Allergologie de L'enfant Et de L'adolescent [PDF]

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Zitiervorschau

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent

Chez le même éditeur Dans la collection Pedia Cardiologie de l’enfant, par R. Henaine, S. Di Filippo et J.-B. Thambo, 2021, à paraître. La drépanocytose de l’enfant et de l‘adolescent, par M.  de Montalembert, V.  Brousse, M.  Taylor ­Marchetti, S. Allali, 2020, 248 pages. Néphrologie de l’enfant, par J. Bacchetta et O. Boyer, 2020, 512 pages. Soins palliatifs du nouveau-né à l’adolescent, par S. Frache et M. Schell, 2019, 368 pages. La bouche de l’enfant et de l’adolescent, par B. Thivichon-Prince et B. Alliot-Licht, 2019, 356 pages. Diabétologie de l’enfant, par M. Nicolo et R. Coutant, 2019, 344 pages. Hépatologie de l’enfant, par A. Lachaux et F. Lacaille, 2018, 288 pages. Les enfants DYS, par P. Fourneret, D. Da Fonseca, 2018, 296 pages. Cancérologie de l’enfant, par Y. Pérel et D. Plantaz, 2017, 448 pages. Troubles des conduites alimentaires chez l’enfant et l’adolescent, par N. Peretti et A. Bargiacchi, 2017, 282 pages. Pathologie orthopédique de l’enfant, par G. Penneçot et D. Mouliès, 2017, 324 pages. ORL de l’enfant, par P. Fayoux et V. Couloignier, 2016, 384 pages. Autres ouvrages Urgences pédiatriques, 4e édition, par G. Chéron, 2018, 992 pages. Alimentation de l’enfant de 0 à 3 ans, 3e édition, par P. Tounian, 2017, 224 pages. Le développement de l’enfant. Du normal aux principaux troubles du développement, par A. de Broca, 2017, 272 pages. Réanimation et soins intensifs en néonatologie, coordonné par P.-H. Jarreau, 2016, 776 pages. Infections néonatales. Bactériennes, mycosiques, parasitaires et virales, par Y.  Aujard, 2015, 272 pages.

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent Jacques Brouard

Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service de pédiatrie médicale du CHU de Caen

Guillaume Lezmi

Maître de conférences des Universités , praticien hospitalier, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris

Guillaume Pouessel

Praticien hospitalier, chef de service de pédiatrie, Hôpital Victor-Provo, Roubaix

Préfaces Alain Didier Jocelyne Just Pierre Scheinmann

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France Allergologie de l’enfant et de l’adolescent, de Jacques Brouard, Guillaume Lezmi et Guillaume Pouessel. © 2021 Elsevier Masson SAS ISBN : 978-2-294-76475-2 e-ISBN : 978-2-294-77026-5 Tous droits réservés.

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Table des matières Liste des collaborateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Préface 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Préface 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Préface 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Liste des abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

XI XV XVII XIX XXI

Partie 1

Les fondamentaux en allergologie

Chapitre 1

Définitions utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Guillaume Lezmi et Claude Ponvert Physiopathologie de l’hypersensibilité immédiate . . . . . . . . . . . 7 Nhân Pham Thi Épidémiologie des maladies allergiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Guillaume Pouessel et Luciana Kase Tanno Diagnostiquer une allergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 4.1. Principes généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Guillaume Lezmi 4.2. Comment bien conduire l’entretien . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Pierrick Cros et Lea Gaitan 4.3. La bonne pratique des tests cutanés : modalités, interprétation et limites – prick tests . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Tomas Moraly et Christine Delebarre-Sauvage 4.4. Tests épicutanés (patch tests) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Tomas Moraly et Christine Delebarre-Sauvage 4.5. Intradermoréactions (IDR) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Tomas Moraly et Christine Delebarre-Sauvage 4.6. Intérêt des outils biologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Eva Serrano, Moïse Michel, Anna Abecassis et Joana Vitte 4.7. Tests de provocation par voie orale pour les allergies alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 Antoine Deschildre

Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4

Partie 2

La diversité des maladies allergiques

Chapitre 5

Asthme allergique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre, Caroline Thumerelle, Jacques Brouard et Caroline Faucon

vi Chapitre 6

Allergies alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 6.1. Allergie aux protéines de lait de vache : histoire naturelle, modalités de réintroduction après une éviction. . . . . . . . . . 69 Étienne Bidat et Grégoire Benoist 6.2. Allergie à l’œuf . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Florence Lageix et Albanne Branellec 6.3. Allergie à l’arachide. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 Elena Bradatan 6.4. Allergie aux fruits à coque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Amandine Divaret-Chauveau 6.5. Rosacées et syndrome d’allergie pollens-aliments . . . . 89 Dominique Sabouraud-Leclerc 6.6. Allergie aux crustacés et aux poissons . . . . . . . . . . . . . . . 93 Carine Metz-Favre 6.7. Le Réseau d’Allergo-Vigilance® : banque de données sur les anaphylaxies sévères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 Pascale Beaumont, Dominique Sabouraud-Leclerc et Jean-Marie Renaudin 6.8. Syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Sibylle Blanc 6.9. Œsophagite et pathologies à éosinophiles . . . . . . . . . . . 105 Amandine Divaret-Chauveau et Marjorie Bonneton Chapitre 7 Rhinite et conjonctivite allergiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Jean-Luc Fauquert et Jean-Louis Degraix Chapitre 8 Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 8.1. Dermatite atopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Nathalia Bellon 8.2. Eczéma par allergie de contact dans la dermatite atopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Annick Barbaud Chapitre 9 Anaphylaxie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134 Guillaume Pouessel, Étienne Beaudouin et Luciana Kase Tanno Chapitre 10 Les nouvelles formes d’allergie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 10.1. Allergie alimentaire et transplantation hépatique . . . 146 Tamazoust Guiddir et Ariane Nemni 10.2. Syndrome α-gal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 Fanny Morel-Codreanu et Lydie Guénard-Bilbault 10.3. Anaphylaxie induite par l’effort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 Étienne Beaudouin, Guillaume Pouessel et Sébastien Lefèvre

vii Chapitre 11 Hypersensibilités et allergies médicamenteuses . . . . . . . . . . 157 11.1. Toxidermies sévères. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Guillaume Lezmi et Claude Ponvert 11.2. Réactions d’hypersensibilité aux antibiotiques chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Guillaume Lezmi et Claude Ponvert 11.3. Réactions d’hypersensibilité aux antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166 Guillaume Lezmi et Claude Ponvert 11.4. Réactions d’hypersensibilité aux vaccins chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172 Guillaume Lezmi et Claude Ponvert 11.5. Réactions médicamenteuses : évaluer le risque et savoir adresser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 Guillaume Lezmi et Claude Ponvert Chapitre 12 Allergie aux venins d’hyménoptères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 François Lavaud et Guy Dutau Chapitre 13 Ces maladies qui peuvent ressembler à l’allergie . . . . . . . . . . 187 13.1. Syndrome d’activation mastocytaire (SAMA). . . . . . . 189 Christine Bodemer et Laura Polivka 13.2. Angio-œdèmes héréditaires et acquis . . . . . . . . . . . . . . 194 Sébastien Lefèvre et Étienne Beaudouin 13.3. Urticaire chronique de l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 Olivier Carpentier 13.4. Syndrome de Lucie Frey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 Pierrick Cros 13.5. Intolérance aux FODMAP. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204 Patrice Serge Ganga-Zandzou 13.6. Aspergillose bronchopulmonaire allergique et pneumopathies d’hypersensibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207 Marie-Laure Dalphin et Alice Ladaurade

Partie 3

Prévention des maladies allergiques

Chapitre 14 Exposome, asthme et maladies allergiques . . . . . . . . . . . . . . . 217 Isabella Annesi-Maesano Chapitre 15 Microbiote et allergies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 Stéphane Hazebrouck Chapitre 16 Histoire naturelle des maladies allergiques . . . . . . . . . . . . . . . 229 Flore Amat

viii Chapitre 17 Comment prévenir la survenue des maladies allergiques ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235 Dominique Sabouraud-Leclerc Chapitre 18 Quelles recommandations sur la diversification alimentaire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242 Étienne Bidat et Grégoire Benoist

Partie 4

Vers une prise en charge globale et personnalisée

Chapitre 19 Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique . . . . . . Angélique Doc, Jean-Marc Rame et Émilie Capelli Chapitre 20 Immunothérapie orale pour les allergies alimentaires . . . . Stéphanie Wanin et Jocelyne Just Chapitre 21 Immunothérapie dans l’allergie respiratoire . . . . . . . . . . . . . . Laure Couderc Chapitre 22 Biothérapies et nouveaux traitements de l’asthme . . . . . . . Fina Agnès et Lisa Giovannini-Chami Chapitre 23 Induction de tolérance aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . . Guillaume Lezmi et Claude Ponvert Chapitre 24 Accueillir l’enfant avec une allergie alimentaire en collectivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adjokè Clarisse Santos et Guillaume Pouessel Chapitre 25 Éducation thérapeutique du patient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adjokè Clarisse Santos et Françoise Le Pabic Chapitre 26 Omics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Karine Adel-Patient Chapitre 27 Retentissement psychologique des allergies de l’enfant et de l’adolescent. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Mathieu Zannotti Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

251 259 268 274 283

288 297 303

309 313

Table des compléments en ligne Accédez à l’ensemble des compléments en ligne, signalés dans l’ouvrage par le picto , en vous connectant à l’adresse suivante : http://www.em-consulte.com/ e-complement/476475.

Figures Chapitre 7 e-Figure 7.2 Kératoconjonctivite vernale : macropapilles sur la conjonctive tarsale retournée. e-Figure 7.3 Kératoconjonctivite vernale : grains (flèche rouge).

Chapitre 19 e-Figure 19.1 Exemple de la pâte à tartiner Ovomaltine®. e-Figure 19.2 Exemple de la pâte à tartiner Banania®. e-Figure 19.3 Emballage et tableau nutritionnel des Barquettes Lulu® Fraise. e-Figure 19.4 Liste des ingrédients des Barquettes Lulu® Fraise. e-Figure 19.5 Emballage et tableau nutritionnel du véritable Petit Beurre® LU. e-Figure 19.6 Liste des ingrédients du véritable Petit Beurre® LU.

Chapitre 25 e-Figure 25.1 Auto-évaluation enfant. e-Figure 25.2 Auto-évaluation parents.

X

Tableaux Chapitre 7 e-Tableau 7.4 DCI des principaux traitements antiallergiques locaux des conjonctivites allergiques. e-Tableau 7.5 Noms commerciaux des principaux traitements antiallergiques locaux des conjonctivites allergiques. e-Tableau 7.6 Larmes artificielles ou substituts lacrymaux (SL).

Encadrés Chapitre 9 e-Encadré 9.3 Indications absolues et relatives de prescription d’un auto-injecteur d’adrénaline.

Chapitre 19 e-Encadré 19.1 Exemple de mise en situation pour évaluer la capacité de l’enfant à repérer ses allergies ? e-Encadré 19.2 Exemples de lecture de produits industriels.

Chapitre 25 e-Encadré 25.3 Les membres du GRETAA (2020).

Liste des collaborateurs Coordinateurs ■■ Jacques Brouard, professeur des Universités, praticien hospitalier, pédiatre, CHU de Caen, Université de Caen ■■ Guillaume Lezmi, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Guillaume Pouessel, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologue et allergologue, chef de service de pédiatrie, Hôpital Victor-Provo, Roubaix, Hôpital Jeannede-Flandre, CHU de Lille Collaborateurs ■■ Anna Abecassis, Aix-Marseille Université, AP-HM, Hôpital de La Conception, IHU Méditerranée Infection, Marseille ■■ Karine Adel-Patient, PhD, HDR, directrice de recherches, UMR CEA-INRA, service de pharmacologie et d’immunoanalyse, Laboratoire d’immuno-allergie alimentaire, Université Paris-Saclay ■■ Flore Amat, praticien hospitalier, pneumopédiatre allergologue, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris ■■ Isabella Annesi Maesano, directrice de recherche INSERM, professeure des Universités, épidémiologiste, Inserm Université de Montpellier, Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique, Montpellier ■■ Annick Barbaud, professeure des Universités, praticien hospitalier, Hôpital Tenon, Inserm Sorbonne Université, Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique ■■ Étienne Beaudouin, praticien hospitalier, médecin interniste et  allergologue, Hôpital de Mercy, Metz ■■ Pascale Beaumont, allergologue, vice-présidente du Réseau d’Allergo-Vigilance, Saint-Maur-des-Fossés ■■ Nathalia Bellon, praticien hospitalier, dermatologue, allergologue, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Grégoire Benoist, pédiatre, pneumologue et  allergologue, CHU AmbroiseParé, Boulogne-Billancourt ■■ Étienne Bidat, pédiatre, pneumologue et allergologue, Paris et CHU AmbroiseParé, Boulogne-Billancourt ■■ Sibylle Blanc, praticien hospitalier, pédiatre allergologue, Hôpitaux pédiatriques de Nice CHU-Lenval, Nice

XII Christine Bodemer, professeure des Universités, praticien hospitalier, dermatologue, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris, Inserm, Université Paris-Centre, Paris, CEREMAST, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Marjorie Bonneton, praticien hospitalier, pédiatre gastro-entérologue, CHRU de Nancy ■■ Elena Bradatan, pédiatre, pneumologue et  allergologue, CHR de Namur, Belgique ■■ Albanne Branellec, praticien attaché, allergologue, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Jacques Brouard, professeur des Universités, praticien hospitalier, pédiatre, CHU de Caen, Université de Caen ■■ Émilie Capelli, diététicienne nutritionniste, Conseil départemental du Doubs ■■ Olivier Carpentier, praticien hospitalier, dermatologue, CH Victor Provo, Roubaix ■■ Laure Couderc, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologue et allergologue, Hôpital Charles-Nicolle, Rouen ■■ Pierrick Cros, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologue et  allergologue, Hôpital Morvan, CHRU de Brest ■■ Marie-Laure Dalphin, praticien hospitalier, pédiatre, CHRU de Besançon ■■ Jean-Louis Degraix, ORL, service d’explorations orofaciales, Hôpital ÉdouardHerriot-HCL, Lyon ■■ Christine Delebarre-Sauvage, chef de service, praticien hospitalier, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Lille ■■ Antoine Deschildre, pédiatre pneumologue, allergologue, Hôpital Jeanne-deFlandres, CHU de Lille, Université de Lille, INSERM, Lille et Institut Pasteur, Lille ■■ Amandine Divaret-Chauveau, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, pédiatre allergologue, Hôpitaux de Brabois, CHRU de Nancy ■■ Angélique Doc, diététicienne, spécialisée dans les allergies alimentaires, CHRU Besançon ■■ Guy Dutau, professeur émérite, Toulouse ■■ Caroline Faucon, pédiatre, allergologue, chef de clinique assistant des hôpitaux, CHU de Caen ■■ Jean-Luc Fauquert, praticien hospitalier, CHU Estaing, Clermont-Ferrand ■■ Agnès Fina, chef de clinique assistant des hôpitaux, pédiatre, Fondation Lenval, CHU de Nice ■■ Lea Gaitan, chef de clinique assistant des hôpitaux, Hôpital Morvan, CHRU de Brest ■■ Patrice-Serge Ganga-Zandzou, praticien hospitalier, pédiatre gastro-entérologue, Hôpital Victor-Provo, Roubaix ■■ Lisa Giovannini-Chami, professeure des Universités, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologie et allergologue, Fondation Lenval, CHU de Nice ■■ Lydie Guénard-Bilbault, praticien attaché, allergologue, Illkirch et Hôpitaux universitaires de Strasbourg ■■

XIII XIII Tamazoust Guiddir, praticien hospitalier, CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre Stéphane Hazebrouck, chercheur, CEA, INRAE, service de pharmacologie et d’immunoanalyse, Laboratoire d’immuno-allergie alimentaire, Université ParisSaclay ■■ Luciana Kase Tanno, professeure, CHRU Montpellier et Université de Sorbonne-Montpellier, Inserm Paris ■■ Alice Ladaurade, chef de clinique assistant, pédiatre, CHRU de Besançon ■■ Florence Lageix, praticien hospitalier, pédiatre, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris ■■ François Lavaud, praticien hospitalier honoraire, rédacteur en chef de la Revue Française d’Allergologie, Reims ■■ Sébastien Lefèvre, praticien hospitalier, allergologue, Hôpital de Mercy, Metz ■■ Stéphanie Lejeune, maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologue, allergologue, Hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, Université de Lille, INSERM et Institut Pasteur de Lille ■■ Françoise Le Pabic, praticien hospitalier attaché, pédiatre, pneumologue et allergologue, Groupement Hospitalier de Bretagne, Lorient ■■ Guillaume Lezmi, maître de conférences des Universités, Hôpital NeckerEnfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Carine Metz-Favre, praticien hospitalier, pneumologue et allergologue, CHU de Strasbourg et CHR de Haguenau ■■ Moïse Michel, Aix-Marseille Université, IHU Méditerranée Infection, Marseille, CHU deNîmes,Nîmes ■■ Tomas Moraly, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Lille ■■ Françoise Morel-Codreanu, allergologue, CH de Luxembourg-Kanner Klinik, Luxembourg ■■ Ariane Nemni, praticien hospitalier, centre hospitalier intercommunal RobertBallanger, Aulnay-sous-Bois ■■ Nhân Pham Thi, pédiatre pneumologue, allergologue, Institut de recherche biomédicale des armées, Brétigny-sur-Orge, et École Polytechnique, Palaiseau ■■ Laura Polivka, chef de clinique assistant, dermatologue, Hôpital NeckerEnfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Claude Ponvert, Hôpital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris ■■ Guillaume Pouessel, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologue et allergologue, Hôpital Victor-Provo, Roubaix, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille ■■ Jean-Marc Rame, allergologue, RAFT et CHRU de Besançon ■■ Jean-Marie Renaudin, praticien hospitalier, allergologue, président d’honneur du Réseau d’Allergo-Vigilance, centre hospitalier E.-Durkheim, Épinal ■■ Dominique Sabouraud-Leclerc, praticien hospitalier, pédiatre, pneumologue et  allergologue, présidente du Réseau d’Allergo-Vigilance, American Memorial Hospital, CHU de Reims ■■ ■■

XIV Adjokè Clarisse Santos, praticien hospitalier attaché, pédiatre, pneumologue et  allergologue, Hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, hôpital Victor-Provo, Roubaix ■■ Eva Serrano, Aix-Marseille Université, AP-HM, Hôpital de La Conception, IHU Méditerranée Infection, Marseille ■■ Caroline Thumerelle, pédiatre, pneumologue, allergologue, Hôpital Jeannede-Flandre, CHU de Lille, Université de Lille, INSERM et Institut Pasteur de Lille ■■ Joana Vitte, Aix-Marseille Université, APHM, IHU Méditerranée Infection, Marseille ■■ Stéphanie Wanin, praticien hospitalier, Hôpital Armand-Trousseau, Paris ■■ Mathieu Zannotti, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, Institut de l’enfant, Boulogne-Billancourt ■■

Préface 1 La parution de cet ouvrage médico-scientifique sur l’allergologie de l’enfant et de l’adolescent s’imposait pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, elle vient opportunément combler un long vide éditorial car, depuis le traité d’allergologie édité en 2003 sous la houlette des professeurs Antoine Magnan et Daniel Vervloet et dont la couverture rouge illumine encore quelques bibliothèques, nous ne disposions plus d’un livre de référence dans le domaine de l’allergie. Il n’échappera à personne le paradoxe de cette situation alors que l’allergologie a acquis, depuis 2017 et la mise en place de la réforme du troisième cycle, le statut de spécialité à part entière. On imagine sans peine le succès que devrait rencontrer cet ouvrage très complet pour ne pas dire exhaustif auprès des étudiants et des enseignants engagés dans tout ce qui concerne la formation à la prise en charge des maladies allergiques. L’évolution des connaissances en allergologie a été, ces dernières années, étonnante dans tous les domaines, qu’ils soient fondamentaux, diagnostiques, thérapeutiques mais aussi sur le terrain de la pratique avec l’avènement de la e-santé dont notre spécialité a su saisir les enjeux pour l’avenir. Au fil du temps, chacun d’entre nous s’est intéressé selon sa sensibilité et son mode d’exercice, à tels ou tels aspects ; cependant, disposer d’un document unique donnant accès à une vision moderne de chacun de ces chapitres est une aubaine renforcée du plaisir encore irremplaçable de tourner les pages d’un vrai livre. Mettre le projecteur sur l’enfant et l’adolescent est une démarche logique car l’histoire de l’allergique, cette fameuse « Marche allergique » ou Atopic March de la littérature anglo-saxonne, commence dès les premières semaines de vie, voire avant – dans l’espace douillet du cocon utérin déjà soumis à l’influence de l’environnement. Cet environnement ou plutôt ces environnements ne vont pas cesser, par la suite, d’interférer avec le jeune atopique pour moduler l’expression clinique des symptômes, leur sévérité, l’atteinte préférentielle de tel ou tel organe dans un ballet complexe où interviennent aussi, tout au long de la vie, les acteurs du système immunitaire et endocrinien sans parler des possibilités de plus en plus nombreuses d’interventions thérapeutiques à visée préventives ou curatives. La lecture du sommaire de l’ouvrage illustre à elle seule la richesse et la complexité du monde de l’allergie et devrait aiguiser l’appétit de tous ceux que l’allergologie intéresse. Enfin, ce livre coordonné par les trois experts allergo-pédiatres que sont Jacques Brouard, Guillaume Lezmi et Guillaume Pouessel met aussi en exergue le caractère

XVI transversal voire pluri-professionnel de la discipline allergologique. On remarquera, en effet, que pour chaque chapitre, la collaboration des auteurs les plus pertinents sur le sujet a été sollicitée sans se limiter à la sphère allergo-pédiatrique. Cet aspect collaboratif, transversal et décloisonné constitue indiscutablement un enjeu majeur et un atout du métier d’allergologue de demain. Remercions donc nos trois mousquetaires pour cette belle initiative et souhaitons beaucoup de succès à ce livre qui devrait rapidement devenir un bestseller dans l’univers francophone allergologique. Amis allergologues lecteurs, à vos pages… Alain Didier

MD, PhD, professeur des universités, praticien hospitalier Président de la Société française d’Allergologie Hôpital Larrey, CHU de Toulouse

Préface 2 L’allergologie est devenue une spécialité à part entière en décembre 2017 et avec d’autres, je me suis battue pour cela car cette discipline le mérite, tant elle se décline au présent et au futur avec les changements de notre environnement et les avancées de l’immunologie. Cette spécialité est riche, multidisciplinaire et transversale ; elle est le lien entre de nombreuses spécialités : pédiatrie, dermatologie, pneumologie, ORL, ophtalmologie, gastro-entérologie, médecine interne, immunologie… Cet ouvrage de référence en allergologie pédiatrique n’a pu se concrétiser qu’avec le concours de Jacques Brouard, Guillaume Pouessel et Guillaume Lezmi, qui ont conçu les contenus et les objectifs, ont articulé le plan, centré sur les développements les plus récents sur le plan clinique et thérapeutique de la discipline. Ce livre va apporter aux étudiants les bases des connaissances les plus récentes de l’allergologie pédiatrique en matière de description clinique, mais aussi de constats épidémiologiques et d’avancées diagnostiques et thérapeutiques en immunologie. Cependant, il faudra encore et toujours se former à l’allergologie, car l’environnement modèle les allergies qui deviennent de plus en plus complexes. Les allergies, témoin d’une bonne santé au début du siècle dernier, deviennent multiples et de pronostics de plus en plus réservés. L’histoire naturelle des allergies change, comme en témoignent les allergies respiratoires de plus en plus précoces, les allergies alimentaires qui perdurent dans l’enfance au lieu d’évoluer vers la guérison naturelle. Les allergies sont maintenant un problème majeur de santé publique en lien avec notre environnement délétère (réchauffement climatique, orages, allongement de la pollinisation, pollution atmosphérique, mégapole, exode rural) et c’est aux futurs allergologues d’observer ces liens entre l’expression des allergies et l’environnement, et d’être les médecins d’alerte pour les autorités qui nous gouvernent. Prenez du plaisir à apprendre grâce à cet ouvrage collectif d’allergologues experts et de différents horizons sur les avancées actuelles en allergologie pédiatrique. Jocelyne Just

MD, PhD, professeure des universités, praticien hospitalier Past-présidente de la Société française d’Allergologie, du collège des enseignants en allergologie et du Conseil national professionnel en Allergologie Vice-présidente de la Fédération française d’Allergologie Hôpital Armand-Trousseau, Paris

Préface 3 L’extraordinaire évolution des concepts physiopathologiques permettant de passer de la clinique-phénotypes aux mécanismes-endotypes, la prise en compte de l’hétérogénéité des maladies allergiques conduisant à une médecine de précision et aussi à une prise en charge individualisée, tous ces bouleversements récents justifient ce livre consacré à l’allergologie de l’enfant et de l’adolescent. Les études épidémiologiques, les suivis longitudinaux de cohortes depuis la naissance, et même avant, jusqu’à l’adolescence, et bien au-delà, démontrent l’influence déterminante de l’enfance sur l’histoire de l’allergie. En parallèle, les progrès en génétique sont incessants, comme ceux en épigénétique. Ainsi est mise en exergue cette ancienne notion chère aux allergologues, celle des liens entre « terrain » et « environnement ». Le livre montre bien l’importance des équipes multidisciplinaires, impliquées dans la recherche fondamentale et la prise en charge, au quotidien, des enfants allergiques et de leurs familles. Certaines techniques thérapeutiques, certains médicaments sont et resteront utiles, indispensables. S’y ajoutent les avancées en immunologie –  immunité acquise et innée, les différentes populations lymphocytaires, les allergies IgE dépendantes et les autres –, la biologie moléculaire, les biothérapies qui toutes ont, auront un impact direct sur la prise en charge des enfants malades. Et, on l’espère, sur la prévention. L’irruption relativement récente des outils informatiques (e-médecine, télémédecine, intelligence artificielle, big data) contribue à faire de l’allergologie une science d’avenir passionnante. Les relations médecins-malades seront transformées. La raison d’être des allergologues est de permettre à l’enfant allergique de vivre « normalement » aussi bien à son domicile qu’à l’école, de faire du sport, de se nourrir, de faciliter son insertion sociale, de protéger son développement pulmonaire dont il aura tant besoin à l’âge adulte. Les allergologues ont une mission de vigilance, d’alerte, tant les bouleversements environnementaux, respiratoires et autres, les changements climatiques, les modifications des microbiomes risquent de fragiliser, d’altérer les fonctions de barrière des tissus respiratoires (nez, bronches), oculaires, cutanés, digestifs. L’allergologie est une science transversale visant à une prise en charge globale du patient dans son environnement. À l’aube du xxie  siècle, l’allergologue est ainsi la liaison directe avec les différentes spécialités et facettes de la médecine

XX d’adulte et de la pédiatrie, en contact étroit avec l’évolution de notre mode de vie. L’allergologie associe science et conscience, transmission du savoir et savoir-faire au nom impérieux de l’éthique. Pierre Scheinmann

Professeur de médecine Service de pneumologie et allergologie pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris

Liste des abréviations AA allergie alimentaire AAIE anaphylaxie alimentaire induite par l’effort ABPA aspergillose bronchopulmonaire allergique ADO allergènes à déclaration obligatoire AEG altération de l’état général Af Aspergillus fumigatus α-gal galactose-α-1,3-galactose AGCC acides gras à chaîne courte AIA auto-injecteur d’adrénaline AIE anaphylaxie induite par l’effort AINS anti-inflammatoire non stéroïdien AMM autorisation de mise sur le marché ANSES  Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail AoH angio-œdème héréditaire APLV allergie aux protéines du lait de vache APSI allergènes préparés spécialement pour un individu ATB antibiotique BDLA bronchodilatateur de longue durée d’action BL bêtalactamines BSE batterie standard européenne BUT break up time (temps de rupture du film lacrymal) C1 Inh C1 inhibiteur CA conjonctivite allergique CAP conjonctivite allergique perannuelle CAS conjonctivite aiguë et saisonnière CI contre-indication CIM Classification internationale des maladies CMH complexe majeur d’histocompatibilité COV composés organiques volatils COX cyclo-oxygénase CPA cellule présentatrice d’antigène CSI corticostéroïde inhalé CSO corticothérapie orale CVF capacité vitale forcée DA dermatite atopique DGS Direction générale de la santé

XXII DNAA diététicien nutritionniste spécialisé en allergie alimentaire DRESS drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms EAACI European Academy of Allergy and Clinical Immunology (Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique) EAC eczéma par allergie de contact ECA enzyme de conversation de l’angiotensine ECP eosinophil cationic protein ED eliciting dose EDN eosinophil-derived neurotoxin EFR exploration fonctionnelle respiratoire EIM effets indésirables des médicaments EMP exanthème maculopapuleux EnvWAS Environment-Wide-Association Study EPO eosinophil peroxydase ESPGHAN European Society for Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition ETP éducation thérapeutique du patient EVA échelle visuelle analogique FAC fruits à coque FcεRI récepteur de haute affinité immunoglobuline de type E FMC formation médicale continue FODMAP  fermentescible, oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides, and polyols GINA Global Initiative for Asthma GM-CSF granulocyte macrophage-colony-stimulating factor GRETAA Groupe de réflexion en éducation thérapeutique dans l’allergie alimentaire GWAS Genome-Wide Association Study HDJ hôpital de jour HRC hyperréactivité conjonctivale HS hypersensibilité HS non-I hypersensibilité non immédiate HSI hypersensibilité immédiate IDR intradermoréaction IEC inhibiteur de l’enzyme de conversion Ig immunoglobuline IgEs immunoglobuline spécifique de type E IL interleukine IM intramusculaire INCO information du consommateur IPP inhibiteur de la pompe à protons IRM imagerie par résonance magnétique ISAAC International Study of Asthma and Allergies in Childhood

XXIII XXIII IT induction de tolérance ITA immunothérapie allergénique ITO immunothérapie orale ITSC immunothérapie sous-cutanée ITSL immunothérapie sublinguale KCA kératoconjonctivite atopique KCV kératoconjonctivite vernale KL kit-ligand KPS kératite ponctuée superficielle LB lymphocyte B LBA lavage bronchoalvéolaire LCI index de clairance pulmonaire LDV lait de vache LO lipo-oxygénase LT leucotriène/lymphocyte T LTP protéines de transfert lipidique LV lait de vache mAb anticorps monoclonaux MBP major basic protein MI microbiote intestinal NABM nomenclature des actes de biologie médicale NE nécrolyse épidermique NK cellules natural killer NO2 dioxyde d’azote NORA® Network for Online Registration of Anaphylaxis O3 ozone OE œsophagite à éosinophiles OMS Organisation mondiale de la santé ORL otorhinolaryngologiste PAF platelet-activating factor PAI projet d’accueil individualisé PAS pression artérielle systolique PDM produits de la mer PEAG pustulose exanthématique aiguë généralisée PG prostaglandine PHS pneumopathie d’hypersensibilité PID pneumopathie interstitielle diffuse PLV protéines de lait de vache PM10 particules respirables d’un diamètre inférieur à 10 μm PM2,5 particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 μm PNE polynucléaire éosinophile PR-10 pathogenesis related protein-10

XXIV PT prick test PVA parvalbumine r Ara h  recombinant Arachis hypogaea (allergène moléculaire de l’arachide – Arachis hypogaea) r Bet v 1  recombinant Betula verrucosa numéro 1 (allergène moléculaire du bouleau – Betula verrucosa) RA rhinite allergique RAV Réseau d’Allergo-Vigilance® RCA rhinoconjonctivite allergique RCP réunion de concertation pluridisciplinaire RGO reflux gastro-œsophagien ROAT Repeated Open Application Test ROR rougeole-oreillon-rubéole RV rhinovirus SA sérum albumine SAMA syndrome d’activation mastocytaire SAOS syndrome d’apnées obstructives du sommeil SAPA syndrome d’allergie pollens-aliments SCF stem cell factor SDRA syndrome de détresse respiratoire aiguë SEIPA syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires SFA Société française d’allergologie SI système immunitaire sIgG IgG spécifiques SO syndrome oral SSJ syndrome de Stevens-Johnson TAB test d’activation des basophiles TC test cutané TCR T cell receptor TEWL trans-epithelial water loss TH transplantation hépatique Th2 T helper de type 2 TLCO transfert pulmonaire du monoxyde de carbone TM tropomyosine TNF tumor necrosis factor TP test de provocation TPC test de provocation conjonctivale TPN test de provocation nasale TPO test de provocation oral TSLP thymic stromal lymphopoietin VEMS volume expiré maximum par seconde VRS virus respiratoire syncytial

PARTIE

1

Les fondamentaux en allergologie

CHAPITRE

1

Définitions utiles Guillaume Lezmi et Claude Ponvert

Allergène : antigène causant une réaction allergique. Un allergène est dans la majorité des cas une protéine d’origine animale ou végétale. ■ Allergène majeur : allergène contre lequel au moins 50 % des individus allergiques sont sensibilisés. Par exemple, r Bet v 1 est un allergène majeur du pollen de bouleau car la plupart des individus allergiques à ce pollen sont sensibilisés à cet allergène. ■ Allergène mineur : allergène contre lequel moins de 50 % des individus allergiques sont sensibilisés. ■ Allergène moléculaire : protéine allergisante au sein d’une source allergénique. Les allergènes moléculaires sont identifiés par leur nom latin, suivi de leur ordre de découverte. Ils sont précédés de la lettre r (pour recombinant, lorsqu’ils sont produits par recombinaison à partir de l’ADN), ou de la lettre n (pour naturel lorsqu’ils sont obtenus par purification de la source allergénique). Par exemple, 17 protéines allergisantes ou allergènes moléculaires sont décrites actuellement dans l’arachide (Arachis hypogaea) et sont identifiés ainsi : Ara h 1 à 17. Les allergènes moléculaires ou recombinants sont classés par famille ayant des fonctions similaires, conservées entre les espèces végétales (voir famille d’allergène moléculaire). Les protéines d’une même famille ont une structure très similaire expliquant les réactions croisées entre des allergènes de différentes sources. L’utilisation des allergènes moléculaires a également permis de mieux interpréter les polysensibilisations. ■ Allergie : hypersensibilité médiée par des mécanismes immunologiques spécifiques d’un allergène. L’allergie peut être médiée par des anticorps (par exemple, IgE spécifiques dans l’allergie IgE-médiée), ou par des cellules (par exemple, lymphocytes  T-mémoires). Les réactions allergiques surviennent obligatoirement ■

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4

Les fondamentaux en allergologie

chez des sujets sensibilisés préalablement à l’allergène (voir ci-dessous) et ne peuvent avoir lieu lors de la première exposition à l’allergène. ■ Anticorps : immunoglobuline ayant la propriété de se lier de façon spécifique à un antigène. ■ Antigène : substance pouvant générer la production d’anticorps spécifiques. ■ Atopie : propension des sujets prédisposés à fabriquer de manière anormale des IgE spécifiques contre un allergène donné. L’existence d’une atopie est documentée par la mise en évidence d’IgE spécifiques dans le sérum ou par la positivité des prick tests. ■ Dysbiose : déséquilibre de l’écosystème microbien. ■ Endotype  : mécanisme physiopathologique (cellulaire, moléculaire, etc.) caractérisant un profil de patients partageant un phénotype comparable. Par exemple, dans l’asthme, différents mécanismes physiopathologiques sont à l’origine de symptômes comparables. L’approche endotypique permet d’envisager un traitement personnalisé, adapté au profil du patient, dans le cadre d’une médecine de précision. ■ Épitope  : site d’un antigène reconnu par un anticorps. Plusieurs épitopes peuvent exister sur un antigène. Les épitopes peuvent être conformationnels (liés à la structure tridimensionnelle native de l’antigène), ou linéaires (séquence d’acides aminés) apparaissant après dénaturation de l’antigène (par chauffage ou dégradation notamment). ■ Famille d’allergènes moléculaires : ● les allergènes moléculaires sont classés par familles aux fonctions conservées. Parmi les sources végétales, on distingue 4  grandes familles  : les profilines (protéines du cytosquelette, participant au transport intra cellulaire), les PR-10 (pathogenesis related protein-10, impliquées dans la réponse contre les pathogènes et les fonctions de reproduction), les protéines de transfert lipidique (LTP, impliquées dans le transfert de phospholipides et la défense) et les protéines de stockage (albumine, vicilline, légumines) ; ● exemples de famille d’allergènes moléculaires : Famille source Arachide

Profilines Ara h 5

Noisette

PR-10

LTP

Protéines de stockage

Ara h 8

Ara h 9

Ara h 1,2,3,6

Cor a 1

Cor a 8

Cor a 9,14

Cajou

Ana o 1,2,3

Soja

Gly m 3

Gly m 4

Pomme

Mal d 4

Mal d 1

Bouleau

Bet v 2

Bet v 1

Gly m 5,6,8 Mal d 3

Définitions utiles

certaines protéines dites « panallergènes » sont ubiquitaires, car présentes dans plusieurs sources différentes, expliquant des réactions croisées. Ainsi, des PR-10 sont présentes dans les pollens de bouleau, les rosacées, la noisette ou l’arachide. Les allergènes moléculaires appartenant aux PR-10 et aux profilines sont fragiles, détruits facilement par la chaleur ou l’acidité, et donc généralement responsables de réactions allergiques peu sévères, souvent limitées à la sphère orale. Les allergènes moléculaires appartenant aux LTP ou aux protéines de stockage sont à l’inverse très résistants et potentiellement responsables de symptômes plus sévères. Au sein d’une source allergénique, les allergènes moléculaires peuvent appartenir à plusieurs familles. L’Ara  h  8 et le Bet  v  1 appartenant à la même famille, ils ont une structure proche. Les IgE spécifiques anti-Bet v 1 peuvent donc reconnaître Ara h 8 expliquant ainsi les réactions croisées entre ces deux sources allergéniques (bouleau et arachide). Ce type de mécanismes explique également les allergies croisées bouleau-pomme, bouleau-noisette ou bouleau-rosacées. ■ Haptène  : petite molécule qui à elle seule, ne peut générer une réponse immunitaire, mais qui peut former, lorsqu’elle est liée de façon covalente à une protéine, un complexe antigénique « haptène-protéine » capable de déclencher une réponse immunitaire spécifique. À titre d’exemple, l’amoxicilline est un haptène qui peut se lier à l’albumine sérique pour former un complexe antigénique pouvant déclencher de réactions médiées par des IgE ou des lymphocytes T spécifiques. ■ Hypersensibilité : réaction anormale et reproductible à une substance donnée. Elle peut être d’origine immunologique (allergique) ou non. ■ Immunothérapie allergénique  : procédure thérapeutique consistant à exposer au long cours un patient allergique à des doses généralement faibles de l’allergène responsable, dans le but de réduire la réactivité ou d’induire une tolérance prolongée à l’allergène. Les modifications de la réactivité à l’allergène sont médiées par des mécanismes immunologiques. L’immunothérapie allergénique peut être utilisée notamment en cas de rhinoconjonctivite allergique, d’asthme allergique, d’allergie alimentaire IgE-médiée, et d’allergie aux venins d’hyménoptères. En pratique, le terme « désensibilisation » est souvent utilisé pour désigner l’immunothérapie allergénique. ■ Induction de tolérance : induction d’un état de tolérance temporaire à un médicament ou à une substance biologique responsable de réaction allergique ou d’hypersensibilité. ■ Maladies allergiques ou atopiques  : il s’agit de l’allergie alimentaire IgEmédiée, de l’asthme allergique, de la rhinoconjonctivite allergique et de la dermatite atopique. Les allergies alimentaires non-IgE médiées ou l’asthme non allergique, ne sont pas des maladies « atopiques ». ●

5

6

Les fondamentaux en allergologie

Réaction immédiate  : réaction survenant immédiatement après l’exposition à l’allergène. La définition du caractère immédiat des réactions est cependant variable  : ≤  2  heures pour un aliment, ≤  1  heure pour un médicament, ≤ 1–4 heures pour les vaccins. Une réaction de chronologie immédiate évoque un mécanisme IgE-médié. Cependant, des mécanismes non IgE-médiés sont possibles et certaines réactions immédiates résultent d’une hypersensibilité non allergique. ■ Réaction retardée  : réaction survenant dans les heures ou les jours qui suivent l’exposition à l’allergène, parfois après plusieurs semaines dans les toxidermies sévères. Une réaction de chronologie retardée n’évoque pas un mécanisme IgE-médié, mais un mécanisme cellulaire, notamment lymphocytaire T. ■ Réactivité croisée  : phénomène immunologique survenant lorsque qu’un anticorps spécifique d’un allergène reconnaît des allergènes d’autres sources par homologie de structure (épitopes conformationnels ou linéaires). Ces structures sont souvent conservées entre protéines ayant des fonctions similaires. ■ Sensibilisation : processus physiopathologique au cours duquel une réponse immunitaire spécifique d’un allergène est générée : production d’IgE spécifiques, de lymphocytes T mémoires ou autre. Le processus de sensibilisation précède obligatoirement toute réaction allergique. La sensibilisation a lieu lors des premières expositions à l’allergène. En pratique courante, lorsqu’un patient possède des IgE spécifiques contre un allergène, il est dit sensibilisé à cet allergène. ■

Pour en savoir plus Johansson SG, Bieber T, Dahl R, et al. Revised nomenclature for allergy for global use : Report of the Nomenclature Review Committee of the World Allergy Organization. J Allergy Clin Immunol 2004 ; 113 : 832‒6. Muraro A, Werfel T, Hoffmann-Sommergruber K, et al. EAACI food allergy and anaphylaxis guidelines : diagnosis and management of food allergy. Allergy 2014 ; 69 : 1008‒25. Pichler WJ. Immune pathomechanism and classification of drug hypersensitivity. Allergy 2019 ; 74 : 1457‒71. Sampson HA, Aceves S, Bock SA, et al. Food allergy : a practice parameter update-2014. J Allergy Clin Immunol 2014 ; 134 : 1016‒25.e43. Werfel T, Asero R, Ballmer-Weber BK, et al. Position paper of the EAACI : food allergy due to immunological cross-reactions with common inhalant allergens. Allergy 2015 ; 70 : 1079‒90.

CHAPITRE

2

Physiopathologie de l’hypersensibilité immédiate Nhân Pham Thi PLAN DU CHAPITRE ■■ Introduction ■■ Phase de sensibilisation  ■■ Phase effectrice ■■ Conclusion

POINTS CLÉS La phase de sensibilisation survient chez des sujets prédisposés et se caractérise par la production d’IgE spécifiques (sIgE) contre des substances de l’environnement. ■ L’exposition ultérieure à l’allergène induit la dégranulation des mastocytes (tissulaires) et basophiles (sanguins) libérant des médiateurs préformés (histamine, sérotonine, tryptase, etc.) et la production rapide des médiateurs « néoformés » (prostaglandines et leucotriènes) responsables d’une réaction immédiate. ■ L’activation de ces cellules induit également la production de cytokines et chémokines induisant une réponse inflammatoire tardive. ■

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Les fondamentaux en allergologie

Introduction L’hypersensibilité immédiate correspond la physiopathologie de l’allergie IgEmédiée. Elle comporte une première phase de sensibilisation ayant lieu lors des premières expositions, parfois dès la période anténatale, au cours desquelles les sujets prédisposés fabriquent de façon anormale des sIgE contre un ou plusieurs allergènes. Les sIgE ne franchissent pas la barrière placentaire. Elles peuvent être détectées dès les premiers jours de vie. Les sIgE se fixent sur leur récepteur de haute affinité (FcεRI), situés sur la surface des mastocytes tissulaires et des polynucléaires basophiles sanguins. Lors d’une exposition ultérieure chez les sujets préalablement sensibilisés, une réaction allergique immédiate survient. Les réactions sont systématiques en cas d’exposition. Il existe néanmoins un seuil déclenchant, variable d’un individu à l’autre et variable chez un même individu selon le contexte (infection, menstruations, effort, consommation d’alcool, prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, stress, etc.), et l’allergène impliqué (quantité, propriétés, matrice, etc.).

Phase de sensibilisation  Elle survient lors du ou des premiers contacts avec l’allergène, chez les sujets prédisposés. L’allergène est capté au niveau de l’épithélium ou la muqueuse sous-jacente par des cellules dendritiques ou cellules présentatrices d’antigènes (CPA). La CPA internalise l’allergène et le modifie (processing), en migrant vers le ganglion lymphatique locorégional. Dans le ganglion lymphatique locorégional, la CPA présente l’allergène aux lymphocytes T CD4 naïfs. Le peptide antigénique est présenté par une molécule du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de type 2 au récepteur du lymphocyte T : T cell receptor (TCR). Sous l’influence du milieu, riche en cytokines « pro-allergisantes » dites Th2 (T helper de type 2), notamment interleukine (IL)-4 et IL-13, la présentation du peptide antigénique au lymphocyte T naïf induit sa différenciation en lymphocyte Th2, sécréteur d’IL-4 et d’IL-13. La présentation du peptide antigénique au Lymphocyte B (LB) par la CPA induit, sous l’influence de l’IL-4 et de l’IL-13, la synthèse anormale d’sIgE contre l’allergène par le LB différencié en plasmocyte, par commutation isotypique des IgM en IgE. Les IgE se fixent via leur fragment constant (Fc) à la surface des mastocytes (tissulaires) et des polynucléaires basophiles (sanguins) sur leur récepteur de haute affinité aux IgE (FcεRI). Les mastocytes et les basophiles contiennent des granules remplis de médiateurs préformés : histamine, sérotonine, enzyme protéolytique (tryptase, chymase), IL-4 (tableau 2.1).

Physiopathologie de l’hypersensibilité immédiate

Tableau 2.1. Médiateurs de la zone effective, immédiate (d’après [1]). Médiateurs préformés

Médiateurs néoformés

Histamine Perméabilité vasculaire : œdème, urticaire Bronchoconstriction : asthme Vasodilatation : érythème Stimulation terminaisons nerveuses : prurit. Sécrétion glandes muqueuses.

Leucotriènes Perméabilité vasculaire Bronchoconstriction Induction IL-4, IL-5, IL-13

Tryptase, chymase Dégradation tissulaire : diffusion de l’œdème Sécrétion de mucus

Prostaglandines Bronchoconstriction Constriction muscle intestinal Vasodilatation

IL-4 Synthèse IgE spécifique Réponse Th2

Platelet-activating factor Perméabilité vasculaire Bronchoconstriction

Sérotonine Vasoconstriction Tachycardie Bronchospasme Contraction intestinale : diarrhée, vomissement, douleur IL : interleukine, Th2 : T helper 2.

Phase effectrice Lors d’une exposition ultérieure, l’allergène se fixe sur les sIgE présentes sur la surface des mastocytes et des polynucléaires basophiles. Cette fixation induit une cascade d’activation intracellulaire (voir tableau  2.1) conduisant à : ■ la dégranulation des mastocytes et basophiles avec libération des médiateurs préformés : histamine, tryptase, chymase, sérotonine ; ■ la synthèse rapide de médiateurs néoformés dérivés de l’acide arachidonique : prostaglandines (PG), leucotriènes (LT) ; et du platelet-activating factor (PAF) ; ■ la production de cytokines, chémokines et facteurs de croissance (tableau. 2.2).

Réponse précoce, immédiate Les médiateurs préformés (histamine, sérotonine) et néoformés (PG et LT) sécrétés en excès sont responsables de la réaction précoce de la phase effectrice. Ils induisent : ■ une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité capillaire, responsables d’urticaire, d’œdème, d’érythème, voire d’hypotension définissant le choc anaphylactique ; ■ une bronchoconstriction responsable de crise d’asthme ;

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Les fondamentaux en allergologie

Tableau 2.2. Molécules produites par le mastocyte après activation par l’allergène. Chémokines

RANTES et éotaxines : recrutement des lymphocytes T et des éosinophiles

IL-3

Différenciation, migration des éosinophiles

IL-4

↑ synthèse IgE, ↑ locale de molécules d’adhésion vasculaire, ↓ seuil de dégranulation des mastocytes, inhibition des lymphocytes T régulateurs

IL-5

Prolifération des éosinophiles

IL-13

Hyperréactivité bronchique, sécrétion de mucus, bronchoconstriction, inflammation éosinophilique, remodelage

IL-33

Bronchoconstriction, sécrétion de mucus, activation des mastocytes

SCF

Facteur de croissance mastocytaire

GM-CSF

Facteur de croissance de cellules myéloïdes

Source : G. Lezmi.

une hypersécrétion des glandes muqueuses provoquant une rhinorrhée, un larmoiement et un asthme sécrétant ; ■ une stimulation des terminaisons nerveuses (histamine) responsable d’un ­prurit ; ■ une anomalie du péristaltisme intestinal (sérotonine) responsable de douleurs abdominales, de vomissements, de diarrhée. ■

Réponse retardée La réponse retardée survient dans les heures suivant la phase précoce. Elle est liée à l’infiltration tissulaire par les leucocytes circulants recrutés par chimiotactisme et activés localement. Ainsi, les éosinophiles activés sécrètent de la MBP (major basic protein), de l’ECP (eosinophil cationic protein), de l’EPO (eosinophil peroxydase) et de l’EDN (eosinophil-derived neurotoxin) ; les lymphocytes Th2 activés produisent des cytokines de type Th2 (IL-4 et IL-5 notamment), les neutrophiles libèrent de l’élastase. Cette inflammation tissulaire peut être chronique en cas d’exposition persistante et s’associer à un remodelage tissulaire.

Conclusion L’allergie IgE-médiée implique un contact préalable au cours duquel le patient se sensibilise, c’est-à-dire fabrique des sIgE contre un allergène. En cas d’allergie IgEmédiée les réactions sont systématiques. La physiopathologie permet de rendre compte de la chronologie immédiate des réactions IgE-médiées et de leur nature : cutanéomuqueuse, respiratoire, digestive, voire anaphylactique.

Physiopathologie de l’hypersensibilité immédiate

Référence [1] Burton OT, Oettgen HC. Beyond immediate hypersensitivity : evolving roles for IgE antibodies in immune homeostasis and allergic diseases. Immunol Rev 2011 ; 242 : 128‒43.

Pour en savoir plus Bradding P, Arthur G. Mast cells in asthma-state of the art. Clin Exp Allergy 2016 ; 46 : 194‒263. Dispenza MC. Classification of hypersensitivity reactions. Allergy Asthma Proc 2019 ; 40 : 470‒3. Galli SJ, Tsai M. IgE and mast cells in allergic disease. Nat Med 2012 ; 18 : 693‒704. LoVerde D, Iweala OI, Eginli A, et al. Anaphylaxis Chest 2018 ; 153 : 528‒43.

