de cortèges biologiques souvent originaux du fait de leur localisation biogéographique. Il est urgent de maîtriser le développement de ces régions, afin d’éviter des altérations irréparables qui condamneraient la valorisation future d’une des côtes les plus originales de l’ouest africain. – Ainsi, la baie de Dakhla, milieu qui était connu pour sa richesse en espèces aquatiques et par l’abondance des ressources halieutiques, connaît ses dernières années une diminution incontestable des captures. D’autres facteurs constituent une menace pour ce milieu, notamment l’extension de la ville de Dakhla et l’ensemble des problèmes qui accompagnent un tel développement : pollution, déchets solides, augmentation de la pression sur le milieu naturel. – La baie de Cintra, renommée jadis par la présence de baleines qui venaient y passer la période hivernale, connaît actuellement une occupation humaine anarchique et croissante qui pourrait rapidement porter préjudice à la qualité esthétique de la baie et une altération de son milieu physique. – La côte des phoques au nord de Lagwera héberge une population de phoque moine méditerranéen, relativement importante, mais fragile. La mise en place d’un parc est urgente, car d’une part, la réglementation de la pêche dans la zone n’est pas respectée amenant une surexploitation et une diminution de la ressource halieutique pour les phoques, et d’autre part, le dérangement par fréquentation accrue des falaises surplombant les grottes des phoques et des eaux limitrophes aux grottes par les pirogues de pêcheurs commencent à devenir préoccupants.

2. La pollution du milieu marin et littoral et la dégradation de la qualité des eaux de baignade D’importantes charges polluantes sont déversées en milieu marin avec une plus forte concentration entre Kénitra et Casablanca, ainsi qu’à proximité des centres d’industrie chimique de Jorf Lasfar et de Safi. Les transports maritimes sont une source importante de pollution du littoral, du fait de l’importance du trafic le long des côtes marocaines : 265 navires/jour sur l’axe atlantique dont un grand nombre de pétroliers géants, 200 navires/jour à travers le détroit de Gibraltar, grand nombre de navires transportant des produits chimiques et autres substances nocives. La pollution par les hydrocarbures se répercute immédiatement sur les activités économiques de pêche et d’aquaculture, mais aussi sur la salubrité de la côte et sur son équilibre écologique. La pollution de la zone urbaine, industrielle et portuaire de Mohammedia constitue un exemple flagrant de dégradation dangereuse de l’environnement. Les effets en sont multiples sur le milieu biologique côtier et marin, sur la santé de l’homme et sur la qualité esthétique des sites (Idrissi & al., 1994) : – des effluents multiples rejetés dans l’estuaire de l’oued Mellah qui draine les eaux usées de l’agglomération d’une part, et les eaux déversées par différentes industries et notamment la tannerie et les textiles ; – des eaux non traitées déversées par les industries pétrochimiques installées à proximité du port ; – des cendres de la centrale thermique accumulées en terrils à proximité de la côte et occasionnellement déversées en mer ; – des hydrocarbures déversées accidentellement lors du stockage, du transport, de la manutention ou du raffinage du pétrole. 201

2.1. La qualité chimique et organique des eaux marines La dégradation de la qualité chimique des eaux marines est à rattacher au déversement de polluants liquides et solides, domestiques et industriels. La mer reçoit plus de 90 % de rejets liquides industriels et une bonne partie des rejets domestiques. Certains rejets sont localisés immédiatement à proximité des lieux de baignade. Les ports de commerce et les ports de pêche sont particulièrement affectés par la pollution à cause des produits pétroliers déversés et des substances dangereuses qui y transitent. Dans les régions d’agriculture riche et dans les sites d’aquaculture, l’utilisation d’intrants contribue à la pollution du littoral, ces composés étant soit amenés directement par le ruissellement soit à travers les nappes. C’est pourquoi sur les stations balnéaires examinées, plusieurs présentent des conditions de qualité franchement mauvaises et seules quatre ont été déclarées de bonne qualité. En plus des rejets terrestres, la mer reçoit les huiles et hydrocarbures des bateaux de navigation, notamment des pétroliers. Des zones maritimes à circulation fermée ou calme connaissent des problèmes d’eutrophisation et d’eaux colorées parfois productrices de nuisances, en liaison avec l’accumulation de substances azotées et phosphorées (Idrissi & al., 1994). Cette eutrophisation peut contaminer des organismes marins qui deviennent de véritables poisons à la consommation. En mer, dans les eaux internationales, le déversement des eaux huileuses des navires contribue à dégrader la qualité biologique de l’eau de mer. Des risques élevés liés au trafic international de produits pétroliers et de substances dangereuses (supertankers) résultent de la circulation maritime intense de l’Atlantique et du détroit de Gibraltar. À cause des rejets urbains et industriels en premier, de la pollution d’origine agricole ensuite et enfin des rejets de produits, notamment des hydrocarbures en mer, certaines portions du littoral sont fortement polluées et posent des problèmes de dégradation des ressources halieutiques et des problèmes sanitaires plus ou moins graves. Les estuaires et les lagunes sont les milieux les plus menacés car ils sont abrités et ne subissent pas l’effet de diffusion par les vagues et les courants que connaissent les littoraux ouverts. Mais la situation est réellement préoccupante dans les littoraux les plus occupés où la proximité d’effluents domestiques ou industriels explique la très forte pollution. Des cas accidentels d’eutrophisation, en raison d’une situation climatique (grande chaleur) et océanographique (calme maritime) transforment totalement le milieu marin sur une large étendue et peuvent avoir d’importantes répercussions, notamment en Méditerranée (Sakrouhi, 1990 ; Tahiri & al., 1991 ; Laouina, 1999). La tendance de cette pollution est néanmoins difficile à cerner. Bien sûr le facteur rejets est calculable en se basant sur l’évolution de l’occupation démographique du rivage et sur les implantations industrielles. Mais la qualité de l’eau de mer et des organismes vivants marins ne dépend pas linéairement de la quantité et de la qualité des rejets. L’état physique de la mer au moment de la réception du rejet est fondamental pour expliquer soit la concentration et l’exagération de l’état de pollution, soit la diffusion des polluants et l’autoépuration du milieu. Il faut juste rappeler que la catastrophe de Kharg 5 n’a été évitée que par un concours de circonstances lié à la direction des courants de houle et au degré d’agitation des eaux. Par ailleurs, les analyses menées de manière répétitive donnent des résultats qui ne sont pas toujours simples à interpréter. Des sites proches indiquent des variations de degré de pollution inexplicables. Les variations temporelles sont aussi très élevées et parfois curieuses.

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2.2. Physico-chimie des eaux En raison des rejets domestiques ou de matières industrielles organiques, de nombreux secteurs indiquent une forte pollution azotée et phosphatée. Ces apports expliquent le déficit en oxygène des eaux et qui, en été peut causer localement de véritables phénomènes d’eutrophisation durables. C’est en particulier dans les zones d’industrie des phosphates (Jorf Lasfar et Safi) que les concentrations phosphatées sont les plus élevées. Par ailleurs, dans les estuaires et les lagunes, les nitrates et phosphates atteignent des valeurs élevées. Le dosage des métaux lourds indique des taux élevés dans les sédiments littoraux dans la plupart des stations. Les vases sont en effet un bon fixateur de métaux. Les concentrations en zinc et cuivre ne sont pas inquiétantes à l’heure actuelle, sauf localement comme au débouché de l’oued Mellah ; par contre, les teneurs en cadmium sont d’ores et déjà alarmantes (Idrissi & al., 1994). Dans les organismes vivants, les teneurs en métaux sont élevées dans les moules, notamment les teneurs en chrome. Les valeurs les plus élevées en cadmium sont détectées dans la faune marine des zones proches des grosses industries (Jorf Lasfar, Safi). Plus loin les eaux sont brassées et les teneurs s’abaissent. Les mollusques qui vivent dans les vases présentent des taux de contamination sévères. Les pesticides et PCB sont présents dans tous les échantillons analysés. Ils sont acheminés depuis les champs par les eaux de ruissellement. Mais les taux les plus forts sont détectés au voisinage des zones industrielles et urbaines. C’est ainsi que Oualidia, malgré le développement agricole de son littoral, ne présente qu’une pollution jugée « significative » alors que Casablanca et Safi présentent des taux jugés forts. De nombreux composés d’hydrocarbures sont rejetés en mer, dont 70 % sont d’origine pétrolière. Tous ces composés s’accumulent dans les organismes vivants et certains peuvent être toxiques et entravent le développement des poissons. Par ailleurs la pollution des plages par les boulettes de goudron est élevée. La pollution chimique est donc loin d’être négligeable. Les lagunes, lieux de développement de l’aquaculture ne présentent pas encore de signes d’une contamination excessive ; mais dans plusieurs endroits comme Mohammédia et Safi, la toxicité est d’ores et déjà anormale et peut causer des perturbations physiologiques.

2.3. Micro-biologie Les apports domestiques et agricoles sont des terrains fertiles pour le développement de micro-organismes pathogènes qui représentent un danger pour les baigneurs et pour la santé digestive à travers la consommation de coquillages crus. Les zones les plus polluées se trouvent à proximité des secteurs fortement urbanisés ou au niveau des estuaires. Dans les zones salubres d’habitude, des phénomènes de contamination périodique sont observés, en particulier lors des périodes pluvieuses (rejets d’animaux emportés par le ruissellement). Les campings jouent en été le même rôle. Des zones fortement insalubres ont été détectées (Bas Bou Regreg, estuaire de l’Oum Rbia, débouché de l’oued Laou, la région de Casablanca).

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3. La menace sur la stabilité des rivages L’effet du changement global (relèvement du niveau marin) et des aménagements côtiers mal conçus consiste dans les transformations de la dynamique littorale, avec notamment l’érosion des plages, l’ensablement des ports et l’envasement des zones marécageuses. La stabilité physique de la côte, base du développement des loisirs et la tendance soit à l’érosion soit à l’ensablement – envasement représente une problématique majeure des littoraux marocains (MATUHE, 1996 ; SEE, 1998). C’est un indicateur difficile à spatialiser comme à chiffrer car les études disponibles sont ponctuelles. De nombreuses plages s’appauvrissent en sable (baie de Tanger, Moulay Bousselham, Monica, Kariat Arekmane). Sur 47 plages examinées par les services de l’Équipement, 7 ont carrément disparu par érosion, 19 subissent une dégradation intense. La dune bordière est devenue un lieu privilégié d’installation des résidences secondaires, ce qui réduit les possibilités d’échange sédimentaire entre la mer et le continent. D’autres dunes ont été détruites par piétinement intense et surfréquentation. Le vent se charge alors de remanier les sables, ce qui peut aboutir à la destruction de l’édifice éolien, soit à l’ensablement des routes et des constructions.

3.1. Le cas des plages sableuses, l’impact des aménagements La côte méditerranéenne entre Sebta et Cap Mazari est constituée par un cordon marin sableux fermant des plaines mal drainées, de niveau de base, elles-mêmes comblées par des sédiments terrigènes plus ou moins vaseux à l’aval, beaucoup plus grossiers vers l’amont. La dérive littorale a déposé le long du rivage un cordon de sables mélangés quartzeux et bioclastiques, de taille moyenne et fine. Il y a donc naturellement un équilibre réel entre les apports continentaux fluviatiles et la redistribution des sables par la dérive sud-nord, le long du rivage (Berriane & Laouina, éds, 1993 ; Laouina, 1999). Au nord de la Koudiat Taïfor, la construction des ports de pêche et de plaisance a permis de transformer le système de transfert naturel des sables et à créer des sites d’érosion et des sites d’accumulation. Le port de pêche de Mdiq, et notamment la jetée de direction nord-ouest – sud-est a contribué à réduire les apports latéraux dans la partie de la plage qui jouxte immédiatement la zone portuaire. Soumise à une active érosion, la plage connaît actuellement un recul important que n’arrêtent pas les murs de soutènement. Cette érosion menace aujourd’hui les installations hôtelières et balnéaires de Mdiq. Les sables évacués de cette partie de la plage sont remaniés vers la partie nord, quelques centaines de mètres au-delà ; cette partie connaît au contraire un engraissement évident.

Baie de Mdiq Le port de Mdiq fut construit en 1963 au pied du flanc nord de Koudiat Taïfor (Cabo Negro) et à l’extrémité sud d’une longue plage. Avant la construction du port, la situation était stable. Depuis, la côte a subi d’importantes modifications, avec recul au sud et avancée du trait de côte au nord. La dérive sud-nord remobilise les matériaux à proximité du port sur 800 m et les dépose plus au nord. Le port est ainsi à l’abri de l’ensablement, mais la plage sud est fortement dégradée.

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Plage et port de Restinga-Smir (port construit en 1986) Les sables les plus fins viennent s’accumuler à proximité de la petite digue. Au nord du port, les sables sont plus grossiers du fait de l’agitation et du vannage des particules fines. Au sud du port, la plage a augmenté en largeur. Le courant d’expansion latérale produit un piégeage de sédiments à l’intérieur du port (Ramdani & al., 1997).

La baie de Tanger Sur la côte du détroit, la baie de Tanger offre une belle concavité tournée vers le nord-nord-ouest, avec une plage de sable qui s’adosse à un pays de collines drainées par de courts oueds (Moghagha, Melaleh et Chatt). La prolongation de la grande jetée du port a favorisé l’accumulation des sables contre la jetée transversale, dans la partie occidentale de la baie. Plus à l’est, le courant, privé d’une bonne partie de sa charge, s’est mis à éroder la plage et à s’attaquer aux installations balnéaires et routières. De gros efforts ont été fournis pour protéger le rivage sans gros résultats. La baie a subi de nombreuses modifications depuis 1905 et l’aménagement du port. Naturellement un équilibre s’établit entre les transferts depuis Marshan vers la baie et ceux engendrés de Malabata vers le sud-ouest. Les aménagements successifs ont visé l’élongation de la jetée principale (1300 m) et ont modifié la propagation de la houle. L’arrêt du transit vers l’est a induit une forte érosion dans la partie orientale et une forte sédimentation à l’ouest. Avec l’installation d’épis et de brise-lames, la circulation est ralentie et des sables sont piégés, mais l’érosion s’est accentuée dans la partie centrale de la baie.

Le littoral du sud-ouest de Rabat À proximité de Rabat, le littoral est essentiellement rocheux. Un cordon dunaire hérité, constitué de calcarénites, limite une dépression longiligne appelée oulja. Localement, le bourrelet côtier a été rompu et la mer a pu pénétrer des sites abrités dans l’oulja pour y construire de belles plages sableuses. Cette plage est en voie de dégradation et d’érosion parce qu’on a choisi d’implanter un port de plaisance dans la partie sudouest de cette plage, contre la colline de Sidi el Abed. Cette digue a transformé la dynamique côtière à l’intérieur de cette baie et y a favorisé l’érosion des sables. L’infrastructure portuaire consiste dans une digue principale positionnée justement sur la ligne de hauts-fonds qui représentent la continuité du bourrelet côtier, localement démantelé. Une traverse est implantée perpendiculairement au rivage et est édifiée avec des blocs de quartzite et de calcaire prélevés dans les carrières proches de l’oued Yquem. Le plan d’eau est installé à proximité de la jetée dans la partie la plus profonde, alors que la plage a été érigée en terre-plein grâce au déversement de matériaux terreux et de tout-venant.

La baie d’Agadir La baie d’Agadir connaît à la fois des transports perpendiculaires à la côte liés aux courants de marée et des transports longitudinaux liés à la dérive littorale, capable d’entraîner 450000 m3/an de sable sur le littoral d’Agadir. La dynamique éolienne consiste à la fois dans des vents d’ouest et des vents d’est, selon les saisons et les types de temps. 205

La situation montre naturellement un certain équilibre : la plage s’engraisse les années humides avec des apports fluviatiles importants, des vents de terre violents et moins de houles de tempêtes d’hiver. Au contraire, elle s’érode les années sèches avec plus de houles de tempêtes et de vents de mer violents. Le port a provoqué une érosion forte d’une partie de la plage d’Agadir (Lahouar-Tildi). La jetée bloque la dérive nord-sud et des accumulations ont lieu à l’ouest de cette jetée. L’extension du port (Anza) a provoqué l’extension de l’érosion au sud de Lahouar. L’érosion menace la zone du Palais Royal. Le trait de côte a reculé d’environ 100 m en 20 ans de 1968 à 1988. Or, c’est dans cette zone que s’implante un secteur touristique et balnéaire entre la route et la mer. La dune bordière a été arasée et son sable utilisé pour la construction. Or cette dune était à la fois un pare-choc et une réserve de sable. Un brise-lame a été construit en 1968 ; mais il a déplacé le problème plus au sud. Des murs de gabion ont été implantés pour protéger le palais en 1989 ; mais ils ont aggravé le problème. Pour réduire cette dynamique rapide, il faut protéger la dune bordière par la reconstitution de sa végétation et en protégeant le font dunaire par des brise-vents. Il faut diminuer l’agitation en créant des barrières submersibles allongées. Il faut aussi construire un môle rocheux au sud du Palais pour constituer un point d’encrage.

3.2. La dune côtière et sa fragilité (les cas de la côte tétouanaise et du débouché de l’oued Cherrat) Au-dessus du haut de plage, le matériel sableux est fréquemment remanié sous forme de dunes plus ou moins vives, car plus ou moins couvertes de végétation. Ces dunes constituent très souvent un domaine gagné par l’urbanisation puisqu’elles sont situées immédiatement au-dessus des plages ; c’est là que sont édifiées les stations balnéaires et notamment la partie en dur de ces stations. Cette urbanisation prive la mer d’un stock que normalement elle utilise lors des tempêtes et qui sert à atténuer la puissance nette des vagues et courants et à réduire leurs effets érosifs. Là où l’urbanisation n’a pas encore gagné, le piétinement par les baigneurs a souvent contribué à dégrader le couvert végétal et donc permis la remobilisation des sables par le vent. Souvent ce stock de sable est considéré comme une ressource importante à exploiter ; et c’est pourquoi des files de camions, avec ou sans autorisation, prélèvent des quantités importantes de sable pour la construction. Le cordon littoral méditerranéen est recouvert dans cette zone par un large cordon dunaire qui ferme la plaine de Martil, le stock de sable redistribué par la dérive littorale est déposé par le vent à proximité du rivage et constitue une large zone dunaire (plus de 300 m). Très tôt, ces dunes instables ont été fixées (plantations d’eucalyptus). La construction de la route en corniche de Martil vers Cabo Negro a constitué le premier pas dans la déstabilisation du cordon dunaire. Les bordures ont été défrichées sur une grande profondeur. Des carrières de sables ont été ouvertes dans ce milieu sensible.

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3.3. Les falaises en matériel non ou faiblement consolidé Souvent les falaises ne sont pas concernées par les aménagements et ne sont donc pas affectées par l’impact anthropique. Mais les constructions implantées trop près des falaises sont soumises à des risques très grands que l’on aurait pu éviter en choisissant avec plus de précautions les sites d’implantation et d’aménagement. Des petites falaises se sont nouvellement constituées au nord de Mohammedia, au-dessus de la plage Monica, à la suite du prolongement de la jetée du port. La plage qui était limitée par de basses collines modelées dans du matériel terrigène a connu une recrudescence érosive. Or, la plage Monica avait été choisie pour l’implantation d’un quartier de villas de standing élevé. Les maisons les plus proches de la mer sont donc fortement menacées, ainsi que les rues qui les desservent.

IV. Perspectives Dans une perspective d’aménagement équilibré du territoire, avec redistribution spatiale des hommes et des activités, il va être nécessaire d’adopter des restrictions sérieuses dans l’urbanisation des côtes et dans les rejets d’eaux usées et de déchets. Diverses mesures permettront d’obtenir une meilleure qualité du littoral : – observation du trait de côte et limitation des actions de perturbation du budget sédimentaire du rivage (construction de jetées mal localisées, occupation et « bétonisation » des dunes bordières et de haut de plage, prélèvement de sable) ; – conservation de fenêtres naturelles sur la côte avec leur biodiversité originelle et leur richesse paysagère, afin d’éviter l’artificialisation de la totalité de la côte ; dans le même ordre d’idée, empêcher la privatisation du domaine public littoral ; – surveillance de la qualité des eaux des plages pour éviter les problèmes de santé en garantissant le fonctionnement d’unités d’épuration, au moins partielle des eaux de rejets ; – application de réglementations plus strictes concernant le rejet d’eaux usées en mer, dans le but d’éviter les impacts négatifs sur la flore et la faune marine et les habitats côtiers.

1. Cadre juridique Il se caractérise par l’absence de principes et règlements applicables à l’utilisation des terres, appliqués au domaine côtier de manière spécifique (Mekouar, 1986). Or la rationalisation de l’usage est nécessaire pour éviter la dégradation du patrimoine. Il faudrait donc un code littoral spécifique et des instruments pour réguler l’utilisation de l’espace et des ressources (par exemple, la création d’une agence du littoral). Jusqu’à maintenant, le littoral, espace fragile, n’a pas fait l’objet d’une politique d’aménagement et de sauvegarde de ses ressources. La législation n’est pas spécifique pour orienter l’action sur cet espace particulier, mise à part la circulaire de 1964, recommandée pour l’examen des projets de grande envergure. Seules la réglementation concernant l’utilisation du Domaine public et celle de la protection des milieux natu207

rels sont agissantes. Mais, les dahirs du domaine public, des établissements classés de la pêche maritime, des gisements d’hydrocarbures, des lotissements, et même la loi sur l’environnement ne sont pas spécifiques du domaine littoral. La nouvelle loi sur l’Environnement traite des espaces et des ressources marins. Cette loi prévoit « des dispositions législatives et réglementaires ... pour prévenir et mettre fin aux activités susceptibles d’altérer la qualité des eaux et des ressources marines, de porter atteinte à la santé de l’homme ou de nuire à la faune, à la flore, aux intérêts connexes et à l’environnement marin et côtier en général ». Les mécanismes et les moyens de protection sont entre autres des schémas et des plans d’aménagement et d’exploitation du littoral. Mais, des textes sont attendus pour fixer « les conditions d’exploration, d’exploitation et de mise en valeur des ressources marines » et « les mesures nécessaires pour la prévention et la lutte contre la pollution marine, y compris celle résultant des accidents maritimes imprévisibles » ainsi que « les critères nécessaires au classement des aires spécialement protégées ». Pourtant, le Maroc a adhéré à plusieurs conventions et en a ratifié plusieurs. Mais l’effet tangible reste limité du fait des contraintes, notamment financières. Les planificateurs n’ont jamais considéré la côte comme un milieu à part à gérer en tant que milieu de vie et d’activité. La planification est conçue pour les espaces urbains ou pour les territoires des régions, mais pas à l’échelle de la zone côtière, c’est-à-dire, le domaine public maritime et les espaces limitrophes sensibles, à protéger. Le problème est que cette bande de contact est de délimitation difficile ; la profondeur de 50-60 km à l’intérieur des terres est souvent avancée ; mais d’autres auteurs veulent limiter l’extension au rivage stricto sensu, c’est-à-dire à la zone de contact terre-mer. Le littoral comprend en outre 66 000 km2 d’eaux territoriales et 1,1 M km2 de zone économique maritime exclusive. La loi « littoral » devrait permettre de préserver les sites, de privilégier les activités spécifiques, favoriser l’aménagement de cet espace et la valorisation de ses ressources, faciliter la gestion du domaine public et clarifier les compétences des divers acteurs. Cette loi est supposée ajouter des contraintes supplémentaires à celles régies par les autres lois. Le principe retenu pourrait être celui de l’aménagement en profondeur, les normes devenant plus contraignantes à proximité du rivage. On proposerait une zone non constructible de 100 m et une deuxième bande, avec plusieurs contraintes. On doit garantir par ailleurs le passage piétonnier dans le domaine public maritime (passages transversaux obligatoires tous les 500 m). Les travaux pouvant porter atteinte à l’état naturel de la côte seraient en principe interdits, sauf pour rendre un service public. Les ports de plaisance ne seraient édifiables qu’après enquête publique et convention avec l’exploitant. Les rejets directs en mer seraient interdits et les établissements tenus de traiter leurs eaux usées.

2. La prospective d’évolution du littoral Si on se réfère au scénario tendanciel pour le futur de la Méditerranée (hypothèse de la poursuite des tendances actuelles), les pays du nord continueront à développer, à cause des progrès dans les domaines de l’éducation, de la sensibilisation, de l’information et du contrôle juridique, des techniques de dépollution qui auront pour conséquence une légère amélioration d’ici 2025 de la situation de la Méditerranée (Plan Bleu, 2004). Au sud, par contre, en fonction de la croissance démographique et du retard dans les domaines éducatif et de la normalisation, la pollution continuera à augmenter. Dans le cadre d’un scénario alternatif de développement durable, de coopération nord-sud et de transfert technologique, l’extension des techniques de dépollution intéressera les pays du sud. Le fonctionnement 208

d’une politique d’aménagement du territoire équilibré et de développement des régions intérieures permettra de meilleures conditions dans l’espace littoral et maritime. La différence entre les deux perspectives réside dans : – l’application de procédés industriels rénovés, dans un contexte de réglementation et d’incitation plus adapté, – le traitement obligatoire des effluents urbains et touristiques avant tout rejet en mer, – l’aménagement du territoire en termes de distribution des implantations. Le problème crucial réside dans la vitesse d’application de cette politique rénovée avant que ne soient enregistrées des catastrophes coûteuses, peut-être même irréparables.

2.1. Indicateurs Divers indicateurs peuvent permettre de dessiner la prospective de l’évolution environnementale du milieu littoral et marin : – Le degré de littoralisation démographique : en effet, la côte est sujette à une concentration humaine croissante et à une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale. Sur le plan national, la population littorale est estimée à 15 M en 2000 et représente 50 % de la population marocaine. L’augmentation annuelle de cette population est plus forte que la moyenne nationale et atteint 2,7 %. – L’urbanisation du trait de côte est non maîtrisée puisque les grandes agglomérations côtières ont tendance à s’étirer le long du rivage, ce qui induit une privatisation effective de la ressource côtière par un habitat fonctionnel de façon continue (non purement touristique) et pose corrélativement des problèmes d’assainissement. La concentration d’activités touristiques, avec séjour purement touristique ou avec habitat permanent déguisé en séjour touristique et loisirs, a pour chaque type un impact environnemental particulier. Il faut signaler notamment l’importance actuelle de l’urbanisation déguisée qui dégrade nettement plus que le tourisme réel, à occupation temporaire. Cette durcification irréversible reproduit le modèle urbain assez souvent. – Les fenêtres naturelles, si importantes pour le développement du tourisme sont de plus en plus rares. – Les rejets de déchets liquides et solides en milieu marin sont élevés. Les taux de rejets liquides en mer des villes et des industries risquent de dégrader durablement l’état du milieu.

2.2. Prospective d’occupation du littoral – Le processus de littoralisation : D’ici 2025, les prévisions font état d’une augmentation importante de la population côtière. Selon le scénario tendanciel, cette augmentation aura des effets négatifs variés. L’accroissement pourrait être plus faible et mieux réparti si un effort d’aménagement du territoire est conçu, avec développement des régions intérieures et meilleure rétention de la population migrante ; cela entraînerait une moindre réduction de l’espace littoral, utilisable pour des actions futures. 209

– Urbanisation du littoral : Le taux actuel élevé de 60-65 % en moyenne atteindra, en 2025, entre 74 et 78 %. Cela pose des problèmes d’équipement, d’environnement côtier, notamment suite à la croissance incontrôlable des périphéries des villes. – Le développement du tourisme littoral : L’augmentation du nombre de touristes sur la côte risque d’être multiplié par trois d’ici 2025, ce qui augmenterait d’autant les nuisances liées à ce secteur et accroîtrait par la même occasion la demande en ressources rares, l’eau en l’occurrence. Mais des actions possibles permettraient de réduire cet impact comme l’étalement des vacances sur toutes les saisons de l’année et la variété des loisirs offerts, avec la prise en compte de la dimension culturelle et le choix pour l’écotourisme. Sinon, les pics estivaux de fréquentation exigent des équipements énormes, notamment un surdimensionnement des infrastructures (eau, assainissement, hôtels, réseaux divers...) avec en même temps une surpollution momentanée mais catastrophique. – Les impacts seront multiples : R Une emprise forte sur le sol qui pourrait doubler d’ici 2025. Dans une perspective tendancielle de croissance démographique jointe à de faibles équipements en espaces verts, la destruction des zones humides (ex Bou Regreg), le grignotage des sols agricoles et de la forêt périurbaine se maintiendront, avec un piétinement excessif des sols et tous les effets de dégradation que cela peut entraîner, notamment en termes de remobilisation éolienne des sables. R La défiguration des sites (buildings surdimensionnés) se poursuivra. R Les constructions touristiques dans le domaine maritime contribueront à la modification des processus dynamiques et initieront notamment des processus d’érosion des plages – base même du développement balnéaire – et de recul des falaises terreuses. Cette évolution semble inéluctable, car même dans une perspective alternative de développement, avec une croissance démographique plus faible, il faudra s’attendre à l’étalement des équipements touristiques. Par ailleurs plus de croissance économique générera forcément plus de demande de loisirs et donc une occupation plus dense. Seule une politique d’aménagement soucieuse de la rareté de la ressource littorale, de l’équilibre entre activités productrices et de services, de l’équité entre les classes sociales, permettra d’éviter que soient suroccupés des sites précieux par une minorité, telle que se conçoit actuellement la politique d’aménagement des côtes.

2.3. La prospective de la préservation du domaine littoral et maritime Le scénario tendanciel de dégradation du littoral et du domaine maritime laisse présager des situations irréversibles de désertion de la faune pélagique, de raréfaction des espèces littorales et benthiques et de dégradation de la qualité esthétique et paysagère du rivage, à assez brève échéance. Cela s’expliquera par la concentration d’activités industrielles sur la côte, notamment dans les régions fortement urbanisées comme le secteur Kénitra-Casablanca et à cause du développement rapide du tourisme, de la réalisation de ports de plaisance, etc. Le scénario alternatif de développement durable doit envisager un aménagement du territoire plus équilibré, avec redistribution spatiale des hommes et des activités, des restrictions plus sérieuses dans les rejets d’eaux usées, grâce au fonctionnement d’unités d’épuration. 210

Le littoral est un milieu convoité, devenu espace de compétition. Du fait de la pression et de l’artificialisation, il devient difficile d’envisager la restauration de l’intégrité des écosystèmes, surtout que les arrière-pays sont souvent en crise. L’aménagement devient donc une urgence, d’autant plus que d’ici 2025, une bonne partie du trait de côte sera construite et donc difficile à réaménager ou à réhabiliter ; l’anticipation est ainsi d’autant plus importante qu’elle insiste sur les atouts de cet espace et tend à les développer.

2.4. Les objectifs d’aménagement du littoral Ils doivent être ciblés : – la limitation du processus de surconcentration littorale des hommes et des activités, – la lutte contre la pollution, – la conservation de la dynamique biologique, – la gestion intégrée du littoral, pour une nouvelle vision des milieux côtiers.

2.4.1. La limitation du processus de surconcentration littorale des hommes et des activités Le littoral concentre, dans des espaces restreints, de plus en plus d’humains, de villes, d’activités, d’équipements et d’infrastructures et constitue donc un secteur clé pour le développement du Maroc. C’est un lieu de compétition entre secteurs multiples, avec des risques de faillite du développement, du fait même, de cette concurrence. En même temps qu’il faut conserver ce dynamisme économique de la frange littorale et baser dessus, le développement du reste des territoires, il est important de réguler cette concentration, pour en limiter les impacts négatifs. Il faudrait profiter au mieux, de l’opportunité de développement que représente la zone côtière, milieu dynamique et en pleine expansion, mais limiter la littoralisation et la concentration excessive des humains, des établissements, des activités et des équipements dans la bande côtière et sur le rivage. Cela signifie : – Faire des choix en termes de politiques sectorielles de développement qui garantissent la croissance, mais permettent de réduire l’impact spatial des projets, leur nombre et leur extension : R exemple, choix pour le rail et pour les transports publics, pour réduire l’impact de l’automobile et des infrastructures routières, R choix pour la rationalisation énergétique pour réduire le nombre de raffineries ou de centrales électriques, R choix pour une gestion par tri et réduction des déchets, pour limiter le volume et le nombre des décharges à mettre en place. – Réglementer l’installation de l’habitat et d’établissements divers dans la zone côtière, par l’institution de schémas directeurs et l’obligation d’études d’impact pour les projets d’envergure et en adoptant des règles d’urbanisme contraignantes, partout où la côte présente un intérêt écologique ou paysager. – Promouvoir une politique d’aménagement du territoire visant à réduire la fracture Littoral / Intérieur et opter pour des politiques territoriales dans l’arrière-pays, en dotant l’agriculture de moyens de résistance et en faisant le choix de développer des centres urbains de petite et moyenne taille, dotés des équipements nécessaires pour retenir une partie de la population en voie de migration. En particulier, envisager des projets de territoires autour de choix planifiés en commun et encourager les initiatives locales de 211

développement durable et la mobilisation des acteurs locaux, trouver des financements, pour des projets de territoires spécifiques ; réunir les acteurs locaux autour de ces projets et monter ensemble une vision de développement durable du territoire qui tienne compte de la diversité des intérêts et des approches.

2.4.2. La conservation de la dynamique biologique Le littoral et la mer sont fondamentaux pour la sécurité alimentaire du pays, pour la durabilité du développement et pour la qualité de la vie. Ces milieux sont d’un intérêt inestimable pour les cycles biologiques et pour la reproduction des espèces et la biodiversité. Le défi est de conserver au littoral marocain sa place de site critique de la biodiversité à l’échelle mondiale. Cela suppose : – La mise en exécution des accords, conventions et protocoles signés pour la protection et le développement des régions côtières et marines, notamment la mise en place des dispositifs de la convention des Nations Unies pour la biodiversité. – L’augmentation du ratio de secteurs protégés, par rapport à la totalité des espaces littoraux et marins et la conservation de multiples ouvertures naturelles, où l’on tente de restaurer ou de maintenir l’intégrité des écosystèmes. Se fixer des objectifs en termes de sections littorales supplémentaires à protéger pour leur qualité paysagère ou biologique. – Dans les secteurs sensibles, destinés à être protégés, privilégier une approche d’appropriation des objectifs de conservation, par les populations concernées, en les impliquant dans le processus et en optant pour des méthodes souples de conservation ou de gestion des ressources naturelles et des espaces avec des affectations diversifiées selon le caractère plus ou moins précieux et plus ou moins fragile des espèces à protéger.

2.4.3. La lutte contre la pollution et contre les évolutions morpho-dynamiques négatives La surconcentration est source de nuisances et d’effets sur les ressources et sur la qualité des milieux. Elle accroît la vulnérabilité aux risques naturels. Le littoral est un milieu fragile affecté par les changements globaux, notamment le réchauffement climatique qui menace le devenir des plages et par là, l’activité balnéaire et l’équilibre des écosystèmes. Certaines des modifications peuvent être profondes, sinon irréversibles. Le défi est de les limiter au mieux. Pour cela, il faut maintenir autant que possible l’équilibre de la dynamique érosion/sédimentation sur le trait de côte, pour éviter le recul sinon la disparition de plages sableuses ou l’envasement/ensablement des ports et des endroits protégés. Cela signifie : – Réguler l’exploitation sableuse sur les rivages, – Veiller à la non durcification des hauts de plages et de dunes bordières, – Mener des études d’impact sur l’hydrodynamique marine avant toute édification de jetées ou de dispositifs sur le trait de côte, – S’adapter vis-à-vis du relèvement du niveau marin, du fait du réchauffement planétaire, en construisant au-delà de la dune bordière. Le transport d’hydrocarbures et de matières dangereuses donne une dimension géostratégique à la côte 212

marocaine, notamment sur le détroit, mais représente aussi une menace permanente pour l’environnement marin et littoral. Il faudrait donc appliquer au mieux les protocoles de sécurité, notamment le protocole « prévention et situations critiques » pour la protection contre les hydrocarbures en cas d’accidents maritimes.

Conclusion La charte de l’aménagement du territoire insiste sur la vision renouvelée du rôle des eaux territoriales et du littoral dans le développement national. Il s’agit d’en faire des espaces privilégiés de développement dans le nouveau contexte de mondialisation. Cela signifie d’abord la valorisation des ressources maritimes, ce qui suppose leur évaluation (connaissance, estimation des équilibres écologiques et des risques). Cela signifie aussi une définition claire des conditions d’exploitation de ces ressources, sauvegardant à la fois l’intérêt des partenaires et la durabilité des ressources. Il faut par ailleurs activer la ratification des conventions et accords ayant trait au domaine maritime, promulguer les textes et créer les institutions à même d’assurer l’application des principes de développement durable du littoral. Les principes sont les suivants : – Éradiquer les formes d’abus menant à des dégradations, à travers l’application de la loi, – Doter les littoraux de schémas-directeurs d’aménagement, et se conformer à leurs recommandations, – Promulguer une loi spécifique du littoral définissant les droits de propriété, les conditions d’exploitation du rivage, les modes de gestion et les conditions d’intervention, – Créer une institution nationale chargée d’aménager les zones côtières, – Améliorer le cadre d’investissement sur le littoral en procédant à la mise en place des infrastructures de base et en améliorant la cadre de vie dans la zone littorale.

Bibliographie Bennouna M., 1992 : La dimension géo-politique du Maroc méditerranéen, Publ. GERM, Éd. le Fennec, p. 103-115. Berriane M. et Laouina A., éds., 1993 : Aménagement littoral et évolution des côtes, l’environnement des côtes marocaines en péril, Publ. du Comité national de Géographie du Maroc, 120 p. Berriane M., 1992 : Le tourisme sur la côte méditerranéenne, Publ. GERM, Éd. le Fennec, p. 121-162. Berriane M., 1994 : Développement touristique, urbanisation du littoral méditerranéen et environnement, in Le Maroc méditerranéen, quels enjeux écologiques ?, Publ. GERM, p. 89-116. Chikhi N., Afkir E., Laouane M. et Chaara A., 1991 : Les problèmes du littoral tétouanais, in Le littoral tétouanais, Publ. du Groupe de Recherches Géographiques sur le Rif, Univ. de Tétouan, p. 83-144 (en arabe). Idrissi H. et al., 1994 : Évaluation de la salubrité du littoral méditerranéen et atlantique nord, ISPM, Trav. et Doc. no 77. Laouina A. 1999 : L’environnement marin et littoral au Maroc et en Méditerranée et les choix économiques et politiques, Rev. Al Baht al Ilmi, IURS, no 46, p. 66-74. Mekouar M. A., 1986 : Système foncier et écosystème côtier, entre terre et mer, le littoral balloté, Revue marocaine de Droit et d’Économie du Développement, no 12. 213

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Évaluation du milieu marin Introduction ............................................................................................................ 217 I. Milieu marin littoral ............................................................................................ 221 1. Présentation du littoral marocain ............................................................... 221 2. Activités littorales .......................................................................................... 222 3. Apports polluant le littoral ............................................................................ 222 3.1. Classification des polluants .................................................................. 223 3.2. Devenir des polluants dans le milieu marin ....................................... 223 3.3. Conséquences des apports polluants sur le milieu marin et sur l’homme .......................................................................................... 224 3.3.1. Matière organique .................................................................... 224 3.3.2. Sels nutritifs ............................................................................... 224 3.3.3. Métaux lourds ............................................................................ 225 3.3.4. Les hydrocarbures .................................................................... 225 3.3.5. Contaminants bactériens ......................................................... 225 II. Qualité du milieu littoral marocain ................................................................. 229 1. Qualité physico-chimique et microbilogique .............................................. 229 1.1. Littoral méditerranéen ............................................................................ 229 1.1.1. Zones conchylicoles ................................................................. 229 1.1.2. Zones urbaines et industrielles de Tetouan .......................... 234 1.2. Littoral Atlantique .................................................................................... 235 1.2.1. Axe littoral Tanger-Casablanca ............................................... 235 1.2.2. Axe littoral Azemour-Safi .......................................................... 252 1.2.3. Axe littoral Agadir-Sidi Ifni ....................................................... 261 1.2.4. Axe littoral Tan Tan-Dakhla ...................................................... 265 2. Efflorescences phytoplanctoniques nuisibles et altération du milieu ........................................................................................................... 269 2.1. La façade méditerranéenne ................................................................. 271 2.1.1. Région de Nador ........................................................................ 271 2.1.2. Région de Tetouan ..................................................................... 274 2.2. La façade atlantique .............................................................................. 276 2.2.1. Frange littorale Tanger-Casablanca ....................................... 276 2.2.2. Frange littorale Azemour-Essaouira ....................................... 277 2.2.3. Frange littorale Agadir-Tan Tan ............................................... 277 2.2.4. Région Dakhla ............................................................................ 280 2.3. Période d’apparition des efflorescences phytoplanctoniques nuisibles ................................................................ 280 III. Surveillance de la qualité du milieu marin littoral et des plages .............287 1. Réseau de surveillance de la qualité du milieu marin littoral ................287 1.1. Stratégie de surveillance ......................................................................289

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1.1.1. Étude pour le classement des zones conchylicoles ............289 1.1.2. Critères d’appréciation de la qualité sanitaire des zones ....................................................................................289 1.1.3. Surveillance régulière ...............................................................290 1.1.4. Surveillance en alerte ...............................................................291 1.1.5. Listes des zones surveillées ....................................................291 1.1.6. Cadre juridrique et technique ..................................................293 2. Réseau de surveillance des plages ............................................................294 2.1. Outils de mise en œuvre du programme de surveillance de la qualité des eaux de baignade .......................................................294 2.2. Procédures d’exécution des programmes..........................................294 2.3. Qualité hygiénique des plages du Royaume : Saison 2003-2004 .......................................................................................298 IV. Accidents écologiques....................................................................................305 1. L’affaire Kharq 5 ..............................................................................................306 2. L’affaire sea spirit............................................................................................306 3. Accident de pollution par l’acide phosphorique, survenu à Jorf Lasfar (octobre 1997) ........................................................................308 4. Mortalité de poissons survenue au port de Casablanca (avril 1998) .......................................................................................................308 5. Pollution organique du bassin portuaire de Larache (janvier 1999)...................................................................................................309 6. Incendie survenu à la société CPCM située sur le littoral de Casablanca (juillet 1999) .........................................................................310 7. Apparition de petits pélagiques à proximité de la côte de Tamaris au sud de Casablanca (juillet 1999)........................................310 8. Accident de pollution par le charbon au niveau de la côte de Mohammedia (août 99)............................................................................311 V. Conclusion et recommandations .....................................................................315 VI. Plan, d’action national pour l’environnement..............................................316 1. Actions du Pane ..............................................................................................317 1.1. Établissement des priorités d’action ...................................................317 1.1.1. Eaux usées ..................................................................................317 1.2. Actions proposées par rapport aux priorités établies .....................318 1.2.1. Réglementation et cadre juridique relatif à la protection du milieu marin.................................................318 1.2.2. Recherche scientifique et surveillance ..................................319 1.2.3. Lutte antipollution .......................................................................319 1.2.4. Préservation des écosystèmes marins...................................320 Bibliographie et documents consultés..............................................................321 Définitions et abréviations ...................................................................................329 Liste des figures ....................................................................................................335 Liste des tableaux .................................................................................................339 Liste des photos.....................................................................................................343

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Introduction Le développement durable, concept consacré depuis la conférence de RIO, est un choix de développement, auquel le Maroc a souscrit au même titre que la communauté internationale. Un choix dicté au niveau national, non seulement par la rationalisation nécessaire de la gestion des ressources, gage du développement socio-économique futur du pays, mais également et surtout en raison d’un souci d’amélioration continue de la qualité de vie du citoyen marocain. Un environnement sain, est de ce fait, un droit fondamental. Le chapitre 17 de l’agenda 21 concernant la protection du milieu marin, exige que les parties contractantes prennent toutes les mesures possibles, afin de prévenir et d’atténuer les effets de la pollution, de protéger la zone maritime contre les effets préjudiciables des activités humaines, de préserver la santé de l’homme et des écosystèmes marins. À cet égard, la connaissance de l’état de l’environnement et son corollaire l’information environnementale sont d’une importance capitale. Aussi, les parties contractantes sont tenues d’établir et de publier à intervalles réguliers des bilans de la qualité du milieu marin ainsi que de son évolution, pour la zone marine les concernant. Les évaluations de la qualité du milieu marin constituent donc une partie intégrante des programmes de protection des zones marines et côtières. Elles donnent, en effet, la possibilité de réunir et d’évaluer les résultats de la recherche scientifique et de la surveillance, ainsi que des informations sur les activités humaines, aussi nombreuses que diverses, qui directement ou indirectement, sont susceptibles de modifier ou de porter atteinte aux caractéristiques naturelles du milieu marin. Combinées, ces connaissances peuvent être exploitées afin de pouvoir analyser et expliquer les changements, leurs causes et leurs conséquences, et pour déterminer les impacts exigeant une intervention rapide des décideurs politiques et des gestionnaires de l’environnement. Les évaluations permettent aussi de juger de l’efficacité des mesures prises ayant pour but d’empêcher la dégradation du milieu marin, de protéger de précieuses espèces et communautés, et de restaurer des habitats et des écosystèmes marins dégradés. Le présent rapport est établi à partir des données les plus récentes, tirées de l’activité de surveillance menée par le Réseau de Surveillance de la Salubrité du Milieu Littoral (RSSL), ainsi que celles issues des travaux de recherche et des campagnes océanographiques réalisées, par l’INRH, le long des côtes marocaines. Il est structuré en plusieurs chapitres. Après la présente introduction, le chapitre I énumère les caractéristiques du milieu marin littoral, en mettant l’accent sur les activités humaines ayant une grande influence sur ce milieu. Les chapitres II et III traitent de la qualité du milieu marin littoral et résume les informations recueillies par les réseaux de surveillance de la salubrité du littoral et de la qualité des plages, en se concentrant sur les apports de contaminants et de nutriments, leurs teneurs dans les différents compartiments du milieu marin et leurs éventuelles tendances de progression ou de régression. Le chapitre IV relate les différents accidents ayant touché le littoral national, en précisant leurs natures, les régions touchées ainsi que leurs effets. Enfin, les chapitres V et VI sont consacrés aux conclusions permettant, d’aboutir aux mesures et actions nécessaires à la préservation du milieu marin et ses ressources biologiques, notamment dans le cadre du plan d’urgence national. 217

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PRÉSENTATION DU MILIEU MARIN LITTORAL

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I. Milieu marin littoral Le littoral constitue la ligne de rivage de la bande côtière terrestre immédiatement en contact avec la mer. Il est le lieu d’interaction entre la mer et la terre, aussi bien dans le domaine physique que dans le domaine socio-économique. L’originalité du littoral résulte de la superposition de deux gradients antagonistes : un gradient de « continentalité » et un gradient d’océanité. Espace de transition entre le domaine terrestre et marin, la zone littorale est un milieu spatialement limité, connaissant généralement une forte pression d’usages. Le littoral marocain représente à l’évidence un patrimoine valeureux pour notre pays. Il présente une façade méditerranéenne s’étendant sur environ 460 km de Tanger à Saidia et une façade atlantique de 2500 km, allant de Tanger à Lagouira. Ce domaine marin, si riche en faune et en flore, joue un rôle socio-économique important pour notre pays et impose par conséquent, un engagement pour sa protection et la préservation de sa ressource naturelle inestimable pour les générations futures. En effet, le milieu littoral subit l’influence d’une pression démographique croissante, d’une concentration industrielle importante (industrie chimique, parachimie, textile, tannerie, centrale thermique...) et d’une grande activité touristique et portuaire. À tout cela s’ajoute l’apport des bassins versants des plus importants cours d’eau.

