Atlas Historique de L'algérie [PDF]

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Zitiervorschau

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Conception graphique : Farida Jeannet Mise en page : Pixellence © Nouveau Monde éditions, 2022 44, quai Henri-IV – 75004 Paris ISBN : 978-2-38094-118-0 Dépôt légal : mars 2022 Imprimé en France par CPI

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KARIM CHAÏBI

ATLAS

HISTORIQUE DE L’ALGÉRIE Préface de Jacques Frémeaux

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C’est à un homme d’Afrique que je souhaite spécialement dédier cet atlas : Gabriel Médina. Car il a été celui qui m’a conduit au bord de la mer Méditerranée en 1992, afin de partir à la découverte d’une terre encore inconnue pour moi : l’Algérie. Trente ans auparavant, Gaby avait quitté son village natal de Hammam Bou Hadjar, au sud-ouest d’Oran. Il en a rapporté une force et une générosité impressionnantes. Avec son épouse Raymonde (disparue récemment), Gaby a accompagné ma jeunesse et m’a transmis la confiance, l’endurance, le dépassement de soi. Merci beaucoup Gaby !

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PRÉFACE C’est une vérité première que de dire que les événements historiques se manifestent à la fois dans le temps et dans l’espace. Pourtant, les ouvrages d’histoire contiennent trop rarement des cartes qui permettraient au lecteur de se familiariser avec la topographie des pays dont ils traitent, les réseaux de toute sorte, notamment urbains et routiers, qui les parcourent, leurs principales divisions politiques et administratives, et permettraient enfin de situer précisément les principaux événements dont ils furent le cadre. Ceci est particulièrement vrai de l’histoire de l’Algérie, pourtant si proche. C’est pour remédier à ces carences que Karim Chaïbi a conçu cette version renouvelée et développée de son Atlas historique de l’Algérie. Il suffit de le feuilleter pour comprendre que les ambitions en sont très vastes, puisque le lecteur est invité à suivre une histoire qui commence avec le paléolithique, il y a un million d’années, et s’achève provisoirement avec les manifestations du hirak des années 2019 et suivantes. On parcourt ainsi successivement la préhistoire, l’installation des royaumes berbères, l’occupation romaine, l’épisode vandale, la conquête arabe, la succession des royaumes musulmans, l’occupation turque, la colonisation française, et la guerre d’Algérie, avant d’arriver aux soixante années de l’indépendance. La question qui se posera sera inévitablement celle de l’unité de cette histoire. Après tout, jusqu’à l’occupation turque, les épisodes d’unification du Maghreb central sous la même autorité sont rares, et la chronique peine à rendre compte des divisions qui l’ont fractionné. À quoi il est facile de répondre que c’est par la lecture rétrospective qu’en a fait le mouvement nationaliste algérien, dans les limites précisées par le régime colonial avec le Maroc et la Tunisie, et élargies vers le sud par les conventions internationales, que se lit le destin de l’Algérie. Une histoire qui progresse par ruptures, peut-être parce que le fondement réside dans la permanence de son vieux fonds ethnique et de son unité religieuse. Le travail n’était pas facile, pour plusieurs séries de raisons. La première, la plus évidente, résidait dans le choix des événements à représenter, et des symboles à adopter pour rendre ces représentations lisibles. La seconde était dans les difficultés du choix d’une échelle : si l’essentiel de l’histoire de l’Algérie se situe dans un cadre méditerranéen, sur environ 400 000 km², les dépendances sahariennes qui rattachent fortement le pays au continent africain, ne représentent en effet pas moins de deux millions de km².

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Atlas historique de l’Algérie

La plupart des cent trente-cinq cartes sont consacrées à regrouper, sur un même support, les éléments divers qui permettent de synthétiser à chaque fois une période historiquement délimitée, avec, fort logiquement, une précision croissante à mesure que l’on s’avance vers les temps actuels. De ce point de vue, l’effort du cartographe pour représenter l’Algérie d’après 1962 sera probablement le premier à retenir l’attention, tant la bousculade des événements a rendu cette période peu lisible. En revanche, c’est peut-être en se reportant à l’histoire du passé ancien jusqu’au XVIe siècle, trop négligée au profit des confrontations menées depuis les temps modernes, que le lecteur s’instruira le plus. Outre l’intérêt de retrouver les grands traits de ces périodes trop oubliées, il éprouvera des surprises agréables, comme celle de pouvoir retrouver les itinéraires du grand Ibn Khaldoun. On notera enfin que, loin de montrer une Algérie isolée, les cartes la situent dans plusieurs des ensembles auxquelles elle se rattache : Maghreb, monde méditerranéen, avec une alternance ou une concurrence des influences orientale et occidentale, Afrique dans son ensemble. Dans un temps où d’aucuns cherchent à rapprocher les mémoires sans y parvenir, il est indispensable de fournir, à ceux qui ont seulement le souci de savoir, des instruments d’un abord accessible. Celui-ci en est un. Sa consultation aisée invite les passionnés à des approfondissements innombrables. Jacques Frémeaux Professeur émérite à l’université Paris-Sorbonne Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer

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Carte du monde dressée par l’amiral ottoman Piri Reis, 1513.

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PRÉSENTATION

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a volonté de diffuser un résumé pratique et dynamique des grandes périodes historiques de l’Algérie a fait naître cet atlas de plus de 130 cartes. À travers les siècles, cette cartographie fine parcourt tous les territoires de l’Algérie, de la préhistoire à nos jours. La première production moderne d’une cartographie historique de l’Algérie avait été le fruit du travail impressionnant de Georges Duby, avec son Atlas historique mondial (plusieurs fois réédité). Les grandes lignes de l’histoire algérienne y avaient été tracées, une première après la colonisation. En 2011, Guy Pervillé franchit un seuil graphique et scientifique majeur, en écrivant l’Atlas de la guerre d’Algérie, actualisé en 2011. Jusqu’à aujourd’hui, ces représentations cartographiques de la période 1954-1962 sont une documentation des plus riches. Avant que ne soient édités ces premiers atlas historiques, la production d’atlas généraux de l’Algérie à l’époque coloniale se trouvait principalement intégrée au domaine géographique (éditions Vidal-Lablache, Atlas général de Pierre Gouraud, Hachette, etc.) dans le cadre des travaux encyclopédiques et scolaires. À l’Algérie étaient ainsi consacrées des pages dédiées dans les parties concernant l’Afrique, mais plus généralement à la partie France. Les éditions de revues et atlas spécialement consacrées à l’Algérie connurent un développement inédit à l’occasion de la célébration du centenaire de la conquête en 1930. Une grande production d’ouvrages faisait l’éloge et la promotion de l’Empire français et de la colonie algérienne en particulier. L’Algérie y était le plus souvent vantée pour sa terre riche en ressources naturelles et la diversité de ses populations. Ces atlas, très diffusés dans le monde scolaire pour leur aspect encyclopédique et didactique, incarnaient l’exaltation de la puissance impériale française (les fameux territoires en rose, de Dunkerque à Brazzaville). L’utilisation des cartes pour l’enseignement de la géographie et de l’histoire a effectivement toujours intéressé un large public, car les représentations des réalités géographiques ou historiques y sont simplifiées. La découverte d’un pays ou d’une région du monde est ainsi souvent passée par l’étape de la carte, laissant l’esprit imaginer les paysages ou les batailles résumés par une couleur ou un symbole. L’observateur d’une carte est libre de fixer son regard sur n’importe quel point. Les cartes dessinées dans cet

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12 Atlas historique de l’Algérie

atlas peuvent être exploitées à la fois comme outils de localisation des événements de l’histoire, mais également comme éléments signifiants pour comprendre le contexte géographique des distances et du relief. De telles informations géographiques sont incontournables pour l’historien comme pour tout lecteur découvrant ces siècles méconnus de l’histoire franco-algérienne. Ce travail de représentation du territoire nord-africain a une longue histoire. Dessinant ces rivages méconnus depuis l’Antiquité, la cartographie produite par les civilisations méditerranéennes antique (Grecs), médiévale (Arabes) et ottomane (Piri Reis notamment) avait précédé les travaux « modernes » des écoles européennes des XVIIe-XVIIIe siècles. Ces cartes « anciennes » ont constitué un apport documentaire très précieux pour la localisation et la toponymie. Ainsi, parmi les cartes exploitées pour la rédaction de cet atlas historique, se trouve une des premières représentations du « monde connu » au IIe siècle, la Géographie de Ptolémée. Cette carte a été la référence des rédacteurs d’atlas européens pendant plusieurs siècles, se présentant tout en longueur de la Méditerranée. Avant d’approcher les côtes d’Alger ou de Tunis, les Européens n’avaient longtemps disposé que de la toponymie romaine pour décrire les sites de l’Afrique du Nord. Jusqu’au XIVe siècle, l’ensemble des noms africains de la cartographie européenne furent d’abord les territoires de Mauretania, de Numidia et d’Africa. Les rivages du sud de la Méditerranée occidentale, où nombre de cités sont d’origine carthaginoise, ont maintenu une relation particulière avec l’Orient, accentuée lors de son intégration au monde romain, pendant près de cinq siècles. L’Algérie romaine a été profondément marquée par cette civilisation « globale », notamment avec la très forte urbanisation, les cultures agricoles et l’accueil fait à la jeune religion chrétienne, dont Augustin d’Hippone

Carte de l’écoumène de Ptolémée.

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Présentation 13

Carte dressée par Al Idrissi, maître géographe du Moyen Âge.

fut le célèbre représentant. Cet atlas historique de l’Algérie consacre de nombreuses cartes aux principaux événements de cette période romaine. La fin de cette Afrique « occidentale » y est aussi présente, avec l’épopée méconnue des Vandales de la mer Baltique à la Numidie. Les quelques cartes de la période byzantine illustrent quant à elles une période peu renseignée de l’histoire algérienne, pendant laquelle des royaumes « romano-africains » se sont constitués. Des décennies d’histoire échappent encore à la compréhension scientifique et la cartographie ne peut qu’approcher des hypothèses représentables. Afin d’apporter une focale plus régionale de l’Algérie médiévale, il a été nécessaire de renvoyer parfois au cadre de l’Orient musulman. Quelques cartes décrivent ainsi le berceau arabe de l’Islam jusqu’à la Syrie, où les ancêtres des Algériens participèrent à l’aventure fatimide. Une fois réunifiées par l’Islam au VIIIe siècle, les anciennes provinces antiques d’Afrique du Nord recevront le nom de Maghreb (pays du Couchant) ou Bilad al Barbar (pays des Berbères). Cette dénomination « arabo-centrée » sera réutilisée jusqu’à nos jours pour définir l’ensemble des pays nord-africains du Maroc à la Libye. C’est ce cadre « maghrébin » qui a été retenu pour dessiner les cartes de l’époque arabo-islamique, car on ne peut dissocier ces territoires « algérien, tunisien et marocain », particulièrement à cette période. IMAGE Idrissi Les cartes « médiévales » proposées s’appuient notamment sur les deux grands atlas actuels du monde musulman (An Historical Atlas of Islam de Hugh Kennedy, rééd. 2002 ; et l’Atlas du monde arabo-islamique à l’époque classique de Georgette Cornu, 1985), qui constituent des références d’un apport considérable, synthèse de nombreux travaux sur la période. Le présent ouvrage consacre plusieurs cartes à l’aventure des Berbères Kotama fatimides ainsi qu’à l’itinéraire de personnalités qui ont vécu une partie de leur vie dans cette Algérie médiévale, comme le chef almohade Abd el Moumen ou Ibn Khaldûn. Le tournant historique de 1492 situe les territoires de l’Algérie dans le contexte de l’émergence de la puissance ottomane en Méditerranée, tandis que les Espagnols découvrent le Nouveau Monde. La période « turque » correspond à la diffusion des premières cartes européennes conçues pour les navigateurs. Ces portulans inaugurent le développement d’une cartographie en plein essor, principalement à Anvers et à Amsterdam, dans le contexte des

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« grandes découvertes ». Les royaumes de Tlemcen, d’Alger et de Béjaïa, qui avaient précédé l’arrivée des corsaires ottomans, étaient donc déjà connus et représentés. Avec la mise en place du pachalik d’Alger (la régence), la connaissance du sud de la Méditerranée s’est considérablement précisée pour les Européens. Dans la documentation de cet atlas, plusieurs cartes de cette époque ont ainsi été évoquées pour leurs indications toponymiques et l’importance des cités algériennes de l’époque ottomane. Le terme même d’atlas fut d’ailleurs mentionné une première fois par le cartographe flamand Mercator au XVIe siècle. On dispose de plusieurs cartes hollandaises et françaises au moment où la flotte d’Alger est la plus puissante. Cet atlas cherche à représenter aussi bien les enjeux de la lutte en Méditerranée que la formation du territoire nord-algérien, dont les limites se précisent entre le XVIe et le XVIIe siècle, alors que les pachas repoussent les tentatives expansionnistes des royaumes voisins. La régence d’Alger, encore mieux décrite sur les cartes produites par les Français à partir du XVIIe siècle et surtout du XVIIIe, est devenue une actrice incontournable de la Méditerranée occidentale. À partir du XVIIIe siècle, une approche plus scientifique se met en place, notamment avec les cartographes français « royaux » d’Anville, qui commencent à identifier plus finement le territoire des pachaliks d’Alger et de Tunis. Les rois installés à Versailles s’intéressent au sud de la Méditerranée. Tous les travaux de reconnaissance qui précédent la conquête française sont une mine d’informations sur la situation de la régence avant 1830. Avec le débarquement français de juillet 1830, le territoire qui deviendra officiellement l’Algérie est systématiquement exploré et dessiné, puis cartographié par les brigades topographiques du ministère de la Guerre. Car disposer de cartes revient effectivement à contrôler un espace, mission confiée naturellement à l’armée, engagée dans les opérations contre les tribus qui résistent à la conquête. Les échelles régionales s’imposent de nouveau dans ces années qui voient la progression détaillée des colonnes dans les territoires « indigènes ». Dans la période consacrée à la conquête française, l’accent a été mis sur les grandes campagnes de Kabylie et les explorations dans le Sahara, dont la durée a nécessité une représentation sur plusieurs cartes. La colonisation, autre grande thématique de la période française, est illustrée par plusieurs cartes assez précises, localisant les nombreux villages européens, dans les trois principales régions d’immigration : l’Algérois, le Constantinois et la région d’Oran-Mostaganem. Représentant une période complexe et riche, les cartes de cette période jusqu’à la Première Guerre mondiale mettent en avant les nombreuses insurrections, dont celle de 1871, ainsi que la question des Algériens exilés. On sort là du cadre géographique nord-africain pour découvrir le monde de la diaspora algérienne, des bagnards aux émigrants du Proche-Orient. La cartographie de la Première Guerre mondiale détaille les différents fronts où se sont battus les soldats « indigènes » algériens tandis que la carte des opérations de représailles dans les Aurès-Belezma apporte un éclairage régional sur un épisode méconnu. Le processus de politisation des Algériens est complexe à représenter, les mouvements changeant souvent de nom et

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Présentation 15

Plan d’Alger, XVIIe siècle.

de chefs. Cependant, la carte de l’entre-deux-guerres est capitale pour comprendre l’évolution des courants nationalistes algériens et leurs répercussions sur la société « indigène ». Comme pour la Grande Guerre, les cartes de la Seconde Guerre mondiale sont « régionalisées », montrant l’itinéraire des régiments de tirailleurs algériens et leur participation à la Libération. La répression de 1945 fait l’objet de plusieurs cartes, résultat de longues recherches, dont plusieurs enquêtes de terrain, notamment dans la région de Sétif, dans le prolongement de l’ouvrage Sétif 1945-1962, Atlas historique régional (Karim Chaïbi, Dalimen, Alger, 2015). La guerre dans les djebels paraît commencer à ce moment clé des prémices de la décolonisation, avec les opérations de ratissage dans des régions montagneuses. Le cadre cartographique de la guerre d’Algérie semble déjà planté en mai-juin 1945 : des reliefs escarpés et des refuges inexpugnables. Cartographier la guerre d’indépendance met en lumière la complexité de certains thèmes, comme celui de la stratégie insurrectionnelle en France et des moyens particuliers de l’armée. Des combats aux méthodes de cette guerre, les cartes exposent des aspects militaires du conflit mais aussi les implications internationales sur trois échelles : européenne, régionale du monde arabe et internationale. Les conséquences du conflit, comme le mouvement migratoire des rapatriés européens et des supplétifs de l’armée française, font quant à elles l’objet de cartes illustrant leur situation de postindépendance.

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La complexité de l’été 1962 nécessitait une carte à elle seule, comme celle traduisant l’importance du Sahara pour de Gaulle, dans le contexte de la guerre froide. Les trente premières années de l’indépendance algérienne, dominées par une politique socialiste de construction nationale, sont l’occasion de noter l’ouverture tiers-mondiste et solidaire des mouvements nationaux, africains en particulier. Les années 1990 constituent une situation historique, taboue et relativement peu documentée pour un conflit aussi contemporain. Pourtant, une cartographie est réalisable afin de pouvoir, a minima, localiser les régions les plus affectées par les pires violences de masse commises contre des civils depuis la fin de la guerre froide. Enfin, la fin du règne de la famille Bouteflika permet d’envisager la cartographie des ressources stratégiques de l’Algérie, longtemps violentée, « empêchée », mais toujours déterminée à s’exprimer. Cet atlas ne prétend pas épuiser les sujets qui ont pu faire l’objet d’une représentation exhaustive cartographiée. Les textes sont destinés à éclairer la lecture des cartes. La documentation bibliographique – pour laquelle la recherche ne cesse d’avancer – permet de compléter et de corriger les inévitables lacunes sur certaines questions historiques. Atlas de l’Algérie signifie également « atlas des Algériens », dans toute la diversité de ses populations. Cela renvoie à la situation géographique des minorités juives et chrétiennes en Algérie, dont la présence millénaire juive. Les sites de la chrétienté en terre africaine, de l’Antiquité romaine aux missions dans l’Algérie coloniale, dans les montagnes du Djurdjura en particulier, donnent à voir une puissante acculturation méditerranéenne. L’exploitation de travaux historiques et d’archives pour la conception de cet atlas implique néanmoins une bonne connaissance topographique de l’Algérie. La consultation minutieuse de nombreuses cartes, recoupées avec

L’Algérie du nord, sans forêts.

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Présentation 17

les données toponymiques, a permis de mieux situer des tribus et des villages dont l’histoire est souvent méconnue. Reconstituer une toponymie algérienne qui a subi de très nombreux mouvements au cours de l’histoire a été nécessaire pour apporter le plus de précisions géographiques sur les cartes. Cependant, l’un des défis majeurs de cet atlas aura été de proposer des fonds en relief, sur lesquels le récit historique prend une tout autre compréhension. La réalité du paysage de l’Algérie, et notamment de ses nombreuses montagnes, devait effectivement être dessinée sur ces cartes, où la complexité de la géographie se présente comme le support physique de l’histoire. Obstacles naturels, massifs refuges, forêts et oasis sont autant d’éléments qui se devaient de figurer sur les cartes, lorsqu’ils ne gênaient pas leur compréhension. Ainsi, plusieurs cartes topographiques (citées en référence) ont été nécessaires au dessin des cartes régionales, tandis que le fonds général du territoire algérien et nord-africain a entièrement été dessiné. Même si les techniques du dessin assisté par ordinateur s’améliorent d’année en année, la main du cartographe ne peut faire l’économie du dessin. Pour les villes, ces outils permettent cependant un usage plus adapté, avec la possibilité de comparer les centres historiques à partir de cartes anciennes. La terre d’Algérie se présente comme un territoire ouvert sur deux grandes portes. Au sud, le Sahara, qui a été le témoin de la circulation du monde berbère avec l’Orient égyptien, chrétien, juif puis musulman, héritages profondément ancrés. Au nord, la mer Méditerranée fut quant à elle la porte des Carthaginois, Romains et Européens, Français en particulier. Ces derniers ont laissé une empreinte encore fraîche sur l’Algérie d’aujourd’hui, de la langue française à l’urbanisme. Cet Atlas historique témoigne de ce double héritage qui a façonné le caractère original de ce pays.

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LA GENÈSE D’UN TERRITOIRE, ENTRE SAHARA ET MÉDITERRANÉE

L’ALGÉRIE

L

PRÉHISTORIQUE

e territoire algérien se présente comme un véritable musée d’histoire à ciel ouvert. Les principales ères préhistoriques se trouvent visibles en Algérie, avec des sites s’étalant du paléolithique au néolithique. L’immensité des régions sahariennes a révélé des trésors artistiques datant du Ve millénaire, notamment dans le tassili des Ajjer, région montagneuse classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1982. Le nord de l’Algérie est quant à lui plus ancien, avec ses sites dispersés de la mer Méditerranée à l’Atlas saharien, où nombre d’outils et foyers de vie ont attesté d’une présence humaine il y a plus de 2 millions d’années. Les sites algériens du paléolithique se trouvent essentiellement dans des régions fouillées par les premiers chercheurs français. C’est bien dans l’Algérie utile (hautes plaines céréalières, sites miniers…) que les premières découvertes se sont déroulées, soit de manière fortuite soit par le travail d’exploration des sociétés savantes européennes. Après la période pionnière de l’exploration scientifique de l’Algérie dans les premières années de la conquête française, plusieurs sociétés de géographie ou archéologiques (Société archéologique de la province de Constantine fondée en 1852, Revue africaine en 1856…) ont été Pierre taillée créées. Bien qu’essentiellement tournés vers les périodes de l’Antiquité de type atérien. romaine, les travaux, descriptions et autres relevés des années 18501900 préparèrent cependant les premières études préhistoriques alors à leurs débuts en Europe. À partir du début du XXe siècle, notamment avec la pénétration saharienne, les travaux préhistoriques se développent sous l’impulsion de géographes comme Hanotaux qui, dès 1889, présente l’Afrique comme la plus ancienne et la plus récente conquête de l’humanité (congrès de géographie d’Oran). Le Sahara dépasse alors les départements du nord en matière de découvertes préhistoriques, car l’état de conservation et le nombre de sites font apparaître ces régions du tassili des Ajjer comme un monde fascinant, avec sa civilisation racontée sur les gravures rupestres. Il en est tout autrement des chercheurs du Tell qui, avec Camille Arambourg dans les années 1948, procèdent à un travail de fouilles de longue haleine. Cet héritage scientifique a depuis été exploité par les chercheurs actuels, comme les sites de la région de Sétif,

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berceau des premiers Algériens, où le spécialiste Mohamed Sahnouni entreprend depuis plusieurs années un travail approfondi. Le grand public dispose de matériaux très parlants pour illustrer cette période lointaine de l’histoire algérienne. Des ossements d’animaux que l’on retrouve aujourd’hui dans les réserves du Kenya aux fines flèches retrouvées sur les sites du néolithique, les musées d’Algérie ont conservé, depuis les travaux de la France coloniale à aujourd’hui, des témoignages de ce passé, dont la plus grande partie nous échappe encore. Il faut se rendre dans ces musées archéologiques d’Oran à Tébessa, en passant par le Bardo à Tunis, pour réaliser la lente progression matérielle des premiers habitants de l’Algérie. Quant aux gravures du Tassili, elles sont le lien avec cette protohistoire qui prend justement naissance au Sahara. Un désert qui n’était pas aussi sec qu’aujourd’hui, avec ses images dessinées de troupeaux de chevaux et de bovins, élevés par une population que les chercheurs qualifient de proto-berbère, notamment du fait de leurs similitudes artistiques avec leurs familles de l’Atlas. Ces populations évoluent dans un Sahara communiquant culturellement avec sa partie orientale, comme en témoignent les sites de Libye et d’Égypte. Ce monde des Libyens des auteurs grecs ou phéniciens s’étend alors bien au-delà du Maghreb actuel. Un monde complexe, avec en commun une langue, le berbère. C’est dans la région méditerranéenne de ce monde berbère que leurs lointains cousins orientaux prennent pied vers le VIIIe siècle, faisant ainsi entrer dans l’histoire antique le littoral de l’Algérie actuelle. Peintures rupestres découvertes dans le Tassili n’Ajjer.

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LES PHÉNICIENS

ET LES RIVAGES DE LA MÉDITERRANÉE BERBÈRE

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e monde berbère s’étendait très loin au-delà des pays de l’Atlas, jusqu’aux confins de l’Égypte pharaonique. Un monde au contact de l’Orient par la terre et par des proximités linguistiques, monde qui n’a laissé que peu de témoignages. Les rivages méditerranéens de cette partie de l’Afrique du Nord furent très tôt convoités par les puissances maritimes de la haute Antiquité, Grecs et Phéniciens. Ces derniers, peuple sémite de la région cananéenne (Palestine), essaiment à partir du VIIIe siècle avant J.C. dans la plus grande partie du sud de la Méditerranée. Des villes mères comme Tyr, Sidon ou Byblos envoient leurs marins pratiquer leurs talents commerciaux le long des côtes, notamment à la recherche de métaux précieux, en échange de produits de luxe, dont les objets colorés à la fameuse

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pourpre. Utique puis Carthage (Qart hadash – cité nouvelle) sont fondés, simples comptoirs commerciaux et diffuseurs de la culture punique, dont l’alphabet phénicien. Tout le long de la côte nord-africaine sont ensuite construits des ports, pratiquement tous les 40 km (correspondant à une étape de navigation), constituant autant de cités sur des sites choisis comme des abris naturels, des rus (têtes ou caps) naissent sur la côte de l’Algérie actuelle tel que Rusgania. En dehors du commerce, on connaît assez mal les rapports qu’entretenaient les Phéniciens avec les royaumes numides et maures. Au VIIe siècle avant J.-C., la Méditerranée occidentale se trouve largement dominée par la puissance maritime carthaginoise. La thalassocratie grecque a également essaimé en Méditerranée occidentale, mais n’a rien fondé sur l’actuelle côte algérienne, exclusivement punique. La pénétration phénicienne à l’intérieur des royaumes berbères locaux, numides ou maures, est mal connue. Dans l’arrière-pays de Carthage sont entretenues des alliances, avec paiement de tribut. C’est davantage le développement des échanges économiques et culturels qui marquent la période. La région comprise entre l’actuelle frontière tunisienne et Constantine a ainsi livré des centaines d’inscriptions libyques (écriture punico-berbère) attestant d’une influence punique très marquée, tant en matière religieuse (culte de la déesse Tanit) que dans la sphère domestique (lampes à huile, céramique…). Ayant étendu son domaine à l’ouest, jusqu’à la région de Tébessa, Carthage entretient des relations stratégiques a minima avec les royaumes numides voisins, dont le soutien pouvait leur être utile. À l’ouest de l’Algérie actuelle et au-delà de la Moulouya s’étend le domaine des massæsyle. Leur roi siège à Siga, au nord de l’actuelle Tlemcen. À l’est se déploie le royaume Massyles, autour de Cirta (Constantine). Ces deux royaumes sont décrits par les auteurs antiques comme habités par les peuples numides ou maures, « Berbères » étant le terme générique employé pour les non-Romains, ou non-latinisants, extension de barbaros (ceux qui ne parlent pas le latin, et par extension tous les peuples hors de la civilisation romaine). À l’intérieur du royaume Massyles, les souverains berbères apportent leur soutien au voisin punique, dans le contexte d’un conflit entre Carthage et la République romaine, dont l’enjeu est le contrôle de la Méditerranée occidentale. Depuis le IIIe siècle, Carthage n’est effectivement plus vraiment seule en Méditerranée. Son expansionnisme se heurte aux ambitions romaines. Après une première guerre entre les deux puissances maritimes entre -264 et -241, le roi massæsyle Syphax se trouve impliqué dans ce conflit qui s’étend alors sur le territoire africain : c’est l’enjeu de la deuxième guerre punique (219201).

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Les Phéniciens et les rivages de la Méditerranée berbère 23

Proue d’un navire phénicien.

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UNE CIVILISATION ROMANO-AFRICAINE

DE

LA SECONDE GUERRE PUNIQUE (−219 −201) À LA DESTRUCTION DE CARTHAGE (−146)

P

endant la deuxième guerre punique, la République romaine a porté la guerre sur la terre africaine. Battue à Zama en 202, l’armée punique d’Hannibal se replie sur Carthage, tandis que son allié Syphax se retrouve affaibli, laissant son royaume conquis par Massinissa. Ce dernier apportant son appui militaire aux Romains avant Zama, cela lui permit d’étendre sa domination sur la Numidie agrandie vers l’est, et largement ouverte sur la Méditerranée et son commerce. La Numidie attire nombre de marchands dont des Italiens établis notamment à Cirta, et dans la région de Rusicada (Skikda). Syphax, l’autre souverain numide, hésitant dans sa politique proromaine, finit par rallier le camp punique. Son choix l’a condamné à subir la nouvelle donne politique à l’est. Les successeurs de Syphax sont cependant sollicités par Rome comme contre-pouvoir régional à l’ouest d’une Numidie ambitieuse. Massinissa poursuit quant à lui sa minutieuse conquête du domaine carthaginois et précipite la chute de la cité punique. Ayant poussé l’armée carthaginoise à contre-attaquer, Massinissa donne la possibilité à Rome d’achever la destruction de Carthage. Les partisans romains de Caton en finirent en -146. Plus que la fin du monde carthaginois, c’est là le commencement de la conquête romaine en terre africaine. Ils fondent ainsi la nouvelle province d’Africa (confiée au sénat et commandée par un proconsul).

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LA

GUERRE DE

A

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JUGURTHA

la mort de Massinissa, le royaume de Numidie est agité par une crise de succession. Ses fils se disputent le titre d’aguellid, Rome propose alors d’arbitrer cette succession, tandis qu’à l’ouest le royaume maure de Bocchus envisage de reprendre pied au-delà de la rivière Ampsaga (actuels oueds Deheb-Dehemcha-el Kebir). Parmi les prétendants à la succession de Massinissa, son petit-fils Jugurtha s’impose en écartant les autres en -116. Cirta, siège du pouvoir numide, se voit assiégée par l’armée de Jugurtha en -112. Mais la prise de la cité prend un autre tournant, avec le massacre des commerçants d’Italie. Rome entreprend d’intervenir en Numidie. Un premier général, Metellus, est envoyé dans la région pour affronter l’armée de Jugurtha en -109. C’est le moment que choisit le roi Bocchus pour s’entendre avec les Romains, en attaquant Jugurtha par l’ouest. Les campagnes des armées romaines se trouvent ainsi appuyées par l’armée maure de Bocchus à l’ouest, l’armée républicaine romaine attaquant à partir d’Utique. Cerné Captifs berbères, mosaïque de la basilique judiciaire de de toutes parts, Jugurtha finit Tipasa. par se rendre aux Romains. L’honneur de la victoire sur Jugurtha permet alors un levier de pouvoir entre les ambitieux généraux romains Marius, Sylla et Metellus. L’Afrique devint une terre d’enjeux, autant économiques que politiques, pour le pouvoir romain. Affaibli, le royaume de Numidie est confié à Juba Ier, déclaré « ami et allié de Rome ».

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Atlas historique de l’Algérie

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CÉSAR

EN AFRIQUE, LA CRÉATION DE L’AFRICA

L

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NOVA

’Africa et la Numidia, régions devenues le nouveau grenier à blé de Rome (après l’Égypte), prennent alors une importance telle qu’elles ne pouvaient rester dans l’instabilité. De grands généraux romains s’y rendent, combattent Jugurtha et mesurent sa richesse. Ils peuvent en outre compter sur des tribus locales. C’est ainsi que l’Africa devint le théâtre de luttes opposant plusieurs généraux romains de la République. Parmi eux, un certain Pompée, autrefois en campagne contre Jugurtha, défie le sénat romain (institution qui détient l’essentiel du pouvoir dans la République). Entrant en dissidence à partir d’Utique, Pompée se prépare à affronter César, l’autre grand général chargé de l’affaiblir. Bénéficiant du soutien du roi numide Juba Ier, dont l’armée avance jusqu’au littoral tunisien, Pompée est finalement battu à la grande bataille de Thapsus en -46. Mais la campagne de César en Africa prend une tout autre ampleur, avec l’intervention d’acteurs régionaux à l’ouest (Bocchus II), et du mercenaire romain Sittius au nord de Cirta. Ce dernier fait débarquer son armée dans la région de Rusicada (Skikda) et parvient à occuper la capitale numide. La nouvelle situation créée par la fin de Juba profite à Bocchus II, qui bénéficie du démantèlement de la Numidie souveraine, malgré les veines tentatives de Massinissa de reprendre pied en débarquant dans la région. César créer ainsi une nouvelle province romaine dans la plus grande partie de la Numidie, l’Africa Nova, tandis que la région au nord de Cirta forme une nouvelle confédération de cités romanisées, vouées à un rapide essor. Le sud de la Numidie demeure cependant sous la domination des Gétules, peuple fournissant aussi bien des troupes auxiliaires aux Romains que semant l’insécurité. C’est bien dans la région la plus anciennement urbanisée, entre la côte méditerranéenne au nord et l’axe Cirta-Calama-Hippone, que la romanisation expérimente ses premiers développements. La Maurétanie de Bocchus, devenue vassale de Rome, s’étend donc de l’Atlantique à l’oued-el Kebir. Le souverain maure permet – signe des bonnes relations avec la Rome césarienne – l’installation de colonies romaines sur son territoire, notamment dans la vallée de la Soummam. Cette grande Maurétanie connaître son âge d’or avec le jeune Juba II. Élevé à la cour de Rome,

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30 Atlas historique de l’Algérie

on lui a enseigné la culture romaine et orientale (monde hellénistique). La nouvelle capitale, qui porte le nom du parrain de ce royaume, Iol-Caesarea, se présente comme la vitrine d’un monde africain riche d’influences culturelles. De par ses relations familiales avec l’Égypte hellénistique (dynastie des Lagides, avec Cléopâtre…) et le développement des échanges maritimes, le règne de Juba II entretient des liens privilégiés avec l’Orient méditerranéen. Les grands mausolées maurétaniens, dont celui situé à proximité de Tipasa (dénommé Ksour el Roumia ou tombeau de la chrétienne) atteste de ces influences qui ont marqué la période (-27 à 40).

Mosaïque de sol représentant le triomphe de Neptune et son épouse Amphitrite, trouvée à Cirta en 1880.

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L’ALGÉRIE

AU TEMPS DES PREMIERS EMPEREURS ROMAINS

T

andis que les relations de vassalité avec Rome se confirment avec l’avènement du premier empereur romain Octave, en 27 avant J.-C., la province d’Africa Nova-Numidie poursuit son orientation économique tournée vers le blé, la vigne et l’olivier. La colonisation romaine est à ce moment-là très active, avec des colons italiens ou indigènes, issus généralement de l’armée romaine, qui recrute à tour de bras. Riche terre à céréales, la Numidie fait cependant l’objet d’une forte pression fiscale, sur fond de développement de la grande propriété (les latifundia). Ces conséquences sociales aboutissent à des révoltes, dont la plus importante est menée par Tacfarinas, un officier berbère, et se transforme en une guerre antiromaine d’ampleur régionale. Cristallisant les tensions latentes des populations numides, notamment des Gétules, soumises à de nouvelles contraintes foncières, l’insurrection de Tacfarinas mobilise les forces militaires de la principale légion romaine. Stationnée jusqu’alors à Ammaedara, non loin de Tébessa, la IIIe légion Augusta se redéploie à l’ouest, au nord du massif des Aurès. La participation du roi maure Juba II contre Tacfarinas empêchera ce dernier d’étendre sa révolte à l’ouest, où il est défait une première fois non loin d’Auzia (Sour el Ghozlane). C’est vers le cœur de la Numidie, dans la région des Musulames, dont il est issu, que Tacfarinas finit par être tué au combat. La fin des campagnes romaines contre Tacfarinas correspond au crépuscule du règne de Juba II (en -24). Avec Ptolémée, la Maurétanie vit ses dernières années de relative indépendance. Les empereurs de la dynastie des Julio-Claudiens mettent fin au statut préférentiel de la Maurétanie, tandis que l’empire ne cesse de s’étendre militairement. C’est l’empereur Caligula qui liquide la dynastie maurétanienne, que son tempérament instable perçoit comme trop prestigieuse. Mais il s’agit-là d’un processus d’annexion inéluctable. La conquête du reste de l’Afrique paraît avoir été envisagée de manière inéluctable à Rome. Avec l’empereur Claude, la Maurétanie est divisée en deux nouvelles provinces. De l’Atlantique à l’ouest de la Moulouya est ainsi formée la Maurétanie

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Mons.

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Atlas historique de l’Algérie

Tingitane, tandis que la Maurétanie Césarienne succède au royaume de Ptolémée, avec la même capitale de province Caesarea. Du fait de leur position stratégique, les provinces d’Africa Nova et d’Africa Vetus sont réunies dès l’avènement d’Octave Auguste en une grande province d’Afrique proconsulaire, directement commandée par un envoyé du sénat. Quant à la Numidie de Cirta, elle est en partie militarisée par le déploiement de la légion Augusta au sud, commandée par un légat, sorte de « superpréfet » aux pouvoirs étendus. La multiplication des positions militaires en Numidie précède de fait l’extension de la colonisation romaine. À partir du IIe siècle, on assiste à la création de nouveaux camps militaires installés le long des axes stratégiques au nord du massif des Aurès. La IIIe légion Augusta se trouve située dans un camp fixe à Lambeasis (Lambèse), contrôlant les hautes plaines au nord des montagnes. De nouvelles cités-casernes sont fondées dans toute la région, dessinant comme une ceinture militaire le long de laquelle sont positionnés Thamugadi (Timgad) et Mascula (Khenchela). La Pax Romana se matérialise par l’élaboration d’un limes défensif, érigé à la limite sud du pays utile, comme dans la région du chott el Hodna, mais aussi au sud des Aurès, avec la multiplication des petits postes fortifiés. Achevé par l’empereur Trajan, ce système de défense passive est composé de fossés, murets et autres tours de guet, afin de dissuader les déplacements ou tentatives d’incursion de groupes nomades ou tribus autonomes du nord du Sahara. Ces populations mouvantes restent une préoccupation pour l’armée impériale, qui fait appel à leurs cavaliers comme troupes auxiliaires. La Pax Romana est vraisemblablement bien assurée sous le règne des empereurs flaviens qui multiplient les fondations de cités, toujours en direction de l’ouest. Après le sud de la Numidie et ses imposantes cités militaires comme Timgad fondée en 100 par Trajan, c’est la proche Maurétanie qui requiert l’attention des empereurs. Ils souhaitent non seulement y développer la colonisation agricole du pays mais également installer leurs fidèles soldats démobilisés. Ainsi sont fondées les cités de Sitifis (Sétif), Cuicul (Djemila) par l’empereur Nerva, tout comme que Diana Veteranorum (Zana), dont le nom évoque la vocation initiale. Au IIe siècle, c’est l’expansion vers les terres de l’ouest et la création de nombreux postes militaires le long des nouvelles voies romaines. La plaine du Chélif puis l’Oranie sont colonisées, tout en se protégeant par de nombreux camps militaires. Les camps et nouvelles villes romaines sont en général établis sur des sites maures ou numides préexistants. C’est ainsi que sont souvent conservés les anciens toponymes (Sitifi, Cuicul, Thamugadi, etc.). Du processus d’urbanisation de l’Algérie romaine naissent 500 cités, de 5 000 à 10 000 habitants, administrées par des magistrats élus et par des assemblées (municipes). La romanisation correspond à la naturalisation des populations urbaines maures ou numides, notamment à partir de 212 (édit de Caracalla), tous les habitants de l’empire devenant citoyens. Une brillante

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L’Algérie au temps des premiers empereurs romains 35

Vue aérienne de Timgad.

civilisation romano-africaine voit le jour, atteignant son apogée au IIIe siècle. Pourtant, les menaces aux marges de ce monde confortable vont se préciser. À partir du IIIe siècle, c’est tout l’Empire romain qui se trouve menacé à ses frontières, d’abord par les Germains au nord de l’Europe, mais aussi par les Parthes, dans la région de l’Euphrate. En Afrique romaine, ce sont de grandes confédérations maures qui déstabilisent les régions de l’Atlas tellien, avec l’émergence de grands groupes, comme les Bavares ou Baquates. Une première insurrection a déjà secoué le centre et l’est des provinces « algériennes » en 118-122. L’empereur Hadrien déploie toutes les forces disponibles pour en venir à bout. Il hérite des plus grandes conquêtes de ses prédécesseurs, legs difficile à protéger de la pression « barbare ». D’Hadrien (117) à Septime Sévère (198), l’armée romaine et ses alliés locaux font construire Pièce romaine retrouvée dans de nouveaux postes, notamment autour de Tlemcen, l’oued el Abiod, Aurès. au nord de la région de l’Ouarsenis, mais aussi au bord de l’Atlas saharien, avec Castellum Dimmidi, non loin de Laghouat.

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CHRISTIANISATION ET GRANDES

RÉVOLTES BERBÈRES AU IIIE SIÈCLE

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es empereurs Valérien (en 253) et Gallien (en 289) sont confrontés à une insurrection beaucoup plus difficile à contenir, du fait de l’ouverture quasi simultanée de plusieurs fronts aux frontières incertaines de l’empire. Les développements de la nouvelle religion chrétienne préoccupent les empereurs, dont le culte officiel se trouve marginalisé par une partie de la population, dans le contexte d’une période troublée par les menaces d’invasions barbares. Pour eux, l’ordre confessionnel ne saurait être mis à mal par cette minorité chrétienne grandissante. La diversité religieuse est connue et admise dans cet empire méditerranéen où se diffusent nombre de cultes orientaux comme le judaïsme. La religion hébraïque est présente sur les côtes africaines dès l’époque phénicienne. Avec la Pax Romana, les

Tombeau de Scipion, Sétif.

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38 Atlas historique de l’Algérie

migrations de populations issues du peuple hébreu sont constantes, au travers des grands itinéraires commerciaux, notamment sahariens. La guerre dans la province romaine de Judée et la destruction du second temple de Jérusalem en 70 modifie durablement la nature de ces flux. Des populations juives (habitants de Judée) prennent la route de l’Ouest africain, depuis l’Égypte. Les routes sahariennes accueillent une nouvelle diaspora juive dans les oasis de Libye puis du Touat, principalement après 135 et la répression romaine des révoltes juives en Cyrénaïque (est de la Libye actuelle). Après les premières campagnes de Paul de Tarse, la religion chrétienne se répend hors de son berceau juif de Palestine. Son extension géographique prend ensuite les routes des commerçants et militaires de l’empire en Méditerranée. Judéo-chrétiens (la première communauté après Jésus) puis néochrétiens (sortis du judaïsme) diffusent la bonne nouvelle. À la fin du IIe siècle, la minorité chrétienne est présente dans toute la partie urbanisée de l’Algérie romaine et n’apparaît plus seulement comme l’expression de cet Orient et de ses cultes mystérieux. En 256, le concile de CarMosaïque de la Vénus marine, Sétif. thage révèle l’importance de l’Église africaine, avec Cyprien comme principal représentant et défenseur. C’est en effet à cette époque que se profilent de graves menaces. Les Pères apostoliques et leurs communautés sont stigmatisés, perçus comme instigateurs d’une cinquième colonne qui mettrait en péril l’ordre impérial romain. Au IIIe siècle, les minorités chrétiennes pratiquent dans la discrétion un culte devenu suspect aux yeux des autorités romaines. Avec l’empereur Valérien, une grande persécution, très violente, s’abat alors sur les chrétiens romano-africains.

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Christianisation et grandes révoltes berbères au IIIe siècle 39

Stèle funéraire d’un soldat auxiliaire romain en Maurétanie césarienne, IIe siècle.

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LA

RÉORGANISATION DES PROVINCES AFRICAINES SOUS DIOCLÉTIEN

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ace au problème que posent les menaces barbares autour de l’empire, les provinces sont réorganisées avec Dioclétien tandis qu’en 293 le commandement est partagé avec deux empereurs, l’un en Orient à Constantinople, l’autre à Ravenne, au bord de l’Adriatique. Une nouvelle province est créée dans ce nouveau cadre, la Maurétanie Sétifienne, dans une région très romanisée, avec de nombreux domaines agricoles impériaux. Les Bavares dans le Nord montagneux représentent une réelle menace. Repoussés vers 280, ils tentent plusieurs raids sur les riches hautes plaines sétifiennes. La chaîne montagneuse des Babors porte encore un nom dérivé de cette population. Des cités comme Sitifis resteront encore longtemps à l’abri de ces attaques et continuent de se développer jusqu’au IVe siècle. Les précieux vestiges retrouvés sur place témoignent du niveau élevé de civilisation atteint alors dans l’Algérie romaine à cette époque. Cependant, la réorganisation des provinces africaines correspond également à des nécessités militaires, face à des tribus difficiles à soumettre, dans les régions montagneuses du centre, où éclate une nouvelle révolte en 289, des monts du Djurdjura à l’Atlas blidéen. C’est l’empereur Gallien qui mène campagne à partir des places fortes de Rapidum. La Numidie, divisée depuis 284 en deux provinces (au nord, la Numidia Cirtea et au sud la région sera placée sous le commandement militaire jusqu’en 313), est quant à elle pacifiée mais se trouve confrontée à de nouveaux troubles d’ordre religieux. Dioclétien poursuit l’action répressive de son prédécesseur Valérien, en lançant une nouvelle campagne contre les chrétiens, entre 303 et 305. Cette dernière vague de persécutions sera une des pires jamais vécues en Afrique. Elle provoqua de profondes dissensions au sein des chrétiens africains.

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QUESTION DONATISTE ET LA GUERRE DES NUBEL

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a terreur employée contre les chrétiens consiste à les obliger à abjurer leur foi en procédant au culte romain. Ils sont contraints, sous peine d’une mort souvent atroce, à sacrifier aux dieux ou au culte impérial, dont la pratique très politique donne des gages de patriotisme. De nombreux chrétiens résistent et finissent martyrs, imitant la passion de Jésus, modèle central de la pensée des premiers chrétiens persécutés. Les Pères de l’Église ont en cela donné l’exemple, tel Cyprien en 258. Les populations urbaines de Numidie et d’Afrique proconsulaire très christianisées payent un lourd tribut aux vagues de persécutions, jusqu’à la paix de l’Église concédée par l’empereur Constantin en 312. L’Église africaine, dont le siège se trouve à Carthage, peut enfin s’exprimer au grand jour. Un grand mouvement de construction de nouvelles basiliques débute dans toute l’Afrique romaine. Alors que des provinces ecclésiastiques sont organisées, une partie de la population chrétienne fait sécession avec cette nouvelle Église officielle. Regroupés essentiellement en Numidie, ces chrétiens, qui ont résisté aux persécutions, ne peuvent accepter des clercs aient abjuré leur foi. Ils considèrent cette normalisation comme inacceptable, au regard des centaines de martyrs qui ont résisté. Pour l’évêque Donat de Casae Nigrae (El Mahder, région de Aïn M’Lila) il y a désormais deux catégories de chrétiens : les martyrs (les purs) et les autres. Les donatistes se renforcent sur fond de révoltes locales avec l’apparition d’une « branche armée » : les circoncellions (ceux qui tournent autour des celliers). Ces derniers s’appuient sur les cités de la région de Baghaï, Mascula. L’armée impériale doit intervenir entre 345 et 347, sous les ordres de Constant. La Numidie reste effectivement cette riche province dont les Mosaïque chrétienne, Tipasa. ressources ne sauraient échapper à Rome.

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Atlas historique de l’Algérie

Cette dépendance économique de Rome vis-à-vis des provinces africaines est exploitée par certains chefs maures tels Firmus et Gildon, dont la puissante famille administre une partie de la Maurétanie intérieure. Étant intervenues maladroitement dans les affaires de succession de la famille des Nubel, les autorités romaines se trouvent face à une dissidence armée de l’un des frères, Firmus. Tout le centre de l’Algérie romaine est pris dans cette nouvelle révolte en 370-375, qui menace cette fois gravement de grandes cités romaines comme Caesarea, Saldae ou encore Sitifis. Les campagnes militaires romaines sont à la mesure du péril. L’empereur Théodose lui-même mène les opérations, appuyé par l’autre frère Gildon, allié pour un temps. La situation se trouve aggravée par les troubles du mouvement donatiste. Une paix finit par se maintenir jusqu’en 396, lorsque Gildon décèle la faiblesse des Romains et leur dépendance aux céréales africaines. Soutenu par les donatistes, dont l’Église est définitivement condamnée par les lois de Théodose en 379 et 395, Gildon procède à la rupture des approvisionnements céréaliers de Rome, en occupant les ports. Rome, qui nourrissait gratuitement sa population (service de l’annone) envoie le chef de guerre Stilicon pour réduire Gildon.

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Ruines de Thamugadi.

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SAINT AUGUSTIN, DE THAGASTE

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UN ENFANT

e Berbère naît à Thagaste (Souk Ahras) en 354, d’une mère chrétienne (Monica) et sa première instruction lui fut dispensée vers 365-366 à Madaure (M’Daourouch). Il se trouve à Carthage dès 370 dans les milieux de l’enseignement supérieur où il apprend la culture latine, dont la rhétorique et la philosophie). Il enseigne entre 374 et 383 à Thagaste et Carthage. C’est en se rendant à Rome en 383 qu’il développe sa notoriété par l’enseignement, collaborant avec l’évêque Ambroise à Milan, l’autre capitale impériale. À ce tournant de sa vie, il décide de s’engager dans la nouvelle religion chrétienne, et se convertit en 386. Ayant perdu sa mère qui n’a cessé de l’accompagner dans sa carrière, il regagne sa Numidie natale en 388 et se consacre à une vie monastique jusqu’en 391. Mais assez rapidement il est convoité par le milieu ecclésiastique d’Hippo Regius (Hippone, actuelle Annaba). Ordonné prêtre en 391, Augustin entame sa nouvelle carrière qui le voit s’installer en Numidie et dans les Maurétanie Sétifienne et Césarienne. C’est en 396 qu’il est choisi pour succéder à l’évêque d’Hippone. Alors qu’il rédige Les Confessions et La Cité de Dieu, il participe à de nombreux conciles, sur fond de confrontations avec les donatistes. C’est pendant le concile de Carthage en 411 qu’il apparaît comme l’un des maîtres d’œuvre de la pensée catholique, désormais ligne officielle exclusive définie par l’empereur Honorius (408). Affaibli, le mouvement donatiste reste quant à lui encore assez influent en Numidie. Le véritable danger pour l’Afrique arrive de l’ouest, avec l’invasion des Vandales. Augustin demeure évêque d’Hippone jusqu’au siège de la cité par les envahisseurs venus du nord de l’Europe. Saint Augustin succombe en 430 dans la cité assiégée.

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LES

VANDALES, DE LA À LA NUMIDIE

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BALTIQUE

ien avant le IVe siècle, de nombreux raids de populations de langue germanique ont frappé l’Empire romain. C’est sous les empereurs flaviens que sont construites les principales fortifications pour les contenir. Toute la région du Rhin, premier obstacle naturel, se trouve fortifiée contre la menace des Germains, les barbares du nord. Mais les mouvements migratoires qui affectent la période dite des « invasions barbares » sont d’une ampleur telle que toutes les frontières de l’empire furent submergées. Cependant, les légions romaines, bien qu’appuyées par des troupes auxiliaires germaniques, ne peuvent faire face à l’ouverture quasi simultanée de plusieurs fronts, des Balkans à la mer du Nord. C’est au bord de la mer Baltique que le peuple vandale se trouve au moment de son départ pour les terres prometteuses de l’Empire romain. Ce dernier est connu des Germains, soit qu’ils participent à sa défense comme auxiliaires, soit qu’ils y commercent des produits précieux tels que l’ambre. En outre, la diffusion du christianisme a déjà atteint ces régions de l’Europe, notamment par le travail des missionnaires ariens à partir de la région de l’actuelle Bulgarie. Ce courant de pensée naît à Alexandrie, où le prêtre Arius professe que Jésus est une créature issue de la volonté du Père et constitue donc une personne distincte, contrairement à l’orthodoxie catholique, qui le condamne (concile de Nicée en 325) au même titre que d’autres écoles de pensée, toutes nées en Orient et considérées comme des hérésies. Parmi les Vandales, deux groupes se distinguent : les Hasdings et les Silings, qui franchissent ensemble le Rhin en 406. Après leur établissement en Espagne, une guerre oppose plusieurs groupes germaniques, tandis que les armées romaines les attaquent à partir de la côte et de la Narbonnaise. Établis dans le sud, en Bétique, dans la région qui prendra leur nom à la conquête arabe, les Vandales échappent aux autres Germains en débarquant en Afrique, après avoir franchi les 14 km du détroit. Mais seul le groupe des Vandales Hasdings parvient à s’extirper de la péninsule pour envahir l’Afrique romaine, où le commandement romain avait été affaibli par des troubles politiques en 427-428.

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CONQUÊTE VANDALE

I

l n’y a quasiment aucune résistance romaine au débarquement vandale dans la région de Tanger. Les régions de Maurétanie Tingitane et Césarienne sont depuis longtemps livrées aux grands groupes maures, indépendants de fait. C’est en Numidie que les Vandales ralentissent leur marche, dans cette partie de l’Algérie romaine très urbanisée avec ses hautes plaines céréalières. Une première tentative romaine pour les arrêter échoue dans la région de Guelma (Calama), et précède le long siège d’Hippone, où disparaît l’évêque saint Augustin. Finalement, un premier traité est signé en 435 avec les autorités romaines repliées à Carthage. Les Vandales s’installent entre la région de Sétif et Hippone. Mais l’appétit de leur chef Genséric les pousse à envahir le reste de la province d’Africa en 442. L’empereur Valentinien procède à une réorganisation des provinces, de pure forme, car il n’y a plus d’autorité romaine en Afrique. La plus grande partie de l’Algérie romaine échappe aux Vandales, dominée par de nouveaux royaumes romano-africains. L’installation préférentielle des Vandales dans le nord de la Numidie et de l’Africa favorise la poussée des tribus chamelières au nord du chott el Djérid. Carthage est occupée par les Vandales en 439, qui cherchent à conquérir l’Italie, avec la flotte qu’ils ont construite depuis leur séjour andalou. En outre, leur armée est constituée de groupes maures, qui à partir de 455 frappent directement Rome. La flotte vandale a notamment rapporté, en Afrique, le trésor du temple de Jérusalem, pillé en 70 par Titus. Les seules autorités qui tiennent face aux Vandales sont bien celles de l’Église chrétienne, convoquée par Hunéric en 484, pour une confrontation théologique avec l’Église des Vandales, adeptes de l’arianisme. L’histoire de ce rendez-vous rapporté par l’évêque de Vita permet de reconstituer l’état des provinces à cette époque. À l’issue de ce concile suit une grande campagne de persécution anticatholique. De nombreux clercs sont déportés dans la région du Hodna. Les forces byzantines ont pourtant tenté quelques raids sur Carthage en 431, puis en 468, à partir des bases égyptiennes, tous repoussés. Cependant, l’autorité des Vandales ne s’étend pas au sud de la Numidie et de l’Africa. Ainsi, un chef maure du nom d’Antalas vaincu les Vandales dans la région de Capsa, sous le règne d’Hildéric (vers 527).

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RECONQUÊTE BYZANTINE

I

ssu de la partie orientale de l’Empire romain qui a pu résister aux invasions barbares au Ve siècle, l’Empire byzantin a patiemment reconstitué ses forces, à partir d’une capitale (Constantinople) bien protégée. Les échecs des campagnes pour reprendre l’Africa aux Vandales sont en partie dus à la mobilisation des armées sur le front oriental. Les Perses n’ont pas cessé d’envahir les confins de la Syrie romaine, dont l’Euphrate ne constitue plus une sérieuse frontière. L’Asie Mineure, l’Égypte et la Terre sainte demeurent les priorités des nouveaux empereurs byzantins. Une fois la paix intervenue avec les Perses en 532, l’empereur Justinien se prépare à reprendre Carthage. Les forces byzantines aux ordres de Bélisaire débarquent sur les côtes tunisiennes en 533. Défaites non loin de Carthage, les forces vandales se replient en Numidie, au relief plus avantageux. La campagne byzantine, prise en main par le général Solomon, se développe ensuite sur une partie du territoire africain, détruisant le reste de l’armée vandale tandis que les nomades chameliers sont refoulés après leurs tentatives d’intrusion en Byzacène. Alors que Solomon s’emploie à pacifier la région des Aurès en 535, il fait face à plusieurs révoltes. L’une d’entre elles est dirigée par un chef romanonumide, Iabdas, tandis qu’éclate une sédition de soldats byzantins menée par Stozas entre 536 et 539. Ayant souvent pris des épouses parmi les captives vandales, ces dernières poussent leurs hommes à conquérir les terres censées leur revenir. Solomon doit ainsi guerroyer sur plusieurs fronts, pour lesquels il entreprend de consolider l’ancien maillage urbain hérité de la domination romaine, par toute une série de reconstruction de places fortes et Forteresse byzantine.

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Atlas historique de l’Algérie

autres fortins, de Carthage à la région de M’Sila, à Nova Justiniana (Zabi) où il établit des garnisons sûres. La limite de l’extension byzantine s’étend principalement jusqu’à Sitifis (Sétif), cité autour de laquelle il crée la nouvelle province de Maurétanie Première (entre 582 et 602). Au-delà de cette région, quelques fortins formeront une frontière incertaine face aux prétentions des royaumes romano-africains. Ces derniers sont connus par le nom de leurs rois, mais aussi par les grands tombeaux situés dans la région de Frenda : les Djeddars. Le paysage de l’Algérie byzantine reprend le modèle romain avec des cités toujours nombreuses et renforcées par les nécessités militaires, tout en s’appuyant sur la permanence de l’Église catholique, qui se trouve confrontée à la politique de Byzance, fort différente en matière religieuse. Depuis le Ve siècle, des royaumes indigènes ont cependant reconstitué leur autonomie, surtout dans les Aurès et à l’ouest, et ce jusqu’au VIIe siècle. Souvent investis par l’autorité byzantine, les chefs tribaux se présentent également comme des alliés potentiels. L’emprise byzantine demeure essentiellement urbaine, avec l’indispensable entretien de ses communications en Méditerranée. Les ports de Caesarea et de moindre importance tels ceux de Rusguniae, Cap Matifou (Bordj el Bahri) et Tigzirt abritent une flotte byzantine qui reste maîtresse de la côte algérienne, même après la conquête terrestre arabo-musulmane.

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La reconquête byzantine 55

Vestiges de Diana Veteranorum.

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LA CIVILISATION ARABOMUSULMANE

LES

ARABO-MUSULMANS ET LA CONQUÊTE DE L’AFRICA

L

a menace principale à laquelle se trouve confronté l’Empire byzantin au VIIe siècle ne se situe pas en Afrique. Les incursions des Perses sassanides parviennent à envahir fréquemment la Syrie et l’Anatolie. Si le désert syrien forme une marche incertaine face aux Perses, celui d’Arabie n’a jamais constitué une menace. Pour ses habitants arabes, le bilad er Rum (pays des Romains) est aussi synonyme de commerce. Mais dans les années 630, les Arabes, qui embrassent la nouvelle religion de l’islam, entament une conquête aussi rapide qu’imprévue de la SyriePalestine et de l’Égypte byzantines. Après la prise d’Alexandrie en 642, la Cyrénaïque est occupée par l’armée arabo-musulmane. La Libye se trouve être la première terre de population berbère entrée dans le domaine arabomusulman. Ainsi, l’armée qui mène les premiers raids sur l’Africa des Rum (l’Ifriqiya en arabe) vers 647 est déjà arabo-berbère. C’est un ancien compagnon du prophète Muhammad qui dirige la première campagne d’importance en Africa byzantine. Cette expédition est exclusivement terrestre, la flotte arabe n’étant pas encore constituée à cette

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Atlas historique de l’algérie

époque. En revanche, les Byzantins maîtrisent encore la Méditerranée par laquelle ils sont ravitaillés. L’armée d’Uqba ibn Nafi est essentiellement composée de troupes arabo-syriennes avec les groupes berbères convertis en Libye. Ne s’engageant pas jusqu’à Carthage, le chef arabe s’installe au milieu de l’ancienne province de Byzacène et fonde Kairouan en 670. La prise des cités de la côte encore trop bien défendues par les Byzantins est retardée. Avançant plus à l’ouest, Uqba se heurte à la résistance des groupes numides autonomes ou alliés aux Rum. Il contourne le massif des Aurès pour une grande expédition de reconnaissance qui le mène jusqu’aux rivages de l’Atlantique. Grande Mosquée de Kairouan, 1890. Un de ses lieutenants affronte les Barbar (Berbères en arabe) dans la région de Pomaria (Tlemcen) en 674. En 682, Uqba a presque achevé son retour à Kairouan, quand il doit se battre contre une coalition de Rum et de Barbar au sud des Aurès. C’est le chef Koceila qui défait l’armée musulmane à Tahuda, au bord du massif montagneux, au nord-est de Biskra. Cette embuscade précipite alors la retraite en Cyrénaïque du reste de l’armée commandée par Zuhayr ibn Kaïs.

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LES CAMPAGNES DE HASSAN IBN NU’MAN ET MUSSA IBN NUSAYR

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partir de 692, Hassan ibn Nu’man revient à Kairouan reconquérir la région de l’Ifriqiya. Sa première campagne est très difficile. Il attaque dans les Aurès face aux Garawa et Hawara qui le repoussent à l’est. Il s’emploie à conquérir les cités côtières de Carthage et Hippone (devenue Bona). Le contexte des troubles en Orient n’est pas propice à l’accomplissement de sa tâche. Après la première fitna, liée à la succession entre Ali et les Qoreïch, survint une seconde fitna avec l’écrasement d’Ibn al Zubair par al Hadjadj, exécutant des Omeyyades de Damas. C’est donc dans les

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Atlas historique de l’algérie

années 697-698 que Hassan ibn Nu’man entreprend une grande campagne militaire afin de soumettre définitivement l’Ifriqiya. Son armée comprend alors 180 000 hommes, composée d’Arabes (surtout de Syrie) et de Berbères. Son armée s’engage à l’ouest, au contact des grandes formations tribales. Les Garawa restés hors de l’Islam et dirigés par la devineresse al Kahina sont définitivement vaincus. Les Harawa, Kotama et les groupes Zenata et Sanhadja entrent progressivement dans l’Islam.

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LE MAGHREB

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AU VIIIE SIÈCLE

n 718, moment du débarquement de Tariq ibn Ziyad en Espagne, l’islam est alors répandu dans toute l’Afrique du Nord. L’héritage du monothéisme chrétien comme juif facilite les conversions, processus complexe lié au nouveau statut proposé par la loi islamique. Restés chrétiens ou juifs, les nouveaux protégés (dhimmis) demeurent malgré tout, comme les nouveaux musulmans, des non-Arabes. En temps de guerre, les populations de convertis Berbères-Rum sont pourtant conviées à participer aux campagnes jusqu’en Europe, dont ils entreprennent la conquête. Il s’agit principalement des raids, jusqu’à Lyon et Autun (en Bourgogne), sites moins évoqués que la traditionnelle bataille de Poitiers. Mais les pressions fiscales et certains comportements des gouverneurs aboutissent à de nombreuses révoltes en Ifriqiya. La découverte de l’islam s’accompagne, chez les Berbères, de la recherche d’une pratique se voulant la plus fidèle à la tradition prophétique, sur fond d’idéal égalitariste, attitude dont les mouvements kharidjites font la promotion en Ifriqiya depuis l’arrivée des premiers prêcheurs vers le milieu du VIIIe siècle. Comme en Orient, les mouvements d’opposition au pouvoir central omeyyade se déploient auprès des populations du Maghreb (les pays du Couchant vus d’Orient). Entré dans le Dar al Islam, le Maghreb accueille un flux permanent d’Orientaux, du soldat au commerçant, et aussi ceux qui fuient le pouvoir omeyyade de Damas. Parmi eux, Idris ibn Abdallah, descendant de la famille d’Ali, réfugié au nord de l’Atlas, au Maghreb el Aqsa (Couchant extrême correspondant au Maroc actuel), et qui fonde un nouveau royaume. Idriss s’installe à Walila, avec l’appui de tribus berbères locales qui le protègent. Son influence s’étend jusqu’à la région de Tlemcen. C’est le commerce transsaharien qui fait la fortune de ces deux cités rivales. La route de l’or du Bilad es Soudan (pays des Noirs) passe par Sidjilmasa, pays des Beni Midrar adeptes du kharidjisme. L’autre route, qui traverse les oasis de Ouargla jusqu’à Tahert en passant par le Djérid, forme un autre axe économique majeur du nouvel émirat fondé par Ibn Rustem au centre du Maghreb. Abdel Rahman Ibn Rustem, d’origine persane, établit en 758 un nouvel émirat à Tahert pour accueillir les partisans du mouvement des khawaridj (kharidjites). Fidèles à un courant séparatiste, issu des rivalités entre partisans d’Ali, ils prônent rigorisme et égalitarisme. Comme dans le djebel

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62 Atlas historique de l’algérie

Nefusa, des îlots berbéro-kharidjites se forment puis menacent directement le pouvoir central en occupant Kairouan entre 758 et 761. L’Ifriqiya connaît cependant une certaine stabilité avec l’installation de gouverneurs Aghlabides à Kairouan. La nouvelle dynastie abbasside de Bagdad, qui a renversé les Omeyyades de Damas après la révolution des années 750, soutiendra activement ce gouvernorat, notamment sous le règne d’Harun al Rachid (786-809). Les Aghlabides installent des garnisons arabes dans toutes les cités d’importance jusqu’à la région de Stif (Sétif), le centre du Maghreb échappant à leur autorité. C’est en direction du djebel Nefusa et de la route du Soudan que sont lancées plusieurs campagnes militaires. Un essor économique accompagne la période du IXe siècle, avec entre autres l’expansion maritime en Méditerranée. La flotte aghlabide entreprend des conquêtes en Méditerranée occidentale, principalement vers la Sicile et les côtes de Provence, poussant jusqu’aux vallées alpines (massif des Maures, vallée de la Maurienne, etc.).

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ABU ABDALLAH : ITINÉRAIRE D’UN PRÉDICATEUR CHIITE

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a révolution abbasside exclut certains groupes qui l’ont appuyée, notamment les Alides, en oubliant les promesses d’équité. Alors qu’une partie des chiites, les Hassanides, tentent de se révolter, les Husseinides se réunirent autour de Dja ‘far al Sadiq. Son fils, l’imam Ismaïl, donne son nom à un nouveau groupe chiite : les ismaéliens. Le fils d’Ismaïl ayant été considéré comme un imam caché, débute un nouveau cycle d’occultation (satr) suivi de la manifestation (zuhur) du mahdi. Le moment de la prédication (da’wa) fut alors lancé à partir de Médine puis s’étend à la péninsule Arabique (Bahreïn, Yémen) jusqu’à la Syrie (vers 755), à Salamyeh plus particulièrement. C’est pendant la période des années 830-890, théâtre de graves troubles en Orient (révolte des Zandj, mouvement des Qarmates) que le titre d’imam est donné au mahdi (898). La prédication prend un nouveau départ à partir de Salamyeh vers tout le monde musulman. Parmi les prédicateurs se trouve un certain Abu Abdallah, originaire de Koufa. Après sa formation en Syrie, il se rend au Yémen afin d’effectuer une sorte de stage pratique à l’occasion de son pèlerinage à La Mecque en 892. Il y fait connaissance des pèlerins berbères, des Kotama. C’est à Mina, étape incontournable du hadj, que se nouent ces rencontres. Le da’i (prédicateur) Abu Abdallah décide d’accompagner ses nouveaux amis et hôtes jusqu’en Ifriqiya.

Céramique médiévale découverte dans la région de Sétif.

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64 Atlas historique de l’algérie

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PRÉDICATEUR CHIITE EN PAYS KOTAMA

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’Ifriqiya des Aghlabides se trouve sous l’autorité lointaine des Abbassides de Bagdad. La préoccupation du prédicateur Abu Abdallah est avant tout de se dérober aux autorités locales susceptibles de le démasquer, ceux-ci étant considérés comme des fomenteurs de troubles et traités durement. Il s’installe très rapidement dans la région montagneuse au nord de Sétif, loin de la garnison arabe (djund) de la cité entourée de ses remparts antiques. Le da’i considère ces montagnes à la fois comme le refuge idéal éloigné des Aghlabides, mais leur attribue aussi un caractère religieux voire mystique. Il choisit de se fixer dans le fedj al Akhyar (la vallée des gens de bien), à Tazrut, entre Ikdjan et Mila. Il réside par alternance entre Ikdjan (site fortifié à proximité du village actuel de Beni Aziz) et Tazrut, dont la localisation est mal établie. Perçue par Abu Abdallah telle une étape symbolique de sa hijra (de son exil, à l’image du scénario prophétique), son installation dans ces montagnes qui l’accueillent avec bienveillance suit une « logique historique et mystique » du projet chiite ismaélien. Les tribus Kotama (Saktan) font effectivement preuve d’une grande hospitalité envers le da’i. Cherchant à rester discret, il ne s’en trouve pas moins troublé du fait de certaines pratiques immorales ayant cours chez certains groupes Kotama. Abu Abdallah entame sa prédication au sein des tribus qui l’accueillent, par tradition certes, mais aussi en quête de savoir religieux. Ils boivent littéralement sa da’wa (prédication), sur fond de défiance face au pouvoir central aghlabide, représenté par la garnison de Sétif. Une communauté berbéro-chiite naît ainsi dans cette région, fruit de la cohésion tribale nourrie des nouveaux enseignements du da’i. Mais le gouverneur de Kairouan ne tarde pas à connaître la présence de ce troublant prédicateur. Ibrahim II a d’autres sources de préoccupation. Il vient de mater dans le sang une révolte de soldats dans la forteresse de Belezma en 895, tandis que la région du djebel Nefusa (sous influence de l’émirat kharidjite de Tahert) tente d’entrer en dissidence. Abu Abdallah profite de cette conjoncture favorable pour renforcer son autorité dans la montagne kotama qui ne lui est pas entièrement acquise.

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Atlas historique de l’algérie

Entre 893 et 900, il fait face à plusieurs tentatives des garnisons de Sétif et Mila appuyées par des groupes kotama hostiles à son fief d’Ikdjan-Tazrut. Une première coalition antichiite marchant contre Ikdjan est en déroute. La deuxième campagne décide Abu Abdallah et ses fidèles à s’installer à Tazrut, au milieu des tribus restées hostiles (Ajjam, Malusa, Lahisa, Lataya, Djimla), afin de les impliquer davantage dans cette guerre qui commence avec l’armée aghlabide. Tazrut se trouve assez proche de Mila, l’autre ville de garnison. En 900 se déroule une bataille décisive. Tazrut se trouve assiégée par une coalition kotama hostile (de la région proche de Sétif), le da’i entreprend plusieurs sorties décisives. Il en sort vainqueur. Tazrut devient le Dar al Hijra (Terre de l’exil) et la base de départ d’offensives désormais dirigées contre Sétif et Mila. Après la première prise de Mila par le da’i en 902, le gouverneur aghlabide décide de mettre fin à ce mouvement. C’est la grande campagne d’Abdallah II qui débarque à Béjaïa et s installe à Sétif une armée de 12 000 hommes. Son offensive s’ouvre par le djebel Meghris puis se dirige vers Tazrut. Abu Hawal repousse Abu Abdallah qui se replie sur Ikdjan. Bien qu’elle ait occupé les forteresses de Tazrut et Mila, l’armée d’Abu Hawal se trouve limitée dans ses mouvements par les conditions hivernales qui permettent à Abu Abdallah de se dérober et même de se maintenir. L’armée aghlabide se replie sur Sétif, les troubles de Tunis rappelant précipitamment Abu Hawal. En 903 l’armée d’Abu Abdallah entame le premier long siège (40 jours) de l’antique Sitifis avec ses remparts, ses sources et sa garnison détestée par les Kotama de la montagne. C’est après un second siège, un mois plus tard, que Sétif tombe. La muraille est en partie détruite, la garnison arabe éliminée. À Kairouan, le gouverneur Ziyadat Allah prépare la reconquête de Sétif avec une armée de 40 000 hommes qui, à partir de Constantine, marchent sur Sétif en 905. Mais ils ne dépasseront pas Kabuna, surpris par un raid de la cavalerie kotama. Désorganisée, l’armée aghlabide bat en retraite sur Baghaï.