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CHAPITRE

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Épidémiologie des maladies allergiques Guillaume Pouessel et Luciana Kase Tanno PLAN DU CHAPITRE ■ Allergies respiratoires ■ Allergies alimentaires ■ Anaphylaxie ■ Allergie et hypersensibilité médicamenteuses ■ Autres allergies ■ Nouvelle classification internationale des maladies allergiques et

d’hypersensibilités

POINTS CLÉS En France, la prévalence cumulée de l’asthme est estimée entre 7 et 11 % des enfants de tout âge. ■ La prévalence de la rhinite allergique est proche de 7 % chez les enfants et de 15 % chez les adolescents et semble en augmentation dans les pays en développement. ■ La prévalence des allergies alimentaires, difficile à déterminer, semble être en augmentation au cours des 20  dernières années dans les pays développés. ■ Les suspicions d’hypersensibilité médicamenteuse sont fréquentes mais les allergies ou hypersensibilités confirmées sont rares, et principalement liées aux bêtalactamines. ■

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Épidémiologie des maladies allergiques

Allergies respiratoires Asthme En France, l’asthme concerne 3,5 millions de personnes dont un tiers d’enfants. Sa prévalence cumulée (crise d’asthme au cours de la vie) est estimée entre 7 et 11 % des enfants de tout âge [1]. La prévalence des « sifflements » chez le nourrisson varie entre 15 % et 34 % et la prévalence de « l’asthme diagnostiqué par un médecin » varie de 2 % à 11 %. Dans l’enquête ISAAC-1 effectuée en 1995, la prévalence cumulée de l’asthme chez les adolescents (13 à 14 ans) variait de 10 % à Strasbourg à 15 % à Bordeaux. La prévalence cumulée de l’asthme chez le jeune enfant (6 à 7 ans) était de 7 % à Strasbourg et de 9 % à Bordeaux [2]. La prévalence de l’asthme a augmenté graduellement depuis 20 ans dans les pays développés. L’asthme atteint davantage les garçons que les filles jusqu’à l’âge de 10 ans (trois garçons atteints pour deux filles environ). Après cet âge, le rapport garçon et fille s’égalise puis s’inverse définitivement. L’asthme et l’atopie sont très liés chez l’enfant. Les facteurs de risque sont génétiques (allergie et asthme chez les parents) et surtout environnementaux.

Rhinite allergique (RA) La RA débute pendant l’enfance : 40 % des cas apparaissent avant 6 ans et un enfant sur cinq développe les symptômes entre 2 et 3 ans. La RA débutant chez les enfants d’âge préscolaire est un facteur prédictif d’asthme. Chez le nourrisson, les symptômes peuvent être plus difficiles à reconnaître. La RA est donc sousdiagnostiquée. La prévalence de la RA à 2 ans dépend de la définition retenue, variant de 1 % à 30 %. Plus globalement, elle est de 7 % chez les enfants et de 15 % chez les adolescents. Les facteurs prédictifs de persistance de la RA sont les suivants  : sexe féminin, niveau socio-économique élevé, positivité des prick tests aux pneumallergènes, asthme parental [3]. Dans l’étude ISAAC, il existe une augmentation des symptômes de RA dans l’intervalle de deux enquêtes (1990-1994 et 2010-2012) chez l’enfant (6-7  ans) [2]. Cette augmentation semble se poursuivre dans les pays développés dans le temps et dans les autres tranches d’âge.

Allergies alimentaires La prévalence des allergies alimentaires (AA) est difficile à déterminer compte tenu des limites des études épidémiologiques (hétérogénéité des définitions, méthodes et critères diagnostiques, spécificités géographiques ou liées à l’âge, etc.) avec, le plus souvent, une surestimation par les familles.

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Les fondamentaux en allergologie

Il semble exister une augmentation de la prévalence au cours des 20  dernières années, notamment dans les pays développés et pour certains aliments, en particulier l’arachide. En Europe et aux États-Unis, la prévalence de l’AA est estimée entre 6 et 8 % des enfants avant l’âge de 18 ans [4]. Tous les aliments peuvent donner lieu à une allergie alimentaire, mais les plus fréquents sont le lait de vache, l’œuf, l’arachide, les fruits à coque, les crustacés et le poisson. La fréquence de ces allergies varie selon les pays, les tranches d’âge, les habitudes alimentaires et aussi dans le temps. La prévalence de l’AA prouvée par un test de provocation orale [4] serait : ■ pour le lait de vache : de 0,6 % (IC 95 % : 0,5-0,8) ; ■ pour l’œuf : de 0,2 % (IC 95 % : 0,2-0,3) ; ■ pour le blé : de 0,1 % (0,001-0,2) ; ■ pour le soja : de 0,3 % (0,1-0,4) ; ■ pour l’arachide : de 0,2 % (0,2-0,3) ; ■ pour les fruits à coque : de 0,5 % (0,08-0,8) ; ■ pour le poisson : de 0,1 % (0,002-0,2) ; ■ et pour les crustacées : de 0,1 % (0,006-0,3). Dans la cohorte de naissance européenne EuroPrevall (12 049 enfants), l’incidence de l’allergie aux protéines de lait de vache est de 0,54 % (IC 95 % : 0,41-0,70), et celle de l’œuf entre 0,1 % à 2 % [5]. Dans la cohorte australienne HealthNuts (5 276 enfants), à l’âge de 4 ans, la prévalence de l’AA est de 3,8 % avec des prévalences pour l’arachide de 1,9 % (IC 95 % : 1,6-2,3) et pour l’œuf de 1,2 % (IC 95 % : 0,9-1,6) [6]. Aux États-Unis, la prévalence de l’AA à l’arachide est estimée à entre 4,6 et 6 % des enfants, et au Royaume-Uni entre 1,3 et 2,5 %. Les comorbidités atopiques sont fréquentes chez les patients avec une AA. Dans l’étude MIRABEL portant sur 785 patients (86 % de moins de 16 ans) allergiques à l’arachide, 95  % ont au moins une comorbidité (dermatite atopique  : 66  %  ; asthme : 58 % ; RA : 49 % ; sensibilisation alimentaire associée : 62 %) [7]. Les études portant sur l’AA aux fruits à coque prouvée par un test de provocation orale, en Europe et aux États-Unis, rapportent une prévalence de moins de 2 %. Les fruits à coque les plus représentés sont la noisette, la noix de Grenoble, la noix de cajou, la pistache et la noix de pécan. La prévalence de l’AA varie de 0 à 7 % pour le poisson et de 0 à 10,3 % pour les crustacés.

Anaphylaxie En Europe, l’incidence de l’anaphylaxie est estimée de 15 à 79 cas/million d’habitants/an et la prévalence à 0,3 % (IC 95 % : 0,1-0,5) [8]. L’anaphylaxie est de plus en plus fréquemment diagnostiquée à tout âge, particulièrement chez le jeune enfant et pour les causes alimentaires.

Épidémiologie des maladies allergiques

La cause principale d’anaphylaxie chez l’enfant est l’AA. Les principaux aliments impliqués sont les laits de mammifères (vache, brebis, chèvre) et l’œuf chez l’enfant de moins de 2 ans ; l’arachide, la noisette et la noix de cajou après l’âge de 2 ans. L’anaphylaxie alimentaire touche préférentiellement le garçon avant l’âge de 10-15 ans puis la fille à l’adolescence. Au cours des 20 dernières années, l’incidence de l’anaphylaxie alimentaire a augmenté trois fois plus vite chez l’enfant par rapport à l’âge adulte. Elle a augmenté de façon plus importante chez le jeune enfant, avant l’âge de 5 ans. La mortalité par anaphylaxie est rare en pédiatrie, moins de un cas par million d’enfant/an et stable dans le temps dans la plupart des pays développés [9]. Selon les pays, la cause de l’anaphylaxie létale est le plus souvent un aliment (arachide, lait de mammifère et fruit à coque), parfois un médicament (antibiotiques, anesthésiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS]). L’asthme est un facteur de risque de survenue de réactions récurrentes et de gravité de l’anaphylaxie.

Allergie et hypersensibilité médicamenteuses L’incidence rapportée des effets indésirables des médicaments (EIM) dans la population pédiatrique est considérée comme inférieure à celle des adultes ; 0,4 % à 10,3 % de toutes les hospitalisations pédiatriques seraient liées à des EIM (2,9 % d’incidence globale) et 0,6 % à 16,8 % des enfants exposés à un médicament pendant leur séjour à l’hôpital pourraient souffrir d’un EIM [10, 11]. Plus de 50 % des EIM chez les enfants hospitalisés et environ 35 % des EIM chez des enfants vus aux urgences sont supposés allergiques. La proportion d’allergie ou d’hypersensibilité médicamenteuse (HS) confirmée n’est que de 4 à 10 % après évaluation diagnostique. Les jeunes enfants semblent être plus à risque de développer des EIM que les enfants plus âgés. Le risque augmente avec le nombre de médicaments pris. La plupart des éruptions cutanées survenant pendant le traitement par des bêtalactamines (BL) semblent liées à l’infection elle-même. Les infections virales sousjacentes peuvent également agir comme cofacteurs chez des individus sensibles. Les réactions d’HS dans l’enfance sont principalement causées par les antibiotiques (BL le plus souvent) puis les AINS. Les antibiotiques peuvent représenter 27 à 85 % des HS. Une HS aux BL, principalement à l’amoxicilline (± acide clavulanique), est suspectée chez 1,5 à 12 % des enfants, tandis que les céphalosporines de troisième génération sont moins fréquemment impliquées. Les réactions les plus fréquentes sont les exanthèmes maculopapuleux, les urticaires et angio-œdèmes ; l’anaphylaxie est rare. Des réactions cutanées graves, peu fréquentes chez l’enfant, peuvent survenir comme le DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms), la pustulose exanthème aiguë généralisée, le syndrome de Stevens-Johnson ou la nécrolyse épidermique toxique.

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Les fondamentaux en allergologie

Autres allergies Allergie au latex L’incidence de l’allergie au latex dans la population générale est de 1 à 2 % et la prévalence de la sensibilisation au latex varie selon la population étudiée [11]. Il existe divers facteurs de risque qui augmentent la sensibilisation au latex, tels que le risque génétique, l’atopie et les chirurgies multiples. Les sous-populations d’enfants à risque particulier comprennent les patients atopiques, les personnes atteintes de spina bifida, les enfants subissant une intervention chirurgicale pendant la période néonatale et les personnes qui ont eu fréquemment besoin de dispositifs chirurgicaux implantables. La prévalence de l’allergie au latex chez les enfants atteints de spina bifida (myéloméningocèle) varie de 20 à 67 %, et le risque d’anaphylaxie en salle d’opération est 500 fois plus élevé que celui des groupes témoins. La mise en œuvre de procédures « bloc opératoire sans latex » au niveau national a considérablement réduit la sensibilisation et les cas d’allergie au latex. On estime que 50 à 70 % des personnes allergiques au latex ont des anticorps IgE réagissant de manière croisée aux antigènes provenant de certains aliments végétaux. Les fruits sont particulièrement connus pour leur fréquente réactivité croisée (syndrome latex-fruit).

Allergie aux vaccins Les réactions d’hypersensibilité associées aux vaccins ne sont pas rares [12]. Cependant, les réactions systémiques graves, à début aigu, sont considérées comme extrêmement rares. Le risque d’anaphylaxie après un vaccin est estimé à 1,31 (IC à 95 %, 0,90-1,84) par million de doses administrées.

Nouvelle classification internationale des maladies allergiques et d’hypersensibilités La Classification internationale des maladies (CIM), mise à jour par l’Organisation mondiale de la santé, fournit un langage commun à utiliser dans le monde entier comme outil de diagnostic et de classification pour l’épidémiologie, les objectifs cliniques et la gestion de la santé. La version actuelle de la CIM (CIM10) ne permet pas un suivi adéquat des maladies allergiques. Depuis 2013, l’initiative ALLERGY in ICD-11 anime une collaboration internationale réunissant l’ensemble des grandes sociétés savantes d’allergologie et développe les efforts nécessaires pour une meilleure représentation des allergies dans la CIM-11. Il existe désormais une section nommée «  Maladies allergiques et d’hypersensibilité » dans la CIM-11. Les règles de codage de la mortalité ont été

Épidémiologie des maladies allergiques

améliorées, en incluant l’anaphylaxie comme cause sous-jacente de décès dans les certificats de décès officiels. En mai 2019, lors de l’Assemblée mondiale de la santé, la CIM-11 a été validée à l’échelle mondiale. Références [1] Delmas MC, Guignon N, Leynaert B, et al. Prévalence de l’asthme chez l’enfant en France. Arch Pediatr 2009 ; 16 : 1261‒9. [2] International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC). Steering Committee. Worldwide variations in the prevalence of asthma symptoms : the International Study of asthma and allergies in childhood (ISAAC). Eur Respir J 1998 ; 12 : 315‒35. [3] Kellberger J, Dressel H, Vogelberg C, et al. Prediction of the incidence and persistence of allergic rhinitis in adolescence : a prospective cohort study. J Allergy Clin Immunol 2012 ; 129 : 397‒402. [4] Nwaru BI, Hickstein L, Panesaar SS, et al. The epidemiology of food allergy in Europe : a systematic review and meta-analysis. Allergy 2014 ; 69 : 62‒75. [5] Xepapadaki P, Fiocchi A, Grabenhenrich L, et  al. Incidence and natural history of hen’s egg allergy in the first 2 years of life—The EuroPrevall birth cohort study. Allergy 2015 ; 71 : 350‒7. [6] Peters RL, Koplin JJ, Gurrin LC, et al. The prevalence of food allergy and other allergic diseases in early childhood in a population-based study : HealthNuts age 4-year follow-up. J Allergy Clin Immunol 2017 ; 140 : 145‒53. [7] Deschildre A, Elegbede CF, Just J, et al. Peanut-allergic patients in the MIRABEL survey : characteristics, allergists’ dietary advice and lessons from real life. Clin Exp Allergy 2016 ; 46 : 610‒20. [8] Panesar SS, Javad S, de Silva D, et al. The epidemiology of anaphylaxis in Europe : a systematic review. Allergy 2013 ; 68 : 1353‒61. [9] Turner PJ, Campbell DE, Motosue MS, et al. Global Trends in Anaphylaxis Epidemiology and Clinical Implications. J Allergy Clin Immunol Pract 2020 ; 8 : 1169‒76. [10] Kidon M, Blanca-Lopez N, Gomes E, et al. EAACI/ENDA Position Paper : Diagnosis and management of hypersensitivity reactions to non-steroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) in children and adolescents. Pediatr Allergy Immunol 2018 ; 29 : 469‒80. [11] De Queiroz M, Combet S, Bérard J, et al. Latex allergy in children : modalities and prevention. Pediatric Anesthesia 2009 ; 19 : 313‒9. [12] Nilsson L, Brockow K, Alm J, et  al. Vaccination and allergy : EAACI position paper, practical aspects. Pediatr Allergy Immunol 2017 ; 28 : 628‒40.

Pour en savoir plus Gomes ER, Brockow K, Kuyucu S, et al. On behalf of the ENDA/EAACI Drug Allergy Interest Group. Drug hypersensitivity in children : report from the pediatric task force of the EAACI Drug Allergy Interest Group. Allergy 2016 ; 71 : 149‒61.

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CHAPITRE

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Diagnostiquer une allergie PLAN DU CHAPITRE

4.1 Principes généraux ■ Allergies IgE-médiées ■ Allergies non IgE-médiées ■ Conclusion

4.2 Comment bien conduire l’entretien ■ Évaluer le terrain familial ■ Évaluer les expositions : environnement, conditions de vie ■ Antécédents personnels ■ Anamnèse ■ Conclusion

4.3 La bonne pratique des tests cutanés : modalités, interprétation et limites – prick tests ■ Généralités ■ Modalités ■ Interprétation ■ Valeur diagnostique ■ Conclusion

4.4 Tests épicutanés (patch tests) ■ Introduction ■ Principes généraux Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Diagnostiquer une allergie

■ Modalités de réalisation des patch-tests médicamenteux ■ Modalités de réalisation des patch-tests alimentaires ■ Les ROAT (repeated

open application tests)

■ Interprétation, limites, complications

4.5 Intradermoréactions (IDR) ■ Généralités ■ Interprétation ■ Conclusion

4.6 Intérêt des outils biologiques ■ IgE spécifiques d’allergènes (sIgE) ■ IgG4 spécifiques d’allergènes (sIgG4) ■ Dosage des IgE totales (tIgE) ■ Exploration des cellules de l’allergie ■ Conclusion

4.7 Tests de provocation par voie orale pour les allergies alimentaires ■ Introduction ■ Indications d’un TPO ■ Modalités ■ Interprétation ■ Conclusion

4.1. Principes généraux Guillaume Lezmi

POINTS CLÉS Les réactions allergiques se caractérisent par leur chronologie et leur nature. ■ La chronologie correspond au délai entre l’exposition à l’allergène et le début des symptômes. ■

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Les fondamentaux en allergologie

Le diagnostic d’une allergie repose la présence de manifestations cliniques évocatrices associée à la mise en évidence d’une réactivité immunologique contre une substance suspectée. ■ Lorsque l’existence d’un mécanisme immunologique spécifique n’est pas démontrée, le diagnostic d’allergie ne peut être retenu. ■

Allergies IgE-médiées Il peut s’agir d’allergies alimentaires, respiratoires, médicamenteuses, ou aux venins. Les allergies IgE-médiées surviennent immédiatement après exposition. Les symptômes sont définis comme immédiats lorsqu’il débutent dans les 2  heures suivant l’exposition (allergies alimentaires), ou dans un délai de 1  heure (allergies médicamenteuses) à 4  heures (allergies aux vaccins) (figure 4.1, tableau 4.1). Les symptômes évocateurs d’une allergie IgE-médiée sont  : cutanéomuqueux (urticaire, angio-œdème), respiratoires (asthme, rhinoconjonctivite), digestifs (douleur abdominale, vomissements, diarrhée), anaphylactiques. En présence de symptômes évocateurs, le diagnostic d’une allergie IgE-médiée est porté lorsqu’il existe une sensibilisation contre un allergène suspecté. La sensibilisation est mise en évidence en première intention par la positivité des prick tests, la présence d’IgE sériques spécifiques d’une source allergénique ou d’allergènes moléculaires, ou par la positivité d’intradermoréactions à lecture immédiate (médicaments, hyménoptères). Les tests d’activation des basophiles sont à la fois sensibles et spécifiques pour le diagnostic de certaines allergies alimentaires IgE-médiées et l’allergie aux venins d’hyménoptères. Ils ne sont pas indiqués en première intention, mais sont de plus en plus utilisés dans les centres spécialisés en particulier dans les situations douteuses. L’allergie alimentaire à l’α-gal, bien qu’IgE-médiée, fait exception, car elle se manifeste par des réactions retardées (voir chapitre 10).

Figure 4.1. Diagnostiquer une allergie. Source : G. Lezmi.

Diagnostiquer une allergie

Tableau 4.1. Reconnaître une allergie alimentaire IgE-médiée. Histoire naturelle

Chronologie

Symptômes

Précoces sauf : – Exposition tardive – SAPA – AIE

 2 heures Chronique

Non spécifiques Spécifiques

– Présentation spécifique : dermatite atopique sévère, diarrhée chronique, RCSP, troubles du transit, ballonnement, RGO sévère – Présentation spécifique : SEIPA, OE, proctocolite allergique – Manifestations aspécifiques : patch-tests (non recommandés) et éviction-réintroduction (n’identifie pas le mécanisme) – SEIPA : diagnostic clinique ; OE : dysfonction œsophagienne + hyperéosinophilie œsophagienne, protocolite : diagnostic clinique OE : œsophagite à éosinophiles ; RCSP : retard de croissance staturopondéral ; SEIPA : syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires. Source : G. Lezmi.

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Les fondamentaux en allergologie

permet pas d’identifier un mécanisme immunologique, et ne permet donc pas, en principe, de porter le diagnostic « d’allergie » retardée. En cas de réaction retardée à un médicament, la positivité des intradermoréactions à lecture retardée et/ou des patch-tests permettent de confirmer le diagnostic d’allergie retardée. Ces tests ne sont néanmoins validés que pour les bêtalactamines et leur indication doit être discutée en tenant compte du contexte et de la gravité de la réaction index.

Conclusion Le diagnostic d’allergie exige la présence de symptômes évocateurs et la mise en évidence d’un mécanisme immunologique spécifique. Les tests disponibles sont globalement sensibles pour mettre en évidence une sensibilisation IgE alimentaire, aux venins, ou à des aéroallergènes (ils le sont beaucoup moins pour les médicaments), et nettement moins sensibles pour mettre en évidence un mécanisme non-IgE médié. En cas d’allergie, les symptômes sont systématiques après exposition. Les seuils déclenchants et l’intensité des symptômes varient cependant d’un individu à l’autre, et chez un individu donné, car ils dépendent de nombreux facteurs propres à l’allergène (charge, matrice, etc.), à l’individu (infection, menstruation, consommation d’alcool, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, effort, privation de sommeil, etc.) et du type d’exposition (orale, contact, inhalation, etc.).

4.2. Comment bien conduire l’entretien Pierrick Cros et Lea Gaitan

POINTS CLÉS L’interrogatoire en allergologie est complexe, transversal et long. Ses objectifs sont  : d’évaluer les antécédents et l’environnement  ; de construire des hypothèses diagnostiques grâce à une anamnèse précise ; de rechercher les comorbidités, les complications et les situations à risque ; d’évaluer le retentissement psychologique, social et sur qualité de vie, l’efficacité de la prise en charge et l’observance ; et de s’assurer de la compréhension de la maladie et de la prise en charge. ■ La présence d’une pathologie IgE-médiée doit les faire toutes rechercher. ■ ■

Diagnostiquer une allergie

Évaluer le terrain familial Le terrain atopique prédisposant un individu à développer des maladies allergiques IgE-médiées est identifié par la présence des maladies atopiques chez les parents au premier degré (composante génétique de la prédisposition). Le terrain prédisposant aux pathologies non IgE-médié est moins connu. Les maladies atopiques, c’est-à-dire impliquant des mécanismes IgE-médiés, sont l’allergie alimentaire IgE-médiée, la rhinoconjonctivite allergique, l’asthme allergique et la dermatite atopique (voir chapitre 1). Le risque d’allergie IgE-médiée chez l’enfant est inférieur à 5 % dans la population générale. Il est de 30-40 % si l’un des deux parents est atopique, de 50-60 % si les deux parents sont atopiques, et de 80 % si les deux parents ont la même allergie. L’eczéma de contact, l’allergie médicamenteuse, les allergies alimentaires non IgEmédiées, l’intolérance alimentaire comme l’intolérance au lactose, les rhinites ou les asthmes non allergiques ne sont pas atopiques, et n’augmentent pas le risque de développer des maladies allergiques chez l’enfant.

Évaluer les expositions : environnement, conditions de vie Logement  : salubrité, humidité, moisissures, cafards, acariens (moquette, peluches, literie, coussins, sofas, etc.), chauffage, cheminées, polluants intérieurs (encens, bougies, etc.), nombre de personnes dans le logement, notamment dans la chambre à coucher. ■ Animaux domestiques : chat, chiens, oiseaux (pneumopathies d’hypersensibilité), paille des litières d’animaux. ■ Tabagisme actif, passif. ■ Composition familiale : fratrie, famille recomposée avec plusieurs lieux de vie. ■ Vacances, loisirs : la présence d’acariens diminue au-dessus de 800 mètres d’altitude, calendrier pollinique du lieu de vacances. ■

Antécédents personnels La présence d’une pathologie IgE-médiée doit les faire toutes rechercher. Il convient de rechercher les éléments d’orientation vers un diagnostic différentiel (désordres mastocytaires, urticaire chronique), un déficit immunitaire (syndromes hyper IgE).

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Les fondamentaux en allergologie

Anamnèse La chronologie et la nature des symptômes doivent être relevés systématiquement. ■ Allergie alimentaire : ● rechercher les signes cliniques d’allergies IgE ou non IgE-médiées ; ● identifier l’aliment responsable et évaluer la dose ingérée déclenchant les symptômes : description précise du repas, marques des produits consommés ; ● rechercher la consommation ultérieure ou récente, ou la dernière prise accidentelle si l’allergie est connue ; ● rechercher les réactions croisées ; ● analyser les réactions/la tolérance des autres familles d’aliments de façon systématique, en différenciant les formes crues et cuites pour les protéines de lait de vache et l’œuf ; ● rechercher les facteurs aggravant les réactions IgE-médiées  : infection, menstruation, prise d’alcool, d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, effort privation de sommeil ; ● analyser les traitements effectués, vérifier l’existence d’un plan d’action écrit ; ● éducation/compréhension  : symptômes, traitements, situations à risque, utilisation des traitements (adrénaline auto-injectable, chambre d’inhalation), lecture d’emballage ; ● site utile : Openfoodfacts (https://fr.openfoodfacts.org/) pour la composition des produits industriels ; ● scolarité : PAI, panier-repas. ■ Rhinoconjonctivite allergique : ● rechercher les symptômes, classer selon les critères ARIA, évaluer les complications, s’aider d’échelle numérique ou EVA ; ● caractère perannuel/saisonnier  : faire préciser le/les mois concernés, la majoration en présence de poussière ou le matin (acariens), d’animaux, lors de loisirs ; ● calendrier pollinique, consultable en ligne www.pollens.fr; ● évaluer les traitements et leur efficacité ; ● évaluer le retentissement sur le sommeil, la qualité de vie, et les complications (odorat, kératoconjonctivite). ■ Asthme allergique : ● évaluer le traitement actuel : observance et technique de prise, plan d’action écrit ; ● évaluer les symptômes : crise et contrôle, scores de contrôle ;

Diagnostiquer une allergie

identifier les facteurs déclenchants : pollen/saison, virus, animaux, humidité, froid, effort, polluants/tabac ; ● relever les hospitalisations, les recours aux services d’urgences ou les consultations d’urgence ; ● relever l’absentéisme scolaire et parental ; ● relever, dans le cadre des explorations fonctionnelles respiratoires récentes : le VEMS, la réversibilité, la fraction expirée du monoxyde d’azote (FeNO) ; ● relever et prendre en charge les comorbidités : allergiques et non-allergiques (RGO, obésité, SAOS, syndrome hyperventilation) ; ● scolarité : PAI. Allergies aux venins d’hyménoptères : ● relever la présence d’un dard (abeille) ; ● évaluer la réaction locale (large ou non), systémique (anaphylactique ou non) ; ● relever les facteurs de risque de piqûres et de sévérité : apiculteurs, mode de vie, désordres mastocytaires. Allergies médicamenteuses : ● relever la date, la chronologie et la nature de la réaction, les médicaments tolérés depuis, la durée ; ● signaler la présence ou l’absence de signes d’alerte ; ● évaluer le risque en cas de réexposition : faible ou moyen-élevé. Dermatite atopique : ● évaluer le traitement (émollients, dermocorticoïdes), l’observance, le nombre de tubes de dermatocorticoïdes utilisés/mois, ainsi que le risque de corticophobie ; ● rechercher des évictions alimentaires spontanées (parentales) ou injustifiées. La dermatite atopique est un acteur de risque de sensibilisation et d’allergies alimentaires IgE-médiées en particulier pour les formes modérées à sévères ; ● elle est parfois, associée à des allergies alimentaires retardées responsables de sévérité ou de persistance des symptômes sous traitement (PLV, œuf, blé notamment). ●







Conclusion L’interrogatoire est la première étape de la prise en charge. Il est transversal. Le clinicien doit y consacrer du temps, afin de rechercher des éléments les plus précis possible, permettant de construire des hypothèses diagnostiques solides, d’évaluer de façon complète et transversale le poids de la maladie et l’efficacité de la prise en charge. Il s’inscrit dans une dimension dynamique pour anticiper les risques futurs.

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Les fondamentaux en allergologie

4.3. La bonne pratique des tests cutanés : modalités, interprétation et limites – prick tests Tomas Moraly et Christine Delebarre-Sauvage

POINTS CLÉS Les prick tests (PT) sont indiqués en première intention pour diagnostiquer une allergie IgE-médiée. ■ Ils sont très sensibles et modérément spécifiques pour le diagnostic d’allergie IgE-médiée aux allergènes courants alimentaires et respiratoires. ■

Généralités Les prick tests (PT) sont indiqués en première intention pour rechercher une sensibilisation IgE-médiée à un allergène alimentaire, respiratoire, médicamenteux ou aux venins d’hyménoptères. Ils consistent à faire pénétrer l’allergène dans le derme superficiel, pour le mettre au contact des mastocytes. En cas de sensibilisation, la fixation de l’allergène sur les IgE-spécifiques à la surface des mastocytes induit la dégranulation locale des mastocytes. La libération locale d’histamine provoque une vasodilatation, une augmentation de la perméabilité vasculaire et une stimulation des fibres nerveuses, se traduisant par une réaction locale incluant papule, érythème et prurit. La positivité des PT indique que le patient est sensibilisé à l’allergène testé. Ils peuvent être réalisés dès les premiers jours de vie.

Modalités Les PT sont pratiqués sur la face antérieure de l’avant-bras ou sur le dos (plus sensible). Le matériel nécessaire et la procédure sont détaillés dans le tableau 4.3. Les conditions de réalisation sont les suivantes : ■ 4-6 semaines après une réaction immédiate ; ■ jamais en cas de grossesse ou sur des lésions actives d’eczéma ; ■ ≥ 7 jours après l’arrêt des antihistaminiques (desloratadine) ; ■ > 7 jours après l’arrêt dermocorticoïdes sur la zone de test.

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Tableau 4.3. Matériel et procédure de réalisation des prick tests. Matériel

– Extraits allergéniques standardisés manufacturés : disponibles pour la plupart des aéroallergènes, les venins, certains aliments (arachides, fruits à coque, blé cabillaud, œuf de poule, blé) – Allergènes natifs à préparer pour certains aliments (lait de vache-chèvrebrebis, fruits, légumes, crustacés, œufs de poule) – Médicaments injectables à diluer selon les recommandations internationales – Témoins positifs : histamine, phosphate de codéine – Témoins négatifs : solvant des extraits allergéniques standardisés manufacturés ou solvant utilisé pour la préparation de l’allergène natif (sérum physiologique), afin de vérifier l’absence de dermographisme – Pointes : lancettes métalliques (ALK® Lancet) 1 mm, ou Stallerpoint® (Stallergenes Green®) 1 mm plastique. Les aiguilles sous-cutanées 26-28 G sont surtout utilisées chez l’adulte

Procédure

– Nettoyer et désinfecter la zone de test à l’alcool. – Marquer un repère, pour identifier l’endroit où la solution sera déposée – Respecter un espacement ≥ 2 cm entre chaque PT, et une distance de 2-3 cm par rapport aux plis du coude et du poignet – Déposer une goutte de la solution (20-30 μl) de la solution à tester sur la peau – Pricker immédiatement avec une lancette perpendiculairement à la surface cutanée pendant 1 seconde – Répéter la procédure avec les autres allergènes à tester, avec une nouvelle lancette – Essuyer sans attendre, en évitant de mélanger les gouttes de solution

Source : G. Lezmi.

Interprétation La lecture se fait 15 à 20 minutes après la réalisation du test (figure 4.2) : ■ mesurer le plus grand diamètre de la papule, en millimètres ; ne pas faire de rapport avec la taille du témoin positif ; ■ un test est positif s’il mesure 3 mm ou plus que le témoin négatif. La taille de l’érythème n’est pas prise en compte ; ■ lorsque le témoin négatif est positif, il existe un dermographisme rendant impossible l’interprétation du test ; ■ lorsque le témoin positif est  3 mm de plus que papule initiale en présence d’un érythème ; ● lecture retardée : papule > 5 mm en présence d’un érythème. ■ Sensibilité, spécificité : ● HS médicamenteuses : la valeur des IDR a surtout été évaluée pour les pénicillines. La sensibilité des IDR pour l’exploration des HS aux pénicillines serait d’environ 30 %. Il existerait donc de très nombreux faux négatifs. La spécificité est cependant plus élevée, proche 95 %, il y aurait donc peu de faux positifs ; ● allergie aux venins d’hyménoptères : la sensibilité des IDR est élevée (proche de 90 %). La spécificité est inconnue ; ● les indications des IDR sont discutées dans les différents chapitres en lien ; ● les concentrations à utiliser pour l’exploration des HS médicamenteuses sont standardisées uniquement pour les bêtalactamines. Elles sont standardisées pour l’exploration des HS aux venins d’hyménoptères.

Conclusion Les IDR sont des outils diagnostics des allergies IgE et non-IgE médiées dans certaines conditions et sont habituellement pratiquées par des allergologues en centres spécialisés.

4.6. Intérêt des outils biologiques Eva Serrano, Moïse Michel, Anna Abecassis et Joana Vitte

POINTS CLÉS Les outils biologiques complètent la démarche clinique, en apportant des informations distinctes. ■ Leur développement est continu en raison de la progression des connaissances sur les mécanismes des maladies allergiques et une recherche translationnelle très active. ■

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IgE spécifiques d’allergènes (sIgE) Généralités Le sérum du patient est mis en contact avec l’allergène suspect. Les éventuelles sIgE fixées sur l’allergène sont révélées par un anticorps couplé à un système fluorescent, chimioluminescent et/ou enzymatique. Il existe trois grandes catégories de méthodes pour l’évaluation des sIgE : méthodes unitaires ou « singleplex », méthodes multiplex ou micropuces (« biopuces »), et des méthodes de dépistage multiallergénique.

sIgE sériques unitaires Le dosage des sIgE sériques est l’examen biologique le plus souvent prescrit en allergologie. La méthode considérée comme référence est ImmunoCAP® (Thermo Fisher Scientific), automatisée. Le dosage des sIgE peut être réalisé avec un extrait, une molécule allergénique, un mélange : ■ sIgE d’extraits allergéniques (par exemple, sIgE arachide, sIgE lait de vache, sIgE blatte) : ● les extraits allergéniques sont obtenus à partir des sources allergéniques et contiennent principalement des protéines hydrosolubles, parmi lesquelles des allergènes caractérisés. La teneur des extraits en allergènes est contrôlée ; ● le dosage des sIgE d’un extrait met en évidence une sensibilisation contre une ou plusieurs protéines de cet extrait. Son caractère quantitatif est utile pour le suivi ; ● la sensibilisation vis-à-vis d’un extrait ne renseigne pas sur les allergènes moléculaires impliqués. ■ IgE spécifiques d’allergènes moléculaires (par exemple, sIgE Ara h 1, sIgE caséine, sIgE Der p 1) : ● l’utilisation de sIgE d’allergènes moléculaires permet de préciser le diagnostic (sensibilisation vraie si IgE contre un allergène spécifique d’espèce versus réaction croisée si IgE contre une famille allergénique à forte homologie de structure), d’évaluer le pronostic (risque, évolution), d’étayer un diagnostic différentiel, de choisir ou suivre une immunothérapie allergénique (ITA) en cas de polysensibilisation, de suivre l’évolution ; ● la concentration des sIgE vis-à-vis des allergènes moléculaires majeurs ou spécifiques d’une source allergénique pourrait être prédictive de sévérité, car elle augmente avec la sévérité des symptômes ; ● le profil de sensibilisation moléculaire aide à la décision d’initier une ITA et au choix de l’extrait à utiliser.

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Les fondamentaux en allergologie

sIgE multiplex Deux méthodes sont disponibles sur le marché français : ISAC® (Thermo Fisher, 112 allergènes moléculaires) et ALEX® (MADx, 300 extraits et allergènes moléculaires). Les indications sont : ■ allergies multiples : lorsque le substrat moléculaire reste inexpliqué malgré une exploration unitaire, ou lorsqu’il il faudrait tester plus de 15 allergènes unitaires d’emblée, ou pour juger du risque de réactions croisées ; ■ interprétation des profils moléculaires non accessibles à l’exploration unitaire (allergènes majeurs indisponibles comme Ses i 1 pour le sésame ou Act d 1 et Act d 5 pour le kiwi) ; ■ jeunes enfants, car le volume de sérum nécessaire est faible (30–100 μl, voire prélèvement capillaire). Limites : la quantité d’allergènes étant très faible, toutes les sIgE ne sont pas forcément détectées ; il existe une interférence importante avec les IgG de même spécificité ce qui peut conduire à une sous-estimation des niveaux d’IgE, voire à de faux négatifs. Ces particularités expliquent que les résultats soient semiquantitatifs.

Dépistage multiallergénique Les extraits allergéniques sont associés sur le même support. Selon la méthode, le résultat peut être exprimé pour chaque extrait (tests multiallergéniques à réponse multiple) ou pour l’ensemble (mélange d’allergènes à réponse unique). Il existe un intérêt potentiel lorsque l’orientation diagnostique est imprécise. Le Trophatop Enfant® explore les aliments les plus couramment impliqués dans les allergies alimentaires de l’enfant en associant trois mélanges : ■ blanc d’œuf, lait de vache, arachide et moutarde ; ■ poisson, noisette, soja et blé ; ■ crevette, kiwi, bœuf et sésame. Réponse globale et qualitative : positive ou négative. Cet examen n’est pas recommandé pour le diagnostic d’une allergie, mais peut orienter le diagnostic. Toute suspicion d’allergie alimentaire doit être confirmée par un prick test ou un dosage de sIgE.

Coût et remboursement Le dosage unitaire des sIgE d’un allergène (mélange, extrait ou molécule) est coté 50 B (valeur de la lettre clé B des examens de biologie : 0,27 euro, données 2020). Les sIgE unitaires sont classés en catégories : allergènes alimentaires, respiratoires, médicamenteux, venins d’hyménoptères, professionnels (dont latex).

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Selon la Nomenclature des actes de biologie médicale (NABM), le cumul maximal autorisé sur une même ordonnance est de 5 allergènes alimentaires, 5 allergènes aéroportés, 5 allergènes médicamenteux, 5 allergènes d’hyménoptère et 1 allergène du latex. Cette règle de cumul est antérieure à l’apparition des allergènes moléculaires. Les tests à réponses multiples sont cotés 80 B. Le dosage multiplex des IgE spécifiques n’est pas remboursé actuellement, mais inscrit sur la «  liste complémentaire » de la NABM pour une valeur de 800  B (216  euros) et de ce fait pris en charge par certains établissements hospitaliers (250 à 350 euros ailleurs selon le laboratoire).

IgG4 spécifiques d’allergènes (sIgG4) Les IgG4 sont la sous-classe d’IgG la moins abondante dans le sérum ( tryptasémie basale × 120 % + 2 μg/l. La tryptasémie peut être augmentée en cas d’urticaire chronique, de pathologies mastocytaires, dans certains cancers hématologiques, en cas d’insuffisance rénale chronique, etc. Concernant son coût : le dosage de tryptasémie est inscrite à la NABM avec une cotation de 80 B.

Exploration des éosinophiles : dosage de l’ECP et de l’EDN L’exploration des éosinophiles peut être réalisée par le dosage de ces protéines granulaires et témoigne de l’activité de ces cellules. Jusqu’à présent, le seul marqueur disponible était le dosage de la protéine cationique des éosinophiles (eosinophil cationic protein [ECP]), grevé par des contraintes de prélèvement, de conservation et de transport qui limitaient sa faisabilité. Depuis 2020, le dosage de l’EDN (eosinophil-derived neurotoxin, encore appelée eosinophil protein X [EPX]), est disponible avec la méthode ImmunoCAP®. Le dosage de l’EDN pourrait contribuer à l’évaluation du contrôle de l’asthme chez l’enfant et chez l’adulte, de l’activité, de la sévérité et de la réponse thérapeutique des œsophagites à éosinophiles. Concernant son coût et son remboursement, l’ECP est inscrite à la NABM avec une cotation de 100 B. L’EDN n’est pas encore inscrite à la NABM.

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Tests fonctionnels cellulaires : activation des basophiles, activation des lymphocytes Les tests cellulaires sont des tests fonctionnels, avec analyse par cytométrie en flux de l’activation induite par l’allergène. Ils mettent en évidence la capacité d’un extrait ou d’une molécule allergénique à activer des cellules effectrices de l’hypersensibilité immédiate (basophiles) ou retardée (lymphocytes mémoire). ■ Test d’activation des basophiles (TAB) : les basophiles expriment à leur surface le récepteur de haute affinité pour les IgE (FcεRI) et peuvent dégranuler en présence d’un allergène. Le TAB mesure l’activation des basophiles exposés à plusieurs concentrations de l’allergène testé. L’interprétation prend en compte la proportion de basophiles activés, l’intensité d’expression des marqueurs membranaires, les concentrations d’allergène induisant une activation minimale et maximale. Le TAB est très spécifique (peu de faux positifs) et pourrait aider en cas de discordance entre l’anamnèse et les tests cutanés/dosage des sIgE, ou lorsque l’extrait n’est pas disponible pour les tests cutanés et/ou dosage de sIgE, en remplacement de certains tests de provocation, ou encore pour débuter une ITA ou biothérapie et suivre la réponse. Techniquement, le TAB a de nombreuses contraintes, notamment la réalisation sur un prélèvement frais ( 20 % Diminution de la TA > 20 mmHg Diminution de la SaO2 Malaise Choc anaphylactique

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Tableau 4.8. Exemple de la gradation du niveau de gravité de la réaction (d’après [5]). Classification

D’après [6]

Niveau de gravité

Signes

Grade 1

Douleurs abdominales résolutives sans traitement, rhinoconjonctivite, urticaire avec moins de 10 papules, rash cutané

Grade 2

Un seul organe atteint parmi : douleurs abdominales + traitement, urticaire généralisée, angioœdème non laryngé, crise d’asthme légère

Grade 3

2 organes atteints

Grade 4

3 organes atteints ou crise asthme nécessitant un traitement ou angio-œdème laryngé ou hypotension

Grade 5

Symptômes respiratoires ou cardiaques nécessitant une hospitalisation en soins intensifs

Léger

Symptômes cutanées ou cutanéomuqueux (urticaire, angio-œdème, flush), gastro-intestinaux (douleurs modérées et/ou vomissements), ou respiratoires (voies aériennes supérieures ; gêne ou sifflements sans retentissement) légers

Modéré (symptômes légers et symptômes suggérant une situation de gravité modérée)

Dysphagie ; gêne laryngée ou stridor ; gêne respiratoire, sifflements, signes de lutte ; crampes abdominales, vomissements importants et récurrents ; sensation de malaise

Sévère (hypoxémie, Cyanose ou SaO2 ≤ 92 % ; hypotension ; confuhypotension, symp- sion ; incontinence ; perte de conscience ; choc tômes neurologiques)

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PARTIE

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La diversité des maladies allergiques

CHAPITRE

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Asthme allergique Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre, Caroline Thumerelle, Jacques Brouard et Caroline Faucon PLAN DU CHAPITRE ■ Généralités sur l’asthme ■ Poids de l’allergie dans l’asthme de l’enfant ■ Notion d’endotypes et phénotypes ■ Particularités de l’asthme préscolaire ■ Traitement de fond ■ Asthmes difficiles et sévères ■ Interactions virus et asthme

POINTS CLÉS Quatre-vingts pour cent des asthmes de l’enfant de plus de 6 ans sont d’origine allergique. Les sensibilisations précoces et multiples sont associées au développement, à la persistance et à la sévérité de l’asthme. ■ Différents mécanismes physiopathologiques, ou endotypes, sont à l’origine de l’asthme allergique. Une meilleure connaissance de ces mécanismes pourrait permettre de cibler les patients pouvant bénéficier de thérapies personnalisées. ■ Les appellations de bronchiolites à répétition, bronchites sifflantes, doivent être abandonnées. Le diagnostic de l’asthme de l’enfant préscolaire doit être porté sur l’association de signes cliniques évocateurs, la réponse au traitement et l’absence de diagnostic différentiel. ■ L’asthme sévère de l’enfant est défini par la persistance de manifestations et/ou d’exacerbations malgré une forte pression thérapeutique. L’allergie et/ou les exacerbations fréquentes sont des caractéristiques majeures de l’asthme sévère de l’enfant. ■

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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Les infections virales sont la cause principale des exacerbations asthmatiques. La physiopathologie de l’inflammation viro-induite souligne l’hétérogénéité existant au sein des phénotypes d’asthme.

Généralités sur l’asthme Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre et Caroline Thumerelle

L’asthme se manifeste par la survenue de crises (ou exacerbations quand les symptômes durent plus de 24 heures) qui s’expriment par des épisodes de gêne respiratoire (dyspnée) sifflante ; parfois la toux est le seul symptôme. Entre les crises, la respiration est en principe normale. L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes. Elle se caractérise par une obstruction diffuse et réversible des voies aériennes. Les crises résultent de l’inflammation bronchique, d’une hypersécrétion muqueuse et d’une bronchoconstriction. Entre celles-ci, il peut persister une inflammation chronique à l’origine de symptômes persistant, comme une toux chronique ou à l’effort. Sur le plan fonctionnel, l’asthme se traduit par un trouble ventilatoire obstructif, variable dans le temps et réversible après administration de β2-mimétiques de courte durée d’action. L’asthme est la maladie chronique la plus fréquente de l’enfant avec une prévalence en constante augmentation. En France, à partir de questionnaires distribués en milieu scolaire (classe de CM2 et de troisième), elle est estimée à environ 11 %, avec une augmentation significative entre 2005–2006 et 2012–2013 [1]. C’est une maladie polygénique et multifactorielle. On distingue l’asthme de 3 groupes d’âges : l’enfant d’âge préscolaire (1 à 5 ans), l’enfant d’âge scolaire (6 à 11 ans) et l’adolescent (12 à 17 ans). Cette distinction est importante car les mécanismes sous-jacents, facteurs favorisants et les modalités de prise en charge thérapeutiques sont différentes.

Poids de l’allergie dans l’asthme de l’enfant Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre et Caroline Thumerelle

L’asthme allergique est défini par l’association d’un asthme et d’une atopie, c’est-àdire d’une sensibilisation à un ou plusieurs allergènes, habituellement respiratoires. La prévalence de l’asthme allergique augmente avec l’âge avec une progression des sensibilisations pendant l’enfance et une stabilisation à l’adolescence. On estime ainsi qu’au moins 80 % des asthmes de l’enfant et de l’adolescent sont allergiques. Les sensibilisations concernent le plus souvent les acariens, les phanères d’animaux (allergènes per-annuels) et les pollens (allergènes saisonniers) [2]. L’apparition précoce de sensibilisations aux aéro-allergènes et la polysensibilisation sont des facteurs de risque de développement, de persistance, de sévérité de l’asthme, d’exacerbations et d’altération de la fonction respiratoire à long terme.

Asthme allergique

L’impact des allergènes sur le déclenchement de symptômes aigus est difficile à mettre en évidence chez l’enfant, chez qui les infections virales ont un rôle majeur. La mise en place d’une éviction allergénique peut permettre de prévenir les récidives. L’asthme est fréquemment associé aux autres maladies allergiques chez l’enfant, comme la rhinite allergique, la dermatite atopique et/ou les allergies alimentaires IgE-médiées. La rhinite allergique survient le plus souvent chez le grand enfant et l’adolescent, parfois après l’installation de l’asthme, et peut contribuer au mauvais contrôle et à la sévérité de l’asthme. L’association asthme et allergie alimentaire IgE-médiée confère aux deux maladies un potentiel synergique de sévérité. En conclusion, l’atopie est un facteur pronostique et peut participer au développement, à la persistance et à la sévérité de la maladie, notamment en cas d’association avec d’autres maladies allergiques. Une sensibilisation allergénique doit donc être recherchée devant un asthme de l’enfant dès l’âge préscolaire [3].

Notion d’endotypes et phénotypes Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre et Caroline Thumerelle

Classiquement, l’asthme allergique se traduit par des étapes physiopathologiques distinctes, qui traduisent une réponse anormale du système immunitaire à un allergène (figure 5.1) [4]. Lors de la phase de sensibilisation, l’allergène localisé dans les voies aériennes est présenté aux lymphocytes T par les cellules dendritiques. Les lymphocytes T vont produire une réponse de type Th2, dont les principales cytokines sont l’interleukine (IL)-4, l’IL-5 et l’IL-13. Celle-ci va activer la prolifération de lymphocytes B producteurs d’immunoglobulines de type  E (IgE), spécifiques de l’allergène, qui se lieront secondairement à la surface de mastocytes. Lors d’un nouveau contact avec l’allergène, les IgE reconnaissent l’allergène au sein des voies respiratoires, entraînant la dégranulation des mastocytes. Les médiateurs libérés, vaso-actifs (histamine, leucotriènes, etc.), induisent une réponse immédiate aiguë et une bronchoconstriction. De façon retardée et sous l’influence des médiateurs et cytokines Th2, des cellules inflammatoires vont être recrutées, comme des lymphocytes T, des éosinophiles et des neutrophiles. Celles-ci sont à l’origine de l’inflammation chronique et du remodelage bronchique. D’autres cellules vont participer à ces processus, comme les cellules de l’immunité innée, en particulier les cellules épithéliales qui produisent les alarmines pro-Th2 IL-25, IL-33 et thymic stromal lymphopoietin (TSLP), et les cellules lymphoïdes innées de type  2. Cette stimulation directe par l’épithélium via les alarmines explique certains asthmes éosinophiliques non allergiques. D’autres mécanismes complexes, en particulier impliquant les cellules natural killer (NK), les lymphocytes de type  Th17 ou les neutrophiles, parfois indépendants de la

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Source : [4]. Reproduction autorisée.

Figure 5.1. Étapes physiopathologiques de la réponse du système immunitaire de l’asthmatique.

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Asthme allergique

reconnaissance d’un allergène, peuvent induire une inflammation chronique des voies aériennes. Ces mécanismes physiopathologiques distincts, appelés endotypes, pourraient distinguer des types d’asthme différents [5, 6]. À ces mécanismes différents, pourraient correspondre des présentations cliniques, ou phénotypes d’asthme également différentes. Ceux-ci ont été mis en évidence au cours des deux dernières décennies par les études de cohortes [7]. À l’heure actuelle, les principaux critères cliniques intervenant dans ces phénotypes sont l’atopie, l’éosinophilie et la sévérité, avec une distinction en fonction des groupes d’âge. Ces recherches sont en constante progression et certains sous-types d’asthme pourraient être précisés et modifiés dans les années à venir. Une meilleure connaissance de cette diversité et de l’évolution à long terme des patients pourrait permettre de mieux cibler les patients qui bénéficieraient de nouvelles thérapeutiques, en particulier les biothérapies, dans le cadre d’une médecine personnalisée.

Particularités de l’asthme préscolaire Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre et Caroline Thumerelle

L’asthme débute souvent chez le jeune enfant, la moitié des adultes asthmatiques présentait des symptômes dans l’enfance [3]. Une des difficultés principales chez les enfants de moins de 6 ans est de différencier les sifflements liés aux infections, très majoritaires, d’un authentique asthme persistant. Le traitement et la prise en charge de ces enfants font l’objet de recommandations françaises [8] et étrangères [3].

Critères diagnostiques La définition initiale de Tabachnik posait le diagnostic d’asthme chez le jeune enfant ayant au moins trois épisodes de sifflement avant l’âge de 3 ans. Depuis cette définition, des travaux sur l’asthme des enfants préscolaires ont permis une approche plus précise des critères de diagnostic. Les EFR à cet âge de la vie sont difficilement réalisables. On doit aujourd’hui évoquer un asthme chez les enfants préscolaires si [3, 8] : ■ il survient au moins deux épisodes d’exacerbations sifflantes, attestées par un médecin, y compris dans un contexte d’infection virale ; ■ ou si les symptômes sont fréquents (≥ 8 jours/mois). Les symptômes compatibles avec l’asthme sont : ■ toux sèche récurrente ou persistante, notamment la nuit et à l’effort (rires), isolée ou accompagnée de sifflements ; ■ dyspnée d’effort : limitation des activités, fatigabilité rapide.

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Le diagnostic d’asthme est conforté par la réponse au traitement : β2-mimétiques à courte durée d’action sur les sifflements et/ou corticothérapie inhalée poursuivie 2 à 3 mois en test thérapeutique.

