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Zitiervorschau

HERVÉ BIJU-DUVAL - CYRIL DELHAY Illustrations de MICHEL HULIN

CONVAINCRE, NÉGOCIER, S'AFFIRMER AU QUOTIDIEN

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Groupe Eyrolles 61, bd Saint-Germain 75240 PARIS Cedex 05 www.editions-eyrolles.com

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En application de la loi du 11mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans l'autorisation de l'Éditeur ou du Centre Français d'exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands­ Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2011 ISBN: 978-2-212-55186-0

Hervé Biju-Duval et Cyril Delhay Illustrations de Michel Hulin

Tous orateurs !

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EYROLLES

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Som maire Introduction PARTIE 1

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LES 20 FONDAMENTAUX DE LA PRISE DE PAROLE

Chapitre 1

-

Avant de parler

Parler... aux autres Se préparer

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Trouver sa voix et passer la rampe Paroles de Nicolas Le Riche

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25 34

Se concentrer et se rendre disponible

Paroles d'Hélène Dupont

20

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Rythmer et rendre vivante son intervention

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•.•.•.•.•.••.•••••••••.••••••••••••••••.••.

Respecter la contrainte du temps

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3

15

Faire parler le non-verbal

-

1

.............................................•.................

Préparer un texte : le pouvoir du verbe

Chapitre 2

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•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••

Se poser les six questions incontournables

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IX

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51 57

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64

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Au moment de parler

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70 73

Faire du stress un allié en prenant appui sur son corps. 74 Le premier pilier de la prise de parole : s'ancrer dans le sol

82

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Le deuxième pilier : tenir sa verticalité

86

••••••••••.•••••••.•••.

Le troisième pilier : avoir une respiration pleine

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Le quatrième pilier : poser un regard assuré et précis Le cinquième pilier : habiter les silences

V

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90 95 98

Tous orateurs !

Paroles de Juan Carlos Tajes, Jorge Parente, Paul Vialard Paroles d'Alain Souchon

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108

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Chapitre 3 Avant, pendant, après : à chacun son charisme -

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Savoir écouter un interlocuteur Être à L'écoute de L'auditoire

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112

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Préparer La première et La dernière impression Être engagé dans sa prise de parole

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119

123 133

Cultiver son indépendance d'esprit et partager des valeurs

Paroles de Jean-Michel Jarre

20 SITUATIONS PASSEES A LA LOUPE

Chapitre 1

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Parler à La tribune

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Participer à un débat

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Débattre Lors d'une table ronde Paroles d'Anne Roumanoff

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Paroles de Christian Boiron -

150

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Animer différents types de réunions

Chapitre 2

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147

...

Parler face aux autres

Parler en face à face V) Q)

144

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-

140

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Paroles de Jean-Claude Le Grand PARTIE 2

13 7

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Parler juste dans chaque situation

•.•.•.•••.•

Se présenter

......•.•.•.•.••.•.•.•.•.•.•.••.•.•.•.•.....•..............•

154 159 167 172 176 179 183

184

Séduire, convaincre ou contraindre : mobiliser pour L'action

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VI

187

Som maire

Vendre un produit ou un service

••••••••••••••.••.•.•••.•.•.•••

Aider, donner des conseils, demander conseil Féliciter

...... .............. ................. ......... .... .. ....... ...... .

Faire des reproches

•••••••••••••••••••••••••••••••.•.••••••.•••••••.•

Faire parler ses émotions

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Parler en situation de crise Négocier

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.................................................................

Paroles de Jean-Pierre Mignard Paroles de François Potier

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Chapitre 3 - Parler aux médias

••••••••••••••••••••••••••••••••••••

Répondre à une interview pour La presse Parler à La radio et passer à La télé Paroles d'Ali Baddou

Les auteurs

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Bibliographie Index

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Remerciements

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Paroles de Catherine Malaval

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VII

190 194 197 200 203 208 213 219 224 227 228 241 246 250 255 25 7 261 265

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Introduction Parler, c'est s'exposer. Ce livre est destiné à tous ceux qui sou­ haitent progresser vite dans leur prise de parole . Les règles fon­ damentales pour parler en public existent ; les méthodes pour développer ses capacités oratoires aussi. Elles sont vitales dans la vie étudiante, professionnelle et sociale. Maîtrisées, elles peuvent favoriser bien des succès lors des examens universitaires et lors de ces examens de tous les jours que sont les prises de parole en milieu professionnel. Pourquoi tant d'étudiants et de professionnels se trouvent-ils dé­ munis pour prendre la parole en public ? Parce que l'enseigne­ ment de la prise de parole est ignoré dans le système éducatif français . À tel point que l'école républicaine a établi dans ses ob­ jectifs fondamentaux « savoir lire, écrire et compter » , mais non « parler en public » . On préfère l'élève écoutant docilement la pa­ role du maître et absorbant les savoirs plutôt que celui qui débat et affronte l'écoute et le regard des autres. Le pouvoir de la parole, pourtant si nécessaire, a bien du mal à se partager. V) Q)

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robjet de ce livre est de démontrer que l'art oratoire n'est pas un privilège de naissance . Chacun, à condition de le vouloir et de tra­ vailler, peut devenir un bon orateur. Avec de la méthode, chacun peut trouver la confiance en lui et doit être capable de parler dix minutes sans micro devant une assemblée de 100 personnes, en étant compris et en tenant son auditoire en haleine. Cet ouvrage est le fruit de plusieurs centaines de séminaires et séances d'accompagnement de dirigeants et de managers en milieu professionnel depuis plus de vingt ans et d'un enseigne­ ment sur les fondamentaux de la pratique oratoire, développé à Sciences-Po depuis dix ans. Cet enseignement a pour objectif de

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Tous orateurs !

permettre à chacun de déployer l'orateur qui est en lui. Il prend la forme d'un séminaire-atelier où chacun travaille concrètement sur lui-même et peut constater les progrès qu'il accomplit. [ exigence pratique de cette pédagogie se retrouve dans l'organisation de ce livre qui, une fois les fondamentaux énoncés , fait la part belle aux points de méthode et d'entraînement et à l'analyse des mises en situation.

La première partie de l'ouvrage est consacrée aux fondamentaux, c'est-à-dire aux 20 principes qu'il faut connaître . Pour chaque chapitre, l'essentiel à savoir est expliqué en introduction. Des encadrés et des exemples historiques montrent des cas d'appli­ cation utiles pour comprendre jusqu'où peuvent aller les enjeux concrets . Pour chaque thème abordé, des points de méthode et des exercices d'entraînement sélectionnés pour leur simplicité et leur efficacité sont proposés. Les chapitres sur les 20 principes fondamentaux à connaître ont été conçus comme des fiches. Ils peuvent se lire l'un à la suite de l'autre comme indépendamment les uns des autres , en fonction V) Q)

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des besoins ressentis par le lecteur. Ils sont regroupés ainsi : 1 . ce qui concerne la préparation, 2.

«

Avant de parler » ;

ce qui est au cœur de l'action oratoire ,

«

Au moment de

parler » ; 3 . ce qui correspond à un travail personnel de longue ha­ leine,

«

Avant, pendant, après

».

La prise de parole en public met chacun au pied du mur. La se­ conde partie de l'ouvrage détaille et analyse 20 situations de la

X

Introduction

vie professionnelle et sociale. Parler à la tribune ou en face à face, féliciter ou faire des reproches, négocier, animer une réunion, ré­ pondre à une interview . . . , autant de cas courants qui peuvent fonctionner comme des pièges aux conséquences redoutables. Les auteurs ont souhaité donner au lecteur les repères et les outils indispensables pour éviter les chausse-trapes de chacune de ces prises de parole et rendre accessibles les techniques éprouvées. La seconde partie prolonge ainsi la première en allant encore plus loin dans l'analyse du concret. Dans l'art oratoire, tout se travaille ! Tout est possible pour qui est prêt à s'entraîner. Les principes à connaître sont des fondations pour ceux qui veulent construire sur du solide. Les principes et les conseils ne sont pas des recettes. C'est ensuite à chacun de développer son art singulier, de personnaliser ses méthodes, car parler, c'est aussi gouverner, c'est-à-dire orienter. Les auteurs ont interviewé en exclusivité pour cet ouvrage une vingtaine de personnalités. Douze entretiens plus intimement liés au propos du livre y ont été insérés afin que le lecteur puisse en apprécier le cheminement particulier et la richesse . Les autres en­ V) Q)

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tretiens ont permis de nourrir de citations utiles, de réflexions et d'analyses de cas les différents chapitres. C'est le choix des auteurs de n'avoir pas seulement interrogé les

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professionnels les plus évidents de la prise de parole que sont

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des j ournalistes, des dirigeants d'entreprise ou des avocats. [art

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oratoire est avant toute chose un art de la scène. C'est aussi un art à la croisée de différents arts , celui du comédien bien sûr, mais aussi celui du chanteur, du mime, du compositeur, du danseur, de l'écrivain . . . Cette richesse est rarement saisie avec ses subtili­ tés. Pour en rendre compte, des artistes ont bien voulu partager leur réflexion sur l'art de parler, nourrie de leur pratique et de

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Tous orateurs !

leur œuvre. Le lecteur pourra ainsi bénéficier des analyses d'ar­ tistes aussi divers que le danseur étoile Nicolas Le Riche , le com­ positeur Jean-Michel Jarre, le chanteur Alain Souchon ou encore l'humoriste Anne Roumanoff . . . Les auteurs ont également souhaité associer à cet ouvrage l'équipe des enseignants avec laquelle ils partagent la responsabilité de cet enseignement à Sciences-Po . Les maîtres de conférences , tous di­ vers dans leurs parcours et chacun pointu dans ses domaines de recherches, développent ensemble une même vision pédagogique et enrichissent mutuellement leur pratique de l'enseignement. Ils ont bien voulu partager leur expérience et leur expertise trans­ mises dans l'ouvrage par des citations, des entretiens mais aussi des points de méthode jugés particulièrement nécessaires.

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Avant de parler... U ne p rise d e p a ro le se p ré p a re comme u n e é p re uve s p o rtive. O n p e u t s'y e n t raîn e r dès l' enfa nce, p a rfo i s sans m ê m e en a vo i r consc i e n ce. Le t e m ps d e p ré pa ration e st comme la partie i m m e r­ g é e d e l'i ceberg , o n ne la vo it pas, m a i s c ' est la p l u s i m po rta nte. Pré p a re r ne g a ra ntit pas la ré u ssite d e l' i nterve n t i o n o ra le . N e p a s p ré p a re r m a x i m i s e le risque d ' échec. O n ne cesse d e s e p ré­ pa re r tout au lo n g de la v i e et l'o n se c o n centre p o u r chaq u e i n ­ terve ntion ponctu elle, en b é néfic i a nt d es fo ndations constru ites s u r le long terme et des st rates d ' e x p é ri e nces accu m u lées. Po u r c h a q u e i ntervention o ra le, u n e pa rt d é c i sive d e la p ré pa ra t i o n passe par la conscience d e s o n corps, q u i est notre i nstru m e n t o ratoi re , et pa r la consc i e n ce des a u t res, q u i so nt la fina lité d e l' acte o rato i re. D e q u o i su rpre n d re n o t re tenda n ce à l' hype r - ra ­ V) Q)

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tiona lité q u i n o u s la i ssera it penser q u e l'ex pert ise st ricte m e n t i nte llect u elle s e suffirait à elle - m ê m e . Art d e la scène o ù l'a ct e u r ass u m e son p ro p re rô le, L a p a ro le est auss i l'e x p ression d e la p e n sée d e celui q u i pa rle. A i n s i , l' o ra t e u r est d é posita i re d ' u n e i m m e nse li bert é , être à la fo is l'a uteur, le com positeu r, le chef d 'o rc h estre et l' i nterprète de sa p a role . . . Et d ' u n i m m e nse p a ra ­ d oxe : lo rsque j e pa rle, l' a u t re écrit u n e pa rtie d e la p a rt i t i o n .

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Parler ... aux autres « La parole est à moitié à celui qui écoute, et à moitié à celui qui parle.

»

Montaigne

Le prem ier objectif lorsq ue je pa rle est l'aut re. Le schéma classique de la commu n i cation - u n émetteu r qui émet, un récepteur qui reçoit et refo rmule - est fondamental. Il éta blit cla i rement l' i m portance de l'autre dans la co m m u n ication. Une fo is cela énoncé, commence la difficulté. C 'est parce que l'autre est le premier objectif de ma prise de parole q u ' i l s'agit d ' u n a rt et d'une pratique personne lle à constru i re et à affiner au fil du temps. Schéma de La communication, émetteur-récepteur

Contexte: Con notation

Champ d"expérience

Champ d"expérience du récepteur

de l'émetteur

Ém etteur

Message Medium

Récepteur

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Dénotation

Savoir ce que l'on veut dire, ce que l'autre entend, ce qu'il met en œuvre ... Ce schéma de la communication peut aussi faire des ravages si l'on en fait une lecture simpliste . Le statut du récepteur peut en effet fonctionner comme un piège. tautre n'aurait pour fonction que de recevoir ou d'écouter. On a pu dire de ce schéma qu'il était télégraphique au sens où le message irait d'un point vers un autre, ou balistique au sens où l'on envoie une balle vers quelqu'un ! La

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chapitre 1 Avant de parler . . .

communication ne se ferait que dans un sens. On croit maîtriser la chose, et on ne maîtrise rien. Si c'était si simple, la communication serait sans faille. Les ratés de la communication font partie de la communication. On n'imagine pas une course de haies sans haies ; il ne faut pas davantage concevoir la communication sans ses risques et ses la­ cunes. Une bonne communication commence par la conscience des risques, des ratés inhérents à toute prise de parole ! « Les ma­ lentendus sont la chose du monde la mieux partagée. » Le premier point de difficulté réside bien dans l'interprétation du message par le récepteur, sachant qu'il peut il y avoir différence d'interprétation . . . ou divergence d'intérêt. Les expressions du type : « Vous voyez ce que je veux dire », « C'est pourtant simple ! », « Moi, j e me comprends», surgissent d'autant plus facilement dans une discussion que l'on ne se sent pas clair et lorsqu'on devine que l'autre ne comprend pas ce que l'on voudrait qu'il comprenne et n'est pas sur la même longueur d'onde. Elles sont le signe d'une approximation dans l'échange, d'une écoute seulement partielle, de la part de l'émetteur, de ce V) Q)

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qui se passe en l'autre. Une étape plus loin, le « schéma des pertes» aide à visualiser les insuffisances liées à toute situation de communication. Il rappelle qu'une bonne communication n'est pas innée , que cela se tra­

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vaille et demande une vigilance constante. Ce schéma se présente de la manière suivante :

ce que j� vqudra.is dire ce que Je dis vraiment ce que l'autre entend ce qu'il perçoit ce qu'il retient

ce qu'il met en œuvre

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

De la parole de l'émetteur j usqu'à la mise en œuvre par le récep­ teur, le destinataire peut fréquemment ne retenir que 1 0 % de ce qui a été dit initialement . . . Le regard de Michel

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chapitre 1 Avant de parler . . .

Partager Communiquer, c'est partager. [intelligence de ce que le récepteur perçoit ou pourrait percevoir, c'est tout le travail de pédagogie, d'attention à l'autre, inhérent à l'échange, à l'enseignement, à l'ap­ prentissage, au dialogue, à la transmission de consignes, bref à la communication. [orateur gagne ainsi à avoir le schéma des pertes à l'esprit et ne pas perdre de vue que la communication se fait à trois niveaux : • •

celui du contenu, c'est-à-dire le message échangé ; celui de la relation et de son contexte ; la relation avec le ou les auditeurs peut avoir une influence positive ou négative sur la communication ; le contexte, le lieu et la fonction d'où je parle sont eux-mêmes porteurs de signe et de sens ;



celui de l 'interprétation par le récepteur.

La vision du schéma émetteur-récepteur est infiniment plus sub­ tile qu'il n'y paraît au premier abord. À une vision télégraphique de ce schéma, due à des ingénieurs télégraphes américains dans les années 1 940, succède une conception circulaire où les no­ tions d'interprétation, de rétroaction ou feed-back deviennent V) Q)

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décisives. La prise de parole est faite non seulement des mots qu'on pro­ nonce, mais également des messages non verbaux émis par l'émetteur et le récepteur pendant la communication verbale. Elle est faite aussi de ce que l'autre reçoit, perçoit et retient. Les questions à se poser Il est ainsi utile de se poser les questions suivantes

les six questions incontournables», p. W

:

(cf. Se poser «



dans quel état d'esprit la prise de parole est-elle attendue ?



quel est le contexte de mon intervention : favorable, défavorable,

7

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

indifférent ? Quelles interventions ont précédé ? Lesquelles .

suivront 7... . . •

à quel moment aura-t-elle lieu : le matin à 8 heures, avec des per­ sonnes inégalement réveillées, arrivant en retard ; à 12 heures, avant la pause déjeuner, avec des auditeurs qui seront en hy­ poglycémie ; à 1 5 heures, au moment du coup de barre de la digestion ; à 1 7 heures, quand le cerveau regagne en attention ?



quelle sera sa durée : 2 minutes, 10 minutes, 1 heure ?



dans quel espace ? dans quel lieu ? Une salle polyvalente mal éclairée, le salon feutré d'un cinq étoiles, un grand amphi­ théâtre ? Une place publique ?



quelle est la configuration du lieu ? Une salle vaste ou resser­ rée ? Pleine, à moitié vide ou vide ? Quelle est ma place par rapport à celle de l'auditoire : suis-j e sur une tribune ? Assis au même niveau ? Suis-j e visible par tous ? audible par tous ?

(cf « Être à l'écoute de l'auditoire», p. rn •

quel est le décor du lieu et son éclairage. En une formule , les mots que j 'emploie mais aussi tout ce qui est en dehors des mots, le non-verbal (cf« Faire parler le non-verbal», p.�, a son importance!

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qu'a-t-on retenu de mon intervention? Quels commentaires en a-t-on fait ?