1. Présentation du littoral marocain Le littoral marocain, à l’instar de tous les littoraux du monde, se caractérise par une morphologie côtière qui diffère profondément d’une région à l’autre, selon le substrat géologique, la tectonique et les facteurs dynamiques d’édification ou d’érosion des rivages. La côte méditerranéenne est très irrégulière, accidentée et constituée de caps et de criques. La mer est composée de trois masses d’eau, une eau atlantique entrante en surface et des eaux sortantes à des profondeurs intermédiaires et profondes. Les marées sont d’une manière générale de faible amplitude. L’océan Atlantique représente une succession de côtes rocheuses et de côtes sableuses, interrompues par des embouchures estuariennes et lagunaires. Il se caractérise par la présence, en permanence, d’une houle assez forte et des effets des courants de marée. La richesse biologique du littoral marocain est liée à la présence d’un grand nombre de zones paraliques tels les lagunes et les estuaires, objets de convoitise malgré leur fragilité, nécessitant une gestion particulière : – Estuaires : les estuaires sont depuis très longtemps utilisés par l’homme pour développer des activités commerciales et industrielles. Ils constituent aussi un lieu d’implantation de ports de commerce et de pêche. Ces activités, se sont souvent accompagnées de modifications hydrauliques et écologiques, qui 221

ont plus au moins perturbé le fonctionnement de ces écosystèmes. On distingue les estuaires des oueds de : Moulouya, Loukkos, Sebou, Bou Regreg, Mellah, Oum Er Rbia, Tensift et Souss, – Lagunes et baies : les milieux lagunaires et les baies sont des écosystèmes paraliques, souvent apparentés de modèles réduits d’océan, qui se développent à l’interface des systèmes hydrologiques continentaux et océaniques et où s’opèrent d’importants flux de matières et d’énergie. Elles jouent un rôle socio-économique pour les populations autochtones, et un rôle écologique capital, en représentant le lieu propice pour les espèces océaniques et continentales limitrophes et d’alimentation pour les espèces migrantes. Il y a lieu de citer, les lagunes de Nador (Mar Chica) sur la Méditerranée et Moulay Bousselham, Oualidia, Sidi Moussa et Khnifiss sur l’Atlantique ainsi que la baie de Dakhla.

2. Activités littorales Les espaces littoraux constituent un pôle structurant la situation économique nationale, qui se traduit par un développement notamment des tissus industriels et touristiques. L’industrie occupe une place importante, par sa dynamique, et ses effets d’entraînement engendrant des capacités de création d’emplois. Les principales activités industrielles sont concentrées sur le littoral atlantique (agro-alimentaire, textile, chimie, industrie mécanique...). Celles-ci génèrent le plus d’emplois, principalement dans les grandes agglomérations, avec 77 % d’unités et 80 % d’emplois. Dans cette configuration, l’axe Casablanca – Kenitra constitue l’espace structurant de l’industrie nationale qui a attiré les 2/3 des investissements et a contribué pour 55 % d’emplois. Sur le littoral méditerranéen, Les villes de Tanger et de Nador représentent les deux pôles industriels de la région, dominés par l’industrie sidérurgique, le textile et la confection. La création du port de Bni Nssar à Nador et la zone franche de Tanger ont stimulé les investissements dans la région. En parallèle avec l’industrie, le tourisme représente une activité récemment importée, notamment le tourisme balnéaire, qui a fait basculer les centres d’intérêt économique de l’intérieur vers les côtes, entraînant la multiplication de projets de promotion touristique. Les pôles les plus dynamiques sont Agadir et Casablanca en Atlantique et Tanger, Tétouan et Al Hoceima en Méditerranée. En matière de pêche maritime, bénéficiant de sa position géographique privilégiée, le Maroc possède des côtes considérées parmi les plus poissonneuses au monde. Ceci a permis au secteur de la pêche maritime de connaître un développement important se traduisant, par la modernisation de la flotte, le redéploiement de la pêche hauturière et la création des complexes intégrés. Ceci a contribué à atteindre une production halieutique de 755.450 tonnes en 1999. Cependant, la surexploitation de ces ressources halieutiques, associée aux différentes agressions que subit le milieu marin, notamment la pollution, le dragage, l’utilisation de méthodes de pêche illicite (utilisation de la dynamite), la forte pression exercée sur les nurseries, se traduisent par une diminution des stocks et une menace sur la viabilité de certaines espèces.

3. Apports polluant le littoral La pollution du milieu marin est définie par : « L’introduction directe ou indirecte, par l’homme, des substances ou d’énergie dans le milieu marin, y compris les estuaires, lorsqu’elles ont des effets nuisibles tels 222

que dommage aux ressources biologiques, risque pour la santé humaine, entrave aux activités maritimes y compris la pêche, altération de la qualité de l’eau de mer du point de vue de son utilisation et dégradation des valeurs d’agrément. » Une grande partie des polluants rejetés dans l’environnement à travers des rejets urbains, industriels et agricoles parviennent au milieu marin directement par émissaires, déballastages, forage Off-Shore ou indirectement par ruissellement, par des apports fluviaux et par l’atmosphère. Localement, ces apports peuvent modifier la qualité du milieu, empêcher ou freiner le développement de certaines activités telles la conchyliculture, aquaculture, tourisme, etc.

3.1. Classification des polluants On distingue : Les polluants conservatifs : qui restent en permanence dans le milieu marin, soit dispersés dans l’eau soit fixés sur du matériel particulaire composé généralement de matière organique contenue dans la vase. Classiquement, il y a lieu de signaler : – Les métaux lourds : mercure, cadmium, plomb... – Les polluants organiques non biodégradables : PCB, DDT. Les polluants chimiques non conservatifs : tels que la matière organique, les sels nutritifs, les hydrocarbures, les détergents et les produits sanitaires, qui disparaissent à terme. Ils ne présentent donc de danger que par leurs conséquences immédiates. De même, certains polluants organiques réellement biodégradables, peuvent évoluer vers des sous produits plus au moins stables, qui peuvent être plus toxiques qu’à leur état initial. La biodégradabilité n’est donc pas obligatoirement une indication de disparition des polluants et des effets toxiques. Les polluants microbiens : qui sont véhiculés en quantités considérables au milieu marin par l’intermédiaire : – Des rejets urbains : issus des eaux usées domestique et industrielle. – Des effluents agricoles : les bactéries présentes dans les excréments des animaux survivent dans le lisier et, après épandage, l’action conjuguée du ruissellement et de l’érosion leur fait tout naturellement suivre la direction des cours d’eau. Faisant partie de la flore intestinale des animaux à sang chaud (dont l’homme), ces bactéries sont en très grande majorité inoffensives (germes témoins de la contamination fécale). Des individus malades contribuent cependant à des apports de micro-organismes pathogènes.

3.2. Devenir des polluants dans le milieu marin Certains polluants, notamment chimiques, peuvent être véhiculés à l’état dissous dans la masse d’eau. Le pouvoir de dilution, fait que les concentrations finissent par atteindre des valeurs très faibles et deviennent moins dangereuses. D’autres se fixent sur le matériel particulaire et ont donc un comportement lié au sédi223

ment (transport en suspension ou en charriage près du fond). Ils se trouvent principalement adsorbés sur la fraction organique liée à la vase. En général, un endroit vaseux aura plus de risque d’être pollué qu’un endroit sableux. S’agissant des bactéries, leur survie en mer dépend de nombreux facteurs : la température, l’éclairement, la turbidité, et les taux de matière organique. Les T90 (le temps nécessaire à la disparition de 90 % des bactéries) peuvent varier de quelques heures (le jour, en été, en Méditerranée par beau temps) à quelques jours (Atlantique par temps couvert). Les bactéries pénétrant dans le milieu marin sont également soumises à divers prédateurs (d’autres bactéries, des bactériophages et autres petits organismes marins....), mais la dilution joue souvent un rôle plus important que la mortalité, dans la diminution de la concentration bactérienne. La pollution microbienne est généralement une pollution de proximité. Les sources de contamination doivent être recherchées localement.

3.3. Conséquences des apports polluants sur le milieu marin et sur l’homme La nocivité des polluants varie selon leur nature et les caractéristiques physique et biologique de l’environnement dans lequel ils sont rejetés. Compte tenu de leurs faibles teneurs, leur toxicité reste difficile à établir.

3.3.1. Matière organique Présente en quantité modérée, la matière organique contribue à l’enrichissement du milieu marin et favorise la production biologique. Cependant, si elle est excédentaire par rapport aux possibilités d’assimilation du milieu, elle peut entraîner une dégradation des peuplements en place (voisinage d’émissaire). En général, l’impact de la matière organique est moins important dans les zones où les courants des marées favorisent sa dispersion (cas de l’Atlantique). Au niveau des zones confinées ou dans certains estuaires, la matière organique rejetée subit une oxydation qui consomme de l’oxygène, ce qui provoque une anoxie du milieu et le rend par conséquent défavorable aux organismes vivants.

3.3.2. Sels nutritifs Les sels nutritifs azotés (ammoniaque, nitrate, nitrite) et phosphorés (phosphates) sont des composés nécessaires à la vie aquatique. Leur niveau de concentration en fonction de la lumière favorisera ou limitera la croissance de la biomasse. Présents en excès, ces éléments peuvent provoquer un phénomène d’eutrophisation du milieu, en particulier dans les zones fermées ou semi-fermées (lagunes, estuaires...). Ils sont présents dans l’eau sous forme minérale, telle que les nitrates, les nitrites et les orthophosphates, ce qui favorise leur assimilation par l’ensemble de la chaîne alimentaire aquatique. Ceci assure un retour partiel de ces éléments au milieu.

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3.3.3. Métaux lourds Les métaux lourds sont des polluants non biodégradables, qui peuvent affecter la vie aquatique. Depuis les producteurs primaires, le risque de contamination s’amplifie au fur et à mesure que l’on remonte à travers les maillons de la chaîne trophique (phénomène de bioaccumulation ou de biomagnification). La contamination métallique de l’environnement marin est le plus souvent d’origine humaine, plus rarement d’origine naturelle. Parmi les sources naturelles, le drainage des eaux riches en minerais par lessivage des sols ainsi que le dégazage de la croûte terrestre, qui rejoint l’hydrosphère par les retombées volcaniques.

3.3.4. Les hydrocarbures L’importance du trafic maritime, le développement de l’exploitation Off-Shore et l’implantation littorale d’unités de raffinage, sont autant de causes chroniques ou accidentelles de rejets d’hydrocarbures dans le milieu marin. Parmi les quatre principales classes d’hydrocarbures (parrafiniques, naphténiques, oléfiniques, aromatiques polycycliques HAP), les HAP représentent la classe la plus importante en raison de leur caractère toxique. Ils peuvent avoir un caractère toxique aigu ou chronique pour les organismes vivants et leur environnement. Dans le milieu marin, les concentrations des HAP sont rarement suffisamment élevées pour provoquer, sur le coup, la mort des organismes aquatiques. Habituellement, les changements physiques et biochimiques sont les résultats d’expositions prolongées à des concentrations relativement faibles. Par l’intermédiaire de la consommation du poisson ou des coquillages contaminés, certains HAP cancérigènes atteignent l’homme. Leur introduction dans l’appareil gastro-intestinal, même à concentration basse, de manière continue ou répétée, présente un danger potentiel pour la santé du consommateur des produits marins.

3.3.5. Contaminants bactériens Eaux de mer La pollution résulte des apports extérieurs comme des rejets non traités. Les risques sont surtout cutanés ou muqueux, amplifiés par les irritations de la peau et des muqueuses dus au soleil et à la salinité de l’eau de mer. Au-delà d’un certain seuil, apparaissent des troubles intestinaux. Il existe une spécificité des réponses pathologiques suivant l’agent bactérien présent. À côté de ces deux types de troubles, on peut observer une pathologie correspondant à des affections Oto-rhino-laryngologique, à la surinfection de plaies et à des otites externes. Coquillages Une grande partie des coquillages filtrent, pour se nourrir, des volumes d’eau très importants et concentrent les éléments en suspension dans l’eau, supports de polluants microbiens. Ils deviennent, dans certains milieux très pollués, de véritables réservoirs de germes dangereux. Parmi les affections transmises par ces coquillages contaminés, les salmonelloses et les gastro-entérites virales sont au premier plan. La consommation de ces organismes marins peut ne provoquer chez le consommateur qu’une simple gastro-entérite dans les cas les plus bénins. Mais d’autres toxi-infections de type typho-paratyphoïdiques ont des conséquences plus sérieuses. 225

La figure suivante donne un aperçu sur les impacts possibles de divers apports en milieu littoral.

Figure 1 : Impacts possibles de divers apports en milieu littoral.

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QUALITÉ DU MILIEU MARIN LITTORAL

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II. Qualité du milieu littoral marocain 1. Qualité physico-chimique et microbiologique 1.1. Littoral méditerranéen Le littoral méditerranéen présente quelques points de forte densité de population, surtout entre Tanger et Tetouan. Cette densité s’est accentuée durant la dernière décennie, l’évolution de la population urbaine a connu un rythme relativement plus rapide que celui de l’ensemble du Maroc. Cette évolution s’est accompagnée notamment du développement du tissu industriel dans la région, entraînant un impact négatif sur l’environnement naturel et le milieu marin en particulier.

1.1.1. Zones conchylicoles En plus de la lagune de Nador, le littoral méditerranéen présente plusieurs zones conchylicoles des plus importantes du Maroc, situées entre Fnideq et Kaâ Srass dans la région de Tetouan, et entre Saîdia et Cap de l’Eau dans la région de Nador.

A. Région de Tetouan : La topographie côtière de cette région est caractérisée par une pente généralement faible, une côte rocheuse et des fonds sédimentaires. Elle se présente également comme un grand bassin versant, ce qui engendre, pendant la période des pluies, un grand écoulement et des ruissellements des eaux pluviales. Cette région, présente en général, une bonne qualité physico-chimique des masses d’eau. Les teneurs en produits azotés et phosphorés et les valeurs du pH et de l’oxygène dissous sont caractéristiques des eaux non polluées. Cependant, des pics de concentrations en nitrates (400 et 500 Üg/l) ont été enregistrés au niveau de Oued Laou et Martil pendant l’année 2000. De même, le suivi chimique des coquillages dénote des teneurs caractéristiques des zones salubres. Bien qu’inférieures aux normes admises, les concentrations en Pb enregistrées sont plus élevées que celles du Cd et du Hg au niveau de l’ensemble des sites étudiés. Les résultats montrent également que les variations annuelles sont irrégulières, ce qui rend difficile l’interprétation des tendances.

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Figure 2 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages,en mg/Kg.ps

La présence des hydrocarbures aromatiques (HAP) dénote des concentrations faibles, avec un maximum au niveau de M’diq. Ceci serait dû au port de pêche de cette ville. Figure 3 : Concentrations des hydrocarbures HAP dans la chair des coquillages en mg/Kg.equiv.chrys

Les eaux de la zone littorale méditerranéenne comprise entre Fnideq et Kaâ-srass, dénotent une bonne qualité microbiologique, excepté pendant la période des pluies où de légers dépassements du seuil de la salubrité sont observés au niveau de Kabila, Martil et Oued laou. Les pluies torrentielles que connaissent ces sites, en période hivernale, drainent les polluants engendrés par l’activité terrestre vers la mer, par le biais des bassins versants à savoir, Oued Martil, Oued Smir et Oued Laou.

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Figure 4 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages dans la région Fnidek – Kaâ-Srass

B. Zone côtière de Nador (Saîdia – Cap de l’Eau) : c’est une zone marquée par la présence de plusieurs espèces de coquillages, principalement la praire et l’haricot de mer. Les sites étudiés (Moulouya et Cap de l’Eau) témoignent de l’absence de toute contamination chimique notable. Les résultats du dénombrement des Coliformes fécaux thermotolérants (C.Th) montrent une faible contamination bactérienne, qui reste toujours inférieure aux normes admises.

Figure 5 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages dans la région Cap de l’eau – Saïdia.

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C. Lagune de Nador Appelée aussi Marchica (11 500 ha), cette lagune est séparée de la mer par un cordon dunaire d’environ 24 km de longueur. Elle est le siège de pressions anthropiques importantes, vu sa position géographique et son intérêt économique. Elle connaît une activité aquacole importante caractérisée par l’élevage de certaines espèces de poissons et de mollusques bivalve (huître creuse). La densité de la population humaine de la province de Nador avoisinant 120 habitants/km2, et les apports continentaux acheminés vers la lagune par le biais de Oued Selouane, des canaux d’irrigation et des eaux de ruissellement constituent des sources de pollution affectant cette lagune. Les différentes études menées au niveau de la lagune ont permis de mettre en évidence son évolution générale, et de cerner les vecteurs de cette évolution. L’évolution sédimentaire et géochimique a été influencée par des facteurs naturels (fermeture de la passe...), mais également par des actions anthropiques (ferme aquacole, eaux usées...). C’est ainsi que l’on note un enrichissement de la lagune en éléments nutritifs et en matière organique, pouvant menacer son équilibre écologique. La zone d’Atalayoune est située loin des contaminations urbaines de la ville de Nador et Béni Nsar. Malgré l’existence de bassins de prégrossissement de poissons, cette zone est de bonne qualité microbiologique et chimique.

Figure 6 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages d’Atalayoune.

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La zone de Chaâla est localisée entre deux sources de pollution, l’embouchure de Oued Kabayo et les bassins de lagunage de la station d’épuration des eaux usées de la ville de Nador. Elle reçoit ainsi les rejets des agglomérations d’une part, et ceux de la station d’épuration des eaux usées de la ville de Nador, d’autre part. Ce qui explique les taux élevés notamment en Cu (les concentrations enregistrées oscillent autour d’une moyenne de 200 ppm), observés chez les palourdes prélevées au niveau de ce site. De même, le suivi bactériologique régulier montre des niveau élevés en coliformes fécaux dépassant 7000 CF/100 g de coquillage (mai 2001).

Figure 7 : Concentrations des métaux lourds (moyenne nnuelle dans la chair des coquillages prélevés au niveau des sites de la zone côtière et de lagune en mg/Kg.ps.

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Figure 8 : Concentrations des hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages en mg/Kg.Equiv chrys

Figure 9 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Chaâla

1.1.2. Zones urbaines et industrielles de Tetouan Les rejets principaux qui affectent la qualité du milieu récepteur au niveau de cette zone, sont représentés par les eaux drainées par Oued Mellah, Oued Laou et Oued Martil. Ce dernier, connu par sa forte contamination, reçoit les rejets industriels et urbains de la ville de Tétouan. Cet axe littoral renferme en plus, les ports de plaisance de Kabila et Marina Smir et le port de pêche de M’diq.

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Les données disponibles montrent un impact certain de la charge polluante véhiculée par Oued Martil, notamment le rejet industriel de l’unité électrochimique provoquant une dégradation du milieu par la présence d’un taux appréciable en Hg (allant de 17 à 25 Üg/l d’Hg dans le rejet).

1.2. Littoral Atlantique La façade atlantique s’étendant de la ville de Tanger au nord à la ville de Dakhla au sud peut être divisée, en cinq franges littorales regroupant 36 zones de production conchylicole importantes ainsi que des milieux paraliques (lagunes estuaires et baies) déjà cités.

1.2.1. Axe littoral Tanger – Casablanca A. Zones conchylicoles Cinq zones conchylicoles littorales sont concernées : Sidi Boughaba et Chlihat au niveau de la région de Kenitra, Harhoura au niveau de Rabat, Mansouria et Dar Bouazza au niveau du grand Casablanca. Les éléments nutritifs (nitrates, nitrites et orthophosphates) mesurés régulièrement dans l’eau de mer au niveau de ces zones, présentent des taux relativement faibles, situés dans la gamme des concentrations relevées dans les eaux non polluées. De même, les concentrations en métaux lourds surveillés ne révèlent aucun dépassement des normes admises. La zone conchylicole de Chlihat, située au Nord de l’embouchure de Sebou, se caractérise, par un enrichissement en éléments azotés et phosphorés légèrement supérieurs à ceux relevés au niveau de Sidi Boughaba, située au sud de cette embouchure.

Figure 10 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages en mg/Kg.ps.

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S’agissant des hydrocarbures, il y a lieu de signaler que les concentrations enregistrées, bien que faibles, sont plus importantes (printemps 2000) au niveau de Mansouria et Dar Bouaazza, situées prés des agglomérations urbaines de Casablanca et Mohammedia.

Figure 11 : Concentrations des hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages en mg/Kg.equiv.chrys.

Du point de vue microbiologique, la frange littorale Chlihat – Ouled Sbih connaît des dépassements réguliers en contamination fécale par rapport aux normes admises. Ces dépassements s’expliquent par la proximité de cette zone de l’embouchure de Oued Sebou, connaissant une pollution importante. La qualité microbiologique des zones conchylicoles de Mansouria et Dar Bouâazza, qui constituent les sites de référence nord et sud de la wilaya du Grand Casablanca, est acceptable à l’exception de quelques périodes intermittentes de contamination.

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Figure 12 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Mansouria

Figure 13 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Dar Bouaâzza

a. Lagune de Moulay Bousselham Appelée aussi Merja Zerga, cette lagune est la plus septentrionale de la côte atlantique marocaine. Elle se présente sous forme de cuvette triangulaire dépressionnaire d’environ 37 km2. Elle se situe à environ 120 km au nord de la ville de Rabat et à 40 km au sud de la ville de Larache. La lagune est subdivisée en quatre zones morphologiquement distinctes : – Une zone fluviale qui correspond aux débouchés de Oued Drader à l’est et du Canal de Nador au sud ; – Une zone lagunaire divisée en deux parties par le chenal de Oued Drader ; 237

– La Merja Zerga qui communique de façon permanente avec l’océan ; – La Merja Kahla, peu profonde, située au nord de la lagune. Le régime hydrologique de la lagune résulte de l’interaction entre les apports d’eau douce provenant des oueds, et les apports océaniques dirigés par les marées. Son climat est de type méditerranéen à influence océanique ; et est caractérisé par de longues saisons sèches, l’irrégularité des précipitations et l’étalement de la saison humide. Déclarée réserve biologique depuis 1978 (convention RAMSAR), cette lagune est située dans une région à vocation agricole. Les aménagements à des fins d’agriculture, réalisées dans les bassins versants, constituent une source d’impact sur le système lagunaire. Ces activités ont des incidences directes sur la qualité des eaux lagunaires. Le canal de Nador collecte les eaux de drainage des secteurs situés sur la frange côtière au sud de la lagune. Une grande partie de ces secteurs est aménagée pour la pratique de la riziculture dont les eaux de vidange sont, elles aussi, directement déversées dans le canal de Nador. Un autre problème environnemental identifié au niveau de la lagune a trait à l’extension du village balnéaire de Moulay Bousselham. Cette agglomération a certainement un impact sur la lagune par le biais des eaux usées, et des déchets solides déposés dans des décharges sauvages éparpillées tout autour, en particulier en été où la population augmente considérablement. La faune marine de cette lagune est constituée de poissons (anguilles, mulets, soles) et de mollusques bivalves avec une dominance de la palourde et de la coque. Il ressort des données relatives à la qualité physico-chimique du milieu lagunaire ce qui suit : – La salinité varie suivant le cycle des marées. La pénétration des eaux océanique, à marée haute, fait remonter la salinité à des valeurs équivalentes à celles des eaux marines (environ 36 ‰). À marée basse, les eaux lagunaires sont dessalées par rapport à la marée haute. Cette déssalure augmente au fur et à mesure que l’on approche de l’amont où il y a l’apport en eau continentale. – Les teneurs en sels nutritifs (nitrates et phosphates) connaissent une augmentation de l’aval vers l’amont de la lagune et sont plus élevées à marée basse. La richesse en nutriments pourrait être liée aux écoulements superficiels. En effet, l’Oued Drader draine un bassin d’une superficie de 150 Km2. – Les teneurs en métaux lourds et en hydrocarbures de pétrole, évaluées dans la chair des organismes (Palourde) ne dénotent aucun signe de contamination.

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Figure 14 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages de My Bousselham en mg/Kg.ps

– Le suivi microbiologique réalisé au niveau de cette lagune, montre des dépassements des seuils en période hivernale, dénotant une détérioration de la qualité de ce milieu lagunaire durant les dernières années. Figure 15 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) de la lagune de Moulay Bousselham

Il est nécessaire de poursuivre l’évolution trophique de cette lagune. En effet, l’obstruction progressive du goulet, limitant la communication avec l’océan, contribuera à augmenter le volume des eaux usées pouvant être transportées par les eaux continentales, ce qui risque de provoquer une dégradation plus rapide de la lagune. 239

b. Estuaire de Loukkos Cet estuaire a une superficie de 2250 km2, comprise entre 35o 9’ et 35o 14’ N 6o 5’ et 6o 30’ W. Il se trouve au niveau de la ville de Larache entre les régions du Tangérois et du Gharb et présente les caractéristiques d’un Oued Côtier. La zone d’embouchure, située en aval, est ouverte sur l’océan Atlantique. Les eaux fluviales du Loukkos drainent les rejets d’eaux usées des villes de Ksar Lakbir et de Larache, en plus des rejets résultant de l’activité du port de pêche de Larache, situé au niveau de l’embouchure. La qualité physico-chimique des masses d’eaux présente des valeurs non régulières dans le temps. Cependant, elles sont marquées par des concentrations plus importantes en nitrates (140 Üg/l valeur moyenne enregistrée en 2000). Ces valeurs restent caractéristiques des eaux estuariennes.

Photo 1 : Embouchure de oued Loukkos

S’agissant de la contamination par les métaux lourds évaluée dans la chair des moules, les concentrations relevées restent faibles dénotant une bonne qualité du milieu.

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Figure 16 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages provenant de l’estuaire du Loukkos en mg/Kg.ps

c. Estuaire de Sebou L’estuaire de Sebou est situé à proximité des villes de Kénitra et de Mehdia. Ce bassin draine autres que les rejets urbains de la ville de Kénitra, les rejets industriels de la cellulose du Maroc, de la Centrale Thermique et de la Compagnie Marocaine du Carton et Papier de Kénitra. Il connaît aussi une forte activité portuaire avec les ports de pêche à Mehdia et de commerce à Kénitra. La partie amont, constitue le réceptacle de diverses activités urbaines, industrielles et agricoles. Ces différentes activités s’accompagnent de nombreux problèmes de pollution qui touchent l’environnement aquatique, et par conséquent le milieu marin, récepteur des eaux continentales drainant des substances polluantes dissoutes ou particulaires. Le suivi des variations temporelles des paramètres physico-chimiques au niveau de l’embouchure, a permis d’évaluer l’apport important de nutriments azotés et phosphorés ainsi que la matière en suspension, entraînés par les eaux continentales. L’évaluation des teneurs en métaux lourds dans le sédiment et dans la matière en suspension a montré, qu’avec un maximum 780 ppm, le chrome est l’élément le plus abondant. La présence de cet élément en quantité importante est due aux rejets provenant essentiellement des tanneries. Ceci montre la nécessité de la multiplication des efforts, en vue de limiter la dégradation du milieu marin récepteur, bien que les teneurs observées dans les organismes marins prélevés au niveau de l’embouchure (Mehdia) soient faibles, du fait du pouvoir épurateur du milieu marin. S’agissant des hydrocarbures, il y a lieu de signaler que ces derniers se maintiennent à des concentrations fluctuantes non négligeables, parfois importantes, dénotant l’impact des apports estuariens ainsi que ceux résultant de l’activité du port de Mehdia.

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Figure 17 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair de coquillage provenant de Sebou en mg/Kg.ps

Figure 18 : Concentrations des hydrocarbures (HAP) dans la chair de coquillage provenant de Sebou en mg/Kg. Equiv chrys

La contamination du milieu récepteur, principalement à partir des effluents industriels est aggravée par le rejet, à une température suffisamment élevée, des matières organiques contenues dans les eaux résiduaires. Cette situation crée des conditions eugénésiques pour la survie voire la multiplication des micro-organismes. Les eaux usées qui sont déversées sans traitement préalable constituent une menace aussi bien pour la santé de la population qui puise son eau d’alimentation à partir de Sebou que pour la faune et la flore. La charge bactérienne subit une augmentation en été, jusqu’à ce qu’elle atteigne un seuil alarmant. En effet, les rejets des industries coïncident avec la période estivale, ce qui a des effets néfastes sur le milieu récepteur du fait que les micro-organismes qui s’y développent, en dégradant les substances organiques rejetées, 242

amènent le milieu à un déficit en oxygène dissous. Une réduction de la charge bactérienne est constatée au niveau de l’embouchure, qui peut être attribuée au phénomène de dispersion et de dilution déjà cité. d. Estuaire de Bou Regreg Le fleuve de Bou Regreg s’étend sur une longueur d’environ 24 km en aval du barrage de Sidi Mohammed Ben Abdellah. L’embouchure du fleuve est située sur la côte nord ouest atlantique séparant les villes de Rabat et Salé. La plus importante altération de l’écosystème est d’origine urbaine. En effet, les villes de Rabat et de Salé, dont la population dépasse actuellement un million d’habitants, engendrent des rejets d’eaux usées émanant des habitations, des unités industrielles et de l’agriculture (élevage de bovins, ovins et volaille). Ces rejets sont véhiculés par des collecteurs ou déversés directement dans l’estuaire. Par ailleurs, les décharges urbaines installées tout près de l’estuaire et les lâchés du barrage de Sidi Mohammed Ben Abdellah engendrent, pendant les périodes pluvieuses, un apport important en eau, anoxique, turbide et chargée en matière organique et en particules en suspension (MES). Ceci conduit parfois à des mortalités massives de poissons. La qualité physico-chimique des masses d’eaux marines reste légèrement influencée par les apports continentaux, normalement riches en substances azotées et phosphorées. La contamination métallique des coquillages, relève des concentrations non régulières. Les teneurs importantes en cuivre et en plomb ont atteint 40 Üg/g p.s. durant l’année 2000. La contamination par les hydrocarbures est plus importante que celle relevée au niveau des zones conchylicoles situées en dehors de la zone estuarienne. Les teneurs en HAP, bien que non régulières, montrent qu’il y a un apport fluvial en ces substances vers la mer.

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Figure 19 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages provenant du Bouregreg en mg/Kg.ps

Figure 20 : Concentrations en hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages provenant du Bouregreg en mg/Kg. Equ.chrys.

S’agissant de la pollution microbiologique de cet estuaire, il est à signaler que cette dernière enregistre des concentrations alarmantes, pouvant atteindre plus de 106 C.Th/100 g de chair de coquillages, au niveau de certains points de l’estuaire, ce qui confirme les résultats chimiques obtenus au niveau de ce site, et dénonce l’impact de l’activité longeant l’estuaire. La mauvaise qualité microbiologique de l’écosystème estuarien de Bou Regreg rend les plages de Rabat et Salé impropres à la baignade ; ceci est d’autant plus alarmant que la colimétrie est très élevée, et l’isolement des salmonelles est fréquent en période estivale où l’activité récréative bat son plein.

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B. Zones urbaines et industrielles de la Wilaya du Grand Casablanca a. Zone de Mohammedia La ville de Mohammedia est un pôle économique qui reflète un développement industriel important. Les entreprises dénombrées représentent 3.3 % du nombre total des unités de la région CasablancaMohammedia. La répartition des activités par secteur, selon leur importance, fait ressortir la prédominance des secteurs de transformation des minéraux, du textile, du cuir et enfin de l’industrie chimique et parachimique. La ville abrite également le grand complexe électrochimique du pays, une raffinerie et une centrale électrique. Cet axe littoral reçoit deux bassins versants à savoir ; Oued Mellah, dont la partie estuarienne est transformée en émissaire des eaux usées à ciel ouvert, drainant les eaux urbaines et industrielles de la ville de Mohammedia et Oued Nfifikh. À tout cela s’ajoute, les ports de pêche et de commerce de la ville. Le suivi réalisé en matière d’évaluation de l’effet de ces activités sur le milieu marin fait ressortir les niveaux de contamination chimique suivants : La caractérisation physico-chimique (nitrates, nitrites, orthophosphates) des masses d’eau et le suivi microbiologique, dénotent une contamination urbaine importante au niveau de l’estuaire de Oued Mellah, qui reçoit la majorité des eaux usées de la ville, avec des taux élevés en orthophosphates, en azote ammoniacal et en coliformes thermotolérants, atteignant des concentrations de l’ordre de 2,9.106 CF/100 g de chair de coquillage. Les résultats portant sur l’analyse des métaux lourds (Cd, Pb, Hg, Cu) révèlent une contamination importante au niveau des différents points de prélèvement, dépassant dans certains cas les valeurs tolérables. En effet, au niveau de la plage d’Ouled Hmimoune recevant les rejets de la société d’électrolyse, les niveaux du mercure dans les moules ont atteignent des concentrations importantes (7.7 Üg/g p.s. hiver 1999) avec un pourcentage en méthyl mercure (forme la plus toxique) de 20 %. Cependant, il y a lieu de signaler que ces concentrations ont connu une baisse, suite à la mise en place de nouveaux procédés, ce qui justifie la diminution des teneurs, en mercure, au niveau de ce site et ce, à partir de l’année 2001. Figure 21 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps

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L’évolution spatiale des hydrocarbures aromatiques révèle des concentrations élevées au niveau du site situé à proximité de l’émissaire de la raffinerie. Ces concentrations ont atteint 150 ppm en hiver 1999. De même, des teneurs non négligeables ont été enregistrées au niveau des stations éloignées, dénotant l’impact de cette activité sur la frange littorale avoisinante. Figure 22 : Concentrations en hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages en mg/Kg. équiv. chrys

b. Zone de Casablanca Le littoral casablancais reste la région industrielle marocaine par excellence. En effet, elle assemble les 2/3 des unités de production et près de 70 % de l’emploi industriel. Elle est aussi, grâce à son port, le principal centre commercial du royaume. Plusieurs émissaires d’eaux usées sont rejetés au niveau de cette frange littorale, notamment ceux regroupant les eaux usées des agglomérations et des unités industrielles de Aïn Sebâa-Zenata. Les résultats de l’évaluation de l’impact de ces activités sur le littoral montrent : – une contamination des eaux et du sédiment du bassin portuaire par les hydrocarbures de pétrole. Cette contamination a plusieurs origines ; fuites des réservoirs de stockage, pertes des pompes se trouvant sur les quais et des moteurs des bateaux, etc ; – une contamination par les métaux lourds, essentiellement le Fe, le Chr, le Cu et le Cd, due à l’introduction directe et indirecte d’éléments métalliques dans les eaux portuaires à partir des bateaux au mouillage, et par les rejets des eaux urbaines et industrielles existants à proximité de l’enceinte portuaire ; – que l’emplacement du port sur le littoral casablancais fait séparer celui-ci en deux zones bien distinctes. La zone située au nord du port, à caractère industriel (Ain Sbaâ), connaît une contamination plus importante des organismes marins (moule) par les métaux lourds (Hg et Pb), les hydrocarbures et les PCB. La zone située au sud du port (baie d’Al Hank – Dar Bouazza), caractérisée plutôt par des rejets domestiques, connaît une richesse plus importante en éléments azotés et phosphorés ; 246

– l’effet de la prolongation de la conduite d’évacuation des rejets d’Al Hank sur les zones balnéaires situées au sud. En effet, sous l’influence de la houle et de la dérive littorale, l’impact localisé autrefois au niveau de la zone d’Al Hank s’est déplacé vers le site de Sidi Abderrahman ; – des seuils alarmants de taux de coliformes fécaux thermotolérants, ainsi que la présence quasipermanente du germe pathogène Salmonella à proximité des émissaires, principalement en période estivale où l’activité récréative est à son maximum. Les eaux usées non traités des différents émissaires évacuées directement sur cette frange littorale, sont en grande partie à l’origine de cette pollution microbiologique. Ainsi, les nuisances sont très marquées au niveau des exutoires des eaux usées. Par ailleurs, plusieurs études ont été menées en vue d’évaluer l’impact biologique de ces différents rejets. Elles ont porté sur : – L’évaluation de la toxicité aiguë vis-à-vis des bivalves marins (moule, palourde et huître) ; – L’évaluation de la toxicité sublétale (comportementale) vis-à-vis des bivalves marins ; – L’évaluation de la spermiotoxicité et de l’embryotoxicité chez l’oursin de mer (Paracentrotus lividus) ; – L’évaluation de l’impact sur la distribution des peuplements benthiques. Photo 2 : Rejets liquides des activités d’électrolyse et de pétrochimie (Mohammedia)

Les résultats de ces études font ressortir les faits suivants : – L’importance de l’impact de ces déversements sur le comportement de filtration de l’huître creuse (Crassostrea gigas). En effet, l’activité physiologique de filtration est réduite à des taux allant jusqu’à 50 % ;

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Figure 23 : Comportement de filtration de l’huître creuse en fonction des concentrations des rejets dans le milieu

– les rejets de la côte casablancaise exercent une toxicité létale, à des concentrations faibles dans le milieu (allant de 20 à 50 % dans le milieu), vis à vis des trois espèces de bivalves marins (moule, palourde et huître) utilisées comme modèle d’étude ;

Photo 3 : Rejets liquides complexes au niveau de Aîn sebaâ (Oukacha)

248

– Un grand effet toxique chez les cellules spermatiques de l’oursin de mer, se traduisant par une inhibition totale (100 %) du taux de fertilisation, et ceci pour une concentration de 1 % dans le milieu ;

Figure 24 : Effet des rejets liquides de la côte casablancaise sur la reproduction de l’oursin de mer

Effet du rejet d’une raffinerie de pétrole Effet des rejets d’une société de pétrochimie Effet d’un effluent industriel complexe

– Les eaux provenant de la zone de Mohammadia sont les plus toxiques, vis-à-vis du développement embryonnaire de l’oursin Paracentrotus lividus, puisqu’on enregistre plus de 50 % de pathologie du développement embryo-larvaire chez les organismes exposés à ces eaux.

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Photo 4 : Prises de vues microscopiques de larves d’oursins

Larve Pluteus normale Larve Pluteus pathologique Larve Pluteus pathologique Développement bloqué (spécules croisés) (spécules écartés) au stade embryon

– les observations bionomiques, faunistiques et floristiques font apparaître, en général, que la richesse ainsi que la densité spécifiques du macrobenthos (mollusques, cnidaires, échinodermes,...) varient en fonction de la distance par rapport aux foyers de pollution.