Quand évoquer un diagnostic différentiel ? À cet âge de la vie, il faut être particulièrement attentif aux diagnostics différentiels [3, 8]. Toute atypie doit alerter vers un possible diagnostic différentiel : ■ signe de gravité : hypoxémie en dehors des exacerbations, hippocratisme digital, déformation de la paroi thoracique antérieure, cassure de la croissance staturopondérale, symptômes présents dès la sortie de maternité ; ■ anomalie de la radiographie thoracique ; ■ asymétrie auscultatoire/souffle cardiaque ; ■ toux grasse chronique (≥ 4 semaines), bronchorrhée ; ■ wheezing constant, absence d’intervalle libre ; ■ infections récurrentes avec pneumopathie ; ■ troubles de déglutition ; ■ anomalie des voies aériennes supérieures : stridor, cornage ; ■ échec de traitements bien conduits. Quel bilan proposer ? ■ La radiographie thoracique reste un élément fondamental dans la démarche diagnostic. Elle doit être normale dans l’asthme. ■ Le bilan allergologique n’est pas indispensable d’emblée. Pour les enfants âgés de moins de 3 ans, la recherche de sensibilisation ne concernera que les asthmes sévères ou les enfants avec une atopie d’expression multiple : eczéma, rhinite persistante et/ou conjonctivite, allergies alimentaires associées. À partir de 3  ans, l’exploration allergologique devient systématique. L’enquête se fera initialement vers les pneumallergènes les plus fréquents (acariens, chat, chien, pollens de graminées), les trophallergènes ne seront testés qu’en cas de symptômes évocateurs d’allergie alimentaire (lait de vache, œuf, arachide, soja, morue, noisette). Les tests cutanés seront réalisés en première intention ; si leur réalisation n’est pas possible, les tests sanguins multiallergéniques à réponse globale seront effectués. En cas de positivité, l’enquête allergologique sera poursuivie.

Phénotypes Les études de cohorte, notamment celle réalisée à Tucson nous apprennent que 60  % des enfants «  siffleurs  « avant l’âge de 3  ans ne le seront que transitoirement [9]. Au niveau individuel, la principale limite de ces classifications épidémiologiques est la difficulté à définir en temps réel l’appartenance aux différents groupes phénotypiques. Dans toutes les études de cohorte, les polysensibilisations

Asthme allergique

précoces sont un des principaux facteurs de risque de pérennisation de l’asthme et de sévérité de la maladie si multiples.

Qui adresser au spécialiste ? Il convient d’adresser à un spécialiste un enfant qui correspond aux cas suivants : ■ suspicion de diagnostic différentiel ou doute diagnostique ; ■ survenue de plus de deux exacerbations sévères, c’est-à-dire justifiant d’une corticothérapie générale ou d’une hospitalisation, ou persistance de symptômes fréquents (≥ 8/mois) malgré un traitement de fond par corticothérapie inhalée bien conduit ; ■ survenue d’un épisode d’asthme aigu grave.

Traitement de fond Stéphanie Lejeune, Antoine Deschildre et Caroline Thumerelle

Pour tous les patients, le diagnostic d’asthme sous-entend la prescription systématique de β2-mimétiques à la demande avec un plan d’action écrit, des mesures d’environnement avec éviction de toute exposition au tabac. Le traitement inhalé par spray induit l’utilisation constante d’une chambre d’inhalation avec masque pour les plus jeunes et via l’embout buccal à partir de 4 ans, si l’enfant réalise correctement la manœuvre. Le but du traitement est l’obtention du contrôle de l’asthme (tableau 5.1). Les indications du traitement de fond sont [3, 8] : ■ asthme non contrôlé ; ■ et/ou exacerbations fréquentes (≥ 3 par an ou 2 sur une saison) ; ■ et/ou exacerbation sévère (hospitalisée et/ou justifiant d’une corticothérapie générale) dans les 12 derniers mois. Tableau 5.1. Définition du contrôle selon GINA, 2020 (d’après [5]). Bon contrôle

Contrôle partiel Non contrôlé

Symptômes d’asthme de plus de quelques minutes en journée > 1/semaine* ou 2/semaine** Limitation des activités liée à l’asthme Traitement de secours > 1/semaine* ou 2/semaine** (en dehors des prises préventives) Réveils ou toux nocturnes > 1/mois *Chez l’enfant ≥ 6 ans. **Chez l’enfant  7 mm et réalisé avec de la crevette cuite serait prédictif d’un test de provocation orale (TPO) positif [10]. Les IgE spécifiques permettent de définir la sensibilisation sérique de 29 espèces de poissons et 14 espèces de fruits de mer. Des dosages unitaires d’IgE spécifiques d’allergènes moléculaires sont disponibles : 2 β-PVA (cabillaud et carpe) et la TM de crevette. Avec les techniques multiplex, sont aussi dosables : les IgE pour 2 allergènes de l’Anisakis, la troponine C et la chaîne légère de la myosine de la crevette, plusieurs β-PVA (hareng, maquereau, saumon, espadon et thon), l’β-parvalbumine de raie, l’aldolase et la β-enolase du cabillaud avec la puce ALEX® et l’arginine kinase et protéine sarcoplasmique liant le calcium avec la puce ISAC®. Des IgE spécifiques cabillaud > 20 kU/l auraient une valeur diagnostique prédictive positive de réactivité clinique de 95 %. Parmi des patients non sensibilisés aux acariens et allergiques à la crevette, des IgE spécifiques de la crevette > 3,55 kU/l auraient une sensibilité de 100 % et des IgE Der p 10 > 3,98 kU/l une spécificité de 100 % dans une population texane âgée de moins de 18 ans [10]. Le raisonnement allergologique à l’échelle moléculaire a permis de mieux comprendre les phénomènes de réactivité croisée au sein des PDM. Cependant, le recours au TPO est souvent nécessaire pour lever ou élargir un régime d’éviction.

Traitement L’éviction alimentaire reste la principale option. Pour le SEIPA, l’éviction ne concerne que l’espèce à l’origine des symptômes. Pour les allergies IgE-médiées, du fait des réactivités croisées entre poissons mais surtout entre crustacés, atteignant respectivement 50 % et 75 %, le régime d’éviction s’étend, le plus souvent, à l’ensemble de la famille. Mais des allergies spécifiques d’espèces sont décrites au sein des poissons et des fruits de mer. En fonction des patients, des investigations allergologiques plus poussées permettront éventuellement élargir le régime. Des immunothérapies orales aux PDM sont décrites et des essais avec une parvalbumine hypoallergénique semblent prometteurs chez la souris. Ces allergènes alimentaires sont volontiers cachés dans de nombreux plats industriels ou cuisinés en dehors du domicile (surimi, sauces, garnitures de salade, gélatine de poisson), mais aussi dans des médicaments ou des cosmétiques. Les huiles de poissons hautement purifiées ne devraient pas contenir des protéines allergéniques.

Allergies alimentaires

Comme pour les autres AA, la prescription d’une trousse d’urgence, une prévention en milieu scolaire, une éducation thérapeutique et un suivi allergologique seront mis en œuvre dans un projet de soins personnalisés.

Conclusion Les allergies alimentaires aux PDM sont le plus souvent persistantes dans le temps et le régime d’éviction est le plus souvent large en raison de sensibilisations croisées très fréquentes. Les conseils d’éviction alimentaire seront adaptés prenant en compte les résultats d’une exploration allergologique, et le plus souvent, des TPO séquentiels selon les ressources locales et le souhait des patients.

6.7. Le Réseau d’AllergoVigilance® : banque de données sur les anaphylaxies sévères Pascale Beaumont, Dominique Sabouraud-Leclerc et Jean-Marie Renaudin

POINTS CLÉS Le Réseau d’Allergo-Vigilance® (RAV) est un réseau d’allergologues assurant depuis 2002 de multiples fonctions : veille sanitaire et épidémiologique, analyse des cas d’anaphylaxie sévère et de ses particularités, en lien avec certaines institutions françaises (ANSES, DGS) et affilié depuis 2007 au NORA®, organisation de réunions et congrès scientifiques, outil de formation médicale continue. ■ Chez l’enfant, le RAV a, depuis 2002, colligé 1 184 cas d’anaphylaxie dont 1 077 cas de cause alimentaire (arachide, noix de cajou et lait de vache pour les 3  premiers allergènes), 78 liés aux médicaments et 29 liés aux hyménoptères. ■

Historique Le Réseau d’Allergo-Vigilance® (RAV) est une association loi de 1901, fondée en 2001 par le professeur Denise-Anne Moneret-Vautrin†, sur un concept d’allergo-vigilance [1–3], afin de recenser les cas d’anaphylaxie sévère alimentaire,

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médicamenteuse, ou liée aux hyménoptères. Ses membres adhérents sont tous des médecins spécialisés dans le domaine de l’allergologie. Le RAV est à ce jour la seule banque de données française sur l’anaphylaxie sévère, puisqu’il n’existe aucun registre national colligeant ces données.

Fonctionnement Le RAV est doté d’un conseil d’administration et d’un conseil scientifique. Des médecins validateurs attitrés à chaque domaine (aliments, médicaments/allergoanesthésie, hyménoptères) relisent, valident et parfois commentent les cas adressés par les membres déclarants avant leur enregistrement. Les cas déclarés, sur des fiches dédiées, doivent être des cas sévères (grade 2 ou plus selon la classification de Ring et Messmer). Pour les hyménoptères, c’est la classification de Müller qui est utilisée. Les données analysées sont l’âge, le sexe, les signes cliniques, les circonstances de survenue, le délai de réaction, la prise en charge thérapeutique en urgence (lieu, traitement administré), le ou les allergènes responsables, les cofacteurs éventuels, le bilan allergologique (tests cutanés, IgE spécifiques, tryptase sérique, etc.), la conduite tenue à l’issue de ce bilan. Les cas validés sont diffusés par mail, de manière anonymisée, plusieurs fois par semaine, à tous les membres du réseau.

Cadre juridique Étant un organisme d’hébergement de données de santé à caractère privé (DSCP), régi par les décrets du 4 janvier 2006 et du 4 mars 2011, le RAV doit respecter le secret médical, la confidentialité, et offrir une garantie en matière de sécurité, d’archivage, de protection, de conservation et de restitution des données. Par conséquent : ■ chaque cas déclaré reste avant tout la propriété du médecin déclarant ; ■ les cas diffusés ne peuvent en aucun cas être utilisés à des fins de publication ou scientifiques (présentations, réunions de formation médicale continue –  FMC) sans que soit demandé l’accord au RAV, qui demandera l’accord du médecin déclarant.

Missions du RAV Le RAV est un outil de veille sanitaire et épidémiologique, permettant l’identification des allergènes à haut risque, des allergènes émergents, rares ou nouveaux. Il permet d’analyser la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’anaphylaxie [4]. Il étudie les particularités de l’anaphylaxie sévère dans différents milieux (scolaire, transports, etc.) [4–6].

Allergies alimentaires

Il a collaboré au dernier rapport de l’ANSES en 2018 sur les allergies alimentaires (ANSES, 2018), a répondu aux sollicitations de la DGS et est affilié depuis 2007 au réseau NORA®. Il souhaite promouvoir un meilleur étiquetage des allergènes alimentaires à haut risque (notamment laits de chèvre et de brebis, farine de pois), actuellement masqués et/ou ne faisant pas partie des 14 allergènes à étiquetage obligatoire [7, 8]. Il participe à des congrès, à des publications nationales et internationales. C’est un outil de FMC performant et rapide pour ses membres, par la lecture en quelques minutes, plusieurs fois par semaine, des cas diffusés et de leurs commentaires.

Quelques données De 2002 à mi- novembre 2020, le RAV a colligé 3 190 cas d’anaphylaxie sévère : ■ alimentaire : 2 323 cas (dont 50,7 % cas pédiatriques) ; ■ médicaments/allergo-anesthésie : 635 cas (dont 12,4 % cas pédiatriques) ; ■ hyménoptères : 232 cas (dont 12,5 % cas pédiatriques). Cent soixante-quinze aliments différents sont répertoriés comme responsables d’anaphylaxie. Les 23 décès par anaphylaxie (dont 10 chez des enfants ≤ 16 ans) sont liés pour 35 % à l’arachide, 13 % aux fruits à coque (FAC) (cajou, noisette, noix), 9 % au lait de brebis, 9 % au lait de vache.

Allergènes alimentaires émergents Laits de chèvre et de brebis  ; sarrasin  ; légumineuses, dont le pois blond  ; α-galactose des viandes de mammifères ; sésame ; anisakis simplex ; pignon de pin.

Allergènes alimentaires nouveaux, rares Quinoa ; amarante ; graine de courge ; noix de macadamia ; champignons ; ténébrion ; rocou ; baie de Goji ; fruit du dragon ; lait d’ânesse, etc.

Données chez l’enfant Chez l’enfant, l’anaphylaxie alimentaire est beaucoup plus fréquente que l’anaphylaxie aux médicaments ou aux hyménoptères. L’arachide et le groupe des FAC (noix de cajou en premier lieu) sont à eux seuls responsables de 46,5 % des anaphylaxies alimentaires sévères de l’enfant (tableau 6.4).

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Nombre de cas

1077

259

148

81

50

46

44

29

26

25

24

22

21

302

Aliments

Total

Arachide

Noix de cajou

Lait de vache

Laits de chèvre/brebis

Noisette

Œuf de poule

Soja

Crevette

Noix

Kiwi

Pignon de pin

Farine de blé

Autres

28

1,9

2

2,2

2,3

2,4

2,7

4,1

4,3

4,6

7,5

13,7

24

% des cas (aliments)

Autres

Ceftriaxone

Aspirine

Paracétamol

Ibuprofène

Amoxicilline

Total

Médicaments

40

5

5

7

10

11

78

Nombre de cas

51,2

6,4

6,4

9

12,8

14,1

% des cas (médicaments)

Abeille + Vespula

Vespula

Abeille

Total

Hyménoptères

1

11

17

29

Nombre de cas

3

38

59

% des cas (hyménoptères)

Tableau 6.4. Principaux allergènes identifiés dans les cas d'anaphylaxie sévère pédiatrique par le Réseau d'Allergo-Vigilance® depuis 2002.

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Allergies alimentaires

Site internet Allergy Vigilance L’adresse du site est la suivante : https://www.allergyvigilance.org. Il propose différents outils : ■ publications scientifiques sur l’anaphylaxie ; ■ forum de questions/réponses ; ■ mise à disposition de fiches pratiques d’aide au diagnostic et à l’éducation thérapeutique des patients pour les régimes d’éviction.

6.8. Syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) Sibylle Blanc

POINTS CLÉS Le syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) est une allergie non IgE-médiée touchant principalement le nourrisson. ■ La forme aiguë est caractérisée par des vomissements typiques car itératifs et incoercibles, survenant 1 à 4 heures après l’ingestion de l’aliment incriminé, sans atteinte cutanée ni respiratoire, et pouvant être associés à une pâleur, une hypotonie, une léthargie, une déshydratation et/ou une diarrhée. ■ L’aliment le plus souvent impliqué est le lait de vache chez l’enfant. ■ Les tests allergologiques (prick test, IgE spécifiques) sont le plus souvent normaux. ■ Le traitement aux urgences repose sur le remplissage vasculaire par du sérum salé isotonique et l’administration intraveineuse d’ondansétron. ■

Définition Le syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) est une forme d’allergie alimentaire non IgE-dépendante dont les manifestations cliniques sont essentiellement digestives. Il touche plus souvent le nourrisson et peut prendre une forme aiguë sévère, avec déshydratation voire choc hypovolémique [1]. Il y a presque 10 ans, l’incidence cumulée des SEIPA au lait de vache (LDV) était de 0,34 % en Israël et de 0,5 % pour les allergies IgE liées au LDV. Plus récemment,

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l’incidence cumulée des SEIPA, tout aliment confondu, était de 0,015 % en Australie et de 0,7 % en Espagne. La physiopathologie est encore largement méconnue.

Formes cliniques Dans sa forme aiguë, le SEIPA se caractérise par des symptômes «  caractéristiques » à type de vomissements alimentaires itératifs, incoercibles, survenant 1 à 4 heures après l’ingestion de l’aliment, associés souvent à une léthargie, une hypotonie et une pâleur [2]. Dans 50  % des cas, des diarrhées peuvent survenir, en moyenne 6 heures plus tard. Ces symptômes sont déclenchés lors de la réintroduction de l’aliment après une période d’exclusion. Ce tableau clinique est stéréotypé reproduisant systématiquement les mêmes symptômes à l’ingestion de l’aliment incriminé [1]. Des formes chroniques sont décrites, précédant la forme aiguë lorsque l’enfant consomme l’aliment régulièrement. Elles se caractérisent par des diarrhées chroniques parfois glairosanglantes et/ou des vomissements chroniques, un ballonnement, voire des signes de malabsorption. Une mauvaise prise pondérale peut être observée. Dans l’évolution de certains patients avec un SEIPA, des manifestations allergiques de forme IgE-médiée associées à des marqueurs de sensibilisation peuvent apparaître. À l’inverse, il existe dans certaines allergies cliniques de forme IgE-médiée l’apparition de manifestations d’allergie de forme SEIPA [3]. Le diagnostic de SEIPA est clinique, suspecté par la répétition des manifestations stéréotypées, en lien avec la consommation d’un ou de plusieurs aliments, dans les formes aiguës. Le diagnostic est souvent plus difficile et donc retardé dans les formes chroniques.

Démarche diagnostique En 2017, des critères cliniques diagnostiques ont été publiés (tableau 6.5) [4]. Le diagnostic de SEIPA aigu est certain si le critère majeur (vomissements itératifs 1 à 4 heures après l’ingestion de l’aliment) est présent, associé à au moins trois critères mineurs parmi les neuf. Si le patient n’a fait qu’un seul épisode aigu, ou ne présente pas tous les critères requis, un test de provocation orale (TPO) à visée diagnostique, en milieu hospitalier, doit être envisagé. Pour le diagnostic de SEIPA chronique, le critère le plus important est la résolution des symptômes en quelques jours après l’éviction de l’aliment incriminé ainsi que la survenue de symptômes aigus typiques récurrents quand l’aliment est réintroduit. Sur le plan biologique, les mêmes anomalies s’observent dans les formes aiguë et chronique : hyperpolynucléose neutrophile, thrombocytose, acidose métabolique.

Allergies alimentaires

Tableau 6.5. Critères diagnostiques pour les patients présentant une suspicion de SEIPA dans sa forme aiguë et dans sa forme chronique. Forme aiguë de SEIPA Critère majeur Vomissements itératifs 1 à 4 heures après l'ingestion de l'aliment

Critères mineurs – Nouvel épisode de vomissements itératifs après l'ingestion de l'aliment incriminé – Vomissements itératifs 1 à 4 heures après l'ingestion d'un autre aliment – Léthargie extrême lors de la réaction – Pâleur lors de la réaction – Nécessité d'une consultation aux urgences lors de la réaction – Nécessité d'une réhydratation intraveineuse – Diarrhée dans les 24 heures (le plus souvent 5-10 heures) – Hypotension – Hypothermie

Forme chronique de SEIPA Forme modérée Quand l'allergène est consommé en faible quantité (solides, allaitement maternel) : vomissements intermittents et/ou diarrhée, souvent avec mauvaise prise de poids, sans déshydratation ni acidose

Forme sévère Quand l'allergène est consommé régulièrement (formule infantile) : vomissements intermittents et de plus en plus importants, et diarrhée (parfois sanglante) ± déshydratation et acidose métabolique

Dans la forme aiguë, une méthémoglobinémie est décrite. Une hypoalbuminémie et des signes biologiques de malabsorption peuvent être décrits dans les formes chroniques sévères.

Aliments impliqués Tous les aliments peuvent provoquer un SEIPA, avec des variations selon l’âge et les zones géographiques, probablement en lien avec les habitudes alimentaires. L’aliment le plus fréquemment en cause chez l’enfant est le LDV. Dans les pays anglo-saxons, les préparations à base de soja, ainsi que le riz et l’avoine sont fréquemment identifiés ; en Italie et en Espagne, ce sont le poisson et l’œuf.

Tests allergologiques Bien que le diagnostic soit clinique, la réalisation de tests allergiques est habituelle. Dans la forme classique de SEIPA, les prick tests et IgE spécifiques sont normaux. Cependant, il peut exister une sensibilisation allergique (prick tests, IgE spécifiques)

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La diversité des maladies allergiques

dans des SEIPA alors considérés comme « atypiques » [3]. Il n’y a cependant pas de lien entre les marqueurs de sensibilisation et l’évolution ou le phénotype.

Prise en charge thérapeutique Dans la forme aiguë, le traitement en urgence repose sur la restauration de la volémie. Il existe des troubles hémodynamiques sévères dans 15 % des formes aiguës de SEIPA [4]. Dans les formes aiguës plus légères prises en charge au domicile, le soluté de réhydratation orale et l’allaitement maternel doivent être privilégiés. Pour les patients admis aux urgences, une injection intraveineuse ou intramusculaire d’ondansétron (0,15 mg/kg, maximum 16 mg, pour les enfants > 6 mois) peut être indiquée pour son efficacité sur les vomissements, associée à un remplissage vasculaire en cas de troubles hémodynamiques (10 à 20 ml/kg de sérum salé isotonique ou Ringer Lactate par voie intraveineuse voire intra-osseuse). Dans les formes sévères, une injection intraveineuse de corticoïdes (méthylprednisolone 1 mg/kg, maximum 60 mg) pourrait permettre de diminuer l’inflammation cellulaire. Les éventuels troubles hydroélectrolytiques liés aux pertes digestives, ainsi que l’acidose métabolique et une éventuelle méthémoglobinémie doivent être corrigés [4]. Dès le diagnostic, le médecin doit remettre à la famille un protocole de soins en cas de réaction aiguë [5]. Une étude récente a montré l’efficacité potentielle de l’ondansétron per os dans la survenue de symptômes aigus lors de TPO chez 6 enfants âgés de 17 mois à 13 ans [6]. Sur le plan nutritionnel, le régime d’éviction de l’aliment impliqué reste la base de la prise en charge. Pour les enfants avec un SEIPA au LDV, un hydrolysat extensif de protéines de lait de vache doit être prescrit en première intention. Chez ces enfants, dans les pays anglo-saxons, il est conseillé d’attendre l’âge de 1 an pour introduire les céréales [4]. Une formule d’acides aminés est recommandée dans les formes d’emblée sévères de SEIPA au LDV (mauvaise prise pondérale, choc hypovolémique, etc.).

Évolution Les enfants avec un SEIPA au LDV ou à l’œuf semblent avoir un meilleur pronostic que ceux avec un SEIPA au poisson. La recherche d’acquisition de tolérance se fait, le plus souvent, par un TPO en milieu hospitalier, avec la pose d’une voie veineuse périphérique et une surveillance prolongée, habituellement 12 à 18 mois après la dernière réaction [4]. Les protocoles de réalisation des TPO ne sont pas standardisés. Une récente étude a proposé un protocole consistant en l’administration du tiers de la dose normale pour l’âge en hôpital de jour. En l’absence de réaction, l’augmentation des quantités pourrait ensuite être réalisée au domicile, sur 7 à 10 jours [7].

Allergies alimentaires

Conclusion Si les allergologues connaissent désormais bien le SEIPA, cette entité reste méconnue de nombreux pédiatres et urgentistes. Il reste des interrogations sur les modalités optimales du diagnostic (TPO) et l’évolution des formes cliniques, notamment vers des formes IgE médiées.

6.9. Œsophagite et pathologies à éosinophiles Amandine Divaret-Chauveau et Marjorie Bonneton

POINTS CLÉS L’œsophagite à éosinophiles (OE) touche préférentiellement l’enfant et l’adulte jeune, avec chez l’enfant une prédominance masculine. ■ Son diagnostic est suspecté en cas de reflux gastro-œsophagien résistant aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), ou sur la présence de symptômes de dysfonction œsophagienne, variables avec l’âge. ■ Il est confirmé lorsque ces symptômes sont associés à une infiltration éosinophilique (>  15 éosinophiles/champ, × 400) sur les biopsies œsophagiennes étagées et multiples. ■ En première intention, il existe trois options thérapeutiques : IPP, corticoïdes déglutis et régime d’éviction alimentaire. ■ L’efficacité thérapeutique doit être évaluée sur le plan clinique et endoscopique. ■

Œsophagite à éosinophiles Diagnostic Les critères diagnostiques de l’œsophagite à éosinophiles (OE) sont la présence de symptômes de dysfonction œsophagienne associés à une hyperéosinophilie œsophagienne. Les symptômes de dysfonction œsophagienne varient avec l’âge : ■ chez le jeune enfant, vomissements et douleurs abdominales chroniques, reflux gastro-œsophagien sévère, résistant aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), toux chronique et/ou cassure staturo-pondérale ; ■ chez le grand enfant et l’adulte, dysphagie, blocage alimentaire mais aussi vomissements, douleurs abdominales ou rétrosternales chroniques, reflux gastroœsophagien sévère ;

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différentes stratégies d’adaptation sont mises en place  : mastication excessive, lubrification (consommation de liquide pour faciliter le passage du bol alimentaire), découpe de petits morceaux, fractionnement ou allongement de la durée des repas. L’éosinophilie œsophagienne est définie par la présence d’au moins 15  éosinophiles/champ uniquement au niveau de l’œsophage (biopsies étagées et multiples, grossissement × 400), après avoir éliminé une autre cause d’éosinophilie œsophagienne [1]. Les autres critères histologiques majeurs d’OE sont des microabcès à éosinophiles et des signes de dégranulation des éosinophiles. Les autres causes d’hyperéosinophilie œsophagienne sont : ■ le reflux gastro-œsophagien sensible aux IPP ; ■ l’achalasie ; ■ la maladie de Crohn ; ■ la maladie cœliaque. L’identification du ou des aliments responsables d’une OE est difficile, possible dans moins de 50 % des cas [2]. Les aliments le plus souvent impliqués sont le lait de vache, le blé, l’œuf, les légumineuses, les viandes, les poissons, les céréales. Chez l’enfant, un seul aliment est identifié dans 35 à 70 % après une réintroduction séquentielle [2]. Des cas d’OE sont décrits lors de la mise en œuvre d’une immunothérapie orale alimentaire (de 1 à 5 % des patients recevant une immunothérapie orale alimentaire). Le bilan allergologique (prick tests, IgE spécifiques, patch tests) manque le plus souvent de sensibilité et spécificité et ne permet pas de guider les régimes d’éviction. ■

Physiopathologie et épidémiologie La physiopathologie des OE repose sur quatre concepts : exposition environnementale périnatale, dysfonction de la barrière épithéliale œsophagienne, susceptibilité génétique et sensibilisation allergénique avec inflammation de type Th2. Plus de la moitié des patients avec une OE ont un terrain atopique (asthme, rhinoconjonctivite ou allergie alimentaire IgE médiée) [3]. Des exacerbations saisonnières en lien avec des allergies respiratoires sont rapportées. Un bilan allergologique détaillé chez les patients atteints d’OE permet d’éliminer un facteur d’exacerbation et de prendre en charge d’autres manifestations atopiques éventuelles. Les OE touchent principalement les enfants et les adultes jeunes, préférentiellement de sexe masculin, et sa prévalence augmente, surtout dans les pays industrialisés [4].

Prise en charge thérapeutique Tout au long de la prise en charge, il est important d’évaluer la balance bénéfice/ risque entre abstention thérapeutique et effets indésirables potentiels des traitements au long cours, qu’ils soient médicamenteux (corticoïdes ?) ou diététiques (carences ?).

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Depuis 2018, les recommandations valident trois options thérapeutiques en première intention, selon la préférence du patient : IPP, stéroïdes topiques et régime d’éviction. ■ IPP  : posologie recommandée de 1–2  mg/kg/j chez l’enfant. Ce traitement serait efficace dans environ 50–60 % des cas sur les symptômes et la réduction de l’éosinophilie œsophagienne. ■ Stéroïdes topiques pour 4 à 12  semaines au minimum, voire de façon très prolongée : budésonide visqueux (2 mg par jour pour les enfants avant 10 ans ; 4 mg par jour après 10 ans), avec pour consigne de ne pas boire ni manger dans les 30 minutes suivant la prise. Une forme sublinguale est en cours de développement. Il est aussi possible de proposer la déglutition de formes inhalées telles que le propionate de fluticasone. L’efficacité histologique/clinique est analysée de façon variable selon les études qui sont très hétérogènes mais serait > 50 % des patients dans les méta-analyses. ■ Régime d’éviction alimentaire : le choix du type de régime d’éviction pourra être orienté en fonction de l’âge, de la sévérité des symptômes cliniques et de l’histologie. • Une diète élémentaire (consommation exclusive d’acides aminés) sera plus facilement proposée à un nourrisson, mais il est difficile de la poursuivre de façon prolongée et chez l’enfant plus grand. Ce régime est efficace dans plus de 90 % des cas, mais il expose à un risque de carences et n’est pas souhaitable au long cours. • Un régime d’éviction empirique des 6 aliments les plus souvent en cause (produits laitiers, blé, œuf, arachide/légumineuses, fruits à coque, poissons) est privilégié pour obtenir une rémission rapide [5]. Son efficacité est d’environ 70-80 %, mais il est également très contraignant et à risque de carences. • Un régime empirique 2-4-6 (lait et blé, puis œuf et légumineuses, puis poissons, crustacés, mollusques et fruits à coque) permettrait un diagnostic étiologique plus rapide qu’avec un régime d’éviction des 6 aliments d’emblée, tout en conservant un taux de rémission histologique élevé. Les anti-IL-5 et anti-IL-13 semblent être efficaces sur le plan clinique et histologique. L’efficacité des anti-IgE et anti-TNFα semble être plus faible. Cependant, les preuves scientifiques permettant de proposer une prise en charge consensuelle sont insuffisantes pour chacun des traitements proposés et sortent du champ des AMM [6].

Suivi et évolution La rémission clinique (disparition des symptômes de dysfonction œsophagienne) et histologique (diminution du taux d’éosinophiles en dessous de 15 par champ, voire 0), doit être évaluée, mais leur corrélation est souvent faible [7].

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En cas de rémission clinique/histologique, il est recommandé de poursuivre le traitement au long cours, à la dose minimale efficace. En l’absence de rémission, une des 2 autres alternatives thérapeutiques doit être proposée. En cas de sténose, une dilatation endoscopique doit être réalisée. En cas de rémission histologique sans sténose et avec persistance des symptômes, le diagnostic initial doit être réévalué.

Autres pathologies digestives à éosinophiles Contrairement à l’OE, la gastrite, l’entérite et la colite à éosinophiles sont des entités rares, en particulier chez l’enfant (Cianferoni et Spergel, 2018). Les symptômes sont variés et aspécifiques : douleurs abdominales chroniques, troubles du transit, perte de poids. Le nombre moyen d’éosinophiles par champ augmente physiologiquement depuis l’œsophage jusqu’au cæcum, pour ensuite diminuer jusqu’au rectum. Un critère diagnostique proposé est une infiltration éosinophilique dépassant 50 éosinophiles par champ en l’absence de toute autre cause d’éosinophilie intestinale et d’infiltration éosinophilique de tout autre organe extra-digestif. Les options thérapeutiques sont les régimes d’éviction, les corticoïdes et les biothérapies, mais ne sont pas consensuelles.

Conclusion De nombreuses études cherchent à identifier des phénotypes d’OE afin de mieux comprendre les mécanismes en jeu et de proposer une thérapeutique personnalisée. Il est important de réaliser un bilan allergologique chez les patients atteints d’OE afin d’éliminer un facteur d’exacerbation et de rechercher d’autres manifestations atopiques pour les prendre en charge. En 2021, seule la fibroscopie digestive haute avec biopsies étagées est validée pour le suivi de l’OE. D’autres outils sont évalués (impédance-métrie, vidéo-capsules pour analyse microscopique, marqueurs biologiques, etc.) mais aucun n’est validé pour le moment. La place des biothérapies pour les patients non-répondeurs aux traitements usuels doit être évaluée. Références Allergie aux protéines de lait de vache : histoire naturelle, modalités de réintroduction après éviction [1] Bidat E, Deschildre A, Lemoine A, et al. Allergie aux protéines du lait de vache : Guide pratique de la réintroduction des protéines du lait de vache : quand, comment réintroduire. Perfectionnement en Pédiatrie 2019 ; 2 : 10‒21. [2] Venter C, Brown T, Meyer R, et al. Better recognition, diagnosis and management of non-IgEmediated cow's milk allergy in infancy : iMAP-an international interpretation of the MAP (Milk

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La diversité des maladies allergiques

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Pour en savoir plus Allergie à l'arachide PALISADE Group of Clinical Investigators; Vickery BP, Vereda A, et al. AR101 oral immunotherapy for peanut allergy. N Engl J Med 2018 ; 379 : 1991‒2001. Œsophagite et pathologies à éosinophiles Cianferoni A, Spergel JM. Eosinophilic esophagitis and gastroenteritis. Curr Allergy Asthma Rep 2015 ; 15(9) : 58.

CHAPITRE

7

Rhinite et conjonctivite allergiques Jean-Luc Fauquert et Jean-Louis Degraix PLAN DU CHAPITRE ■ Mécanismes allergiques en cause au niveau des voies aériennes supérieures ■ Aspects cliniques ■ Prise en charge ■ Traitements symptomatiques

POINTS CLÉS Les conjonctivites allergiques les plus fréquentes sont bénignes et IgEmédiées. ■ Devant une conjonctivite supposée allergique, la présence de photophobie, de troubles de la vue, des sécrétions épaisses, ou des douleurs oculaires font suspecter une kératoconjonctivite et imposent un examen ophtalmologique urgent. ■ En cas de rhinite supposée allergique, l’existence d’une anosmie, de sécrétions hémorragiques, ou des troubles de l’audition imposent un recours à l’ORL. ■ Le traitement de la conjonctivite allergique saisonnière et de la conjonctivite allergique perannuelle est fondé sur les collyres antidégranulants et antihistaminiques. ■ La prescription de collyres corticoïdes doit être réservée à l’ophtalmologiste. ■ Les rhinites allergiques les plus fréquentes sont bénignes et habituellement soulagées par un traitement symptomatique. ■ Les manifestations ORL telles que récidive d’hypertrophie adénoïdienne ou ethmoïdite imposent la pratique d’un bilan allergologique. ■

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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La diversité des maladies allergiques

Mécanismes allergiques en cause au niveau des voies aériennes supérieures La rhinite allergique (RA) est la conséquence d’une hypersensibilité immédiate (HSI) IgE-médiée. La conjonctivite allergique (CA) est le plus souvent la conséquence d’une HSI IgE-médiée pour les formes bénignes d’allergie oculaire : conjonctivite aiguë et saisonnière (CAS) et conjonctivite allergique perannuelle (CAP). Les formes sévères, kératoconjonctivite vernale (KCV) et kératoconjonctivite atopique (KCA), sont parfois liées à une HSI, parfois à une hypersensibilité non IgE-médiée (HS non-I) ou même sans mécanisme allergique décelé. Les CA sont plus rarement liées à une HS non-IgE médiée : blépharoconjonctivite et conjonctivite allergique de contact [1].

Aspects cliniques Formes isolées et bénignes Rhinite allergique Son diagnostic est clinique : rhinorrhée claire, éternuements, prurit, obstruction nasale, voire hyposmie (tableau 7.1) [2]. Tableau 7.1. Signes d’appel et signes de gravité de la rhinite et de la conjonctivite allergiques. Rhinite allergique (RA)

Conjonctivite allergique (CA)

Signes d’appel de la RA (P.A.R.E.O.)

Signes d’appel de la CA (P.L.Oe.R.)

Prurit nasal

Prurit oculaire

Anosmie

Larmoiement clair

Rhinorrhée claire

Œdème palpébral ou conjonctival

Éternuements

Rougeur oculaire

Obstruction nasale Signes évocateurs de diagnostic différentiel de RA

Signes de gravité de la CA

Obstruction nasale majeure

Photophobie

Altération de la qualité de vie

Douleur oculaire

Anosmie

Sécrétions

Rhinorrhée claire unilatérale

Troubles de la vue

Éternuements absents

Rhinite et conjonctivite allergiques

Intermittente ≤ 4 jours par semaine OU ≤ 4 semaines par an

Légère Sommeil normal Activités sociales et sportives normales Activités scolaires normales Symptômes peu gênants

Persistante > 4 jours par semaine ET > 4 semaines par an

Modérée à sévère : ≥ 1 critère Sommeil perturbé Activités sociales et sportives perturbées Activités scolaires perturbées Symptômes gênants

Figure 7.1. Classification ARIA de la rhinite allergique.

Les signes locaux particuliers à la RA de l’enfant sont les suivants : ■ l’enfant se frotte le nez intensément de bas en haut (pli cutané sus-lobulaire au-dessus de la pointe du nez) ; ■ œdème palpébral inférieur ; ■ hemmage : raclements de gorge répétitifs qui participent aux troubles de l’attention et au retentissement sur la qualité de vie. Les signes généraux sont les suivants : irritabilité, fatigue, troubles de l’attention et/ ou symptômes d’autres organes (œil, poumons, etc.). Il faut évaluer la RA selon la classification ARIA (figure 7.1) : RA intermittente ou persistante, légère ou modérée à sévère [3]. Les RA intermittentes ou persistantes peuvent être perannuelles ou saisonnières. La fréquence de la RA est élevée chez l’enfant et augmente avec l’âge. Elle peut atteindre le jeune enfant et même le nourrisson en particulier en présence d’un asthme [4].

Conjonctivite allergique La conjonctivite allergique (CA) s’exprime par des symptômes au niveau de la surface oculaire : prurit oculaire constant, larmoiement et rougeur oculaire fréquents. Un œdème peut atteindre la conjonctive (chémosis) ou les paupières (voir tableau 7.1). La conjonctivite allergique saisonnière (CAS), forme la plus fréquente, peut donner des symptômes dès le début de l’année civile et persister jusqu’à l’automne. La conjonctivite allergique perannuelle (CAP) s’exprime par les mêmes symptômes associés à une hyperréactivité conjonctivale non spécifique et peut simuler une pathologie de type œil sec : prurit oculaire, sensation de sable dans les yeux, larmoiement, œil sec, œdème palpébral.

Rhinoconjonctivite allergique (RCA) La RCA, forme clinique la plus fréquente, associe les deux entités précédentes et touche jusqu’à 25 % de la population pédiatrique, surtout le grand enfant et l’adolescent.

115

116

La diversité des maladies allergiques

Les symptômes doivent être quantifiés et suivis à l’aide d’une échelle visuelle analogique ou une application mobile d’autoévaluation et l’impact sur la qualité de vie doit être évalué par un questionnaire comme RQLQ [2, 5]. La recherche étiologique doit être systématique en précisant le caractère récurrent, saisonnier, perannuel, ou perannuel avec aggravation saisonnière [2].

Formes graves ou compliquées La rhinosinusite allergique La rhinosinusite allergique est très rare chez l’enfant dont les sinus ne sont pas individualisés. Ses symptômes sont ceux d’une RA avec une congestion céphalique aggravée : céphalées, catarrhe tubaire, troubles de concentration. Cependant, l’allergie respiratoire peut aggraver certains cas d’infection rhinosinusienne aux limites de la classe d’âges. Chez le petit enfant, une ethmoïdite peut être favorisée par une allergie respiratoire, souvent perannuelle. Chez le grand enfant, après 16  ans, une pollinose nasale peut aussi se compliquer d’infection rhinosinusienne, en particulier avec certains pollens (ambroisie, frêne, etc.).

Formes graves de conjonctivite allergique Les formes graves (tableau 7.2) associent une atteinte de la cornée (kératoconjonctivites) et sont relativement rares (3 à 5  % de conjonctivites allergiques de l’enfant) [1]. La KCV (ou kératoconjonctivite printanière) s’exprime surtout en période chaude, et prédomine chez le garçon. Les symptômes s’atténuent à l’approche de la puberté. La photophobie est majeure. La baisse de l’acuité visuelle et les troubles de la vision altèrent souvent la vie sociale et la qualité de vie de ces jeunes enfants. La KCV se présente soit sous la forme d’une atteinte palpébrale avec sur la conjonctive tarsale supérieure éversée des papilles dites « géantes » (e-figure 7.2), soit par une atteinte limbique, avec agrégats cellulaires appelés grains de Trantas (e-figure 7.3) ou un bourrelet gélatineux limbique circonférentiel. L’atteinte cornéenne s’exprime le plus souvent par une kératite ponctuée superficielle (KPS), parfois par un ulcère cornéen, voire une plaque vernale. À terme, le pronostic visuel peut être engagé par l’atteinte cornéenne (néovascularisation, opacités stromales, taie cornéenne) ou par les effets secondaires de la corticothérapie locale (glaucome, cataracte). La KCA, plus rare encore chez l’enfant, atteint les adolescents avec un antécédent de dermatite atopique majeure. Il existe des formes de passage à l’âge adulte entre KCV et KCA. Elle associe les symptômes d’une KCV et des signes palpébraux. Elle expose à des complications chroniques majeures à type de fibrose conjonctivale. Le pronostic visuel est souvent engagé.

Atopique

Signes cardinaux (PLOER)

Terrain

Symptômes

Ulcère, opacités, néovascularisation

KPS ± ulcère ± plaque vernale

± KPS

Papilles géantes

Eczéma + blépharite

Cornée

Papilles géantes, fibrose Nodules de Trantas, limbe épaissi

Papilles et/ou follicules

Conjonctive Follicules

Eczéma +++

HSI/HS non I



Signes cardinaux (PLOER) + signes de gravité

Enfant ± atopique

HSI/HS non I

±

Kératoconjonctivite atopique

Limbe

± Œdème palpébral

Paupières

Atopique

HSI

HSI

Mécanisme

+

+++

Conjonctivite allergique Kératoconjonctivite perannuelle vernale

Fréquence

Conjonctivite aiguë et saisonnière

Tableau 7.2. Aspects cliniques des conjonctivites allergiques de l’enfant.

± conjonctivite

Blépharite

HS non I/Irritant

±

Blépharoconjonctivite de contact

Rhinite et conjonctivite allergiques

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118

La diversité des maladies allergiques

La blépharoconjonctivite, rare chez l’enfant, est une allergie de contact comme l’eczéma de contact. En cas de conjonctivite, la rougeur oculaire prédomine volontiers à la partie inférieure de la conjonctive bulbaire.

Prise en charge Bilan allergologique Il est inutile de faire un bilan allergologique pour les RA, CA et RCA rapidement résolutives et ne récidivant pas sous traitement symptomatique, ou dont la cause est évidente après éviction de l’allergène responsable [6]. En dehors de ce cadre, le bilan allergologique doit être systématique et éventuellement répété. Il repose sur les prick tests réalisables à tout âge, éventuellement complétés par les IgE spécifiques. Les tests de dépistage multiallergéniques (Phadiatop®) peuvent être utilisés en l’absence d’accès aux tests cutanés. Les autres maladies atopiques (asthme) doivent être recherchées au cours de l’interrogatoire. La pertinence du bilan est analysée en fonction de la forme clinique, du contexte environnemental, en particulier de la survenue de symptômes en cas d’exposition allergénique. La pratique d’un test de provocation allergénique est justifiée lorsqu’il existe un doute sur la pertinence de la sensibilisation allergénique, en cas de polysensibilisation, ou lorsqu’un allergène est fortement suspect mais que le bilan n’identifie pas de sensibilisation (« allergie locale ») [7] : ■ le test de provocation nasale  (TPN) est évalué sur le décompte des symptômes après administration locale de l’allergène ou par une rhinomanométrie ; ■ le test de provocation conjonctivale (TPC) est bien codifié [8]. Il reproduit les symptômes de l’HSI et confirme ainsi le lien entre l’allergène testé et les symptômes. Il peut être pratiqué en ambulatoire et évalué alors sur le prurit conjonctival. Dans les formes graves de CA (KCA et KCV), le bilan mérite d’être confié à une équipe pluridisciplinaire (allergologue, ophtalmologiste). Les principaux allergènes impliqués sont des pneumallergènes : ■ ce sont principalement des acariens, des pollens, des phanères d’animaux, des moisissures ; ■ dans certains cas particuliers, le patient peut souffrir de : ● RA par allergie à la blatte ; ● RA et CA aux moisissures ; ● RA et CA dans le cadre d’une allergie alimentaire, en plus de symptômes orofaciaux ; ■ les allergènes de contact peuvent être responsables de poussées de conjonctivite, de blépharoconjonctivite et d’eczéma des paupières. Chez l’adolescent, il

Rhinite et conjonctivite allergiques

s’agit surtout de cosmétiques appliqués sur le visage ou les mains, parfois d’allergènes professionnels chez l’étudiant ou d’additifs de collyres.

Quel enfant adresser à l’ORL ? L’examen clinique effectué par l’allergologue ne permet pas d’investiguer le cavum, les méats sinusiens ou les tympans. Le recours à l’ORL est justifié dans de multiples situations (tableau 7.3) pour pratiquer une endoscopie nasale et éliminer un diagnostic différentiel [2, 9].

Tableau 7.3. Quand adresser à l’ORL un enfant suspect de rhinite allergique. Symptômes justifiant le recours à l’ORL Pathologie à rechercher Obstruction nasale majeure

Hypertrophie des végétations adénoïdiennes associée

Troubles du sommeil, apnées du sommeil, réveils nocturnes, ronflements Altération importante de la qualité de vie Malocclusion dentaire Déformation du massif facial Troubles auditifs associés

Complication par une otite séreuse

Rhinorrhée claire unilatérale ou positionnelle

Fuite de LCR

Rhinorrhée claire bilatérale isolée

Rhinite vasomotrice de l’enfant (exceptionnelle)

Suppuration locale

Rhinite bactérienne ou virale

Rhinorrhée purulente unilatérale

Corps étranger des fosses nasales

Œdème inflammatoire de l’orbite

Ethmoïdite

Anosmie ou des troubles qualitatifs de l’olfaction

Pathologie de l’appareil olfactif

Anosmie franche avec suspicion de polypose (scanner)

Rhinosinusite œdémato-purulente dans: Mucoviscidose Pathologie ciliaire primitive Déficit immunitaire

Épistaxis sévères et fréquentes

Tumeur du cavum

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120

La diversité des maladies allergiques

Quel enfant adresser à l’ophtalmologiste ? Le recours à l’ophtalmologiste est nécessaire en cas de signe de gravité ou de doute diagnostique : ■ photophobie et blépharospasme : évaluer l’atteinte cornéenne ; ■ troubles de la vision et douleur oculaire : examen ophtalmologique en urgence pour une évaluation diagnostique et thérapeutique. L’ophtalmologiste vérifie aussi l’absence de séquelles cornéennes, de zones de fibrose ou d’atrophie (KCA) ainsi que la qualité de la réfraction, de l’équilibre oculomoteur ; ■ blépharite : l’avis est nécessaire pour différencier la blépharite de contact chez l’adolescent du dysfonctionnement meibomien, responsable d’une inflammation du bord libre de la paupière, d’une rosacée oculaire, qui nécessite de simples soins de paupières ; ■ résistance au traitement symptomatique de première intention ; ■ dans des formes graves (KCV et KCA)  : prélèvement de larmes ou de tissu conjonctival, éventuel TPC pour décider une immunothérapie allergénique [8].

Traitements symptomatiques Le traitement des RA et des CA repose en premier lieu sur l’éviction des allergènes et sur un traitement symptomatique.

Traitement symptomatique de la rhinite allergique Les recommandations ne font pas de préférence pour l’un ou l’autre des traitements (antihistaminiques par voie orale versus corticoïdes nasaux) en fonction de la sévérité ou du retentissement de la rhinite [10] : ■ lavage nasal au sérum physiologique, essentiellement après exposition allergénique en période de pollinose dans tous les cas, pluriquotidien ; ■ antihistaminiques par voie orale, non sédatifs. Ils représentent la première ligne de traitement chez l’enfant dès l’âge de 1  an et sont indiqués dans la RA légère ou intermittente ou pour les enfants plus grands qui redoutent les soins locaux ; ■ antihistaminiques par voie locale peu utilisés chez l’enfant ; ■ corticoïdes nasaux : ils peuvent être utilisés dès l’âge de 2 ans en cas de RA modérée à sévère, éventuellement associés aux antihistaminiques par voie orale, surtout en cas d’obstruction nasale ; ■ corticoïdes oraux : ils peuvent être utiles en cure courte en cas de symptômes sévères, en particulier s’il s’agit d’obstruction nasale avec gêne respiratoire nocturne ; ■ les vasoconstricteurs sont formellement contre-indiqués chez l’enfant.

Rhinite et conjonctivite allergiques

Traitement symptomatique de la conjonctivite allergique : les collyres Pour éviter l’apparition d’allergie non immédiate aux additifs, les formes de collyre sans conservateur seront privilégiées [11, 12], sous forme de dosettes uniques ou dont le flacon possède un système de réabsorption des additifs – tels que Abak®, Comod®, etc. (e-tableaux 7.4 à 7.6) : ■ lavages oculaires de sérum physiologique (limite le contact avec l’allergène et élimine les sécrétions) : de façon systématique, à répéter autant que nécessaire au cours de la même journée tant que les symptômes sont présents ; ■ larmes artificielles (rôle protecteur en restituant un film lacrymal) : le patient instille les larmes 4 à 6 fois par jour selon la formule choisie ; ■ stabilisants de la membrane  : ils inhibent la dégranulation du mastocyte et donc la libération de médiateurs pro-inflammatoires. Leur durée d’action courte impose de nombreuses instillations quotidiennes. Ils ont peu d’effets secondaires ; ■ antihistaminiques en collyres : ils ont un effet plus rapide et plus intense que les formes systémiques, et peu ou pas d’effet secondaire (parfois réaction locale transitoire après l’instillation) ; ■ collyres à double action, à la fois anti-H1 et antidégranulants : leur action est rapide et leur bonne tolérance permet d’améliorer l’observance thérapeutique ; ■ corticoïdes locaux : ils seront prescrits, après élimination d’une infection locale, par un ophtalmologiste qui veillera à donner des conseils d’utilisation et assurera le suivi : risque de complications iatrogènes graves (glaucome et cataracte). Les formes bénignes (CAS et CAP) justifient les traitements symptomatiques locaux. Les antihistaminiques par voie générale peuvent être associés en cas de résistance au traitement de compliance difficile, ou de rhinite associée.

Traitement de fond Le traitement doit associer un traitement de fond prescrit par le spécialiste : ■ immunothérapie allergénique dans les formes bénignes, persistantes ou récidivantes (RA, CA et RCA), par voie sublinguale le plus souvent, dès l’âge de 5 ans ; ■ traitements d’épargne cortisonique sous surveillance ophtalmologique dans les formes graves (KCV et KCA) : ciclosporine, FK-506, voire biothérapies. Références [1] Leonardi A, Bogacka E, Fauquert JL, et al. Ocular allergy : recognizing and diagnosing hypersensitivity disorders of the ocular surface. Allergy 2012 ; 67 : 1327‒37. [2] Crampette L, Coste A, Didier A, et al. Prise en charge diagnostique et thérapeutique des rhinites allergiques par l’ORL. In: SFORL, Rhinites allergiques, Rapport 2019 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale. Paris Elsevier Masson ; 2019.