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La conception c i rc u laire d e la co m m u n i cat i o n se nou rrit d u rôle dyn a m i q u e d ésormais d évolu à celui q u i n'était considéré q u e c o m m e u n réc e pteu r passif. C ' est la g é n é ration Web 2 . 0: le ré­ cepte u r est aussi é m ett e u r. S u r le We b, le réce pte u r i nte rvi e nt , poste d es co m m e ntai res, s o u s fo rme d ' i mages e t d e textes q u e l'é m ett e u r est à son tou r amené à p re n d re e n com pte . 8

chapitre 1 Avant de parler

.•.

Les évolutions récentes d es no uvelles tec h n o lo gies perm et­ tent de retro uver la règ le a ncie n n e de l'indispensable inte rac­ tion avec l'a u d itoire o u les inte rlocuteurs. Règ le que con n ais­ sent bien les o rate u rs d e p uis l'Antiq uité ou l' en seig nant d a n s sa c lasse. Si les tech n o lo gies de l'info rmation et du n u m e r i q u e s u s c i ­ tent dava ntage d e no uvelles i nteractions socia les, c e n ' est pas pa rce q u ' elles sont mobilisées pa r celui qui pa rle , q u ' elles ga­ ra ntissent une bonne intera ctio n . L' u sage du m i c ro, d u télé­ p h o ne, d e la visioco nfé re n ce , d u N et o u plus sim p le ment d ' u n dia p o rama sont u n tombeau à l' o ra l p o u r celui q u i s'e n s e rt sans d iscern e m e nt. Le regard de Michel ,

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le moment oratoire se construit non seulement avec l'autre pour obj ectif mais aussi avec les autres. Même si le texte initial est composé par l'orateur, il n'est pas l'objectif. Ce qui compte, c'est le texte au moment où il est énoncé , et ceux qui l'écoutent, les autres, participent à l'écriture de ce texte-là. Iorateur et son pu­ blic constituent un tout organique. Être disponible aux autres tout au long du moment oratoire im­ plique la nécessité de préparer avant et de travailler l'attention à la fois au contenu et à l'auditoire.

�-- D e La d ifficulté d e parler à un plus petit q u e soi U n e co nve rsat i o n captée s u r l e ca n a l

106,

fré q u e nce des se­

co u rs maritimes de la côte fi n istè re [Ga lice] entre d es G a l i c i e n s e t d es N o rd-Am é rica i n s l e

16

octobre

1997.

G a l i c i e n s [ b r u i t de fo n d ] : Ici le A-853, merci de bien vo uloir dé­ vier votre trajectoire de 15 degrés a u Sud pour éviter d 'entrer en co llision a vec nous. Vous a rrivez directement sur nous à une distance de 25 milles nautiques.

Am é ri ca i n s : Nous vous recommandons de dévier vous -même V) Q)

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votre trajectoire de 15 degrés Nord pour éviter la collis ion.

G a l i c i e n s : Négati f ! Nous répétons : déviez votre trajectoire de 15 degrés Sud pour éviter la collision.

Am é ri ca i n s [ u n e voi x d i ffé rente d e la p récéde nte]

:

Ici le ca­

pitaine ! Le capitaine d 'un navire des É tats- Unis d 'Amérique . Nous insistons, déviez votre trajectoire de 15 degrés Nord pour éviter la collision.

G a l i c i e n s : Négatif ! Nous ne pensons pas que cette alterna­ tive puisse convenir, nous vous suggérons donc de dévier votre trajectoire de 15 degrés Sud pour éviter la collis ion.

Am é ri ca i n s [vo i x i rritée]

:

Ici le capitaine Richard James

10

chapitre 1 Avant de parler . . .

Howard, au comma ndemen t du porte-avions U SS Lincoln, de la Marine nationale des États-Unis d 'Amériq ue, le second plus gra n d navire de guerre de la flotte américaine. Nous sommes escortés par 2 cuirassiers, 6 destroyers, 5 croiseurs, 4 s o us­ marins et de n ombre uses embarcations d'appui. Nous n o us dirigeons vers les eaux du golfe Pe rsique po u r préparer les manœuvres militaires en prévision d 'une éventuelle offensive ira kienne. Nous ne vous s uggérons pas, n o us vous ordonnons de dévier votre route de 15 degrés Nord. Dans le cas con tra ire n o us nous verrions obligés de prendre les mes ures qui s'im­ pose n t pour garan tir la sécurité de cette flotte et de la force de cette coa lition. Vous appartenez à u n pays allié, membre de l'OTAN et de cette coalition, s 'il vous plaît obéissez immédiate­ ment et sortez de votre trajectoire.

Galicie ns

:

C 'est Juan Ma nuel Salas Alcanta ra qui vous parle,

n o us sommes deux personnes, n o us sommes escortés pa r notre chien, par notre n o u rriture, deux bières et u n ca nari qui est actuellemen t en train de dormir. Nous avons l'appui de la radio de La Corogne et du canal 106 times V) Q)

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».

«

Urgences mari­

Nous ne n o us dirigeons nulle part, da ns la mes ure

où n o us vous parlons depuis la terre ferme. Nous sommes dans le phare A-853, au finistère de la côte de Galice. Nous n ·avons pas la moindre idée de la position que nous occupons au classement des phares espagn o ls . Vous pouvez prendre toutes les mesu res que vous considérez opportunes car n o us vous laissons Le soin de gara n tir la sécu rité de vo tre flotte qui va s e ramasser la gueule contre les rochers ! C 'est pour cela que nous insistons à nouveau et vous rappelons que le mieux à faire, le plus logique et le pl us ra isonna ble s erait que vous obéissiez. Déviez votre trajectoire de 15 degrés au Sud pour éviter de nous rentrer dedans !

Am é ricains ( a p rès u n sile nce]

:

Bien reçu, merci.

11

»

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Vra i o u pas? Cette h i st o i re tei ntée d ' a n t i - a m é r i c a n i s m e fa i t le to u r d u m o n d e s u r le We b d e p u i s p l u s i e u rs a n n ées. À l' o ri gi ne, i l s'ag issa it sans doute d ' u n e blag u e q u i a u rait d o n n é l i e u à u n f i l m p u b l i c i ta i re , p u i s a u ra it été t ra n scrite s u r la To i le e t a lo rs p résentée

«

co m m e u n e co nversatio n réelle

»,

sans q u e les

i nterna utes sachent dès lo rs d isti n g u e r le vra i d u ca n u la r ...

Méthode 1 . Avant une intervention, je pense à tout ce qui va faire signe lorsque je parlerai. j'en note la liste sur une feuille . 2.

Je mémorise mon intervention pour être disponible à

l'auditoire. Les Latins appelaient cela

Memoria.

Iobjectif n'est pas de réciter

ensuite son discours, mais d'être suffisamment libéré de son texte pour être présent à l'auditoire le moment venu . Deux méthodes : •

mémoriser les idées. D'abord le début et la fin. Cela va tou­ j ours mieux quand on sait où l'on veut aller . . . Puis apprendre les idées force, avec leurs exemples et les transitions entre les idées force . Il faut attacher une attention particulière aux tran­

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sitions si souvent négligées. Qu'est-ce que qui me fait passer d'une idée à l'autre ? Le rôle des transitions est aussi important dans un discours que celui des articulations dans le corps hu­ main. Une astuce : quand on a du mal à se souvenir d'un texte, c'est souvent parce que ses transitions ne sont pas bonnes ; c'est à prendre en compte comme un symptôme. Ne pas hési­ ter alors à revoir sa structure ; une fois que j 'ai mémorisé mon texte , je peux réaliser une fiche aide-mémoire avec mots clés, idées force, exemples et transition. Je ne prendrai la peine de rédiger que l'introduction (pour être sûr de mon début) et la conclusion (pour finir comme je le veux) ; 12

chapitre 1 Avant de parler . . .



visualiser son discours sous la forme du plan de son apparte­ ment ou de sa maison (très utile pour ceux qui ont une mé­ moire visuelle) . C'est une technique qui remonte à plus de deux mille ans l Ainsi, par exemple, l'entrée devient l'intro­ duction, la cuisine à droite, la première partie, le séjour, la partie principale et ainsi de suite . . .

3.

Tirer les leçons d'un discours pour la fois suivante : la prépara­

tion est continue l Le feed-back : après une allocution , je me remémore mentalement les différentes réactions de la salle , en distinguant les différents moments. je les note. je peux m'aider au besoin en interrogeant des participants . je suis vigilant : c'est la réponse reçue ou l'action effectuée qui donne son sens à la communication. La communication est réus­ sie lorsqu'elle a produit un impact, un effet correspondant à ce que l'on souhaitait.

Lors q u e j e pa rle à des i nte rlocute u rs et q u e j e d o n ne des i n d i ­ V) Q)

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cat i o n s , j e vei lle à ce q u ' i ls refo r m u le n t ce q u e j ' a i é n o n c é avec d ' a utres mots q u e ceux q u e j ' a i e m p loyés. Réc i p roq u e m e nt, lors q u ' o n me d e m a nde q u e l q u e chose, je vei lle à refo rm u le r avec mes p ro p res mots ce q u i m'a été p rescrit, a u b e s o i n en a p porta nt m o n p ro p re c o m p l é m e n t d ' i nformat i o n . Pourq u o i l a refo rm u lation est- elle d iffic i le ? A u - d e là d u « c'est p o u rtant s i m ple » p roche d u n iveau zéro d e la co m m u n i ca ­ t i o n , s i l' o n rec h i g n e souvent à fa i re refo rm u le r d a n s Le dé­ tail, c' est soit p a rce q u 'o n est d a n s l' u rg e nce, soit p a rce q u e

13

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

l' on ne conçoit pas co m b ien la co m m u n i cation est u n t rava i l permanent d e ti ssa g e et d e m a i lla g e , soit enco re p o u r ne pas b lesser l' a utre

: «

Il va mal le p re n d re de devo i r refo r m u le r

d e s consignes s i m p les » , ou

«

i l va considére r q u 'on le sous­

esti m e , q u ' o n n e lui fa it pas confiance . . . » I l est d o n c i m po rtant, a u s e i n d e tout b i n ô m e , é q u i pe ou g ro u p e q u i a u ra à co m m u n i q u e r et à trava i lle r ensemble, d'a ntici p e r, c'est-à - d i re d ' évoq u e r à f ro i d , ava nt q u e cela ne se p rod u i se, le fa i t q u e l' on va p ra t i q u e r la refo rm u lation et d o nc d e m a n d e r a u réce pte u r d e red i re avec ses mots e t dans l e déta i l c e q u i l u i a été tra n s m i s. Cela s i g n ifie q u e ce q u e d i t l' émette u r n 'est pas coulé d a n s le b ro n ze de sa se u le co m p ré he n s i o n . S e u l com pte ce q u e l' autre reçoit, perçoit et, le cas é c h éa nt, met en œuvre. La ca rte n ' est pas le te rrito i re : p o u r l' u n , les c h oses peuvent pa raître c la i res; p o u r l'a u t re , i l peut en a lle r d iffé re m m e nt.

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14

chapitre 1 Avant de parler

.•.

Se préparer « Mes meilleures improvisations sont celles que j'ai Le plus Longuement préparé es.

»

W i n ston Churchill

Comme Le p remier obj ectif est L'aut re , se p réparer sign ifie se re n d re d isponi ble à L'autre et a nticiper Le moment de La prise de pa role. C ' est pe nser à tout ce qui pou rra contri buer au succès de L' i ntervention ora le. C 'est aussi , s u r Le Lo ng terme, va i n cre ses peurs éve ntuelles et t rava i ller sur so i . C ' est encore se nourrir des expéri ences, des re ncontres, des Lectu res q u i vo nt être Le te rreau de ses prises de pa roles. Le regard de M i chel

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Se rendre disponible En préparant et en me préparant, je me rends disponible au mo­ ment oratoire. Je maîtrise ce qu'il y a d'imposé dans le parcours. Cela me permet d'être disponible pour des figures libres et pour l'auditoire. Ainsi, je peux être dans le même instant que l'audi­ toire . Je suis disposé à ce que ceux qui m'écoutent participent à l'écriture de la partition de mon intervention. En me rendant disponible, je sors de ma bulle pour former un tout organique (cf.

« Parler. . . aux autres», p.�. Parce que je me suis préparé , je peux m'investir dans la relation qui fait la qualité du moment oratoire .

no---• U n demi-so urire pour une photo historique Vo i c i comment Geo rg e Ste p h a n o p o u los, alors consei ller d u

1

Président a m é ri ca i n B i ll Clinton, re late1 c o m m e n t le c hef d e l' État a m é r i ca i n et l u i ont p ré p a ré e n

1992

la s i g n a t u re

d u traité h i stori q u e e nt re le c h ef d e l'Autorité palest i n i e n ne, Ya sser Arafat, et le Pre m i e r m i n i st re i s ra é l i e n , Yitz h a k Ra b i n : «

Sa m e d i mati n , nous avo ns fa it u n e ré pétition d e la p o i g n é e

d e m a i n . C e n ' était q u ' u n tou r d e cha uffe ; q u a t re types a u t o u r V) Q)

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d e m o n b u re a u , e n t ra i n d e s e d e m a n d e r c o m m e n t chorég ra ­ p h i e r c e ta n g o politi q u e . Les s i g n a t u res ve n a i e n t e n p re m i e r, avec d e m u lt i p les exe m p la i res d u t ra ité, n écess itant a uta n t d e sig natures. P u i s le Présid e n t d eva it se t o u r n e r vers la g a u c h e e t se rrer l a m a i n d'Arafat; se t o u r n e r vers l a d ro ite p o u r se rrer celle de R a b i n ; re c u le r d'un d e m i - pa s , b ra s lég è re m e n t é ca r­ tés du corps, e n espérant q u 'Arafat et R a b i n se te n d ra i e n t la ma i n d eva n t l u i p o u r la p h oto de la déce n n i e . .

1. George Stephanopoulos, All

Little, Brown, 1 999, cité

.

»

Tao Human: A Political Education, par Peter Collett, The book of tells. 16

New York,

chapitre 1 Avant de parler . . .

c· est

bien d u mo uvement et de la place respective des corps dans

l'espace dont i l s'agit. Le m o i n d re s i g n e non verba l est pensé : « La derniè re c hose que j ' a i dite à Clinton, fut "Pensez à votre vi­ sage". Il était assez malin p o u r ne pas sourire à plei nes d ents au moment déterminant ; mais s' il surco m pensa it, il risquait d 'avoir l'a i r sinistre . . . Nous avons répété un sourire bouche fe rmée. » [...] Non sans contentement, l' a uteu r co nstate Le résu ltat d e sa p ré p a ration p o u r ce q u i va d eve n i r « la p h ot o d e la décen­ n ie » : « La céré m o n i e se d é ro u la co m m e d a ns u n rêve. Ra b i n s e m bla i t e ncore nerveux ; Arafat était encore e n extase ; e t a u m o ment c u l m i n a nt, C li nton p a ra i ssait p l u s p résidentiel q u e j a m a i s - calm e , assu ré e t e n ple i n contrô le d e la situation, t a n ­ d i s q u ' i l rec u la it d ' u n d e m i - pa s , d e m i-so u r i re e n place, e t l e u r la issait l a vo ie l i b re . La foule reti n t s o n souffle. P u i s Arafat et Ra b i n t e n d i re n t la m a i n l' u n vers l'a u t re , se se rrère n t la m a i n , e t l a fo u le la issa exploser s a j o i e . »

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Méthode Identifier ses points forts et ses points de progression Durant trois à dix minutes , s'enregistrer devant une caméra , sur un suj et qu'on se donne, une histoire qui nous est arrivée et que l'on raconte ou encore un exposé. Regarder ensuite la prestation et analyser, si possible avec un coach ou à défaut une personne de son entourage qui pourra apporter un re­

''À

Sciences-Po, je me souviens avoir

préparé des oraux avec des coachs.

gard extérieur et distan­

On s'entraînait en passant devant une

cié. Garder à l'esprit en

caméra, puis la vidéo était analysée. On

visionnant la prestation

pouvait se voir... A u début je ne voulais

que l'image amplifie les

pas y a l ler. Je me disais : "Tu fais du théâtre, tu n 'as pas besoin de t'en traîner

défauts et ne correspond

pour passer un oral..." J'ai commencé

pas à ce que l'auditeur

par un 6,5. Je me suis en traînée ... j'ai eu

voit dans le réel : elle

9,5.. Puis 14 . Oh non, c 'est trop 14, ça

propose un cadre par­

.

..

devait être 1 2, 5. . . {rires} 11 Anne Rou m a n o ff1

ticulier. Elle n'est donc

qu'un outil, et plus une loupe qu'un miroir. Inutile donc de se faire peur en se regardant et en se disant « qu'on est nul ». ui Q)

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Se poser les bonnes questions

'' J 'étais super timide. Pendant mes études,

Quels sont les moments

complètement idiot, tu vas passer à côté

forts

l'interven-

de ta vie... " Pour vaincre la timidité, il

tion ? Quels sont ceux

faut faire un boulot, manier l 'émotion.

de

(cf Rythmer et rendre vivante son intervention où l'on décroche ? «

p.

li]).

»,

il y a eu un déclic. Je me suis dis: "C'est

A ujourd 'hui, je parle sans pro b lème et je suis meilleur que bien des collègues non timides, parce que, ayant conscience de ma timidité, j 'ai bossé dix fois plus qu 'eux. 11

J e a n - C la u d e Le Gra nd

1. Cf. en fin d'ouvrage une brève présentation des personnes interviewées.

18

chapitre 1 Avant de parler . . .

Le propos est-il toujours clair ? audible ? (cf.

«

Trouver sa voix et

passer Ia rampe>>, p. � Est-ce que je sais toujours ce que je veux dire ? Y a-t-il des mots parasites (bah, euh, donc, voilà, en fait, traînantes incontrôlées sur les syllabes . . . ) ? La présence physique est-elle engagée ?

(cf.

«

Être engagé dans

sa prise de parole», p. ID Ai-je une bonne verticalité ? une bonne connexion corporelle ? une bonne présence du regard ? (cf. Le quatrième pilier: poser un regard assuré et précis», p. �. «

Le regard de Michel

,

,

'

I � CHEes INVIT!S .... ... l)AllS" 1/11 SQJO. be COHf�61CE; Co/VtMG � tJAi Pitt P«P1t((É bE J>is(O(JRS fbu� eotrtPtEKcEr� œ �t#J€ 14'Ai P11� fkiPAtet DE ReP11t � l\us !!...