Figure 25 : Impact des rejets de la côte casablancaise sur la densité spécifique de l’oursin P. lividus Densité Spécifique des Echnodermes Paracentrotus lividus (D/m2)

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Figure 26 : Impact des rejets de la côte casablancaise sur la densité spécifique de la moule M. galloprovincialis Densité Spécifique des mollusques Mytilus galloprovincialis (D/m2)

Figure 27 : Impact des rejets de la côte casablancaise sur la densité spécifique de l’anémone Anemonia sulcata Densité Spécifique des cnidaires Anemonia sulcata (D/m2)

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La répartition, la densité et la richesse spécifiques chutent brutalement à proximité des rejets de Oued Mellah, des rejets complexes de Oukacha et de Aîn Sebaâ, et se rétablissent progressivement de part et d’autre, dés qu’on s’éloigne des points de rejets. Les rejets les plus toxiques du littoral casablancais sont ainsi, ceux émanant de l’activité d’électrolyse et du complexe industriel de Aïn Sbâa. La toxicité du rejet de la raffinerie viendrait en troisième lieu de nocivité. Les rejets et la charge toxique de Oued Mellah s’avèrent quant à eux, sans effet toxique létal. Le profil d’impact qui se dégage est le suivant : Tableau 2 : Profil d’impact des rejets de la côte de la Wilaya du Grand Casablanca

Ces résultats, complémentaires des analyses chimiques, confirment la nécessité d’un traitement préalable des effluents et des rejets nocifs de la côte casablancaise avant leur déversement direct en mer, et montrent l’importance de la prise en compte de la composante biologique, dans le cadre des études d’impact et de la surveillance du milieu marin.

1.2.2. Axe littoral Azemmour – Safi A. Zones conchylicoles En plus des lagunes de Sidi Moussa et de Oualidia, Cinq zones conchylicoles littorales sont concernées : Jmâa Ouled Rhanem-Lalla Fatna, Cap Beddouza, Essaouira Kedima, respectivement au niveau d’El jadida et Safi. Les résultats d’analyses physico-chimiques et des métaux lourds ne montrent aucune contamination notable. Cependant, il y a lieu de signaler, une accumulation des métaux atteignant les 6Üg/g p.s. en 2000 pour ce qui est du Cd ainsi qu’un enrichissement en Phosphates au niveau d’Essouira kedima. Ces concentrations sont à rapprocher de l’impact des unités de traitement et de transformation des phosphates basées à Jorf Lasfar et à Safi. 252

Figure 28 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps

Le suivi microbiologique régulier de cette zone confirme d’année en année, la quasi-absence de contamination microbiologique au niveau des zones éloignées des agglomérations urbaines.

B. Lagune de Sidi Moussa Située sur la côte atlantique marocaine, dans un cordon interdunaire (32o 52’N – 8o 51’05 w), presqu’à michemin, à une soixantaine de kilomètres d’El Jadida au nord et de Safi au sud, la lagune de Sidi Moussa appartient au bassin côtier du Maroc occidental. Elle se divise en trois secteurs, une passe assurant une communication permanente avec l’océan, une sablière relativement épaisse cantonnée à la tête de la lagune et un chenal principal qui traverse un chorre important en donnant naissance, en cours de route, à de nombreux chenaux secondaires. L’agriculture au niveau des champs bordant la lagune, l’élevage de bétail ainsi que la pêche artisanale effectuée par de petites embarcations sont les activités les plus couramment pratiquées au niveau de ce site. Cette lagune renferme des gisements naturels de palourde, faisant l’objet d’une exploitation artisanale et d’un parc à huître avec une production annuelle de 50 tonnes environ. Du point de vue hydrologique, le fonctionnement de la lagune est fortement tributaire des marées qui se manifestent jusqu’aux confins du système. Les apports en eau douce sont issus pour la plupart du ruissellement direct, des écoulements des nappes phréatiques orientées vers l’océan, et de quelques résurgences qui maintiennent un certain degré de dessalure. Il ressort des données disponibles que : – L’effet de l’intrusion saline, puisque les salinités relevées à marée haute sont toujours supérieures à celles observées à marée basse. Les variations de la température suivent le rythme saisonnier et le pH reste tamponné par le renouvellement d’eau marine pendant les hautes marées ; – Les nitrates et phosphates dénotent des concentrations élevées par rapport aux eaux océaniques côtières, avec des fluctuations saisonnières plus au moins importantes. Ces taux peuvent être liés,

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d’une part, aux apports supplémentaires de l’océan en ce qui concerne les phosphates et d’autre part, à l’influence de l’agriculture développée sur la lagune et les phénomènes de ruissellement des eaux douces ; – Les teneurs en métaux lourds et en hydrocarbures, suivies dans la chair des organismes vivants (palourdes), ne montrent aucun signe de contamination. Cependant, il y a lieu de signaler d’une part, que le Cd présente des concentrations plus élevées que le Pb et le Hg, et un certain enrichissement des sédiments en Cd, d’autre part. L’origine anthropique de ce métal pourrait être liée aux rejets du complexe chimique de traitement des phosphates de Jorf Lasfar ; – Le niveau de pollution fécale est élevé tout le long de l’année au niveau de cette lagune, avec un maximum de 46 000 Coliformes Thermotolérants / 100g de chair et de liquide intervalvaire (enregistré au mois d’août 2001). Les activités régulières entreprises au niveau de ce site en sont à l’origine. De même, il est à noter que les résultats du suivi microbiologique des dernières années montrent une dégradation notable de cette lagune.

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Figure 29 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages provenant de la lagune de Sidi Moussa en mg/Kg.ps

Figure 30 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de la lagune de Sidi Moussa

C. Lagune de Oualidia La lagune de Oualidia est située sur la façade atlantique du Maroc, à 75 km au sud d’El Jadida (32o 44’,42 N – 9o 02’,50 W). Elle est caractérisée par un climat tempéré chaud et une pluviométrie moyenne, variant selon les fluctuations naturelles du régime des pluies. La communication de la lagune avec l’océan est assurée par deux passes situées à l’aval. Elle se prolonge en amont sous forme de chenal long de 7 km jusqu’à la digue séparant la lagune des marées salants. Des sources d’eau douce sont réparties le long de la lagune, ce qui entraîne une dilution des eaux de surface, selon un gradient de dessalure de l’aval vers l’amont. 255

Photo 5 : Passes de communication de la lagune avec la mer

La lagune est bordée par des cultures maraîchères et céréalières, sur une superficie d’une cinquantaine d’hectares. L’activité dominante demeure l’ostréiculture avec l’élevage sur tables de l’huître creuse (Crassostrea gigas) dans cinq parcs répartis le long de la lagune. L’évolution du transit sédimentaire pendant une marée met en évidence, un transport résultant dirigé vers l’aval. Le raisonnement basé sur ce transit mène à supposer que les sédiments qui transitent en provenance de l’amont pourraient être, en partie, responsables de la présence d’un large banc sableux (sablière) en aval de la lagune. Les observations réalisées au niveau de la lagune dénotent ce qui suit : – Le renouvellement assez rapide des eaux permet une bonne oxygénation de la lagune, et une augmentation de la salinité des eaux, qui diminue à marée basse par le fait des apports en eaux douces. La température et la salinité suivent un rythme saisonnier net dans toute la lagune, sauf en amont où de petites résurgences maintiennent une légère dessalure en été. Les variations du pH ne sont pas importantes, traduisant l’effet tampon de la mer ; – Les teneurs en nitrates et en phosphates dénotent une certaine stabilité, avec un gradient croissant de l’aval vers l’amont. Ceci serait dû à la prédominance des cultures maraîchères et des zones de pâturage pour l’élevage situées en amont. Ces résultats semblent être confirmés par les eaux de sources, donc de la nappe phréatique, qui selon la Société Agricole de Service au Maroc (SASMA), sont riches en nitrates. Un apport supplémentaire en phosphates par la mer doit être pris en compte ;

256

– L’apparition périodique de phénomène de contamination organique, aussi bien durant la période estivale que pluvieuse. Cette contamination est attribuée aux eaux de ruissellement, dues aux précipitations s’abattant sur la région, ainsi que celles résultants des infiltrations émanant des puits perdus. Ces phénomènes peuvent contribuer à la dégradation de la qualité du milieu et empêcher, voire freiner le développement de l’activité d’ostréiculture à Oualidia, si des mesures urgentes ne sont pas prises ; – Les concentrations métalliques et celles relatives aux hydrocarbures observées chez les huîtres de Oualidia, ne paraissent pas très élevées, pour conduire à un risque certain de contamination. Le zinc, métal essentiel paraît le plus concentré, tandis que le Cd, le Pb et le Hg montrent des taux plus bas.

Figure 31 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages provenant de la lagune de Oualidia en mg/Kg.ps

– Les niveaux de pollution fécale sont variables au niveau de cette lagune, avec des périodes intermittentes de contamination. Les cultures maraîchères et céréalières le long du rivage de la lagune, utilisent des engrais d’origine animale riches en micro-organismes. Ces champs sont en pente, ce qui entraîne un drainage de ces contaminants vers le milieu lagunaire par les eaux de ruissellement en période de pluie.

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Figure 32 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages de la lagune de Oualidia durant l’année 2000

D. Estuaire de Oum R’bia Oum Rbia est l’un des plus longs fleuves marocains (555 km) qui couvre une superficie de 34.335 km2. Il prend sa source dans le moyen Atlas et rejoint les plaines inférieures de Tadla et de Chaouia. De nombreux barrages sont édifiés sur l’Oued, dont le plus proche de la mer, est la digue construite à environ 15 km. L’estuaire de l’Oued, long de quelques kilomètres, est situé au niveau de la ville d’Azemmour (33o 19’,50 N – 8o 20’,10 W) sur la façade atlantique à environ 90 km au sud de Casablanca. Traversant plusieurs régions urbaines et agricoles, l’Oum Rbia transporte ainsi vers la mer des charges polluantes de différentes natures. Le suivi physico-chimique et microbilogique des eaux de l’estuaire révèle une forte contamination, surtout au niveau de la partie avale qui reçoit les eaux usées de la ville d’Azemmour, qui se déversent dans le milieu récepteur sans traitement préalable. En effet, la contamination microbiologique montre un gradient décroissant de contamination de l’amont vers l’embouchure de l’oued. De même, les fluctuations du pH, de l’oxygène dissous et les résultats des éléments nutritifs confirment l’effet de cette pollution urbaine. Les conditions écologiques prévalant dans l’estuaire, en particulier la réduction des apports d’eau douce suite à la construction de la digue à 15 km en amont, et la prédominance du rôle des marées dans l’hydrodynamique, favorisent le maintien et la propagation de cette dégradation de la qualité des eaux. Les concentrations métalliques relevées dans la chair des coquillages dénotent une accumulation prononcée pour le Cu montrant ainsi, l’impact des rejets de la ville d’Azemmour. L’étude du sédiment montre un profond changement des processus de sédimentation dans l’Oum Rbia, illustré par la formation d’importantes barres sableuses à l’embouchure, qui risque d’être obturée. Aussi, un dragage pourrait améliorer la circulation hydrologique et rétablir de meilleures conditions hydrodynamiques, sédimentologiques et physico-chimiques dans l’estuaire.

E. Zones industrielles El Jadida – Safi Au niveau de ces deux zones, sont implantés deux complexes industriels de traitement des phosphates, dont les effluents se jettent directement en mer. La caractérisation physico-chimique de ces effluents, 258

montre des valeurs anormales au moins pour six paramètres (pH acide, taux élevés en phosphore et en phosphates, ect...), témoignant d’un apport considérable, contribuant à l’enrichissement en phosphates, qui pourrait conduire à l’eutrophisation du milieu.

Photo 6 : Émissaire des rejets liquides – solides du complexe phosphatier de Safi

Photo 7 : Émissaire des rejets liquides – solides du complexe phosphatier de Jorf Lasfar

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La plupart des métaux analysés suivent le schéma d’évolution spatial. Ils présentent des teneurs métalliques moyennes, relativement faibles à l’extérieur des zones recevant directement les effluents industriels. Cette tendance est marquée dans le cas du cadmium et du cuivre. Les teneurs de ces deux métaux sont nettement plus élevées chez la moule prélevée à proximité des foyers de pollution, par rapport aux stations suffisamment éloignées. La comparaison des concentrations en cuivre et en cadmium relevées régulièrement, avec celles établies dans la moule dans d’autres régions du monde, montre l’importance de la pollution par ces deux métaux au niveau de Jorf Lasfar et de Safi, et explique l’accumulation par les organismes de ces métaux au niveau des sites relativement éloignés (Sidi Abed et Essaouira Kedima)

Figure 33 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages en mg/Kg.ps

L’étude de l’effet de cette contamination sur la faune et la flore marines montre que les paramètres fondamentaux des peuplements (richesse, densité) suivent le même schéma d’évolution par rapport au foyer de pollution. Ils subissent une chute brutale à proximité des effluents et se rétablissent graduellement suivant l’éloignement de ceux-ci. Le rejet de Jorf lasfar semble être plus agressif que celui de Safi, en raison de son acidité et du volume des eaux rejetées. Une manifestation spectaculaire de l’impact du rejet sur la faune est illustrée par l’état maladif des moules, qui montrent plusieurs types de malformations (ou déformations) sur les coquilles.

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Photo 8 : Déformations morphologiques des coquilles des moules provenant des zones côtières de Jorf Lasfar

S’agissant des fluctuations temporaires, il est à signaler une tendance à la hausse pour le cuivre. En effet, des teneurs dépassant les 40 mg/kg ont été enregistrées durant les années 1999 et 2000, au niveau des points de suivi situés à Sidi Abed, éloignés d’une dizaine de kilomètres de Jorf Lasfar.

1.2.3. Axe littoral Agadir – Sidi Ifni A. Zones de production conchylicole Six zones conchylicoles littorales font l’objet d’un suivi régulier : Immessouane, Tamri-Cap Ghir, Aghroud, Taghazout, Aglou-Tamhroucht, Tifnit – Sidi Rbat. Cette bande côtière est une alternance de falaises rocheuses et de plages montrant de larges estrans. Le long de cette bande, on trouve d’importants gisements coquilliers, constitués essentiellement de moules et d’haricots de mer.

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Photo 9 : Décorticage et séchage des moules (région d’Agadir)

Il ressort des données disponibles que les résultats des analyses physico-chimiques des eaux marines et des métaux lourds, dans les organismes marins ne montrent aucune contamination notable. Figure 34 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages en mg/Kg.ps

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Toutefois, il y a lieu de signaler, que les zones sud (Sidi Ifni et TanTan), ne connaissant pas de développement urbain et industriel exagérés, enregistrent une accumulation notamment en Cd (année 2000). Ces concentrations (inférieures aux normes admises) peuvent être liées aux remontées d’eau profonde « Upwelling » riche en Cu et en Cd, caractérisant la région. Les résultats du dénombrement des Coliformes fécaux thermotolérants montrent une faible contamination bactérienne, qui reste toujours inférieure aux normes admises.

Figure 35 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Cap Ghir

Figure 36 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Tamri

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B. Zones industrielles et urbaines d’Agadir Le littoral d’Agadir, malgré ses atouts touristiques, n’échappe pas aux risques de pollution. En effet, il subit directement l’effet des rejets des agglomérations urbaines (zone industrielle d’Anza), ainsi que celui résultant de l’activité du port. Il ressort des données disponibles, ce qui suit : – L’influence de la charge polluante véhiculée par le collecteur industriel d’Anza et le collecteur principal de la ville d’Agadir. En effet, les paramètres physico- chimiques matérialisés, notamment par les nitrates, accusent des teneurs importantes au niveau du site recevant les rejets d’Anza ;

Photo 10 : Collecteur des eaux usées d’Anza

– Le bassin portuaire présente plusieurs points de pollution par hydrocarbures de pétrole. Les concentrations élevées ont été observées au niveau des zones abritant l’activité sardinière et la flotte hauturière. Cette situation serait due aux activités de maintenance et de réparation accompagnant le replis et la concentration des bateaux pendant la période du repos biologique.

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1.2.4. Axe littoral Tan Tan – Dakhla A. Zones conchylicoles Plusieurs zones conchylicoles sont concernées. Il s’agit notamment d’Akhfennir, Tarouma, Aoufist en plus de la lagune de Khnifiss et la baie de Dakhla. D’une manière générale, le suivi réalisé récemment, au niveau du littoral ne montre aucune anomalie. Cependant, il y a lieu de signaler une certaine accumulation des métaux lourds qui serait à rapprocher des phénomènes d’upwelling connus dans la région.

Figure 37 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps

B. Lagune de Khnifiss Située à 120Km au Sud de Tan Tan et à 70 Km au Nord de Tarfaya, la lagune de Khnifiss est la plus grande lagune de l’Atlantique marocain. Elle est la seule lagune située dans l’étage bioclimatique saharien. La passe (Foum Agouitir) permet à la lagune de communiquer avec l’océan Atlantique. À cette passe, fait suite le chenal principal long de 20 Km. La profondeur atteint jusqu’à 10m au niveau de certains points de cette lagune. La Sebkha Tarza, partie amont de cette lagune, longue de 9 Km et large de 5 Km, est une étendue de sable sans aucune végétation. Elle est envahie, aux plus fortes marées de vives eaux, par une mince pellicule d’eau de mer. L’intense évaporation au niveau de cette partie de la lagune, entraîne la cristallisation rapide des sels à basse mer de vives eaux.

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Figure 38 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps

Ce site est en retrait de toute sorte d’agressions externes : rejets industriels, urbains et agricoles. Il ne reçoit aucun apport d’eau douce, excepté les précipitations rarissimes. Une importante activité aquacole caractérisée par l’élevage de la coquille Saint-Jacques a été développée ces dernières années au niveau de cette lagune. L’analyse des données disponibles montre que cette lagune est exempte de toute contamination chimique ou microbiologique.

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Figure 39 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages de la lagune de Khnifiss durant les années 2000-2001

C. Baie de Dakhla La baie de Dakhla est située sur le littoral saharien marocain. Longue de 37 Km et large de 10 à 12 Km, elle est relativement étroite et ouverte au sud sur l’océan Atlantique. Orientée NE-SW, elle est limitée du côté de l’océan atlantique par la péninsule de Oued Ad Dahab, formée de dunes sableuses. La bathymétrie de la baie est faible variant de 0 à 20 mètres. Cette baie se compose schématiquement de deux grandes parties, qui se partagent équitablement l’ensemble du bassin : une partie sud qui est caractérisée par une alternance de sillons et de hauts fonds, et une partie nord représentée par un vaste bassin dont la profondeur moyenne avoisine les 15 mètres. La région de Dakhla représente une des zones les plus poissonneuses du Maroc, et abrite une des plus importantes colonies de phoques moines. La pêche de différentes espèces de poisson en général, le poulpe en particulier constitue une activité vitale sur le plan socio-économique. Le développement de l’activité de la pêche a nécessité la réalisation d’un nouveau port à 5 Km de la passe de la baie de Dakhla. Ceci fait de cette dernière, un pôle attrayant pour la réalisation de différents types d’investissement ayant trait à la pêche, à l’aquaculture, au tourisme et aux activités récréatives. Le développement et l’expansion des activités portuaires programmées entraîneront certainement un développement accéléré. Ce dernier risque, s’il n’est pas contrôlé, de perturber davantage l’environnement de ce site d’une valeur écologique inestimable

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Photo 11 : Phoque moine de la région de Laguira

Les travaux réalisés au niveau de cette baie montrent qu’elle présente deux zones principales : – Zone 1, située au sud de Hoja Llamera, englobant les chenaux centraux et la bordure de la baie, caractérisée essentiellement par des eaux océaniques ; – Zone 2, correspondant à une zone fragile ou le confinement est important. Le comblement par les sables éoliens de la partie amont et de la bordure ouest, rétrécie cette zone. À long terme, il ne peut subsister de la baie que la zone à haute influence de la marée. Les analyses physico-chimiques et bactériologiques récemment réalisées (années 2000/2001) au niveau des eaux et des coquillages révèlent, que les zones potentielles de production conchylicole ne présentent aucune contamination notable. En revanche, la zone urbaine présente une contamination apparente due aux rejets de la ville.

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Figure 40 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps

Figure 41 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages de la baie de Dakhla 2000-2001

2. Efflorescences phytoplanctoniques nuisibles et altération du milieu Le phytoplancton, élément fondamental de la chaîne alimentaire, est constitué par l’ensemble des organismes végétaux microscopiques transportés passivement dans l’eau. Parmi ces organismes, certaines espèces produisent de s toxines appelées phycotoxines dont les effets peuvent être néfastes pour l’homme 269

ou les animaux : ce sont, par exemple, certaines espèces de Dinophysis qui produisent des toxines DSP (Diarrheic Shellfish Poisoning), les espèces Alexandrium minutum et Alexandrium tamarense qui produisent les toxines paralytiques PSP (Paralytic Shellfish Poisoning), et certaines espèces du genre Pseudonitzchia produisant des toxines amnésiques ASP (Amnesic Shellfish Poisoning). L’augmentation de la production de ces microalgues (appelée eutrophisation) est parfois importante en raison de la présence des rejets anthropiques croissants d’azote et de phosphore dans certaines eaux côtières. Ce phénomène a pour conséquence de déséquilibrer le fonctionnement normal des écosystèmes jusqu’à provoquer, dans certains cas, des efflorescences phytoplanctoniques toxiques (phytoplancton de la famille des dinoflagellés et des diatomés) productrices de toxines. Ces dernières, absorbées par les organismes filtreurs principalement les mollusques bivalves, s’y accumulent rendant certains organismes marins dangereux pour le consommateur. Photo 12 : Eaux colorées observées à Oualidia en été 2001

La prolifération de ces micro-algues s’accompagne le plus souvent par l’apparition d’une coloration rouge, d’où le nom de « eaux rouges » qui leur est attribué. Il est très important de rappeler que l’apparition des « eaux rouges » n’est pas toujours synonyme de danger, du moment que le phénomène peut être provoqué par la multiplication des micro-algues non toxiques. De même, dans certains cas beaucoup plus rares, la prolifération du phytoplancton toxique peut ne pas s’accompagner d’apparition des « eaux colorées ». Le danger du à la prolifération incontrôlée du phytoplancton toxique réside dans son origine naturelle qui rend son apparition imprévisible. De plus, la grande stabilité des toxines aux actions physiques et chimiques, augmente le risque sanitaire dû à la consommation des organismes marins contaminés. Au Maroc, les premiers cas d’intoxication ayant entraîné des décès, ont été enregistrés à Casablanca en 1994, suite à la consommation de moules provenant de zones renfermant les phycotoxines PSP. Pour dresser le bilan des dernières années, il convient de distinguer le littoral méditerranéen de la façade atlantique, qui manifestent des efflorescences phytoplanctoniques différentes, par leur nature et par la problématique qu’elles posent. 270

2.1. La façade méditerranéenne 2.1.1. Région de Nador A. Axe Cap de l’Eau-Saïdia Le suivi du phytoplancton toxique au large de cet axe, durant l’année 1999, montre la présence de concentrations élevées des dinoflagellés toxiques de l’espèce Gymnodinium catenatum. Cette contamination a été reliée à la contamination par la PSP du Vernis (Callista chione) et de la Praire (Chamelea gallina), à des concentrations dépassant la norme admise à savoir, 400 US/100g. Ce phénomène a été initié au début du mois de janvier, la période de son extension a eu lieu deux semaines plus tard. L’espèce Gymnodinium catenatum a été encore une fois détectée, durant la même période de l’année 2000 au niveau de ce site, mais en faibles concentrations ne dépassant guère 400 cellules par litre, provoquant une légère contamination des coquillages, qui reste en deçà du seuil tolérable. Figure 42 (a) : Évolution des toxines PSP dans les praires de Cap de l’Eau

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Figure 42 (b) : Évolution des toxines PSP dans les vernis de Cap de l’Eau

Notons que la coque rouge (Acanthocardia tuberculatum) provenant de cette zone, a présenté une contamination intermittente par la PSP (maxima de l’ordre de 800 US/100g), durant ces deux années. Par contre durant l’année 2001, il n’a été observé aucune efflorescence à caractère nuisible Figure 43 (a) : Évolution des taux de toxines PSP dans les coque De Saïdia

272

Figure 43 (b) : Évolution des taux de toxines PSP dans les coques de Cap de l’Eau

B. Lagune de Nador La lagune a connu durant l’année 1998 des cas d’efflorescences de dinoflagellés du genre Alexandrium (A.minutum et A.tamarense) entraînant la contamination des huîtres et des palourdes par la PSP, à des taux respectifs allant jusqu’à 900 et 1100 US/100g de chair de coquillages. Durant l’année 1999, il a été mis en évidence la présence d’espèces toxiques du genre Dinophysis et Alexandrium, à des concentrations variant entre 80 et 300 cellules par litre. Ces concentrations ne sont pas assez élevées pour produire une contamination des organismes marins par la PSP en ce qui concerne le genre Alexandrium. Par contre, pour les Dinophysis, il est possible d’avoir des contaminations en DSP à partir de 100 cellules par litre dinophysis. Ceci, n’a pas été confirmé par les résultats de recherche de cette toxine dans les coquillages de ce site. Par contre, la prolifération du dinoflagellé Alexandrium minutum, durant le printemps 2000, a provoqué la contamination des couteaux de mer de Chaâla par la PSP, ce qui laisse supposer que l’ampleur du phénomène dépend de plusieurs facteurs écologiques. Photo 13 : Alexandrium catenella observé dans la lagune de Nador

D’autre part, on a noté dans le milieu lagunaire la présence de plus en plus fréquente du dinoflagellé Gymnodinium sanguineum. Les analyses ont montré que les teneurs de cette dernière variaient entre 104 et 105 cellules par litre durant les années 1999 et 2000. Cette espèce, non toxique, constitue normalement un bon aliment 273

pour le zooplancton et les larves de poissons. Elle est en même temps reconnue comme espèce d’eaux rouges qui, à de fortes concentrations (> 106 cell /l), cause des pertes d’huîtres par colmatage des branchies. D’autres espèces ont été observées au niveau de ce site, avec une présence massive à certaines périodes, ce qui est le cas de Lingulodinium polyedrum durant l’année 2000.

2.1.2. Région de Tetouan Le suivi du phytoplancton toxique, le long de l’axe Kabila-Oued Laou, a permis de mettre en évidence la présence permanente du dinoflagellé toxique Gymnodinium catenatum. Cette espèce est responsable de la contamination permanente de la coque rouge par la PSP de cette région. Cette contamination connaît une évolution spatio-temporelle au niveau des différentes zones conchylicoles de cette région. Ainsi, on enregistre régulièrement des concentrations élevées de la PSP dans la coque de la bande côtière Kaâ Srass-Oued Laou avec des taux pouvant atteindre 3500 US/100g (figure), tandis que vers l’Ouest au niveau de la zone de M’diq, la contamination ne dépasse guére les 1600 US/100g de chair de coquillages. Figure 44 : Évolution des taux des toxines PSP dans les coques de a) Kaâ Srass b) Oued Laou et c) Martil

274

Aussi, les espèces Alexandrium minutum et Dinophysis caudata sont souvent observées en période d’été dans toute la région. La prolifération de G. catenatum a été remarquée durant la période 1999-2001. Celle-ci a atteint des concentrations de 21.103 cellules par litre en hiver 2000 et des apparitions régulières en 2001.

Photo 14 : Alexandrium minutum Martil-Oued Laou (Vue ventrale)

Photo 15 : Gymnodinium catenatum (Oued Laou)

Les diatomées dominées par un genre potentiellement toxique pouvant engendrer des contaminations de type ASP sont aussi présentes. Il y a lieu de signaler, la présence des Pseudo-nitzshia.sp sur l’axe KabilaMartil durant les saisons d’hiver et de printemps 2000 et 2001.

275

Photo 16 : Noctulica scintillans et une chaîne de Ceratium candelabrum (Oued Laou)

2.2. La façade atlantique 2.2.1. Frange littorale Tanger-Casablanca Le suivi régulier du phytoplancton a mis en évidence la présence du genre Alexandrium.sp au niveau de cette frange côtière. Durant l’été 1998, sa présence a été la cause d’une prolifération sensible au niveau des zones de Larache et de Moulay Bousselham. De même, les espèces Lingulodinium polyedrum et de Prorocentrum mican, ont été identifiées dans des échantillons denappes d’eaux rouges observées au large de la frange littorale Rabat-Casablanca, et plus loin à Oualidia et Laâyoune. Au cours de cette période d’apparition du bloom, les analyses des coquillages (moule, palourde) collectés le long de la bande littorale Larache-Agadir ont révélé une contamination par la toxine diarrhéique DSP, ayant provoqué, des mortalités de poissons pélagiques au niveau du littoral de Casablanca, une semaine après l’observation de ce phénomène. Le même phénomène a été observé les deux années suivantes, mais il a été limité à la bande littorale Kénitra-Moulay Bousselham sans causer de dégâts notables. D’autres espèces ont été décelées le long de cet axe appartenant aux genres Alexandrium.sp, Dinophysis.sp et Scripsiella.sp ainsi que les espèces Gyrodinium impudicum et Prorocentrum mican, dont la présence n’a provoqué aucun incident. 276

2.2.2. Frange littorale Azemmour-Essaouira Le suivi du phytoplancton dans cette région révèle une dominance quasi-permanente des Diatomées tout le long de l’année. Les pourcentages maximaux des diatomées étant enregistrés à la fin du printemps (entre 80 et 99 % de la microflore). Ces algues microscopiques sont représentées essentiellement par les genres Chaetoceros, Anaulus, Navicula, Rhizosolenia, Cosinodiscus, Melosira, Thassiossira, Leptocylindrus, Pleurosigma, lauderia et Nitzschia. Les Dinoflagellés deviennent dominants après le déclin des Diatomées de petite taille. Ils atteignent des maxima en juillet-août allant de 60 à 90 % de la microflore recensée. Les genres les plus fréquents et les plus représentatifs sont Prorocentrum, Ceratium, Protoperidinium, Scrippsiella, Perridiniella, Pentapharsodinium, Gonyaulax, Dinophysis et Gyrodinium Les autres groupes phytoplanctoniques à savoir, les Scilicoflagellés, les Ccoccolithophorides, les Prymnesiophycées, les chlorophycées, les Euglénophycées et les Cyanophycées, restent peu représentés dans les eaux. La quasi-absence, particulièrement au niveau des lagunes, de ces trois derniers, groupes infondés plutôt à des eaux saumâtres confinées, indique une influence prépondérante des eaux océaniques. Les espèces potentiellement nuisibles ou toxiques rencontrées sont surtout des dinoflagellés, appartenant aux genres Alexandrium (représenté exclusivement par A. minutum), Gyrodinium (Gyrodinium spirale), Lingulodinium (L. polyedra), Prorocentrum (représenté par P.micans, P. minium et P.lima) et Dinophysis( présentant une grande diversité intra-spécifique, avec la détection de D. sacculus, complexe D. acuminata, D. rotundata, D. caudata, D. acuta, D. fortii...). Les concertations de ces espèces varient en fonction des sites et des saisons, mais c’est surtout en période estivale et automnale qu’on détecte les concentrations maximales. Les Diatomées du genre Pseudonitzschia, sont également détectées (P. seriata, P. multiseries, P.delicatissima, P. australis). Durant la période 1999-2001, la région a connue deux phénomènes d’eaux colorées. Le premier cas était dû à Lingulodinium polyedrum, détecté au début de juillet 1999. Lors de ce phénomène, des phycotoxines diarrhéiques (DSP) ont été détectées chez les coquillages provenant de bande côtière. Ceci, a nécessité l’interdiction de la collecte et de l’exploitation des coquillages Plus récemment en septembre 2001, une autre eau colorée à Prorocentrum micans a touché uniquement la zone Azemmour-Oualidia. En effet, cette espèce trouvée en abondance dans les eaux, à des concentrations de l’ordre de 106 cell/L, provoque une coloration rouge brunâtre due à la pigmentation. Le phénomène a été accompagné par des mortalités de poissons, de crustacés, de bivalves, de gastéropodes etc.... Cette mortalité est la conséquence de l’anoxie du milieu suite à la dégradation du phytoplancton en fin de bloom. L’espèce P.micans, non toxique, peut rendre les coquillages impropres à la consommation, suite à la coloration de leurs glandes digestives. D’ailleurs, ceci a été confirmé par l’absence de phycotoxines chez les coquillages prélevés à partir des sites touchés. À part, ces deux incidents d’eaux colorées, les espèces potentiellement nuisibles ou toxiques étaient présentes dans les eaux à des concentrations souvent négligeables. Ainsi, tous les tests biologiques de recherche de phycotoxines (PSP et DSP) dans les coquillages provenant de cette zone à savoir les moules, les huîtres et les palourdes, ont toujours été négatifs durant cette période.

2.2.3. Frange littorale Agadir-Tan Tan Cette zone a connu d’importantes efflorescences phytoplanctoniques toxiques durant l’année 1998. Les premiers cas étaient dus à des proliférations de Alexandrium.sp et Dinophysis au niveau de Tifnit. Le phéno277

mène s’est accentué avec l’apparition de Alexandrium minutum au niveau de la Plage Blanche qui a entraîné la contamination des coquillages à des taux atteignant 3600 US/100g. Figure 45 : Taux de toxine PSP enregistrés dans les moules et haricots de mer de Plage Blanche

D’autres espèces à caractère toxique sont rencontrées le long de cet axe, il s’agit de Pseudo-nitzshia.sp et Alexandrium.sp. Ces dernières ont provoqué, durant le printemps 1999, une forte contamination des moules le long de la frange littorale Immessouane-Sidi R’bat. Alexandrium.sp, a été observée pendant les mois de mars et Juin de l’année 1999, à des concentrations maximales de 800 cellules par litre, pour atteindre des valeurs de 5700 cellules par litre. L’épuration totale du milieu n’a eu lieu qu’au début du mois de juillet.

278

Figure 46 : Taux de toxines PSP enregistrés dans les moules de la région d’Agadir

279

Le genre Dinophysis est représenté fréquemment par D.acuminata et rarement D.rotundata, les Pseudonitzshia essentiellement par trois espèces Pseudo-nitzshia.closterium, Pseudo-Nitzshia seriata et Pseudonitzshia.pungens. Le genre Gymnodinium sp a été aussi isolé des échantillons d’eaux colorées, qui avaient touché le sud d’Agadir en septembre 2001.

2.2.4. Région de Dakhla Au niveau de cette région, la baie de Dakhla fait l’objet d’une surveillance particulière d’efflorescences nuisibles vu sa richesse en gisements coquilliers naturels, qui sont constitués essentiellement de palourde, de moule et de couteau de mer. Durant toute la période de surveillance, aucune prolifération à caractère nuisible n’a pu être observée. Cependant des blooms de diatomées dominés par les genres Chaetoceros.sp, Corethron criophilum et Leptocylindrus minimus ont été rencontrés.

2.3. Périodes d’apparition des efflorescences phytoplanctoniques nuisibles Les périodes d’apparition des efflorescences phytoplanctoniques nuisibles ayant entraîné la contamination des coquillages et la fermeture des zones de production conchylicole de 1998 à 2001, sont résumées dans le tableau suivant :

280

Surveillance des phycotoxines DSP dans les zones conchylicoles du littoral marocain Période Spetembre 2001 – Mars 2004

281

Surveillance des phycotoxines DSP dans les zones conchylicoles du littoral marocain Période Spetembre 2001 – Mars 2004

282

Surveillance des phycotoxines DSP dans les zones conchylicoles du littoral marocain Période Spetembre 2001 – Mars 2004

283

284

SURVEILLANCE

285

286

III. Surveillance de la qualité du milieu marin littoral et des plages 1. Réseau de surveillance de la qualité du milieu marin littoral Le Ministère de la Pêche Maritime et le Ministère de l’Agriculture ont élaboré conjointement en 1989, une première circulaire fixant aussi bien les conditions de commercialisation et de mise sur le marché des mollusques bivalves que la classification du littoral national en zones salubres et insalubres. La dite circulaire a été utilisée comme base de travail par les deux départements. En novembre 1994, les premiers cas d’intoxication ayant entraîné des décès, ont été enregistrés à Casablanca suite à la consommation de moules provenant de zones interdites et renfermant des biotoxines marines. Dès lors, une commission interministérielle chargée du suivi de la salubrité du milieu marin a été instituée, et un plan de surveillance a été mis en place par l’INRH. À l’échelle nationale, l’INRH apparaît comme l’acteur principal de la surveillance continue de la qualité du milieu marin littoral, en raison de ses missions, ses compétences, ses implantations au niveau de tout le littoral ainsi que des moyens engagés tant matériel qu’humain. En effet, la surveillance de la salubrité et de la qualité du milieu marin est une des missions principales de l’INRH. Elle est réalisée par le biais d’un Réseau de Surveillance de la Salubrité du Littoral (RSSL), dont l’objectif principal est d’assurer la protection du milieu marin et la préservation de la santé du consommateur. Il permet également, de servir de système d’alarme en cas d’apparition de phénomène perturbant l’écosystème littoral, et de constituer une banque de données et d’informations relatives à la santé de l’environnement. Ce réseau est composé de sept stations dont cinq assurent la surveillance du littoral Atlantique (Dakhla, Laâyoune, Agadir, Oualidia et Casablanca), et deux celle de la façade méditerranéenne (M’diq et Nador).

287

Figure 45 : Zones de compétences des différentes stations et centres régionaux du Réseau de surveillance (R.S.S.L.) de l’INRH.

288

1.1. Strategie de surveillance La stratégie adoptée par l’INRH en matière de surveillance est basée sur les procédés suivants :

1.1.1. Étude pour le classement des zones Les zones conchylicoles sont classées selon les résultats d’une étude sanitaire dite « Étude de Zone ». Cette dernière est réalisée dans les conditions suivantes : a/ au moins 2 points de prélèvement jugés représentatifs de la qualité de la zone considérée sont définis ; b/ les mesures portent sur des échantillons de coquillages, ayant séjourné sur place au moins six mois pour les contaminants chimiques, et au moins quinze jours pour les contaminants microbiologiques ; c/ l’espèce échantillonnée est, en général, celle majoritairement exploitée dans la zone d’étude ; d/ les points de prélèvement et l’espèce échantillonnée restent les mêmes tout au long de l’étude ; e/ La fréquence minimale de prélèvements est mensuelle pour les contaminants microbiologiques, et trimestrielle pour les contaminants chimiques. Par contre, et afin d’augmenter la chance d’observer un épisode de pollution microbiologique et de montrer plus facilement une éventuelle variabilité saisonnière, l’étude de zone est conduite de façon régulière pendant une durée minimale d’une année, avec pour les contaminants microbiologiques, au moins 24 mesures et pour les contaminants chimiques, quatre mesures par point de prélèvement.

1.1.2. Critères d’appréciation de la qualité sanitaire des zones L’évaluation de la qualité sanitaire des zones conchylicoles est déterminée par le dénombrement des germes témoins de la contamination fécale ainsi que les contaminants chimiques (Plomb, Cadmium et Mercure) dans les coquillages. Quatre statuts sont définis en fonction du niveau de contamination. Nombre de Coliformes thermotolérants /100 g de chair et de liquide intervalvaire Classement

0 à 300

300 à 6 000

6 000 à 60 000

> 60 000

Zone A

90 % des résultats

10 % maximum

0%

0%

Zone B Zone C Zone D

90 % des résultats au minimum

10 % maximum

90 % des résultats

0% 10 % maximum

plus de 10 % des résultats > 60 000

289

Tableau 4 : Critères d’évaluation de la qualité microbiologique et chimique (échelle arbitraire de couleur) Contamination chimique (mg/Kg chair humide) Catégorie

Mercure

Cadmium

0.5

2

Plomb 2

A

X

X

X

B

X

X

X

C

X

X

X

D

>

>

>

Description des catégories de classement (échelle arbitraire de couleur) Zone A : Zone salubre, pêche autorisée Zone B : Zone insalubre exploitable, la pêche est autorisée mais avant leur commercialisation les coquillages doivent subir une purification dans une station d’épuration des coquillages ou un reparcage. Zone C : Zone insalubre exploitable, la pêche est autorisée mais avant leur commercialisation les coquillages nécessitent une purification intensive ou un reparquage de longue durée. Zone D : Zone insalubre interdite, la pêche est strictement interdite. En cas de prolifération anormale de microalgues toxiques, la zone contaminée est systématiquement fermée et interdite à toute exploitation, quel que soit son statut, pendant la durée nécessaire à l’épuration totale du milieu.

1.1.3. Surveillance régulière La surveillance régulière porte, en plus des paramètres microbiologiques et chimiques, sur la recherche du phytoplancton toxique dans l’eau de mer et sur les phycotoxines dans les coquillages. Ainsi les taux des toxines paralysantes (PSP) et amnésiques (ASP) ne doivent pas excéder respectivement 80 Üg et 2 mg pour 100 g de chair de coquillage. Le taux des toxines diarrhéiques (DSP) doivent donner des résultats négatifs lors de la réalisation des tests biologiques. La fréquence des prélèvements est fixée par domaine de salubrité comme suit :

290

Domaine de salubrité

Fréquence

Microbiologie

mensuelle à bimensuelle

Chimie

trimestrielle

Phytoplancton toxique

bimensuelle

Phycotoxines

bimensuelle

Le nombre et le positionnement des points de prélèvement sont déterminés à l’issue de l’étude sanitaire, et ceci pour chaque domaine de salubrité. Le point de prélèvement est placé de telle sorte, qu’il permette la mise en alerte sur la zone : il est donc situé dans un secteur exposé à un risque d’insalubrité dû à un éventuel apport contaminant. Dans le cas de zones étendues, un nombre minimal de points, tenant compte des principales sources de contamination, est placé de telle sorte que ces points soient représentatifs de ces zones et permettent leur mise en alerte. L’espèce de coquillage échantillonnée est celle majoritairement exploitée dans la zone surveillée.

1.1.4. Surveillance en alerte Lorsque les résultats de la surveillance régulière révèlent une contamination exceptionnelle, ou lorsque apparaît une circonstance pouvant augmenter le risque sanitaire, la surveillance de la zone de production concernée est renforcée. Le nombre de points et la fréquence de prélèvement sont adaptés à la nature du risque mis en évidence ou présumé, et au domaine de salubrité. Dans le cas d’une contamination d’origine microbiologique, la fréquence est augmentée sans toutefois être supérieure à une fois par semaine. De même, pour une contamination chimique, la fréquence est augmentée en vue de confirmer les résultats obtenus et de suivre l’ampleur et l’évolution de cette contamination, par le recours à des analyses complémentaires portant notamment sur la caractérisation physico-chimique des masses d’eau et les tests de toxicité. Dans le cas de détection de concentrations de phycotoxines dépassant les normes en vigueur, la recherche des espèces de phytoplancton toxique est renforcée par un échantillonnage hebdomadaire à bihebdomadaire, ainsi que la recherche des phycotoxines dans les coquillages. La surveillance revient à son rythme normal lorsque les résultats du suivi renforcé sont jugés bons, c’est à dire lorsque deux séries de résultats consécutifs montrent que les normes en vigueur n’ont pas été dépassées.