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La diversité des maladies allergiques

[3] Bousquet J, Arnavielhe S, Bedbrook A, et  al. The Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (ARIA) score of allergic rhinitis using mobile technology correlates with quality of life : The MASK study. Allergy 2018 ; 73 : 505‒10. [4] Bousquet J, Hellings PW, Agache I, et al. Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma (ARIA) Phase 4 (2018) : Change management in allergic rhinitis and asthma multimorbidity using mobile technology. J Allergy Clin Immunol 2019 ; 143 : 864‒79. [5] Moussu L, Saint-Pierre P, Panayotopoulos V, et al. Determinants of allergic rhinitis in young children with asthma. PLoS One 2014 ; 9 : e97236. [6] Fauquert JL. Diagnosing and managing allergic conjunctivitis in childhood : The allergist’s perspective. Pediatr Allergy Immunol 2019 ; 30 : 405‒14. [7] Eguiluz-Gracia I, Pérez-Sánchez N, Bogas G, et al. How to diagnose and treat local allergic rhinitis : a challenge for clinicians. J Clin Med 2019 ; 8 : 1062. [8] Fauquert JL, Jedrzejczak-Czechowicz M, Rondon C, et al. Conjunctival allergen provocation test : guidelines for daily practice. Allergy 2017 ; 72 : 43‒54. [9] Brown T. Diagnosis and management of allergic rhinitis in children. Pediatr Ann 2019 ; 48 : e485‒8. [10] Leonardi A, Doan S, Fauquert JL, et  al. Diagnostic tools in ocular allergy. Allergy 2017  ; 72  : 1485‒98. [11] Bielory L, Delgado L, Katelaris CH, et al. Diagnosis and management of allergic conjunctivitis. Ann Allergy Asthma Immunol 2020 ; 124 : 118‒34. [12] Leonardi A, Silva D, Perez Formigo D, et al. Management of ocular allergy. Allergy 19 mars 2019. doi:10.1111/all.13786.

Pour en savoir plus Scadding GK. Optimal management of allergic rhinitis. Arch Dis Child 2015 ; 100 : 576‒82.

Rhinite et conjonctivite allergiques

e-Figure 7.2. Kératoconjonctivite vernale : macropapilles sur la conjonctive tarsale retournée.

e-Figure 7.3. Kératoconjonctivite vernale : grains (flèche rouge).

122.e1

* Collyres sans conservateur.

Collyres double action

1/œil × 2

collyre à 0,25 mg/ml

1/œil × 2

1/œil × 2

collyre à 0,25 mg/ml* collyre 1 mg/ml

1/œil × 2

collyre à 0,25 mg/ml* unidose

Olopatadine

1/œil × 2

collyre à 0,25 mg/ml*

Kétotifène

1/œil × 1

1/œil × 3 à 4

collyre à 0,05 % (gtes) collyre à 0,05 % (gtes)

1/œil × 2

1/œil × 2

unidose à 0,05 % (gtes)* collyre à 0,05 %

2/œil × 2

unidose à 0,05 % (gtes)*

Epinastine

Azélastine

1/œil × 2

1/œil × 2 à 6 1/œil × 3 à 4

collyre à 4,9 %

NAAGA/Ac. spaglumique

1/œil × 2 à 4

1/œil × 2 à 6

collyre à 0,05 % (gtes)

collyre à 2 %

Posologie/jour

collyre à 0,1 % unidose

collyre à 2 %

Acide nédocromil

Présentation

Acide cromoglicique

Collyres antihistaminiques Lodoxamide H1 Lévocabastine

Collyres antidégranulants

DCI

e-Tableau 7.4. DCI des principaux traitements antiallergiques locaux des conjonctivites allergiques.

> 3 ans

> 3 ans

> 3 ans

> 3 ans

> 3 ans

> 12 ans

> 4 ans

> 6 ans

oui

oui

oui

oui

oui

oui

oui

Enfant

122.e2 La diversité des maladies allergiques

Collyres antidégranulants

TILAVIST® NAABAK®

NAAGA/Ac. spaglumique

MULTICROM unidoses®

MULTICROM®

CROMEDIL unidoses®

HUMEX unidoses®

CROMADOSES unidoses

ALLERGOCOMOD®

CROMABAK®

CHROMOFREE®

CROMOPTIC unidoses®

CROMOPTIC®

OPHTACALM unidoses®

OPHTACALMFREE®

OPHTACALM®

CROMEDIL unidoses®

OPTICRON unidoses®

OPTICRON®

Nom commercial

Ac. Nédocromil

Acide Cromoglicique

DCI

collyre à 4,9 %

collyre à 2 %

collyre à 2 %

Présentation

1/œil × 2 à 6

1/œil × 2 à 4

1/œil × 2 à 6

Posologie/jour

e-Tableau 7.5. Noms commerciaux des principaux traitements antiallergiques locaux des conjonctivites allergiques.

oui

oui

oui

(suite)

Enfant

Rhinite et conjonctivite allergiques

122.e3

* Collyres sans conservateur.

Collyres double action

Collyres anti histaminiques H1

collyre à 0,25 mg/ml* collyre à 0,25 mg/ml

ZALERG® ZALErGONIUM® OPATANOL®

collyre à 0,25 mg/ml unidose*

MONOKETO®

Olopatadine

collyre à 0,25 mg/ml*

KETOTIFENE THEA®

Kétotifène

collyre 1 mg/ml

collyre à 0.05 % (gtes)

PURIVIST®

1/œil × 2

1/œil × 2

1/œil × 2

1/œil × 2

1/œil × 2

1/œil × 1

1/œil × 3 à 4

Epinastine

1/œil × 2

collyre à 0,05 % (gtes)

1/œil × 2

2/œil × 2

1/œil × 2

1/œil × 3 à 4

Posologie/jour

collyre à 0,05 %

unidose à 0,05 % (gtes)*

ALLERGIFLASH® ALLERGODIL®

unidose à 0,05 % (gtes)*

LEVOFREE®

Azélastine

collyre à 0,05 % (gtes)

LEVOPHTA®

Lévocabastine

collyre à 0,1 % unidose

Présentation

ALMIDE®

Nom commercial

Lodoxamide

DCI

e-Tableau 7.5. Noms commerciaux des principaux traitements antiallergiques locaux des conjonctivites allergiques.  (Suite)

> 3 ans

> 3 ans

> 3 ans

> 3 ans

> 3 ans

> 12 ans

> 4 ans

> 6 ans

oui

oui

oui

oui

Enfant

122.e4 La diversité des maladies allergiques

Rhinite et conjonctivite allergiques

e-Tableau 7.6. Larmes artificielles ou substituts lacrymaux (SL). SL newtoniens

SL rhéofluidifiants (non newtoniens)

SL à seuil d’écoulement ou « gélifiés »

Propriétés

Dénomination

Nom commercial

Viscosité faible mais stable

Sérum physiologique

Larmabak®, Phylarm®, Unilarmes®, LA Martinet®

Polymères de vinyl

Dulcilarmes®, Fluidabak®, Nutrivisc®, Unifluid®, Refresh®

Dérivés cellulosiques

Artelac®, Celluvisc®

Carbomères

Aquarest®, Lacrifluid®, Lacrigel®, Lacrinorm®, Lacryvisc®, Liposic®, Siccafluid®, Gel larmes®, Civigel®

Hyaluronate de Na (HS)

Hyabak®, Hyaline®, Hylocomod®, Hylovis®, Vismed®, Olixia®, Vitadrop®

Hydroxypropyl-Guar

Systane®

Émulsions lipidiques

Aquarest®, Cationorm®, Liposic®, Sytane®

Osmorégulateur

Optive®, Thealoz®

Viscosité élevée mais qui diminue sous l'effet du cisaillement clignement

Très rémanents, mais génèrent des troubles de la vue

122.e5

CHAPITRE

8

Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ? PLAN DU CHAPITRE

8.1 Dermatite atopique ■■ Définition, physiopathologie et phénotypes cliniques de la dermatite atopique ■■ Quelles sont les indications du bilan allergologique respiratoire et alimentaire

dans la dermatite atopique de l’enfant ?

8.2 Eczéma par allergie de contact dans la dermatite atopique ■■ Fréquence de l’eczéma par allergie de contact chez les enfants avec une

dermatite atopique ■■ Quels sont les allergènes de la batterie standard les plus souvent en cause ? ■■ Quand proposer une exploration par patch-tests chez un enfant avec une

dermatite atopique ? ■■ Difficultés dans l’interprétation des patch-tests chez les enfants avec une

dermatite atopique ■■ En pratique, quels patch-tests ? ■■ Conclusion

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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La diversité des maladies allergiques

POINTS CLÉS La dermatite atopique (DA) est une maladie chronique d’origine multifactorielle, de prédisposition génétique. ■ Son évolution est dans la majorité des cas indépendante des sensibilisations ou comorbidités atopiques associées. ■ La réalisation d’un bilan allergologique doit être réservée à des cas particuliers et orientée par la clinique et l’interrogatoire. ■ L’éducation thérapeutique est la pierre d’achoppement de la gestion de la DA et le traitement repose sur les traitements locaux (émollients systématiques, dermocorticoïdes en première intention). ■ La corticophobie et/ou la sous-consommation de dermocorticoïdes sont les causes les plus fréquentes d’échec de traitement de la DA. ■ Un tiers des enfants avec une DA qui ont eu des patch-tests ont une allergie de contact, associée. ■ Les indications d’exploration par patch-tests dans la DA de l’enfant sont limitées. La batterie standard européenne (moins 3 haptènes) constitue la batterie de référence pour réaliser ces patch-tests dont l’interprétation nécessite une expertise allergologique. ■

8.1. Dermatite atopique Nathalia Bellon

Définition, physiopathologie et phénotypes cliniques de la dermatite atopique Définitions et physiopathologie La dermatite atopique (DA) est une maladie inflammatoire cutanée chronique fréquente évoluant par poussées, qui revêt différents aspects selon l’âge et le terrain. Elle est souvent associée à un terrain de prédisposition à l’atopie qui concerne environ un enfant avec DA sur 3, avec de grandes disparités selon les études [1]. La prévalence de la DA est d’environ 20 % chez les enfants [2]. Des études ont montré que les phénotypes de DA peuvent être individualisés selon l’âge, la chronicité, l’ethnie, le statut filaggrine et le taux d’IgE circulantes. Le terrain génétique (endotype) fait le lit des aspects cliniques différents (phénotypes) [3]. Les anomalies de la barrière cutanée à l’origine de la DA sont déterminées par le terrain génétique en fonction des mutations ou polymorphismes dans certains

Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ?

gènes, ou des susceptibilités génétiques liées à certains loci. Les gènes concernés sont principalement la filaggrine (10 à 40 % des patients avec une DA), la loricrine et la périplakine. Ces particularités génétiques entraînent des altérations de la barrière cutanée pouvant se traduire par des altérations du TEWL (trans-epithelial water loss), faisant le lit des sensibilisations par voie cutanée [4]. Les mutations de type perte de fonction filaggrine sont à l’origine : ■ d’anomalies de la fonction barrière cutanée ; ■ de l’augmentation des sensibilisations ; ■ de l’augmentation du risque d’asthme ; ■ de l’augmentation du risque d’allergies alimentaires et d’allergies de contact ; ■ de formes plus sévères et chroniques ; ■ de risque accru d’infections cutanées bactériennes et herpétiques [5]. Le déficit en filaggrine se traduit par une xérose cutanée intense, un aspect d’ichtyose vulgaire prédominant aux jambes (« peau de serpent ») et une hyperlinéarité palmoplantaire marquée. En cas de déficit en filaggrine, les facteurs environnementaux favorisant ou aggravant la DA seraient : ■ la place dans la fratrie (le dernier né a plus de risques, théorie microbiologique) ; ■ l’exposition aux phtalates (notamment via l’exposition à la poussière) ; ■ l’exposition précoce aux poils de chat et la qualité de l’eau (l’eau très calcaire peut favoriser l’eczéma chez un patient prédisposé). Une plus longue durée d’allaitement maternel apparaît comme facteur protecteur [6].

Phénotypes pédiatriques de la dermatite atopique On peut individualiser quatre principaux phénotypes pédiatriques de DA : ■ les DA précoces persistantes qui sont plus sévères, chroniques, et nettement associées aux comorbidités atopiques comme l’asthme et les allergies alimentaires ; ■ les DA précoces transitoires où le risque d’asthme et d’allergie alimentaire est plus modéré ; ■ les DA tardives (> 2 ans) avec risque de rhinite allergique ; ■ les DA tardives isolées sans comorbidité atopique. On constate qu’au-delà l’âge de 13 ans, la proportion de DA persistante est similaire à celle de l’adulte. Ainsi, le sous-groupe DA précoce persistante est un sousgroupe particulièrement à risque de comorbidités atopiques et de persistance au cours de la vie, qui peut inciter plus particulièrement à la réalisation d’explorations allergologiques [7, 8].

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126

La diversité des maladies allergiques

Quelles sont les indications du bilan allergologique respiratoire et alimentaire dans la dermatite atopique de l’enfant ? Le diagnostic d’allergie est défini par l’association de symptômes cliniques évocateurs et de sensibilisations allergiques mises en évidence par des tests allergologiques (cutanés et/ou sanguins) et concordants avec la clinique. La réalisation de tests allergologiques ne doit donc pas être systématique, mais guidée par la clinique (figure 8.1).

Quel bilan d’allergie respiratoire ? La recherche de symptômes d’asthme lors de l’interrogatoire doit être systématique à tout âge. Une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) sera réalisée au moins une fois chez tout enfant avec une DA sévère en tenant compte de l’âge et des ressources locales pour la réaliser. La recherche de sensibilisations aux aéro-allergènes (acariens, moisissures, pollens) est indiquée en cas rhinoconjonctivite allergique ou d’asthme. Cependant, l’immunothérapie spécifique aux aéro-allergènes n’a pas sa place dans le traitement de la DA [9]. L’intérêt de ce bilan allergologique est donc limité pour un patient avec DA sans comorbidité, mais peut éventuellement inciter à proposer des mesures d’éviction anti-acariens chez des enfants présentant une DA modérée à sévère avec des antécédents familiaux d’asthme, en cas de sensibilisation.

Cause contact : patch-tests cosmétiques, traitements locaux Signes d’allergie pneumallergènes : prick-tests (IgE) Désensibilisation ?

Eczématisation Autre pathologie sous-jacente

Dermatite atopique Courbe staturo-pondérale Normale

Signes d’allergie alimentaire IgE médiée : IgE, prick-tests Évictions

Eczéma

Non IgE médiée : évictionsréintroductions

Anormale Pas de signes d’allergie alimentaire, bonne réponse au traitement bien conduit

STOP

Signes d’allergie alimentaire

Pas de signes d’allergie alimentaire Symptômes associés ?

IgE, prick-tests, FOGD (EoE ?) Évictions

Minimal : malabsorption, inflammatoire Selon orientation : immunologique, maladie cœliaque, etc.

Figure 8.1. Arbre décisionnel aidant à l’orientation d’un bilan allergologique dans le cadre d’une dermatite atopique.

Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ?

Quel bilan d’allergie alimentaire ? Environ 37 % des enfants avec DA ont une sensibilisation alimentaire, mais la plupart ne sont pas allergiques [4, 10]. Les indications d’un bilan allergologique alimentaire, orienté en fonction de l’interrogatoire, sont résumées dans l’encadré 8.1. Ce bilan comportera la réalisation de prick tests et d’IgE spécifiques en cas de symptômes immédiats évoquant une allergie IgE-médiée. Les allergènes alimentaires les plus fréquemment impliqués sont le lait de vache, le blé, l’œuf et l’arachide. La réalisation de tests épicutanés (patch-tests) alimentaires en cas de symptômes d’allergie retardée est plus débattue, et actuellement rarement pratiquée, mais peut être utile en cas de symptômes évocateurs : troubles digestifs importants, mauvaise prise pondérale, DA sévère précoce mal contrôlée (encadré 8.2). Chez le nourrisson, une DA précoce et sévère doit faire évoquer une allergie aux protéines de lait de vache non IgE-médiée et faire discuter une épreuve évictionréintroduction [11]. Le diagnostic d’allergie alimentaire non IgE-médiée, à l’origine des symptômes de DA, sera posé sur les critères d’amélioration sous régime d’éviction associée à une ré-aggravation à la réintroduction de l’aliment (sans modification des traitements locaux par ailleurs). Des éruptions cutanées plus fugaces, prurigineuses, volontiers urticariennes, liées à la consommation d’un aliment ne sont pas exceptionnelles chez l’enfant avec DA, et peuvent être observées avec des aliments riches en histamine ou histaminolibérateurs comme le chocolat, le poisson, la tomate, etc. Le caractère non systématique ou aléatoire de ces éruptions est évocateur de réactions histaminiques. Un bilan allergologique alimentaire élargi ne sera envisagé que dans des situations exceptionnelles de DA sévère associée à un retentissement sur la croissance Encadré 8.1

Quand penser à une allergie alimentaire dans la dermatite atopique ?





Suspicion d’allergie IgE-médiée : – réaction immédiate évocatrice cutanée, respiratoire, digestive ; – anaphylaxie. Suspicion d’allergie non IgE-médiée : – troubles digestifs importants : reflux gastro-œsophagien sévère, douleurs abdominales avec réveils nocturnes, troubles du transit, ballonnements ; – mauvaise prise de poids ; – dermatite atopique sévère, précoce, mal contrôlée par le traitement bien conduit.

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La diversité des maladies allergiques

Encadré 8.2

Quand penser à l’eczéma de contact ? Atteinte palmoplantaire chez l’enfant (inhabituelle) : talons, avant-pieds, pulpaire, etc. ■ Atteinte péribuccale résistante au traitement. ■ Atteinte péri-ombilicale (en cas d’allergie au nickel : bouton pression). ■ Atteinte du siège chez le nourrisson : penser à l’allergie aux couches (caoutchouc) ; le siège est classiquement respecté dans la DA du nourrisson donc cette localisation est atypique. ■

staturopondérale isolé. La mise en évidence de polysensibilisations alimentaires IgE ne doit en aucun cas conduire à des évictions alimentaires non justifiées, responsables de potentielles carences et aggravation de l’hypotrophie.

8.2. Eczéma par allergie de contact dans la dermatite atopique Annick Barbaud

Fréquence de l’eczéma par allergie de contact chez les enfants avec une dermatite atopique Environ un tiers des enfants avec une DA explorés par des patch-tests ont une allergie de contact [1, 2]. Une méta-analyse (74 études dont 24 en pédiatrie) a montré une prévalence de sensibilisation de contact accrue chez les patients avec DA par rapport à la population générale [3].

Quels sont les allergènes de la batterie standard les plus souvent en cause ? Les allergènes identifiés par les patch-tests chez les patients atteints de DA sont le plus souvent [1]  : nickel, cobalt, dichromate de potassium, lanoline, néomycine, formaldéhyde, mélange lactone sesquiterpénique, mélange des composées, marqueurs des allergies aux parfums (par exemple, les fragrances mix  I et II, le

Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ?

Myroxylon balsamum variété pereirae ou baume du Pérou et l’hydroxyisohexyl3-cyclohexenecarboxaldéhyde – Lyral®). Cependant, une étude a montré que l’incidence de la sensibilisation au nickel chez les enfants avec ou sans DA n’était pas différente [2]. Dans une étude chinoise où la fréquence des allergies au cobalt était plus élevée chez les enfants avec une DA par rapport aux enfants sans DA, les auteurs soulignaient l’importance de l’exposition au cobalt dans l’environnement des enfants (ordinateurs portables, bijoux fantaisie, boutons, boutons pressions, fermetures éclairs et cuir des chaussures) [4]. La sensibilisation au « fragrance mix » (marqueur de l’allergie aux parfums) semble plus fréquente chez les enfants avec une DA que chez ceux sans DA [2]. Mais d’autres études n’ont pas confirmé que l’allergie aux parfums soit plus fréquente chez les enfants avec une DA. Cependant, les enfants atopiques étaient plus souvent sensibilisés à l’Amerchol L101 (émollient parfois retrouvé dans les savons, shampooings, huiles pour bébés, crèmes) mais pas à la lanoline. Les composants des émollients pourraient donc être en cause dans certaines sensibilisations de contact chez les enfants atopiques. Une étude pédiatrique rétrospective néerlandaise a néanmoins révélé que les enfants atteints de DA avaient une réactivité considérablement accrue à la lanoline et aux parfums [5].

Quand proposer une exploration par patch-tests chez un enfant avec une dermatite atopique ? Les cinq indications sont résumées dans l’encadré 8.3. Encadré 8.3

Cinq indications des patch-tests en cas de dermatite atopique Aggravation de la dermatite atopique, résistance aux traitements topiques bien expliqués et bien appliqués ou rechute dès leur arrêt, modification de la topographie de l’eczéma. ■ Topographie atypique des lésions eczémateuses ou pour laquelle la topographie des lésions évoque une dermatite de contact (par exemple paupières, tête et cou, main et pied, régions péri-orales et péri-orbitaires). ■ Eczéma des mains de rythme professionnel chez un patient ayant une dermatite atopique. ■ Dermatite atopique apparaissant à l’adolescence sans aucun antécédent d’eczéma précoce. ■ Dermatite atopique sévère ou généralisée qui nécessitera un traitement systémique immunosuppresseur. ■

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La diversité des maladies allergiques

Difficultés dans l’interprétation des patch-tests chez les enfants avec une dermatite atopique Il est difficile de tester un patient ayant une DA sévère à distance de toute administration d’un traitement immunosuppresseur systémique ou topique. Les patients atteints de DA ont un seuil d’irritation inférieur à celui des personnes ayant une barrière épidermique normale. Il existe donc un risque de réactions irritantes ou de faux positifs (surtout métaux, parfums, formaldéhyde et lanoline). Chez des patients traités, la lecture des patch-tests peut être difficile. Le risque de faux négatifs augmente avec la sévérité de la DA. Des réactions faibles ou irritantes peuvent être interprétées comme de vrais positifs, mais, à l’inverse, certains patchtests peuvent être faussement négatifs, en cas de DA en poussée.

En pratique, quels patch-tests ? Patch-tests de la batterie standard Il est recommandé de réaliser la batterie standard européenne (BSE) en supprimant 3 haptènes fortement réactogènes (sauf en cas de forte suspicion) et qui ont peu de pertinence chez l’enfant : paraphénylènediamine (PPD), résine Epoxy et 2-hydroxy-éthylméthacrylate (2-HEMA) [6]. Une batterie «  ajouts » est proposée en plus en cas de suspicion d’allergie de contact aux cosmétiques utilisés  : parfums (limonène peroxyde et linalol peroxyde) ou haptènes souvent retrouvés dans les topiques et cosmétiques [6]. D’autres batteries complémentaires peuvent être utiles en testant surtout les produits manipulés (jouets, matériel sportif, cosmétiques comme les émollients, antiseptiques et topiques appliqués pour le traitement).

Quels haptènes rechercher en fonction de la topographie de l’eczéma par allergie de contact ? ■



Devant un eczéma du visage, il faut rechercher : ● un contact direct (produits de toilette, cosmétiques, produits capillaires, topiques utilisés pour traiter la dermatose initiale en particulier une allergie aux corticoïdes) ; ● une exposition aéroportée aux produits parfumés, aux peintures murales qui contiennent des isothiazolinones, aux colles, résines ou vernis manipulés lors de jeux ; ● un photoallergène  : anti-inflammatoire non stéroïdien topique pouvant être appliqué à distance du visage ou filtres solaires chimiques. Devant une chéilite, il faut évoquer : ● une sensibilisation aux cicatrisants de certains baumes pour les lèvres comme le baume du Pérou (Myroxylon pereirae) ou la cire d’abeille, aux

Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ?





conservateurs (gallates, bisabolol), aux filtres solaires contenus dans les sticks (Parsol® SLX), aux dentifrices ; ● un contact manuporté : chaîne ou élastique de tresse portées à la bouche, crayon grignoté, anche de clarinette par exemple ; ● une dermite de contact aux protéines alimentaires [7]. Devant un eczéma des mains, il faut rechercher : ● un contact direct avec des produits professionnels chez les apprentis (amélioration spontanée lors des congés  ?), avec les produits manipulés lors des loisirs, les gants, les crèmes barrières ou émollientes, les produits de toilette et les topiques utilisés pour traiter la dermatose initiale ; ● une dermite de contact aux protéines  : il s’agit d’un eczéma en regard du contact avec une protéine mais dont le diagnostic repose non sur les patch-tests mais sur les prick tests. Cette cause est rare chez le jeune enfant et il faut l’évoquer chez l’adolescent en apprentissage dans les métiers de bouche, les principaux allergènes étant alors les protéines comestibles animales ou végétales [7]. Devant un eczéma des pieds, il faut évoquer : ● une allergie aux constituants des chaussures dont le tannage du cuir (chrome hexavalent, cobalt), les agents de vulcanisation du caoutchouc (Mercapto-mix, mercaptobenzothiazole), la colle des cuirs (résine butylphénol formaldéhyde), les colorants, l’acétophénone-azine des tongs [8], les thiourées des chaussons de plongée en néoprène, les produits ajoutés pour éviter les moisissures lors du transport précommercialisation des chaussures (diméthylfumarate), les produits pulvérisés pour désodoriser les chaussures et les topiques médicamenteux comme les corticoïdes ou les antimycosiques ; ● les vêtements et protections utilisés lors des activités sportives peuvent entraîner des eczémas en leur regard : acétophénone azine dans les protège-tibias [8] ou thiourées dans le matériel en néoprène utilisé pour les sports nautiques.

Conclusion Les enfants avec dermatite atopique sont fréquemment sensibilisés aux allergènes alimentaires mais très peu ont effectivement une réelle allergie alimentaire. Les allergies IgE- et non IgE-médiées ne doivent être recherchées qu’en cas de symptômes évocateurs. Les dermites de contact sont fréquentes en cas de dermatite atopique et doivent être recherchées en cas de symptômes évocateurs. Références Dermatite atopique [1] Flohr C, Johansson SGO, Wahlgren C-F, et al. How atopic is atopic dermatitis ? J Allergy Clin Immunol 2004 ; 114 : 150‒8. [2] Bylund S, von Kobyletzki LB, Svalstedt M, et al. Prevalence and incidence of atopic dermatitis : a systematic review. Acta Derm Venereol 9 juin 2020 ; 100(12) : adv00160.

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La diversité des maladies allergiques

[3] Czarnowicki T, He H, Krueger JG, et al. Atopic dermatitis endotypes and implications for targeted therapeutics. J Allergy Clin Immunol 2019 ; 143 : 1‒11. [4] Weidinger S, Beck LA, Bieber T, et al. Atopic dermatitis. Nat Rev Dis Primer 2018 ; 21(4) : 1. [5] Henderson J, Northstone K, Lee SP, et al. The burden of disease associated with filaggrin mutations : a population-based, longitudinal birth cohort study. J Allergy Clin Immunol 2008 ; 121 : 872‒7. e9. [6] Blakeway H, Van-de-Velde V, Allen VB, et  al. What is the evidence for interactions between filaggrin null mutations and environmental exposures in the aetiology of atopic dermatitis ? A systematic review. Br J Dermatol 2020 ; 183 : 443‒51. [7] Roduit C, Frei R, Depner M, et al. Phenotypes of atopic dermatitis depending on the timing of onset and progression in childhood. JAMA Pediatr 2017 ; 171 : 655‒62. [8] Wan J, Mitra N, Hoffstad OJ, et al. Longitudinal atopic dermatitis control and persistence vary with timing of disease onset in children : a cohort study. J Am Acad Dermatol 2019 ; 81 : 1292‒9. [9] Bae JM, Choi YY, Park CO, et al. Efficacy of allergen-specific immunotherapy for atopic dermatitis : a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. J Allergy Clin Immunol 2013 ; 132 : 110‒7. [10] Du Toit G, Sampson HA, Plaut M, et al. Food allergy : Update on prevention and tolerance. J Allergy Clin Immunol 2018 ; 141 : 30‒40. [11] Cartledge N, Chan S. Atopic Dermatitis and food allergy : a paediatric approach. Curr Pediatr Rev 2018 ; 14 : 171‒9. Eczéma par allergie de contact dans la dermatite atopique [1] Owen JL, Vakharia PP, Silverberg JI. The role and diagnosis of allergic contact dermatitis in patients with atopic dermatitis. Am J Clin Dermatol 2018 ; 19 : 293‒302. [2] Simonsen AB, Johansen JD, Deleuran M, et al. Contact allergy in children with atopic dermatitis : a systematic review. Brit J Dermatol 2017 ; 177 : 395‒405. [3] Hamann CR, Hamann D, Egeberg A, et al. Association between atopic dermatitis and contact sensitization : A systematic review and meta-analysis. J Am Acad Dermatol 2017 ; 77 : 70‒8. [4] Peng F, Schwartz RA, Chen Z, et al. High prevalence of contact hypersensitivity to metals and preservatives in Chinese patients with atopic dermatitis. Chin Med J (Engl) 2019 ; 132 : 2881‒2. [5] Overgaard LEK, Main KM, Frederiksen H, et al. Children with atopic dermatitis and frequent emollient use have increased urinary levels of low-molecular weight phthalate metabolites and parabens. Allergy 2017 ; 72 : 1768‒77. [6] Wilkinson M, Gonçalo M, Aerts O, et al. The European baseline series and recommended additions : 2019. Contact Dermatitis 2019 ; 80 : 1‒4. [7] Barbaud A. Mechanism and diagnosis of protein contact dermatitis. Curr Opin Allergy Clin Immunol 2020 ; 20 : 117‒21. [8] Raison-Peyron N, Bergendorff O, Bourrain JL, et al. Acetophenone azine : a new allergen responsible for severe contact dermatitis from shin pads. Contact Dermatitis 2016 ; 75 : 106‒10.

Dermatite atopique et eczéma de contact : quand faire un bilan allergologique ?

Pour en savoir plus Dermatite atopique Dufresne H, Bataille P, Bellon N, et al. Risk factors for corticophobia in atopic dermatitis. J Eur Acad Dermatol Venereol 11 juin 2020. doi:10.1111/jdv.16739. Dufresne H, Bekel L, Compain S, et al. Efficiency of a therapeutic patient education programme in children with severe atopic dermatitis. J Eur Acad Dermatol Venereol 2020 ; 34(10) : e648‒51. Napolitano M, Fabbrocini G, Patruno C. Allergic contact dermatitis in patients with atopic dermatitis : A retrospective study. J Allergy Clin Immunol Pract 2019 ; 7 : 2459‒61.

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CHAPITRE

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Anaphylaxie Guillaume Pouessel, Étienne Beaudouin et Luciana Kase Tanno PLAN DU CHAPITRE ■ Épidémiologie ■ Diagnostic ■ Les allergènes impliqués dans l’anaphylaxie ■ Cofacteurs et facteurs d’aggravation ■ Traitement de l’anaphylaxie en urgence ■ Trousse d’urgence, précautions et conseils après l’anaphylaxie ■ Conclusion

POINTS CLÉS L’anaphylaxie est une réaction d’hypersensibilité systémique, immédiate, potentiellement grave, dont le diagnostic est clinique. ■ Les aliments sont le principal facteur déclenchant de l’anaphylaxie chez l’enfant. ■ L’adrénaline par voie intramusculaire dans la face antéro-externe de la cuisse est LE traitement de l’anaphylaxie en pratique courante. ■ L’adrénaline doit être utilisée précocement, dès les premiers signes d’anaphylaxie, en utilisant les auto-injecteurs s’ils sont disponibles, et renouvelée après 5 à 10 minutes si les signes persistent. ■ Après une anaphylaxie, sans attendre l’avis de l’allergologue, une trousse d’urgence et des mesures de prévention doivent être mises en œuvre. ■

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Anaphylaxie

L’anaphylaxie est une réaction d’hypersensibilité immédiate, systémique, grave, et qui peut mettre en jeu le pronostic vital. L’anaphylaxie « grave » se caractérise par une atteinte potentiellement mortelle des voies respiratoires et/ou cardiovasculaires et peut survenir sans atteinte cutanéomuqueuse ni choc [1].

Épidémiologie En Europe, l’incidence globale de l’anaphylaxie est estimée de 15 à 79 cas/million d’habitants/an et la prévalence à 0,3 % (IC 95 % : 0,1-0,5) [2]. L’anaphylaxie est de plus en plus fréquente à tout âge et particulièrement chez l’enfant et pour les causes alimentaires [3]. Le taux de mortalité par anaphylaxie est stable dans la plupart des pays pour lesquels ces données sont disponibles, estimé à moins de 1 cas/million d’habitants au cours des 20 dernières années [4].

Diagnostic Définitions La définition de l’anaphylaxie est clinique (encadré 9.1) [5]. Elle insiste sur la notion de rapidité de l’installation de signes systémiques respiratoires et/ou cardiovas-

Encadré 9.1

Définition de l’anaphylaxie (d’après [5]) Une réaction anaphylactique est très probable dans l’une des trois situations suivantes : 1. Début aigu (quelques minutes-quelques heures) avec atteinte de la peau et/ou des muqueuses ET au moins un des éléments suivants : a. atteinte respiratoire (stridor, bronchospasme, hypoxémie, dyspnée) ; b. diminution de la pression artérielle ou symptômes faisant évoquer une dysfonction des organes cibles (hypotonie, syncope, incontinence). 2. Présence de deux des éléments suivants survenant rapidement (quelques minutesquelques heures) après l’exposition à allergène potentiel : a. atteinte de la peau et/ou des muqueuses ; b. atteinte respiratoire (stridor, bronchospasme, hypoxémie, dyspnée) ; c. diminution de la pression artérielle ou symptômes faisant évoquer une dysfonction des organes cibles (hypotonie, syncope, incontinence) ; d. symptômes gastro-intestinaux persistants (crampes, vomissements répétés). 3. Diminution de la pression artérielle après l’exposition à un allergène connu. Normes définissant la diminution de la pression artérielle systolique : a. âge de 1 mois à 1an : PAS  25 kg

0,50 mg*

Adolescents > 60 kg ou adultes

Adolescents > 60 kg ou adultes

* Les dosages à 0,15 mg et 0,30 mg d’adrénaline sont commercialisés pour tous les auto-injecteurs. Le dosage 0,50 mg est disponible seulement pour Emerade® et Anapen® à ce jour.

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La diversité des maladies allergiques

En cas de persistance des signes après 5 à 10  minutes, il convient de faire une nouvelle injection d’adrénaline IM, avec un nouvel AIA, à la même posologie [9]. Certaines réactions anaphylactiques nécessitent plus d’une dose d’adrénaline (jusqu’à 10 %). Les secours (15, ou 112 à l’étranger) doivent être appelés pour un transfert médicalisé immédiatement après l’injection d’adrénaline, afin de poursuivre la prise en charge en milieu hospitalier et réévaluer le contexte de survenue de l’allergie.

Autres traitements En cas de bronchospasme associé, les β2-mimétiques d’action rapide par voie inhalée (salbutamol en aérosol par exemple) doivent être débutés rapidement, en complément de l’adrénaline par voie IM (figure 9.2) [9]. Ils ne doivent pas retarder l’utilisation d’adrénaline. Les antihistaminiques par voie orale et les corticoïdes par voie intraveineuse ou orale n’ont pas montré d’efficacité dans le traitement de l’anaphylaxie ou la prévention des complications sont des traitements de 3e ligne (figure 9.1). Les antihistaminiques améliorent seulement les signes cutanéomuqueux.

Installation, examens complémentaires et surveillance Sans retarder l’injection d’adrénaline, le patient doit être installé [9] : ■ en position de Trendelenburg stricte si instabilité hémodynamique ou malaise sans mobilisation ni relevage intempestifs ; ■ en position demi-assise en cas de détresse respiratoire ; ■ en position latérale de sécurité en cas de troubles de la conscience. Un abord vasculaire, veineux voire intra-osseux, doit être mis en place en l’absence d’amélioration rapide après 1 ou 2 injections d’adrénaline. Un dosage de tryptase sérique doit être réalisé systématiquement entre 30 minutes et 2 heures après le début des premiers signes. Le résultat sera analysé a posteriori et comparé à un taux de base (prélevé > 24 heures après). Aucun autre examen biologique n’est nécessaire en l’absence de complication. Le diagnostic d’anaphylaxie est avant tout clinique. La surveillance hospitalière doit être continue avec scope, SpO2 et mesure de la pression non invasive toutes les 1 à 5 minutes. La durée de cette surveillance est variable selon la gravité de la réaction et l’évolution : 6 heures au minimum pour une réaction rapidement résolutive, voire 12 à 24 heures pour une réaction plus sévère.

Source : [11] Reproduction autorisée.

Figure 9.2. Conduite à tenir d’urgence en cas d’allergie alimentaire actualisée par la Société française d’allergologie.

Anaphylaxie

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La diversité des maladies allergiques

Encadré 9.2

Précautions et conseils médicaux après une anaphylaxie Fournir à la famille un compte-rendu clair et précis des circonstances de l’anaphylaxie : contexte, allergènes (le plus précisément possible), chronologie, signes, traitement, examens réalisés. ■ Indiquer le ou les allergènes à éviter jusqu’à la consultation de l’allergologue. ■ Indiquer si un dosage de tryptase sérique (en pic) a été réalisé lors de l’anaphylaxie et comment accéder aux résultats à distance. ■ Prescrire une trousse d’urgence avec deux auto-injecteurs d’adrénaline (sauf en cas de réaction liée à un médicament clairement identifiable où l’indication est discutée au cas par cas). ■ Montrer le maniement de l’auto-injecteur d’adrénaline prescrit, remettre une notice de son utilisation et faire manipuler avec un dispositif factice (trainer). ■ Fournir une conduite à tenir personnalisée en cas de réaction allergique. ■ Rappeler à la famille et à l’enfant que la trousse d’urgence doit être disponible à proximité en toutes circonstances, y compris dans les déplacements notamment au restaurant ou en milieu scolaire. ■ Rappeler que l’éviction du ou des allergènes doit être respectée jusqu’à la consultation de l’allergologue qui réévaluera ensuite le diagnostic, les mesures de prévention et le risque allergologique. ■ Rappeler à la famille qu’il est nécessaire de vérifier la date de péremption de l’auto-injecteur d’adrénaline, la couleur et la limpidité du liquide régulièrement et avant son utilisation. ■ Informer la famille que l’auto-injecteur d’adrénaline se conserve à l’abri de la lumière, à température ambiante (moins de 25–30 °C), sans réfrigération. ■ Inciter la famille à prendre rendez-vous avec un allergologue (dans l’idéal, dans une filière de soins organisée au préalable). ■ Mettre en place un projet d’accueil individualisé une fois le diagnostic d’allergie confirmé, tenant compte des recommandations nationales. ■

Trousse d’urgence, précautions et conseils après l’anaphylaxie Précautions et conseils médicaux Après une anaphylaxie, certaines précautions et conseils médicaux sont nécessaires pour une prise en charge adéquate (encadré 9.2). Une éducation thérapeutique minimale est nécessaire après une anaphylaxie, dès la prise en charge aux urgences : ■ avertir le patient de la nature de(s) allergène(s) en cause ; ■ remettre une ordonnance pour deux AIA selon une posologie adaptée au poids (sauf après une anaphylaxie médicamenteuse, à discuter au cas par cas) ;

Anaphylaxie

montrer l’utilisation de l’AIA et des dispositifs prescrits (chambre d’inhalation par exemple) ; ■ remettre une conduite à tenir en cas de réaction allergique (figure 9.2) [11]. Les indications absolues et relatives pour la prescription des AIA ont fait l’objet de recommandations de la SFA (e-encadré 9.3). ■

Trousse d’urgence Outre les AIA, la trousse d’urgence comportera habituellement un antihistaminique H1 de deuxième génération par voie orale. La prescription de bronchodilatateurs de courte durée d’action inhalés chez les enfants avec un antécédent d’anaphylaxie (y compris sans antécédent d’asthme) se justifie par la survenue très fréquente d’un bronchospasme dans l’anaphylaxie alimentaire sévère. Cependant, cette attitude n’est pas consensuelle et certains allergologues préfèrent prescrire les bronchodilatateurs inhalés seulement chez les enfants avec un antécédent d’asthme. Les corticoïdes oraux (ou même par voie intraveineuse) ne sont pas utiles dans le traitement de l’anaphylaxie et n’ont pas fait la preuve de leur efficacité pour réduire le risque de réaction biphasique [12]. Sauf exception, ils ne seront donc pas prescrits dans la trousse d’urgence.

Conclusion L’anaphylaxie est un thème de recherche épidémiologique, clinique et fondamental d’intérêt pour lequel de nombreuses questions restent à résoudre. La nouvelle classification internationale des maladies CIM-11 est une opportunité pour améliorer la lisibilité de cette problématique parmi les maladies allergiques dans le monde. Il existe des enjeux de santé publique et sanitaires importants dans le but d’identifier les patients les plus à risque de développer des formes graves voire létales et de leur proposer une prise en charge personnalisée dans des centres experts. Références [1] Turner PJ, Worm M, Ansotegui IJ. Time to revisit the definition and clinical criteria for anaphylaxis? World Allergy Organ J 2019 ; 12 : 100066. [2] Panesar SS, Javad S, de Silva D, et al. The epidemiology of anaphylaxis in Europe: a systematic review. Allergy 2013 ; 68 : 1353‒6. [3] Turner PJ, Gowland MH, Sharma V, et  al. Increase in anaphylaxis-related hospitalizations but no increase in fatalities: an analysis of United Kingdom national anaphylaxis data, 1992–2012. J Allergy Clin Immunol 2015 ; 135 : 956‒63. [4] Pouessel G, Turner PJ, Worm M, et al. Food-induced fatal anaphylaxis: From epidemiological data to general prevention strategies. Clin Exp Allergy 2018 ; 48 : 1584‒93.

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La diversité des maladies allergiques

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Anaphylaxie

e-Encadré 9.3

Indications absolues et relatives de prescription d’un auto-injecteur d’adrénaline L’association de deux indications relatives ou plus doit faire prescrire un AIA. ■ Indications absolues : – anaphylaxie liée à un aliment, le latex ou un aéroallergène ; – anaphylaxie induite par exercice ; – anaphylaxie idiopathique ; – allergie alimentaire* et diagnostic d’asthme ; – allergie aux venins d’hyménoptère en cas de réaction systémique chez l’adulte et en cas de réaction systémique autre que cutanéomuqueuse chez l’enfant ; – antécédent de mastocytose ou élévation de tryptase de base sérique et réaction systémique aux piqûres d’insectes (y compris pour ceux recevant une immunothérapie). ■ Indications relatives : – réaction allergique légère à modérée liée à l’arachide ou un fruit à coque* ; – réaction allergique légère à modérée liée à des faibles quantités d’aliments* ; – allergie alimentaire chez l’adolescent ou adulte jeune* ; – éloignement de structure médicale et réaction allergique légère à modérée liée à un aliment, un venin, le latex ou un aéroallergène. * En dehors du syndrome d’allergie pollen-aliment.

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CHAPITRE

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Les nouvelles formes d’allergie PLAN DU CHAPITRE

10.1 Allergie alimentaire et transplantation hépatique ■ Introduction ■ Physiopathologie ■ Consultation d’allergologie en prétransplantation ■ Consultation d’allergologie en post-transplantation ■ Prise en charge allergologique en pré- et post-transplantation ■ Conclusion

10.2 Syndrome α-gal ■ Physiopathologie ■ Épidémiologie ■ Manifestations cliniques ■ Diagnostic ■ Diagnostic différentiel ■ Prise en charge ■ Conclusion

10.3 Anaphylaxie induite par l’effort ■ Introduction ■ Épidémiologie ■ Manifestations cliniques

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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■ Particularités cliniques de l’AAIE ■ Singularités de l’AAIE due au blé ■ Physiopathologie ■ Diagnostic ■ Prise en charge de l’AIE ■ Conclusion

10.1 Allergie alimentaire et transplantation hépatique Tamazoust Guiddir et Ariane Nemni

POINTS CLÉS Suivi allergologique spécialisé avant et après la greffe hépatique chez l’enfant, du fait d’un risque d’allergie alimentaire IgE-médiée. ■ Intérêt d’un interrogatoire et d’explorations allergologiques systématisés. ■ Pas de consensus pour les explorations allergologiques ni les mesures préventives. ■ Éviction des allergènes responsables ou suspects et prescription d’une trousse d’urgence avec auto-injecteurs d’adrénaline. ■

Introduction La première transplantation hépatique (TH) chez l’enfant a eu lieu en 1984 en France. Depuis, près de 2 000 enfants ont été transplantés. Le pronostic à long terme a été amélioré par l’arrivée de nouveaux traitements immunosuppresseurs tels que le tacrolimus. Plusieurs cas d’allergies alimentaires (AA) et d’anaphylaxie ont été rapportés. Leur prévalence en post-TH est estimée entre 6 et 38 % selon les études.

Physiopathologie La physiopathologie est peu connue et pourrait impliquer la transmission passive d’IgE du donneur via le greffon ou le rôle du traitement immunosuppresseur utilisé. Le tacrolimus, inhibiteur de calcineurine, est utilisé en association avec le basiliximab, un anticorps monoclonal anti-CD25 qui bloque les récepteurs de

Les nouvelles formes d’allergie

l’IL-2. C’est le traitement de première intention dans toutes les greffes d’organes solides dont le cœur et les reins. Cette association pourrait modifier la tolérance immunitaire en modulant les lymphocytes T régulateurs FoxP3 et la perméabilité intestinale. Le tacrolimus induirait une orientation des cellules lymphocytaires vers un profil Th2 avec augmentation des concentrations sériques d’IgE spécifiques. Cependant, il n’a pas été montré d’augmentation des cas d’AA IgE-médiées chez les patients transplantés cardiaques ou rénaux traités par tacrolimus. D’autres facteurs liés à la pathologie hépatique (cholestase chronique, insuffisance hépatique), à l’état nutritionnel des enfants (malabsorption, dénutrition), à une alimentation peu diversifiée en pré-TH avec un microbiote digestif altéré ou encore à un terrain atopique familial prédisposant, pourraient également jouer un rôle.

Consultation d’allergologie en prétransplantation Interrogatoire Les enfants recevant une TH doivent avoir un suivi allergologique systématique en pré- et en post-transplantation, en collaboration avec les hépatologues. La consultation d’allergologie repose sur un interrogatoire systématisé  : antécédents personnels et familiaux d’atopie, histoire clinique des réactions éventuelles d’AA de l’enfant pré-TH (date, lieu, aliments consommés, délai entre l’ingestion et la réaction, description clinique et gravité à coter selon la classification d’Astier), traitement immunosuppresseur utilisé en post-TH, interrogatoire diététique. L’objectif est de mettre en évidence tous les aliments consommés sans réaction, ceux ayant provoqué des réactions allergiques, les aliments en cours d’éviction qui n’ont jamais été consommés ou déjà consommés par le passé.

Explorations allergologiques Il n’y a aucune recommandation consensuelle sur les explorations allergologiques à réaliser. Certains services proposent des explorations systématiques pré- et postTH par prick tests et dosage d’IgE spécifiques.

Consultation d’allergologie en post-transplantation Une consultation systématique un mois après la transplantation est utile ; une autre peut ensuite être proposée en cas de réaction. ■ Des séances d’éducation thérapeutique sont mises en place avec une infirmière coordinatrice. ■

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La diversité des maladies allergiques

Un protocole d’urgence écrit est remis au patient, ainsi qu’une ordonnance de trousse d’urgence, en double pour la collectivité et le domicile de l’enfant, contenant notamment 2 auto-injecteurs d’adrénaline. ■

Prise en charge allergologique en pré- et post-transplantation La prise en charge est multidisciplinaire : hépatologue, allergologue, infirmière de coordination des TH, diététicien(ne), psychologue, orthophoniste, etc. Il n’y a pas de consensus pour la prise en charge préventive des AA dans la TH. Dans le service d’hépatologie pédiatrique du Kremlin-Bicêtre, le protocole est le suivant. ■ Chez les enfants  2 KU/l a une excellente valeur prédictive positive. Le test d’activation des basophiles n’est pas réalisé en pratique courante. Le test de provocation orale peut être proposé mais n’est pas standardisé (aliment, dose, intervalles) et nécessite une surveillance prolongée ; il existe un risque de faux négatif en l’absence de cofacteurs. En résumé : en cas d’histoire clinique compatible, des prick tests aux rognons de porc ou bœuf et des IgEs α-gal seront réalisés en première intention.

Diagnostic différentiel L’allergie primaire au bœuf est rare et décrite chez de jeunes enfants le plus souvent allergiques aux protéines de lait de vache, liée à la sérumalbumine (SA) bovine (Bos d 6) et à l’immunoglobuline bovine (Bos d 7). L’allergie aux viandes peut également être la conséquence d’une sensibilisation aux albumines par voie respiratoire. Le classique syndrome porc-chat touche des patients allergiques au chat qui présentent des réactions allergiques à l’ingestion de viande de porc. Les manifestations sont immédiates.

Prise en charge La prise en charge repose, pour tous les patients, sur l’éviction alimentaire des abats et des viandes de mammifères (celles incriminées dans l’allergie et celles pour lesquelles une sensibilisation est identifiée), mais 5 à 20  % des patients doivent aussi réaliser une éviction des produits laitiers et des gélatines alimentaires, en tenant compte de l’histoire clinique et d’éventuelles sensibilisations allergiques [2]. Il convient d’avertir les patients qui continuent à manger des viandes et des produits laitiers du risque d’aggravation possible d’une réaction en cas de nouvelle morsure de tique ou de cofacteurs (effort, aspirine ou anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc.). En l’absence de nouvelle morsure de tique, le taux d’IgEs α-gal

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diminue généralement avec le temps et certains sujets pourraient à nouveau tolérer les viandes de mammifères après une période d’éviction d’une à plusieurs années. La délivrance d’une carte d’allergie médicamenteuse à l’α-gal (notamment pour le risque liée aux solutés de remplissage à base de gélatine) est prévue. De même, on prescrira une trousse d’urgence incluant 2  auto-injecteurs d’adrénaline.

Conclusion Le syndrome α-gal décrit il y a une dizaine d’années reste une entité rare, mais rapportée sur tous les continents. Le médecin doit y penser même si le diagnostic est souvent difficile et requiert un avis d’expert. Il se distingue des autres formes d’allergie alimentaire par ses caractéristiques : ■ sa survenue tardive dans l’enfance ; ■ son apparition après une morsure de tique ; ■ le fait que l’épitope est un oligosaccharide ; ■ le délai inhabituellement long entre l’ingestion de viande de mammifères et la survenue des symptômes.

10.3 Anaphylaxie induite par l’effort Étienne Beaudouin, Guillaume Pouessel et Sébastien Lefèvre

POINTS CLÉS L’anaphylaxie induite par l’effort (AIE) et l’anaphylaxie alimentaire induite par l’effort (AAIE) sont des situations cliniques d’anaphylaxie peu fréquentes chez l’enfant. ■ Les circonstances cliniques et la chronologie des événements de l’AAIE orientent le clinicien. ■ En cas d’AAIE, l’aspirine et l’alcool constituent des cofacteurs aggravant. ■ Le blé et les crevettes sont fréquemment impliqués, mais d’autres aliments peuvent déclencher une AAIE. ■ Le mécanisme physiopathologique de l’AIE et de l’AAIE est mal connu. ■ En cas d’AAIE, le traitement préventif repose sur l’éviction de l’aliment 4 à 6 heures avant l’exercice. ■

Introduction L’anaphylaxie induite par l’effort (AIE) est une situation peu fréquente caractérisée par la survenue d’une anaphylaxie déclenchée par l’exercice physique [1].

Les nouvelles formes d’allergie

Deux sous-groupes sont identifiés : ■ l’anaphylaxie induite exclusivement par l’effort indépendamment d’une prise alimentaire ; ■ l’anaphylaxie induite par l’effort, après consommation d’un aliment habituellement toléré en dehors de l’effort. Cette entité clinique constitue alors l’anaphylaxie alimentaire induite par l’effort (AAIE).