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19

,

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Se poser les six questions incontournables « L'auteur est ce qui donne à l'inquiétant langage de la fiction, »

ses unités, ses nœuds de cohérence, son insertion dans le réel.

Michel Fouca u lt , L'Ordre du discours

Les qu estions incontourna bles sont celles auxquelles je dois systématiquement répo n d re sous peine de

manquer une

dimension importante de mon intervention. Le danger est de rester prison n i e r de son vécu et, fa ute de repères, de manquer sa com mun ication. Les questions i nco ntou rnables donnent à la fois une méthode pour parti r d ' u n ca d re précis et les outils pour discerner ce qui fa it que chaque intervention orale est différente d ' u n e a utre.

Avoir des questions pour boussole Se poser les bonnes ques­ tions , c'est une méthode V) Q)

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'' La première fois où je suis a l lé en Chine

pour faire un concert, après la mort de

simple pour, à la fois, ne

Mao, les discussions ont duré presque

nen

une année.

oublier

d'essentiel

dans le temps de la prépa­ ration et mettre à distance

une

À chaque réunion, il y avait

q uarantaine

de

Chinois.

Après

la pause, la réunion reprenait, mais ce n 'était plus les mêmes quarante

l'acte oratoire qui va avoir

Chinois ! Nous n 'avons jamais su qui

lieu. Cela permet de se dé­

avait pris la décision, côté chinois, mais

terminer, de se fixer des

nous n 'avons pas touché à leur honneur,

objectifs et de structurer

et personne n ·a perdu la face. 11 J e a n-Mic h e l Jarre

ce que l'on va dire. Cela

permet aussi de se préparer à être plus disponible à l'auditoire .

20

chapitre 1 Avant de parler . . .

Les questions incontournables sont au nombre de six : 1. Quoi? Mon message?

Qu'est-ce que j e veux leur dire ? Quel

est mon cœur de message ? 2. Est-ce que j e crois en ce que je dis ?

Suis-je convaincu par

ce que j e vais dire ? 3. Qui sont-ils ?

Quel type de public : seniors, j eunes, syndica­

listes, alliés, sceptiques, curieux, opposants, passifs, sans avis, déchirés, intransigeants, irréductibles . . . Où en sont-ils sur ce sujet que je vais aborder ? Que savent-ils ? Ont-ils besoin d'être rassurés, d'arguments , d'information . . . ? Quelle est l'impor­ tance de l'affaire en cours ? Quel sera l'état de mon auditoire au moment où j e prendrai la parole ? Quel sera leur état psy­ chique et physique au moment de mon intervention (début de journée, juste avant le repas, juste après . . . après plusieurs longues interventions . . . ) ? Quel est le degré de proximité que j e souhaite développer avec l'auditoire ? Quelles sont les at­ tentes de ceux qui m'écoutent ? 4. Quels sont mes objectifs ?

Qu'est-ce que j e souhaite qu'ils

gardent à l'esprit après mon intervention ? V) Q)

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S. Quelles sont les conditions techniques

de l'intervention

(éclairage , niveau sonore, espace) ? Y a-t-il un régisseur ou non ? De combien de temps est-ce que je dispose pour mon allocution ? 6. Quelle

est la forme de mon intervention. Top-down ?

Directif ? Participatif ? Interactif ? Y a-t-il un temps pour des questions après mon intervention initiale ? Quelles pourront­ elles être ? Quelle part de mon propos je souhaite garder pour le moment des questions ?

21

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

-------••

Jacq ues Chirac et les 83 jeu nes

Le flop du p résident C h i ra c lors d e l' é m ission té lévisée o rg a n i ­ sée le 1 4 avril

2005,

s u r T F 1 , face à 8 3 j e u n e s .

J a c q u es C h i ra c le u r ré pond :« J e n e co m p re n d s pas votre p e s ­ s i m isme . . . C e la me fa it d e l a p e i n e . . . » Les commenta i res d a n s les m é d i a s s o n t i m p laca b les sitôt l' i n ­ te rve ntion t e rm inée : « L e p rés i d e n t a p e rd u le contact avec u n e p a rtie de la p o p u la t i o n » , est - i l d it. On n ' a bo rd e pas d e la même m a n i è re un p u b l i c d e j e u nes, d e s e n i o rs, d e synd i c a l i stes . . .

Méthode Les six questions, c'est pour s'en servir. je les mémorise . Avant chaque intervention, je mets un mot de réponse en face de cha­ cune. Après l'intervention, j e me repose les six questions et vois si j 'y réponds comme avant. S'il y a écart, j 'en cherche les raisons et en tire les leçons pour la fois suivante. Évaluer les autres, c'est une façon d'apprendre. Lorsqu'un autre V) Q)

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intervient, je fais mentalement l'exercice à sa place et j'évalue son intervention orale à l'aune des six questions. Partir d 'une pa ge bla nche Pour bien répondre au

«

qui ? » . Les différences de culture ou de

sensibilité entre mes auditeurs et moi sont souvent sous-estimées. Il en va ainsi des différences culturelles liées à un pays d'origine qui, si elles ne revêtent pas la même importance d'un interlocuteur à l'autre, sont néanmoins à prendre en considération. Sans systé­ matiser ni verser dans le cliché socioculturel, ce n'est souvent pas la même chose que de parler à un interlocuteur américain, turc ou

22

chapitre 1 Avant de parler . . .

nippon, bavarois ou zambien . Il faut pouvoir faire abstraction de ses propres présupposés et questionner les codes culturels de l'autre. Il en va ainsi lors des négociations. Un Américain pourra avoir ten­ dance à aborder directement le sujet, au risque de paraître

'' Comment

ê tre

convaincant

?

Par le plus bref chemin. Il faut

brutal. Les peuples latins,

être le plus direct. Regarder

en France ou en Europe

son interlocuteur dans les yeux.

méditerranéenne, ont sou­

Quand on veut, on peut ... Il faut

vent l'habitude de prendre

s'en donner les moyens ! Pour

davantage de temps pour le

transmettre une passion, il faut utiliser des

contact initial, s'enquièrent

mots percutants,

avoir un discours efficace. ''

en premier lieu de la santé

M i m i e Mathy

ou de la situation person­ nelle de leur interlocuteur, prennent des détours, avant d'aborder le sujet. D'autres encore font de la qualité de cet échange initial - qui pourra durer des heures - l'essentiel de la rencontre et ne prendront plaisir à la négociation qu'en fonction de la qualité de l'échange interpersonnel initial. D'où l'importance de connaître les attentes de mon interlocuteur et les habitudes culturelles qui peuvent être liées à un pays d'origine, aux coutumes, aux pratiques religieuses, V) Q)

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à l'éducation . . . La

«

méthode de la page blanche » , c'est accepter

que ses propres codes culturels ne soient pas le seul référent, c'est être capable de les oublier, de partir d'une mieux aller vers l'autre.

23

«

page blanche » pour

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le regard de Michel

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24

chapitre 1 Avant de parler. . .

Préparer un texte : le pouvoir du verbe « A u commencement était l e verbe.

»

Jean l' É va ngé liste, /, 1

L.:enjeu est de pouvoir composer u n d iscours efficace en diverses c i rco nsta nces et de

mobi liser les matéri aux

nécessa i res

fac i lement. À cette f i n , chacun est amené à construire sa propre méthode a u fil de ses expériences. C ' est d i re s' i l s'agit de l'art de toute une vie. IL est des mots q u i touchent, d ' a utres qui laissent i n d ifférents ; il est des mots q u i réco n c i li e nt, d 'autres q u i tuent. Dès lors q ue l'on pa rle en p u blic, toute parole ne s'e nvole pas.

Préparer son discours en cinq étapes j'ai un discours à composer et j e ne sais trop par quoi commen­ cer ? Voici la méthode de préparation classique , en cinq étapes principales : 1 . trouver quoi dire. Cette étape se partage en deux moments. Dans un premier temps, je laisse fonctionner mon imaginaire V) Q)

de façon libre et sans autocensure. Dans un second temps, j e

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trie les idées qui me sont venues. Je précise ce que j e veux dire et ce qui est essentiel. Quel est mon message ? Quel est mon

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cœur de message ?

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2.

dans quel ordre le dire. Je compose mon discours, j'établis ses principaux moments et son architecture. Par quoi est-ce que j e veux commencer ? Finir ? Vais-je faire des détours et utiliser des digressions ou au contraire aller droit au but ?

3. trouver les mots pour le dire ; c'est la question du style qui dépend de ce que je veux dire, de comment je vais le dire et de l'auditoire ; 25

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

4 . mémoriser le discours, non pour pouvoir le réciter, mais pour s'en détacher et être disponible à l'auditoire ; S . mettre en action le discours, répéter les gestes, les intonations et le débit oratoire en envisageant parfois plusieurs options parmi lesquelles je choisirai en fonction de ce qui se passera dans l'auditoire au moment où je parle. r----•

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C o m m e dans tout a rt de la scè ne, i l s' a g it cepe n d a n t de fa i re o u ­ blier le t rava i l d e préparation : « J e pa sse s u r t o u t le la beur q u e m 'ava it coûté l a p répa rat i o n d u d i scou rs, e t s u r t o u s mes efforts pou r d i ssi m u le r ce t rava i l de p réparation

»,

confie-t-il d a n s sa

b i o g ra p h i e à p ropos de son pre m i e r d i sco u rs à la cham bre des com m u nes. I l vient d 'être élu député co nservateu r. Nous sommes en

1901.

I l a 2 6 ans : « I l m e falla it essayer de prévoi r la situation

et d 'avo i r e n réserve un certa i n n o m b re d e va ria ntes pour fa i re face à toute éventua lité. J 'a rrivai d o n c avec u n carq u ois re m p li de f lèches de tai lles et de modèles va riés, dont j ' espérais q u e certai nes a u m o i n s atte i n d ra i ent leu r c i ble1• 1. Churchill ,

My Early Life. 26

»

chapitre 1 Avant de parler . . .

C on naÎtre Le triple pouvoir des m ots Les mots possèdent un pouvoir de représentation et un pouvoir d'évocation. À ces deux notions de représentation et d'évocation correspondent les notions de dénotation et de connotation utili­ sées par les linguistes. La dénotation correspond à la relation première qui existe entre le mot et sa définition. Ainsi les mots vacances, congés, RTT, free

time,

week-end, loisirs dénotent tous la même réalité : ils repré­

sentent des moments de temps libre en dehors du temps de tra­ vail ; mais chacun d'eux a une connotation différente. Les mots ont une force poétique, au-delà du sens littéral. La connotation, c'est l'ensemble des évocations, des suggestions , des associations que véhicule un mot dans un contexte

mes frères humains. Je ne fais pas

reliées au vocabulaire sont

exprès. Je marche beaucoup pour

Les

multiples.

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

..._,

@

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

dire des choses qui coïncident avec

connotations

donné.

V) Q)

'' J'ai l'impression d 'avoir la chance de

On

peut

trouver des mots, les assembler,

dis­

pour qu 'ils aient un charm e . Il y a

tinguer plusieurs types de

aussi le plaisir d 'agencer des mots

connotations

qui vont avec des notes, le plaisir de

quelles

les

parmi

les­

faire, de trouver. 11

connotations

A la i n S o u c h o n

affectives, sensorielles, so­

cioculturelles, phantasmatiques, artistiques et littéraires. La com­ binaison des mots entre eux donne un rythme et une résonance musicale. Les mots mettent en mouvement l'imaginaire et l'affec­ tif. Le verbe est puissant ; il touche, émeut et fait rêver. Les mots peuvent aussi être action : « je vous déclare unis par les liens du mariage » , « affaire conclue » , « j e vous aime » . . .

27

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le regard d e Michel

,,

P a roles de paix, paroles de guerre

UJ (1)

0 '>­ w ...-i ...-i 0 N

@

.j.J ..c 0\ ï:::: >0. 0 u

Au- delà des m ots j ustes, i l y a les fo r m u les perc utantes, celles q u i sont susce ptibles d ' i m p ressi o n n e r la m é m o i re d u pu blic, q u i o n t u n e ve rtu m o b i lisatrice et pa rfois e n devi e n n e n t h i storiques

.

À d eux doigts d e La défaite, Les mots de La victoire C le m e n ceau est chef d u g o uve r n e m e n t fra nçais, n o u s s o m m e s le

8

m a rs

1918.

La s i t u a t i o n est extrê m e : la P re m i è re G u e rre

m o n d i a le d u re d e p u i s p rès de q u at re a n s et a fa it des m i ll i o n s de m o rts. La Russie, l'a lliée d ' h i e r , v i e nt d e s i g n e r c i n q j o u rs p l u s tôt u n e p a i x séparée avec l'Alle m a g n e . N o n se u le m e n t

28

chapitre 1 Avant de parler . . .

l' issue du co m bat reste i ncerta i n e , mais la situation s u r le fro n t se d é g ra d e de j o u r e n j o u r. C' est d a n s ce contexte q u e C le m enceau, a lo rs â g é d e 7 6 a n s, p re n d la paro le deva n t la C h a m b re des d é putés avec u n e é n e rg i e red o u ta b le : « [. ..] Le vainqueur est celui qui peut, un quart d 'heure de plus que l'adversaire, cro ire qu 'il n 'est pas va incu : voilà m a maxime de guerre, je n 'en ai pas d 'a u tre. [. ..] Mon rôle est de maintenir le m o ral du peuple français à travers une crise q u i est la pire de toute son histoire. [. ..] Ma politique é trangère e t ma politique intérieure, c 'est tout un. Politique in térieure, je fais la guerre : politique extérieure, je fais toujours la guerre. [. . .] La Russie nous trah it, je continue de faire la guerre. La malheu­ re use Rouman ie est obligée de capituler : je continue de faire la g uerre et je con tin uerai jusqu 'a u dernier quart d'heure. «

S'ils ont fai m , qu'ils broutent l' herbe

»

»

À l' i nve rse , i l est des form u les malh e u reu ses mais q u i p ro u ­ ve n t malgré elles la pu issance d u verbe. Nota m m e n t celle at­ t ri bu ée à Fou l o n , cont rô le u r g é n é ra l des fina nces, c ' est-à - d i re e n c h a rge de l' É conomie et des F i n a n ces d u roya u m e de Fra n ce, début j u i llet 1 789. Il a u ra i t dit de la fou le affa mée : « S ' i ls o n t V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

fa i m , q u ' i ls broutent l' h e rbe L . .l Pat i e n ce ! Que j e so is m i n istre, je leu r fera i manger d u foi n ; m es c heva u x e n m a n g e n t [...] » M a l l u i e n prit. Quelques j o u rs p l u s ta rd , la Basti lle tombe .

@

Fo u lo n se fa it passer p o u r mort m a i s est reco n n u et a rrêt é à

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Pa ris, u n e se m a i n e p lus t a rd , le

..._,

22

j u i l let. I l est t raîné d a n s la

rue par u n e fo u le furieuse et p e n d u à u n réve rbère . Sa tête est ens u ite t ra n c h é e et p o rtée en p rocess i o n d a n s Paris « liv i d e et du fo i n d a n s la bouche1

• • •

»

1. En revanche, la repartie attribuée à la reine Marie-Antoinette, qui aurait

dit à la même époque à l'intention des femmes du peuple, tout autant af­ famées

: «

Mais qu'on leur donne donc de la brioche !

faux historique.

29

»

est sans doute un

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Méthode Trouver qu oi dire Les grilles pour libérer la créativité . Sur un sujet donné , j 'applique des questions systématiques qui vont m'aider à sortir des rails

'' La langue de

de ma pensée et libérer

bois, c'est la peur de

l'imaginaire .

dire. Entre ce qu'on est oblig é de dire

et ce q u 'il est interdit de dire. il n 'y a

Classiquement

qui

7

plus beaucoup de marge pour dire

Quoi ? Où ? Quand

7

des choses sincères. Par prudence,

Comment ? Pourquoi ?

on se réfugie dans des généralités. C'est l 'indice d'un discours qui ne veut

Je peux aussi utiliser des

rien dire de compromettant, ne pas

questions qui n'ont

assumer ses choix. ''

priori pas grand-chose à

G u i l la u m e Perra u lt

a

voir avec le thème.

Par exemple, les cinq sens : sur un thème donné, quelles associa­ tions d'idées me viennent dans les domaines des cinq sens (tou­ cher, odorat, goût, écoute, vue) ? Ou encore les contraires. Si je dois parler :

V) Q)

e

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@



de la beauté, j 'évoquerai en contrepoint la laideur ;



des films en couleur, j'évoquerai en contrepoint les films en noir et blanc.

Le fait de parler des contraires permet souvent d'approfondir un thème et de renouveler les points de vue.

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

C omposer l 'architecture du texte, en partant de la contrainte temps Les p rincipaux moments du texte : le début, la captation de bien­ veillance, le cœur du message, le développement principal, les idées et leur argumentation, la conclusion.

30

chapitre 1 Avant de parler . . .

En fonction du temps total , attribuer un temps donné à chaque mo­ ment du discours . Par exemple pour un discours de sept minutes, deux minutes à l'introduction et à la captation de bienveillance, quatre minutes au cœur de message et au développement, une minute à la conclusion. Ch oisir la clarté avant les effets de style Je m'exerce à composer un texte avec

des

phrases

simples

et

courtes, avec une seule idée par

'' Quand

o n prépare, il ne fa ut

pas être seul. En ce qui me concerne, j 'a i besoin d'écrire,

phrase. Je relis avec deux pensées

pour me mettre les choses en

pour guide

Ce qui se conçoit

tête. Je regarde et construis

bien s'énonce clairement et les

le paysage général. Ensuite je

:

«

mots pour le dire arrivent aisé­ ment «

»

(Boileau ,

Ars Poetica)

et

:

Faisons aussi simple qu'on peut,

mais pas plus

»

vais dans le cœur du s ujet, avec images et anecdotes, car il faut que Les gens se représentent les choses. 11

(Einstein) .

Fra n ç o i s Potier

A

Etre un auteur exigea nt Je me méfie du politiquement correct, les trappes pour la pensée V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

du discours ambiant et généralement admis. Je me méfie de la langue de bois, parfois nécessaire pour éviter des conflits inutiles, souvent paresseuse, le moment où les mots ou les formules, à force d'être dits sans être investis de sens et d'émotion, paraissent creux, cessent de parler1 .