1.1.5. Listes des zones surveillées En plus des zones urbaines faisant l’objet d’un suivi notamment chimique en vue d’étudier les effets et tendances de contamination, un ensemble de zones conchylicoles des deux façades maritimes du littoral marocain font l’objet de surveillance régulière ou d’études sanitaires. Ces zones sont les suivantes : Classement des zones de production conchylicole RÉGION

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

CLASSE

Zone conchylicole Oued Laou

35o 27’,310N – 05o 05’,067 W 35o 24’,682 N – 05o 03’,445 W

A (Interdite à l’exploitation. Présence permanente de la PSP)

Frange littorale Kabila-Martil

35o 43’,425 N – 05o 19’,841 W 35o 37’,193 N – 05o 15’,771W

A (Interdite à l’exploitation. Présence permanente de la PSP)

TETOUAN

291

RÉGION

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

CASABLANCA

Zone conchylicole Dar Bouazza

33o 32’,424 N – 07o 49’,435 W 33o 31’,566 N – 07o 50’,945 W

RÉGION

EL JADIDA

B

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

Frange littorale Jmâa Ouled Rhanem-Lalla Fatna

32o 51’,396 N – 08o 53’,455W 332o 47’,944N – 08o 57’,321W

A

Sidi Moussa

32o 59’,868 N – 08o 43’,726W 32o 58’,530 N – 08o 45’,545W

C

32o 44’,370 N – 09o 02’,760 W 32o 46’,570 N – 08o 58’,920 W

B

Lagune de Oualidia

RÉGION

CLASSE

CLASSE

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

CLASSE

Zone conchylicole Cap Beddouza

32o 33’,582 N – 09o 15’,813 W 32o 32’,676 N – 09o 17’,335 W

A

32o 03’,384 N – 09o 20’,613 W 32o 02’,874 N – 09o 20’,699 W

A

SAFI Zone conchylicole Essaouira Kdema

RÉGION

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

Zone conchylicole d’Akhfennir2

8o 05’,376 N – 12o 06’,294 W 28o 05’,280 N – 12o 06’,480 W

A

26o 54’,882N – 13o 29’,634 W 26o 54’,540N – 13o 29’,820 W

A

LAAYOUNE Zone conchylicole de Tarouma

RÉGION

CLASSE

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

CLASSE

Frange littorale Tamri-Cap Ghir

30o 42’,687 N – 09o 51’,730 W 30o 37’,284 N – 09o 52’,785 W

A

30o 12’,198 N – 09o 38’,152 W 30o 03’,912 N – 09o 40’,571 W

A

AGADIR Frange littorale Tifnit-Sidi Rbat

292

RÉGION

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

CLASSE

Zone conchylicole Aoufist

25o 44’,274N – 14o 39’,000 W 25o 43’,740N – 14o 39’,324 W

A

24o 43’,908 N – 14o 53’,520 W 24o 43’,038 N – 14o 52’,020 W

A

BOUJDOUR Zone conchylicole Lakrâa

RÉGION

ZONE DE PRODUCTION

COORDONNÉES GÉOGRAPHIQUES

Zone conchylicole PK 25

23o 54’,912 N – 15o 46’,242 W 23o 54’,204 N – 15o 47’,100 W 23o 53’,400 N – 15o 46’,512 W

CLASSE

A

BAIE DE Zone conchylicole Hoja Llamira DAKHLA Zone conchylicole Puertitto Zone conchylicole Playa Ntirift

ZONE LITTORALE DE DAKHLA

23o 41’,808 N – 15o 48’,708 W 23o 41’,478 N – 15o 48’,954 W

A

23o 34’,680 N – 15o 54’,054 W 23o 33’,978 N – 15o 54’,360 W

A

o

o

24 16’,776N – 14 24’,792 W 24o 04’,314 N – 15o 34’,560W

A

Frange littorale Taourta-Oum Lbouir

23o 47’,922N – 15o 54’,984 W 23o 45’,996N – 15o 55’,560W

A

Zone conchylicole Dunford

23o 38’,586N – 16o 00’,474 W 23o 37’,968N – 16o 00’,030 W

A

N.B Zone A – Pêche autorisée – Autorisation d’expédition par un établissement conchylicole agrée sans obligation de purification. Zone B – Pêche autorisée – Purification dans une station d’épuration des coquillages agréée ou par reparcage dans une zone de reparcage. Zone C – Pêche autorisée – Purification intensive dans une station d’épuration des coquillages agréée ou par reparcage de longue durée (minimum deux mois) dans une zone de reparcage.

1.1.6. Cadre juridique et technique En vertu du Dahir de sa création, L’INRH a pour mission d’entreprendre toutes activités de recherche, études, actions expérimentales et travaux en mer ou à terre ayant pour objectifs, l’aménagement et la rationalisation de la gestion des ressources halieutiques et aquacoles et leur valorisation. À cet effet, il est chargé dans le but exclusif d’évaluer, d’aménager et de préserver les ressources halieutiques et aquacoles, notamment par la surveillance continue de l’état de l’environnement marin et de la salubrité des produits de la pêche dans leur milieu. Cette activité est conduite conformément aux spécifications techniques définies 293

dans la circulaire conjointe (no 1246/01 du 12/11/2001) relative à la surveillance du milieu marin et au contrôle de la salubrité des coquillages. Élaborée par les Ministères de la Pêche Maritime et de l’Agriculture, du développement rural et des Eaux et Forêts, cette circulaire a pour objectif de définir un ensemble de mesures, permettant aux producteurs de s’assurer que les coquillages sont produits et commercialisés conformément aux prescriptions sanitaires requises. Dans ce cadre, l’INRH est chargé de l’identification, de la délimitation des zones, notamment de production conchylicole et de leur suivi en vue d’un classement selon leur degré de salubrité, la surveillance des zones de production et des établissements de manipulation et de traitement des coquillages, étant assurée par les services vétérinaires.

2. Réseau de surveillance des plages 2.1. Outils de mise en œuvre du programme de surveillance de la qualité hygiénique des eaux de baignade Les campagnes de surveillance sont réalisées conjointement par : – Le laboratoire Public d’Essais et d’Études (LPEE) par l’intermédiaire du Centre d’Études et de Recherche de l’Environnement et de la Pollution (CEREP)pour le compte du Ministère de l’Équipement et du Transport ; – Le laboratoire National de l’Environnement (LNE/ SEE) relevant du Secrétariat d’État chargé de l’Environnement. Pour l’exécution du programme de surveillance de la qualité des eaux de baignade,les deux laboratoires disposent de moyens performants, notamment des unités mobiles d’analyse qui leurs permettent d’agir, in situ au niveau de toutes les plages, quelle que soit leur position géographique.

2.2. Procédures d’exécution des programmes Les campagnes de prélèvements et d’analyses pour la saison 2003-2004, ont été effectuées entre les mois de Mai 2003 et Février 2004, conformément aux : – Norme marocaine de surveillance de la qualité des eaux de baignade NM 03.7.200 ; – Normes internationales et les Directives de l’OMS-PNUE applicables à la surveillance sanitaire des eaux de baignade. Le choix des stations de surveillance ainsi que la fréquence d’échantillonnages ont été fixés conformément à la norme et à la lumière des résultats obtenus lors de la précédente campagne, dans l’objectif de suivre les tendances temporelles de la qualité des plages surveillées. L’évaluation des résultats relatifs à la qualité des eaux de baignade est basée sur un traitement statistique des résultats issus des analyses microbiologiques. Cette évaluation conduit à une classification de la qualité des eaux selon la grille de la norme marocaine. Cette grille de qualité dresse les fourchettes de valeurs limites (guides et impératives) à prendre en considération (cf. tableau ci-dessous) : 294

Paramètres microbiologiques

Valeurs guides (VG) par 1 000 ml

Valeurs impératives (VI) par 100 ml

Coliformes fécaux

100

2 000

Streptocoques fécaux

100

400

En outre, pour le classement des eaux de baignade, quatre catégories (ou classes) sont distinguées, à savoir : A Les eaux de bonne qualité pour la baignade Pour ces eaux : – Au moins 80 % des résultats en E. coli ou en coliformes fécaux sont inférieurs ou égaux aux nombres guides (100/100 ml) – Au moins 95 % des résultats en E. coli ou en coliformes fécaux sont inférieurs ou égaux aux nombres impératifs (2000/100 ml) – Au moins 90 % des résultats en streptocoques fécaux sont inférieurs ou égaux aux nombre guides (100/ 100 ml) B Les eaux de qualité moyenne pour la baignade L’eau est de qualité moyenne lorsque le nombre impératif fixé par la directive pour les E. coli ou coliformes fécaux est respecté dans au moins 95 % des prélèvements (2000/100 ml)les conditions relatives aux nombres guides n’étant pas, en tout ou en partie vérifiées. Les eaux classées en catégorie A ou B sont conformes à la norme C Les eaux momentanément polluées L’eau des points de surveillance pour lesquels la fréquence de dépassement du nombre impératif pour E. coli ou coliformes fécaux est comprise entre 5 % et 33,3 % est considéré comme pouvant être momentanément polluée. Cette pollution peut faire l’objet de mesures immédiates ou à moyen terme permettant d’améliorer définitivement la qualité de l’eau. Il est important de noter que si moins de 20 prélèvements sont effectués pendant toute la saison sur un point, un seul dépassement du nombre impératif en E. coli ou coliformes fécaux, suffit pour entraîner le classement de la plage en catégorie C. D Les eaux de mauvaise qualité Lorsque, pour le paramètre E. coli ou coliformes fécaux, les conditions relatives au nombre impératif sont dépassées au moins une fois sur trois, l’eau correspondante est considérée comme de mauvaise qualité. Toutes les zones classées en catégorie D durant deux années de suite doivent être interdites à la baignade, sauf si des améliorations significatives apparaissent. Les eaux classées en catégorie C ou D ne sont pas conformes à la norme

295

Répartition des stations de prélèvements au niveau de chaque plage Nombre de stations deprélèvement Wilaya ou Province

Nombre deprélèvements réalisés

Plages Mai-Sept 2003

Février 2004

Province de Berkane

Saïdia

4

4

44

Province de Nador

Miami Kariat Arekmane Ras El Ma

1 2 1

3 2 1

13 22 11

Wilaya d’Al Hoceima

Calabonita Quemado

1 1

2 2

12 12

Province de Tétouan

Dalya Oued Lao Tres Piedras M’diq Rifienne Restinga Martil Amsa Azla Sania Torres Achakar Tanger Malabata Asilah (principale) Asilah (côté port) Briech Ksar Sghir Forêt Diplomatique Oued Aliane Puenta Serres

1 1 1 27 1 1 27 1 1 1 8 3 3 3 3 3 3 3

1 3 2 10 1 3 13 1 1 3 3 8 3 3 3 3 3 3 3

11 13 12 280 11 13 280 11 11 13 3 88 33 33 33 33 33 33 33

Province de Larache

Al Quaouss Miami Ras R’mel Sidi Abderrahim3

3 3 3 3

3 3 3 3

33 33 33 33

Wilaya de Kénitra

Moulay Bousselham Mehdia

3 3

3 3

33 33

Wilaya de Rabat-Salé

Rabat Salé Plage des Nations

3 3 3

3 3 3

33 33 33

3 3 3 3 3 3

3 3 3 3 3 3 3 3 3

33 33 33 33 33 33 33 33 33

Wilaya de Tanger

Province de Skhirat-Temara Guy ville Contre bandiers Sidi Abed Val d’Or Harhoura Temara Sable d’Or Skhirat Aïn Atiq-

296

Province de Benslimane

Bouznika Dahomey

3 3

3 3

33 33

Wilaya du Grand Casablanca Grand Zenata Aïn Sebaâ Tamaris I Tamaris II Dar Bouaâza Madame Choual Oued Merzeg David Mohammedia Aïn Diab Oulad Hmimmoun Manesmann Sablettes

3 3 3 3 3 3 3 3 3 8 3 -

3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3

33 33 33 33 33 33 33 33 33 88 33 33 33

Wilaya de Settat

Sidi Rahal

3

3

33

Province d’El Jadida

Oualidia Sidi Bouzid Sidi Abed Haouzia El Jadida

2 1 1 4 1

3 3 3 4 3

23 13 13 44 13

Wilaya de Safi

Safi Souiria Kedima El Beddouza Lalla Fatna

2 1 1 1

3 3 3 3

23 13 13 13

Province d’Essaouira

Essaouira Sidi Kaouki Moulay Bouzerktoun

4 1 1

4 2 3

44 12 13

Wilaya d’Agadir

Taghazout Agadir Aghroud Tiznit Aourir Km 17

1 30 1 1 -

3 20 3 2 2

13 320 12 13 2

Province de Tznit

Mir Left Aglou Sidi Ifni

1 1 13

2 2 5

12 12 135

Province de Tan Tan

El Ouatia

1

1

11

Wilaya de Laâyoune

Foum El Oued Tarouma Kasamar

1 1 1

1 1 1

11 11 11

Province de Boujdour

Boujdour

1

2

12

Wilaya de Dakhla

Dakhla

1

3

13

297

Distribution des plages et stations de prélèvements Par zone de surveillance Zone

Nombre de plages

Nombre de Stations

Nombre de Prélèvements

Méditerranée

18

103

989

Altantique

54

162

1 400

Atlantique Sud

14

66

588

Total à l’échelle nationale

86

331

2 979

2.3. Qualité hygiénique des plages du Royaume : Saison 2003-2004 Une carte représentant la qualité microbiologique des eaux de baignade au niveau des stations de surveillance pour la période Mai 2003-Février 2004 a été dressée. Parmi les 325 stations de prélèvement, 270 ont fait l’objet d’un nombre suffisant de prélèvement pour le classement et ont permis de déclarer 226 stations (soit 83,71 %) de qualité microbiologique conforme aux exigences réglementaires pour la baignade. La quasi-totalité des 44 stations déclarées non conformes pour la baignade lors de cette saison (soit 16,29 %), subissent l’influence des rejets d’eaux usées ou connaissent une forte concentration de baigneurs, conjuguée avec l’insuffisance des infrastructures d’hygiène. Liste des plages conformes STATIONS DE SURVEILLANCE CONFORMES AUX EXIGENCES POUR LA BAIGNADE Wilaya ou Province

Plages

Localisation de la station de surveillance

Province de Berkane

Saïdia

Toutes les stations (en face des rochers à 100 m de la digue, près de l’embouchure)

Province de Nador

Miami/Kariat Arekmane Ras El Ma

Au milieu de la plage

Wilaya d’Al

Alabonita Au milieu de la plage Quemado

Hoceima

Province de Tétouan

Dalya Oued Lao Tres Piedras M’diq Rifienne (Fnideq) Restinga Martil Amsa Azla Sania Torres Ksar Sghir

298

Au milieu de la plage Au milieu de la plage Au milieu de la plage Tronçon de 300 m situé à 100 m de la digue de port Au milieu de la plage Au milieu de la plage Toute la plage, à l’exception du Tronçon de 300 m à partir de l’Oued Martil Au milieu de la plage Au milieu de la plage À 50 m du port de plaisance de kabila S1 : En face de la Commune Ksar Majaz S2 : à 80 m à l’Est de S1 S3 : à 50 m à l’Ouest de S1

Forêt Diplomatique

Wilaya de Tanger

Malabata

S1 : Entrée principale (en face café chez Abdou) S2 : à 800 m au nord de S1 S3 : à 800 m au sud de S1 S2 : à 70 m à l’Est de l’hôtel S3 : à 50 m à l’Ouest de l’hôtel

Oued Aliane S1 : Milieu de la plage S2 : à 80 m à l’Est de S1 S3 : à 50 m à l’Ouest de S1 Wilaya de Settat

Sidi Rahal

Tamaris I

Tamaris II

Wilaya

Dar Bouaâza

du grand Casablanca Oued Merzeg

Madame Choual

Aïn Diab Aïn Sebaâ Grand Zenata

Oulad Hmimmoun

David

Mohammedia

Bouznika Province de Benslimane

Dahomey

S1 : Au milieu de l plage, en face du parking S2 : à 700 m au nord de S1 S3 : à 600 m au sud de S1 S1 : Au milieu de la plage, en face du parking principal S2 : à 800 m au nord de S1 S3 : à 800 m au sud de S1 S1 : Au milieu de la plage entre le camping international et les résidences S2 : à 400 m au nord de S1 S3 : à 400 m au sud de S1 S1 : Milieu de la plage non rocheuse en face du poste des Forces Auxiliaires S2 : à 80 m au nord de S1 S3 : à 80 m au sud de S1 S1 : Nord oued Merzeg milieu de la plage S2 : à 400 m au nord de S1 S3 : à 400 m au sud de S1 S1 : Entrée principale au sud du complexe Nozha S2 : à 120 m au nord de S1 S3 : à 400 m au sud de S1 S1 : Devant Mc Donalds S2 à S8 : Distants de 400 m S1 : Milieu de la plage en face du parking S3 : à 200 m au sud de S1 S1 : En face du poste de gendarmerie S2 : à 800 m au nord de S1 S3 : à 800 m au sud de S1 S1 : Entrée principale, milieu de la plage S2 : à 200 m au nord de S1 S3 : à 200 m au sud de S1 S1 : Au nord de l’embouchure, milieu de la plage S2 : à 200 m au nord de S1 S3 : à 200 m au sud de S1 S1 : Plage du centre, en face du poste de la Protection Civile S2 : à 1000 m au nord de S1 S3 : à 400 m au sud de S1 S1 : En face du poste de la protection civile S2 : à 600 m au nord de S1 S3 : à 800 m au sud de S1 S1 : Milieu de la plage, parking principal S2 : à 300 m au nord de S1 S3 : à 300 m au sud de S1

299

Skhirat

Val d’or

Aïn Atiq Province de Skhirat Témara Sable d’or

Témara Harhoura

S1 : Au sud du palais, milieu de la plage S2 : à 400 m au nord de S1 S3 : à 400 m au sud de S1 S1 : Milieu de la plage (nord oued ikem) S2 : à 120 m au nord de S1 S3 : à 120 m au sud de S1 S1 : Milieu de la plage S2 : à 140 m au nord de S1 S3 : à 120 m au sud de S1 S1 : Milieu de la plage (entrée principale) S2 : à 400 m au nord de S1 S3 : à 400 m au sud de S1 S2 : à 120 m au nord de l’hôtel S1 : Entrée principale S2 : à 50 m au nord de S1 S3 : à 60 m au sud de S1

Plage des Nations

S1 : En face du parking (gendarmerie), milieu de la plage S2 : à 400 m au nord de S1 S3 : à 500 m au nord de S2 S2o : 400 m au nord de S1 S3 : à 500 m au nord de S2

My Bousselham

S1 : Avant dernier escalier (descente) à gauche de la plage S2 : à 800 m au nord de S1 S3 : à 800 m au nord de S2

Mehdia

S1 : Milieu de la plage (en face parking principal) S2 : à 800 m au nord de S1 S3 : à 800 m au sud de S1 S2 : à 70 m au nord du rejet S3 : à 50 m au sud du rejet S1 : Rive droite du oued Loukkos, zone sableuse près des cafés S2 : à 80 m au nord de S1 S3 : à 50 m au sud de S1

Wilaya de Rabat

Wilaya de Kénitra

Al Quaouss Miami

Province de Larache Ras R’mel

Sidi Abderrahim

S1 : Milieu de la plage, nord de la digue S2 : à 500 m au nord de S1 S3 : à 500 m au sud de S1 S1 : Entrée principale, milieu de la plage S2 : à 100 m au nord de S1 S3 : à 100 m au sud de S1

Province de Asilah

Briech

S1 : Milieu de la plage (camping Tahadarte) S2 : à 80 m au nord de S1 S3 : à 60 m au sud de S1

Province d’El Jadida

Haouzia Sidi Bouzid Sidi Abed Oualidia El Jadida ville

Entrée principale, en face du café de l’hôtel et du complexe Sandos Au milieu de la plage Au milieu de la plage Côte corniche, en face de l’hôtel Hippocampe Au milieu de la plage

Safi Souiria K’dima Beddouza Lalla Fatna

En face de l’école de voile, côté digue Au milieu de la plage Au milieu de la plage Au milieu de la plage

Wilaya de Safi

300

Essaouira

En face de l’hôtel des îles, de l’hôtel Mogador, de la province et l’extrémité de la corniche

Moulay Bouzerktoune Sidi Kaouki

Au milieu de la plage Entrée principale

Agadir Taghazout Aghroud Tifnit

Toutes les stations Au milieu de la plage Au milieu de la plage Au milieu de la plage

Aglou Mirleft Sidi Ifni El Ouatia Foum El Oued Tarouma Kasamar

Au milieu de la plage Au milieu de la plage Près du port Au milieu de la plage En face du poste de la protection civile Au milieu de la plage Au milieu de la plage

Province de Boujdour

Boujdour

Au milieu de la plage

Province de Dakhla

Dakhla

Au milieu de la plage

Province d’Essaouira

Wilaya d’Agadir

Province de Tiznit Province de Tan Tan Province de Laâyoune

Liste des plages non-conformes SATATIONS DE SURVEILLANCE NON CONFORMES AUX EXIGENCES POUR LA BAIGNADE Wilaya ou Province

Plages

Localisation de la station de surveillance

Tanger

Malabata Tanger Municipale Asilah (petite plage)

Au milieu de la plage Toutes les stations Les trois stations

Larache

Al Quaouss

Au milieu de la plage

Casablanca

Aïn Sbaâ

À proximité du rejet

Rabat / Salé

Rabat Salé Témara

Les trois stations Les trois stations En face de l’hôtel, à 120 m au bord de l’hôtel

Martil

Près de l’embouchure, tronçon de 100 m à partir de la digue du port, tronçon de 250 m au nord de l’hôtel

Tétouan

301

302

ACCIDENTS ECOLOGIQUES AYANT TOUCHE LE LITTORAL

303

304

IV. Accidents écologiques Par nature, un accident écologique est soudain, imprévu et brutal. Il peut hypothéquer pour plusieurs années les efforts de préservation et de protection de l’environnement. Il entraîne en plus, un coût important et des dommages, parfois, catastrophiques (cas des accidents pétroliers Kharq V et Sea spirit). Photo 17 : Nappes d’hydrocarbures ayant touché les plages d’Al Hoceima suite à l’accident Sea Spirit

Mis à part, l’apparition naturelle des eaux rouges dans le milieu marin, un accident dans le domaine de l’environnement n’est jamais le fruit du hasard seul. Le littoral atlantique a connu, un certain nombre de pollutions accidentelles, ayant affecté aussi bien le milieu que la ressource :

305

1. L’affaire kharq 5 Dans la nuit du 18 au 19 décembre 1989, pendant sa traversée dans les eaux maritimes marocaines, le super tanker iranien « Kharg 5 », a eu une explosion au niveau des citernes centrales. Abandonné par les 35 membres de son équipage (grecs, philippins et pakistanais) qui ont été récupérés par le navire de commerce russe « SARN », le pétrolier présentait une brèche de plus de 20 mètres de long sur 10 mètres de large, soit une ouverture de 200 mètres carrés. Selon les observations réalisées sur place, le débit de déversement avait été estimé a, quelques 200 tonnes de pétrole brut par heure. À ce rythme, il aurait fallu 1420 heures, soit 59 jours, pour que les citernes soient totalement vidées de leurs 284 mille tonnes de chargement. D’une longueur, hors tout, de presque 340 mètres et de 53,57 mètres de large, le bâtiment avait 18 citernes qui enfermaient du brut de qualité « iranian heavy ». Plusieurs remorqueurs ont été dépêchés sur place pour éteindre le feu et pour refroidir les citernes. Le 20 décembre 1989, vers la fin de I’après-midi (18 h 05 mn) I’incendie fût totalement maîtrisé. Le déchaînement constant d’une houle, atteignant 6 a 8 mètres, a rendu difficiles toutes les opérations de remorquage. Toute une armada d’unités de remorqueurs marocains, espagnols, anglais et hollandais, a effectué un effort titanique pour éloigner le danger. Le « duel » allait durer jusqu’a la fin du mois décembre, lorsqu’une courte accalmie climatique a permis de virer le navire dans la direction Ouest. D’un tirant d’eau de 21,73 mètres, le super tanker ne pouvait être accueilli dans aucun port marocain. Cette éventualité n’était même pas envisageable pour le port de Mohammedia, dont le tirant d’eau ne dépasse guère les 18 mètres. Ce qui, techniquement, explique en partie le refus catégorique des autorités marocaines de vouloir, coûte que coûte se débarrasser de cette indésirable nappe géante flottante. Le 19 janvier 1990, soit un mois après I’accident, Kharg 5 était signalé a 210 milles nautiques des iles du Cap Vert. Ce n’est que le 4 février, de la même année, que le transbordement des 200 000 tonnes de pétrole restantes a été effectué a bord d’un autre navire iranien, le SHIR KHOOH, au large de Sierra Leone. Environ 70.000 tonnes d’hydrocarbures ont été déversés dans les eaux marocaines, et ce juste après la déflagration du 19 décembre, auxquelles il faudrait ajouter environ 10 000 tonnes, qui ont été déversés durant la présence du navire en détresse dans le territoire marin national. La nappe a été signalée de Moulay Bousselham jusqu’a Safi. Dans certaines de ses parties, notamment celle qui s’était rapprochée le 5 janvier 1990 de la ville d’ Azemmour, elle atteignait une surface de 1 400 km. Le travail de la houle, des vents et des vagues a disloqué la marée en plusieurs conglomérats de dimensions différentes.

2. L’affaire sea spirit C’est durant la nuit du 6 au 7 août 1990 qu’une collision a eu lieu entre un pétrolier de nationalité panamienne, le « SEA SPIRIT », et le méthanier norvégien le « HESPERUS ». Le premier transportant 55 000 tonnes de fuel, et faisait route vers le port de Mohammedia, alors que le second était chargé de 35 mille tonnes d’ammoniaque. L’accident s’est produit a environ 6 milles marins au Nord-Ouest de Cap Sparte] (Tanger), ce qui a eu pour conséquence l’ouverture d’une brèche très importante au niveau du réservoir no 8 du premier navire. Environ 12 mille tonnes de pétrole ont été déversées dans les eaux sous juridiction marocaine, soit presque 22 % du total de la cargaison. Refusant de I’accepter dans ses ports, I’autorité marocaine a donné la 306

ferme instruction a I’équipage du SEA SPIRIT de s’éloigner le plus possible des cotes nationales. Cette opération avait été suivie par les unités de la Marine Royale. Trois semaines après la collision, c’est-à-dire le 31 août, le transbordement du fuel restant a démarré pour s’achever le 6 septembre. C’est le pétrolier chypriote, « KATINA », qui s’est chargé de cette opération et du transport de la cargaison jusqu’au terminable de Mohammedia. Sous l’effet des courants et des vents, la nappe de pétrole s’est déplacée lentement, mais sûrement, pour atteindre le littoral méditerranéen marocain. Le 10 septembre 1990, la marée noire était déjà à quelques mètres de la baie d’ Al Hoceima. Quatre provinces principales ont été touchées par cette catastrophe : il s’agit de Tetouan, Chefchaouen, AI Hoceima et Nador, soit une bande côtière de 460 km.

3. Accident de pollution par l’acide phosphorique, survenu à jorf lasfar (octobre 1997) Nature de l’accident Déversement en mer de quantités importantes d’acide phosphorique émanant du complexe phosphatier de Jorf Lasfar. Région touchée Frange littorale de Jorf Lasfar Diagnostic Les résultats des analyses effectuées après l’accident, ont dénoté une prédominance de l’acide phosphorique, au niveau du collecteur principal des rejets du complexe. Cependant, la dilution, le pouvoir épurateur du milieu et le mouvement des vagues, ont certainement contribué à éviter à la zone de subir de nouvelles contraintes environnementales.

4. Mortalité de poissons survenue au port de Casablanca (Avril 1998) Nature de l’accident Mortalité massive de poisson survenue au niveau d’un lac situé à l’intérieur de l’enceinte portuaire de Casablanca. Zone touchée Un lac qui s’étend sur environ 4 Hectares à quelques dizaines de mètres de la côte. Diagnostic Les résultats des analyses chimiques, microbiologiques et du phytoplancton toxique, réalisées n’ont donné aucune explication certaine des causes de l’accident, mis à part l’enregistrement de faibles concentrations en oxygène dissous. La forte mortalité de poisson pourrait être provoquée par une anoxie du milieu, ayant provoquée la mort du poisson par asphyxie. 307

Photo 18 : Mortalité massive de poissons survenue au niveau du lac Du port de Casablanca

308

Recommandations – Remettre du poisson vivant dans le lac et suivre son évolution, afin de vérifier la persistance ou non des agents responsables de la mortalité ; – Établir un plan d’urgence permettant de mobiliser les compétences et les moyens nécessaires en un temps extrêmement court, et ce dans le cadre d’une commission similaire à celle constituée à l’occasion de cet accident.

5. Pollution organique du bassin portuaire de Larache (Janvier 1999) Nature de la pollution Pollution organique émanant des rejets domestiques et industriels. Zone touchée Le bassin portuaire Photo 19 : Rejets de l’unité industrielle de Conserve de la tomate dans le bassin portuaire de Larache (janvier 99)

Diagnostic La pollution enregistrée au niveau du bassin portuaire de Larache était due au déversement direct et sans aucun traitement préalable des eaux usées industrielles, émanant de l’unité industrielle de conservation de la tomate « Loukkos », provoquant une coloration rouge des eaux du bassin portuaire. 309

Recommandations – Arrêt immédiat des rejets directs des effluents de l’unité de transformation de la tomate « Loukkos » dans le bassin portuaire ; – Nécessité de la réalisation d’une étude d’impact des rejets sur la salubrité du bassin portuaire.

6. Incendie survenu à la société CPCM située sur le littoral de Casablanca (Juillet 1999) Nature de l’accident Incendie survenu à la société CPCM, située au niveau de Oukacha. Zone touchée Zone littorale de Oukacha. Diagnostic Les résultats d’analyses physico-chimiques (nitrates et phosphates) ont enregistré des valeurs légèrement supérieures à celles normalement mesurées dans la région, ce qui pourrait être dû au déversement de produits chimiques en mer suite à cet accident. Parallèlement, une mortalité de la moulière bordant la zone la plus proche de l’usine incendiée a été observée. Recommandations Suivi des analyses et quantification des risques de dégradation que pourrait subir la zone, suite à cet accident.

7. Apparition de petits pélagiques à proximité de la côte de Tamaris au sud de Casablanca (Juillet 1999) Nature de l’accident Apparition massive de poisson, anchois et maquereau, à proximité de la côte. Zone touchée La côte casablancaise, située entre Dar Bouazza et Tamaris. Diagnostic Les résultats d’analyses n’ont révélé aucun phénomène de pollution côtière, naturel ou provoqué. Cependant la présence de petits pélagiques, vivants et en parfait état, au bord de la plage est inhabituelle. Ceci pourrait être lié au phénomène des eaux rouges qui touchaient la frange côtière située entre Larache et Casablanca pendant cette période. Le poisson, fuyant les nappes des eaux rouges, à la recherche des zones plus oxygénées, s’est retrouvé au bord de la plage.

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8. Accident de pollution par le charbon au niveau de la côte de Mohammedia. (Août 1999) Nature de l’accident Déversement en mer de quantités importantes de charbon brûlé émanant de la centrale thermique de Mohammedia. Région touchée Zone côtière de Ouled Hmimoune (située à environ 7 Km au sud de la plage de Mohammedia) Diagnostic Il ressort des résultats de la prospection faite sur place, que la nappe noirâtre observée par les pêcheurs et les habitants de la localité était due au déversement direct en mer à travers les eaux de refroidissement de la centrale thermique, de grandes quantités de charbon brûlé et donc moins dense pour flotter et constituer une nappe qui a dérivé sur la plage. Recommandations Il a été recommandé : – de procéder au nettoyage de la plage pour empêcher le relargage des gravats de cendres de charbon vers le fond marin ; – que cette opération de vidange, qui est pratiquée par la centrale thermique tous les trois ans, cesse et ne se reproduise plus.

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CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

313

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V. Conclusions et recommandations Il ressort des différents chapitres traités dans ce document, que les études menées ne permettent pas de dégager de tendances (progressives ou dégressives) significatives des différents paramètres renseignant sur l’état de l’environnement du milieu marin (données disponibles sur des périodes courtes). Néanmoins, elles permettent de montrer que le littoral connaît plusieurs points de contamination et de pollution, notamment chimique et biologique d’origine tellurique et naturelle (efflorescences phytoplanctoniques). Cette pollution reste localisée au niveau des points de rejet des émissaires urbains et industriels. Faut-il conclure du caractère localisé de cette pollution que la situation est loin d’être dramatique ?. Plusieurs questions peuvent nuancer cette hypothèse. En effet, les connaissances sur l’impact des différents rejets sur les nurseries et les frayères, où viennent se regrouper les juvéniles pour profiter, notamment de l’abondance de la nourriture sont insuffisantes. Par ailleurs, le bilan dressé fait ressortir les faits marquants suivants : – Les zones de production conchylicole littorales ne présentent aucune contamination notable ; – La pollution chimique et bactériologique affecte plus particulièrement les zones urbaines et industrielles (Tetouan, Kénitra, Casablanca, Mohammedia, Jorf Lasfar, Safi et Agadir,...), où des taux élevés notamment en métaux lourds, en hydrocarbures de pétrole, et en coliformes fécaux ont été décelés dans les différents compartiments du milieu marin : eau, sédiment et organismes marins essentiellement, coquillages bivalves utilisés en tant que bioindicateurs de la pollution. Les concentrations les plus importantes concernent le chrome au niveau de Kénitra, le mercure, le cuivre, les PCB et les hydrocarbures au niveau de Casablanca– Mohammedia, le cadmium et le cuivre au niveau de Jorf Lasfar et Safi et enfin les hydrocarbures au niveau d’Agadir. Ceci dénonce l’impact des rejets urbains et industriels, évacués souvent sans aucun traitement préalable, sur le milieu marin ; – Les zones protégées et à intérêt écologique, notamment les lagunes de : Nador, Moulay Bousselham, Oualidia, Sidi Moussa et la baie de Dakhla, présentent : R une certaine bioaccumulation des métaux lourds ainsi qu’un enrichissement en éléments nutritifs (nitrates et phosphates), observé au niveau d’échantillons d’organismes marins et d’eau provenant de ces milieux. Ceci peut contribuer à long terme, à modifier la qualité du milieu et à empêcher voire freiner le développement de l’activité aquacole, si des mesures de préservation ne sont pas prises ; R des concentrations importantes en coliformes fécaux par périodes intermittentes, dépassant les seuils admissibles au niveau des zones recevant des rejets urbains ; – Les estuaires, notamment Loukkos, Sebou, Bouregreg et Oum Erbia, véhiculant les eaux continentales chargées en substances polluantes, contribuent à la dégradation de la qualité des eaux marines ; – L’augmentation de la fréquence d’apparition des efflorescences phytoplanctoniques, et l’accroissement de l’emprise géographique des apparitions ; – Les efflorescences phytoplanctoniques nuisibles se produisent plus fréquemment en Méditerranée qu’en Atlantique. En effet, le littoral méditerranéen, notamment sa partie occidentale (Oued Laou– Kaâ 315

Srass), se caractérise par la contamination permanente de la coque rouge par la toxine paralysante (PSP), à des taux dépassant largement le seuil permis ; – La surveillance a permis de mettre en évidence les espèces de phycotoxines responsables de la contamination des mollusques bivalves sur les côtes marocaines. L’inventaire des espèces nuisibles doit être tenu pour provisoire (ce n’est qu’un ” état de lieu ”). Il existe bien des espèces nuisibles de par le monde, qui peuvent une année ou l’autre, coloniser les côtes marocaines suite aux différents changements climatiques. Le cas de détection de phycotoxines PSP en 1994 et des phycotoxines DSP en 1999, révèlent bien l’existence de dangers potentiels. Le passage en revue de ces différentes conclusions montre qu’il reste beaucoup à faire. La préservation du patrimoine littoral et de son système écologique reste tributaire des mesures d’urgence à entreprendre par les pouvoirs publics. Ce patrimoine côtier mérite, de la part des autorités concernées comme du grand public qui en profite, une mobilisation des efforts, afin de le sauvegarder et de le préserver de toute détérioration. Aussi et face à cette situation, les pouvoirs publics ont réagi par l’élaboration durant les années 1980 et 1990, de nombreux plans et programmes d’intervention visant la sauvegarde et le développement des ressources naturelles et à un degré moindre l’amélioration du cadre de vie des populations . La plupart de ces initiatives n’ont cependant connu qu’un succès relatif. Elles ont été souvent conçues et mises en œuvre plus ou moins isolément, sur la base de projets, sans cohérence entre elles, ni réelle approbation de la part des acteurs et des population concernées.

VI. Plan d’action national pour l’environnement C’est précisément cette situation que la programme d’action national pour l’environnement (PANE) a souhaité changer. Il se veut être la suite logique de la stratégie nationale de l’environnement et du développement durable mise en place par le département de l’environnement . À ce titre, il propose un ensemble d’actions qui s’inscrivent dans les domaines prioritaires suivants : – Protection et gestion durable des ressources en eau ; – Protection et gestion durable des ressources en sols ; – Protection de l’air et promotion des énergies renouvelables ; – Protection et gestion durable du milieu naturel ; – Prévention des catastrophes naturelles et des risques technologiques majeurs ; – Amélioration de l’environnement urbain et péri-urbain ; – Gestion et communication environnementale. S’agissant du programme ”Protection et gestion durable du milieu naturel”, bien que les actions retenues aient été identifiées en raison de la portée de leur impact environnemental et de leur cohérences vis-à-vis de la stratégie nationale de l’environnement et du développement durable et les conventions internationales qui engagent la Maroc, celles-ci ne concernent cependant, pas directement les mesures de préservation et de limitation des différentes pollutions que connaît le milieu marin marocain, le littoral en particulier. En effet, des actions spécifiques doivent être retenues portant principalement, conformément au plan d’action mondial pour la protection du milieu marin, sur les sources d’eaux usées, des polluants organiques persistants, 316

des radionucléides, des métaux lourds, des hydrocarbures de pétrole, des nutriments, des sédiments contaminés et des déchets solides, les aspects réglementaires, les infrastructures, la surveillance et le contrôle.

1. Actions du PANE – Étude et classement des zones conchylicoles – Conservation des zones humides et des écosystèmes côtiers en région Méditerranée – Élaboration et réalisation d’un programme de surveillance et de recherche sur les espèces marines menacées. – Élaboration d’une loi sur les pêches et la préservation des écosystèmes marins. – Renforcement du cadre juridique relatif à la protection du littoral généralisation des schémas Directeurs d’aménagement du littoral national – Mise en place d’un observatoire du littoral – Élaboration d’une stratégie de développement intégrée du littoral et de l’arrière pays. – Renforcement et coordination des réseaux de surveillance de la qualité chimique et biologique du milieu marin et de la qualité hygiénique des plages. – Réhabilitation des plages des baies d’Agadir et de Tanger menacées d’erosion. – Élaboration et mise en œuvre des plans d’action de dépollution (lutte et prévention industrielle dans les zones sensibles : régions d’El Jadida et Safi). – Promulgation de l’arrêté portant application du décret o 2.95.717 du 22 novembre 1996 relatif à la préparation et à la lutte contre les pollutions marines accidentelles. – Formation du personnel de la lutte contre la pollution marine accidentelle. – Élaboration de plans d’urgence et d’intervention au niveau des ports du Royaume. – Participation des professionnels de la mer aux efforts de lutte contre la pollution marine et dans les bassins portuaires. – Contrôle de la qualité des eaux portuaires.

1.1. Établissement des priorités d’action 1.1.1. Eaux usées Il faut accorder aux rejets d’eaux usées (sources ponctuelles) et le ruissellement agricole (source non ponctuelle) une priorité élevée. Ils peuvent nuire à la santé publique et restreindre l’utilisation des ressources halieutiques. Les fermetures de la récolte des mollusques et les fermetures de certaines zones de baignade sont fréquentes. Ces fermetures attribuables à la contamination bactérienne sont imposées dans presque toutes les zones qui jouxtent les secteurs urbains.

Polluants organiques persistants Les POP doivent avoir une priorité élevée. Le contrôle des peintures antisalissures renfermant du tributylétain (TBT) est un objectif important. Le TBT ne cesse d’être utilisé dans les peintures antisalissures appliquées aux navires à la coque en aluminium et aux grands navires. Les effets de ces polluants sur les 317

mollusques bivalves ne cessent d’être rapportées à proximité des ports. La communauté internationale s’inquiète de la toxicité de ce composé, et des mesures de contrôle nationales doivent être prises. Radionucléides En raison de l’absence de sources terrestres importantes (p. ex., centrales nucléaires). Il faut accorder une faible priorité aux radionucléides. Métaux lourds La présence dans le milieu de métaux lourds et de composés métalliques peut poser un risque pour la santé humaine, du fait de la consommation de produits de la mer dans les régions où les teneurs sont importantes. Parmi les sources de métaux lourds qui ont une priorité élevée, on compte les complexes industriels concentrés au niveau de l’axe Kénitra-Safi.

Pétrole et hydrocarbures La présence dans le milieu des hydrocarbures de pétrole peut poser un risque pour la santé humaine, du fait de la consommation de produits de la mer dans les régions où les teneurs sont importantes. Parmi les sources d’hydrocarbures qui ont priorité élevée, on compte les complexes industriels concentrés au niveau de l’axe Mohammedia-Casablanca et l’activité portuaire. Nutriments Les nutriments ont une faible priorité dans les eaux marines. Il faut s’en préoccupe dans les baies et lagunes en raison de leur fragilité. Déchets solides L’impact esthétique des déchets solides leur confère une faible priorité, mais leur impact biologique local n’a pas été documenté.

1.2. Actions proposées par rapport aux priorités établies Les actions suivantes visent à renforcer et étoffer les nombreux règlements, lois et programmes déjà en place pour atteindre les buts et objectifs de protection et de lutte contre la pollution notamment celles retenues dans le cadre du plan national (PANE).

1.2.1. Réglementation et cadre juridique relatif à la protection du milieu marin Avec les récentes promulgations de lois en matière de protection de l’environnement en général, le milieu marin en particulier, le Maroc est hissé au rang des pays avancés en matière de protection de l’environnement. Il y a lieu de signaler, dans ce cadre : – La loi formant code des pêches maritimes ; – La loi sur le littoral ; – La loi sur les études d’impact. 318

Cependant, la non ratification ou la non adoption de certains instruments internationaux par le Maroc démontre, soit sa réticence à l’égard de telle ou telle convention, soit un manque d’intérêt pur et simple. Aussi, il est urgent de palier à ce déficit, dans l’engagement du Maroc à l’échelle internationale ou régionale

1.2.2. Recherche scientifique et surveillance – Renforcer la recherche scientifique marine en tant qu’instrument d’investigations au service de la Communauté Nationale, en lui accordant les moyens nécessaires pour accomplir convenablement la mission qui lui est conférée, notamment par : R L’affectation des ressources financières suffisantes, stables et pérennes ; R La dotation en infrastructures adéquates, y compris les moyens à la mer et les équipements scientifiques et techniques ; R Le renforcement de ses ressources humaines par le recrutement de personnel adéquat ; – Adopter les conclusions des travaux et de recherche en tant qu’élément invariant (incontournable) de toute politique des pêches et de préservation des écosystèmes marins et littoraux ;

1.2.3. Lutte antipollution – La mobilisation des compétences et moyens nécessaires à la prévention des accidents qui menacent l’équilibre des écosystèmes et à la correction de leur impact sur ces derniers. À ce sujet, l’arrêté portant sur l’application du décret No 2-95-717 du Rajab 1417 (22 Novembre 1996) relatif à la préparation et à la lutte contre les pollutions marines accidentelles, a pour objectif de fixer les mesures d’application des dispositions du décret mentionné ci dessus, notamment les conditions de déclenchement de l’alerte en cas de pollution, de la mise en action du plan d’urgence national et à son exécution ainsi que les mesures de préparation de lutte et les rôles des différents intervenants. Cet arrêté s’articule autours des cinq chapitres suivants : – Chapitre 1 : portant sur le déclenchement de l’alerte en cas de pollution marine accidentelle, – Chapitre 2 : concerne l’organisation des actions de mise en œuvre du plan d’urgence, – Chapitre 3 : relatif à la formation du personnel en prévision de la lutte contre la pollution marine accidentelle, – Chapitre 4 : portant sur la gestion comptable, gestion des stocks et tenue des inventaires dans le cadre du plan d’urgence national, – Chapitre 5 : concerne les rôles des différents intervenants en matière de prévention et de lutte contre les pollutions marines accidentelles. Concernant ce dernier chapitre (article 31), l’état major de direction de la lutte prévu par l’article 5 du décret No 2-95-717 se compose des représentants des différents départements et organismes. De ce fait et vu les taches et les responsabilités attribuées aux différents intervenants dans le cadre de cet arrêté, il est nécessaire, voire obligatoire, de doter ces intervenants des moyens nécessaires à l’exécution de leurs missions. Ces moyens sont les suivants : 319

A. Formation Conformément au chapitre III de l’arrêté, il faut prendre les dispositions nécessaires pour que soit dispensé aux scientifiques impliqués, des formations auprès des organismes internationaux reconnus dans ce domaine (CEDRE, I.F.P...) et ceci en matière : – de techniques d’échantillonnage et d’analyses d’hydrocarbures brutes, – de connaissance des types d’hydrocarbures, ainsi que d’autres formations liées aux taches attribuées aux intervenant.