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Le prédicateur chiite en pays Kotama 67

Site actuel d’Ikdjan, au nord-est de Sétif.

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CONQUÊTE DE L’IFRIQIYA PAR L’ARMÉE D’ABU ABDALLAH

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A

bu Abdallah s’empare de Tobna en 906, grande cité sur la route stratégique qui traverse le Maghreb. Quelques batailles jalonnent l’avancée de l’armée du da’i Abu Abdallah, qui fait route vers Kairouan. Après la bataille de Dar Malluwal, Tigis est prise en 907. Les combats se déroulent principalement au nord du massif des Aurès. Les Aghlabides tentent bien de sauver leur émirat dans les années 907-908, mais la route de Tébessa est ouverte, Baghaï s’étant livrée sans combat à l’armée chiite. Tébessa, puis Téboursouk, subissent les premiers raids en 908, tandis que Guelma et Bona (maltraitée pour avoir tué un missionnaire chiite) sont occupées. La route de Kasserine s’avère plus difficile tandis que Gafsa est prise. La chute des Aghlabides est inéluctable en 909 alors que l’armée de Kairouan est battue à Laribus. Kairouan se livre à Abu Abdallah et attend son mahdi (envoyé de Dieu à la fin des temps) qui s’était rendu au Maghreb el Aqsa, à l’issue de la victoire de son prédicateur. Car c’est vers l’ouest que s’était dirigé le mahdi, parti de Salamyeh en Syrie, devenue trop risquée pour lui (menacé par les Abbassides et les Qarmates). Depuis 902, il a entrepris sa hijra vers le Maghreb. Recherché par les autorités de Kairouan (informées des desseins millénaristes du da’i), le mahdi s’éloigne jusque chez les Beni Midrar de Sidjilmasa, mais se fait enfermer par le gouverneur local. Le temps de sa « révélation au monde » doit passer par sa libération, première action du nouveau maître de Kairouan. Abu Abdallah se rend jusqu’à Sidjilmasa avec son armée afin de libérer le mahdi. Puis c’est le retour triomphal à Kairouan, en passant par Tahert, où l’émirat kharidjite est détruit. Mais les tribus de la région ne cesseront pas de se révolter contre le nouveau pouvoir fatimide. Installé dans la nouvelle cité éponyme Mahdia, le nouveau khalifat est quasi immédiatement affaibli par une conjuration, à l’issue de laquelle Abu Abdallah est condamné et exécuté, entraînant la révolte de ses partisans Kotama. Bras armé de toutes les campagnes chiites au Maghreb, les Kotama continuent malgré tout à former un groupe majeur de l’armée fatimide, concurrencé progressivement par les troupes noires et slaves, plus particulièrement réservées à la protection du souverain.

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Atlas historique de l’algérie

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LES CAMPAGNES À L’OUEST

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FATIMIDES

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ès 917, les forces fatimides cherchent à s’imposer à l’ouest du Maghreb, vers lequel ils dirigent une grande campagne. L’émirat de Fès traite avec les Fatimides et accepte de reconnaître leur autorité. Mais une partie du Maghreb extrême échappe encore au mahdi qui mène des raids sur les côtes de Sicile et de Calabre, facilités par les précédentes expéditions aghlabides. Le second khalife fatimide El Qaïm Billah entreprend quant à lui la reprise en main du Maghreb el Aqsa en 935, après les tentatives omeyyades (d’Andalousie) d’asseoir son pouvoir dans la région. Quant à l’émirat ibadite de Tahert, il cesse d’exister et ses populations s’exilent loin, vers les oasis nordsahariennes, la région de Qastiliya, en direction du Djérid. Elles fonderont des villes nouvelles comme Sedrata (Ouargla).

Dinars d’or de la dynastie fatimide El Qaïm Billah.

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RÉVOLTE D’ABU

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YAZID

Partie en 944 d’une région particulièrement acquise à la doctrine kharidjite, la prédication d’Abu Yazid et sa condamnation de l’autorité fatimide déclenchent une insurrection, qui menace l’existence même du nouveau khalifat. À partir de la région des Aurès, Abu Yazid lance des raids sur Baghaï et Tébessa, puis sur Laribus et enfin Kairouan, qui est prise en 945. Seule subsiste Mahdia, la capitale fatimide, protégée par ses remparts et la mer, qui résiste à l’armée d’Abu Yazid. Mahdia et les dernières forces fatimides bénéficient d’un soutien logistique venant de la région à l’ouest de Sétif. Ce sont les troupes fatimides commandées par la famille Ziri qui permettent d’engager la contre-offensive en Ifriqiya. Installé dans les palais de Kairouan, le chef de la rébellion renonce très vite à son ascèse spirituelle, déroutant ainsi nombre de ses fidèles. Tandis que son armée se désagrège, Abu Yazid se retrouve rapidement encerclé par les forces fatimides qui passent à l’attaque depuis Mahdia et à l’ouest avec l’armée de Ziri. Abu Yazid est contraint de quitter le luxe de Kairouan pour la région du Zab. Traquée autour de Tobna, son armée est battue au nord-ouest de M’Sila, lors d’une grande bataille en 947. Les montagnes escarpées du Hodna fournissent un sursis à Abu Yazid qui se réfugie sur les hauteurs du Maadid. Mais il est rattrapé et vaincu dans cette région, fief du Berbère sanhadjien Bologhin ibn Ziri, où le fils établira sa résidence principale quelques années plus tard. Le fils d’Abu Yazid tente vainement de continuer la révolte dans la région des oasis de Tozeur.

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LES

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CAMPAGNES D’ÉGYPTE

A

vec l’établissement des Fatimides en Ifriqiya, l’ambition chiite ismaélienne d’installer un khalifat universel dans le monde musulman les pousse à s’engager en Orient et à libérer le Dar al Islam des « tyrannies » abbassides. En 914 et 919 sont vainement tentées deux premières expéditions vers Misr (Égypte en arabe). En 960, tout le Maghreb est pacifié, dominé par les armées fatimides, sorties renforcées de la guerre contre Abu Yazid. La flotte de Mahdia s’engage alors dans des expéditions maritimes contre la Sicile, le sud de la péninsule italienne et jusqu’en Crète. Mais c’est bien la campagne d’Égypte qui constitue l’objectif principal. Ainsi, en 969, est réunie une armée considérable autour du groupe principal « algérien », les Kotama et les forces zirides de l’Ouest. En trois mois, 100 000 hommes atteignent l’Égypte. La conquête se déroule pacifiquement, Alexandrie ayant ouvert ses portes par la négociation (les Kotama ont souffert de nombreuses pertes lors des campagnes précédentes). L’événement marquant de la conquête de 969 reste la fondation d’Al Qahira (Le Caire), à proximité de Fustat, par l’armée kotamienne commandée par le khalife fatimide Al Mu’izz. C’est dans cette nouvelle cité du Caire que sera fondée la mosquée Al Azhar et, jouxtant cet édifice, un quartier « algérien », le Haï Kotama. L’armée fatimide ne s’arrête cependant pas au bord du Nil. Le khalife entreprend d’étendre sa conquête en Palestine. Ramla est ainsi occupée la même année que l’Égypte, puis Tibériade en 970. Atteignant la Syrie, l’armée kotamienne se heurte à la vive résistance de Damas qui finit par se livrer en octobre Dinars en or, Fatimides, 970. Les Abbassides d’Iraq menacent les nouvelles vers 1010. possessions fatimides en Syrie-Palestine, ainsi que les Qarmates qui viennent assiéger l’Égypte. Le khalife Al Mu’izz (953-975), qui s’était retiré à Mahdia, doit rapidement regagner le front oriental. Il délègue son autorité en Ifriqiya à l’un de ses plus fidèles lieutenants, Bologhin ibn Ziri.

Mosquée Al Azhar du Caire, fondée par les Fatimides.

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L’AVÈNEMENT DES ZIRIDES ET DES HAMMADIDES

L

e nouveau gouverneur berbère du Maghreb Youssouf Bologhin doit faire campagne contre plusieurs foyers de rébellion. Avec son fils Mansur, ils s’emploient à réduire les révoltes au Maghreb extrême. L’autorité fatimide est rétablie à Fès en 979, comme chez les Beni Midrar de Sidjilmasa. Les forces berbères zirides poussent jusqu’à la région de Tanger, sous influence directe des Omeyyades de Cordoue. Mansur fait ensuite campagne contre les Kotama en 988-990 alors qu’il vient de recevoir l’investiture de gouverneur à Mahdia. Le fils de Mansur, Badis, devient gouverneur de l’Ifriqiya en 996, sur fond de lutte de succession avec son oncle Hammad. Ce dernier faisait partie du commandement de l’armée fatimide dans la région stratégique du Hodna qui avait été précédemment le théâtre de la guerre contre Abu Yazid. Parmi les lieux stratégiques de la région centre, une forteresse (qala’a) est établie par Hammad qui s’y retire à la suite de désaccords Site actuel de Manar Kalaa des Beni Hammad. avec la famille ziride. La rupture est consommée en 1007, Badis siégeant à Mahdia et Hammad dans sa Qal’a. À Kairouan, les milieux de l’orthodoxie sunnite (malékites) pressent la famille ziride à rompre avec le chiisme officiel. C’est Al Mu’izz qui franchit le pas vers 1050, en proclamant la séparation avec le khalifat fatimide du Caire.

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LES BÉDOUINS BENI HILLEL ET SULEYM

A

vant leur déplacement vers l’Égypte, les tribus Beni Hillel et Suleym nomadisent dans l’ouest de la péninsule Arabique. Au moment des premiers temps de l’islam, les Beni Hillel stationnent à l’est de Taïf, non loin de La Mecque. Ils font partie des nombreuses tribus qui combattirent le Prophète de l’Islam, notamment lors de l’épisode de la bataille de Honein. Alors que La Mecque est prise pacifiquement par les musulmans, certaines tribus tentent de résister vainement à la progression de l’armée musulmane, dont les Beni Hillel. Dans un second temps, la première communauté musulmane de Médine est assiégée par une grande coalition de tribus en 627. La bataille d’el Khandaq (bataille du Fossé) marque un tournant décisif dans la guerre entre les Qoraïchites de La Mecque et les musulmans. Avec la mort du Prophète de l’Islam en 632, la tribu des Beni Suleym est combattue par Khalid ibn Walid pour sa participation au « front des apostats », groupe de tribus qui ont renié leurs engagements dans l’Islam. Les Beni Suleym continuent de migrer dans les régions limitrophes, dont l’Égypte, où ils sont éloignés de la vallée du Nil par les gouverneurs. Générant de l’insécurité, ils sont invités à migrer en direction de l’Ifriqiya. C’est à la suite de tensions qui perdurent entre l’envoyé du khalife et les Zirides de Mahdia que Le Caire favorise le déplacement massif des tribus bédouines vers l’Ifriqiya. Cependant, les tribus arabes bédouines nomadisaient déjà dans le désert libyen. Cette nouvelle permission qui leur a été donnée a d’une part amplifié le phénomène de la migration bédouine, et d’autre part leur a ouvert l’espace du Tell maghrébin, jusqu’alors limité au sud, dans la région du Djérid et du Zab.

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ZIRIDES ET HAMMADIDES À L’INVASION BÉDOUINE

A

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FACE

vant même la lente arrivée des nomades Beni Hillel, une certaine confusion règne en Ifriqiya. Les Zirides de Mahdia cherchent à défendre leur domaine face aux ambitions de leur cousin Al Nasir qui contrôle plusieurs itinéraires stratégiques. La route qui longe le massif du Tell passe à proximité de la Qal’a. De même, Béjaïa est un port de premier choix sur la côte méditerranéenne. L’arrivée des tribus bédouines en Ifriqiya met un terme aux manœuvres zirides. Dès 1042, les Beni Hillel se trouvent dans le golfe de Gabès et aucune armée n’est en mesure de les arrêter. Seule Mahdia et ses remparts résiste à leur inexorable avancée. Après Kairouan, les Bédouins parviennent sur la côte de Tunis à Bona. Les hautes plaines du Constantinois leur sont ouvertes. Ils y séjourneront de manière quasi permanente. Les massifs montagneux des Aurès et du Hodna leur sont pratiquement inaccessibles. Ils n’ont cependant pas encore une connaissance suffisante du pays ni la prétention de tout envahir. Ils cherchent avant tout à s’installer. Ils ont des familles à nourrir et l’Ifriqiya semble pouvoir répondre à leurs besoins immédiats. Les habitants des cités d’Ifriqiya amorcent un mouvement de repli vers les grandes villes de l’ouest, notamment Tlemcen, Fès, tandis que la côte accueille les réfugiés tunisois ou kairouanais. Pour le chef hammadide Al Nasir, la position de la Qal’a ne peut défendre indéfiniment les intérêts de sa famille. Aussi, entreprend-il de déménager plus loin son palais, à l’abri des nomades. Ce sera Béjaïa, entourée de montagnes et respirant économiquement par la mer. Avant cela, Al Nasir, profitant de l’instabilité qui règne en Ifriqiya, tente de s’emparer, en vain, de Mahdia en 1066. L’unité du Maghreb réalisée par les souverains fatimides et leurs lieutenants zirides a complètement disparu. Mais c’est un autre mouvement militaro-religieux qui va tenter de la réaliser, à l’extrême sud du Maghreb el Aqsa.

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AL MURABITUN,

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LA CONQUÊTE

ALMORAVIDE

I

ssue d’un groupe berbère saharien (groupe sanhadjien), qui nomadise dans le territoire de la Mauritanie actuelle, cette formation militaro-religieuse prend naissance autour d’un chef de tribu revenu du pèlerinage de La Mecque. Après la création d’un ribat (sorte d’ermitage fortifié) vers 1048, ce groupe de guerriers se donne pour mission d’islamiser les peuples noirs du royaume du Ghana vers 1054. Développant une idéologie malékite stricte, ils souhaitent reproduire le modèle de la communauté islamique primitive et combattante, unie autour d’un chef charismatique, Youssouf ibn Tachfin. Ils conquièrent le Sous en 1056-1057, puis ils se dirigent vers le Tafilalt et fondent Marrakech en 1060, base de leurs conquêtes au nord du Maghreb et en Espagne. Les Al Murabitun (Almoravides) – habitants du ribat – entament en 1079 la conquête du Maghreb central. Tlemcen, Ténès, Oran puis El Djazaïr sont ainsi successivement occupées, aucun pouvoir organisé ne pouvant s’opposer à leur avancée. À l’est, les cités des Hammadides comme Miliana ne peuvent retarder la prise d’El Djazaïr. Cependant, le front principal de la conquête almoravide se trouve en Espagne (prise de Valence en 1102). Leur présence à Tlemcen et à Alger s’est manifestée de manière monumentale. Parmi les constructions que les Almoravides ont léguées figurent notamment les grandes mosquées d’Alger (Masjid el Kebir, début XIIe) et de Tlemcen (1135).

Timbre dédié à la période almohade.

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Atlas historique de l’algérie

Grande mosquée d’Alger.

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LE MAGHREB D’AL IDRISSI

C

’est sur la commande du roi Roger II de Sicile (l’arabe est alors la langue du palais des rois de Palerme avec le grec) que le géographe arabe Al Idrissi écrit son Kitab Rudjar (Le Livre de Roger) vers 1154, pendant que les Hammadides sont à Béjaïa et les Zirides à Mahdia, face aux ambitions siciliennes. Héritier de la tradition des géographes arabes, Al Idrissi a en outre exploité les travaux d’Ibn Khurradadhbeh (Bagdad, 885), Jayhani (Le Livre des Routes et des Royaumes, vers 930), Mas’udi (Livres des Merveilles), Ibn Hawqal (voyageur vers 973), Ahmad al Udhri (Kitab ’Ajaib), Kharezmi (Description du monde), Al Bakri (Livre des routes et des royaumes) et Ya’qubi (Kitab al Buldan – Le Livre des pays –, 890). Cependant, El Idrissi ne s’est pas contenté de les reprendre, il procède avec un nouvel esprit vis-à-vis des autres géographes arabes. Le légendaire se trouve réduit à peu de notations. Son travail s’est voulu plus méthodique et plus scientifique. L’ensemble de son savoir date de l’époque almoravide. El Idrissi a particulièrement suivi la progression almohade en Afrique du Nord, au moment où Abd el Mumen s’emparait de Tlemcen (1145) ainsi que de la Qal’a des Beni Hammad en 1152. Carte du monde par Al Idrissi, vers 1165.

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LES ALMOHADES

A

près son voyage en Orient entre 1106 et 1116, Ibn Tumart, qui a suivi une formation juridique et théologique, retourne au Maghreb. C’est dans les villes de Tunis, Constantine puis Béjaïa qu’il commence sa prédication rigoriste, notamment vis-à-vis des mœurs. À proximité de Béjaïa, il rencontre Abd el Mumen, originaire de Nedroma, qui devient son fervent disciple. Ibn Tumart retourne ensuite dans la région de l’Anti-Atlas et du Sous où il fonde une première communauté des « Unitaristes », les al Muwahhidun ou Almohades. Il est alors proclamé mahdi à Tinmel (Haut Atlas) en 1121. À la mort d’Ibn Tumart, c’est son disciple Abd el Mumen qui lui succède en 1132. Il entreprend la conquête progressive du Draa, du Sous, du Haut et Moyen Atlas puis du Tafilalt. Il s’empare du Rif et de la région d’Oran en 1145. Alors que son armée progresse inexorablement vers l’est du Maghreb, les Bédouins Beni Hillel tentent de le repousser dans la haute plaine de Sétif en 1152. Mais la victoire almohade est totale. Les Hammadides de Béjaïa ne peuvent s’opposer à cette armée qui marche sur les pas de leur mahdi. Le domaine des Zirides est quant à lui annihilé en 1160, avec la prise de Mahdia. Les Bédouins n’en continueront pas moins de porter atteinte à la stabilité almohade, particulièrement dans le sud de l’Ifriqiya. Avec le débarquement des Beni Ghaniya à Béjaïa en 1185, les Bédouins se mettent au service de la résistance almoravide dans la région orientale du Maghreb.

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L’ÉPOPÉE

E

DES

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BENI GHANIYA

n débarquant à Béjaïa en 1185, une branche de la dynastie des Almoravides, les Beni Ghaniya, tente de reprendre pied au Maghreb. Alger et Miliana sont reprises par les Beni Ghaniya tout comme les anciennes cités hammadides d’Achir et de la Qal’a. Habilement, les Beni Ghaniya s’allient aux nombreuses forces bédouines présentes dans la région des hautes plaines et dans le bassin du Hodna, entretenant une dissidence permanente dans tout le Maghreb central et oriental. Les troupes almohades, qui combattent aussi en Andalousie, interviennent principalement dans la région de la Tunisie actuelle. Elles affrontent et défont la coalition des Beni Ghaniya, appuyées par le mercenaire arménien Qaraquch. Mais les Beni Ghaniya ne renoncent pas à ce qu’ils considèrent comme leur héritage familial. En 1203, Al Nacir entreprend une nouvelle campagne pour en finir avec les insaisissables Beni Ghaniya. L’émir almohade désigne Abou Mohammed ibn Abu Hafs comme gouverneur militaire de l’Ifriqiya. En 1209, les Beni Ghaniya sont repoussés dans le sud du Djérid et du djebel Nefusa où ils subissent une lourde défaite.

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LE MAGHREB

AUX XIIIE ET XIVE SIÈCLES

L

’instabilité liée en partie à la guerre des Beni Ghaniya, dans l’est du Maghreb, précipite l’affaiblissement almohade. Les lieutenants de la famille des Hafsides se trouvent ainsi livrés à eux-mêmes à partir de 1229, puis deviennent définitivement indépendants en 1236. Autour de Tlemcen, le relâchement de l’emprise almohade favorise la dynastie locale des Abdelwadides. Cependant, Tlemcen reste très convoitée par le royaume voisin de Fès. Depuis 1248, les Berbères Beni Marin (ou Mérinides) ne cessent d’entreprendre des campagnes pour conquérir Tlemcen. Les Mérinides sont, avec Abu al Hassan, à leur apogée quand ils tentent de s’emparer de Tunis en 1347. De même, Abu Inan s’engage, en 1357, dans une grande campagne de conquête de l’Ifriqiya par la côte. Les Abdelwadides de Tlemcen, constamment sous la pression des Mérinides, sont défaits à deux reprises, en 1337 et 1352. Mais, s’appuyant sur les armées bédouines, ils se maintiennent malgré tout. Les grands itinéraires commerciaux, notamment en provenance du Sahara, transitant par elle, la cité de Tlemcen est constamment convoitée. Les Hafsides de Tunis maintiennent finalement assez difficilement l’héritage almohade. L’instabilité chronique des tribus provoque des troubles intérieurs tandis que les côtes sont menacées par les Espagnols installés dans la Sicile toute proche. Quant aux royaumes de Fès et Tlemcen, ils interviennent au moindre signe de faiblesse des Hafsides.

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L’ITINÉRAIRE ALGÉRIEN D’IBN KHALDUN, GRAND HOMME DU XIVE SIÈCLE

N

é à Tunis d’une famille arabe d’origine andalouse en 1332, Ibn Khaldun débute ses études en Ifriqiya puis à Fès, en passant par Biskra et Béjaïa. Il devient haut conseiller permanent de plusieurs souverains du Maghreb, à la cour des Mérinides en 1354. Voyageant souvent dans le cadre de son activité diplomatique, il se réfugie auprès des tribus bédouines des hautes plaines sétifiennes afin d’échapper aux intrigues de palais en cours à Béjaïa. Il apprend beaucoup du monde bédouin tout en exerçant comme condottiere, agent recruteur de troupes armées. À partir des années 1370, il se détache de cette activité professionnelle pour entamer une sorte de retraite spirituelle consacrée au savoir religieux. Il rédige la Muqqadima (La Présentation), introduction à son Kitab al I’bar (Le Livre des exemples, ou Histoire universelle), dans un village isolé au sud de Frenda (1379). Il se rend par la suite en Orient. De l’Égypte à la Syrie, il rencontre Timur Lang (Tamerlan), le grand chef des Mongols. Il meurt en 1406 au Caire.

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L’EMPIRE OTTOMAN ET LE PACHALIK D’ALGER

LA MÉDITERRANÉE

E

EN

1492

n Méditerranée orientale, Mamelouks et Ottomans dominent depuis le XIVe siècle. L’Égypte et la Syrie sont passées sous le commandement de chefs militaires, anciens esclaves-soldats, originaires du Caucase. Ces derniers ont écarté les souverains ayyubides, connus pour avoir longtemps combattu les croisés. Ces nouveaux sultans mamelouks restent sans rivaux jusqu’à la fin du XVe siècle, forts d’une armée bien organisée, mais reposant sur une économie prospère (contrôle des routes commerciales entre l’océan Indien et l’Orient musulman). Les Ottomans (descendants d’Osman ou Uthman) sont quant à eux issus de la décomposition du sultanat seldjukide de Rum (royaume turco-mongol islamisé) au XIIIe siècle. Originaire des régions turco-mongoles (Kazakhstan, Ouzbékistan-Mongolie-Xinqiang chinois actuels), la petite dynastie ottomane s’installe et organise son beylik (petit émirat) dans la région de Konya. Ils sont face aux Byzantins mais ne tardent pas à conquérir la majeure partie de l’Anatolie aux dépens des autres beyliks au cours du XIVe. Les Ottomans étendent leur domination tout autour de Constantinople, dernier bastion byzantin, qui sera finalement conquise en 1453. La flotte ottomane devient très puissante en Méditerranée orientale. Elle s’emploie à démanteler méthodiquement les positions génoises, entre la mer Égée et le sud de l’Adriatique. Si Rhodes parvient à résister aux sièges ottomans, les Mamelouks ne peuvent stopper l’avancée ottomane en Syrie. Ils finiront par livrer l’Égypte en 1517. Entretemps, l’activité maritime ottomane s’est manifestée en Méditerranée occidentale. Toutes les côtes entourant la Grèce se trouvent sous la domination ottomane, et sont le point de départ de multiples expéditions contre les positions chrétiennes. C’est ainsi que les corsaires ottomans Kemal Raïs puis Aroudj entreprennent de nombreux raids sur le sud de l’Italie et en Libye. Tripoli fut prise par les Espagnols en 1510, tandis qu’Alger faisait appel aux corsaires ottomans.

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ESPAGNOLS ET OTTOMANS AU MAGHREB CENTRAL DE 1509 À 1518

A

près avoir tenté d’occuper durablement les régions de Syrie-Palestine Orient au cours des croisades (XIe et XIIe siècles), les royaumes d’Europe occidentale se sont renforcés dans le reste de la Méditerranée. Tandis que les ordres chevaleresques veillent sur les îles stratégiques de Malte et de Rhodes, les royaumes chrétiens regagnent du terrain en Espagne. Les Almohades n’ayant pu se maintenir après leur échec lors de la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212, la Reconquista a morcelé l’Andalousie musulmane en plusieurs principautés rivales. Au XIIIe siècle, les Arabomusulmans monnayent leur sécurité aux Espagnols. De 1391 à 1482, les royaumes chrétiens réduisent l’Andalousie musulmane au seul royaume de Grenade qui est pris en 1492. Mais le royaume de Castille et d’Aragon est une grande puissance maritime en Méditerranée. À la suite du morcellement territorial au Maghreb et de l’affaiblissement du pouvoir central almohade, les Espagnols s’emparent de plusieurs cités de la côte. Mers el Kebir et Oran sont occupées par la flotte espagnole en 1509, de même que Béjaïa en 1510 (première tentative espagnole en 1282). Affaiblis en mer, les Hafsides paient un tribut à la Sicile depuis 1285. Quant aux Marocains, ils sont sous la pression constante des Portugais (prise de Ceuta en 1415, Safi et Agadir en 1504-1505). En Espagne, le régime de l’Inquisition des Rois Catholiques de Castille et d’Aragon a provoqué l’expulsion des populations musulmanes et juives vers les cités du Maghreb. Le corsaire raïs Aroudj est originaire d’une famille albanaise islamisée, installée à Lesbos, à quelques heures de voile d’Istanbul. C’est sous l’autorité bienveillante du sultan que sont dirigées les expéditions en Méditerranée occidentale. Pour les Ottomans, la côte du nord de l’Afrique ne peut rester en possession des puissances chrétiennes. Tripoli et Rhodes doivent être occupées au même titre que Tunis, qui a pactisé avec les Espagnols. Quant à Alger, sa libération intervient seulement après l’occupation d’une base sûre. À défaut de pouvoir prendre Béjaïa en 1510, Aroudj, grièvement blessé suite à un siège infructueux, choisit Mansouria (Ziama Mansouriah) pour se fixer

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Atlas historique de l’algérie

sur le littoral « algérien ». Jijel est ensuite reprise à la garnison génoise qui l’occupe. Ce dernier l’attaquant par la terre en 1512, à l’aide des tribus locales. Aroudj tente une deuxième attaque sur Béjaïa en 1514, mais il renonce en poursuivant vers l’ouest, accompagné des nouveaux alliés parmi les tribus locales. Il débarque alors à Cherchell. C’est seulement en 1516 qu’Aroudj se décide à occuper el Djazaïr (Alger), sollicité par le souverain local. Les Espagnols ont établi sur les îlots en face de la cité toute une série de fortifications, El Peñón de Vélez, pointant ses canons sur Alger. Pour Alger, refuser de payer le tribut imposé par les Espagnols revient à faire appel à une flotte amie. En se dirigeant sur Alger, Aroudj a d’autres plans en tête. Salué comme le sauveur de la ville, il ne tarde pas à exécuter le roi. La ville passe alors sous le commandement d’Aroudj qui prépare une grande expédition vers l’ouest. Tlemcen se trouvant sans successeur depuis 1512, Aroudj décide de s’en emparer avec son armée composée de soldats ottomans et de tribus de la région alliée de Jijel. Avec son frère Ishaq, Aroudj occupe Tlemcen en 1517. Mais les Espagnols réagissent. Avec les forces arabes locales, ils contre-attaquent. Alors qu’Ishaq est tué dans la Qal’a des Beni Rached, Aroudj est poursuivi par les Espagnols dans sa retraite vers l’est, et meurt à Delbou (Tlemcen).

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Carte de Barbarie et de Biled ul Djerid, dessinée par Abraham Orteluis, 1574.

Espagnols et Ottomans au Maghreb central de 1509 à 1518 99

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LA CONQUÊTE DES PAYS D’EL DJAZAÏR (ALGER) ET

LES NOUVEAUX ALLIÉS DE KHAYR AL DIN, DIT BARBEROUSSE (1519-1534)

K

hayr al Din, dont la flotte maîtrise les ports de la côte orientale de l’Algérie, poursuit la mission entamée par ses frères. Aroudj et Ishaq ont payé de leur vie pour cette conquête des régions intérieures, notamment celle du royaume de Tlemcen. Istanbul met à sa disposition une armée de 6 000 janissaires, le corps d’élite de l’armée ottomane, ainsi que de l’artillerie. Khayr al Din envoie son armée reprendre Tlemcen et les régions de l’est. Cependant, l’impact de ces campagnes se trouve limité par le manque de soutien des grandes tribus locales. Khayr al Din a besoin de leur participation pour sa conquête de l’intérieur. Ces grandes tribus dominant les régions centrales entre Alger et Sétif sont les Kouko, dont le territoire s’étend du Djurdjura à l’arrière-pays de Béjaïa, et les Beni Abbes (connus sur les cartes européennes comme les sultans de Labez). Ces deux grands groupes rivaux ont joué un rôle majeur dans les premiers développements de la conquête d’Aroudj dans les années 1512-1516. Les Kouko ont soutenu Aroudj contre Béjaïa et pour la prise d’Alger. Ces alliés de la première heure furent ensuite perçus comme suffisamment menaçants pour que Khayr al Din s’engage contre eux en 1518. Mais il sera quasi impossible pour Alger de les soumettre définitivement, d’où l’association avec leurs concurrents : les Beni Abbes. Originaire du Hodna, cette famille s’est Khayr al Din, dit Barberousse. fixée dans les montagnes des Bibans. Cette

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Atlas historique de l’algérie

région devient incontournable sur la route d’Alger à Constantine (sauf par le sud de l’Ouanougha, impliquant une semaine de marche supplémentaire). Seul le passage par des gorges étroites (Bibans signifie « les portes ») permet d’accéder aux hautes plaines de l’Est. À défaut de pouvoir les dominer par les armes, comme en 1520, alors que les Hafsides de Tunis tentent de reprendre pied à l’est, le pouvoir ottoman s’emploie à les engager comme de grands alliés. C’est ainsi que les Beni Abbes participent à toutes les grandes campagnes ottomanes dans les régions insoumises, contre les Marocains ou contre les Tunisiens, qui sont définitivement repoussés hors du Constantinois. Les beys d’Alger organisent toutes leurs campagnes militaires avec l’appui de ces grandes tribus, exemptées des impôts soumis aux autres tribus dites makhzen.

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La conquête des pays d’el Djazaïr 103

Siège de Rhodes par les Ottomans en 1480.

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LES CAMPAGNES DE HASSAN AGHA ET SALAH RAÏS (1534-1556)

M

aître des mers et des ports algériens, sauf ceux d’Oran et Mers el Kebir, Khayr al Din, appelé au poste de grand amiral de la flotte ottomane à Istanbul, délègue la reprise en main de l’arrière-pays d’Alger à ses fidèles lieutenants Hassan Agha et Salah Raïs. Ces derniers organisent plusieurs campagnes décisives, dans un premier temps pour reprendre la région de Tlemcen. Cette dernière est très convoitée par les ennemis héréditaires des Tlemcéniens, les Beni Marin de Fès. L’armée chérifienne est écrasée et poursuivie jusqu’à la Moulouya, après leur défaite au Rio Salado (El Malah) en 1555. Les places fortes d’Oran et de Mers el Kebir restent tenues par les Espagnols, bien que fréquemment assiégées par la flotte des raïs. La guerre en mer menée par Charles Quint, et son échec à Alger en 1541, ne décourage pas sa flotte à lancer des expéditions sur le reste de la côte algérienne. Les Espagnols tentent de prendre Mostaganem en 1558, tout en soutenant les derniers Hafsides de Tunis. Ces derniers ne renoncent pas à maintenir leur domination sur la partie orientale des territoires conquis par les Ottomans dans les années 1520. L’armée des janissaires mène plusieurs campagnes contre Tunis, dont l’une, en 1569, est décisive. Suite à la défaite de l’armée tunisienne à Béja, Euldj Ali anéantit la dynastie des Hafsides. Après la reprise de Tunis par les Espagnols en 1572, les Algériens se replient dans la région de Bône, marquant ainsi une première étape dans l’établissement des frontières orientales de l’Algérie ottomane. Auparavant, Salah Raïs a entrepris de s’engager très loin vers les oasis de Touggourt et Ouargla, après la prise de Biskra en 1552. Les Marocains ne tenteront plus de reprendre la région de Tlemcen jusqu’au XVIIe siècle tandis que le domaine des Hafsides devient un nouveau pachalik dépendant d’Istanbul en 1574. Après leur prise de Tripoli en 1551, les Ottomans se sont rendus progressivement maîtres de tout le littoral tunisien.

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ALGER

ET LA MÉDITERRANÉE AU XVIE SIÈCLE

L

e XVIe siècle correspond à l’apogée de la puissance ottomane. Avec les sultans Selim Ier et Süleyman (Soliman le Magnifique), l’Empire ottoman accroît considérablement son territoire. Il contrôle les routes venant d’Asie et d’Afrique. L’Égypte est enlevée aux Mamelouks en 1517, faisant ainsi entrer les lieux saints de l’islam dans le giron ottoman. Quant à l’Europe, elle se trouve extrêmement préoccupée par l’avancée du Grand Turc. Après la prise de Rhodes, dernier bastion chrétien sur la route de Jérusalem avec Chypre (1571), ce sont les peuples slaves et hongrois qui sont défaits (Belgrade 1521, Mohács 1526). Cependant, Istanbul entretient des relations particulières avec le royaume de France, dans lesquelles Khayr al Din va jouer un rôle décisif. L’empire espagnol de Charles Quint menace directement le royaume de François Ier, soumis à une situation d’isolement. Les possessions espagnoles des Pays-Bas et d’Italie provoquent plusieurs guerres avec la France qui sollicite l’aide d’Istanbul et d’Alger. Après la signature d’une convention avec la France, prévoyant notamment l’installation de consuls ainsi que la liberté d’exercice du commerce en Méditerranée, Khayr al Din intervient en faveur des Français avec sa flotte devant Nice en 1543. Khayr al Din, chef de la flotte ottomane, affronte Doria, grand corsaire au service des Espagnols et de Venise. Cette guerre pour la Méditerranée aboutit, en 1571, à une grande confrontation lors de la bataille de Lépante qui marque un tournant dans la puissance maritime ottomane, qui ne parviendra plus à regrouper une telle armada, alors que les Européens sont déjà présents sur toutes les mers du globe, accumulant les richesses du Nouveau Monde. Même si l’or et l’argent sud-américains permettent à l’Espagne de se doter d’une flotte redoutable, Charles Quint ne parviendra pas à s’emparer d’Alger, malgré la mise en place d’une armada devant Alger en 1571.

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1571, LA

C

BATAILLE D’ALGER

harles Quint, à la tête de l’empire sur lequel le soleil ne se couche jamais, décide de neutraliser Alger, le plus redoutable repaire de corsaires de la Méditerranée. Il rassemble une flotte considérable confiée à Doria et Cortès, le conquérant du Mexique. L’empereur prend quant à lui personnellement le commandement d’une armée européenne (Espagnols, Italiens, Allemands, chevaliers de Malte…) qui débarque sur la plage du Hamma en octobre 1571. Alger est nouvellement fortifiée par Hassan Agha. La position particulière de la ville, avec ses hauts murs entourés de fossés, oblige les assiégeants à se positionner sur les hauteurs, ce que fait Charles Quint en occupant le site qui prendra le nom de « Sultan Kalasi » (fort de l’Empereur). Son armée tente d’attaquer, appuyée par une armée de Kouko. C’est en direction de la ville basse, par Bab el Oued, que l’armée attaque par le Frais Vallon. Mais une terrible tempête survient l’après-midi, mettant hors d’état la plus grande partie de la flotte espagnole, bombardée par les batteries côtières, tandis que les orages gonflent dangereusement les oueds. L’armée des janissaires s’engage hors des murs d’Alger alors que les Espagnols n’ont pas solidement établi leur siège. L’armée de Charles Quint, coupée de ses renforts et du ravitaillement, doit finalement battre en retraite. Le corps des chevaliers de Malte couvre cette désastreuse retraite vers le cap Matifou.

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DE L’ALGÉRIE OTTOMANE AU XVIIE SIÈCLE

L’ORGANISATION

A

vec les campagnes de Hassan Pacha et de Hassan Corso, les Algériens s’imposent fermement dans la région de Tlemcen, après avoir repris Mostaganem. L’unification des territoires du Maghreb central par les beys à partir des îles d’Alger (al Djazaïr) redéfinit une nouvelle identité géographique. On peut désormais parler d’une entité algérienne, certaines cartes européennes du XVIIe siècle employant le terme de « royaume d’Alger » ou de « régence d’Alger » (pachalik). À partir de 1587, l’Empire ottoman réorganise ses territoires d’Afrique du Nord en trois pachaliks. Alger, Tripoli et Tunis sont dirigés directement par des pachas envoyés d’Istanbul. Dans l’Algérie ottomane, on procède à la mise en place de beyliks, régions administrées par des beys nommés par le Pacha. Médéa devient le siège du Titteri, Constantine du grand beylik de l’Est, tandis que le siège de l’Ouest se situe à Mazuna (au nord de Relizane), avant d’être transféré à Oran, une fois libérée des Espagnols. Quant à la capitale, Alger, elle contrôle le Dar el Sultan, qui s’étend jusqu’à Ténès. Tout un réseau de villes de garnisons, composées de troupes ottomanes, est organisé le long des itinéraires stratégiques. Mais plusieurs régions montagneuses peuplées de nombreuses tribus échappent à la domination d’Alger, et se trouvent indépendantes de fait. Les deys d’Alger se contentent le plus souvent d’entretenir des troupes (nouba) dans leurs fortins (bordj) autour des massifs des Qabaïles, ensemble de tribus berbères qui s’étend de la chaîne du Djurdjura à la presqu’île d’El Qoll. Parmi elles, certaines ont toutefois d’excellents rapports avec l’autorité ottomane. Il en est ainsi des Beni Foughal (sud de Jijel), qui fournissent du Mosquée de Guidjel, gravure de bois de construction pour la flotte des raïs. Les Delamare, 1839. tribus procurant de tels services ou participant

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112 Atlas historique de l’algérie

aux campagnes avec l’armée des janissaires sont privilégiées, soit par l’octroi de bonnes terres, soit par l’exemption fiscale. Mais la grande majorité des habitants restent soumis à l’impôt de gré ou de force. Des colonnes militaires turques sillonnent le pays à chaque campagne de recrutement. Ces mehella sont bien entendu appuyées par des caïds, administrateurs locaux d’origine turque ou kouloughli, nommés par le bey (kouloughli, du turc kül oglu, qui signifie littéralement « enfant d’esclave », et désignant les populations issues de mariages entre Ottomans et femmes indigènes ou captives européennes). Ces caïds désignent localement des cheikhs indigènes pour assurer un contrôle efficace des tribus. C’est au cours du XVIIe siècle que le pachalik d’Alger ou régence d’Alger (terme utilisé par les Français à partir du XVIe siècle) s’éloigne progressivement du giron d’Istanbul. Avec la fin des émirs, des pachas triennaux, censés dépendre de l’autorité directe du Sultan, sont envoyés à la djenina (palais des pachas puis des deys). Ces pachas doivent composer avec un pouvoir local assez complexe. La flotte militaire d’Alger, très puissante, a ses proches chefs, la plupart d’origine européenne et convertis à l’islam : les raïs. Leur rôle dans l’accumulation de richesses du pachalik, par la pratique de la course en Méditerranée, place ces chefs dans une position de premier ordre. Ces soldats, généralement issus du recrutement d’enfants (devchirmé) dans les Balkans et aux frontières caucasiennes de l’Empire ottoman, reçoivent une solide formation militaire en Anatolie avant de rejoindre les provinces ou l’armée sur le front. Cette troupe d’élite (l’odjak) ne se laisse pas abuser facilement et n’hésite pas à éliminer leur agha. À partir de 1671, la place du dey (étymologiquement « oncle maternel » en turc), qui est le véritable administrateur du pays, efface le rôle du pacha, qui est en réalité assez symbolique, assurant une sorte de suivi impérial du pouvoir en place. Le dey nomme les beys dans les régions, et commande l’armée avec laquelle il doit composer. Il est choisi par les officiers et les raïs, d’où une instabilité chronique au palais et des crises de succession à répétition. La période du XVIIe siècle marque cependant l’apogée de la puissance maritime d’Alger en Méditerranée.

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L’organisation de l’Algérie ottomane au xviie siècle

Plan d’Alger au XVIIe siècle.

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SITUATION

GÉNÉRALE AU XVIIE SIÈCLE

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a principale ressource du pachalik d’Alger provient de la course en Méditerranée qui atteint un essor considérable au XVIIe siècle. Entre 1580 et 1670, Alger est au maximum de sa force. La flotte algéroise ne peut pourtant compter que sur elle-même. Depuis son échec en 1671 à Lépante, face à la puissante coalition chrétienne, la flotte impériale d’Istanbul ne s’aventure guère en Méditerranée occidentale. C’est le domaine des corsaires d’Alger qui tentent d’empêcher les Espagnols de reprendre pied sur les côtes tunisiennes. Pourtant, les Espagnols ne sont plus les seuls à intervenir sur les côtes barbaresques . Les rois de France cherchent à protéger leurs intérêts en Méditerranée, comme dans comptoirs commerciaux de Barbarie. Car depuis 1560, Alger accorde à la France le monopole de la pêche du corail sur les côtes orientales du pays. Un établissement est construit à l’est de Bona : le Bastion de France. Mais cette petite enclave subit plusieurs manifestations d’hostilité des tribus locales qu’elles occupent, même en 1568, et la détruisent en 1604. Raison pour laquelle la flotte française intervient à plusieurs reprises entre 1618 et 1620. À partir de 1634, le Bastion est récupéré à l’issue de négociations avec Alger, ce qui permet aux commerçants français de fortifier le village de pêcheurs du Bastion qui devient La Bastille, et de fonder un autre établissement à El Qala (anciennement La Calle). Cette position française commerciale continue de provoquer des tensions entre Alger et le royaume de France, jusqu’à la conquête. Le roi Louis XIV, sûr de sa puissance, tente une expédition sur la côte algérienne et s’empare de Jijel en 1664, mais son armée, harcelée par les tribus locales et sans réelle connaissance du pays, doit rembarquer. Les accords signés, de 1666 à 1688, par les délégations algéroises à Versailles améliorent les relations francoalgériennes, sans toutefois régler la question des garanties concernant les établissements français de La Calle (El Qala). Ces négociations alternent avec plusieurs campagnes de bombardement d’Alger par la flotte française, précédée par leurs concurrents anglais décidés à stopper la piraterie algéroise. Au cours du XVIIe siècle, la régence d’Alger a bien du mal à exercer sa domination sur de nombreuses régions, en proie à de multiples révoltes. De grandes tribus furent notamment à l’origine d’une rébellion entre 1637 et 1649

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Atlas historique de l’algérie

dans le beylik oriental, tandis que le bey de Tunis cherchait à s’emparer de Constantine dès 1620. Le bey Mourad assiège vainement la cité en 1698 pour être finalement battu en 1700 dans la région de Sétif. La révolte qu’affrontent les deys d’Alger trouve son origine dans la politique de désignation, voire d’élimination des cheikhs de grandes tribus, telles que les Hanencha, Nememcha et Harakta, écartées du commandement régional au bénéfice des Duwawida (famille Bou Akkaz). Ces contentieux entre le pouvoir beylical et les tribus arabes ou chaouias perdurent jusqu’à la conquête française.

Intérieur de la mosquée de la Pêcherie, Alger, 1884.

À l’ouest, le renforcement du royaume alaouite se manifeste par la tentative de Moulay Ismaël de conquérir la région de Tlemcen. Parvenant au-delà de Mascara, il est repoussé par l’armée algérienne. Le dey Cha’ban reprend l’initiative à l’ouest en chassant définitivement les Espagnols d’Oran en 1708. Il avait auparavant stoppé une seconde expédition de Moulay Ismaël sur Tlemcen en 1691, et mis un terme aux ambitions du grand souverain marocain. C’est en direction du Maroc et du littoral algérien que débarquent, à partir de 1609, les morisques, populations musulmanes supposées converties au christianisme par les Espagnols.

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Situation générale au XVIIe siècle 117

Extrait de la carte du Royaume d’Alger par Pierre Duval, 1877.

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ALGER

ET SES RELATIONS INTERNATIONALES

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onséquence de la progression des essors économiques français outre-mer, avec la volonté de concurrencer les Anglais, les relations diplomatiques avec Alger marquent la deuxième moitié du XVIIe siècle. Alors que les Européens se partagent le Nouveau Monde et s’installent progressivement en Extrême-Orient, l’Empire ottoman déploie une grande activité diplomatique de Moscou à Versailles. Face aux Européens, aux Autrichiens et aux Russes, il est sur la défensive, surtout après l’échec du siège de Vienne en 1683. C’est par l’intermédiaire des deys algériens qu’Istanbul joue la carte française. Alger veut donner des garanties aux rois de France pour leur commerce en Méditerranée. Parmi les autres pays européens, beaucoup paient cher la liberté de circuler en Méditerranée. Mais ils en ont les moyens… La Hollande est déjà une puissance maritime dans le monde (Fondation de New Amsterdam, Cap Staad en 1665, de la Compagnie des Indes néerlandaises en 1602). Les États-Unis d’Amérique sont quant à eux entrés en contact avec les Algériens, après la capture de deux de leurs voiliers en 1625.

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L’ALGÉRIE

OTTOMANE AU XVIIIE SIÈCLE

L

a pression européenne sur l’Algérie s’exerce de manière continue à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et se manifeste par plusieurs bombardements d’Alger, tandis qu’Oran est reconquise ponctuellement par les Espagnols en 1732. Malgré leurs stratégies souvent opposées, les flottes européennes s’emploient toutes à essayer d’abattre la base des raïs d’Alger. Les Espagnols tentent même un débarquement qui échoue sur l’oued el Harrach en 1775. Si les ressources algériennes liées à la course en Méditerranée sont menacées par les attaques européennes, le dey possède malgré tout des moyens militaires suffisants pour attaquer le bey de Tunis, contre lequel il mène campagne en 1735 et 1745. La régence dispose d’une sorte d’arme économique : ses substantielles ressources céréalières, qui sont commercialisées vers la France depuis 1793. La jeune république a pu bénéficier d’achat à crédit de céréales algériennes afin de suppléer aux conséquences de son instabilité agricole. Ces prêts consentis à la France sont à l’origine de la crise entre le consul Deval et Hussein Dey peu avant la conquête. La paix intérieure reste une source de préoccupation pour les deys de la période. Car si l’administration du « pays utile » est bien huilée, avec ses complexes relations familiales liant les beys aux caïds locaux (de nombreux mariages entre les familles des beys et leurs administrateurs assurent les liens de fidélité au pouvoir), la masse des populations rurales obéissent à leurs cheikhs, mais aussi à certains chefs de confréries religieuses, à l’origine de nombreux troubles au début du XIXe siècle. Les mouvements des confréries ou tariqas ont une audience très forte auprès des populations. Les chefs spirituels de ces mouvements, cumulant souvent pratiques ésotériques (ils se prétendent ou sont perçus comme détenteurs de la baraka – la bénédiction) et prédication, dirigent des zaouïas, qui hébergent les ikhwan (les frères) et font office d’école. Les élèves y reçoivent dans certains cas, outre l’enseignement traditionnel, une pensée dirigée contre le pouvoir des beys. À la fin du XVIIIe siècle naît la confrérie éponyme des Tidjaniya (Ahmed el Tidjani, 1737-1815), dont l’école mère se trouve très loin d’Alger, à Aïn Madhi. N’ayant pas réussi à résister aux beys,

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Atlas historique de l’algérie

plusieurs confréries dirigent leurs efforts vers le Sahara. Celle des Rahmaniya apparaît pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle en plein cœur du pays des Qabaïles (cette dénomination figure sur plusieurs cartes françaises du XVIIIe). C’est un habitant du Djurdjura, Abderahman bou Qobrin (aux deux tombeaux) qui aurait une double sépulture, l’une à Alger (quartier du Hamma) et l’autre sur place. La Qadiriyya se présente quant à elle comme la grande confrérie de l’Ouest algérien, notamment de l’Oranie. Le mouvement qui inquiète le plus le pouvoir central est celui de la Derqaoua. Bien implantés chez les populations montagnardes du Titteri et de l’Ouarsenis, ses membres prônent la guerre sainte ouverte contre les Turcs. De même, de fréquentes révoltes éclatent dans le massif du Djurdjura. Les tribus Guechtoula et Flissa attaquent les places fortes turques de Boghni et Sebaou en 1757, tandis que les Zouaoua descendent jusqu’à la Mitidja en 1768.

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L’Algérie ottomane au XVIIIe siècle 123

Gravure d’Alger, XVIIIe siècle.

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L’ALGÉRIE

OTTOMANE AU DÉBUT DU XIXE SIÈCLE

D

ésormais contenue par le blocus maritime européen et plus spécialement français, l’activité économique de la course algérienne en Méditerranée se tarit. L’Empire ottoman se trouve lui-même menacé par les nouveaux appétits européens. Après le débarquement français en Égypte (40 000 soldats) et les succès du corps expéditionnaire contre les Turcs, la question d’Orient se trouve plus que jamais à l’ordre du jour dans les chancelleries des grandes puissances européennes. Aux offensives russes et autrichiennes dans les Balkans et les détroits répondent les avancées anglaise et française en Méditerranée orientale. Avant de partir pour l’Égypte en 1798, Napoléon avertit Alger en cas d’attaque de bâtiments français, « le premier acte d’hostilité que se permettra le dey sera le signal de la destruction d’Alger ». Cependant, les Français ont encore besoin de l’Algérie et de son ravitaillement car ils se trouvent en grande difficulté après la destruction de leur flotte par les Anglais à Aboukir. Napoléon signe donc un traité de paix en 1800 avec Alger, alors qu’il évacue en catastrophe son armée de Palestine (1801). L’Algérie, à l’instar de Tripoli et Tunis, n’a pas répondu à l’appel d’Istanbul d’entrer en guerre contre les Français. C’est seulement après la défaite navale de Trafalgar en 1805 que le dey fait emprisonner les commerçants italiens et confisque les possessions de La Calle qu’il cède… aux Anglais. Pendant que se déroulent ces tractations, éclate en 1804 une grande révolte à l’instigation de la confrérie Derqaoua, qui est déclenchée dans deux régions très éloignées l’une de l’autre. À partir de son fief des montagnes d’El Qoll, le chérif derqaoui se lance à l’assaut de Constantine et défait l’armée turque venue l’arrêter. Les tribus de l’Ouarsenis ferment quant à elles le passage vers le beylik de l’Ouest. Alors que les janissaires s’emploient à mater ces insurrections, les Français sur place à Alger et Tunis cumulent toutes les informations jugées utiles à une future expédition française contre la régence. Ce travail de renseignement commence au moment de la Révolution française. Les concessions d’Afrique en Algérie expriment l’idée d’un développement de la présence française face aux prétentions anglaises. Talleyrand évoque en 1794 la côte d’Afrique comme possible établissement pour des colonies françaises tandis que le consul de France à Tunis, Barthélémy de Saizieu, parle d’une expédition militaire en Barbarie, en vue de ravitailler le sud de la France. La décision

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126 Atlas historique de l’algérie

de s’engager en Égypte en 1798 constitue une étape avant d’occuper l’Algérie, perçue comme un indispensable grenier à blé. En 1801, alors que Bonaparte envoie une expédition (avec Clauzel et Bugeaud) contre les Anglais à SaintDomingue, Bergé écrit son rapport pour la reconnaissance d’Alger. Thédenat complète quant à lui ces documents avec son Coup d’œil sur la régence d’Alger. Les mémoires et autres rapports s’accumulent, avec Montlosier en 1802 qui soulève l’intérêt en faveur de l’exploration scientifique et commerciale de l’Afrique. C’est en 1808 que Boutin, faisant suite à la demande de Napoléon d’enquêter et d’établir des reconnaissances secrètes, établit un plan précis d’Alger et de ses environs, afin de préparer une expédition. Avec le soulèvement contre les Français en Espagne et l’attaque des Autrichiens, le projet est finalement abandonné. Les Anglais, Reconnaissance de la Régence d’Alger par l’officier dans une démarche se voulant antiVincent Boutin, 1808. esclavagiste, proposent une action maritime internationale contre Alger. La pression extérieure pousse Alger à tenter vainement de s’emparer du pachalik de Tunis en 1807, puis en 1813. Mais les insurrections tribales ressurgissent dans les pays des Qabaïles, successivement dans les Babors, entre 1810 et 1815 puis dans le Djurdjura en 1818-1819. Les Beni Abbes, souvent alliés aux deys d’Alger, rompent ces liens en 1824. Toutes ces tribus indépendantes menacent l’organisation même des beys et, par leur dissidence armée, mettent en péril trois siècles d’unification ottomane. Alger n’a quasiment plus de possibilité de mouvement en 1825, date du bombardement de la ville par l’amiral Neale, à la suite duquel le dey avait dû se résoudre à signer avec les Anglais. Avec la fin des guerres napoléoniennes, les Anglais souhaitent intervenir contre Alger. Depuis 1816, signe de la faiblesse d’Alger, les Américains cessent de payer le tribut qui garantissait leur flotte. En 1827, les flottes européennes se mobilisent contre un Empire ottoman sur la défensive, après en avoir en réalité planifié le démantèlement. C’est la fameuse question d’Orient, avec l’enjeu des détroits entre la Russie et les puissances occidentales mais aussi la mainmise britannique sur l’Égypte, sur fond du développement industriel qui agite l’Europe. En octobre 1827, la flotte turco-égyptienne est défaite à la bataille de Navarin par une coalition anglo-russo-française, alors que le soulèvement des Grecs contre les Ottomans suscite le soutien des Occidentaux, dont la France, qui y envoie son armée (expédition de Morée en 1828). Le peintre romantique Delacroix

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L’Algérie ottomane au début du XIXe siècle

immortalisera cette guerre, avant de se rendre en Algérie pour y peindre son célèbre tableau des Femmes d’Alger. Les Français qui participent au blocus intermittent contre Alger envisagent davantage qu’une pression maritime sur Alger. C’est à Paris, où les royalistes ont repris le pouvoir, que se prépare l’expédition pour enlever Alger. Le gouvernement de la Restauration (de la monarchie des Bourbons), qui n’a toujours pas honoré sa dette envers les courtiers algériens Bacri et Busnach, trouve son compte dans l’exploitation de l’incident du 30 avril 1827. Ayant convoqué Deval, représentant de la France dans cette affaire, le dey Hussein a un geste impulsif (coup d’éventail) contre le diplomate en s’emportant au sujet du remboursement des fournitures de blé algérien par la France pendant les années 1790. Cette affaire du coup d’éventail, devenue une image d’Épinal des relations franco-algériennes, ne fut pourtant pas immédiatement exploitée. Après sa participation à la guerre européenne contre les Ottomans en mer et dans le Péloponnèse, la France doit faire face aux appétits anglais en Méditerranée. Mais la situation à Paris est très instable pour la famille des Bourbons. Le roi Charles X, qui a succédé à son frère en 1824, est très impopulaire. Ayant rétabli la censure, il s’emploie à museler l’opposition des milieux républicains et ouvriers. Avec le prétexte de l’incident entre le dey et le consul Deval, Charles X ressort le plan de l’expédition contre Alger. Le roi de France pense relancer le projet monarchique en rehaussant le prestige de la France, après la fin de l’épopée napoléonienne. Le gouvernement et la population parisienne constituent une menace pour le maintien des Bourbons au pouvoir. Quant à la campagne militaire contre Alger, elle est prévue à moindres frais, puisque l’accaparement du trésor du bey doit largement pourvoir à son coût…

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CONQUÊTE FRANÇAISE ET COLONISATION

LE

DÉBARQUEMENT FRANÇAIS À SIDI-FERRUCH

C

ommandée par de Bourmont, la flotte française, composée de 500 navires, s’embarque à Toulon le 16 mai 1830. Transitant par l’île espagnole de Palma pour des raisons logistiques, la flotte arrive, conformément aux renseignements du plan Boutin, en face de la petite presqu’île de Sidi-Ferruch (Sidi Fredj) le 14 juin 1830. Sidi-Ferruch, du nom d’un saint homme musulman reposant sous une petite kouba (coupole) audessus de la plage, n’est défendue par aucune batterie côtière. Le corps expéditionnaire installe rapidement son camp sur la plage et s’y maintient pendant quatre jours afin d’y débarquer tous les moyens nécessaires à l’attaque d’Alger. Entretemps, Ibrahim Agha a rassemblé ses 7 000 janissaires à Staoueli, renforcés de 15 000 hommes du pays des Qabaïles. Les beys d’Oran et Constantine ont quant à eux envoyé respectivement 6 000 et 13 000 hommes totalisant 30 000 à 50 000 hommes. La bataille ne s’engage que le 18 juin avec l’attaque des Algériens contre les positions françaises sur la plage et sur la presqu’île. Les trois divisions (37 000 hommes) de Berthezène résistent. Les techniques militaires de cette armée française, qui ont réalisé la synthèse des guerres napoléoniennes et du génie de Vauban, sont très éprouvées. Les cavaliers algériens se heurtent avec courage aux fortifications françaises ainsi qu’aux carrés hérissés de baïonnettes. L’armée hétéroclite du bey doit se replier sur les hauteurs et tenir les forts qui protègent Alger. Les colonnes françaises se mettent en marche en direction d’Alger, dans un terrain difficile, une succession de maquis et de ravins, en passant par le col de Sidi Khalef, à partir duquel la résistance des Algériens se renforce sensiblement. Les combats pour les hauteurs d’Alger durent deux semaines et se terminent par la prise du fort ottoman de Sultan Kalasi à El Biar (Château de l’Empereur, sur l’emplacement du camp de Charles Quint lors du siège d’Alger en 1571). Il sera bombardé continuellement puis détruit par ses propres servants algériens. Une fois ce dernier verrou enlevé le 4 juillet, la route de la casbah est ouverte. Ce sont finalement les négociations avec le bey d’Alger qui aboutissent à la fin du siège d’Alger, épargnant à la population un sort encore plus tragique. Une grande partie de la population, estimée à 10 000 personnes,

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130 Atlas historique de l’algérie

quittera précipitamment la ville, notamment des grandes familles liées à la cour du dey. Pourtant, la reddition de la ville le matin de ce fatidique 5 juillet 1830 s’accompagnait d’accords signés avec le dey Hussein, garantissant les biens des habitants ainsi que le libre exercice du culte musulman. En réalité, c’est essentiellement le trésor du bey, qui avait fait l’objet de plusieurs enquêtes avant la conquête, qui intéressait un cercle restreint du commandement du corps expéditionnaire, vraisemblablement chargé en haut lieu de cette mission spéciale. L’enquête très documentée de Pierre Péan (Main basse sur Alger) révèle ce volet « financier » de l’expédition, qui aurait constitué un des objectifs officieux de l’expédition d’Alger.

L’amiral Duperré dans la rade d’Alger.

Paris exultait de cette victoire sur la régence et y trouvait le moyen d’y entretenir un nouveau prestige politique. Cependant, les événements de fin juillet mirent rapidement un terme à ces ambitions. À Paris, l’insurrection populaire des 27, 28 et 29 juillet 1830, épisode des Trois Glorieuses, et immortalisée par Delacroix dans La Liberté guidant le peuple, précipita la chute de Charles X. Le camp des monarchistes fut ébranlé mais un compromis politique accorda finalement à Philippe d’Orléans le pouvoir exécutif. Parmi les premières préoccupations de la nouvelle monarchie constitutionnelle ne semblait pas figurer la question du sort d’Alger. À ce moment-là, Paris songe même à évacuer Alger, doutant du bénéfice réel de l’expédition. C’est le général Clauzel qui est chargé de la gestion de la ville occupée, succédant à Bourmont, désavoué pour s’être montré trop proche des royalistes pendant la crise. C’est également le signataire des accords du 5 juillet, qui laisse la ville sans assurances sur son sort. Clauzel s’empresse d’y installer son armée le plus confortablement possible dans Alger, redécoupée selon les besoins du corps expéditionnaire.

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Le débarquement français à Sidi-Ferruch

Tout d’abord, toutes les places fortes et casernes de janissaires avaient été les premiers sites investis par l’armée du corps expéditionnaire. Les officiers et hauts gradés avaient quant à eux occupé toutes les habitations spacieuses de la cité ottomane, comme tous les palais de la ville basse (basse casbah). À partir de septembre 1830, l’armée s’installe partout dans la ville et réquisitionne nombre d’espaces collectifs tels que mosquées, zaouïas, violant les engagements du 5 juillet. C’est la première phase du réaménagement de la ville ottomane, avec notamment le dégagement d’une place d’armes (achevée en 1842) : la place du Gouvernement ainsi que le percement de plusieurs rues, de part et d’autre de la ville basse, de Bab Azzoun à Bab el Oued. Ces aménagements urbains inaugurent non seulement un modèle pour les villes coloniales à venir mais annoncent également le projet d’Hausmann à Paris. Des positions fortifiées sont démantelées mais d’autres maintenues, car le ministre de la Guerre tient à défendre Alger contre toute tentative étrangère venant de la mer. Ainsi, certaines batteries côtières sont renforcées. La partie littorale de la ville agrandit en outre ses entrepôts et dépendances de la Marine. Car aucun soutien logistique ne peut arriver par l’intérieur des terres, encore largement inexploré et hostile.

Avis aux habitants d’Alger, 1830.

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OPÉRATIONS FRANÇAISES AUTOUR D’ALGER

A

utour d’Alger, la Mitidja, qui échappe encore totalement aux Français, est dominée par les tribus, dont les chefs s’étaient réunis à Tamenfoust, après la prise d’Alger. Si l’organisation ottomane avait bien cessé d’exister à Alger, il demeurait encore des structures politiques fortes pour organiser une résistance contre ceux qui étaient avant tout considérés comme des roumis, des chrétiens. C’est notamment dans les villes où siégeaient les beyliks que subsistait un commandement, avec des troupes permanentes. Mais la formation de coalitions tribales susceptibles d’appuyer les beyliks restait une entreprise des plus incertaines. Relativement bien informé sur l’arrière-pays d’Alger, le maréchal Clauzel était bien décidé à s’imposer au-delà de la Mitidja, en direction de Médéa, vers laquelle il entreprend sa première expédition. C’est au bas du massif de l’Atlas blidéen que se déroule la première bataille pour l’occupation de Médéa. C’est au moment de franchir le col de Mouzaïa que les 10 000 hommes de Clauzel se heurtent aux forces du bey du Titteri. Les soldats français finissent par déborder les positions algériennes dans cette montagne escarpée et boisée. Médéa est finalement occupée le 22 septembre, alors que le bey se rend à Clauzel. Cependant, les tribus de la région, qui ne dépendent d’aucune autorité, telles que les redoutables Flissa, continuent d’attaquer les positions françaises dans la Mitidja, entraînant de dures représailles contre les tribus locales. Clauzel envisage pourtant de faire appel aux Algériens, invités à s’engager comme troupes auxiliaires, notamment après les premiers engagements des montagnards Zouaoua en août 1830, à l’initiative de Bourmont. Les troupes de janissaires démobilisées se présentèrent quant à elles comme un réservoir fort utile de soldats expérimentés. Dans les premières cités algéro-turques occupées par les Français, celles du littoral en particulier, une partie de la population masculine, livrée à elle-même, participa à la composition d’unités de garde des bordjs (forts) ou de cavalerie légère (les goums) et fut payée pour participer aux opérations militaires.

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LA EN

CONQUÊTE FRANÇAISE

1830

Les Français débarquent à Bona (Bône, Annaba) dès le mois d’août 1830, tandis que Mers el Kebir est investie en décembre de la même année. Pour le maréchal Clauzel, il s’agit de prendre rapidement position dans les régions frontalières de la régence d’Alger, afin de prévenir toute tentative de récupération territoriale de la part du royaume chérifien ou du bey de Tunis. La région de Tabarka, convoitée et revendiquée par les Tunisiens, fera l’objet d’un long processus de délimitation. À l’initiative de Clauzel, la diplomatie française s’active en direction de Tunis, dont la neutralité est perçue comme incertaine. Clauzel proposera au bey de Tunis, rival traditionnel d’Alger, de le nommer au poste de bey de Constantine, moyennant le paiement d’un tribut conséquent. Mais le bey cherche à gagner du temps et… de l’argent avant de pénétrer dans cette province de l’Est, encore sous l’autorité du bey de Constantine. Il en est de même dans la région de l’ouest de la régence, avec l’intervention du chérif marocain Moulay Ali dans les affaires de Tlemcen. Craignant de subir le sort d’Alger, les Tlemcéniens firent appel à Moulay Ali, en demandant à être rattachés au royaume chérifien. Le souverain marocain, en installant son cousin Abdel Rahman à Tlemcen, provoqua cependant de graves troubles dans la région, notamment par son attitude brutale contre les kouloughlis (algéroturcs) et les tribus makhzen. Les Français s’étaient contentés d’occuper Oran, avec l’appui du fils du bey de Tunis, installé rapidement mais précairement. Les tribus locales ne cesseront pas d’assiéger Oran et Mers el Kebir, ne reconnaissant que l’autorité de Belamri, l’émir nommé par le chérif du Maroc dans la région. Cependant, d’autres tribus reconnaissent le cheikh Mahieddin, qui prône la guerre sainte contre les Français. Les positions françaises d’Oran et Mers el Kebir resteront longtemps fragiles, sans renforts suffisants et en l’absence d’appuis locaux. Desmichels finit par dégager Oran et occupe Mostaganem, après un premier accord en février 1833 avec le fils du cheikh Mahieddin, le jeune Abd el Kader. Ce traité Desmichels institue une étape importante dans la reconnaissance et l’ascension régionale du jeune émir.

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136 Atlas historique de l’algérie

À Bona (qui devient Bône en 1831), plusieurs tentatives françaises d’occuper durablement la ville échouent jusqu’à l’envoi de nouvelles troupes (troisième expédition) ainsi qu’avec l’apport de soldats d’origine ottomane, passés en partie sous l’autorité française. Plusieurs sorties sont entreprises contre les forces algériennes du bey de Constantine. Les autorités françaises n’ont pas encore vraiment statué sur l’avenir des territoires de la régence d’Alger. C’est alors le temps de la politique dite « d’occupation restreinte ». Le commandement militaire français se contente de prendre les villes importantes de la côte et traite avec les chefs de tribus de l’intérieur. Médéa est la seule cité de l’intérieur conquise par les Français, mais sa position reste difficile, car elle se trouve assiégée par les tribus environnantes. En juin 1831, le général Berthezène lance une nouvelle expédition sur Médéa, qui reste menacée par les forces du chef Boumezrag. La garnison française sera finalement évacuée le 5 juillet 1831. À partir de 1833 et le départ de Berthezène, le nouveau commandement français, tout en complétant l’occupation du littoral avec la prise de Béjaïa par Trézel en septembre 1833, s’emploie à consolider les positions autour d’Alger (premiers villages européens…). Il s’agit pour le duc de Rovigo d’établir une première ligne de défense face à l’insécurité de la Mitidja, où les tribus entretiennent une guérilla contre les colonnes et postes français. D’autres villages sont pourtant fondés dans le cercle d’Alger, comme Douera en 1833. La population européenne se trouve déjà invitée à profiter des premiers lots de colonisation, et commence à s’installer, principalement dans cette région dite du Sahel d’Alger, qui surplombe la Mitidja encore dangereuse et assez marécageuse. Chargé d’assurer la sécurité d’Alger, le duc de Rovigo s’emploie à dégager des places et esplanades au-delà des portes de Bab Azzoun et Bab el Oued, non sans avoir rasé les cimetières musulmans. Ces nouveaux besoins militaires s’accompagnent de graves violations du traité du 5 juillet, avec la

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La conquête française en 1830 137

confiscation de plusieurs mosquées, jusque-là relativement épargnées par ses prédécesseurs. La mosquée Ketchaoua se trouve complètement déformée pour l’édification de la première grande église à Alger. Cette gestion peu respectueuse de la population musulmane, associée aux représailles contre les tribus de la Mitidja, inaugure une nouvelle politique militaire plus agressive, alors qu’en juillet 1834 prend forme le statut de ces nouveaux territoires, désormais possessions françaises dans le nord de l’Afrique. Paris reconnaît ces conquêtes comme définitivement acquises, mais pour lesquelles la question de l’occupation totale ou restreinte divise encore les généraux de l’armée. À partir de 1835, l’armée française engage des campagnes contre toutes les tribus qui refuseraient son autorité, comme les Hadjoutes, à l’ouest de la Mitidja.

La prise de Mascara par l’armée française en 1835.

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LA

PREMIÈRE GUERRE CONTRE ABD EL KADER Ayant remplacé Desmichels dans la région d’Oran en février 1835, le général Trézel cherche à s’imposer sur l’émir Abd el Kader. Il lance son armée contre Sig et engage le combat dans la forêt de Moulay Ismaël. Au moment de son repli sur Arzew, la colonne française est surprise par les forces de l’émir dans le défilé de la Macta le 28 juin 1835. La défaite de la colonne Trézel, qui a perdu le quart de ses effectifs dans la bataille, a irrité le gouvernement, qui décide d’adopter une nouvelle stratégie en Algérie. Clauzel est spécialement envoyé sur place et d’Arlanges remplace Trézel. Ces changements à la tête du commandement militaire donnent l’initiative aux partisans de l’occupation totale. Une nouvelle campagne est engagée contre les cités de l’émirat d’Abd el Kader à partir de décembre 1835. Une première colonne de 11 000 hommes est lancée contre Mascara, évacuée par l’émir, puis c’est Tlemcen qui est occupée le 13 janvier 1836. Cependant, la plupart des forces françaises finissent par quitter la région, laissant Mascara redevenir la capitale de l’émir, dont les forces assiègent rapidement Tlemcen. Le 25 avril, une colonne française de secours partie de Rachgoun se retrouve attaquée par l’émir sur la Tafna. Il est contraint à la retraite. L’échec du général d’Arlanges provoque l’envoi de Bugeaud en Algérie en juillet 1836. L’intervention de ce général expérimenté (il a notamment participé aux campagnes en Espagne et à Saint-Domingue) permet ponctuellement de repousser les forces de l’émir après le combat de la Sikkak, puis de débloquer le camp de la Tafna. Après cette courte campagne, Bugeaud rentre en France.