1. Certains considéreront peut-être que ce conseil n'est lui-même pas

exempt de langue de bois. Pour approfondir, deux ouvrages stimu­ lants

:

Une histoire de la langue de bois, Christian Delporte, Flammarion, 2 0 1 1 et Langue de bois : Décryptage irrévérencieux du politiquement correct et des dessous de la langue, Gilles Guilleron, Fist Editions, 2 0 1 0. 31

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

A

Etre un auditeur attentif récoute est analysée de façon précise dans

ditoire, p. m

«

Être à l 'écoute de l'au­

».

Je sais aller dans le sens de l'interlocuteur. j'entre dans une pensée, essaie d'aller aussi loin qu'il m'est possible pour la comprendre et la faire mienne, puis je la mets à distance et la critique. A

Etre un auditeur critique Je garde à l'esprit les ressorts les plus répandus de la séduction rhétorique, le désir et la peur. Je suis capable de garder une dis­ tance critique. Ad opter Le storytelling Je transpose un discours d'idées en une histoire ou une anecdote. Je me présente sous la forme d'une fiche d'identité puis sous la forme d'une histoire que je raconte. La méth ode de. . . Hervé Pata C h a n t e r s o n d i sco u rs

Pour voir si je peux poser V) Q)

e

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@

..._, ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

sur le texte une mélodie

'' Il

faut savoir être simple dans

l'écriture.

Moi,

avec

un

texte

et un rythme et ainsi vé­

mortel, je vais ennuyer les a u tres.

rifier que le texte est mé­

Quel message ? Quelle priorité ?

lodieux et rythmique , un seul conseil : chanter son

Avoir des anecdotes ? Combien de temps ? 11

Anne R o u m a n off

discours . . . On peut choisir ses mots en fonction de la qualité harmonique des phonèmes1 . Il y a en effet des syllabes qui arrondissent la voix ou qui vont l'éclaircir, d'autres qui vont la rendre plus 1. Phonème (terme de linguistique) : bruit articulé, son articulé quel­

conque, voyelle ou consonne.

32

chapitre 1 Avant de parler . . .

anguleuse et acérée. Ainsi, gus.

«

«

préférer » va entraîner vers les ai­

Rantanplan » timbre davantage la voix. Quelqu'un qui a

la voix trop aiguë doit faire d'autant plus attention au choix des phonèmes et des mots qu'il emploie et éviter les phonèmes qui amènent à l'aigu . Pour être explicite, un qu'un

«

i » ; un

«

«

i » lèvres en avant qu'un

V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

33

o » va être plus timbré «

i » lèvres en arrière.

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Faire parler le non-verbal «

Les sens sont les organes par lesquels

l'homme se met en rapport avec les objets extérieurs.

»

Brillat-Savarin, Physiologie du goût

La

conception

de

la

communication



seuls les mots

comptera i ent re nvoie à u ne vision a bstra ite de l' homme, qui de façon p u rement i nte llectue lle émettra it ou recevra it les messages. La commun icat i o n sert à c réer du lien et du liant. Non seulement toute comm u n i cation n ' est pas strictement ve rbale, conscie nte et volonta i re , mais en ouvra nt ma consci e n ce à tout ce qui com m u n i q u e en moi, en deh ors de moi et pa rfois malgré m o i , je me donne les moye ns d e m i e u x com m u n i quer. Le regard de Michel

Qt1ANI> jE \ôlt fA�LE, jfqi J,,'1(w.-$lOtJ QuE- "'1� fW'ettDE2To.1r œ T"-Avetts ! UJ (1)

0 '>­ w ...-i ...-i 0 N

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34

chapitre 1 Avant de parler . . .

Etre attentif à ce qui n'est pas texte A

La distinction entre verbal et non-verbal concerne en premier lieu la distinction entre le texte de l'orateur et tous les signes qu'il émet­ tra avec son corps. Dans une étude pionnière à l'époque, Albert Mehrabian avait ainsi évalué que, dans une conversation, l'impact des mots était de 7 % , et celui du ton, du timbre et de l'intonation de 3 5 % , le langage du corps ayant une part prépondérante avec 5 5 % Sans sytématiser les chiffres proposés par ces travaux, .

l'attention doit ainsi être portée sur l'ensemble des signaux donnés par l'émetteur et qui participent à l'échange . Le Canadien Philippe Turchet mène depuis une vingtaine d'années des études très stimulantes sur le langage des émotions et les outils pour décrypter les signes du corps1 . Il y a les signes émis par le corps, le

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

avec la raison et le cœur. Le

ton, le timbre, l'intonation, le débit,

son de la voix est importan t, la

le sourire qu'aura l'orateur ou non,

décomposition du visage aussi.

la qualité de ce sourire , sa présence à

V) Q)

'' Lesjurés, il faut les convaincre Elle est très importante pour exprime r l'indignation. J 'ai vu

l'espace, l'éclat du regard, les gestes et

ainsi Robert Badinter jeune

les attitudes, le contact préalable que

et beau, le visage décomposé,

j'aurai eu avec ceux qui m'écoutent

dans des a ffaires où la mort

ou son absence. Sont aussi à prendre

était réclamée. 11 J e a n - P i e rre M i g n a rd

en compte les éléments de contexte,

le décor, les supports utilisés (PowerPoint, etc.), l'éclairage, les vêtements, mais encore d'où j e parle. Cela vaut pour la fonction que j'incarnerai aux yeux des auditeurs comme pour le positionnement physique (assis, debout, derrière un pupitre ou une table, ou au contraire ouvert à l'auditoire) . La liste n'est pas exhaustive. 1. Le pionnier dans ce domaine avait été Darwin avec

tions chez l'homme et les animaux,

[Expression des émo­

édité en 1872 . Pour aller plus loin, con­

sulter utilement de Philippe Turchet,

La Synergologie,

Langage universel du corps, É ditions de l'homme, 2009. 35

Pocket, 2 0 10 et

Le

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

D a n s u n e i nte rview q u ' i l n o u s a accord é e (cf.

p.

�].

N icolas

Le R i c h e a n a lyse Le La n g a g e corpore l d e p e rso n na lités. «

O ba m a d é g a g e u n e i m p ression de natu re l, m a is i l a u n e at­

t i t u d e co rpore lle u lt ra t rava illée. I L e st g ra n d . I L balance q u a n d i l m a rc h e . I L a u n e d é m a rc h e a ssez s o u p le . I L d é g a g e l e s e n t i m e n t d ' u ne ce rta i n e ouvert u re pa r son att i t u d e .

1

Zidane. J ' a i é t é assez éto nné e n Le voyant. J ' a i vu u n h o m m e "trè s c h a rg é " , " u n h o m m e q u i a vécu des choses". I l est p rès d u sol. I l ma rche c o m m e ça {Nicolas Le Riche mime s a démarche], Latéral, les ja m bes u n peu a rq u ées, ça p rod u i t u n balancement. J a c q u e s Ve rg ès. J ' ava i s d iscuté avec lu i . IL vo u s re n d acces­ s i ble sa pensée. IL est conva i ncant. C ' éta i t il y a u n e q u i nza i n e d ' a n nées. I L était assis, sta b le , p le i n : i l éta it là . Loïc Le Fe rn, le p lo n g e u r e n a p né e . I l d esce n d a i t à plus d e 200

m èt res. I l n ' éta it p a s terrestre q u a n d i l éta i t là . J ' e n p a rle

co m m e en o p position avec Ve rgès. I L éta it lég e r , pas posé s u r le s o l : i l flotta i t . V) Q)

e

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@

....... ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

1

Sarkozy. I L est p e t i t e t n e rveux : tac-tac-tac. I l est l é g e r d 'a p pa ­ re n c e , m a i s se u le m e n t e n a p pa re n c e , c a r i l e st bou i llo n n a n t à l' i n t é r i e u r. I L e st e n cont ra ste avec d e s d i ri ge a n t s d ' e ntre p rise q u e j'ai p u re n co ntre r q u i éta i e nt des p e rso n n e s assez posées co m m e ce lles q u i ont des respo nsa b i lités. U n e o p position to­ ta le avec Sarkozy. L'att i t u d e corpore l le est d i ffére nte, e nt re u n hyp eractif et u n éco n o m e e n m o uve m e n t . . . É ric Woe rt h . J e l'a i t rouvé c o m m e q u e lq u ' u n q u i a s u r les épa u les u n t r u c pas fa c i le à g é re r. Ça l u i pèse u n p e u 1 • 1. Linterview a été réalisée le 2 5 novembre 2009, plusieurs mois avant que

n'éclate l'affaire dite Woerth-Bettencourt.

36

chapitre 1 Avant de parler . . .

St i n g e st un type q u i a u n e a u ra i n c roya b le . I l fa it atte ntion à son corps. I l a u n corps véc u . N i k e Cave, bea u co u p m o i n s. I l est b e a u co u p m o i n s d a n s la ver­ ticalité. I l a u n e sta t u re , m a i s ça n e le re m plit pas, au cont ra i re . I l a u n corps t ro p étroit. P o u r c e q u ' i l a d a n s la tête, i l est ra i d e e t sec corpore lle ment. Ga i n s b o u rg : la p re m i è re fois que j e l' a i vu, j 'ava i s

12

ans. Je l u i

a i t ro uvé u n tru c t o u t b i g a rré. U n e i m p ression forte, phys i q u e . » Ajuster distance et proxim ité La distance entre les personnes n'est pas neutre.

On distingue couram­

ment la distance sociale, la distance familière, personnelle et intime. l'.appréciation de cette distance peut varier en fonction des cultures ou de la personne. [une aura facilement le sentiment que vous pénétrez dans son espace d'intimité alors que, pour une même distance, une autre aura le sentiment que vous respectez la distance sociale. Les travaux sur la distance et la proximité entre individus s'inspi­

'' Ce

rent également des travaux d'ob­ V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

servation des animaux1 . On a ainsi constaté que des mouettes rieuses

qui échappe ? Ce qui fait

que vous vous sentez bien

avec quelqu'un dans la rue. Le langage du corps est un peu moins balisé que le langage verbal. Un exemple : Obama

ou des pélicans se mettaient spon­

en Chine. Il est sorti de l'avion

tanément à une même distance les

en tenan t son parapluie, ça l'a

uns des autres sur un plan d'eau,

humanisé. Il y a eu un grand

sur terre ou sur un fil électrique . . .

retentissement. 11 N i c o la s Le R i c h e

1 . Voir notamment les travaux pionniers d'Hans Hediger of Territorial Behavior » , in Washburn S. L (dir.)

«

The Evolution

Social Life of Early Man,

New York, Viking Fund Publications in Anthropology, 1 9 6 1 , p. 34- 5 7 . Voir aussi T. Hall. ston 1 . , (dir.)

«

Proxemics -The Study of Ma's Spatial Relations » , in Gald­

Man's Image in Medecine and Anthropology,

tional Universities Press, 1 963, p . 422-445.

37

New York, Interna­

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Nous devons avoir constamment à l'esprit qu'il nous faut nous ajuster, faire des réglages afin d'être dans la bonne distance ou

'' Je suis arrivé chez Ducasse à

Monaco,

responsable

1 994.

Le

artistique

du

en

la bonne proximité par rapport à l'autre, à l'auditoire . Si nous sommes trop loin des autres, s'il y a

ballet de Monaco est venu

trop de distance, les messages pas­

nous

nous

seront mal. Si nous sommes trop

décrasser dans nos attitudes

près, de façon analogue, certains

dans la salle. Le luxe absolu,

messages ne pourront être reçus.

apprendre

à

c 'est tellement profond que ça ne se voit pas. '' G é ra rd Margeon

De la même manière, trop de lien ou trop peu de lien empêchent que les règles soient respectées. La

bonne distance ne peut être mesurée une fois pour toutes, elle varie en fonction des situations, des circonstances , des personnes. Être en adéquation avec son corps Le corps parle. Il y a congruence (ancien terme d'arithmétique) lorsque les signes envoyés par le corps sont en cohérence et convergent avec les paroles, incongruence lorsqu'ils disent le contraire des mots. Par exemple, dire bienvenue avec le sourire V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

et les bras ouverts est congruent. Affirmer :

«

Bonjour, j e suis

heureux de vous recevoir » les bras croisés et le sourire crispé est non congruent. Les bras croisés envoient un signal de fer­ meture et le sourire , de tension, alors que j e prétends adresser un message d'accueil . Lors d'un entretien ou d'une intervention publique, les signaux que j'envoie avec le corps ne trompent pas, car le corps ment moins facilement que la parole. Toute personne avertie peut décrypter le langage du corps. Il faut néanmoins se méfier du charlatanisme : dire que quelqu'un qui vous parle en se caressant le nez du doigt est en train de vous mentir relève de la divination. Plus probants sont les variations ou les écarts de votre

38

chapitre 1 Avant de parler . . .

interlocuteur par rapport à ses propres habitudes corporelles . Un collègue qui, ayant l'habitude de vous parler tranquillement et droit dans les yeux, se met à avoir le regard fuyant. . . ....

Etre audible La parole doit être audible. Un débit trop rapide la rend peu intel­ ligible ; trop lent, exaspérante à entendre . La parole est riche ou pauvre en harmoniques, fluide ou hachée, ronde ou sèche. Ces qualités se travaillent par la respiration et par le placement de la voix (cf

«

Trouver sa voix et passer la rampe p. � . »,

S ourire La recommandation de sourire pour établir le premier contact conduit parfois à des excès. Si le sourire s'apparente à une gri­ mace ou ne paraît pas authentique, il peut j ouer à contre­ emploi. Un sourire ou une lueur, mais dans les yeux, est souvent plus éloquent que sur les lèvres. Pour autant, les neurosciences ont récemment montré qu'un sourire chez un interlocuteur stimule d'emblée, c'est-à-dire

'' S 'il y a une réunion avec

dès les premiers centièmes de V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

seconde, dix fois plus notre

1 5-20

personnes a vec des tables en rectangle, je me mets debout, je

cerveau qu'un visage fermé.

circule. Le fait d 'être derrière la

Autant dire que le réflexe n'est

table protège ; c'est une barrière

pas conscient, et qu'il ne s'agit

de plus. Or, il faut s 'exposer, avoir

à ce stade que d'une stimula­

le ventre à portée des a utres .

tion d'ordre électrique. Mais

Une vraie position d 'échange : on

déj à suffisante pour préparer le

est vulnérable, mais on o ffre une vraie proximité. 11

terrain à une meilleure qualité

J e a n - P i e rre Arbon

d'échanges . . .

39

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Org a niser L 'espace et L 'éclairag e Est maître des lieux celui qui les organise. Combien d'orateurs oublient ce précepte pourtant décisif dans la prise de parole. Souvent en raison du trac , l'orateur se précipite au micro sans avoir pris la mesure de l'espace, de la distance à ses interlocuteurs ou de l'éclairage . Combien se satisfont de parler alors qu'ils sont mal éclairés ou dans la pénombre . Un bon éclairage permet non seulement d'être vu, mais met en valeur et crée du relief. Il vaut mieux prendre quelques minutes avant une intervention et s'assu­ rer que sa position dans l'espace correspond à ce que l'on souhaite assumer vis-à-vis des interlocuteurs (distance ou proximité , posi­ tion hiérarchique ou égalitaire , centrale ou périphérique) et que l'éclairage est bon, quitte à se déplacer de quelques mètres pour se trouver sous le feu d'un proj ecteur plutôt que dans l'ombre.

T h i e rry G ri llet, d i recte u r des affa i res cu ltu re lles d e la V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

B i bliothèque n a t i o n a le d e Fra n ce, d é c rypte la forme des d i s­ co u rs du Président des É tats- U n i s 1 : « Dans une d é mocratie d o n t l' i d é e m è re , comme d it Toc q u evi lle, est l' éga lité d e co n d i ­ t i o n s , i l n'y a p a s d ' a u t re m oyen d e c o n st ru i re l' a u torité q u e la p a ro le. D a n s ce concilia b u le d e t o u s avec tous, s e u le va u t la ra i s o n , et s u rt o u t la m a n i è re d e l' ex p r i m e r. Com m e nt d é c r i re celle d ' O bama ? C ' est u n s o u r i re. U n e lan­ g u e . U n corps. Et s u rtout une main

!

Regardez-La. L o n g u e a u x

d o i gts fins. Vo i là q u ' elle s e lève , avec la pensée, le p o u ce j o i nt à l' i n dex, les a u t res d o i gt s re pliés. L' i d ée s'y t i e n t , b i e n tenue à 1. Article paru dans

Le Figaro du

3 1 janvier et 1er février 2009.

40

chapitre 1 Avant de parler . . .

la j o i n t u re de cette s u bt i le tenai lle. C 'est p resq u e g ê na n t . C a r u n e fo i s a pe rç u e cette é léga nte o uvrière d e la p a ro le , o n f i n it b i e ntôt pa r n e p l u s vo i r q u ' e lle. Les d i sc o u rs sont cette m a i n . C e g este sou p le q u i t i e n t , m a i ntient, ret i e n t l' attention m a i s e n d o u c e u r. To uj o u rs le m ê m e . E n P e n n sylva n i e , e n V i rg i n ie , e n Lo u i si a n e . . . M é la n g e d e s a i s i e e t d e caresse. I l y a q u e l q u e c h o s e d 'é ro t i q u e , vra i m e nt, d a n s le ra p p o rt d ' O b a m a avec s o n a u d ito i re . » T h i e rry G ri llet co n state, a u - d e là d e cette t o u c h e u n i q u e liée à sa g estue lle, trois formes d ' é lo q u e n c e d ' O ba m a . L é loq u e n ce d e ba rre a u d ' a b o rd . « Avec sa tête m u e pa r u n p e r m a n e n t m ouve m e nt d e to u re lle, O b a m a d o n ne le s e n t i ­ m e n t d e vo u loi r accro c h e r s u r s o n so n a r non p a s la fo u le , m a i s le reg a rd d e c h a c u n d a n s la foule, c o m m e s' i l s'a g i ssait d ' u n ban d e j u rés à conva i n c re . » L é loq u e n ce d e t r i b u n e . « O b a m a , à cet é g a rd , est l' h é r i t i e r

1

des foun ding fa thers, les J o h n Ada m s , J effe rso n , Lincoln, a ux ­ q u e ls i l e m p ru nte l'excelle n c e i ntellectu e lle. » L é lo q u e n ce d e c h a i re e n f i n . « O b a m a a fré q u e nté les black V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

c h u rchs et co n n aît le tale n t s i n g u li e r , m u sical, des p rêc h e s d e

pa ste u rs n o i rs . Pa ro le - c h a n t , pa role p ri è re s u scitant l' é m otion co llect ive . » (Cf. a ussi, « Un orateur fau ve, Mirabeau vu par Chateaubria n d », p.