B. Moyens Afin de pouvoir réaliser les prélèvements et les analyses des échantillons et de mener l’étude d’impact au niveau des zones touchées, il faut doter les institutions impliquées des équipements nécessaires et non existants dans leurs laboratoires.

1.2.4. Préservation des écosystèmes marins – Intégrer dans le schéma général de l’aménagement du territoire une cartographie des zones littorales fragiles (zones humides ou confinées) et sensibles (zones de reproduction et de développement larvaire des ressources halieutiques) ainsi que les zones destinées aux réserves marines. – Réserver une place importante à la préservation des ressources littorales, notamment par des activités de repeuplement et une aquaculture adaptée et ce, dans le cadre du schéma national d’aménagement du territoire, en particulier dans la partie consacrée au littoral. – Considérer le programme de mise en place de villages de pêcheurs le long du littoral national, comme un élément de stabilisation du milieu marin, permettant la maîtrise de l’impact de la pêche artisanale sur le littoral. Ce programme devra constituer un élément fondamental, dans la cadre de la gestion intégrée de l’espace côtier.

A. Contaminants – Dresser un inventaire des substances chimiques toxiques et fournir des informations et des conseils techniques quant à leur utilisation et leur quantités ; – Rationaliser l’utilisation des pesticides ; – Interdire l’utilisation du TBT conformément aux recommandations internationales.

B. Eaux usées – Formuler et adopter des objectifs de qualité du milieu et des valeurs limites de rejet ; – Formuler et adopter des objectifs de qualité des zones conchylicoles ; – Raccorder l’ensemble des villes et des agglomérations urbaines côtières à des réseaux d’assainissement – Mettre à la disposition des industriels des structures de soutien et financières en vue de faire face aux problèmes de dépollution, et ce, dans l’attente de la mise en place de stations d’épuration. En effet, Le pays compte une soixantaine de stations d’épuration. dont seulement deux fonctionneraient convenablement. – Procéder à l’achèvement du plan d’assainissement du grand Casablanca, notamment au niveau central et de la ville de Mohammedia. 320

– Compte tenu du risque environnemental que pose le problème de l’évacuation des phosphogyps en mer, il est temps de penser aux procédés de stockage de ces phosphogyps en les mettant à terril au sol par exemple, tel que s’est pratiqué largement à travers le monde, notamment un stockage dans les parties abandonnées et épuisées des mines de phosphate. Ceci présente l’avantage de disposer du phosphogyps dans le cas de son éventuelle utilisation comme matière première dans plusieurs possibilités de valorisation.

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DÉFINITIONS ET ABRÉVIATIONS

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Définitions et abréviations Accumulation : C’est la capacité qu’à une substance tels les métaux lourds, de se fixer dans un compartiment donné (sédiment) à des concentrations supérieures aux valeurs naturelles. Benthos : Toute forme de vie aquatique (animale ou végétale) trouvée sur le fond d’une rivière d’un lac ou d’un océan. Bioindicateur : Un organisme ou un ensemble d’organismes dont les réponses biologiques aux différents facteurs du milieu permettent de caractériser l’état et/ou l’évolution d’un écosystème. Biomarqueur : Un changement observable et :ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique ou comportemental, qui révèle l’exposition présente ou passée d’un individu à au moins une substance chimique à caractère polluant. Biotope (habitat) : Tout espace physique solide liquide ou gazeux (air, eau, sol) occupé par un être vivant ou une population (biocénose). CE – 50 (concentration effective) : La concentration d’une substance chimique pure ou d’un effluent ou rejet urbain ou industriel, ayant entraîné 50 % d’effet toxique (inhibition, modification physiologique, anomalie de développement, mortalité...) chez un individu ou une population d’organismes, après un temps d’exposition donné. Cd : Cadmium, élément métallique Coquillages : Toutes espèces de mollusques lamellibranches et gastéropodes marins ainsi que les échinodermes et les tuniciers, qui peuvent être consommés crus ou cuits et sont habituellement ingérés avec les viscères compris. Coliformes fécaux thermotolérants : Bactéries qui, à la température de 44 o C, fermentent le lactose avec production de gaz et donnent de l’indole à partir du tryptophane, lorsque l’essai est effectué selon la méthode spécifiée dans la Norme NF V 45-110. Contamination : On parle de contamination lorsque les concentrations en une substance donnée (physique, chimique et biologique) avoisinent ou dépassent les normes admises. Cr : Chrome, élément métallique C. Th : Coliformes fécaux thermotolérants Cu : Cuivre, élément métallique DCO (demande chimique en oxygène) : La mesure du taux d’oxygène nécessaire à l’oxydation de tous les composés (organiques et inorganiques), dans l’eau. DDT : Dichloro diphénil trichloréthane. DSP : Diarrheic Shellfish Poisoning (la toxine diarrhéique) Écosystème : Organisation biologique composée de tous les organismes présents dans une aire donnée, et présentant les interactions entre eux (c’est l’ensemble Biotope c Biocénose c Interaction). Effets biologiques : Le terme d’effets biologiques désigne toute perturbation, aussi bien au niveau cellulaire (biomarqueurs), au niveau de l’individu qu’au niveau de la population, permettant à la fois le suivi dans l’espace et dans le temps de la réponse des organismes à la pression toxique du milieu et à la mise en relation des sources polluantes et des effets enregistrés. Eutrophisation : Phénomène caractérisé par un déséquilibre écologique avec, au départ, une fertilisation 329

excessive en éléments minéraux et ou organiques d’origine anthropique dans la couche superficielle ; sa décomposition ultérieure dans la couche sous-jacente diminue, voire annule la teneur en oxygène gazeux dissous. Cette anoxie provoque la mort de certains organismes ou le développement d’espèces opportunistes. HAP : Hydrocarbures aromatiques polycycliques Hg : Mercure, élément métallique Hydrocarbures : Au sens strict, sont des molécules renfermants des atomes de carbone et d’hydrogène. Les produits pétroliers sont constitués par un mélange complexe d’hydrocarbures. Hydrocarbures naphténiques : Hydrocarbures saturés avec une partie cyclique Hydrocarbures paraffiniques : Hydrocarbures à chaîne droite ou ramifiée, saturée. Hydrocarbures oléfiniques : Hydrocarbures à chaîne linéaire insaturée. Lagune : Au sens large, ce terme désigne tout bassin naturel en relation avec la mer ouverte par plusieurs passes au sens strict. MES (matières en suspension) : Ensemble des particules solides de petite taille transportées au sein de la masse d’eau. Métaux lourds : Éléments métalliques dont le nombre atomique est généralement supérieur à 20 (mercure, plomb, cadmium...). Ils peuvent induire des dommages à de faibles concentrations, et tendent à s’accumuler dans la chaîne alimentaire. mg/kg.ps : Concentration ou teneur des métaux lourds exprimée en mg/kg de poids sec de chair de coquillage mg/kg.equi.chrys. : Concentration ou teneur en hydrocarbures exprimée, par rapport à un étalon chrysène, en mg/kg de poids sec de chair de coquillage Sels nutritifs (p éléments nutritifs ou nutriments) : Éléments chimiques indispensables à la synthèse autotrophe de matière organique. Le terme est souvent réservé aux éléments dont la concentration constitue parfois un facteur limitant (ce qui exclut le carbone organique toujours en excès dans la couche de surface des océans). Le terme est donc synonyme de l’ensemble l’azote, phosphore et silicium inorganiques dissous. Off-Schore : Partie haute des faciès littoraux vaseux recouverts seulement au moment de très fortes marées (terme d’origine flamande synonyme de prélassé). Paralique : Bassin d’eau fermé ou semi-fermé : lacs, baies, lagunes, estuaires. Pb : Plomb, élément métallique PCB : Polychlorobiphényls Pesticides : Produits chimiques utilisés en agriculture pour lutter contre les insectes, moisissures, mauvais herbes, acariens, vers... Phycotoxines : Les substances toxiques accumulées par les coquillages quand ils se nourrissent du plancton contenant ces toxines Polluants chimiques : Le terme de polluants chimiques désigne l’ensemble des composées toxiques (métalliques et organiques) libérés dans le milieu ; mais aussi les substances qui sans être vraiment dangereuses pour les organismes, exercent une influence perturbatrice sur l’environnement. Reparcage : L’opération consistant à transférer des coquillages vivants dans des zones maritimes ou lagunaires agrées ou des zones d’estuaires agrées, pendant le temps nécessaire à l’élimination des contaminants. Surveillance : Test ou activité continue ou périodique visant à déterminer les niveaux et les effets des polluants, dans différents milieux inertes ou vivants. Toxicité : Capacité propre d’une substance ou d’un milieu complexe de provoquer des effets nocifs chez les organismes vivants. 330

Toxicité sublétale : Ensembles des premiers effets (physiologiques, biochimiques, histopathologiques et comportementaux) d’une substance ou d’un effluent sur différentes fonctions d’un organisme, ou d’un ensemble d’organismes (population), se situant en dessous des effets létaux (mortels). Zone conchylicole : Toute partie de territoire maritime, lagunaire, d’embouchure ou d’estuaire où se trouvent soit des bancs naturels de mollusques bivalves, soit des sites employés pour la culture de mollusques bivalves à partir desquels les coquillages sont récoltés. Unité souris (US) : Correspond à la quantité minimale de phycotoxines PSP qui tue en 15 minutes une souris de 20 g après injection intrapéritonéale d’un ml de toxiones sous forme d’extrait.

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LISTE DES FIGURES

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Liste des figures Figure 1 : Impacts possibles de divers apports en milieu littoral. Figure 2 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages, en mg/Kg.ps Figure 3 : Concentrations des hydrocarbures HAP dans la chair des coquillages en mg/Kg.equiv.chrys Figure 4 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages Fnidek – Kaâ-Srass Figure 5 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages Cap de l’eau – Saïdia Figure 6 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages d’Atalayoune Figure 7 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages prélevés au niveau des sites de la zone côtière et de la lagune en mg/Kg.ps Figure 8 : Concentrations des hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages en mg/Kg. Equiv chrys Figure 9 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Chaâla Figure 10 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages en mg/Kg.ps Figure 11 : Concentrations des hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages en mg/Kg.equiv.chrys Figure 12 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Mansouria Figure 13 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Dar Bouaâzza Figure 14 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages de Moulay Bousselham en mg/Kg.ps Figure 15 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) de la lagune de Moulay Bousselham Figure 16 : Concentrations des métaux lourds (moyennes annuelles) dans la chair des coquillages provenant de l’estuaire du Loukkos en mg/Kg.ps Figure 17 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair de coquillage provenant de Sebou en mg/Kg.ps Figure 18 : Concentrations des hydrocarbures (HAP) dans la chair de coquillage provenant de Sebou en mg/Kg. Equiv chrys Figure 19 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages provenant de Bouregreg en mg/Kg.ps Figure 20 : Concentrations en hydrocarbures (HAP) dans la chair des coquillages provenant de Bouregreg en mg/Kg. Equ.chrys. Figure 21 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps Figure 22 : Concentrations (moyenne annuelle) en hydrocarbures enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps 335

Figure 23 : Comportement de filtration de l’huître creuse en fonction des concentrations des rejets dans le milieu Figure 24 : Effet des rejets liquides de la côte casablancaise sur la reproduction de l’oursin de mer Figure 25 : Impact des rejets de la côte casablancaise sur la densité spécifique de l’oursin P. lividus Figure 26 : Impact des rejets de la côte casablancaise sur la densité spécifique de la moule M. galloprovincialis Figure 27 : Impact des rejets de la côte casablancaise sur la densité spécifique de l’anémone Anemonia sulcata Figure 28 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps Figure 29 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps Figure 30 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire)des coquillages de la lagune de Sidi Moussa Figure 31 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages (Oualidia) en mg/Kg.ps Figure 32 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages de la lagune de Oualidia durant l’année 2000 Figure 33 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages en mg/Kg.ps Figure 34 : Concentrations des métaux lourds (moyenne annuelle) dans la chair des coquillages en mg/Kg.ps Figure 35 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Cap Ghir Figure 36 : Évolution de la qualité bactériologique (C.Th./100 g de chair et de liquide intervalvaire) des coquillages de Tamri Figure 37 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps Figure 38 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages (Khnifiss) en mg/Kg.ps Figure 39 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages de la lagune de Khnifiss durant les années 2000-2001 Figure 40 : Concentrations (moyenne annuelle) en métaux lourds enregistrées dans la chair de coquillages en mg/Kg.ps Figure 41 : Évolution de la qualité bactériologique des coquillages de la baie de Dakhla 2000-2001 Figure 42 : Évolution des toxines PSP dans a) les praires et b) les vernis de Cap de l’eau Figure 43 : Évolution des taux de toxines PSP dans les coques de a) Saïdia et b) Cap de l’eau Figure 44 : Évolution des taux des toxines PSP dans les coques de a) Kaâ Srass b) Oued Laou et c) Martil Figure 45 : Taux de toxine PSP enregistrés dans les moules et haricots de mer de Plage Blanche Figure 46 : Taux de toxines PSP enregistrés dans les moules de la région d’Agadir Figure 46 : Taux de toxines PSP enregistrés dans les moules de la région d’Agadir (suite)

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LISTE DES TABLEAUX

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Liste des tableaux Tableau 1 : Teneurs moyennes en métaux lourds (mg/Kg p.s) enregistrées dans le muscle de différentes espèces de poissons entre 1997 et 1999 Tableau 2 : Profil d’impact des rejets de la côte de la Wilaya du Grand Casablanca Tableau 3 : Interdiction des régions de production conchylicole en raison de la présence des phycotoxines Tableau 4 : Critères d’évaluation de la qualité microbiologique et chimique (échelle arbitraire de couleur)

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LISTE DES PHOTOS

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Liste des photos Photo 1 : Embouchure de oued Loukkos Photo 2 : Rejets liquides des activités d’électrolyse et de pétrochimie Photo 3 : Rejets liquides complexes au niveau de Aîn sebaâ (Oukacha) Photo 4 : Prises de vues microscopiques de larves d’oursins Photo 5 : Passes de communications de la lagune avec la mer Photo 6 : Emissaire des rejets liquides – solides du complexe phosphatier de Safi Photo 7 : Emissaire des rejets liquides – solides du complexe phosphatier de Jorf Lasfar Photo 8 : Déformations morphologiques des coquilles des moules provenant des zones côtières de Jorf Lasfar Photo 9 : Décorticage et séchage des moules (région d’Agadir) Photo 10 : Collecteur des eaux usées d’Anza Photo 11 : Phoque moine de la région de Dakhla Photo 12 : Eaux colorées observées à Oualidia en été 2001 Photo 13 : Alexandrium catenella observé dans la lagune de Nador Photo 14 : Alexandrium minutum Martil-Oued laou (Vue ventrale) Photo 15 : Gymnodinium catenatum (Oued laou) Photo 16 : Noctulica scintillans et une chaîne de Ceratium candelabrum (Oued Laou) Photo 17 : Nappes d’hydrocarbures ayant touché les plages d’Al Hoceima suite à l’accident Sea Spirit Photo 18 : Mortalité massive de poissons survenue au niveau du lac du port de Casablanca Photo 19 : Rejets de l’unité industrielle de Conserve de la tomate dans le bassin portuaire de Larache (Janvier 99)

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Les écosystèmes agricoles et pastoraux État des lieux et voies d’évolution Introduction ........................................................................................................347 I. Les écosystèmes aménagés : état des lieux .................................................348 1. Les écosystèmes agricoles ..........................................................................348 1.1. Le secteur agricole : Traits principaux et poids dans l’économie du pays ..................................................................................348 1.2. Les principales phases de la politique agricole ..................................349 1.3. Les variantes de l’agriculture marocaine ............................................350 1.3.1. L’agriculture irriguée, l’enjeu de la modernisation du secteur agricole ........................................................................350 1.3.2. L’agriculture pluviale: les enjeux de compétitivité et de cohésion sociale ...................................................................352 1.3.3. L’agriculture oasienne, l’enjeu géostratégique d’un espace fragile en péril ...................................................................356 1.3.4. L’agriculture de montagne, les multiples déséquilibres et l’impératif de la solidarité nationale ........................................358 2. Les écosystèmes pastoraux .........................................................................359 2.1. Le pastoralisme, une activité multidimensionnelle : sociale, économique, environnementales et culturelle .....................359 2.2. Évolution des écosystèmes pastoraux .................................................360 2.2.1. Les politiques de développement des terres de pâturage ......................................................................................360 2.2.2. Les acquis en matière de mise en valeur des terres de pâturage ......................................................................................360 2.2.3. Les principales transformations de l’écosystème pastoral .............................................................................................361 3. Les principaux enseignements ..................................................................... 263 3.1. Les enjeux de la problématique agricole au Maroc ........................... 264

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3.2. Les défis identifiés de l’agriculture marocaine ................................... 266 3.3. Les atouts de l’agriculture marocaine .................................................. 372 3.3.1. Les ressources humaines .............................................................. 372 3.3.2. La richesse et la diversité des ressources naturelles ............... 373 3.3.3. Le potentiel de production agricole .............................................. 373 II. L’évolution tendancielle et les risques qui lui sont associés ..................... 375 1. Quelques indications sur les tendances prévisibles du secteur agricole ........................................................................................ 375 1.1. Amenuisement de la disponibilité des ressources naturelles ................................................................................................... 375 1.2. Extension de la pauvreté et des déséquilibres ................................... 376 1.3. Une dynamique d’occupation des sols et des systèmes de production ............................................................................................ 377 1.4. Une déprise rurale dans les zones marginales ................................... 378 1.5. Une dépendance alimentaire accrue ................................................... 378 1.6. Une intensification des systèmes de production................................. 379 2. Place du secteur agricole dans l’économie du pays : la question controversée de « la vocation agricole du Maroc » ............ 380 Conclusion ........................................................................................................... 380 III. La problématique et les défis du développement rural durable .............. 381 1. Les limites de l’ancienne approche au développement agricole............................................................................................................. 381 1.1. Un effort appréciable de réflexion, mais un déficit flagrant d’action ....................................................................................................... 381 1.2. Une politique agricole plus centrée sur l’agriculture que sur l’agriculteur ................................................................................. 382 2. Les lignes directrices d’une nouvelle approche au développement ............................................................................................... 383 2.1. Les préalables à la mise en place d’une véritable politique de développement rural durable ............................................................ 383 2.2. La nécessaire adéquation entre « les vocations agricoles » des terres et les productions qui y sont réalisées ............................. 386 2.3. Promotion d’une agriculture diversifiée .............................................. 386 2.4. Appui au développement de la recherche agronomique ................. 387 2.5. L’indispensable dynamisation de l’économie rurale ......................... 387 Conclusion......................................................................................................... 388 Références bibliographiques.................................................................... 388

HAMID NARJISSE

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Introduction Les nations sont de temps en temps interpellées pour évaluer les étapes franchies pour leur développement, et faire le point sur leurs points de force et de faiblesse. Le cinquantenaire de l’accession du Royaume du Maroc à son indépendance offre une opportunité toute indiquée pour procéder à un exercice de rétrospective et de prospective. Ce rendez vous a une forte charge symbolique. Il intervient à l’aube du troisième millénaire qui représente pour le Maroc un tournant historique, marqué par l’avènement d’un nouveau règne déterminé à instaurer un concept adapté de l’autorité, à promouvoir la modernité du pays et à renforcer la libéralisation de son économie. Cet exercice de prospective est aussi d’une actualité brûlante, car il coïncide avec le lancement du grand chantier du projet territorial national, matérialisé par la récente adoption du Schéma National de l’Aménagement du Territoire (SNAT). La présente note est une contribution à cet effort de veille stratégique. Elle porte sur le thème « cadre naturel, environnement et territoires » et focalise sur le secteur agricole, qui demeure essentiel pour le développement économique et social de notre pays. Ce secteur est confronté à une situation exceptionnelle dictée par les échéances de l’intégration de notre agriculture au marché international, ce qui représente pour notre pays à la fois un défi et une opportunité et qui réclame des remises en cause radicales. Le secteur agricole a déjà connu, au cours des dernières cinquante années, des mutations consécutives : – à l’évolution des politiques de développement économique et social mises en œuvre depuis l’indépendance, et – aux réformes induites (désengagement de l’État, libéralisation de l’économie, décentralisation) qui ont profondément marqué le secteur et considérablement bouleversé les pratiques et les rôles des différents acteurs. Ces mutations sont appelées à se poursuivre comme le laissent supposer les engagements récents des pouvoirs publics en faveur d’une libéralisation du secteur agricole, y compris ses composantes les plus sensibles. Toutes ces considérations rendent impérative, pour le Maroc, la nécessité d’une veille stratégique et de prospective en vue de : – saisir l’importance du secteur agricole et appréhender les enjeux et les facteurs qui déterminent son évolution, ainsi que l’impact des changements qu’il subit ; – anticiper les changements, et produire des contenus pour construire des visions et éclairer les décisions quant aux politiques futures de développement durable. Ce rapport est organisé en trois parties. Nous dresserons d’abord un état des lieux, puis nous procéderons à un exercice de prospective et dégagerons l’évolution tendancielle pour les 20 prochaines années. Enfin, nous fournirons dans une troisième partie quelques éléments d’une vision pour une politique de développement rural durable.

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I. Les écosystèmes aménagés : état des lieux 1. Les écosystèmes agricoles 1.1. Le secteur agricole : Traits principaux et poids dans l’économie du pays Le Maroc dispose de 9,2 millions hectares (ha) cultivables, dont 13 % seulement sont irrigués, 5.8 millions ha de forêts, trois millions ha de nappes alfatières et 21 millions ha de terrains de parcours exploitables. L’agriculture marocaine se déploie dans le cadre de deux sous secteurs très contrastés. Le premier, traditionnel, mobilise les 9/10e de la population rurale, et se caractérise par le recours à des techniques agricoles rudimentaires et la prédominance des petites exploitations vivrières. Le second, moderne, concerne 1 500 000 ha environ. L’agriculture y est mécanisée, moyennement intensive et orientée vers le marché et l’agro-industrie. En dépit de la diversification de l’économie marocaine, l’agriculture demeure encore un secteur vital, contribuant entre 13 % et 20 %, selon les campagnes agricoles, au PIB national et procurant 80 % de l’emploi rural et plus de 40 % de l’emploi au niveau national. Le secteur agricole joue aussi un rôle important dans le commerce extérieur national. Durant la décennie 1990, les importations agricoles ont représenté en moyenne 19 % de la valeur des importations globales, alors que la part des exportations agricoles par rapport aux exportations globales a été de 18 %.

1.1.1. Le poids de l’agriculture dans l’économie du pays La figure 1 met en évidence la forte corrélation entre l’évolution de la production agricole et celle de l’économie du pays (Akesbi. 2002). Son examen montre que les variations du PIB agricole sont particulièrement fortes d’une année à l’autre (+78.2 % en 1996 ; i26.5 % en 1997 ; +27.9 % en 1998 ; i16.7 % en 1999, i14.7 % en 2000 puis +27.3 % en 2001). Celles du PIB global en sont tellement affectées qu’elles les suivent fidèlement dans leur mouvement. Sur une longue période, cette évolution en dents de scie traduit cependant une stagnation relative du produit agricole.

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Figure 1. Évolution du PIBA et du PIB, en termes constants, 1990-2001 (Akesbi. 2002)

1.2. Les principales phases de la politique agricole Dès les premières années de l’indépendance, l’agriculture a été placée au cœur de la politique de développement du Maroc. Durant une première phase, l’intervention de l’État poursuivait l’objectif de modernisation de l’agriculture marocaine, à travers le lancement des opérations engrais, semences et labour. Cette dernière fut la plus spectaculaire par son envergure. Elle s’articulait autour de trois composantes : la mécanisation, le remembrement, et l’encadrement. Cette première phase a été suivie d’une seconde plus volontariste, plus intense, mais sélective, menée jusqu’à la fin des années 1970. Celle-ci consistait à promouvoir une politique de grande irrigation marquée par le développement des cultures d’exportation et de substitution des produits alimentaires importés. Elle s’est déclinée en un ensemble de plans d’action sectoriels portant notamment sur les produits alimentaires de base et mis en œuvre grâce au support budgétaire permis par le Code des Investissements Agricoles. Au cours des années 1980, la politique d’ajustement structurel (PAS), arrêtée avec le concours de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, fut élargie au secteur agricole (PASA) à partir de 1985. Les orientations du PASA s’articulaient autour d’un axe principal constitué par le désengagement, l’instauration d’une politique de « vérité des prix » à la production et à la consommation, et l’abandon progressif de la subvention aux intrants agricoles. Cette période fut aussi marquée par un regain d’intérêt pour les zones bour favorables qui ont fait l’objet d’un ensemble de projets de développement intégré (PDI) destinés à corriger les déséquilibres qui existaient entre les zones d’agriculture pluviale et les zones irriguées. Ces projets visaient en général l’amélioration des revenus et des conditions de vie des populations des zones bénéficiaires. À partir du début des années 90, la volonté de libéralisation de tous les secteurs de l’économie marocaine rentre dans une phase décisive. Elle se manifeste par l’entrée en vigueur de l’accord du cycle d’Uruguay en 349

1994, l’institutionnalisation officielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1995, et la signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne en 1996, puis les accords de zones de libre-échange avec l’Égypte, la Tunisie, la Jordanie, et la Turquie en 2004, et de libre-échange avec les États Unis d’Amérique la même année. Ces réformes et l’option retenue de libéralisation de l’économie n’ont pas manqué de susciter des inquiétudes, en ce qui concerne les menaces qui pèsent sur la viabilité et la pérennité du secteur agricole national. Ce contexte a amené les autorités marocaines à élaborer, en 1999, une stratégie de développement rural, et organiser l’année suivante un Colloque National sur l’Agriculture et le Développement Rural, au cours duquel a été présentée et validée la Stratégie de Développement de l’Agriculture Marocaine à l’horizon 2020. Cette stratégie exprime une volonté politique articulée autour du lancement progressif d’une nouvelle génération de projets de développement rural intégré (DRI) et accorde une priorité aux espaces ruraux n’ayant pas fait l’objet d’investissements publics significatifs par le passé.

1.3. Les variantes de l’agriculture marocaine La typologie des zones agro-écologiques du Maroc, établie sur la base des hauteurs de précipitation, permet de définir cinq espaces agro-climatiques principaux : le bour favorable, le bour intermédiaire, le bour défavorable de l’Oriental et du Sud, la montagne et les oasis. Les caractéristiques pluviométriques de ces espaces et leur étendue sont consignées dans le tableau 1. Tableau 1. Superficie en milliers d’hectares des espaces agro-climatiques rencontrés au Maroc Espace agricole

Pluviométrie (mm)

Superficie

Bour favorable Bour intermédiaire Bour défavorable Montagne Pré-saharien et oasis

Supérieure à 400 300 à 400 200 à 300 400 à 1000 inférieure à 200

2 610 2 088 2 088 1 305 609

% de la SAU 30 24 24 15 7

L’examen du tableau 1 met en évidence le caractère pluriel de l’agriculture marocaine. Celle-ci comprend quatre principales composantes, à savoir : – – – –

l’agriculture irriguée l’agriculture pluviale l’agriculture de montagne l’agriculture oasienne

1.3.1. L’agriculture irriguée, l’enjeu de la modernisation du secteur agricole Le mythe du million d’hectares irrigués Le défunt Roi Hassan II lançait en 1968 une politique d’irrigation ambitieuse et volontariste, dont la mise en œuvre fut confiée à l’Office National d’Irrigation (ONI), crée à cet effet au début des années 1960. Cette politique dite du « million d’hectares irrigués » a bénéficié de moyens techniques, financiers et institutionnels considérables. Ainsi, les zones irriguées dans le cadre du programme de la Grande Hydraulique, qui 350

comptaient à peine 10 % de la SAU, se sont vues attribuer plus de 40 % de l’enveloppe budgétaire allouée au secteur agricole durant la période 1968-1972. L’État ne s’est pas contenté de mobiliser l’eau et de réaliser les équipements externes, il a également exécuté les travaux d’équipement interne, et imposé les assolements et les techniques culturales. Le Code des Investissements Agricoles, promulgué en 1969, constituait le support budgétaire de cette politique. Actuellement, plus de 113 barrages sont réalisés et permettent d’irriguer neuf grands périmètres, dont la superficie irrigable atteint 880 200 ha en l’an 2000, alors que celle effectivement équipée ne dépasse pas 671 700 ha à la même date (tableau 2). Tableau 2. Répartition des Superficies irrigables et équipées dans la zone d’action des Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole en l’an 2000 ORMVA

Superficies irrigables (ha)

Superficies équipées (ha)

Doukkala Gharb Haouz Loukkos Moulouya Ouarzazate Souss-Massa Tadla Tafilalet

133 600 222 500 189 900 33 700 77 300 37 600 39 900 117 800 27 900

104 600 106 400 142 600 26 400 77 300 37 600 39 900 109 000 27 900

TOTAL

880 200

671 700 Source : Administration du Génie Rural

Évolution productive et structurelle Incontestablement, la politique du million d’hectares a conduit à des résultats remarquables. Elle a en particulier permis au pays d’atténuer l’impact dévastateur des sévères sécheresses qu’il a connues depuis le début des années 1980. À cela s’ajoutent d’autres acquis tout aussi significatifs, en matière de développement rural, parmi lesquels nous pouvons citer : – L’amélioration des revenus des agriculteurs qui ont été multipliés par 5 à 9 selon les périmètres ; – La création de 120 millions de journées de travail par an ; – La réduction de l’exode rural : des enquêtes menées dans la région des Doukkala ont révélé que l’émigration a concerné 74 % des exploitations avant l’avènement du projet d’irrigation, contre 33 % seulement après ; – Le désenclavement des zones aménagées : la distance moyenne d’un douar à une piste est de moins de 100 m dans le périmètre du Loukkos, contre plus de 4 kms dans le bour non aménagé dans cette même région ; – L’accès aux services de base, favorisé par le regroupement de l’habitat. Ces réussites ne doivent pas pour autant occulter certaines déficiences de la politique d’irrigation. En effet, outre ses résultats relativement limités en matière de modernisation de l’appareil productif et d’amélioration des performances de production, la politique des barrages fut largement critiquée pour les disparités qu’elle générait. Ainsi, en marginalisant les zones d’agriculture pluviale et les périmètres de petite et moyenne hydraulique (PMH), l’État avait contribué à accentuer la dualité du développement agricole et par voie de 351

conséquence à paupériser de larges segments de la population rurale. Devant ce constat, divers correctifs ont été apportés. Ainsi, les zones d’agriculture pluviale ont bénéficié successivement des Projets de Développement Intégré (PDI) et des Projets de Mise en Valeur en Bour (PMVB). Plus récemment, un vaste projet de réhabilitation de la PMH (DRI-PMH) est en cours de mise en œuvre avec le concours de la Banque Mondiale. La productivité agricole enregistrée dans les grands périmètres irrigués n’a pas connu à son tour d’amélioration notable. Ainsi, une enquête menée dans le périmètre du Tadla, a permis de dégager trois modèles d’exploitation dans cette zone, à savoir le Modèle 1 (exploitations intensives de grande taille avec une SAU moyenne de 89 ha), le Modèle 2 (exploitations intensives de taille intermédiaire avec une SAU moyenne de 14 ha), et le Modèle 3 (exploitations de petite taille avec une SAU moyenne de 3 ha). Les résultats de cette enquête consignés dans le tableau 3 mettent en évidence la faiblesse des performances observées, quel que soit le modèle d’exploitation considéré. Il est toutefois intéressant de noter, que les exploitations de petite taille dégagent des productivités en général supérieures pour la plupart des cultures, objet de l’enquête. Tableau 3. Production en (qx/ha) enregistrée dans trois types d’exploitations agricoles dans le périmètre irrigué du Tadla (Ameziane. 1996) Modèle d’exploitation* Cultures

Blé tendre Blé dur Orge Mais Betterave

1

2

3

24.2 31.1 17.6 30.0 409.2

16.7 23.0 30.4 – 307.3

26.5 35.6 30.0 23.0 381.1

* Le nombre d’exploitations est de 12; 11; 19 respectivement pour les modèles 1, 2 et 3.

1.3.2. L’agriculture pluviale : les enjeux de compétitivité et de cohésion sociale L’agriculture pluviale couvre près de 90 % de la SAU du pays et occupe 82 % de sa population rurale. Selon les résultats du dernier recensement agricole (RGA) publiés en 1996, les céréales, les légumineuses et les oléagineux occupent respectivement 67.7 %, 2.8 %, et 1.2 % de la SAU. La jachère demeure importante, avec près de 25 %. L’agriculture pluviale au Maroc est soumise à des conditions climatiques très aléatoires. L’occurrence de la sécheresse est devenue en effet plus fréquente. Cette dernière a affecté cinq campagnes agricoles sur 40, durant la période 1940-1979, six sur 16 durant la période 1980-1995, et quatre sur sept dans les années 1996-2002. De ces variations climatiques résultent de très fortes fluctuations annuelles des superficies et des productions agricoles. À titre d’exemple, la variation de la production céréalière a été dans un rapport de 1 à 6 entre 1995 et 1996. Ces conditions défavorables déterminent la nature extensive des systèmes de production pratiqués dans les zones d’agriculture pluviale, dont les principales caractéristiques seront analysées dans la section suivante.

Une forte extension des zones de culture et prédominance de la céréaliculture La superficie agricole utile (SAU) du Maroc est limitée. Elle ne représente en effet que 13 % du territoire, soit environ 9,2 millions d’hectares cultivables (moyenne 1997/99). La SAU n’a pas cessé de s’étendre durant 352

les 30 dernières années. Ainsi, elle est passée de sept millions ha en 1970 à neuf millions ha en l’an 2000. Cette extension intervient, sous l’effet conjugué de la pression démographique, de la mécanisation, et du désir d’appropriation des terres collectives et domaniales. Elle s’est faite principalement aux dépens des terres de parcours collectifs, et des forêts, ce qui pose de sérieux problèmes d’érosion et de dégradation des sols. La céréaliculture domine largement l’occupation du sol au Maroc, bien qu’elle connaisse une légère variation d’une campagne à l’autre. Elle couvre, à elle seule, près des 2/3 de la SAU. Pour la campagne 1995-96 qui a connu un taux d’emblavement record, l’occupation du sol au niveau national fait ressortir la répartition suivante : – – – –

Céréales : 67.7 % de la SAU Jachères : 12.7 % Arboriculture fruitière : 8 % 1 à 3 % pour les autres cultures, dont les cultures maraîchères.

L’extension de la SAU, qui a surtout bénéficié à la céréaliculture, passée en 30 ans de 4.5 à 5.3 millions ha, a certes permis le doublement de la production céréalière augmentant de 25 millions quintaux durant le quinquennat 1961-65 à 53 millions q durant le quinquennat 1996-2000. Cette évolution est toutefois toute autre lorsqu’elle est examinée sous l’angle des quantités de céréales disponibles par habitant qui n’a cessé de diminuer pendant ces décennies, passant de 400 kilos environ au début des années 1950 à 190 kg actuellement. Ceci laisse supposer qu’à l’instar des périmètres irrigués, l’agriculture pluviale se caractérise à son tour par sa faible productivité qui ne peut s’expliquer uniquement par les fluctuations climatiques.

Une production en stagnation L’examen de l’évolution de la production dans les zones d’agriculture pluviale révèle une stagnation, voire une détérioration de la productivité. Ainsi, sur la période allant de 1960 à 2003, les rendements ont connu une évolution variable. Pour les céréales principales, après un accroissement relatif des rendements jusqu’en 1990, nous relevons une régression depuis. Pour les légumineuses alimentaires, les rendements sont mêmes retombés au dessous du niveau enregistré 40 ans auparavant (tableau 4). Tableau 4. Les rendements (en qx/ha) des céréales principales et des légumineuses alimentaires

Céréales Légumineuses

19601964

19651969

19701974

19751979

19801984

19851989

19901994

19951999

20002003

8.7 6.0

8.8 7.0

10.7 7.5

9.0 6.0

9.0 5.0

12.0 7.0

14.0 6.0

6.0 5.0

9.0 5.0

La stagnation de la production agricole pluviale se répercute bien entendu sur le taux d’accroissement annuel moyen du PIBA qui a chuté d’une moyenne de 4,5 % durant la période 1970-1980 à 0,8 % seulement durant la période 1991-1998. De même, le déficit de la balance commerciale agricole s’est aggravé à son tour durant la décennie 90, en raison principalement des importations croissantes des céréales. Les faibles performances de l’agriculture pluviale sont bien entendu la conséquence des contraintes environnementales, telle que la sécheresse, mais pas uniquement. D’autres facteurs interviennent et concernent en particulier la maîtrise des itinéraires techniques et les circuits de commercialisation qui pénalisent les producteurs. Ainsi, pour ce qui est de l’utilisation des intrants, le dernier recensement généra agricole, réalisé en 1994, avait établi que seules 16 % des exploitations agricoles ont recours aux semences sélectionnées, 353

33 % font appel aux produits phytosanitaires et 50 % utilisent les engrais. Quant au taux de mécanisation de l’agriculture marocaine, il n’est que d’un tracteur pour 231 ha cultivés, contre un tracteur pour 95 ha en moyenne dans les pays du Maghreb. Contrairement à la production végétale, dont les résultats ont été fluctuants, les secteurs du lait et de la viande ont enregistré tant pour la production que pour le rendement des augmentations régulières durant les 30 dernières années (tableau 5). Ainsi, la production laitière a presque doublé en 20 ans, alors que les productions de viandes blanches et d’œufs ont connu un développement spectaculaire durant les trois décennies, pendant lesquelles elles ont enregistré des taux de croissance annuels de 8 % et 6 % respectivement. Tableau 5. Évolution des productions animales durant les trois dernières décennies

Lait (millions de litres) Viandes rouges (1000 tonnes) Viande blanche (1000 tonnes)

1969

1972

1983

1993

1997

2002

462 206 34

505 214 49

503 219 135

814 251 141

950 303 230

1 200 336 315

Il convient de signaler que pour ce qui est de la production de lait et de viandes rouges, les données consignées dans le tableau 5 incluent aussi celle provenant des périmètres irrigués, estimée respectivement à 70 % et 17 % de la production totale.

Des structures agraires pénalisantes Parmi les problèmes en suspens, il faut souligner l’absence de réforme agraire bien que, paradoxalement, les structures foncières soient présentées dans toutes les analyses comme un handicap majeur à la modernisation agricole. Les structures agraires marocaines sont en effet marquées par l’importance de la micropropriété, la complexité et la diversité des statuts juridiques des terres, et la précarité des baux ruraux. Les résultats du RGA de 1994 permettent de dresser le profil des exploitations agricoles du Maroc. On peut y relever, en particulier, les éléments suivants : – Les disponibilités en terre sont réduites : une exploitation dispose en moyenne de 5,9 ha de terre répartis sur neuf parcelles ; – 70 % des exploitations marocaines ont moins de cinq ha (taille moyenne de deux ha) et occupent le quart de la superficie cultivable ; – 87 % des exploitations ont une taille inférieure à 10 ha et couvrent près de la moitié de la SAU ; – 4 % des exploitations ont plus de 20 ha et occupent 32 % de la SAU ; – Prédominance du statut Melk (75.8 %), suivi du Collectif (17.7 %) puis du domaine de l’État (3.1 %) ; – Prédominance du mode de faire valoir direct qui concerne 87.9 % de la S.A.U. La majorité des exploitations est par conséquent de taille trop réduite pour pouvoir mobiliser les moyens techniques et financiers nécessaires à l’intensification de la production agricole. Pour juger de l’exiguïté des exploitations, on peut se référer à la taille fixée pour les exploitations viables par le Code des Investissements Agricoles, et qui est de cinq ha en irrigué et 10 à 20 ha en bour. Par ailleurs, et par comparaison aux résultats du RGA de 1974, on constate, après 22 ans, une réduction de l’effectif des agriculteurs sans terre ($A85 %) et des exploitations agricoles disposant de moins d’un ha (i28 %). 354

Une politique de développement focalisée de plus en plus sur la lutte contre la sécheresse Comme nous l’avions déjà souligné auparavant, au vu des résultats jugés limités des opérations labour, engrais et semences, l’État a lancé les PDI qui ont concerné 23 % de la SAU et 22 % de la population rurale et ont connu, à leur tour, un succès mitigé. En effet, ils ont souffert de leur trop grande taille, du manque de coordination entre les départements ministériels concernés, de la faible implication des bénéficiaires et des difficultés de gestion et de maintenance des équipements réalisés. L’échec relatif des PDI a imposé un changement de stratégie d’intervention dans les zones bour qui s’est matérialisé par la promulgation de la loi 33/94 définissant le cadre de mise en œuvre des Projets de Mise en Valeur Bour (PMVB) initiés depuis 1994. Le contenu de la loi 33/94 est attrayant de par sa conception originale : échelle maîtrisable d’intervention, aménagement intégré, participatif et décentralisé. L’analyse de ce contenu et des modalités de sa mise en œuvre sur le terrain soulève cependant une série d’interrogations concernant le référent technique qui préside au choix des zones et aux modalités de leur aménagement, et le décalage entre les principes qui sous-tendent la loi et les conditions effectives de sa mise en œuvre. Ces échecs et l’urgence dictée par les sécheresses, devenues plus fréquentes, plus généralisées et plus sévères à partir des années 1980, ont imposé la lutte contre les effets de la sécheresse comme une préoccupation centrale et prioritaire du gouvernement. Ainsi, l’attention des pouvoirs publics s’est petit à petit focalisée sur les programmes de lutte contre les effets de la sécheresse, qui se sont progressivement substitués à une politique plus globale visant à apporter des réponses durables à un problème reconnu structurel. À la base de ces programmes, il y a un système d’information qui permet aux décideurs d’évaluer, à l’échelle spatiale et temporelle, l’intensité de la sécheresse et de prendre les mesures adéquates. Celles-ci portent en général sur : – – – –

le soutien des activités agricoles et d’élevage touchées par la sécheresse, l’approvisionnement en eau des collectivités humaines et des troupeaux, l’ouverture de chantiers de travaux, créateurs d’emplois en milieu rural, le traitement de l’endettement des agriculteurs.