Épidémiologie L’AIE représente 5 à 15 % de toutes les anaphylaxies et l’AAIE un tiers à la moitié des AIE [2, 3]. L’AIE et l’AAIE affectent les patients de tout âge [1]. Une étude par questionnaire auprès de 317 écoles primaires de Yokohama portant sur 170  146 enfants (6–14  ans) a permis de suspecter 33  cas d’AAIE avec seulement 8 observations confirmées après explorations (7 garçons/1 fille). La prévalence estimée dans cette population était de 0,0047 % soit 1/20 000 enfants [4]. Les épisodes étaient récurrents dans près de deux tiers des cas (5/8). Cette même équipe japonaise a analysé la prévalence déclarée de l’AAIE chez 76 534 étudiants de Yokohama. Le nombre d’AAIE était de 14 cas (1 garçon/1 fille) soit une prévalence de 0,018 % [4]. Des épisodes récurrents étaient observés dans 2/3 des cas (9/14).

Manifestations cliniques L’AIE et l’AAIE se caractérisent par la survenue d’une anaphylaxie lors d’un exercice ou dans les 1 à 4 heures suivant son interruption [1]. La survenue des épisodes d’AIE ou d’AAIE n’est pas prévisible  ; le seuil d’effort déclenchant est propre à chaque patient, variable dans le temps et pour un même individu [5]. La course, la marche, la danse sont fréquemment en cause plutôt que le vélo, la natation ou le ski de descente. Des facteurs environnementaux influencent l’AIE : chaleur ou froid, humidité. En cas d’AAIE, l’identification de cofacteurs permet d’expliquer un seuil déclenchant moindre de l’anaphylaxie  : consommation d’alcool, prises médicamenteuses (anti-inflammatoires non stéroïdiens, β-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, anti-acides gastriques), pathologies infectieuses intercurrentes, menstruations, exposition pollinique.

Particularités cliniques de l’AAIE Les critères cliniques caractéristiques permettant d’évoquer le diagnostic de l’AAIE sont [1, 6, 7] : ■ des symptômes d’anaphylaxie apparaissant durant l’exercice (généralement dans l’heure qui suit le début d’effort) lorsqu’ils sont précédés de l’ingestion de l’aliment suspecté dans un délai de 4 heures au maximum ;

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La diversité des maladies allergiques

aucun symptôme d’anaphylaxie n’est déclenché en cas d’exercice non précédé de l’ingestion de l’aliment ou lors de la consommation de l’aliment en l’absence d’effort. Dans certains cas, la prise d’aspirine ou d’alcool peut se substituer à l’exercice. L’aliment responsable doit être consommé dans les 4 heures précédant l’exercice ou exceptionnellement après [7]. Les aliments les plus fréquemment impliqués dans l’AAIE sont le blé et les crustacés, mais d’autres allergènes sont rapportés : fruits à coque (noix, pistache, noisette, etc.), légumineuses (arachide, soja), fruits et légumes (raisin, pêche, pomme, orange, chou, etc.), sésame, pignon de pin, riz, maïs, orge, sarrasin, paprika, moutarde, poivre, oignon, ail, œuf, etc. Très exceptionnellement, c’est la consommation simultanée de 2 aliments avant un exercice qui déclenchera l’AAIE. ■

Singularités de l’AAIE due au blé Le blé est l’aliment le plus fréquemment et le mieux étudié [7]. L’allergène principalement en cause est l’ω-5-gliadine (Tri a 19), plus rarement la LTP du blé (Tri a 14) voire d’autres protéines comme les gluténines de haut et bas poids moléculaires [7, 8]. La prise préalable d’aspirine diminue le seuil déclenchant de la quantité de blé. L’angio-œdème des paupières constitue une expression clinique évocatrice lors de l’ingestion de blé.

Physiopathologie La physiopathologie de l’AIE et AAIE est mal connue. L’AIE et l’AAIE résulteraient d’une activation des mastocytes. Certaines hypothèses sont proposées [9] : ■ augmentation de l’absorption digestive des allergènes par altération de la perméabilité de la muqueuse mais non suffisante lors de l’exercice (cofacteurs) ; ■ augmentation de l’activité de la transglutaminase responsable de la formation d’agrégats avec la gliadine et d’une liaison accrue avec les IgE spécifiques ; ■ augmentation de l’osmolalité lors de l’effort induisant une libération du contenu des polynucléaires basophiles ; ■ redistribution vasculaire viscérale intestinale lors de l’exercice vers les muscles, le cœur et la peau accélérant le transport des allergènes du tube digestif vers ces organes contenant des mastocytes ; ■ acidose induite par l’effort favorisant possiblement la dégranulation mastocytaire.

Les nouvelles formes d’allergie

Diagnostic La démarche diagnostique est celle de l’exploration d’une anaphylaxie. Les tests cutanés (prick tests) orientés par les données de l’interrogatoire sont complétés dans un troisième temps par un bilan biologique : dosage de la tryptase sérique basale, des IgE spécifiques et/ou des allergènes recombinants. Si les LTP des végétaux sont classiquement incriminés, l’implication des PR10 est possible. La réalisation d’un test de provocation (TP) peut s’avérer nécessaire. Si la séquence «  prise alimentaire suivie d’un test d’effort » est positive, cela confirme le diagnostic. Toutefois un TP négatif ne permet pas d’exclure le diagnostic, situation observable dans au moins un tiers des cas [7]. De plus, le TP est d’autant plus positif que le test d’effort fait appel à la course plutôt que sur bicyclette ergométrique. Le TP peut être « sensibilisé » par un cofacteur comme l’alcool ou l’aspirine [10].

Prise en charge de l’AIE Le traitement d’urgence de l’AIE et de l’AAIE ne diffère pas de celui des autres anaphylaxies. La prévention de l’AIE repose sur certaines mesures et doit faire l’objet d’une éducation thérapeutique [7] (encadré 10.1). Encadré 10.1

Consignes de prévention en cas d’anaphylaxie alimentaire induite par l’exercice Interrompre immédiatement l’effort en cas d’apparition de symptômes identifiés par le patient. ■ Disposer d’un auto-injecteur d’adrénaline ainsi que d’un téléphone portable lors des séances de sport idéalement accompagnées. ■ Assurer une éviction de l’aliment en cause 4 à 6 heures avant un effort. ■ Discuter la contre-indication de certains médicaments : β-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc. ■

Conclusion L’AIE et l’AAIE sont des entités qui doivent être connues, non seulement des allergologues mais aussi de l’ensemble des médecins, des urgentistes en particulier, pour réduire le délai de prise en charge en raison du risque d’anaphylaxie sévère, voire létale. Son diagnostic est cependant parfois difficile et les protocoles de TP ne sont pas standardisés.

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La diversité des maladies allergiques

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Pour en savoir plus Allergie alimentaire et transplantation hépatique Astier C, Morisset M, Roitel O, et al. Predictive value of skin prick tests using recombinant allergens for diagnosis of peanut allergy. J Allergy Clin Immunol 2006 ; 118 : 250‒6. Dewachter P, Vézinet C, Nicaise-Roland P, et al. Passive transient transfer of peanut allergy by liver transplantation : liver transplantation and passive peanut allergy. Am J Transplant 2011 ; 11 : 1531‒4. Goër de Herve MG (de), Gonzales E, Hendel-Chavez H, et al. CD25 appears non essential for human peripheral treg maintenance in vivo. PLoS ONE 2010 ; 5 : e11784. Lee Y, Lee YM, Kim MJ, et al. Long-term follow-up of de novo allergy in pediatric liver transplantation–10 yr experience of a single center. Pediatr Transplant 2013 ; 17 : 251‒5. Legendre C, Caillat-Zucman S, Samuel D, et al. Transfer of symptomatic peanut allergy to the recipient of a combined liver-and-kidney transplant. N Engl J Med 1997 ; 337 : 822‒4. Needham JM, Nicholas SK, Davis CM. Food allergies developing after solid organ transplant. Pediatr Transplant 2015 ; 19 : 827‒35.

CHAPITRE

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Hypersensibilités et allergies médicamenteuses PLAN DU CHAPITRE

11.1 Toxidermies sévères ■■ Introduction ■■ DRESS ■■ Nécrolyses épidermiques toxiques ■■ Pustulose exanthématique aiguë généralisée ■■ Conclusion

11.2 Réactions d’hypersensibilité aux antibiotiques chez l’enfant ■■ Introduction ■■ Principes généraux de l’exploration allergologique ■■ Exploration des réactions immédiates ■■ Exploration des réactions retardées bénignes ■■ Réactivité croisée ■■ Conclusion

11.3 Réactions d’hypersensibilité aux antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens chez l’enfant ■■ Épidémiologie ■■ Physiopathologie et aspects cliniques ■■ Démarche diagnostique Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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La diversité des maladies allergiques

■■ Prévention des récidives ■■ Conclusion

11.4 Réactions d’hypersensibilité aux vaccins chez l’enfant ■■ Introduction ■■ Réactions locales ■■ Réactions systémiques ■■ Allergie à l’œuf et vaccination ■■ Conclusion

11.5 Réactions médicamenteuses : évaluer le risque et savoir adresser

11.1. Toxidermies sévères Guillaume Lezmi et Claude Ponvert POINTS CLÉS Les toxidermies sévères sont des réactions adverses cutanées d’hypersensibilité (HS) médicamenteuse rares. ■ Il s’agit d’HS retardées, médiées par les lymphocytes T (LT). ■ Elles regroupent essentiellement le drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS), les nécrolyses épidermiques (NE) et la pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG). ■ Les toxidermies sévères sont à risque élevé de mortalité (NE et DRESS) et de séquelles. ■ Les médicaments les plus fréquemment impliqués chez l’enfant sont les antibiotiques, les antiépileptiques aromatiques, et les AINS. ■

Introduction Devant toute éruption retardée, des signes de danger/gravité évocateurs de toxidermie sévère doivent être systématiquement recherchés [1] (encadré 11.1). Si les signes de danger sont présents, une prise en charge spécialisée urgente est nécessaire. Les tests cutanés ne sont généralement pas effectués avec le ou les médicaments suspects lorsque l’anamnèse est très évocatrice et que l’imputabilité des molécules est forte. La sensibilité des tests cutanés dans les toxidermies sévères est faible, l’éviction des médicaments suspects est donc souvent large.

Hypersensibilités et allergies médicamenteuses

Encadré 11.1

Signes de danger/gravité évocateurs de toxidermie sévère (d’après [1])







Suspicion/risque de NE : ­– lésion douloureuse ; ­– cocarde ; ­– érosion des muqueuses ; ­– décollement/bulles, signe de Nikolsky. Suspicion/risque de DRESS : ­– extension > 50 % de la surface corporelle ; – œdème facial ; – adénopathie. Suspicion/risque de vascularite : – purpura/nécrose.

DRESS La physiopathologie implique les LTCD8+ et LTh2, les interleukines 4, 5 et les éosinophiles, ainsi que des réactivations virales à herpès virus (HHV 6-7), EBV, CMV. Il survient typiquement 2-8 semaines après le début de l’exposition. Il se caractérise par une combinaison variable de symptômes (encadré 11.2). Le score RegiSCAR (de – 4 à 9) permet de définir des cas possible (score = 2–3), probable (score = 4–5), certain (score > 5). S’il est  50 %) ; – prolongée (> 15 jours) ; – polymorphe (maculopapuleuse, avec infiltration cutanée, desquamation épaisse, purpura, cloques), œdème facial, atteinte muqueuse (orale, lèvres, voire ophtalmique, génitale). ■ Fièvre > 38,5 °C. ■ Adénopathies. ■ Hyperéosinophilie > 700/mm3. ■ Atteinte organique  : foie dans 80  % des cas (cytolyse hépatique), rénale (protéinurie), cardiaque (myocardite, péricardite), pulmonaire (toux, dyspnée, pneumonie à éosinophile, SDRA), pancréatite, plénique. ■ Lymphocyte atypiques et autres anomalies de la NFS. ■



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Les patch-tests peuvent être effectués au moins 6 mois après disparition des symptômes, en raison du risque de récidive, et après vérification par PCR de l’absence de réactivation des herpès virus (HHV6-7, EBV, CMV). Leur sensibilité est de l’ordre de 40 %. Les intradermoréactions (IDR) aux médicaments suspects sont contre-indiquées.

Nécrolyses épidermiques toxiques Les nécrolyses épidermiques (NE) incluent le syndrome de Stevens-Johnson (SSJ), le syndrome de Lyell (NET) et le syndrome de chevauchement (SSJ-NET). Les NE sont de cause médicamenteuse dans 85 % des cas. La physiopathologie implique les LTCD8+ cytotoxiques, les cellules NK et la destruction des kératinocytes. Le diagnostic est clinique, il n’existe pas de score diagnostique. Les NE surviennent 4-28 jours après exposition. Les symptômes sont décrits dans l’encadré 11.3. Selon l’importance de la surface cutanée décollée/décollable, on distingue le SSJ ( 1 à quelques heures). ■ Les réactions les plus fréquentes sont cutanées (urticaire, œdème, touchant le visage notamment), puis respiratoires (rhinite et/ou bronchospasme). ■ Les AINS et le paracétamol sont l’une des trois premières causes d’anaphylaxie médicamenteuse et de toxidermies sévères chez l’enfant. On distingue les HS allergiques et les HS non allergiques (classification – tableau 11.1). ■ HS allergiques : ● elles sont le plus souvent IgE-médiées, immédiates ( 500 mm3 (en l’absence d’imprégnation par des corticoïdes)

Ces maladies qui peuvent ressembler à l’allergie

anti-Aspergillus, IgE spécifiques des allergènes moléculaires (pour distinguer l’ABPA de la sensibilisation à Aspergillus).

Imagerie Le scanner thoracique en coupes millimétriques est l’examen clé : infiltration initiale de la paroi bronchique avec formation d’impactions mucoïdes, puis de bronchocèles péri-hilaires évoluant en bronchectasies centrales pathognomoniques de l’ABPA. Le HAM sign (high-attenuation mucus), défini comme un mucus visuellement plus dense que le muscle squelettique paraspinal, est un autre signe spécifique de l’ABPA. L’IRM présente une spécificité élevée mais une sensibilité et une valeur prédictive négative moindres.

Traitement Les mesures environnementales sont l’éviction des sources fongiques (travaux, milieux poussiéreux) et des activités entraînant l’inhalation de spores d’Aspergillus (jardinage, agriculture). L’objectif du traitement est d’atténuer la réponse immunologique et l’inflammation et de réduire la charge des antigènes d’Aspergillus dans les voies respiratoires. Les deux molécules de première ligne sont les glucocorticoïdes systémiques et les antifongiques azolés, pendant 4 à 6 mois. Le phénotypage des patients permettra à terme de mettre en place une médecine personnalisée et de définir l’intérêt de biothérapies pour certains patients. Une analyse génétique du gène CFTR est envisagée chez un patient avec une ABPA dont le test de la sueur est cependant normal, surtout avec atteinte rhinosinusienne associée.

Pneumopathie d’hypersensibilité Introduction La pneumopathie d’hypersensibilité (PHS) est provoquée par l’inhalation de substances antigéniques d’origine organique ou non organique, chez des individus génétiquement prédisposés. Le diagnostic étiologique est difficile et nécessite un interrogatoire minutieux à la recherche d’agents environnementaux (oiseaux, moisissures, chimiques et récemment e-cigarette, etc.) [8]. La pollution pourrait être un facteur de risque aggravant.

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La diversité des maladies allergiques

La prévalence de la maladie est estimée à 4 cas par million d’enfants. La PHS représente entre 2 et 25 % des cas de pneumopathies interstitielles diffuses. Des cas familiaux ont permis d’identifier des facteurs héréditaires tels que la présence de l’antigène HLA-DQW3.

Diagnostic Les symptômes et signes pulmonaires sont non spécifiques et associent : toux, dyspnée, perte de poids, fièvre, crépitants. Certaines formes aiguës se présentent sous la forme d’un syndrome pseudo-grippal apparaissant quelques heures après le contact antigénique ou plus fréquemment (du fait du retard diagnostique) de façon subaiguë et d’aggravation progressive se répétant à chaque contact antigénique. La maladie peut évoluer vers une forme chronique avec fibrose pulmonaire.

Évaluation paraclinique La radiographie pulmonaire révèle des opacités en verre dépoli bilatérales et diffuses prédominant dans les régions péri-hilaires et basales avec un syndrome micronodulaire, mais elle est le plus souvent insuffisante. Le scanner thoracique en coupes millimétriques est l’examen de référence. Il montre des opacités en verre dépoli bilatérales dans 75 à 90 % des formes graves prédominant dans les zones péri-hilaires et basales associées à des micronodules flous de types centrolobulaires avec parfois un aspect de carte de géographie et des hyperclartés. Dans les formes chroniques, on peut observer des opacités réticulaires, des images kystiques parfois regroupées en « rayon de miel » dans les bases, associées à des signes de rétraction. Les explorations fonctionnelles respiratoires recherchent un trouble ventilatoire restrictif et une diminution de la compliance. L’anomalie fonctionnelle la plus sensible est la diminution du TLCO. L’index de clairance pulmonaire (LCI) est diminué dans plus de 90 % des cas. Cette évaluation peut être complétée pour le suivi par une épreuve d’effort et un test de marche de 6 minutes. Le lavage bronchoalvéolaire (LBA) met en lumière le profil cellulaire avec une hyperlymphocytose supérieure à 20 % et un rapport CD4/CD8 inférieur à 1. Les sérologies et recherche de précipitines sériques soulignent une sensibilité et une spécificité très variables. La méthode ELISA est la plus utilisée avec une positivité dans près de 90 % des cas chez l’enfant (tableau 13.5). Il convient de faire une échographie cardiaque en cas de suspicion d’hypertension artérielle pulmonaire. On prescrira des biopsies pulmonaires au cas par cas, après évaluation par le centre de références.

Ces maladies qui peuvent ressembler à l’allergie

Tableau 13.5. Pneumopathies d’hypersensibilité « domestiques » rencontrées chez l’enfant (d’après [8]). Dénomination

Réservoir antigénique habituel

Antigènes présumés

Alvéolites aviaires domestiques

Tourterelles, perruches, inséparables, perroquets, colombes, canaris, plumes d’oie ou de canard dans les oreillers ou duvets, etc.

– Protéines aviaires (IgA) – Mucines intestinales – « Substances » aviaires indéterminées

Maladie des climatiseurs ou des humidificateurs domestiques

Système de climatisation et/ou d’humification, ou système de ventilation ou de chauffage par air pulsé

– Actinomycètes thermophiles : T. vulgaris, S. rectivirgula – Micromycètes : Penicillium sp., Alternaria sp., Aureobasidium pullulans, Cephalosporium acremonium

Alvéolites dues à diverses moisissures domestiques

Toits, sous-sols, caves, salles de bains et dans toute zone confinée, humide et mal ventilée (circonstances aggravantes fréquentes : inondation, fuites d’eau, etc.)

Epicoccum nigrum Penicillium expansum

Fièvre d’été (Japon)

Poussières de maison

Trichosporon cutaneum Cryptococcus albidus

Poumon des jacuzzis

Filtres et circuits d’eau

Mycobacterium avium intracellulare

Traitement La Haute autorité de santé a émis des recommandations pour le diagnostic et le suivi [9]. Le traitement repose sur l’éviction antigénique complète et définitive (dans tous les lieux de vie : travaux, séparation des oiseaux en cause) et sur la corticothérapie orale en premier lieu (prednisolone per os, 0,5 à 1 mg/ kg/jour pendant plusieurs semaines). Ponctuellement, des posologies plus élevées avec recours à des bolus de corticoïdes par voie intraveineuse ont été rapportées. Le pronostic de la PHS chez l’enfant est excellent avec une guérison clinique et fonctionnelle dans la grande majorité des cas après l’éviction antigénique. Certains auteurs ont rapporté l’utilisation d’immunosuppresseurs (hydroxychloroquine, azathioprine ou ciclosporine) lorsqu’aucune amélioration n’était obtenue après 2 à 3 mois de corticothérapie ou lorsqu’il existait une rechute. L’utilisation des immunosuppresseurs n’a fait l’objet d’aucun essai thérapeutique et doit

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La diversité des maladies allergiques

donc être discutée au cas par cas. Une évolution défavorable peut être marquée par la survenue d’une fibrose pulmonaire. La prise en charge est multidisciplinaire et doit se faire dans l’un des centres de référence RespiRare [9]. La qualité de vie de ces enfants doit aussi être évaluée. Références Syndrome d’activation mastocytaire (SAMA) [1] Valent P, Akin C, Bonadonna P, et al. Proposed diagnostic algorithm for patients with suspected mast cell activation syndrome. J Allergy Clin Immunol Pract 2019 ; 7 : 1125‒33.e1. [2] Valent P, Akin C, Metcalfe DD. Mastocytosis : 2016 updated WHO classification and novel emerging treatment concepts. Blood 2017 ; 129 : 1420‒7. [3] Broesby-Olsen S, Carter M, Kjaer HF, et al. Pediatric expression of mast cell activation disorders. Immunol Allergy Clin North Am 2018 ; 38 : 365‒77. [4] Valent P, Akin C, Arock M, et al. Definitions, criteria and global classification of mast cell disorders with special reference to mast cell activation syndromes : a consensus proposal. Int Arch Allergy Immunol 2012 ; 157 : 215‒25. [5] Afrin LB, Self S, Menk J, et al. Characterization of mast cell activation syndrome. Am J Med Sci 2017 ; 353 : 207‒15. [6] Dewachter P, Castells MC, Hepner DL, et al. Perioperative management of patients with mastocytosis. Anesthesiology 2014 ; 120 : 753‒9. [7] Dewachter P, Mouton-Faivre C, Cazalaà J-B, et al. Mastocytoses et anesthésie. Ann Fr Anesth Reanim 2009 ; 28 : 61‒73. Angio-œdèmes héréditaires et acquis [1] Bork K, Hardt J, Witzke G. Fatal laryngeal attacks and mortality in hereditary angioedema due to C1-INH deficiency. J Allergy Clin Immunol 2012 ; 130 : 692‒7. [2] Zuraw BL. Clinical practice. Hereditary angioedema. N Engl J Med 2008 ; 359 : 1027‒36. [3] Agostoni A, Aygören-Pürsün E, Binkley KE, et al. Hereditary and acquired angioedema : problems and progress : proceedings of the third C1 esterase inhibitor deficiency workshop and beyond. J Allergy Clin Immunol 2004 ; 114 : S51‒131. [4] Zilberberg MD, Jacobsen T, Tillotson G. The burden of hospitalizations and emergency department visits with hereditary angioedema and angioedema in the United States, 2007. Allergy Asthma Proc 2010 ; 31 : 511‒9. [5] Betschel S, Badiou J, Binkley K, et  al. The International/Canadian Hereditary Angioedema Guideline. Allergy Asthma Clin Immunol 2019 ; 15 : 72. Urticaire chronique de l’enfant [1] Zuberbier T, Aberer W, Asero R, et al. The EAACI/GA²LEN/EDF/WAO guideline for the definition, classification, diagnosis and management of urticaria. Allergy 2018 ; 73 : 1393‒414. [2] Greaves MW. Chronic urticaria in childhood. Allergy 2000 ; 55 : 309‒20. [3] ANAES/SFD. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé/Société française de Dermatologie. Prise en charge de l’urticaire chronique. Conférence de consensus (texte long). Ann Dermatol Venerol 2003 ; 130 : 1S182‒92. Syndrome de Lucie Frey [1] Laccourreye L, Werner A, Laccourreye O. Comment diagnostiquer et traiter les syndromes de Frey ? Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2008 ; 125 : 58‒62. [2] Blanc S, Bourrier T, Boralevi F, et al. Frey syndrome. J Pediatr 2016 ; 174 : 211‒7.e2. [3] Dutau G, Goldberg M. Le syndrome de Lucie Frey et ses variantes (syndrome des flushs gustatifs unilatéraux). Revue de la littérature à propos d’une observation pédiatrique. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2006 ; 46 : 721‒5.

Ces maladies qui peuvent ressembler à l’allergie

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Pour en savoir plus Dhooria S, Sehgal I, Muthu V. Treatment of allergic bronchopulmonary aspergillosis : from evidence to practice. Future Microbiol 2020 ; 15 : 365‒76.

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PARTIE

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CHAPITRE

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Exposome, asthme et maladies allergiques Isabella Annesi-Maesano PLAN DU CHAPITRE ■ Introduction ■ Le concept d’exposome ■ Conclusion

POINTS CLÉS L’asthme et les maladies allergiques sont le résultat d’interactions entre de multiples facteurs génétiques, épigénétiques, environnementaux et le comportement individuel. ■ L’«  exposome » relate l’ensemble des facteurs environnementaux auxquels un organisme est exposé tout au long de sa vie. ■ L’exposome agit sur l’individu à partir de la préconception. ■ Parmi les facteurs de l’exposome, le climat joue un rôle clé à la fois directement et indirectement. ■

Introduction Selon les dernières données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 300 millions de personnes dans le monde souffrent actuellement d’asthme, plus de 300 millions de rhinites allergiques et on estime qu’environ la moitié de la population mondiale souffrira d’une forme d’allergie d’ici 2050. L’asthme et les maladies allergiques sont le résultat d’interactions entre de multiples facteurs génétiques, épigénétiques, environnementaux et le comportement individuel. Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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La simple présence de facteurs génétiques de prédisposition ne peut expliquer l’augmentation de ces pathologies observée dans les dernières décennies.

Le concept d’exposome Le terme « exposome  » définit l’ensemble des facteurs environnementaux auxquels un organisme est exposé tout au long de sa vie [1]. Il est divisé en trois domaines: l’exposome « extérieur, spécifique  », l’exposome « extérieur, non spécifique », l’exposome « intérieur » (figure 14.1). L’exposome extérieur spécifique comprend les expositions extérieures spécifiques (radiations, contaminants chimiques, biocontaminants, agents infectieux, régime alimentaire), liées au mode de vie (tabac, alcool, etc.), à la profession et les interventions médicales. L’exposome extérieur non spécifique ou général auquel l’individu est exposé dans la communauté dont il fait partie comprend les influences sociales, économiques et psychologiques (capital social, éducation, statut financier, stress psychologique et mental), l’environnement urbain-rural, le climat, la biodiversité, l’activité physique. L’exposome intérieur, spécifique à chaque individu, comprend les processus biochimiques qui se déroulent dans l’organisme sous l’effet de l’exposome extérieur en fonction de l’âge, du sexe, de l’état de santé, de la morphologie et des facteurs épigénétiques et génétiques, qui peuvent être évalués, par exemple, par la mesure des métabolites, des protéines, des médiateurs et par l’application des outils actuellement disponibles pour l’étude des branches dites « omiques «. L’exposome agit sur l’individu à partir de la préconception et tout au long de la vie. La vie précoce est d’une importance absolue pour favoriser la sensibilisation allergique et ainsi enclencher la réponse allergique [1, 2]. La démarche exposomique tient compte des interactions entre les expositions à la fois dans les différents environnements fréquentés (maison, écoles, travail, ville, etc.) et les périodes de la vie [1]. Le lien entre l’exposome et la maladie est investigué par une approche statistique de type EnvWAS (Environment-Wide-Association Study) permettant de considérer des données massives représentées par l’ensemble des expositions vie entière. L’approche exposomique peut mener à une compréhension plus complète du développement et de l’augmentation de l’asthme et des allergies.

L’exposome extérieur spécifique Bien que le rôle de l’exposition aux aéroallergènes dans le déclenchement des exacerbations, le développement de l’asthme et des allergies soit reconnu, les mécanismes d’interaction entre exposition allergénique, sensibilisation et apparition de

Extérieur spécifique

Figure 14.1. Exposome impliqué dans l’asthme et les allergies (d’après [1]).

extérieur

Exposome

Climat, biodiversité (espaces verts, etc.), environnement urbain, mobilité, exercice, dimension sociale

Extérieur non spécifique

Tabac in utero, polluants chimiques, biocontaminants (virus, etc.), allergènes, nutrition, médicaments, etc.

Interactions gènes-environnement

Épigénome Génome

Allergie alimentaire

Dermatite atopique

Rhinite allergique

Asthme

intérieur

Exposome

« Omiques »

Transcritomique Adductomique Métabolomique Protéomique Etc.

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Prévention des maladies allergiques

l’allergie sont largement méconnus. Ces processus impliquent la présence d’allergènes dans l’environnement et d’autres facteurs, comme le moment du contact, sa durée, le degré de sensibilisation allergique de l’individu, etc. Différents modèles de sensibilisation semblent influencer le risque de développer des maladies allergiques [1]. L’exposition précoce et à des concentrations élevées aux aéroallergènes jouerait un rôle crucial, comme dans le cas de pollinose au cèdre du Japon (cryptomeria japonica) qui a augmenté de façon spectaculaire (3 à 4 fois au cours des 30 dernières années) après la politique de reboisement de cet arbre à Tokyo depuis 1970. La gravité des symptômes était significativement plus élevée chez les personnes nées après 1973 que chez les individus plus âgés et le risque était plus élevé pour ceux nés en mars suggérant ainsi un lien avec l’exposition au pollen pendant la période périnatale et les premiers mois de vie. Le niveau d’humidité dans les environnements intérieurs a augmenté en raison de la multiplication des inondations dans diverses régions du monde et de l’utilisation croissante du chauffage et de l’électricité. La contamination des environnements intérieurs par des espèces fongiques est devenue très fréquente. Grâce à leur petite taille (1-20 μm de diamètre), les spores de moisissures peuvent facilement atteindre les petites voies de l’arbre bronchique. Les résultats de l’étude BAMSE portant sur les cohortes d’enfants suédois suivis de la naissance à l’adolescence ont montré que l’exposition à l’humidité et aux moisissures pendant l’enfance est associée à un risque accru de développer de l’asthme et des allergies à l’âge de 16 ans, ce qui confirme les résultats d’autres études dans d’autres parties du monde. Les allergènes d’intérieur des acariens jouent certainement un rôle clé dans la promotion des maladies allergiques. Une sensibilisation précoce (avant l’âge de 5 ans) à Der p1, Der f1 et Der p2 serait un facteur de risque de développement de l’asthme à l’âge scolaire. De plus, la présence d’une sensibilisation à de multiples allergènes de Dermatophagoides pteronyssinus est plus fréquente chez les enfants asthmatiques allergiques aux acariens que chez les enfants allergiques non asthmatiques. Les polluants atmosphériques sont parmi les facteurs les plus impliqués dans l’augmentation de la prévalence de l’atopie et de l’asthme [1, 2]. Parmi ceux-ci, les plus importants sont le dioxyde d’azote (NO2), l’ozone (O3), les composés organiques volatils (COV). Plusieurs études ont montré que l’exposition à PM2,5 (particules fines ≤ 2,5 μm de diamètre), PM10 (particules respirables ≤ 10 μm), NO2 et O3, entraînait une recrudescence des symptômes asthmatiques, un recours accru aux traitements médicaux et une aggravation de la dermatite atopique [3, 4]. De nombreuses études ont établi un lien entre l’exposition aux polluants atmosphériques et le développement de l’asthme en particulier la pollution atmosphérique due au trafic routier, qui semble également liée au développement des maladies allergiques et à la sensibilisation allergique [3–5]. Les polluants représentent aussi un facteur de risque pour les maladies de la peau telles que la dermatite atopique,

Exposome, asthme et maladies allergiques

dont l’apparition pourrait être liée à l’exposition à de nombreux polluants comme la fumée de cigarette, les COV, le NO2 , les particules. Là encore, le mécanisme sous-jacent semble être lié au stress oxydatif qui, en induisant des dommages épithéliaux, affecterait l’intégrité de la barrière [6]. Enfin, des composés chimiques industriels tels que les phtalates, couramment utilisés dans la plastification, ont montré un rôle néfaste dans l’asthme et la dermatite atopique [7]. Tous les effets sont observés même à de faibles concentrations atmosphériques, parfois même en dessous des niveaux standards de qualité de l’air, et sont plus graves chez les sujets déjà prédisposés à l’atopie [3, 4]. Des données récentes font état de l’existence d’une interaction entre pollution atmosphérique et pollens [1]. La pollution atmosphérique semble accroître les effets des pollens. Elle pourrait contribuer à l’accroissement de la période de pollinisation et rendre les pollens plus allergéniques. Le rôle des nouveaux « nanomatériaux » est en cours d’exploration.

Exposome extérieur non spécifique Le climat est un des facteurs de l’exposome extérieur non spécifique qui joue un rôle clé, car il peut agir à la fois directement et indirectement [1]. Le changement climatique influe sur la distribution de la flore et sa diversification et ainsi sur la distribution géographique des allergènes polliniques et leur concentration atmosphérique. On observe une tendance à l’augmentation du nombre de pollens pour plusieurs arbres tels que le bouleau, le chêne, l’olivier et les graminées. Celle-ci semble s’associer à une période de floraison plus précoce et donc une durée de dissémination du pollen plus longue. Néanmoins, le projet européen HIALINE (European Union-funded Health Impacts of Airborne Allergen Information Network) a montré qu’il n’y a pas de corrélation entre les concentrations quotidiennes de pollen et le contenu allergénique, la «  puissance pollinique », pour Phl p 5, Ol 1 et Bet v 1. Cette tendance à la hausse de la croissance a été observée également pour les espèces fongiques (Alternaria alternata, Aspergillus niger, etc.). Enfin, le changement climatique participe à l’augmentation de la pollution atmosphérique. Et vice versa, la pollution atmosphérique contribue au réchauffement climatique. Les espaces verts pourraient aussi jouer un rôle important dans le développement de l’asthme et les allergies indépendamment de leur impact globalement positif sur la santé générale. Dans l’étude HEALS (Health and Environment-wide Associations based on Large population Surveys), le fait de résider à proximité de forêts de conifères était associé à une respiration sifflante, à l’asthme et à la rhinite allergique, du fait sans doute de pollens, moisissures ou de composés organiques volatils biogéniques [8], dont l’α-pinene qui, combiné avec l’ozone, est à l’origine de particules fines secondaires.

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Prévention des maladies allergiques

Connexions entre les exposomes La biodiversité du microbiote extérieur (présent dans le sol, l’eau, les plantes et les animaux) ainsi que la variété et la qualité du microbiote « intérieur » (présent au niveau de la peau, des voies respiratoires et des intestins) pourraient être étroitement liées puisque le microbiote intérieur est continuellement colonisé par le microbiote extérieur. L’appauvrissement de la biodiversité de la flore, de la faune, des micro-organismes environnementaux induirait donc un appauvrissement progressif de la variété microbienne avec laquelle l’organisme humain entre en contact. Cela entraînerait une stimulation microbienne insuffisante pour favoriser la bonne activation des voies de régulation immunitaire. L’état d’immunodéficience qui en résulterait serait caractérisé par une réduction constante des niveaux basaux de facteurs anti-inflammatoires et par la création d’un milieu inflammatoire, dans lequel la croissance et la survie des bactéries microbiennes mucocutanées résistantes aux seuls médiateurs de l’inflammation seraient facilitées, ce qui déclencherait un cercle vicieux. Cette théorie, appelée de la perte de la biodiversité [9], a été étayée par plusieurs études de population [1]. Elle peut être explorée d’une façon plus exhaustive par une approche exposomique reliant l’exposome intérieur avec l’exposome extérieur faisant intervenir tous les facteurs impliqués.

Conclusion L’environnement contribue au développement de l’asthme et des maladies allergiques. Les études soulignent l’importance du concept d’exposome et son rôle dans l’étiopathogenèse de l’asthme et des maladies allergiques. L’étude des mécanismes complexes d’interaction entre l’environnement et l’homme tout au long de sa vie devrait fournir de nouvelles stratégies de prévention, principalement dans les domaines socio-économiques et du mode de vie. Cette démarche doit être réalisée dans le cadre de la santé planétaire dans laquelle la biodiversité est cruciale. Références [1] Cecchi D’Amato, Annesi Maesano. External exposome and allergic respiratory and skin diseases. J Allergy Clin Immunol 2018 ; 141 : 846‒57. [2] Annesi-Maesano I. The air of Europe: where are we going ? Eur Respir Rev 2017 ; 26 : 170024. [3] Guarnieri M, Balmes JR. Outdoor air pollution and asthma. Lancet 2014 ; 383 : 1581‒92. [4] Thurston GD, Balmes JR, Garcia E, et al. Outdoor air pollution and new-onset airway disease. An Official American Thoracic Society Workshop Report Ann Am Thorac Soc 2020  ; 17  : 387‒98.

Exposome, asthme et maladies allergiques

[5] Bowatte G, Lodge C, Lowe AJ, et  al. The influence of childhood traffic-related air pollution exposure on asthma, allergy and sensitization : a systematic review and a meta-analysis of birth cohort studies. Allergy 2015 ; 70 : 245‒56. [6] Ahn K. The role of air pollutants in atopic dermatitis. J Allergy Clin Immunol 2014 ; 134 : 993‒9. [7] Soomro MH, Baiz N, Philippat C, et al. Prenatal exposure to phthalates and the development of eczema phenotypes in male children : results from the EDEN mother-child Cohort study. Environ Health Perspect 2018 ; 126 : 027002. [8] Parmes E, Pesce G, Sabel CE, et al. Influence of residential land cover on childhood allergic and respiratory symptoms and diseases : Evidence from 9 European cohorts. Environ Res 2020 ; 183 : 108953. [9] Haathela T. A biodiversity hypothesis. Allergy 2019 ; 74 : 1445‒56.

Pour en savoir plus Agache I, Annesi-Maesano I, Bonertz A, et al. Prioritizing research challenges and funding for allergy and asthma and the need for translational research-The European Strategic Forum on Allergic Diseases. Allergy 2019 ; 74 : 2064‒76.

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CHAPITRE

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Microbiote et allergies Stéphane Hazebrouck PLAN DU CHAPITRE ■■ Études épidémiologiques observationnelles ■■ Dysbioses du microbiote intestinal ■■ Études mécanistiques chez la souris ■■ Une intervention thérapeutique sur le microbiote intestinal ? ■■ Conclusion

POINTS CLÉS Les microbiotes intestinaux d’enfants allergiques diffèrent de ceux d’enfants sains. Cette dysbiose est observée avant l’âge de 1 an et elle précède l’établissement de la pathologie allergique. ■ Les études chez la souris ont montré le rôle du microbiote intestinal dans la maturation et la régulation du système immunitaire et dans la prévention du développement d’une allergie. ■ Le microbiote et ses produits métaboliques stimulent l’induction et l’activation de cellules immunitaires impliquées dans la tolérance aux antigènes microbiens et alimentaires. ■

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Microbiote et allergies

Études épidémiologiques observationnelles L’augmentation récente de la prévalence des maladies allergiques est le reflet de l’évolution de nos modes de vie. Selon l’hypothèse hygiéniste, une moindre exposition aux microbes de l’environnement et une faible diversité des microorganismes qui colonisent nos muqueuses, en particulier ceux du microbiote intestinal (MI), ne permettent pas une maturation optimale du système immunitaire (SI) (encadré 15.1). Plusieurs facteurs environnementaux pourraient influencer le développement des allergies en altérant la composition du MI : ■ le mode d’accouchement. La naissance par voie naturelle provoque un premier ensemencement du nouveau-né par les bactéries vaginales et intestinales maternelles. Lors d’une naissance par césarienne, ce transfert n’a pas lieu. La composition du MI néonatal est ainsi altérée, avec en particulier une plus faible abondance des Bacteroides [1] ; ■ l’alimentation des nouveau-nés. Le lait maternel est riche en oligosaccharides qui favorisent la croissance des bactéries capables de les fermenter (bifidobactéries, Bacteroides, Lactobacillales, etc.). Le lait humain contient aussi des anticorps maternels et des molécules antimicrobiennes (lysozyme, lactoferrine, etc.) qui limitent la croissance des pathogènes opportunistes. Le lait maternel contient des bactéries intestinales de la mère qui représentent jusqu’à 25 % de celles colonisant le nourrisson [2] ; ■ les traitements antibiotiques et antiacides. La prise fréquente d’antibiotiques et d’inhibiteurs de la pompe à proton ou d’antihistaminiques H2 durant les six premiers mois de vie est associée à un risque plus élevé de développer des maladies allergiques [3] ;

Encadré 15.1

Le microbiote intestinal (MI) Le MI est un écosystème riche de 40 000 milliards de micro-organismes. Outre les bactéries (les plus étudiées), il comprend également des champignons, des virus et des archées. ■ Avec en moyenne 150 à 170 espèces bactériennes différentes, la composition du MI est unique pour chaque individu. ■ Les phyla dominants sont ceux des Firmicutes (Faecalibacterium, Clostridium, Lactobacillus, etc.) et des Bacteroidetes (Bacteroides, Prevotella, etc.), qui représentent plus de 90 % des bactéries de l’intestin. On y trouve également des actinobactéries (Bifidobacterium, etc.), des protéobacteries (Eschericchia, Shigella, etc.) et des Verrumicrobiaceae (Akkermansia, etc.). ■ L’interaction entre l’individu, son alimentation et son microbiote étant unique, il est impossible de définir une composition du MI optimale pour tous. ■

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Prévention des maladies allergiques

la diversification alimentaire. La nutrition est le facteur le plus influent de la composition du MI du nourrisson. L’arrêt de l’allaitement, plus que l’introduction des aliments solides, est le principal moteur de la maturation du MI [4] ; ■ l’environnement immédiat. Les enfants vivant dans un environnement fermier et en contact avec des animaux sont mieux protégés des maladies allergiques que les enfants des villes. Être né au sein d’une famille nombreuse ou avoir un animal de compagnie peut également influencer le développement des maladies allergiques [5]. Cependant, les études épidémiologiques donnent des résultats contradictoires et l’impact de ces différents facteurs et leurs mécanismes doivent encore être démontrés. ■

Dysbioses du microbiote intestinal Les études souffrent d’une hétérogénéité importante au niveau de la population étudiée, des critères de diagnostic, des méthodes de caractérisation du MI et des niveaux taxonomiques considérés. Les associations observées entre la composition du microbiote et le devenir allergique des enfants sont donc parfois contradictoires. Certaines tendances se dégagent néanmoins : ■ pour environ la moitié des études, le MI des enfants de moins de 1 an présente une plus faible diversité bactérienne chez ceux qui deviendront plus tard allergiques [6] ; ■ l’allaitement interfère avec la diversité bactérienne du MI en favorisant l’expansion de certaines bactéries (bifidobactéries, etc.). L’utilisation d’un lait infantile accélère la maturation du MI mais si celle-ci est trop précoce, elle est alors associée à un risque plus élevé d’allergies [1] ; ■ chez les futurs enfants allergiques, le MI présente une plus forte abondance en Bacteroidaceae, Clostridiaceae, Enterobacterioceae et une plus faible abondance en Lactobacillaceae vers l’âge de 1  mois. Plus tard, on y détecte une plus forte abondance en Clostridiaceae et une plus faible abondance en Bacteroidaceae et en Lactobacillaceae [6]. En règle générale, les dysbioses les plus significatives sont observées avant l’âge de 3 à 6 mois et disparaissent vers l’âge de 1 an.

Études mécanistiques chez la souris En absence de MI, les souris axéniques développent spontanément une hyperproduction d’IgE sériques. Seule une colonisation précoce de l’hôte par un microbiote diversifié permet de corriger ce biais immunitaire [7]. Les souris axéniques

Microbiote et allergies

développent également des niveaux de sensibilisation plus élevés que les souris conventionnelles dans les modèles d’allergie [8]. Au moment du sevrage, la composition du MI est profondément altérée par l’expansion de nouvelles bactéries. En réponse, le SI stimule la production de cellules  T régulatrices (Treg) Foxp3 + RORγt + au niveau du côlon. Cette réaction est nécessaire à la maturation du SI et à la prévention de diverses pathologies [9]. Des souches de clostridiales et de bacteroïdales, sont particulièrement compétentes pour induire les Treg. Inoculées aux souris, ces souches « potentiellement probiotiques » protègent leur hôte contre le développement d’une allergie expérimentale. Via l’activation des cellules lymphoïdes innées de type 3, les Clostridia améliorent les fonctions de barrière de l’épithélium intestinal en stimulant la production de mucus, de peptides antimicrobiens et en diminuant sa perméabilité [10]. L’expansion des cellules Treg est induite en présence de métabolites bactériens, dont les acides gras à chaîne courte (AGCC), produits de la fermentation des fibres alimentaires par des bactéries intestinales (Clostridia, Bacteroides, etc.). Un régime riche en fibres protège les souris de l’allergie en stimulant la production d’AGCC qui s’accompagne d’une activation des cellules dendritiques protolérogènes et de la différenciation des cellules Treg [11].

Une intervention thérapeutique sur le microbiote intestinal ? L’Organisation mondiale de l’allergie reconnaît un potentiel effet bénéfique, avec un faible niveau de certitude, de certaines souches probiotiques sur la prévention de la dermatite atopique [12]. L’utilisation des probiotiques serait recommandable pour les femmes à risque d’avoir un enfant allergique, en fin de grossesse et pendant l’allaitement, et chez l’enfant allaité. Mais aucun effet des probiotiques n’est observé chez la mère pendant la grossesse sur la survenue d’asthme ou d’allergie alimentaire chez l’enfant à naître. Les autres institutions internationales ne reconnaissent aucune donnée probante quant à l’utilisation de probiotiques pour la prévention des maladies allergiques.

Conclusion Des interventions sur la composition du microbiote intestinal via une alimentation plus équilibrée (plus de fibres et moins de graisses), l’utilisation de probiotiques mieux caractérisés de seconde génération, de prébiotiques stimulant la croissance de bactéries bénéfiques, de métabolites bactériens, voire la transplantation d’un microbiote fécal sont autant de pistes à explorer pour la prévention et le traitement des maladies allergiques.

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Prévention des maladies allergiques

Références [1] Galazzo G, van Best N, Bervoets L, et al. Development of the microbiota and associations with birth mode, diet, and atopic disorders in a longitudinal analysis of stool samples, collected from infancy through early childhood. Gastroenterology 2020 ; 158 : 1584‒96. [2] Pannaraj PS, Li F, Cerini C, et al. Association between breast milk bacterial communities and establishment and development of the infant gut microbiome. JAMA Pediatr 2017  ; 171  : 647‒54. [3] Mitre E, Susi A, Kropp LE, et al. Association between use of acid-suppressive medications and antibiotics during infancy and allergic diseases in early childhood. JAMA Pediatr 2018 ; 172 : e180315. [4] Stewart CJ, Ajami NJ, O’Brien JL, et al. Temporal development of the gut microbiome in early childhood from the TEDDY study. Nature 2018 ; 562 : 583‒8. [5] Bunyavanich S, Berin MC. Food allergy and the microbiome : Current understandings and future directions. J Allergy Clin Immunol 2019 ; 144 : 1468‒77. [6] Zimmermann P, Messina N, Mohn WW, et al. Association between the intestinal microbiota and allergic sensitization, eczema, and asthma: A systematic review. J Allergy Clin Immunol 2019 ; 143 : 467‒85. [7] Cahenzli J, Koller Y, Wyss M, et  al. Intestinal microbial diversity during early-life colonization shapes long-term IgE levels. Cell Host Microbe 2013 ; 14 : 559‒70. [8] Morin S, Fischer R, Przybylski-Nicaise L, et al. Delayed bacterial colonization of the gut alters the host immune response to oral sensitization against cow’s milk proteins. Mol Nutr Food Res 2012 ; 56 : 1838‒47. [9] Al Nabhani Z, Dulauroy S, Marques R, et al. A weaning reaction to microbiota is required for resistance to immunopathologies in the adult. Immunity 2019 ; 50 : 1276‒88.e5. [10] Stefka AT, Feehley T, Tripathi P, et al. Commensal bacteria protect against food allergen sensitization. Proc Natl Acad Sci USA 2014 ; 111 : 13145‒50. [11] Tan J, McKenzie C, Vuillermin PJ, et al. Dietary fiber and bacterial SCFA enhance oral tolerance and protect against food allergy through diverse cellular pathways. Cell Rep 2016 ; 15 : 2809‒24. [12] Fiocchi A, Pawankar R, Cuello-Garcia C, et al. World Allergy Organization-McMaster University Guidelines for Allergic Disease Prevention (GLAD-P): Probiotics, World Allergy Organ J 2015 ; 8 : 4.

CHAPITRE

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Histoire naturelle des maladies allergiques Flore Amat PLAN DU CHAPITRE ■■ Introduction ■■ Histoire naturelle de la dermatite atopique ■■ Histoire naturelle de l’asthme ■■ Histoire naturelle de l’allergie alimentaire ■■ La marche atopique ■■ En pratique: vers une prévention primaire de la marche atopique ? ■■ Conclusion

POINTS CLÉS La dermatite atopique (DA) est considérée comme la porte d’entrée dans la marche atopique, précédant les autres manifestations allergiques. ■ Les facteurs de risque sont la précocité et la sévérité de la DA, le sexe masculin, l’association avec une sensibilisation précoce et multiple. Des facteurs de risque génétiques ont également été décrits dont l’existence d’une mutation de la filaggrine. ■ Il n’existe pas de moyens à ce jour de prévenir efficacement la marche atopique, mais la prévention primaire constitue une voie de recherche active. ■

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Prévention des maladies allergiques

Introduction Le concept d’atopie (du grec a-topos, « qui n’est pas à sa place », « différent ») a été proposé initialement en 1923 pour désigner l’asthme et la rhinite allergique, la dermatite atopique (DA) ayant été ajoutée dans ce spectre de maladies en 1933 en raison de l’association fréquente de celle-ci avec l’asthme. Le terme d’atopie est progressivement devenu associé aux pathologies pouvant être IgE-médiées (DA, asthme, rhinite allergique, allergie alimentaire). L’atopie est actuellement définie comme la propension des sujets prédisposés à fabriquer de manière anormale des IgE spécifiques contre un allergène donné.

Histoire naturelle de la dermatite atopique La DA est une pathologie cutanée très fréquente chez l’enfant, affectant jusqu’à 20 % d’entre eux. Elle peut apparaître de façon très précoce, le plus souvent avant l’âge de 5 ans. La DA disparaît généralement dans l’enfance. Dans l’étude allemande MAS réalisée en population générale, 40 % des enfants ayant une DA avant l’âge de 2 ans étaient en rémission complète à l’âge de 3 ans [1]. La sévérité initiale de la DA était le principal facteur de risque de persistance. Les données de la cohorte multicentrique européenne PASTURE portant sur la relation entre pathologies atopiques et environnement rural indiquaient que la présence d’antécédents parentaux d’atopie était un facteur de risque de DA précoce et persistante. La précocité de la DA était également un facteur de risque de persistance à l’âge de 6 ans [2].

Histoire naturelle de l’asthme Plusieurs études se sont intéressées à l’histoire naturelle de l’asthme et ont permis d’identifier cinq phénotypes  : sifflements épisodiques, sifflements viro-induits précoces et transitoires, sifflements viro-induits précoces et persistants, sifflements de début intermédiaire liés à l’atopie et sifflements à début tardif liés au tabac [3]. Les individus ayant des sifflements persistants pendant l’enfance étaient plus à risque d’avoir une fonction respiratoire altérée à l’âge adulte. Environ 30  % des enfants asthmatiques le seront encore à l’âge adulte. Dans une étude japonaise récente incluant 1 443 patients, les patients ayant un asthme évoluant depuis l’enfance avaient un asthme plus sévère et une altération de leur fonction respiratoire plus importante par rapport aux asthmes débutant à l’âge adulte [4]. Des antécédents familiaux d’atopie, l’association avec d’autres maladies atopiques semblent être des facteurs prédictifs importants d’asthme persistant à l’âge adulte.