ITB.1

Méthode La conscience corporelle se développe en pratiquant. De même qu'on n'apprend pas à conduire par correspondance , on n'ap­ prend pas à parler (que) dans les livres. Il faut s'y mettre , passer de

«

on en parle

»

(!) à

«

on le fait 41

».

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole



Je répète les gestes, les intonations de voix, les silences. Je mé­ morise autant le texte que les actions physiques. robj ectif n'est pas d'apprendre par cœur pour réciter, mais d'avoir la maîtrise de ce que j e dis et de mon engagement physique pour être disponible aux autres à l'instant de mon intervention orale .



La présentation silencieuse. rexercice se fait en groupe. j'entre, je ne dis pas un mot. Les questions sont posées après à l'auditoire : qu'ont-ils reçu ? Les entrées se font d'abord sans intention, puis avec une intention. Ce sera au public de la retrouver. Je vérifie ainsi ma capacité à envoyer des messages non verbaux clairs et authentiques .



Dans le prolongement de cette présentation silencieuse, j e demande à quelqu'un d e m'imiter. C'est un exercice d'obser­ vation et d'écoute. Cela permet de se rendre compte des mes, sages que J envoie. .

.

La méthode de. . . Laurence Daïe n - Maestripieri C a r i ca t u re r c e l u i q u i est passé

Cette variation ludique de l'étape précédente permet aussi de prendre conscience des messages que l'on envoie. V) Q)

e

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

La méthode de. . . Sta nislas Roquette D é b attre e n

«

G R O M LO

»

Un groupe : tous assis en tailleur au sol, en cercle . Une fiction : nous formons une communauté dont l'avenir est menacé, et qui doit prendre des décisions fondamentales pour préserver sa survie. Tout le monde est appelé à prendre parti, nul ne peut s'extraire du débat. Une consigne : chacun doit prendre la parole pour exprimer une idée, une proposition claire et construite , mais sans utiliser des mots compréhensibles. Uniquement un langage 42

«

GROMLO

»,

chapitre 1 Avant de parler . . .

fait de sonorités , de borborygmes et d'interj ections dépourvus de sens. Il y a possibilité de prendre à partie les autres membres de la communauté. Une mise en évidence : l'impor­ tance de toute la partie non ver­ bale (regards, gestes , modula­

'' Quand le corps,

la respiration

et la note sont connectés, tu

retrouves

des

harmoniques

dans ton mouvement, lorsque

tions vocales, sourires, croyance

le corps est

et partage . . . ) , qui permet (ou

vient enrichir la voix. C e n 'est

non) de faire passer un message

pas un effet ma;s un g este, le

clair, alors même que son conte­ nu n'est pas identifiable.

dispon;ble,

mouvement est au service de la parole. ''

J o rg e Pare n te

Un plus : cet exercice permet souvent de décomplexer et de révé­ ler certaines personnes qui n'auraient pas pris la parole aisément, s'il avait fallu parler normalement.

V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

43

ça

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Respecter la contrainte du temps «

Ce que les orateurs n e vous donnent pas en profondeur, ils vous le donnent en longueur.

»

Montesquieu

Respecter u n temps de paro le d o n n é fa it partie d ' u n contrat avec L'a u d itoire. Que ce soit pour une réu n io n ou une i ntervention à La tribune ou dans Les médias, je n e peux parler sans m' être i n q u i été au préalable du temps de parole i m part i . Pour u n e séa nce d e trava i l, La d u ré e de La réu n ion doit être a u préalable i n d i quée aux différents partici pants. La d u rée d ' u n e i ntervention ou d ' u n e réu n i o n déte rm i n e une des co ntra i ntes princi pa les d e La prise de paro le .

Respecter son temps de parole Le temps de chacun est précieux. Ne pas maîtriser son temps de parole, c'est risquer de ne pas rester en phase avec son auditoire , qui va s'impatienter, regarder sa montre, m'en vouloir de racket­ ter ainsi son emploi du temps. Si, en outre , mon intervention manque de rythme, l'impatience va rapidement faire place à l'aga­ V) Q)

e

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

cement et l'image que j e donnerai de moi-même va se détériorer. Parler au-delà de son temps de parole, c'est en effet prendre le risque d'envoyer des messages négatifs (il ne maîtrise pas son temps de parole

=

il ne maîtrise pas ce qu'il dit/ il est verbeux/il

s'écoute parler/ il n'est pas attentif à son auditoire/ c'est un incon­ tinent verbal, etc . ) . Un peu de souplesse est parfois nécessaire pour que le temps de l'intervention se construise avec la salle ou avec les participants à une réunion. De l'élasticité peut être utile, mais dans un cadre rigoureux. Si l'on en vient à dépasser son temps de parole, il faut

44

chapitre 1 Avant de parler . . .

veiller à renouveler le contrat avec l'auditoire bien, j e prends encore trois minutes » . . .

«

si vous voulez

«

j'ai été un peu plus

long que prévu, mais le suj et (ou la qualité de notre échange . . . ) l'a rendu nécessaire . . . » . Il ne faut s'autoriser à le faire que lorsqu'on est certain de ne pas ennuyer, que l'auditoire nous écoute, et sans en abuser.

Méthode Maîtriser La durée de chaque m oment de m on intervention Calibrer

précisément

chaque

partie avec un temps donné pour chacune. Parler avec une montre ou un chronomètre de­

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

été

coaché

par

un

journaliste. Il m 'a demandé de parler devant la caméra, seul, sans

questions

répondre.

Cela a

auxquelles duré

une

vant soi et adapter son discours

heure. Puis il m 'a demandé

à vue en fonction du temps

de dire la même chose en

écoulé. Si j e fais plus court

30

que prévu pour une partie, je

d 'h eure, en 3 minutes puis en

peux l'allonger avec d'autres V) Q)

'' J 'a i

exemples ou anecdotes. Si je m'achemine vers une durée plus longue, alors j e ne dois pas hé­

minutes,

en

un

quart

une seule. Et j 'ai découvert que j 'arrivais à dire l'essentiel en un temps très court. Comme

en pub . . . 11

C h r i s t i a n B o i ro n

siter à retrancher en évoquant moins d'exemples ou en les déve­ loppant moins . L'exposé en temps L im ité Faire un exposé sur un même sujet en 1 minute / 3 minutes / S minutes / 1 0 minutes. En une minute , j e ne conserve que le cœur du message. En 3 , je peux commencer à évoquer des exemples. En 1 0 , je peux réaliser une introduction, deux ou trois parties et une conclusion. 45

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Dans chaque cas, recommencer tant que le temps passé varie de +

ou

-

1 0 % par rapport à la contrainte fixée de façon à bien inté­

grer la contrainte du temps et à en faire une seconde nature . Le dé graissa ge temporel Si l'on pense avoir beaucoup à dire, commencer par une présen­ tation en une heure. Puis la réduire à 30 minutes, en veillant à conserver les articulations entre les idées. De la même façon, rac­ courcir ensuite à 1 5 minutes, puis à 3 en gardant à chaque fois un enchaînement clair des idées. En 1 minute , il ne reste que le cœur de message .

V) Q)

e

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@ .._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

46

chapitre 1 Avant de parler . . .

Ryth mer et rendre vivante son intervention «

La musique savante manque à notre désir.

»

Arthur Rimbaud, Illuminations.

Ce n ' est pas la Lo ngueur, mais la sensation de lon g u e u r éprouvée par l'a u d itoire q u i compte. Le ryt hme, c'est la variété, voi re la surprise. I l fa ut ch ercher la congruence, entre la d u rée du d i scours ou chaque partie d u d i scours et le temps que j e lui consac re. I l y a u n temps pro p re à chaque message, à chaque émoti o n . I l faut ch ercher cette d u rée j uste. Ce n 'est pas parce q u ' u n moment du discours est i m portant q u ' i l fa ut forcément y consacrer plus de temps. Ce qui est fort gagne souvent à être ra massé.

'' Savoir varier les registres. Être

Moduler son rythme [intervention

orale

est

capable de faire sourire comme

Savoir utiliser tout le nuancier

lorsque l'auditoire est avec moi.

de la prise de parole, quelle que

Cela dépend du rythme, mais aus­

soit la palette des intonations.

si de l'écoute que j'ai de ceux qui V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

de susciter une émotion grave.

vivante

m'écoutent. [orateur est chef d'or-

Ne pas hésiter à utiliser le silence. 11

Ali Baddou

chestre de sa parole ; or, l'auditoire envoie continûment des signaux sur la qualité de son écoute. Avant que j e ne sente qu'il s'ennuie, je dois moduler mon propos, son contenu , sa durée et son rythme . Pour que le message passe, il faut qu'il vive . Le rythme , c'est la vie. Le rythme change le sens et la portée des mots et influe sur la qualité de l'écoute. Il est ce qui met en mouvement, littéralement ce qui émeut l'audi­ toire et va aider à convaincre. Le rythme dépend de la façon dont on dit le texte, mais aussi de ce qui n'est pas texte, de ce qui n'est pas verbalisé (débit, intonation, qualité des silences, regards) . 47

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

..-

....• ... •

-

De « 1 have a d ream » à « Yes, we ca n »

Des mots h isto ri q u e s d a n s leu r ryt h m e : celui d e Mart i n Luther King le 28 août 1 963, q u i , dans son d e r n i e r d isco u rs ava nt d ' être assassiné, t rouve le moyen d e sca n d e r d ix foi s e n t rois m i n utes, en a llant cresce ndo, « 1 have a d ream

»,

à part i r de la d o u z i è m e

m i n ute d ' u n d isco u rs q u i e n compte 1 7. O u e n co re c e l u i d ' O ba­ ma, le 9 janvier 2008. N o u s som mes dans le N ew H a m p s h i re ; O ba ma n ' est e n core q u e c a n d i dat p o u r les p r i m a i res d é m o ­ crates e t H i llary Cli nto n conserve l'ava ntage. De fa çon a na lo g u e à M a rt i n Lut h e r K i n g , i l sca n d e 1 4 fois p e n d a n t les t rois d e r­ n i è res m i n utes d ' u n d isco u rs q u i e n com pte 1 3, n o n pas « 1 have a d ream

»,

mais « Yes, we ca n

»,

Fo r m u le a ussitôt re p rise e n

slogan pa r la fou le ... e t p ro m ise a u d e st i n q u ' o n l u i con naît... Le regard d e Michel

UJ (1)

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.j.J ..c ï::::0\ >0. u0

48

chapitre 1 Avant de parler . . .

Méthode S 'a ffirmer avec sa seule présence Une bonne prise de parole doit

'' Le danseur peut être très large

tenir sans outils (supports au­

et latéral alors q u 'on s'attend

diovisuels) en mobilisant la voix,

à du vertical. Nijinski volait, disaient

les gestes . . . Libre à moi ensuite

Je

ses

pense

contemporains.

plutôt

q u 'il

était

d'utiliser des supports qui vont

excellent dans le phrasé, une

contribuer au rythme et donner

manière d 'amener ses sauts,

de la chair à l'intervention, mais

par de l'horizontal a vant la verticale, qui met en valeur

qui n'en seront jamais le sque­

la verticale, une façon de les

lette . Aussi, une bonne prépara-

absorber aussi ... 11

tian se fait sans autre support.

N i co la s Le R i c h e

Pas de béquilles , le meilleur audiovisuel, c'est moi ! Rythmer s on intervention a vec des supports audi ovisuels Une fois que je peux parler sans outils, je les utilise mieux, si je les considère comme un élément du rythme, ce qui va aussi donner de la variété dans mon intervention. Les supports deviennent un tremplin. � e �

Essentia liser Les gestes da ns des attitudes tenues mais fluides Au lieu de rester les bras serrés

.._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

le long du corps lors d'une in­ tervention, voire mains ou bras croisés, j'ouvre le corps et j e ré­ pète des gestes. Pour que ceux­

'' Les

ryth mes

doive n t

être

différents selon ce que l'on

veut exprimer. Les p olitiques devraient s'en inspirer, mais ça entre peu en ligne de compte dans le discours politique. Le

ci structurent et rythment mon

rythme s'établit en fonction

propos sans le parasiter, j e les

de la pensée, de ce qu 'on veut

tiens dans la durée, sous la forme d'attitudes. 49

exprimer. 11 J ea n - M i c h e l J a rre

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

U n d es plus fa m e u x co m é d i e n s d u

xxe

siècle , l u i - mê m e bè­

g u e à l' o ri g i n e et refusé t rois foi s au p re st i g i e u x conco u rs d u C o n s e rvatoi re n a t i o n a l d ' a rt d ra m a t i q u e ava nt d 'y d eve n i r p ro­ fess e u r, bien des a n nées plus tard , s u g g è re d e res p i re r p o u r c h a n g e r d e to n . « I l n ' y a q u ' u n e c h ose q u i p u i sse a rrêter u n e p h rase, c' est u n c h a n g e ment d e t o n . Pou r q u e l e spe ctat e u r e n t e n d e b i e n , i l fa ut q u ' o n lui i n d i q u e le c h a n g e ment d ' i d é e p a r u n c h a n g e m e nt d e to n . Po u r obte n i r u n c h a n g e ment d e to n , i l fa u t u n c h a n g e m e nt d e pensée. I l fa ut pa rle r c la i r. R e s p i re r, c ' est p re n d re d u te m ps pou r passer à u n a u t re s e n ­ t i m e n t . Q u a n d o n res p i re à fo n d , a u re pos, a u m i li e u d ' u n e p h rase, o n est o b l i g é d e c h a n g e r d e t o n 1 •

»

V) Q)

e

>­ UJ .... .... 0 N

@

....., ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

1. Louis Jouvet,

Notes de cours,

Librairie théâtrale, 1 989.

50

chapitre 1 Avant de parler . . .

Se concentrer et se rendre disponible «

Tant que l'homme sera mortel, il ne sera jamais décontracté.

»

Woody Allen

La q u a lité de l' i n sta nt oratoire va dépendre de la qualité de la présence de l' o rateur dans l' i nsta nt. D'où la nécessité de préparer son i nterventio n , pour se libérer d u texte et être plus a g i le à ré pondre à l' im promptu. D'où la nécessité, aussi, d ' être libéré de ses tensions personn elles, mentales, affectives et corporelles , en se concentra nt et e n pratiquant la relaxation. Tout en sa chant se déte n d re , i l fa u t c u ltiver u n e tonicité corporelle et i ntellectuelle plus forte q u 'au quoti d i e n .

Se libérer de ses tensions Libérer ses tensions permet d'apparaître plus détendu à l'inter­ locuteur ou à l'auditoire. Sans cela, j e risque fort d'envoyer des messages non verbaux néga­ V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

tifs . En libérant mes tensions,

'' L e palace est un système terrible.

je dispose mon corps à être le

même les clients habitués. C 'est

Vous êtes écrasés par le palace,

vecteur du seul message que

une attitude, une élégance, une

je

au

rigueur absolue dans une attitude

moment où j e veux le trans­

apparemment décontractée. Il y

souhaite

transmettre

a, au-dessus de la cave où nous

mettre, et non pas celui d'un

s ommes, le responsable de salle.

état ou d'une tension parasites.

Il n 'a pas de stress apparent. Le

Libérer ses tensions, permet

service sans aucune tension, le

de détendre ses muscles, et

talent absolu . 11 ..

G é ra rd M a rg e o n

d'avoir une attitude corporelle

plus ouverte. Cette disposition va avoir un impact immédiat sur :

51

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole



la maîtrise du stress ;



la verticalité ;



la capacité à bien proj eter sa voix sans fatiguer les cordes vocales.



la capacité à se concentrer sur son obj ectif et sur l'auditoire pour être plus disponible et plus performant.

Les exercices de relaxation que d'aucuns pratiquent par ailleurs peuvent être réinvestis pour préparer le moment oratoire.

C o m m e p o u r Les a ut res d i m e nsions d e l'a rt o rato i re , c h a c u n est i nvité à co nstr u i re s a p ro p re m ét h o d e . R i e n n ' e m p ê c h e ce p e n d a nt d e s' i n s p i re r d e ce lles p roposées p a r des maît res d a n s Le u r a rt. Lee Strasberg 1 e n fa it p a rt i e . H é ri t i e r d e Sta n i slavs k i , i l a été e n s e i g n a n t à l'Actors Stu d i o q u i est sans d o ute l' école d e

l

l l

fo rmation d u coméd i e n l a p l u s ré p u tée a u m o n d e . I l a été le

lprofe$ e u rl d ' a rt d ra mati� u e d e M a r i lyn M o n ro e p e n d a n t p l u ­ V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

..._,

@

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

1

s i e u rs a n nées e t est n o m m é e n 1 95 1 d i recte u r a rt i st i q u e d e

�� Dea n , Ma rlonl Sj I Blra n d o , olu �i n H offma n , � l Pac i no, Robert De N i ro , etc. [j)i ­ r i g e l' é co le j u s q u ' e n 1 982, d a t e die sa m o rt des Slu ites d ' u n e l' école . Pa rmi

ISes

élève , o n compte Jam

c ri s e ca rd i a q u e .

Se détendre pour être vrai Lee Strasberg insiste sur l'obj ectif de la relaxation qui est de per­ mettre à l'acteur de se révéler.