Ces programmes ont mobilisé au fil des ans des enveloppes budgétaires de plus en plus conséquentes. À titre d’exemple, le programme de lutte contre les effets de la sécheresse proposé pour la campagne 2001 a coûté 6.5 milliards de dirhams, dont les deux tiers étaient consacrés à la création d’emplois en milieu rural. Vers la fin des années 1990, les pouvoirs publics ont tenté d’intégrer les programmes de lutte contre la sécheresse dans une vision globale de développement rural. Les composantes essentielles de celle-ci sont : – le programme de sécurisation de la production céréalière, qui supposait possible la réalisation d’une production céréalière minimale de l’ordre de 60 millions de quintaux par le recours à l’irrigation d’appoint et l’adoption d’itinéraires techniques appropriés. – le système d’assurance contre les risques de sécheresse, lancé depuis 1994. Concernant la sécurisation de la production céréalière, un programme a été engagé en 1999, pour permettre l’extériorisation du potentiel de production, en agissant sur les principaux leviers d’amélioration de la productivité. Faute d’une approche intégrée et volontariste, et des possibilités limitées d’irrigation d’appoint, ce programme n’a pas été en mesure d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Pour ce qui est du système d’assurance contre les risques de sécheresse, sa mise en place effective n’a commencé réellement qu’à partir de la campagne 1999-2000, lorsque l’adhésion à ce programme a été érigée en condition d’éligibilité aux prêts de campagne accordés par le Crédit Agricole. Durant cette campagne 355

la superficie céréalière assurée a été de 114 000 ha et a atteint 221 000 ha la campagne suivante. Par la suite, les superficies assurées n’ont cessé de régresser pour se stabiliser autour de 120 000 ha pendant les campagnes 2003-2004 et 2004-2005. Des interrogations se posent toutefois sur les règles de transparence qui régissent la gestion de ce système, sur la pertinence du découpage géographique des zones couvertes par ce programme, puis sur les chances de sa pérennité, une fois supprimée la subvention accordée par l’État pour promouvoir sa mise en place. En définitive, si les programmes de lutte contre les effets de la sécheresse ont permis à coup sûr d’atténuer l’impact négatif de la sécheresse sur les populations rurales, leurs résultats en matière de gestion maîtrisée de ce fléau sont plutôt décevants. Dans ces conditions, il est légitime de s’interroger sur la pertinence de ces programmes extrêmement coûteux, mais sans effets structurants.

1.3.3. L’agriculture oasienne, l’enjeu géostratégique d’un espace fragile en péril Les oasis marocaines revêtent une importance géostratégique, culturelle et environnementale considérable. Elles s’étendent sur les grandes vallées pré-sahariennes du Sud notamment dans les provinces de Ouarzazate, d’Errachidia et à l’Est du Haut Atlas, en particulier dans la province de Figuig. Les oasis occupent une surface non négligeable, mais ne représentent que 1.5 % de la SAU totale, avec 44 000 ha réservés exclusivement au palmier dattier. Sur le plan humain, les oasis marocaines abritent 6.7 % de la population rurale et comptent 5.9 % des exploitations agricoles. Les oasis couvrent une bande Sud-Ouest Nord-Est de 950 Kms entre Guelmim et Figuig, qui longe la frontière maroco-algérienne. Cette zone, très peu peuplée, joue un rôle stratégique de premier plan, notamment dans le contrôle des frontières, des flux migratoires d’étrangers venant de l’Afrique subsaharienne, et de la contrebande. Il est par conséquent vital, que les populations de ces zones soient fixées. Les oasis sont le support de systèmes de production basés sur une association savante des cultures et de l’élevage de races ovines et caprines, réputées pour leur prolificité très élevée. Les systèmes de cultures pratiqués sont organisés en général autour de trois strates (palmier dattier, arbres fruitiers et cultures sousjacentes), ou dans certains cas, deux strates seulement excluant le palmier dattier. Sur le plan écologique, les oasis sont menacées par la salinité, et l’ensablement. Ces formes de dégradation sont exacerbées par la rigueur du climat, la raréfaction de l’eau, la non maîtrise de l’irrigation, le surpâturage de la végétation spontanée et la récolte excessive de la végétation ligneuse dans les zones pastorales à la périphérie des palmeraies pour la couverture des besoins en bois de feu.

Les manifestations du déclin des oasis Au fil des ans, les oasis ont connu de nombreuses perturbations occasionnées par les sécheresses de plus en plus sévères, le bayoud, et les migrations, sans parler d’un conflit frontalier vieux de 30 ans. L’action combinée de tous ces facteurs a progressivement transformé un espace de production en un espace de vie, dont la survie des populations est essentiellement assurée par les transferts financiers effectués par les migrants. La palmeraie a subi une sévère régression depuis le début du 20ème siècle. La DPV (1998) rapporte en effet que la superficie phoenicicole a chuté de plus de moitié depuis 1947 et que le nombre de palmiers dattiers qui était de 15 millions pieds, au début du siècle précédent, n’est plus que de 4.4 millions actuellement. Les raisons de ce recul sont multiples. Les plus importantes sont l’extension de la maladie du Bayoud, les sécheresses de plus en plus fréquentes et de plus en plus prolongées, et l’ensablement. Une étude effectuée en 1982 par l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole du Tafilalt (ORMVAT. 1996), portant sur 21 000 ha, a révélé que 35 % des sols de la palmeraie sont salés (4 à 6 g/l) et 18 % sont très salés 356

(!16 g/l). Une autre étude rapportée par Khardi (1998) indique que 7.6 % de ces terres sont maintenant abandonnées à cause de leur alcalinité ou salinité élevées. La palmeraie marocaine subit aussi les effets de la dissémination du champignon le bayoud. Les variétés de palmier dattier les plus nobles sont pratiquement déjà décimées par cette épidémie. Le rythme de destruction dans la zone du Tafilalt est de l’ordre de 36 000 pieds/an soit près de 3.5 % de l’ensemble de la palmeraie. L’impact de l’irrigation en tant que vecteur de cette maladie est mal connu, mais probable. Le problème de l’ensablement est devenu menaçant à partir des années 1970. Celui-ci menace les habitations, les terres de culture, les canaux d’irrigation et l’infrastructure routière dans les palmeraies. Le Maroc est en effet exposé en permanence aux vents venant du Sud (Chergui et Sirocco). La protection de la basse vallée de Draa, du Tafilalt et de la plaine irriguée du Massa sont des objectifs de première nécessité. Les zones déjà touchées par ce fléau couvrent 30 000 ha dans la province de Ouarzazate et 250 000 ha dans la province d’Errachidia (DDF. 1998). L’expression finale de la salinisation des sols, de l’ensablement des oasis, et du dessèchement des palmiers dattiers est une chute des rendements des cultures et une régression de la SAU déjà très limitée. Entre 1960 et 1986, la perte en terres de culture pour la seule palmeraie du Tafilalt est estimée à 208 ha (Narjisse. 1997). Ces manifestations préoccupantes combinées avec la faible diversification économique des oasis font peser de sérieuses menaces sur ces zones, menaces susceptibles de générer à terme des problèmes d’exclusion dans ces espaces d’une extrême importance identitaire et géostratégique pour le Maroc.

L’action de l’État pour la conservation et la réhabilitation des oasis Les oasis ont bénéficié de très peu d’attention de la part des pouvoirs publics. Il a fallu attendre la fin des années 1980, pour voir la palmeraie marocaine faire l’objet d’un plan national pour sa restructuration et son développement. Ce plan a été lancé en 1987, puis actualisé et reconduit en 1998 pour neuf années supplémentaires, soit jusqu’à 2007. Les objectifs assignés au Plan National de la Restructuration et du Développement de la Palmeraie (PNRDP) se déclinent comme suit : – Renouvellement des palmeraies par la plantation de variétés nobles ; – Reconstitution à long terme des palmeraies par la multiplication et la distribution de variétés tolérantes au Bayoud ; – Renforcement des travaux de recherche et de conseil ; – Mobilisation des potentialités et amélioration du contexte de production ; – Valorisation de la production et amélioration des circuits de commercialisation. Le bilan de la première phase du PNRDP révèle que les distributions de vitroplants de palmier dattier n’ont porté que sur 243 000 unités durant la période 1988-1998. Ce bilan est bien mince, eu égard aux prévisions initiales du programme qui envisageaient la distribution de plus de deux millions vitroplants. Les raisons de cette faible performance sont à rechercher dans les faibles disponibilités d’eau d’irrigation, l’insuffisance de l’approvisionnement en vitroplants et la non maîtrise de l’itinéraire technique de la culture du palmier dattier. La technique de multiplication in vitro de palmiers dattiers sélectionnés n’a en effet été maîtrisée par l’INRA que récemment, et pour certains clones seulement. De plus, seule la pépinière des Domaines Agricoles est agréée à ce jour pour la production de vitroplants de palmier dattier. Paradoxalement, les difficultés relevées à l’intérieur des palmeraies n’ont pas empêché la prolifération récente de nouveaux projets d’extension de l’agriculture oasienne sur des centaines d’hectares. De sérieuses questions se posent toutefois sur la durabilité de ces projets qui mobilisent les eaux des nappes dans des milieux extrêmement fragiles. Ce diagnostic rapide révèle que les oasis sont de plus en plus fragilisées par l’intervention humaine qui n’a 357

pas cessé d’introduire des technologies incompatibles avec la vulnérabilité de ces écosystèmes. L’édification de barrages et la prolifération de stations de pompage ont occasionné une surexploitation de l’écosystème oasien et porté à des niveaux critiques les processus de dégradation ayant pour origine des facteurs physiques. Les aménagements hydro-agricoles et l’extension des surfaces irriguées d’amont ont réduit la progression des crues vers l’aval, occasionnant une remobilisation des sels.

1.3.4. L’agriculture de montagne, les multiples déséquilibres et l’impératif de la solidarité nationale Les spécificités de l’agriculture de montagne Les régions de montagne au Maroc couvrent 15 % du territoire national et abritent 35 % de la population rurale du pays, et la moitié la plus pauvre de cette population. Leur importance économique, écologique et culturelle est largement reconnue. Elles sont assez bien arrosées, relativement richement boisées, et représentent un château d’eau précieux et une grande diversité floristique et faunique. L’agriculture dans les régions de montagne se pratique dans le cadre d’un système agro-sylvo-pastoral associant les terroirs agricole, pastoral et forestier. L’activité purement agricole demeure dominée par la céréaliculture qui progresse au dépens de la jachère. Les marges intéressantes permises par les cultures maraîchères et fruitières justifient l’attention récente, dont elles bénéficient. Celle-ci s’exprime par leur extension, et des soins particuliers en matière de fertilisation et de traitements phytosanitaires. L’élevage extensif, surtout des petits ruminants, est une autre composante essentielle de l’activité agricole. Le bilan alimentaire de cet élevage est largement dominé par la contribution des ressources pastorales et forestières. Les systèmes de production en vigueur dans les zones de montagne ont cependant du mal à se renouveler et assurer leur pérennité. Les montagnes sont en effet soumises à un triple déséquilibre qui les condamne à plus de marginalisation. Les ressources naturelles des montagnes sont en effet surexploitées et ne peuvent à elles seules subvenir à l’ensemble des besoins d’une population de plus en plus nombreuse. Le deuxième déséquilibre est économique. Les montagnes sont pauvres et surpeuplées, les coûts de production y sont élevés, alors que la productivité est médiocre et ne permet qu’une faible rémunération du travail. Enfin, la montagne, à la différence du reste du pays est enclavée, sous équipée, et très peu pourvue en services sociaux de base.

Les mutations constatées L’agriculture de montagne est en pleine mutation. Les pressions excessives exercées sur la montagne sont à l’origine de la dégradation des écosystèmes forestiers et pastoraux. L’érosion est surtout prononcée dans les chaînes rifaines, pour des raisons structurales, lithologiques et climatiques. La dégradation des montagnes a comme conséquence une régression du niveau de vie des populations montagnardes, une perte de la diversité génétique, et une baisse du potentiel national de mobilisation des eaux. Il en résulte l’accélération de l’émigration et de l’érosion, l’envasement des barrages, et d’une manière générale le ralentissement du processus de développement économique et social de l’ensemble du pays. Le renversement des tendances d’appauvrissement du milieu et de marginalisation des populations dans les zones de montagne est par conséquent impératif. Il exige la mise en œuvre d’une politique spécifique au contexte montagnard, déployée dans le cadre d’un formidable élan de solidarité nationale permettant le transfert d’importantes ressources pour le financement de la mise à niveau et du développement de la montagne marocaine. 358

La politique de l’État dans les zones de montagne À vrai dire, la montagne n’a pas fait l’objet d’une politique volontariste spécifique pour promouvoir son développement durable. Ainsi, depuis l’indépendance l’intervention de l’État dans les zones de montagne était pratiquement réduite à celle de l’Administration des Eaux et Forêts. Les activités de cette dernière, souvent à caractère répressif, se sont focalisées surtout sur la sauvegarde du patrimoine forestier et la prévention de l’érosion des terres soumises au régime forestier. Par la suite, les PDI avaient prévu dans leurs programmes des composantes traitant de certains aspects isolés du développement de la montagne, mais en retenant toujours la même approche dirigiste. Ce n’est qu’à partir du début des années 1990, et à l’occasion de la préparation du Plan National d’Aménagement des Bassins Versants que l’on a senti le besoin d’associer les communautés montagnardes dans l’identification des priorités, et d’adopter une approche participative dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets de développement en zone de montagne. La réalisation de ce plan connaît toutefois un retard, faute d’une mobilisation de moyens humains, institutionnels et financiers suffisants, susceptibles de traduire en actions concrètes et pérennes les objectifs de ce plan. Face à ces déficits, l’ancien Ministère délégué chargé des Eaux et Forets avait engagé l’élaboration d’un projet de loi sur la protection et le développement des zones de montagne, s’inspirant du modèle français. Cette initiative nous semble toutefois prématurée. Les dispositions d’une pareille loi, pour être utiles, devraient en principe être portées par les orientations, qui restent encore à définir, d’une politique intersectorielle cohérente de développement rural intégré, qui engagent le gouvernement.

2. Les écosystèmes pastoraux 2.1. Le pastoralisme, une activité multidimensionnelle : sociale,économique, environnementale, et culturelle Les terres de pâturage exploitables couvrent au Maroc une superficie de 21 millions ha, et s’étendent sur dix grands ensembles écologiques qui se distinguent les uns des autres par des attributs climatiques, physiographiques, édaphiques et floristiques. Les pâturages ont pour la plupart un statut juridique collectif, et contribuent pour près du tiers de l’ensemble des besoins alimentaires du cheptel national. Ce dernier joue un rôle socio-économique de premier plan. Le secteur de l’élevage concerne en effet 1100 000 foyers ruraux environ. Il représente 25 à 42 % de la production agricole brute. Ce secteur fournit aussi 20 % des emplois agricoles, alors que 18 % des agriculteurs tirent leurs revenus exclusivement de l’élevage (Benlekhal 2004). Les terres de pâturages sont dépositaires d’une importante biodiversité animale et végétale qu’il convient de protéger. Les enjeux économiques de la richesse génétique de ce patrimoine pourraient s’avérer beaucoup plus importants que l’activité correspondant à une simple transformation de l’herbe en viandes rouges. Les expériences, de par le monde, de valorisation des plantes aromatiques et médicinales ou d’aménagement des terres de pâturages comme un espace de chasse ont été concluantes et ont permis des avancées significatives aussi bien sociale, économique qu’environnementale. L’activité pastorale fut aussi et pendant longtemps régie par un cadre organisationnel piloté par la tribu, avec ses dimensions culturelle et religieuse. Ce cadre a subi cependant d’importantes mutations, qui ont progressivement transformé une dynamique collective en une dynamique de plus en plus individualiste de rapport des usagers avec l’espace. Ce dernier a d’ailleurs connu à son tour des changements de vocation profonds. Ainsi, d’une vocation exclusivement herbagère auparavant, une partie de l’espace pastoral a été 359

déjà défrichée et convertie en terrains agricoles, alors que les prémisses de développement d’activités récréatives apparaissent dans certaines régions.

2.2. Évolution des écosystèmes pastoraux 2.2.1. Les politiques de développement des terres de pâturages Dans le temps, l’intervention de l’État dans les zones de parcours se limitait à la réalisation des campagnes de prophylaxies sanitaires contre les maladies réputées légalement contagieuses et contre les maladies à incidence économique dans certaines régions déshéritées. Par la suite, la mise en place du Fonds de Sauvegarde du Cheptel a permis d’apporter un soutien aux éleveurs, sous forme de subvention des aliments de bétail, et de prise en charge des frais de transport. Parallèlement, des encouragements et des incitations sont octroyés aux éleveurs pour la promotion et le développement de l’élevage, et ce dans le cadre des dispositions du Code des Investissements Agricoles. Devant l’ampleur de la dégradation des ressources naturelles et ses conséquences socio-économiques, les pouvoirs publics ont pris conscience (i) des potentialités de développement de l’élevage sur parcours, (ii) de la menace sérieuse qui pèse sur des ressources naturelles mal exploitées et (iii) de la nécessité de prendre davantage en compte les populations pastorales dans le processus de développement. Cette prise de conscience a permis d’ériger la conservation et la réhabilitation les terres de pâturage en priorité, dont la prise en compte s’est faite en trois phases : – la période d’intervention sectorielle dans le cadre des périmètres d’amélioration pastorale, allant de 1969 à 1980 ; – la période des PDI allant de 1981 à 1989 et ; – la phase des grands projets de développement pastoral (Oriental, Tafilalet-Dadès, et Taourirt-Tafoughalt), lancés à partir de 1990, et basés sur des concepts nouveaux s’inspirant d’une approche participative et décentralisée. Ces différentes phases ont fait l’objet, en 1993, d’une évaluation qui a débouché sur l’élaboration d’une Stratégie de Développement des Terres de Pâturage. Celle-ci représente une remise en cause radicale de l’approche antérieure de l’aménagement pastoral dans toutes ses étapes de conception, d’exécution et de suivi-évaluation. Elle aborde la question pastorale sous un angle privilégiant la participation effective des ayants droit et l’intégration des terres de pâturage dans leur environnement socio-économique, représenté par les terroirs agricole et forestier, et le marché. La stratégie de développement des terres de pâturage prend en compte et complète la loi 33-94. Ensemble, elles constituent un des leviers par lesquels les pouvoirs publics peuvent réduire les disparités entre zones favorables et défavorables générées par la politique de la grande irrigation. Cette stratégie, validée en 1995, n’a toujours pas été sanctionnée par un plan d’action permettant de décliner sur le terrain ses orientations et ses approches novatrices.

2.2.2. Les acquis en matière de mise en valeur des terres de pâturage Alors que les projets d’amélioration pastorale menés jusqu’au début des années 1980 se distinguaient par leur caractère sectoriel et leur approche franchement descendante, la capitalisation des enseignements tirés 360

de ces expériences a constitué un tournant décisif en matière d’objectifs et d’approche. Les projets du Moyens Atlas Central et du Développement des Parcours et de l’Élevage dans l’Oriental témoignent de cette volonté de changement. Ainsi, les objectifs assignés à ces projets leur donnent une dimension de projets de développement et non pas seulement des projets d’aménagement. De même, la mise en œuvre de ces projets a privilégié les principes de dialogue et de concertation et s’est appuyée sur des coopératives pastorales de gestion de l’espace et de services, constituées soit sur une base territoriale (cas du Moyen Atlas) ou d’affinités ethniques (cas de l’Oriental). Les terrains de parcours dans ces deux régions ont été réhabilités avec le consentement des populations concernées. Les techniques utilisées comprennent entre autres, la mise en défens, l’organisation du pâturage par la mise en place d’un système de rotations, et la plantation d’arbustes fourragers. L’indication la plus significative du succès de ces projets est l’acceptation, pour la première fois, par les populations usagères du paiement de redevances d’abreuvement (cas du Moyen Atlas) et de pâturage dans les sites améliorés (cas de l’Oriental). Ces acquis, en dépit de leur forte charge symbolique et de leur impact positif sur la ressource et la productivité des troupeaux, n’ont malheureusement pas été capitalisés. Leur pérennité, en particulier dans le cas du Moyen Atlas, aurait nécessité en effet une continuité de l’engagement des pouvoirs publics et du maintien, au moins à un certain niveau, des incitations consenties par ces projets. Ceci n’a pas été le cas, l’intervention des structures de développement a pratiquement cessé avec la fin du financement par les bailleurs de fonds (Banque Mondiale et FIDA). Il s’agit là d’une erreur stratégique, car il serait illusoire de penser que ces milieux difficiles peuvent devenir entièrement autonomes. Le désengagement de l’État ne peut concerner que les formes et les modalités de ses interventions et non leur volet incitatif.

2.2.3. Les principales transformations de l’écosystème pastoral Les efforts déployés par l’État pour le développement des parcours n’ont toutefois pas permis d’éviter certaines perturbations de l’écosystème pastoral. Les raisons sont multiples. Elles ont trait en particulier à : (i) la faible participation des éleveurs dans le processus de développement ; (ii) la faible capacité d’encadrement des services de l’État et leur méconnaissance relative des stratégies des éleveurs, de leur savoir, et de la dynamique des sociétés pastorales ; (iii) la faible intégration des interventions des structures de l’État dans les milieux pastoraux ; (iv) la non viabilité d’une économie pastorale dans un système où les équilibres sociaux et économiques sont rompus ; (v) la faible valorisation des ressources pastorales et des produits qui en découlent. Ces défaillances ont favorisé des mutations profondes qu’a connues l’écosystème pastoral durant les dernières cinquante années. Les changements subis sont nombreux et concernent en particulier :

La rupture progressive avec l’organisation communautaire traditionnelle La volonté, affichée le lendemain de l’indépendance, de moderniser les rouages de l’État s’est traduite par une substitution progressive des entités administratives et élues aux organisations communautaires coutumières. Il en a résulté une déperdition des règles régissant l’accès collectif aux ressources au profit d’une utilisation de plus en plus individuelle, qui de toute évidence, profite essentiellement aux plus puissants parmi les éléments de la collectivité. 361

La première manifestation de l’affaiblissement de l’organisation communautaire est le renforcement de la sédentarisation. Le nomadisme et le semi-nomadisme, encore présents dans le Sud et l’Oriental, ont tendance à régresser sous l’effet de la sédentarisation. Des études récentes semblent indiquer que ce mode de vie est en régression dans la région du Maroc Oriental et ne concerne que 56 à 80 % des éleveurs des Hauts Plateaux, 22 à 47 % des éleveurs de Tafrata et 9 à 17 % des éleveurs de la Moyenne Moulouya. La disparition progressive de la transhumance va bien entendu affecter le mode d’utilisation de l’espace et surtout la nature des rapports sociaux entre les groupes ethniques. Ces rapports sont de plus en plus déterminés par des comportements individualistes, marqués par l’esprit d’exploitation individuelle des ressources collectives.

La transformation du système pastoral en système agro-pastoral, favorisant l’extension des zones de culture L’expression la plus plausible des comportements individualistes évoqués précédemment est l’accentuation du défrichement et l’extension des labours sur les meilleures terres de pâturage dans le but de l’appropriation de ces terres. Ces attitudes ont favorisé l’évolution des stratégies des éleveurs qui ont recours désormais et de plus en plus à la complémentation des animaux sur parcours et à l’utilisation des résidus des cultures. Le système pastoral extensif s’est ainsi transformé progressivement en un système agro-pastoral développé à la faveur de la conversion des terres de pâturage en terres de culture. À ce propos, El Koudrim et al. (2001) estiment que, dans le seul périmètre d’amélioration pastorale de Ain Beni Mathar, l’extension des zones de culture se fait à un rythme annuel de 300 à 400 ha. Cette mise en culture est pratiquée par les grands éleveurs et les moyens. Elle peut dépasser 100 ha chez les grands et se situe autour d’une moyenne de 12 ha chez les autres. La culture généralement pratiquée est l’orge, avec un rendement dépassant rarement cinq q//ha. En 30 ans, le cumul de la surface mise en culture dans la commune de Ain Beni Mathar, porte dorénavant sur 18 % de la surface totale de cette commune, alors qu’il n’en représentait que 1.3 % en 1969 (MARA. 1971). La tendance actuelle, caractérisée par la fixation des troupeaux et l’extension des défrichements des terres collectives, s’étend pratiquement à l’ensemble des zones pastorales et forestières, souvent avec la bénédiction, voire la complaisance des autorités locales. Elle constitue une menace sérieuse à l’intégrité des écosystèmes pastoraux et à la durabilité des systèmes de production en place. Sa continuation accélérera les processus de dégradation déjà préoccupants, et ne manquera pas de surcroît d’accentuer la précarité des populations les plus démunies, et d’augmenter le nombre de candidats potentiels à l’émigration. En termes de surfaces, les parcours reculent d’environ 1 % par an parallèlement à l’extension des zones cultivées ou des surfaces dégradées. Mais la productivité théorique de ces parcours a montré une relative, mais étonnante stabilité sur les dix dernières années, puisque leur contribution à l’alimentation du cheptel national a changé uniquement en fonction des fluctuations climatiques, sans que se dégage une réelle tendance.

L’appauvrissement du couvert végétal Le diagnostic effectué dans le cadre de l’élaboration de la stratégie de développement des terres de parcours (MAMVA, 1993) met en évidence l’étendue de la dégradation des terres de pâturage. Ainsi, la surface des écosystèmes jugés fortement dégradés atteint environ 8.3 millions ha concentrés dans les zones de l’Oriental, de l’Arganeraie, du Pré-Sahara et du Sahara. La superficie des zones moyennement dégradées serait encore plus importante. Cette dégradation prend d’abord la forme d’un appauvrissement du tapis végétal, qui non seulement traduit une perte en biodiversité et un manque à gagner en matière d’activité pastorale, mais constitue de sur362

croît un facteur favorisant l’érosion hydrique et éolienne et la salinisation de certains cours d’eau. Une étude récente illustre parfaitement ce propos dans les parcours de l’Oriental. À cet effet, l’analyse de la dynamique de la végétation telle qu’elle ressort de l’examen de deux images satellitaires couvrant 168 442 ha de la zone de Ain Beni Mathar, prises respectivement aux mois de mars des années 1988 et 2000, met en évidence une dégradation du couvert végétal préoccupante (Mayhou et al. 2001). Ainsi, – – – –

la steppe d’alfa en bon état est passée de 22457 ha à 15929 ha, soit une diminution de 29 % la steppe d’alfa dégradée est passée de 54149 à 56188 ha, soit une augmentation de 4 % le faciès à armoise en bon état est passé de 5674 à 1354 ha, soit un déclin de 70 % l’espace de dégradation, constitué par le sol nu ou couvert par des espèces indicatrices de dégradation, aaugmenté de 53541 à 72228 ha, soit une augmentation de 35 %.

En définitive, les parcours de l’Oriental sont soumis à une dégradation accélérée des steppes d’armoise et d’alfa estimée à 1557 ha/an. Le surpâturage, le défrichement, la récolte anarchique de certaines espèces pastorales pour l’extraction des huiles essentielles et la déperdition des formes d’organisation traditionnelle sont à l’origine de cette dégradation, amplifiée par les sécheresses récurrentes que connaît le pays. Ainsi, dans plusieurs cas, les effectifs animaux qui fréquentent les terrains de parcours sont trois à cinq fois supérieurs à leur capacité de pâturage. D’un autre coté, le défrichement touche chaque année près de 65 000 ha pris sur les meilleures terres de pâturage (MAMVA, 1993). En conclusion, si des efforts louables ont été consentis pour la conservation et la mise en valeur des terres de pâturage, beaucoup reste à faire pour atteindre cet objectif. De plus, l’évaluation du bilan des projets de développement pastoral révèle que peu de progrès ont été enregistrés quant à l’objectif de lutte contre la pauvreté. À titre d’exemple, les améliorations pastorales réalisées dans le cadre du projet de développement des parcours et de l’élevage dans l’Oriental, ont bénéficié surtout aux éleveurs les plus nantis, alors que les services des coopératives ont profité en premier lieu à leurs adhérents les plus puissants. La composante crédit prévue par le projet et destinée prioritairement aux petits éleveurs n’a finalement pas été mise en œuvre, faute d’un régime de prêt adapté aux conditions de ces demandeurs de crédits. C’est là une illustration supplémentaire du manque de coordination et d’intégration des acteurs institutionnels intervenant dans l’appui à la gestion des ressources naturelles. Par ailleurs, si l’association des élites rurales dans le processus du développement local est nécessaire, car ces élites peuvent être les locomotives de ce développement, des projets qui se bornent toutefois à ne soutenir que les acteurs les plus dynamiques ne sont pas viables car ne pouvant atteindre l’objectif d’un développement équitable et par conséquent durable.

3. Les principaux enseignements L’analyse de l’évolution de l’agriculture marocaine, pendant les cinquante dernières années, a surtout cherché à privilégier ses points forts. Cette analyse met en évidence la pertinence de l’option retenue, dès le lendemain de l’indépendance, de faire de l’agriculture le principal levier du développement économique et social du pays. La politique poursuivie a en effet permis au pays d’assurer une relative sécurité alimentaire, l’essor d’une industrie agro-alimentaire, la limitation de l’exode rural. D’autres acquis à mettre à l’actif de cette politique concernent les résultats de l’action conduite pour lutter contre les effets de la sécheresse. Si ces actions n’ont malheureusement pas été intégrées dans le cadre d’une vision globale et structurante pour la maîtrise de ce fléau, il n’en demeure pas moins que les programmes successifs déployés pour approvision363

ner la population en eau et le bétail en aliments, pour créer des emplois et générer des revenus, ont permis de préserver le cheptel et limiter un exode rural qui aurait pu être massif. Toutefois, force est de constater que les quelques réussites de l’agriculture sont nettement plus perceptibles dans les périmètres irrigués que dans les zones bour, les montagnes, les oasis et les zones steppiques. La politique agricole de modernisation mise en œuvre a en effet opéré une disjonction entre développement agricole et développement rural, en privilégiant une approche purement technicienne et en hiérarchisant les actions en fonction de leur rentabilité économique. Cette politique, très sélective et peu soucieuse de l’objectif de l’équité, a polarisé les moyens sur quelques régions et quelques groupes sociaux. Elle a conduit à une agriculture très contrastée, enregistrant des réussites incontestables dans le cas des périmètres irrigués, mais laissant de côté des problèmes récurrents, tels que les structures foncières, la reforme agraire et le développement rural. Les changements ont été par conséquent plus importants sur le plan technique (développement de l’irrigation, cultures sous serres) et économique (intégration au marché) que sur le plan social. En conséquence, l’avenir des campagnes marocaines passe par une nouvelle étape du développement humain œuvrant pour la correction des déséquilibres territoriaux et la valorisation des potentiels. Pour la préparation de cet avenir, il est important de saisir les enjeux de l’agriculture marocaine, de comprendre les défis auxquels elle est confrontée, et de dégager les perspectives offertes.

3.1. Les enjeux de la problématique agricole au Maroc L’orientation de la politique agricole, soutenue par le Code des Investissements Agricoles, était déterminée par le souci des pouvoirs publics de couvrir au maximum la demande intérieure en produits alimentaires dits stratégiques, justifiant les mesures de protection, de subvention, d’incitation et de régulation des marchés. Cette politique volontariste a largement façonné l’agriculture marocaine pour en faire : – une agriculture étroitement dirigée : l’État décide, conçoit et réalise l’équipement et l’aménagement de l’espace rural – une agriculture fortement subventionnée : non seulement les agriculteurs, opérant dans les périmètres irrigués, recevaient de nombreuses aides, mais en plus ils bénéficiaient de dérogations aux principes même du code, notamment en matière de paiement des redevances de l’eau d’irrigation. – une agriculture essentiellement productiviste : l’économie, la préservation et la valorisation optimale des ressources sont des préoccupations plutôt récentes. Il ne fait pas de doute qu’en l’absence de la notion d’État providence, désormais révolue, l’agriculture marocaine se trouve aujourd’hui à un nouveau tournant de son histoire. Son environnement subit en effet de profondes mutations structurelles. D’une part, l’économie se libéralise, les marchés deviennent de plus en plus compétitifs, alors que les marchés à l’export sont de plus en plus exigeants en terme de qualité. D’autre part, l’ouverture des marchés agricoles risque de mettre en difficulté une grande partie des exploitations agricoles, à dominante extensive, opérant notamment dans les zones bour défavorables. Tels sont les traits essentiels de l’agriculture aujourd’hui. Tout en reconnaissant la justesse des choix retenus au lendemain de l’indépendance, et sans nier les percées notables du secteur agricole, on ne peut s’empêcher de mentionner certains effets pervers et quelques échecs de ces politiques. La problématique actuelle du secteur agricole Présentent en effet plusieurs facettes qui se déclinent comme suit : 364

Des déséquilibres territoriaux Les politiques publiques menées depuis l’indépendance ont généré des déséquilibres préoccupants, d’abord entre agriculture irriguée et pluviale ensuite entre milieux rural et urbain. Sur le plan agricole, il existe au Maroc une agriculture à deux vitesses. L’une moderne, compétitive et commerciale, l’autre familiale de subsistance. L’impact social de cette dualité a été aggravé par l’absence de ciblage des mesures incitatives. Ainsi, les politiques de crédit, de sauvegarde du cheptel et de soutien des prix aussi bien à la production qu’à la consommation n’ont bénéficié qu’à une minorité des destinataires présumés. Dans ces conditions, il est légitime de s’interroger sur l’opportunité d’une politique, qui au nom de l’aide au développement et de la justice sociale, ne fait qu’encourager un climat favorable à la rente, au détournement et à la spéculation et dans les meilleurs des cas ne bénéficie qu’à une minorité. La nécessité de procéder à des ajustements profonds se fait par conséquent pressante. Il y va de la durabilité de la croissance et de la cohésion et la stabilité sociales du pays. Le dualisme de l’agriculture marocaine et le souci de ne pas l’accentuer doivent être pris en considération dans tout effort visant sa mise à niveau. Les fonctions sociale et stratégique de ce secteur sont suffisamment vitales pour être au centre de toute réflexion sur son devenir. Cette dernière doit être guidée certes par les obligations de compétitivité que nous dictent nos engagements internationaux et nos aspirations au progrès, sans toutefois perdre de vue la frange vulnérable de notre agriculture de subsistance, pour laquelle des alternatives viables doivent être recherchées, et une assistance ciblée des pouvoirs publics doit être assurée.

Une agriculture vulnérable L’évolution prévisible de l’agriculture marocaine à la lumière de la libéralisation des marchés sera différenciée selon le degré de compétitivité des systèmes de production en vigueur et le degré d’intégration technique des filières agricoles. Ainsi, si les exploitations agricoles dynamiques, à fort potentiel d’intensification, devraient pouvoir en principe subir les conséquences de la libéralisation des échanges agricoles, ou même y trouver des facteurs de stimulation, leur durabilité à long terme demeure néanmoins menacée par l’absence d’intégration technologique des filières agricoles. En effet, les secteurs agricoles les plus performants dépendent étroitement de l’étranger pour leur approvisionnement en équipements, en intrants et en matières premières. Dans ces conditions, certaines activités agricoles apparaissent beaucoup plus comme des activités de montage, ce qui accentue leur fragilisation et occasionne des pertes de valeur ajoutée. La forte dépendance des facteurs de production pénalise notre agriculture, dans la mesure où cette dernière ne draine qu’une partie réduite de la plus value. L’enjeu de notre forte dépendance de l’étranger pour notre approvisionnement en facteurs de production est d’autant plus préoccupant qu’elle mobilise des niveaux d’investissement importants. Ainsi, les secteurs des primeurs, de l’aviculture et les autres filières agricoles réservent des sommes considérables pour l’acquisition des matières premières et des intrants, et des technologies importés. Notre agriculture gagnerait donc à renforcer progressivement son intégration verticale, notamment à travers la promotion d’innovations en biotechnologies, et d’une manière générale de la filière technologique. Outre les immenses opportunités d’emploi qui en découleraient, une pareille politique permettrait d’améliorer la compétitivité de notre agriculture et consoliderait sa durabilité.

Une agriculture peu compétitive Mise à l’épreuve de la globalisation, l’agriculture marocaine subira une vive concurrence tant sur les marchés extérieur qu’intérieur. Dans ces conditions, l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole passe obligatoirement par son intégration à l’agro-industrie qui reste relativement peu développée au Maroc. Ainsi, 365

alors que la production agricole représente 13 à 17 % du PIB, l’agro-industrie ne représente que 5 %, bien en deçà des niveaux d’intégration relevés dans les pays avancés (plus de 15 %.). Le manque à gagner en termes de plus value, de marchés, d’emplois et de technologie est immense. Le Maroc ne peut pas se permettre de sacrifier cette branche dont le développement est tributaire de la levée de facteurs de blocages. L’insuffisante intégration de l’agriculture à son environnement économique s’exprime aussi par les difficultés rencontrées par les agriculteurs pour l’écoulement de leurs récoltes. Il s’agit là, d’un frein significatif au gain de productivité et à l’essor de l’investissement dans le secteur agricole. Le problème de la commercialisation des produits agricoles a plusieurs facettes. Il a pour origine le faible développement des organisations professionnelles, favorisant la prolifération des intermédiaires, ce qui nuit à la transparence du marché et aux petits producteurs. Il est aussi la conséquence de l’absence de circuits de distribution et de commercialisation structurés et des normes de qualité, des défaillances des moyens de transport et du fret, du sous équipement en infrastructures de stockage et de la chaîne de froid, et de la faiblesse du degré de transformation des produits agricoles en produits à haute valeur ajoutée.

Une agriculture sous financée Le sous financement du secteur agricole apparaît clairement à l’examen de l’étendue de l’accès de ce secteur aux institutions de crédit. Ainsi, les banques commerciales ne participent qu’à hauteur de 3 % au financement du secteur, alors que seules 400 000 exploitations agricoles bénéficient des services du Crédit Agricole. Les difficultés de remboursement rencontrées par les agriculteurs durant les années 1980 ont d’ailleurs progressivement réduit le nombre des clients de cet organisme, qui n’en comptait plus en 2003 que près de 100 000. À ce déficit de financement par le système bancaire, s’ajoute aussi l’insuffisance du montant du financement public qui a connu d’abord une stagnation, puis un recul manifeste durant les dernières années. Ainsi, le budget d’investissement alloué au secteur agricole a oscillé entre 2 et 2,5 milliards de dirhams, avec plus de la moitié affectée aux périmètres irrigués. Le reliquat réservé aux autres sous secteurs est très en deçà des besoins réels d’un monde rural longtemps marginalisé. C’est le cas en particulier des zones ’agriculture pluviale qui n’ont eu droit qu’à 18 % des crédits alloués pendant l’exercice 1999-2000, puis à 14 %, voire même 12 % respectivement pour les exercices 2001 et 2002.

3.2. Les défis identifiés de l’agriculture marocaine La problématique actuelle du développement intégré du secteur agricole, réside dans le souci de concilier trois enjeux capitaux, à savoir la réalisation de l’objectif de compétitivité, tout en répondant à l’impératif de l’équité sociale, et en préservant les ressources naturelles de plus en plus rares. Toute stratégie publique dans ce sens doit par conséquent prendre en compte les principaux défis auxquels le secteur agricole se trouve confronté. La liste de ceux que nous allons rappeler ici n’est pas exhaustive. Nous nous contentons de développer ceux qui nous paraissent les plus déterminants.

La conservation des ressources naturelles Les écosystèmes agricoles et pastoraux marocains se caractérisent, au plan écologique, par la persistance et l’aggravation des processus de dégradation. Celle-ci se manifeste notamment par : la réduction de l’espace agricole, la perte de fertilité et l’érosion des sols, l’appauvrissement du couvert végétal, et une plus grande vulnérabilité à la sécheresse et à la désertification. 366

La libéralisation du commerce extérieur du Maroc, résultant des accords d’association et de libre échange et des dispositions de l’Organisation Mondiale du Commerce ne manquerait pas d’avoir des effets positifs sur la croissance, mais potentiellement préjudiciables sur l’environnement. Ces effets se feront particulièrement sentir sur les secteurs d’exportation de pointe telle que l’agriculture intensive connue pour être particulièrement polluante. Cette augmentation prévisible de la pollution pose un nouveau défi pour les pouvoirs publics. Il s’agit de promouvoir une politique équilibrée du développement qui concilie les intérêts économiques à court terme et les soucis de protection de l’environnement et des ressources dans une perspective de développement durable. La seconde catégorie d’enjeux concerne la pérennité du capital ressources. L’état de dégradation avancée dans lequel se trouvent certaines ressources naturelles, combiné à l’assèchement du climat, entraîne la réduction de l’espace vital. Dans ces conditions, où la population ne dispose que de moyens limités pour modifier ses stratégies individuelles et collectives de survie, la pression devient forcément excessive sur les ressources résiduelles encore exploitables. En reconnaissant la pérennité du capital ressources comme enjeu principal, la discussion s’oriente donc maintenant sur les actions à mettre en place pour transformer les stratégies de gestion de ce capital, et revoir la relation entre l’homme et son milieu. Un élément essentiel de cette stratégie est l’impératif d’une revitalisation de la participation des acteurs locaux à la gestion de ces ressources. Que ce soit au niveau des espaces naturels ou aménagés, les systèmes d’exploitation en vigueur ont conduit à une dégradation assez avancée des ressources en eau, en sols, et en biodiversité. L’accentuation, ou même le maintien de cet état de dégradation à son niveau actuel, présente de graves dangers, non seulement pour le secteur agricole et sa pérennité (Doukkala, Haouz, Souss), mais aussi pour le tourisme (oasis, littoral, montagnes), considéré comme l’un des principaux leviers de croissance à l’avenir.

La compétitivité et la pérennité des activités agricoles L’examen de l’évolution du niveau des productions dans les zones d’agriculture pluviale et irriguée révèle une stagnation, voire une détérioration de la productivité. Les faibles niveaux de performances de la production agricole sont la conséquence de plusieurs facteurs. Certains, d’ordre structurel, sont liés aux contraintes des structures foncières, à la faiblesse du potentiel écologique de certaines régions agricoles, au déficit en matière d’organisation et d’intégration des filières, aux difficultés de financement et au bas niveau de développement humain du monde rural. D’autres facteurs, non moins importants, ont trait aux carences en matière d’encadrement de l’agriculture marocaine et de production de paquets technologiques adaptés. La faible productivité du secteur agricole suscite de sérieuses inquiétudes sur sa pérennité, et par voie de conséquence sur la sécurité alimentaire du pays, et sa cohésion sociale. Son évolution n’a pas en effet pu compenser la croissance démographique, conduisant à un recul manifeste du volume des principales productions disponible par tête d’habitant. Cette tendance est nettement mise en évidence à l’examen de l’évolution des disponibilités alimentaires par habitant entre 1993 et 2001 (tableau 6).