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LES

EXPÉDITIONS CONTRE CONSTANTINE

E

n 1836, Béjaïa et Bône se trouvaient être les seuls points occupés par les Français dans l’est de la régence. Paris avait également échoué à installer le bey de Tunis à la place d’Ahmad bey, qui résistait à partir de Constantine. Clauzel décide ainsi de conquérir l’ancien beylik de l’Est. Aussi, commande-t-il personnellement la colonne de 8 700 hommes qui, en novembre 1836, marche sur l’ancienne capitale numide. Les attaques lancées par Clauzel contre la ville, protégée par le ravin du Rhummel, s’avèrent vaines. La porte d’El Kantara, par laquelle les soldats français tentent deux assauts, ne s’ouvrira pas. Plusieurs contre-attaques algériennes sont ensuite lancées contre les forces de Clauzel. Déjà épuisée par sa marche épouvante depuis Bône, l’armée de Clauzel, qui aura 1 000 tués, finit par entamer sa retraite le 23 novembre, harcelée jusqu’à Guelma. Damrémont, nouveau gouverneur de l’Algérie, remplace le maréchal Clauzel en février 1837. Il prépare la deuxième expédition de Constantine et tâcher d’achever la conquête de la province rebelle. Voulant disposer de toutes les forces possibles pour engager la campagne à l’est, Damrémont recherche la neutralité de l’émir Abd el Kader à l’ouest. Le 20 mai 1837, Bugeaud signe le traité dit de la Tafna (ratifié par le roi le 15 juin 1837), accordant à l’émir l’autorité sur toute la partie occidentale de la régence, de Tlemcen aux gorges de l’oued Keddara. La France administre quant à elle directement les territoires d’Oran, d’Arzew et de Mostaganem ainsi que la Mitidja. L’émirat d’Abd el Kader dispose du port de Rachgoun, ce qui lui permet de se ravitailler en armes.

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Atlas historique de l’algérie

Prise de Constantine, par Horace Vernet, 1837.

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LA

DEUXIÈME EXPÉDITION DE CONSTANTINE 20 400 hommes sont mobilisés pour la campagne de l’Est algérien, dont la prise de Constantine est la clé. Six années après la conquête d’Alger, la province de l’Est reste globalement une terra incognita pour le commandement français. Damrémont a cette fois une nouvelle stratégie pour prendre Constantine. Après avoir disposé son artillerie sur toutes les hauteurs dominant la ville, comme le plateau de Mansourah et le Coudiat Aty, il procède au bombardement méthodique des murailles, tandis qu’il place son armée sur l’unique côté de la ville non entouré par le ravin. Le siège de Constantine mis en place, l’artillerie entame la brèche dans les murailles le 13 octobre 1837. Trois colonnes, dont le corps des zouaves, attaquent simultanément. De durs combats – parmi les plus coûteux de la conquête – se déroulent dans la ville de Constantine où la population, toutes confessions confondues, résiste avec acharnement. Les généraux Damrémont et Perrégaux y laissent la vie ainsi que 15 officiers et une centaine de soldats. Le bey Ahmed, chef de la résistance, tout comme un certain nombre d’habitants réussissent à quitter la ville par les falaises, tandis que la ville est investie par l’armée. De nombreuses victimes périssent dans la panique de la fuite, en empruntant les chemins périlleux à la sortie des gorges du Rhummel. Ahmed Bey et ses partisans gagnent les Aurès en vue de continuer la résistance.

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LA

CONQUÊTE EN

A

1839

vec le nouveau gouverneur Valée, l’autorité militaire française nomme des cheikhs locaux, en empruntant le modèle de l’organisation ottomane. Ayant à administrer depuis 1837 les nouveaux territoires du beylik de Constantine, le commandement français s’efforce de nommer des grands chefs régionaux qui prennent le titre de khalife. Ces territoires de la région du nord de Constantine sont montagneux et peuplés par des tribus « jalouses de leur indépendance » et ayant pour la plupart échappé à la domination ottomane. L’autorité française est déléguée auprès de Ben Aïssa dans toute la région à l’ouest de Bône, entre le massif de l’Edough et Jijel, tandis que la région de Ferdjioua est confiée à El Hamlaoui. La région au contact de l’émirat d’Abd el Kader, le pays des Beni Abbes ou Mokrani (qui signifie « les grands » en berbère) est quant à elle « confiée » à Ahmed el Mokrani, récemment déchu par son cousin Abdesselem, qui avait fait allégeance à l’émir Abd el Kader. La plus grande partie des territoires sous-administrés par des cheikhs se trouve au sud du beylik de Constantine. Elle échoit à Ben Gana, nommé cheikh el Arab, qui n’hésitera pas à combattre des tribus alliées à Abd el Kader. Toutes ces nominations ne signifient cependant pas la fidélité totale des tribus. Elles interviennent sur fond de conflits au sein même des grandes familles. Des révoltes éclatent dans les régions de Souk Ahras et de Aïn Beïda, à la suite des comportements jugés trop autoritaires des caïds ou cheikhs nommés par les khalifats (exploitation fiscale…). Les généraux Négrier et Galbois doivent intervenir militairement jusqu’en juillet 1838 contre les Zouagha, Harakta, Hanencha et Ameur Cheraga, procédant en même temps aux premières reconnaissances dans ces régions, dont la partie la plus montagneuse, désormais dénommée « Kabylie » par les Français, leur échappe encore. Le « pays kabile insoumis » est difficilement accessible. Mais l’accès par la mer à la Kabylie des Babors est réalisé avec l’occupation de Jijel (rebaptisé Djidjelli) le 13 mai 1839, après avoir déjà conquis le petit port de Rusicada (Skikda) le 8 octobre 1838. La région des hautes plaines de Sétif n’est quant à elle reconnue qu’en mai 1838, préparant l’expédition dite « des Portes de Fer ».

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146 Atlas historique de l’algérie

Avec la fin du beylik d’Ahmed Bey à l’est, l’émir Abd el Kader se retrouve seul face aux Français. Il doit administrer son émirat, avec plusieurs dissidences dans la région des Hauts Plateaux. C’est la confrérie d’Aïn Madhi qui lui refuse le titre de commandeur des croyants. Les cheikhs de la Tidjaniya de Aïn Madhi, école confrérique concurrente, résistent à l’émir, qui assiège la zaouïa en juin 1838. Le cheikh Tidjani se retire à Laghouat. L’influence de l’émir s’exerce bien au-delà du territoire délimité par le traité de la Tafna. De nombreuses tribus du centre lui ont prêté allégeance et reconnaissent son autorité dans le Hodna, le M’Zab, le djebel Amour et une partie du Sahara. De même, certaines régions du nord comme la Medjana (famille Mokrani), du sud de Béjaïa et une partie de la Kabylie (sud de Dellys) sont informés de son l’autorité de sa personnalité. Or le territoire de la région de Hamza (Bouira) se trouve contesté entre le territoire « français » et l’émir. Les tribus de la Medjana, qui commandent les Bibans, ou « Portes de Fer », ayant reconnu Abd el Kader, avec Abdesselem el Mokrani, l’émir considère cette région comme vassale. Si le roi de France (Louis-Philippe) ne souhaite pas reprendre la guerre contre l’émir, il autorise cependant une expédition pour reconnaître les communications entre Constantine et Alger.

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L’EXPÉDITION DES PORTES DE FER, OCTOBRE 1839 Afin de conférer un caractère prestigieux à cette expédition, le propre fils du roi, le duc d’Orléans, y participe. Pourtant, les régions concernées par l’expédition ne sont pas faciles à traverser pendant l’automne algérien. L’itinéraire de Constantine à Sétif, première partie de l’expédition des Portes de Fer, avait déjà été reconnu par une colonne française en 1838, qui y avait rencontré de grandes difficultés, les pluies d’automne et le paysage très accidenté constituant autant d’obstacles naturels. La région de Ferdjioua est cependant sous l’autorité de Bou Akkaz, le khalifa nommé par Valée, pour administrer les tribus locales. Son pouvoir s’étend sur une région fertile entre les monts du Zouagha et les hautes plaines des Abdenour au sud. La colonne française bénéficie des services de goums et de troupes de cavaliers indigènes, qui accompagnent l’expédition aussi loin que nécessaire, et relayée ensuite par les hommes d’Ahmed el Mokrani, cousin d’Abdessele, à partir de Sétif. Avant d’atteindre l’ancienne Sitifis, la colonne française doit passer par Djemila, où les reconnaissances précédentes (Galbois en 1838) avaient été quasiment assiégées par les tribus montagnardes des environs. Une garnison laissée sur place avait dû évacuer la place sécurisée par Bou Akkaz. Djemila avait été gardée comme point d’appui le long de l’itinéraire MilaSétif de par son site antique entourée de ravins, avec les ruines de Cuicul comme abri. À partir de l’expédition des Portes de Fer, à laquelle se sont joints plusieurs peintres et autres hommes de science, tous les sites antiques sont soigneusement répertoriés et dessinés. C’est à ce moment-là que le duc d’Orléans envisagea de faire transporter l’arc de triomphe romain de Djemila vers la France. Adolphe Delamare, capitaine d’artillerie accompagnant l’expédition, procéda quant à lui au dessin systématique de toutes les ruines antiques ou médiévales retrouvées dans la province de Constantine. Après avoir traversé l’oued Deheb, l’Ampsaga antique, la colonne expéditionnaire s’installe à Sétif, déjà occupée par une petite troupe. C’est à la suite de la reconnaissance Galbois qu’avait été installée une petite force francoalgérienne à l’intérieur de l’enceinte antique de Sétif. Les tribus du nord avaient attaqué la colonne sur la route de Sétif. Galbois avait décidé de maintenir une force à Sétif, position qu’il jugea alors particulièrement stratégique. La situation de Sétif, dominant les Hautes Plaines, et au seuil des premières

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montagnes de l’Atlas tellien, permet d’observer d’assez loin tous les mouvements aux alentours sauf ceux du nord, plus difficiles à déceler. En outre, la cité antique, dont l’enceinte est demeurée en assez bon état de conservation, permet une défense efficace, d’autant plus que la ville est pourvue d’importantes sources naturelles. C’est à Sétif que fut représentée une première rencontre formelle entre les Français et leurs alliés locaux, qui eut lieu vraisemblablement en mai 1839. Le tableau de Dauzats, improprement intitulé La Bataille de Sétif, illustre cet événement. Il s’agit plutôt de la rencontre avec les chefs indigènes nommés par le commandement français, avec, dans l’arrière-plan, la citadelle de Sétif occupée par la force indigène d’origine ottomane. Le rôle d’Ahmed el Mokrani apparaît à ce moment-là capital. Il représente la région de la Medjana et des Bibans, qui commandent le passage stratégique vers la région d’Alger. Bien qu’il ait rompu avec son cousin, allié de l’émir Abd el Kader, il est encore à la tête d’une troupe de cavaliers et connaît assurément le territoire restant à parcourir jusqu’aux Portes de Fer. Les tribus de la région des Hautes Plaines au sud de Sétif se trouvent assez divisées quant à l’adhésion à l’une des deux forces antagonistes. Certaines ont cependant reconnu Abdesselem, qui de fait, se pose en résistant contre les Français. Les tribus des monts du Hodna avaient fait le choix de l’émir Abd el Kader avec Abdesselem el Mokrani comme représentant local, exerçant une pression supplémentaire sur la garnison française de Sétif. Au commencement de la conquête, certaines tribus du sud de Sétif avaient été réprimées par Ahmed Bey, qui s’était efforcé de renforcer son beylik avec des caïds, liés à sa famille (parmi les Righa). Cette complexité des allégeances tribales allait faire le jeu de la stratégie française et faciliter le ralliement des chefs et autres caïds mécontents. Après le renforcement militaire à Sétif, la colonne française, en s’engageant à l’ouest, se trouvera harcelée par la cavalerie d’Abdesselem. Elle n’en continuera pas moins de poursuivre son itinéraire à travers les terres des Beni Abbes. C’est à Bordj Bou Arreridj, dans la plaine de la Medjana, que s’établit une garnison française appuyée par des éléments alliés. Les Français se contentent de prendre position le long de l’ancien itinéraire turc, depuis leur départ de Constantine, remplaçant les garnisons ottomanes démantelées. L’expédition atteint enfin le défilé des gorges des Bibans, si étroites que le passage s’effectue très progressivement. Cet épisode historique fut immortalisé par Adrien Dauzats dans plusieurs de ses tableaux. Il s’agit là d’illustrer un événement à caractère royal avec la présence du duc d’Orléans. C’est d’ailleurs principalement au musée des beaux-arts d’Orléans et au château de Versailles que seront conservées ces toiles, classées dans le thème de l’orientalisme, très en vogue à cette époque. Ayant saisi l’opportunité de reconnaître l’autorité française, Ahmed el Mokrani, en appuyant l’expédition des Portes de Fer, s’imposant définitivement dans la Medjana, ralliant ainsi le reste du clan familial. Les Beni Abbes, en contrôlant le défilé des Bibans depuis le XVIIe siècle, en avaient disposé adroitement pour leurs intérêts. L’armée du dey elle-même, quand elle ne faisait pas campagne contre eux, devait baisser ses drapeaux lorsqu’elle traversait ces Portes de Fer. Celles-ci

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L’expédition des Portes de Fer

ne cesseront de s’élargir (pour disparaître quasi complètement depuis la construction de la récente autoroute en 2014). Une fois l’étroite gorge franchie, l’armée royale rejoignit Hamza, ancien camp ottoman, sur le site de Bouira. Cette région se trouve contestée par l’émir, dont le domaine s’étend théoriquement jusqu’à l’oued Keddara. Les massifs kabyles échappant à l’émir, son influence pénétrait cependant la région entre Sour el Ghozlane et Bir Ghabalou. En traversant la région jusqu’à la Mitidja, la colonne française ne rencontre portant aucune hostilité. Mais cette action surprise de la France sera perçue comme un casus belli par l’émir, qui motive son entrée en guerre dans un courrier adressé à Valée le 3 novembre 1839, le lendemain de l’arrivée de la colonne à Alger. Le Passage des Portes de Fer, par Dauzat, 1839.

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LA DEUXIÈME GUERRE CONTRE L’ÉMIR ABD EL KADER Appuyé par les tribus hadjout et kabyles, l’émir attaque la Mitidja dès le 18 novembre 1839. Toutes les positions françaises sont assiégées, les cavaliers de l’émir atteignant même les abords d’Alger au niveau du jardin d’essai. Tous les villages et postes français du Sahel et de la Mitidja sont alors évacués, tandis que l’armée de Valée prépare la riposte pendant l’hiver 18391840. À partir de mars, les Français lancent une offensive sur Cherchell et sa région, et Médéa est réoccupée en mai. Partisan de l’occupation totale du pays, le maréchal Bugeaud prépare ses campagnes avec le souci de la mobilité des troupes contre un ennemi qui mène une guérilla contre les positions françaises. La première grande campagne de Bugeaud commence en mai 1841, après son débarquement à Mostaganem. S’appuyant sur un réseau de places fortes et sur les nombreuses tribus alliées de gré ou de force, l’armée de l’émir Abd el Kader ne peut cependant résister à la tactique de Bugeaud. Ce dernier dispose d’une armée nombreuse, bien entraînée et accompagnée de plusieurs corps indigènes, composés de redoutables guerriers. Le corps des zouaves (issus du recrutement chez les Zouaoua du Djurdjura) fut la première troupe locale, créée en 1831, qui se composera ensuite d’Européens (engagés parisiens notamment) et d’indigènes. Les bataillons de la Légion étrangère, constitués exclusivement d’étrangers, sont créés la même année à Alger puis basés à Sidi bel Abbes. Après avoir utilisé des forces auxiliaires de kouloughlis à Oran, Bône et Constantine, un nouveau corps de tirailleurs exclusivement composé d’indigènes, aussi appelés « turcos » est formé à partir de 1841. Une cavalerie indigène, les spahis (du persan sipahi, « cavalier »), est créée en 1842. Leur rôle consistait à protéger les abords des nouvelles villes coloniales. Ces Algériens constituent une force d’élite pendant les campagnes militaires contre l’émir et les régions insoumises. En outre, des goums issus des tribus hostiles à l’émir fourniront un appoint pour l’armée française. Les colonnes de Bugeaud et Baraguey d’Hilliers pénètrent au travers du massif de l’Ouarsenis, en se dirigeant directement vers les places fortes de l’émir Abd el Kader. Bugeaud atteint rapidement Tagdempt le 25 mai puis Mascara le 30. La prise de ces deux principales villes contraint l’émir à déplacer sa

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Atlas historique de l’algérie

smala, ou capitale nomade, le long des hauts plateaux. Toutes les tribus alliées à l’émir subissent des attaques ou razzias des forces françaises. Bugeaud veut contraindre par la force toutes les tribus tentées de soutenir l’émir. Avec l’occupation de Boghari (Ksar el Boukhari) et Taza, l’armée procède à l’encerclement progressif de l’Ouarsenis, massif très boisé (importantes forêts de cèdres notamment à Theniet el Had) et peuplé de nombreuses tribus, le plus souvent berbérophones. Cette région ayant offert un asile aux forces de l’émir, elle subit les premières razzias des Français, qui attaquent à partir de Miliana et Médéa, emplacement des deux premiers camps militaires du centre de l’Algérie (nom remplaçant désormais officiellement celui des anciennes possessions françaises d’Afrique depuis le 14 octobre 1839). Éloigné de ses villes du Tell, l’émir constitue cependant encore une menace pour la stabilité des nouvelles conquêtes. De même, les nombreuses tribus montagnardes n’ont pas désarmé face à la présence française. Ayant occupé les villes de l’émir, les colonnes françaises regagnent leurs positions initiales, Cherchell et Mostaganem. Les nouveaux camps militaires ont principalement été installés dans les plaines au sud d’Oran, comme à Sidi bel Abbes mais les régions du Dahra et de l’Ouarsenis restent indépendantes de fait. Ces régions ont la particularité d’abriter un nombre important de marabouts, dont les reliques d’un homme pieux qualifié de saint, autour duquel des cérémonies voire des pèlerinages (ziyara) avaient lieu régulièrement. Les confréries comme celle de la Derqaoua y jouent un rôle très important et, par leur audience auprès des populations, ont la capacité d’appeler à la guerre sainte. Bugeaud lance une nouvelle campagne au printemps 1842 pour soumettre définitivement ces montagnes rebelles. Mais auparavant, il réoccupe Tlemcen en février 1842 et entreprend d’écarter les menaces au sud de la ville, où les forces de l’émir se tiennent à l’affût. C’est ainsi que Sebdou, située en bordure d’une région montagneuse et boisée, est détruite le 9 février. Les colonnes françaises achèvent ensuite la conquête autour de Tlemcen en attaquant les tribus entre Nedroma et la Tafna. La région du djebel Trara, à la limite du royaume marocain, est soumise, achevant la pacification des territoires de Tlemcen, Oran et Mascara. C’est au nord de l’oued Chélif, que la partie majeure de la campagne française de 1842 se déroule, avec un caractère extrêmement répressif. Le 18 mai, le massif du Dahra se trouve encerclé par deux armées françaises, celle de Bugeaud à l’ouest et Changarnier à l’est. Avec ses 7 000 soldats et 2 000 auxiliaires indigènes, Bugeaud pénètre au cœur du massif pour écraser les irréductibles tribus Sbeah et Beni Zeroual tandis que les soldats de Saint-Arnaud dévastent la région entre Miliana et Cherchell. Les tribus Beni Menacer, Sindgès, Braz, Beni Nalasseur subissent massacres, pillages, viols… S’étant réfugiés dans les grottes, les Beni Zeroual sont exterminés sur ordre de Changarnier, qui les fait asphyxier en enfumant les issues. En septembre 1842, l’émir tente de reprendre pied dans la région du bas Chélif, dont les tribus s’étaient ralliées à Bugeaud. Ce dernier riposte à partir de l’hiver 1842, en menant campagne contre les tribus de l’Ouarsenis. Mais le champ d’action des colonnes françaises se trouve limité par l’absence de postes militaires au nord du massif. Est ainsi créé le poste stratégique d’El Asnam en 1843 (rebaptisé Orléansville en mai à la suite du décès du prince d’Orléans) sur la route Oran-Alger afin de contrôler la vallée du Chélif et

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La deuxième guerre contre l’émir Abd el Kader 153

constituer la base de départ des expéditions militaires dans les massifs du Dahra et de l’Ouarsenis, dont le sud voit la création des postes de Tiaret, Theniet el Had et Boghar. Toute la ligne des hautes plaines et plateaux se trouve sous le contrôle des forces françaises en 1843. Mais Bugeaud a bien l’intention d’en finir avec l’émir, dont la smala lui échappe encore. Constituée de 30 000 personnes, cette « ville volante » est composée de nombreuses tribus alliées de gré ou de force, constituant autant de cercles relationnels autour de la famille d’Abd el Kader. Les forces les plus fidèles forment le cœur de l’armée de l’émir, notamment la cavalerie des Hachem de Mascara, encadrant toute une administration fiscale et religieuse, avec la masse des femmes et enfants de la famille. Malgré cette charge nombreuse à protéger et à nourrir, l’émir a su déplacer sa smala au gré des menaces des colonnes françaises, qui s’efforcent de la retrouver dans l’immensité des Hauts Plateaux. Une chasse à la smala est organisée par Bugeaud à partir des postes de Boghar et Tiaret. C’est finalement le 14 mai 1843 à Taguin, que la smala sera surprise par la cavalerie française, appuyée par des tribus locales avides de butin. Mais l’émir, qui faisait campagne plus à l’ouest, leur échappe encore, et trouve finalement refuge dans la région d’Oujda, au Maroc voisin. Bénéficiant de la bienveillance du sultan chérifien, l’émir pense ouvrir un nouveau front dans une région où il est apprécié par les tribus. La France presse le sultan de cesser de soutenir l’émir. Bugeaud décide d’intervenir directement en territoire marocain, alors que l’émir mène des raids dans la région du Trara. Pénétrant dans la région d’Oujda, Bugeaud se retrouve à combattre l’armée de Si Mohammed, le fils du sultan venu défendre le royaume. Défait à la bataille de l’Isly (oued Isly) par Bugeaud, le sultan décide d’éloigner Abd el Kader hors du royaume. Une convention dite de Lalla Maghnia est signée le 18 mars 1845 entre le sultan chérifien et la France, fixant les nouvelles frontières jusqu’aux ksour de Figuig attribués au Maroc. L’émir reprend cependant ses raids dans la région du djebel Trara et au-delà, notamment dans la vallée de la Tafna, où les troupes de Montagnac sont anéanties le 24 septembre 1845. Cette bataille de Sidi Brahim et l’appel au djihad de Bou Ma’za dans le Dahra conduisent au rappel de Bugeaud et à la préparation d’une nouvelle campagne tout aussi dévastatrice que les précédentes. Sans aucune stratégie d’action commune avec Abd el Kader ou les Kabyles du bas Sebaou, Bou Ma’za entreprend d’attaquer directement Mostaganem. L’action des colonnes françaises est impitoyable contre les tribus insurgées. Les généraux Pélissier et Cavaignac font massacrer les populations Sbeah et Ouled Riah réfugiées dans les grottes, les Beni Snouss subissant un sort analogue. L’émir Abd el Kader et ses derniers fidèles s’étaient repliés dans la région semi-désertique de Figuig. Il était désormais devenu persona non grata pour le souverain marocain, sur lequel la pression française ne s’était pas relâchée. En 1847, l’émir trouve refuge auprès des tribus du Rif, dans la région de Taza, mais, harcelé par les forces chérifiennes, il ne peut plus s’y maintenir, ses alliés marocains se trouvant eux-mêmes exposés. L’émir finit donc par négocier sa reddition avec le général de Lamoricière. Le reste de ses hommes et sa famille se livrent à Djemaa el Ghazaouet, avant de prendre le chemin de l’exil, non vers l’Orient comme convenu initialement, mais en direction de Toulon, comme captifs.

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LES EXILS DE L’ÉMIR ABD EL KADER

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ébarqué à Toulon avec sa toute sa famille, l’émir se retrouve emprisonné environ un mois à fort Lamalgue, avant d’être transféré au château de Pau en février 1848. Avec l’arrivée au pouvoir de l’empereur Napoléon III, dont la politique algérienne se veut tournée vers les indigènes (le projet de « royaume arabe »), la famille de l’émir bénéficie d’un traitement plus digne, avec son hébergement au château d’Amboise, non loin de Paris, où il sera invité par l’empereur et d’autres milieux éclairés, rencontres immortalisées par plusieurs peintures. Ayant regagné sa liberté, l’émir Abd el Kader n’a pas abandonné son projet initial de partir pour l’Orient. L’Empire ottoman n’ayant toujours pas reconnu l’Algérie comme territoire français, mais comme un beylik occupé, Paris avait longtemps refusé tout départ de l’émir vers l’Empire ottoman. Comme les militaires d’Alger, tout déplacement des Algériens vers l’Orient musulman était susceptible de favoriser l’appel à la résistance contre la présence française en Algérie ou bien de créer des troubles à la frontière tunisienne. La requête de l’émir déchu finit par être accordée et c’est en 1852 qu’il se rend à Bursa (Brousse), puis à Damas en 1855, une des cités symboles de la résistance aux croisés. L’intervention de l’émir en faveur des chrétiens, menacés du massacre par les Druzes, une des minorités religieuses du pays, augmenta le prestige du cheikh algérien dans la région du Cham. L’émir se rendit une nouvelle fois au pèlerinage dans les lieux saints de l’islam, qu’il avait découverts la première fois à 17 ans, en accompagnant son père. C’est autour de la famille de l’émir que se développa une communauté algérienne en exil dans le pays du Cham et dans toute la région, terre qui allait accueillir encore de nombreux exilés (muhajiruns) pendant la période coloniale.

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CONQUÊTE DU BEYLIK DE L’EST Avec la nomination de plusieurs khalifats autour de Constantine, le commandement français prépare la conquête de l’ancien beylik avec l’appui de goums indigènes. Les régions au sud de la province ne sont pas d’un accès aisé, avec le massif des Aurès, du Belezma et du Hodna, autant d’obstacles naturels peuplés de tribus berbères. En 1844, le duc d’Aumale commande une expédition jusqu’à Biskra et occupe les oasis des Ziban. Dans les montagnes et hautes plaines de l’est, les chefs militaires français entendent bien jouer sur la rivalité entre certaines grandes tribus, comme entre les Nememcha et les Hanencha. C’est à partir des années 1844-1846 que les premières colonnes françaises s’avancent à travers les hautes plaines d’Aïn Beïda, en direction de Tébessa, ainsi que le long de la vallée entre le Belezma et les Aurès. Plusieurs camps sont établis comme Batna. Canrobert se charge de parcourir l’ouest du Belezma, puis se dirige vers la région du Hodna qui avait rallié l’émir Abd el Kader. Ses colonnes attaquent à l’intérieur du massif des Aurès en janvier 1850, sans rencontrer de résistance organisée, sauf dans la vallée de l’oued Abdi, où des tribus sont durement frappées. Le colonel Daumas entreprend quant à lui une expédition en direction de l’oasis de Bou Saada, dans la région des Ouled Naïl, qui avaient précédemment reconnu l’autorité de l’émir. Plus au nord, les tribus des monts du Hodna subissent plusieurs campagnes à partir du camp de Sétif. L’armée française s’emploie à soumettre successivement les tribus qui sont contraintes à verser un impôt, voire à participer à certaines campagnes, reprenant une stratégie utilisée par les beys pendant la domination ottomane. Bou Ziane, chef religieux des Ziban, déclenche un mouvement de rébellion à l’encontre de l’administration militaire française, qui procédait à la levée d’un impôt sur les palmiers. En tentant de l’arrêter le 17 juillet 1849, l’armée provoque une insurrection de toute la région des Ziban, jusqu’aux Aurès. Attendant la fin de l’été, le général Herbillon mobilise alors une armée de 4 000 soldats pour réduire l’oasis de Zaatcha, fief de la résistance. La première attaque du 20 octobre est un échec, car l’armée s’est heurtée à de solides fortifications dans le dédale de la palmeraie. Le 28 octobre, ce sont trois colonnes qui encerclent le ksar de Zaatcha. La bataille est extrêmement violente, avec 150 soldats français ou alliés tués ou blessés. La population (estimée à 800 personnes) est quant à elle entièrement massacrée, et la palmeraie rasée.

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ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE L’ALGÉRIE EN 1845 Les autorités militaires françaises reprennent globalement le découpage régional de la régence en instituant trois provinces (ordonnance royale du 15 avril 1845) : Oran, Alger et Constantine, elles-mêmes divisées en trois types de territoire. Le premier est de caractère civil, regroupant tous les territoires des villes occupées par les Français avec leurs faubourgs, où vit une population européenne relativement importante. C’est le cas de toutes les villes du littoral et des grandes villes de l’intérieur sauf pour certaines, qui dépendent d’une administration mixte, du fait d’une population indigène conséquente et vivant dans sa banlieue immédiate, comme à Constantine, Sétif, Jijel, Bougie, Dellys, Médéa, Miliana, Mascara et Orléansville. Mais la majeure partie de l’Algérie consiste en un territoire sous juridiction militaire, où vit une population exclusivement indigène. Cette dernière catégorie est également désignée sous le nom de « territoires arabes », en attendant de préciser une géographie en plein processus d’élaboration depuis Paris (dans le service géographique de l’armée). En outre, ces territoires sont gérés localement par des « bureaux arabes », chargés de s’informer sur les tribus, avec lesquelles ils entretiennent des relations étroites, par le moyen de traducteurs. Ces bureaux ont pour mission de maintenir la sécurité des postes militaires et des voies de communication en s’assurant de la stabilité des tribus, qu’ils répertorient et dont les chefs ou cheikhs sont leurs interlocuteurs directs. Dans les régions peuplées d’Européens, les bureaux arabes cherchent à établir le plus souvent un relatif équilibre dans la question des plans d’extension de la colonisation, d’où l’existence de certaines tensions avec les milieux civils.

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COLONISATION EUROPÉENNE

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mmédiatement après la conquête d’Alger, des essais de colonisation furent entrepris autour d’Alger, en vue d’établir un système défensif sur les hauteurs, comme à Kouba, site qui domine la plaine de l’oued el Harrach. Avant d’attirer les milieux d’affaires européens, l’arrière-pays d’Alger, que les Français désigneront sous le nom de « Sahel », fut l’objet d’acquisitions et de spéculations de toute nature pendant une dizaine d’années de 1832 à 1842. Les terres ayant fait partie du domaine beylik furent les premières à se trouver rapidement livrées aux Européens. La plaine de la Mitidja, encore peu sûre, attira tout de même quelques tentatives d’installation. La première d’entre elles fut la Ferme expérimentale d’Afrique, qui fut construite au bord même de l’oued el Harrach (site du village colonial de Maison-Carrée). Mais l’environnement naturel était particulièrement facteur de maladies pour la population européenne. De nombreuses

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victimes européennes succomberont dans la plaine de la Mitidja, une terre prometteuse riche en alluvions, mais entrecoupée de nombreux marécages. À partir de 1842 s’organise véritablement une colonisation officielle, à l’initiative du maréchal Bugeaud, promoteur du « soldat-laboureur ». Sa politique d’occupation totale de l’Algérie, à l’issue de la deuxième guerre contre l’émir Abd el Kader, comprend la mise en coupe réglée du Plan de la ferme de Kouba, 1832. pays utile, et en premier lieu du domaine beylik, dont l’autorité a échu directement à la France, ainsi que de toutes les terres des tribus hostiles, notamment celles de la Mitidja et de la plaine d’Oran. De même, l’arrière-pays bônois et la plaine de la nouvelle Philippeville (Skikda) sont les premières régions colonisées. Des pionniers européens s’y établissent, protégés par la proximité immédiate des villes de garnison françaises. Ces premiers colons n’accèdent cependant que difficilement à la réussite espérée ou garantie par les agents commerciaux qui sillonnent l’Europe occidentale pour recruter des candidats à l’émigration outre-mer. Dans ces années 1840, les flux de migrants européens choisissent principalement les Amériques. Dans la région d’Alger, c’est le Sahel (arrière-pays d’Alger) qui intéresse principalement les Européens. À partir de 1841, les villages de Draria, El Achour, Saoula, Chéragas et Aïn Benian sont construits sur des terres en général retirées du domaine beylikal. Avec la fondation de ces villages de colonisation dans la Mitidja, comme à Fondouk (1843), Souma (1845), Chiffa et Mouzaïa en 1846, une nouvelle étape est franchie, bien qu’encore hésitante. Car la mortalité reste élevée dans la Mitidja, où sévit le paludisme et autres maladies favorisées par la stagnation des eaux. La nouvelle province d’Oran attire quant à elle de nombreuses nationalités (Allemands, Espagnols…) dans les premiers villages proches d’Oran, Arzew et Mostaganem. Les projets d’extension de la colonisation se développent très rapidement à partir des années 1848, avec l’organisation de nombreux départs depuis la France. En 1847, 110 000 Européens vivent déjà en Algérie, dont moins de 50 000 Français. Les territoires civils voient leur population européenne augmenter sensiblement, notamment avec l’arrivée d’ouvriers parisiens invités à quitter la France, suite aux troubles de juin 1848. La répression de l’insurrection populaire à Paris par Cavaignac (qui avait également écrasé les tribus du Dahra) a provoqué la Affiche datant de 1848.

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La colonisation européenne 163

déportation de centaines de prisonniers vers le pénitencier de Lambèse ainsi que la mise à disposition de terres quasi gratuites pour 12 000 ouvriers parisiens, dans le cadre de mesures d’éloignement des militants et personnes considérées comme agitateurs. C’est sur fond de crise économique en France que Napoléon III arrive au pouvoir. Favorable aux milieux financiers et industriels, il développe une forme encore plus étendue de colonisation en Algérie, rattachée administrativement à la France depuis la chute de Louis-Philippe et la Plan du centre d’Ain Taftikia. naissance de la IIIe République. C’est avec la participation de grandes sociétés dites capitalistes, françaises et étrangères, que l’empereur compte relancer la colonisation officielle. À partir des années 1850, ces grandes sociétés bénéficient de l’appui de Paris pour engager des projets ambitieux de colonisation, principalement dans les régions d’Arzew-Mostaganem et de Sétif. Parmi elles, la Compagnie genevoise de Sétif, qui est issue de capitaux suisses, dispose en 1853 de 20 000 hectares dans la région des riches plaines céréalières de Sétif, afin d’y installer des colons suisses ou savoyards. Censée contribuer au développement du peuplement européen, la société ne parviendra cependant pas à remplir ses fermes, qui seront essentiellement louées à des paysans indigènes. La Société de l’Habra et de la Macta, nom associé aux marais et rivières de la région au sud-est d’Arzew, sera créée en 1864, toujours à l’initiative de capitaux privés. Son programme colonial reposait sur un plan de développement d’une région à assécher en construisant un barrage et tout un réseau d’irrigation. Les 24 100 hectares dont cette société a disposé n’ont pas attiré de colons européens, qui ont laissé ces terres aux indigènes. En 1868, la Société générale algérienne (deveÉglise Saint-Arnaud. nue Compagnie algérienne en 1878) obtient quant à elle 100 000 hectares pour développer la colonisation dans les trois départements algériens, surtout dans le Constantinois, où elle enlève 89 500 hectares. Elle conquiert plus de 6 000 hectares autour de Médéa, Miliana et Orléansville, 4 500 hectares vers Tlemcen et Relizane. Elle aura créé 5 villages et 20 fermes en 1878 et planté 90 000 arbres dont 70 000 eucalyptus.

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164 Atlas historique de l’algérie

À partir de 1863, les terres consacrées à la colonisation officielle ont vu leur patrimoine augmenter, suite à la mise en place d’un processus administratif complexe voulu par Napoléon III : le sénatus-consulte sur la propriété indigène. L’empereur avait émis la préoccupation que l’on protège les terres indigènes en délimitant les territoires respectifs de chaque tribu. Dans le même temps, toutes les terres en surplus du découpage seraient allouées au bénéfice de la colonisation officielle. Le processus de délimitation des territoires de tribus en douars permit de dégager plus d’un million d’hectares. Les tribus se sont progressivement retrouvées encadrées dans un espace géographique délimité, le plus souvent de manière aléatoire, car reposant sur des questions de commodité administrative. Pourtant, l’esprit qui gouverna cette mesure du sénatus-consulte était assez clair, déclarant que : les tribus sont propriétaires des terres dont elles ont jouissance permanente et traditionnelle. En fait, cette nouvelle étape dans le processus de privatisation des terres indigènes (d’abord collectivement) faisait suite à tout un arsenal juridique (D. Sari) utilisé dès les premières années de la conquête. Après les premières confiscations du domaine ottoman, ce furent les biens habous, ou biens des fondations pieuses (dont faisait partie le patrimoine légué aux deux saintes mosquées de Médine et La Mecque) qui furent traités comme prises de guerre. Bugeaud, dans sa guerre de conquête, avait créé le séquestre collectif pour frapper les terres jugées trop mobiles pour être irréprochables. Amendes collectives et séquestration de terres frappaient toutes les tribus qui avaient résisté par les armes. Centre de Sétif, carte postale. Quant à l’expropriation légale, elle consistait à éloigner des grandes villes certaines populations indigènes dont les terres gênaient l’agrandissement. Ainsi, nombreuses d’entres elles furent contraintes à se déplacer vers d’autres terres données par l’administration à titre de compensation. Ce processus d’acquisition provoquait une dispersion complexe de ces populations. C’est ainsi que l’on peut comprendre comment la colonisation a pu disposer d’autant de terres pour son développement. La guerre de conquête et l’entrée dans une forme d’économie capitaliste étaient la cause principale des acquisitions foncières coloniales. Mais les conséquences de l’insurrection de 1871 et la mise sous séquestre de 2 639 600 hectares de terres indigènes provoquèrent une catastrophe économique pour les populations impactées et une aubaine pour la colonisation. Dans certaines régions où dominait la culture céréalière, les propriétaires européens ne disposaient pas de ressources toujours garanties. L’augmentation substantielle de terres restait donc le mode d’acquisition le plus pratique pour accroître leurs revenus. Quant à la masse de la population indigène, comme dans d’autres sociétés rurales, elle subissait une précarité alimentaire, aggravée par les sécheresses et les cycles révoltes-répression.

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La colonisation européenne 165

Les mesures de répression économique qui dépossédèrent des milliers d’Algériens provoquèrent d’importants déplacements de population. Ainsi, des tribus de la riche Medjana se trouveront déplacées vers le Hodna. Le nouveau gouvernement républicain décida de réserver une partie des terres confisquées au profit d’émigrants alsaciens-lorrains. 3 000 d’entre eux débarquèrent en 1873. Ils s’installèrent dans les 7 000 hectares pris sur les tribus autour de Tizi Ouzou, où plusieurs villages furent créés, dont Haussonvilliers (Naciria) et Camp-du-Maréchal (Tadmaït). Ailleurs, les nouveaux villages de colonisation d’Oued Fodda, Strasbourg, Rouffach, La Robertsau les accueillirent. Les colons profitèrent de la nouvelle politique de Gueydon pour réclamer la fin de la propriété indigène. Il s’agissait de mettre sur le marché des terres à caractère collectif jusqu’alors inaliénables. En 1873, la loi Warnier donna rapidement satisfaction aux colons. Elle permit de placer toutes les terres indigènes sous la législation française, en mettant fin à l’indivis. 309 891 hectares (biens d’origine beylik ou vacants) furent saisis par les domaines. De 1871 à 1881, la colonisation prend un essor considérable. 197 centres sont créés entre 1871 et 1878, notamment dans les régions de la vallée du Chélif, autour de Mascara et Sidi bel Abbes, ainsi que dans la région de Médéa et Aumale (Sour el Ghozlane). Dans le Constantinois, le nord de Sétif est colonisé sur les terres confisquées en 1871, comme autour de Batna. Dans les années 1880, la colonisation commence à saturer. Pourtant, des projets d’expropriations massives sont encore proposés au gouvernement. Des concessions gratuites de 30 000 hectares sont offertes entre 1885 et 1886 dans le Constantinois, tandis que d’importantes terres des domaines sont vendues aux enchères. Des régions, jusque-là très peu colonisées comme la Kabylie, accueillent de nouvelles implantations, de même dans les zones propices au vignoble et sur les coteaux du massif du Zaccar et de l’Ouarsenis ainsi que la plaine d’Arib (Vialar, actuel Tissemsilt). Mais la colonisation officielle s’essouffle dans les années 1882-1901. Les années 1883 voient s’accentuer la pression sur les populations forestières, soupçonnées de provoquer des incendies. Amendes et séquestre collectif ne cessent de les frapper à la suite des nombreux incendies de 1881 et jusqu’à la mise en place du code forestier en 1885, limitant encore davantage l’accès des populations indigènes aux forêts. Quelques villages sont encore fondés dans la vallée de la Mina, sur la plaine littorale d’Oran et le plateau de Sidi bel Abbes. Les zones montagneuses sont habitées par des colons dans le Dahra et le massif côtier de Bône. Les derniers villages sont fondés dans les années 1891-1900 sous l’administration Trézel dans le djebel Amour et à la frontière marocaine (Turenne). Les ressources au sud des hautes plaines sétifiennes permettent de fonder Colbert (Aïn Oulmene) et Ampère (Aïn Azel), tandis qu’au sud de l’Atlas central étaient créés Bourbaki (Khemisti) et Letourneux. À partir de ces années, les indigènes commencent à racheter des terres aux colons, notamment dans le Constantinois, sur fond de décroissance de la colonisation européenne. En outre, on assiste à la concentration de la propriété, grâce au développement des cultures intensives liées à l’exportation comme le vignoble et les agrumes.

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ALGER

TRANSFORMÉE PAR LA COLONISATION Rattachée depuis 1529 aux îlots du Peñón espagnol qui la contraint à payer un tribut jusqu’à l’arrivée de Khayr al Din, la ville d’el Djazaïr (Alger ottoman) a depuis résisté à de nombreuses attaques européennes, protégée par un site naturel exceptionnel. Avec sa forme triangulaire, la ville « turque » s’étend sur le site médiéval de Djazaïr Beni Mezrana, lui-même dissimulant l’antique Icosium. Descendant graduellement sur la mer, le site d’el Djazaïr formait une sorte d’escalier très densément construit. Dominant la ville et ses alentours, la forteresse principale, la casbah, ferme l’angle ouest de la muraille triangulaire, elle-même entourée de plusieurs grands forts. Ces bordjs (fortins) de Bab Azzoun au sud et Ezzoubia et Fort des 24 heures au nord ont été la cible constante des attaques maritimes européennes contre Alger depuis le XVIe siècle. Quant au fort du Sultan Kalasi à l’ouest (Fort l’Empereur), sa chute a précédé la reddition de la ville et marqué la fin de la résistance des forts d’Alger, qui ouvrit ses six portes aux Français. Quand le corps expéditionnaire français s’empare d’Alger le 5 juillet 1830, il entre dans une cité restée inviolée pendant trois cent douze ans. De Bourmont a permis à l’armée de se répandre dans la ville sans porter atteinte aux biens de la population, conformément à la convention du 5 juillet signée avec le dey Hussein. Mais l’armée de son successeur Clauzel s’empressera de réquisitionner de nombreux édifices « publics » pour y héberger ses soldats et entreposer son ravitaillement. Plusieurs zaouïas et mosquées sont occupées, dont la Masjid el Kebir (Grande Mosquée). De nombreuses résidences privées sont également accaparées par des officiers français tandis que le commandement s’installe dans le palais de la Djenina et la casbah, dont le nom a par la suite été appliqué à toute la ville « indigène ». La confusion créée par l’entrée des troupes françaises dans Alger a cependant provoqué la fuite de milliers d’habitants vers l’intérieur du pays mais aussi hors de la régence, en direction des villes ottomanes d’Orient. Alger, qui comptait 60 000 habitants en 1830, voit s’exiler la plupart des grandes familles aisées, suivant le dey et sa cour dans son exil oriental. Pendant que les hésitations du gouvernement français laissent le sort de la régence d’Alger en suspens, les militaires continuent de démolir un certain

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Atlas historique de l’algérie

nombre de constructions ottomanes sous le commandement de Rovigo qui fait disparaître plusieurs mosquées parmi la centaine que compte la cité. Avec les gouverneurs Clauzel et Rovigo, les premiers réaménagements de la ville « turque » sont entrepris pour répondre aux « nécessités » militaires. À partir d’avril 1831, une place Louis-Philippe remplace le vieux centre de la cité ottomane. Cette place d’armes est choisie comme point central, dans une ville que l’armée souhaite contrôler en s’installant sur un site entouré des principaux édifices précoloniaux (grandes mosquées et palais de la Djenina). L’armée cherche dans le même temps à libérer des espaces où elle puisse manœuvrer en cas d’intervention contre des troubles. La ville ottomane restant encore difficilement pénétrable, des travaux de « percement » de rues à travers la « ville basse » sont effectués, afin de permettre la circulation entre les portes Bab Azzoun et Bab el Oued. Après une première confiscation en 1832 pour servir d’église, la mosquée Ketchaoua transformée en cathédrale. Les nouvelles rues de la Marine, de Bab Azzoun et de Bab el Oued sont achevées en 1839, convergeant toutes en direction de la place Louis-Philippe (place du Gouvernement à partir de 1870). À partir de 1840, les autorités militaires, qui ont désormais pour mission de conquérir le reste de la régence (la politique « d’occupation totale » l’ayant emporté), envisagent de nouveaux travaux au-delà des limites de la ville ottomane. Jusque-là, le génie militaire français s’était contenté de « dégager » des espaces de circulation. À partir de 1840, une stratégie de contrôle militaire à long terme se met en place, avec la construction d’une enceinte fortifiée au-delà des murailles et des fossés de l’époque ottomane. Achevée vers 1845, l’enceinte « bastionnée » s’étend au-delà des faubourgs de Bab el Oued au nord et de Bab Azzoun au sud. Entretemps, en 1843, un plan d’aménagement d’Alger est établi, incluant de nouveaux espaces à urbaniser. Ce « plan directeur » reste cependant limité par la « forte empreinte militaire » de la ville (CRESTI, F, Université de Catane). Mais le génie militaire français se trouve confronté aux nombreux obstacles naturels qui enserrent la ville, limitée par une étroite bande côtière à l’est. N’excluant pas une opération anglaise contre Alger, le commandement français fortifie la façade maritime de la ville entre 1840 et 1850, alors qu’une rue du Rempart est dégagée en 1849, le long de la falaise qui surplombe la mer de 15 m de haut. À proximité de l’ancienne porte de Bab Azzoun, une nouvelle place est aménagée en 1850. C’est la place du square Bresson (Port Saïd), rebaptisée square de la République après 1870. Avec ses éléments coloniaux (théâtre, grands cafés, cercle militaire…), cette place se présente comme plus européenne que la place du Gouvernement, entourée par ses deux mosquées. Ce nouvel espace public déplace un peu plus vers lui le centre d’attraction de la ville, qui voit affluer les immigrés européens. Bien que ces derniers soient déjà présents depuis la prise d’Alger, ils ont surtout été conviés à habiter les premiers villages de colonisation autour de la ville. Mais l’insécurité et les maladies poussent la population « civile » à s’installer en ville. L’occupation de la ville ottomane a par ailleurs suscité une « ruée » vers l’achat d’habitations en ville et dans le Sahel d’Alger, souvent à des prix très attractifs. Avec la création de nouveaux quartiers « civils », une nouvelle Alger « européenne » se dessine dans les années 1845, notamment vers la partie sud, de Bab Azzoun jusqu’aux remparts et sa porte de Constantine. Les cimetières musulmans qui se trouvaient au-delà des murs de la casbah, au niveau des rampes Rovigo (rues Patrice-Lumumba et Debbih-Cherif actuelles) furent rasés. Au-delà du fort

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Alger transformée par la colonisation

de Bab Azzoun, le génie militaire prépare dès 1846 un plan d’aménagement des quartiers de l’Agha et de Mustapha, dont le développement ira de pair avec l’extension des espaces portuaires. Le port d’Alger sera étendu jusqu’au quartier de l’Agha dans les années 1898-1904. Afin de « gagner » des terrains sur la mer, le plan d’aménagement d’Alger prévoit en 1848-1849 la construction de nouveaux quais avec des remblais et terre-pleins pour « remplir » l’espace entre la rue du Rempart et la mer. Des escaliers et rampes doivent permettre d’accéder aux nouveaux quais tandis qu’un grand boulevard maritime prend place sur les hauteurs. Construit entre 1860 et 1864, le nouveau « boulevard panoramique » est baptisé boulevard de l’Impératrice, après la visite de l’empereur Napoléon III à Alger. La structure qui soutient le boulevard est aménagée en magasins situés sous les voûtes. C’est une société anglaise dirigée par Morton Peto (construction du palais de Westminster, statue de Nelson à Trafalgar Square) qui finança les coûteux travaux, obtenant ainsi la concession des magasins. Les années du gouvernement de Napoléon III sont marquées par le percement de la rue de la Lyre. C’est l’époque pendant laquelle le baron Hausmann réaménage Paris, avec ce souci de rationaliser l’espace urbain, sur fond de développement économique de la France et d’entente avec le Royaume-Uni. C’est en direction du fort des Anglais, au-delà de la porte de Bab el Oued, que les Français réaménagent le bordj Ezzoubia (Fort Neuf) tandis qu’un arsenal est construit sur le site du bordj Sitti Takelilet (Fort des 24 heures). Traversé par un grand ravin aux pentes abruptes, ce faubourg de Bab el Oued sera surtout aménagé à l’extérieur des nouveaux remparts, après la grande esplanade qui abritait l’arsenal et le lycée Bugeaud (1868), à proximité du jardin Marengo. À l’ouest de la ville ottomane, un grand quartier militaire est construit sur le site des écuries du Dey, dominant la ville et la vallée du Frais Vallon. Avec le lancement des premiers travaux du chemin de fer en 1862 (ligne Alger-Oran), le port d’Alger continue à s’étendre vers le sud, participant au développement des quartiers de l’Agha et de Mustapha (inférieur), où les militaires ont déplacé leur champ de manœuvre et la caserne d’artillerie. Les quartiers relativement plats de Mustapha inférieur et Belcourt accueillent une petite industrie qui marque la limite sud de l’urbanisation d’Alger vers 1900. Le faubourg de Bab el Oued devient quant à lui progressivement un véritable quartier, au-delà duquel le relief plus tourmenté impose des limites à l’extension d’Alger vers le nord. Après la Première Guerre mondiale, les espaces à l’ouest de la ville, moins faciles à aménager, finissent par être agglomérés dans le contexte d’un important exode rural des populations « indigènes » qui s’installent surtout au sud d’Alger. Pendant que se dessine la ville coloniale, la vieille casbah est malgré tout restée un îlot « arabe » dans une Alger européanisée. À partir des années 1930, les « indigènes » algériens sont bien plus nombreux autour de la ville, avant que l’indépendance ne leur ouvre les portes du centre européen.

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CONQUÊTE DES MONTAGNES DE KABYLIE Dès le XVIIe siècle était apparu sur certaines cartes européennes le nom de « Kabilie » ou de « Pays des Cabaïles » (notamment la carte des « Pays des Cabaïles et Salé » de Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville) pour nommer les territoires correspondant à la chaîne de montagnes du Djurdjura jusqu’à la presqu’île d’El Qoll, ou englobant les tribus situées entre l’oued Boudouaou et Rusicada. Mais généralement, seuls les domaines des tribus Kouko et Beni Abbes figuraient à l’emplacement de la Kabylie actuelle sur les cartes de la régence ou des États barbaresques du XVIe au XVIIIe siècle. Ce pays des tribus (bilad al qabaïles) est très divers, tant géographiquement que linguistiquement. Ces territoires regroupent des populations essentiellement berbérophones, mais aussi arabophones, comme dans les régions ensuite dénommées pendant la conquête « Petite Kabylie » et « Kabylie de Collo ». De même, les cités du littoral kabyle, comme Bougie et Jijel se trouvent différenciées par leur longue influence ottomane et plus généralement méditerranéenne. Ainsi, le terme de « Kabylie » fut finalement employé par les généraux français pour désigner l’ensemble des régions montagneuses peuplées par des tribus regroupées en djemaa, ou assemblées traditionnelles, et berbérophones pour la plupart avec de nombreuses nuances, notamment dans les régions de contact, au nord de Sétif, à l’est des monts Babors et dans la région de Draa el Mizan-Palestro. Les régions dénommées « Kabylie » se sont trouvées divisées par les autorités militaires françaises en deux parties distinctes géographiquement : la Grande Kabylie, correspondant à la chaîne de montagnes du Djurdjura jusqu’à la mer Méditerranée et limitée par la Soummam à l’est, et la Petite Kabylie avec les monts Babors. Quant au vocable de « kabyle », transformé en terme générique, il finit par désigner tout habitant d’Algérie locuteur de la langue berbère, c’est-à-dire un des nombreux dialectes du tamazight, excluant cependant les populations du Sahara. Issus des écoles de l’anthropologie française du début du XXe siècle, les classements des populations dans les régions explorées de l’Algérie conquise devaient, tout comme dans le reste de l’Afrique, peser durablement sur les rapports socio-identitaires entre

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172 Atlas historique de l’algérie

Algériens et Français, mais également entre populations indigènes ellesmêmes. Les tribus de ces territoires kabyles avaient entretenu des rapports assez complexes avec les autorités ottomanes avant la conquête, avec des statuts très différenciés. Certaines combattaient avec les troupes du dey et avaient contribué à la résistance en 1830, tandis que d’autres fournissaient des soldats à l’armée française (Zouaoua). Mais la grande majorité des tribus de Kabylie vivait assez repliée sur sa région, sinon sur ses crêtes défensives. Les rapports entre les villages étant loin d’être harmonieux, car une des caractéristiques décrites par les officiers français à leur sujet était bien l’indépendance de la tribu et sa propension à utiliser les armes pour défendre ses intérêts, sinon son honneur. Le pays reste encore « insoumis », au moment où l’émir Abd el Kader déclenche son attaque sur la Mitidja en 1839. Certaines tribus, comme celles du Sebaou avaient soutenu l’émir, tandis que dans la région de Sétif, d’autres tribus menaçaient de couper l’itinéraire français jusqu’à Mila. Bien que ces tribus n’aient pas toutes déclaré leur alliance avec l’émir, elles supportaient mal la présence française aux portes de leurs montagnes. Avec les premières reconnaissances au nord de Sétif en 1842 et 1846, les généraux français mesuraient les difficultés à venir pour soumettre la région. Difficile d’accès, les monts des Babors constituaient un obstacle majeur aux communications avec le littoral. Les nouvelles conditions économiques liées à la colonisation dans la région des Hautes Plaines (nombreuses terres beyliks récupérées par les Français) décidèrent les autorités militaires à entreprendre la construction d’une route sûre jusqu’à Bougie. La route traditionnelle traversait une région dominée par des tribus décrites comme assez farouches, suivant un itinéraire dit « des crêtes ». En 1847 et 1849, deux expéditions importantes furent lancées à travers le Guergour, en relation avec d’autres colonnes parties de Béjaïa et de Bouira. En 1850, une nouvelle offensive se heurta à une vive résistance de la part des Beni Himmel. Avec la mort du général de Barral dans cette campagne militaire, le haut commandement de l’armée prépara le déploiement de forces considérables pour réduire ces tribus. Au-delà de la Mitidja, le général Bugeaud avait entrepris de soumettre les tribus qui avaient soutenu l’émir pendant la deuxième guerre. Fin 1845, les tribus Sebaou, du cercle de Dellys, furent attaquées, préparant l’installation de camps en bordure des massifs de Grande Kabylie. Dellys, Bordj Menaïel et Bouira formaient la limite des zones sous contrôle français, l’intérieur restant insoumis. Cependant, avec le soulèvement de Bou Baghla en 1851, les premières grandes campagnes militaires furent lancées dans le massif du Djurdjura. Proclamé chérif dans la région, Bou Baghla étendit son mouvement sur les Guechtoula, les Maatkas, Beni Aïssi et surtout les Flissa. Le commandement français lança une nouvelle offensive dans la vallée de la Soummam et détruit quelque 300 villages autour d’Ouzellaguen. Dans la région de Draa el Mizan, les généraux Bourbaki et Pélissier attaquèrent les Flissa et Maaktas en août et novembre 1851. Les généraux Saint-Arnaud et Pélissier pénètrent dans la région des Babors à partir de l’été 1851. Cette région montagneuse, où le couvert forestier est très important, n’avait jamais été explorée. Elle abrite des tribus berbérophones et arabophones ayant été pratiquement indépendantes pendant

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La conquête des montagnes de Kabylie 173

la domination ottomane. C’est à partir de Jijel et Mila que les colonnes françaises avancent au cœur des Zouaghas, qui n’avaient pas reconnu les cheikhs nommés par la France. Précédemment, seules quelques reconnaissances avaient été entreprises dans la région en 1848-1849, mais sans s’aventurer plus loin. La presqu’île d’el Qoll (Collo) est parcourue en 1852, mais la soumission des tribus locales sera longue et nécessitera encore plusieurs expéditions militaires. L’année 1852 correspond à la prise de pouvoir par Napoléon III, et la nomination du maréchal Randon comme gouverneur de l’Algérie, qui relance le projet de campagnes militaires de grande ampleur pour conquérir définitivement les régions de Kabylie. C’est dans la région au nord de Sétif que la première phase des grandes campagnes se déroule en 1853. Le projet d’une nouvelle route entre Sétif et Bougie ainsi que la résistance des tribus des Babors ont rendu inéluctable une grande opération militaire. Les généraux Mac-Mahon et Bosquet commandent les colonnes qui pénètrent au cœur des massifs. Les djebels Takintouch, Babors, Tababort, Tamesguida, qui forment la grande arête de la Kabylie des Babors, sont tous conquis en 1853. Trois ans plus tard, le poste militaire de Takitount est créé dans le territoire des Amoucha, pour sécuriser la nouvelle route de Bougie. Achevée seulement en 1878, la route de Sétif à Bougie, qui longe en partie les gorges de l’oued Agrioun, aura nécessité quinze ans de travaux. En mai-juin 1854, après la révolte des tribus kabyles contre l’agha du Sebaou (nommé par les militaires français), la région montagneuse comprise entre Dellys et Bougie est investie par les colonnes du général Camou. Ce dernier pousse ensuite jusqu’aux Aït Yahia, aux environs du futur village de Michelet. À ce moment-là, un noyau de tribus entre Tizi Ouzou et le Djurdjura reste toujours insoumis, leur sort se trouvant retardé par la guerre de Crimée. Entre 1854 et 1856, le meilleur des effectifs militaires français se trouve détourné en partie du théâtre algérien. Mais la campagne finale de réduction des derniers foyers de résistance dans la Kabylie du Djurdjura est prévue pour 1857. Les populations de la région avaient été préparées à cette confrontation inéluctable avec l’envahisseur français. Depuis une dizaine d’années, la conquête de leurs villages par les « Roumis » était attendue avec un fervent esprit de résistance, entretenu par les nombreuses zaouïas, dont celle de Sidi Mohammed Abderahman bou Qobrin.

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LA

CONQUÊTE DES DERNIÈRES CRÊTES DE KABYLIE

L

e matin du 24 mai 1857, trois colonnes françaises avancent depuis leur camp de Tizi Ouzou. Elles attaquent toutes en direction de Souk el Arba (Larbaâ Nath Iraten, le marché du mercredi chez les Beni Iraten) qui domine la vallée des Beni Yenni. Ces villages se trouvent perchés sur les crêtes à l’extrémité nord-est du massif du Djurdjura, dont la forme ressemble à un hameçon. Ces tribus (ou djemaas) kabyles, qui ont une vieille tradition guerrière, ont fortifié leurs villages déjà naturellement sur la défensive. Les combats sont très durs pour l’armée française, qui doit entreprendre plusieurs assauts pour occuper ces villages. Après la prise de Larbaâ Nath Iraten, les colonnes s’engagent contre la montagne des Beni Yenni, avec sa forme de presqu’île et sa nombreuse population. Ses villages de Taourirt Mimoiun, Aït Hassem, Aït Larba et Taourirt el Hadjadj opposent une farouche résistance aux soldats français. Le dernier d’entre eux finit par tomber le 1er juillet 1857. Les combattants kabyles n’en continuent pas moins de résister, et se replient plus haut sur les crêtes du Djurdjura. C’est auprès des Aït Menguellet que les combattants livrent leurs dernières batailles début juillet, puis, avec la prise du dernier bastion d’Icheriden, prennent fin quarante-cinq jours d’une campagne très meurtrière. Avec 67 tués et 442 blessés, l’armée française enregistre de fortes pertes tandis que les Algériens ont 400 tués et le double de blessés. Quant à Lalla Fatma n’Soumer, veuve de Bou Baghla qui avait « succédé » à son époux dans la conduite de la résistance, elle est capturée le 11 juillet. Pour marquer la présence militaire française au cœur de la région, de nouveaux camps sont construits avec Fort l’Empereur (en hommage à Napoléon III) sur le site du village de Larbâa Nath Iraten, qui deviendra Fort National en 1870 (IIIe République). Quant au village de Michelet, il sera fondé sur la crête qui mène aux cols de Tirourda et de Chellata, vers la vallée de la Soummam. La prise des dernières crêtes du Djurdjura par les Français en 1857 achève les conquêtes du nord de l’Algérie. Alors qu’il entreprenait d’achever la conquête de la Grande Kabylie, le maréchal Randon envisageait une nouvelle politique d’expansion vers le sud de l’Algérie.

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Le lieutenant Cottenest et ses Chaambas dans le Hoggar, vers 1902.

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LA

CONQUÊTE DU SAHARA DE AÏN SEFRA À OUARGLA

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Pour les cartographes français du XVIIe siècle, le territoire de la régence d’Alger était globalement divisé en deux grands espaces : d’une part le nord, avec les différentes provinces ou beyliks. Ces territoires s’étendaient sur toute la partie septentrionale de l’Algérie appelée le Tell. Il s’agissait du pays utile composé de montagnes de l’Atlas et d’étroites vallées littorales, territoires relativement bien connus par les descriptions de voyageurs européens à l’époque de la régence. Au sud de ces régions, des territoires immenses figuraient sur les cartes européennes avec le toponyme de Biled ul Djérid, Pays du Djérid, c’est-à-dire le Sahara méconnu. Avec la conquête et la mise en place de l’exploration scientifique de l’Algérie, les espaces du Tell et sa bordure saharienne sont connus en 1844. Conscients de se trouver au bord d’un océan désertique, les militaires français sont encore trop occupés à la conquête du Tell pour entreprendre des reconnaissances au-delà de Biskra. Bien que l’explorateur français René Caillié soit parvenu à atteindre Tombouctou en 1828 à partir des côtes de Guinée, le Sahara demeurait encore méconnu pour s’y aventurer à partir du nord. Après la conquête militaire des oasis de Biskra en 1844, des colonnes furent lancées en direction de Bou Saada qui fut occupée en 1850, après la prise de Zaatcha. À l’ouest, la poursuite de la smala de l’émir jusqu’à Taguin avait permis de reconnaître la région des hauts plateaux, sans pour autant atteindre Laghouat. Le camp de Saïda avait constitué le point de départ d’expéditions vers le Sud oranais, domaine des Ouled Sidi Cheikh. Géryville fut fondée en 1845, au pied de la chaîne montagneuse du djebel Amour, tandis que Cavaignac s’enfonçait dans les Ksour, autour de Aïn Sefra en 1846-1847. En 1851, alors qu’il prépare les campagnes de Kabylie, le nouveau gouverneur général de l’Algérie Randon envisage l’expansion française dans le Sahara. Dans ces années 1850, l’immense désert se trouvait exploré et convoité par d’autres puissances européennes. En parallèle des conquêtes à caractère militaire s’étaient développées des approches scientifiques de ces contrées. Alors que le Français Berbrugger entreprenait ses voyages d’études

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Atlas historique de l’algérie

dans les oasis algériennes entre le Souf et le M’Zab en 1850, l’Allemand Heinrich Barth explorait le Sahara libyen. Ayant étendu ses connaissances linguistiques auprès des peuples du Sahara, Heinrich Barth était le principal connaisseur de ces régions. Ces années 1850-1855 correspondent aux nouveaux travaux de traduction des langues arabe et berbère, avec notamment la grammaire de la langue tamasheq de Hanoteau, tandis que le baron de Slane traduisait L’Histoire des Berbères d’Ibn Khaldun en 1852. L’insurrection du chérif Mohammed ben Abdallah dans la région des Ouled Sidi Cheikh précipita cependant la conquête de Laghouat, ville-clé pour la pénétration dans le Sahara. Ancien rival de l’émir Abd el Kader, Mohammed ben Abdallah finit par déclarer le djihad contre les Français en 1852. Randon envoya trois colonnes commandées par les redoutables Pélissier, Youssouf et Mac-Mahon pour occuper Laghouat. Après une résistance vigoureuse contre les assauts français, les insurgés sont massacrés. L’armée se lance ensuite à la poursuite de Mohammed ben Abdallah en direction de Ouargla, tout en nommant Si Hamza nouveau khalifa des territoires sahariens entre Géryville (El Bayadh) et Djelfa. La région du M’Zab préféra quant à elle traiter avec les Français, après la nouvelle du massacre de Laghouat.

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La conquête du Sahara : de Aïn Sefra à Ouargla 179

Carte du Sahara, 1880.

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L’ALGÉRIE DANS LES ANNÉES 1864-1868 Bien qu’étant le fils du khalifa des territoires des hauts plateaux du SudOranais, nommé par Randon depuis 1852, Si Sliman ben Hamza, finit par se révolter à la tête des Ouled Sidi Cheikh. Cette grande tribu s’étendait des hauts plateaux à l’ouest de Laghouat jusqu’au Maroc, pratiquant le seminomadisme. Avec la fixation des frontières avec le royaume du Maroc, la tribu se retrouva coupée en deux. Après l’anéantissement de la colonne Beauprêtre en avril 1864, le commandement militaire envoie deux colonnes pour réprimer l’insurrection, qui s’étend dans l’Ouarsenis et le Dahra, où certaines participent à l’attaque de villages d’Ammi Moussa et Zemmora. Quelques années auparavant, la région de Tlemcen avait été secouée par l’insurrection de plusieurs tribus, dont les Beni Snassen. Ils répondaient à l’appel d’un marabout du Sous, autoproclamé moul ’sa’a (le sauveur de la fin des temps), et qui avait suscité l’adhésion de nombreuses tribus au Maroc. Le mécontentement contre des chefs nommés par l’administration militaire suscita de nouvelles révoltes peu étendues. Les tribus du Zouagha s’insurgèrent contre Ben Azzedin. La région des Babors se révolta jusqu’au Zouagha en 1864-1865. Les chefs de la révolte arrêtés rejoindront les convois de déportés vers la Guyane, nouvelle destination des prisonniers politiques depuis 1852. L’Algérie européenne pourtant se trouve en plein essor lorsque l’empereur Napoléon III entreprend de se rendre dans le pays en mai-juin 1865. Il visite presque toute l’Algérie hormis les villes de Tlemcen, d’Orléansville et Sétif. Car c’est bien dans les villes que vivent principalement les Français et autres Européens. Sur les 217 000 Européens (1866), 85 000 sont étrangers (Espagnols, Italiens, Maltais…). L’empereur souhaite parcourir ce grand territoire, pour lequel il a initié plusieurs projets, notamment économiques. Napoléon III a favorisé la participation des grandes sociétés capitalistes, en vue de la colonisation. La période du Second Empire s’était caractérisée par de nombreux investissements à caractère industriel en Algérie, avec le lancement récent des premiers chantiers de construction du chemin de fer en 1863 (ligne Alger-Oran). La loi du 20 juin 1860 avait rendu d’utilité publique le projet de construction des lignes Constantine-Philippeville, Alger-Blida (achevée en 1862) et Oran-Saint-Denis-du-Sig. C’est au cours de ce voyage que l’empereur déclara aux Européens : « Ce pays est à la fois un royaume arabe, une colonie européenne et un camp

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182 Atlas historique de l’algérie

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L’Algérie dans les années 1864-1868 183

français. » Après avoir bénéficié des retombées foncières du sénatus-consulte de 1863, les villages de colonisation européenne voient leur organisation administrative modifiée en 1866. Le processus de fractionnement des tribus avait commencé à privatiser les terres indigènes, mais pas assez pour les colons. Les propriétés indivis restaient encore à l’abri des appétits européens. Les villages peuplés principalement d’Européens forment à partir de 1868 une nouvelle catégorie de communes dites de « plein exercice » qui sont financièrement indépendantes. À partir de 1868 sont instituées les communes mixtes dans les territoires peuplés d’Européens et d’une majorité d’indigènes. Ces communes se présentent comme une sorte de régime transitoire, en vue de devenir une commune de plein exercice, une fois les conditions réunies (population européenne conséquente, ressources économiques…). Dix-sept communes mixtes sont créées en 1868 : Zemmora, Ammi Moussa, Saïda, Sidi bel Abbes, Dhaya, Lalla Maghnia et Sebdou dans la province d’Oran ; Laghouat, Djelfa, Tizi Ouzou, Draa el Mizan et plus tard Fort-Napoléon dans le département d’Alger ; Collo, Tébessa, Biskra, Bou Saada et Bordj Bou Arreridj dans le département de Constantine. Mais le régime fiscal était au service de la minorité européenne. Les impôts indigènes qui constituaient la majeure partie des perceptions entretenaient un budget municipal pour les colons. Pratiquement aucune ressource n’était réservée aux écoles indigènes, qui périclitent. Quant aux fondations religieuses musulmanes, chargées de répondre aux urgences humanitaires, elles se trouvaient démunies depuis la confiscation de leurs biens mobiliers au service du Domaine. Seuls les chefs pouvaient éventuellement subvenir aux indigènes frappés de calamités. De 1866 à 1868, des désastres s’abattent sur une grande partie du pays. Les invasions d’acridiens (sauterelles) sont accompagnées de périodes de sécheresse successives qui compromettent les récoltes de céréales. La famine et les épidémies frappent les populations indigènes en grand nombre, provoquant une décroissance de la population. Le nombre de victimes est estimé entre 300 000 et 400 000.

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LES

SOLDATS ALGÉRIENS AU SERVICE DE L’EMPIRE Avec la constitution de troupes indigènes dans les premières années de la conquête, l’armée française dispose d’une force d’élite, qui sera rapidement envoyée sur les théâtres d’opérations extérieures, puis intégrée aux grands corps expéditionnaires à partir de 1881. Avec l’arrivée de Napoléon III au pouvoir en 1852, une nouvelle politique internationale est lancée, avec la participation aux campagnes de Crimée aux côtés des Britanniques en 1854-1855. Cette guerre fait suite aux tensions avec la Russie concernant la question d’Orient. La nouvelle intervention des puissances occidentales dans la région des Détroits fait suite à la tentative russe de s’imposer, se posant notamment comme protectrice des chrétiens orthodoxes en Orient. Napoléon III cherche à se présenter comme le protecteur des catholiques du Levant, tout en se joignant à la coalition anglo-ottomane contre la Russie. La France fait intervenir son armée dans la guerre de Crimée, avec des tirailleurs et des zouaves. Plusieurs villages de colonisation porteront des noms de batailles, dont celles de la guerre de Crimée comme Alma et Inkerman. Les troupes algériennes se trouvent impliquées en 1859 en Italie, participant aux batailles de Magenta et Solferino. Avec la guerre francoprussienne de 1870, l’élite des troupes algériennes sera durement éprouvée aux batailles de Wissembourg et Frœschwiller. Avec la IIIe République, la politique d’expansion française en Afrique et en Asie prend un nouvel essor avec Jules Ferry. De 1881 à 1912, cinq grands corps expéditionnaires furent constitués en vue de conquérir la Tunisie (encore sous administration ottomane), le Maroc, le Tonkin, Madagascar, ainsi que pour appuyer les interventions britanniques en Chine. Les Algériens prirent une part majeure dans ces conquêtes, de par leur résistance physique et leur expérience guerrière (Algérie, Europe, Mexique…). On les voit représentés sur plusieurs dessins historiques, comme à la bataille de Lang Song en 1885 contre les Chinois.