«

Quelquefois, le talent de l'acteur

se révèle pour la première fois si pleinement et d'une façon si 1. Lee Strasberg,

Le Travail à l'Actors Studio, 52

Gallimard, 1 969.

chapitre 1 Avant de parler . . .

imprévue qu'on en reste bouche bée ; l'acteur devient tout à fait sensible ; son instrument fait entendre une nouvelle gamme de ré­ sonances ; l'émotion, qui d'ordinaire est retenue , déferle brusquement. » Plus loin, en ayant rendu son corps et son psychisme dis­ ponibles, l'acteur devient vrai,

'' La

note Lee Strasberg et « pas sim­

détente, c 'est arrêter le

jeu de l'esprit pour le mettre

plement naturel » . « Sa concen­

au service du corps, pour être

tration se fait complètement ; il

disponible, d 'où l'importance

dévoile totalement des aspects

de

et des éléments insoupçonnés

vertica l ité. 11

la

relaxation

et de

la

J o rg e P a rente

de sa personnalité avec un tel

degré d'aisance et d'autorité qu'il semble littéralement avoir ôté un masque et émerger d'un déguisement qui cachait auparavant sa vraie personnalité . Et pourtant, il n'a rien fait d'autre que de se détendre. »

Méthode Être en positi on assis relâché Où que je sois, je trouve une position confortable dans laquelle j e V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@

pourrais m'endormir. J e ferme les yeux, me concentre et me relaxe. Les sportifs de haut niveau, les gens du monde du spectacle ne font pas autre chose . Tout le monde a besoin de « temps de récup » , soit pour se préparer à l'action, soit consécutivement à l'action.

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Se relaxer mentalement et physiquement Nous reprenons la méthode de Lee Strasberg. Dans un premier temps, il propose de se mettre en position

«

as­

sis-couché » dite aussi « position du cocher de fiacre » . Puis, il suggère de se concentrer sur la tension mentale qu'il iden­ tifie dans trois régions.

53

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

'' C 'est la méditation qui m 'a permis

La

d'aller vers plus de décontraction

quelqu'un est tendu, on le voit

tout en restant dans la rigueur. La

méditation,

c'est

une

région des tempes. « Quand

presser ses tempes du bout

dé­

contraction centrée, sur ce que je

de ses doigts, sans s'en rendre

suis, sur ce que les a utres sont. 11

compte. Les maux de tête sont

C h ri s t i a n B o i ro n

localisés à cet endroit ; il y a

beaucoup de nerfs et de vaisseaux sanguins desservant le cerveau, note Lee Strasberg. Nous demandons simplement à l'acteur de prendre conscience de cette région et de permettre à ces nerfs de se détendre. » Plus loin, le pédagogue relève : « Vous seriez surpris de voir comment, dans la vie, on peut vraiment s'alléger d'un poids en disant : "Attendez un peu, laissez-moi voir si je suis tendu ou pas", et en se forçant à détendre cette partie du corps. » La seconde région va, selon Strasberg, des ailes du nez aux pau­ pières. Là aussi, il note les tensions qui y siègent au quotidien : « je n'ai remarqué que récemment combien cette région est mêlée, dans la vie, à beaucoup de réactions automatiques ; elle réagit si vivement que si la main de quelqu'un s'approche brusquement de mes yeux, les paupières se ferment ; pourtant, je ne sais pas que cette main a de mauvaises intentions, mais les yeux se protègent eux-mêmes si V) Q)

e

automatiquement qu'ils se ferment avant que l'esprit puisse exami­

>­ UJ .-f .-f 0 N

les yeux se ferment ; ce mécanisme défensif est si actif et tellement

..._,

automatique qu'une forte tension peut venir se placer là. » Comme

@

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

ner s'il y a danger. Dans la rue, dès qu'une poussière touche un cil,

remède, il propose de simplement relâcher cette zone en laissant tomber les paupières. Au moment où celles-ci se baissent on sent de nouveau comme un allégement effectif. « Quelquefois, quand on détend cette région, on a l'impression étrange de perdre le contrôle de soi-même ; on s'est tellement habitué à ce que la tension soit l'état normal de notre équilibre que, lorsqu'on se détend, les muscles ne peuvent momentanément pas trouver leur propre niveau. 54

»

chapitre 1 Avant de parler . . .

La troisième région est celle de la bouche. Là encore , Strasberg dé­ crypte les tensions qui s'y manifestent dès le plus j eune âge.

«

Un

des processus les plus automatiques commence à se manifester en cet endroit ; la pensée est immédiatement rendue par des mots. Avant même que l'enfant sache le mot qu'il va dire, il l'a déjà prononcé ; vous pouvez donc imaginer à quel point les muscles de cette région sont actifs et vivants ; ils savent ce que vous allez dire avant que vous le sachiez vous-même. nous poursuit tout au long de la vie.

«

»

Une tension qui

Au fur et à mesure qu'on

vieillit il y a beaucoup de choses qu'on a envie de dire mais qu'on retient ; le prix de cet effort est la tension.

»

Pour se détendre,

Strasberg propose de détendre la région de la bouche en

«

don­

nant libre cours à l'énergie logée là, exactement comme si on était ivre ; peu importe alors la façon dont on parlera

».

La méth ode de. . . Hervé Pata Aba i ss e r la fré q u e n ce ca rd i a q u e

robj ectif de la relaxation est d'abaisser la fréquence car­

'' Le jeu entre tension et détente est à l'image du diaphragme. C 'est un

diaque. Il faut que la relaxaV) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

couple. Il s'agit de la respiration

tion ne soit pas paralysante.

du muscle : p lus il est disponible,

On doit en effet pouvoir se re-

plus il est réactif. On a plein de

laxer en toutes circonstances

p etits diaphragmes à l'intérieur du corps. 11

et en tout lieu , grâce à des

J o rg e Parente

exercices simples et rapides. Il faut un minimum d'une minute pour que la fréquence cardiaque retrouve un niveau satisfaisant grâce à une respiration lente. La respiration lente se partage en une inspiration d'au moins deux secondes et une expiration d'au moins dix secondes. En deçà de ces dix secondes, le temps de l'expiration n'est pas suffisant pour réduire la fréquence cardiaque.

55

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Les méth odes de. . . Sta nislas R oquette Déte n d re , se fa i re d u b i e n

Accroupi, tête relâchée ( « on pourrait dormir » ) , puis déroulé de colonne vertèbre par vertèbre , se faire grand sur la pointe des pieds. S'étirer, chercher les mouvements qui nous font du bien. Bâiller. Se masser doucement le plexus solaire, dans le V des côtes. Frotter les mains l'une contre l'autre puis réveiller corps et visage en les frictionnant énergiquement. Détendre la mâchoire en secouant la tête relâchée . Faire descendre l'énergie dans le sol en tapant les talons. Tension / détente des poings et des épaules. A n c ra g e , p o s t u re , res p i ra t i o n

Méthode asiatique de la construction (taï-chi-chuan, qi gong) «

des racines et des ailes

>> ,

donner le poids du corps à la gra­

vité ( « les pieds sur terre » ) , fil de soie au sommet du crâne (la fontanelle) qui nous relie au ciel. Respiration abdominale pour dénouer les tensions liées à l'anxiété. O uve rt u re , viva c i t é , é c o u t e

Ouvrir l e regard, faire naviguer ses yeux d e gauche à droite et de bas en haut sans rien sauter, vérifier que l'on regarde vrai­ V) Q)

e

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@

ment, sans balayer. Tout ouvert : gourmandise, puis tout fermé. Développer une réactivité aux moindres sons, mouvements, lu­ mières, odeurs. Mettre en éveil ses cinq sens, être animal, tout voir, tout entendre . Présence = être au présent.

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

56

chapitre 1 Avant de parler

.•.

Trouver sa voix et passer la rampe «

La voix, comme le reste, c'est la façon dont on vit, dont on pense. » Louis Jouvet, Notes de cours

Rien de plus fa ux et de plus assassi n que de prétendre que l' on naît avec une voix don née et que l' on n'y peut ri e n . Il n'y a pas de «

petites voi x » , il n 'y a q u e des vo ix i nsuffisamme nt t rava i llées.

Rien de plus fa ux aussi et de plus n éfaste que de croire que l'on a une vo ix qui correspond à sa personnalité et que la trava i ller revie n d rait à trah i r sa perso n n a lité. Trava i lle r la voix pa rlée consiste dans un premier temps à se libérer de mauva i ses hab itudes corporelles q u i con d u isent à fe rmer le corps, à rester sous tension et à emprisonner la voix. Le regard de Michel

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57

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Travailler sa voix Trouver sa voix consiste à pratiquer quelques exercices à la portée de tous, dans les domaines de la relaxation, du souffle , d'action sur les résonateurs et de projection de la voix.

CC Au

la

jusqu'à ce que les scènes

méthode du crayon : parler avec un

des théâtres soient équi­

crayon en tre les dents. Il fallait le faire

pées d'électricité, des bou­

cours

Fugain,

on

apprenait

le soir. Ensuite quand vous retirez le crayon, Les muscles sont habitués et

gies éclairaient sur le nez

vous articulez. Il y a tant de personnes

de scène le plateau de j eu .

qui n 'articulent pas .

Les

. .

Ça se travaille.

C 'est pourtant le b.a. -ba. 11

devaient

s'en tenir à distance pour

M i m i e M athy

s'enflamme. D'où l'expression

comédiens

«

éviter que leur costume ne

passer la rampe » , qui veut bien

dire atteindre l'auditoire jusqu'au fond de la salle alors même que l'on doit rester à distance du nez de scène. Une tribune équipée d'un micro et d'un amplificateur ne dispense pas de cet effort pour être entendu et vu de toute la salle . Passer la rampe, c'est en effet prendre l'espace, tout l'espace. C'est aussi tenir le rythme, ne pas lâcher son auditoire une seule seconde, ne V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

pas le laisser vous lâcher non plus. Il y a des fondamentaux : il s'agit de bien prononcer et articuler pour être entendu alors que beaucoup oublient cette exigence élé­ mentaire , par négligence ou par fausse pudeur. Il s'agit d'être audible pour l'auditoire , sans fatiguer sa voix. La voix est aussi le reflet d'une personnalité, de notre état phy­ sique, mental, émotionnel. Elle exprime l'engagement de celui qui parle ; elle est message. Elle est la traduction orale de ce que dit le corps, l'entre-deux du corps et de l'esprit. À partir de là, l'enj eu est non seulement d'être entendu mais aussi d'avoir :

58

chapitre 1 Avant de parler . . .



une voix pleine et agréable ;

a contrario, bien des voix non tra­

vaillées saturent dans les aigus (les voix pointues) ou encore sont atones et sans harmoniques ; •

une voix persuasive ; le travail vocal permet d'être conscient des rythmes de son discours, du timbre de sa voix, de la pro­ nonciation. Ce sont autant d'éléments déterminants du cha­ risme d'un individu.

La voix doit affirmer une présence , communiquer un message, un souhait, une direction, un sens, elle doit être un instrument de leadership. Pour rendre sa voix plus agréable, il faut l'enrichir en harmo­ niques1. Pour ce faire , il est nécessaire de travailler l'ouverture corporelle et la respiration. Améliorer sa relation aux autres au quotidien, par une voix agréable et assumée . Parce que l'identité de l'orateur se joue dans la voix, la

'' En

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

on

travaille

sa voix comme on travaillerait,

voix est porteuse de sens,

V) Q)

lyrique,

chant

par exemple, le violoncelle ; on

d'émotion et de sensualité.

cherche le meilleur son, on le polit,

On parle de l'âme d'un ins­

on l'enrichit et on se l'approprie. Le

trument, on pourrait parler

corps est un espace de résonance.

de l'âme de la voix. De façon

Ce

n 'est

absolument

pas

une

question de volume. 11

réciproque, le grand violo­

Pa u l Vialard

niste Yehudi Menuhin décla­ rait lors d'un entretien avec Jacques Chancel : « Le violon est la prolongation de la voix . . . Il appartient à l'âme.

»

C'est parce qu'il peut travailler sur sa voix que l'orateur est l'ins­ trumentiste, son corps, l'instrument. « Au départ, on n'a touj ours que deux cordes vocales, mais à l'arrivée une palette infinie de 1. Harmonique : son musical simple et enrichi obtenu par la vibration et la

résonance de la voix dans le corps et projetée dans l'espace.

59

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

nuances

»,

note Élisabeth Fresnel, phoniatre , du Laboratoire de

la voix1 .

À la radio, mais aussi dans les autres médias, la présence de la voix est décisive. Le son, c'est la musicalité. Il y a un pouvoir d'envoûtement et de charme de la voix.

U n e vo i x q u i e st r i c h e possède s u r t o u t son reg istre à la fo i s d e s h a r m o n i q ues g raves ( p lu tôt d a n s le b a s d u corps) m a i s n o u rries d ' ha r m o n i q u e s a i g u ë s ( p lutôt d a n s le h a u t d u corps). C ' e st t rouver les deux m o itiés du son. Quand u n s o n est p u r, q u a n d la voix est j u stement placée d a n s le c o rps, p hysi q u e ­ m e n t cela p ro d u it d e s h a r m o n i q u es, les d i ffére ntes part i e s d e n o t re co rps e n t rent e n rés o n a n ce : a lo rs le s o n s ' e n t ro uve e n ­ ri c h i , i l sera co m m e plus é pa i s d a n s l'a i r, i l voya g e ra m i e u x . U n s o n ri c h e est n o u rri d ' h a r m o n i q ues. [Par Pa ul Vialard)

Méthode Entraîner sa voix. Une vibration équilibrée, une respiration adap­ V) Q)

e

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....... ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

tée et l'utilisation des résonateurs permettent ainsi d'utiliser sa voix au mieux sans se fatiguer. Trois points sont essentiels pour une bonne pratique vocale : Se détendre La production de la voix est affaire de vibration. Moins le haut du corps est tendu , meilleure sera la vibration et plus claire sera la voix. Plus important encore, la fatigue sera réduite. Position : allongé(e) sur le sol, dos contre un mur, jambes légère­ ment fléchies ou debout et tête en bas, les bras relâchés .

1. Elisabeth Fresnel,

La Voix, préface de Barbara , É ditions du Rocher, 1 99 7 . 60

chapitre 1 Avant de parler . . .

Prendre trois à quatre respirations Lentes et profondes Compter un temps pour l'inspiration, deux temps pour l'expira­ tion. Sentir la respiration abdominale. Concentrer sa conscience sur le relâchement de la bouche, du visage , de la gorge, du la­ rynx et des épaules. Émettre des sons légers sur des consonnes douces

:

« z », «

v

», «

j

»,

tout en veillant à garder la gorge et le

larynx détendus. Ad opter u ne posture adéquate Un bon appui des pieds sur le sol, sans raidissement ni enracine­ ment prolongé, un équilibre du corps très légèrement sur l'avant plutôt que sur les talons, un bassin et un buste relâchés et mo­ biles, des épaules et des bras détendus ainsi que la nuque dans le prolongement du tronc, légèrement baissé. Voilà les éléments pour trouver un équilibre stable entre la poussée du souffle pho­ natoire et la résistance offerte par la glotte à cette pression. La méth ode de. . . Paul Via lard Le m i ro i r

'' Porter

Position : face à un miroir, les pieds parallèles à trente centi­

V) Q)

e

>­ UJ ..... ..... 0 N

en tendre.

mètres d'intervalle .

quelque

Commencer par prendre trois

à

....., ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

)l)

La

passe

dans

pour

continuer

voix évolue

dans

p lein, pas da ns le vide. Le son ne puis comme laissé dans le néant. Il est projeté. 11

du tronc et au relâchement du B i e n res p i re r

g

chose

faire

stabilité des jambes, à la détente

§.

\,!:)

voix

se

doit pas s 'a rrêter dans la bouche,

COU.

2

La

c 'est

Parler en prêtant attention à la

o

&

vibrer.

voix,

l'espace. On évolue dans un milieu

grandes respirations.

@

la

N i colas Le R i c h e

Pour proj eter sa voix, un bon souffle phonatoire est nécessaire. Il se caractérise par un temps expiratoire à débit constant et à 61

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

pression suffisante grâce au travail du diaphragme et des muscles intercostaux. Il permet ainsi la production d'une voix claire , puis­ sante et continue. L a p a i lle

Position : debout ou dos contre un mur, avec une fine paille en bouche. Pratiquer de longues expirations en veillant à conserver les épaules et le haut du buste relâchés. Sentir le travail du diaphragme dans le ventre et le dos, ainsi que celui des muscles intercostaux. Émettre une voyelle ( « a

»

ou

«

o » ) - cette fois-ci sans la paille,

bien entendu , en veillant à garder le débit et le volume constants. Ê tre conscient des résonateurs. La méth ode de . . . Jua n Carl os Tajes O uvri r le c o r p s

je lève un bras. C'est la métaphore de l'aile appli­

V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï.:: >­ Q. 0 u

'' On reconnaît dans quel état sont les gens à leur voix. Les personnes qu 'on

quée au corps humain. Ca

connaît, on peut savoir comment elles

ouvre le côté du corps. Ça

vont à leur voix. Vous demandez

ouvre la voix. Il m'arrive

va ?

»

Réponse

:

«

: «

Ça

Ça va, ça va ...

»

J'ai l'oreille pour la voix parlée. J'ai

de chanter certains mo­

travaillé avec un orthophoniste, des

ments du tango le bras

coachs. . . 11 A n n e R o u m a n off

levé, la main repliée sur le

front, sans avoir à y penser. Pour certains moments de la voix, le corps bouge instinctivement pour trouver la solution vocale. La verticalité va aider à être conscient de son corps et à faire ses choix.

62

chapitre 1 Avant de parler . . .

La méth ode de. . . Hervé Pata Les Lèvres e n avant

Un enj eu est de changer le comportement des lèvres souvent trop paresseuses et tirées vers l'arrière alors qu'elles sont le dernier rempart avant la proj ection du son : elles vont donc canaliser le son. Pour autant, j e trouve que l'exercice du crayon, pratiqué de­ puis longtemps , a ses limites. Avec un crayon dans la bouche, tu demandes à tes muscles de se crisper. Je préconise plutôt de s'exercer à former comme le son des voyelles a-e-i-o-u, mais sans le son, au ralenti et en imbriquant les voyelles les unes dans les autres. Avec une exigence : maintenir les lèvres en avant. Il faut être particulièrement attentif au

«

i

»

que beaucoup ont

'' Ma force, c 'est pas ma voix. C 'est pourquoi je fais attention à ce

tendance à former, avec les

qu'on

lèvres tirées vers l'arrière .

j 'aime q u 'on comprenne. ''

J 'a rticule,

comprenne.