Histoire naturelle des maladies allergiques

Histoire naturelle de l’allergie alimentaire Les allergies alimentaires IgE-médiées débutent en général dans la petite enfance, dès les premières expositions. Il y a des exceptions  : allergies croisées comme syndrome d’allergie pollens-aliments, anaphylaxie alimentaire induite par l’exercice, aliments pas ou très rarement consommés dans l’enfance (huîtres, etc.). À l’échelle d’une population, environ 80 % des allergies IgE-médiées aux protéines du lait de vache ou à l’œuf disparaissent avant 5 ans, alors que 80 % environ des allergies aux fruits à coque et à l’arachide persistent à l’âge adulte. L’âge de guérison semble être plus tardif au cours du temps par rapport à ce qui a été décrit dans les décennies précédentes [5].

La marche atopique Le terme « marche atopique » (figure 16.1) illustre l’hypothèse d’une progression chronologique des symptômes d’atopie au cours de l’enfance, la DA précédant les autres manifestations d’atopie : la DA serait la porte d’entrée dans la marche atopique menant à l’allergie alimentaire puis respiratoire. Les données récentes suggèrent plutôt de considérer la marche atopique comme une progression de pathologies ayant des facteurs prédisposants génétiques communs générant une hyper-réactivité à des facteurs environnementaux et faisant intervenir une dysfonction épithéliale et une dysrégulation de la voie Th2.

Rhinite allergique

Prévalence

Dermatite atopique

Asthme Allergie alimentaire

0

0,5

1

3 6-7 Âge en années

Figure 16.1. Représentation schématique de la marche atopique.

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La marche atopique ne concerne pas tous les patients atteints de DA. En effet, cette évolution péjorative ne concernerait finalement qu’un tiers voire la moitié des enfants présentant une DA.

Facteurs de risque de la marche atopique Début précoce de la DA Un début précoce de la DA est un facteur de risque d’asthme à l’âge scolaire. Von Kobyletzki et al. ont trouvé un risque d’asthme 3 fois supérieur en cas de début de la DA avant l’âge de 1 an. Dans la cohorte norvégienne Prevention of Allergy among Children in Trondheim (PACT), le risque d’asthme était inversement corrélé à l’âge de début de la DA, particulièrement en cas d’âge de début inférieur à 3 mois [6]. Mais tous les asthmatiques n’ont pas nécessairement eu une DA ; ceux avec une DA précoce ou sévère constitueraient un phénotype particulier.

Sévérité de la DA Le risque d’asthme à l’âge scolaire semble directement corrélé à la sévérité de la DA. On retrouve par exemple dans la cohorte MAS un risque 6  fois supérieur d’asthme à l’âge scolaire chez les enfants ayant une DA sévère [1]. Enfin, dans une étude prospective suédoise portant sur 123 enfants atteints de DA âgés de moins de 2 ans, la sévérité de la DA était non seulement associée à un risque plus élevé d’asthme à l’âge de 10 ans (p = 0,01), mais aussi à un risque plus élevé de rhinite allergique [7]. De même, la sévérité de la DA est associée à un risque plus élevé d’allergie alimentaire.

Sexe masculin Au sein de la Melbourne Atopic Cohort Study (MACS), une cohorte néonatale incluant 620 enfants avec antécédent parental d’atopie, Lowe et al. ont retrouvé une marche atopique uniquement chez les garçons [8]. Selon les auteurs, une explication de ce résultat pouvait être une sévérité plus importante de la DA chez les garçons. Cet effet était plus fort en cas de DA précoce et/ou sévère.

Sensibilisation précoce et multiple Dans l’étude ORCA, incluant des enfants avec DA précoce (avant l’âge de 1 an) modérée à sévère, une sensibilisation initiale multiple aux trophallergènes était le facteur le plus fortement associé au risque de sensibilisation aux pneumallergènes à l’âge de 6 ans. Par ailleurs, le groupe d’enfants ayant une DA plus sévère et un taux élevé de sensibilisation allergénique, particulièrement multiple, était le plus à risque d’être associé à l’asthme allergique à l’âge de 6 ans [9]. L’âge d’apparition de la sensibilisation multiple semble affecter la sévérité des symptômes respiratoires ultérieurs. Les enfants ayant des sifflements persistants, des exacerbations

Histoire naturelle des maladies allergiques

d’asthme fréquentes et plusieurs marqueurs atopiques d’apparition précoce ont une fonction respiratoire abaissée au cours de l’enfance [10].

Rôle des facteurs environnementaux dans l’association DA-asthme-allergie respiratoire Leur rôle précis dans le déclenchement de la marche atopique n’est pas encore bien établi. Les études sur l’exposition aux phanères d’animaux, aux acariens et sur l’allaitement maternel montrent des résultats divergents. Des études ont montré un effet délétère de l’exposition à la fumée de tabac, aux composants organiques volatils, au formaldéhyde, au toluène, au dioxyde de nitrogène et aux particules fines.

Facteurs de risque génétiques de marche atopique L’expression de la filaggrine, protéine clé de la couche cornée, est diminuée dans la DA. Des mutations génétiques ont été décrites à l’origine d’un risque augmenté de DA sévère, de sensibilisation allergénique (pour les pneumallergènes ou les aliments) et d’allergie alimentaire. Une vaste étude de génome menée sur la DA et le risque d’asthme ultérieur de l’enfant a permis d’identifier 7 loci de susceptibilité pouvant être impliqués dans la marche atopique [11] : ■ EFHC1 sur le chromosome 6p12.3 ; ■ locus entre TMTC2 et SLC6A15 sur le chromosome 12q21.3 ; ■ FLG sur le chromosome 1q21.3 ; ■ IL-4/KIF3A sur le chromosome 5q31.1 ; ■ AP5B1/OVOL1 sur le chromosome 11q13.1 ; ■ C11orf30/LRRC32 sur le chromosome 11q13.5 ; ■ et IKZF3 sur le chromosome 17q21. Un polymorphisme du gène de barrière cutanée SPINK5 est associé à la fois à une DA et une allergie alimentaire.

En pratique : vers une prévention primaire de la marche atopique ? L’effet préventif de l’application d’émollients a été récemment évalué [12]. Un essai multicentrique en double aveugle contre placebo a inclus plus de 1 000 nouveaunés avec antécédents parentaux d’atopie, à l’âge de 2 ans : ■ aucune différence significative entre les deux bras sur la fréquence de la DA ; ■ aucun résultat robuste pour un éventuel effet sur la marche atopique (risque de sifflements récurrents et allergie alimentaire).

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Prévention des maladies allergiques

Conclusion La dermatite atopique doit dorénavant être considérée comme une pathologie complexe nécessitant une approche transversale. En pratique clinique, il est important de connaître les phénotypes particuliers pouvant être associés à un risque élevé d’asthme ou d’allergie alimentaire. L’ensemble des résultats des études plaident pour une prise en charge « agressive » de la DA, particulièrement si celle-ci est sévère, à début précoce et associée à des antécédents parentaux et à une sensibilisation allergénique précoce et multiple. Ces enfants devraient pouvoir être adressés facilement dans un centre expert, surtout lorsque ce phénotype de DA est associé à des sifflements précoces. Références [1] Illi S, von Mutius E, Lau S, et al. The natural course of atopic dermatitis from birth to age 7 years and the association with asthma. J Allergy Clin Immunol 2004 ; 113 : 925‒31. [2] Roduit C, Frei R, Depner M, et al. Phenotypes of atopic dermatitis depending on the timing of onset and progression in childhood. JAMA Pediatr 2017 ; 171 : 655‒62. [3] Lowe AJ, Lodge CJ, Allen KJ, et al. Cohort Profile : Melbourne Atopy Cohort study (MACS). Int J Epidemiol 2017 ; 46 : 25‒6. [4] To M, Tsuzuki R, Katsube O, et al. Persistent asthma from childhood to adulthood presents a distinct phenotype of adult asthma. J Allergy Clin Immunol Pract 2020 ; 8 : 1921‒7.e2. [5] Savage J, Sicherer S, Wood R. The natural history of food allergy. J Allergy Clin Immunol Pract 2016 ; 4 : 196‒203. [6] von Kobyletzki LB, Bornehag CG, Hasselgren M, et al. Eczema in early childhood is strongly associated with the development of asthma and rhinitis in a prospective cohort. BMC Dermatol 2012 ; 12 : 11. [7] Ekbäck M, Tedner M, Devenney I, et al. Severe eczema in infancy can predict asthma development. A prospective study to the age of 10 years. PLoS One 2014 ; 9 : e99609. [8] Lowe AJ, Carlin JB, Bennett CM, et al. Do the boys do the atopic march while girls dawdle ? J Allergy Clin Immunol 2008 ; 121 : 1190‒5. [9] Amat F, Saint-Pierre P, Bourrat E, et al. Early-onset atopic dermatitis in children : which are the phenotypes at risk of asthma ? Results from the ORCA Cohort. PLoS One 2015 ; 10 : e0131369. [10] Belgrave DC, Buchan I, Bishop C, et al. Trajectories of lung function during childhood. Am J Respir Crit Care Med 2014 ; 189 : 1101‒9. [11] Marenholz I, Nickel R, Rüschendorf F, et al. Filaggrin loss-of-function mutations predispose to phenotypes involved in the atopic march. J Allergy Clin Immunol 2006 ; 118 : 866‒71. [12] Chalmers JR, Haines RH, Bradshaw LE, et al. Daily emollient during infancy for prevention of eczema : the BEEP randomised controlled trial. Lancet 2020 ; 395 : 962‒72.

CHAPITRE

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Comment prévenir la survenue des maladies allergiques ? Dominique Sabouraud-Leclerc PLAN DU CHAPITRE ■ Pourquoi une prévention ? ■ Quelles mesures de prévention ?

POINTS CLÉS La fréquence des maladies allergiques (dermatite atopique, allergies alimentaires et asthme) a augmenté dans des proportions importantes au cours des 20 dernières années. ■ La prévention doit être globale, dès la grossesse. ■ L’environnement respiratoire est important : pas de tabac, le moins de polluants possible, une exposition limitée aux acariens et aux moisissures. ■ L’allaitement maternel est recommandé pendant 4 à 6 mois. ■ Diversification alimentaire dès 4 mois pour tous les nourrissons. ■ Il est primordial de traiter précocement et activement toute dermatite atopique du nourrisson. ■

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Prévention des maladies allergiques

Pourquoi une prévention ? Les données épidémiologiques La prévalence des maladies allergiques augmente retentissant sur la qualité de vie et la morbidité [1] : la prévalence de la dermatite atopique (DA) est d’environ 10 % chez l’enfant en France [2] ; celle des allergies alimentaires (AA) est estimée entre 4 et 8 % [3]. La prévalence de l’asthme chez l’enfant, en France, était estimée à 10 % en classes de CM2 et de 3e entre 2007 et 2009. La cohorte PARIS a recruté plus de 3 800  nouveau-nés de Paris et la banlieue proche. À 8-9 ans (en 2015), la prévalence de la dermatite atopique était de 12,8 %, celle de la rhinite allergique de 8,6 % et celle de l’asthme allergique de 11,3 % [4].

Une prévention pour tous Le risque atopique est défini par l’existence d’au moins un antécédent familial d’atopie (parents, fratrie). Environ 30 % des nouveau-nés ont au moins un antécédent atopique familial, 5 % en ont deux et environ 65 % n’en ont pas. Une prévention uniquement destinée aux enfants à risque atopique, déterminé par les antécédents familiaux, ignorerait la moitié des enfants nés de parents non atopiques qui développeront une atopie. D’où la proposition d’experts de proposer les mesures de prévention à tous les enfants à naître, quels que soient les antécédents familiaux [5].

Une prévention globale L’objectif de la prévention est d’éviter l’apparition des différentes manifestations d’atopie  : la DA, l’allergie alimentaire IgE médiée, l’asthme allergique, les rhinoconjonctivites allergiques. La marche atopique peut être complète (10  % des atopiques) ou dissociée, dépendant de l’importance du terrain atopique personnel de l’enfant. Il est préférable de parler de phénotypes atopiques car certaines études remettent en cause cette notion de marche atopique [2].

Quelles mesures de prévention ? Les mesures préventives doivent être précoces et envisagées dès la grossesse pour permettre une prévention globale. Il semble exister une fenêtre d’opportunité pour la prévention des maladies allergiques in utero et dans les premiers mois de vie. Les mesures de prévention concernent l’environnement, la protection de la barrière cutanée et le mode d’alimentation du nouveau-né puis du nourrisson (encadré 17.1).

Comment prévenir la survenue des maladies allergiques ?

Encadré 17.1

Prévention des maladies allergiques : synthèse Éviter le tabagisme pendant la grossesse et la première année de vie. Limiter l’exposition aux polluants intérieurs et extérieurs. ■ Limiter l’exposition aux acariens et moisissures. ■ Absence de recommandations sur la présence ou pas d’un animal au domicile familial. ■ Alimentation équilibrée de la mère pendant la grossesse et l’allaitement. ■ Préférer un accouchement par voie basse. ■ Privilégier l’allaitement maternel pour ses bienfaits sur la santé de l’enfant (pas dans un but de prévention de l’allergie), pas de place pour les laits « hypoallergéniques ». ■ Éviter l’utilisation de paracétamol et d’antibiotiques pendant la grossesse et la première année de vie. ■ Traiter précocement toute dermatite atopique. ■ Diversification alimentaire dès 4 mois (voir chapitre 18). ■ ■

Pendant la grossesse Le tabagisme maternel pendant la grossesse influe directement l’apparition d’un asthme du nourrisson [6].

Alimentation de la femme enceinte La consommation maternelle de légumes verts cuits, de légumes crus, d’œufs et de graines aurait une action préventive bénéfique sur l’apparition d’un asthme voire d’une rhinite allergique ; de même, une alimentation riche en oméga 3, mais cela reste discuté [7]. Une consommation importante de viande au moment de la période périconceptionnelle augmenterait le risque de rhinite allergique, d’asthme et dermatite atopique. Les données de la cohorte Eden indiquent qu’il n’y a pas d’effet de la consommation de poisson ou de fruits sur le risque de maladies allergiques chez l’enfant à 3 ans (étude des consommations alimentaires des femmes, un an avant et durant la grossesse) [8] ; pas de rôle non plus d’une supplémentation en vitamine D [9]. Une supplémentation par probiotiques à la fois chez la femme enceinte, pendant l’allaitement et chez le nourrisson diminuerait le risque de DA ; l’effet serait moindre par une supplémentation uniquement chez la mère ou chez l’enfant, il serait plus marqué avec certains mélanges de souches de probiotiques. Cette supplémentation serait bénéfique à la fois chez les enfants à risque atopique et pour ceux de la population générale [10].

À la naissance Accouchement par voie basse si possible : l’exposition du nouveau-né à la flore vaginale semble bénéfique par son action sur le microbiote intestinal. La

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Prévention des maladies allergiques

prévalence de l’asthme est ainsi plus forte chez les enfants nés par césarienne [11]. A également été démontrée une association, dépendante de l’âge, entre les anomalies du microbiote et la survenue ultérieure de sensibilisations alimentaires [12].

Les premiers mois et années L’environnement respiratoire La qualité de l’air au domicile dépend de la présence de polluants intérieurs, mais aussi de la pollution extérieure, le cas échéant. Le tabac est un polluant intérieur majeur, si présent. Le tabagisme maternel pendant la grossesse est la principale source d’exposition prénatale au tabac. Il influe directement sur l’apparition d’un asthme du nourrisson alors que le tabagisme post-natal influe plus sur le développement d’un asthme chez l’enfant plus grand [6]. Le rôle des composés organiques volatils est évoqué, de nombreux matériaux utilisés à domicile (peinture, colle des meubles neufs, produits d’entretien, etc.) pouvant libérer dans l’atmosphère des composés irritants tels de l’acétone, du benzène, du formaldéhyde, etc. Enfin, certains modes de chauffage (bois en foyer ouvert, etc.) peuvent également être irritants. Il est donc logique d’éviter l’exposition du nourrisson à ces produits, d’autant plus qu’il a été démontré un effet facilitant d’un air intérieur riche en polluants sur la sensibilisation aux pneumallergènes (acariens), et donc sur la survenue d’allergies [13]. De plus, vivre à proximité d’un grand axe de circulation routière est associé à un risque augmenté d’asthme, d’allergies et de sensibilisation pour l’enfant et cela dès la période prénatale [14]. La relation entre l’importance de l’exposition aux acariens dans les premières années, puis la sensibilisation et la survenue d’asthme (et sa sévérité) a été démontrée, mais cela n’est pas le cas pour l’exposition aux pneumallergènes d’origine animale [15, 16]. Ainsi, une revue portant sur plus de 22 000 enfants d’âge scolaire provenant de 11 cohortes de naissance européennes n’a pas retrouvé de lien entre l’exposition aux animaux au domicile familial dans les premiers mois de vie et une prévalence plus forte ou plus faible d’asthme [17]. De plus, une cohorte finlandaise, portant sur 3 781 enfants, montre qu’avoir un chien ou un chat dans la première année de vie pourrait protéger de la survenue d’asthme et d’allergies à l’âge de 5 ans [16]. Enfin, les enfants exposés à plus de deux chats ou chiens seraient moins allergiques que les enfants n’ayant pas d’animaux domestiques [18]. De même, l’exposition aux endotoxines (vie en milieu rural) semble protéger de l’asthme [19].

Comment prévenir la survenue des maladies allergiques ?

En ce qui concerne l’exposition aux moisissures, il a été montré que celle-ci favorise l’apparition d’un asthme chez des enfants à risque [20]. Les études de prévention primaire globale de l’asthme chez des nourrissons à risque atopique sont déjà anciennes (réduction de l’exposition aux acariens, allaitement maternel, diversification alimentaire retardée, voire pas d’exposition aux poils d’animaux ni au tabagisme passif). Leurs résultats sont contrastés et ne sont pas suffisants pour imposer des recommandations contraignantes.

La protection de la barrière cutanée La première année de vie est une période cruciale dans l’apparition des allergies via l’altération de la fonction de la barrière cutanée (sensibilisation par voie cutanée, rôle d’un déficit en filaggrine, dermatite atopique). L’étude BEEP chez des nouveau-nés à risque de DA n’a pas montré d’effet préventif de l’application quotidienne d’un émollient sur l’incidence de la DA, ni dans l’apparition de sensibilisations alimentaires ou respiratoires, dans les deux premières années de vie [21]. Cependant, les auteurs s’accordent sur la nécessité de traiter précocement et activement toute dermatite atopique dans le but d’éviter une sensibilisation par voie cutanée aux trophallergènes et/ou aux pneumallergènes [22]. L’impact négatif de la présence dans l’environnement de trophallergènes (arachide, amande, noix) sur la sensibilisation par voie cutanée est démontré, d’où l’importance d’éviter l’exposition du nourrisson par voie cutanée à ces allergènes et de préférer leur introduction précoce par voie digestive [23, 24] (voir chapitre 18).

L’alimentation du nourrisson et du jeune enfant L’allaitement maternel est à privilégier du fait de sa composition adaptée aux besoins nutritionnels et immunologiques du nourrisson, mais non dans un but de prévention des allergies. La durée recommandée de l’allaitement est d’au moins 4 mois, si possible 6 mois [7]. En cas d’allaitement maternel exclusif, il faut éviter absolument les compléments de lait 1er âge (sensibilisants) en attendant la montée de lait. En contexte atopique et/ou en cas d’antécédents familiaux d’allergie aux protéines du lait de vache (recommandations d’experts), on pourra proposer un allaitement mixte dès les premiers jours de vie dans le but d’induire une tolérance précoce au lait de vache [25]. En l’absence d’allaitement maternel, choisir un lait 1er âge : ni les hydrolysats extensifs de protéines de lait de vache, ni les hydrolysats partiels de protéines du lait de vache n’ont fait preuve de prévention de l’allergie [26].

Autres conseils de prévention L’utilisation d’antibiotiques et de paracétamol pendant la grossesse et la 1re année de vie semble être associée à l’apparition d’asthme [27].

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Prévention des maladies allergiques

Il n’y a pas de données suffisantes à l’heure actuelle pour privilégier la collectivité comme mode de garde des enfants en bas âge : l’hypothèse hygiéniste est remise en question. Elle tentait d’expliquer l’augmentation des allergies par la moindre fréquence des infections chez l’enfant en lien avec une meilleure hygiène, l’usage fréquent des antibiotiques et les politiques de vaccination (la balance TH1/TH2). De plus, il a été montré que l’exposition précoce aux infections virales (VRS notamment) provoque des changements immunitaires et structuraux au niveau respiratoire favorisant l’apparition d’asthme [7]. Références [1] van Vliet D, Essers BA, Winkens B, et  al. Longitudinal relationships between asthma-specific quality of life and asthma control in children ; the influence of chronic rhinitis. J Clin Med 2020 ; 9 : pii, E555. [2] Braun C, Nosbaum A. Histoire naturelle de la dermatite atopique. Ann Dermatol Venereol 2019 ; 146 : 12S58‒66. [3] Moneret-Vautrin DA. Épidémiologie de l’allergie alimentaire. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2008 ; 48(3) : 171‒8. [4] Gabet S, Rancière F, Just J, et al. Asthma and allergic rhinitis risk depends on house dust mite specific IgE levels in PARIS birth cohort children. World Allergy Organ J 2019 ; 12 : 100057. [5] Bidat E, Benoist G. Prévention des allergies alimentaires : la diversification en 2019. Rev Fr Allergol 2019 ; 59 : 341‒5. [6] Burke H, Leonardi-Bee J, Hashim A, et al. Prenatal and passive smoke exposure and incidence of asthma and wheeze : systematic review and meta-analysis. Pediatrics 2012 ; 129 : 735‒44. [7] Mauro G di, Bernardini R, Barberi S, et al. Prevention of food and airway allergy : consensus of the Italian Society of Preventive and Social Paediatrics, the Italian Society of Paediatric Allergy and Immunology, and Italian Society of Pediatrics. World Allergy Organ J 2016 ; 9 : 28. [8] Baïz N, Just J, Chastang J, Forhan A, et al. Maternal diet before and during pregnancy and risk of asthma and allergic rhinitis in children. Allergy Asthma Clin Immunol 2019 ; 15 : 40. [9] Yepes-Nuñez JJ, Brozek JL, Fiocchi A, et al. Vitamin D supplementation in primary allergy prevention : Systematic review of randomized and non-randomized studies. Allergy 2018  ; 73  : 37‒49. [10] Amalia N, Orchard D, Francis KL, et al. Systematic review and meta-analysis on the use of probiotic supplementation in pregnant mother, breastfeeding mother and infant for the prevention of atopic dermatitis in children. Australas J Dermatol 2020 ; 61 : e158‒e73. [11] Keag OE, Norman JE, Stock SJ. Long-term risks and benefits associated with cesarean delivery for mother, baby, and subsequent pregnancies : Systematic review and meta-analysis. PLoS Med 2018 ; 15 : e1002494. [12] Azad MB, Konya T, Guttman DS, et al. Infant gut microbiota and food sensitization : associations in the first year of life. Clin Exp Allergy J Br Soc Allergy Clin Immunol 2015 ; 45(3) : 632‒43. [13] Wang IJ, Tung TH, Tang CS, et al. Allergens, air pollutants, and childhood allergic diseases. Int J Hyg Environ Health 2016 ; 219 : 66‒71. [14] Khreis H, Kelly C, Tate J, et al. Exposure to traffic-related air pollution and risk of development of childhood asthma : A systematic review and meta-analysis. Environ Int 2017 ; 100 : 1‒31. [15] Lodge CJ, Lowe AJ, Gurrin LC, et al. House dust mite sensitization in toddlers predicts current wheeze at age 12 years. J Allergy Clin Immunol 2011 ; 128 : 782‒8.

Comment prévenir la survenue des maladies allergiques ?

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CHAPITRE

18

Quelles recommandations sur la diversification alimentaire ? Étienne Bidat et Grégoire Benoist PLAN DU CHAPITRE ■■ Comment ont évolué les pratiques ? ■■ Quelles recommandations retenir ? ■■ Que conseiller en pratique en France en 2020 ?

POINTS CLÉS Les modalités de diversification alimentaire ne sont que l’un des éléments contribuant à la prévention des allergies alimentaires. ■ Les mesures de prévention, dont celles concernant la diversification alimentaire, sont à conseiller chez tous les enfants à naître. Des mesures complémentaires sont possiblement à envisager dans les populations à haut risque d’allergie. ■ La diversification doit être précoce, sans restriction, même pour les aliments à risque, en respectant les habitudes culturelles. ■

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Quelles recommandations sur la diversification alimentaire ?

Les connaissances scientifiques récentes ont bouleversé nos habitudes dans la prévention des allergies et tout particulièrement pour l’alimentation [1].

Comment ont évolué les pratiques ? De l’eminence-based à l’evidence-based medicine Jusqu’aux années 2000, la prévention primaire de l’allergie alimentaire reposait sur le dogme de l’éviction. On retardait le plus possible l’introduction des aliments, surtout ceux considérés allergisants. Ces recommandations étaient empiriques ou reposaient sur des convictions personnelles. Depuis, des études ont montré que l’allergie est une non-acquisition, ou une perte de tolérance, vis-à-vis d’un allergène [2]. Les mesures préventives reposent sur l’induction d’une tolérance. Le contact avec l’allergène doit avoir lieu au moment optimum ; on parle de « fenêtre de tolérance ». Pour les aliments autres que le lait de vache, celle-ci se situe classiquement entre les âges de 4 et 6 mois. Ce moment opportun pour l’introduction des aliments varie cependant en fonction d’autres facteurs (­encadré 18.1). Certains facteurs favoriseraient le développement des allergies alimentaires : l’exposition aux allergènes alimentaires par voie cutanée ou inhalée, la modification du microbiote digestif, le faible apport en vitamine D. Les mesures de prévention doivent concerner tous les enfants. Le seul ciblage des enfants « à risque » (père, mère, fratrie avec antécédents atopiques) ferait ignorer près de la moitié des futurs allergiques.

Analyse scientifique et habitudes culturelles Dès 2008, à Londres, le groupe de Gideon Lack suggérait que l’exposition à l’allergène alimentaire par voie cutanée ou inhalée favoriserait le développement de Encadré 18.1

Développement d’une allergie alimentaire : facteurs en jeu Génétique Facteurs maternels anténataux, mode de naissance ■ Allaitement maternel (durée) ■ Exposition allergénique orale, respiratoire, cutanée ■ Alimentation (allergènes, matrice, cuisson, contenu nutritionnel, etc.) ■ Hygiène, environnement microbien, pH gastrique ■ Modification du microbiote digestif (rôle de l’alimentation, de l’hygiène, des médicaments) ■ Âge de diversification ■ ■

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Prévention des maladies allergiques

sensibilisations alors que l’exposition orale faciliterait l’acquisition de la tolérance. En Israël, la consommation d’arachide est fréquente et notable dès les premiers mois de vie sous forme de Bamba® (l’équivalent français du Curly®). En Angleterre, suite aux recommandations alors en vigueur, la consommation d’arachide dans la population était très faible dans les premiers mois de vie, alors que l’allergène circulait aux domiciles sous différentes formes (cacahuète ou snack). Les enfants israéliens étaient ainsi exposés à l’arachide précocement et sous forme orale, alors que les enfants anglais juifs (choisis pour limitation du biais génétique) n’étaient pas exposés par voie orale à l’arachide, mais surtout sous forme inhalée ou par contact cutané (poussière, lit). Cette enquête, observationnelle, montrait qu’entre les âges de 4 et 11 ans, la prévalence de l’allergie à l’arachide était de 0,17 % en Israël et de 1,85 % en Angleterre. Ces conclusions ont conduit à l’étude LEAP dont les résultats ont entraîné la modification des recommandations de nombreux pays avec la préconisation de l’introduction précoce d’arachide dans l’alimentation, notamment dans les populations « à risque » d’allergie [3]. En Asie, la prévalence de l’allergie alimentaire est très faible malgré l’introduction tardive des aliments, particulièrement de l’arachide, fruits de mer et œuf. Le respect des habitudes alimentaires culturelles ne doit pas être contrarié.

L’introduction précoce d’un seul aliment a des effets limités Des études observationnelles se sont intéressées à l’œuf, au blé et au lait de vache. Des études prospectives ont porté sur l’œuf et l’arachide. Leur introduction précoce a parfois mais inconstamment un effet préventif sur le développement de l’allergie pour l’aliment introduit, surtout dans les populations «  à risque » d’allergie [4]. L’impact de l’introduction de l’œuf ou de l’arachide avant l’âge de 12  mois en population générale ou en population « à risque » d’allergie n’est pas similaire [5].

Pour l’œuf En population générale, avant l’âge de 6 mois, 1 enfant sur 200 est déjà allergique à l’œuf avant la première prise et présentera une réaction allergique lors de cette introduction ; la prise précoce de l’œuf préviendrait le développement d’une allergie IgE-médiée à cet aliment chez seulement 3 % des enfants. ■ Dans une population avec un eczéma modéré ou sévère, avant l’âge de 6 mois, 30 % des enfants sont déjà allergiques à l’œuf et présenteront une réaction allergique lors de l’introduction ; la prise précoce de l’œuf préviendrait le développement d’une allergie IgE-médiée à cet aliment chez 19 % des enfants. ■

Quelles recommandations sur la diversification alimentaire ?

Pour l’arachide En population générale, avant l’âge de 6 mois, 1 enfant sur 200 est déjà allergique à l’arachide avant la première prise et présentera une réaction allergique lors de cette introduction ; la prise précoce préviendrait le développement d’une allergie IgE-médiée à cet aliment chez seulement 2 % des enfants. ■ Dans une population avec eczéma modéré ou sévère, avant l’âge de 6 mois, 10 % des enfants sont déjà allergiques à l’arachide avant la première prise et présenteront une réaction allergique lors de l’introduction ; la prise précoce de l’arachide préviendrait le développement d’une allergie IgE-médiée à cet aliment chez 11 % des enfants. ■ L’introduction précoce de l’arachide a un effet préventif sur le développement d’une allergie alimentaire à l’arachide, plus particulièrement en population dite « à risque », mais cet effet ne concerne que cet allergène, pas les autres aliments. Elle n’a pas d’effet sur la prévention d’un eczéma, d’une rhinite, d’une conjonctivite ou d’un asthme. ■

Une diversification étendue a des effets importants Dès 2012, l’étude de suivi de la cohorte PASTURE, montre que la dermatite atopique entre 1 et 4 ans est d’autant moins fréquente que les nourrissons ont bénéficié d’une diversification étendue dans la première année de vie. Six groupes d’aliments étaient étudiés : légumes et fruits, céréales, pain, viande, gâteau, yaourt. Plus les nourrissons ont introduit de groupes d’aliments, moins ils ont d’eczéma. En 2014, la poursuite de l’étude montre que plus la diversité alimentaire est importante avant l’âge de 1 an, moins les enfants développent de l’asthme, de sensibilisations et d’allergies alimentaires jusqu’à l’âge de 6 ans. En 2019, la même équipe montre qu’une consommation variée de fromages entre les âges de 12 et 18 mois s’accompagne d’une diminution de l’eczéma atopique à l’âge de 6 ans et des allergies alimentaires. Le mécanisme évoqué est un effet sur le système immunitaire par le bais des composants microbiens et les propriétés anti-inflammatoires des acides gras à courtes chaînes contenus dans les fromages. Dans la cohorte finlandaise de Nwaru, une faible diversité alimentaire aux âges de 3 et 4 mois n’a pas d’effet sur le développement des manifestations allergiques ; si cette faible diversité persiste à l’âge de 6 mois, les enfants ont plus souvent une rhinite allergique à l’âge de 5 ans ; et si elle persiste à 12 mois, les enfants ont plus souvent un asthme (atopique ou non) et une rhinite allergique à l’âge de 5 ans. L’étude prospective EAT, en population générale, montre que l’introduction précoce de 6  aliments, dès l’âge de 3  mois, chez des nourrissons allaités, n’est pas efficace dans la prévention du développement d’une allergie pour ces aliments à l’âge de 3 ans. Néanmoins une analyse secondaire suggère qu’un effet préventif est possible si l’aliment, et tout particulièrement l’œuf et l’arachide, est consommé précocement à dose suffisante.

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Prévention des maladies allergiques

Ces études sont en faveur d’une diversification alimentaire précoce, large, à partir de 4-6 mois, avec un effet possible sur la prévention d’un eczéma, de rhinite ou d’asthme.

Quelles recommandations retenir ? Recommandations internationales L’encadré 18.2 présente les recommandations européennes et anglaises. En population générale, il est conseillé une diversification entre 4 et 6 mois, sans limite. Dans les populations à risque atopique, les modalités d’introduction de l’arachide et de l’œuf sont variables. Les recommandations restent partagées sur le bilan à effectuer avant d’introduire l’œuf et l’arachide dans ces populations « à risque ». Les recommandations anglaises considèrent qu’il existe un risque de réaction allergique dans cette population ; mais les accidents à l’introduction ayant été limités jusqu’à présent, ils estiment excessif de pratiquer un bilan avant l’introduction. Encadré 18.2

Recommandations concernant la diversification (d’après [2, 6, 7]) ESPGHAN, 2017 Population générale – Diversification ≥ 4–6 mois – Aliments allergisants ≥ 4 mois – Prise en compte des traditions et modes d’alimentation de la population ■ Nourrissons à haut risque d’allergie à l’arachide (eczéma grave, allergie à l’œuf ou les deux) – Introduction de l’arachide entre les âges de 4 et 11 mois après évaluation par un professionnel dûment formé. ■

British Society for Allergy and Clinical Immunology/British Dietetic Association, 2018 Population générale – Diversification (y compris aliments allergisants) à partir de 6 mois environ ■ Nourrissons à haut risque atteints d’eczéma (en particulier eczéma d’apparition précoce ou modérée à sévère) ou d’allergie alimentaire – Introduction de l’œuf et de l’arachide à partir de 4 mois – Bénéfices de sécurité de la pratique de tests d’allergie avant l’introduction de l’œuf et de l’arachide à mettre en en balance avec le risque d’une introduction retardée ■

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Quelles recommandations sur la diversification alimentaire ?

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EAACI, 2020 Population générale et à haut risque d’allergie ■ Introduction de l’œuf bien cuit (sous forme d’œuf dur) à encourager entre les âges de 4 et 6 mois ■ Introduction de l’arachide (sous une forme adaptée à l’âge de l’enfant) à encourager entre les âges de 4 et 6 mois (dans les populations à forte prévalence d’allergie à l’arachide ; pour les autres, suivre les habitudes alimentaires et recommandations locales) ■ Pas d’intérêt en termes de prévention des allergies alimentaires démontré pour : supplémentation en vitamines ou huile de poisson, pré-/pro-/symbiotiques

Les autres recommandations, européennes, américaines, asiatiques préconisent un bilan (prick test et/ou IgE spécifiques) avant d’introduire l’œuf et l’arachide pour ces enfants.

Perspectives ? En dehors d’un guide australien de 2017, aucune recommandation n’a conseillé de diversification large avec plusieurs groupes d’aliments. La composition des préparations alimentaires pour nourrisson évoluera possiblement selon les résultats complémentaires des études de prévention. Les principaux allergènes alimentaires d’une population donnée pourraient être introduits, en quantité suffisante, dans des préparations pour nourrissons, et ce quotidiennement.

Que conseiller en pratique en France en 2021 ? La diversification doit être précoce, sans restriction, même pour les aliments à risque, en respectant les habitudes culturelles. Une diversification précoce, entre 4 et 6 mois est souhaitable, avec introduction également des aliments considérés à risque allergique, si le nourrisson est prêt en termes d’oralité, à dose suffisante, et si ceux-ci sont consommés par la famille, après enquête allergique chez les enfants « à risque ». Les autres recommandations générales sont rappelées dans l’encadré 18.3.

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Prévention des maladies allergiques

Encadré 18.3

Autres conseils sur la diversification (d’après [6]) Le gluten peut être proposé dans l’alimentation entre 4 et 12  mois, toutefois sa consommation en grande quantité doit être évitée dans la petite enfance. ■ Les nourrissons doivent pouvoir avoir accès à une variété importante de goûts et de textures, y compris, par exemple le goût amer de certains légumes verts. ■ Les aliments devraient avoir une texture et consistance adaptées à l’âge et donc au développement de l’enfant ; par exemple, à 8–10  mois, les morceaux fondants devraient venir remplacer les aliments en purée. ■ Ne pas saler ou sucrer les aliments des nourrissons. Éviter les jus de fruits ou les boissons sucrées. ■ Tous les nourrissons devraient recevoir une alimentation diversifiée riche en fer (dont la viande et les aliments enrichis en fer). ■ Les régimes végétaliens ne peuvent être suivis que sous une supervision médicale ou diététique, (apports suffisants en vitamine B12, vitamine D, fer, zinc, folate, acides gras oméga 3, protéines, calcium, calories). ■

Références [1] Bidat E, Benoist G. Prévention des allergies alimentaires : la diversification en 2019. Rev Fr Allergol 2019 ; 59 : 341‒5. [2] Caffarelli C, Di Mauro D, Mastrorilli C, et al. Solid food introduction and the development of food allergies. Nutrients 2018 ; 10 : pii, E1790. [3] Du Toit G, Sampson H, Plaut M, et al. Food allergy : update on prevention and tolerance. J Allergy Clin Immunol 2018 ; 141 : 30‒40. [4] Chan ES, Abrams EM, Hildebrand KJ, et al. Early introduction of foods to prevent food allergy. Allergy Asthma Clin Immunol 2018 ; 14(suppl.) : 93‒101. [5] Turner PJ, Feeney M, Meyer R, et al. Implementating primary prevention of food allergy in infants : New BSACI guidance published. Clin Exp Allergy 2018 ; 48 : 912‒5. [6] Fewtrell M, Bronsky J, Campoy C, et al. Complementary feeding : a position paper by ESPGHAN. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2017 ; 64 : 119‒32. [7] Halken S, Muraro A, de Silva D, et al. EAACI guideline : preventing the development of food allergy in infants and young children (2020 update). Pediatr Allergy Immunol 2021 Mar ; doi : 10.1111/ pai.13496.

PARTIE

4

Vers une prise en charge globale et personnalisée

CHAPITRE

19

Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique Angélique Doc, Jean-Marc Rame et Émilie Capelli PLAN DU CHAPITRE ■ Prise en charge diététique optimale : définition ■ Modalités de la prise en charge ■ Étiquetage et règlementation vis-à-vis des allergènes ■ Équivalences alimentaires : quelques exemples ■ Conclusion

POINTS CLÉS La prise en charge des allergies alimentaires requiert une approche multidisciplinaire et une expertise diététique, dans l’idéal par un diététicien nutritionniste spécialisé en allergie alimentaire. ■ Le diététicien réalise un bilan initial sur prescription médicale, avec une enquête allergologique, puis s’approprie les prescriptions nutritionnelles de l’allergologue et les adapte aux besoins et aux habitudes alimentaires de l’enfant et sa famille. ■ Il participe à l’éducation thérapeutique (éviction et réintroduction alimentaires, pièges, lecture de l’étiquetage des allergènes, etc.) et à la mise en œuvre d’une immunothérapie orale, le cas échéant. ■

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Prise en charge diététique optimale : définition La prise en charge diététique optimale d’un enfant présentant des allergies alimentaires (AA) repose principalement sur la coopération étroite entre l’enfant, ses parents (voire d’autres membres de la famille), l’allergologue et le diététicien nutritionniste spécialisé en allergie alimentaire (DNAA). Le DNAA aide l’enfant et sa famille à s’approprier les propositions thérapeutiques nutritionnelles prescrites par l’allergologue, en les adaptant à ses besoins et ses habitudes alimentaires. Cette prise en charge vise à autonomiser l’enfant et sa famille. Lorsque l’enfant a accès à la collectivité, les personnels des collectivités sont inclus dans la prise en charge. Ils doivent être informés du suivi de l’enfant allergique, afin d’offrir un accueil sécurisé et non discriminant. Il en est de même pour les personnels encadrant l’enfant dans ses activités extra-scolaires ou en vacances. Le projet d’accueil individualisé (PAI) est l’outil d’intégration de l’enfant allergique auquel il conviendrait d’ajouter la formation des personnels concernés, ainsi que la possibilité constante d’un dialogue entre les personnels et les référents : allergologue et DNAA.

Modalités de la prise en charge Bilan diététique et enquête alimentaire L’intervention du DNAA requiert une prescription médicale d’un bilan diététique. La demande précise l’histoire clinique (manifestations cliniques, doses réactogènes, tests de provocation) et le bilan allergologique (prick tests, IgE spécifiques). Le DNAA réalise une enquête alimentaire permettant : ■ d’évaluer le risque d’exposition de l’enfant aux allergènes le concernant ; ■ de connaître les habitudes alimentaires de la famille et le mode de vie de l’enfant (moyen de garde, activités extrascolaires, restauration collective, etc.) ; ■ d’évaluer les apports nutritionnels et le risque carentiel. Il réalise le diagnostic éducatif, en évaluant la capacité de l’enfant à connaître ses évictions et les respecter, à savoir reconnaître visuellement l’allergène et le repérer sur des étiquettes et des menus, reconnaître les situations à risque. Il surveille la croissance staturopondérale et donne au besoin des conseils d’enrichissement nutritionnel. Il organise en pratique l’éviction et/ou la réintroduction alimentaire prescrite par l’allergologue en fonction de la prescription médicale.

Conseils diététiques dans l’éviction alimentaire En pratique, le DNAA participe à l’éducation de l’enfant et de son entourage aux règles de lecture des étiquetages des allergènes, avec des exemples concrets d’étiquettes et de menus (e-Encadré 19.1).

Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique

Le DNAA recense ensuite avec l’enfant et sa famille les aliments contenant l’allergène et les aliments qui n’en contiennent pas. Le DNAA peut apporter des conseils nutritionnels pour limiter le risque de carence. Les situations à risque de contact avec l’allergène sont abordées : comment gérer les repas en milieu scolaire ou en centre de loisirs, les goûters d’anniversaire, les buffets, les repas au restaurant, les en-cas sur les foires et fêtes foraines, etc. Le groupe de travail des DNAA (Allergodiet) a élaboré des fiches d’éviction par allergène. Ces fiches sont disponibles sur le site de la Société française d’Allergologie (https://sfa.lesallergies.fr.), elles sont remises à l’enfant et à sa famille à l’issue de la consultation.

Immunothérapie orale et réintroduction alimentaire L’allergologue prescrit les modalités de la réintroduction des allergènes dans l’alimentation (fréquence, doses, modalités de cuisson, etc.). Le DNAA propose des équivalences à l’aide de produits manufacturés et/ou de produits faits maison. La diversité de ces produits, quand elle existe, et la possibilité de les masquer dans un véhicule (compote, purée, etc.), contribuent à en améliorer l’acceptabilité voire la tolérance. Le DNAA explique et remet un protocole personnalisé et illustré avec les équivalences en allergène, adaptées en fonction des habitudes alimentaires et des éventuelles aversions alimentaires de l’enfant.

Étiquetage et règlementation vis-à-vis des allergènes L’étiquetage permet de connaître parfois avec précision la quantité d’allergène auquel l’enfant a été exposé, d’éviter l’allergène ou au contraire de faire consommer une quantité prédéterminée d’allergène en cas de réintroduction ou d’immunothérapie. La réglementation vis-à-vis de l’étiquetage varie selon qu’il s’agit d’une denrée préemballée ou non préemballée [1].

Pour les produits préemballés La réglementation européenne INCO (pour Information Consommateurs) a été introduite en 2011 [2]. Elle ne concerne pas seulement les allergènes. L’étiquetage comprend 12 mentions obligatoires, dont : ■ la quantité de certains ingrédients ou catégories d’ingrédients ; ■ la quantité nette de la denrée alimentaire ; ■ le classement des ingrédients en fonction de leur quantité, du plus représenté au plus rare, le pourcentage des plus représentés étant fréquemment noté ;

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

la liste des 14 ingrédients susceptibles de provoquer des intolérances ou des allergies (tableau 19.1), appelés allergènes à déclaration obligatoire (ADO). Clairement identifiables, ils sont notés en gras, majuscule, italique, de couleur différente ou soulignés. Récemment, les mentions règlementaires de certains ADO ont été précisées [3] : ■ la nature des céréales doit être précisée (blé, orge, seigle, avoine, etc.), comme pour le gluten dont il convient de mentionner la céréale dont il est issu (gluten de blé, etc.) ; ■ la mention «  œuf  » concerne tous les oiseaux d’élevage (œuf de poule, de caille, d’oie, etc.). Les mentions suivantes correspondent à la présence d’œuf : albumine, livétine, lysozyme, ovalbumine, meringue, etc. ; ■ la mention « lait » concerne tous les animaux d’élevage (chèvre, brebis, chamelle, jument, ânesse, etc.). La dénomination « fromage » ou « crème », fait référence au lait, il n’est donc pas exigé de mentionner « lait ». Les mentions suivantes correspondent à la présence de lait : caséine, lactosérum, lactalbumine, lactoglobuline, lactoferrine, etc. ; ■ la mention précise du fruit à coque doit être précisée (pistache, noix de cajou, etc.). Une taille minimale pour les caractères doit être respectée pour une meilleure lisibilité. La liste des ingrédients est fréquemment complétée par un étiquetage de précaution (« fabriqué dans un atelier qui utilise… », « traces possibles de… », « peut contenir… », etc.), réalisé à l’initiative de l’industriel, et qui ne répond à aucune norme et n’apporte aucune protection complémentaire au consommateur. Les patients allergiques peuvent dans la grande majorité des cas consommer ces produits. ■

Pour les produits non pré-emballés Depuis 2015 [1], les denrées non préemballées sont concernées par l’affichage des ADO, dans tout type de restauration et vente à emporter (producteurs, distributeurs, détaillants, restaurateurs, commerces de bouche spécialisés ou généralistes, cantines, etc.), à l’exception des ventes de charité, foires ou réunions locales, et des soupes populaires. Cet affichage concerne « l’utilisation dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire de tout ingrédient ou auxiliaire technologique ou dérivé d’une substance ou d’un produit énuméré à l’annexe II du règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 » soit, les 14 ADO (voir tableau 19.1). Cet affichage se fait « dans les lieux où sont proposés des repas à consommer sur place, sous forme écrite, de façon lisible et visible des lieux où sont admis le public » (figure 19.1). La forme est donc laissée libre, mais l’accès à cette information par tout moyen dématérialisé ne peut se substituer à cet affichage sur place. L’étiquetage de précaution n’est pas concerné. Le professionnel peut se dispenser de cet affichage (art.  R.  112-14), s’il est en mesure de questionner préalablement à toute consommation, la totalité de ses

Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique

Tableau 19.1. Liste des 14 allergènes à déclaration obligatoire (d’après [2]). Allergènes

Exclusions

Céréales contenant du gluten (blé, seigle, orge, avoine, épeautre, kamut ou leurs souches hybridées) et produits à base de ces céréales

Sirops de glucose à base de blé, y compris le dextrose Maltodextrines à base de blé Sirops de glucose à base d’orge Céréales utilisées pour la fabrication de distillats ou d’alcool éthylique d’origine agricole pour les boissons spiritueuses et d’autres boissons alcooliques

Crustacés et produits à base de crustacés Œufs et produits à base d’œufs Poissons et produits à base de poissons

Gélatine de poisson utilisée comme support pour les préparations de vitamines ou de caroténoïdes ou ichtyocolle utilisée comme agent de clarification dans la bière et le vin

Arachides et produits à base d’arachide Soja et produits à base de soja

Huile et graisse de soja entièrement raffinées Tocophérols mixtes naturels Phytostérols et esters de phytostérol dérivés d’huiles végétales de soja Ester de stanol végétal produit à partir de stérols dérivés d’huiles végétales de soja

Lait et produits à base de lait (y compris Lactosérum utilisé pour la fabrication de distillats de lactose) alcooliques, y compris d’alcool éthylique d’origine agricole Lactilol Fruits à coque (amandes, noisettes, noix, noix de cajou, pécan, macadamia, du Brésil, du Queensland, pistaches) et produits à base de ces fruits Céleri et produits à base de céleri Moutarde et produits à base de moutarde Graines de sésame et produits à base de graines de sésame Anhydride sulfureux et sulfites en concentration de plus de 10 mg/kg ou 10 mg/l (exprimés en SO2) Lupin et produits à base de lupin Mollusques et produits à base de mollusques

Fruits à coque utilisés pour la fabrication de distillats alcooliques, y compris éthylique d’origine agricole

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Figure 19.1. Exemple d’affichage des ADO dans les collèges du département du Doubs. Source : A. Doc, J.-M. Rame, E. Capelli.

éventuels usagers sur leur refus de consommer l’un des 14 ADO, et qu’il conserve de manière écrite trace de ces refus pendant 3 ans. Cette procédure n’est donc habituellement réalisée que dans de rares cas d’usagers captifs.

Affichage des allergènes à déclaration obligatoire : où en sommes-nous ? En 2015, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a réalisé une enquête sur l’affichage des denrées alimentaires. Concernant les produits préemballés, il existe globalement une application satisfaisante du règlement. Concernant les produits non pré-emballés, la réglementation est moins suivie avec des situations très contrastées [4]. La restauration collective a semblé particulièrement en retard bien que des formations efficaces soient mises en place par certaines collectivités [5]. Même une parfaite éducation de l’enfant allergique et de sa famille aux règles d’étiquetage ne leur garantit donc pas une sécurité totale. Il est indispensable d’appeler à la plus grande prudence en cas de consommation de denrées fabriquées par des nonprofessionnels, ou dans des circonstances où l’affichage des ADO n’est pas requis. Les professionnels de la restauration doivent également maîtriser le risque de contamination croisée entre allergènes en appliquant les bonnes pratiques en matière d’hygiène (système Hazard Analysis Critical Control Point [HACCP] et le Plan de maîtrise sanitaire [PMS]).

Allergies aux allergènes non ADO Un enfant peut être allergique à un allergène ne figurant pas dans liste des 14 ADO. Il conviendra dans ce cas de se méfier des mentions génériques comme « épices »

Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique

(pouvant masquer la présence d’une épice non ADO comme le fenugrec), « protéines végétales » (pouvant masquer la présence d’une fabacée non ADO comme le pois ou les fèves) ou encore « blé noir » pour le sarrasin.

Équivalences alimentaires : quelques exemples À quoi servent les équivalences alimentaires ? Les équivalences permettent de déterminer : ■ la dose d’allergène à laquelle l’enfant a été exposé lors d’une réaction allergique. En cas de réaction clinique modérée, cela peut être assimilé à une détermination de seuil réactogène au même titre que celui déterminé par un TPO. A contrario, en l’absence de réaction clinique, cela confirme la tolérance de cette quantité d’allergène. Dans ces situations, il est important que la famille conserve l’emballage ou une photo du produit en question ; ■ les « équivalences » alimentaires lors d’une réintroduction alimentaire, afin de faire consommer à l’enfant une dose croissante et déterminée d’allergène.