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LA

DE

GRANDE INSURRECTION

1871

En juillet 1870, Napoléon III décida d’intervenir contre la Prusse. Défait à Sedan, il finit par se rendre et capitule le 2 septembre 1870. Deux jours plus tard la IIIe République est proclamée à Paris, tandis que le gouvernement républicain s’était réfugié à Tours avant de rentrer à Versailles. Toutes les forces militaires disponibles avaient été mobilisées dans cette guerre, dont la plupart des corps d’élite algériens (tirailleurs, zouaves, spahis…). Avec l’instabilité du nouveau gouvernement français, qui fait face à une insurrection armée en plein Paris de mars à mai 1871, les autorités militaires françaises se trouvent affaiblies en Algérie. D’une part, certains corps refusent de partir sur le front et, d’autre part, certains chefs indigènes, assistant à la fin de l’autorité militaire en Algérie, s’inquiètent pour leur avenir. Quelques années seulement après la vague de calamités qui s’était abattue sur les Algériens, la situation était propice aux velléités de changement. La mobilisation du corps des spahis provoqua des émeutes dans plusieurs camps, comme à Moudjebeur, El Tarf et Aïn Guettar. Ces révoltes de cavaliers ayant refusé de partir pour le front se traduisirent par des combats aux portes mêmes des villes censées se trouver sous la protection de ces smalas de spahis. Souk Ahras fut assiégée par les cavaliers Hanencha, passés à la dissidence fin janvier 1871. Avec la proximité de la Tunisie, les insurgés finirent par s’enfuir au-delà des frontières algériennes. Plus au sud, à Tébessa, l’agitation était entretenue à partir des oasis tunisiennes du chott el Djérid. Depuis mars 1870, Mahieddin, membre de la famille de l’émir Abd el Kader, entretenait l’agitation des tribus dans la région de Negrine et Ferkane, qui accueillirent favorablement son mouvement. Cependant, la principale région où couvait l’insurrection se situait entre Sétif et Tizi Ouzou. Deux foyers de révolte se trouvèrent alimentés par des personnalités indigènes, dans la Medjana et la vallée de la Soummam. Mohammed ben el Hadj el Mokrani, le fils d’un des grands alliés des Français pendant la conquête française des régions de Sétif aux Portes de Fer, ainsi que le cheikh El Haddad, chef religieux de la confrérie Rahmaniya dans la Soummam. Mohammed el Mokrani avait hérité du rôle de son père comme khalifa de la Medjana, mais avec des pouvoirs réels bien inférieurs. Il ne devait

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plus en référer au gouverneur de la province mais à un simple capitaine du bureau arabe de Bordj Bou Arreridj. De même, plusieurs de ses privilèges lui avaient été supprimés par l’administration française. La colonisation européenne avait bouleversé les rapports de force dans ces riches régions des hautes plaines céréalières. Les tribus avaient subi les ponctions du sénatus-consulte de 1863 ainsi que les charges fiscales (5 000 hectares confisqués autour de Bordj Bou Arreridj). Avec les années terribles de 1867 et 1868, alors que les paysans vendaient une partie de leurs terres pour survivre, les chefs indigènes contractaient des dettes pour subvenir aux besoins de la population affamée. Mohammed el Mokrani emprunta respectivement 350 000 et 200 000 francs aux financiers Mesrine et Lavie, qui étaient devenus 500 000 francs avec les intérêts. L’hypothèque qui pesait sur ses biens ne manquait pas de susciter une grave inquiétude à Mohammed el Mokrani. Il avait pris soin de garantir son prêt auprès du général Mac-Mahon, gouverneur général et vétéran de la conquête de Kabylie. Mais avec la chute de l’Empire en 1870, l’administration militaire remit aux civils la gestion du pays. Mac-Mahon, remplacé, ne put honorer ses engagements. La famille Mokrani se trouve quant à elle toujours divisée par la lutte de clans. Abdesselem el Mokrani, l’ancien allié de l’émir Abd el Kader, avait repris contact avec le bureau arabe de Sétif, après avoir cessé le combat. Les Français avaient tenté de réconcilier les deux principaux clans de la famille en décembre 1870 ainsi que les deux grands chefs religieux du pays kabyle. Ben Ali Chérif, marabout de Chellata, et le cheikh El Haddad, marabout de la Soummam, furent réunis par le commandement de Sétif. Mais les khouans ou frères de la confrérie préparaient le soulèvement depuis septembre 1870. À partir de janvier 1871, Mohammed el Mokrani n’était plus isolé et disposait d’alliés de premier ordre dans la région. Toutefois, il entreprit d’ultimes démarches officielles à partir de février 1871 auprès des autorités françaises, en demandant sa démission. La dissidence devint effective en mars, quand Mohammed el Mokrani comprit que la nouvelle administration coloniale républicaine comptait bien reprendre en main les riches terres de la région. Le vieux cheikh El Haddad franchit le pas décisif le 8 avril 1871 au marché de Seddouk, en proclamant le djihad, soutenu par son fils Aziz. La plus grande partie des tribus kabyles du Djurdjura et des Babors se joignit au mouvement. À l’ouest de la Grande Kabylie, les forces rebelles atteignirent le village européen d’Alma le 22 avril 1871. La Mitidja ne s’était pas trouvée menacée depuis trente ans mais les insurgés ne dépassèrent pas l’oued Boudouaou. La situation fut bien plus inquiétante dans la région des hautes plaines de Sétif et de Bordj Bou Arreridj. Ces deux villes furent assiégées en vain par les groupes d’insurgés conduits par Mohammed el Mokrani et Aziz el Haddad. Il devenait évident pour les insurgés que ces villes, comme toutes celles d’importance, ayant été fortifiées, ne se livreraient pas facilement. Les chefs de la rébellion entreprirent de bloquer les routes et de mener une guerre mobile. Le gouvernement français, conscient de la gravité d’une telle insurrection, envoya des colonnes chargées d’écraser la révolte. Commandée par l’amiral Gueydon, l’armée commença à se déployer à partir de mi-avril 1871. Parties d’Alger, Aumale et Constantine, les colonnes dégagent toutes les villes assiégées. Elles se renforcent de goums ou troupes de cavaliers indigènes fournies

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La grande insurrection de 1871

par les tribus alliées. Ainsi, dans la région de Sétif, les offensives françaises se précisent dans la région d’Amoucha, où Aziz el Haddad a replié ses forces. À l’est du djebel Babor, l’armée française peut compter sur Benhabylès pour contenir l’insurrection, qui s’étend quand même en direction de Jijel à partir de juin. C’est à ce moment que les colonnes françaises investissent totalement la Grande Kabylie. Des combats très durs se déroulent dans les villages du Djurdjura, dont nombre sont détruits. Comme en 1857, la région d’Icheriden résiste plus longtemps, mais est finalement investie le 24 juin. Dans la région des Bibans et de l’Ouanougha, l’armée des Mokrani a perdu leur chef Mohammed el Mokrani, tué dès le 4 mai 1871. Son successeur, Boumezrag, tente vainement d’arrêter la progression des colonnes dans la région. Boumezrag se replie dans les montagnes au relief tourmenté des Bibans, et combat à plusieurs reprises l’armée française autour des Beni Mansour. La progression des colonnes françaises est plus difficile dans cette région de Petite Kabylie, où il n’y a aucun poste militaire ou facilité entre Bordj Bou Arreridj et Bouira. Dans la région du Belezma, où s’était étendue l’insurrection, plusieurs combats opposent les colonnes de Sétif et Batna aux tribus dissidentes. Après les massacres de colons perpétrés par certains insurgés à Batna, la répression s’abat encore plus durement dans cette région, comme autour du village de Palestro au centre du pays, dont la population européenne avait subi un sort analogue. À ce stade de la guerre, les massacres de populations indigènes ainsi que le pillage ne sont pas rares, d’autant plus que le concours de forces indigènes hostiles aux insurgés a fait accroître ces violences.

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GUERRE DE JUILLET À OCTOBRE 1871 Une fois la Grande Kabylie pacifiée par les colonnes françaises, et la reddition des chefs locaux Ali Oukaci et Aziz el Haddad effective, l’armée française entreprend de réduire la principale poche de résistance formée autour de Boumezrag. Le chef du clan des Mokrani continue de combattre dans son fief des montagnes au nord de la plaine de la Medjana. Les colonnes françaises partent de Sétif et pénètrent jusqu’au pays des Beni Ourtilane. Plusieurs combats ponctuent cette progression des colonnes pour encercler Boumezrag. Les batailles de Draa el Arba, Tala Ifacène, Beni Yala illustrent la résistance des tribus locales, alors que le vieux cheikh El Haddad avait fini par se constituer prisonnier le 13 juillet 1871. Boumezrag décide de se replier dans les montagnes du Hodna, autre région de vieille tradition guerrière, qui avait résisté pendant la conquête. Les colonnes françaises poursuivent inlassablement Boumezrag dans le djebel Maadid au mois d’août 1871. Avec sa smala, Boumezrag se réfugie plus à l’est dans les forêts du djebel Afghane, non loin de Salah Bey. Traqués par les Français et les goums qui participent à cette chasse à l’homme, les chefs Braham ben Illès et Ahmed Bey finissent par se livrer le 21 octobre 1871. Quant à Boumezrag, il tente de s’enfuir par le Sahara, tandis que la plupart des familles Mokrani, Ouled Gandouz et Ouled el Hadj prennent la route de la Tunisie. Boumezrag est finalement capturé le 20 juin 1872 vers Ouargla. C’est dans cette région du Sahara que le chef indigène Bouchoucha était entré en rébellion en mars 1871. Jusqu’en janvier 1872 et l’arrivée de la colonne Delacroix, la région de Ouargla avait échappé complètement à l’autorité française malgré la tentative d’Ali Bey, allié à la France, de soumettre ces oasis en juin-juillet 1871. La IIIe République enfanta dans la douleur avec les événements de la Commune de Paris. Les insurgés de Paris avaient été réprimés sans indulgence par l’armée du gouvernement de Versailles. Après la déportation de 4 000 Français envoyés vers les bagnes, le nouveau gouvernement de Thiers voulait imposer l’ordre à tout prix. Avec la fin des opérations contre les insurgés algériens, la politique de conciliation de Napoléon III devenait un lointain

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souvenir. La IIIe République mène une politique coloniale résolument en faveur de la minorité européenne. Gueydon, nouveau gouverneur général, déclare à ce sujet : « Les indigènes sont des vaincus, qui doivent subir notre loi. » Lorsque Gueydon parle d’indigènes, il ne fait probablement pas allusion à la minorité juive des départements algériens. Cette dernière vient d’être naturalisée française, un peu malgré elle, par le ministre Crémieux, en pleine guerre. Pendant la guerre contre la Prusse et alors que Paris était assiégée, le gouvernement en exil à Tours avait statué sur le décret de naturalisation des Juifs d’Algérie. Adolphe Crémieux avait été à l’initiative de ce décret éponyme. Le sort des responsables de l’insurrection fut établi par des tribunaux spéciaux. De lourdes contributions de guerre furent imposées aux tribus ayant participé de près ou de loin à l’insurrection de 1871. La responsabilité collective des tribus fut appliquée par les tribunaux. Le séquestre collectif confisqua 2 639 600 hectares de terres indigènes. Une partie de ces terres fut ensuite proposée en 1872 au rachat par les tribus qui en avaient encore les moyens, en payant un cinquième du prix. Le coût de ces mesures répressives fut estimé à 70 % du capital des tribus. Les derniers paiements furent honorés seulement en 1890. Les insurgés déclarés coupables d’avoir mené la révolte furent soumis à de lourdes peines. En plus des amendes qui frappaient leurs tribus, de nombreux chefs furent condamnés à mort en 1873, mais finalement déportés vers les bagnes. Ce fut le cas de Braham ben Illès, Ali Oukaci, Ahmed Bey, Boumezrag el Mokrani, Aziz el Haddad. Un convoi de trente et un chefs algériens arriva en Nouvelle-Calédonie en 1875. Aziz el Haddad finit par s’enfuir de la petite île des Pins en 1884 tandis que Boumezrag retourna en Algérie après avoir été gracié en 1905, et mourut à Koléa l’année suivante.

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LA

DIASPORA DES PRISONNIERS ALGÉRIENS DANS LE MONDE Depuis les événements de 1848 à Paris, de nombreux prisonniers d’opinion prenaient la route des bagnes d’Algérie (Lambèse et Berrouaghia) tandis que les Algériens, soumis au régime militaire, pouvaient être condamnés à la déportation en Corse ou à Toulon, lorsqu’ils étaient condamnés à de longues peines. Avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon III en 1852, les bagnes d’outremer connaissent un développement sans précédent. Le nouvel empereur veut « nettoyer » Paris et la France de toute la population considérée comme dangereuse. C’est la mise en place d’une nouvelle politique de tolérance zéro à l’époque de l’hygiénisme et de l’urbanisme aseptisé du baron Hausmann. En même temps, il s’agit de remplacer les esclaves libérés depuis 1848 et de mettre en valeur à moindres frais ces terres tropicales. La Guyane se présente alors comme la destination principale des condamnés aux assises (crimes graves) et des récidivistes. Les Algériens ne sont pas épargnés par ces mesures d’éloignement. Avec les criminels classiques, ce sont surtout les insurgés des nombreuses révoltes qu’a connues l’Algérie coloniale qui seront les principaux hôtes des bagnes français d’outre-mer. Une fois condamnés au bagne, les Algériens étaient traditionnellement dirigés vers un des bagnes portuaires français. C’est généralement vers Toulon, Brest ou Rochefort que les prisonniers transportés continueront de transiter avant le grand départ pour la Guyane, nouvelle destination des condamnés politiques (déportés) et des détenus de droit commun à partir de 1852. En outre, tout Algérien condamné à plus de huit ans de détention se trouvait systématiquement envoyé au bagne, avec le statut de transporté. À partir de 1885, tous les récidivistes prennent la même route. Entre 1871 et 1880, le principal bagne de Cayenne en Guyane, connu pour la forte mortalité des détenus, aura accueilli en permanence quelque 1 100 « Arabes ». Les Algériens, qui ne sont définis ni comme Français ni comme Algériens, figurent sur les listes de détenus « arabes », regroupant principalement les indigènes musulmans d’Algérie, mais également de Tunisie à partir de 1881. Les Arabes condamnés pour insurrection sont en général

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les principaux chefs des tribus concernées. On retrouve parmi eux des membres des familles des Ouled Sidi Cheikh, des Mokrani, etc. Avec l’ouverture du bagne de Nouvelle-Calédonie, environ 150 « Arabes » seront en permanence détenus sur place, dans des conditions bien plus favorables qu’en Guyane. Considérés comme plus résistants que les Européens, les Algériens seront ensuite systématiquement envoyés en Guyane. Alors qu’en 1887 est suspendu l’envoi des Européens vers la Guyane, un troisième site de détention français se trouvait à Obock, sur le territoire de la Côte française des Somalis après son ouverture en 1886, mais le pénitencier d’Obock s’avéra beaucoup trop propice aux évasions, du fait de la proximité des Algériens avec la population arabe locale et sera finalement évacué en 1895. Les camps de travaux forcés de la Guyane accueillaient de nombreuses populations de détenus coloniaux, dont des Malgaches, des Africains, des Indochinois… les Algériens représentant environ 25 % de la population pénale totale (jusqu’en 1871). Dès son ouverture, le bagne de la Nouvelle-Calédonie accueillit 300 « Arabes » de 1867 à 1869. Environ 1 200 prisonniers tunisiens et algériens, notamment les condamnés de 1872, débarquèrent ensuite en 1873 et 1874, dont Mohammed Amezian, fils du cheikh El Haddad. L’une des particularités du statut de déporté ou transporté était de se trouver condamné à résider sur place après avoir purgé sa peine. Ce fut le cas de nombreux Algériens en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, qui finirent souvent par s’installer définitivement sur des terres, épousant des Européennes libérées ou des indigènes. Ces libérés astreints à résidence formaient en 1880 plus de la moitié des détenus arabes de Nouvelle-Calédonie tandis qu’en Guyane ils sont 294 libérés sur 1221 détenus. Certaines épouses d’Algériens firent même l’effort de se rendre auprès de leurs maris libérés en Guyane, parfois avec leur enfant. Les tentatives d’évasion réussies ou non furent nombreuses chez les détenus algériens. Parmi eux, le célèbre chef Aziz el Haddad, enfui de l’île des Pins (Nouvelle-Calédonie) en 1884. Il se rendit en Australie puis en Orient pour faire son pèlerinage. Amezian el Haddad s’évada quant à lui en 1895. En 1938, les derniers détenus algériens sont envoyés en Guyane purger leur peine de relégation. Les relégués, dont la moitié étaient algériens, devaient, après avoir purgé la totalité de leur peine en métropole, être envoyés au bagne en plus. Après la Seconde Guerre mondiale, les libérés nord-africains sont très progressivement renvoyés en France et en Afrique du Nord. Jusqu’en 1953, quelque 1000 prisonniers algériens repartent chez eux ou ailleurs, après la fermeture officielle du bagne en mars 1948.

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Registre des transportées algériennes pour la Guyane.

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CHRISTIANISME ET JUDAÏSME DANS L’ALGÉRIE COLONIALE DU XIXE SIÈCLE

C

’est dans les principales villes occupées par les Français que sont bâties les premières églises. Des temples protestants sont construits par les Allemands et les Suisses, qui sont parmi les premiers contingents d’émigrants. Ces modestes constructions des années 1840 avaient été précédées par l’établissement du diocèse d’Alger en 1838. L’armée, qui a confié au génie l’aménagement des villes selon les normes architecturales françaises, entreprit d’élever la plupart des édifices religieux, d’abord pour les propres besoins de sa garnison. Les nombreuses pertes des Français face aux maladies durant les premières années de la conquête ont rapidement nécessité des besoins de chapelles auprès des hôpitaux ainsi qu’un personnel religieux. Avec la redécouverte des sites de l’Algérie romaine par les Français, le thème du retour de la chrétienté dans le pays de saint Augustin fit son apparition dans les milieux catholiques. Les ordres religieux se déploient en Algérie dès les années 1840. Parmi eux, les trappistes, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, les ursulines et les jésuites, spécialistes des missions lointaines, encadraient une population européenne souvent isolée, loin des villes principales. Des jésuites sont présents dans nombre de casernes, comme à Fort National, après la conquête de la Grande Kabylie en 1857. Mais c’est surtout la nomination du cardinal Lavigerie à Alger en 1867, qui relance l’idée du retour dans une Afrique chrétienne, dont les populations devraient pouvoir naturellement revenir à la religion de leurs ancêtres, et parmi elles les habitants de Kabylie, qui seraient moins arabiKetchaoua, mosquée devenue sés et donc – déduit-il – moins islamisés. Les cathédrale.

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pères blancs, corps missionnaire spécialement affecté en Afrique, sont chargés par Lavigerie de seconder les jésuites dans leur travail d’évangélisation, notamment en Grande Kabylie, qui vient d’être justement éprouvée par les terribles contributions de guerre ayant suivi l’insurrection de 1871. Le premier poste missionnaire est fondé à Taguemount Azouz, au sud de Tizi Ouzou. Auparavant, le cardinal Lavigerie entreprit d’acquérir un certain nombre de domaines pour accueillir les orphelins rescapés des famines et épidémies de 1867 et 1868. L’Église construit plusieurs établissements comme le domaine des Attafs (avec 1 171 hectares achetés dans la vallée du Chélif), ou à MaisonCarrée pour y construire des orphelinats et des séminaires en 1869. 1 753 enfants furent recueillis et formèrent le noyau des villages arabes chrétiens, projet de colonisation indigène lancée par le cardinal Lavigerie dans ses domaines. La mise en place de ces espaces dédiés aux œuvres catholiques de bienfaisance coïncidait avec la fondation de la Société des missionnaires d’Afrique et des Sœurs missionnaires d’Afrique, les Sœurs blanches. Mais Lavigerie se heurte à Mac-Mahon, le gouverneur général voulant éviter tout conflit dans les régions kabyles, qu’il connaît bien pour les avoir conquises. C’est seulement à partir du nouveau régime civil que Lavigerie bénéficiera de tout le soutien de l’amiral de Gueydon, nouveau gouverneur général de l’Algérie. Une nouvelle ère illustrée par la construction de NotreDame d’Afrique dans le faubourg de Bab el Oued en 1872. Dans la région d’Alger, l’ordre des moines trappistes avait quant à lui bénéficié de grands

Projet de chapelle à Sétif, 1863.

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Christianisme et judaïsme dans l’Algérie coloniale du XIXe siècle 199

domaines dans la région de Staoueli en 1843. Plus tard, ils créeront le monastère de Tibhirine, à proximité de Médéa (1934) au cœur de l’Atlas blidéen. La nomination de Gueydon coïncide avec le nouveau statut des Juifs indigènes devenus citoyens français par le décret d’Adolphe Crémieux. Seules les populations juives vivant dans les trois départements algériens bénéficièrent de cette mesure, soit 37 000 personnes. Les autres minorités juives des Territoires du Sud (Laghouat, M’Zab…), relevant des autorités militaires, demeuraient indigènes. Issue de communautés antiques et médiévales très anciennement constituées en Afrique du Nord, la population des Juifs d’Algérie s’était diversifiée, notamment avec les apports européens au cours de la période ottomane. Judéo-arabes, judéo-berbères, judéo-espagnols et Juifs francs formaient une minorité juive très Synagogue d’Alger. hétérogène. Les Juifs francs avaient joué un rôle premier dans la diplomatie et les échanges économiques qu’entretenait Alger avec l’Europe. La conquête française avait été accueillie diversement par les Juifs algériens. Les grandes familles commerçantes d’Alger avaient entrepris des contacts utiles avec un commandement français très méfiant. Les commerçants juifs participèrent à la reprise d’une certaine activité économique, que favorisait la création de villes nouvelles. De nombreux acteurs économiques juifs formèrent souvent avec les quelques Européens civils les habitants des premières cités coloniales. Mais la guerre contre l’émir Abd el Kader à l’ouest avec l’implication de grandes villes indigènes comme Tlemcen, Mostaganem, Mascara et Oran confronte les communautés juives au conflit. Dans l’instabilité des années 1840-1845, les Juifs combattent l’envahisseur français, notamment à Constantine en 1836-1837. Dès 1841, une volonté de prendre en charge ces Juifs indigènes se fait jour en France. Le Consistoire israélite de France (appuyé par Crémieux) intervient à ce moment pour essayer d’organiser ces communautés. C’est finalement une ordonnance royale de 1845 qui statue sur une première organisation du culte israélite. Trois consistoires régionaux sont créés à Alger, Oran et Constantine. C’est bien essentiellement dans les grandes villes d’Algérie où vit la majorité des juifs indigènes que s’organise la cohabitation avec les Européens, avec la construction de synagogues dans les nouvelles villes françaises. En 1842, le rapport Altaras-Cohen sur les Juifs d’Algérie renseigne sur la répartition de cette population qui totaliserait 16 000 personnes, essentiellement regroupées à Alger, Constantine, Oran et Tlemcen. Viennent ensuite des communautés de moindre importance à Bône, Mostaganem, Médéa, Miliana, Mascara et Blida ainsi qu’environ 1 500 juifs bédouins dans le sud. De nombreuses petites communautés judéo-arabes et judéo-berbères subsisteront dans les campagnes jusqu’aux années qui suivront le décret de

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naturalisation de 1870. À ce moment, on assiste à un bouleversement mental, sociologique et économique (Benjamin Stora) sans précédent chez les Juifs algériens. L’assimilation ou la francisation de cette minorité se heurtera cependant à la fin du XIXe siècle à un fort courant antisémite, entretenu par des activistes français d’Alger et d’Oran. Cette crise anti-juive survient sur fond de scandales politico-financiers. Entre 1881 et 1898, plusieurs émeutes dirigées contre les juifs sont orchestrées par des groupes politiques antisémites. Malgré cela, la nouvelle situation sociale des Juifs d’Algérie, qui s’intègrent progressivement dans la fonction publique et les professions libérales, s’est globalement améliorée, surtout en comparaison de leurs coreligionnaires marocains et tunisiens, qui émigrent vers l’Algérie quand ils le peuvent car leur statut est moins enviable, restant sujets du souverain chérifien ou du pacha de Tunis.

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LES MISSIONS CHRÉTIENNES EN GRANDE KABYLIE La Grande Kabylie reste un des objectifs principaux de la politique missionnaire de Lavigerie. C’est dans une région assez enclavée au sud-est du Djurdjura que les missionnaires s’investissent. Avec la création de dispensaires, d’écoles et de pensionnats, l’Église cherche à développer les conversions, dans une région où sévit une grande pauvreté, surtout après la répression de 1871. Dès 1873, trois villages sont investis par les pères blancs : Taguemount Azouz, les Ouahdias et Beni Arrifs. Une dizaine d’écoles accueille les enfants de plusieurs villages du Djurdjura à partir de 1873. Dans un contexte de rareté de l’offre scolaire auprès des indigènes (en 1921, il y a seulement 46 000 élèves musulmans dans l’enseignement primaire), ces écoles le plus souvent internats vont connaître un grand succès. Ayant au commencement été perçues avec beaucoup de méfiance, elles finirent par attirer un nombre croissant d’enfants de notables notamment. L’attrait pour la connaissance en général et l’apprentissage de la langue française en particulier permirent à nombre de jeunes Kabyles de partir ensuite travailler en France et de former les premiers contingents de convoyeurs kabyles, premiers émigrants algériens vers la métropole. Arrivées en 1880, les Sœurs blanches s’attachent à gagner les cœurs par leur travail d’assistance médicale, notamment en direction des femmes. À partir de Fort National, les jésuites et autres membres de l’Église d’Alger organisent leurs missions à travers les villages de Kabylie, jusqu’à Kerrata, où un poste est créé en 1895. À cette époque, en 1894, l’hôpital Sainte-Eugénie s’ouvre à Michelet, tenu par la congrégation des Sœurs Blanches qui parviennent également à convertir quelques enfants souvent orphelins.

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LA CONQUÊTE SAHARA

DU

GRAND

En 1854, Randon avait invité Si Hamza à se rapprocher des Touareg. L’un de leurs chefs, le cheikh Othman, fut d’ailleurs invité à Alger. Les Français recherchaient un itinéraire sûr jusqu’au Soudan, par les oasis de Ghadamès et d’In Salah. La traque de Mohammed ben Abdallah amena les forces françaises à marcher sur Ouargla en décembre 1854. Après les combats de Megarine et N’Gouça, les oasis de Touggourt et Ouargla furent définitivement occupées par les Français. Avec Ghardaïa occupée en 1855, ces oasis constituaient les positions françaises les plus avancées dans le Sahara. Les explorateurs scientifiques entreprirent plus facilement leurs expéditions en direction d’El Goléa et de Timimoun. La mission de reconnaissance Duveyrier compléta la connaissance des régions entre Laghouat et El Goléa en 1860 tandis que la mission de l’officier interprète Ismaël Bouderba (1858) poussait jusqu’à Ghat (Libye ottomane). La difficile traversée du Grand Erg oriental jusqu’à Ghadamès fut confiée à Bonnemain en 1858. Quant à l’Allemand Rohlfs, il entreprit en 1864 de traverser tout le Sahara algérien d’est en ouest, reconnaissant In Salah et les oasis de la Saoura alors que les Français Colonieu et Burin traversaient le Grand Erg occidental. La guerre de 1870 en France et l’insurrection qui suivit en Algérie en 1871 provoquèrent une interruption de plusieurs années des expéditions dans le Sahara. Mais déjà, le développement du chemin de fer avait débuté entre les grandes villes du nord de l’Algérie entre 1862 et 1875. Ce réseau atteint progressivement les régions du sud. Saïda est reliée à Arzew en 1874, ouvrant l’accès à la région des hauts plateaux. Avec le nouveau projet très ambitieux d’une liaison ferroviaire transsaharienne en 1875, et l’extension du chemin de fer jusqu’à Aïn Sefra en 1887 et Biskra en 1888, la conquête du Sahara se trouve relancée par les milieux industriels français. À partir de 1874, plusieurs tentatives de pénétration vers le massif du Hoggar sont entreprises. Les positions françaises les plus méridionales se trouvent à Colomb-Béchar et Ouargla, d’où part la première mission Flatters en 1880. Le Sahara est dans ces années parcouru par plusieurs explorateurs

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notamment allemands, comme Rohlfs, qui s’enfonce en direction de Tombouctou à partir du lac Tchad au moment où le Britannique Stanley découvrait le lac Victoria. Les conditions climatiques du grand désert rendent cependant très difficiles les missions d’exploration européennes. Mais c’est d’abord le manque d’alliés parmi les tribus du Sahara, qui limite les possibilités de pénétration. La connaissance du pays et surtout des puits est incontournable.

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La conquête du Grand Sahara 205

Au-delà d’El Goléa, les Touareg empêchent cette pénétration française vers les massifs du Hoggar. Si la première mission Flatters permet de dépasser le puits de Temassissin, elle doit se replier sur Ouargla. En 1881, la deuxième mission, renforcée de nomades de la région, parvient quant à elle à s’enfoncer dans le massif du Hoggar mais est attaquée par les Touareg. Les survivants regagneront Ouargla dans des conditions extrêmes. Si le Hoggar reste imprenable à ce moment, le commandement français entreprend de conquérir la Tunisie, et s’empare de Tunis le 12 mai 1881. Le bey de Tunis signe le traité de protectorat avec la France tandis que les tribus du sud tentent de résister. Après dix ans d’interruption des campagnes vers le sud suite à l’échec de la mission Flatters, les militaires se lancent simultanément à la conquête du Gourara et de la Saoura, après l’occupation définitive d’El Goléa en 1891. À l’est, une grande expédition est préparée en vue d’atteindre les oasis du Niger. En 1898, la grande mission Foureau-Lamy ambitionne de traverser totalement le Sahara. Avec 300 hommes bien équipés, la mission traverse le massif du Hoggar, empruntant la majeure partie de l’itinéraire Flatters. Elle atteint les oasis du Niger en 1899 au moment où la mission Flamand-Pein conquiert In Salah, non sans avoir combattu les guerriers Touareg. La région de Beni Abbes finit par être occupée en 1900, mais doit être défendue contre les raids des nomades Beraber, attaquant depuis les confins marocains du Tafilalt. Dans les années 1900-1904, les Français s’imposent finalement sur la plus grande partie du Sahara, notamment dans le Hoggar et le Tanezrouft. Les Touareg se trouvent sur la défensive dans leur bastion du Hoggar, mais les Français lancent plusieurs campagnes au cœur même des montagnes du Tidikelt et du Tassili à partir d’un réseau de forts solidement établis. Alors que Cottenest reconnaît le nord du Hoggar, et que les Touareg sont vaincus à la bataille de Tit en 1902, non loin de Tamanrasset, Laperrine poursuit des raids audacieux en direction de l’Adrar des Ifoghas avec les nouvelles troupes sahariennes. Les unités méharistes atteignent les nouvelles frontières sahariennes de l’Algérie qui sont fixées entre 1905 et 1909. De l’autre côté de ces lignes géométriques dessinées de manière assez aléatoire, avec la signature de la convention de Niamey, s’étendent les autres territoires français de l’Afrique-Occidentale française. Depuis le 24 décembre 1902 et la constitution de la nouvelle entité administrative des Territoires du Sud, les forces françaises s’emploient à installer des nouveaux forts tout autour du Hoggar, avec In Salah comme poste principal. Le poste d’Illizi est construit en 1904 en même temps que le bordj Flye Sainte Marie, établi au milieu de l’erg Chech. À partir de l’oasis des Beni Abbes, les Français finissent par défaire les nomades Beraber et Reguibat qui entretenaient l’insécurité à la limite du royaume marocain. Rabat est invité à négocier la fixation de sa frontière avec l’Algérie dès 1904, tandis que les Espagnols s’entendent avec les Français pour dessiner la ligne verticale qui sépare leur Rio de Oro (Sahara espagnol) de l’Algérie. Alors que pratiquement tout le Sahara algérien est découvert en 1909, les Français doivent garder la frontière algéro-libyenne, qui se trouve surveillée par le nouveau poste de Fort Charlet (Djanet), dans le Tassili. Les forces ottomanes ont repris pied dans le Fezzan alors que leurs territoires africains se trouvent convoités par les puissances européennes. Conscients des enjeux

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206 Atlas historique de l’algérie

internationaux en cours au Maroc, les Français s’empressent de faire pression sur le souverain chérifien, qui signe le traité du protectorat le 30 mars 1912. La France exerce son l’autorité dans la partie centrale du territoire marocain, tandis que les Espagnols occupent le nord et le sud. C’est au moment où les Français pénétraient dans le sud-ouest saharien que furent signés les premiers accords de délimitation de la frontière avec le royaume chérifien. Un premier traité élaboré en 1902 partage les zones d’influence avec l’Espagne, tandis que la limite extrême du territoire marocain est fixée sur l’oued Draa. En 1905, alors que la Maurétanie est occupée par les Français, une ligne verticale est dessinée à l’ouest de Tindouf, procédé employé par méconnaissance concrète de ces territoires. Cependant, les souverains marocains n’auront de cesse de remettre en cause les traités avec la France, jusqu’à la mise en place du protectorat sur le royaume en 1912. Le Sud marocain et notamment le Sahara occidental sera le théâtre de plusieurs séditions tribales contre l’autorité chérifienne (1910…).

Raid automobile Alger-Fort Lamy, 1935.

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La conquête du Grand Sahara 207

Carte du Sahara par Henry Barrère, 1930.

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LES ALGÉRIENS

L

EN

ORIENT

es années 1880 furent particulièrement difficiles pour les Algériens. Une succession de famines et de calamités naturelles s’abattit sur la population musulmane, aux ressources déjà compromises par les dernières lois foncières (loi Warnier du 26 juillet 1873, loi du 22 avril 1887). Les terres musulmanes ne permettent plus d’assurer l’alimentation de toute la population indigène, notamment en cas de mauvaise récolte. Avec le recours à des prêts aux taux exorbitants, les paysans finissent par vendre leurs dernières terres pour devenir simples travailleurs saisonniers, ou émigrent vers les gourbis en bordure des villes européennes. 400 000 hectares sont passés aux mains de la colonisation européenne entre 1873 et 1887. Dans les années 1907-1908, une partie de la population vivant autour de Tlemcen avait décidé de quitter ses terres pour émigrer vers l’Orient musulman. En France, les nouvelles lois de séparation du culte (1905) ainsi que la volonté des autorités militaires d’imposer une conscription obligatoire en Algérie avaient été perçues comme des nouvelles épreuves par les milieux religieux algériens. Subissant déjà les contraintes particulières du code de l’indigénat, des musulmans revendiquent leur droit à l’émigration. Les notables de Constantine avaient précédemment affirmé leur attachement aux principes inaliénables de l’islam : « la chose à laquelle nous tenons le plus, c’est de conserver la Shari’a », déclaraient-ils en 1895. La politique anticléricale en France alimentait les rumeurs chez les Algériens, les autorités allaient-elles interdire le culte musulman ? C’est dans ce contexte tendu que 140 jeunes musulmans quittent la région de Tlemcen pour l’Orient vers 1907. L’application des premières mesures de conscription des jeunes Algériens paraît avoir amplifié ce phénomène des migrations vers l’Orient. Environ 526 personnes de Affiche de compagnie maritime la région de Tlemcen, Sebdou, Remchi et Nedroma transportant les pèlerins algériens entreprirent de quitter leurs douars pour l’Orient. pour La Mecque.

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Issus de milieux très pieux, ils ne supportaient plus la politique antireligieuse des autorités coloniales. Avec la perte des biens habous, les établissements musulmans ne disposent d’ailleurs plus des ressources suffisantes pour assurer les frais de l’enseignement. De même, la substitution des cadis par des juges leur est inacceptable. Enfin, encadrés par un code de l’indigénat, système policier réservé aux seuls Algériens musulmans, ils sont empêchés de créer leurs propres associations religieuses. La plupart des mouhajirun, ces émigrés, sont essentiellement des notables. Ce seront quelque 794 familles (4 000 personnes) qui s’exileront vers l’Orient entre 1910 et 1912. Plusieurs régions d’Algérie furent le point de départ de populations de notables, mais également des hommes seuls ou en famille souhaitant s’extirper de problèmes locaux, ou en quête d’un monde meilleur. C’est surtout vers les pays du Cham, la Syrie et le Liban, que partent les Algériens. Les routes du pèlerinage offraient déjà la possibilité de gagner la région de Palestine-Syrie après l’accomplissement des rites à Médine et La Mecque. Cependant, le manque de ressources a contraint de nombreux Algériens à réclamer leur rapatriement vers l’Algérie. Cette démarche impliquait pourtant d’être transféré au pénitencier militaire de Tadmit, une fois le voyage retour payé par les consulats français de Jaffa ou Djeddah. La correspondance archivée des consuls français du Levant concernant ces cas d’Algériens venus demander l’assistance française permet de comprendre les difficultés de l’exilé algérien en Orient, à la fois musulman auprès de ses coreligionnaires, mais bénéficiant toujours de la qualité de ressortissant français à l’étranger, pour éventuellement redevenir l’indigène en Algérie.

Pèlerins algériens en partance pour La Mecque.

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Les Algériens en Orient

La liberté de circulation des Algériens était extrêmement limitée par les autorités françaises. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, les indigènes algériens ne quittaient pratiquement pas le pays, hormis les convoyeurs kabyles et les pèlerins. Seuls les détenteurs d’un passeport en vue d’accomplir le pèlerinage aux lieux saints de l’islam avaient le droit de voyager vers l’Orient. Cet événement se trouvait très encadré par les autorités françaises, qui surveillaient quasiment toute l’organisation du hadj, notamment avec leurs consulats à Yanbu et Djeddah. Cependant, la grande majorité des Algériens contournaient les procédures autant fastidieuses que coûteuses pour obtenir un passeport. Ils empruntaient le chemin parcouru par leurs ancêtres depuis des siècles : la route saharienne du pèlerinage. Perçu le plus souvent par les populations comme l’aboutissement d’une vie, le pèlerinage à La Mecque impliquait de renoncer à son confort et aux siens pendant toute la durée du voyage. Pendant six mois, les pèlerins algériens marchaient donc jusqu’en Arabie pour arriver pendant la saison du hadj. Par groupes, ils se rassemblaient dans le sud-est de l’Algérie pour longer la route des palmeraies tunisienne et libyenne jusqu’en Égypte. Parmi ces pèlerins algériens non officiels, nombreux sont restés en Orient. Le pèlerinage à La Mecque a souvent été suivi d’une émigration dans la région, pour tous les musulmans de passage. Ainsi, certains Algériens se fixent dans les régions de Palestine, Syrie après leur pèlerinage. D’autres Algériens embarquaient de Tunisie (surtout avant l’occupation française) pour les ports de l’Empire ottoman. Pour les candidats algériens à l’exil, la Tunisie fut le lieu de transit idéal pour émigrer illégalement en Orient. Mais séjourner à Damas ou Jaffa impliquait de pouvoir subvenir à ses besoins. La petite minorité algérienne de Syrie, relativement ancienne depuis l’arrivée de la famille de l’émir Abd el Kader, semble s’être organisée pour accueillir ses frères. Dans les années 1910 et l’afflux important d’Algériens (ils sont estimés à 6 000 à Damas en 1912), le petit-fils d’Abd el Kader, l’émir Khaled (né à Damas en 1875), semble avoir joué un rôle important pour l’intégration des émigrés. De 1876 à 1909, le règne du sultan ottoman Abdülhamid apparut comme très favorable aux émigrés algériens en Syrie, à qui sont octroyés des lots de terrain et une première assistance financière. Mais avec l’arrivée de Mehmed V en 1919, la situation économique des nouveaux émigrés algériens se serait dégradée. C’est alors que certains Algériens se tournèrent vers les autorités consulaires françaises pour être… rapatriés. La fondation du journal El Muhadjir (l’Émigrant) illustre le travail des notables algériens d’Orient, notamment leurs liens avec les autorités ottomanes en Syrie et les milieux religieux dans le Hedjaz. À cette époque, des relations particulières se nouent entre les milieux religieux algériens et des cheikhs d’Orient, illustrées par la visite du cheikh Abduh à Alger et Constantine en 1903. Les tensions entre l’administration coloniale et les milieux religieux musulmans sont très fortes. Le pèlerinage a été suspendu en 1903 et 1904, suite aux protestations des délégués financiers musulmans. Environ 1500 Algériens – c’est le chiffre moyen des départs à cette époque – n’ont pas participé au hadj. Le nouveau gouverneur général Jonnart pratiquera une politique plus conciliante, en autorisant davantage de départs. Les départs n’avaient jamais été réguliers, le déclenchement d’épidémies en Orient interdisant souvent le pèlerinage aux Algériens.

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GUERRES MONDIALES ET MONTÉE DU NATIONALISME ALGÉRIEN

LES ALGÉRIENS DANS LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE 173 000 Algériens musulmans participent comme soldats à la guerre qui commence en 1914 entre la France et l’Allemagne. La réquisition de travailleurs connaît un développement sans précédent, avec le départ de 119 000 Algériens musulmans en métropole. Envoyés dans les principales régions industrielles françaises comme mineurs, ouvriers spécialisés, notamment dans l’armement, les usines à gaz, la voirie. Ils seront chargés d’effectuer les travaux spécifiques à l’arrière du front (terrassement, creusement des tranchées…). Tirailleurs et spahis se retrouvent à combattre sur le front du nord de la France. Avec les premières grandes batailles de l’Yser, de la Marne, les Algériens, qui n’ont pour la plupart jamais quitté leur pays, sont confrontés au feu industriel, avec l’utilisation massive de l’artillerie dans les combats. La participation de l’infanterie algérienne et plus généralement nord-africaine tout au long de la guerre dans le nord de la France se trouve tragiquement illustrée par l’étendue des nécropoles musulmanes. Avec les tirailleurs sénégalais, marocains et tunisiens, les Algériens paieront le prix du sang, avec 25 711 tués ou disparus, 72 035 blessés dont 8779 mutilés. Les Européens d’Algérie laisseront quant à eux 22 000 morts en France sur 155 000 hommes mobilisés. En Algérie, l’organisation du recrutement indigène avait suscité de nombreuses réactions d’hostilité. Le système de la conscription établi depuis 1912 avait déjà créé des troubles dans l’ouest de l’Algérie en mai 1912 (Nedroma). Chaque année, 5 500 soldats indigènes avaient été fournis à l’armée française. Après le déclenchement des hostilités, l’état-major sollicita rapidement de nouveaux contingents indigènes. Après le succès des premières campagnes d’engagement, le doute et la méfiance s’installent dans plusieurs régions d’Algérie. Les informations sur les mutineries d’Algériens et les horreurs des champs de bataille ne parviennent pas facilement en Algérie. En plus de la censure, les autorités françaises firent tout pour isoler les soldats indigènes en France. Quand ils ne se trouvent pas sur le front, ils sont cantonnés dans des dépôts, casernes et autres sites de transit, qui ont surtout pour objectif de les séparer de la population.

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De nombreuses notes administratives témoignent de cette ségrégation des soldats africains et nord-africains, dont la proximité physique avec les Français et surtout avec les Françaises devait être surveillée. De nombreux indigènes algériens ne comprennent pas pourquoi ils doivent se sacrifier pour la France, alors qu’ils n’ont pas la nationalité française, aucun droit civique, et vivent toujours soumis au code de l’indigénat, qui les empêche de voyager, de porter des armes, etc. Après la période troublée des années 1905 et la crainte des milieux musulmans pour leurs traditions, seules les motivations matérielles poussaient les Algériens à s’engager. Pour la plupart des indigènes engagés, ce pouvait être l’occasion de gagner un peu d’argent, et sortir du marasme des campagnes algériennes où se succèdent famines, épidémies, etc. C’est pourtant par la méfiance et la résistance que réagissent les jeunes conscrits dans plusieurs régions, notamment autour de Mascara où éclatent les premiers troubles graves en octobre 1914. Dans la région des Beni Chougrane, à proximité de Mascara, une colonne de 1 500 conscrits est empêchée

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Les Algériens dans la Première Guerre mondiale

de poursuivre sa route par la population. Cet incident dégénère rapidement en révolte locale que l’armée réprime durement. Les deux douars incriminés sont terriblement écrasés. Autour de Batna, la résistance au recrutement provoque une véritable guerre dans la région. À partir de novembre 1914, on avait assisté à de nombreux actes de désobéissance collective de la part des jeunes conscrits. Le 2 août 1916, le départ de 875 appelés avait entraîné des protestations. À la fin du mois d’août 1916, le recensement de la classe 1917 provoque un soulèvement dans toute la région du Bélezma. Les jeunes désertent en masse et prennent le maquis, la région montagneuse du Bélezma étant très boisée. La rébellion s’étend aux communes voisines de Barika puis à tout le massif des Aurès jusqu’à Khenchela. Environ un millier de révoltés du Bélezma attaquent le bordj de MacMahon (Aïn Touta) le 11 novembre 1916. Le lendemain, l’administrateur de la commune mixte et le sous-préfet de Batna sont tués par les insurgés tandis que la gare du village est livrée au pillage. L’armée engage rapidement ses soldats de Biskra à dégager le village de Mac-Mahon. Parmi eux, les bataillons de tirailleurs sénégalais et des zouaves. L’insécurité se répand dans toute la région, les recrues sortant de Barika se retrouvent libérées par les insurgés. La situation est critique pour les autorités militaires françaises qui manquent de troupes en Algérie. Une armée de 6 000 soldats finit par être

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rassemblée avec deux régiments d’infanterie et deux escadrons de chasseurs d’Afrique, appuyés par l’aviation et l’artillerie de montagne. La 250e brigade est même spécialement retirée du front. Tout le massif du Bélezma se trouve encerclé à partir du 8 décembre 1916. C’est surtout dans le djebel Mestaoua, proche des villages révoltés, que l’armée entreprend de réprimer les douars rebelles. Le 1er janvier 1917, 14 167 soldats attaquent de nouveau le Bélezma ainsi que les djebels Bou Arif et Guerioun au nord de Batna. Après le bouclage des zones censées abriter les rebelles, l’armée procède au ratissage, ponctué de massacres, viols et incendies de mechtas (hameaux indigènes). Les bataillons de tirailleurs sénégalais furent particulièrement impliqués dans ces crimes, de même que les zouaves, ce dont se plaindra le généCimetière musulman de Pantin. ral Moinier. Les opérations militaires se succédèrent ensuite entre janvier et février 1917 dans les massifs du djebel Metlili (région d’El Kantara) et du djebel Chechar. Si le nombre de victimes de cette guerre de représailles ne sera jamais connu, il y eut 825 personnes arrêtées et jugées et 165 inculpés par un conseil de guerre (Constantine). Vivant assez isolée, la population pauvre et fière des tribus chaouias des Aurès subit cette répression dans la quasi-indifférence générale, cet épisode de la résistance algérienne ayant été rapidement dissimulé par les autorités françaises. Comme plus tard en mai 1945, les événements d’Europe étouffèrent la voix des révoltés algériens. Les Algériens n’en continuaient pas moins de donner leur sang sur les théâtres d’opérations de l’armée française. Les tirailleurs et spahis algériens étaient envoyés au Proche-Orient, où la France comptait appuyer l’offensive britannique contre les territoires de l’Empire ottoman, allié à l’Allemagne. Un détachement français de Palestine fut formé pour combattre sur le front du Sinaï. En juin 1917, des soldats algériens attaquent leurs coreligionnaires de l’armée ottomane dans la région de Gaza puis entrent à Jérusalem, après le général Allenby. Cette fitna (la guerre entre musulmans) avait déjà fait ses preuves dans le Hedjaz avec l’action de l’agent britannique Lawrence auprès des tribus bédouines. Le commandement français prit d’ailleurs sa part dans la formation d’unités arabes dans le nord du Hedjaz. Avec son corps expéditionnaire algérien, l’armée française finit par atteindre la Syrie en janvier 1918 puis fait débarquer des troupes au Liban en septembre. À ce moment-là, de nombreux Algériens rejoignent l’armée française installée en Syrie. Ces Algériens avaient été faits prisonniers par les Allemands sur le front du nord

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Les Algériens dans la Première Guerre mondiale

de la France puis avaient été invités à se joindre à l’armée ottomane alliée. Après leur intégration dans l’armée du sultan, les soldats algériens devenaient des travailleurs sur le front oriental. Leurs difficiles conditions au sein d’une armée malmenée sur tous les fronts les incitèrent à s’enfuir d’Iraq après l’arrivée des armées occidentales. Avec l’intervention des Britanniques au Moyen-Orient, l’Empire ottoman perdait une à une ses anciennes conquêtes (Arabie, Balkans, Iraq…). Le sultan Mehmed V, qui détenait toujours le titre d’émir des croyants, avait pourtant appelé au djihad les peuples musulmans. Mais son appel n’avait pas été suivi ni en Orient ni dans les colonies d’Afrique du Nord, notamment dans l’ancien beylik d’Algérie. Seules les tribus Sennoussis avaient réagi dans le désert libyen. En 1916, ils attaquèrent les postes français au-delà de Ghadamès et Ghat, anciens forts ottomans. Les Italiens, qui avaient entrepris la conquête de la Libye ottomane depuis 1911, avaient été contraints de replier leurs unités sur les forts algériens.

Spahi algérien dans le nord de la France.

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remier grand choc et bouleversement socio-économique dans les sociétés européennes, la Première Guerre mondiale aura provoqué plusieurs phénomènes dans la société coloniale algérienne. Bien que son territoire n’ait pas été directement touché par la guerre, hormis le bombardement naval de Bône et Philippeville par la Kriegsmarine, l’insurrection régionale dans les Aurès annonce d’autres formes de contestation. La société de l’Algérie coloniale assiste à la naissance de nouveaux acteurs politiques musulmans. De nouvelles voix s’élèvent progressivement dans le paysage politique, que la population européenne ne percevra que tardivement. Des migrations massives de travailleurs indigènes vers la France, où les Algériens découvrent une autre société française, avec des organisations syndicales, des partis politiques et des conditions de vie autrement intéressantes, émerge progressivement une prise de conscience du sort réservé aux indigènes dans les départements algériens. Le prix du sang acquitté par les Algériens sur les champs de bataille avait suscité une certaine bienveillance à leur égard. Les autorités françaises avaient souhaité rendre hommage aux musulmans en faisant construire la première mosquée de France à Paris inaugurée en 1926. C’est dans le cadre de cette politique de reconnaissance aux musulmans soldats que seront édifiés en 1935 l’Hôpital franco-musulman et le cimetière musulman en 1937 au nord de Paris (Bobigny). En Algérie, la nationalité française est accordée à de nombreux soldats musulmans décorés de la Grande Guerre. Mais la situation économique est très difficile au lendemain de la guerre. L’Algérie a été affectée par le blocus maritime de l’Allemagne ayant frappé les importations de sucre, riz, savon, outils, combustibles. En 1917, des régions ont particulièrement été touchées par la crise agricole comme la Kabylie et le Constantinois, entraînant des disettes en 1917. Les céréales firent ainsi l’objet de spéculations provoquant une insécurité alimentaire générale. L’intervention des SIP (sociétés indigènes de prévoyance) et la réquisition de céréales des régions ouest réduisirent les effets de cette crise mais les récoltes de 1919 et 1920, très mauvaises, eurent les mêmes conséquences. Cette fois, l’ouest de l’Algérie fut touché par la famine. Les indigènes de Marnia, Ammi Moussa, Zemoura, Nedroma, Theniet el Had, Saïda eurent de nombreuses victimes. Des camps d’accueil pour les affamés furent ouverts par les autorités. Ces années 1918

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à 1921 virent s’accumuler les épreuves de la faim et des épidémies, en particulier celle du typhus, qui fit environ 80 000 morts en 1921. La croissance démographique de la population indigène baissa brusquement durant ces années (entre 1901 et 1910 il y eut 65 000 naissances par an, entre 1911 et 1921 plus que 18 440). En fait, les années noires se succèdent jusqu’en 1923.

Mosquée de Paris en cours d’achèvement, 1925.

L’émigration vers la France, qui avait perdu 1 400 000 hommes pendant la guerre et dont une partie du territoire était en ruines, se présentait pour de nombreux Algériens comme la seule manière de pouvoir faire vivre leurs familles. Cependant, l’émigration algérienne vers la métropole était très contrôlée et nécessita l’obtention d’un contrat de travail à partir de 1924. Un certificat d’aptitude était requis en 1926. Les paysans pauvres qui ne pouvaient se rendre en France grossissaient donc les flots de l’exode rural vers les villages, se rassemblant dans des gourbis ou « villages nègres » (quartiers spontanés bâtis le plus souvent par les nomades aux abords des villes européennes). Les principales villes d’Algérie voyaient quant à elles se former à leurs faubourgs les bidonvilles comme à Alger, où ce terme aurait été inventé vers 1934. Avec le phénomène de concentration des terres au profit de la grande colonisation, une masse d’ouvriers agricoles forme un nouveau prolétariat composé de travailleurs saisonniers ou faisant partie des grands domaines viticoles. Avec l’apparition des nouveaux outils, la mécanisation de l’agriculture algérienne (moissonneuses-batteuses) n’a fait qu’accentuer la précarité des travailleurs indigènes. Sur 26 000 propriétaires européens, 20 % détiennent 74 % du domaine agricole algérien, principalement en Oranie et dans la Mitidja. Avec l’accès au crédit, les petits propriétaires européens se sont souvent endettés, accélérant le regroupement des terres au profit des gros colons. Certaines cultures tournées vers l’exportation comme les

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agrumes et la viticulture maintiennent ainsi la domination d’une catégorie d’Européens proche des milieux politiques. Mais ces barons de l’Algérie ne mesurent pas la lente évolution politique qui se réalise chez les musulmans. Les ouvriers algériens découvrent en France les premiers mouvements nationalistes avec la fondation de l’Étoile nord-africaine (ENA) par Messali Hadj en 1926. Après ses contacts avec le Parti communiste français dans le contexte de la guerre du Rif, l’émigré de Tlemcen Messali réclame rapidement l’indépendance totale de l’Algérie en… 1927. Son organisation ne tarde pas à être dissoute par les autorités françaises. Alors que l’on célèbre le centenaire de la conquête de l’Algérie et inaugurer l’Exposition coloniale en 1931 à Paris, comment laisser se développer un tel parti ? Après sa dissolution en 1929, l’ENA réapparaîtra en 1933 sous une forme plus algérienne avec le nom de Parti du peuple algérien (PPA). De telles initiatives n’étaient possibles qu’en France, dans le contexte du multipartisme et du monde associatif (loi 1901). Car avec le système policier sévissant en Algérie contre toute organisation indigène, le PPA évoluera longtemps dans une semi-clandestinité. Plus visibles en Algérie, les mouvements religieux n’étaient quant à eux pas restés inactifs dans le contexte du « renouveau », la Nahda, en Orient. Au cours des années 1910, plusieurs intellectuels musulmans ou ulémas (jurisconsultes musulmans) entretenaient des relations avec l’Orient islamique, à l’occasion du pèlerinage ou de séjours d’apprentissage dans les établissements de Damas, Médine, Le Caire ou Tunis. Le cheikh Abduh, qui s’était rendu en Algérie en 1903, joua un rôle important dans la défense du mouvement de l’Islah, la pratique d’un islam basé sur les sources (Coran et sunna, la tradition prophétique), épuré des superstitions. Très répandu parmi les populations d’Algérie, le maraboutisme et ses pratiques hétérodoxes était fermement condamné par ce mouvement des ulémas réformistes. Parmi eux avait émergé la figure d’Abdelhamid Ben Badis. Né à Constantine en 1899, il entreprit le pèlerinage en 1914 puis étudia à la chaire islamique de Tunis (Zeytouna). Avec les chouyoukh (savants musulmans) Tayeb el Oqbi, qui étudia à Médine puis revint à Biskra en 1920 et Bachir el Ibrahimi, Ben Badis met en place la nouvelle organisation des ulémas dans les années 1924-1925. Les ulémas fonderont officiellement leur association à Alger en 1931. Pour diffuser leurs idées, ils disposent des journaux (en arabe) Al Muntaqid et Al Chihab. Les autorités d’Alger tolèrent ces associations qu’elles considèrent comme modérées. Il en est de même pour la première formation politique musulmane qui émerge dans les années 1930 : la Fédération des élus musulmans. Issue de la tendance Jeunes Algériens à l’instar du mouvement marocain d’Allal el Fassi, la fédération des élus musulmans est animée en 1934 par Ferhat Abbas, jeune pharmacien installé à Sétif. Né en 1899 dans la région de Jijel, il entreprit ses études supérieures à Alger tout en dirigeant des associations d’étudiants. Après la Première Guerre mondiale, il se revendique du mouvement Jeunes Algériens (depuis la Syrie, l’émir Timbre à l’effigie de Ferhat Khaled avait réclamé l’autodétermination de l’Algérie Abbas.

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dès 1919 au président américain Wilson) et défend l’égalité des droits entre tous les habitants de l’Algérie. L’adhésion complète à la France tout en restant musulman se présentait pour Ferhat Abbas comme le seul choix possible, à défaut de disposer d’une patrie algérienne. Avec les autres élus musulmans du département de Constantine comme Bendjelloul et Mostefaï, Ferhat Abbas forme le courant dit assimilationniste musulman, qui souhaite l’abolition du statut de l’indigénat. En 1936, le projet BlumViollette envisageait d’attribuer la citoyenneté française à un certain nombre d’Algériens indigènes, tout en conservant leur statut musulman. Considérées comme trop généreuses par certains milieux européens d’Algérie, ces mesures ne seront pas ratifiées par le Parlement, fréquemment soumis aux pressions du lobby colonial. Alors que le gouvernement du Front populaire s’impose en France en 1936, les ulémas réforGroupe d’oulémas réformistes dans les années 1930. mistes organisent leur premier grand congrès musulman à Alger. Leur audience est alors en plein essor, surtout à partir de leurs fiefs de Constantine, Tlemcen et Nedroma. Leur programme consiste à défendre l’identité culturelle des Algériens que répètent en chœur les nombreux scouts qui sont affiliés au mouvement avec leur credo : « L’Algérie est mon pays, l’arabe ma langue, l’islam ma religion. » Le cheikh Ben Badis définit également que la personnalité algérienne « repose sur un trépied, l’ethnie berbère, la langue arabe, la religion musulmane ». La progression de ces deux organisations algériennes, dirigées par des élites occidentalisées d’une part et un milieu savant musulman d’autre part, marquera la vie politique et sociale de l’Algérie des années 1930. Ces formations précisent leurs idées et leurs programmes dans un contexte international marqué à la fois par des innovations sociopolitiques dans le monde arabe (mouvements nationalistes au Maroc et en Tunisie, Frères musulmans en Égypte…) et la diffusion du communisme dans les colonies. Les autorités françaises, conscientes du risque de contagion de l’agitation nationaliste qui sévit au Maroc (Comité d’action marocaine en 1934) et en Tunisie (le parti Néo-Destour a été fondé en 1934), ont fait le choix prioritaire de la répression de l’ENA-PPA. Les années 1933-1934 sont marquées par une forte agitation populaire autour des idées nationalistes. En fondant le journal L’Entente franco-musulmane, Ferhat Abbas veut pourtant encore croire à une politique coloniale plus généreuse. Cependant, la situation économique difficile de l’Algérie dans les années 1933 aggravait le mécontentement des masses musulmanes. Avec la mondialisation de la grande crise américaine de 1929, qui avait fini par atteindre l’Algérie, des milliers de travailleurs algériens avaient été licenciés dans les mines (comme à El Kouif) et le bâtiment. Quant aux travailleurs

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émigrés en France, ils repartaient massivement en Algérie, entraînant une baisse des mandats postaux en direction de la en Grande Kabylie. L’agriculture céréalière subissait la chute des cours mondiaux, appauvrissant de nombreux paysans indigènes et européens, souvent endettés. Les sociétés indigènes de prévoyance s’efforçaient d’assister les paysans touchés tandis que le gouvernement procéda à partir de 1936 à la construction de grands silos et de docks, afin de suppléer aux crises céréalières endémiques. Avec les nouveaux crédits accordés aux paysans algériens et le recul de la petite colonisation européenne, on assiste à une reprise des achats de terres par les propriétaires indigènes, notamment dans le Constantinois. La région de Constantine-Sétif apparaît bien comme l’un des fiefs des mouvements nationalistes. Ferhat Abbas, qui prône la modération auprès des masses, dit comprendre les idées nationalistes de l’ENA-PPA, mais ne les partage pas, car il les estime explosives. Les émeutes antijuives d’août 1934 qui se produisirent à Constantine, puis les troubles de Sétif en février 1935 avaient inquiété Ferhat Abbas. En ces temps de formation d’une nouvelle conscience politique algérienne, les moindres provocations ou rumeurs pouvaient rapidement dégénérer. Le Gouvernement général accusait d’ailleurs les ulémas réformistes d’entretenir ce climat de tension dans la population musulmane. Avec le décret de délit politique de 1935, la pression policière restait très Le cheikh Bachir el Ibrahimi. forte sur les militants nationalistes algériens. C’est ainsi que le parti de Messali Hadj est dissous en 1937 par le gouvernement du Front populaire, sous la pression du Gouvernement général d’Alger. Devenue Parti du peuple algérien, l’ENA a réussi à mobiliser bien au-delà des milieux ouvriers algériens en France. Ses militants en Algérie sont devenus la bête noire de la police et de la DST. Le mouvement nationaliste algérien du PPA s’organise désormais à partir de l’Algérie, efficacement encadré par une nouvelle génération d’intellectuels comme Mohamed Debaghine Lamine. Avec les arrestations successives de Messali Hadj, le PPA doit souvent décider sans son chef. À Alger, le bureau des centralistes prendra une importance grandissante vis-à-vis du chef historique du PPA, surtout après son arrestation en 1937 et sa déportation à Brazzaville. En 1938, Ferhat Abbas, déçu après l’échec du projet Blum-Viollette, fonde l’Union populaire algérienne. Avec plusieurs élus de l’Est algérien, qui avaient démissionné en 1937 pour protester contre l’abandon du projet Blum-Viollette, son nouveau parti politique veut défendre les intérêts des masses indigènes, tout en prenant conscience des limites de son ambition franco-musulmane. Tout en prônant la modération, il déclarera aux autorités : « Vous nous refusez d’être Français, nous serons autre chose. » Au moment où la Seconde Guerre mondiale commence, le nouveau PPA de Messali Hadj est de nouveau dissous le 30 septembre 1939 avec les autres formations politiques indigènes. Mais la défaite française de 1940 et le débarquement anglo-américain en Algérie en 1942 précipitent « la maturation d’une situation révolutionnaire » (Benjamin Stora).

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L’ALGÉRIE DANS LA SECONDE GUERRE MONDIALE

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n mai 1940 les Algériens se trouvent directement témoins et acteurs de la guerre, comme ouvriers dans le nord de la France, mais surtout comme militaires engagés dans les régiments de tirailleurs. Ces unités prennent une part active aux premiers combats de mai 1940. Neuf régiments de tirailleurs algériens (RTA) participent aux tentatives pour contenir l’armée allemande, qui déferle sur les lignes françaises. Sur la Dyle, au Quesnoy et sur la Meuse, les Algériens se battent face la Wehrmacht, dont la supériorité tactique est évidente. De nombreuses unités algériennes se retrouvent capturées. Le 31e RTA subira de fortes pertes en résistant dans la région de Châtillon-sur-Indre. Le 22e RTA réussit quant à lui à s’embarquer à partir de la poche de Dunkerque après la bataille de la Dyle. Comme de nombreuses unités françaises, les RTA se retrouvent vite encerclés et capturés. Le commandement allemand placera tous les prisonniers africains et nord-africains dans des Frontstalags, camps de prisonniers réservés aux nonEuropéens, selon les principes raciaux nazis, qui prônaient une nette séparation des races. Les soldats africains des colonies françaises subiront un traitement particulièrement difficile, les autres Blancs comme les NordAfricains se trouvant progressivement libérés en juillet 1941. Un certain nombre d’entre eux seront employés par l’industrie allemande ou l’organisation Todt, chargée de la construction du mur de l’Atlantique. Après l’armistice et l’installation d’un nouveau gouvernement à Vichy, les départements de l’Algérie prennent une importance nouvelle, avec l’assurance de disposer de tout son potentiel économique. Avec les conditions d’armistice imposées à la France, l’Algérie se trouve ponctionnée par les importations réservées à l’Allemagne nazie. Le rationnement et les nombreuses pénuries (commerce maritime très limité par la guerre) affectent gravement la population tant européenne que musulmane. En ravitaillant l’armée allemande qui se bat en Libye, une grande partie des ressources agricoles est soustraite à la population. Le cheptel camelin finira par être entièrement consommé. Cependant, l’épidémie de typhus qui fit 60 000 victimes européennes et encore davantage d’indigènes sera l’une des plus graves conséquences de cette crise. Les deux premières années de la guerre sont très difficiles pour

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l’Algérie, dont les autorités ont rapidement fait allégeance au maréchal Pétain. Le gouverneur général Chatel et le général Juin s’efforcent de suivre le programme de la Révolution nationale du nouveau gouvernement d’extrême droite, notamment en appliquant la politique antijuive de Vichy. Déchus de la nationalité française en octobre 1940, les Juifs algériens surmontent une difficile épreuve. Aux interdictions d’exercer dans la fonction publique, et dans certaines professions, les juifs algériens se retrouvent confrontés à de nombreuses spoliations et arrestations, avec, en arrière-plan, une population européenne séduite dans sa majorité par le pétainisme (Stora). Les formations politiques indigènes subissent quant à elles une surveillance accrue du nouveau régime, encore plus policier. En réalité, le Gouvernement général est en situation de faiblesse et craint toute agitation populaire. Les Affiche du ministère de la Guerre, 1939. milieux militaires, qui n’ont pas vraiment digéré la défaite de 1940, sont divisés par l’intervention du général de Gaulle, qui a appelé à continuer le combat. L’homme de la France libre est bien conscient qu’il doit s’appuyer sur l’Algérie pour libérer la France. Mais, en se trouvant à Londres, il est encore mal perçu en Algérie, où la flotte française basée dans le port de Mers el Kebir a été bombardée par la Royal Navy le 3 juillet 1940. Les Britanniques s’inquiètent de l’utilisation possible de la flotte française par l’Allemagne. L’Afrique du Nord se trouve en partie occupée par les Italiens de Mussolini, le grand allié d’Hitler. Avec l’intervention de l’Africa Korps contre les Britanniques en Libye, la frontière égyptienne et le Moyen-Orient se trouvent menacés en 1942. Avec l’entrée des États-Unis dans le nouveau conflit mondial depuis décembre 1941 et son concours au ravitaillement britannique, l’Afrique du Nord apparaît désormais comme une base intéressante à proximité d’une Europe quasi totalement occupée par les forces de l’Axe.

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DÉBARQUEMENT AMÉRICAIN EN ALGÉRIE À LA CAMPAGNE DE TUNISIE (1942-1943)

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e 8 novembre 1942, 150 000 soldats américains débarquent sur les plages d’Oran et d’Alger. La flotte de l’US Navy met en place les forces armées sur plusieurs têtes de pont, à l’ouest d’Alger, entre Bou Ismaïl et Sidi-Ferruch, où les plages ne sont pas défendues par les Français. À l’ouest d’Alger, les Américains doivent débarquer dans le secteur d’Aïn Taya, afin de neutraliser les batteries côtières. Le gouvernement de

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Vichy ayant donné l’ordre aux forces françaises d’Alger d’empêcher toute tentative alliée sur l’Algérie, de nombreux tirs sont échangés entre les fortifications autour d’Alger et les troupes américaines. Avec l’aide des réseaux gaullistes, les Américains parviennent cependant à investir rapidement les aérodromes et les faubourgs d’Alger. Après quelques résistances, l’amiral Darlan et le général Giraud finiront par négocier rapidement la fin des hostilités avec le général américain Clark. Dans la région d’Oran où se déroule l’autre débarquement, les forces américaines doivent neutraliser plusieurs nids de résistance français. Les troupes de la région avaient gardé le souvenir de l’intervention anglaise à Mers el Kebir en 1940. Les soldats anglais qui débarquent avec les Américains furent insérés parmi les régiments américains afin de prévenir toute réaction d’hostilité de la population. Avec l’arrivée des Américains, c’est le débarquement de milliers de tonnes de ravitaillement et produits « made in USA » distribués gracieusement aux populations, qui impressionnent les Algériens des villes et villages, traversés par cette armée qui fait route vers l’est du pays. Mais les Allemands ont réagi dès le 10 novembre en bombardant Alger et les grandes villes de la côte est, Bougie et Bône. Jusqu’en mai 1943, la Luftwaffe mènera plusieurs raids meurtriers. L’avance des forces américaines est cependant très rapide. Moins d’une semaine après leur débarquement, ils sont à Bône et à Tébessa, en face de la Tunisie occupée par les forces de l’Axe. Depuis 1939, les Allemands ont fortifié des positions défensives dans le sud de la Tunisie (ligne Mareth), permettant à l’armée de Rommel de se replier en bon ordre après l’échec d’El Alamein (Égypte) en octobre 1942. La campagne de Tunisie sera le baptême du feu pour la plupart des soldats américains mais aussi celui de milliers de soldats algériens engagés sur ce front à partir de 1943. Le recrutement des soldats indigènes après le débarquement allié en Algérie apparaît comme un enjeu politique majeur, d’une part pour le général de Gaulle, qui s’appuiera sur cette armée d’Afrique jusqu’en 1945 pour négocier le retour de la France parmi les Alliés, et d’autre part pour les mouvements nationalistes algériens. Ferhat Abbas entreprend

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Du débarquement américain en Algérie à la campagne de Tunisie (1942-1943) 229

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effectivement des négociations directes avec Robert Murphy, diplomate américain à Alger. Le 22 décembre 1942, Abbas lance un appel aux nations alliées, que le Gouvernement général ignore. Pourtant, avec les principes comme celui du « droit de tous les peuples à choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils veulent vivre » énoncés dans la Charte de l’Atlantique de Churchill et Roosevelt le 14 août 1941, les militants nationalistes algériens pensent avoir trouvé un nouvel appui moral des États-Unis. À ce moment-là, Ferhat Abbas s’applique à organiser un front uni des mouvements militants algériens et présente son Manifeste du peuple algérien, texte destiné autant aux autorités françaises qu’aux États-Unis. Le pharmacien de Sétif fonde les Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) en mai 1943, qui rassemblera 100 000 adhérents en 1945. Cet événement marque une étape significative dans le mouvement nationaliste algérien (Charles André Julien). En permettant à Messali Hadj de le rejoindre à Sétif le 10 juin 1943, après avoir obtenu sa libération, Ferhat Abbas se présente comme un médiateur incontournable, entre les indépendantistes du PPA et l’immobilisme du Gouvernement général. Toutefois, le général de Gaulle, qui est arrivé en Algérie pour constituer le Comité français de libération nationale (CFLN) en mai 1943, est bien conscient de la nécessité de faire un geste en direction des milieux politiques indigènes. De Gaulle annonce des réformes en faveur des musulmans, dans son discours de Constantine du 12 décembre 1943. L’ordonnance du 7 mars 1944 ouvre aux musulmans l’accès aux emplois civils et militaires. Elle met fin aux mesures d’exception et accorde la citoyenneté française à quelques milliers d’indigènes, pouvant désormais participer aux élections à l’Assemblée algérienne divisée en deux collèges. Les communes mixtes sont quant à elles supprimées. De nombreux Algériens n’auront bientôt plus l’occasion de profiter de ces mesures. Ils mourront sur les champs de bataille d’Italie, où ils débarqueront en 1944, après avoir participé en partie à la campagne de Tunisie. De février à avril 1943, l’armée américaine est appuyée par les régiments indigènes d’une nouvelle « armée d’Afrique ». Reprenant le vocable des troupes de la conquête, cette nouvelle force commandée par le général Juin, un Européen d’Algérie, n’a pu voir le jour qu’avec tout l’armement américain débarqué en 1942. La formation des nouvelles recrues algériennes, qui s’engagent cette fois en masse, a été organisée dans les grands camps militaires américains tels que ceux de l’Oranie. Il s’agissait de préparer ces troupes fraîches aux techniques de débarquement et à l’utilisation de tout un nouveau matériel américain. La formidable logistique américaine débarquée en Algérie a certainement impressionné les populations, prenant conscience de la puissance de ce pays méconnu. Mais les Algériens sont rapidement confrontés aux réalités de la guerre. Dans le front du sud-est algérien, la division de marche de Constantine est envoyée de février à avril 1943 pour barrer la route aux Italiens, qui tentent d’attaquer à partir de Gafsa. Après leurs échecs face à Rommel en février 1943, les Américains finissent par percer le front allemand pendant la grande offensive du printemps 1943, avec le déploiement de plusieurs régiments de tirailleurs algériens. Dans le Sahara algéro-libyen, les Français s’efforcent de reprendre les positions italiennes de Ghat et poussent jusqu’à Serdelès. La compagnie saharienne des Ajjer, qui a rejeté les Italiens en janvier 1943, est ensuite rejointe dans la région de Djanet par la compagnie méhariste de Touat, qui a parcouru 1500 km à partir d’Adrar.