367

Tableau 6. Principales productions agricoles par habitant (Kg/hab, moyennes des périodes 1993-1997 et 1998-2001. Akesbi. 2002). Productions

1993-1997

1998-2001

Variations

Céréales (blés, orge, mais)

203

149

-26.6

Légumineuses

7.0

5.4

-22.9

Betterave sucrière

109

105

-3.7

Cultures maraîchères

163

162

-0.6

Olives

19.4

19.7

1.5

Agrumes

48.7

46.3

-5.0

Viandes rouges

10.4

11.5

1.1

Lait (litres/hab)

32

39

21.9

Viandes blanches

7.1

8.2

15.5

Œufs (unités/hab)

101

106

5.0

Ce tableau montre l’ampleur de la régression enregistrée au niveau des céréales et des légumineuses, et à moindre degré pour la betterave sucrière, les cultures maraîchères et les agrumes. En revanche, les productions animales, notamment le lait, les viandes blanches et rouges, et les œufs ont connu une légère progression durant cette période. Sur une plus longue période, l’examen de l’évolution des disponibilités de certains produits alimentaires par habitant met en évidence un déclin encore plus important. À titre d’exemple, les 149 kilos de céréales produits par tête entre 1998 et 2001 sont très inférieurs aux 276 kilos produits au début des années 1970. Il en est de même des cinq kilos actuels de légumineuses à comparer avec les 22 kilos de la période 19711975, ou encore les 11.5 Kg de vaindes rouges de ces dernières années qu’il faudrait rapporter aux 15 Kg déjà réalisés il y a plus de 30 ans (Akesbi. 2002). La faible productivité de l’agriculture marocaine se fait sentir aussi bien en bour qu’en irrigué. Dans ce dernier cas, la valorisation de l’eau d’irrigation est extrêmement faible et se situe à peine entre 0.5 à 1.5 DH/m3 d’eau consommée pour la majorité des cultures, à l’exception des cultures maraîchères pour lesquelles elle atteint 4 DH/m3. De plus, la productivité de nos filières agricoles destinées à l’export est en général faible, lorsque nous la comparons à celle des pays concurrents. Ainsi, les rendements des agrumes par exemple sont en moyenne de 17 tonnes à l’hectare, bien plus bas que ceux enregistrés chez nos voisins espagnols qui obtiennent 22 T/ha. Il en est de même de l’olivier, pour lequel les rendements enregistrés durant la période 1991-2000 atteignent en moyenne à peine 0.86 T/ha contre 1.58 et 2.18 T/ha respectivement en Espagne et en Italie.

La menace des changements climatiques Au Maroc, les observations enregistrées durant les trois dernières décennies (1970-2000) montrent des signes annonciateurs d’impacts probables en matière de fréquence et d’intensité des sécheresses et des inondations, de réduction de la durée d’enneigement des sommets, et de modification de la répartition spatio-temporelle des pluies. Selon le rapport faisant état de la première communication nationale du Maroc à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, les projections en 2020 de certaines variables climatiques, d’intérêt pour l’agriculture, permettent de dégager les scénarios climatiques suivants : 368

– une tendance nette à l’augmentation de la température moyenne annuelle, comprise entre 0.6 oC et 1.1 oC, à l’horizon 2020 ; – une tendance à la réduction du volume annuel des précipitations de l’ordre 4 % en 2020, par rapport à l’année 2000 ; – une augmentation de la fréquence et de l’intensité des orages frontaux et convectifs dans le Nord et à l’0uest de la chaîne de l’Atlas ; – une augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses dans le Sud et à l’Est du pays ; – un dérèglement des précipitations saisonnières (pluies d’hiver concentrées sur une courte période) ; – une réduction de la durée d’enneigement et un retrait du manteau neigeux. Ces changements ne manqueront pas d’affecter les disponibilités des ressources en eau, qui subiraient à l’horizon 2020 une baisse moyenne de l’ordre de 15 %. La satisfaction des besoins en eau du Maroc à cet horizon, estimés à 16.2 milliards de m3, nécessiterait des investissements lourds pour mobiliser les ressources en eau encore disponibles. Quant à l’impact des changements climatiques sur l’agriculture à l’horizon 2020, les résultats rapportés dans le rapport mentionné précédemment suggèrent les conclusions suivantes : – une réduction des rendements des céréales de 50 % en année sèche et de 10 % en année normale ; pareille réduction accentuerait davantage le déficit céréalier du pays, – un accroissement des besoins en eau des cultures irriguées compris entre 7 et 12 %. La production animale, étant indissociable au Maroc du système de production végétale, sera bien entendu à son tour affectée négativement par ces changements. Compte tenu du fait que 33 % de la population et 70 % des pauvres vivront encore en milieu rural en 2020, la performance de l’agriculture sera déterminante pour les conditions de vie des couches sociales les plus défavorisées. Ces prévisions suggèrent la mise en œuvre d’urgence de programmes d’adaptation pour atténuer les impacts prévisibles des changements climatiques.

La maîtrise de la déprise rurale La déprise rurale peut être perçue comme positive, lorsqu’elle permet d’alléger la pression sur des ressources naturelles rares et fragiles. Elle devient toutefois préoccupante au delà d’un seuil de migration, lorsque l’érosion du capital humain menace la vitalité sociale. Au cours des quatre dernières décennies, les transformations de l’agriculture ont affecté les flux migratoires à travers le pays. Ainsi, les mouvements de peuplement, partis du Sud et de l’Est vers le Nord et l’Ouest, ont connu deux revirements principaux. Le premier correspond à la phase de la fixation des migrants dans les nouvelles régions d’expansion agricole (plaines céréalières, grands périmètres irrigués, côtes atlantiques maraîchères) où le besoin de main d’œuvre prévalait. Le second fait suite à l’apparition de signes d’une saturation et de surpeuplement, source d’une émigration difficile vers les villes du Maroc ou clandestine vers les pays d’Europe. La capacité des zones rurales à retenir leur population est de plus en plus réduite. En effet, les faibles perspectives d’emploi et l’absence de services de base dans ces zones poussent les individus à envisager l’émigration vers d’autres cieux. La structure d’âge des émigrants montre qu’il s’agit, en grande partie, de jeunes en âge d’activité, puisque seuls 11 % ont un âge de plus de 45 ans. De surcroît, si par le passé la population des émigrants potentiels était dominée par les hommes, le phénomène d’émigration semble concerner de plus en plus de jeunes femmes. 369

Cette accélération des flux migratoires est aggravée par l’affaiblissement de l’intensité des liens entre les émigrants d’origine rurale et leur zone d’origine. Ainsi, la contribution du migrant dans la dépense de sa famille qui continue de résider dans la zone d’origine, a tendance à diminuer. À cet effet, les résultats d’une enquête menée par le Ministère de l’intérieur révèlent que la proportion des migrants ruraux qui dépensent la totalité de leur revenu dans les zones d’accueil atteint 76 %. Cette rupture des liens avec le lieu d’origine pose le problème de la viabilité sociale des zones rurales, ce qui est d’autant plus critique, qu’à partir de 2007, le monde rural va entamer une phase de décroissance démographique. Toutefois, certaines indications semblent, aujourd’hui, tempérer cette tendance à la déliquescence du tissu rural. Il s’agit du regain d’intérêt pour les politiques de développement rural équitable et inclusif, notamment à travers le renforcement des services de base dans les zones rurales, et la multiplication des initiatives de programmes de développement rural intégré et participatif. Il est permis d’espérer que la continuation de pareilles actions contribuera à éliminer les principales causes qui motivent l’exode rural et par voie de conséquence favorisera son ralentissement.

La maîtrise de la dépendance alimentaire Les taux de couverture de la demande en produits alimentaires de base par la production locale (tableau 7), n’ont dans l’ensemble guère favorablement évolué et sont demeurés en deçà des objectifs arrêtés par le plan quinquennal 2000-2004, lequel prévoyait qu’en 2003, les taux de couverture de la demande par la production nationale devraient s’élever pour le blé tendre, les huiles alimentaires et le sucre à 70 %, 33 % et 68 % respectivement. Quant au taux de couverture des importations agricoles par les exportations agricoles, il se situe selon les années entre 40 % et 75 %. Rétrospectivement, on constate que la balance commerciale de l’agriculture s’est dégradée considérablement. Elle est passée d’un solde positif dans les années 1960 (les exportations excèdent les importations de 67 % en 1960, 40 % en 1970) à un solde négatif dans les décennies suivantes. Dans ce cas, les exportations ne représentent plus que 42 % des importations en 1975, 69 % en 1980, et 58 % en 1982. Tableau 7. Taux de couverture de la demande alimentaire par la production locale (en %, Akesbi. 2002) 1988-1991

1998

1999

2000

2001

1998-2001

Céréales

Produits

62

78

44

23

54

50

Huiles

42

23

21

13

12

17

Sucre

65

54

54

53

55

54

Viande rouge

Nd

148

113

106

127

124

Lait et dérivés

55

87

98

98

98

95

Pour le lait et ses dérivés, des progrès significatifs ont été enregistrés, puisque le taux en question est en moyenne passé de 55 à 95 % sur une dizaine d’années. De tels chiffres doivent être cependant appréciés avec prudence, dans la mesure où ils reflètent plus une faiblesse de la demande solvable qu’un autoapprovisionnement adéquat. Le cas de la viande rouge, dont le taux de couverture atteint 124 %, est à cet égard encore plus trompeur. Ainsi, en atteignant 275 000 tonnes en 2001, la production des viandes rouges représente encore à peine 370

une offre de moins de 10 kilos par tête. Ce niveau pourrait être comparé aux 15 kilos que le marocain consommait en moyenne durant les années 70 (Akesbi. 2002). L’enjeu de la sécurité alimentaire se posera avec plus d’acuité une fois que les dispositions du volet agricole des accords d’association et de libre échange entreront en vigueur. Cet enjeu nous renvoie alors à celui plus global de la croissance économique du Maroc et de sa capacité de dégager des revenus en devises suffisants pour financer, et ses dépenses de développement et celles nécessaires pour combler son déficit alimentaire. À cet effet, il est utile de souligner que la satisfaction de la demande alimentaire à partir des approvisionnements extérieurs se fera vraisemblablement à un coût de plus en plus élevé. Tout semble indiquer en effet une tendance au renchérissement des prix des produits alimentaires de base sur le marché mondial. Cette hypothèse est confortée par la réduction programmée des subventions à l’exportation, une demande en augmentation, conséquence de la croissance démographique et de l’amélioration des revenus chez les pays importateurs notamment asiatiques et, une offre en recul, d’autant plus que le potentiel de terres cultivables est déjà mobilisé. Cela signifie que la libéralisation des échanges agricoles est porteuse de sérieux risques, dont l’impact se fera sentir aussi bien sur les producteurs dans un avenir proche que sur les consommateurs à plus long terme. Il est donc vital qu’elle soit assortie de mesures de soutien de la production locale ne serait-ce que durant une phase de transition. En d’autres termes, l’enjeu ici est de taille et consiste à rechercher comment l’on peut concilier une logique purement économique avec des préoccupations stratégiques. La réponse est forcément d’ordre politique. Elle consiste à développer une vision claire des enjeux à venir, et arrêter des choix et les assumer.

Mobilisation, responsabilisation et participation des acteurs La précarité du monde rural est la résultante d’un déficit flagrant en infrastructures de base, d’une insuffisante diversification des activités dans le monde rural et de la composition et du niveau de qualification de notre paysannerie, en général analphabète et âgée. Selon le RGA de 1994, le capital humain du secteur agricole accuse un faible niveau d’instruction, avec plus de 80 % des agriculteurs qui sont analphabètes. Le taux d’analphabétisme n’est guère meilleur dans les périmètres irrigués où il est supérieur à 70 %. Ceci constitue un obstacle majeur à la bonne gestion des unités de production, au développement technologique du secteur, et d’une manière générale affecte négativement la capacité des agriculteurs à s’adapter aux impératifs de développement durable. Le capital humain agricole souffre aussi de l’âge avancé des exploitants agricoles qui avoisine en moyenne 52 ans, avec des exploitants de plus de 65 ans qui représentent 23,4 %, contre 12,4 % seulement pour ceux âgés de moins de 35 ans. Cette situation alarmante rend impérative et urgente la mise en œuvre d’un programme de renforcement du capital humain rural, visant la promotion d’un système de formation qui élargit les possibilités de choix et contribue à l’émergence d’une génération d’agriculteurs et plus généralement de ruraux réceptifs aux innovations technologiques. S’ajoute à ces déficiences de la paysannerie marocaine un encadrement en deçà des besoins. Ainsi, en dépit d’un effort louable consenti par les pouvoirs publics pour la formation de cadres agricoles, les agriculteurs demeurent en général sous encadrés et ne bénéficient pas de l’appui nécessaire en matière de production de paquets technologiques et de fourniture de conseil. Le corollaire de cette indisponibilité de paquets technologiques est une tendance à la standardisation des techniques d’intervention (exclusivité de la plantation d’Atriplex nummularia et de cactus dans les zones pastorales et du pin et l’eucalyptus dans les zones forestières) ou encore le lancement de certaines opérations d’aménagement sans connaissance suffisante de leur impact à long terme sur la stabilité écologique des zones qui en sont l’objet. De surcroît, le peu de cadres disponibles n’est malheureusement pas pleinement valorisé, faute de dispositions claires visant leur responsabilisation et la reconnaissance de leurs efforts. Plus particulièrement, les 371

collectivités locales, pour pouvoir décider et agir rapidement et en fonction des situations concrètes auxquelles elles sont confrontées, ont besoin d’avoir dans les services de l’État des interlocuteurs à leur niveau qui soient en mesure de prendre des décisions sans en référer au niveau central et sans être prisonnier de directives paralysantes. Le transfert de technologie souffre aussi d’un décalage entre les programmes de recherche et les préoccupations des agriculteurs en raison notamment d’une organisation professionnelle déficiente. En effet, à l’exception de quelques associations de fruits et de primeurs relativement bien structurées, les autres, notamment les chambres d’agriculture, ne sont pas toujours représentatives et sont trop dépendantes des pouvoirs publics pour leur financement et leur encadrement. De ce fait, elles constituent plus un rouage de l’État qu’un relais pour la mise en œuvre d’une politique participative du développement. Ces défaillances du capital humain sont amplifiées par une tendance à l’individualisation de l’exploitation des ressources collectives qui, par la multiplication du nombre des ayants droits, complique le processus de concertation, central pour une exploitation durable des ressources collectives. Cette individualisation est la conséquence du déclin de l’organisation communautaire et de la déperdition des formes traditionnelles de gestion de ces ressources. Ses effets sont particulièrement préjudiciables à une exploitation organisée des ressources pastorales et en eau. Ainsi, l’éclatement de la structure de production traditionnelle a entraîné dans les zones pastorales un morcellement du pouvoir de décision qui reflète une fragmentation du tissu social et l’émergence de stratégies individuelles antagoniques des pratiques lignagères antérieures qui compromettent la pérennité des ressources collectives et favorisent leur dégradation. Pour ce qui est des ressources en eau, le démantèlement de l’organisation communautaire observé, notamment dans les zones des oasis, a favorisé le pompage anarchique et la baisse dangereuse du niveau de la nappe qui en a résulté. La manifestation la plus spectaculaire de relâchement des liens sociaux dans ces régions est le tarissement des Khettaras et l’arrêt de leur entretien.

3.3. Les atouts de l’agriculture marocaine Si l’agriculture marocaine doit faire face à un certain nombre de défis, elle dispose aussi de nombreuses potentialités, dont la mobilisation et la valorisation pourraient contribuer de manière significative à sa mise à niveau. De ces atouts, trois nous paraissent particulièrement édifiants. Il s’agit tout d’abord du réservoir de nos ressources humaines non mobilisé, de notre potentiel de production agricole non atteint, et de la diversité et la richesse de nos ressources naturelles non valorisées.

3.3.1. Les ressources humaines Le potentiel et la richesse des ressources humaines du monde rural marocain sont considérables. Ce potentiel, que les politiques antérieures n’ont malheureusement pu ni valoriser ni développer, s’exprime de plusieurs manières. La paysannerie marocaine est en effet connue pour son ardeur au travail, sa versatilité, son savoir faire et sa capacité d’adaptation à l’adversité du milieu. Les pratiques de terrasse dans les zones de montagne, d’irrigation dans les oasis et les différentes stratégies d’adaptation au risque et à l’aléa sont toutes d’une ingéniosité incontestable. Ce savoir local a montré aussi des aptitudes extraordinaires à intégrer les nouvelles technologies, lorsque les conditions s’y prêtent. Les cas des producteurs des primeurs dans le Souss ou d’agrumes à Berkane sont très révélateurs à cet égard. 372

Une autre expression de la vitalité des ressources humaines rurales réside dans leur formidable capacité associative. Celle-ci prend des formes diverses allant de l’association polyvalente : la Jmaa, à l’association spécialisée s’occupant de la gestion de l’irrigation. Cette capacité associative s’est révélée être un précieux auxiliaire du développement, lorsque ces associations bénéficient d’une réelle autonomie et qu’elles ne se contentent pas d’être un relais téléguidé par l’administration. L’intérêt de ce type d’association a été d’ailleurs largement démontré dans les projets d’aménagement des bassins versants (Projet de Tassaout) ou PMVB (Projet de Tiznit) ou encore de conservation de l’arganier, qui se sont appuyés sur des associations villageoises pour mettre en œuvre, avec beaucoup de succès, les actions prévues par ces projets.

3.3.2. La richesse et la diversité des ressources naturelles En dépit de son caractère aride, le Maroc est doté d’importantes ressources naturelles. En matière de ressources en eau, le potentiel hydraulique mobilisable au Maroc est évalué à 21 milliards de m3 (16 milliards à partir des eaux superficielles et cinq milliards en provenance des eaux souterraines). Les quantités effectivement mobilisées en l’an 2000, ne représentent toutefois que 14.5 milliards de m3, et sont appelées à croître pour atteindre 17 milliards de m3 en l’an 2020. Les bassins de Sebou, du Bouregreg et de l’Oum Rbia détiennent à eux seuls plus des 2/3 du potentiel hydraulique du pays. En 1960, chaque marocain disposait de 2 560 m3 d’eau, se situant ainsi dans une zone d’abondance. Cette part n’était plus que de 1 185 m3 en 1990 et on s’attend à ce qu’elle se rétrécisse davantage dans les années à venir pour atteindre 651 m3 en 2025. Les terres aptes à la culture sont relativement rares au Maroc. Elles représentent 13 % de la surface totale du pays, soit près de 9.2 millions ha. La surface irriguée de manière pérenne couvre 13 % de la SAU, et pourrait atteindre 18 %. Le reste constitue le bour, tributaire des variations et de l’irrégularité des précipitations. Le bour dit favorable (recevant plus de 400 mm de pluie par an) couvre à peine 2.5 millions ha. Le Maroc est considéré parmi les pays les plus riches en diversité biologique en Méditerranée. La variété bioclimatique et la large gamme de milieux naturels rencontrés au Maroc favorisent le développement d’une flore riche estimée à 4 700 espèces, dont 537 endémiques. D’un autre côté, la faune marocaine est très diversifiée et comprend 106 espèces de mammifères, et 326 espèces d’oiseaux et plus de 15 300 espèces d’invertébrés terrestres. La faune marine est à son tour très diversifiée et compte plus de 7 100 espèces. Ce patrimoine naturel qui joue un rôle écologique de premier plan constitue aussi l’une des principales bases du développement socio-économique du pays. La biodiversité marocaine traduit aussi une diversité d’écosystèmes, d’habitats et de paysages. Ainsi, le Plan National des Aires Protégées a recensé 168 sites d’intérêt biologique et écologique, répartis sur huit parcs nationaux et 146 réserves naturelles. Cette richesse génétique et paysagère se rencontre dans une variété d’écosystèmes dont les plus importants sont les forêts, les zones humides, les terres de pâturage, et la mer.

3.3.3. Le potentiel de production agricole Nous avions relevé auparavant les faibles performances de l’agriculture marocaine dans pratiquement toutes ses filières. Celles-ci sont en général inférieures à celles permises par le potentiel des terres agricoles et aux objectifs fixés par les études de faisabilité aussi bien des projets de grande hydraulique que des projets de développement agricole intégré concernant les zones d’agriculture pluviale. Le tableau suivant renseigne sur la marge de progrès considérable à la portée des agriculteurs et non encore réalisée. 373

Tableau 8. Indicateurs du potentiel de productivité agricole dans les systèmes de production existants Paramètre Potentiel

Actuel 1995-99 Potentiel/actuel

Intensité culturale ( %) Grande Hydraulique Petite et Moyenne Hydraulique Agriculture pluviale

102 100 80

130 110 90

1.3 1.1 1.1

Rendements des cultures (T/ha) Blé tendre Blé dur Betterave irriguée Canne à sucre irriguée Tournesol

1.25 1.10 50 71 0.8

3.5 2.2 70 90 2.0

2.3 2.0 1.4 1.3 2.5

460 1 850 1 100

800 5 500 3 500

1.7 3.0 3.2

150 270 200

1.5 1.4 1.3

Rendements zootechniques Lait (Kg/lactation) Race locale Race pure Race croisée Viande (Kg carcasse/an) Race locale Race pure Race croisée

100 195 155

Ces données mettent en évidence l’importante marge de manœuvre, dont dispose l’agriculture marocaine pour sa mise à niveau. Des perspectives d’intensification aussi bien des cultures pluviales qu’irriguées sont réelles, pourvu que des politiques appropriées soient mises en œuvre pour lever les obstacles au transfert de technologies, à l’intensification, et au financement. La réduction des fonds publics alloués à l’agriculture n’a pas aidé à atténuer le poids de nombreux facteurs dont la persistance continue à pénaliser la productivité. Au compte de ces derniers, on peut citer les structures foncières, la technicité des hommes, l’accès aux techniques modernes de production, les circuits de commercialisation, le financement, le renchérissement des coûts de production, et les prix. De ce fait, les rendements réalisés ne représentent que 30 à 70 % des rendements potentiels réalisables pour la plupart des cultures, y compris en zones irriguées. Ainsi, l’agriculture marocaine dispose encore de larges marges de manœuvre pour accroître davantage sa productivité. L’élaboration d’une politique de développement doit être précédée par la formulation d’une vision claire, réaliste et cohérente sur les objectifs à atteindre. Pour cela, il est impératif d’engager une réflexion de prospective, permettant d’appréhender l’évolution tendancielle de nos territoires et nos ressources naturelles, et d’anticiper les changements susceptibles de les affecter. Les vingt prochaines années seront décisives pour l’avenir du Maroc. Si ces années sont porteuses d’opportunités offertes par des atouts réels qui ont trait au processus de démocratisation en cours dans le pays, à la jeunesse de sa population et à l’essor d’une société civile dynamique, elles coïncident aussi avec certaines échéances qui ne manqueront pas d’exercer de fortes tensions aussi bien sur la société que sur l’intégrité des ressources naturelles. Parmi celles-ci, trois échéances sont essentielles. Elles sont d’ordre démographique, économique et écologique : – L’échéance démographique consiste en l’arrivée au marché du travail des générations les plus nom374

breuses, nées au cours des décennies soixante-dix et quatre-vingt, quand la fécondité était à son maximum. Selon le SNAT, les demandeurs d’emploi (entre 15 et 20 ans) compteront chaque année près de 650.000 individus, alors que ceux qui partent à la retraite (entre 60 et 65 ans) ne seraient que 150.000. L’écart illustre bien la complexité de la tâche à accomplir. – L’échéance économique coïncide avec l’entrée en vigueur des accords d’association et de libre échange, notamment avec l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique, l’Égypte, la Jordanie, la Tunisie et la Turquie. Cette échéance pose un problème de mise à niveau d’une ampleur considérable, qui passe justement par des mesures d’amélioration de la compétitivité et vraisemblablement de licenciements, et de fermeture d’unités de production. – Enfin, l’échéance écologique concerne le secteur vital de l’eau. D’ici une vingtaine d’années, alors que nous aurons pratiquement mobilisé tout le potentiel hydraulique mobilisable du pays, des arbitrages douloureux devront être rendus en matière d’allocation des ressources en eau. L’eau n’est pas la seule ressource concernée. La raréfaction concerne aussi les ressources en sol et en biodiversité, à leur tour de plus en plus dégradées. Ces risques de dégradation seront davantage exacerbés par l’exploitation minière des ressources naturelles qui résultera de la course à la productivité et à la compétitivité, elle-même imposée par la libéralisation des échanges. Il est clair que l’avènement de ces échéances créera une situation de forte tension socio-territoriale, dont la gestion doit prendre en compte l’évolution tendancielle telle qu’elle ressort de l’analyse de la situation actuelle et des perspectives qu’elle dégage. Celles-ci, soumises certes, aux incertitudes de tout exercice de prospective, seront examinées par référence aux fonctions économique, sociale, stratégique et environnementale du secteur agricole.

II. L’évolution tendancielle et les risques qui lui sont associés 1. Quelques indications sur les tendances prévisibles du secteur agricole 1.1. Amenuisement de la disponibilité des ressources naturelles D’une manière générale, les politiques de développement suivies jusqu’à présent n’ont pas pris suffisamment en compte la fragilité des milieux et la conservation des ressources en eau, en sol et en biodiversité. Ces mêmes politiques, marquées par le souci des pouvoirs publics de fixer les populations rurales, ont de fait favorisé une augmentation de la pression sur ces ressources et par voie de conséquence leur vulnérabilité. Les effets pervers de ces politiques, et la croissance démographique aidant, expliquent l’état actuel de surpeuplement des campagnes marocaines. Le déséquilibre population/ressources ne peut que générer des réflexes de survie, responsables à leur tour de l’exploitation minière des ressources naturelles. Si une politique de modernisation et de développement du secteur agricole, et partant du monde rural, est impérative, 375

elle ne peut toutefois se déployer convenablement, quelle que soit l’ampleur des interventions envisagées, que si les autres secteurs de l’économie absorbent une partie du surplus de populations affluant des campagnes. Face à la surcharge démographique, la dynamique de la mobilité constitue en effet une perspective inéluctable, il vaut mieux s’y inscrire et s’y préparer pour mieux la maîtriser. En liaison avec les besoins du pays, les projections confirment que le Maroc fera partie des pays à stress hydrique à l’horizon 2025. À cet effet, les prévisions établies par le Ministère des Travaux Publics indiquent qu’à l’horizon 2025, près de la moitié de la population du pays disposerait d’une dotation de l’ordre de 500 m3/hab/an, ce qui correspond à un seuil de pénurie absolue. Dans ces conditions, la promotion des techniques d’économie de l’eau et le recours à des transferts inter bassins, voire à la mobilisation des ressources en eau non conventionnelles deviennent impératifs. Les techniques les plus vraisemblables dans ce cas seraient le traitement et la réutilisation des eaux usées et accessoirement le dessalement de l’eau de mer. Les disponibilités de la SAU par habitant connaissent à leur tour une tendance à la baisse. Elles sont passées de 0.32 ha/habitant en 1960 à 0.35 en 1990, à la faveur du défrichement et de l’extension des zones de culture, mais ne seront plus que de 0.22 ha en l’an 2025. Ce déséquilibre population/ressources sera encore plus prononcé dans les zones de montagnes et les oasis, où les tensions sur la terre et l’eau n’autoriseraient plus la pratique d’une agriculture conventionnelle, incapable de rentabiliser ces ressources rares. Dans ces conditions, on peut s’attendre à la coexistence à l’avenir de deux types d’activités, un premier centré sur une agriculture à forte valeur ajoutée (produits de terroir, produits biologiques, produits « exotiques »), et un second, complémentaire au premier, axé sur le tourisme culturel et écologique soutenu par des activités de service.

1.2. Extension de la pauvreté et des déséquilibres La pauvreté au Maroc demeure un phénomène essentiellement rural, puisque 72 % des pauvres vivent en milieu rural. Visiblement, l’évolution des performances de la production agricole n’a pas permis une amélioration des revenus, ni des niveaux de consommation et, partant, de l’atténuation globale de la pauvreté rurale. Celle-ci s’est même accentuée durant la dernière décennie. Ainsi, la productivité apparente nationale par actif agricole et par an n’a cessé de se dégrader, chutant de 10652 DH par actif et par an durant la période 19931997 à seulement 6740 DH par actif et par an durant la période suivante s’étalant de 1998 à 2001. Les résultats de la dernière enquête nationale sur la consommation et la dépense des ménages effectuée en 2000/ 2001 ont permis d’actualiser les données sur le taux de pauvreté. Si globalement ce dernier a reculé de 25,5 % en 1985 à 17,7 % en 2001 à l’échelle nationale, les zones rurales abritent toujours près des 3/4 des pauvres du Maroc. Ces données illustrent le déséquilibre social qui affecte le pays, et la nécessité d’œuvrer pour la réduction des disparités, non seulement par souci d’équité et de cohésion sociale, mais aussi d’efficacité économique, en liaison avec les exigences de la mise à niveau globale du pays et les défis inhérents à la mondialisation de l’économie. Il est toutefois permis d’espérer que ces perspectives du monde rural marocain, apparemment sombres, pourraient s’améliorer suite aux retombées positives potentielles de deux types d’initiatives lancées au milieu des années 1990. En effet, à l’horizon 2010, le déficit en matière de services sociaux dans les zones rurales serait pratiquement résorbé. D’un autre côté, cette échéance coïncidera aussi avec l’achèvement de la nouvelle génération des projets de développement rural, privilégiant les approches de proximité, de subsidiarité et de participation effective des acteurs locaux. Il n’est pas irréaliste de s’attendre à ce que les acquis de ces projets contribuent à créer les conditions favorables pour une dynamique de développement économique, basée sur l’émergence et la prolifération de nouvelles activités productives et de services, organisées autour de nouveaux pôles de développement. 376

1.3. Une dynamique d’occupation des sols et des systèmes de production La libéralisation des assolements et celle du commerce de nombreuses denrées agricoles ont crée une nouvelle dynamique d’occupation des sols. Celle-ci évoluera dans le sens de la disparition des cultures de faible rentabilité, l’introduction et l’extension de nouvelles cultures destinées à l’export, et la stagnation temporaire des surfaces emblavées par d’autres cultures en attendant la levée du dispositif de protection à la frontière. Les cultures qui ont connu une nette diminution sont les légumineuses alimentaires, le coton, le tournesol et le raisin de cuve. Ainsi, la superficie cumulée de pois chiche, pois sec, lentille et fève a chuté de 432 000 ha en 1961 à 359 000 ha actuellement, alors que celle réservée au coton ne compte guère que près de 200 ha, contre 13 000 ha au cours de la période 1988-92. La même tendance est constatée pour les superficies emblavées par le tournesol qui ont également chuté de 123 876 ha par an en moyenne durant la période 1988-1998 à moins de la moitié de cette surface, soit 57 125 ha, durant la période 1999-2002. Ces baisses de superficies se confirmeront à l’avenir, à un rythme même plus accéléré, notamment pour les cultures de printemps, telles que le mais et le tournesol. Pour ce qui est des céréales, nous assisterons vraisemblablement à une inversion de la tendance observée jusqu’à présent. Le recul de la céréaliculture est inéluctable. Il sera d’abord perceptible dans les zones bour défavorables. Il est plausible, dans un souci d’une meilleure valorisation de l’eau d’irrigation, que cette dynamique soit aussi étendue aux périmètres irrigués, plus particulièrement aux exploitations de taille réduite. D’un autre côté, les perspectives offertes à l’export feront que le secteur des primeurs continuera sur sa lancée, déjà entamée durant la dernière décennie, d’accroissement des superficies et des productions. La superficie sous serre, qui a été multipliée par 3.6 entre 1988 et 1998, passant de 1900 ha à 6900 ha continuera de s’étendre, alors que la superficie réservée aux primeurs en plein champ sera augmentée de quelques 50 000 ha supplémentaires pour satisfaire une demande intérieure et extérieure estimée à près de 1,8 millions de tonnes à l’horizon 2020. Il en est de même du vignoble de table qui a connu une extension spectaculaire récemment, progressant de 15 000 ha en 1971 à 39 600 ha en 2003, essentiellement sous l’impulsion d’investisseurs étrangers. Enfin, depuis 1995, date à laquelle l’interdiction d’importer les bananes a été levée, les superficies emblavées par cette spéculation ont stagné autour de 3000 hectares. Il est très probable, qu’en cas d’annulation de la licence d’importation imposée par les producteurs de banane, cette culture, dont l’adaptation aux conditions agro-écologiques marocaines est discutable, résisterait difficilement à la concurrence extérieure. Elle est donc condamnée à disparaître à terme. Les changements anticipés en matière de systèmes de culture ne manqueront pas d’affecter le secteur de l’élevage. Plus particulièrement, le démantèlement de la protection tarifaire entraînera une diminution du prix des intrants et par conséquent du prix de revient des produits de l’élevage. Elle aura aussi un impact positif sur la conservation des ressources pastorales et forestières qui seront soumises à une moindre pression de pâturage, conséquence de la diminution des prix des aliments. Toutefois, la baisse du coût des intrants ne sera pas suffisante pour compenser les généreuses subventions dont bénéficient les éleveurs européens et américains, et il faut s’attendre à ce que l’extension du démantèlement aux produits animaux affecte négativement l’ensemble des filières animales, incapables de concurrencer des produits animaux étrangers, fortement subventionnés. Nous assistons par conséquent à une recomposition du paysage agricole marocain, marqué par la progression des spéculations pour lesquelles le Maroc possède un avantage comparatif et compétitif. Cette évolution, qui sera accélérée par l’entrée en vigueur du volet agricole des accords de libre échange conclus avec 377

des partenaires étrangers, entraînera fatalement un recul de la superficie emblavée en grandes cultures et une extension des surfaces réservées aux cultures maraîchères, à l’arboriculture fruitière et à certaines productions de haute valeur ajoutée.

1.4. Une déprise rurale dans les zones marginales Sachant que l’État, faute de moyens, ne pourrait pas maintenir longtemps une politique de soutien aux ruraux en difficultés, il est permis de penser que de sérieuses menaces pèsent sur la production céréalière qui offre à elle seule près de 80 millions journées de travail chaque année, et se pratique dans près des deux tiers de la SAU. Ces menaces et les possibilités de conversion réduites des superficies emblavées en céréales favoriseront l’exode, si des activités alternatives ne sont pas identifiées. Elles deviendraient pressantes à partir de 2010, et exécutoires à l’horizon 2020. À cette échéance, on peut imaginer que le secteur agricole se déploie dans moins de la moitié du nombre actuel d’exploitations agricoles. Tout le problème devient de mobiliser des niches d’emploi susceptibles d’absorber ces sureffectifs de plusieurs millions de ruraux que la transformation du paysage agricole dégagera. Le secteur maraîcher recèle encore d’importantes possibilités de développement et donc d’emplois qu’il convient de mobiliser. Ce secteur procure déjà chaque année 40 millions journées de travail, soit l’équivalent de 200 000 emplois permanents. Son extension, requise pour satisfaire les besoins des marchés intérieurs et extérieurs, nécessiterait la mobilisation de plus de 10 millions de journées de travail annuellement. La dynamique de la migration peut s’avérer salutaire si elle est correctement gérée. Le dépeuplement du monde rural pourrait en effet ouvrir la voie à une réduction de la pression exercée actuellement sur les ressources naturelles. Elle peut aussi, en favorisant la concentration de la propriété foncière, contribuer à solutionner la problématique du sous financement de l’agriculture, à travers la création d’unités de production viables susceptibles d’amortir les lourds investissements que requiert la mise à niveau du secteur agricole. Ce processus est d’ailleurs déjà entamé, et la libéralisation des échanges ne fera que l’accélérer. Ainsi, les résultats du RGA de 1994 révèlent que plus de 400 000 exploitations avaient déjà disparu entre 1974 et 1994, dont 120 000 disposent de moins d’un hectare. Pendant cette même période la catégorie des exploitations agricoles de « 100 ha et plus » a augmenté de 2500 à 3200 unités. En définitive, tout semble indiquer que la déprise agricole et son corollaire la migration rurale-urbaine est inéluctable et s’inscrit dans une dynamique sociétale. Cette déprise est déterminée par la faiblesse de la productivité du travail agricole qui renvoie à son tour à l’étroitesse du support de production et à la faiblesse de la production agricole sur des zones marginales de faible potentiel écologique. Ces transformations auront comme conséquence prévisible la mise de près d’un million de foyers ruraux en dehors de l’économie du marché. À terme, la déprise rurale accentuera l’inversion des proportions entre les populations rurales et urbaines qui seront désormais dans un rapport de 15 % à 85 % à l’horizon 2025.

1.5. Une dépendance alimentaire accrue Le Maroc a fait de l’autosuffisance alimentaire un objectif fondamental de sa politique agricole après l’indépendance. Cet objectif n’a été que partiellement atteint en raison de l’accroissement continu de la demande du marché intérieur et des progrès limités enregistrés en matière de gain de productivité. Ainsi, pour les produits d’origine animale, les évolutions ont été positives avec des taux de couverture allant de 87 % pour le 378

lait à 100 % respectivement pour les viandes rouges et blanches. Par contre, pour les huiles et le sucre, et les céréales, les taux de couverture se sont largement dégradés comme le montre le tableau ci-après : Tableau 9 : Le taux de couverture de la demande en aliments de base (en %) Période

Céréales

Huiles

Sucre

1970-74 1975-79 1980-94 1994-98

85 % 74 % 62 % 62 %

25 % 22 % 17 % 20 %

50 % 53 % 60 % 51 %

Les projections de la demande alimentaire à l’horizon 2020, seraient de 130 millions de quintaux, un million de tonnes et 600 000 tonnes, respectivement pour les céréales, le sucre et les huiles. Il s’en suit que l’écart entre l’offre intérieure et les besoins en aliments risque de s’aggraver davantage au vu des tendances démographiques indiquant, en dépit d’un taux de croissance moyen annuel en diminution, que la population totale du pays serait de l’ordre de 40 millions d’habitants à l’horizon 2020, accusant ainsi une augmentation de plus de 30 % par rapport à la population actuelle. Dans cette perspective et pour ne considérer que le cas des céréales, il est attendu que la demande prévisionnelle en ce produit, ne soit satisfaite par la production nationale qu’à concurrence de 40 % environ à l’horizon 2020 (MADRPM, 2000). Si nous intégrons l’impact des accords d’association et de libre échange conclus récemment, ce taux se situerait plutôt autour de 30 %. Pour ce qui est des produits animaux, la satisfaction des besoins à l’horizon 2020 nécessiterait une augmentation annuelle du niveau actuel de la production de 2,5, 4,3, 5,8, et 3,6 % respectivement pour les viandes rouges, les viandes blanches, le lait et les œufs. Avec les engagements en matière de déprotection partielle de ces produits, il est peu probable que cette auto-suffisance soit atteinte, si les niveaux de subventions accordés aux producteurs américains et européens subsistent.

1.6. Une intensification des systèmes de production La raréfaction des ressources naturelles, la déprise rurale, le déclin de la solidarité communautaire, la déprotection de l’agriculture nationale, la délocalisation vers le Maroc de certaines activités agricoles sont autant de facteurs qui militent en faveur d’une intensification des systèmes de production. Les prémices d’un tel processus sont déjà là, notamment dans le Souss, où nous assistons à la naissance d’une agriculture intégrée fortement capitalisée, et tournée exclusivement vers les marchés extérieurs, ou dans le Haouz, où nous observons une remarquable extension de la vigne de table délocalisée. La tendance à l’intensification concernera vraisemblablement aussi les domaines de la production de lait, des viandes rouges et blanches, qui bénéficieront de la chute des prix des intrants, notamment alimentaires, suite au démantèlement des droits de douanes qui grèvent ces produits. Des risques réels sont toutefois associés à cette évolution. Certains ont déjà fait leur apparition et ont trait aux effets secondaires de l’intensification, à savoir une exploitation minière des ressources en eau et en sol ainsi que leur pollution. Une autre catégorie de risques résulterait d’une hausse, assez plausible, des cours de ces matières premières dans le marché international qui réduirait l’avantage comparatif d’un élevage hors sol, donc aggraverait notre dépendance alimentaire. 379

2. Place du secteur agricole dans l’économie du pays : la question controversée de « la vocation agricole du Maroc » La vocation agricole du Maroc a donné lieu récemment à un débat controversé. Ainsi, si par le passé, la vocation agricole du Maroc faisait l’objet d’un consensus, les récentes positions exprimées à ce sujet vont d’une attitude prudente mais ambiguë à une autre qui qualifie carrément le Maroc de pays plutôt pastoral. Pareilles hésitations sont préjudiciables au secteur agricole et au pays en général quelque soit l’option retenue. Il est en effet essentiel d’avoir des idées claires sur les fonctions de l’agriculture et la place qu’elle doit occuper dans le développement économique et social du pays. À défaut, la persistance de ce genre d’hésitations ne peut être que néfaste pour l’avenir de la moitié de la population du pays. D’ailleurs, nous avons déjà relevé que ces hésitations se sont répercutées sur le montant de l’enveloppe du budget d’investissement du Ministère de l’agriculture qui a stagné, voire régressé durant les dernières années. Les données objectives, dont nous disposons aujourd’hui, font état d’une pauvreté rurale préoccupante, que la récente ouverture ne fera qu’aggraver, du moins pour le court à moyen terme. Le rapport 2004 de la CNUCED confirme d’ailleurs cette allégation, et conclut que commerce et pauvreté entretiennent une relation asymétrique. Selon ce rapport, l’augmentation des exportations ne se traduit pas nécessairement par le recul du fléau de la pauvreté. Une autre donnée fondamentale à prendre en considération est que la majorité (75 %) des pauvres marocains sont des ruraux, et qu’il y a un consensus sur le rôle vital de la croissance agricole qui, adossée à un développement rural adéquat, demeure un préalable incontournable à l’atténuation de la pauvreté. Enfin, des considérations d’ordre stratégique et de souveraineté nous imposent l’impératif d’un taux de couverture minimal de nos besoins alimentaires, au prix bien entendu d’un soutien conséquent, mais ciblé et équitable de nos agriculteurs. Le débat sur la vocation agricole du Maroc est par conséquent sans intérêt, et ne fait que reporter des échéances décisives. Le vrai débat est celui qui nous amène à nous prononcer sur le type d’agriculture, dont le Maroc de demain a besoin, et qui sert le mieux les intérêts suprêmes de la nation. Il se situe aussi autour de la formulation d’une politique volontariste qui apporte de vraies solutions aux nombreux problèmes que nous avons traînés tout au long de ces cinquante dernières années.

Conclusion Le problème essentiel de l’intégration de l’agriculture marocaine à l’économie mondiale est que si dans le long terme la réduction de la protection agricole conduira à une plus grande efficacité, dans le court terme, elle menacera l’emploi d’un grand nombre de petits agriculteurs. C’est le dilemme central, dont la résolution exige à la fois une assistance à court terme aux perdants pendant la période de transition et une recherche à long terme d’alternatives rémunératrices pour les pauvres ruraux. Le Maroc réalise de plus en plus que la protection douanière élevée profite davantage aux gros exploitants. Les petits exploitants en bour n’en profitent pas, car ils produisent essentiellement pour leur subsistance et dégagent peu d’excédents commercialisables. Par ailleurs, cette protection favorise principalement les plaines riches le long de la côte atlantique, où l’incidence de la pauvreté (5 %) est largement inférieure aux 25 % du Centre Nord, de l’Est et du Centre Sud. Une révision radicale de notre politique agricole est par conséquent nécessaire. Sa mise en œuvre ne sera pas de tout repos. La présence d’un groupe efficace de pression au parlement, favorable aux vues des grands exploitants, constitue un puissant facteur de blocage institutionnel à des changements significatifs dans ce domaine. 380

Face à cette situation, l’État se mobilise pour apporter des solutions. Celles-ci consistent d’une part, à lancer une nouvelle génération de projets de développement rural intégré (DRI) et de proximité (DRI-PMH, DRIMise en Valeur en Bour, et DRI-forêts). D’autre part, une politique de soutien aux agriculteurs visant carrément la compensation d’une partie du manque à gagner résultant du démantèlement tarifaire, s’inspirant des modèles européens et Turc, et financée en partie par la décompensation du sucre et la farine nationale de blé tendre est en cours de discussion. La mise en œuvre de ces politiques contribuera à atténuer la bipolarité qui est apparue dans le monde rural entre les grands périmètres irrigués et les zones bour. Combinées à une politique plus volontariste en matière de recherche et de conseil, elles conduiront probablement sinon à une plus grande efficience du secteur agricole, du moins à une configuration de l’espace dont les principaux résultats auraient été une maîtrise de la déliquescence du tissu social dans le monde rural, une plus grande équité, conséquence d’une allocation plus juste des ressources publiques.