Comment calculer des équivalences ? Il est nécessaire de connaître : ■ le poids de la portion, retrouvé dans le tableau des valeurs nutritionnelles. Il est possible de le calculer en divisant le poids total du paquet par le nombre de portions ou soit en faisant une moyenne sur un panel de portion pesée une à une ; ■ le pourcentage d’allergène du produit retrouvé dans la liste des ingrédients. Des calculs similaires peuvent être réalisés avec des recettes maisons pour peu que l’on connaisse la quantité de chaque ingrédient et le pourcentage de chaque portion. L’allergologue sera aussi sensible au calcul des allergènes en équivalent de mg de protéines alimentaires (notamment pour l’immunothérapie orale). Ainsi, 100 mg d’arachide contiennent 25,9 mg de protéines d’arachide, 100 g d’œuf contiennent 12 g de protéines d’œuf, et 100 ml de lait de vache demi écrémé contiennent 3,3 g de protéines de lait de vache (e-Encadré 19.2).

Choix du produit dans la pratique des réintroductions alimentaires Plusieurs critères doivent être respectés pour l’utilisation du produit d’équivalence : ■ être consommable régulièrement par l’enfant (quantité, texture, attractivité) ; ■ son accès doit être fiable et stable dans le temps (produit de marque de grande diffusion) ; ■ être abordable du point de vue financier ; ■ contenir un pourcentage d’allergène fiable dans le temps ; ■ présenter une homogénéité de poids et de présence d’allergène.

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Recommandations particulières dans l’utilisation des produits d’équivalence Il est habituel de demander à l’enfant et sa famille de toujours respecter les marques des produits utilisés mais il existe des changements fréquents de composition et de poids des produits. Le calibre du produit peut également être différent, ce qui rend le calcul obsolète. L’existence des équivalences permet d’évaluer le seuil de tolérance. Il est possible de trouver certains documents ressources (fiches d’éviction, brochures sur l’accueil des enfants allergiques alimentaires en restauration collective) auprès du groupe de travail Allergodiet.

Conclusion Une approche multidisciplinaire, et notamment diététique, est indispensable chez l’enfant qui présente une allergie alimentaire. Le DNAA occupe une place prépondérante dans la démarche diagnostique et thérapeutique. Des outils consensuels (conseils d’éviction, documents d’équivalence, etc.), destinés à améliorer la prise en charge des allergies alimentaires au quotidien, ont été élaborés au plan national. Ces outils évolueront au fil des avancées scientifiques et des nouvelles réglementations. Références [1] Décret n° 2015-447 du 17 avril 2015 relatif à l’information des consommateurs sur les allergènes et les denrées alimentaires non préemballées. [2] Règlement (UE) n° 1169/2011 du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011. [3] Commission européenne, communication du 13 juillet 2017 relative à la fourniture d’informations sur les substances ou produits provoquant des allergies ou des intolérances, énumérés à l’annexe II du règlement (UE) nº 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. [4] Ministère de l’Économie. Étiquetage des denrées alimentaires : contrôle de l’application du règlement « INCO ». https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/etiquetage-des-denrees-alimentairescontrole-lapplication-reglement-inco. [5] Capelli E, Rame JM, Doc A. Règlement INCO : application en restauration collective : exemple des collèges du Doubs. Rev Fr Allergol 2019 ; 59 : 196‒8.

Pour en savoir plus Doc A, Capelli E. groupe de travail « Allergodiet » de la Société française d’allergologie, et al. ALLERGODIET : Un groupe de travail de diététiciens nutritionnistes en allergologie. Rev Fr Allergol 2020 ; 60 : 143‒9. HAS. Éducation thérapeutique du patient (ETP). 13 nov 2007 ; mis à jour 25 fév 2013. https://www. has-sante.fr/jcms/r_1496895/fr/education-therapeutique-du-patient-etp.

Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique

e-Encadré 19.1

Exemple de mise en situation pour évaluer la capacité de l’enfant à repérer ses allergies ? Un enfant allergique à la noisette peut-il consommer ces pâtes à tartiner ? (e-figures 19.1 et 19.2) L’enfant doit pouvoir exprimer son raisonnement, en justifiant sa réponse.

e-Figure 19.1. Exemple de la pâte à tartiner Ovomaltine®.

e-Figure 19.2. Exemple de la pâte à tartiner Banania®.

Réponses e-Figure 19.1 : non, la noisette est présente dans la liste des ingrédients (elle n’apparaît pas en photo et n’est pas mentionnée sur l’emballage). e-Figure 19.2 : oui (la noisette n’est mentionnée que dans l’étiquetage de précaution).

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

e-Encadré 19.2

Exemples de lecture de produits industriels Exemple avec l’œuf dans un produit industriel : Barquette Lulu® Fraise, 120 g Poids d’une barquette = 6,66 g (indiqué dans le tableau nutritionnel (e-figure 19.3).

e-Figure 19.3. Emballage et tableau nutritionnel des Barquettes Lulu® Fraise. Il est également possible de le calculer  : poids du paquet (120  g) ÷  nombre de barquettes dans le paquet (ici 3 sachets de 6 barquettes) : 120 g ÷ (6 ×  3) = 6,66 g. Le pourcentage d’œuf est indiqué dans la liste des ingrédients (e-figure 19.4) : 16,8 % (le pourcentage traduit la quantité d’œuf présente pour 100 g de barquette).

e-Figure 19.4. Liste des ingrédients des Barquettes Lulu® Fraise. Calcul à faire  : 6,66 g ×   16,8  % = 1,1  g (soit poids de la barquette × le pourcentage d’œuf). Il y a donc 1,1 g d’œuf dans une barquette. Par ailleurs, 100 g d’œuf contiennent 12 g de protéines d’œuf. Une barquette de 1,1 g contient donc (1,1 ×  12 ÷ 100 = 0,132) 132 mg de protéines d’œuf. En pratique  : un enfant présentant une allergie à l’œuf qui a consommé par erreur 3 barquettes a donc ingéré environ 3,3 g d’œuf cuit. Pour un enfant chez qui une réintroduction alimentaire est débutée, la dose de 3  g d’œuf peut être apportée par la consommation de 3 barquettes environ.

Rôle de l’évaluation et la prise en charge diététique

Exemple avec l’arachide dans un produit industriel : Curly Vico® Pour connaître le poids moyen d’un curly : il est nécessaire de réaliser une moyenne des poids des Curly pesés un à un à l’aide d’une balance de précision. Dans notre expérience, sur 61 curly, le poids moyen est estimé à 490 mg (360 mg-680 mg). Le pourcentage d’arachide indiqué dans la liste des ingrédients est de 30 %. Calcul à faire : 30 % ×  490 mg = 147 mg. Donc 1 Curly = 147 mg d’arachide en moyenne, avec une teneur en arachide variable entre 110 mg à 205 mg. Par ailleurs, 100 mg d’arachide contient 25,9 mg de protéines d’arachide donc 1 Curly contient (25,9  ×  147/100 = 38) 38 mg de protéines d’arachide. En pratique, lors d’une réintroduction alimentaire, il est conseillé de ne pas consommer les trop petits ou les trop gros Curly surtout en début de protocole.

Exemple avec le lait de vache dans un produit industriel : Le véritable Petit Beurre® Poids d’un petit beurre = 8,3 g (indiqué dans le tableau nutritionnel (e-figure 19.5).

e-Figure 19.5. Emballage et tableau nutritionnel du véritable Petit Beurre® LU. Pourcentage de lait : ici les protéines de lait vache sont apportées dans la liste des ingrédients (e-figure 19.6) par : ■ le beurre : 13,6 % : 13,6 g pour 100 g de petit beurre donc pour 8,3 g de petit beurre il y a : 13,6 % ×  8,3 g = 1,1288 g de beurre ; ■ le lait écrémé en poudre : 1,3 % : 1,3 g de poudre de lait écrémé pour 100 g de petit beurre donc pour 8,3 g de petit beurre il y a : 1,3 % ×  8,3 g = 0,108 g de poudre de lait écrémé.

e-Figure 19.6. Liste des ingrédients du véritable Petit Beurre® LU.

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Les données du CIQUAL (Centre d’information sur la qualité des aLiments faisant partie de l’unité Observatoire de l’Anses) permet de connaître la composition nutritionnelle des aliments : ■ le beurre contient 0,77 g de protéines pour 100 g, donc pour 1,129 g il y a 0,009 g de protéines ; ■ le lait écrémé en poudre contient 35,3 g de protéines pour 100 g donc pour 0,107 g il y a 0,038 g de protéines. Donc 1 petit beurre contient : 0,009 g + 0,038 g = 0,047 g de protéines de lait de vache. 100 ml de lait de vache demiécrémé contiennent 3,3 g de protéines (donnée CIQUAL). 100 ml ×  0,047 g ÷ 3,3 g = 1,42 ml Donc 1 petit beurre = 1,42 ml de lait.

CHAPITRE

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Immunothérapie orale pour les allergies alimentaires Preuves d’efficacité, indications, sélection des patients, réalisation, surveillance et suivi

Stéphanie Wanin et Jocelyne Just PLAN DU CHAPITRE ■■ Preuves d’efficacité, indications, sélection des patients, réalisation, surveillance

et suivi ■■ Introduction ■■ Indication, sélections des patients, mise en place et contre-indication ■■ Déroulement pratique de l’immunothérapie orale ■■ Preuve d’efficacité de l’immunothérapie orale selon les allergènes ■■ Surveillance et suivi d’une immunothérapie orale ■■ Conclusion

Allergologie de l’enfant et de l’adolescent © 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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POINTS CLÉS L’immunothérapie orale (ITO) peut être recommandée chez l’enfant avec une allergie IgE-médiée persistante pour le lait de vache, l’œuf ou l’arachide, à partir de 4-5 ans, dans des centres experts. ■ La prise en charge doit être personnalisée tenant compte du phénotype (âge, aliment, sévérité clinique, comorbidités, biomarqueurs, etc.), des objectifs de l’ITO et des souhaits de l’enfant et de sa famille. ■ L’ITO requiert une motivation, une adhésion et une compréhension de l’enfant et sa famille, une information éclairée de l’allergologue puis une éducation thérapeutique et un suivi diététique régulier. ■ Il existe des effets secondaires fréquents au cours de l’ITO, souvent légers, parfois graves. ■ Les protocoles d’ITO ne sont pas actuellement standardisés et les pratiques de l’ITO sont variées. ■

Introduction Le traitement de l’allergie alimentaire (AA) IgE-médiée repose classiquement sur l’éviction stricte de l’allergène ou des allergènes identifié(s). Cette éviction est parfois difficile à respecter, et elle n’élimine pas complètement le risque d’exposition. Des réactions le plus souvent accidentelles, et parfois graves, altèrent la qualité de vie, peuvent induire des carences nutritionnelles et même retarder l’acquisition d’une tolérance immunologique pour l’aliment. Le principe de l’immunothérapie orale (ITO) est d’exposer l’enfant allergique à l’allergène, de façon répétée et prolongée, dans le but de réduire la réactivité clinique à l’allergène. L’efficacité de l’ITO s’évalue selon deux paramètres : ■ la «  désensibilisation » correspond à l’augmentation de la dose réactogène, en cours d’ITO (phase d’entretien). Elle permet de limiter la survenue d’accidents allergiques graves notamment liés aux expositions accidentelles ; ■ la «  tolérance », dans l’idéal prolongée voire permanente (sustained unresponsiveness), permet à un enfant de reconsommer un aliment à distance de l’arrêt d’une ITO.

Indication, sélections des patients, mise en place et contre-indication Indication, âge, aliments L’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (EAACI) propose d’attendre l’acquisition naturelle possible d’une tolérance spontanée pour

Immunothérapie orale pour les allergies alimentaires

certaines allergies IgE-médiées avant de commencer une ITO et de ne l’envisager qu’à partir de 4-5 ans, au cas par cas [1]. Les aliments concernés sont le lait de vache, l’œuf et l’arachide. Pour les autres aliments, il n’existe pas de recommandations en l’absence de données scientifiques suffisantes. Les objectifs d’une ITO sont d’augmenter le seuil réactogène à l’aliment responsable d’allergie afin de réduire les risques de réaction parfois graves en cas d’exposition, de permettre la consommation d’une certaine quantité d’aliment voire d’acquérir une tolérance, d’améliorer la qualité de vie de l’enfant et sa famille, et de réduire d’éventuelles carences nutritionnelles induites par le régime d’éviction.

Prérequis familiaux Les enfants et leurs familles doivent être motivés, adhérents et capables d’administrer un traitement d’urgence (y compris l’adrénaline intramusculaire) en cas de réaction allergique : l’éducation et l’accompagnement thérapeutiques jouent un rôle clé. Les allergologues doivent informer l’enfant et sa famille des modalités de l’ITO (étapes, durée, effets secondaires), de son déroulement. Ils délivrent aux patients une information claire leur permettant d’accepter le traitement de façon éclairée. Ils définissent des objectifs précis. L’ITO est pratiquée dans des centres experts, en équipe pluridisciplinaire, avec la possibilité de traiter des réactions allergiques grave qui pourraient survenir lors de la prise en charge.

Contre-indications Absolues : faible adhésion et absence de consentement, asthme non contrôlé ou sévère, néoplasie(s) maligne(s) active(s), troubles systémiques et auto-immuns actifs, œsophagite à éosinophiles active ou autre pathologie gastro-intestinale à éosinophiles, grossesse. ■ Relatives : maladie systémique grave ou affections médicales graves telles que les maladies cardiovasculaires, troubles auto-immuns systémiques en rémission/ spécifiques à un organe (par exemple, la thyroïdite), dermatite atopique active non contrôlée/eczéma, urticaire chronique, β-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion angiotensine, mastocytose, œsophagite à éosinophiles. ■

Particularités de mise en place selon le phénotype Les modalités de l’ITO (allergène administré cru/cuit, dose initiale, durée des phases d’escalade et d’entretien, dose d’entretien, etc.) doivent être discutées selon

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

le phénotype du patient et les objectifs, puis adaptées selon le déroulement et les éventuelles réactions et la motivation de l’enfant et sa famille. Le début de l’ITO peut être envisagé avec l’aliment sous une forme peu réactogène telle que le lait cuit ou l’œuf cuit si la dose réactogène est faible. Certains phénotypes semblent plus à risque de réactions sévères lors de l’ITO voire d’échec de l’ITO : sensibilisation initiale forte (IgE spécifiques, recombinants, prick tests), réaction sévère lors d’un test de provocation orale (TPO) initial ou seuil réactogène bas, antécédent d’asthme ou de polyallergie alimentaire [2]. Un score individuel composite (taille du test cutané, taux d’IgE spécifiques, valeur du seuil réactogène, aliment, etc.) pourrait permettre d’évaluer un risque de réaction sévère lors de l’ITO. Aucun score validé n’existe actuellement.

Déroulement pratique de l’immunothérapie orale La réalisation d’un TPO avant le début de l’ITO est indispensable pour confirmer la réactivité clinique à l’aliment, évaluer le seuil réactogène initial et définir la dose initiale de l’ITO. La première phase de l’ITO est une phase d’escalade, c’est-à-dire d’augmentation progressive des doses consommées par voie orale. La consommation de l’allergène est quotidienne. Les doses sont le plus souvent augmentées toutes les 2 à 4 semaines, jusqu’à atteindre une dose d’entretien si possible préétablie. Les quantités consommées initialement s’appuient habituellement sur les résultats TPO initiaux (1/10e de la dose réactogène), plus rarement sur les données en vie réelle. L’aliment est pris sous forme crue ou cuite. L’AR101, médicament contenant des quantités standardisées et fixes de protéines d’arachide a obtenu en 2019 une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis pour le traitement de l’allergie à l’arachide (ITO), mais n’est pas commercialisé en Europe. Ce médicament a bouleversé la pratique de l’ITO en la rendant plus standardisée. Les doses sont augmentées sous surveillance clinique hospitalière, selon une progression fixe ou déterminée de façon individuelle. Comme pour l’ITO non médicamenteuse, l’augmentation des doses doit être ajustée selon la tolérance et la survenue éventuelle de réactions allergiques. La seconde phase de l’ITO est la phase d’entretien (maintenance) au cours de laquelle la dose d’entretien, est prise de façon quotidienne (voire plusieurs fois par semaine parfois), pendant plusieurs années, voire toute la vie. La dose d’entretien est déterminée de façon individuelle tenant compte de l’aliment, de l’histoire allergique, des objectifs et de la tolérance. En phase d’entretien, l’aliment est administré à domicile comme un médicament, avec des précautions à expliquer à l’enfant et sa famille (voir plus bas). Après plusieurs mois de maintenance, un TPO peut être proposé pour évaluer l’efficacité de l’ITO en comparant le seuil réactogène sous ITO au seuil initial.

Immunothérapie orale pour les allergies alimentaires

Les protocoles d’ITO ne sont pas standardisés et il existe en Europe et en France une hétérogénéité importante des pratiques.

Preuve d’efficacité de l’immunothérapie orale selon les allergènes Une induction de tolérance durable après une ITO de 1 à 4 ans est obtenue chez 38 à 75 % des patients souffrant d’une allergie aux protéines lait de vache (PLV) et aux œufs [3, 4]. Une récente méta-analyse pédiatrique a montré un bénéfice de l’ITO aux PLV, à l’œuf, et à l’arachide essentiellement sur un objectif de désensibilisation, par rapport au placebo ou au régime d’éviction. Cette méta-analyse suggérait l’absence de réponse prolongée après l’arrêt de l’ITO [5]. Sur le devenir à long terme, 30 à 70 % des patients traités par ITO perdent la tolérance à l’arrêt intentionnel ou non de l’ITO ou par mauvaise observance [1]. Les bénéfices sur l’amélioration de la qualité de vie du patient sous ITO ont été peu étudiés et demeurent incertains.

Pour les protéines animales Lait de vache Les protocoles publiés d’ITO aux PLV montrent que la dose de maintenance la plus fréquemment proposée est de 200  ml de lait cru (soit environ 6-7,5  g de protéines de lait), prise en une ou plusieurs fois par jour. Cette dose doit être personnalisée et le lait peut être administré sous forme crue ou cuite selon l’expertise allergologique et la tolérance individuelle. La tolérance de 200-250 ml est considérée comme permettant d’atteindre une tolérance durable. Chez les patients présentant des facteurs de risque (antécédent d’anaphylaxie, dose réactogène initiale basse), une dose finale de lait de 15 ml peut être envisagée, car elle permettrait une désensibilisation durable et satisfaisante [6].

Œuf Une étude a évalué l’efficacité d’une ITO à l’œuf suggérant qu’une dose de 300  mg de blanc d’œuf en poudre ou son équivalent suffirait à maintenir la protection contre une ingestion accidentelle, une contamination ou une erreur d’étiquetage. La plupart des protocoles d’ITO à l’œuf sont établis pour obtenir une désensibilisation pour une portion « normale » (1 œuf entier soit environ 30 ml de blanc d’œuf, 45-50 ml d’œuf entier, 10 g d’œuf entier pasteurisé, ou 3,6 g de protéines de blanc d’œuf) [7].

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Pour les protéines végétales Arachide Un premier essai randomisé en double aveugle contrôlé par placebo a montré un taux de désensibilisation de 84 % (16/19) dans un groupe de 28 enfants allergiques à l’arachide (âge : 1-16 ans) traités par ITO (dose de maintenance de 4 000 mg de protéines d’arachide) contre 0 (0/9) dans le groupe placebo. La désensibilisation a été définie comme l’absence de réaction à un TPO à la dose de 5 g de protéines d’arachide en fin d’ITO pendant 52 semaines [8]. Un essai multicentrique de phase 3 évaluant l’ITO avec l’AR101 (dose d’entretien de 300 mg de protéines d’arachide) a inclus 551 patients allergiques à l’arachide (4-55 ans) dont un groupe de 496 enfants (4-17 ans) [9]. Les sujets inclus avaient un seuil réactogène bas (≤  100  mg de protéines d’arachide). Après 6  mois de maintenance, 67,2 % des enfants traités par AR101 étaient désensibilisés, c’est-àdire capables de tolérer 600 mg (1043 mg cumulés) de protéines d’arachide lors d’un TPO final, contre 4 % dans le groupe placebo [9]. L’efficacité de l’ITO à l’arachide a également été analysée en vie réelle : une désensibilisation était obtenue chez 81 % (211/262) des enfants (4-18 ans) ayant une dose d’entretien quotidienne de 3 000 mg de protéines d’arachide (correspondant à environ à 10-12 cacahuètes), parmi ceux-ci, presque tous toléraient une dose de 6 000 mg d’arachide lors d’un TPO final [10].

Peut-on espérer une tolérance durable avec une immunothérapie orale à l’arachide ? Peu d’études sur l’ITO à l’arachide ont examiné la durée de la sustained unresponsiveness (tolérance durable voire définitive) après l’ITO. La faible qualité méthodologique et le faible effectif de ces études ne permettent pas de conclure sur l’efficacité de l’ITO dans cet objectif.

Apport des biothérapies Plusieurs études ont évalué l’intérêt d’une biothérapie (anticorps anti-IgE : omalizumab) au cours d’une ITO alimentaire. L’omalizumab permettrait une réduction du nombre de réactions sévères et accélérerait l’acquisition de la désensibilisation lors d’une ITO. Son utilisation doit encore être évaluée pour mieux déterminer le phénotype des patients qui pourraient en bénéficier, la durée du traitement optimale. L’omalizumab doit être réservé à des situations exceptionnelles, au cas par cas, dans des centres experts.

Immunothérapie orale pour les allergies alimentaires

Surveillance et suivi d’une immunothérapie orale Conseils pour le suivi des malades Les consignes et l’éducation des familles doivent être rigoureuses et données par écrit, réexpliquées régulièrement : prendre la dose quotidiennement, ne pas prendre la dose à jeun, ne pas aller se coucher dans l’heure qui suit la prise de la dose, ne pas faire d’exercice dans les 2 à 3 heures qui suivent la prise d’une dose, réduire ou ne pas donner la dose en cas d’infection, de signes d’asthme, de problèmes digestifs, ou de menstruations. L’allergie persiste sous ITO, l’éviction allergénique en dehors des doses de l’ITO est la règle. L’entourage doit pouvoir joindre l’allergologue le plus vite possible pour adapter les doses en cas de problèmes. Les patients doivent être revus régulièrement, dans l’idéal en équipe pluridisciplinaire (diététicienne, allergologue), pour augmenter les doses (en hôpital de jour ou à domicile) avec une stratégie claire et écrite, et évaluer la tolérance de l’ITO. L’adaptation de l’ITO doit être individualisée, tenant compte des difficultés à la prise du médicament-aliment, des réactions éventuelles et des souhaits de l’enfant et sa famille. Les consultations régulières avec l’allergologue et la diététicienne se poursuivront aussi en phase d’entretien.

Biomarqueurs de suivi lors d’une immunothérapie orale IgE et IgG4 La baisse des IgE spécifiques et l’augmentation des IgG4 spécifiques reflètent l’acquisition de tolérance. Ce sont des IgG4 spécifiques d’allergènes moléculaires qui n’étaient pas présentes avant l’ITO. L’éviction des allergènes ne modifie pas les répertoires d’anticorps spécifiques à l’arachide, très stables, chez les patients allergiques à l’arachide. En revanche, l’ITO induit des changements dynamiques et individualisés des schémas de liaison des IgE et des IgG4, avec un effet minimal sur l’affinité des anticorps.

Tests d’activation des basophiles Une étude a retrouvé une corrélation entre la décroissance précoce du test d’activation des basophiles r Ar ah 2 et la réponse à l’ITO [11]. Cependant, ce test n’est pas disponible en routine et reste un outil de recherche dont l’intérêt doit encore être évalué.

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Tolérance de l’immunothérapie orale : effets secondaires Les réactions allergiques lors d’une ITO sont fréquentes (80 % des patients) mais généralement légères (cutanées et digestives surtout) et se produisent principalement lors de la phase d’escalade. Elles peuvent aussi se produire lors de la dose d’entretien. Le dégoût et la lassitude des prises alimentaires quotidiennes sont responsables d’arrêts fréquents au cours des ITO pour l’arachide. Dans une revue systématique portant sur l’ITO au lait de vache, le risque de réactions allergiques était augmenté lors de l’ITO versus une éviction : prurit labial et/ ou buccal (RR : 34,4), érythème ou urticaire généralisée (RR : 12,1), troubles digestifs (RR : 16,6), laryngospasme léger (RR : 40,9), bronchospasme léger (RR : 10,0), et recours à l’adrénaline (RR : 5,8) [12]. Les réactions anaphylactiques sous ITO concernent environ 25 % des patients et 15 % d’entre eux utilisent l’adrénaline pour traiter une réaction allergique. Une méta-analyse de 12 essais randomisés (ITO arachide versus placebo/éviction) a montré que les patients sous ITO font trois fois plus d’anaphylaxie que les sujets contrôles sous placebo ou éviction [13]. Il faut avertir l’enfant et l’entourage du risque de réactions allergiques lors de l’ITO, y compris en phase d’entretien, dans certaines circonstances favorisantes : dose prise à jeun, infections ou fièvre ou signes d’asthme, activité physique dans les 2-3 heures suivant la prise, menstruations. Une œsophagite à éosinophiles associée à l’ITO est décrite dans 0,3 à 3 % des cas et il faut rechercher les signes cliniques évocateurs lors du suivi de l’ITO [14].

Conclusion L’immunothérapie orale (ITO) a désormais sa place dans l’arsenal thérapeutique de la prise en charge de certaines allergies alimentaire IgE-médiées, dans le respect des recommandations. Cette pratique requiert une réelle expertise en allergologie et une équipe idéalement pluridisciplinaire. Les études actuelles permettent d’avancer dans la standardisation de cette pratique. L’ITO est efficace pour induire une désensibilisation dans un grand nombre de cas et est de plus en plus répandue pour l’allergie aux PLV et à l’œuf. Des questions restent non résolues : indication de l’ITO en fonction du phénotype, place de l’ITO dans l’arsenal des immunothérapies, durée optimale de l’ITO, âge de début de l’ITO, dose à atteindre pour obtenir une protection durable, etc. Il est indispensable d’avancer dans la détermination de phénotypes des patients, utilisant de nouveaux biomarqueurs, afin de cibler ceux qui répondront le mieux à l’ITO et proposer une médecine personnalisée.

Immunothérapie orale pour les allergies alimentaires

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CHAPITRE

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Immunothérapie dans l’allergie respiratoire Laure Couderc PLAN DU CHAPITRE ■ Introduction ■ Indications ■ Contre-indications ■ Immunothérapie sublinguale ■ Tolérance ■ Efficacité ■ Conclusion

POINTS CLÉS L’immunothérapie allergénique (ITA) peut modifier l’histoire naturelle allergique de l’enfant. ■ L’ITA est indiquée dans la rhinite et la rhinoconjonctivite allergique associées ou non à un asthme. ■ Les ITA aux acariens et aux pollens de graminées sont les principales indications. ■ La voie sublinguale est la voie de choix en pédiatrie. ■ L’ITA est le seul traitement potentiellement curatif dans l’allergie respiratoire. ■

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Immunothérapie dans l’allergie respiratoire

Introduction L’immunothérapie allergénique (ITA) appelée aussi désensibilisation ou immunothérapie spécifique a pour but de diminuer la sensibilisation allergénique de l’enfant allergique. Elle modifie le système immunitaire avec une désensibilisation des basophiles et des mastocytes et s’accompagne d’une réponse accrue des lymphocytes T régulateurs. Elle consiste en la prise régulière d’extrait allergénique par voie sublinguale pendant plusieurs années. La voie sous-cutanée n’est plus utilisée en France depuis son déremboursement et l’arrêt de production en 2018.

Indications L’ITA est indiquée à partir de l’âge de 5 ans dans la rhinite, la rhinoconjonctivite allergique (RA, RCA) modérée à sévère après échec ou dépendance aux traitements symptomatiques médicamenteux [1] et si l’éviction de l’allergène n’est pas possible. L’ITA peut également être prescrite en cas d’allergie aux acariens et/ou aux pollens se manifestant à la fois par une RA et un asthme. L’identification précise de l’allergène doit être établie par un bilan allergologique (prick tests et/ou IgE) avant de débuter toute ITA [2]. La pertinence clinique c’est-à-dire le lien entre la sensibilisation allergénique et les symptômes doit être démontrée avant de prescrire une ITA. La simple sensibilisation n’est pas une indication à l’ITA. L’ITA aux phanères d’animaux (chat) et aux moisissures (Alternaria) est possible mais plus discutée. L’éviction reste la première étape. La polyallergie pour les pneumallergènes n’est pas une contre-indication à l’ITA. Les allergènes de la même famille (homologues) peuvent être mélangés (par exemple les pollens de graminées et de bouleau) dans la même préparation. Dans le cas contraire, le patient peut prendre deux ITA distinctes.

Contre-indications L’absence de contre-indication (CI) est recherchée avant d’initier une ITA [3]. ■ Les CI absolues sont : ● enfant de moins de 2 ans ; ● hypersensibilité à l’un des excipients ; ● états inflammatoires de la cavité buccale associés à des symptômes sévères ; ● affections malignes ou maladies systémiques affectant le système immunitaire telles que maladies auto-immunes ou déficits immunitaires ;

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asthme non contrôlé ou sévère (chez l’enfant défini par un VEMS inférieur à 80 % de la valeur théorique après traitement médicamenteux adapté). Les CI relatives sont : ● asthme partiellement contrôlé ; ● âge de 2 à 5 ans (utilisation à limiter à des cas particuliers) ; ● traitement par β-bloquants. ●



Immunothérapie sublinguale Il existe actuellement deux laboratoires qui commercialisent les produits d’ITA par voie sublinguale (ALK et Stallergènes Greer). Les produits disponibles sont : ■ les comprimés sublinguaux ; ■ les extraits allergéniques liquides appelés APSI (allergènes préparés spécialement pour un individu). Les APSI ne sont pas des spécialités pharmaceutiques et ne font pas l’objet d’une AMM. Les APSI ne sont pas délivrés en pharmacie mais distribués sur prescription par les laboratoires. Sauf pour certains comprimés, le traitement est débuté à doses progressivement croissante pendant la première phase dite phase d’initiation (sur moins d’une semaine habituellement) jusqu’à atteindre la dose d’entretien. Au cours de la phase suivante dite d’entretien la dose est fixe est maintenue pendant plusieurs années (habituellement de 3 à 5 ans). Quel que soit l’allergène, la dose d’entretien doit être prise pendant au moins 3 ans.

Immunothérapie sublinguale (ITSL) Le profil de sécurité de l’ITSL est plus favorable que pour ITSC [2]. L’ITSL consiste en la prise sublinguale quotidienne du produit (comprimés ou solution APSI). Pour les acariens, le traitement par ITSL est continu et perannuel sans interruption. Il peut être débuté à n’importe quel moment de l’année. Pour les pollens, il est essentiellement pré- et co-saisonnier (2 à 4 mois avant et pendant la saison pollinique). La durée de l’ITSL est d’environ 6 mois par an pour les pollens de bouleaux et d’environ 9 mois par an pour les pollens de graminées. L’ITSL impose une adhésion et une observance thérapeutique de la part de l’enfant et de sa famille. La dose est prise avant le repas et doit être maintenue sous la langue. L’ITSL est disponible sous forme de solutions liquides ou de comprimés.

Comprimés d’ITSL Cette forme galénique en comprimé simplifie la délivrance et la prise du traitement. Le premier comprimé doit être pris au cabinet d’un médecin. La surveillance après

Immunothérapie dans l’allergie respiratoire

la prise du premier comprimé est de 30 minutes. La poursuite du traitement se fait ensuite à domicile.

Comprimés d’ITA anti-pollens de graminées Disponibles en officine depuis 2011. Il en existe deux sur le marché pour la population pédiatrique, le Grazax® à base d’extrait de pollen de fléole des prés et l’Oralair® composé des 5 pollens de graminées. Ils ont l’AMM dans la rhinite allergique aux pollens de graminées, avec ou sans conjonctivite, chez les adolescents et les enfants (à partir de 5  ans) ayant une symptomatologie clinique avec confirmation diagnostique par le bilan allergologique [4].

Comprimé d’ITA anti-acariens L’Acarizax® a été commercialisé plus récemment et est indiqué chez les adolescents (âgés de 12 à 17 ans) et adultes ayant une histoire clinique évocatrice et un test de sensibilisation aux acariens positif, et présentant une rhinite allergique aux acariens persistante, modérée à sévère insuffisamment contrôlée par les traitements symptomatiques. Il est actuellement uniquement remboursé chez l’adulte et les enfants à partir de l’âge de 12 ans.

Tolérance L’ITSL est bien tolérée [1]. Elle peut entraîner la survenue de réactions oropharyngées avec un œdème buccal, un prurit et/ou un érythème de la muqueuse buccale. Les troubles gastro-intestinaux comme les douleurs abdominales sont aussi susceptibles de survenir avec l’ITSL et disparaissent si le patient recrache le produit liquide après l’avoir gardé 2 minutes sous la langue. Les effets indésirables de l’ITSL sont transitoires, apparaissent en début de traitement et disparaissent en quelques jours ou quelques semaines lors de la poursuite du traitement. Ils peuvent cependant entraîner un arrêt du traitement et la famille doit donc être informée de l’existence de ces effets indésirables qui restent inconstants. La prise concomitante d’un antihistaminique lors de l’initiation de l’ITA pourrait réduire ses effets indésirables.

Efficacité En cas de rhinite allergique Les indications de l’ITA en cas de RA ont fait l’objet de recommandations récentes de l’EAACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology) [5].

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L’indication de choix de l’ITA est la RA aux pollens, pour ses bénéfices à court terme (durant l’ITA) et à long terme (> 1 an après l’arrêt de l’ITA). Dans la rhinite perannuelle (acariens), les preuves d’efficacité sont moindres chez l’enfant et l’adolescent, et ne permettent pas de conclure à un éventuel bénéfice dans cette population. L’ITA n’a pas fait la preuve d’efficacité en cas d’allergie au chien et est exceptionnellement prescrite en cas d’allergie au chat. L’ITA est le seul traitement capable de modifier l’évolution naturelle de la maladie allergique. Elle diminue l’hyperréactivité bronchique et pourrait diminuer le risque de nouvelles sensibilisations. L’efficacité sera évaluée dès la fin de la première année (acariens) ou de la première saison (pollens) de traitement. Son évaluation est faite sur les seuls critères cliniques  : amélioration des symptômes ressentis par le patient, qualité de vie, réduction des prises de traitements symptomatiques. L’utilisation d’échelle analogique pourrait être utile pour évaluer l’efficacité de l’ITA. Il faudra s’assurer de l’observance régulière et de la prise adéquate du traitement par un suivi régulier de l’enfant : ■ en cas d’inefficacité clinique après une voire deux années de traitement, l’ITSL sera interrompue ; ■ en cas d’efficacité, le traitement sera prescrit pendant 3 ans. Il peut être poursuivi 4 à 5 ans si l’amélioration est partielle. L’ITA est le seul traitement potentiellement curatif de la RA. Elle a un effet rémanent et reste efficace sur les symptômes de rhinite allergique après l’arrêt du traitement.

En cas d’asthme L’hétérogénéité des études rend difficiles les conclusions sur l’asthme [6]. Une méta-analyse récente indique que le bénéfice de l’ITA est identique au placebo sur la réduction des traitements de l’asthme, mais que l’ITA pourrait améliorer la fonction respiratoire à 6 et 24 mois [7]. Des études effectuées à partir de bases de données de pharmacies et utilisant des proxy pour définir l’asthme et la RA, indiquent que l’ITA anti-graminées pourrait réduire la prescription de traitements anti-asthmatiques [8]. L’EAACI recommande l’utilisation de l’ITA anti-acariens, dans l’asthme de l’enfant, pour son potentiel bénéfice sur les symptômes et la réduction des traitements anti-asthmatiques avec un niveau de preuve et un grade de recommandation faibles [9].

Dans la prévention de l’asthme Un enfant atteint de RA a trois fois plus de risque de développer un asthme que la population pédiatrique générale [10].

Immunothérapie dans l’allergie respiratoire

Chez les enfants et les adolescents atteints de RA ou de RCA et non asthmatiques, l’ITA, en particulier vis-à-vis des graminées, pourrait réduire le risque d’apparition d’un asthme [4, 6]. L’ITA diminue le risque de survenue d’une nouvelle sensibilisation allergénique [6].

Conclusion Seule l’ITA vis-à-vis des acariens et des pollens a démontré un niveau suffisant de preuves d’efficacité. L’ITA est le seul traitement capable de modifier l’évolution naturelle de la maladie allergique. Références [1] Jutel M, Agache I, Bonini S, et al. International consensus on allergy immunotherapy. J Allergy Clin Immunol 2015 ; 136 : 556‒68. [2] Calderón MA, Casale TB, Togias A, et al. Allergen-specific immunotherapy for respiratory allergies : from meta-analysis to registration and beyond. J Allergy Clin Immunol 2011 ; 127 : 30‒8. [3] Pitsios C, Demoly P, Bilò MB, et al. Clinical contraindications to allergen immunotherapy : an EAACI position paper. Allergy 2015 ; 70 : 897‒909. [4] Valovirta E, Petersen TH, Piotrowska T, et al. Results from the 5-year SQ grass sublingual immunotherapy tablet asthma prevention (GAP) trial in children with grass pollen allergy. J Allergy Clin Immunol 2018 ; 141 : 529‒38. [5] Halken S, Larenas-Linnemann D, Roberts G, et al. EAACI guidelines on allergen immunotherapy : Prevention of allergy. Pediatr Allergy Immunol 2017 ; 28 : 728‒45. [6] Bousquet J, Pfaar O, Togias A, et  al. ARIA Care Pathways for Allergen immunotherapy : an EAACI position paper. Allergy 2015 ; 70 : 897‒909. [7] Rice JL, Diette GB, Suarez-Cuervo C, et al. Allergen-specific immunotherapy in the treatment of pediatric asthma : a systematic review. Pediatrics 2018 ; 141 : e20173833. [8] Devillier P, Molimard M, Ansolabehere X, et  al. Immunotherapy with grass pollen tablets reduces medication dispensing for allergic rhinitis and asthma : A retrospective database study in France. Allergy 2019 ; 74 : 1317‒26. [9] Agache I, Lau S, Akdis AA, et al. EAACI Guidelines on Allergen Immunotherapy : house dust mite-driven allergic asthma. Allergy 2009 ; 74 : 855‒73. [10] Kristiansen M, Dhami S, Netuveli G, et  al. Allergen immunotherapy for the prevention of allergy : A systematic review and meta-analysis. Pediatr Allergy Immunol 2017 ; 28 : 18‒29.

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CHAPITRE

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Biothérapies et nouveaux traitements de l’asthme Fina Agnès et Lisa Giovannini-Chami PLAN DU CHAPITRE ■ Introduction ■ Biothérapies

ayant une autorisation de mise sur le marché en pédiatrie

■ Biothérapies en cours de développement ■ Conclusion

POINTS CLÉS Chez l’enfant et l’adolescent, le choix de la biothérapie est discuté après confirmation du diagnostic d’asthme sévère en centre spécialisé, en fonction du phénotype du patient. ■ L’omalizumab (dès 6 ans), le mépolizumab (dès 6 ans) et le dupilumab (dès 12 ans) sont les trois biothérapies ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) pédiatrique. ■

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Biothérapies et nouveaux traitements de l’asthme

Introduction Asthme sévère et biothérapie L’asthme sévère non contrôlé concernerait moins de 5  % des enfants asthmatiques. L’utilisation des biothérapies s’envisage comme traitement additionnel chez l’enfant de plus de 6 ans avec un asthme non contrôlé sous traitement de palier 5 de GINA, c’est-à-dire une forte dose de CSI associée à un BDLA ± antileucotriènes, après prise en charge dans un centre spécialisé confirmant l’indication (si possible réunion de concertation pluridisciplinaire [RCP]). Le terme biothérapie regroupe les molécules pharmaceutiques conçues à partir d’un organisme vivant ou de ses produits. Les biothérapies utilisées dans l’asthme sévère sont des anticorps monoclonaux ciblant des acteurs clés des voies physiopathologiques de l’inflammation bronchique (figure 22.1). Il est nécessaire au Allergènes  

Pollution, microbes, glycolipides, etc. Cellules caliciformes  

Épithélium   respiratoire  

Macrophages

IL-33 IL-25 

TSLP   Tezepelumab

IL-33  IL-25 

Cellules     dendritiques Lymphocytes   T naïfs

  TSLP Tezepelumab 

Cellules NK

IL-13 ILC2

Lymphocytes TH2 

Dupilumab  IL-4,  IL13 Lymphocytes   B

IL-5 

IL-5

Éosinophiles 

Omalizumab   Y  IgE 

Y Y  Mastocytes 

Mepolizumab   Benralizumab   Reslizumab  



  Basophiles

IL-13 

IL-13  Surproduction de mucus Hypertrophie du muscle lisse Fibrose remodelage 

Histamine  LTC4   PGD2    Protéase

  allergique   Inflammation éosinophilique

  éosinophilique     non allergique   Inflammation

Cibles des biothérapies :  • omalizumab = IgE  • mépolizumab, benralizumab, reslizumab = IL-5 • dupilumab = IL-4-IL-13 • tezelumab = TSLP

Figure 22.1. Inflammation dans les phénotypes éosinophiliques de l’asthme. Source : J. Brouard.

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

préalable d’éliminer les possibles diagnostics différentiels de l’asthme et de traiter les comorbidités et les facteurs aggravants. L’utilisation des biothérapies a considérablement élargi la prise en charge de ces patients auparavant en impasse thérapeutique. Leur efficacité dépend du phénotype.

Phénotype et endotype Avant toute prescription, il est nécessaire de caractériser le phénotype du patient, en fonction de ses caractéristiques cliniques (allergique, exacerbateur fréquent, obstructif, etc.) et du type d’inflammation bronchique (voie inflammatoire Th2, Th1 ou Th17) à l’aide de biomarqueurs (tels que le taux de PNE sanguin, la concentration d’IgE totales, la FeNo, ainsi que le compte et la formule cellulaire au LBA, voire l’analyse des biopsies de muqueuse bronchique). Ces informations sont essentielles afin de cibler au mieux le mécanisme physiopathologique en cause afin de mettre en place une biothérapie personnalisée au patient : profil de sensibilisation/allergie et éosinophilie.

Biothérapies ayant une autorisation de mise sur le marché en pédiatrie Ces biothérapies sont indiquées dans le tableau 22.1.

Omalizumab L’omalizumab (Xolair®) est une IgG1 monoclonale anti-IgE qui, en se liant aux IgE circulantes, empêche la formation de complexes immuns antigène-anticorps et l’activation des cellules immunitaires, mastocytes et basophiles en particulier.

Études cliniques L’omalizumab est la seule biothérapie pour laquelle des études cliniques spécifiquement pédiatriques, dont en vie réelle, afin d’évaluer son efficacité et sa tolérance. L’étude pédiatrique en vie réelle [1] réalisée sur 104 enfants asthmatiques multiallergiques a montré que l’omalizumab réduisait après 12 mois de traitement le nombre de crises sévères de 72 % (88 % de réduction des crises nécessitant une hospitalisation), une amélioration du contrôle, et une diminution des doses de CSI d’environ 30 %. Un arrêt de la corticothérapie orale prolongée a été possible chez 6 enfants. La fonction respiratoire s’est également améliorée avec augmentation de 5 % du VEMS à un an. Ces effets ont été observés dès 4 à 6 mois après initiation du traitement. L’omalizumab semble plus efficace chez les patients avec une comorbidité allergique (dermatite atopique, allergie alimentaire) quel que soit le niveau d’hyperéosinophilie. D’un point de vue biologique, une valeur élevée de FeNo et des taux élevés d’éosinophilie étaient associés à une meilleure réponse thérapeutique. Par ailleurs, une amélioration de l’immunité innée antivirale a été observée dans une étude, via la restauration de la production d’interféron, diminuant ainsi les exacerbations viro-induites.

Biothérapies et nouveaux traitements de l’asthme

Tableau 22.1. Biothérapies dans l’asthme ayant une AMM pédiatrique (palier 5 GINA). Molécule

Caractéristique

Indications

Âge AMM

Posologie

Omalizumab

Anti-IgE circulante Anticorps recombinant humanisé de type IgG1

Asthme sévère allergique à pneumallergène perannuel IgE initiales entre 30 et 1 500 UI/ml

≥ 6 ans

Sous-cutanée 75 à 600 mg toutes les 2 ou 4 semaines : fonction du poids et du taux initial IgE

Mepolizumab Anti-IL-5 circulante Anticorps monoclonal humanisé

Asthme sévère ≥ 6 ans réfractaire Éosinophilie ≥ 300/μl dans les 12 derniers mois et nécessité d’une corticothérapie orale (≥ 2 exacerbations ou corticothérapie prolongée)

Sous-cutanée – 6-11 ans : 40 mg toutes les 4 semaines – ≥ 12 ans : 100 mg toutes les 4 semaines

Dupilumab

Asthme sévère ≥ 12 ans Éosinophilie > 150/μl et/ou fraction monoxyde d’azote expiré > 20 ppb

– 600 mg puis 300 mg toutes les 2 semaines si asthme + corticothérapie continue ou eczéma associé – 400 mg puis 200 mg toutes les 2 semaines si asthme sévère isolé

Anti récepteur IL-4 (récepteur partagé par IL-4 et IL-13) Anticorps humain

Toutes les études tendent à montrer la bonne tolérance de cette biothérapie en pédiatrie. Contrairement aux études adultes, le risque d’anaphylaxie n’a pas été observé. Des effets secondaires mineurs (douleur au point d’injection, réaction cutanée) ont été observés dans l’étude en vie réelle. Concernant l’arrêt du traitement, l’étude XPORT [2] a permis de montrer que celui-ci était envisageable après une durée prolongée de traitement (> 3 ans), en cas de bon contrôle de l’asthme avec fonction respiratoire conservée, sous réserve de l’absence de comorbidités allergiques multiples. Une réévaluation régulière est indispensable après cet arrêt.

Modalités de prescription L’omalizumab est recommandé chez l’enfant de plus de 6 ans asthmatique sévère, allergique (défini comme une sensibilisation prouvée à au moins un allergène

277

278

Vers une prise en charge globale et personnalisée

perannuel), résistant à un traitement de fond stade  4/5 GINA (Global Initiative for Asthma, 2019) qui présentent une réduction de la fonction pulmonaire (si > 12 ans), des symptômes diurnes ou des réveils nocturnes fréquents, et des exacerbations sévères. La dose et la fréquence d’administration sont déterminées en fonction de la concentration initiale d’IgE mesurée avant le début du traitement et du poids corporel de l’enfant. En fonction de ces mesures, une dose de 75 à 600  mg d’omalizumab en 1 à 4 injection(s) sous-cutanée(s) est prescrite toutes les 2 à 4 semaines. Il s’agit d’un médicament soumis à une prescription initiale hospitalière annuelle. La prescription médicale est faite sur des ordonnances de médicament d’exception. La prescription initiale et le renouvellement sont réservés aux spécialistes en pneumologie, en pédiatrie après validation de l’indication dans un établissement spécialisé.

Mépolizumab Le mépolizumab est un anticorps monoclonal humanisé (IgG1, kappa), qui cible l’interleukine-5 (IL-5) humaine, cytokine impliquée dans la croissance, l’activation et la maturation des éosinophiles. Son indication concerne les asthmes sévères éosinophiliques, avec ou sans allergie.

Études cliniques Les données concernant les adolescents sont issues des essais cliniques MENSA (NCT01691521), DREAM (NCT01000506) et MUSCA (NCT02281318) (inclusion dès l’âge de 12 ans). Elles montrent une diminution du taux d’exacerbation et une amélioration des symptômes respiratoires, sans réelle amélioration de la fonction respiratoire. Ces études retrouvent une amélioration de la qualité de vie rapide et persistante dans le temps. L’effet du mépolizumab sur la tranche 6-11 ans a été précisé [3]. Malgré la petite taille de l’échantillon (36 enfants), les auteurs décrivent une réduction des exacerbations sévères et une amélioration du contrôle de l’asthme. Une analyse post hoc des études DREAM et MENSA a montré qu’un taux de PNE élevé (> 500/mm3) était prédictif d’une meilleure efficacité du mépolizumab [4]. La plupart des études suggèrent que les phénotypes les plus sévères d’asthme éosinophilique répondent le mieux au mépolizumab. L’hyperéosinophilie est un biomarqueur clé prédictif de la réponse au traitement. Dans les différents essais, la tolérance clinique du mépolizumab est bonne, sans cas décrit d’anaphylaxie.

Modalités de prescription Le mépolizumab (Nucala®) a obtenu en 2019 une AMM dès l’âge de 6 ans et le remboursement en 2020. Il est indiqué en traitement additionnel chez l’enfant

Biothérapies et nouveaux traitements de l’asthme

asthmatique sévère réfractaire, éosinophilique (> 300/mm3 au cours des 12 derniers mois) et ayant eu : ■ au moins deux épisodes d’exacerbations asthmatiques ayant nécessité un traitement par corticoïde oral (≥ 3 jours chacun) dans les 12 derniers mois malgré un traitement de fond stade 4/5 GINA ; ■ ou un traitement par corticothérapie orale (CSO) sur une période prolongée. Les dosages préconisés sont de 40  mg en injection sous-cutanée toutes les 4 semaines pour les 6-11 ans, et 100 mg toutes les 4 semaines pour les plus de 12 ans. Ce médicament est soumis à prescription initiale hospitalière annuelle. La prescription initiale et le renouvellement sont réservés aux spécialistes en pneumologie après validation de l’indication en RCP asthme sévère dans un établissement spécialisé.

Dupilumab Le dupilumab (Dupixent®) est un anticorps monoclonal entièrement humain dirigé contre la sous-unité commune au récepteur à l’IL-4 et IL-13.

Études cliniques Les données pédiatriques du dupilumab sont extraites de l’étude QUEST (NCT02414854) [5], incluant 107  adolescents de plus de 12  ans asthmatiques sévères. Ils recevaient 200  mg ou 300  mg de dupilumab (ou 200  mg/300  mg de placebo) toutes les 2  semaines. Les adolescents traités par dupilumab présentaient une amélioration rapide de leur fonction respiratoire (+ 0,36 l dans le groupe 300 mg et + 0,27 l dans le groupe 200 mg). Une réduction du nombre des crises sévères était également observée dans les deux groupes. Des facteurs associées d’efficacité ont pu être identifiés dans cette étude : une éosinophilie plasmatique > 300/mm3 ou un FeNo > 50 ppb étaient des biomarqueurs prédictifs d’une bonne réponse au traitement. Par ailleurs, plusieurs études ont montré l’efficacité du dupilumab dans le traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l’adolescent et de l’adulte, ainsi que dans le traitement de la rhinite allergique perannuelle.

Modalités de prescriptions Le dupilumab a obtenu une AMM en 2019 puis une extension de prise en charge en 2020 chez les adolescents de plus de 12  ans asthmatiques sévères stade  4/5 GINA ayant un profil inflammatoire Th2, caractérisé par une éosinophilie sanguine ≥ 150/mm3 et/ou une fraction de monoxyde d’azote expiré (FeNO) ≥ 20 ppb. L’AMM a été également obtenu pour la dermatite atopique modérée à sévère de l’adolescent, âgé de 12 ans et plus, qui nécessite un traitement systémique.