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Affichette arabe en l’honneur du général Giraud.

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LES

SOLDATS ALGÉRIENS SUR LE FRONT D’ITALIE (JUILLET 1943-JUIN 1944)

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e corps expéditionnaire du général Juin se trouve engagé dans la campagne d’Italie. La péninsule italienne était perçue par les Alliés comme le « ventre mou du crocodile » (Churchill) et donc un front secondaire en Europe, avant le grand débarquement dans le nord de la France. Pourtant, ce sont 120 000 hommes qui sont envoyés d’Algérie vers le front italien. Après le débarquement anglo-américain en Sicile et en Calabre en juillet 1943, la forte résistance de l’armée allemande dans la région de Naples surprend le commandement allié. L’engagement de la 3e division d’infanterie algérienne (DIA) prend toute son importance. Arrivés en décembre 1943, les régiments de tirailleurs algériens font face à la dureté des combats. S’appuyant sur le relief des Abruzzes, les Allemands sont solidement retranchés sur la ligne Gustav. À Monte Cassino, de janvier à mai 1944, c’est le baptême du feu pour la grande majorité des Algériens. Le monastère détruit par les bombardements alliés devint un nid de résistance très difficile à reprendre aux parachutistes allemands. À l’issue de plusieurs batailles dans la région de Monna Casale et Castelforte, les régiments algériens et marocains finissent par contourner la montagne sanglante et franchir victorieusement la rivière Garigliano en mars 1944. Jusqu’en juin, les tirailleurs progressent lentement jusqu’à la rivière Sacco, traversée le 2 juin 1944, puis entrent à Rome le 5 juin, la veille du débarquement allié en Normandie. Le 7e RTA continue de poursuivre son offensive au nord de Viterbo et engage plusieurs combats pour la traversée de l’Orcia le 21 juin. Les Algériens atteignent ensuite la ville de Sienne. La campagne d’Italie aura fait 1 978 tués et 5 860 blessés parmi les soldats de la 3e DIA.

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LA

LIBÉRATION DE LA FRANCE, DE LA PROVENCE À L’ALSACE

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eux mois après le débarquement anglo-américain en Normandie le 6 juin 1944, le commandement allié ouvrait un second front dans le sud-est de la France. L’opération « Anvil » consistait à débarquer sur les côtes de Provence les armées d’Afrique du Nord et d’Italie. Au lendemain de la première phase du débarquement dans la région de Saint-Raphaël le 15 août 1944, la 3e DIA débarque à son tour vers Saint-Tropez. Rassemblés ensuite à Cogolin, dans le massif des … Maures, les Algériens passent à l’offensive en direction de Toulon. Une bataille de trois jours s’engage pour la prise de la ville, dont le port abrite de grandes installations militaires. Les tirailleurs attaquent l’armée allemande en encerclant Toulon le 20 août (3e régiment de spahis algériens) tandis que d’autres unités sont envoyées sur les faubourgs de Marseille avec les soldats de la 9e division d’infanterie coloniale. Ayant atteint Marseille le 22 août, tirailleurs algériens du 7e RTA et tabors marocains livrent bataille jusqu’au sommet de Notre-Dame de la Garde pour réduire les nids de résistance allemands. Appuyés par les résistants locaux, les soldats de la 3e DIA libèrent Marseille, dont la garnison allemande capitule le 29 août 1944. Les forces françaises ont perdu 4 500 hommes en deux semaines. La 3e DIA poursuit alors son avancée à travers les vallées des Alpes jusqu’à Grenoble tandis que le gros des forces alliées remonte la vallée du Rhône. Le repli des armées allemandes au nord de Lyon explique la progression assez facile de la 3e DIA jusqu’au Jura, qui est atteint en septembre 1944. L’armée allemande s’est solidement retranchée autour de l’Alsace, région considérée comme faisant partie du Vaterland (Patrie) allemand et donc à défendre en conséquence. À l’automne 1944, les armées américaines (général Patton) ont également atteint la Lorraine, au moment où les forces françaises se trouvent aux pieds des Vosges, sur fond de grandes difficultés logistiques (aucun port d’importance n’est encore disponible en septembre 1944). Entre le 4 octobre et le 14 novembre 1944, la 3e DIA est alors lancée dans plusieurs offensives contre les positions allemandes, mais fait face à une très forte résistance. Tenant les crêtes du massif des Vosges, les Allemands infligent de lourdes pertes aux soldats algériens, qui progressent malgré tout

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dans les dures conditions hivernales. Alors que Mulhouse et Strasbourg sont libérées les 21 et 23 novembre 1944, les nouvelles offensives au sommet des Vosges, coûteuses en hommes, n’aboutissent que très péniblement. La dernière ligne de crêtes est ainsi occupée le 24 décembre 1944. La 3e DIA participe ensuite à la première tentative sur Colmar à la mi-décembre, mais sans y parvenir malgré de lourdes pertes. Alors que presque toute l’Alsace est libérée, la deuxième bataille de Colmar du 20 janvier au 2 février 1945 retient encore les soldats de la 3e DIA, qui est positionnée au nord, en direction de Strasbourg. C’est à partir de la grande cité alsacienne que la division prendra part aux opérations du Rhin de mars 1945.

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La libération de la France, de la Provence à l’Alsace 237

Le front des Vosges (hiver 1944-1945)

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LES SOLDATS ALGÉRIENS EN ALLEMAGNE L’offensive générale des armées françaises en direction du Rhin est déclenchée le 15 mars 1945. Censée couvrir le flanc sud de l’offensive américaine, son rôle devait en principe être limité. Mais le général de Gaulle a chargé de Lattre de Tassigny de tout faire pour traverser le Rhin et entrer en Allemagne. De Gaulle a bien mesuré l’enjeu politique international pour la France à ce stade du conflit. En faisant pénétrer l’armée française en Allemagne, il renforce la position française auprès des Alliés. La politique proallemande de Vichy ayant en effet compromis la position française en Europe, le chef de la France libre entendait regagner la confiance des Alliés, tant américains que soviétiques. Les soldats coloniaux, dont les Algériens, deviennent ainsi le principal bras armé de cette politique internationale et franchissent la frontière allemande le 18 mars 1945. Parmi eux, le régiment du 3e RTA, qui se distingue particulièrement. Avec la prise de Spire le 31 mars, le Rhin est atteint puis traversé avec très peu d’embarcations. Mais les combats pour la tête de pont sont âpres. Les forces armées françaises progressent jusqu’à la grande ville de Karlsruhe puis s’avancent en direction de l’Enz, qui est atteinte le 8 avril. Les derniers efforts des unités algériennes sont récompensés par la prise de Stuttgart le 21 avril 1945. Avant de retourner en Algérie, beaucoup séjourneront en Alsace, et, une fois démobilisés en Algérie, retrouveront une compagne ou travailleront dans les chantiers de reconstruction. Sur les 134 000 Algériens mobilisés de 1943 à 1945, 6 000 Algériens musulmans tués ne reverront jamais leur famille. Le prix de ce sacrifice, ajouté à celui des quelque 10 000 autres Européens d’Algérie tués, permet à la France de participer à la signature de la capitulation allemande du 8 mai 1945, avec la présence du maréchal de Lattre de Tassigny. À Sétif, un autre 8 mai commence.

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Avenue Clemenceau au centre de Sétif, 1945.

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RÉVOLTES ET RÉPRESSIONS DE SÉTIF À GUELMA

LA

RÉPRESSION DISPROPORTIONNÉE DE

A

1945

près le succès du mouvement des Amis du Manifeste et de la Liberté, la population musulmane d’Algérie envisageait réellement la prise en compte de ses nouvelles revendications. Parmi les sympathisants des AML, les militants du PPA apparaissent comme bien décidés à obtenir gain de cause, surtout après l’arrestation de Messali Hadj. Alors que se préparait une intervention militaire alliée en France, le général de Gaulle voulait certainement montrer qu’il avait bien entendu les Algériens avec l’ordonnance du 7 mars 1944, avant de se consacrer à la restauration de la République. Au sein des AML, la tendance PPA restera très forte au sein du mouvement d’Abbas, qui tient son congrès le 2 avril 1945. Les dirigeants du PPA vont jusqu’à soulever la question d’un futur État algérien. Le Gouvernement général ne pouvait rester sans réagir à ce qu’il considérait comme des provocations et enferme Messali, qui ne devait plus recouvrer sa liberté avant plusieurs années. Le PPA, principal mouvement nationaliste, envisageait de réclamer la libération de son chef à la moindre occasion. Celle-ci se présenta enfin le 1er mai 1945, pendant lequel de nombreux cortèges d’Algériens manifestèrent. Rassemblant 1 500 personnes à Guelma, 3 000 à Sétif, la plupart des manifestations de la fête du Travail se déroulèrent sans incident contrairement à celle d’Alger, où la police et les gendarmes usèrent de la force, par peur d’être débordés par le nombre, tuant plusieurs manifestants algériens. La dernière année de la guerre en Europe se fit encore sentir durement chez la masse de la population algérienne, touchée par les pénuries et par les ravages du typhus. Mais en ce début mai 1945, la population musulmane entretenait également l’espoir d’une Algérie qui prendrait en compte leurs nouvelles aspirations développées depuis les années 1930. Les militants entretenaient cet espoir par leurs discours quasi religieux. Dans la conscience du peuple algérien, la fin de la guerre en Europe ne pouvait être suivie que d’une amélioration de leur sort, sous une forme matérielle ou politique. Notamment dans le Constantinois très politisé, on préparait avec ferveur la date de la prochaine libération… de l’Europe mais aussi de l’Algérie.

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SÉTIF, 8

L

MAI

1945

a manifestation qui se prépare à Sétif le 7 mai 1945 est très attendue par les militants des AML comme du PPA. Ils souhaitent profiter de cet événement historique pour parader fièrement en chantant des hymnes nationalistes. Quant au drapeau algérien, interdit par les autorités, il nécessitera de la discrétion. Le rendez-vous du départ de la manifestation n’a pas été prévu n’importe où. Il s’agit de la mosquée Abou Dar el Ghifari (du nom d’un compagnon du Prophète de l’Islam) dite aussi Masjid et Atiq, (ancienne mosquée), située à cinq minutes de la gare de Sétif. Contrairement à la Masjid el Atiq (Ancienne Mosquée) construite dans les années 1845, la mosquée de la gare illustre le travail entrepris par les milieux religieux dans la région pendant les années 1930,. La région de Sétif se trouve entre le pôle religieux de Constantine et la région d’origine de Bachir el Ibrahimi (douar Ouled Braham, à l’ouest de Colbert, anciennement Aïn Oulmene). Le faubourg supérieur de la gare, dans lequel la mosquée est située, est un quartier abritant une population mixte, d’Européens et d’indigènes aisés. Sétif est très aérée avec ses grands boulevards militaires qui entourent la ville, sortie de ses remparts depuis les années 1920. Les indigènes peuvent se rendre facilement vers le grand marché arabe, à proximité de la porte de Biskra. C’est un rendez-vous hebdomadaire des paysans des hautes plaines au sud de la ville et des montagnards du nord. Avec la mise en marche du cortège indigène le matin du 8 mai en direction de la porte de Constantine, une masse de paysans rejoindra spontanément le défilé. La grande avenue Georges-Clemenceau, bordée d’arcades, est l’artère principale de la ville, sa vitrine. Les milliers d’Algériens s’avancent en direction du monument aux morts pour y déposer une gerbe, et devront donc tourner à gauche en passant devant le Café de France. La grande avenue est légèrement en pente avant d’aboutir à Aïn el Fouara, la fontaine emblématique de la ville. Au croisement de la rue Sillègue, un barrage de police ferme l’accès à la place où se trouvent la mairie et la sous-préfecture. Les scouts, qui ouvrent la marche depuis la mosquée de la gare, continuent d’entonner leurs chants patriotiques quand surgit un commissaire de police ; à la vue du drapeau interdit, tendu par un jeune militant, il essaie de s’en emparer par la force, le policier se retrouve débordé et tire.

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Cet incident déclenche une panique générale, les policiers tirent sur la foule qui s'éparpille par les rues adjacentes. Le gros du cortège, en cherchant à reprendre l’avenue en sens inverse, se retrouve face à un barrage de gendarmes qui ouvrent le feu. Parmi les manifestants qui ont reflué par les rues en direction de la porte de Biskra, certains réagissent très brutalement sur les Européens qu’ils croisent, tuant une vingtaine de personnes et blessant 35 autres, le plus souvent par arme blanche. Le nombre d’indigènes abattus à ce moment du drame est quant à lui resté inconnu mais a dû être de plusieurs dizaines, les policiers et gendarmes ne disposant pas d’armes lourdes de part et d’autre de l’avenue où le plus grand nombre a été tué. La confusion qui régnait à ce stade de l’émeute provoque un effet d’entraînement des indigènes restés au marché arabe, qui s’enfuirent tous à la nouvelle de la fusillade. Le mouvement de reflux des paysans arrivés dans la matinée à Sétif vers leurs douars amplifie la peur et le désir de vengeance. Quant aux autorités françaises, elles prennent la mesure de la gravité de l’émeute, en activant un plan d’action militaire, en fait préparé depuis plusieurs mois. La riposte était inéluctable surtout pour le milieu des quelques policiers mêlés à la fusillade sur le porte-drapeau. Ils détestent Ferhat Abbas et son réseau d’amitiés européennes comme Deluca, élu communiste de la ville, blessé pendant l’émeute. Ils veulent en finir avec la menace que représentent les militants du PPA sur leur Algérie française, et ont d’ailleurs très bien accueilli le programme de Vichy en 1940. La répression est très dure pour la population de Sétif. Dans les campagnes, les nouvelles de cette répression sont diffusées en fin de matinée, le long de la route de Bougie, par le chauffeur de taxi Eel Adouani, militant PPA, qui annonça le début d’une guerre contre les Français. Dans le village des Amoucha et plus haut de Kerrata, quelques indigènes sont revenus de Sétif. Des rassemblements se forment spontanément. Parmi la population, des jeunes probablement militants se rassemblent. À Amoucha, Périgotville, Chevreul, Lafayette et Kerrata, des groupes décident d’attaquer les casernes locales de gendarmerie et de s’emparer des armes. En tournant leur violence contre les habitants européens des villages, les émeutes spontanées prennent un tournant irrationnel. En tuant, le plus souvent à l’arme blanche, et en mutilant leurs victimes européennes, les paysans survoltés par l’appel à la vengeance sont inconscients des conséquences dramatiques de tels actes. Situés au plus près des montagnes, ces villages sont au cœur de la zone d’action de l’armée, qui intervient dès le lendemain. Une partie des émeutiers étant parvenue à s’emparer de fusils, la population assiège les casernes et essaie de couper les routes le 8 et surtout le 9 mai. Le commandement local de Sétif accentue la gravité de la situation, en interprétant tout acte de violence rapporté dans son secteur comme le signe de l’extension d’une insurrection armée de grande ampleur. C’est ainsi que le colonel Bourdila demande à la Xe Région militaire d’Alger tous les moyens possibles pour dégager les villages au nord de Sétif et reprendre la région aux insurgés. Les tentatives de pillages par des groupes de nomades dans la région des chotts, entre Colbert et Saint-Arnaud, sont associées à des troubles insurrectionnels et réprimées à la mitrailleuse. De nombreux incidents isolés et règlements de comptes accentuent la confusion, comme à Tamentout. Dans

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Sétif, 8 mai 1945 245

plusieurs villages comme à Sillègue (Beni Fouda) et à Aïn Abessa, le caractère limité des violences n’empêche cependant pas l’armée et l’aviation d’intervenir. À partir du 9 mai et l’arrivée des renforts sur les routes du nord, l’armée se déploie massivement dans la région. En faisant appel à l’aviation et la marine, le commandant Henri Martin prépare une réaction totalement disproportionnée. Alors que les routes et les villages commencent à être libérés par les premiers véhicules blindés, des troupes spéciales sont envoyées sur Sétif. La Légion étrangère (Sidi Bel Abbès) et les régiments de tirailleurs sénégalais entrent en jeu à partir du 9 mai, pour une action immédiate sur les villages, appuyés par des bombardements sur les rassemblements de population, déclarés suspects. Avec la découverte des cadavres d’Européens sur les routes, le mitraillage à vue sera systématique, entraînant la mort de plusieurs centaines d’Algériens comme à Kerrata, Périgotville et Chevreul. Les populations indigènes s’enfuient massivement dans les champs et les montagnes.

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LA

GUERRE DE REPRÉSAILLES AU NORD DE SÉTIF À partir du 13 mai 1945, le commandement décide le lancement de grandes opérations de nettoyage des massifs où se terrent toujours hommes en armes et paysans fuyant les mitraillages. L’aviation procède à de nombreux bombardements des zones encore peu accessibles aux troupes. Les unités de Sénégalais et la Légion étrangère pénètrent dans le massif des Babors et dans le secteur des gorges du Chabet el Akhira (le ravin de l’au-delà) pour y déloger les rebelles. Le colonel Bourdila entreprend de faire descendre toute la population des douars autour de Kerrata pour le 15 mai. Ce rassemblement illustré par plusieurs images d’archives permet à l’armée d’afficher son travail de pacification dans la zone de l’émeute, avec des scènes d’hommes rassemblés levant les bras avec des fusils qu’on leur a distribués. Le colonel Bourdila lui-même donne un discours moralisateur sur le comportement des émeutiers et la force de la France. Mais ce rassemblement au bord de l’oued de Kerrata cache une tout autre réalité. Des arrestations et des interrogatoires suivent ce rassemblement et, encadrés par des gendarmes, un certain nombre de suspects prend la route des gorges où ils seront précipités vivants. Le pont Hanouz, du nom de l’une des victimes, commémore ces exécutions sommaires de mai 1945. Mais le plus important des rassemblements de population orchestrés par les autorités militaires se déroula sur la grande plage des Falaises, en contrebas de la route de Bougie à Djidjelli. Tous les douars du secteur sont rassemblés de force pour assister à la cérémonie de l’aman ou « demande de pardon » (en arabe). Tous les responsables civils et militaires de l’Est algérien sont présents pour assister à la soumission des tribus à qui il est demandé de proférer des imprécations contre les chefs nationalistes et de reconnaître la toute-puissance de la France. Le survol de la plage à basse altitude par des avions de chasse ainsi que la présence de navires de guerre pour impressionner les populations compose cet événement, censé marquer la fin des hostilités. Plusieurs images de ce 22 mai ont été diffusées et conservées contrairement aux autres actions de la guerre de représailles, qui continue jusqu’en juin 1945. L’armée qui ratisse la région a étendu sa zone d’opération aux montagnes du Bou Andas et dans le djebel Tamesguida. Dans ces massifs

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boisés se seraient cachés les émeutiers de la première heure, qui sont traqués par les légionnaires, tirailleurs sénégalais et tabors marocains venus en renfort après leur action autour de Guelma. Les opérations de réduction des poches de résistance ne laissent aucun doute sur le sort réservé aux hameaux qui abriteraient des suspects. C’est à huis clos que des crimes terribles sont commis dans ces régions reculées autour du Tamesguida et de Tala Ifacène, à l’ouest de Kerrata. La dernière opération se déroule le 16 juin dans le djebel el Halfa, au sud-est de Chevreul ; elle est suivie d’un rassemblement forcé des populations le 25 juin. Mais la population s’enfuit en partie avant la fin, sachant qu’il s’agit d’un piège tendu par les Français pour capturer et liquider nombre de personnes. Toute la région de la mer à Saint-Arnaud gardera le souvenir des atrocités commises par les tirailleurs sénégalais. Quant à la population de KerrataDjermouna, elle voit graver sur la roche de l’oued el Akhira la trace des opérations répressives de la Légion étrangère et de la gendarmerie. Pendant quarante-cinq jours, la gendarmerie et l’armée, souvent appuyées par des Européens locaux, ont obtenu carte blanche des autorités pour écraser les émeutiers. En fait, des milliers d’innocents ont été mitraillés, bombardés,

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La guerre de représailles au nord de Sétif

pillés ou sommairement abattus en fuyant ou en croisant la route des escadrons de la mort. La réponse disproportionnée de l’armée et des forces locales (police, gendarmerie) succède à une concentration de tensions au sein de la société coloniale. Confrontée à la montée d’un nationalisme décomplexé dans un contexte de recul de la petite colonisation pendant les dernières années, la minorité européenne, surtout dans le Constantinois où elle est la moins nombreuse, avait accumulé des peurs parfois irrationnelles face aux masses qui l’entouraient. Quant aux autorités civiles et militaires, elles avaient été préparées quelques mois auparavant à réagir à toute éventualité. Le contexte de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe et les enjeux politiques internationaux qui entouraient la position de la France avaient convaincu le GPRF d’éviter toute manifestation d’hostilité dans les colonies. À défaut de pouvoir prévenir des émeutes (comme ce fut le cas le 1er mai 1945), les autorités d’Alger devaient parvenir à les étouffer dès les premiers incidents. De même, les informations rapportées par la presse française sur les pudiques événements du Constantinois furent soigneusement censurées. Quant aux commissions d’enquête qui suivirent, elles furent assez rapidement interrompues en haut lieu. La France était en train de se reconstruire tant matériellement que politiquement et ne pouvait rendre publics les faits de massacres commis par ses soldats. Les informations furent cependant bien dissimulées sinon détruites au moment où les premiers chercheurs commencèrent leur travail d’investigation, assez tardivement, dans les années 1980. Malgré tout, en recoupant un certain nombre d’archives militaires avec les témoignages des survivants et une bonne connaissance du terrain, il était possible de reconstituer ce printemps sanglant de mai-juin 1945. Après la terrible répression du Bélezma et des Aurès en 1917 et les répressions dans les régions de Sétif et Guelma en 1945, le contentieux avec la colonie européenne d’Algérie se trouvait aggravé dans l’Est algérien, qui deviendra le berceau de la guerre d’indépendance à venir.

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La guerre de représailles au nord de Sétif

Le pont Hanouz, site d'un massacre.

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EXÉCUTIONS

SOMMAIRES PRÉVENTIVES À GUELMA Comme à Sétif, le 1er mai 1945 avait été l’occasion pour les militants nationalistes algériens de démontrer leur capacité à se rassembler, même dans des petites villes. Ils étaient 1 500 à Guelma et, bien que pacifique, cette démonstration politique du 1er mai alimentait l’inquiétude des Européens. Ils n’étaient en fait pas rassurés depuis un certain nombre d’années. Non seulement les thèses du PPA progressaient dans la région mais on assistait à un recul de la colonisation européenne. Depuis les années 1930, un mouvement de rachat de terres par les indigènes s’était développé sur fond de crises agricoles à répétition. Les sociétés indigènes de prévoyance (SIP) avaient joué un rôle non négligeable. Le désarroi économique de nombreux petits propriétaires européens avait entretenu cette peur, déjà ancienne, d’être submergé par « les Arabes ». Leur nombre n’était plus le seul motif d’inquiétude. Non seulement ils reprenaient progressivement une partie des terres dépossédées à leurs ancêtres, mais ils faisaient également de la politique. Avec les idées nationalistes du PPA, le mouvement le plus récent était celui des Amis du Manifeste et de la Liberté de Ferhat Abbas, que toute la région constantinoise avait soutenu. À Guelma, certains avaient décidé de prévenir toute tentative de déstabilisation du système. C’est un certain Achiary, sous-préfet de Guelma, qui entreprit de constituer dès le 14 avril 1945 les premières milices d’Européens dans plusieurs villages autour de la ville. Les petits villages de colonisation d’Héliopolis, Petit, Millésimo, Guelaat Bou Sbaa, Clauzel, Gounod, Gallieni et Hammam Meskoutine eurent des milices armées, prêtes à toute éventualité. La minorité européenne trouvait avec ces armes un moyen de se rassurer. Les événements de Sétif de la matinée du 8 mai exacerbent cette psychose des Européens qui entreprennent des exécutions sommaires préventives sur ces indigènes perçus comme des menaces. Membres actifs du PPA, membres des AML ou simplement classés comme intellectuels constitueront la cible prioritaire d’une sinistre milice. Pourtant, contrairement à Sétif, aucune violence ne fut commise contre des Européens dans la ville de Guelma. Le souspréfet Achiary, à la nouvelle des événements survenus le matin du 8 mai, exécuta l’ordre du préfet Lestrade-Carbonnel de réprimer violemment le

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cortège indigène prévu pour la célébration de la victoire alliée. Achiary fit ainsi tirer sur la foule rassemblée en fin d’après-midi. L’aggravation des violences autour de Sétif ayant déclenché une réaction armée de grande ampleur, le sous-préfet de Guelma prépara sa guerre avec ses milices. 80 hommes défendaient Guelma contre toute attaque, en se positionnant autour de la ville. Cette attaque ne survint jamais. La gendarmerie et la milice entreprirent alors de traiter l’ennemi intérieur, les militants algériens de Guelma. Alors que le 9 mai commença le temps des règlements de comptes, des opérations militaires répressives étaient également engagées autour de Guelma du fait de rassemblements indigènes suspects et à la suite de la mort de 11 paysans européens tués par des émeutiers. La réaction militaire fut terriblement disproportionnée. Comme autour de Sétif à partir du 9 mai, des bombardements furent effectués contre les rassemblements de population indigène, et des colonnes militaires parcouraient les routes et villages pour « dégager » ou « nettoyer », sombres euphémismes officiels de l’armée. La campagne de Guelma fut le théâtre de mitraillages et de pillages commis par une armée composite. Goumiers marocains (à partir du 16 mai), troupe de choc de l’armée coloniale, troupes venues de Tunisie ainsi que trains de mitrailleuses (Sénégalais) s’employaient à tirer sur tout indigène aperçu fuyant ou tout simplement suspect d’avoir participé à quelque trouble. Le calme est officiellement rétabli le 10 mai 1945. La répression prend une autre dimension dans la ville de Guelma, avec la création d’un tribunal illégal, où transitent des centaines d’Algériens en vue de leur exécution sommaire. Un conseil – illégal – de guerre, présidé par Achiary lui-même, traite 2 500 suspects, écumant les milieux PPA et autres sympathisants nationalistes. Aux opérations militaires (par bombardements et mitraillages) succèdent les exécutions par les autorités civiles et milices autoproclamées à Guelma et dans les villages alentour. Du 13 au 19 mai, les milices d’Achiary et la gendarmerie procèdent à une exécution systématique des Algériens suspects actifs ou proches des courants nationalistes indigènes. Leur liquidation et leur disparition dans des fosses communes aux alentours de Guelma se firent en toute impunité. Le préfet Lestrade-Carbonnel, accompagné du général Duval, ayant promis de tout couvrir, « même les bêtises » alors qu’il s’était rendu à Guelma le 13 mai 1945. Les exécutions ne cesseront qu’en juin tandis qu’une mission d’enquête fut entretemps diligentée. Missionnée par Paris, la commission Tubert fut interrompue le 26 mai… les premières informations difficilement recueillies sur place s’étant révélées être trop sensibles politiquement pour le GPRF. Courant juin, Achiary et ses milices, comprenant qu’ils ne peuvent cacher les atrocités commises depuis un mois, commencent à faire disparaître les cadavres des Algériens massacrés, utilisant des fours à chaux au nord-est de Guelma. Mais les charniers sont nombreux, dans plusieurs sites autour de Guelma. Le nombre de victimes dans la région est estimé à 12 Européens et 2 000 indigènes dont pratiquement la moitié de la ville de Guelma. À Paris, alors que l’épuration continue de s’étendre tout en affaiblissant le GPRF, les autorités minimisent la réalité de la répression dans le Constantinois. Les forces de souveraineté n’ont pas reçu de renforts de métropole, mais la liberté d’action qui leur a été accordée de fait aura donné l’illusion d’une pacification durable.

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Exécutions sommaires préventives à Guelma 255

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LA GUERRE D’INDÉPENDANCE

1954-1956,

LE DÉBUT DE LA GUERRE D’INDÉPENDANCE

P

arallèlement aux opérations militaires qui frappent Sétif et Guelma, la police procède à des arrestations massives dans tous les milieux militants, AML, PPA et ulémas. Ferhat Abbas lui-même est emprisonné alors qu’il se trouve à Alger pour adresser un message de félicitations au Gouverneur général. Il sera détenu avec Bachir el Ibrahimi dans la même cellule à la prison civile de Constantine. La répression qui s’abat sur tous les militants à partir de mai 1945 touche particulièrement le PPA. Alors que celle-ci frappe les régions de Sétif et de Guelma, la direction du PPA tente de réagir en lançant un mot d’ordre d’insurrection aux cellules les plus actives, mais, avec les arrestations dans les villes, l’ordre est annulé. Ceux parmi les militants qui ont pu échapper à la nasse policière entreprennent la formation d’un groupe spécialement prévu pour la lutte armée : l’Organisation secrète (OS). Avec des cadres discrets et disciplinés s’organise progressivement une branche armée du MTLD, émanant du bureau d’Alger (tendance centraliste). On trouve à sa tête Mohamed Belouizdad à qui succéderont Aït Ahmed et Ben Bella. Mais l’OS sera démantelée par la police en 1950. Sur le millier d’activistes clandestins de l’OS, seule la moitié parviendra à échapper aux arrestations. Parmi les militants sortis des filets de la DST française, certains se réfugient à l’étranger comme Ben Bella et Aït Ahmed (après leur hold-up de la Les six chefs du FLN avant le poste d’Oran en 1949) tandis que le MTLD cherche déclenchement de la révolution du à se démarquer de l’organisation, pour ne pas finir 1er novembre 1954. emporté à son tour. Debout, de gauche à droite : Rabah Dans ces années 1950-1953, le parti de Messali Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Didouche Hadj voit sa cohésion affaiblie, avec plusieurs Mourad et Mohamed Boudiaf. Assis : tendances antagonistes, dont celle issue des Krim Belkacem et Larbi Ben M’Hidi.

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1954-1956, le début de la guerre d’indépendance 257

membres de l’OS. Jusqu’en 1954, ces activistes essaient de rallier les autres ailes du MTLD à leur projet d’action armée. Avec la création par Mohamed Boudiaf du CRUA (Comité révolutionnaire d’unité et d’action) en mars 1954, les diverses tendances du MTLD tentent une dernière fois d’aligner une position commune sur le projet d’insurrection. À la suite de cette ultime tentative qui n’a pas abouti à l’adhésion de l’ensemble des groupes MTLD, messalistes et centralistes, un nouveau groupe de militants issus de l’OS apparaît. Très déterminé, ce « groupe des 22 » est réuni par Boudiaf en juin 1954, dans une villa du Clos-Salembier (El Madania), à Alger. Parmi eux, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M’Hidi, Didouche Mourad, Rabah Bitat forment avec Boudiaf le groupe très restreint des décideurs de l’insurrection à venir. Avec Krim Belkacem, vivant déjà replié dans le maquis de Grande Kabylie depuis 1947, ils se donnent quatre mois pour organiser l’insurrection, avec des moyens matériels très faibles. Quant aux autres membres de l’OS réfugiés en Égypte, Ben Bella, Khider et Aït Ahmed, ils bénéficient du soutien du mouvement des Officiers libres dirigé par Nasser depuis 1953. En octobre 1954, le groupe clandestin des six chefs historiques de l’insurrection algérienne crée le FLN, ou Front de libération nationale, rassemblant un millier d’hommes mal armés. Ces jeunes militants sont prêts à se battre aussi longtemps qu’il faudra pour que les Algériens recouvrent leur indépendance, tel est l’objectif fixé par le FLN, dont le nom est encore totalement inconnu des autorités françaises. Quatre mois plus tôt, en juillet 1954, la France, qui venait de subir une lourde défaite face aux indépendantistes vietnamiens à Diên Biên Phu, doit également affronter l’instabilité dans les deux protectorats du Maroc et de la Tunisie, où règne un calme précaire à la suite des émeutes nationalistes en 1952 et 1953. À Paris et Alger, peu se doutent que se prépare une insurrection nationaliste. Pourtant, le général Duval, responsable du commandement militaire lors de la répression de 1945, avait bien annoncé qu’il avait donné « la paix pour dix ans ». Le réveil nationaliste était en effet inéluctable surtout dans les régions du Constantinois, marquées par la répression. La région la moins colonisée de toute l’Algérie est en outre habitée par de nombreuses populations montagnardes, demeurées très peu en contact avec les populations européennes, notamment dans la région des Aurès, restée longtemps sous-administrée. Des milliers d’hommes de l’Est algérien ont surtout participé aux deux guerres mondiales et à la récente guerre d’Indochine avec leurs voisins européens. De nombreux Algériens mettront leur expérience de la guerre au service de la lutte armée, anciens officiers de tirailleurs algériens comme Krim Belkacem, ou soldats survivants des combats de l’Indochine. De même, les premières armes modernes seront pour la plupart issues des stocks de la Seconde Guerre mondiale, cachées à la suite des combats de 1943 en Tunisie et en Libye (armes allemandes et anglaises…), d’où partira un important trafic en direction des maquis du FLN. Les hommes du FLN (Bachir el Kadi notamment) organisent un trafic d’armes dès l’été 1954 par la Libye et le Sud tunisien.

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LA « TOUSSAINT

L

ROUGE

»

es attaques orchestrées par le FLN le 1er novembre 1954 sont le signal de départ de l’insurrection des indépendantistes algériens. En ayant réussi à s’attaquer quasi simultanément à plusieurs casernes et dépôts en plusieurs points du territoire algérien, le FLN a montré sa capacité à organiser une première opération spectaculaire, malgré la faiblesse de ses moyens. Le résultat militaire des quelque 70 attentats du 1er novembre est en effet relativement limité. Mais la présence de victimes européennes choque l’opinion française. Avec les attaques de casernes et les sabotages plus ou moins réussis, l’embuscade des gorges de Tighanimine et le siège d’Arris sont les événements sur lesquels se focalisent l’opinion publique mais surtout les autorités militaires françaises. Avec la région des Aurès, c’est surtout dans l’est de l’Algérie que le FLN a le plus agi. Alger et la Kabylie toute proche, fief de Krim Belkacem, sont le théâtre de plusieurs actions. C’est autour de Constantine et Batna où des chefs du FLN ont constitué des premiers maquis que les attaques ont été les plus hardies. La réaction d’Alger fut d’abord policière, en procédant aux traditionnelles arrestations massives et en s’attaquant au MTLD, qui ignore lui-même le FLN. Après l’embuscade du 1er novembre sur la route de Batna à Ghoufi et les attaques à Khenchela, la région des Aurès apparaît bien vite pour les autorités militaires comme la principale région où elles déploient leurs troupes. La première opération militaire vise tout particulièrement le secteur du douar Ichmoul, supposé abriter les meneurs des attaques du 1er novembre. À l’opération « Ras Trabouch » et « Ali Baba » de décembre 1954 où Grine Belgacem sera abattu, succèdent « Véronique » et « Violette » en janvier 1955. La région est très boisée, notamment le nord des Aurès entre Khenchela et Batna, ce qui complique les bouclages et ratissages d’une armée française encore inadaptée, malgré l’envoi de parachutistes et du 11e choc (force spéciale de l’armée et du contre-espionnage). Considérées comme des opérations de maintien de l’ordre, les actions de l’armée et de la gendarmerie, qui sont loin de maîtriser le terrain, s’accompagnent cependant de nombreuses destructions de douars, supposés ravitailler les rebelles. Le général Cherrière qui arrive sur le front constantinois début 1955 comprend qu’il lui faut non seulement des renforts en hommes mais qu’il doit

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également pratiquer un contrôle des populations des douars suspects. C’est ainsi qu’il fait déplacer de force plusieurs populations indigènes hors des zones montagneuses. En les faisant descendre vers la plaine, ces populations se retrouvent enfermées dans le premier camp de regroupement à Touffana, qui servira de modèle pendant tout le reste de la guerre, qui ne dira jamais son nom. Pourtant, les soldats du contingent seront maintenus dès mars 1955 en Algérie, face à la recrudescence des attentats du FLN. Des moyens supplémentaires sont donnés progressivement à l’armée française, émanant du gouvernement d’Edgar Faure, qui permet la mise en place de l’état d’urgence (avril 1955, d’abord dans les Aurès et la Grande Kabylie) et de mesures répressives contre toutes les populations suspectes de collusion avec les rebelles (pratique de la punition collective, mai 1955). Avec ce nouvel arsenal légal dont disposent l’armée, les gendarmes et les policiers en Algérie, des populations se trouvent brutalement confrontées à la répression très violente, provoquant de nombreux recrutements auprès de la jeune ALN.

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La « Toussaint rouge » 261

Subissant une forte pression militaire dans les Aurès, les chefs de l’ALN, dont Youcef Zighoud, préparent une extension de l’insurrection dans le NordConstantinois. Le 20 août 1955 les attaques contre les centres européens et les casernes affecteront toute la région au nord et à l’est de Constantine. Avec la terrible répression consécutive aux attaques du 20 août, un tournant s’opère dans la guerre. L’armée française et les milices, après les exactions commises, font entrer dans le camp des indépendantistes des centaines de volontaires. Après l’été 1955, le travail des chefs du FLN-l’ALN notamment à partir des zones Aurès et Kabylie est d’essaimer de nouvelles cellules organisées dans toutes les villes. Mais c’est seulement à partir de fin 1955-début 1956 que les actions militaires de l’ALN connaissent un nouveau développement. La région des Aurès-Nementcha, où se trouve déployée une grande partie des forces françaises, est également la partie de l’Algérie qui reçoit la plus grande partie des armes en provenance de la Tunisie. Avec la fin du protectorat français à Tunis en mars 1956, l’ALN accroît considérablement son potentiel militaire en établissant plusieurs bases arrière et en y faisant transiter les précieuses armes attendues par les maquis. Depuis avril 1955, les indépendantistes du FLN ne sont plus vraiment seuls. Leur cause a été évoquée à la conférence des pays afro-asiatiques de Bandung en Indonésie. Avec l’Égypte et la Tunisie, le FLN dispose de solides appuis parmi les « pays frères ». Le président Nasser est à ce sujet désigné par le gouvernement Guy Mollet, socialiste, comme en partie responsable de la situation en Algérie. En juillet 1956, un corps expéditionnaire francobritannique interviendra contre sa politique sur le canal de Suez. Mais Guy Mollet, qui a fait voter les pleins pouvoirs en mars 1956, sous la pression de la rue algéroise, voudrait écraser la rébellion, qui multiplie les embuscades spectaculaires. C’est dans toutes les régions montagneuses de l’Algérie que les plus fortes pertes de l’armée française sont recensées. Avec l’embuscade retentissante de mai 1956 dans les gorges de Palestro, l’opinion publique française mesure la réalité d’une guerre toujours censurée par le pouvoir politique. Car pour ce dernier ces événements se produisent bien dans des départements français et non pas contre un pays étranger. L’afflux massif de soldats français et le maintien des appelés en Algérie à partir de 1956 provoquent inévitablement plus de pertes de part et d’autre. Malgré son déploiement massif dans tout le territoire algérien, les forces françaises ne maîtrisent toujours pas les régions montagneuses où le commandement fait appel à des troupes supplétives d’indigènes. L’idée n’était pas nouvelle mais avait émergé dans les Aurès, où l’ethnologue Jean Servier avait monté en février 1956 une petite harka pour lutter contre les maquisards de l’ALN. Malgré tout, l’ALN inflige de nombreuses pertes aux forces françaises dans les Aurès. Les populations subissent quasi systématiquement les réponses disproportionnées de l’armée. Des milliers d’Algériens fuiront ainsi vers la Tunisie, et s’installeront dans des camps de réfugiés, alimentant l’ALN de nouvelles recrues, toujours plus nombreuses. Car les arrestations systématiques des hommes et la destruction des mechtas et villages ne laissent que peu de choix aux Algériens des Aurès. Ils partent en Tunisie ou prennent le maquis sur place. Dans les forêts de Bouhmama ou dans les grottes des Nementcha, toute une armée invisible harcèle les postes français la nuit tombée. Mostefa Ben Boulaïd, l’un des premiers chefs du FLN, est l’un de

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ces combattants. Il est activement recherché par l’armée française depuis son évasion de Constantine. Localisé dans la région de l’oued el Abdi, il est pourtant difficile de mener des opérations contre lui dans cette région au relief tourmenté. C’est le Service de documentation extérieure et de contreespionnage (SDECE) dépendant du Premier ministre français qui organise l’élimination de Ben Boulaïd. En parachutant un poste radio piégé, l’ancêtre de la DGSE parvient à tuer le chef FLN de la wilaya I en mars 1956. Cependant, le massif des Aurès, même déclaré zone interdite depuis mars 1956, continue d’abriter plusieurs katibas (bataillons) de l’ALN. La bataille de l’oued el Hallail en juin 1956 dans le sud des Nementcha témoigne de la solidité des unités algériennes dans cette région au relief lunaire, très propice à la guérilla. C’est par cette région, qui forme la bordure du Sahara, que transite une partie des armes en provenance de Tunisie. Cette région sera le théâtre d’opérations militaires françaises jusqu’en 1961.

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La Dépêche quotidienne, 2 novembre 1954.

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AOÛT 1955 : L’EMBRASEMENT DU NORD-CONSTANTINOIS

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e soulèvement pro-FLN autour de Constantine en août 1955 est le plus souvent désigné sous le nom de « massacres du Nord-Constantinois » ou massacres de Philippeville. Mais le département de Constantine en 1955 est bien plus vaste que la région concernée, limitée aux secteurs de Philippeville, Collo, El Milia, Guelma, el Khroub et Aïn Abid, Sidi Mabrouk (faubourg de Constantine) et dans les villages entre Constantine et la baie de Philippeville. Quant à Philippeville, c’est dans cette ville que l’insurrection fut la plus surprenante et la répression de l’armée la plus massive. Ainsi, une localisation cartographiée s’avère indispensable pour mesurer l’étendue réelle des actions des insurgés et de l’armée à partir d’août 1955. Le déclenchement d’un soulèvement paysan encadré par des soldats de l’ALN provoqua des opérations militaires massives jusqu’en septembre 1955 et la mise place d’un déploiement militaire quasi permanent dans les campagnes de la région, marquant un changement brutal dans la politique algérienne du gouvernement français. Plusieurs cibles avaient été préparées par Youcef Zighoud avant l’attaque du 20 août 1955. Des commandos de l’ALN appuyés par les paysans munis d’armes blanches devaient attaquer diverses casernes, commissariats, cafés européens, gares, postes… Des villages coloniaux dans lesquels la population européenne se trouvait en minorité furent assiégés par des hommes en armes mais surtout par une foule de civils. Toute une population indigène participa aux attaques dans les villages désignés, dont Philippeville où les habitants des douars proches investissent le centre-ville avec ou sans armes. Malgré le nombre des insurgés descendus pour attaquer le centre de Philippeville, la réaction immédiate des militaires fait rapidement fuir les milliers d’Algériens. Ce fut le cas à Guelma et à Constantine, où les garnisons locales sortent immédiatement mitrailler les insurgés. Cependant, plusieurs villages ont été attaqués simultanément par les révoltés ou cernés par une foule de paysans notamment au sud de Philippeville et dans le secteur d’El Halia, où la population européenne est en partie massacrée. 33 personnes ont été tuées à l’arme blanche, dont plusieurs enfants. Un scénario quasi similaire se produit dans le village d’Aïn Abid, où 7 habitants européens sont tués dans les mêmes conditions. Dans les autres villages isolés et à Philippeville, on compte 31 tués parmi les Européens ; une cinquantaine d’Algériens sont

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266 Atlas historique de l’algérie

assassinés parce qu’ils sont supposés profrançais ou pour d’autres motifs, de nombreux indigènes ayant choisi de s’interposer et de protéger des familles européennes. Après le premier choc de l’attaque lancée en plein jour (à midi) dans le centre de Philippeville, à Guelma et à Constantine, la réaction immédiate de l’armée avait rapidement et violemment éclairci la foule des insurgés, poursuivis jusqu’aux douars proches. L’ampleur de l’insurrection et les massacres des familles européennes d’El Halia et Aïn Abid entraînent une riposte militaire massive et aveugle pendant plus de trois semaines. Les régiments de parachutistes coloniaux déjà présents à Philippeville ainsi que plusieurs autres régiments d’élite seront déployés dans toute la région autour de Philippeville jusqu’à El Milia. Couverture de Paris Match, Comme en 1945, les populations des douars, surtout septembre 1955. les hommes, s’enfuient dans les forêts et les montagnes. L’armée, appuyée par des gendarmes et miliciens européens procèdent à de nombreuses exécutions sommaires. Les reportages de l’envoyé spécial du journal Le Monde Georges Penchenier, qui se trouve sur place, témoignent de cette répression impitoyable dès le 20 août 1955. À Philippeville, il constate que la troupe opère « un ratissage impitoyable dans les quartiers périphériques ; et si les chiffres officiels ne situent qu’aux environs de deux cents le nombre de musulmans abattus à Philippeville même, on admet, d’une façon générale, que les communiqués ont voulu minimiser l’importance de la répression et qu’il doubler, sinon tripler, ces chiffres » (Le Monde, 23 août 1955). En réalité il y aura environ 1 500 musulmans tués dans la banlieue de Philippeville. Dans ses pages du 24 août 1955, le journaliste du Monde rapporte la destruction de hameaux dans le Constantinois. Il estime qu’environ 5 200 « rebelles » ont été tués de sang-froid par les militaires dans les secteurs de Condé-Smendou (Zighoud Youcef), Oued Zenati (Aïn Abid) et Hammam Meskoutine. Autour d’El Halia, où s’est produite la tuerie des familles européennes, l’armée extermine des populations entières, comme la mechta Zef Zef, proche des carrières romaines, où femmes, enfants et vieillards sont massacrés… L’aviation bombarde quant à elle tous les secteurs isolés, notamment les montagnes boisées à l’est d’El Arrouch et la région autour d’El Milia. Bien que ce secteur n’ait pas été attaqué par les insurgés, il est particulièrement réprimé par l’armée française, qui bombarde les montagnes, refuge de petits groupes de maquisards. Des fosses communes apparaissent, comme dans le djebel Filfila, sur le littoral proche de Collo et à proximité du Khroub. Les opérations répressives se poursuivent jusqu’à la fin du mois d’août au moment où des tracts sont parachutés pour faire revenir la population dans ses douars. Plusieurs opérations seront malgré tout lancées dans la presqu’île de Collo à partir du 13 septembre 1955. Cette guerre de représailles d’août 1955 transforme le visage de la guerre. Avec la vision des corps suppliciés d’Européens et l’implication de certaines unités françaises dans des opérations de répression aveugle, qui ont fait 12 000 morts, les « événements » se transforment en une guerre, dans laquelle les non-combattants sont particulièrement exposés.

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Août 1955 : l’embrasement du Nord-Constantinois 267

Les marins conduisent au cimetière les victimes d’Oued Zenati, 20 août 1955.

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LA

RIPOSTE MILITAIRE FRANÇAISE EN 1954-1956

A

vec les nouveaux pouvoirs spéciaux dont dispose l’armée en Algérie, les militaires, gendarmes et policiers ont quasiment carte blanche pour détruire le FLN et l’ALN. Les opérations s’étendent à toute l’Algérie, que le gouverneur Jacques Soustelle a voulu faire contrôler dans toutes les régions même isolées, avec la mise en place des nouvelles sections administratives spécialisées. Créées en 1955, les SAS doivent combler le vide administratif dans les bleds, notamment dans les régions de montagne, pauvres et livrées à un vague contrôle des caïds et autres notables musulmans censés les représenter. Il s’agit en outre de disposer de toutes les informations utiles sur les populations en partie acquises au discours nationaliste du FLN. Mais avec les méthodes coercitives du FLN (levée d’un impôt de guerre, justice expéditive des traîtres…), les indépendantistes ne font pas toujours l’unanimité dans tous les douars. La population des campagnes découvre le FLN quasiment en même temps que les autorités françaises, surtout dans l’ouest où son implantation est encore moins forte. Avec les massacres et les opérations répressives de 1955, pratiquement tout l’Est algérien est cependant acquis aux thèses du FLN. Les autorités françaises entreprennent néanmoins de susciter des forces concurrentes, avec le recours aux groupes mobiles de protection rurale (GMPR), moghaznis (qui protègent les SAS) et autres harkas, où s’engagent de gré ou de force des paysans attirés par la solde, ou voulant se venger des exactions des hommes du FLN. Le 2e bureau de l’armée s’intéresse particulièrement à la branche armée du MNA (Mouvement nationaliste algérien). Interdit depuis novembre 1954, le MTLD avait éclaté et laissé le FLN se développer hors des bureaux centraliste et messaliste. Cette dernière tendance dénonce et condamne le choix du FLN d’avoir déclenché une insurrection jugée prématurée. Messali Hadj, en résidence surveillée, n’a plus la main sur les militants d’Algérie impliqués malgré eux dans la guerre du FLN. Le MNA, nouveau parti que Messali Hadj fonde en décembre 1954, disposera malgré tout de son bras armé en Algérie, sous l’autorité de Mohammed Bellounis. En France, de nombreux militants algériens du MNA sont originaires de la Soummam, où Bellounis tente d’abriter

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son armée mais Amirouche Aït Hamouda, qui commande la wilaya III, l’empêche de s’installer. Bellounis est contraint de trouver refuge dans les régions au sud des Bibans, dans les montagnes de l’Ouennougha et chez les Ouled Nail. C’est dans cette région que le 2e bureau arme discrètement Bellounis, afin qu’il dispose de moyens substantiels contre les maquis de l’ALN. La priorité de l’État-major français est avant tout de quadriller le terrain dans le nord de l’Algérie. Le territoire à surveiller est immense : environ 700 km de long entre la Tunisie et le Maroc aux frontières encore perméables et 200 km de large, de la mer au bord du Sahara. C’est pourquoi l’armée française utilise massivement l’hélicoptère, moyen encore assez marginal en 1955, quand plusieurs bases sont spécialement aménagées. À Sétif (Aïn Arnat) et à Boufarik, deux grandes bases d’hélicoptères servent l’ALAT (aviation légère de l’armée de terre) non seulement pour la reconnaissance mais surtout, à partir de 1956, pour lancer des assauts surprises contre les maquis de l’ALN. Ce fut la tâche des unités d’élite (parachutistes et légionnaires) d’utiliser les héliportages en contreguérilla, inaugurant une technique qui sera systématisée et reprise massivement par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Des bases opérationnelles supplémentaires seront ensuite implantées sur tout le territoire et tout le long des barrages est-ouest. Sur mer, la marine française s’emploie à intercepter les convois d’armement destinés aux bases de l’ALN au Maroc comme avec l’arraisonnement du navire Athos en mars 1956. Malgré ces nouveaux moyens militaires, les embuscades contre l’armée française augmentent sensiblement en 1956. L’État-major français est conscient des limites de ses opérations contre une armée extrêmement mobile et ravitaillée aux frontières tunisiennes et marocaines. La construction de barrages se trouve entreprise à partir de l’été 1956 tandis que le littoral algérien est le théâtre d’interceptions de navires remplis d’armes à destination de l’ALN. La fermeture hermétique de l’Algérie est décidée par le ministre de la Défense André Morice, qui donne son nom aux 1 200 km de barbelés en partie électrifiés, qui sont installés le long de la frontière tunisienne. Cette première ligne sera doublée en 1957 par un second barrage dit arrière, longeant la voie ferrée Bône-Tébessa. Le 20 août 1956, les indépendantistes du FLN tiennent leur congrès dans une maison reculée sur les hauteurs de la vallée de la Soummam. Organisé par les chefs FLN de l’intérieur, ce congrès reprend et précise les modalités d’un futur État algérien, en rédigeant une plateforme, qui détermine les différentes limites des wilayas, organise le fonctionnement de l’ALN, et souligne la primauté de l’intérieur sur l’extérieur, c’est-à-dire la place centrale du gouvernement FLN et de son armée combattant en Algérie par rapport à la délégation extérieure et l’ALN basée aux frontières. Un Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) est institué, chargé des décisions fondamentales (Stora).

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La riposte militaire française en 1954-1956

La France n’a pas négligé la voie diplomatique pour tenter d’obtenir un cessez-le-feu. Dès avril, puis en juillet et en septembre 1956, des négociations secrètes sont entamées entre le gouvernement Guy Mollet et la délégation extérieure du FLN. Mais la voie diplomatique est brutalement interrompue avec l’interception de l’avion qui transporte la délégation FLN le 22 octobre 1956. Les quatre chefs historiques du FLN Ahmed Ben Bella, Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Khider sont envoyés en prison à Paris.

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LA KABYLIE

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DANS LA GUERRE

a Kabylie constitue avec les Aurès l’autre fief des indépendantistes du FLN. Sa situation géographique à une heure d’Alger et ses montagnes crénelées de villages représentent le refuge idéal des militants du FLN, dont le chef historique Krim Belkacem y vit recherché depuis 1947 avec son adjoint Ouamrane. Dès le 1er novembre 1954, plusieurs sites de la région ont été ciblés par le FLN. La présence française s’y trouve assez réduite, dans les villes de Tizi Ouzou, Bougie et Dellys et les quelques villages où vit une petite population européenne autour du massif du Djurdjura comme Camp-du-Maréchal, Palestro, Draa el Mizan, Maillot, Akbou. L’état d’urgence est décrété en Grande Kabylie où les premières opérations militaires sont engagées dès l’hiver 1954-1955. C’est autour de Draa el Mizan que les forces françaises tentent de déloger les maquisards commandés par Krim Belkacem et Ouamrane, évoluant dans les forêts des Beni Khalfoun et les gorges de l’oued Isser, dans la région de Palestro. L’ALN mène de nombreuses embuscades en 1956, notamment dans les gorges de Palestro, où 20 militaires français tombent à proximité en mai (oued Djerrah). Aux actions spectaculaires des unités ALN succèdent plusieurs grandes opérations militaires, au nord et au sud de Tizi Ouzou où se trouvent les reliefs boisés. Après la tentative manquée du 2e bureau de créer un maquis anti-FLN (opération « Oiseau Bleu »), l’opération « Djenad » est lancée dans la région de Tigzirt mais les chasseurs alpins qui y sont installés continuent de subir de nombreuses pertes. La région orientale de la Grande Kabylie, couverte en partie par l’immense forêt d’Akfadou, est quant à elle le repaire du colonel Amirouche Aït Hamouda qui contrôle toute la Soummam depuis son intervention contre les Ifraten en avril 1956. Une partie de la population ayant été armée par les autorités françaises fut massacrée pour « passage à l’ennemi ». La tenue du congrès de la Soummam à proximité d’Ifri témoigne de cette maîtrise du terrain par l’ALN locale. Les traditionnels bouclages-ratissages de l’armée française ne parviennent pas à entamer le potentiel de la wilaya III qui atteindra 19 katibas en 1957. La Petite Kabylie est occupée par les maquis de la wilaya III et II, où l’armée française tente d’affaiblir l’ALN avec l’opération « Espérance », lors de laquelle plusieurs villages sont détruits et leur population regroupée de force. La population paie le prix fort de la répression militaire, avec de très nombreuses destructions de villages kabyles (situés en général sur les crêtes) et la mise en place de camps de prisonniers pour traiter les suspects d’une région acquise au FLN.

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L’ALN

À SON APOGÉE EN

A

1957

partir de ses grandes régions refuges des Aurès et de Kabylie, l’ALN s’était progressivement constitué des nouvelles zones de maquis. Dans la région littorale entre Bougie et Collo, 16 katibas tenaient la chaîne montagneuse des Babors-Zouagha jusqu’aux forêts de Collo. La région, qui bénéficie du transfert d’armes en provenance de Tunisie mais qui aurait obtenu des parachutages, est en 1957 et 1958 le théâtre de nombreux combats. Une véritable bataille se déroule en avril 1958 dans le secteur d’El Milia tandis que les moudjahidine des Babors multiplient les embuscades dans les gorges de Kerrata. Cependant, la Grande Kabylie et la Soummam sont frappées par des purges sanglantes, conséquence d’une opération de désinformation menée par le 2e bureau (« les bleus de chauffe »). Des jeunes militants FLN « retournés » lors de la bataille d’Alger sont engagés par le capitaine Léger pour infiltrer les maquis de Grande Kabylie et créer la suspicion générale. Des centaines d’Algériens auraient été tués pendant ces purges de la wilaya III. Les massifs de l’Atlas blidéen et du Dahra accueillent de nombreux jeunes fuyant Alger, dont la population algérienne est prise dans l’étau des régiments parachutistes (voir carte Bataille d’Alger). Les soldats de l’ALN infligent parfois de lourdes pertes aux colonnes de l’armée française, comme à proximité de Dupleix (Gouraya) où elle perd 22 soldats. De même, les moudjahidine commandés par Si Azzedine occupent encore la région à l’ouest des gorges de Palestro. La région au sud de la Grande Kabylie, peu peuplée, est sous l’influence de l’armée de Bellounis, qui dispose de 3 000 hommes. Le commandement français compte bien l’utiliser pour neutraliser les maquis ALN du djebel Amour, où les moudjahidine commandés par Si Haouès ont infligé des pertes sensibles à l’armée française en 1957. Malgré quelques succès contre l’ALN, Bellounis se retrouve assez vite isolé, suite à la désertion d’une partie de ses hommes passés à l’ALN. Lâché par ses contacts militaires français, il finit par être éliminé avec ses derniers fidèles en mai 1958, au nord de Ticket de cotisation pour le FLN.

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276 Atlas historique de l’algérie

Djelfa. Mais les manœuvres de Bellounis dans la région de l’Ouanougha ont placé les populations locales dans des situations intenables. Amirouche envoie son lieutenant Mohammed Saïd reprendre le contrôle des douars dissidents en mai 1957. Mais l’intervention des djounouds kabyles tourne au massacre avec la mort de 320 hommes de la Mechta Kasba chez les Beni Ilmane. Par sa position, le massif du Hodna voisin assure le passage des convois de l’ALN entre les Aurès et l’Algérois. Deux bataillons occupent ces montagnes très boisées, que de nombreux militants des villes nationalistes de Sétif-SaintArnaud rejoignent. À l’ouest du massif, une grande embuscade sera tendue aux spahis de Bordj Ghedir en février 1958, trois mois après la bataille de Ras Guedanne dans les Aurès (20 tués chez les paras du 18e RCP). Dans l’ouest de l’Algérie avaient été constitués plusieurs grands maquis ALN, entretenus par l’armement stocké au Maroc. C’est principalement dans les régions les plus boisées, comme au sud de Tlemcen, autour de Saïda et dans l’Ouarsenis, que les katiGroupe de moudjahidine dans la wilaya I. bas sont installées. Plus au sud, la région d’Aïn Sefra est la porte d’entrée de nombreux convois vers l’Algérie, les monts des Ksour assurant des abris favorables aux 8 katibas de l’ALN. Avec la proximité des bases marocaines de l’ALN, la région des Ksour est le théâtre de plusieurs combats, mais l’intervention systématique de l’aviation française dans ces régions semi-désertiques limite fortement la mobilité des moudjahidine.

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LES OPÉRATIONS 1957-1958

L

FRANÇAISES,

a bataille d’Alger focalise tous les regards en janvier 1957, avec la mobilisation d’un grand nombre d’unités d’élite, dont une partie (1er RCP, 2e RCP, 3e RCP) avait participé à l’opération sur le canal de Suez avec les Britanniques en novembre 1956. Cependant, la guerre n’en continue pas moins dans le reste de l’Algérie avec un nouveau commandement français déterminé à écraser les indépendantistes. Depuis le 1er décembre 1956, le général Salan a été nommé chef d’État-major de l’armée. Il attend avec impatience l’achèvement du barrage électrifié en face de la Tunisie et de ses bases de l’ALN. L’armée du FLN est parvenue à étendre son emprise sur la majeure partie du territoire algérien. Quant à l’Organisation politico-administrative (OPA) du FLN, son démantèlement constitue un des objectifs principaux du général Salan. Ce sont les deux grands fronts sur lesquels il a l’intention de porter ses efforts. Détruire l’OPA et asphyxier l’ALN en verrouillant les frontières. En juillet 1957, le barrage intérieur (ligne Morice) est achevé sur 1200 km. Salan déploie le maximum de troupes très mobiles (paras, légionnaires) à l’affût sur le barrage pour traquer et détruire tout convoi de l’ALN qui parviendrait à franchir les champs de mines et les barbelés électrifiés. Il s’agit de bloquer le ravitaillement en armes et munitions vers les maquis de l’intérieur. Avant même d’atteindre les côtes algériennes ou marocaines, plusieurs navires sont arraisonnés par la marine française en 1958. Quant aux convois en provenance des bases et dépôts de l’ALN en Tunisie, ils passent très difficilement. L’utilisation du napalm pendant les appuis aériens a été une pratique très fréquente pendant la guerre d’Algérie. Les opérations militaires s’intensifient sous le commandement du général Salan qui est un ancien d’Indochine. Il est un des principaux haut gradés partisans des techniques de la guerre antisubversive. En 1957, le général Salan dispose de moyens considérables avec 400 000 soldats, pour contrôler le territoire algérien, qui est maintenant quasi hermétique aux frontières. Les forces françaises sont appuyées par les nombreux corps auxiliaires locaux. Depuis 1955 leur nombre s’est considérablement accru tandis que leurs missions ont évolué de positions défensives à offensives. Les supplétifs de l’armée française qui combattent l’ALN étaient

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278 Atlas historique de l’algérie

12 000 en 1957. Salan décide de les intégrer aux unités régulières et d’augmenter leur nombre à 25 000 en 1958, dont 4 500 au sein de groupements ou commandos (avec des chefs ralliés). Ces soldats volontaires seront employés dans presque toutes les opérations offensives tandis que les moghaznis, qui sont 13 000 en 1958, continuent de protéger les SAS. En plus des soldats algériens musulmans, Français de souche nord-africaine (FSNA) de l’armée régulière française, le total des effectifs musulmans s’élève à environ 70 000 hommes. Mais une partie collabore avec le FLN, et déserte parfois au profit de l’ALN (quelques centaines en 1957-1958). Les soldats de l’ALN combattent l’armée française à un contre dix, et connaissent à partir de 1957 une baisse progressive de leur activité militaire dans les wilayas de l’intérieur. Leurs pertes sont très importantes, avec environ 3 000 tués par mois dans les premières années du commandement Salan. Les forces armées françaises atteignent cependant un pic de 364 tués en mai 1958 (combats sur le barrage à la frontière tunisienne). Après la grande opération de nature policière dite « bataille d’Alger », Salan engage en 1958 l’élite de son armée sur le front est-constantinois, où elle sera opposée à l’ALN basée en Tunisie pendant l’autre bataille, dite « des frontières » ou encore « du barrage ». Ce combat fut probablement la seule confrontation armée d’une telle ampleur pendant la guerre d’Algérie, opposant des milliers de soldats français à l’ALN de la frontière est.

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LA

BATAILLE MILITAROPOLICIÈRE D’ALGER

E

n accordant à l’armée l’autorité de police à Alger en janvier 1957, le ministre résident Robert Lacoste déclare la guerre totale aux activistes du FLN, après leurs attentats anti-européens de l’automne 1956. C’est de cette façon violente que la direction du FLN avait riposté quarante jours après la mort de 53 personnes (dont de nombreuses femmes et enfants) tuées le 10 août 1956 au cœur de la haute casbah, rue de Thèbes, par une bombe de l’ORAF (Organisation de la résistance de l’Algérie française), groupe extrémiste composé de Français de souche européenne. Ces derniers, inquiets de la gestion de la guerre par le gouvernement socialiste, étaient décidés à répondre eux-mêmes aux attaques du FLN qui touchent particulièrement les Algériens profrançais et autres personnalités depuis le début de l’insurrection. Auparavant, l’exécution de Zabana et Ferradj, premiers militants FLN condamnés par une justice expéditive (le ministre de la Justice Mitterrand ne graciait pas les activistes du FLN…) et guillotinés le 19 juin à la prison Barberousse, avait aggravé l’insécurité des Européens d’Algérie, visés par de nombreuses attaques. Malgré le bouclage de la casbah, où se trouve le commandement de la zone autonome d’Alger (ZAA) dirigée par Larbi Ben M’Hidi, les activistes féminines du FLN franchissent les barrages et font exploser les premières bombes le 30 septembre 1956 au centre-ville, dans le quartier européen d’Alger. En réalité, l’attentat du Milk Bar est surtout spectaculaire parce qu’il frappe le cœur de la capitale de l’Algérie, vitrine de la réussite coloniale où réside la plus importante population européenne du pays avec près d’un million d’habitants dont 600 000 Européens. Tous les journalistes étrangers résident dans le centreville, à la recherche des informations sur les événements d’une guerre très censurée par les autorités militaires. Car les attentats FLN touchent pratiquement toutes les villes de l’Algérie, où les rues principales avec leurs terrasses de café fréquentées par des militaires sont fréquemment la cible d’attaques à la grenade ou au colis piégé. La décision du FLN de frapper Alger s’inscrit dans une démarche de visibilité internationale, à l’heure des premières discussions à l’ONU sur la question algérienne en janvier 1957.

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Fin décembre, le climat de haine « anti-arabe » est illustré par la ratonnade qui suivit l’attentat FLN contre Amédée Froger, président des maires d’Algérie et activiste notoire des pro-Algérie française. Le FLN, qui contrôle pratiquement toute la population indigène d’Alger à partir de la casbah, prépare en outre un appel à la grève générale pour la fin janvier 1957. Mais avec l’arrivée de Salan à la tête de l’armée depuis décembre 1956, la réponse des autorités militaires sera terrible. La 10e division parachutiste du général Massu obtient carte blanche des autorités civiles (Lacoste) pour détruire l’organisation FLN à Alger. Le 7 janvier 1957, c’est une armée de 10 000 soldats qui quadrille la ville et notamment les quartiers indigènes, avec la casbah comme objectif principal. Il ne s’agit pourtant pas d’une campagne militaire classique mais d’une vaste opération de police qui, pour aboutir à l’objectif fixé par le commandement, se donne tous les moyens possibles sans aucun compte à rendre à la justice légale sinon les résultats obtenus. Afin de parvenir au démantèlement des structures du FLN, l’armée procède à des arrestations massives d’Algériens, raflés dans toute la ville et dispersés dans plusieurs centres de triage et de transit (CTT) ainsi que de nombreux sites d’interrogatoire dans les quartiers périphériques d’Alger, souvent de belles villas sur les hauteurs. Car l’acquisition du renseignement et son exploitation sont au cœur du système mis en place par le commandement Massu et le colonel Godard pour détruire l’organisation FLN en remontant progressivement aux chefs. Les interrogatoires poussés, déjà utilisés par la police et la gendarmerie bien avant 1954 en Algérie, deviennent dans la bataille d’Alger une pratique systématisée. Le contexte politique et la nature des unités employées dans cette bataille expliquent la mise en place de certaines méthodes violentes de renseignement pour obtenir des informations opérationnelles et détruire les réseaux FLN. Face au développement du FLN et de ses actions spectaculaires pour frapper l’opinion française et internationale, les politiques ont choisi la solution du tout-militaire et de reporter d’éventuelles négociations pourtant au programme de Mollet à son arrivée au pouvoir. Après avoir contraint Guy Mollet à revoir sa politique jugée trop tiède en février 1956, et réclamé des exécutions capitales de militants FLN, les Européens d’Algérie finissent par obtenir leurs paras du ministre résident Robert Lacoste. En livrant Alger aux 4 000 parachutistes, le commandement Salan donnait aux unités du 1er RCP, 2e RPC et 3e RPC qui avaient participé à l’expédition de Suez en octobre 1956 et parfois à la guerre d’Indochine l’occasion de gagner cette nouvelle bataille, avec tout le soutien politique. Le grand Alger se trouve découpé en plusieurs zones attribuées aux différents régiments, qui y établissent PC et centre de renseignements. Mais deux jours après l’impressionnant déploiement militaire, le FLN frappe le stade de football d’El Biar le 9 janvier 1957. Les pleins pouvoirs de police attribués au général Massu permettent à plusieurs officiers d’appliquer pleinement leurs méthodes de lutte antisubversive. Le lieutenant-colonel Trinquier, ancien d’Indochine, met en place son dispositif de protection urbaine (DPU) qui consiste en un quadrillage des populations vivant en zone urbaine (casbah, bidonvilles…), avec la numérotation des habitations et la désignation de chefs d’îlots, ces responsables malgré eux sont contraints à renseigner les officiers français.

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La bataille militaro-policière d’Alger 281

Remise de drapeau aux anciens parachutistes de la 10e DP. De gauche à droite : Marcel Bigeard, Jacques Massu, Roger Trinquier, Paul-Alain Léger, 1957.

Les méthodes utilisées par les officiers de police et unités parachutistes pour accumuler les renseignements sur les structures du FLN à Alger aboutissent au recrutement d’activistes retournés ou ralliés, qui formeront le groupe des « bleus de chauffe » du capitaine Léger, spécialiste de l’infiltration du FLN et de l’ALN. À l’issue de l’arrestation de dizaines de milliers de personnes et leur traitement dans les centres de tri et de renseignement, l’armée élimine des centaines de suppliciés, et fait disparaître les morts ou les militants jugés importants. Le rouleau compresseur militaro-policier ne parvient pas cependant à empêcher les trois bombes du FLN qui explosent le 26 janvier en plein centre d’Alger, non loin des facultés. C’est à ce moment-là que le FLN lance son mot d’ordre de grève générale. Le 28 janvier 1957, l’armée fait cependant ouvrir de force les commerces ou les livre au pillage tandis que les travailleurs algériens sont contraints à reprendre leurs activités. Les Algériens sont soumis à un système de terreur, avec peur d’être dénoncés et détenus dans les centres d’interrogatoire. La remontée des filières avec les moyens extrêmes aboutit le 16 février 1957 à l’arrestation de Larbi Ben M’Hidi, le responsable de la zone autonome d’Alger, qui sera liquidé une semaine plus tard par le commando d’Aussaresses (unité spéciale du 11e choc), qui avait déjà participé à de très nombreuses exécutions sommaires à Philippeville en août 1955. Alors que

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l’organisation FLN est décimée, la direction du CCE (Comité de coordination et d’exécution), menacée, quitte Alger, où les bombes se taisent jusqu’au 3 juin 1957, grâce aux derniers réseaux actifs de Yacef Saadi. L’attentat du casino de la Corniche est quant à lui perpétré par Ali la Pointe, le lieutenant de Yacef Saadi, pour tenter de détourner l’opinion du massacre de la Mechta Kasba à Melouza fin mai par une unité de la wilaya III, et dont la couverture médiatique avait porté atteinte à l’image du FLN.