Ala i n S o u c h o n

C'est ainsi le cas de Ségolène

Royal. C'est une erreur fondamentale : ça donne de l'agressivité. C'est ce que montre ainsi une étude réalisée aux États-Unis sur une centaine de personnes : la voix aiguë, avec des harmoniques V) Q)

e

aïguës , donne une image agressive de soi. À l'inverse, le mé lèvres en avant enrichit cette voyelle d'harmoniques.

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@ ..._,

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63

«

i

»

for­

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Paroles de Nicolas Le Riche 25 novembre 2009. Nkolas Le RÏche me reçoÏt et parle avec la sÏmpUdté du génÏe. C'est dans sa loge du palaÏs GarnÏer qu'a Ueu l'ÏntervÏew. Deux chaÏses en boÏs face à face, pas de table entre nous. Sur le mur latéral, un grand mÏroÏr et une table de maquWage, quelques photos.

sage. Avec l'impression d'apprendre et si m plement d'apprendre à être là pour emmagasiner des choses. Voir ce qui pouvait ressortir de ces croisements culturels. On reçoit l'influence très forte des différents i nterprètes, des maîtres de ballets.

Êtes-vous éto n n é que je vous i nterroge sur La prise d e parole ?

Éton n é

Vl

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>­ UJ ri ri 0 N

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� .!: O'I ·c >­ Cl.. 0 u

Pas forcément. La scène est un lieu de parole. Il y a une curiosité pour ce qu1 se passe à ce moment-là qui n'est pas habituel. Tous les danseurs ne diraient pas cepen­ dant qu'ils pren nent la parole sur scène. Avoir quelque chose à di re oriente un tas de ch oix. Je peux refu« ser une pro­ duction parce que j'esti me • ne nen avou à dire d'emblée, d'un point de vue intuitif ou plus réfléchi. Pour d'autres productions, Je peux me dire : « Com ment vais­ je avoi r quelque chose à dire dans celle-là ? » ?

Est-ce que cela peut évoluer ?

Oui. Je prends un exemple : trois ba llets de Diaghilev : Le Spectre de

La e tr en ie og al n a L· La Parol e t e e al rb ve Le paro ... ie fin in st e Lle r o e ��� c o�r!p;�; � .

.

»

� !!! !!I' !!!!l! l! . !! ..

La rose, petrouchka,

L'Après-m;d1'

Et Le Tricorne de Manuel de Falla. J'ai demandé il y a six ou sept ans Le Spectre de La rose. Au­ jourd'hui, je reçois la même pro­ position pour ces quatre ballets. Je dis non pour Le Spectre de La rose mais oui pour Petrouchka et L:Après-m;d; d'un faune. Il y a un moment pour chaque chose, un moment pour prendre une cer-

Cela a-t-il toujours été comme cela pour vous ?

Il y a eu la phase d'apprentis-

64

d'un faune.

chapitre 1 Paroles de Nicolas Le Riche

peu moins balisé que Le Langage verbal. La plupart des personna­ lités dégagent ça. Une sorte de désir et de conscience d'être en public. Je pense notam ment à La reine d'Angleterre. Une fois, . . . Je Jouais pour son anniversaire dans un gala à Covent Garden. Elle m'a fait une certaine im­ pression. Celle d'une petite femme, avec une certaine tenue, une prestance. » Même si on La cata pultai t dans La rue, même si on ne La recon­ naissait pas, Les gens feraient atte ntion à elle, par ce qu'elle dégage, non pas parce qu'ils La reconnaîtraient. C'est dans La façon qu'elle a de s'adresser aux gens, d'avoir une distance avec eux. C'est un personnage rompu au protocole, on dirait qu'elle a sans cesse Le protocole en tête, quel ordre ont Les choses, com­ ment Les faire. . . com ment Les dire . . . Quelqu'un qui fait atten­ tion à ce qu'il y ait une certaine distance.

taine parole. Pour Le Spectre de la rose, i l est bon d'être jeune et frais, d'avoir une certaine naïveté dans cette jeunesse. Aujourd'hui, je n'aurais pas La fraîcheur naturelle suffisante pour Le Spectre de la rose, mais j'ai La maturité pour l'Après­ m;d; d'un faune.

Je parle sur scène, mais mon mode d'expression choisi est Le voca­ « bulaire corporel. Le son que je pro­ duis n'est pas celui des cordes vocales. Lanalogie entre La parole verbale et La pa­ role corporelle est infinie : pour Les deux, on peut parler de ponc­ tuation, de rythme des phrases, des pieds. IL n'y a pas de diffé­ rence, mais dans La danse, Le son n'est pas celui des cordes vocales. La danse n'est pas un palliatif à quelque chose. Cela correspond à mon envie d'aller vers un mode d'expression plus primaire et plus Libre, L'expression corporelle. Pour un danseur sur scène, i l y a tout ce que Lui sou haite dire et ce qui Lui échappe.

Le so n que je p rod uis n ' est p as celui des co rdes vocales .��l!!!!! !!! !!!! !!! !!!! !l!!!l •• !lll !!!!rl' !!!

V) Q)

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Les poi nts d'appui ? Y a-t-il une transcription de La da nse vers L'acte oratoire ?

Ce q u i échappe ?

Ce qui fait que vous vous sen­ tez bien avec quelqu'un dans La rue. Le Langage du corps est un

Le danseur, au-delà du mes­ sage qu'il porte, insufflé par Le 65

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

chorégraphe est un magicien du brouillage du corps, pour broui ller cette perception clas­ sique. Il peut être très large et latéral alors qu'on s'attend à du vertical. Avant une accéléra­ tion, il peut ralentir, avant une verticale, être dans l'horizon­ tal. Nijinski volait, disaient ses « IL c o n te m p o ra i n s . Je n e pense pas qu'il avait des ailes . . . Je pense plutôt qu'il était excellent dans le p h rasé, une manière d'a mener ses sa uts, par de l'horizontal avant la ver­ ticale, qui met en valeur la ver­ ticale, une façon de les absorber a ussi . Il est possible qu'il sautât vraiment haut, mais ce n'était sans doute pas cela seulement. . .

tai ns reculeront la hanche par ra pport au bassi n . C'est propre à la structure de chacun et aux com portements d'adaptation que chacun développe. La verticalité, c'est justement ne pas se conforter dans une posture naturelle. On cherche un aplomb, pour un équilibre. Au yoga, on fait un exercice » d'un côté puis de l'autre. La sensa­ tion n'est pas la même à gauche et à droite. L'enjeu est de pen­ ser à certaines choses pour avoir un chemin juste. Ce n'est pas du copier-coller d'un côté à l'autre. Le chemin est différent d'un côté et de l'autre. Si je demande d'écrire de la main droite, la pensée mène direc­ tement la main droite. Ce n'est pas la même ch ose à gauche, la conformation est très différente. Je suis un gauc her contrarié. Les poignées de porte sont poi ntées à l'envers pour m oi .

fau t être vra i, ho nnê te, intè gre dans sa p ro p o siti o n ;.;�·---•-f!f!!!!'

Vl

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.!: O'I ·c >­ Cl.. 0 u

La verticalité ?

C'est quelque ch ose que je tra­ vai lle pas mal dans les cours de yoga que je prends. Il s'agit d'u n placement vertical dy­ namique, de se placer j uste. Il s'agit d'une recherche de la sensation i ntérieure, de se pla­ cer j u ste par rapport à soi, de s'observer. La conception cor­ porelle de chacun de nous est différente. Cent persan nes pen­ seront cela différem ment. Cer-

Porter sa voix ?

C'est se faire entendre. Sa voix passe dans quelque chose pour continuer à vibrer. Elle évolue dans l'espace. On évolue dans un milieu plein, pas dans le vide. Le son ne doit pas s'arrêter dans la 66

chapitre 1 Paroles de Nicolas Le Riche

bouche, puis comme laissé dans le néant. Il est projeté. C'est com me le danseur. I l ne lève pas les bras dans rien du

fois dans le bon sens. Le rôle

tout. Si j'ai conscience que je lève le bras dans l'air, j'ai conscience que l'ai r est dépla­ cé. De la même façon, je pose le pied de manière réfléchi. Un jeune danseur pose le pied là où il peut. Un danseur plus mûr, là où i l veut. Noureev et Barach­ nikov sont deux des plus gra nds danseurs du xy_e siècle. Je ne les avais vus que sur des images. J'étai s persuadé que c'étaient des géants. En réalité, i ls étaient petits. Michka était aussi petit et pas très large, mais i l remplit l'espace d'une fa çon incroyable.

une proposition de reflet. Il ne

du danseur sur scène est de proposer quelque chose à re­ garder. Une salle ne donne pas faut pas amalgamer ce que les person nes vont ressentir et la proposition que vous faites. Il faut être vrai, honnête, in­ tègre dans sa proposition. Je pense à Niji nski en 1 9 1 2 dans L'Après-midi d'un faune.

Ce fut un scandale à l'époque. Au­

jourd'hui,

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

un

chef­

d'œuvre. Nijinski était dans l'honnêteté, la confiance, l'i n­ tégrité. S'il avait modifié ses choix en fonction du goût de l'époque, aujourd'hui, on n'en aurait rien retenu. Il n'a pas cherché à avoir raison.

C'est-à-d i re « remplir l'espace » ? V) Q)

c'est

Cette i ndépenda nce d'esprit de l'artiste, la retrouvez-vous chez l'homme politique ?

Il y a des gens qui passent la rampe, ceux qui ne la passent pas. C'est dû au « naturel » avec

l'hom me politique est dans une

lequel ils évoluent dans l'espace. La relation naturelle avec l'es­ pace. Il y a des danseurs instinc­ tifs. Il se passe quelque chose sur scène. Pour d'autres, il ne se passe rien, mais ils ont des dis­ cours incroyables sur la danse . . .

am bivalence terrib le. Entre ce en quoi « je

»

crois et ce que

reçoivent les person nes, il n'est pas du tout dans la même pos­ ture. « Je

»

dois alors fai re avec

la nécessité qu'« i ls

»

se retrou­

Le regard ?

vent en « moi » . Il y a peut­ être peu d'espace pour ce que

Il est à considérer à c haque

« je 67

»

crois en politique.

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Une deuxième façon est de me demander comment je pars de A pour aller à B , puis de B à C. Lorsqu'on dit un mot, le sens des mots et la résonance sont sur la personne qui vous écoute. Ce n'est pas juste quelque chose qui est lancée. Il s'agit d'écouter sa propre résonance chez l'autre et de faire attention au message qu'on livre. Les mots ont un sens. Il faut être à leur écoute pour sa­ voir réellement ce qu'on dit. C'est cela aussi prendre l'espace.

La relation entre Le danse u r e t La salle ?

La danse est un art vivant. Des jours, il y a des salles difficiles, d'autres fois, des salles très at­ tentives. C'est une question de résonance. Une salle qui se pose tout d'un coup . . . après une ou deux minutes, quand chacun s'est installé, a rangé ses affaires . . . 2 800 person nes d'un coup ! C'est très plaisant, une sorte de fusion dans cet espace. Les échanges peuvent se faire très vite.

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Peut-on parler d'une relation charnelle avec la salle ?

La respiration ?

Prendre L'espace ?

coup moins par le muscle qui serait à sa place. Il s'agit de re­ mettre de l'esprit dans la chair.

Les danseurs sont des êtres vi­ Ici, les danseurs sont mythifiés vants. Pour vivre, il faut respirer. par la distance. O n ne peut pas J'ai fait de la clarinette pendant les toucher, il y a la fosse d'or­ quelques an nées. Ça m'aide à chestre, dix mètres de distance respirer. Respirer, c'est msp1et la musique, une vraie distance. rer et expirer, tout Le silence ? si mplement. Dans « I l s ' a g it Ça me fait penser à l'es­ la respiration se d e rem ettre pace. On évolue dans trouve souvent un de l'es p ri t l'élément qui est l'air, des défauts les plus d a ns La ch a i r » c'est quelque c hose. Le flagrants. silence n'est pas l'absence Est-ce que L'expression de tout et rien. C'est du temps. « corps con necté » fait sens C'est quelque chose. Un long si­ pou r vous ? lence n'est pas la même chose Oui, nerveusement. Par la com­ qu'un court silence. On travaille mande nerveuse. Et en plus par sur des mouvements corporels. le p laisir du muscle. Mais beau­ Il y a une première façon : Je vais de A à B puis à C. 68

chapitre 1 Paroles de Nicolas Le Riche

V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

va. IL en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de L'Esprit. »

Je pense à ce passage de l'Évan­ gjle selon Sajnt Jean. Celui du passage du phari sien Nicodème, un n otable parmi Les J uifs qui vient trouver Jésus pendant La nuit. IL Lui dit : « Rabbi, nous Le savons bien, c'est de La part de Dieu que tu es venu nous instruire, car aucun h o m me ne peut accom plir Les signes que tu accomplis si Dieu n'est pas avec Lui. » Jésus Lui répond : « Amen, amen, je te Le dis : personne, à moi n s de renaître, ne peut voir Le règ ne de Dieu. » Nicodème Lui réplique : « Com­ ment est-il possi ble de naître quand on est déjà vieux ? Est­ ce q u'on peut rentrer dans Le sein de sa mère pour naître une seconde fois ? » Jésus répond : « Amen, amen, je te Le dis : person ne, à moins de naître de L'eau et de L'Esprit, ne peut entrer dans Le royaume de Dieu. Ce qui est né de La chair n'est que chair ; ce qui est né de L'Es­ prit est esprit. Ne sois pas éto n né si je t'ai dit qu'il vous faut renaître. Le vent souffle où il veut : tu en­ tends Le bruit qu'il fait, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où i l

(L'jnterv;ew qu; avajt Ueu dans la loge de Njcolas Le Rjche se poursujt en le raccompagnant à l'extérieur de l'opéra Garnjer) .

. . . I L s'agit de comprendre chaque geste comme une commande de La pensée, non comme une m écanique, mais comme une émotio n . Chez Les musiciens, c'est Le sens du tem­ po. Les chanteurs de rock que je con nais sont ultra-connectés. Tu Leur don nes une guitare, tout de suite, ils y sont, ils mettent L'i nstrument exactement en place au moment même. Quand i ls m a rchent, i ls déroulent Le pied. Regardez ces deux filles qui passent devant nous : Leurs pieds tapent Le sol. Ce n'est pas du tout réfléchi. Rares sont Les person nes qui o nt Le déroulé de pied pensé. Mais plus que de corps connec­ té, chez Les danseurs, on parle de corps « branché » . En pensant à des circuits b ra n ­ chés ensemble, d u courant qui passe et Les relie, parce que La commande est nerveuse et non m uscu Lai re. Propos recueillis par Cyril Delhay

69

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Paroles de Hélène Dupont 23 novembre 2009. Nous sommes face à La cathédrale romane de La vWe d'Autun en Bourgogne, une heure avant Le concert du Quatuor Annesci.

d'u n petit moment sans parler à personne, trente min utes envi­ ron . Tous les quatre, nous avons besoin d'être avec les morceaux qu'o n va jouer, de passer à tra­ vers la partition, avec ou sans nos i nstruments.

Comment vous concentrez­ vous, comment vous préparez-vous ?

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On a beaucoup a ppris à parti r de certai nes tech niques et des arts martiaux (taïchi, aïkido . . . ) : être centré, trouver son axe cor­ porel, intellectuel, émotionnel. C'est rassurant, structurant, de penser à des choses précises, corporelles, pour ensuite passer à l'émotionnel. J'utilise beau­ coup la kinésiologie pour réé­ quilibrer le cerveau droit et le cerveau gauche. On doit, dans un laps de temps très bref, changer d'univers, on passe du train à la salle de concert ! Cela nous sert de repère pour qu'on sache qu'on va être en face de quelque chose de diffé­ rent, pour a mener son cerveau à ce qui va se passer. Il fa ut être en phase avec ses idées, son corps, cela dema nde des aj ustements, il faut que mes doigts répondent bien . . . Pour me concentrer, j'ai besoin

Comment gérez-vous le stress ?

Nous avons un appui très fort, nous som mes quatre. Nous faisons par exemple trois ou quatre accords ensem ble, nous blaguons, nous som mes dans l'i ntelligence du groupe, le moi ns stressé d'entre nous dés­ amorce ! Cela dit, on ne le suppri m e ja­ mais complètement, et c'est d'ailleurs bien ainsi. Le stress est notre partenaire, i l permet la mise en œuvre de richesses, de ressources. Il permet un état de juste tension, de vigilance extrême. Plus Je prends ap­ pui sur mon ressenti corporel, ma prise de terre, plus je suis dans l'instant présent. Je ban70

chapitre 1 Paroles d'Hélène Dupont

nis toutes Les pensées qui vont vers L'avant ou vers L'arrière.

pour « voi r » Les moments, Les endroits difficiles. Tout ça, on ne L'apprenait pas Quel est Le déclic pour au Conservatoire à mon époque. attaquer un morcea u Auj ourd'hui, oui . On suit des ensemble ? cours de taïchi, Les professeurs J'entends dans m a tête Le pre­ ont évo- Lué vers une prise mier accord avant de Le j o uer, en charge globale je jette un u i p a p s e nd du corps. coup d'œil P lu s je pr or p o r el es s e nti c r n o m « su r e, e d e t err m a Pri s l' i nst a nt u i. s da ns s Je . s l u p

a ux autres, Je m 'assure que Je suis nt bien assise, p ré s e et on y va ! Je ne regarde plus Le public, je L'ai regardé avant. Si mes pieds ne sont pas cor­ recte ment posés à terre, j'ai a lors un problème de tension. Qua n d on a peu� o n dém arre sur La pointe des pieds, L'an ­ crage s'en va, L'o rganisation du corps passe vers Le haut, Les épa u les montent, tout part vers Le h aut. J'utilise beaucoup La visualisation, sans L'i nstrument, .

.

.

,

La respiration ?

ELLe remet t out a... disposition dans Le corps , prise de terre, émotion, analyse, tout est bien branché, con necté. On se sent soli des pour créer, on se sent Légers, comme por­ tés tous Les quatre. La tech nique A lexa nder ( a cteur austra lien) nous a beaucoup aidés.