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

La dose recommandée chez l’adolescent est : ■ pour ceux atteints d’asthme sévère traités par CSO ou atteints d’asthme sévère associé à une dermatite atopique modérée à sévère ou associé à une polypose nasosinusienne sévère : dose initiale de 600 mg (soit 2 injections de 300 mg), suivie d’une dose de 300 mg administrée toutes les 2 semaines, en injection sous-cutanée ; ■ les autres situations d’asthme sévère : dose initiale de 400 mg (soit 2 injections de 200 mg), suivie d’une dose de 200 mg administrée toutes les 2 semaines en injection sous-cutanée ; ■ les schémas dans le cadre d’une dermatite atopique sévère résistant aux traitements sont fonction du poids du patient ( 400/mm3) non contrôlé mais n’a pas d’AMM européenne ou française pédiatrique.

Benralizumab Le benralizumab (Fasenra®) est un anticorps monoclonal dirigé contre la sousunité α du récepteur à l’IL5. Il a été étudié chez l’adulte et l’adolescent de plus de 12  ans en traitement additionnel dans les études de phase  III SIROCCO (NCT01928771) et CALIMA (NCT01914757) : des patients asthmatiques sévères non contrôlés recevaient en traitement additionnel 30  mg benralizumab par voie sous-cutanée toutes les 4 ou 8 semaines versus placebo. Une amélioration du taux d’exacerbation étaient observé dans les sous-groupes «  exacerbations

Biothérapies et nouveaux traitements de l’asthme

fréquentes  >  3/an » et «  hyperéosinophilie initiale élevée ». Par ailleurs, l’étude ZONDA (NCT02075255) a mis en évidence une épargne des CSI d’environ 75 % chez les patients traités par benralizumab toutes les 4 à 8 semaines en comparaison à groupe placebo. En 2018, le benralizumab a obtenu une AMM chez l’adulte, en traitement additionnel de l’asthme sévère éosinophilique (> 300/mm3) non contrôlé, mais n’a pas d’AMM pédiatrique.

Tézépélumab Le tézépélumab est un anticorps dirigé contre la thymic stromal lymphopoietin (TLSP), une protéine épithéliale de la famille des alarmines, libérée par l’épithélium altéré par les virus, les allergènes, les polluants et médiateurs précoces de la voie inflammatoire de type Th2. Les essais cliniques concernant cette biothérapie ont été réalisés chez des adultes asthmatiques modérés à sévères non contrôlés avec hyperéosinophilie sanguine et élévation du FeNo [7]. Le taux d’exacerbation était réduit dans le groupe traitement versus placebo. Une amélioration de la fonction respiratoire était également observée. Une étude complémentaire de phase  III (SOURCE) n’a pas démontré de réduction de la corticothérapie systémique chez les patients sous corticoïde oral et traitement inhalé. Il n’a pas d’AMM française comme européenne, chez l’adulte et chez l’enfant (décembre 2020).

Conclusion Les biothérapies sont des traitements additionnels permettant de contrôler des patients avec un asthme sévère réfractaire et s’envisagent dans un contexte de médecine de précision, personnalisée par rapport au phénotype/endotype du patient. L’omalizumab est la seule biothérapie pour laquelle ont été réalisées des études cliniques spécifiquement pédiatriques évaluant son efficacité et sa tolérance, avec un recul de plus de 15 ans. Les études ayant évalué l’efficacité et la tolérance du mépolizumab et du dupilumab n’ont à ce jour inclus que quelques dizaines d’enfants et adolescents. Des études pédiatriques notamment en vie réelle semblent donc indispensables pour évaluer la place spécifique de chacune de ces biothérapies. Références [1] Deschildre A, Marguet C, Salleron J, et al. Add-on omalizumab in children with severe allergic asthma : a 1-year real life survey. Eur Respir J 2013 ; 42 : 1224‒33. [2] Ledford D, Busse W, Trzaskoma B, et al. A randomized multicenter study evaluating Xolair persistence of response after long-term therapy. J Allergy Clin Immunol 2017 ; 140 : 162‒9.e2. [3] Yancey SW, Ortega HG, Keene ON, et al. Efficacy of add-on mepolizumab in adolescents with severe eosinophilic asthma. Allergy Asthma Clin Immunol 2019 ; 15 : 53.

281

282

Vers une prise en charge globale et personnalisée

[4] Yancey SW, Bradford ES, Keene ON. Disease burden and efficacy of mepolizumab in patients with severe asthma and blood eosinophil counts of ≥150-300 cells/μL. Respir Med 2019 ; 151 : 139‒41. [5] Castro M, Corren J, Pavord ID, et  al. Dupilumab Efficacy and Safety in Moderate-to-Severe Uncontrolled Asthma. N Engl J Med 2018 ; 378 : 2486‒96. [6] Castro M, Zangrilli J, Wechsler ME, et al. Reslizumab for inadequately controlled asthma with elevated blood eosinophil counts : results from two multicentre, parallel, double-blind, randomised, placebo-controlled, phase 3 trials. Lancet Respir Med 2015 ; 3 : 355‒66. [7] Corren J, Parnes JR, Wang L, et al. Tezepelumab in Adults with Uncontrolled Asthma. N Engl J Med 2017 ; 377 : 936‒46.

CHAPITRE

23

Induction de tolérance aux médicaments Guillaume Lezmi et Claude Ponvert PLAN DU CHAPITRE ■■ Généralités ■■ Indications ■■ Précautions et déroulement ■■ Induction de tolérance aux antibiotiques ■■ Induction de tolérance aux anticorps monoclonaux (mAb) ■■ Conclusion

POINTS CLÉS L’induction de tolérance permet d’induire une tolérance transitoire à un médicament ou substance biologique responsable de réactions d’hypersensibilité (HS) allergique ou non. ■ Cette procédure permet l’administration d’un traitement lorsque celui-ci est indispensable et en l’absence d’autres alternatives thérapeutiques. ■ Elle est standardisée pour les antibiotiques, les anticorps monoclonaux, les chimiothérapies. ■ C’est une procédure à risque, réservée à des équipes spécialisées, dans un cadre sécurisé. ■ Elle peut être pratiquée en cas de réaction immédiate (IgE et non IgEmédiée) et pour certaines réactions retardées. Elle est contre-indiquée en cas de réaction d’HS retardée sévère. ■

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Généralités L’induction de tolérance (IT) est une procédure permettant de faire tolérer de façon temporaire (quelques heures à quelques jours) un médicament ou substance biologique responsable d’hypersensibilité (HS) allergique ou non allergique. Elle consiste à administrer le médicament à doses progressivement croissantes, sur une à plusieurs heures, jusqu’à la dose thérapeutique maintenue pendant la durée du traitement. Lorsque plusieurs cures sont nécessaires, la procédure est répétée pour chaque cure de façon itérative. Des protocoles existent pour les antibiotiques, les anticorps monoclonaux et les chimiothérapies. L’IT est possible par voie orale, intraveineuse et sous-cutanée.

Indications L’IT est indiquée lorsque le médicament est indispensable au patient, irremplaçable, plus efficace que les alternatives ou qu’il n’existe pas d’alternative. L’IT peut être proposée en cas de : ■ réactions immédiates IgE-médiées et non IgE-médiées (prick tests, intradermoréactions – IDR – négatives) par activation directe des mastocytes et des basophiles (par exemple : fixation directe des dérivés des quinolones sur le récepteur mastocytaire MRGPRX2) ou par activation indirecte de ces cellules (réactions IgG-médiées ; relargage de cytokines IL-6 et TNF-α lors de traitements par anticorps monoclonaux ou certaines chimiothérapies) ; ■ réactions retardées bénignes, comme un exanthème maculopapuleux. LIT est contre-indiquée en cas de toxidermie sévère.

Précautions et déroulement Les protocoles classiques (encadré 23.1) utilisent 3 à 4 dilutions et 12 à 16 étapes. La dose initiale tient compte de la sévérité de la réaction : ■ le plus souvent 10–4 à 10–2 de la dose thérapeutique (parfois 10–6) ; ■ les doses sont doublées toutes les 15–20 minutes, jusqu’à la dose thérapeutique. Encadré 23.1

Précautions avant mise en route d’une induction de tolérance Évaluer au préalable le rapport bénéfice/risque. L’induction de tolérance doit être réalisée par des équipes entraînées, sous surveillance stricte, avec matériel de réanimation disponible, idéalement en hôpital de jour d’allergologie. ■ Une voie veineuse périphérique est systématiquement posée. ■ Le patient est scopé et monitoré de façon rapprochée. ■ Des protocoles décrits et validés doivent de préférence être utilisés. ■ Le patient et son entourage sont informés des risques, un consentement est signé. ■ ■

Induction de tolérance aux médicaments

La prémédication administrée 30–60 minutes avant la première dose comprend : antihistaminiques (prévention des symptômes cutanés), antileucotriènes (prévention des symptômes respiratoires), aspirine (prévention des flushs), paracétamol et/ou corticoïdes (prévention de la fièvre), benzodiazépines (prévention de l’anxiété). Des réactions peuvent survenir, souvent au cours de la première IT, et sont généralement moins graves au cours des procédures successives. Ces réactions semblent dose-dépendantes. En cas de réaction, la procédure est interrompue et les symptômes traités. La procédure est reprise, en ajoutant éventuellement des étapes intermédiaires.

Induction de tolérance aux antibiotiques L’indication principale de l’IT pour les antibiotiques est l’allergie IgE-médiée confirmée ou fortement suspectée. La voie orale, plus sûre que la voie intraveineuse, doit être privilégiée. La plupart des données publiées concernent les β-lactamines. Le tableau 23.1 décrit le protocole standardisé d’IT aux pénicillines. Ce protocole permet d’atteindre la dose cible dans 99 % des cas et provoque dans moins de 20 % des cas la survenue de réactions légères n’empêchant pas la poursuite de la procédure. Tableau 23.1. Protocole d’induction de tolérance orale à une pénicilline (d’après [1]). Étapes

Pénicilline (mg/ml)

Quantité administrée (ml)

Dose administrée (mg)

Dose cumulée (mg)

1

0,5

0,1

0,05

0,05

2

0,5

0,2

0,1

0,15

3

0,5

0,4

0,2

0,35

4

0,5

0,8

0,4

0,75

5

0,5

1,6

0,8

1,55

6

0,5

3,2

1,6

3,15

7

0,5

6,4

3,2

6,35

8

5

1,2

6

12,35

9

5

2,4

12

24,35

10

5

4,8

24

48,35

11

50

1

50

98,35

12

50

2

100

198,35

13

50

4

200

394,35

14

50

8

400

798,35

285

286

Vers une prise en charge globale et personnalisée

Induction de tolérance aux anticorps monoclonaux (mAb) Les mAb sont des protéines, contrairement à la plupart des autres médicaments, donc à plus fort potentiel immunogène. Les mAb chimériques (humaine + murine ; -ximab) sont plus immunogènes que les mAb humanisés (-zumab, à 90 % humaine ; -umab, à 99 % humaine). Les réactions immédiates aux mAb peuvent être : ■ IgE-médiées : rituximab, infliximab, tocilizumab ; ■ cytokiniques (rituximab) : elles peuvent survenir lors de la première exposition et sont liées à la destruction rapide des cellules cibles et à la libération de cytokines, notamment IL-6 et TNF-α. Les symptômes sont aspécifiques (fièvre, frissons, céphalées, flush, dyspnée, serrement gorge, hypotension/hypertension, troubles digestifs, douleurs dorsales), atténués par la diminution du débit de perfusion et une prémédication par le paracétamol et les corticostéroïdes. Le mécanisme peut être confirmé par une élévation du taux plasmatique d’IL-6. Ces réactions sont habituellement de moins en moins intenses lors des expositions ultérieures ; ■ mixtes : IgE et cytokiniques ; ■ IgG-médiées (infliximab) : les IgG anti-mAb peuvent se fixer sur leurs récepteurs sur les macrophages, basophiles et neutrophiles, activer le complément, et induire des symptômes ressemblant aux réactions IgE-médiées. Les réactions immédiates sont évaluées selon leur gravité en grades : ■ grade 1 (légère) : 1 organe atteint (éruption cutanée, douleur dorsale) ; ■ grade 2 (modérée) : ≥ 2 organes (flush, dyspnée) sans hypotension ni désaturation ; ■ grade 3 (sévère) : ≥ 2 organes et hypotension ou désaturation. En cas de réaction immédiate non IgE-médiée de grade 1, un test de provocation peut être préféré. En cas de réaction de grade 3, l’IT est indiquée. En cas de réaction de grade 2, les deux options sont envisageables. Les réactions retardées aux mAb sont rares (maladies ou pseudo-maladies sériques). Les protocoles les plus étudiés comportent 3 dilutions et 12 étapes (tableau 23.2). Des réactions surviennent dans 30 % des cas, le plus souvent au cours de la dernière étape, et sont généralement légères. Le protocole est alors stoppé, les symptômes traités et le protocole le plus souvent repris après disparition des symptômes.

Conclusion L’induction de tolérance est efficace et permet l’administration d’un médicament auquel l’enfant est allergique/hypersensible, lorsque ce traitement est indispensable et en l’absence d’autre alternative. L’utilisation de protocoles standardisés dans un cadre sécurisé et au sein d’une équipe spécialisée en allergologie est indispensable. La tolérance induite est cependant transitoire.

Induction de tolérance aux médicaments

Tableau 23.2. Protocole d’induction de tolérance à l’infliximab (d’après [2]). Dose cible

400 mg

Solution 1

0,016

mg/ml

Solution 2

0,16

mg/ml

Solution 3

1,587

mg/ml

Solution

Débit (ml/h)

Durée (mn)

Volume administré (ml)

Dose administrée (mg)

Dose cumulée (mg)

1

1

2

15

0,5

0,008

0,008

2

1

5

15

1,25

0,02

0,028

3

1

10

15

2,5

0,04

0,068

4

1

20

15

5

0,08

0,148

5

2

5

15

1,25

0,20

0,348

6

2

10

15

2,5

0,40

0,748

7

2

20

15

5

0,80

1,548

8

2

40

15

10

1,6

3,148

Étape

9

3

10

15

2,5

3,969

7,117

10

3

20

15

5

7,937

15,054

11

3

40

15

10

15,874

30,928

12

3

80

174,4

232,5

369,072

400

Références [1] Castells M, Khan DA, Phillips EJ. Penicillin allergy. New Engl J Med 2019 ; 381(24) : 2338‒43. [2] Picard M, Galvão VR. Current knowledge and management of hypersensitivity reactions to monoclonal antibodies. J Allergy Clin Immunol Pract 2017 ; 5 : 600‒9.

Pour en savoir plus Cernadas JR, Brockow K, Romano A, et al. General considerations on rapid desensitization for drug hypersensitivity-a consensus statement. Allergy 2010 ; 65 : 1357‒66. Cernadas JR. Desensitization to antibiotics in children. Pediatr Allergy Immunol 2013 ; 24 : 3‒9. de Las Vecillas Sánchez L, Alenazy LA, Garcia-Neuer M, et al. Drug hypersensitivity and desensitizations : mechanisms and new approaches. Int J Mol Sci 2017 ; 18 : 1316. Scherer K, Brockow K, Aberer W, et al. Desensitization in delayed drug hypersensitivity reactions-an EAACI position paper of the Drug Allergy Interest Group. Allergy 2013 ; 68 : 844‒52.

287

CHAPITRE

24

Accueillir l’enfant avec une allergie alimentaire en collectivité Adjokè Clarisse Santos et Guillaume Pouessel PLAN DU CHAPITRE ■■ Introduction ■■ Projet d’accueil individualisé : aspects juridiques et cadre administratif ■■ Indications du PAI et de la prescription d’adrénaline chez l’enfant allergique ■■ Restauration collective ■■ Règlement INCO et restauration scolaire ■■ Rôles de l’allergologue (ou du médecin prescripteur) ■■ Rôles du médecin de l’Éducation nationale ■■ Actualités ■■ Conclusion

POINTS CLÉS Le projet d’accueil individualisé (PAI) a pour objectif de favoriser l’accueil des enfants avec une problématique de santé, notamment pour l’allergie alimentaire. ■ La mise en place du PAI pour allergie alimentaire nécessite une évaluation rigoureuse s’appuyant un diagnostic allergologique précis : allergène(s), conseils d’éviction et modalités de la restauration, estimation du risque allergique, intérêt d’une trousse d’urgence (avec ou sans auto-injecteur d’adrénaline). ■

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Accueillir l’enfant avec une allergie alimentaire en collectivité

Les indications de mise en place d’un PAI pour allergie ont été actualisées et précisent les situations relevant de la prescription d’une trousse d’urgence (avec ou sans adrénaline). ■ La Société française d’Allergologie a proposé une actualisation de la conduite à tenir en cas d’allergie alimentaire. ■

Introduction Environ 10  % des anaphylaxies alimentaires surviennent en milieu scolaire [1]. Le Réseau d’Allergo-Vigilance® (RAV) a recensé, entre 2005 et 2017, 79 cas d’anaphylaxie alimentaire survenus en milieu scolaire, dont 2 décès [2]. Les allergènes étaient principalement l’arachide, le lait de chèvre/brebis, le soja et le kiwi. Les réactions anaphylactiques en milieu scolaire sont inaugurales de l’allergie dans 25 à 50 % des cas [3]. Le projet d’accueil individualisé (PAI) est le dispositif qui encadre l’accueil de l’enfant allergique en collectivité.

Projet d’accueil individualisé : aspects juridiques et cadre administratif La circulaire du 10 novembre 1999 du ministère de l’Éducation nationale favorise l’accueil et l’intégration des enfants et adolescents atteints de maladie chronique, notamment d’allergie alimentaire, par la mise en place d’un PAI. La circulaire interministérielle n° 2003-135 du 8 septembre 2003 permet d’élargir cette intégration aux temps préscolaire et périscolaire. Elle est applicable dans les écoles, les établissements publics locaux d’enseignement relevant du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Agriculture, les établissements privés sous contrat. Elle sert de cadre de référence aux établissements d’accueil de la petite enfance (crèches, haltes garderies et jardins d’enfants) et aux centres de vacances et de loisirs.

Dans les écoles et les établissements scolaires relevant du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Agriculture Le PAI est mis au point à la demande de la famille, ou en accord et avec la participation de celle-ci, par le directeur ou le chef d’établissement (figure 24.1).

289

Demande d’aménagements spécifiques

Demande de la famille

Figure 24.1. Schéma d’organisation du projet d’accueil individualisé.

Aménagements à mettre en place

Le médecin de l’Éducation nationale ou le médecin désigné par l’établissement

Ordonnance

Directeur de l’école ou chef d’établissement

Conduite à tenir en cas d’urgence

Directeur de l’école ou chef d’établissement

Infirmière de la collectivité d’accueil

Régime alimentaire

Médecin de PMI ou médecin prescripteur

290 Vers une prise en charge globale et personnalisée

Accueillir l’enfant avec une allergie alimentaire en collectivité

La demande est réalisée à partir des besoins thérapeutiques établis par le médecin qui suit l’enfant dans le cadre de sa pathologie et transmise sous pli cacheté au médecin de la collectivité d’accueil. Elle est réalisée en concertation étroite avec, selon le cas, le médecin scolaire la Protection maternelle et infantile ou le médecin ou l’infirmier(ère) de la collectivité d’accueil. Dans ce cadre, le médecin prescripteur devra adresser : ■ l’ordonnance pour les médicaments qu’il convient d’administrer ; ■ les demandes d’aménagements spécifiques ; ■ la prescription ou non d’un régime alimentaire ; ■ le protocole d’urgence (voir chapitre 9).

Dans les centres de vacances et les centres de loisirs sans hébergement L’ensemble des prescriptions dans le cadre d’un PAI ne peut s’appliquer tel quel aux centres de vacances et de loisirs. Cependant, des recommandations ont été conçues en concertation avec les organisateurs de centres de vacances et de loisirs et leurs sont destinées ainsi qu’aux directeurs de séjour.

Dans les structures d’accueil des jeunes enfants Dans le cas d’un accueil régulier de type crèche, le médecin attaché à l’établissement donne son avis lors de l’admission. Dans le cas d’un accueil dans une structure de 20 places au plus, l’avis médical peut être donné par le médecin traitant de l’enfant. Il en est de même pour un accueil occasionnel, de type halte-garderie, pour lequel aucun avis médical n’est exigé par la réglementation.

Indications du PAI et de la prescription d’adrénaline chez l’enfant allergique En 2016, la Société française d’allergologie (SFA) a proposé une actualisation des recommandations en individualisant 4 groupes (tableau 24.1) [4] :

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Tableau 24.1. Indications du projet d’accueil individualisé (PAI) et de la prescription d’adrénaline. Groupe I  Cas où le PAI doit être accompagné de la prescription d’adrénaline Anaphylaxie liée à un aliment, le latex ou un aéro-allergène Anaphylaxie induite par exercice Anaphylaxie idiopathique Allergie alimentaire* et asthme modéré ou sévère non contrôlé Allergie aux venins d’hyménoptère en cas de réaction systémique autre que cutanéomuqueuse chez l’enfant Antécédent de mastocytose ou élévation de tryptase de base sérique associé à une réaction systémique aux piqûres d’insectes (y compris pour ceux recevant une immunothérapie) Groupe II  Cas où le PAI doit être accompagné d’une trousse d’urgence dont le contenu est prescrit selon l’expertise allergologique au cas par cas Réaction allergique* légère à modérée liée à l’arachide ou à un fruit à coque Réaction allergique légère à modérée liée à des faibles quantités d’aliments* Allergie alimentaire chez l’adolescent ou adulte jeune Éloignement de structure médicale et réaction allergique légère à modérée liée à un aliment, un venin, le latex ou un aéro-allergène Groupe III  Cas où le PAI est prescrit pour éviction allergénique simple Allergie alimentaire ou au latex donnant des symptômes sans gravité (syndrome oral, poussées d’eczéma sur dermatite atopique), ou déclenchée par des quantités importantes (symptômes digestifs chroniques ou récidivants avec allergie alimentaire) Groupe IV  Ne relève pas de demande de PAI Sensibilisation à des allergènes découverts lors de bilans systématiques sans symptôme clinique associé Symptômes digestifs chroniques ou récidivants pour lesquels la procédure diagnostique a éliminé une allergie alimentaire Allergie alimentaire de la petite enfance cliniquement guérie Allergie aux venins d’insecte révélée par des réactions cutanées locales ou locorégionales Allégations d’allergie alimentaire par l’entourage familial pour lesquelles l’enquête diagnostique ne confirme pas l’existence d’une allergie alimentaire *En dehors du syndrome d’allergie pollen-aliment et de certaines formes d’allergies (dermatite atopique, troubles digestifs chroniques comme constipation, œsophagite à éosinophiles, etc.).

Restauration collective L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés (art L. 131-13 relatif à la fréquentation des cantines scolaires).

Accueillir l’enfant avec une allergie alimentaire en collectivité

La circulaire interministérielle du 8 septembre 2003 prévoit qu’en cas de besoin d’un régime alimentaire particulier, tout enfant puisse bénéficier des services de restauration collective : ■ soit les services de restauration fournissent des repas adaptés au régime particulier ; ■ soit l’enfant consomme, dans les lieux prévus pour la restauration collective, le repas fourni par les parents, respectant les règles d’hygiène et de sécurité. Dans le cas où l’alimentation en restauration collective serait impossible, sous ces deux formes, il convient d’organiser les modalités au niveau local. Dans les cas où un régime spécifique ne peut être mis en place par le service de restauration, les paniers repas peuvent être autorisés. Pour les établissements scolaires publics, la responsabilité de la restauration scolaire relève de la commune pour les écoles primaires, du conseil départemental pour les collèges et du conseil régional pour les lycées. Les établissements d’enseignement privés sous contrat ont, quant à eux, la responsabilité de déterminer les modalités de gestion de leur service de restauration.

Règlement INCO et restauration scolaire Le règlement européen n° 1169/2011 dit INCO pour INformation du COnsommateur impose l’étiquetage obligatoire d’une liste de 14 aliments (encadré 24.1).

Encadré 24.1

Liste des allergènes à déclaration obligatoire prévue dans le règlement INCO Céréales contenant du gluten (blé, seigle, orge, avoine, épeautre, kamut ou leurs souches hybridées) et produits à base de ces céréales ■ Crustacés et produits à base de crustacés ■ Œufs et produits à base d’œufs ■ Poissons et produits à base de poissons ■ Arachides et produits à base d’arachide ■ Soja et produits à base de soja ■ Lait et produits à base de lait (y compris de lactose) ■ Fruits à coque (amande, noisette, noix de Grenoble, noix – cajou, pécan, macadamia, du Brésil, du Queensland –, pistache, et produits à base de ces fruits) ■ Céleri et produits à base de céleri ■ Moutarde et produits à base de moutarde ■ Graines de sésame et produits à base de graines de sésame ■ Anhydride sulfureux et sulfites en concentration de plus de 10 mg/kg ou 10 mg/l (exprimés en SO2) ■ Lupin et produits à base de lupin ■ Mollusques et produits à base de mollusques ■

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

L’obligation de mentionner la présence d’allergènes s’applique également aux produits non pré-emballés. En France, le décret n° 2015-447 du 17 avril 2015, précise les modalités d’indication des allergènes dans les produits non pré-emballés. Les règles s’appliquent à toutes les denrées alimentaires destinées au consommateur final, y compris celles servies par les collectivités et notamment la restauration scolaire. ­L’indication de la présence d’allergènes doit se faire obligatoirement sous forme écrite, de façon lisible et visible sans que le consommateur n’ait à en faire la demande [5]. L’information n’est pas requise lors de la fourniture du repas lorsque, dans le cadre de la restauration collective, un dispositif permet à un consommateur d’indiquer, avant toute consommation, qu’il refuse de consommer un allergène dans le produit fini. Cependant, le PAI allergie alimentaire ne dispense pas de l’obligation d’information écrite de la restauration scolaire, sauf si le menu spécifique des enfants allergiques est prévu par la cantine. Ce règlement n’est pas encore appliqué dans de nombreuses restaurations scolaires.

Rôles de l’allergologue (ou du médecin prescripteur) Poser l’indication du PAI Éliminer les demandes non justifiées : fausses allégations, régimes végétariens, etc. ■ Éliminer les pathologies digestives sans mécanisme d’allergie immédiate ou retardée. ■ Éliminer les diagnostics de sensibilisation allergique sans relevance clinique. ■ Ne pas proposer de renouveler le PAI si l’allergie est guérie. ■

Définir et préconiser les modalités de la restauration scolaire et des goûters Restauration scolaire ■

Restauration scolaire sans panier repas : ● elle est autorisée sous couvert de la lecture des menus par la famille et l’enfant, facilitée par le règlement INCO pour les 14  allergènes à déclaration obligatoire ; ● dans le restaurant scolaire, un affichage à proximité du lieu de distribution doit permettre d’informer les élèves des allergènes présents dans chaque plat

Accueillir l’enfant avec une allergie alimentaire en collectivité





servi ce jour-là. Il peut être également possible d’accéder à l’information sur les menus mis à disposition sur internet ; ● mais un enfant peut être allergique à des allergènes qui ne sont pas à déclaration obligatoire ; ● OU repas sans allergène garanti par la restauration ; ● OU éviction simple de l’allergène par l’enfant, pour les allergènes dont l’éviction est facile à réaliser (kiwi, fruits crus, petits pois par exemple). Restauration sur place avec un panier repas fourni par la famille : ● dans le cas des allergènes ubiquitaires difficiles à éliminer et à haut potentiel anaphylactique ou en cas de polyallergies alimentaires. Restauration scolaire non autorisée : ● dans le cas exceptionnel des allergènes ubiquitaires à fort risque en cas d’inhalation de particules d’allergènes ou de vapeurs de cuisson.

Goûters ■ ■ ■

Goûters avec éviction du ou des allergènes par la collectivité. Goûters autorisés pour les seuls aliments fournis par la famille. Goûters non autorisés.

Établir la conduite à tenir d’urgence et prescrire les médicaments de la trousse d’urgence Il convient de proposer une conduite à tenir écrite, claire, facile à lire pour des personnels non soignants en cas de réaction allergique. La SFA a proposé une actualisation de la conduite à tenir en cas d’allergie alimentaire [6] ; voir chapitre 9, « Anaphylaxie » (voir figure 9.2). Le Conseil national de l’Ordre des médecins (avis du 30 août 2000) autorise les personnels de la communauté éducative à utiliser l’auto-injecteur d’adrénaline. La circulaire du 8 septembre 2003 stipule de tout mettre en œuvre pour que le traitement injectable puisse être administré en attendant l’arrivée des secours.

Modalités de la restauration scolaire et contenu de la trousse d’urgence Le panier repas et la prescription d’adrénaline doivent être réservés aux cas les plus sévères : antécédent d’anaphylaxie, polyallergie alimentaire, allergène ubiquitaire (lait, œuf, blé, etc.), allergène à haut risque (arachide, laits, fruits à coque, etc.) ou difficile à identifier, réactions antérieures pour de faibles quantités, pathologies associées notamment l’asthme, facteurs psychosociaux et difficultés relevées lors des séances d’éducation thérapeutique.

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Rôles du médecin de l’Éducation nationale Du fait de ses missions, le médecin de l’Éducation nationale fait le lien entre la famille, le médecin prescripteur du PAI, l’établissement scolaire et les collectivités territoriales. Il encadre la mise en place du PAI selon la prescription du médecin qui suit l’enfant et va juger de la faisabilité des préconisations du médecin prescripteur. Il peut être sollicité par les membres de l’équipe éducative, pour des conseils sur les sorties et les voyages scolaires, les stages. Il assure, en lien avec l’infirmier de l’Éducation nationale de l’établissement scolaire, la formation des personnels à la pratique des gestes d’urgence.

Actualités Une note adressée en septembre 2019 par le directeur général de l’enseignement scolaire demande qu’une dotation non nominative d’auto-injecteurs d’adrénaline soit disponible dans tous les collèges et lycées en France. Cette disposition permettra aux personnels dans le second degré de traiter une anaphylaxie inaugurale (en dehors d’un PAI existant) après un avis médical auprès du SAMU. Une nouvelle circulaire portant sur l’organisation des soins et le protocole d’urgence en milieu scolaire est parue au Journal Officiel le 14 avril 2021 (PAI-RS 14 avril 2021, https://www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo9/MENE2104832C.htm).

Conclusion Le projet d’accueil individualisé a pour but l’intégration optimale de l’enfant allergique en collectivité. La restauration scolaire sans panier repas devrait être possible dans de nombreux cas, en prenant en compte les antécédents de l’enfant, la nature de l’allergène, le contexte, l’application du règlement INCO. Une meilleure formation de tous les acteurs dans ce domaine est primordiale. Références [1] Grabenhenrich LB, Dölle S, Moneret-Vautrin A, et al. Anaphylaxis in children and adolescents : The European Anaphylaxis Registry. J Allergy Clin Immunol 2016 ; 137 : 1128‒37. [2] Sabouraud-Leclerc D, Pouessel G, Beaudouin E, et  al. Urgences anaphylactiques en milieu ­scolaire : quelle gestion en pratique ? Rev Fr Allergol 2017 ; 57 : 481‒6. [3] Pouessel G, Lejeune S, Dupont MP, et al. Individual healthcare plan for allergic children at school : Lessons from a 2015–2016 school year survey. Pediatr Allergie Immunol 2017 ; 28 : 655‒60. [4] Pouessel G, Deschildre A, Beaudouin E, et  al. Conditions d’établissement du projet d’accueil individualisé pour l’enfant allergique. Rev Fr Allergol 2016 ; 56 : 434‒40. [5] Décret n° 2015-447 du 17 avril 2015. relatif à l’information des consommateurs sur les allergènes et les denrées alimentaires non préemballées. Journal Officiel 19 avril 2015. http://www .legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030491684&categorieLien=id. [6] Pouessel G, Morisset M, Schoder G, et al. Actualisation de la conduite à tenir en cas d’urgence allergique chez l’enfant et l’adolescent. Rev Fr Allergol 2020. doi:10.1016/j.reval.2019.10.008.

CHAPITRE

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Éducation thérapeutique du patient Intérêt et modalités dans l’allergie alimentaire

Clarisse Santos et Françoise Le Pabic PLAN DU CHAPITRE ■ Introduction ■ Qu’est-ce que l’ETP ? ■ Élaboration d’un référentiel de compétences : apports du GRETAA ■ Démarche éducative en ETP dans l’allergie alimentaire ■ En pratique : comment faire de l’éducation à l’allergie alimentaire ? ■ Élaboration des outils d’ETP en allergie alimentaire – apports du GRETAA

POINTS CLÉS L’éducation thérapeutique du patient (ETP) constitue un temps long mais essentiel dans la prise en charge de l’allergie alimentaire. ■ Elle doit être centrée sur le patient et son entourage, personnalisée, négociée, structurée, formalisée, intégrée dans les soins et évaluée. ■ Les objectifs de sécurité sont incontournables respecter les évictions, reconnaître les signes de l’allergie et leur gravité, utiliser la trousse d’urgence (dont l’auto-injecteur d’adrénaline) de façon adéquate et appeler un adulte référent ou les secours. ■

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Introduction La prévalence de l’allergie alimentaire (AA) dans la population européenne et nord-américaine est estimée entre 4 et 8 % chez l’enfant et a beaucoup augmenté depuis 20 ans avec des formes graves d’anaphylaxie également plus fréquentes [1]. L’AA a un retentissement psychosocial important, à l’origine d’une altération de la qualité de vie, avec notamment une angoisse fréquente de l’enfant et son entourage. Bien que l’immunothérapie alimentaire ouvre aujourd’hui des perspectives de traitement intéressantes, l’éviction alimentaire reste l’option de prise en charge primordiale. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est un axe important de la prise en charge des patients avec une AA, recommandée dans la plupart des consensus.

Qu’est-ce que l’ETP ? L’ETP s’adresse aux patients atteints de maladie chronique. C’est un processus continu intégré aux soins et centré sur le patient qui comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit (définition de l’Organisation mondiale de la santé). Son objectif est de permettre aux patients d’acquérir et de conserver les compétences dont ils ont besoin pour vivre de manière optimale avec leur maladie, afin d’améliorer leur qualité de vie. L’ETP ne consiste pas à donner de l’information, mais à la transmettre de façon à ce que le patient se l’approprie et sache l’utiliser. En France, l’article 84 de la loi hôpital, patients, santé et territoires reconnaît l’ETP et l’intègre dans la prise en charge et le parcours de soins [2].

Élaboration d’un référentiel de compétences : apports du GRETAA Le Groupe de réflexion en éducation thérapeutique dans l’allergie alimentaire (GRETAA) a établi un référentiel de compétences pour une démarche éducative commune [3, 4]. Ce référentiel définit les compétences d’auto-soins (pratiquer, faire) et d’adaptation (faire face, décider, résoudre un problème) à atteindre pour les enfants et leurs parents. Ces compétences tiennent compte des capacités d’apprentissage des enfants et sont calquées sur les cycles scolaires : maternelle (4-6 ans), primaire (6-11 ans), collège et lycée (plus de 11 ans). Les objectifs de sécurité sont résumés dans l’encadré 25.1.

Éducation thérapeutique du patient

Encadré 25.1

Objectifs de sécurité en éducation thérapeutique chez l’enfant avec une allergie alimentaire Les objectifs de sécurité sont incontournables. L’enfant et ses proches doivent être capables : ■ de respecter les évictions en toute circonstance ; ■ de reconnaître les signes de l’allergie alimentaire et leur gravité ; ■ d’utiliser la trousse d’urgence en fonction des signes et au besoin appeler le SAMU ; ■ d’utiliser l’auto-injecteur d’adrénaline ; ■ d’avoir recours à un adulte référent.

Démarche éducative en ETP dans l’allergie alimentaire Selon les recommandations de la Haute autorité de santé, l’ETP doit reposer sur une démarche éducative structurée en 4 étapes formant un cycle.

Diagnostic éducatif ou bilan éducatif partagé Ce diagnostic ou bilan permet de connaître le patient et sa famille, d’identifier ses besoins, ses attentes et sa réceptivité à la proposition de l’ETP. C’est le préalable indispensable aux séances éducatives. Il s’agit d’un entretien individuel écrit, avec un dialogue structuré, fait au moyen de questions ouvertes (encadré 25.2).

Encadré 25.2

Éléments du diagnostic éducatif en allergie alimentaire Qui est le patient ? (enfants et parents) Que fait-il ? (informations socio-économiques : âge, mode de vie, etc.) ■ Qu’a-t-il ? (informations médicales) ■ Que sait-il sur son allergie alimentaire ? (connaissances, éviction alimentaire, signes de l’allergie, composition et utilisation de la trousse d’urgence, etc.) ■ Quel est son ressenti de la maladie ? (acceptation, anxiété, répercussions sociales, etc.) ■ Quel est son projet ? (intégrations sociale et scolaire, qualité de vie, etc.) ■ Le diagnostic éducatif permet également de repérer les facteurs facilitant l’ETP (compréhension, acceptation de la maladie, etc.) et, au contraire, les facteurs la limitant (phobies alimentaires, refus de socialisation de l’enfant, repli sur soi, etc.) ? ■ ■

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Alliance thérapeutique ou contrat d’éducation Au terme du diagnostic éducatif sont formulées avec le patient et sa famille les compétences d’auto-soins et d’adaptation à acquérir ou à consolider. Ce diagnostic éducatif servira de première évaluation des connaissances et des compétences du patient. C’est un document écrit, consigné dans le dossier éducatif de l’enfant. Il doit être actualisé régulièrement et systématiquement lors de la survenue de tout élément nouveau [2].

Mise en œuvre de l’apprentissage La mise en œuvre peut se faire en consultation éducative individuelle ou en séances collectives.

Évaluation des compétences L’évaluation des compétences est pluridimensionnelle et concerne le fonctionnement du programme et son adéquation aux objectifs prédéfinis ainsi que les effets du programme sur le patient. Elle est présente à toutes les étapes de la démarche éducative : ■ au moment du diagnostic éducatif : évaluation des besoins (évaluation pronostique) ; ■ durant l’apprentissage : évaluation formative ; ■ à la fin du programme d’ETP : évaluation sommative. Les outils d’évaluation apprécient l’acquisition ou non de l’ensemble des compétences [5, 6] : ■ le savoir : connaissances, niveau d’interprétation des données, niveau de résolution de problèmes (test vrai/faux, technique du récit, jeux, études de cas et mises en situation) ; ■ le savoir-faire : évaluation des gestes grâce à des outils spécifiques adaptés à l’âge des patients (auto-injecteur d’adrénaline de démonstration, technique d’inhalation d’un bronchodilatateur, etc.) ; ■ le sentiment d’auto-efficacité : c’est-à-dire la croyance que le patient a de pouvoir agir sur les événements qui le concernent et de réussir (étoiles d’auto-évaluation) (e-figures 25.1 et 25.2). Des questionnaires spécifiques évaluent la qualité de vie [7].

En pratique : comment faire de l’éducation à l’allergie alimentaire ? Parmi les prérequis pour faire de l’ETP en AA, il est important d’être formé à l’ETP, de bien connaître la pathologie et d’être rompu à la pédagogie de l’enfant et du duo « parents-enfants » [2].

Éducation thérapeutique du patient

Les compétences requises pour les praticiens de l’ETP sont classées en trois domaines  : techniques (connaissance de la maladie, des traitements), relationnelles et pédagogiques (écoute/compréhension, échanges/argumentation, accompagnement, animation/régulation) et organisationnelles (planifier, coordonner, conduire un projet) [8]. L’ETP peut se faire de façon individuelle et/ou collective, ces deux approches étant complémentaires. Elle sera réalisée par le professionnel de santé lui-même et/ou par une équipe multiprofessionnelle (médecin, infirmière, diététicienne et psychologue). La consultation éducative individuelle permet de prendre en compte de façon spécifique la problématique du patient et de sa famille (déni, craintes, idées reçues, difficultés de compréhension, etc.). Elle constitue idéalement le premier temps de l’ETP avec réalisation du diagnostic éducatif. Elle réévalue les comportements et compétences après des accidents de parcours (anaphylaxie) et retravaille les objectifs de sécurité. De nombreux outils peuvent être utilisés  : photos d’emballage avec étiquettes plastifiées, menus de restauration scolaire, récipients contenant des fruits à coque, auto-injecteurs factices d’adrénaline, etc. Ainsi, le premier lieu d’ETP est le cabinet de l’allergologue. L’allergologue peut également adresser son patient pour des séances collectives à un centre dont le programme a été validé par l’agence régionale de santé (liste des centres disponible sur internet et sur le site de l’association Asthme et allergies). Les séances éducatives collectives regroupent les enfants en fonction de leur âge et incluent les parents. Elles font appel à des outils pédagogiques variés, ludiques pour les enfants et laissent un temps de parole important aux parents. Elles offrent l’avantage de partager le vécu de façon conviviale et de diminuer cette sensation d’isolement et d’exclusion si souvent perçue.

Élaboration des outils d’ETP en allergie alimentaire – apports du GRETAA Le GRETAA (e-encadré 25.3) a mis au point deux diagnostics éducatifs (enfant et parent), des outils pédagogiques et des outils d’évaluation adaptés à l’âge de l’enfant et aux objectifs à atteindre [6–9]. La « boîte à outils » permet de travailler les objectifs de sécurité selon l’âge de l’enfant. Chaque outil est présenté avec son « conducteur » ou mode d’emploi. Les outils d’évaluation précisent l’acquisition ou non des compétences du référentiel. Les différents documents, disponibles sur le site internet de la Société française d’Allergologie et celui de l’association Asthme et allergies, sont réunis dans un classeur.

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Références [1] Khayath N, de Blay F. Épidémiologie des allergies alimentaires. In: Allergies alimentaires – Nouveaux concepts, affections actuelles, perspectives thérapeutiques. Paris: Elsevier Masson ; 2017. p. 3‒11. [2] HAS - Haute autorité de santé, INPES. Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques Guide méthodologique ; Juin 2007. [3] Bidat E, Clorennec C, Rossignol B, et al. Éducation de l’allergie alimentaire sévère. Rev Fr Allergol 2007 ; 47 : 112‒5. [4] Le Pabic F, Sabouraud-Leclerc D, Castelain C, et al. Éducation thérapeutique en allergie alimentaire. Les compétences à acquérir par les patients et les familles. Rev Fr Allergol 2009 ; 49 : 239‒43. [5] HAS. Éducation thérapeutique du patient : évaluation de l’efficacité et de l’efficience dans les maladies chroniques. 29 novembre 2018. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2884714/fr/ education-therapeutique-du-patient-etp-evaluation-de-l-efficacite-et-de-l-efficience-dans-lesmaladies-chroniques. [6] Cordebar V, Anton M, Bocquel N, et al. Éducation thérapeutique en allergie alimentaire : critères et outils d’évaluation. Rev Fr Allergol 2013 ; 53 : 424‒8. [7] Wassenberg J, Cochard MM, DunnGalvin A, et al. Qualité de vie chez l’enfant avec allergie alimentaire : validation de la version française des questionnaires spécifiques de qualité de vie. Rev Fr Allergol 2011 ; 51 : 437‒8. [8] Référentiel de compétences pour dispenser l’éducation thérapeutique dans le cadre d’un programme  ; Juin 2013. https://www.chu-bordeaux.fr/Professionnels-recherche/Educationthérapeutique/Cadre-règlementaire/INPESD∼2.pdf/. [9] Castelain-Haquet C, Anton M, Bocquel N, et al. Éducation thérapeutique en allergie alimentaire : les outils éducatifs. Rev Fr Allergol 2011 ; 51 : 664‒8.

Éducation thérapeutique du patient

Auto-évaluation enfant

GRETAA

Je sais quand et comment prendre ma Ventoline Je dis aux autres que j’ai une allergie alimentaire

Prénom, nom : ……………………………………… Date : ……………………………………… Remarques : (allergènes, etc)

Je sais refuser un aliment interdit ou inconnu

………………………………………

Je connais les aliments auxquels je suis allergique

Je parle facilement de mes émotions (peur, colère, tristesse, joie)

Sur les étiquettes, je suis capable de trouver les ingrédients que je ne peux pas manger

Je sais où est ma trousse d’urgence (école, maison)

Je reconnais les signes d’allergie et si c’est grave

Je préviens un adulte si je ne me sens pas bien Je connais le nom des médicaments de ma trousse d’urgence

e-Figure 25.1. Auto-évaluation enfant. Source : GRETAA.

Auto-évaluation parents

GRETAA Pour faire le point ð positionnez-vous sur cette étoile

Je me sens capable de repérer les signes d’allergie de mon enfant.

Je me sens capable de repérer les situations à risque et de prendre les précautions nécessaires.

Je me sens capable de repérer les signes de gravité de la crise d’allergie.

Je me sens capable de manipuler l’Adrénaline pour faire l’injection à mon enfant.

Je me sens capable de repérer les aliments interdits à partir de la lecture des étiquettes.

Je pense bien connaître les allergènes auxquels mon enfant est allergique.

Je me sens capable de faire l’injection d’Adrénaline à mon enfant.

Je pense bien connaître les médicaments de la trousse d’urgence et je sais quand les utiliser.

Je me sens capable de donner la ventoline avec la chambre d’inhalation.

Prénom, nom : ……………………………………… Date : ………………………………………

Autres attentes : j’aimerais savoir, comprendre…………………

Je pense savoir que faire en cas de signes de gravité La trousse d’urgence est toujours à proximité de mon enfant (maison, école, sortie…).

e-Figure 25.2. Auto-évaluation parents. Source : GRETAA.

302.e1

302.e2

Vers une prise en charge globale et personnalisée

e-Encadré 25.3

Les membres du GRETAA (2020) ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■

F. Le Pabic (coordinatrice du GRETAA, Lorient) M. Anton (Nantes) N. Bocquel (Lorient) C. Castelain (Lille) V. Cordebar (Nancy) M. Debons (Nantes) A. Doc (Besançon) A. Hoppé (Angers) A. Juchet (Toulouse) C. Karila (Paris) B. Michaud (Paris) I. Molle Le Vaillant (Nantes) R. Pontcharraud (Toulouse) C. Ridray (Paris) C. Rolland (Paris) D. Sabouraud-Leclerc (Reims) C. Santos (Lille)

CHAPITRE

26

Omics Karine Adel-Patient PLAN DU CHAPITRE ■ Introduction ■ Que sont les « omics » ? ■ Une approche intégrée de la complexité du vivant ■ « Omics » et allergie ■ Focus sur métabolomique et allergie ■ Intégration « multi-omics » : rêve ou réalité ? ■ Conclusion

POINTS CLÉS La prise en charge individuelle du patient allergique (médecine personnalisée) nécessite de caractériser finement les mécanismes physiopathologiques impliqués chez ce patient et responsables de son phénotype clinique. ■ Les approches « omics » ont pour objectif de décrire, à différents niveaux moléculaires, les signatures biologiques associées à une présentation clinique donnée, permettant de stratifier les patients et d’identifier des biomarqueurs spécifiques aidant au diagnostic, mais également des biomarqueurs prédictifs de réponse au traitement ou de trajectoire naturelle. ■ Ces approches à haut débit sont génératrices de grandes quantités de données, dont l’intégration (approches « multi-omics ») et l’interprétation via des analyses statistiques et modèles mathématiques sophistiqués, en regard de la clinique, restent un vrai challenge. ■

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

Introduction Le diagnostic reposant sur le dosage des IgE et les tests cutanés, bien qu’essentiel, a une valeur prédictive limitée. Une «  médecine personnalisée » nécessite la définition précise du phénotype clinique mais aussi de l’endotype du patient. En effet, les maladies allergiques regroupent un large éventail de phénotypes, et un même phénotype peut présenter une large variabilité interindividuelle car : ■ un même phénotype clinique peut regrouper différents mécanismes et acteurs physiopathologiques, ou endotypes ; ■ chaque endotype est défini par une signature biologique spécifique. La définition des endotypes nécessite une approche globale (ou holistique), non ciblée, permettant d’analyser les acteurs moléculaires et cellulaires impliqués dans la pathologie sans a priori, d’apprécier comment ces facteurs interagissent à différents niveaux moléculaires, ceci dans un environnement donné. De telles analyses sont désormais envisageables par la combinaison d’approches « omics » qui peuvent permettre de générer de nouvelles hypothèses mécanistiques et identifier des « biomarqueurs » spécifiques.

Que sont les « omics » ? Les «  omics » reposent sur la mise en œuvre de techniques à haut-débit pour analyser un ensemble de molécules dans un des grands domaines de la biologie (tableau 26.1) [1] : ces approches vont permettre de définir les endotypes à différentes échelles, depuis l’ADN jusqu’aux microbiotes avec lesquels nous interagissons, ceci dans un « environnement » donné qui sera approché par l’analyse « exposomique ». Les analyses à haut débit bénéficient largement des avancées technologiques dans différents domaines (miniaturisation, vitesse d’acquisitions de données, traitement du signal, stockage, etc.), permettant désormais des analyses en quelques heures à des coûts « raisonnables ». Chacune de ces approches génère un grand nombre de données (big data) : la bio-informatique peut être considérée comme l’étape ultime et incontournable de ces approches « omics ».

Une approche intégrée de la complexité du vivant L’étude du génome consiste en l’analyse de la combinaison de 4 bases nucléotidiques, la protéomique en celle de 20 acides aminés. Le degré de complexité augmente avec la métabolomique : on estime que plus de 100 000 métabolites sont détectables à un instant T chez un individu, résultat de l’expression finale de ses gènes dans un environnement et dans un état physiopathologique donné. La présence de ces métabolites résulte également

Omics

Tableau 26.1. Les champs des « omics » (d’après [1]). « Omic »

Éléments analysés

Génomique

Séquence des gènes et variabilité génétique (variants, mutations)

Épigénomique

Modifications influençant l’expression des gènes sans en modifier la séquence (méthylation de l’ADN, modification des histones, micro-ARN, etc.)

Transcriptomique

Ensemble des ARN résultant de l’expression des gènes

Protéomique

Ensemble des protéines et peptides produits ou modifiés au sein d’un organisme (mais aussi analyse des allergènes et de leurs épitopes : « allergénomique »)

Métabolomique

Ensemble des métabolites (molécules de poids moléculaire   100), limitant la découverte de « faux positifs liés aux hasards » du fait de la quantité de données entrées bien supérieures au nombre d’individus. Une cohorte de « découverte » et une cohorte de « validation », indépendante de la première, valideront les signatures biologiques identifiées pour chaque phénotype clinique.

« Omics » et allergie L’apport des approches omics pour différentes maladies allergiques a été récemment revu par différents auteurs (par exemple [2]), soulignant l’intérêt de : ■ la génomique telle que les analyses GWAS (Genome-Wide Association Study) dans la prédiction de l’asthme, de ses exacerbations et de la réponse au traitement ou pour la mise en évidence des loci partagés par différentes maladies allergiques ; ■ l’épigénétique pour obtenir un marqueur de l’acquisition de la tolérance ou de désensibilisation dans le cadre de l’allergie alimentaire ;

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Vers une prise en charge globale et personnalisée

la transcriptomique dans le contexte de la dermatite atopique ou de l’œsophagite à éosinophiles, permettant à la fois de mieux comprendre ces pathologies et de proposer des outils d’aide au diagnostic ; ■ la protéomique, par exemple dans l’asthme et la dermatite atopique ; ■ la métabolomique, une discipline relativement récente qui peut révéler de façon intégrée les voies altérées par des pathologies complexes. ■

Focus sur métabolomique et allergie La métabolomique est l’analyse qualitative/semi-quantitative, non sélective, de l’ensemble des métabolites (composés organiques