Gendarmes et prisonniers délateurs lors de la bataille d’Alger, 1957.

En juillet-août 1957, la tentative de médiation de l’ethnologue Germaine Tillion qui propose une trêve au FLN n’aboutit pas. Sa demande de suspendre les exécutions des militants FLN comme le réclamait Yacef Saadi est refusée par les autorités militaires, déterminées à achever le « travail ». En septembre, le colonel Godard poursuit la traque des réseaux FLN avec ses infiltrés, qui conduisent les parachutistes jusqu’aux caches de Yacef Saadi le 24 septembre 1957 et d’Ali la Pointe le 8 octobre 1857. Le dernier lieutenant de Saadi, accompagné de Hassiba ben Bouali, périt dans l’explosion dans la maison qui les abrite dans la basse casbah, à proximité de la rue qui porte son nom depuis l’indépendance. Après l’élimination de plusieurs centaines d’Algériens, dont les corps ont le plus souvent disparu, l’armée a bien rétabli l’ordre à Alger, réduisant totalement l’activité armée du FLN.

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La bataille militaro-policière d’Alger 283

L’armée et la police, qui ont suivi la logique politique d’élimination totale de l’ennemi FLN, n’ont pas épargné certains militants européens liés aux attentats, comme Maurice Audin ou Fernand Iveton, ni certaines personnalités comme l’avocat Ali Boumendjel, qui a rejoint les disparus. De nombreuses personnalités françaises se mobilisent contre les méthodes de la répression, jugées inqualifiables. Les généraux Pâris de Bollardière et Billotte dénoncèrent une « déchéance morale de l’armée ». Paul Teitgen, le secrétaire général de la police d’Alger, demande sa démission. Plusieurs écrivains et intellectuels de France et d’Algérie comme René Capitant (université d’Alger), Jean-Paul Sartre, Hubert Beuve-Méry, directeur du Monde, Jean-Jacques Servan-Schreiber de L’Express, Pierre Vidal-Naquet (alors jeune historien) expriment leur rejet des pratiques militaires jugées immorales. Les milieux ultras d’Algérie croient être quant à eux les grands bénéficiaires du nouvel ordre militaire à Alger. La population européenne d’Alger a fortement soutenu les régiments parachutistes qui ont régné dix mois dans la ville. Des relations particulières de sympathie ont été nouées entre les Européens et ces unités, surtout avec les ultras. Pour ces derniers, la solution au conflit ne saurait être que militaire car ils ne font pas confiance aux politiques. Le 13 mai 1958, les Européens d’Algérie se rassureront une nouvelle fois par la présence des unités parachutistes. Parmi les futurs chefs de l’OAS figureront plusieurs responsables français de cette « bataille d’Alger » comme Godard ou Chateau-Jobert. Après avoir participé aux opérations militaro-policières d’Alger contre le FLN, plusieurs officiers des régiments parachutistes étrangers (de légion) se sentent encore plus impliqués moralement dans cette guerre. Au-delà du FLN, une partie du commandement entretenait l’idée d’un ennemi plus global qui se cacherait derrière les indépendantistes algériens, celui du communisme soviétique, qui menacerait les terres françaises d’Afrique du Nord et plus généralement l’Occident chrétien… En 1961, c’est sur ces officiers que s’appuieront les putschistes. Ayant pris part à une guerre de type antisubversive, ils repartent combattre dans les djebels et laisser la mission spécifique du renseignement aux nouveaux DOP (détachements opérationnels de protection), corps spécialement créé pour faire parler.

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LA

BATAILLE DU BARRAGE EST EN 1958

E

n 1958, le général Salan afficha clairement sa détermination à détruire tous les groupes de l’ALN qui franchiraient la frontière de la Tunisie pour aller alimenter les maquis de l’intérieur. En octobre 1957, Robert Lacoste et le ministre de la Défense André Morice avaient d’ailleurs inspecté le barrage électrifié construit le long de la frontière. Les passages de convois de l’ALN envisagent d’emprunter surtout l’itinéraire qui contourne le barrage, au sud de l’oasis de Negrine. Ainsi, de la fin 1957 au début janvier 1958, le rythme des passages effectués par le nord s’accélère, notamment dans la région de Souk Ahras, où plusieurs raids et harcèlements des postes français sont entrepris, afin de saturer les alertes sur le barrage. Au milieu de 1957, l’armée évaluait le nombre annuel de passages à 2 000 avec 1 000 armes entrées. La zone de l’Est-Constantinois (ZEC) fut confiée au général Vanuxem, avec à sa disposition toutes les réserves générales (cinq régiments). N’étant pas autorisées à franchir la frontière tunisienne, les unités qui surveillent la ligne Morice laissent l’aviation opérer à Sakiet Sidi Youssef, village tunisien où se trouve une base de repli de l’ALN. Le 8 février 1958, le raid aérien effectué en plein jour sur le village est un carnage pour les civils. Les frappes aériennes n’ont pas été « chirurgicales » faisant 70 morts et 150 blessés, dont de nombreux enfants. L’attaque aérienne de Sakiet provoque un tollé dans l’opinion internationale. La Tunisie saisit le Conseil de sécurité de l’ONU pour dénoncer « l’agression française » sur son territoire tandis que la base militaire de Bizerte est assiégée par les forces tunisiennes. Les Anglo-Américains, dont Robert Murphy (qui avait dialogué avec Ferhat Abbas en 1943), imposent leur médiation par la voie diplomatique, affaiblissant le gouvernement français. La bataille du barrage commença avec les nombreux accrochages dans la région du Bec de Canard, et autour de la vallée de la Medjerda. L’ALN lance plusieurs colonnes d’abord en direction de Mondovi le 18 mars, puis autour de Souk Ahras où ses pertes sont très élevées. Plusieurs bataillons de l’ALN pénètrent entre Tébessa et Negrine. À El Ma Labiod, un groupe de 600 moudjahidine parvient jusqu’aux montagnes des Nementcha. La première vague des unités de l’ALN a subi d’énormes pertes en février-mars 1958, et une partie avait été contrainte de retourner dans les bases tunisiennes.

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Une nouvelle offensive est lancée en avril 1958. Le 29 avril, un bataillon algérien de plus d’un millier d’hommes, soutenu par deux katibas, destiné au Nord-Constantinois, franchit le barrage au sud de Souk Ahras, tandis que sept katibas franchissent discrètement la frontière, en passant sous les barbelés par des tunnels. Une fois le passage découvert et l’alerte donnée, toutes les troupes françaises de réserve disponibles affluent dans la zone. Dans les montagnes à l’ouest de Souk Ahras s’engage une grande bataille. Les crêtes du djebel el Mouadjene sur lesquelles se posent les hélicoptères chargés de parachutistes sont déjà occupées par les moudjahidine. Malgré l’afflux de renforts, les parachutistes ont 28 tués dans les combats. Encerclés entre Souk Ahras et Guelma par des milliers de soldats français appuyés par l’aviation qui lâche ses bombes au napalm, les Algériens se battent avec acharnement, perdant 270 hommes et ne laissant pratiquement pas de prisonniers. Dès le lendemain, une autre katiba franchit le barrage, mais est repoussée. Les dernières poches de résistance des unités ALN infiltrées sont détruites dans le djebel Nador les 2 et 3 mai. En quatre mois, l’ALN des bases de Tunisie a perdu 4 000 hommes, et laisse 590 prisonniers tandis que les Français ont 279 tués et 800 blessés. Le général Salan, à qui le gouvernement avait refusé sa demande d’envahir la Tunisie, finit par se contenter de l’efficacité de la ligne Morice, constatée après la bataille du barrage. La frontière marocaine allait se couvrir du même système sur 1400 km. En octobre 1958, les autorités militaires décidèrent de construire un nouveau barrage « avant », au plus près de la frontière tunisienne, pour prévenir toute installation de bases ALN sur le territoire algérien.

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LA

STRATÉGIE CONTREINSURRECTIONNELLE FRANÇAISE

L

’arrivée du général Salan à la tête de l’armée en décembre 1956 avait marqué un tournant dans la stratégie de lutte contre les indépendantistes du FLN. Déjà en partie appliquées par certaines unités de l’armée en Algérie, les techniques de la lutte antisubversive connaîtront un développement sans précédent à partir de 1957. Comme de nombreux militaires de carrière de l’armée française envoyés en Algérie, le général Salan est un « ancien d’Indochine » où il fut commandement en chef (il porte d’ailleurs le surnom de mandarin). En ayant participé à cette guerre particulière, il en est non seulement revenu avec le goût amer de la défaite de Diên Biên Phu en octobre 1954 mais aussi avec son expérience de la longue guerre de guérilla menée par les Viêt-cong, qui a bouleversé les officiers français. La lutte du corps expéditionnaire français (avec les régiments de la Légion étrangère) contre un ennemi en partie invisible dissimulé parmi une population elle-même hostile avait généré une nouvelle vision de la guerre. Contre le harcèlement permanent de la guérilla Viêt-cong, les Français avaient commencé à mettre en place des mesures contre-insurrectionnelles, avec l’armement de groupes vietnamiens locaux, un renseignement méthodique, des punitions collectives, etc. Mais en plus de la guérilla classique, le général vietnamien Giap avait disposé d’un armement conventionnel pour assiéger les camps retranchés français. En plus des difficiles conditions sanitaires du Sud-Est asiatique et de la captivité de plusieurs centaines de soldats français ou « coloniaux », cette guerre fut un premier traumatisme pour de nombreux officiers de régiments parachutistes, la génération de Bigeard. Les indépendantistes vietnamiens avaient suivi les enseignements du grand frère chinois. Ayant conquis le pouvoir en 1949, les communistes chinois emmenés par Mao avaient influencé et soutenu leurs « frères » Viêtcong contre « l’impérialisme » français. Pour le Grand Timonier, « le révolutionnaire doit être dans le peuple comme un poisson dans l’eau ». Face au développement de l’insurrection des indépendantistes algériens, de nombreux cadres et officiers français tentent d’appliquer les méthodes de la nouvelle école de « la guerre antisubversive ». Cette théorie militaire a été développée par le colonel Lacheroy, qui fait intégrer ses thèses en 1954 à

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l’École supérieure de guerre de Paris. De nouveaux concepts font leur apparition comme « la stratégie des fourmis » (Lacheroy) ou encore la « guerre dans le milieu social » ou « guerre dans la foule » (Nemo, J). Responsables de la formation de nombreux officiers spécialement envoyés en Indochine, les théoriciens de « la guerre psychologique » trouvent dans le nouveau conflit algérien un nouveau théâtre pour faire appliquer leurs « méthodes ». L’idée principale de l’école de « la guerre révolutionnaire » est le contrôle et la « prise en main » des populations qui soutiennent les insurgés. Le « poisson » doit donc être séparé de son « eau » grâce à un certain nombre de techniques apprises et développées directement en Algérie avec la création de plusieurs centres de formation. Début 1955 est fondé à Arzew le centre d’instruction de la pacification et de la contre-guérilla ainsi que le centre d’instruction Jeanne-d’Arc sur une plage proche de Philippeville. À ce moment-là, « le phénomène de la guerre psychologique est la préoccupation dominante au sein de la société militaire » (Marie Claire Villatoux, SHAA). Le 5e bureau fait son apparition avec la nouvelle mission militaire de « l’action psychologique » qui doit accompagner le travail des SAS depuis 1955.

SAS

ET CAMPS DE REGROUPEMENT Le gouverneur général Jacques Soustelle avait créé les sections administratives spécialisées en septembre 1955, chargées de combler le « vide » administratif des campagnes d’Algérie. Mais l’objectif principal était bien de pouvoir contrôler une population longtemps livrée à elle-même et soutenant les mouvements nationalistes, dont le FLN qui s’imposera par la force et le nombre. La mise en place des « camps de regroupement » fut une des mesures militaires les plus impressionnantes de la guerre d’indépendance algérienne. Le déplacement forcé de 2 millions d’Algériens vivant dans des régions montagneuses ou de populations semi-nomades vers des camps entourés de barbelés et de miradors avait bien entendu comme objectif d’étouffer l’ALN. Dans son ouvrage sur la question, Cornaton définit l’objectif militaire de ces camps, « complément indispensable d’une politique efficace de zones interdites […] de l’aveu même des autorités françaises, les regroupements sont avant tout une machine de guerre qui permet de couper l’ALN de ses masses populaires et de ses soutiens logistiques indispensables ». 400 000 nomades ont été « enfermés » dans ces camps aux conditions de vie misérables, surtout dans les régions des oasis de Touggourt, El Oued, dans les hauts plateaux de Tiaret-Saïda, Colomb-Béchar mais également autour de villes comme Oran, Médéa, Batna et Bône. Depuis la mise en place des zones déclarées « interdites » dès le début du conflit et surtout à partir de 1955, les populations montagnardes des Aurès sont les premières à se trouver massivement déplacées vers les plaines et plateaux (premier camp à Touffana, au nord de la région boisée de Bouhmama). Après le massif des Aurès, ce sont les régions du Nord-Constantinois et de l’Edough qui subissent dès 1955 les déplacements forcés de populations, suivis des montagnes de Kabylie. Le massif boisé du Dahra est ensuite dépeuplé comme l’Atlas saharien.

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La stratégie contre-insurrectionnelle française 289

Camp de regroupement dans la région de Saïda, 1959.

Loin de leurs mechtas qui sont le plus souvent détruites par l’artillerie et l’aviation, les populations « regroupées » se retrouvent coupées de leurs activités traditionnelles et bouleversées dans leur culture. Une majorité de femmes et d’enfants peuplent ces camps où la pauvreté et l’assistanat « au compte-gouttes » des SAS provoquent une surmortalité infantile et une grande détresse. L’habitat des déplacés est composé de tentes et de huttes en terre sèche, où les maladies font des ravages. Les autorités civiles finissent par réagir tardivement en 1959 avec le nouveau gouverneur général Delouvrier. L’homme de confiance du général de Gaulle lance la construction de villages de regroupement en « dur » avec l’opération « 1 000 villages ». Il ne s’agit pas pour autant de libérer ces populations, mais de rendre définitif leur nouvel habitat, en fournissant matériaux de construction et équipements divers. En fait, l’arrivée du nouveau gouvernement de Gaulle en 1958 n’a pas entraîné de changement de politique vis-à-vis de ces camps bien cachés à l’opinion publique française. Leur efficacité militaire ayant été démontrée, les camps n’ont pas été démantelés. Pour Challe, le successeur de Salan à la tête du commandement de l’armée, le contrôle de ces 2 millions d’Algériens préparait les grandes opérations prévues contre les sanctuaires de l’ALN. Ces millions d’Algériens vivaient depuis déjà quatre ans dans ces

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camps, améliorés en partie matériellement à partir de 1959. En 1960, le nombre de personnes « regroupées » s’élèvera à 2 350 000 soit 26 % de la population « musulmane » totale, affectant essentiellement les régions orientales de l’Algérie. Du massif des Babors à la frontière tunisienne, toute la région littorale couverte de forêts est particulièrement affectée par les regroupements ainsi que les régions « vertes » proches de la frontière. Mais la montagne la plus vidée de ses habitants fut bien le massif des Aurès, notamment le secteur d’Arris, ayant abrité les premiers maquis actifs du FLN. Autour de Lafayette (Bougaa), les populations sont très fortement regroupées. Les populations vivant dans les zones déclarées interdites étaient déplacées vers d’autres régions limitrophes ou dans les villes de plaine, qui virent affluer des milliers de « déplacés » principalement dans les arrondissements d’Alger (plus de 85 %) et Sétif (plus de 60 %). Cependant, les régions montagneuses et boisées n’étaient pas totalement vidées de leurs habitants. La population vivait aussi dans de nombreux villages encadrés par les SAS. Installées aussi bien dans les campagnes que dans les camps de regroupement, les SAS contrôlent le ravitaillement, les mandats reçus de France comme les déplacements des Algériens du village. Les officiers des SAS (les « képis bleus ») cherchent à organiser la vie du village, douar ou camp autour du bureau sur lequel flotte le drapeau français. L’armée cherche à contrer la fameuse OPA, Organisation politico-administrative du FLN, organisme très structuré qui encadre la population d’un douar ou d’un quartier, avec la perception de l’impôt de guerre. Devenues 600 en 1958, les SAS proposent en outre à la population des soins médicaux ainsi que la scolarisation des enfants. Ce volet « social » entre dans le contexte de la nouvelle politique algérienne du gouvernement français en direction de la population « musulmane », dont l’objectif était de réduire l’inégalité sociale avec les Européens d’Algérie, en « rattrapant » le retard en matière de scolarité puis à partir de 1959 avec le plan de Constantine dans le domaine du logement et du travail (fonction publique). L’action psychologique en direction des populations musulmanes était pratiquée au niveau des SAS (il y en aura 700 au total), mais son impact resta assez limité. L’intérêt pour le commandement de l’armée était que les SAS « fassent » du renseignement. Au plus proche de la population, les officiers SAS étaient protégés par une petite troupe indigène de moghaznis et luttaient contre l’OPA du FLN, qu’ils essayaient de démanteler à leur niveau. La SAS était redoutée par les Algériens pour les interrogatoires et la stricte surveillance du ravitaillement.

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CTT de Saint-Arnaud.

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ARRESTATIONS

DE MASSE ET CENTRES DE RENSEIGNEMENT (CTT, CMI, DOP ET AUTRES CRA)

E

n réalité, la destruction du FLN et de l’ALN était l’objectif du commandement, qui fit du renseignement un élément majeur de cette guerre. La « primauté absolue du renseignement pour démanteler l’OPA » est donnée aux officiers. Les interrogatoires poussés, déjà utilisés par les policiers et gendarmes contre les militants nationalistes, sont rapidement adoptés comme techniques de renseignement par les officiers du 2e bureau et les gendarmes. Comme l’explique Jean-Pierre Cômes, ancien OR (officier de renseignement) pendant la guerre d’Algérie : « pour arriver à pacifier ces populations, les troupes de secteur ont cru qu’il fallait d’abord détruire cette OPA recrutée parmi les villageois. C’est cette action qui a été à l’origine de toutes ces arrestations de suspects, de la multiplication des interrogatoires et in fine, du recours à la torture ». Nommé commandant en chef fin 1956, le général Salan étend les possibilités de l’armée en matière de « contrôle » et de « renseignement ».

LES

CENTRES DE DÉTENTION DES

ALGÉRIENS

La stratégie de contrôle de la population amène les autorités militaires françaises, qui disposent des pleins pouvoirs depuis 1956, à mettre en place des camps de prisonniers où sont systématiquement envoyés tous les suspects. 86 centres de tri et de transit (CTT) sont répartis dans toute l’Algérie à partir de 1957, détenant environ 10 000 personnes. Toute personne raflée y est systématiquement envoyée et ensuite éventuellement dirigée vers deux types de camps de prisonniers. Le premier groupe de camps est celui des « centres d’hébergement » administrés par les autorités civiles, où quelque 11 000 personnes « suspectes » sont détenues. Les camps d’hébergement les plus durs sont à Paul-Cazelles, Bossuet et Djorf, tous situés dans une région semi-désertique. Les détenus européens sont quant à eux enfermés au camp de Lodi et ceux considérés comme intellectuels à Douera. Les

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mineurs sont à Camp-du-Maréchal (Tadmaït). Le second groupe, créé à partir de 1958, est celui des sept camps militaires d’internés (CMI) où sont envoyés les combattants de l’ALN faits prisonniers ou tout Algérien pris « les armes à la main ». Toute une action psychologique est exercée sur ces prisonniers qui doivent subir un « stage de rééducation » à l’issue duquel certains s’engagent dans l’armée française. Mais l’impact de ces pratiques resta très limité, le général Crespin mettant fin au programme dès 1960. De nombreux officiers du 5e bureau (action psychologique) avaient voulu développer la technique du « lavage de cerveau » sur les prisonniers algériens. L’expérience de la guerre d’Indochine et le mauvais souvenir de la détention dans les camps de rééducation Viêt-minh avaient marqué ces officiers français. Avec la bataille d’Alger qui débute en janvier 1957, une phase inédite dans l’utilisation de l’arsenal anti-insurrectionnel se met en place. Le renseignement et son exploitation rapide sous forme d’opérations commandos ainsi que le quadrillage de la population sont devenus les éléments principaux dans la lutte contre le FLN. C’est à l’échelle de tout le territoire algérien que ces techniques sont renforcées et systématisées à la fin 1957.

LES DOP Un corps spécialisé est créé sous le commandement Salan : les DOP ou détachements opérationnels de protection. Ce nouvel euphémisme caractéristique de la terminologie militaire cache en fait une terrible réalité. Pour Pierre Montagnon, « les DOP sont en toute légalité les exécuteurs des basses œuvres, ce sont des petites équipes, très mobiles, avec interprète, pour obtenir des renseignements des captifs. La terreur qu’ils inspirent aide souvent à faire parler » (La guerre d’Algérie, genèse et engrenage d’une tragédie, Pygmalion, Paris, 1984). Cette structure se trouve répartie dans chaque ville où se trouve le PC d’une zone militaire (par exemple un DOP pour la zone de l’Ouest-Constantinois à Sétif). Composé la plupart du temps de volontaires, l’équipe du DOP est chargée de faire du renseignement avec tous les suspects qui résisteraient aux premiers interrogatoires des gendarmes ou des officiers du 2e bureau des postes militaires, des officiers SAS ou dans les très nombreux camps de détention (CTT notamment). Car les DOP usent de méthodes extrêmement violentes pour extraire du renseignement. Ils pratiquent aussi l’élimination des personnes ayant survécu aux interrogatoires. Appelée pudiquement la « corvée de bois », l’exécution sommaire de suspects membres du FLN ou de soldats de l’ALN était cependant déjà connue. Après les exécutions sommaires de Philippeville en 1955 et les opérations de la bataille d’Alger, les disparitions de membres du FLN ou de suspects étaient devenues une pratique connue sous le nom de « corvée de bois ». Les « résultats » des 47 unités des DOP devaient ensuite parvenir à une nouvelle structure créée par Salan : le CCI ou Centre de coordination interarmes chargé de synthétiser les informations en provenance de tous les corps faisant du renseignement. Car toutes les unités « font » du renseignement d’une manière ou d’une autre, surtout la gendarmerie, dans laquelle exercent de nombreux « Européens » d’Algérie, parlant souvent l’arabe dialectal. Leurs méthodes sont souvent équivalentes à celles des DOP. Le rôle accordé aux Algériens engagés dans les harkas, makhzen (SAS) et autres formations

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Arrestations de masse et centres de renseignement 295

supplétives de l’armée française dans le renseignement fut quant à lui tout aussi important sinon décisif.

L’IMPLICATION

DES UNITÉS DE HARKIS DANS LA STRATÉGIE MILITAIRE FRANÇAISE Connaisseurs naturels des populations locales, dont ils étaient le plus souvent issus, les soldats de harkis, intégrés dans les forces opérationnelles ou chargés de protéger les SAS, prirent une part active dans l’acquisition du renseignement. Pour traduire, mais aussi pour obtenir des informations, les supplétifs ont été particulièrement « impliqués » au niveau des SAS, postes militaires, gendarmeries et camps d’internement. Considérés comme des traîtres, les harkis ont été la cible privilégiée des attaques des commandos FLN dans les villes. Bien qu’une partie d’entre eux collabore secrètement avec le FLN, les corps de supplétifs, vivant sous la menace permanente, ripostent souvent sans ménagement. Participant à la répression contre la population ainsi qu’aux opérations « psychologiques » du 5e bureau, ils n’hésitent pas à éliminer des prisonniers FLN lorsque « permission » leur a été donnée par leurs officiers français. Les harkis du commando « Georges » et « Cobra » furent particulièrement durs avec les combattants de l’ALN. Inéluctablement condamnés à mort pour avoir changé de camp, ils participèrent à une traque sans merci de leurs anciens compagnons d’armes, autour de Saïda, où Bigeard les avait « retournés ». La machine de guerre du général Salan leur accorde une place essentielle dans les missions opérationnelles à partir de 1957 quand elle les intègre dans les unités classiques. En 1958, 25 000 harkis sont engagés dans les opérations contre l’ALN, où leur efficacité s’avère redoutable. Ayant la connaissance du terrain où ils traquent les maquisards de l’ALN, les harkis explorent caches et grottes tout en « interrogeant » les habitants des secteurs « ratissés ». Ils deviennent rapidement indispensables aux responsables de l’armée, qui en réclament davantage au général de Gaulle en 1958. Le nouveau commandant en chef Challe projette en effet la création d’unités spéciales : les commandos de chasse, composés en partie de harkis. Challe lance en 1959 des grandes opérations contre les bastions de l’ALN, et souhaite « une utilisation massive des FSNA » qu’il considère comme « les meilleurs chasseurs de fellaghas ». Challe disposera ainsi de 60 000 harkis sur les 125 000 supplétifs FSNA pour mener ses opérations, alors que de Gaulle les lui eût accordés seulement dans le cadre de tâches administratives et de surveillance. Bien qu’une nouvelle importance des corps de supplétifs dans la stratégie militaire française soit clairement établie par Challe, c’est à partir de 1959 que le général de Gaulle fait un premier pas en direction des indépendantistes. Les combattants algériens profrançais réagiront diversement. Quand la marche inéluctable vers l’indépendance sera perçue par les harkis, une partie d’entre eux rejoindra l’ALN tandis que d’autres, trop compromis dans les opérations militaires (dont le renseignement), chercheront à s’exiler en France. Les commandos harkis qui furent particulièrement impliqués dans leurs opérations contre les indépendantistes avaient été créés dans le cadre du plan Challe en 1959.

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LE FLN

E

EN

EUROPE

n France, où vit la plus grande partie de l’émigration algérienne (275 000 personnes en 1955), le FLN s’implante rapidement à partir de 1955 et faire participer massivement à l’effort de guerre militants et « cotisants ». Mais la nouvelle formation nationaliste s’imposera violemment sur la branche messaliste du MTLD. L’emprise du FLN au sein de la population algérienne devient quasi totale à partir de 1957, au prix de nombreuses victimes, notamment celles du MNA, le nouveau parti de Messali Hadj, créé après l’interdiction du MTLD par les autorités françaises après le déclenchement de l’insurrection en novembre 1954. Ce sont Mohamed Boudiaf et Mourad Tarbouche qui furent les artisans de la Fédération de France du FLN à partir de 1955. Le territoire français est découpé en sept wilayas sur le modèle algérien, avec une structure de commandement de type pyramidal, militants, adhérents et cotisants étant séparés pour éviter que la police « remonte » les réseaux. Avec leurs « cotisations », les 150 000 Algériens de la métropole participent au financement des activités du FLN et de l’ALN, atteignant 2,5 milliards d’anciens francs en 1958, puis évalués à 3,2 milliards l’année suivante. Au moment où l’insurrection commence à faiblir en Algérie, le FLN lance toute une série d’attaques en métropole du 25 août au 27 septembre 1958 (« la nuit bleue ») ciblant des objectifs politiques ou économiques, qui se veulent spectaculaires comme l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Mourepiane, à proximité de Marseille. Mais l’implication des Algériens dans le mouvement indépendantiste s’accompagne d’une répression policière massive, qui se traduit par des milliers d’arrestations de militants et de suspects. Ces derniers sont envoyés dans des grands camps de détention au milieu du Massif central comme celui du Larzac, un des futurs camps d’accueil des harkis en exil. Les supplétifs furent impliqués dans la répression des réseaux FLN de la capitale française à partir de 1960. Les dernières années de la guerre d’Algérie furent particulièrement violentes à Paris, où les commandos de choc du FLN visent désormais les policiers et les harkis. Dans le contexte des premières négociations entre le GPRA et les Français (à partir de juin 1960), Papon, le nouveau

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298 Atlas historique de l’algérie

préfet de la Seine, charge la police appuyée par la FPA (Force de police auxiliaire) d’anéantir les militants algériens. Le FLN réplique par des attentats contre des commissariats et policiers isolés. Traquée par la police, la direction de la Fédération du FLN finit par s’abriter en Allemagne de l’Ouest, à Cologne et Düsseldorf, dès 1958 et continue d’organiser le transfert des fonds destinés au FLN extérieur. Avec l’installation de la direction FLN « Europe » en Allemagne, l’organisation indépendantiste bénéficie de nombreux soutiens européens. Avec la répression policière et en raison du manque de travail, de nombreux Algériens, notamment ceux vivant dans les Alpes françaises se rendent, en Suisse. Ils rejoignent souvent la route de la Tunisie avant de s’engager dans l’ALN. C’est le cas d’étudiants algériens très impliqués dans le militantisme. La Suisse, avec l’Allemagne, devient l’une des deux « plaques tournantes » des réseaux de soutien au FLN ou du redéploiement des « volontaires » comme combattants ou des « politiques » qui rejoignent le GPRA au Caire ou à Tunis. Le travail de la Fédération de France consistait à promouvoir le fait indépendantiste algérien et présenter aux milieux « éclairés » la guerre française « contre les Algériens ». C’est ainsi qu’un nombre important de militants et intellectuels français de gauche s’étaient impliqués dans le soutien d’abord moral, puis, pour certains, matériel au FLN. Mais le rôle des responsables du FLN « réfugiés » en Allemagne ou en Suisse ne se limitait pas à la « médiatisation » de la cause indépendantiste. Le FLN « Europe » était en outre chargé aussi bien de l’acheminement des fonds transitant par les banques suisses que de l’achat d’armement auprès des vendeurs notamment allemands. Ces derniers sont alors la cible des services français qui n’hésitent pas à les liquider ou à saboter les navires chargés pour les bases du Maroc ou de la Tunisie. Malgré tous les efforts de la diplomatie française et du SDECE, les Algériens du FLN finissent par disposer de nombreuses représentations en Europe occidentale mais également dans le bloc de l’Est. Avec la reconnaissance du GPRA par l’Union soviétique en 1958, le FLN dispose de nouveaux appuis dans les démocraties populaires d’Europe de l’Est comme la RDA, où les services formeront plusieurs militants FLN, à l’instar de la promotion dite « tapis rouge », des Algériens ayant reçu les enseignements de l’école soviétique (renseignement et contre-espionnage) en 1958. Depuis 1957, plusieurs pays européens participent à la livraison des précieuses armes destinées à l’ALN, notamment ceux spécialisés dans leur production comme la République tchèque et la Yougoslavie de Tito. C’est à partir des côtes dalmates que partent nombre de navires chargés d’armes en direction de la Tunisie ou du Maroc tandis que d’autres filières, plus discrètes, font parvenir jusqu’en Suisse fonds ou militants menacés. C’est le cas du fameux « réseau Jeanson ». Ce groupe d’intellectuels anticolonialistes ou sympathisants français du FLN s’était impliqué personnellement dans le soutien matériel aux indépendantistes mais finit par être démantelé en 1960, suivi d’un procès « très médiatisé ». Derrière ces « porteurs de valises » se trouvait toute une intelligentsia française dont les écrits dénoncent la guerre menée en Algérie. Journalistes du Monde et de L’Express, de Témoignage chrétien en particulier, mais aussi des philosophes comme

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Le FLN en Europe 299

Jean-Paul Sartre condamnaient l’action militaire en Algérie et l’aveuglement colonial. Par leurs récits de la guerre vécue en Algérie souvent comme appelés, de nombreux soldats français contredisaient les versions officielles de la « pacification ». Si certains Français ont déserté en rejoignant l’ALN comme Noël Favrelière, d’autres Européens s’engageaient directement en Europe dans des centres de « recrutement » du FLN. Ces volontaires souvent militants communistes se rendaient dans les bases ALN de Tunisie ou de Libye, où se trouvaient des formateurs de pilotes algériens, notamment en Libye et en Égypte.

Affiche de propagande française contre le FLN.

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LE FLN

L

ET LE MONDE ARABE

’Égypte est le premier pays arabe indépendant à abriter les responsables indépendantistes de l’OS Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Khider arrivés en 1952, après la découverte de leur cellule par la police française. Le colonel Gamal Abdel Nasser qui prend le pouvoir en juillet 1952 au nom des Officiers libres se présente comme le défenseur des peuples arabes opprimés par le colonialisme et l’impérialisme, dans le contexte du conflit israélo-arabe, où l’Égypte se trouve en première ligne. Le Caire est la première base « extérieure » du jeune FLN, où Mohamed Boudiaf rejoint les trois membres historiques en 1954. C’est dans la capitale égyptienne que siège notamment depuis 1947 le Comité de libération du Maghreb arabe (deux après la fondation de la Ligue arabe à l’initiative des Britanniques), organisation qui regroupe plusieurs mouvements nationalistes comme le Parti de l’Istiqlal marocain ou le Néo-Destour tunisien. En fait, les Égyptiens assuraient leur soutien politique aux « frères » du Maghreb depuis les années 1930, au temps des premières formations nationalistes d’Allal el Fassi à Bourguiba. Les Algériens entretenaient quant à eux des relations plus religieuses avec l’Égypte, avec la visite du cheikh Abduh en Algérie en 1903, artisan du courant réformiste musulman (Islah). Boumediene séjournera d’ailleurs au Caire pendant sa formation religieuse à la mosquée d’Al Azhar. Mais lorsque éclate l’insurrection du FLN en novembre 1954, le pouvoir militaire égyptien s’engage immédiatement aux côtés des indépendantistes. L’Égypte accorde un soutien logistique de premier plan pour permettre l’acheminement des armes à l’armée du FLN. En fait, le trafic d’armes au profit du FLN avait commencé avant 1954, par des réseaux libyens (Tripoli) et marocains (Nador) qui avaient préparé quelques dépôts d’armes, souvent issues des stocks de la Seconde Guerre mondiale. Mais il faut vraiment attendre mars 1956 et l’indépendance du Maroc et de la Tunisie pour que le FLN puisse disposer de solides relais pour acheminer les armes. C’est à ce moment que la délégation extérieure du FLN entreprend plusieurs voyages entre Rabat et Tunis jusqu’à la fameuse interception de leur avion en octobre 1956. Mais ces quelques mois d’activité diplomatique ont permis d’obtenir de nombreuses garanties pour l’établissement de bases pour l’ALN et les facilités à accorder aux Algériens militants et combattants. À partir de 1956 se mettent en place

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Atlas historique de l’algérie

les structures militaires qui accueillent les milliers d’Algériens réfugiés qui traversent la frontière tunisienne et qui s’engagent massivement dans l’ALN, tandis que les organisations humanitaires établissent des camps pour les populations qui fuient la répression dans le Constantinois, devenue impitoyable depuis août 1955. Avec les premiers travaux du barrage électrifié, des milliers de personnes ont été déplacées pour faire place aux « zones interdites ». La nouvelle ALN des bases de Tunisie dispose de milliers d’hommes et de jeunes qui sont formés et armés par les « importations » de munitions en provenance d’Égypte et de Libye mais aussi de Syrie et d’Iraq. Progressivement se construisent des réseaux complexes d’acheminement de matériel qui s’accumule en Tunisie pour 90 % de l’armement total destiné Affiche du Service d’action psychologique aux Algériens. Le reste est stocké dans les de l’armée pendant la guerre. bases ALN du Maroc, à Nador et Oujda, tandis qu’une petite partie entrera en Algérie par le Sahara libyen. À partir de 1957, le Comité d’organisation et d’exécution (CCE) jusque-là basé à Alger doit quitter l’Algérie où il est menacé par la machine de guerre mise en place lors de la bataille d’Alger pour « remonter » les réseaux du FLN. Le CCE s’installe à Tunis tout en disposant d’un bureau au Caire et à Tripoli, de manière à éviter une influence trop gênante des dirigeants qui les « hébergent », surtout Nasser, qui a résisté aux Franco-Britanniques pendant la crise de Suez en 1956. Les pionniers de la diplomatie algérienne s’efforcent quant à eux d’obtenir l’aide des autres pays arabes du Moyen-Orient où se rend Kiouane dès 1956. Avec Taoufik el Madani, le jeune diplomate fait la tournée des capitales libanaise, syrienne, jordanienne et irakienne à la suite de laquelle l’aide financière et matérielle de ces pays en direction du FLN connaît un nouveau développement. La Syrie et l’Iraq accordent aux Algériens des facilités pour la formation de pilotes de chasse (MIG 17), aux transmissions et autres techniques militaires comme le parachutage (Alep). En 1957, d’autres pays musulmans sont sollicités par Kiouane pour la reconnaissance et l’aide au FLN comme l’Iran, la Turquie et l’Afghanistan. Les ulémas réformistes algériens tels que Bachir el Ibrahimi et Taoufik el Madani auront joué un rôle notable dans l’entretien des relations avec la Syrie et l’Arabie saoudite. Avec la reconnaissance internationale du GPRA à partir de septembre 1958, les relations avec les pays arabes se confirment. Même l’Arabie saoudite, qui avait précédemment reçu des représentants du MNA, finit par aider le FLN. Les services français enquêtent quant à eux en permanence sur ces campagnes diplomatiques du FLN, notamment au Moyen-Orient. Après l’affaire de Suez et l’expédition militaire qui a tourné au fiasco, le SDECE a noué de nouvelles relations privilégiées avec le renseignement israélien.

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Le FLN et le monde arabe 303

Le gouvernement socialiste de Guy Mollet, qui accuse depuis 1956 Nasser d’entretenir la rébellion algérienne, a rapidement noué des liens particuliers avec le jeune État d’Israël. Pour M. Jacquin, « les relations entre le SDECE et le Mossad sont d’ailleurs excellentes, des relations directes et discrètes entre le 2e bureau d’Alger et celui de Tel-Aviv, pour tout ce qui touche à la guerre d’Algérie » (La Tract des autorités françaises. guerre secrète en Algérie). Les bases de Tunisie absorbent la majeure partie des équipements livrés par les filières d’armement tandis qu’au Maroc sont construites plusieurs usines clandestines de fabrication d’armes, avec l’organisation de Messaoud Zeghar, lié aux milieux d’affaires américains. Dirigé par Boussouf, le MALG (ministère de l’Armement et des Liaisons générales) est chargé de toute l’organisation concernant les armes et la logistique. Par sa personnalité, Boussouf s’impose comme l’homme incontournable au sein du GPRA. Ses bureaux sont basés à Rabat, Tunis et Tripoli, en marge des sièges du GPRA. Cette structure intègre l’ébauche des premiers « services de renseignement » qui deviendront la « sécurité militaire » après l’indépendance. C’est dans les ports du Maroc que sont débarqués les équipements achetés en Europe du Nord. Ils doivent pouvoir fournir les soldats de la wilaya V, dont le PC est situé à Oujda. Avec 1 200 hommes en 1957, l’armée algérienne du Maroc n’a pas les moyens des bases tunisiennes pour attaquer le barrage en plusieurs points mais entreprend le passage par la région des Ksour, en partant de Figuig. Avec la bataille des frontières, l’ALN de Tunisie est secouée par plusieurs rébellions. La défense de la ligne Morice ayant rendu très meurtriers les franchissements de troupes de l’ALN, certains officiers refusent d’obéir, provoquant des troubles dans lesquels intervient le régime tunisien (affaire Lamouri, désertion Hambli…).

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LE FLN

A

DANS LE MONDE

vec quelques-uns de ses chefs historiques en Égypte depuis 1952, la question algérienne dispose d’une première audience régionale (monde arabe). L’Égypte et l’Arabie saoudite, déjà membres de l’ONU, soulèvent une première fois le problème algérien à New York en 1955. Quelques mois après le déclenchement de l’insurrection des indépendantistes algériens, la conférence afro-asiatique de Bandung en Indonésie évoque le sort des Algériens toujours « colonisés » représentés par une petite délégation. Cet événement marque une étape majeure dans l’internationalisation de la guerre d’Algérie. Mais pour les autorités françaises à l’ONU, il n’y a pas de guerre en Algérie mais des « événements » dans ses trois départements français. À partir de 1956 et le ralliement de Ferhat Abbas au FLN, la diplomatie algérienne se trouve redynamisée. Ferhat Abbas commence une carrière mondiale. Parti de Paris, il se rend en Égypte rejoindre la direction du FLN en passant par la Suisse en avril 1956. Il consacre ses premiers entretiens avec les dirigeants arabes en Égypte, au Maroc, en Tunisie et en Libye, avant de gagner l’Inde et le Pakistan. Ferhat Abbas multiplie les conférences lors de ces séjours où il défend le combat des moudjahidine de l’ALN pour la liberté de l’Algérie. Avec Kiouane, ils entreprennent une grande tournée en Amérique latine à la fin 1956. Hormis l’Uruguay et le Venezuela, tous les pays du continent sud-américain sont « visités » par une délégation algérienne. Ferhat Abbas accompagné de Kiouane et Triki rejoint ensuite Mohammed Yazid à New York, qui est le représentant et négociateur de la délégation algérienne aux Nations unies. Plusieurs délégations extérieures du FLN parcourent de nombreux pays, qui permettent ensuite aux Algériens de disposer d’un bureau officiel ou non dans leur capitale. C’est ainsi que 38 pays, dont les pays musulmans, accorderont cette facilité au FLN puis au GPRA à partir de 1958. À partir de la proclamation officielle en septembre 1958 par son président Ferhat Abbas du Gouvernement provisoire de la République algérienne, calqué sur le modèle français du général de Gaulle, 18 pays reconnaissent cette première institution nationale. Krim Belkacem, le vice-président du GPRA, qui dirige les forces armées, prendra une part active aux tournées diplomatiques dans

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306 Atlas historique de l’algérie

le monde à partir de 1960, en Asie en particulier. Alors que les wilayas intérieures subissent les terribles offensives du plan Challe en 1959-1960, le GPRA s’engage dans d’importantes campagnes diplomatiques. Les pays d’Asie accueillent chaleureusement les délégations algériennes du GPRA en janvier 1960, notamment le Vietnam et la Chine, où Ferhat Abbas obtient une aide politique et matérielle. Kiouane entreprend quant à lui de se rendre en Corée du Nord et au Japon, l’Asie du Sud-Est étant parcourue par Ahmed Boumendjel, Saïd Mohammedi, Ahmed Francis et Boussouf. Krim Belkacem et Ben Tobbal apparaissent avec Ferhat Abbas comme les principaux négociateurs internationaux du GPRA. Trois dirigeants du GPRA se rendent en URSS en 1960 afin de s’entretenir avec Khrouchtchev et Kossyguine. Politiquement et militairement, le GPRA se renforce. Bien que l’ALN intérieure ait été très diminuée, elle dispose encore de réserves importantes ainsi que de moyens militaires améliorés. Les réseaux d’armement comme celui des « djamiat », qui organise l’acheminement d’armes entreposées en Indonésie, avec les intermédiaires européens, ont constitué une des sources matérielles de l’ALN. Alors que l’ALN intérieure sort exsangue du plan Challe, les succès diplomatiques du GPRA se succèdent à partir de 1960 au niveau des organismes internationaux comme à l’ONU, qui déclarera le « droit du peuple algérien à l’autodétermination » le 19 décembre 1961. De même, le GPRA est présent à la conférence des pays non alignés qui se tient à Belgrade en 1961. Cependant, les avancées diplomatiques algériennes sont facilitées par la nouvelle politique du général de Gaulle, dont le gouvernement a entamé des négociations secrètes avec le FLN depuis le début 1961. Car l’influence française reste grande dans le monde, même si elle accuse un retard certain en ce qui concerne le mouvement mondial de décolonisation. Mais le général de Gaulle, bien conscient qu’il doit laisser l’Algérie aux Algériens, veut sortir de la guerre en position de force, pour l’armée mais aussi pour obtenir des facilités dans le Sahara algérien. En 1961, cet immense territoire est l’objet de négociations entre le GPRA et le royaume du Maroc, qui n’hésite pas à revendiquer toute la région de Béchar à Tindouf. Ferhat Abbas doit s’entretenir avec le jeune Hassan II, nouveau successeur de Mohammed V, avec qui il avait été très proche. La thèse d’un « grand Maroc » avait été développée par Allal el Fassi depuis plusieurs années, revendiquant l’héritage médiéval des territoires almohades au-delà de Sidjilmasa, dans le Tafilalt, berceau des Alaouites. Mais pour le GPRA, le Sahara n’est pas négociable, ni avec la France ni avec ses voisins, fussent-ils des alliés. En 1961, les diplomates algériens continuent de renforcer leur présence en Asie, notamment en Mongolie et en Chine, qui participera à la « reconstruction » de l’Algérie indépendante après 1962. Les derniers mois qui précèdent l’indépendance de 1962, le GPRA se trouva confronté à plusieurs crises internes. C’est entre Tunis et Tripoli que les différents ministres et chefs de l’armée se livrent à une bataille politique pour le pouvoir à partir de l’été 1961. Pour autant, les dirigeants tunisien et libyen n’exercent pratiquement pas leur influence sur ces querelles algériennes, qui aboutissent au fameux congrès de Tripoli où le CNRA (Conseil national de la révolution algérienne) de mai 1962, à l’issue duquel surgiront un exécutif algérien bicéphale, avec Ben Bella installé au Maroc et Ben Khedda

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Le FLN dans le monde 307

à Tunis. Jusqu’en juillet 1962, les villes tunisiennes ou marocaines du (ou des) pouvoir(s) algérien (s) serviront de base au groupe politico-militaire Ben Bella/Boumediene, non plus pour combattre l’armée française, mais pour s’imposer militairement en Algérie. Les relations diplomatiques du FLN établies tout au long de la guerre d’indépendance marqueront durablement les politiques extérieures du nouvel État algérien après 1962.

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LE

PLAN

A

CHALLE

près s’être imposé en mai 1958 comme l’homme politique providentiel à la tête du nouveau gouvernement français, le général de Gaulle entreprend de régler le problème algérien. Conscient des blocages de la minorité européenne face aux défis de la décolonisation, le nouveau président prépare des réformes politiques et économiques en faveur des musulmans. Après le référendum pour la Constitution de la Ve République en septembre, il annonce le plan de Constantine, programme de développement économique de cinq ans. Mais en 1958, le premier président de la République, qui est désormais chef des armées, veut écraser l’ALN intérieure. Sachant qu’il devra malgré tout négocier avec le GPRA qui vient d’être créé le 19 septembre 1958, il veut se retrouver en position de force face à Ferhat Abbas. Sachant que l’Algérie serait inéluctablement indépendante sous une forme ou une autre, le général de Gaulle a bien l’intention de profiter le plus longtemps possible des installations « hautement stratégiques » du Sahara. Mais il ne veut pas non plus s’aliéner l’armée qui combat l’ALN depuis quatre ans, en lui accordant une victoire sur le terrain. Le général Challe remplace Salan à la tête du commandement en décembre 1958. Disposant de moyens militaires exceptionnels, le nouveau chef de l’armée prépare pour 1959 une offensive générale contre les maquis de l’ALN : le plan Challe. Les frontières quasi hermétiques depuis le renforcement des barrages en 1958 donnent à Challe les moyens de combattre l’ALN en « champ clos ». Le regroupement des populations se trouve accentué en vue des opérations militaires ainsi que l’armement de nombreux villages en « autodéfense ». Le plan Challe prévoit de détruire l’essentiel de l’ALN intérieure en attaquant successivement ses zones refuges avec la participation de toutes les réserves générales composées des forces d’élite héliportées et disposant d’un appui aérien massif. Ce « rouleau compresseur » doit parcourir tout le nord de l’Algérie à partir des régions ouest, théoriquement les plus faciles, jusqu’à la frontière tunisienne. La première opération se déroule dans la région au sud de Tlemcen à partir du 6 février 1959. Suivant un processus militaire classique, les forces françaises (dont les unités harkis) encerclent les monts de Tlemcen et les nombreuses forêts jusqu’à Sidi bel Abbes qui abritent les maquis de l’ALN.

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Le ratissage est effectué par des troupes plus nombreuses et mieux renseignées que lors des opérations précédentes. L’armée bénéficie d’un recrutement harki spécialement renforcé par le général Challe en vue des grandes opérations, notamment pour former les « commandos de chasse », qui ont pour mission de harceler les derniers groupes de maquisards ayant survécu. L’armée exploite le renseignement obtenu par les méthodes des unités mobiles des DOP, qui suivent de près l’offensive et les nombreuses arrestations qui en découlent. À l’issue de cette première opération « Oranie » de février 1959, 1 764 moudjahidine sont tués et 516 faits prisonniers (il y aura 76 tués français). Les forces françaises disposent d’armes redoutables comme le napalm ainsi qu’un arsenal chimique utilisé dans les grottes, refuges des soldats de l’ALN. À partir d’avril 1959, c’est le massif de l’Ouarsenis qui est encerclé par les troupes françaises. Les accès par la plaine sont fermés par des unités blindées, le ratissage est effectué par les troupes de secteur renforcées par les réserves générales et les harkis (notamment ceux du bachaga Boualem) tandis que toutes les crêtes et positions dominantes sont « réservées » aux parachutistes, légionnaires, chasseurs alpins. L’opération « Courroie » se déroule dans une région montagneuse couverte de plusieurs grandes forêts comme à Theniet el Had. Les combats durent deux mois car les troupes doivent chercher le « contact » avec les maquisards de l’ALN pour ensuite faire intervenir l’aviation et l’artillerie. Jusqu’au 18 juin 1959, des milliers de soldats ratissent la chaîne montagneuse de l’Ouarsenis au Dahra, au nord de la vallée du Chélif, pour aboutir dans l’Atlas blidéen. À l’issue des durs combats dans cette région d’accès difficile, et dont la population avait été massivement regroupée (76 % de regroupés dans l’arrondissement de Theniet el Had, 40 % autour de Miliana…), 1 756 combattants algériens sont tués lors de ces durs combats qui font 166 tués parmi les forces françaises tandis que 471 moudjahidine sont faits prisonniers. Entre les opérations « Oranie » et « Courroie », le 5e bureau de l’armée française n’avait pas manqué d’exploiter l’événement de la mort de Amirouche et de Si Haouès survenue en mars 1959. Les deux chefs militaires des wilayas III et V furent tués au combat dans le djebel Zemra à 15 km de Bou Saada, alors qu’ils se rendaient vers les bases de Tunisie par l’itinéraire sud. Une fois repérés dans le djebel Zemra, qui est une petite montagne isolée, il leur fut impossible d’échapper aux attaques aériennes et à l’intervention héliportée des parachutistes coloniaux de Bigeard. Leur mort fut amplement « médiatisée » sous forme de tracts jetés au-dessus des maquis. La wilaya III se préparait à l’offensive générale de l’armée française, dont le commandement détourna le regard pour mieux surprendre les maquis du Hodna à partir de juillet 1959. L’opération « Étincelles » dure douze jours dans cette région totalement acquise à l’ALN. Ces montagnes du djebel Hodna ont un relief tourmenté et sont couvertes de forêts. Avec la proximité de Sétif, un des berceaux du nationalisme algérien, de nombreux militants des villes et villages de la plaine sont montés au maquis. C’est dans ces montagnes qui ont vu naître Bachir el Ibrahimi (Ouled Braham) qui s’étendent du djebel Maadid au Bélezma que les soldats de l’ALN combattent les forces françaises dont toute la 10e division parachutiste. La première phase de l’opération fait 304 tués chez les djounoud de l’ALN et 46 militaires français tués. Mais les forces françaises ont récupéré

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Le plan Challe 311

une quantité impressionnante d’armes car la région se trouve sur l’itinéraire sud des convois en provenance des bases de Tunisie. Trois fois plus d’armes ont été prises lors de l’opération « Étincelles » qu’en soixante jours de l’opération « Oranie ». Pendant l’été 1959, les plus grandes opérations du plan Challe sont lancées en direction des massifs de Kabylie à partir du 22 juillet. Avec l’opération « Jumelles », ce sont 40 000 soldats français qui attaquent les katibas de la wilaya III en Grande Kabylie. C’est dans un premier temps à l’est du massif du Djurdjura et dans l’Akfadou qui sont submergés lors de l’opération « Pelvoux » du 22 juillet au 9 août 1959. Les troupes parachutistes pénètrent dans ce qui fut le bastion d’Amirouche, auquel ont succédé les chefs Mira et Mohand Oul Hadj. Les combattants kabyles ont 132 tués et 215 prisonniers pendant cette première attaque massive des forces françaises, qui ont débarqué au cap Sigli. En fait, tous les massifs abritant les katibas kabyles sont encerclés au sud de Tigzirt, dans le secteur de Sidi Ali Bounab et dans le nord du Djurdjura. C’est entre Bougie et Azazga que le déploiement militaire est le plus important, glissant progressivement vers la vallée de la Soummam. À partir du 10 août 1959 est lancée l’opération « Suzanne ». Après six jours de combats au sud de Bougie, dans les montagnes boisées jusqu’au Takintoucht en direction de Kerrata, 594 moudjahidine sont tués et 78 faits prisonniers. Cependant, l’armée continue d’occuper pendant tout l’été les montagnes de Grande Kabylie. Alors que le déploiement opérationnel se maintient dans la région, 14 commandos de chasse sont mis en place dans les massifs kabyles. Le général Challe a fait de ces « unités légères spéciales à base de harkis » une des conditions de la réussite de sa stratégie. Dans sa directive du 22 décembre 1958, il décrit la mission de ces commandos : une « chasse à courre, qui devra autant que possible coller aux katibas, qu’elles se déplacent dans les zones refuges ou que, se fractionnant, elles cherchent asile dans la population ». Quatre commandos de chasse opèrent dans le secteur de Palestro, deux autour de Bouira, quatre autour d’Azazga, deux autour de Bordj Menaïel, trois à Fort National, un sur Draa el Mizan et Tizi Ouzou. Ils harcèlent les combattants dispersés par petits groupes car les katibas ont été décimées par l’offensive française, qui n’épargne pas les populations civiles déplacées de force, soumises aux DOP mobiles, et dont les habitations sont le plus souvent détruites. Les appuis aériens qui font du bombardement au napalm un usage fréquent sont systématiques dès qu’un groupe de combattants est repéré et que les forces françaises en sont protégées. En fait, la plupart des hommes de l’ALN ont été principalement tués par l’artillerie et l’aviation bien plus que par les balles de l’infanterie. À partir d’août 1959, les pertes algériennes augmentent sensiblement dans la wilaya III, qui perd son chef Mira à Chellata le 6 septembre 1959. La situation est dramatique. En deux mois, du 17 août au 17 octobre 1959, l’ALN a perdu 1390 moudjahidine et 807 prisonniers, dans la période des plus durs combats comme en témoigne la perte de 88 soldats français. D’octobre 1959 à avril 1960, l’armée française n’en poursuit pas moins ses opérations contre les maquis de Grande Kabylie et dans la Soummam. Tout l’ouest de la Petite Kabylie est attaqué à partir de Bordj Bou Arreridj et Bougie. Six mois de

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combats pendant lesquels 2 222 moudjahidine sont tués et 1 141 faits prisonniers, les pertes de l’armée française s’élevant à 167 tués. Les opérations contre les maquis des Babors jusqu’à la presqu’île de Collo, où l’ALN est très bien implantée, se déroulent sur une année entière, de septembre 1959 à septembre 1960. Quatre opérations militaires groupées sous le nom général de « Pierres Précieuses » ont pour objectif de détruire l’essentiel du potentiel de l’ALN dans un terrain particulièrement difficile. Les régions concernées sont très accidentées et couvertes de forêts, surtout le long du littoral méditerranéen. Deux divisions françaises, la 25e DP et la 11e DI, participent à plusieurs opérations contre la wilaya II avec « Turquoise » dans les secteurs de Djidjelli, Mila, El Milia à partir de novembre 1959, tandis que la presqu’île de Collo est attaquée pendant l’opération « Émeraude ». Quinze commandos de chasse s’installent dans les montagnes environnantes, à partir de leurs postes de Bougie, Akbou, Lafayette, Bordj Bou Arreridj, Saint-Arnaud, Sidi Aïch, El Kseur, Titest, Oued Amizour. L’opération « Rubis » se déroule du 6 septembre au 17 octobre 1959 dans la région de Petite Kabylie, entre la vallée de la Soummam et Lafayette tandis que les maquis des Babors sont attaqués lors de « Saphir ». En mars 1960 les djebels Takoucht et Djermouna, qui avaient été le théâtre des représailles sanglantes de 1945, sont à nouveau ratissés pendant l’opération « Jonas ». Crépin, qui a remplacé Challe en mars 1960, reprend l’offensive contre la wilaya I, dont les hommes occupent encore le Hodna. Il envoie la 10e DP attaquer l’est du massif ainsi que le Bélezma en avril 1960, c’est l’opération « Flammèches ». Les offensives du plan Challe entraînent plusieurs réactions tardives de l’ALN des bases de Tunisie. Le colonel Boumediene lance plusieurs attaques contre les troupes françaises du barrage à partir de septembre 1959, avec l’offensive « Didouche » dans la région de Souk Ahras, suivie de « Amirouche » en novembre-décembre 1959. Mais ces attaques de l’ALN avec l’utilisation de nouvelles pièces d’artillerie ne peuvent ralentir le « rouleau compresseur » des offensives Challe. À partir d’avril 1960, cette dernière se rapproche d’ailleurs du barrage est. Les opérations « Marathon » et « Pélican » ont pour objectif de « nettoyer » le territoire situé entre les deux lignes du barrage, où s’établissent souvent les quelques convois d’armement qui réussissent à passer les premiers obstacles du barrage « avant ». L’état-major de l’ALN tente de ravitailler les maquis de l’intérieur, très démunis par les offensives du plan Challe. Deux convois, ceux de Ben Cherif et de Djilali Atmane, réussissent tout de même à passer en avril au prix de fortes pertes. Les wilayas ont perdu la moitié de leur potentiel militaire, entraînant une vague de démoralisation dans plusieurs maquis. La wilaya I, qui est la plus proche matériellement et politiquement de l’état-major de Boumediene, doit ensuite affronter toute une succession d’opérations de septembre 1960 à septembre 1961. Les montagnes des Aurès et des Nememcha continuent d’abriter de nombreuses unités de l’ALN un peu ravitaillées par les convois du sud de la Tunisie, voire de la Libye. Dans les régions de l’Ouest, l’armée française relance l’offensive dans l’Ouarsenis avec l’opération « Cigale » en juin 1960 tandis que plusieurs bataillons de l’ALN tentent de rejoindre la wilaya V, par la région des Ksour, où ils sont repoussés en mai 1960. Toute la région où

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Le plan Challe

transitent les convois venus du Maroc fait l’objet d’une grande opération (« Prométhée ») entre juin et septembre 1960. Cependant, avec les troubles entretenus par les Européens d’Alger contre de Gaulle au début 1960 et le putsch des généraux français en avril 1961, le programme des opérations du plan Challe dans les Aurès-Nememcha se retrouve réduit. De plus, en ayant appuyé le coup de force des généraux félons, de nombreux régiments d’élite se sont dissociés du reste de l’armée, elle-même troublée par la nouvelle politique du chef de l’État en faveur de l’Algérie « algérienne ». Néanmoins, l’opération « Ariège » est lancée dans la région entre Arris et Khenchela le 4 octobre 1960. Toujours avec la 25e DP et la 21e DI. L’opération « Dordogne » à partir du 8 février puis « Isère » qui précède le coup de force des généraux seront quant à elles d’un impact limité. Comme en témoignent les nombreux monuments commémoratifs des villages de l’Algérie indépendante, les morts de combattants sont encore très nombreuses durant les deux dernières années de la guerre en 1960 et 1961. Beaucoup de ceux qui avaient résisté depuis le début du conflit disparurent dans ces années. Les moyens mis en œuvre par l’armée française pour s’assurer une victoire purement militaire, dont le recours à des milliers de harkis et l’usage massif de l’aviation, avaient eu raison des katibas, qui ne se reconstituèrent en partie que très péniblement, souvent au début 1962. Enfin, l’attention du général de Gaulle était tournée depuis 1960 en direction du Sahara, où la France allait acquérir sa place parmi le club très fermé des puissances nucléaires.

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Affiche électorale en faveur du référendum de 1958.

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DE GAULLE

L

EN

ALGÉRIE

orsque le général de Gaulle est « rappelé » au pouvoir en mai 1958, il a un programme très complexe à mettre en œuvre. Partisan de la fin du régime parlementaire et des querelles de partis qui bloquent les institutions depuis 1945, date à laquelle il avait pris ses distances avec le pouvoir, de Gaulle transforme très rapidement le système politique de la IVe République en un nouveau régime de type présidentiel, dans lequel le chef de l’État est également chef des armées. Le contexte de la guerre d’Algérie aura pesé dans la nouvelle Constitution de 1958. Le général de Gaulle a rapidement pris conscience de l’incapacité d’un régime parlementaire à régler le « problème algérien ». Une fois que le premier gouvernement de la Ve République est confirmé dans ses fonctions le 1er juin 1958, de Gaulle, qui a obtenu les « pouvoirs spéciaux », entreprend toute une série de voyages en Algérie. De son premier séjour à Alger l’opinion publique aura retenu le célèbre « Je vous ai compris ! » qui alimentera des malentendus ultérieurs. Après un deuxième voyage en juillet 1958, où il essaie de mesurer les enjeux locaux de la guerre, le général de Gaulle se rend à Constantine le 3 octobre 1958, où il annonce un grand programme de développement de cinq ans dont le principal architecte est le nouveau gouverneur général Paul Delouvrier. Avec le nouveau gouvernement, l’organisation administrative des départements algériens se trouve modifiée à partir de 1959. L’Algérie comptera quinze départements dont deux dans le Sahara depuis 1957, celui de la Saoura (Colomb-Béchar) et celui des Oasis (Ouargla). Après son discours de Constantine de 1947, le général de Gaulle propose une nouvelle fois aux 8 millions de « Français musulmans » des emplois (400 000 prévus, principalement dans la fonction publique et dans l’industrie), l’accès à l’école pour les jeunes et surtout des milliers de logements. Delouvrier voudrait pouvoir « loger un million de personnes en cinq ans » avec le souci de décentraliser leur répartition, car les villes d’Oran et d’Alger avaient bénéficié de la priorité dans les programmes des années précédentes. Parmi les populations prioritaires figurent le million et demi d’Algériens parqués dans les camps de regroupement, qui se voient bénéficier d’un programme spécial baptisé « 1 000 villages ». Il s’agit de la construction de villages en dur à l’emplacement même de ces regroupements, additionnés

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316 Atlas historique de l’algérie

de quelques structures sanitaires. Dans les villes où s’est accumulée toute une population de ruraux ayant fui les zones de combat ou les regroupements, la crise du logement n’avait fait que s’aggraver. De nombreux immeubles ont été construits dans les petites et grandes villes de l’Algérie, dont le style architectural est toujours visible actuellement. Le programme de logements urbains se trouve réparti sur les treize départements du nord. En tête du nombre de logements programmés à partir de 1959 figure le département d’Alger avec 53 000 logements, puis Oran (30 000), Constantine (22 000). Ensuite suivent les petites villes : Sétif (19 000), Tizi Ouzou (15 000), Bône (14 000), Mostaganem (12 000) et Médéa (11 000 chacune), Tiaret-Saïda (8 000), Tlemcen (8 000) et Batna 7 000. La construction de 22 000 logements est lancée immédiatement en 1959 et aboutit aux premières locations en 1960, comme dans le département de Sétif (où seulement 620 logements seront livrés et loués. Avec la précipitation des événements politiques entre 1960 et 1962, de nombreux chantiers ne seront pas achevés voire annulés.) Cependant, l’amorce du programme scolaire du plan de Constantine qui ambitionnait d’ouvrir 2 025 classes par an pendant huit ans aura bénéficié à toute une génération d’enfants algériens nés au début des années 1950. À la rentrée 1960, 3 000 nouvelles classes sont ouvertes. 740 000 enfants musulmans sont scolarisés en primaire à la rentrée 1960 ainsi que 130 000 autres enfants encadrés par des instituteurs de l’armée. Mais l’enseignement secondaire (lycées et collèges) n’accueille que 10 300 musulmans (dont 2 000 jeunes filles) sur 44 700 élèves en 1959 tandis que l’université d’Alger compte 814 musulmans sur les 6 553 étudiants. Le plan de Constantine financé par le gouvernement français se présente comme le volet social de la politique du général de Gaulle alors que la guérilla de l’ALN commence à perdre du terrain. Il tend une main en direction des combattants de l’intérieur avec son message de « la paix des braves » du 23 octobre 1958 mais qui est rejeté par la direction du FLN, qui vient de constituer le GPRA. Le général de Gaulle est bien conscient que la France devra inéluctablement « lâcher » l’Algérie. Le contexte mondial de la décolonisation a rendu le statu quo intenable, d’autant plus que la diplomatie du FLN emmenée par Ferhat Abbas a entrepris la promotion internationale de la lutte pour l’indépendance. Mais le général de Gaulle a encore besoin de l’Algérie, et du Sahara en particulier, où est développé le programme nucléaire militaire français tout comme d’autres technologies hautement stratégiques (voir chapitre sur le Sahara). L’armée française, qui s’est engagée loin dans cette guerre révolutionnaire, doit quant Brochure du plan de Constantine, 1961. à elle être ménagée par le général de Gaulle, qui lui donnera les moyens de la victoire militaire. Après avoir éloigné Salan, trop impliqué dans la politique algérienne, de Gaulle charge Challe en 1959

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De Gaulle en Algérie

pour lancer les grandes opérations décisives contre l’ALN. Le plan Challe permet d’occuper l’armée et les unités d’élite mobilisées dans la réalisation de « leur » victoire qu’ils attendent depuis la défaite de Diên Biên Phu et le fiasco de Suez. De Gaulle entreprend alors plusieurs voyages en direction des officiers de l’armée qui combat l’insurrection algérienne. Avec ses « tournées des popotes » en août 1959 et en mars 1960, le Général, qui par son charisme impressionne les militaires, cherche à expliquer sa politique algérienne et rassurer les militaires. Immédiatement après la première « tournée des popotes », le 16 septembre 1959, le général de Gaulle annonce publiquement le principe de l’autodétermination pour les Algériens. En 1960, l’opposition des Européens d’Algérie au projet présidentiel se précise brutalement avec les premières barricades d’Alger. Les ultras qui avaient pratiquement favorisé son retour se sentent maintenant trahis par les fausses promesses et déclarations équivoques du général de Gaulle. Mais le chef de la France libre oublie vite cette agitation avec la bonne nouvelle du premier tir nucléaire français de l’histoire, qui vient d’être réalisé à Reggane le 13 février 1960. Le chef de l’État français espère bien disposer encore longtemps des grandes possibilités du Sahara algérien et évoque une « Algérie algérienne liée à la France » tout en proposant des négociations avec le GPRA, qui tournent cours à Melun en juin 1960. Durant l’été et jusqu’à l’automne 1960, les dernières opérations du plan Challe visent les maquis historiques de l’Est algérien tandis que de Gaulle parle d’une « République algérienne » le 4 novembre 1960. Il ne veut pas pour autant livrer l’Algérie aux GPRA sans contrepartie. Sachant que les dirigeants algériens sont affaiblis par leurs divisions internes, il retarde encore le temps des négociations sérieuses. La rue algérienne va pourtant lui rappeler qu’elle a déjà fait son choix. Elle défie les autorités en manifestant bruyamment sa fidélité au FLN et au GPRA de Ferhat Abbas à partir de 11 décembre 1960, notamment à Belcourt (Alger), où 112 Algériens seront mitraillés par les CRS. Ces événements se déroulent que se tient l’Assemblée générale de l’ONU, qui adopte un texte reconnaissant le droit du peuple algérien à l’indépendance. Le président français procède à la consultation des Français par référendum en janvier 1961. Les 75 % de oui en France et 69 % dans les départements algériens le confirment dans sa politique. Il poursuit les négociations secrètes avec le GPRA en février. Les premiers attentats de l’OAS frappent les villes d’Algérie, ciblant les Européens proches des Algériens. Les ultras de l’Algérie française sont rejoints dans leur dissidence par un groupe de plusieurs haut gradés de l’armée (Gardes, Godard, Argoud…) qui occupent le Gouvernement général le 22 avril 1961. Parmi eux, les généraux Salan, Zeller, Jouhaud et Challe tentent le coup de force contre de Gaulle et s’adressent à la population par la radio et la télévision. Ils sont appuyés par plusieurs éléments issus de trois régiments de parachutistes (1er REP, 14e RCP et 18e RCP) et plusieurs officiers affiliés à l’OAS. Mais le putsch des généraux n’est pas suivi par la masse des soldats du contingent qui pour la plupart d’entre eux ne pensent qu’à « la quille » et à rentrer en France. Après quelques jours pendant lesquels la psychose d’une attaque parachutiste s’installe à Paris, la tentative des ultras échoue le 26 avril. Alors que les conspirateurs entrent dans la clandestinité, de Gaulle, renforcé après

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cette confrontation, entreprend de régler le problème algérien avec le GPRA. À partir de mai-juin 1961 commencent ainsi les négociations d’Évian, mais qui se heurtent à la question du Sahara, où, le 25 avril, le quatrième essai nucléaire français venait d’être réalisé à Reggane… ce qu’ignoraient totalement les dirigeants algériens. De Gaulle tient vraiment beaucoup à garder le Sahara français, proposant même une partition du territoire algérien. Un plan de partage fut même proposé en 1961 par Alain Peyrefitte, consistant à laisser l’ouest de l’Algérie et la région Alger-Mitidja à la population européenne tandis que les Algériens auraient leur État à l’est, de la Kabylie à la Tunisie. Mais ce plan sur le modèle sud-africain fut rapidement abandonné. Le FLN pousse la population algérienne à manifester son désaccord à toute amputation territoriale. Dans les villes en juillet 1961, comme à Constantine, les rassemblements sont violemment dispersés, faisant 80 morts. Les activistes de « l’Algérie française » sont quant à eux de plus en plus déterminés à lutter contre la politique « d’abandon » du président français. Ce dernier est visé par une première tentative d’attentat à Pont-surSeine le 8 septembre 1961 alors que Paris subit quarante attaques de l’OAS. Cette dernière pense représenter les 990 000 Européens d’Algérie, dont la question ne figure pas dans les plans du général de Gaulle. En Algérie, l’OAS dirige ses attentats contre de nombreuses personnes travaillant pour le gouvernement, mais également contre les commerçants algériens, notamment en juillet-août 1961. Mais les derniers mois de la guerre d’Algérie verront la violence de l’OAS exacerbée par l’issue diplomatique du conflit. De Gaulle tournera définitivement le dos à l’Algérie. Mais il a obtenu des garanties secrètes lors des dernières négociations d’Évian concernant le Sahara. Si le désert restera bien algérien, il continuera d’abriter les installations spéciales françaises jusqu’en 1967.