III. La problématique et les défis du développement rural durable 1. Les limites de l’ancienne approche au développement agricole 1.1. Un effort appréciable de réflexion, mais un déficit flagrant d’action Une série de questions préjudicielles interpellent les pouvoirs publics marocains depuis de longues années. Ces questions ont trait à la nature du rapport des usagers à la ressource (foncière, hydrique, forestière et pastorale), à la place de l’agriculture dans l’économie du pays, au niveau de sécurité alimentaire recherché, aux modalités d’intégration du développement agricole dans le développement rural, à l’allocation des ressources budgétaires entre les différents types d’agriculture rencontrés dans le pays, aux moyens à mettre en œuvre pour accroître la compétitivité de notre secteur agricole, aux actions d’accompagnement favorisant l’intégration de notre agriculture au marché international sans courir le risque de ruiner des pans entiers de notre tissu productif, et à l’équilibre à établir entre nos villes et nos campagnes. Toutes ces questions ont fait l’objet de nombreux ateliers, réflexions et colloques qui ont donné lieu à l’élaboration de stratégies, de plate-formes et de plans d’action, restés pour la plupart sans suite. Nous pouvons donc légitimement déplorer le manque de visibilité, l’attentisme, l’hésitation dans le comportement des pouvoirs publics, et une certaine difficulté à mettre en œuvre les plans d’action et à faire aboutir les réformes. Le défi pour le Maroc devient alors de savoir dans quelle mesure il peut concilier entre le désir d’un changement endogène consensuel et soutenu par l’adhésion et la participation de tous les acteurs concernés, et l’impératif d’efficience selon lequel il doit plutôt induire et diriger le changement à partir d’une compréhension centrale de l’intérêt général, des besoins nationaux et des mesures à entreprendre pour les satisfaire. Les choix de base, étant connus et admis, seule reste la mise en œuvre d’une politique volontariste et cohérente pour les concrétiser. Ainsi, toutes les stratégies de production agricole soutiennent que celle-ci doit être modulée selon les potentialités locales en prenant en compte les impératifs de sécurité alimentaire, de croissance des exportations, d’amélioration des revenus et de protection du patrimoine naturel. Il est par 381

conséquent impératif d’agir vite, car l’énorme passif en matière de développement et le facteur temps accentuent davantage les disparités et les dysfonctionnements.

1.2. Une politique agricole plus centrée sur l’agriculture que sur l’agriculteur Alors que l’agriculture et le monde rural ont été érigés en priorité depuis l’indépendance, il a fallu attendre la publication des rapports annuels du PNUD sur le développement humain et la position embarrassante qu’occupait notre pays parmi les nations, pour se rendre compte de l’énorme déficit accumulé par le monde rural en matière de services de base, d’infrastructures, d’éducation et de marge d’autonomie. C’est aussi pratiquement à la même époque que les pouvoirs publics ont commencé à prendre conscience de l’inadéquation des approches de développement agricole, trop dirigistes, trop centralisées et trop dispersées entre des acteurs de développement, qui communiquent très peu entre eux et encore moins avec les populations cibles. Ces dernières sont, dans les meilleurs des cas, tout juste informées des intentions des pouvoirs publics. C’est dire à quel point le processus du développement agricole et rural était en décalage avec les attentes et les aspirations des populations. Les résultats de cette approche sont une discutable allocation des ressources financières, un impact limité aussi bien sur l’éradication de la pauvreté, que sur la productivité et la compétitivité de notre agriculture ainsi que sur l’intégrité de nos ressources naturelles et la durabilité des acquis en matière de développement agricole et rural. Ces dysfonctionnements ont été relevés à plusieurs reprises et dans de multiples occasions. Des initiatives ont été lancées pour ajuster les approches et combler les lacunes. Parmi celles-ci, nous pouvons citer la création de plusieurs agences dont celles du Développement du Nord et du Développement Social, la mise en place de la Fondation Mohamed V, la promulgation de la Loi sur le micro-crédit et de la Loi 33/94, et enfin le lancement d’une nouvelle génération de projets qui s’inspire des principes d’intégration, de participation et de subsidiarité. Une autre expression de l’attention dont bénéficie désormais le monde rural est la finalisation d’un projet de circulaire relative aux procédures de préparation, de financement et d’exécution des projets de développement rural intégré. Ce projet souligne que, désormais, le déploiement de toute initiative de développement rural doit se faire dans un cadre cohérent et solidaire de l’ensemble des acteurs concernés par cet espace. Ce principe est sous tendu par une organisation institutionnelle appropriée qui se décline au niveau central, provincial et communal. Toujours est-il qu’en attendant l’application des dispositions de cette circulaire, l’action des pouvoirs publics demeure dispersée, centralisée et manque d’un cadre cohérent pour s’y déployer de manière concertée et en parfaite synergie entre les intervenants. À ce jour, nous manquons toujours de relais appropriés aux niveaux local et infra local, indispensables pour la mise en œuvre d’une véritable politique de proximité. Le projet national territorial constitue une opportunité unique de s’engager sur cette voie, pourvu que les autorités en charge de ce projet arrivent à mobiliser tous les acteurs concernés, et que ces derniers aient la volonté de s’inscrire dans une démarche collégiale du développement, dans laquelle chacun apporte sa contribution, en parfaite harmonie avec les autres.

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2. Les lignes directrices d’une nouvelle approche au développement Le développement rural est devenu une priorité nationale depuis 1993, en réponse à la crise du monde rural, amplifiée par les sécheresses de plus en plus fréquentes et l’impact de la politique d’ajustement structurel. C’est dans ce contexte préoccupant, qu’a été élaborée la nouvelle stratégie de développement rural à l’horizon 2020. Celle-ci retient trois principes directeurs essentiels, à savoir : la participation des acteurs, l’intégration des actions et une approche territorialisée du développement qui tient compte de la diversité des espaces ruraux marocains.

2.1. Les préalables à la mise en place d’une politique de développement rural durable Le souci de faire en sorte que la stratégie de développement rural à l’horizon 2020, déjà vieille d’une dizaine d’années, ne connaisse pas le même sort que celles qui l’ont précédée, nous impose la satisfaction de certains préalables. Parmi ceux-ci, les plus déterminants sont les suivants :

Rupture avec l’attentisme qui marque l’action des pouvoirs publics La définition d’une stratégie d’action sur le long terme devrait nous permettre de nous positionner par rapport à nos faiblesses et de cesser de les repousser indéfiniment. Le Maroc connaît une accumulation de blocages, dans des domaines et à des niveaux très variés. Parmi ceux-ci, nous n’en retiendrons ici que trois, qui nous paraissent les plus significatifs. Il s’agit de : – la nature des rapports de la société aux ressources, – la situation dans le domaine foncier, et – le poids de l’agriculture dans le développement économique et social, et sa contribution à la sécurité alimentaire du pays.

Intégration de l’action gouvernementale La promotion du développement durable dépend de la capacité des structures publiques de s’inscrire dans une approche globale, dynamique et intégrée du développement économique et social, et d’appréhender les actions de synergie et de mise en cohérence des problématiques de développement. Il s’agit là d’une véritable révolution dans les mentalités, car nos ministères opèrent selon une logique plutôt sectorielle, et ont du mal à soumettre leurs champs d’activités traditionnelles aux exigences de la transversalité. Le principe d’intégration concerne par conséquent l’intégration des actions et des politiques pour satisfaire les besoins des populations de façon cohérente et coordonnée. Cette tâche se heurte cependant à des obstacles considérables. Les structures de l’État, étant organisées en fonction de secteurs cloisonnés, ne partagent pas nécessairement la même vision du processus de développement et n’ont pas forcément les mêmes intérêts. À ce jour, on est encore à court d’expériences et d’outils analytiques permettant de cerner, évaluer et gérer les compromis nécessaires face aux objectifs d’intégration à atteindre. Le récent lancement du processus d’élaboration et de mise en œuvre des Schémas Régionaux de l’Aménagement du Territoire offre une opportunité pour promouvoir cette culture de proximité et de synergie. La conception et la mise en œuvre des programmes d’action, doivent se faire dans le cadre d’une concertation 383

entre les autorités locales, les élus, les services déconcentrés de l’État, la société civile, l’université, et le secteur privé.

Implication de la population dans le processus de prise de décision L’analyse des pratiques antérieures en matière de développement montre que celles-ci n’ont souvent pas atteint tous les objectifs qu’elles se sont assignées. L’une des principales raisons de ces échecs relatifs est l’adoption d’une approche descendante qui ne prend pas en compte les enjeux autour desquels se confrontent les différents groupes d’acteurs. La participation des communautés dans la conception, l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de développement est impérative pour assurer la durabilité des projets. L’expérience montre en effet, qu’une telle participation permet de garantir l’accès des communautés défavorisées aux bénéfices des projets, intensifie leur motivation, et accroît leur engagement. Pour cela, il est nécessaire d’encourager l’émergence d’organisations communautaires qui jouent un rôle de premier plan dans la mobilisation des populations, la canalisation de leur participation et l’identification des acteurs et de leurs stratégies. Ces organisations constituent donc un passage obligé pour promouvoir un développement à la base, et donner un contenu à cette vision du développement. Les organisations non gouvernementales connaissent d’ailleurs, au Maroc, un formidable essor depuis le début des années 1990, ce qui a permis des avancées significatives en matière de mise en œuvre de l’approche participative. Les exemples les plus spectaculaires concernent les grands programmes (PNER, PAGER, aménagement des bassins versants), dont les modalités de mise en œuvre ont largement fait appel à une approche de concertation, d’implication et de responsabilisation de la population. Sans nier la vigueur du mouvement associatif, il convient toutefois d’en souligner les limites. Il existe en effet un gap important entre l’impressionnant répertoire des ONG et leur fonctionnalité effective. Dans les domaines du développement rural, les ONG réellement actives, et bien structurées ne sont pas nombreuses. D’un autre coté, la richesse des expériences du mouvement associatif ne doit pas occulter les difficultés de mise en œuvre de l’approche participative, et plus particulièrement les résistances des administrations à partager avec les populations l’initiative du développement. Il convient ainsi de souligner la nécessité d’un véritable transfert progressif des responsabilités plutôt qu’une simple association formelle. Il s’agit là d’un processus de longue haleine fondé sur la volonté de promouvoir une culture de concertation constructive chez toutes les parties concernées, aboutissant à la mise en place de structures d’organisation responsables, opérationnelles et représentatives.

Restructuration et renforcement du tissu coopératif Selon le recensement réalisé en 1998 par les services du Ministère des Affaires Générales du Gouvernement, le tissu coopératif marocain compte quelques 3000 coopératives et unions de coopératives. Celles-ci couvrent une dizaine de secteurs et regroupent un total de 200 000 adhérents environ, dont 95 % exercent leurs activités dans trois secteurs à savoir : l’agriculture, l’artisanat et l’habitat. L’analyse du tissu coopératif faite dans le cadre du projet FAO/TCP/MOR/6716 a permis d’identifier les contraintes qui entravent le bon fonctionnement des coopératives. Ainsi, les cadres juridique et institutionnel dans lesquels opère le tissu coopératif se caractérisent par la complexité des procédures et le poids écrasant de la tutelle centralisante de l’État. Sachant le rôle essentiel joué par le tissu coopératif pour faciliter l’accès au marché à ses membres et leur permettre d’acquérir les intrants à des coûts réduits, il devient impératif de moderniser ce tissu, ce qui passe par la définition d’une nouvelle doctrine de l’État à cet égard. Celle-ci doit 384

se traduire par une réduction du nombre d’acteurs gouvernementaux impliqués dans l’encadrement de ce secteur, et le renforcement de ses capacités humaines et financières.

Renforcement du processus de décentralisation et de déconcentration La décentralisation et son pendant technique la déconcentration sont des instruments privilégiés de la modernisation politique et administrative. Leur mise en place se traduit par une révision des rapports entre les différents niveaux de décision, permettant ainsi aux acteurs locaux de reprendre l’initiative pour définir les orientations de leur développement et pour les mettre en œuvre. Le dispositif institutionnel de la décentralisation est presque achevé au Maroc ; la constitution de 1996 ayant en effet consacré ce choix politique en créant les régions et les communes. Le processus proprement dit de décentralisation, n’est pas allé cependant assez loin dans la mesure ou les entités décentralisées ont parfois souffert de carence de représentativité et n’ont pas reçu les ressources suffisantes pour faire face dans des conditions adéquates aux nouvelles tâches qui leur incombent. En outre, ces entités n’ont disposé que d’un degré modéré d’autonomie dans l’utilisation de ces ressources, étant placées sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur. Pour ce qui est de la déconcentration de l’administration, l’évaluation de son effectivité suggère le constat d’un réel blocage qui se manifeste à différents niveaux. D’une part, la couverture du territoire en équipements publics est très inégale. D’un autre coté, les services déconcentrés ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour conduire les affaires locales. À titre d’exemple, la restructuration du Ministère de l’agriculture, censée introduire de nouvelles modalités d’élaboration de programmes selon des procédures remontantes à travers la mise en place de structures provinciales, n’a pas pu lever la contrainte du cloisonnement entre services et leur dépendance vis-à-vis de leurs directions centrales. L’impréparation des collectivités territoriales à remplir les missions qui leurs sont assignées, faute de moyens humains, techniques et financiers adéquats, a dans certains cas entraîné un accaparement des pouvoirs par des élites locales, parfois rétrogrades. À cet effet, la dotation des collectivités territoriales en moyens financiers adéquats et en ressources humaines disposant des compétences requises est décisive pour renforcer les cadres de concertation existants et pour donner une plus grande portée à la décentralisation au Maroc

Promotion de l’approche genre Enfin, l’application de l’approche participative implique que les différents groupes constituant la communauté participent effectivement à la définition des besoins, à la recherche des solutions et à la mise en œuvre de celles-ci. À ce propos, le cas de la femme est particulièrement sensible, et son implication dans le processus de développement de proximité est vivement souhaitée pour au moins deux raisons : – La femme joue un rôle de premier plan dans l’économie des exploitations. Tout projet de développement qui cherche à améliorer cette économie, devrait interpeller un des principaux acteurs, que sont les femmes ; – la participation des femmes au processus d’identification et de négociation de programmes d’action est nécessaire pour mettre en évidence leurs besoins prioritaires et garantir leur mobilisation pour la mise en œuvre de ces programmes. Les principaux handicaps qui s’opposent à la participation des femmes au développement résultent de leur isolement par rapport aux différents vecteurs du développement, et la méconnaissance par les structures de développement de leurs besoins, aspirations, et capacités réelles. 385

2.2. La nécessaire adéquation entre « les vocations agricoles » des terres et les productions qui y sont réalisées L’application uniforme des incitations prévues dans le cadre du Code des Investissements Agricoles, et des dispositions du régime des prêts du Crédit Agricole, sans tenir compte des spécificités agro-écologiques des régions, s’est traduite par une allocation inadéquate des ressources. Elle a été aussi à l’origine de certaines distorsions dans les systèmes de production, favorisant par exemple l’extension des cultures dans les zones forestières et pastorales, et conduisant à leur désertification à long terme. En agriculture pluviale, l’incohérence des politiques sous sectorielles et les discriminations de soutiens entre produits, tout en réalisant les objectifs visés pour les produits privilégiés, ont été à l’origine de l’extension de pratiques de production néfastes à la préservation des ressources naturelles dans les zones fragiles. Ainsi, la politique de discrimination au bénéfice du blé tendre, et les programmes de sauvegarde du cheptel ovin, appuyés par des tarifs de protection élevés à la frontière, ont largement contribué à faire évoluer la structure de production de l’agriculture pluviale vers des systèmes de production de moins en moins adaptés aux conditions d’aridité, avec des conséquences négatives en matière de productivité et de vulnérabilité des ressources en terre arable. À titre d’exemple, on peut citer : – L’augmentation des superficies emblavées en céréales au dépens des terres de parcours et de forêts ; – L’extension du blé tendre par substitution, en partie, au blé dur en dépit de l’intérêt de ce dernier (durant les trente dernières années, la superficie du blé tendre a pratiquement quadruplé, alors que celle du blé dur a régressé) ; – Le déplacement de l’orge, culture la mieux adaptée aux conditions d’aridité et de variabilité intra annuelle de la pluviométrie, vers des terres de plus en plus marginales et donc à très faible productivité.

2.3. Promotion d’une agriculture diversifiée Les atouts de diversité de notre milieu naturel, de richesse de notre biodiversité, du savoir faire de nos agriculteurs et de notre proximité du marché européen confèrent au Maroc de grandes opportunités de diversification de sa production agricole. Celle-ci doit favoriser une évolution progressive des systèmes de culture vivriers et conventionnels, dominés par la céréaliculture, vers des systèmes plus rémunérateurs, plus orientés vers le marché et qui valorisent au mieux les vocations et les aptitudes de nos ressources naturelles et de nos terroirs. Cette reconversion constituerait un saut qualitatif important en matière de lutte contre la pauvreté et de protection de l’environnement, et une adaptation appropriée de notre agriculture aux exigences de la libéralisation. Elle doit viser la production de denrées alimentaires pour lesquelles la demande est en pleine expansion. Parmi celles-ci, nous pouvons citer les produits labellisés de terroirs, les produits « bio », et toute une série de produits de haute valeur ajoutée. Cette dynamique ne peut, toutefois, voir le jour sans un accompagnement soutenu de la part de l’État et des collectivités territoriales. Des efforts de recherche doivent en effet être consentis pour identifier de nouvelles niches de production et leurs itinéraires techniques. Ces efforts doivent aussi se situer au niveau de l’encadrement des producteurs pour l’adoption des innovations, le conditionnement des produits cibles et leur organisation et assistance pour accéder aux marchés. 386

2.4. Appui au développement de la recherche agronomique La levée des défis de sécurité alimentaire, d’amélioration de la productivité et de la compétitivité du secteur agricole est largement tributaire de la disponibilité de résultats de recherche et d’acquis technologiques ainsi que du degré de leur adoption par les producteurs. La recherche agricole constitue donc un vecteur déterminant de revitalisation et de croissance du secteur agricole. La recherche agronomique nationale souffre de plusieurs maux et dysfonctionnements qui ont fait l’objet de nombreux débats et réflexions aboutissant à la formulation de stratégies et de recommandations, restées encore une fois sans suite. Parmi les obstacles auxquels est confronté le système national de la recherche agricole, les plus significatifs sont le vieillissement de la population des chercheurs et leur fonctionnarisation, le retard accumulé dans la maîtrise des nouveaux développements scientifiques et techniques que connaissent les biotechnologies et les technologies de l’information, et l’absence d’un statut de chercheur motivant, qui reconnaît et encourage la performance. La mise à niveau, tant institutionnelle que thématique, de notre recherche agricole doit être par conséquent un souci permanent des pouvoirs publics, sans quoi notre pays sera progressivement réduit à un simple consommateur, non seulement de produits, mais aussi de technologies. Cette mise à niveau doit conduire à une recherche nationale, à jour dans son développement technologique, partie prenante du processus de développement économique et social, et attentive aux mutations que connaît le contexte international. Notre recherche doit en particulier : – exploiter au maximum et adapter les informations et les technologies disponibles en s’intégrant dans des réseaux internationaux, – renforcer sa capacité d’innovation, et développer des technologies compatibles avec les spécificités nationales, et susceptibles de rehausser notre compétitivité, – anticiper et identifier de nouvelles niches de production de produits à haute valeur ajoutée et pour lesquels le Maroc possède un avantage comparatif.

2.5. L’indispensable dynamisation de l’économie rurale La mise à niveau du monde rural passe nécessairement par le développement agricole, et agroindustriel. L’État se doit en effet d’encourager la mise en place d’un tissu de petites et moyennes entreprises agroalimentaires locales pour promouvoir la création de richesses, de valeur ajoutée et d’emplois. Une telle dynamique favorisera l’émergence de nouveaux pôles de développement rural et renforcera l’urbanisation rurale. Celle-ci peut s’envisager d’abord dans les zones irriguées, aussi bien en grande hydraulique qu’en petite et moyenne hydrauliques, et accessoirement dans les zones bour favorable, lorsque la régularité de l’approvisionnement en matières premières peut être garantie. L’objectif de la croissance économique des zones rurales est tributaire aussi d’une diversification des activités économiques. Parmi ces activités, Il est à mentionner, en tout premier lieu, les industries et services para-agricoles à l’amont et à l’aval de la production agricole qui, à l’exception des grands périmètres irrigués, sont très peu développés. Cela prive le monde rural d’une valeur ajoutée qui peut être réinvestie localement pour générer des emplois et des revenus stables pour les populations rurales. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de réduire le déficit en infrastructures physique et sociale, et de promouvoir un cadre incitateur à l’investissement dans ces zones. Un autre gisement d’emplois correspond au créneau du tourisme rural. Les zones rurales sont en effet 387

dépositaires d’un patrimoine naturel et culturel riche, diversifié, mais peu valorisé, faute de services dans ce domaine et de possibilités d’accueil. Les mesures prises récemment par le ministère du tourisme en faveur de ce secteur vont dans la bonne direction. Là encore, la mise en place d’un cadre incitatif attrayant est nécessaire pour mobiliser des promoteurs potentiels. Elle doit être précédée toutefois par une vaste campagne de sensibilisation destinée aux Conseils Communaux et aux Commissions de Développement Locales. Un autre secteur porteur est celui de l’artisanat rural qui a bénéficié récemment d’un regain d’intérêt de la part surtout des ONG opérant aussi bien en milieu urbain que rural dans le cadre de l’opération de microcrédit et de formation professionnelle. Les actions entreprises ont pour objectif, en particulier, de valoriser le savoir-faire endogène des populations rurales en parfaite symbiose avec l’agriculture (valorisation des laines, cuirs et autres produits, création de labels de terroirs...) et le tourisme, en réponse à la demande des touristes de produits artisanaux locaux. Enfin, il convient de signaler que dans les zones marginales, principalement de montagne, les populations tirent des revenus importants d’une activité artisanale qui reste peu valorisée.

Conclusion L’expérience accumulée par le Maroc en matière de politique agricole, durant les cinquante dernières années, est très riche. Le bilan qu’on en tire aujourd’hui met en évidence l’extrême pertinence de certains choix stratégiques, mais aussi quelques dysfonctionnements et contre performances qui traduisent le retard constaté du monde rural en matière de développement humain. La mise à niveau du monde rural, la lutte contre la pauvreté, et la maîtrise du chômage et des inégalités sociales sont parmi les défis les plus urgents auxquels le Maroc est confronté aujourd’hui. Le Maroc actuel, en pleine transition politique, économique et sociale, est tout à fait capable de relever ces défis. Les événements politiques et le chantier de réformes institutionnelles qu’a connus le pays durant les six dernières années sont en train de façonner durablement son développement économique et social. Cette dynamique, marquée aussi par une volonté de moralisation de la vie publique et d’association de la société civile, crée effectivement un contexte favorable à la promotion d’une politique active de lutte contre la pauvreté et à l’émergence d’un nouveau concept de l’autorité. Pour que cette dynamique aboutisse aux résultats escomptés, la mobilisation de toutes les énergies disponibles est toutefois nécessaire. De plus, la satisfaction de certains préalables et la levée de certaines contraintes requièrent un changement d’attitudes, notamment des structures de l’État, indispensable pour l’opérationnalisation des principes d’intégration, de participation, et de décentralisation, qui nécessitent plus qu’un engagement au niveau du discours, mais une véritable intégration dans les comportements quotidiens de ces opérateurs. C’est l’immense chantier qui attend le nouveau Secrétariat d’État au Développement Rural.

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3. Conservation et développement : 50 années d’efforts en faveur des écosystèmes forestiers .........................................................................421 3.1. Cadre juridique et réglementaire ...........................................................421 3.2. Délimitation et mobilisation du domaine forestier ..............................422 3.3. Inventaire et connaissance des ressources forestières ...................423 3.4. Équipement et protection des forêts .....................................................424 3.4.1. Infrastructure et équipement .........................................................424 3.4.2. Défense contre l’incendie ..............................................................426 3.4.3. Gestion de la santé des forêts .......................................................426 3.5. Aménagement et exploitation des forêts .............................................428 3.5.1. Aménagements forestiers ..............................................................428 3.5.2. Aménagements sylvo-pastoraux ..................................................429 3.6. Reboisement et reconstitution dés écosystèmes forestiers ............430 3.6.1. Genèse et évolution .........................................................................430 3.6.2. Semences et pépinières forestières ............................................431 3.7. Conservation des sols et aménagement des bassins versants ......................................................................................................433 3.7.1. Lutte contre l’érosion hydrique .....................................................433 3.7.2. Lutte contre l’ensablement ............................................................435 3.8. Lutte contre la désertification ................................................................437 3.8.1. Ampleur du phénomène .................................................................437 3.8.2. Des efforts déployés en matière de lutte contre la désertification ..............................................................................438 3.8.3. Le PAN-LCD : une nouvelle orientation de la lutte contre la désertification ................................................................438 3.9. Gestion et valorisation de la biodiversité .............................................439 3.9.1. Chasse et développement cynégétique .......................................439 3.9.2. Pêche et aquaculture .....................................................................441 3.9.3. Protection de la nature et aires protégées .................................442 3.10. Institutions et encadrement de la forêt ..............................................443 3.10.1. Évolution des institutions d’encadrement .................................443 3.10.2. Recherche forestière ....................................................................446 3.10.3. Financement du secteur forestier ...............................................448 4. Éléments de réflexion prospective...............................................................449 4.1. Tendances actuelles de l’utilisation de l’espace et des ressources .....................................................................................449 4.2. Les écosystèmes forestiers et périforestiers face aux enjeux de la gestion durable ...........................................................453 4.2.1. La maîtrise de l’eau : contrôle de l’eau et de la désertification ........................................................................453 4.2.2. Rétablissement de l’équilibre sylvo-pastorale.............................453 4.2.3. Gestion de la demande énergétique du monde rural .................453 4.2.4. Accroissement de l’offre du bois et développement des filières forestières ....................................................................453

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1. La forêt marocaine, produit d’une longue histoire 1.1. Aperçu historique de l’utilisation des espaces forestiers 1.1.1. Évolution des écosystèmes forestiers depuis le Tardiglaciaire Les différentes étapes de la mise en place des grands écosystèmes méditerranéens depuis le Tardiglaciaire sont aujourd’hui bien connues grâce aux nombreuses études palynologiques et anthracologiques réalisées autour de la Méditerranée. En s’appuyant sur les études effectuées au Maroc, on peut dégager les phases d’évolution suivantes : – Au Tardiglaciaire (13.000-10.000 B.P), le climat est froid et aride en raison de l’importance et de la dominance des espèces steppiques : armoises et graminées. Parmi les arbres, très peu présentés, seul le chêne vert est faiblement présent avec un léger regain à l’occasion de périodes légèrement humides. La période est marquée aussi par une forte instabilité des pluies rares mais violentes (ROGNON, 1987). – De 9.000 à 3.000 ans B.P (le Boréal, l’Atlantique et le Subboréal) Les steppes sont remplacées par le chêne vert et les pins dans des stations supérieures à 2.000 m dans les Atlas. Dans le Haut Rif occidental siliceux le cèdre est remplacé par le chêne zeen (REILLES, 1976). L’abondance du chêne zeen et l’absence du cèdre démontrent que le climat était plus chaud et plus humide qu’actuellement. Ce regain d’humidité et de chaleur ne semble avoir duré que 2.000 ans environ. En effet dans le Moyen Atlas (Tiguelmamine) vers 7.000 ans B.P le chêne vert se dissocie du chêne zeen avec l’apparition de frênes et de pins. Un événement climatique majeur marque la fin de l’Atlantique et le début du Subboréal (4.000 ans B.P). C’est le retour du froid se traduisant par l’apparition du cèdre, la quasi disparition des pins et d’une recrudescence du chêne vert. D’une manière générale, il apparaît que le climat du Maroc, après s’être fortement réchauffé, après la période froide du Tardiglaciaire, (13.000-10.000 ans B.P.), avec une pluviosité nettement majorée que la période actuelle au Boréal (9.000-7.500 ans B.P.), s’est surtout asséché vers 7.000 ans B.P. Un épisode pluvial à l’Atlantique de 6.000 à 7.000 ans B.P a été suivi au Subboréal vers 5.000 à 4.000 ans B.P., d’un refroidissement aboutissant pratiquement à la mise en place du climat actuel. Les débuts du processus néolithique : action de l’homme par la culture et l’élevage, qui a affecté la forêt méditerranéenne par le défrichement, remontent à 10.000 ans dans le Proche Orient. Ces activités se sont étendues en Grèce et en Crète vers 6.000 ans B.P et à l’Afrique du Nord vers 5.500 à 4.500 ans B.P. Cette période est marquée dans tout le Maghreb par l’anthropisation des milieux due à la succession des civilisations phénicienne, romaine, carthaginoise et arabe. Les analyses pollenalytiques effectuées au Maroc ces dernières années ont montré (LAMB et al. 1989) les faits observables suivants dans le Moyen Atlas : – une première déforestation vers 2.250 ans B.P. de faible envergure qui correspondrait à l’époque 395

romaine. Elle est surtout marquée par la disparition du frêne, (espèce utilisée pour la fabrication du charbon de bois). Une recrudescence des crucifères pourrait, également correspondre au développement des cultures ; – une seconde déforestation vers 1.600 B.P. très marquée par une forte baisse du chêne vert associée à une semblable recrudescence des graminées. Le chêne zeen déjà amoindri par les variations climatiques de l’Atlantique (7.500- 4.500 B.P.) sécheresse puis refroidissement, disparaît une première fois peu après. Le cèdre régresse également ; – vers 440 B.P., la forte recrudescence du cèdre est un indice d’un refroidissement du climat. Dans le Pré-Rif (REILLE, 1977) les déforestations commencent au début du Subatlantique (2.800 B.P.) aux époques phéniciennes et romaines comme en témoigne la forte régression des cédraies. Vers 1.000 ans B.P l’arrivée des Arabes serait responsable de l’extension de l’olivier et de la bruyère arborée témoin de la déforestation des subéraies. Dans les Atlas à haute altitude, on retrouve les effets des déforestations, dues successivement aux Phéniciens, aux Romains, aux Arabes. Le genévrier thurifère aurait ainsi disparu des plus hauts sommets de l’Atlas, comme aux sources de la Tessaoute (2.900 m d’altitude), laissant le terrain aux seuls xérophytes épineux. Par ailleurs, l’hypothèse d’un assèchement climatique dans la seconde moitié du Subatlantique pourrait être à l’origine de la disparition du chêne zeen vers 1.150 ans B.P. dans le Moyen-Atlas aux altitudes 2.100 m et après 2.860 ans B.P dans le Haut Atlas (Oukaimeden). Il apparaît que le fait marquant de cette période est avant tout la forte anthropisation (feux, pâturages, cultures, etc.) des milieux qui a entraîné de grandes et durables ouvertures dans les massifs forestiers, accompagnées par endroits de possibles disparitions d’espèces (chêne zeen, frêne dimorphe, genévrier thurifère, etc.). Les changements climatiques, s’ils existent, restent hypothétiques. La disparition du chêne zeen dans de nombreux massifs au cours du Subatlantique peut en effet aussi bien être due à un assèchement du climat qu’à l’érosion des sols après déforestation. Il convient d’ailleurs de souligner que ces deux processus sont interactifs, de fortes déforestations et ablations de sols pouvant contribuer à l’assèchement du climat.

1.1.2. Les écosystèmes forestiers dans la période historique L’analyse des documents historiques montre que dans l’antiquité, existaient au Maroc, aux côtés de vastes régions dénudées du fait du climat ou de la nature, de très grandes forêts certainement beaucoup plus nombreuses et plus étendues qu’aujourd’hui. Il est même probable que la surface boisée se rapprochait alors de celle de la forêt primitive ou climacique, telle qu’elle a été évaluée par les phytogéographes à environ 30 % du territoire au lieu de 8 % à l’heure actuelle. Ces études montrent que l’armature forestière n’a pas été sérieusement atteinte jusqu’au IIE SIÈCLE. TOUTEe FOIS, À PARTIR DU III siècle, la paix romaine est peu à peu ébranlée ; les vandales dominent le pays pendant le e e V siècle et, à partir du VIII siècle, la conquête arabe est amorcée. Le Maroc, mieux défendu par ses souverains, fut moins atteint par les destructions hilaliennes que l’Algérie et surtout la Tunisie. Les forêts furent néanmoins détruites pour d’autres raisons que les conquêtes successives ; en effet, dès le Xe siècle, les grandes villes populeuses et riches, telles Marrakech, Fès et Salé, réclament de grosses quantités de combustibles et de produits tannants. Dès lors, la production intensive de charbon avec les incendies qu’elle provoque, le parcours déréglé des chèvres particulièrement nombreuses, l’écorçage sur pied du chêne liège et du pin d’Alep, en particulier, l’extraction des souches de chêne vert pour l’écorce à tan, entraînent un recul important des massifs boisés dans le Grand et le Moyen Atlas et expliquent la disparition de la plus grande partie de forêts du Gharb et des régions de Rabat et Casablanca. 396

Après les grandes migrations du Xe siècle, le déboisement continu dans les plaines et les vallées mais à un rythme beaucoup plus modéré ; de belles forêts se maintiennent dans l’intérieur, naturellement protégées par l’insécurité et la crainte des fauves qui interdisent aux pasteurs d’y conduire leurs troupeaux. Les effectifs encore réduits de la population et du cheptel n’exercent d’ailleurs, à cette époque, qu’une légère pression beaucoup plus acceptable que celle d’aujourd’hui. La forêt était considérée comme un bien collectif, bien qu’il s’agisse en pareil cas très vraisemblablement de droits d’usage très étendus, plutôt que de droits de propriété proprement dits. Les membres des tribus vivant dans ou près des massifs forestiers se sont considérés comme propriétaires, ils prélevaient sans contrôle les produits nécessaires à leurs besoins. Cependant, toute appropriation de terres non conforme aux règles coutumières est immédiatement combattue. C’est cet héritage – constitué par un domaine forestier de près de cinq millions d’hectares (après en avoir perdu environ 4,8 millions d’après les estimations les plus prudentes) – que le Maroc devait recueillir au début de XXe siècle. La population, qui s’élevait à 5 millions d’habitants, chiffre considérable à l’époque (1910), représentait une pression constante sur cet héritage, par elle-même et par ses troupeaux.

1.1.3. La genèse du régime forestier marocain Le 1er novembre 1912, une circulaire du Grand Vizir aux gouverneurs, caids et cadis, fondée sur les principes de droit musulman, déclarait, après avoir énuméré les biens constituant le domaine public, de droit inaliénable : « Il est d’autres biens qui ne peuvent être en aucune façon aliénés qu’avec l’autorisation du Makhzen, parce qu’il a sur ces biens des droits de propriété ou de contrôle » ce sont : « ............................................................................................... « 3o Les forêts qui, dans toute l’étendue de l’Empire appartiennent au Makhzen, sous réserve des droits d’usage (pâturage de troupeaux, ramassage du bois) que pourraient avoir les tribus voisines ; « ............................................................................................... « 5o Les terres désertes et incultes, les biens vacants et sans maître et, d’une façon générale, tous les immeubles que la loi musulmane comprend sous la dénomination de “terres mortes”, lesquelles reviennent de droit au Makhzen et ne peuvent, d’après les règles du Chrâa, être occupées ou vivifiées sans autorisation préalable ». Le Dahir du 7 juillet 1914 portant réglementation de la justice civile indigène et la transmission de la propriété immobilière, reprenant les propres termes de la circulaire vizirielle, sanctionnait définitivement la domanialité des forêts. Ce texte a permis d’incorporer également au domaine privé de l’État les peuplements d’alfa et les dunes maritimes et terrestres. Ce principe admis, il convient d’asseoir le domaine forestier sur le terrain d’une manière irrévocable. Ce fut l’objet du Dahir du 3 janvier 1916 portant règlement spécial sur la délimitation du domaine de l’État modifié par le Dahir du 17 août 1949. Cette loi, applicable au domaine privé non boisé comme au domaine forestier, fixe une procédure simple de délimitation administrative avec possibilité pour les opposants d’un recours contentieux devant les tribunaux. Le régime forestier, en tant qu’ensemble de règles régissant la constitution juridique du domaine forestier, sa délimitation, sa protection et les différentes atteintes à la propriété forestière est mise en place à travers le Dahir du 10 octobre 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts; il envisage le principe de la domanialité des forêts en s’appuyant sur celui de la présomption domaniale. Celle-ci repose sur la « possession qui est une apparence de propriété » (Art. 1er du dahir du 10 octobre 1917). Ce même article stipule qu’il y a trois formes principales de propriété forestière à savoir : la propriété publique, collective et privée. 397

À côté des forêts domaniales proprement dites, le domaine forestier englobe aussi les terrains couverts d’alfa, les dunes terrestres et maritimes, les maisons forestières, les plantations, les pépinières dans les forêts domaniales et les terrains reboisés ou à reboiser (Art.1er (a) du Dahir du 10 octobre 1917). Cependant, le régime de la conservation de la forêt domaniale admet des exceptions faites sous le critère de l’utilité publique, autorisant la distraction, et le remembrement par voie d’échange immobilier ou même l’expropriation. Les biens du domaine forestier, les terrains boisés ou à reboiser appartenant à des particuliers ou à des collectivités soumis au régime par décret, sont exploités selon les prescriptions du Dahir précité, notamment en ce qui concerne les occupations temporaires, les coupes de bois, les amodiations, les parcours, les défrichements, les extractions de matériaux, etc. Les infractions aux dispositions de la loi forestière, à savoir la violation des conditions d’exploitation de la forêt, la destruction de limites, les vols de bois, les défrichements, et labours, les mises à feu et incendies, la contrefaçon des marteaux servant aux marques forestières, l’usage frauduleux de vrais marteaux, sont constatés par les ingénieurs et préposés forestiers par procès-verbaux qu’ils transmettent aux juridictions compétentes pour jugement. Le Dahir du 10 octobre 1917 a confié la gestion du domaine forestier ainsi que celle des autres biens soumis au régime forestier au Département chargé des Eaux et Forêts, qui a seul qualité pour intervenir au nom des intérêts du domaine forestier, dans les procédures de délimitation et d’immatriculation ainsi que pour ester en justice. Une des préoccupations majeures de l’Administration forestière après la promulgation de la loi forestière, à cette époque, fut le sauvetage de la Mamora, mutilée et dévastée par les charbonniers et les tanneurs de Rabat et de Salé. Un vaste programme de régénération par recépage devait en faire en une trentaine d’années une des plus belles forêts de chêne liège d’Afrique du Nord et l’une des plus étendues. Dans le même temps, les exploitations désordonnées de la cédraie étaient réglementées et fournissaient, dès la fin de la première guerre mondiale, un appoint non négligeable à l’économie du pays. Parallèlement, fut entreprise la délimitation du domaine boisé qui, seule, pouvait permettre de limiter les défrichements et les revendications de propriétés ; en même temps, une législation bien adaptée aux usages locaux donnait au service forestier l’instrument juridique d’une gestion plus rationnelle ; cette législation fut complétée ultérieurement par tout un arsenal de textes réglementaires concernant les exploitations, les défrichements, les incendies, l’usage du parcours et l’aménagement sylvo-pastoral, les nappes alfatières, l’arganier, le noyer, les parcs nationaux, le reboisement, la défense et restauration des sols... Successivement, les autorités responsables de la mise en œuvre de la politique forestière se penchèrent dès 1918 sur les problèmes les plus urgents : fixation des dunes à Essaouira, Agadir... ; équipement de la forêt ; organisation des exploitations de bois et de liège pour l’économie ; organisation et réglementation du pâturage en forêt ; reboisement de protection ou de production ; défense et restauration des sols, des pâturages dégradés et, à un moment donné, du vignoble traditionnel. La consolidation du régime forestier marocain, à travers la conservation, le développement et la gestion rationnelle des écosystèmes s’est développée durant les plans de développement économique et social qu’a connu le pays depuis 1956 à nos jours et dont le bilan est présenté dans les développements qui suivent.

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1.2. État actuel des écosystèmes forestiers et leur dynamique 1.2.1. La forêt dans son cadre géographique L’état actuel des écosystèmes forestiers est le produit d’interactions très anciennes entre les activités humaines (histoire des pratiques agro-sylvo-pastorales et aménagements récents), la dynamique naturelle de la végétation interne aux écosystèmes (dégradation, adaptation, résilience...) et l’influence des perturbation naturelles (vents, feux...). Aussi les fonctions des écosystèmes sont-elles amenées à varier selon les contraintes du milieu et les modalités d’utilisation et d’occupation du sol décidées pas l’homme. En raison de la diversité géographique et géomorphologique, de la variété spatio-temporelle des conditions climatiques, mais aussi de la présence ancestrale de l’homme et son impact sur les écosystèmes, la distinction des formations forestières n’est concevable que d’après leur morphologie générale et les espèces ligneuses dominantes en les rattachant à trois domaines phytogéographiques : méditerranéen, sub-méditerranéen et saharien (MHIRIT et ETTOBI, 2001). L’encadré ci-après présente les domaines phytogéographiques marocains et les types de forêts correspondants : Les écosystèmes forestiers occupent un éventail très large de bioclimats méditerranéens et de leurs variantes, des bioclimats sahariens au bioclimat préhumide et de haute montagne dans une gamme de précipitations annuelles allant de 50 mm à 2.000 mm. La figure 1 présente la distribution bioclimatique des principaux écosystèmes forestiers (MHIRIT, 1993).

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Figure 1 : Distribution bioclimatique des écosystèmes terrestres (Climagramme d’Emberger)

Ces écoystèmes individualient des communautés végétales qui se relayent depuis l’étage thérmoméditerranéen entre le niveau de la mer et 900 m jusqu’à l’étage oro-méditerranéen entre 1.800 m et 2.700 m, suivant une succession tout à fait originale dans le bassin Figure 1 : Distribution bioclméditerranéen. Si l’on envisage les communautés végétales forestières, on dénombre plus de 60 espèces arborescentes, dont 30 espèces majeures et 30 autres espèces secondaires. 400

Tableau 1 : Types de forêts marocaines en fonction du bioclimat, étages de végétation et sol (MHIRIT, 1999) CLIMAT-ETAGE DE VEGETATION

SOL

Variabilité ( %)

(Saison sèche)

Type

P