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De Gaulle en Algérie

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LE SAHARA

ET LES SITES STRATÉGIQUES FRANÇAIS

C

’est pendant les années 1950 que le Sahara algérien devient hautement stratégique pour les autorités françaises. Ces années correspondent à la fois à la découverte de gisements d’hydrocarbures considérables et au développement spectaculaire des programmes spatial et nucléaire français. Avec le déclenchement de l’insurrection du FLN en novembre 1954 et son extension à la majeure partie de l’Algérie du Nord, les gouvernements français ont redouté que les régions sahariennes soient atteintes par la guerre. Le Sahara abrite plusieurs sites stratégiques sensibles dont celui du programme nucléaire ultra secret dans l’extrême sud de l’Algérie. D’autres bases militaires tout aussi discrètes se trouvent dans la région de Colomb-Béchar depuis 1935 et à Hammaguir depuis 1948. Avec la découverte du gisement de pétrole d’Hassi Messaoud en 1956, le Sahara est rapidement présenté à l’opinion publique française comme un trésor national à protéger, notamment des prétentions indépendantistes du FLN. Ainsi médiatisé, le Sahara « utile » avec ses ressources énergétiques occultera l’existence des autres programmes stratégiques, dont l’existence fut bien cachée. Après la « pacification » du Sahara algérien au début du XXe siècle (voire carte sur la conquête du Sahara) par les Français, « l’aventure saharienne » marqua un temps d’arrêt avec la Première Guerre mondiale. Génératrice d’innovations techniques en termes d’armement, la Grande Guerre poussa l’armée française à développer certaines armes nouvelles de type chimique, que les Allemands avaient employées sur les champs de bataille, avec un succès relatif toutefois. Avec l’immensité du Sahara algérien, les autorités décident de créer en 1935 une base d’essais spéciaux dans la région de Beni Ounif, dans la vallée de l’oued Namous. Disposant de plusieurs centaines de kilomètres carrés, l’armée française entreprend des tirs d’obus et autres bombes chargés de substances chimiques hautement toxiques. La base prend le nom discret de « centre d’expérimentation semi-permanent » (CESP). La base B2 Namous devait pouvoir développer tout un arsenal chimique à usage militaire et constituer une arme dissuasive mais également adaptée à

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certaines opérations. Mais dès avant 1945, un programme d’armes de type bactériologique fut lancé. Des essais d’armes utilisant des agents de la peste et de l’anthrax ont été rapportés par un spécialiste français (Olivier Lepick, Science et Vie, HS no 19, 2004, p. 112). En 1945, les militaires français sont préoccupés par leur retard technique à côté des Anglo-Américains et des Soviétiques. Après la Seconde Guerre mondiale et le développement scientifique militaire qui l’accompagna, les États-Unis avaient fini par être les premiers à mettre au point l’arme atomique, qu’ils utilisèrent contre le Japon en août 1945. Avec l’occupation de l’Europe et du Japon, les Américains avaient accumulé de nombreux travaux scientifiques des « professeurs » nazis et japonais concernant les essais chimiques et bactériologiques sur leurs captifs. Mais avec la « récupération » de l’Allemand Wernher von Braun, créateur des fusées V1 et V2, les Américains relancèrent leur programme pour conquérir l’espace. La France développa son propre programme d’armement spécial à B2 Namous et entreprit la création d’une nouvelle base au sud de Colomb-Béchar en avril 1947. Le Centre interarmées d’essais d’engins spéciaux (CIEES) disposait du site de Bou Hammadi, à l’ouest de Béchar pour développer des missiles antichars et anti-avions. Les bases B0 et B1 avaient leurs champs de tir non loin de la frontière marocaine, dans une région désertique et très peu peuplée. Mais assez rapidement, une autre base située à 120 km au sud-ouest de Béchar fut désignée pour entreprendre des lancements de missiles balistiques et de premières fusées du programme spatial français. La base d’Hammaguir a été choisie en raison de sa position à 30° de latitude nord (non loin de l’équateur), idéale pour la mise sur orbite d’engins satellites. La conception de la première fusée française dès 1949 ouvre rapidement la voie à la construction d’une rampe de lancement à Hammaguir. La fusée « Véronique » décollera du sol algérien en 1952. D’autres vols habités partiront dans le même type de fusée, avec des chats, souris et singes… Ces bons résultats réalisés dans le Sahara algérien se déroulent dans cette période particulière des années 1950 où le contexte de la guerre froide provoque une course aux armements et où domine la question nucléaire. Pionnière dans le domaine de la physique de l’atome avec ses travaux sur la radioactivité (travaux de l’équipe Joliot-Curie et découverte de la fission nucléaire en 1939), la France s’était lancée dans un programme nucléaire civil dès 1945 avec la création du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) puis avec le premier réacteur de Marcoule en 1952. Le gouvernement Guy Mollet entreprit même de fournir le premier réacteur aux Israéliens en échange de leur participation à l’expédition contre Nasser et de la collaboration du Mossad concernant les activités FLN en Égypte (accords secrets de Sèvres en 1956, auxquels participa le général Challe). Quant aux travaux du nucléaire militaire, c’est dans le Sahara algérien qu’ils trouvent leur terrain d’application. Les États-Unis avaient déjà utilisé le désert du Nouveau-Mexique pour faire exploser leur première bombe atomique en 1945 (projet Manhattan), tandis que la bombe britannique explosait en 1952 dans le Pacifique. L’instabilité chronique des derniers gouvernements de la IVe République, confrontés aux vagues de grèves en France, à la guerre d’Indochine et à la question algérienne, avait probablement limité les possibilités politiques et économiques nécessaires à la réalisation de la première

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bombe. En outre, les recherches anglo-américaines sur le nucléaire militaire n’avaient pas été partagées avec la France, pourtant membre de l’Otan. La guerre en Algérie et l’indépendance du Maroc en 1956 avaient provoqué une inquiétude sécuritaire dans certaines régions du Sahara. Le gouvernement du Maroc, qui envisageait de reprendre les régions encore occupées par les Espagnols dans le Rio de Oro, entreprit de créer un climat d’insécurité au-delà de sa frontière sud, en armant l’ALM (Armée de libération marocaine). Les incursions de ces groupes armés composés de nomades au-delà du Draa, en direction de Tindouf, provoquèrent la réaction de l’armée française en 1958. L’opération « Écouvillon » fut menée en février 1958 par les forces françaises et espagnoles contre cette armée irrégulière. Le FLN avait quant à lui atteint plusieurs régions du Sahara depuis 19551956, notamment les oasis du Souf ainsi que le secteur de Béchar et de Timimoun. Des troupes méharistes avaient déserté en tuant leurs officiers français en 1957, provoquant l’envoi du RPC de Bigeard sur les oasis de Timimoun. C’est cette même année que le pétrole jaillit à Hassi Messaoud et qu’est créé le Centre saharien d’expérimentation militaire (CSEM) à Reggane, pour préparer les premiers essais atomiques. Cette oasis est située aux abords du Grand Erg occidental, étendue désertique de sable. Lorsque le général de Gaulle arrive au pouvoir en 1958, il a bien l’intention de réaliser son programme de dissuasion nucléaire. Pour l’ancien chef de la France libre qui avait été confronté à la question de l’indépendance de la France après la Pax Americana en 1944-1945, le pays devait se doter de moyens militaires à la hauteur de ses ambitions internationales. Choisi pour régler la question algérienne, le premier président de la Ve République fut particulièrement préoccupé par la réalisation du programme nucléaire lancé par Mendès France. Pour Constantin Melnik, ancien conseiller à la sécurité du Premier ministre de 1959 à 1962, « de Gaulle s’intéressait plus à la bombe atomique qu’à la reprise en main de l’Algérie ». La nomination de Pierre Guillaumet, issu du CEA, comme ministre des Armées en 1959 et de Crépin au poste de commandant en chef illustre cette volonté de disposer d’un cabinet très engagé dans la réalisation du projet nucléaire militaire. La première bombe A française finit par exploser à Reggane le 13 février 1960, d’une puissance trois à quatre fois supérieure à celle d’Hiroshima. De Gaulle se trouve en pleine crise avec les Européens d’Algérie, désemparés par sa politique en faveur de l’autodétermination des Algériens. Pourtant, les essais nucléaires se succèdent dans la région de Reggane, protégée par plusieurs zones d’exclusion aérienne et polygones de tirs totalement interdits aux non-militaires chargés du programme. Cinq mille personnes, Français et travailleurs locaux vivent sur la base de Hamoudia, non loin du site des essais atomiques. Après « Gerboise bleue » en février suivent trois autres explosions aériennes avec « Gerboise blanche » le 1er avril 1960, puis « Gerboise rouge » le 27 décembre 1960. Le dernier essai, « Gerboise verte », est réalisé le 25 avril 1961 dans le même périmètre. Les États-Unis finiront par détecter ces essais, poussant les autorités françaises à déplacer les campagnes d’explosions atomiques dans le massif du Hoggar où se suivent treize « opérations » du 7 juillet 1961 au 16 décembre

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1966. Ces nombreux essais souterrains seront effectués dans la partie occidentale du massif du Hoggar, dans les montagnes d’In Ecker. Enterrées dans des galeries creusées dans les roches granitiques, les charges atomiques provoquent des implosions qui pour certaines entraînèrent des fuites radioactives imprévues. Ce fut le cas lors du deuxième essai « Béryl » du 1er mai 1962 mais également le 30 mars 1963 (« Améthyste »), le 20 octobre 1963 (« Rubis ») et le 30 mai 1965 (« Jade »). Les militaires chargés de veiller aux installations et les personnels techniques se trouvèrent exposés à des irradiations ainsi que les populations locales. Comme dans la région de Reggane, les vents de sable succédant aux explosions déposèrent une quantité non négligeable de radioactivité dans les espaces peuplés de l’erg Chech au Hoggar. Des années après, les anciens militaires français n’ont cessé de réclamer réparation pour les maladies dont ils ont été victimes après leur exposition non protégée pendant les campagnes d’essais nucléaires. Les populations algériennes de ces régions ont quant à elles été affectées dans leur santé avec un nombre anormal de naissances d’enfants atteints de déformations. Lancés pendant la guerre d’Algérie, ces essais atomiques avaient été préparés sans réelles précautions sanitaires concernant les personnels et les populations locales. De Gaulle avait bien accordé des crédits quasi illimités pour ce projet, mais il voulait faire vite. En 1960 avaient débuté les premières discussions avec le GPRA dans l’optique du règlement de la guerre. Les chefs du GPRA avaient-ils connaissance des premiers essais nucléaires ? Si les dirigeants algériens du FLN n’avaient certainement pas eu accès à ce secret trop bien gardé, il n’en demeure pas moins qu’ils avaient contribué à les protéger dans le cadre des arrangements entre Delouvrier et le GPRA pour que l’ALN ne touche pas à certaines installations du Sahara comme le gazoduc Hassi R’Mel-Arzew (gisement de Hassi R’Mel découvert en 1956). À son arrivée en 1959, le nouveau délégué général du gouvernement de Gaulle en Algérie Paul Delouvrier (qui a révélé cette information en 1983 à l’historien français Daniel Lefeuvre (Science et vie, HS no 19, 2004, p. 106) devait lancer le fameux plan de Constantine comprenant le développement des activités énergétiques algériennes. Après la découverte du pétrole en 1956, son exploitation fut appuyée politiquement par les gouvernements français bien que son coût ait été plus élevé que celui d’un marché très concurrentiel (puits français, gisements de Libye…). Le 5 décembre 1959 fut inauguré le premier oléoduc Hassi Messaoud-Bougie, événement très médiatisé et ajouté aux nombreuses « réalisations françaises » en Algérie. De Gaulle savait quant à lui que l’indépendance de l’Algérie était inéluctable mais il souhaitait pouvoir disposer d’un statut avantageux pour la France, sous forme d’une coopération étroite avec le futur gouvernement algérien. Les territoires du Sahara algérien, devenus un espace hautement stratégique depuis les années 1950, auraient été dissociés d’une future Algérie indépendante. Pour Roger Goetze, haut fonctionnaire du gouvernement de Gaulle en 1958, « l’attachement des plus hautes autorités françaises pour un Sahara hors d’Algérie, c’était moins pour le pétrole qu’à cause de la base d’essais nucléaires de Reggane ». De Gaulle voulait conserver le Sahara pour la France et laisser le nord au GPRA. C’est cette question qui bloqua les négociations de février 1961 entre

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Le Sahara et les sites stratégiques français 325

les Français et le GPRA. Pour les dirigeants algériens, il était hors de question que l’Algérie indépendante soit amputée du Sahara. Ferhat Abbas lutta très fortement sur le terrain diplomatique contre ce projet de partition. À l’issue des discussions d’Évian de mai-juin 1961 entre le GPRA et le gouvernement français qui n’aboutirent pas pour le même problème du Sahara et du pétrole, les populations algériennes manifestèrent leur désapprobation au projet français sur le Sahara, notamment à Constantine où 80 Algériens le payèrent de leur vie. Bien que se trouvant militairement en position de force après les opérations du plan Challe, le général de Gaulle doit néanmoins négocier avec le GPRA sous la double pression de la rue algérienne et de la rue européenne d’Algérie, livrée aux activistes de l’OAS. De Gaulle finit par reconnaître la souveraineté algérienne sur le Sahara le 5 septembre 1961. C’est dans ce climat explosif du printemps 1962 que sont signés les accords d’Évian qui prévoient l’indépendance à l’Algérie mais qui comprennent plusieurs clauses plus discrètes concernant les installations militaires du Sahara. En fait, les installations militaires du Sahara furent concédées par le GPRA à la France pour une durée de cinq ans. Les deux grands complexes d’In Ecker-Reggane et Béchar-Hammaguir furent conservés par les militaires français où les essais nucléaires continuèrent jusqu’au 16 février 1966. À Hammaguir, le premier satellite français fut envoyé dans l’espace le 26 novembre 1965, quelques mois avant l’évacuation de la base, selon les accords de 1962. Cependant, la base B2 Namous continuera de fonctionner jusqu’en 1972, après la signature d’un accord secret de renouvellement de la concession pour cinq ans, reconduite ensuite jusqu’en 1978. Après cette date, les activités de la base sont confiées à la Sodeteg, société française privée, filiale de Thomson, qui fermera définitivement en 1982. La France a exploité pendant dix ans ses bases d’essais nucléaires du Sahara avant de transférer dans l’océan Pacifique ces activités très sensibles au niveau international. Avec la non-ratification du traité Biological and Toxin Weapons Convention sur l’interdiction des armes biologiques de 1972, la France a continué discrètement ses activités « chimiques et biologiques » à B2 Namous, dont le contenu reste encore bien caché.

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LA RÉPRESSION 1961 À PARIS

A

DU

17

OCTOBRE

près les attaques du FLN en août-septembre 1958, la police avait procédé à des arrestations massives contre la Fédération de France, qui dut s’installer en Allemagne. Avec l’arrivée à Paris du nouveau préfet de police Maurice Papon en mars 1958, la répression policière violente se met en place. Un nouveau seuil est franchi avec l’apparition de la FPA (Force de police auxiliaire) à la fin de 1959. Ce corps de police est entièrement composé de 220 harkis recrutés en Algérie et commandés par Montaner, un Européen d’Algérie. À partir de 1960, ces policiers harkis investissent les quartiers parisiens acquis au FLN comme le 18e arrondissement où ils s’installent à la Goutte d’Or et le 13e. Environ 27 000 Algériens vivent à Paris, le plus souvent dans des hôtels meublés. Pour « remonter » les réseaux FLN parisiens, les harkis utilisent les mêmes méthodes banalisées en Algérie. Ils seront systématiquement ciblés par les groupes de choc du FLN. Alors que le général de Gaulle a commencé à évoquer l’autodétermination pour les Algériens en 1959, le préfet Papon, qui a passé deux ans comme préfet du département de Constantine entre 1956 et 1958, fait de la lutte contre le FLN une de ses priorités. Avec une tolérance accordée à la police et aux harkis, le nouveau préfet provoque une quasi-guerre entre les commandos FLN et la police parisienne. « Entre janvier et octobre 1961, 22 policiers ont été tués, dont plus de la moitié entre fin août et début octobre 1961 » (Peggy Derder, Immigration algérienne et indépendance, La Documentation française, 2012). Le 2 octobre 1961, Papon déclare aux policiers rassemblés lors des obsèques d’un collègue : « pour un coup reçu, nous en porterons dix ». Trois jours plus tard, le préfet de Paris décide d’imposer un couvre-feu uniquement pour les Algériens de 20 h 30 à 5 h 30. Le FLN décide de répliquer pacifiquement à cette mesure d’exception en manifestant massivement à Paris le 17 octobre 1961. Les cortèges doivent tous converger vers les quartiers du centre de la capitale à partir de la place de l’Étoile, des Grands Boulevards entre l’Opéra et République ainsi que de Saint-Michel en direction de l’Assemblée nationale. La présence des Algériens à la manifestation a été rendue obligatoire par les militants du FLN qui doivent encadrer des milliers d’individus, lesquelles

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Atlas historique de l’algérie

affluent principalement des grands bidonvilles de Nanterre où vivent 10 000 personnes. Les manifestants algériens viennent des quartiers nord de Saint-Denis-Aubervilliers et de Choisy-le-Roi. La police, qui a été rapidement informée de la préparation d’une manifestation, s’est vite déployée aux abords des ponts qui enjambent la Seine à Levallois et Neuilly. C’est ici que les violences policières font les premières victimes algériennes. Les policiers n’hésitent pas à tirer dans la foule et à précipiter des manifestants dans la Seine. À la sortie des stations de métro, les premiers groupes de manifestants sont rapidement chargés par la police, qui a ordre d’empêcher tout début de manifestation. Les fonctionnaires de police ont reçu l’assurance qu’ils seraient « couverts » par leur préfet et déchaînent leur haine sur les manifestants désarmés. Ils matraquent systématiquement les Algériens, qui ont des centaines de blessés, le plus souvent à la tête. À Saint-Michel, les quais de la Seine sont le théâtre de la répression policière, où périront noyés plusieurs manifestants jetés dans la Seine. En même temps que les policiers s’acharnent sur les Algériens et font la chasse au faciès, raflant plusieurs « bruns » italiens ou français, des milliers de manifestants sont arrêtés. Parmi eux, un certain nombre est conduit dans la cour de la préfecture de police de Paris où ils sont matraqués parfois jusqu’à la mort. « Sur un total de plus de 22 000 manifestants, 11 538 personnes sont interpellées et emmenées dans des centres de détention » (P. Derder. op. cit.). Avec la réquisition des bus de la RATP et de plusieurs installations sportives, les autorités civiles se sont indubitablement soumises à la politique de Papon, dont la responsabilité administrative dans la déportation des juifs de Gironde pendant la Seconde Guerre mondiale a été établie en 1997. Des milliers d’Algériens se retrouvent parqués dans des conditions sanitaires déplorables, alors qu’ils sont souvent grièvement blessés. Plusieurs centaines seront expulsés vers l’Algérie. Tous ces Algériens sont les survivants du massacre policier de la nuit du 17 octobre 1961, pendant laquelle une centaine d’hommes ont été assassinés en toute impunité, puisque ces « incidents » ont été couverts au plus haut niveau. Seuls quelques témoins ont pris les rares clichés de cette répression sans précédent dans l’histoire de Paris depuis 1871. En couvrant la répression du 17 octobre 1961, à six mois du cessez-le-feu en Algérie, l’État français banalise les méthodes brutales de la guerre menée depuis six ans contre les indépendantistes algériens. De Gaulle, qui négociait la place de la France dans le Sahara algérien depuis février 1961, un an après l’explosion atomique de Reggane, n’avait pas du tout apprécié les manifestations pro-FLN de Belcourt alors qu’il s’était rendu à Alger en décembre 1960. Que le drapeau algérien soit déployé en plein Paris lui était encore plus insupportable. Ce 17 octobre demeura longtemps un épisode insignifiant dans la mémoire de la guerre d’Algérie, mais il a fini par resurgir dans les années 1980, et plus récemment avec les commémorations de 2001 et 2021.

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La répression du 17 octobre 1961 à Paris 329

Paris, octobre 1961.

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Plaque commémorative sur le pont de la rue du Port à Saint-Denis.

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LES DÉCHIRURES DE LA POPULATION FRANCO-ALGÉRIENNE

DES

VIOLENCES EXACERBÉES, DE MARS À L’ÉTÉ 1962

L

es négociations d’Évian entamées le 7 mars 1962 aboutissent à la signature des accords historiques entre le GPRA et le gouvernement français le 18 mars 1962. Le cessez-le-feu est effectif le lendemain, engendrant des scènes de liesse parmi la population algérienne, sauf dans les grandes villes où l’OAS n’en finit pas de s’opposer par la violence au processus inéluctable des négociations pour l’indépendance. Le 15 mars 1962, l’OAS perpètre 120 attentats en une seule journée, dont l’assassinat de Mouloud Feraoun et d’autres personnels socio-éducatifs. À Alger, les ultras sont notamment retranchés dans le quartier de Bab el Oued, habité exclusivement d’Européens. Encerclé par les gardes mobiles et l’armée, le bastion OAS se prépare à combattre ces soldats français qui seront considérés comme faisant partie d’une armée d’occupation à partir du 23 mars 1962. Alors que des milliers de prisonniers algériens sont libérés par les autorités françaises en Algérie et en France, concrétisant la fin d’une guerre qui a duré six ans et deux mois, un nouveau bain de sang survient en plein cœur d’Alger. Le 26 mars 1962, une manifestation de soutien aux insurgés de l’OAS dégénère en fusillade aveugle devant la grande poste, faisant 54 morts (estimation) et 140 blessés dans la population européenne. À ce moment-là, des milliers d’Européens avaient commencé à quitter l’Algérie vers la France. Dans le cadre des accords d’Évian est mis en place un « exécutif provisoire » algérien, situé à Rocher Noir (Boumerdès), loin du centre d’Alger devenu la proie des attaques quotidiennes de l’OAS. Cette structure doit notamment disposer d’une force locale, composée de 40 000 appelés musulmans du contingent. La tâche d’Abderrahmane Farès d’assurer la transition avec l’autorité française s’avère bien difficile à mettre en œuvre. Le printemps 1962 est le commencement d’un grand désordre. Les activistes de l’OAS ont choisi la fuite en avant, sur fond de désespoir de la population européenne qui choisit de partir, d’abord pour fuir le climat de violence meurtrière qui règne à Alger et Oran. Se mettre à l’abri des violences est bien le premier souci, sans réaliser vraiment qu’une nouvelle Algérie vient de naître, où les Européens ne domineront plus ceux qu’ils ont longtemps appelés les

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Atlas historique de l’algérie

« Arabes ». En réalité une peur diffuse fait craindre des représailles de la part de la population algérienne ou du FLN, l’ennemi diabolisé par les autorités françaises pendant toute la guerre. Pourtant, les milliers d’Européens qui resteront après juillet 1962 ne seront pas inquiétés ni par le nouveau pouvoir en place ni par la population… C’est surtout la grande vague meurtrière de l’OAS contre les Algériens entre mai et juin 1962 qui précipite le départ des Européens qui bravent l’interdiction des activistes. L’OAS déclare une guerre totale contre les Algériens. Femmes de ménage, petits commerçants ou simples piétons algériens sont exécutés en pleine rue ou massacrés par des bombes, comme celle qui explose dans le port d’Alger le 2 mai 1962, faisant 110 morts et 150 blessés parmi les dockers algériens, qui attendaient du travail, certains accompagnés leurs enfants. Les Algériens ont fini par se replier sur leurs quartiers comme à Belcourt, fief historique du FLN. Des commandos FLN de Si Azzedine (ancien chef de la wilaya IV) répliquent au massacre en frappant les quartiers européens. Mais l’exécutif provisoire et le GPRA de Ben Khedda prônent la modération. Car les maquisards des wilayas autour d’Alger pourraient attaquer les Européens d’Alger. Mais le GPRA a d’autres problèmes. À Tripoli, son président Ben Khedda a été mis en minorité. C’est Ahmed Ben Bella qui est élu le25 mai comme nouveau dirigeant du futur État indépendant. C’est à l’issue d’un vote du congrès que se met en place une opposition au nouveau GPRA avec Ben Khedda qui rejoint Tunis et ses partisans. Ben Bella, élu par une majorité du CNRA doit cependant s’appuyer sur l’État-major général (EMG) dont Houari Boumediene est le chef. Celui-ci dispose de l’armée des frontières comme carte décisive face à l’autre clan politique. Le GPRA historique, composé des trois « B » : Krim Belkacem, Ben Tobbal et Boussouf, avait dû affronter une crise majeure avec l’EMG durant l’été 1961. En décembre 1961, Boumediene avait envoyé Abdelaziz Bouteflika en France pour proposer à Ben Bella (déjà vice-président du GPRA au moment de sa création en 1958) la formation d’un nouveau GPRA. Aït Ahmed et Boudiaf, compagnons de captivité de Ben Bella, avaient pris leurs distances avec ces rivalités, comme Ferhat Abbas qui fut « éloigné » de la présidence au même moment, remplacé par Ben Khedda. C’est à Oujda au Maroc, que Ben Bella, nouveau chef d’un GPRA « bis », se rend en juin 1962 avec Mohamed Khider, son compagnon (depuis leur départ vers l’Égypte en 1952). Ben Bella y est accueilli par Boumediene, en conflit avec le GPRA de Tunis. Mais il bénéficie du soutien de Ferhat Abbas et des ex-militants de l’UDMA (Union démocratique du manifeste algérien) comme Boumendjel. Pendant ce temps, des tractations politico-militaires ont lieu autour du pouvoir algérien alors qu’Alger est à feu et à sang. Pratiquant la politique de la terre brûlée par ses nombreuses destructions (hôtel de ville, Bibliothèque nationale…), l’OAS menace de faire sauter les installations pétrolières du Sahara et annonce avoir miné les égouts de la casbah et de Belcourt. Quant au chef OAS Godard, un des responsables militaires lors de la bataille d’Alger en 1957, il n’hésite pas à pointer ses mortiers sur la casbah. L’OAS a atteint un niveau de violence tel, que l’exécutif provisoire et certains responsables du FLN décident d’entamer des négociations avec l’un de ses chefs le 15 juin 1962. Représenté par Susini, l’OAS discute d’une trêve

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Des violences exacerbées, de mars à l’été 1962 333

avec le docteur Mostefaï. Depuis le 1er juin, l’ancien maire d’Alger Jacques Chevallier (chassé de la mairie d’Alger par Salan pour ses positions proalgériennes) avait déjà tenté une première médiation entre Susini et Farès. Si Azzedine finit par donner son accord pour sauver les vies des Algériens sous la menace des bombes de l’OAS. Mais ces accords ne sont pas reconnus par la direction bicéphale du GPRA. Alors que la France reconnaît officiellement l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962, deux jours après le référendum pour l’autodétermination se mettent en place deux groupes politico-militaires algériens, l’un à Oujda avec Ben Bella et l’autre à Tunis avec Ben Khedda. Ce dernier atterrit le 3 juillet à Alger, pour entériner sa légitimité auprès de la foule algéroise, qui l’accueille dans une ambiance de liesse générale. Deux jours plus tard, la population algérienne célèbre officiellement son premier jour d’indépendance, fixé cent trente ans après le débarquement français de Sidi-Ferruch. Le gouvernement Ben Khedda, conscient de l’arrivée imminente du gouvernement Ben Bella qui s’installe le 11 juillet à Tlemcen, finit par se « dessaisir de tous ses pouvoirs au profit du bureau politique imposé par le groupe de Tlemcen » (Amar Mohand Amer, Le Monde hors-série février-mars 2012). Cependant, les chefs des wilayas II, III et IV, qui avaient soutenu le GPRA historique associé aux chefs Krim Belkacem et Ben Tobbal, tentent de résister aux colonnes de l’ALN des frontières. Des combats fratricides se déroulent en plusieurs points de l’Algérie, faisant des centaines de morts, notamment dans la wilaya IV. C’est dans ce contexte de confusion politique et d’absence de pouvoir réel que se déroulent de nombreux massacres d’anciens supplétifs algériens de l’armée française. Mais les exactions contre les harkis avaient débuté dès mars 1962, au moment où leur désarmement fut décidé par Paris. Bien que la majorité d’entre eux regagnent discrètement leurs familles, de nombreuses « harkas », comme celles qui avaient fortement contribué à détruire les groupes de maquisards tout en terrorisant la population, furent en partie « rapatriées » par leurs chefs militaires français, qui les avaient, et pour cause, considérées comme « trop exposées ». Mais les harkas qui n’avaient pas pu bénéficier d’une aide militaire, à l’initiative des officiers français seuls, avant juillet 1962 furent en partie massacrées ou emprisonnées par les responsables locaux du FLN ou de l’ALN, souvent par des résistants de la dernière heure, les « marsiens ». Les supplétifs algériens de l’armée française doivent attendre l’intervention du Premier ministre Georges Pompidou en octobre 1962, pour être rapatriés. Ils seront 500 soldats et leurs familles à pouvoir s’échapper. Le nombre de harkis massacrés entre mars et octobre 1962 fut estimé à 10 000 personnes.

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Couverture de Siné Massacre, 3 janvier 1963.

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DES EUROPÉENS D’ALGÉRIE AUX PIEDS-NOIRS EN FRANCE

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e terme administratif d’« Européens » pour dénommer les populations émigrées d’Europe en Algérie avait été employé dès les premières années de la conquête. En 1836, la population européenne s’élevait à 14 500 personnes et comprenait plus de la moitié d’Espagnols, d’Italiens et de Maltais. Vingt ans plus tard, ces Méditerranéens seront 41 000 sur 95 000 Européens, qui comptaient des milliers d’Allemands et de Suisses. Le nombre de ces « étrangers » augmente constamment (39,5 % de la population européenne en 1866 puis 46,8 % en 1886). Avec le processus des naturalisations, le nombre d’Européens finit par diminuer, surtout après la loi de 1889. La population indigène est quant à elle définie comme « arabe » ou « indigène ». Les militaires français distinguent les « indigènes musulmans » des « israélites ». Avec les nombreux travaux des diverses commissions scientifiques qui sillonnent le pays, les officiers précisent leur description détaillée des populations : Arabes, Kabyles de la plaine, de la montagne, Mozabites, Chaouias et autres ensembles ethnolinguistiques du Sahara forment l’ensemble des indigènes, que le terme générique d’« Arabes » englobera indistinctement. Jusqu’à la Première Guerre mondiale et les premiers indigènes naturalisés pour leur bravoure sur les champs de bataille, il n’y a qu’une infime minorité d’indigènes musulmans de nationalité française. Seules les populations judéo-berbères, qui avaient bénéficié du décret Crémieux sur la naturalisation, sont devenues des citoyens français. Malgré cela, la minorité judéo-berbère a longtemps été perçue comme indigène par les habitants de souche européenne. Avec l’instauration du code de l’indigénat en 1888, les autorités coloniales étaient parvenues à marquer fortement le caractère discriminatoire entre les Français naturalisés et la masse indigène musulmane. C’est pendant la Seconde Guerre mondiale que la catégorie des « Français musulmans » apparaît clairement dans les documents administratifs. Les Français musulmans restent les « Arabes », terme hors d’un espace national précis, renvoyant à une ethnie et une langue orientale… Les Français de la minorité non musulmane d’Algérie redeviennent rapidement les « Européens » car cela paraît bien commode afin d’éviter d’utiliser le terme d’« Algériens », qui engloberait toute la population dans les limites

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336 Atlas historique de l’algérie

d’une géographie. Quand l’armée française est aux commandes en 1958, elle précise encore plus les catégories de population : FSNA (Français de souche nord-africaine) et FSE (Français de souche européenne). Ce procédé élude la question de la minorité juive qui se retrouve intégrée dans la catégorie des FSE… l’armée avait besoin de sigles faciles et pratiques à utiliser, dans un souci d’efficacité lors de rédaction de ses rapports. Pour le général de Gaulle, qui s’exprime devant des milliers d’Algérois en mai 1958, « en Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie de Français ». Dans les faits, les Arabes restent cette masse distincte invitée à rejoindre la fraternisation et l’intégration, soutenue par les comités de salut public. Tous français ? Cette utopie déclarative se heurte à la réalité des inégalités politiques qui ont prévalu jusqu’en 1958. En métropole, où des milliers de Français musulmans travaillent ou y ont trouvé refuge, se dirigent les premiers réfugiés francoeuropéens d’Algérie. Une première vague de rapatriés a effectivement eu lieu en 1960. Ces premiers rapatriés avaient eu les moyens économiques et relationnels pour s’établir en métropole, fuyant d’abord l’insécurité et une situation d’incertitude face à la politique du gouvernement français. Les discours équivoques du président français avaient semé le trouble dans l’esprit des « Européens » d’Algérie, surtout après son discours sur l’autodétermination de septembre 1959. Cependant, de nombreux Européens avaient pris conscience du changement qui s’opérait dans le monde colonial, surtout après les indépendances du Maroc et de la Tunisie en 1956. Les populations françaises de ces protectorats prirent en partie la route de l’exil vers la métropole, mais pas seulement. La minorité juive d’Afrique du Nord avait la possibilité d’émigrer dans le nouvel État d’Israël créé en 1948, où affluaient les olims (émigrants juifs en hébreu) du monde entier. En Algérie, la minorité juive n’était française que dans le nord du pays. Les juifs des territoires sahariens étaient restés sous le statut d’« indigène » comme les autres Algériens musulmans et n’avaient pas bénéficié de la même « assimilation » sociale que les juifs des départements du nord naturalisés en 1870. Comme les juifs tunisiens et marocains, les juifs du Sahara algérien choisirent d’émigrer en Israël. Mais ce phénomène avait commencé bien avant l’indépendance de l’État hébreu. Dès les années 1930 des juifs algériens se sont rendus ou ont émigré en Palestine (sous administration ottomane), aidés par le Congrès sioniste mondial, qui réunit en 1901 plusieurs représentants d’Algérie, notamment de Constantine et de Bordj Bou Arreridj. De 1931 à 1961, 7 500 juifs algériens émigreront en Palestine/Israël. À partir de 1949, les structures du Congrès juif mondial entreprennent de parcourir l’Algérie pour promouvoir l’alya auprès des juifs de la communauté du M’Zab (environ 3 000 personnes). À l’instar des autres « Européens », des juifs algériens commencent a quitté l’Algérie vers la métropole. Ils sont 6 000 juifs algériens à émigrer en France en 1957. De nombreuses communautés juives algériennes se sont retrouvées impliquées dans la violence de la guerre. Le FLN avait invité les juifs algériens à participer à la lutte contre le colonialisme après le congrès de Soummam en 1956. Le Comité juif algérien d’études sociales et la grande figure œcuménique d’Elie Gozlan ne pouvaient renier la France, tout en prônant le dialogue et la non-violence. Mais l’aggravation de la répression française contre la population musulmane

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Des Européens d’Algérie aux pieds-noirs en France

et l’implication de certains juifs dans les milieux ultras furent en partie à l’origine de nombreux attentats contre des Juifs algériens. Certaines attaques visant des synagogues ou des personnalités juives ne furent jamais revendiquées (Boghari en 1958, Alger en 1960…). À partir de 1956, le Mossad, qui a des agents présents en Algérie, organise un état-major clandestin et constitue des cellules armées, comme à Constantine. Le gouvernement israélien envoie des agents chargés de promouvoir l’émigration en Eretz Israël, comme les deux Israéliens qui furent enlevés par le FLN en 1958 entre Aflou et Tiaret. Beaucoup d’assassinats irrationnels furent commis à la fin de la guerre, comme celui de David Zermati, ami de Ferhat Abbas et d’Ali Boumendjel qui fut tué à Sétif en 1961, tout comme Cheikh Raymond à Constantine. En outre, les commandos de l’OAS ont créé beaucoup de confusion en 1961-1962, avec leurs attaques contre de nombreuses personnalités modérées ou considérées comme proches des nationalistes algériens. Paradoxalement, l’OAS a visé des Algériens sans distinction de religion tout en intégrant des cellules « juives » en son sein, notamment à Oran. Des « commandos israélites » ont participé à plusieurs attentats contre la population algérienne de 1961 à 1962. Les conséquences de ces violences furent désastreuses aussi bien pour les juifs algériens que pour le reste de la masse « européenne », qui quittent précipitamment l’Algérie à partir d’avril 1962. Un mois après la signature des accords d’Évian, 46 000 Français partent pour la France. Le climat d’insécurité est tel que les familles envoient leurs enfants et leurs femmes en « vacances anticipées ». Mais le mouvement de rapatriement s’était mis en marche progressivement depuis 1961, avec des départs réguliers vers la métropole.

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Atlas historique de l’algérie

Alors que 20 % des Européens ont déjà quitté l’Algérie en mars 1962, le mouvement s’accélère brutalement en mai et juin. Près de 500 000 personnes débarquent en France pendant l’été 1962, dont 355 000 pour le seul mois de juin ! Les autorités françaises qui ne s’attendaient pas à un exode d’une telle ampleur sont débordées. C’est un vent de panique qui a poussé à s’enfuir d’Algérie par tous les moyens de transport disponibles. Vivant essentiellement dans les villes, les Français subissaient la domination de l’OAS qui leur avait d’abord interdit de quitter le pays. Les aéroports et surtout les ports français accueillent un véritable exode des Européens d’Algérie, notamment dans la région de Marseille, qui voit transiter quotidiennement des milliers de « pieds-noirs » fatigués et déboussolés. Bien que des solutions d’hébergement collectif aient été mises en place par le gouvernement français pour faire face à l’urgence, les piedsnoirs logent par leurs propres moyens. Des dizaines de milliers de logements

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Des Européens d’Algérie aux pieds-noirs en France

furent cependant réservés aux rapatriés dans toute la France mais les piedsnoirs souhaitaient vivre dans le Sud. Ils seront 130 000 rapatriés à s’installer dans le département des Bouches-du-Rhône, Marseille étant la première ville « pied-noire »de France, avec sa porte ouverte sur la mer Méditerranée. Les villes du sud de la France accueillent une part importante de la population rapatriée. Marseille et Nice en seront les deux principales portes. Si Paris, Toulouse et Lyon apparaissent comme les destinations les plus recherchées dans les années 1970, les statistiques révèlent un mouvement migratoire de repli des familles de rapatriés vers le midi de la France. Mais le travail et les logements se trouvant essentiellement dans la région parisienne, les rapatriés seront nombreux autour de la capitale. À la fin de 1962, 800 000 rapatriés sont arrivés en France, certains ne faisant que transiter par Marseille pour de rendre ensuite en Israël. Le camp du Grand Arénas fut utilisé par certaines structures israéliennes pour aider les juifs d’Afrique du Nord à émigrer en Israël. Des juifs algériens transitèrent par ce camp pour effectuer leur alya. Environ 60 000 juifs algériens quittent l’Algérie pour la France en 1962. Au total 125 000 juifs algériens partiront en 1962, dont 15 000 iront en Israël, transitant par Marseille. En France, la moitié d’entre eux s’installera dans la région parisienne (Sarcelles…) et dans le SudEst, comme la population « pied-noire » avec laquelle les juifs ont été confondus dans la mémoire collective. Effectivement attachés à la culture française, les juifs d’Algérie n’ont toutefois pas renié leur « algérianité ». D’ailleurs, ils feront encore partie des derniers Français à quitter l’Algérie. Ils sont quelque 25 000 juifs en 1962, mais en 1963, il n’en reste que 3 000 (1 500 à Alger, 800 à Oran, 100 à Annaba, 160 à Constantine, 70 à Batna, 20 à Sétif et 80 à Blida).

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LA FRANCE,

REFUGE DES COMBATTANTS ALGÉRIENS PRO-FRANÇAIS

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es militaires français en poste en Algérie en mars 1962 avaient été les premiers à « évacuer » certaines unités de harkis vers la métropole. Ces harkas avaient intégré le retrait progressif de l’armée française à partir du cessez-le-feu en mars 1962. Ce mouvement de rapatriement vers la France faisait partie des accords d’Évian signés entre le GPRA et le

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gouvernement français. Il prévoyait officiellement le retour de 40 904 harkis en France, chiffre correspondant au nombre de prisonniers FLN en France, les autres combattants supplétifs devant être laissés sur place. Le gouvernement français avait donc délibérément restreint les mouvements de rapatriement des harkis par crainte qu’ils ne soutiennent le mouvement armé de l’OAS. Mais de nombreux chefs de harkas passèrent outre les ordres de Paris, faisant traverser la Méditerranée à leurs unités. Les réseaux OAS participèrent au rapatriement illégal des harkis vers la métropole, assurant jusqu’à leur hébergement. Avec les harkis, les moghaznis, groupes mobiles de sécurité (GMS) et les groupes d’autodéfense (GAD), le nombre de miliciens algériens « profrançais » s’élevait à plus de 100 000 hommes au moment du cessez-le-feu du 18 mars 1962. Pierre Baillet explique que « malgré les consignes passées aux officiers de ne rapatrier que le minimum de supplétifs – ceux qui étaient les plus exposés aux représailles –, 40 000 d’entre eux sont arrivés avec leurs familles ». Jusqu’en mars 1962, il était encore possible de quitter l’Algérie en souscrivant un engagement dans l’armée française. Des centaines de harkis avaient déserté avec leurs armes pour rejoindre l’ALN encore dans les maquis. Pendant la guerre, de nombreux harkis ou moghaznis avaient aidé clandestinement le FLN, notamment en fournissant des informations. Car ces Algériens armés de gré ou de force par la machine de guerre française restaient attachés à leurs liens familiaux ou tribaux dans un monde rural où leur vision du monde ne dépassait souvent pas le douar ou le village. C’est ainsi que la plupart des supplétifs de l’armée française demeurèrent sur place après mars 1962, protégés par leur tribu ou leur famille. Ces anciens harkis participèrent au mouvement des « marsiens » avec les insurgés algériens de la « dernière heure ». En mars 1962, au moment où la violence de l’OAS fait des ravages dans les villes, des groupes d’insurgés « spontanés » surgissent et s’attaquent aux suspects ou aux Européens, pour accaparer leurs biens ou pour donner des gages au FLN. Les responsables du FLN n’ont pas encore la direction du pays quand commencent les premiers massacres de harkis après le cessez-le-feu. Alors que le GPRA a éclaté en une direction bicéphale, entre Tunis et Oujda, le FLN tente de protéger les Algériens des attentats de l’OAS qui sème la terreur à Alger. Les maquis de l’ALN attendent quant à eux les ordres du GPRA, qui arriveront tant du clan Ben Khedda qui demandera dans un premier temps de résister à l’armée des frontières tandis que le duo Boumediene-Ben Bella mobilisait « ses » wilayas, alimentant l’instabilité et la « vacance » du pouvoir algérien. Entre mars et l’été 1962, plusieurs massacres sont perpétrés par la population le plus souvent livrée à elle-même dans ses vengeances. Car c’est bien dans un contexte local que se sont déroulées ces exactions prenant souvent la forme de lynchages collectifs. L’arrivée des premières vagues de supplétifs de l’armée française en France correspond au mouvement des Européens, qui quittent massivement l’Algérie à partir d’avril 1962. Parmi eux se trouvent nombre d’Algériens profrançais mais non combattants. Souvent aisés, ils sont notables ou fonctionnaires quand ils quittent l’Algérie. Ce n’est pas du tout le cas des harkis accompagnés de leurs familles. À partir de juin 1962, leur accueil a été mal préparé par les autorités françaises avec l’ouverture de « camps de transit »,

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La France, refuge des combattants algériens pro-français 343

tous situés dans des régions rurales. Les camps du Larzac et de Bourg Lastic avaient servi à « héberger » les milliers de prisonniers FLN arrêtés en France. Toujours considérés comme Algériens par les autorités françaises, les harkis et leurs familles seront « parqués » dans ces camps de transit jusqu’en 1964. Avec la reprise des massacres en octobre 1962 en Algérie, quatre autres camps sont ouverts à Rivesaltes (ex-camp de détenus FLN), Saint-Maurice-l’Ardoise, Bias et La Rye. Une population de 40 000 personnes s’installe dans ces camps tandis que 10 000 à 30 000 autres supplétifs et leurs familles se dispersent dans le reste de la France. Les autorités françaises (Georges Pompidou, ministre délégué auprès du Premier ministre) chargées d’administrer cette nouvelle population de « Français musulmans » entreprennent la création de centres d’hébergement collectif, les « hameaux forestiers » (chantiers au service de l’entretien des forets et maquis) où sont réparties les familles de harkis. Le gouvernement, qui vient de créer pour les « Européens d’Algérie » un secrétariat d’État aux Rapatriés, pense isoler ces réfugiés harkis, des « Français musulmans » qu’il juge bien encombrants. Cette population doit éviter les contacts avec les quelque 400 000 émigrés algériens, dont les flux ne tarissent pas. Les Algériens continuent de se rendre en France pour travailler, avec la crise économique de l’après-guerre en Algérie. Ils seront 600 000 en 1965. Situés en pleine zone rurale, souvent en montagne, les hameaux « réservés » aux harkis doivent aussi bien abriter ces familles que fournir un emploi aux hommes. Plus de 70 hameaux forestiers disséminés essentiellement dans le sud-est de la France sont attribués aux anciens harkis, répartis par groupes de 25 ou 30 travailleurs par chantier. Mais à partir de 1966, le nombre des hameaux forestiers est réduit à 33 par le ministère de l’Intérieur, tous situés dans les régions méridionales. Les conditions de vie avaient été très dures pour les familles de harkis et l’activité forestière rapidement limitée. Alors que quelques communautés harkis s’organisent spontanément en villages dans certaines campagnes (Mas-Thibert avec le bachaga Boualem, Saint-Valérien…), l’État entreprend de proposer d’autres sites d’hébergement comme alternative aux hameaux forestiers. Un certain nombre de logements souvent de type HLM ou Sonacotra sont ainsi réservées dans des « cités urbaines », comme à Amiens, Bourges, Dreux, Lodève, Louviers et Montpellier. Avec 138 458 personnes en 1968, la population des « Français musulmans rapatriés » se concentre essentiellement dans le Nord-Pas-de-Calais, Paris, le Nord-Est, l’axe Lyon-Grenoble et la côte méditerranéenne. Comme la majorité des travailleurs de l’émigration algérienne en France, les anciens harkis occupent des emplois dans l’industrie, ce qui explique leur redéploiement économique vers les grandes villes. Quant à la population demeurée dans les régions méridionales, elle tend à se fixer dans le monde rural dès les premières années de leur arrivée. Ainsi, les cités d’accueil de Bias et SaintMaurice-l’Ardoise hébergent encore 3 000 personnes en 1973. Les premières structures d’accueil des harkis et de leurs familles qui avaient été mises en place dans l’urgence avaient fini par devenir permanentes dix ans après. Tout un personnel d’encadrement administratif, scolaire et de formation professionnelle avait été organisé pour assister ces populations doublement marginalisées, à la fois par leur isolement socio-économique et par le traitement

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discriminatoire dont elles firent l’objet. 60 000 chefs de famille harkis avaient dû demander la nationalité française après leur arrivée en France. Le sentiment de la jeunesse harkie d’avoir été marginalisée dans la société française finira par se traduire violemment dans les années 1975, avec les actions revendicatives de la deuxième génération. C’est dans les vieux camps de Saint-Maurice-l’Ardoise et de Bias que la jeune génération se rebelle contre les chefs de camp. Elle dénonce leur gestion arbitraire et paternaliste, de même que le traitement global de la question harkie par les gouvernements qui se sont succédé. Ces jeunes qui ont vécu leur enfance dans un monde fermé réclament le droit à être entendus et reconnus au même titre que les autres jeunes Français. Ce « printemps » harki sera la première brèche dans le couvercle de silence qui entoure la question très politique de la guerre d’Algérie. Depuis la crise des nationalisations des compagnies françaises en Algérie en 1971 et les nombreux crimes à caractère raciste perpétrés contre des immigrés algériens ou leurs enfants (population algérienne en France en 1973 : 845 000 personnes), la question migratoire et donc identitaire est réapparue violemment dans la France entrée de plein fouet dans la crise économique. En 1991, de nouvelles émeutes des fils d’anciens harkis relanceront la question de la reconnaissance des erreurs de l’État. Mais sur ce point, une autre communauté se présente jusqu’aujourd’hui comme bien plus nombreuse à réclamer ce droit : les pieds-noirs.

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TRENTE ANS DE RECONSTRUCTION AUTORITAIRE

LES

ANNÉES

A

BEN BELLA

près plusieurs semaines de tensions entre les deux directions du GPRA, Ben Khedda finit par laisser le gouvernement à Ben Bella appuyé par son « groupe de Tlemcen ». Le clan « Ben Khedda » avait été mis en minorité après le congrès exceptionnel du CNRA de Tripoli en juin 1962. Les « légalistes » reconnaissent Ben Bella comme nouveau président d’un GPRA « bis ». Cependant plusieurs chefs de l’ALN des maquis de l’intérieur tentent de s’opposer à l’entrée des forces de l’armée des frontières commandée par Boumediene, principal soutien de Ben Bella. Après plusieurs combats contre les maquisards de la wilaya IV, début juillet et fin août dans les régions de Chélif et Boghar, l’ALN des bases marocaines finit par atteindre Alger. Ben Bella, le nouveau chef du gouvernement algérien, s’installe à Alger le 25 juillet 1962, alors que la situation politique dans les wilayas est encore très instable. La population exprime son mécontentement face à ces violences entre combattants algériens. Seb’a snin barakat, « sept ans ça suffit », crient les Algérois qui sont épuisés par toutes ces années de guerre, comme les 10 millions d’Algériens. Les mois qui suivent le cessez-le-feu de mars 1962 sont marqués par d’importants mouvements de population à l’intérieur du pays. Les quelques 2 millions de personnes qui avaient été regroupées de force pendant la guerre retournent en partie vers leurs terres et leurs villages, surtout les populations montagnardes, tandis que les nomades se remettent en marche après le traumatisme du camp cerné de barbelés. Mais une partie des « regroupés » ou « déplacés » reste sur place, notamment dans les nouveaux villages construits dans le cadre du plan de Constantine. Avec le départ massif des « Européens » à partir d’avril 1962, des milliers d’Algériens des campagnes, mais surtout des quartiers pauvres, « investissent » les villes pour tenter d’occuper un logement vidé de ses habitants. En fait, cet d’exode rural n’avait jamais cessé mais il s’était brusquement amplifié avec la guerre. Entre 1960 et 1963, ce sont 800 000 personnes qui ont afflué dans les villes, dont la moitié dans la seule ville d’Alger.

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La construction des immeubles collectifs et autres HLM du plan de Constantine était en grande partie inachevée, voire restée au stade de plans. Les chantiers reprendront en 1963 dans le cadre de la coopération francoalgérienne. Mais la pression des populations rurales était si forte dans les villes en partie abandonnées par les Européens que de nombreux logements furent occupés spontanément ou vendus précipitamment pour une somme dérisoire. Mais toutes ces habitations acquises dans la confusion de l’été 1962 allaient faire rapidement l’objet d’une loi sur les « biens vacants » en octobre 1962. Le gouvernement Ben Bella déclara « biens vacants » toutes les propriétés agricoles, commerciales, industrielles, minières. Toute transaction sur ces biens à partir du 1er juillet 1962 fut rendue interdite. Les comités de gestion théoriquement prévus pour administrer ces biens laissèrent finalement la place aux appétits de la nouvelle caste du pouvoir en place. Toute

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Les années Ben Bella 349

une bourgeoisie d’État (surtout les personnels militaires et policiers) bénéficia de cette première manne de biens vacants, notamment les logements du centre d’Alger. Le phénomène du clientélisme acheva de disperser les premiers projets d’autogestion prévus par l’exécutif provisoire avant juillet 1962. Les accords d’Évian avaient pourtant pris en compte la protection des biens des Européens qui étaient restés en Algérie, 200 000 personnes vivant principalement dans les grandes villes (octobre 1962). Les Français occupent des fonctions très utiles pour la nouvelle administration qui se met péniblement en place à l’automne 1962. Le manque de cadres et de techniciens algériens a été compensé par l’arrivée des coopérants français et étrangers. C’est dans le secteur de l’enseignement que la coopération est la plus rapide. 13 000 Français encadrent les écoliers algériens en 1963. La plupart enseignaient déjà avant l’indépendance, en tant qu’appelés du contingent. Il s’agissait d’une aide planifiée dans le cadre des accords d’Évian. Le gouvernement français assure l’essentiel du redémarrage économique de ses ex-départements algériens, en accordant une aide financière d’un milliard de francs à partir de janvier 1963. Les Trésors français et algériens se trouvaient en commun jusqu’au 12 novembre 1962. L’assistance technique, les transports aériens, la situation des biens vacants et la construction des logements inachevés font l’objet d’un accord global en janvier 1963. Pendant les premiers mois de l’indépendance, la situation économique de l’Algérie est très critique, surtout au niveau du ravitaillement alimentaire. L’agriculture a été brutalement désorganisée par le départ des exploitants français, et les transactions commerciales d’importation quasi interrompues pendant l’exode massif des Européens. Ben Bella fait appel à l’homme d’affaires Messaoud Zeghar, riche de son carnet d’adresses international, pour importer des produits alimentaires ou autres. Quant aux caisses du jeune État algérien, Ben Bella demande contribution aux Algériennes invitées à y déposer leur or… Si les finances dépendaient donc intimement de la perfusion française, l’assistance médicale arriva quant à elle de nombreux pays. En plus des Français restés sur place, Bulgares, Chinois, Cubains, Russes, Américains et Arabes du Moyen-Orient sont les premiers médecins étrangers à débarquer en Algérie dès l’automne 1962. Ils vont soigner mais aussi enseigner la médecine et former toute une génération d’infirmiers, sages-femmes et autres aides-soignantes. Alger attire nombre de révolutionnaires invités par Ben Bella. Les membres de mouvements qui luttent contre l’ennemi commun impérialiste se rendent à partir de 1963 en Algérie, notamment plusieurs groupes africains tels que l’ANC (Afrique du Sud), les Angolais du MPLA, des Namibiens, des Érythréens… Des Palestiniens, réfugiés invités des pays arabes, s’installent à Alger où ils sont le plus souvent enseignants. D’autres militants provenant d’horizons politiques divers trouvent à Alger le moyen de s’exprimer comme les Black Panthers des États-Unis. Le FLN est perçu comme une formation politique populaire qui a vaincu le colonialisme français, c’est une sorte de modèle pour de nombreuses oppositions armées « gauchisantes » dans le monde. Cependant, le gouvernement de Ben Bella se présente bien différemment d’une formation démocratique. À partir d’avril 1963, le FLN se trouve confronté à la

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350 Atlas historique de l’algérie

démission de Mohamed Khider, chef historique de la formation indépendantiste. Comme plusieurs autres responsables du FLN, il préfère quitter le premier gouvernement Ben Bella qu’il juge autocratique. Les élections législatives de septembre 1962 n’avaient pas été « saines » avec l’éviction d’un certain nombre d’anciens du GPRA. Ben Bella succède à Khider à la tête du FLN, prenant Boumediene comme vice-président du Conseil et comme ministre de la Défense en mai 1963. La mise en place du « parti unique » et l’étouffement de la vie politique par ce duo politicomilitaire provoquent une grave crise en mai 1963. Hocine Aït Ahmed, responsable historique du FLN qui n’entend pas laisser ce pouvoir autoproclamé diriger la vie politique du pays fait sécession le 9 juin 1963. Ben Bella est bien conscient qu’il a provoqué une fronde chez de nombreux « historiques » du FLN. Craignant pour la stabilité du nouveau pouvoir, il fait arrêter Mohamed Boudiaf le 24 juin. La Sécurité militaire, structure héritée du MALG de Boussouf, reçoit la mission de prévenir toute opposition en arrêtant tout suspect. C’est dans ce climat politique inquiétant de l’été 1963 que la frontière marocaine est le théâtre de plusieurs incidents dans la région entre Figuig et Béchar. En septembre 1963, alors que la tension avec le Maroc ne faiblit pas, Ben Bella doit faire face à une dissidence armée d’Aït Ahmed, en Grande Kabylie. Après avoir créé le Front des forces socialistes (FFS), le chef historique du FLN a choisi de résister par les armes au régime personnel de Ben Bella. Ce dernier est d’ailleurs élu président de la République algérienne démocratique et populaire le 15 septembre 1963. À la fin du mois de septembre 1963, la grande manifestation antigouvernementale organisée à Tizi Ouzou sonne comme un désaveu pour le nouveau président, alors même que le Maroc fait occuper les deux villages litigieux de Tindjoub et de Hassi Beïda. L’opposant marocain Mehdi Ben Barka, réfugié en Algérie, avait dénoncé en juillet 1963 l’attitude du roi Hassan II et sa politique agressive envers l’Algérie. Les combats pour le contrôle de Tindjoub et de Hassi Beïda, opposent début octobre, la nouvelle ANP (Armée nationale populaire) de Boumediene aux Forces royales marocaines, mieux équipées. L’armée des anciens djounouds est mobilisée le 15 octobre 1963 mais ne parvient pas à repousser l’armée marocaine. Après les combats de Hassi Beïda du 25 octobre, des négociations sont entamées sous l’égide de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) réunie à Bamako le 2 novembre. Une zone démilitarisée sera délimitée entre Figuig et Tindouf. L’ANP regagne ses casernes, sauf une partie qui est envoyée en Kabylie pour réprimer la dissidence du FFS. À partir de l’automne 1963, une terrible campagne militaro-policière est déclenchée par le régime contre les maquis du FFS. Dénoncés comme « agents de l’étranger » ou séparatistes par le président Ben Bella, les militants du FFS subissent une très dure répression jusqu’en 1964, deuxième campagne contre une opposition armée depuis l’indépendance. Un autre front s’ouvre dans les Aurès contre le régime Ben Bella en juin 1964. C’est la révolte du colonel Mohamed Chabani, ancien chef de l’ALN intérieure, qui sera finalement exécuté. De nombreux Algériens vivent un grand désenchantement un an après l’indépendance. Le système de l’autogestion est tombé le plus souvent dans les mains de potentats locaux, laissant la population des campagnes toujours aussi démunie qu’avant 1962. Malgré la nationalisation des terres « européennes » (2 700 000 hectares) en septembre 1963, le nombre de personnes sans ressources est estimé à 2 600 000 Algériens en 1964.

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Les années Ben Bella 351

Une partie de la population algérienne a pris massivement la route de la France en pleine croissance économique. Un pic de l’émigration est atteint avec 262 000 Algériens entrés en France en 1963. Les travailleurs algériens et leur famille installés en France seront 600 000 en 1965. C’est également en juin 1963 que rembarquent pour la France les dernières troupes françaises, à l’exception des bases de Mers el Kebir et du Sahara. Mais l’Algérie ne s’est pas encore séparée de nombreuses structures françaises, notamment dans les domaines économique et administratif. Les nouvelles wilayas reprennent les délimitations de 1956, tout en modifiant la dénomination des villes et villages qui reprennent les noms des sites ou douars « indigènes » d’avant la conquête, ou retrouvent leur nom ancien antique arabisé (Skikda…). La nouveauté provient surtout des noms donnés aux anciens villages coloniaux en hommage aux grands hommes de la guerre d’indépendance ou de la résistance pendant la conquête (Lakhdaria, Zighoud Youcef, Emir Abd el Kader…). Ce sera aussi le cas des rues et places des villes et villages d’Algérie, dont le nom est partout modifié. Pour le gouvernement Ben Bella, la question de l’identité culturelle algérienne doit passer par ces transformations des édifices « exogènes », monuments aux morts ou églises qui seront progressivement effacés du champ visuel algérien. Dans ces premières années, cette reconstruction identitaire engagera le débat sur la question linguistique. Une nouvelle fenêtre sur le monde s’ouvre en 1964 avec la création de la Cinémathèque d’Alger. Du film Algérie, année zéro projeté en 1962 au tournage de La Bataille d’Alger par Pontecorvo à Alger en juin 1965, les débuts du cinéma algérien resteront encore très marqués par le thème de la guerre d’indépendance. En arrière-plan du tournage de La Bataille d’Alger les blindés de l’armée de Boumediene entrent dans la ville pour arrêter dans sa villa le président Ben Bella le 19 juin 1965.

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LES

ANNÉES

A

BOUMEDIENE

près la fiction de l’entente Ben Bella-Boumediene, l’ALN reprend en quelque sorte le pouvoir qu’elle a « délégué » au clan de Tlemcen en juillet 1962. Le chef de l’État-major général (EMG) a toujours pris ses distances avec les hommes du GPRA. Après la crise entre le commandement de l’ALN et le GPRA pendant l’été 1961, Boumediene a fait son choix de Ben Bella pour la direction du pays après l’indépendance. En décembre 1961, Abdelaziz Bouteflika a été mandaté en France par Boumediene pour inviter Ben Bella au projet de nouveau gouvernement, un GPRA « bis » formé à Oujda, siège de l’EMG « ouest ». C’est ici que Boumediene a commandé la wilaya V avant d’être responsable de l’EMG à Ghardimaou en Tunisie. Son ascension au sein de l’ALN a commencé après sa formation militaire en Égypte dans les années 1950. Le jeune Mohammed Bou Kharouba (son vrai nom) s’est rendu au Caire en 1951 afin de parfaire ses études islamiques à la mosquée Al Azhar, construite par ses ancêtres Kotama. Avant de s’installer à Héliopolis (Guelma) où il naquit, la famille de Boumediene vivait dans la région de Jijel. En 1945, la répression militaire française contre les populations de sa région marqua profondément le jeune Boumediene, qui milita ensuite au MTLD. Son séjour en Égypte l’impliqua dans le petit groupe de militants algériens réfugiés sur place dont les dirigeants historiques du FLN Ben Bella, Khider et Aït Ahmed. Après avoir reçu un enseignement militaire à Alexandrie, Boumediene fut envoyé sur le front algérien en 1955. Pendant la guerre, Boumediene avait été confronté au problème du barrage électrifié de la frontière tunisienne, contre lequel il conçut de nombreuses attaques. La bataille du barrage avait occasionné de lourdes pertes tandis que le moral des djounouds avait été atteint, provoquant certaines révoltes d’officiers. Mais Boumediene était parvenu à rétablir la discipline non sans dureté. À partir de 1958, Boumediene était pris entre deux feux. D’un côté il commandait le principal front de la guerre et de l’autre il subissait les pressions du GPRA de Tunis. Boumediene parvint à se maintenir contre vents et marées jusqu’en 1961, où il devint incontournable. Responsable de toute l’ALN extérieure en 1962, Boumediene était apparu comme l’indispensable soutien au « groupe de Tlemcen » ayant choisi Ben Bella comme nouveau chef du GPRA. Ministre de la Défense, vice-président, Houari Boumediene est le numéro 2 du régime Ben Bella jusqu’au moment de la destitution discrète du 19 juin 1965.

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Après la guerre des sables et l’intervention en Kabylie, Boumediene se démarque d’un président qui apparaît dépassé par ces événements. Ben Bella n’était pas vraiment conscient qu’il se trouvait dans une situation précaire car l’armée que commande Boumediene est bien plus qu’un ministère, c’était la seule force politique autonome, qui l’avait « fait roi » en 1962. Le roi déchu finira emprisonné dans l’extrême sud algérien. Ayant réussi son tour de force sans tirer un seul coup de feu, Boumediene veut tourner la page des années Ben Bella. Il est bien conscient que la population algérienne est en proie à d’énormes difficultés économiques auxquelles la politique de Ben Bella n’a pas répondu. Seule une infime partie des Algériens, « courtisans » du régime, avaient bénéficié de logements et d’emplois publics. Pour mettre en place son programme, Houari Boumediene s’entoure d’un « Conseil de la Révolution » dont il est président, regroupant responsables militaires issus de l’ALN intérieure et extérieure ainsi que quelques « politiques » du FLN. Parmi eux se trouvent : Saïd Abid (colonel), Kaïd Ahmed (« commandant Slimane »), A. Belhaouchet (colonel), Chérif Belkacem, Mohammed ben Ahmed (colonel), Ahmed Bencherif (colonel), Chadli (colonel), Ben Haddou (colonel), A. Bensalem (commandant), Salah Boubnider (colonel), Ahmed Boudjenane (colonel), Bachir Boumaza, Abdelaziz Bouteflika (commandant), Ahmed Draïa (colonel), Youcef Khatib (colonel « Si Hassen »), Ahmed Massas, Ahmed Medeghri, Ali Mendjeli, Mohand Oul Hadj (colonel), Saïd Mohammedi, Moulay Abd el Kader (commandant Chabou), Salah Soufi (commandant), Tahar Zbiri (colonel), Mohamed Tayebi Larbi (commandant) et Mohamed Salah Yahiaoui (commandant). Boumediene envisage de sortir l’Algérie du sous-développement dans le cadre d’une économie « indépendante » qui doit prendre modèle sur les pays « socialistes ». Les conseillers de Boumediene élaborent une stratégie de développement en 1966-1967, avec la priorité accordée à l’industrie de base, qui devrait tirer tous les autres secteurs dont l’agriculture. En 1967, l’organisation administrative du pays, voulue décentralisée, s’adapte aux impératifs de la « révolution » notamment par la mise en place des assemblées populaires communales (APC) proches du modèle des communes populaires de la Chine communiste (1958). Élues pour quatre ans, les APC sont exclusivement dirigées par des membres du FLN qui doivent gérer les « activités du secteur socialiste de la commune » dont la création de coopératives, l’organisation de l’approvisionnement, l’exploitation des établissements touristiques, les logements… Les premières années de l’autogestion avaient été reconnues comme anarchiques par le successeur de Ben Bella. C’est ainsi que l’ONRA est dissoute en 1968 et les conseils de gestion contrôlés directement par le ministère de l’Agriculture. Le gouvernement Boumediene procède dès 1966 aux premières nationalisations dans tous les secteurs d’activité. Des banques algériennes publiques sont créées à partir de 1966 avec la BNA (juin 1966) reprenant les activités du Crédit d’Algérie et de Tunisie, puis le CPA (Crédit populaire d’Algérie) en décembre 1966. La BEA (Banque extérieure d’Algérie), spécialisée dans les transactions internationales, est créée en octobre 1967. Les activités commerciales de la Sonatrach, créée en 1963, sont complétées en 1966 par la recherche, la production (25 % du total en 1969) et la transformation des hydrocarbures. La distribution des carburants devient également monopole d’État en août 1967. En mai-juin 1968 interviennent de

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nombreuses nationalisations de sociétés industrielles étrangères, françaises pour la plupart, remplacées par de nouvelles sociétés nationales. La Sonacom (Société nationale des constructions mécaniques) créée en août 1967 doit notamment produire des tracteurs pour les besoins de l’agriculture. Ses usines sont réparties à Médéa, Rouiba, Guelma et Constantine. La SNMC (Société nationale des matériaux de construction) est créée fin 1967, résultat de plusieurs nationalisations de sociétés comme Lafarge. La construction de nouvelles cimenteries allait particulièrement dégrader l’environnement de nombreuses régions d’une Algérie encore relativement vierge d’industries polluantes (cimenteries de Meftah, Aïn el Kebira, etc.). 1969 est l’année du lancement des grands chantiers industriels comme celui du complexe pétrochimique de Skikda (liquéfaction du gaz) dont la construction sera achevée en 1973. Le complexe sidérurgique d’El Hadjar géré par la SNS (Société nationale de sidérurgie créée en 1964) près d’Annaba est inauguré le 19 juin 1969. Le président Boumediene déclarera un an plus tard : « Notre pays entre de plain-pied dans l’ère de l’industrie lourde et dans une phase décisive de la bataille pour le développement. » Ce programme industriel a été planifié pour développer plusieurs régions assez démunies et s’étant impliquées fortement pendant la guerre d’indépendance. C’est ainsi que de nombreuses petites unités industrielles sont réparties en Algérie. La Sonitex qui fabrique des textiles aura plusieurs usines, notamment dans l’Est algérien (Draa ben Khedda, Aïn Beïda, Tébessa…). Le premier Plan triennal prévu pour la période 1967-1969 voit se transformer le paysage algérien en un immense chantier. Ces constructions d’usines impliquent une importation massive d’équipements industriels mais aussi de compétences étrangères. Ingénieurs et experts du monde entier viennent superviser les nouveaux chantiers et faire fonctionner les machines, toutes importées. Mais la création de milliers d’emplois ne suffit pas à combler le chômage qui pousse encore les Algériens à émigrer en France, où leur nombre atteint environ 700 000 personnes en 1969, suscitant un nouvel accord franco-algérien le 27 décembre 1968 afin d’imposer un contrôle plus strict aux frontières. En Algérie, c’est de la langue française que les jeunes Algériens sont éloignés, avec le début du processus d’arabisation décidée par le gouvernement Boumediene en 1968. Un décret donne trois ans au personnel de l’administration pour « s’arabiser ». Il s’agit de mettre en application une « révolution culturelle ». Pour le ministère de l’Information et de la Culture « toute indépendance véritable n’est complète que si elle libère à la fois le sol de la patrie et l’âme du peuple », et le ministre Taleb el Ibrahimi d’ajouter : « il faut former un homme nouveau au sein d’une société nouvelle ». L’arabisation de l’éducation est entreprise principalement dans les cycles primaire et secondaire pour s’étendre à partir des années 1970 à l’enseignement supérieur (facultés de lettres et sciences humaines, droit). L’alphabétisation est massive dans les années 1970. Deux millions d’enfants sont scolarisés dans le primaire à la rentrée 1971-1972 contre 777 630 en 1962-1963 tandis que le secondaire accueille 198 836 élèves en 1970 contre 51 014 à la rentrée 1962. De nombreux enseignants « orientaux » ont été recrutés dans ces années, notamment des Égyptiens, Syriens et Palestiniens.

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Les universités d’Alger, Oran et Constantine qui avaient été ouvertes avant l’indépendance se développent avec l’arrivée de nouveaux étudiants toujours plus nombreux. À Constantine, un nouveau complexe universitaire est lancé en 1968 tandis que Sétif ouvre ses premières facultés en 1972, suivie de Tizi Ouzou en 1977. Après la preTimbre mettant en valeur la révolution agraire, mière vague des coopérants de 1962, les étrangers russes ou originaires des 1972. démocraties populaires d’Europe de l’Est continuent d’arriver nombreux en Algérie. Ils participent à la réalisation du programme industriel assurant l’encadrement de plusieurs chantiers de construction de logements. Le premier Plan quadriennal qui est lancé en 1970 bénéficie des retombées financières du choc pétrolier de 1973, qui augmente les capacités d’investissement industriel. Boumediene décide de nationaliser tous les hydrocarbures en 1971, provoquant une crise avec la France, dont les sociétés exploitent les gisements sahariens depuis leur découverte en 1956. Cette « crise du pétrole » entretient une certaine tension entre les gouvernements français et algérien, qui retombera assez rapidement. Par l’accord du 29 juillet 1965, l’Algérie avait déjà réalisé la prise de contrôle majoritaire au sein des compagnies nationales françaises d’hydrocarbures. En 1971, Boumediene, qui a fait entrer l’Algérie parmi les membres de l’OPEP depuis 1969, décide de faire profiter pleinement le pays de ses ressources. La France, qui achetait le pétrole algérien au-dessus de son prix pour soutenir l’économie de son premier partenaire commercial, finit par rapatrier les compagnies concernées, non sans mettre un terme aux accords préférentiels avec l’Algérie. Cet épisode des relations particulières entre la France et son ancienne colonie fut sans réelle gravité de part et d’autre mais favorisa le climat antialgérien en France, comme dans le Sud où plusieurs émigrés furent victimes de violences à caractère raciste. Deux ans après la nationalisation des ressources d’hydrocarbures, le choc pétrolier de 1973 triple les rentrées pétrolières de l’Algérie. Entretemps, Boumediene avait lancé en 1972 la « révolution agraire », censée répondre aux aspirations de la population rurale postcoloniale. L’article premier de ce programme proclame : « la terre appartient à ceux qui la travaillent. Seuls ceux qui la cultivent ont des droits sur elle ». Théoriquement, il s’agit donc de distribuer des terres aux paysans pauvres ou modestes en réquisitionnant une part des grandes propriétés privées et de mettre fin à une inégalité dans la répartition des terres. En octobre 1972, l’État procède au recensement des terres privées. Une structure est créée pour la gestion de terres nationalisées, le FNRA (Fonds national de la révolution agraire ». Les ayants droit doivent cependant s’acquitter de nombreuses tâches (travaux d’intérêt collectif, mise en valeur des terres…), notamment avec l’aide des coopératives auxquelles des matériels sont fournis par l’État. Le programme de la révolution agraire se présente comme très ambitieux, en voulant « créer toutes les conditions d’une promotion profonde du monde rural ».

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Cependant, comme dans l’industrie, le facteur « humain » limitera les attentes du gouvernement « révolutionnaire ». Le clientélisme, l’absentéisme et le détournement de biens favorisés par le manque de contrôle freineront inévitablement la croissance de la production agricole. Pourtant, les besoins alimentaires de la population n’ont pas cessé d’augmenter. 30 % des denrées sont importées en 1969 mais l’autosuffisance alimentaire recule très rapidement. L’industrie absorbe presque tout l’effort financier quand elle n’occupe pas des bonnes terres comme dans la Mitidja avec la zone d’activités de Rouiba. Avec le deuxième Plan quadriennal, toutes les villes d’Algérie accueillent leur petite zone industrielle. Les nouveaux revenus pétroliers engendrent une augmentation massive des dépenses publiques principalement dans l’industrie. Les investissements représentent 43 % du PIB en 1973 (110 milliards de dinars). Bien que ces investissements aient triplé, les usines continuent de tourner à 50 % voire à 30 % de leur capacité. La priorité absolue donnée à l’industrie « industrialisante » limite la croissance aussi bien dans l’agriculture que dans le domaine du logement, alors que les ruraux continuent d’affluer vers les villes. En mai 1973 est lancée l’opération « 1 000 villages socialistes » qui n’aboutira qu’à la construction de 400 villages en milieu rural. Les paysans restent attirés par les nouveaux emplois dans l’industrie, face à l’apparition de tout un personnel administratif surabondant dans les bureaux. Malgré la croissance économique restée assez faible, les Algériens commencent à bénéficier de nouveaux services publics « socialistes » avec l’école et la mise en place de la gratuité des soins en 1973. C’est le rôle des wilayas, dont le nombre est porté à 31 en juillet 1974, d’assurer le service public décentralisé, la construction de centres de santé, des logements ainsi que l’accès à l’eau et à l’énergie. Certaines wilayas ont bénéficié de « programmes spéciaux » de développement à partir de 1966. La wilaya des Oasis représentant la moitié orientale du Sahara est la première à être « assistée » en matière d’irrigation. Plusieurs villages de la wilaya des Aurès sont équipés en 1968 (électrification, gaz, usines de conditionnement de dattes, hôpitaux…). Puis viennent les wilayas de Grande Kabylie et du Titteri (Médéa) en 1969, Sétif et Tlemcen en 1970, Saïda en 1971 et El Asnam Timbre dédié au barrage vert. en 1972. Le gouvernement « révolutionnaire » de Boumediene lance le 14 août 1974 un vaste projet de « développement durable » sous le nom de « Barrage vert ». Il s’agit d’une campagne de vingt ans pour planter une forêt de 3 millions d’hectares censée arrêter la désertification des zones steppiques. Cette mission de plantation de jeunes arbres sur 1500 km de longueur fut confiée aux appelés du contingent de l’ANP. Ce projet fait suite aux premières campagnes de reboisement initiées pendant les années Ben Bella. La fin du deuxième Plan quadriennal est marquée par certaines tensions sociales. Plusieurs grèves éclatent en effet au printemps 1977. Malgré la dépendance technologique de l’étranger et le recours massif aux importations, l’économie

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algérienne parvient encore à supporter les coûts très élevés de sa production industrielle. La crise du Sahara occidental à partir de 1975, au moment où une charte nationale est annoncée, se présente comme bien plus inquiétante pour le gouvernement Boumediene. Après l’attentat manqué contre lui le 24 avril 1968 et la tentative de coup d’État du colonel Tahar Zbiri en décembre de la même année, Houari Boumediene avait échappé au pire. Avec la nouvelle crise contre le Maroc voisin, le régime autoritaire de Boumediene va étouffer toute tentative politique d’opposition au moment de la consultation populaire sur la Charte nationale. Un groupe de quatre personnalités politiques historiques (Ferhat Abbas, Ben Khedda, Hocine Lahouel et le cheikh Khayr al Din) ayant proposé une alternative à la politique en cours, ils sont immédiatement arrêtés. La situation extrêmement tendue avec le Maroc provoque même une tentative de déstabilisation déjouée au cap Sigli, où des armes furent parachutées pour entretenir un maquis d’opposition. Car le régime ne manque pas d’opposants, dont une partie Timbre en faveur de la cams’est exilée à l’étranger, comme Boudiaf parti vivre pagne de reboisement. au Maroc, Khider en Espagne et Krim Belkacem en Allemagne. Face au Maroc qui a entrepris en décembre 1975 une « Marche verte » pour occuper les territoires du Rio de Oro espagnol, le gouvernement de Boumediene exploite toutes ses ressources diplomatiques afin de stopper l’avance marocaine et mauritanienne pour occuper le Sahara occidental. Hassan II et Ould Daddah s’étaient entendus secrètement pour se partager la colonie espagnole livrée de fait aux nouveaux conquérants. Depuis que Boumediene avait rétabli le pouvoir « révolutionnaire » en 1965, il n’avait pas cessé d’entreprendre la promotion de l’Algérie au sein des pays non-alignés et de soutenir certaines causes de peuples opprimés. C’est dans le monde arabe, où la diplomatie algérienne avait fait ses premiers pas pendant la guerre, que Boumediene plaide la cause sahraouie.

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Brochure touristique, 1976.

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L’ALGÉRIE

DE BOUMEDIENE ET LE MONDE

P

endant la guerre d’indépendance, le FLN avait réussi à développer des relations internationales (voir carte le FLN dans le monde). Le GPRA avait été reconnu par de nombreux pays à partir de 1958, dont la plupart étaient arabes ou africains. Les pays arabes avaient été les premiers à soutenir les indépendantistes, notamment l’Égypte, où Boumediene avait séjourné en compagnie des dirigeants FLN en exil. L’Égypte avait continué à soutenir l’Algérie après l’indépendance par l’envoi de militaires, qui furent d’ailleurs impliqués dans la guerre des sables en 1964. Au moment où Boumediene s’empare du pouvoir en 1965, le président-colonel Gamal Abdel Nasser, qui bénéficiait de l’aide soviétique, se présentait comme le libérateur de la Palestine occupée par « l’ennemi sioniste ». Après la nationalisation du canal de Suez, Nasser voulait affirmer le rôle de l’Égypte dans la région au Yémen où il a soutenu une opposition armée antiroyaliste. Mais au printemps 1967, la tension entre Nasser et Israël a pour conséquence l’envoi d’un corps expéditionnaire de l’ANP en Égypte. Une division blindée algérienne basée à Teleghma prend ainsi la route de l’Égypte en mai 1967 tandis que l’aviation se prépare à intervenir à partir de la base libyenne de Benghazi. La guerre éclair de l’armée israélienne a raison des forces égyptiennes surprises. Les Israéliens finissent par s’emparer du Sinaï mais surtout de la Cisjordanie et du Golan syrien. La défaite de la guerre des Six-Jours sera un choc très durement ressenti dans les pays arabes dont l’Algérie de Boumediene, qui appuie particulièrement les militants palestiniens. L’Algérie se servira du 5e sommet de l’OUA qui se tient à Alger en septembre 1968 pour proclamer son soutien inconditionnel au peuple palestinien. L’Algérie Timbre en faveur de la cause sera des quelques pays arabes du groupe du sahraouie. « front du refus » totalement opposé au dialogue

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Atlas historique de l’algérie

avec l’État hébreu. Quelques jours après le début de la guerre des Six-Jours, l’Algérie rompra ses relations avec les États-Unis, parrains de l’État israélien. Le premier Festival culturel panafricain a lieu à Alger, ville qui prend une dimension internationale, surtout à partir des années 1970. De nombreuses organisations révolutionnaires armées y trouvent asile comme l’ANC de Nelson Mandela, qui suivra une formation militaire en Algérie à l’instar de l’OLP de Yasser Arafat, qui bénéficie d’un soutien majeur du gouvernement Boumediene. Alors que le successeur de Nasser (décédé en 1970) Anouar el Sadate prépare la reconquête du Sinaï, l’Algérie reçoit 77 représentations gouvernementales à la conférence des pays non alignés en 1971. La position commune des « 77 » prône une indépendance politique vis-à-vis des grandes puissances, notamment des deux blocs américain et soviétique, qui n’ont d’ailleurs pas empêché Israël d’envahir le reste de la Palestine historique avec Jérusalem. Boumediene n’exclut pas la possibilité de participer à une reconquête de ces territoires. L’ANP est envoyée en 1973 pour soutenir une éventuelle offensive égyptienne. Quand Sadate attaque la ligne Bar-Lev en octobre 1973, des avions algériens assurent la couverture des villes égyptiennes tandis que l’armée de terre est engagée sur le Sinaï. Malgré la contre-offensive israélienne, les premiers succès égyptiens ont redonné confiance aux armées arabes. Mais ce fut l’arme du pétrole qui allait frapper davantage les pays occidentaux réputés proches d’Israël. Avec le roi Fayçal d’Arabie saoudite, une nouvelle stratégie commune apparaît dans le monde arabe pétrolier. L’Algérie va certes bénéficier des retombées économiques du choc pétrolier mais deviendra la cible de tentatives de déstabilisation. Comme le roi Fayçal, le président Boumediene représentait le refus de transiger avec les États-Unis ou Israël. Avec Muammar el Kadhafi, Saddam Hussein et Al Assad, Boumediene bénéficie du soutien soviétique qui fournit des équipements militaires et forme un grand nombre d’officiers algériens. Au moment où l’Algérie devient une puissance militaire montante, son armée intervient en 1975 dans le conflit qui oppose le Maroc aux indépendantistes sahraouis. Après l’invasion des territoires du Sahara occidental par les forces marocaines au nord et mauritaniennes au sud, Boumediene se retrouve face au fait accompli de ses voisins, qui n’ont pas consulté leur grand voisin algérien. Ayant commandé l’armée dans la région frontalière lors de la guerre des sables en 1964, Boumediene connaît la région de Tindouf, qui fait face au territoire sahraoui. À la fin de l’année 1975, les populations nomades de la région de Seguiet el Hamra n’ont pas été consultées par Hassan II qui décide d’annexer tous les anciens territoires espagnols au royaume marocain. Ce dernier revendique la région comme faisant partie d’un « grand Maroc » dont les limites historiques débordent largement vers le sud, au-delà des Timbre dédié à l’ANC. limites fixées par les Espagnols et les Français dans les années 1905. Bien que l’ONU ait préconisé la tenue d’un référendum auprès des populations du Sahara occidental afin de déterminer leurs aspirations réelles, le roi Hassan II veut s’appuyer sur la démonstration populaire de la Marche verte

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L’Algérie de Boumediene et le monde 363

pour justifier l’annexion « naturelle » de ces territoires. Les milieux indépendantistes sahraouis regroupés sous le nom du Polisario sont soutenus par l’Algérie qui fournit armes et bases de repli autour de Tindouf. Alors que la guérilla sahraouie commence à attaquer les positions marocaines et mauritaniennes en janvier 1976, des milliers de réfugiés sahraouis qui fuient les combats affluent à Tindouf. Bien que son action consiste essentiellement dans le soutien logistique du front Polisario, l’armée algérienne finit par se retrouver impliquée assez loin de ses bases et se retrouve même à combattre directement les Forces royales marocaines dans le désert au sud-ouest de Tindouf. À Amgala, l’armée algérienne subit des pertes sérieuses, décidant les gouvernements algérien et marocain à poursuivre les négociations, évitant une aggravation des tensions et le risque d’un conflit ouvert. Tout en reconnaissant la nouvelle RASD (République arabe sahraouie démocratique) en février 1976, l’Algérie développe une diplomatie intensive représentée par le ministre des Affaires étrangères algérien Abdelaziz Bouteflika pendant ces années 1975-1976 afin de trouver une solution au conflit. Mais plus de 70 000 réfugiés sahraouis s’accumulent dans les camps de Tindouf, illustrant la dureté des combats et la répression qui s’exerce sur les populations. La minorité marocaine vivant dans l’ouest de l’Algérie va être victime de la dégradation des relations avec le Maroc. Les autorités décident d’expulser près de 3 000 Marocains vivant principalement dans la région frontalière de Tlemcen-Marnia, parfois installés depuis très longtemps. Partisan de la construction d’un Maghreb uni, Ferhat Abbas dénoncera ce traitement ainsi que l’intervention armée de l’Algérie dans le conflit sahraoui. C’est entre 1977 et 1978 que s’aggrave la tension entre le Maroc et l’Algérie alors que le président Boumediene est victime d’une maladie subitement contractée après son voyage au Proche-Orient en juillet 1978. Houari Boumediene disparaîtra le 27 décembre 1978, emportée par ce qui a paru ressembler à un empoisonnement. L’ambitieux président aura marqué très fortement la société algérienne, qui s’était globalement soumise au système autoritaire de « l’État démiurge », mais un État qui a créé des milliers d’emplois tout en ouvrant les portes du savoir universitaire. Avec un nouveau paysage parsemé d’usines et de réalisations « socialistes » aux devises écrites dans la langue arabe « orientale », les Algériens étant restés malgré tout accrochés à la langue française, pratiquant un bilinguisme de fait. Au-delà des signes visibles des années Boumediene, c’est le « boumediénisme » qui aura marqué les esprits. La rudesse de l’homme du Constantinois et son expression du nationalisme parlaient à la masse algérienne encore très rurale. Les acquis de l’ère Boumediene seront défendus par une partie du Conseil de la Révolution. Cette structure politico-militaire du FLN désignera en 1978 un de ses membres pour diriger le pays.

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Meeting nationaliste à Alger.

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LES

ANNÉES

L

CHADLI

e nouveau président Chadli Bendjedid, également originaire de l’Est algérien (El Tarf), est avant tout un haut gradé de l’armée désigné par le Conseil de la Révolution. Mais plusieurs clans du pouvoir apparaissent comme les vrais décideurs post-Boumediene, avec une armée toujours plus impliquée dans les choix politiques et économiques du pays. Après 1978, « deux clans s’affrontent pour la succession à la direction de l’État, d’une part autour de Bouteflika, les partisans d’une réforme économique laissant plus de place au marché et à l’initiative privée ; de l’autre autour de M. Yahiaoui, partisans du renforcement de l’option socialiste et de la défense des acquis de la révolution » (Ignacio Ramonet, « Manière de voir », Le Monde diplomatique, mars 2012). Le gouvernement Chadli, qui hérite d’une situation économique difficile, lance un plan quinquennal à partir de 1980. Mais il est bien conscient des limites des derniers programmes de développement. Ces derniers n’ont pas permis de libérer l’Algérie de plusieurs dépendances. D’abord technologique dans une industrie devenue trop coûteuse pour les finances publiques qui doivent nourrir une population toujours plus nombreuse (19,8 millions d’habitants en 1982), avec une croissance très élevée de 3,2 % par an et un des taux de fécondité les plus élevés au monde (environ 7 enfants/femme). « Le développement économique algérien se trouve en fait menacé par cette croissance démographique, qui mange une large partie de la croissance » (Marc Côte). Le projet gigantesque des industries « industrialisantes » est interrompu pour se consacrer aux plus petites unités productrices de biens de consommation. Le nouveau gouvernement voudrait pouvoir répondre aux besoins de la société algérienne avec son programme « Pour une vie meilleure ». Moins ambitieux que les projets de la période Boumediene, ces projets se heurtent à l’inertie des sociétés nationales qui devraient pouvoir concurrencer les importations. Mais la compétitivité ne semble pas être la principale préoccupation des entreprises publiques. « Les puissantes sociétés nationales sont devenues des machines à distribuer des salaires plutôt que des entreprises rentables fournissant au pays des produits de qualité » (Michalon, T, Le Monde diplomatique). Chadli engage en 1981 une campagne « d’assainissement contre les gaspilleurs, les malversations et la corruption » pensant faire des exemples

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366 Atlas historique de l’algérie

parmi les quelques responsables licenciés sinon jugés. Il vise certains membres de la nomenklatura du FLN. Chadli annonce ensuite une évolution du processus de recrutement dans les sociétés nationales, désormais sur concours. Le nouveau gouvernement, qui a décidé d’entreprendre la restructuration des entreprises nationales, cherche à encadrer le commerce de gros, notamment en facilitant la distribution par le moyen de magasins publics, les fameux Souk el Fellah. Nourrir et loger une population toujours plus nombreuse se présente bien comme le défi du gouvernement Chadli. L’État, qui est le principal employeur du pays (60 % du total des emplois) doit reprendre en main la question du logement, parent pauvre de la décennie Boumediene. Les nouveaux bassins d’emplois créés dans les années 1970 avaient attiré de nombreux ruraux confrontés au problème de la crise du logement. Des programmes de construction d’immeubles collectifs avaient été lancés dans toutes les villes grandes et moyennes, avec une sorte de modèle répété à l’identique : des blocs à la mode socialiste, construits à la périphérie immédiate des centresvilles. Des cités de 200 à 1000 logements apparaissent dans le paysage urbain algérien, deuxième vague d’immeubles après les logements achevés du plan de Constantine qui avait été rapidement accaparé par la population en 1962. Ces quartiers rapidement bâtis sont ensuite livrés à la population sans autre structure sociale particulière ni espaces de jeu pour les enfants. Des quartiers dortoirs à la soviétique qui se parent progressivement des fameuses antennes satellites, devenues quasi indispensables aux Algériens à partir des années 1980. Avec le tremblement de terre d’El Asnam (ex-Orléansville) survenu en octobre 1980, les Algériens en quête de logement relativisent leur situation pendant le temps du drame qui a fait 5 000 morts. Quelques mois avant le séisme, la Grande Kabylie avait été le théâtre de manifestations massives pour dénoncer l’arabisation forcée dans une région berbérophone, dont le patrimoine linguistique et culturel est défendu par plusieurs universitaires comme Salem Chaker. Ce printemps berbère inaugure l’apparition d’une certaine crise identitaire algérienne, en particulier chez les jeunes générations. Après la mort de Boumediene, le climat politique s’était légèrement détendu avec la libération de plusieurs opposants comme Ben Bella ou Ferhat Abbas. Mais alors que le mouvement islamique El Qiyam avait été interdit par Boumediene en 1970, on assiste à la montée des groupes musulmans militants, dénommés généralement « islamistes ». Depuis 1979 et la révolution islamique en Iran, de nouveaux acteurs politiques avaient émergé dans le monde musulman, dominé par les écoles de pensée sunnite égyptienne et surtout saoudienne. Après l’invasion de l’Afghanistan par les forces soviétiques en 1979, de nombreux musulmans notamment algériens se rendent sur place en vue du djihad contre l’ennemi communiste, aidés par les réseaux saoudiens. Avec l’influence des Frères musulmans d’Égypte, les Algériens, comme le nouveau parti tunisien d’Ennahda en 1979, avaient commencé à développer leur propre

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Les années Chadli 367

courant autour du cheikh Soltani. En avril 1981, lors de l’enterrement du chef de file de la pensée fondamentaliste algérienne, une masse de 20 000 personnes suivront son cortège funèbre. C’est à cette époque que l’on entend parler d’affrontements entre des groupes armés de tendance fondamentaliste et la police. Le groupe de Bouyali aurait tenu un maquis dans la région de Blida mais aurait été démantelé en 1981 alors qu’à Laghouat, des Timbre célébrant la Coupe du monde 1982. membres d’une secte religieuse auraient été arrêtés par la police. La société algérienne, dont 90 000 jeunes étudient à l’université en 1982, semble redécouvrir la pluralité de ses cultures et la religion islamique. L’université des sciences islamiques de Constantine ouvre ses portes en 1981, dans un contexte de tensions récurrentes entre étudiants traditionalistes et modernistes. Cette ambiance se traduit parfois par des affrontements directs à l’intérieur même des campus comme à Ben Aknoun en novembre 1982 ou à Oran. Une agitation étudiante qui se retourne contre la police, comme en mai 1981. Ces nouveaux foyers de contestation pour défendre l’amazighité ou l’islamité ne gagnent pourtant pas la masse de la population algérienne, préoccupée par le ravitaillement quotidien (pénurie de produits de base) et par son soutien à l’équipe nationale lors de la Coupe du monde de football en 1982, marquée par la fameuse victoire contre l’Allemagne… Chadli voudrait bien préserver cette union sacrée des Algériens autour d’autres événements ou monuments en rapport avec la guerre de libération. Le mémorial du Martyr (Maqam el Chahid) est inauguré en 1982, vingt ans après l’indépendance. De nombreuses commémorations sont organisées, comme celles du recueillement auprès des « carrés aux martyrs » dont les corps sont encore retrouvés dans des fosses communes. Le gouvernement Chadli veut renforcer l’unanimisme hérité des années Boumediene. Mais il ne dispose pas des mêmes moyens que son prédécesseur. On assiste plutôt à un « blocage du système » avec un mécontentement inquiétant de la majorité de la population. En plus des détournements de biens importés et la corruption, l’économie algérienne fait face à la chute des recettes pétrolières en pleine crise économique mondiale. Le programme socialiste de l’État providence n’est donc plus capable d’assurer ses promesses d’une vie meilleure. En 1984 le nombre de wilayas est augmenté et passe à 48. Pour le géographe Marc Cote, ce « découpage manifeste le souci de promouvoir le développement des régions enclavées et montagneuses (Tissemsilt, Khenchela), d’apporter une attention particulière aux zones frontalières de l’est (El Tarf, Souk Ahras, El Oued) et de mieux contrôler la croissance algéroise (Tipaza, Boumerdès) ». Le grand Sahara se trouve quant à lui partagé en quatre nouvelles wilayas (Tindouf, Adrar, Tamanrasset et Illizi).

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368 Atlas historique de l’algérie

Depuis 1985, la crise économique mondiale a rapidement atteint l’économie algérienne, largement dépendante de ses hydrocarbures, dont les cours ne cessent de baisser sur le marché mondial. La dette de l’État, qui s’élève à 20,7 milliards de dollars en 1984, pousse les finances algériennes à bloquer salaires et subventions aux produits alimentaires. Avec la corruption à tous les échelons de la distribution des biens et des produits alimentaires de base, qui sont en outre massivement importés, les familles algériennes se retrouvent livrées à la débrouillardise et à l’instabilité du ravitaillement. Mais d’autres tensions apparaissent à partir de 1986, avec les premières manifestations lycéennes à Sétif et Constantine. Ces jeunes souhaitaient exprimer leur mécontentement après la décision gouvernementale d’introduire les matières religieuses dans les enseignements obligatoires. L’État répond par la répression, comme un avertissement à cette jeunesse qui représente alors 70 % de la population algérienne. Ces jeunes sont mis à contribution par leur famille pour attendre très tôt le matin devant les magasins d’État l’arrivée improbable des produits alimentaires de base. La plupart des lycéens et étudiants poursuivent leur scolarité dans des conditions difficiles, au sein d’une famille généralement nombreuse, vivant souvent dans des logements exigus. Les autorités se trouvent confrontées à un nouveau maquis de contestation islamiste dans la région de Larbaâ. Le Mouvement islamique armé (MIA) fait le coup de feu contre les gendarmes et attaque même une caserne à Soumaa en août 1985. C’est à ce moment que les Algériens prennent connaissance de ces événements avec le procès « Bouyali » (70 condamnés à la prison). Le gouvernement Chadli-Messadia, représentant un certain courant du FLN, n’arrive pas à surmonter les difficultés structurelles de l’économie algérienne en crise. Ils subissent la pression de la rue mais également celle de leurs détracteurs au sein même des décideurs des autres clans du FLN. Les hiérarchies militaires de l’ANP et de la SM (Sécurité militaire) qui sont les deux structures permanentes du commandement de l’Algérie mènent leur propre stratégie, parfois en opposition avec ceux qui gouvernent et qui sont de fait les éléments visibles du système algérien. Leurs contradictions produisent jusqu’à la déstabilisation des gouvernants en place. Les grèves de septembre 1988, puis les émeutes d’octobre, illustrent à la fois la spontanéité de la contestation sociale d’une population qui se sent livrée à elle-même, et traduit cette stratégie de déstabilisation du gouvernement Chadli dans le cadre de la lutte des clans politiques au sommet. Les enfants et adolescents algériens investissent les centres-villes dans plusieurs régions d’Algérie et s’attaquer aux vitrines, principalement celles des établissements étatiques comme les agences postales, les compagnies d’assurances, les Souk el fellah, Air Algérie, etc. Aux actes de vandalisme succède une terrible répression militaro-policière. Des milliers de jeunes sont arrêtés et détenus pour subir la « question » version algérienne, tandis que les marches pacifiques encadrées par des militants religieux dégénèrent. Les régiments venus du sud-ouest oranais, dépassés, ont mitraillé les manifestants. Ces terribles jours de répression feront des centaines de morts. Le gouvernement de Chadli, lui-même dépassé par cet enchaînement de violences, décide une politique de réformes, en annonçant la mise en place d’un processus de démocratisation et le début du multipartisme. En 1989, pendant que le bloc de l’Est sous emprise soviétique commence sa lente

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Les années Chadli 369

désagrégation, la liberté politique paraît revenir en Algérie, avec la création d’une soixantaine de partis politiques. Le FLN, devenu ancien parti unique, adopte une nouvelle stratégie en direction des futurs électeurs libres. Lors de son congrès de 1989, le FLN propose la suppression de la mixité scolaire, certains membres proposant l’application de la loi islamique en Algérie. Car la course électorale est engagée pour les premières élections libres de l’Algérie indépendante. Un parti est donné favori, c’est la nouvelle formation du FIS (Front islamique du Salut) dirigée par un ancien du FLN, Abassi Madani. Des millions d’Algériens se rapprochent de ce parti perçu comme honnête car islamique. Le programme du FIS propose de rétablir les valeurs de l’islam dans les institutions. Son discours se veut très social, avec la famille comme base de la société musulmane. Mais les chefs du FIS, et notamment Ali Belhadj, dénoncent l’occidentalisation du pays et surtout celle du pouvoir. Reprenant quelque peu le discours « socialiste » des années Boumediene, le FIS entend rétablir le peuple algérien musulman dans la gestion du pays. Pour les dirigeants du FIS, la religion musulmane ne laisse pas d’autre choix au peuple algérien que d’établir une république islamique. Des campagnes municipales de 1990 aux législatives de 1991, les Algériens entendront de ce fait beaucoup parler de sharia, de hidjab et d’autres éléments de la vie musulmane, mais ne se mobilisent pas outre mesure dans ces campagnes hormis les militants du FIS et du FFS. Ce dernier a refait surface avec le retour d’Hocine Aït Ahmed, qui entend bien profiter de cette ouverture démocratique sans précédent dans l’histoire algérienne. Il en fut de même pour Ben Bella, qui revient de son exil suisse pour fonder un nouveau parti.

Alger en octobre 1988.

De 1989 à 1990, le monde bipolaire a maintenant explosé. Depuis son retrait d’Afghanistan, l’URSS de Gorbatchev a laissé les démocraties populaires reprendre leur liberté. Mais dans le même temps, le lobby militaroindustriel américain, qui s’inquiétait de la fin de la guerre froide, provoque une intervention occidentale contre l’Iraq de Saddam Hussein. En Algérie, si les Américains se satisfont de l’ouverture démocratique du pays, ils sont loin d’être soutenus par la population dans leur guerre dans le

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Golfe. Les militants du FIS exploitent d’ailleurs le mécontentement des Algériens contre les États-Unis. Pourtant, l’anti-occidentalisme n’est pas leur seul fonds de commerce. Proches de l’Arabie saoudite, pays perçu comme la référence en matière d’école islamique, les décideurs du FIS sont pour l’économie libérale dans un cadre musulman, à la fois traditionnel et ouvert sur le monde moderne. L’Arabie saoudite soutient le FIS dans ses projets d’établir un nouvel État islamique dans le monde arabo-musulman. Après la victoire du FIS aux élections municipales de juillet 1990 dans plusieurs grandes villes d’Algérie dont Alger, les dirigeants du parti islamoconservateur entrent dans une sorte de discours millénariste. Ils préparent les prochaines élections législatives prévues pour décembre 1991 pour lesquelles ils envisagent déjà quasiment la victoire. Pour Madani et Belhadj une révolution islamique à l’iranienne serait en train de se profiler. Pourtant, les membres du gouvernement Chadli ne s’inquiètent pas vraiment des premiers succès du FIS. Le FLN dispose encore de nombreux électeurs ainsi que le FFS, bien que le parti d’Aït Ahmed soit trop souvent associé à la Kabylie par l’opinion publique algérienne. Mais l’année 1991 est marquée par les premières violences politiques qui précédent le 1er tour des élections législatives de décembre 1991. À partir de juin 1991 se met en place une confrontation entre le FIS et les autorités, qui bouleverse rapidement le processus démocratique en marche. L’ambiance plutôt sympathique qui avait prévalu au commencement de l’ouverture politique de 1989 fond progressivement, pour laisser la place aux vieux réflexes de la violence.

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Les années Chadli 371

Mémorial du Martyr (ou Maqam el Chahid) érigé en 1982.

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DE LA GUERRE CIVILE AU HIRAK

DE

LA CRISE POLITIQUE À LA GUERRE CIVILE (1991-1994)

A

vant même l’émergence du FIS sur la scène politique algérienne, plusieurs groupuscules se réclamant de l’islam « militant » s’étaient développés dans le pays. Avec le retour des combattants algériens d’Afghanistan, des groupes marginaux étaient apparus dans les quartiers populaires à l’occasion de l’ouverture démocratique de 1989. Le FIS se présentait quant à lui comme une association hétérogène de plusieurs courants de pensée. L’aile modérée du parti était représentée par Abd el Kader Hachani, partisan d’un islam à l’algérienne, garantissant l’indépendance du pays et devant progressivement intégrer les structures de l’État. Mais une partie des militants était impatiente d’en finir avec le régime « socialiste » du FLN. Le discours anti-occidental de Belhadj visait la classe dirigeante et une partie de la population algérienne qui ne suivait pas les préceptes de l’islam, officiellement « religion d’État ». Les États-Unis, devenus la seule grande puissance après la dislocation de l’Empire soviétique, envisageaient avec intérêt la prise du pouvoir par le FIS, proche de son grand allié saoudien. Le très influent clan du général Belkheir, impliqué dans la captation occulte de commissions à l’importation, cherchait à entraver la montée du FIS. Les services de renseignement étaient chargés de mener des opérations psychologiques complexes, afin de discréditer le FIS. Le premier tour des élections législatives fut précédé par plusieurs actes de violence comme l’attaque d’une caserne à Guemar (El Oued). Malgré tout, l’élection se déroula comme prévu avec une majorité de sièges obtenue par le FIS (46 %), dont les deux chefs se trouvaient en prison depuis le 30 juin 1991. La grève générale décrétée par le FIS contre une loi de découpage électoral avait provoqué une répression des rassemblements et l’arrestation d’Abassi Madani et d’Ali Belhadj. Entre les deux tours de l’élection législative, alors que se mobilisent les militants des autres partis pour préserver la démocratie, le gouvernement Chadli est « démissionné » par l’armée. Cette fermeture brutale de la très courte période démocratique de trois ans met en lumière les limites du système du pouvoir bicéphale entre un clan de l’armée/Sécurité militaire et le gouvernement de Chadli, qu’avait quitté Mouloud Hamrouche en juin. Chadli

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Atlas historique de l’algérie

s’était engagé un peu « par effraction » (Aït Ahmed) à ouvrir au peuple l’accès aux institutions par des élections libres. Pourtant, la structure principale du pouvoir algérien a toujours été l’armée depuis 1962. Les discours « révolutionnaires » du FIS avaient été perçus comme des menaces à peine voilées contre l’oligarchie politico-militaire et une partie de la population. Voulant se protéger ou prévenir une confrontation armée qui mettrait en péril l’unité de la nation, les décideurs du pouvoir militaire décident d’annuler le deuxième tour des élections législatives, qui aurait certainement donné la majorité des sièges au FIS. Mais cette initiative du « coup de force » s’accompagne d’arrestations massives dans les rangs du FIS. La population algérienne a vite compris que le temps du « bâton » était revenu. Pour les électeurs, ceux du FIS en particulier, qui s’étaient tant investis dans les campagnes électorales et dont certains avaient péri à la suite des violences de juin 1991, c’est un choc. En manifestant de nouveau leur mécontentement, ils sont confrontés à une répression massive. Des camps de prisonniers sont ouverts dans le Sahara, notamment à Reggane, Aïn M’Guel et Oued Namous, où des milliers de personnes raflées sont emprisonnées. Les manifestations à la sortie des mosquées se multiplient en janvier 1992 et dégénèrent le plus souvent en affrontements meurtriers avec les policiers et militaires massivement déployés dans les villes. Avec les arrestations de nombreux militants du FIS, plusieurs responsables du parti désormais interdit (le 9 février) passent dans la clandestinité ou quittent l’Algérie pour se réfugier à l’étranger. Des maquis de militants du FIS se forment dans les montagnes au sud d’Alger et dans l’Ouarsenis tandis que certains groupes se préparent déjà l’affrontement armé. Mais les services de renseignement infiltrent rapidement ces groupes, qui n’ont pas encore de nom particulier. Le Haut comité d’État, façade visible du pouvoir militaire réel, est formé en janvier, avec l’appel à Mohamed Boudiaf pour le présider. Dirigeant historique du FLN, il revient du Maroc apporter une certaine légitimité au coup d’État. Boudiaf tente de reprendre en main la gestion sérieuse des affaires du pays, mais sa marge de manœuvre se trouve rapidement réduite par la tendance dure du commandement militaire. Il découvre les pratiques de la corruption et l’autonomie de certains généraux. Six mois après avoir été désigné pour redonner espoir à la population algérienne, l’ancien ministre captif du GPRA est assassiné à Annaba par sa propre garde présidentielle le 29 juin 1992. L’été 1992 est d’ailleurs marqué par un terrible attentat qui frappe l’aéroport international d’Alger, en pleine période de vacances. Une insécurité gagne dans toute l’Algérie, mais principalement la région d’Alger, où les habitudes de vie sont transformées par les violences permanentes qui se déroulent dans les quartiers populaires de la capitale, bastions du parti déchu. Jusqu’à la fin 1992 se mettent en place des groupes encore faiblement armés issus du FIS notamment dans l’Atlas blidéen. C’est à partir de 1993 qu’une Armée islamique du Salut (AIS) apparaît dans ces maquis et commence à affronter l’armée et la gendarmerie. Plusieurs embuscades sont rapportées entre 1993 et 1994, qui montrent un développement de la guérilla islamique, malgré les premières opérations d’envergure de l’ANP. Mais cette dernière n’a pas encore l’habitude de ce type de conflit asymétrique, sauf certains de ses chefs qui ont participé à la guerre d’Algérie, dans un camp ou un autre.

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De la crise politique à la guerre civile (1991-1994) 375

Alors que les villes sont quadrillées par la police et l’armée, la violence se développe fortement dans les régions rurales, où de nouveaux groupes armés apparaissent, parfois sans objectifs clairs. Les violences atteignent les grandes prisons d’Algérie, où sont détenus nombre de militants du FIS. Alors qu’à Alger et Berrouaghia, les mutineries sont réprimées de manière sanglante, une spectaculaire évasion se produit à Tazoult (1994) au pied des Aurès. Toutes les régions d’Algérie ont leurs maquis « terroristes » fréquemment ratissés et bombardés par l’armée. Cependant, les régions du centre et du centre-ouest apparaissent les plus affectées par ce qui s’apparente à une guerre civile larvée. Des milices sont constituées tandis que les assassinats de personnalités se multiplient, surtout à Alger. Mais la population se trouve très affectée par la crise économique et la nouvelle austérité décrétée par le HCE, dans le cadre de ses obligations au FMI. Les responsables du gouvernement ont décidé d’emprunter aux banques et d’appliquer une stricte application des conditions du FMI. L’appauvrissement des classes populaires est général, tandis que les années de sécheresse se suivent dans les campagnes. Malgré les négociations à Rome (Sant’Egidio, 13 janvier 1995) entre différents partis politiques de l’opposition algérienne, en vue de trouver une solution à la grave crise que traverse l’Algérie, la violence continue de s’étendre et atteint même la France, où plusieurs attentats poussent les autorités à soutenir la répression contre le FIS, dont l’un des membres fondateurs est exécuté en plein Paris (mosquée de la rue Myrha). De nombreux attentats surviennent dans la région d’Alger, ciblés contre des sites du pouvoir et des personnalités ou totalement aveugles en pleine rue. À partir de 1995-1996 on assiste à des déplacements permanents de populations qui fuient les régions où se déroulent des affrontements. Mais les populations sont soumises à des pressions très fortes aussi bien de la part des insurgés (qui réclament souvent de l’argent) que des rudes forces militaires encore peu entraînées à la contre-guérilla. Pourtant, les insurgés islamiques n’ont plus l’initiative sur le terrain à partir de 1995. L’armée utilise des hélicoptères spécialement équipés pour traquer les groupes armés et bénéficie du soutien de milices d’autodéfense. Mais la multiplicité des groupes d’insurgés politiques ou moudjahidine autoproclamés, voire de groupes armés de contre-guérilla, provoque beaucoup de confusion parmi la population, qui vit sous une menace permanente. Avec les premiers grands massacres de l’automne 1996, le conflit prend une dimension infernale.

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LES ANNÉES 1996-1999

DE SANG 1,

C

’est principalement dans la région de la Mitidja et dans les montagnes au sud de Blida que survient toute une campagne de massacres contre la population à partir de 1996. Des hameaux sont attaqués en pleine nuit, visant des familles particulières ou des quartiers entiers d’habitations. L’horreur de ces massacres pousse des milliers de familles à abandonner leurs terres pour fuir aux abords des grandes villes. Blida et la banlieue d’Alger se couvrent de constructions sommaires. L’apparition de groupes armés non identifiés a semé la panique dans les montagnes boisées de l’Atlas blidéen ainsi que dans l’Ouarsenis, l’autre région victime de grands massacres. En 1997, les villages de la Mitidja plongent dans la peur la plus totale avec des massacres de masse perpétrés parfois aux portes même d’Alger (Ben Aknoun, Bologhine). À Bentalha, Reiss, Chebli et autour de Larbaâ, des centaines de familles ont été atrocement massacrées de juillet à décembre 1997. L’hiver 1997-1998 est une période de grands massacres dans la région entre Médéa et Berrouaghia tandis que les populations de l’Ouarsenis subissent le même sort que les habitants de l’Atlas blidéen. Les affrontements entre l’armée et les groupes armés islamiques paraissaient baisser d’intensité à partir de 1996. Mais les populations des régions proches au sud et à l’ouest se retrouvent livrées à elles-mêmes, sous le feu de groupes ou d’escadrons qui sèment la mort et la destruction. L’assassinat des moines français de Tibhirine en mars 1996 fut un des faits marquants de cette période. Les régions de l’est de l’Algérie échappent cependant à ces effrayants massacres bien que l’activité des groupes armés y soit bien réelle. C’est le cas dans la région de Jijel, fief de l’AIS qui a mené de nombreuses embuscades contre l’armée et la gendarmerie. Les montagnes boisées du Belezma, du djebel Maadid et de l’Edough apparaissent comme des zones refuges pour les maquis qui affrontent l’État (al Houkouma) en bloc, visant aussi bien des forces de sécurité que des fonctionnaires. Mais plusieurs régions restent 1. L’expression est inspirée du titre de Mohammed Samraoui, Algérie, les années de sang.

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378 Atlas historique de l’algérie

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Les années de sang, 1996-1999 379

assez calmes pendant ces années d’affrontements, notamment en Grande Kabylie, dans l’est des Aurès, l’axe Annaba-Souk Ahras-Tébessa ainsi que les hautes plaines de l’axe Bordj Bou Arreridj-Sétif-Batna-Aïn Beïda. À l’ouest d’Alger, les régions de l’Ouarsenis et de la chaîne du Dahra sont les plus touchées par les violences, qui poussent des milliers de familles vers la plaine du Chélif et en direction d’Oran. Mais si la grande ville de l’ouest est relativement épargnée, ce n’est pas le cas autour de Tlemcen, de Mascara et Tiaret, où affrontements et massacres marquent ces années 1996-1998, comme si le front des massacres s’était déplacé progressivement du centre vers l’ouest de l’Algérie. Paradoxalement, c’est au moment où des premières négociations étaient engagées entre l’armée et l’AIS que les plus grands massacres eurent lieu. Le président Liamine Zéroual, nommé en 1997, chercha plusieurs solutions pour mettre un terme aux violences en négociant une trêve avec l’AIS le 24 septembre 1997. Mais il ne représentait qu’une aile du commandement de l’armée. Le groupe des « faucons » au sein de l’ANP/SM entendait bien éradiquer les groupes armés d’opposition, quoi qu’en fut le prix. Mais à partir de 1998, la violence s’étend à tout le pays, dans la région des hauts plateaux de Djelfa-Laghouat tandis que la Grande Kabylie se retrouve impliquée, avec l’assassinat de Matoub Lounès en juin 1998. Des émeutes éclatent dans toute la région kabyle, tandis que des groupes armés font leur apparition dans les forêts entre Tizi Ouzou et Boumerdès, ainsi que dans l’Akfadou. De grandes opérations de l’armée se produisent dans la région des gorges de Lakhdaria à Draa el Mizan entre 1998 et 1999, pendant lesquelles de nombreuses forêts sont incendiées. C’est le cas dans la région de Jijel, où l’activité des groupes armés ne faiblit pas. À partir de 1999, les massacres de populations civiles sont apparus comme plus ciblés, visant le plus souvent des familles entières, dans le centre et l’ouest du pays. Mais après la sélection du candidat d’Abdelaziz Bouteflika par les décideurs de l’armée et son élection à la présidence en avril 1999, les autorités militaires paraissent entamer une nouvelle politique. L’ancien ministre des Affaires étrangères de Boumediene engage une nouvelle démarche en vue d’un retour à la paix. Son projet de « concorde civile » propose aux groupes armés de déposer les armes dans le cadre d’une « réconciliation nationale ». Pour contraindre les derniers groupes en activité à descendre des maquis, l’armée multiplie les grandes opérations durant cette période dans les Babors, la Grande Kabylie, l’Ouarsenis, les monts de Tiaret et toute la région entre Tlemcen à Mascara. Le référendum sur la concorde civile est adopté le 16 septembre 1999 par plus de 98 % des voix, accordant au nouveau président un premier soutien populaire. Car la population algérienne est épuisée par la guerre civile. Pourtant, nombre de groupes armés ne désarment pas, dans l’est du pays, devenu leur principal refuge. Dans les hauts plateaux de Djelfa et le djebel Amour s’ouvrent de nouveaux fronts, tandis que les groupes armés semblent se renforcer dans les massifs berbères de Kabylie et des Aurès. Jusqu’en 2001, accrochages et opérations perdurent dans ces régions. C’est d’ailleurs au cœur de la grande Kabylie qu’éclate une émeute, qui s’étend rapidement à tout le pays kabyle. La mort d’un lycéen arrêté par la gendarmerie à Beni Douala en avril 2001 provoque une révolte générale

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380 Atlas historique de l’algérie

contre les casernes de police et de gendarmerie dans toute la région. Les émeutes s’étendent jusqu’à Kerrata et même au-delà, dans les Aurès et le pays chaouia jusqu’à Tébessa. Manifestations et destructions de bâtiments publics se succèdent, rappelant les scènes d’octobre 1988. Mais ce « printemps kabyle » devient rapidement un « printemps noir » qui fait des dizaines de morts. Une marche immense réunit des centaines de milliers d’habitants de Kabylie le 31 mai 2001. Mais avec la spectaculaire opération du 11 septembre 2001 aux ÉtatsUnis, les autorités algériennes sont conviées à prendre part à la « guerre contre le terrorisme » (the war on terror), se posant en victimes d’un ennemi commun. À partir de 2002, les opérations militaires contre les maquis se concentreront principalement dans les régions de l’ouest, entre Tlemcen et Relizane et dans pratiquement toutes les montagnes de l’Est algérien. Des années 2003 à 2005, les affrontements armés baissent d’intensité, sauf dans l’ouest de la Grande Kabylie, la région de Jijel-presqu’île de Collo et dans les Aurès-Nementcha, où de nouveaux groupes semblent émerger tels que le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat). Cependant, un certain nombre de groupes armés marginaux vivant avec leurs familles et sans réel programme, sinon de survivre à l’écart de la société, se maintiennent dans les maquis. La sécurité revient progressivement dans le pays, avec une certaine libéralisation de l’économie initiée par le gouvernement Bouteflika. Depuis 2002, le président lance effectivement un programme de relance de l’économie algérienne, avec l’ouverture de grands chantiers dans tout le pays.

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Les années de sang, 1996-1999 381

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LA DÉCENNIE BOUTEFLIKA, 2002-2012

L

e président Abdelaziz Bouteflika avait envisagé depuis des années l’introduction du marché au privé, afin de permettre au plus grand nombre de produire sa propre activité. Mais le gouvernement a l’intention d’ouvrir des grands chantiers, dans les infrastructures de transport et l’hydraulique. Ces secteurs avaient été placés au second plan des programmes économiques des années Boumediene-Chadli. Avec la succession inquiétante des sécheresses dans le pays pendant la décennie noire, la question hydraulique était revenue comme une des priorités du gouvernement Bouteflika. De nombreux barrages sont ainsi construits dans toute l’Algérie. Parmi les chantiers les plus impressionnants des années Bouteflika figure celui de la construction de l’autoroute transnationale, décidée en 2005 et lancée en 2007. Les caisses de l’État avaient commencé à se remplir, grâce à l’augmentation du prix du pétrole consécutif à la guerre en Iraq, permettant de financer de nombreux grands projets dont celui de l’aéroport d’Alger commencé en 2006. La wilaya de Sétif, deuxième du pays par sa population, avait « reçu » son aéroport en 2003. Abdelaziz Bouteflika a d’ailleurs beaucoup pris l’avion depuis le début de son mandat. Spécialiste de la diplomatie, le président a entrepris de nombreux voyages auprès des partenaires de l’Algérie, qui entre dans une nouvelle phase d’ouverture économique sans précédent. Après sa réélection en avril 2004, Bouteflika signe un accord de partenariat stratégique avec le gouvernement français en juillet 2004. Alors que les commerciaux européens se pressent à Alger pour négocier leurs contrats de vente de matériels à l’État ou aux entreprises privées débarque en Algérie une myriade de travailleurs étrangers, chinois, malaisiens, vietnamiens ou turcs, qui participent aux grands travaux qui marqueront la décennie Bouteflika. Ils apparaissent comme le signe d’un nouveau partenariat humain international qui contribue à la croissance algérienne. Avec la reprise d’une forte croissance économique en Algérie, on assiste à une explosion du secteur privé, notamment dans les activités d’importation de biens de consommation. Bien que de nombreux emplois soient créés, les sociétés nationales qui avaient survécu aux destructions des années 1990 se retrouvent confrontées à la concurrence des

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Atlas historique de l’algérie

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La décennie Bouteflika, 2002-2012 385

hommes d’affaires spécialisés dans l’importation. Quant aux grandes entreprises d’État, elles réduisent drastiquement leur personnel, pour lequel le départ anticipé à la retraite devient généralement la règle. En 2005 il y a 300 000 entreprises privées dont 95 % de PME. Des milliers d’entreprises privées sont créées chaque année, le plus souvent familiales et commerciales. Cependant, cette croissance de l’activité commerciale a touché essentiellement les villes où la population s’est concentrée depuis les années noires. On estime entre 1 et 1,5 million le nombre de personnes déplacées pendant la décennie de la guerre civile. Affluant à la périphérie des villes où se sont formés des quartiers entiers d’habitations spontanées, ces populations ont accentué la crise du logement en Algérie. Le gouvernement Bouteflika entreprend plusieurs campagnes de construction de logements pour répondre aux demandes massives des populations. Mais cette politique se heurte à la corruption et au phénomène de création de bidonvilles par des candidats aux logements sociaux. Un programme récent d’un million de logements pour 2010-2014 a été lancé par la présidence. Mais l’accumulation de nouvelles populations souvent rurales dans ces nouvelles périphéries soulève la question de la paix sociale. Car la délinquance a refait son apparition dans tout le pays. Le retour à la sécurité avait pourtant été le principal chantier de Bouteflika, qui avait relancé une campagne en 2005 avec la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Approuvé par référendum le 29 septembre 2005, cet événement semblait inaugurer une nouvelle période de paix. Mais le président Bouteflika reste affaibli par son hospitalisation en 2005 puis par un mystérieux attentat suicide qui frappe le cœur de la capitale le 11 décembre 2007. Il est indéniable que l’Algérie se trouvait être la cible de plusieurs tentatives de déstabilisation. Son indépendance politique internationale ainsi que ses ressources énergétiques du Sahara la maintiennent dans un statut de puissance régionale, devenue incontournable après les événements politiques violents chez ses voisins. La région de l’ouest de la Grande Kabylie, proche de la capitale, apparaît comme le refuge idéal des derniers groupes armés, pour faire pression sur le gouvernement. C’est dans un tel contexte qu’en 2008 Bouteflika limite les perspectives de transition politique, en faisant sauter le verrou constitutionnel qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels (Le Monde, avril 2019). Le troisième mandat se présente comme celui d’une corruption massive, à la hauteur d’une trésorerie de 190 milliards de dollars. Les derniers chantiers ouverts par le président Bouteflika ainsi que la nouvelle politique en particulier en direction des universités et des populations rurales (aide à la construction) ont relancé en quelque sorte la vision « boumédiéniste » de l’Algérie. La dimension à la fois sociale et internationale de la stratégie présidentielle a permis au pays de retrouver une certaine stabilité. Mais le phénomène de la globalisation a touché la population algérienne, qui a tendance à s’individualiser, aussi bien dans son comportement social que dans ses choix culturels. Le 8 mai 2012 à Sétif, lors de la commémoration des massacres de 1945, Abdelaziz Bouteflika rappelait aux jeunes que le temps de la transition des responsabilités devait commencer :

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386 Atlas historique de l’algérie

« Je m’adresse aux jeunes qui doivent prendre le témoin car ma génération a fait son temps. Après avoir libéré le pays et participé par la suite à son édification, l’heure de la retraite a sonné pour les anciens ne pouvant plus gérer les affaires du pays. On vous transmet le témoin. Il faut prendre soin de ce bien construit sur des bases solides. Il ne faut pas le trahir. Les gens qui ont libéré le pays vous disent que nous n’avons plus les forces pour continuer. Le pays est entre vos mains prenez en soin. (…) Vous devez être fiers de vos réalisations car on a fait beaucoup en matière d’éducation, de logements et soins. » Le président souligne les enjeux auxquels l’Algérie doit faire face : « Je demeure convaincu que les jeunes, sortis par millions de l’École algérienne, ouverts au monde de la connaissance moderne et des technologies de la communication et conscients des défis et dangers de la mondialisation sauront se dresser contre les ennemis du pays et faire face aux instigateurs de la Fitna et de la division ou aux velléités d’ingérence étrangère. ». Son discours paraît résumer le retour d’un état d’esprit boumediéniste, en annonçant une ouverture générationnelle. Mais son clan familial en décidera tout autrement.

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La décennie Bouteflika, 2002-2012 387

Abdelaziz Bouteflika, Jacques et Bernadette Chirac, Oran, 4 mars 2003.

François Hollande et Abdelaziz Bouteflika, Alger, décembre 2012.

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LE

CLAN BOUTEFLIKA FACE AU HIRAK

A

u moment de son discours de Sétif en 2012, le président Bouteflika paraît déjà éprouvé physiquement. Il a délégué à ses ministres et à des membres de sa famille la gestion d’un pays qui célèbre le cinquantenaire de son indépendance en juillet. La période paraît euphorique, et le portrait du président est affiché à chaque événement et dans la plupart des villes. Il s’agit d’un phénomène inédit en Algérie, où, contrairement à de nombreux pays du monde arabe, ce type de publicité a toujours été limité. Mais dans ces années de forte croissance économique, les revendications politiques avaient été mises au second plan. Les printemps arabes avaient emporté leurs foules enthousiastes sur le chemin de la désillusion et pire, avaient mené à des guerres civiles. Tandis que la Syrie, pays traditionnellement proche de l’Algérie, sombrait dans une guerre alimentée par les puissances régionales, les divisions libyennes menaçaient d’atteindre le sud-est de l’Algérie et ses gisements d’hydrocarbures. En 2013, le nord du Mali devenait quant à lui le théâtre d’une sécession touarègue, sur fond de djihadisme transsaharien. Avec l’afflux des armes libyennes et de lointains soutiens arabes, les groupes armés redeviennent une menace pour les intérêts français dans la région sahélienne. Les Mirage 2000 français survoleront un ciel algérien assombri par la faiblesse d’un président très malade (victime d’un AVC en 2013) et otage du clan en place. Seule l’armée paraît pouvoir compenser ce vide présidentiel, mais elle montre de graves signes de déficience dans la crise de Tiguentourine comme dans son incapacité à sécuriser ses avions, dont les catastrophes se succèdent. Dans un tel contexte, la mascarade de l’élection présidentielle de 2014 (4e mandat…) permet au pouvoir en place d’agir en toute impunité, tout en maintenant ses programmes sociaux pour le logement et l’emploi (Ansej, etc.). Mais ces budgets généreux sont loin d’atteindre tous leurs ayants droit, faute de lutte contre une corruption et des détournements massifs de programmes sociaux. Ainsi, les services hospitaliers sont dépassés par la demande de soins, notamment anticancéreux, car les maladies chroniques ont suivi la courbe ascendante de la croissance économique… La pollution environnementale a accompagné ces années d’importations massives, dans l’euphorie de la consommation à bas prix. Les

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390 Atlas historique de l’algérie

contestations et émeutes sociales n’ont pas cessé. Demandes de logement inabouties, protestations contre les pénuries d’eau potable, etc., les populations des régions rurales ou des quartiers populaires n’ont pas désarmé. L’insécurité s’est développée dans les quartiers des villes nouvelles, dans lesquelles des bandes rivales s’affrontent, sur fond de trafics de stupéfiants et autres psychotropes, véritable guerre insidieuse, qui sévit dans la jeunesse désœuvrée. Les populations du Sahara ont maintenu la pression sur les autorités, revendiquant leurs droits aux services sociaux et infrastructures de santé. Les manifestants dans la région de Ouargla n’étaient pas restés indifférents à la question du projet de gaz de schiste. Comme souvent dans l’histoire des révoltes en Algérie, aucune coordination ne prend forme entre les régions contestataires. Ainsi, les rassemblements politiques contre le système avaient-ils principalement lieu à Alger ou en Kabylie, fief contestataire historique. Pourtant, c’est à Kerrata, à 50 km au nord de Sétif, que l’annonce insupportable d’un 5e mandat par les ténors du clan Bouteflika a déclenché le début d’un mouvement d’opposition inédit, le 16 février 2019. À partir du 22 février 2019, le mouvement d’opposition au 5e mandat s’étend à toutes les grandes villes et prend une forme très pacifique. Le 2 avril 2019, le chef d’État-major de l’armée Gaïd Salah « démissionne » le président Bouteflika, lequel emporte avec lui tout un clan familial qui se retrouve visé par une vague judiciaire sans précédent. Elle cible Saïd Bouteflika qui occupait la responsabilité de régent à la place de son frère malade. Les oligarques proches du cercle Bouteflika sont brutalement contraints à s’expliquer devant la justice dans des dossiers de détournements de devises, blanchiments et autres malversations. Ministres et walis se retrouvent assez rapidement inquiétés par cette opération policière. Les manifestations du mouvement de contestation, devenu le Hirak (mouvement en arabe), se poursuivent cependant, les leaders populaires s’opposant au calendrier proposé par l’armée, qui a maintenu un certain nombre de ministres du clan Bouteflika. L’arrestation d’anciens hauts responsables du DRS, acteurs majeurs de la machine répressive des années 1990, a marqué cette révolution interne au système politicomilitaire qui dirigeait le pays depuis 1962. Le printemps algérien du Hirak a révélé le dynamisme d’une société urbaine devenue exigeante, et déterminée à s’affranchir d’une tutelle et d’un unanimisme dépassés. Force de proposition, cette génération du Hirak ne renie pas la culture révolutionnaire, dont elle revendique l’héritage. Mais la confiscation de la gestion du pays par un clan quasi tribal lui était devenue inacceptable.

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Le clan Bouteflika face au Hirak 391

Couverture de L'Obs, mars 2019.

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L’ALGÉRIE

EN 2022 ET LES DÉFIS DE LA MONDIALISATION (RÉSEAUX, PANDÉMIE, CRISE DU PÉTROLE…)

A

près les succès du Hirak, une évolution politique paraît aboutir en Algérie avec l’élection du président Tebboune en décembre 2019. Bien que controversée, cette élection-nomination d’un diplômé de l’École nationale d’administration met en avant un grand commis de l’État, avec les promesses d’une gestion rationnelle du pays. Les vingt ans des gouvernements Bouteflika (1999-2019) avaient été marqués par une croissance économique continue et une mise en chantier du pays. Mais les ressources principales de l’économie algérienne sont restées dépendantes des hydrocarbures sahariens. Le Sahara algérien, par son immensité et son ouverture africaine, apparaît comme un espace géopolitique majeur en 2020. Les flux migratoires transsahariens témoignent d’une activité humaine renouvelée dans le Sud algérien. La population algérienne actuelle intègre des milliers de Subsahariens, réfugiés ou migrants économiques. Bien que leur statut ne soit pas favorisé par les autorités, la présence des Subsahariens et Ouest-Africains est devenue une des réalités du Sahara algérien. L’Algérie n’est donc plus uniquement un pays de transit mais aussi d’installation des migrants, dont la dynamique ne paraît pas faiblir. L’exportation des hydrocarbures algériens vers l’Europe ne garantit pas des ressources financières suffisantes dans un contexte de baisse constante des cours du baril de pétrole depuis 2014. La stratégie saoudienne a accentué cette baisse en 2019, avant la chute historique du printemps 2020. Pourtant, l’Algérie dispose de ressources minières notables, notamment dans le Sahara. Des secteurs de l’agroalimentaire exportent leurs productions dans les pays proches. Le potentiel touristique de l’Algérie, avec son littoral méditerranéen et ses sites culturels classés, reste quant à lui peu exploité économiquement, malgré le retour de la sécurité. Le marché reste national et les perspectives d’accueillir des flux touristiques européens importants ne

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Atlas historique de l’algérie

paraissent toujours pas au programme. Pourtant, le transport aérien n’a cessé de croître, malgré la faible concurrence des compagnies étrangères. Les destinations de la compagnie nationale Air Algérie pourraient résumer la carte d’une diaspora algérienne (estimée à 8 millions de personnes). L’importante circulation de la population franco-algérienne vers l’Algérie exerce une certaine influence sur la société très urbanisée et connectée. La très forte utilisation des réseaux sociaux numériques a cependant ouvert d’autres fenêtres sur le monde. Longtemps focalisés sur la France et le Moyen-Orient, les téléspectateurs algériens disposent de nouveaux accès à l’information et des divertissements inédits, mais toujours dominés par le football et les séries type « drama coréen ». Pourtant, jamais les Algériens n’auront autant voyagé. De La Mecque à Istanbul, l’Orient reste leur destination touristique préférentielle tandis que les étudiants se rendent désormais autant dans les universités françaises que canadiennes ou chinoises. En mars 2020, la pandémie du Covid-19 aura été le révélateur de la dépendance économique aux revenus du pétrole en chute libre et d’un système hospitalier décrié depuis vingt ans. Sa proximité avec l’Europe et son arrière-pays saharien offrent à l’Algérie de demain une situation géostratégique unique. Le pays est loin d’avoir épuisé toutes ses ressources. L’énergie solaire saharienne apparaît comme l’une des cartes de la politique énergétique algérienne, complétant des gisements de métaux précieux et stratégiques. Le Sahara constitue bien la réserve stratégique majeure des futurs de l’Algérie. Le potentiel universitaire, porté par une jeunesse dynamique, pourrait, si le système de népotisme et de cooptation des élites ne l’empêche pas, relancer un projet global. Cette « Algérie empêchée » (Akram Belkaïd) et la saturation urbaine qui caractérise le nord de l’Algérie pourraient cependant bien constituer une bombe à retardement, dans un pays qui n’a toujours pas réglé de nombreuses questions, notamment les contentieux de la guerre civile. La pandémie du Covid-19, en mettant en pause les questions politiques, aura révélé l’importance des solidarités et des ressources agroalimentaires locales. L’importation de masse qui caractérise l’économie algérienne est remise en cause, comme ailleurs dans le monde. Un retour aux ressources locales pourrait bien apparaître comme l’une des clés d’une autosuffisance alimentaire. Les méfaits de l’alimentation actuelle, source de maladies chroniques très importantes en Algérie, restent un défi aussi important que celui du Covid-19. Des milliers d’Algériens partent se soigner ou étudier à l’étranger. Sans la priorisation des secteurs de la santé et de l’éducation, les projets de l’Algérie 2.0 resteront un vœu pieux. La sortie de l’épreuve du Covid-19 devrait probablement marquer une étape significative, dans la prise en compte de tels enjeux pour le développement de l’Algérie de demain.

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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont activement contribué à la réalisation de cet ouvrage, en particulier Pierre Vermeren et Leïla Latrèche. Je remercie également les nombreux passionnés et les personnes investies dans l’histoire et la mémoire de l’Algérie : Jacques Frémeaux, qui a rédigé la préface, Frédéric Grasset et Paul Malmassari, qui m’ont également encouragé dans mes travaux. J’ai également bénéficié du soutien du cercle familial et d’amis toujours dévoués, de Lyon à Paris, et de Tunis à El Eulma, en particulier Luiz Carlos, Amal, Benziane, Marc, Linda, Mamoudou, Solvej, Anouck, Walid, Nourredine, Sylla, Noamen Rebai, Rihem, Guillaume et Mounir. Enfin, je remercie tous les professionnels des centres d’archives de France et des bibliothèques, la Fondation GACMT, l’Amicale des Sahariens, les étudiants et enseignants du Master CIAMO Paris 1-Panthéon Sorbonne.

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Carte arabe médiévale représentant l'Occident musulman.

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FILMS

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406 Atlas historique de l’algérie

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FILMS

DOCUMENTAIRES

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ALGÉRIE

INDÉPENDANTE

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Bibliographie

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FILMS

DOCUMENTAIRES

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407

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CRÉDITS

ICONOGRAPHIQUES

Archives nationales d’outre-mer (ANOM), p. 99, 103, 113, 123, 126, 130, 162164, 176, 194, 198, 206, 207, 216, 222, 231, 240, 276, 302, 303, 314, 316, 341 ; © Claude BELLAC/ECPAD/Défense, p. 281 ; BnF, p. 58, 84, 111, 131, 137, 179, 220, 396 ; © Karim Chaïbi, p. 16, 18, 21, 24, 26, 28, 30, 32, 34, 36, 40, 42, 45, 46, 48, 50, 52, 55-57, 59, 60, 62, 64, 67, 68, 70, 72, 74, 77-79, 80, 82, 86, 88, 90, 92, 94, 96, 100, 104, 106, 108, 110, 114, 118, 120, 124, 128, 132, 134, 136, 138, 140, 144, 150, 154, 156, 158, 160, 161, 166, 170, 174, 180, 182-184, 186, 190, 196, 200, 202, 204, 208, 212, 214, 215, 218, 224, 227-229, 232, 234, 237, 238, 242, 245, 246, 248, 250-252, 258, 260, 264, 268, 272, 274, 278, 284, 291, 292, 296, 300, 304, 307, 308, 319, 320, 326, 337, 338, 340, 345, 346, 348, 352, 360, 372, 376, 378, 381, 382, 384, 388, 392 ; © ECPAD/Défense, couverture, 217 ; © ECPAD/fonds Smet/ Arthur Smet, 289 ; © Marc FLAMENT/ECPAD/Défense, p. 282 ; Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP), p. 116 ; Musée archéologique de Sétif, p. 38, 63 ; Musée de Carthage, p. 23 ; Musée du Château de Versailles, p. 142, 149 ; Musée de Tipasa, p. 27, 39, 43 ; Musée de Topkapi, p. 101 ; © Siné, p. 334.

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TABLE

DES MATIÈRES

Préface............................................................................................................. 7 Présentation .................................................................................................... 11

LA GENÈSE D’UN TERRITOIRE, ENTRE SAHARA ET MÉDITERRANÉE L’Algérie préhistorique.................................................................................... 19 Les Phéniciens et les rivages de la Méditerranée berbère......................... 21

UNE CIVILISATION ROMANO-AFRICAINE De la seconde guerre punique (−219 −201) à la destruction de Carthage (−146) ........................................................................................................... La guerre de Jugurtha ................................................................................... César en afrique, la création de l’Africa Nova.............................................. L’Algérie au temps des premiers empereurs romains ................................ Christianisation et grandes révoltes berbères au IIIe siècle........................ La réorganisation des provinces africaines sous dioclétien........................ La question donatiste et la guerre des nubel .............................................. Saint Augustin, un enfant de Thagaste ......................................................... Les vandales, de la Baltique à la Numidie................................................... La conquête vandale....................................................................................... La reconquête byzantine ................................................................................

25 27 29 33 37 41 43 47 49 51 53

LA CIVILISATION ARABO-MUSULMANE Les arabo-musulmans et la conquête de l’Africa ........................................ 57 Les campagnes de Hassan ibn Nu’man et Mussa ibn Nusayr ................... 59 Le Maghreb au VIIIe siècle.............................................................................. 61

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Table des matières 411

Abu Abdallah : itinéraire d’un prédicateur chiite ......................................... Le prédicateur chiite en pays Kotama .......................................................... La conquête de l’Ifriqiya par l’armée d’Abu Abdallah .................................. Les campagnes fatimides à l’ouest............................................................... La révolte d’Abu Yazid..................................................................................... Les campagnes d’Égypte ............................................................................... L’avènement des Zirides et des Hammadides.............................................. Les Bédouins Beni Hillel et Suleym.............................................................. Zirides et Hammadides face à l’invasion bédouine...................................... Al Murabitun, la conquête almoravide .......................................................... Le Maghreb d’Al Idrissi .................................................................................. Les Almohades ............................................................................................... L’épopée des Beni Ghaniya ............................................................................ Le Maghreb aux XIIIe et XIVe siècles............................................................... L’itinéraire algérien d’Ibn Khaldun, grand homme du XIVe siècle ...............

63 65 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93

L’EMPIRE OTTOMAN ET LE PACHALIK D’ALGER La Méditerranée en 1492 ............................................................................... Espagnols et Ottomans au Maghreb central de 1509 à 1518...................... La conquête des pays d’el Djazaïr (Alger) et les nouveaux alliés de Khayr al Din, dit Barberousse (1519-1534) .......................................................... Les campagnes de Hassan Agha et Salah Raïs (1534-1556) ...................... Alger et la Méditerranée au XVIe siècle......................................................... 1571, La bataille d’Alger................................................................................. L’organisation de l’Algérie ottomane au XVIIe siècle ..................................... Situation générale au XVIIe siècle .................................................................. Alger et ses relations internationales........................................................... L’Algérie ottomane au XVIIIe siècle ................................................................. L’Algérie ottomane au début du XIXe siècle...................................................

95 97 101 105 107 109 111 115 119 121 125

CONQUÊTE FRANÇAISE ET COLONISATION Le débarquement français à Sidi-Ferruch.................................................... Opérations françaises autour d’Alger............................................................ La conquête française en 1830...................................................................... La première guerre contre Abd el Kader...................................................... Les expéditions contre Constantine .............................................................. La deuxième expédition de Constantine ....................................................... La conquête en 1839 ...................................................................................... L’expédition des Portes de Fer, octobre 1839 ............................................... La deuxième guerre contre l’émir Abd el Kader.......................................... Les exils de l’émir Abd el Kader ................................................................... La conquête du beylik de l’Est....................................................................... Organisation administrative de l’Algérie en 1845 ......................................... La colonisation européenne........................................................................... Alger transformée par la colonisation ..........................................................

129 133 135 139 141 143 145 147 151 155 157 159 161 167

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412

Atlas historique de l’algérie

La conquête des montagnes de Kabylie ....................................................... La conquête des dernières crêtes de Kabylie .............................................. La conquête du Sahara : de Aïn Sefra à Ouargla......................................... L’Algérie dans les années 1864-1868 ............................................................ Les soldats algériens au service de l’Empire............................................... La grande insurrection de 1871..................................................................... La guerre de juillet à octobre 1871 ............................................................... La diaspora des prisonniers algériens dans le monde ............................... Christianisme et judaïsme dans l’Algérie coloniale du XIXe siècle .............. Les missions chrétiennes en Grande Kabylie .............................................. La conquête du Grand Sahara....................................................................... Les Algériens en Orient .................................................................................

171 175 177 181 185 187 191 193 197 201 203 209

GUERRES MONDIALES ET MONTÉE DU NATIONALISME ALGÉRIEN Les Algériens dans la Première Guerre mondiale....................................... L’Algérie de 1918 à 1939................................................................................. L’Algérie dans la Seconde Guerre mondiale................................................. Du débarquement américain en Algérie à la campagne de Tunisie (19421943)............................................................................................................. Les soldats algériens sur le front d’Italie (juillet 1943-juin 1944) .............. La libération de la France, de la Provence à l’Alsace .................................. Les soldats algériens en Allemagne.............................................................

213 219 225 227 233 235 239

RÉVOLTES ET RÉPRESSIONS DE SÉTIF À GUELMA La répression disproportionnée de 1945....................................................... Sétif, 8 mai 1945 ............................................................................................. La guerre de représailles au nord de Sétif................................................... Exécutions sommaires préventives à Guelma ..............................................

241 243 247 253

LA GUERRE D’INDÉPENDANCE 1954-1956, le début de la guerre d’indépendance ....................................... La « Toussaint rouge » ................................................................................... Août 1955 : l’embrasement du Nord-Constantinois..................................... La riposte militaire française en 1954-1956 ................................................. La Kabylie dans la guerre .............................................................................. L’ALN à son apogée en 1957.......................................................................... Les opérations françaises, 1957-1958 .......................................................... La bataille militaro-policière d’Alger............................................................. La bataille du barrage est en 1958 ............................................................... La stratégie contre-insurrectionnelle française........................................... Arrestations de masse et centres de renseignement (CTT, CMI, DOP et autres CRA) .............................................................................................

256 259 265 269 273 275 277 279 285 287 293

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Table des matières 413

Le FLN en Europe .......................................................................................... Le FLN et le monde arabe............................................................................. Le FLN dans le monde................................................................................... Le plan Challe................................................................................................. De Gaulle en Algérie ...................................................................................... Le Sahara et les sites stratégiques français................................................ La répression du 17 octobre 1961 à Paris ....................................................

297 301 305 309 315 321 327

LES DÉCHIRURES DE LA POPULATION FRANCO-ALGÉRIENNE Des violences exacerbées, de mars à l’été 1962.......................................... 331 Des Européens d’Algérie aux pieds-noirs en France................................... 335 La France, refuge des combattants algériens pro-français ........................ 341

TRENTE ANS DE RECONSTRUCTION AUTORITAIRE Les années Les années L’Algérie de Les années

Ben Bella .................................................................................... Boumediene................................................................................ Boumediene et le monde .......................................................... Chadli ..........................................................................................

347 353 361 365

DE LA GUERRE CIVILE AU HIRAK De la crise politique à la guerre civile (1991-1994) ..................................... Les années de sang, 1996-1999 .................................................................... La décennie Bouteflika, 2002-2012 ............................................................... Le clan Bouteflika face au Hirak ................................................................... L’Algérie en 2022 et les défis de la mondialisation (réseaux, pandémie, crise du pétrole…) .......................................................................................

373 377 383 389 393

Remerciements............................................................................................... 395 Bibliographie ................................................................................................... 397 Crédits iconographiques................................................................................. 409