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Propos recueillis par Hervé Biju-Duval

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Au moment de parler... O n n e naît pas o rateur. O n le devient. I l fa ut tord re le cou à cette i d é e selon la q u e lle ce rta i n s sa u ra i e n t b i e n parler, d ' a utre s n o n . C ' est se rés i g n e r à cro i re q u e l' o n n e p e u t p a s p ro g resser e t c ' est acce pter de se la i sse r hypnotiser p a r ceux q u i pa rle nt beau ; c ' est se soumettre . Les c h a p i t res q u i su ivent vous d o n n e n t les savo i rs s i m p les e t q u i vo n t vous a i d er, ceux a ux q u e ls o n ou blie d e pe nser, m a i s q u e les o rate u rs c h evro n nés co n n a issent t rès b i e n . C e sont les lois à co n n aître et à p a rt i r desqu e lles c h a c u n peut e n s u ite const ru i re u n a rt p e rso n n e l et consc i e nt et t rouver la confi a nce e n soi p o u r V) Q)

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pa rle r. L' a n c ra g e d a n s le sol, la ve rt icalité, la res p i ratio n , le reg a rd , les s i le n ces d o n n e nt a i n s i le socle de d é pa rt. I l n ' e st pas besoin d ' être g ra n d s o rc i e r pou r les m o b i lise r et e n même te m ps, p e n ­ s e r à tous à la fo i s p e u t pa raître d i ffi c i le a u d é b u t . I l s' a g it d ' u n e éta p e d o n t i l fa u d ra e n s u ite s' affra n c h i r. C ' est co m m e lo rsq u ' o n a p p re n d à co n d u i re , ce q u i pa raît co m plexe d evient vite p lu s s i m p le , l a p rati q u e a i d a nt . O n construit d es automatismes q u i évite nt d ' avo i r à y penser e ns u ite. C ' est e n marchant q u ' o n a p ­ p re n d à m a rc h e r , e n nagea nt q u ' o n a p p re n d à n a g e r, e n pa rla nt...

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Faire du stress un al l ié en prenant appui sur son corps «

Vous n 'avez pas eu le trac ! ? Ne vous inquiétez pas, mademoiselle, cela viendra . . . avec le talent. » Sarah Bernhardt

Qui ne con naît le trac ? B i e n souvent d evoi r pre n d re la parole en public p rovoque de l'a nxiété, parfois de l'a ngoisse. L'o rga n isme réa g it à cette p e u r par une réaction d 'adaptation plus ou moins utile , le stress. Gérer son stress sign ifie savo i r en recon naître les symptômes et les rég u ler par une ré ponse phys i q u e appropriée. De cette fa çon, on peut t i re r bénéfice des apports d u stress pour l' organ isme tout en en lim itant les i nconvé n i e nts. Le regard de Michel

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chapitre 2 Au moment de parler . . .

S'adapter à une situation grâce au stress Le stress, selon les neuro-physiologistes, est ainsi une réaction de l'organisme face à une situation trop pressante et menaçante . Plus grande est l'incertitude de la situation, plus elle sera vécue comme stressante. Par un processus hormonal, le stress déclenche, via le système nerveux central, la mobilisation d'une énergie immédia­ tement utilisable . Si la dose de stimulation n'est pas trop grande , la réaction s'au­ torégule et l'équilibre rétabli permet de faire face à de nouvelles situations. Si la stimulation est trop forte, un mécanisme de protection se déclenche, cette protection, la

«

réaction de survie

»,

pouvant

prendre des formes différentes. Cela va de l'acte manqué au coma, en passant par l'inhibition, la dépression, la maladie . . . Nous sommes tous en lutte contre le stress. Pourtant, il s'avère nécessaire et même vital. Une vie trop stressante est comme une corde de violon trop tendue, qui risque à tout moment de casser. Tout l'art est de trouver la tension adéquate qui permette à notre instrument, à notre personne, de sonner juste. V) Q)

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Les déclencheurs du stress sont multiples : inconnu , bruit, confron­ tation, création, privation, frustration, sentiments , victoire . . . Pour Hans Selye,

un moment de tension. Je m e suis

et

de

connais­

vais plaider, même après trente-cinq ans de

sance du stress , il

plaidoiries, je n 'a i aucune sérénité. J 'attends

est

la une

père

'' C 'est

médecin

réponse

d'adaptation

de

l'organisme . Tout le

tendu dès le matin parce que je sais que je

le moment où je vais plaider. Je mobilise du stress, de l'adrénaline. Il s'agit de quitter la tension des premiers mots pour o b tenir la maîtrise de son expression. 11

monde l'éprouve . Il

J e a n-Pi e rre M i g n a rd

75

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

devient contre-productif lorsqu'il dépasse nos capacités d'absorp­ tion. Il nous relie en effet au fond des âges et correspond à une adaptation de l'organisme à une situation de danger. Notre an­ cêtre préhistorique pouvait grâce au stress avoir une meilleure chance d'échapper au prédateur. Qu'un fauve soit présent dans les parages, il le sent ou il le voit. De façon instantanée, le sang quitte les parties supérieures du corps et la tête, provoquant une pâleur, pour affluer vers les muscles des jambes et permettre de mieux courir. Un tel comportement d'adaptation, courir plus vite en présence du danger, inscrit dans nos gènes , a moins d'intérêt avant une intervention oratoire. On pourra alors parler du déve­ loppement d'un stress inutile, voire négatif. Au-delà des changements dans la circulation sanguine, le stress s'accompagne aussi de sécrétions hormonales, notamment d'adré­ naline par la glande médullo-surrénale et de gluco-corticoïdes par la cortico-surrénale. Ce sont les apports récents de la science qui ont mis en valeur les réponses neuro-endocriniennes au stress. Celui-ci n'est donc ni bon ni mauvais en soi, il devient dangereux lorsqu'il y en a trop, trop longtemps. Les signes du stress sont soit corporels : mains moites, respiration

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courte, mal au ventre , palpitations, irritations, tremblements . . .

'' Il

m 'est arrivé

d 'ê tre

soit

terrorisé,

psychologiques

at­

devant une salle de 1 000 personnes.

titude négative envers les

Je suis sorti de ce stress en leur

autres, repli sur soi, rigi­

disant : "J 'aimerais que vous veniez

dité, entêtement, obsession,

à ma place, car c 'est vraiment très

conformisme , apathie, pas-

très impressionnant . . . " Ils ont alors

sivité , agressivité, optimisme

applaudi ! Et j 'ai pu commencer ! 11

systématique . . .

Fra nçois Potier

76

chapitre 2 Au moment de parler. . .

Le regard d e Michel

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Garder le contact avec soi- même Toutes les situations nouvelles sont vécues comme stressantes, avec des degrés d'intensité qui varient selon les personnes. Dans l'activité professionnelle, de nombreuses situations peuvent être facteur de stress : modification de l'organisation, mutations imposées, changement brutal de culture d'entreprise , entretiens d'évaluation négatifs . . .

77

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Pour faire du stress un atout, les moyens sont divers : relaxation, respiration plus ample, affirmations positives . . . [essentiel est d'être conscient de ce qui se passe en nous, sur le plan physique comme psychologique ; l'essentiel est de garder le contact avec soi-même . Seules la vigilance et la maîtrise permettent de rester acteur du processus, de le dominer plutôt que d'être dominé par lui, d'uti­ liser de façon créative cette énergie vitale mise en circulation. Sinon, le mécanisme de réponse est très puissant et réflexe . On est dans le reptilien, le comportement se réduit à des réactions de peur et d'angoisse. Tous les êtres humains n'ont pas les mêmes zones de confort. Ce qui sera déstabilisant pour l'un sera banal pour l'autre. Le stress commence lorsque nous sortons de nos zones de confort qui ne sont pas les mêmes pour tous. Le vrai talent consiste à oser aller se promener à la frontière de ces zones-là, en canalisant son énergie au service de la création .

Mobiliser le bon stress

'' Ava n t un concert, je gère le stress

Le stress est utile à l'organisme V) Q)

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qu'il stimule.

en m 'inventant des TOC {troubles

Ce serait par

obsessionnels

conséquent une erreur de vou -

compulsifs]

!

Je

donne un exemple : juste avant

loir le su pp rimer. Excepté dans

d 'entrer en scène, mais à peine

des cas où les symptômes du

quelques secondes avant, je suis

stress sont de niveau patholo­

capable de

gique et nécessitent un traite­

loge pour fermer un tiroir que je

retourner dans ma

sais mal fermé. Ainsi, je reprends

ment médical, il s'agit de faire

l'avantage. 11

du stress un ami.

Jea n - M i chel Ja rre

Cet apport du stress , notamment hormonal, sans prise médica­ menteuse, sans inj ection, est précieux pour l'organisme . Il permet d'être dans une condition athlétique pour l'intervention oratoire.

78

V\ Q.)

chapitre 2 Au moment de parler . . .

Yorks et Dobson ont mis en lumière l'apport du stress et des sé­ crétions hormonales sous la forme d'une courbe. En ordonnée est indiqué le niveau de performance, en abscisse le degré de stress. Pour un niveau de stress nul, le niveau de performance est mé­ diocre. De façon analogue, un niveau de stress maximal s'accom­ pagne de panique et d'une performance ratée . Un stress présent mais maîtrisé s'accompagne du niveau de performance optimal. R elation entre stress et performance par Yorks et Do bson +

N iveau de perfo rmance

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+

I nte nsité d e stress

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Méthode Chercher à se débarrasser du stress par une prise de médicaments risque fort d'être contre-productif pour une double raison. C'est souvent renoncer à l'apport bénéfique du stress et notamment des sécrétions hormonales qui l'accompagnent. C'est prendre le risque des effets secondaires liés à la prise des médicaments inhi­ biteurs (somnolence, perte de vigilance , etc . ) . [enj eu est d e parvenir à une régulation du stress par une réponse physique . Le corps est mon instrument oratoire . La façon dont j e vais savoir le mobiliser dépend de moi . Vais-je savoir faire du stress un ami

?

79

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Identifier ses propres symptômes Un premier enjeu est d'identifier ses propres symptômes de stress, ceux qui reviennent régulièrement dans une situation d'anxiété, de façon à mieux connaître son propre fonctionnement. Une fois cette première prise de distance opérée, plusieurs exercices vont permettre de juguler les symptômes néfastes du stress afin de mieux profiter de ses apports. Avant une échéance que je ressens comme importante, examen, entretien, animation de réunion, exposé . . . , est-ce que des mêmes symptômes de stress reviennent régulièrement ? Lesquels ? (Rougeurs, pâleur, suées, tremblements, irritabilité , accélération du rythme cardiaque, migraines, troubles digestifs , éruptions cutanées, insomnies . . . ?) Quand ? Plusieurs jours à l'avance ? La veille, le matin même ? Au moment même de l'échéance ? Quels symptômes sont les plus fré­ quents ? Lesquels, insuffisamment maîtrisés, nuisent finalement à ma performance ? Suis-je capable de les réguler moi-même ? Ces symptômes atteignent-ils une intensité pathologique qui rend né­ cessaire que j'en parle à un médecin ? V) Q)

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A ffronter ses a ng oisses j'identifie les causes ou les situations de stress qui se répètent. Dans quel contexte est-ce que j e manque de confiance en moi ? La réponse ne peut être que personnelle et comporte une dimension psychique et mentale. En prendre conscience est le levier pour progresser. Gérer physiquement s on stress Les réponses physiques sont complémentaires du travail psychique et mental. Une maîtrise du stress fondamentale : la respiration. j'inspire profondément par le nez pendant cinq secondes, en 80

chapitre 2 Au moment de parler . . .

respiration abdominale . Je tiens l'apnée pendant trois secondes. j'expire pendant dix secondes, en évitant de contracter la sangle abdominale le plus longtemps possible. Je renouvelle l'exercice une dizaine de fois, en essayant d'allonger à chaque fois la durée de l'expiration. Je le réalise en entraînement en position couchée sur une surface dure de façon à laisser au repos les muscles qui ne sont pas sollicités par la respiration.

'' Le stress, c'est de l'adrénaline ; j 'adore. Pour moi, le stress me

Pourquoi la respiration est-elle si

fait parler à toute vitesse ; je

importante et si efficace dans la

dois me ralentir, être concis,

gestion du stress ?

baisser le rythme, travailler la respiration.

C 'est comme en

En respirant profondément, j'ap­

sport. Je fais du polo. Le cheval

porte davantage d'oxygène dans

à 60 km/h . . . j 'ai peur. Il n 'y a rien

mon sang et j e me débarrasse

de meilleur que la peur. 11

mieux des toxines qui y sont

J ea n - C l a u d e Le Gra n d

présentes . Or, l e rythme cardiaque est directement lié à la com­ position chimique du sang. Moins celui-ci contient d'oxygène, plus le cœur aura besoin de battre vite pour assurer les apports nécessaires à l'organisme . En apportant plus d'oxygène par des V) Q)

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respirations profondes, j 'obtiens automatiquement et en quelques secondes un ralentissement du rythme cardiaque. La méth ode de. . . Catherine Malava l S e c e n t re r s u r a ut re c h o s e

S e concentrer sur autre chose permet d e se décentrer. Le trac, c'est une grosse centration sur soi . . . Par exemple, se sentir bien ancré dans le sol et se demander en quoi est ce sol. Si j e réfléchis à cela, instantanément j e retrouve mes moyens. Un autre aspect est de se détendre physiquement : se vider com­ plètement la tête, fermer les yeux et écouter tous les bruits autour de soi : c'est souvent très efficace ! 81

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le prem ier pilier de la pr ise de parole : s'ancrer dans le sol « Donnez-moi un point d'appui et je soulèverai le monde. » Archimède

Avec des points d 'a p p u i q u ' i l trouve en lui-mê me, l' orateur trouve les bonnes con d itions de départ pour pa rle r en toutes circonstances. Les points d 'appui de l'orate u r sont au nom bre de c i n q . I ls n e sont pas l'a lpha et l' omega de la p rise de pa role mais seulement l'a lpha ... I ls donnent le la, com me en musique. A chacun ensuite de com poser sa sym phonie ... Le premier point d ' a p p u i est le plus évident. Chacun a déjà pu l' expéri menter depuis l'enfa nce. Il s'agit d'être sta ble sur ses deux pieds.

Parler debout devant les autres Les piliers sont les points d'appui corporels que j e peux mobiliser en toute situation. Ils contribuent à bien gérer le stress. Ils permet­ tent de ne pas avoir besoin de table ou de pupitre pour parler. Avec mes points d'appui, je peux parler debout devant l'auditoire, sans V) Q)

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rien d'autre que moi-même. Mieux encore , ils permettent de parler assis à une table ou debout derrière un pupitre, sans avoir besoin du pupitre ou de la table comme point d'appui. Ainsi, je m'en libère .

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De béquille , la table et le pupitre, derrière lesquels bien des orateurs

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médiocres croient pouvoir se protéger ou auxquels ils se raccro­

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chent, parfois physiquement, en y crispant leurs mains, deviennent tremplin pour la prise de parole. Les points d'appui constituent également une position neutre de référence pour le corps et l'enga­ gement physique de l'orateur. C'est une position de départ. Avant une prise de parole , chacun doit ainsi chercher son meilleur contact avec le sol pour, à la façon d'Antée, en tirer sa force . Les 82

chapitre 2 Au moment de parler . . .

travailleurs du corps, les athlètes , notamment dans les sports de combat ou encore les danseurs ne font pas autre chose. La seconde raison est qu'en étant stable lorsque j e parle, je ren­ voie l'image de la stabilité par conséquent d'une première crédibi­ lité. Celui qui ne tient pas en place, qui, sans en avoir conscience , fait des pas de danse en parlant, se balance d'un pied sur l'autre ou qui a des tics de mouvement, renvoie l'image d'une personne qui n'a pas une bonne maîtrise de son corps et d'elle-même et perd en crédibilité.

'' Plus je prends appui sur mon

La troisième raison est qu'une position tonique et tenue té­

ressenti corporel, ma prise de

moigne du respect que j'ai pour

terre, plus je suis dans l'insta n t prése nt. 11

mon auditoire ; en revanche,

H é l è n e D u po n t

une posture avachie envoie un message non conscient d'absence d'engagement, de manque de considération, voire de mépris . En revanche, une fois conscient de mon ancrage dans le sol, sur mes deux pieds, j e peux choisir de parler avec le poids sur une j ambe, à condition d'en avoir conscience et que ce soit un vrai choix, et ainsi pour chaque point d'appui. V) Q)

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Les p i e d s c o n stitu e n t u n p o i n t d ' a p p u i i n co n t o u rn a b le et le p l u s évi d e n t . Les G recs et les B e r b è res ava i e n t d éjà m i s e n évi d e n ce s o n i m porta nce d a n s le u r myt h o log ie d a n s l a fig u re d u g é a n t Antée. Antée est le f i ls d e Gaïa [ la Te rre) q u 'e lle e n ­ g e n d re s e u le o u avec Poséïd o n [ le d i e u d e la M e rl. selon les t ra d itions. Antée ava it la p a rt i c u la rité d ' ê t re p ra t i q u e m e nt i n ­ vi n c i ble t a n t q u ' i l restait e n contact avec l e sol, c a r s a m è re , la Te rre, ra n i ma i t ses forces c h a q u e fo i s q u ' i l la t o u c h a it. Antée viva it e n Libye et d éfiait à la lutte tous Les voya g e u rs.

83

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

I l u t i lisait e n s u ite le u rs d é p o u i lles p o u r recouvrir le toit d u t e m ple d e s o n p è re . I l e st le sixi è m e d e s t rava ux d ' H e rc u le . Aprè s avo i r c h e rc h é va i n e m e n t à le vai n c re , H e rc u le comprend que sa force vient d e son a n cra g e d a n s le sol. I l d é c i d e a lors de le so u lever d e t e rre puis l'étouffe.

Méthode Trouver sa position neutre de référence . Avant chaque prise de pa­ role, je me concentre techniquement et en silence sur mes points d'appui. Je vérifie ma stabilité, ma verticalité , j e respire profon­ dément, j e fixe plusieurs points dans l'auditoire. Je mets ainsi à distance la pression liée à mon intervention orale. Cette distance est technique et professionnelle. Avoir un bon positionnement des pieds Chacun peut rechercher son écart optimal entre les deux jambes pour obtenir la meilleure stabilité. Sentir le poids de s on corps Éprouver les différentes sensations pour les mettre en œuvre à V) Q)

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bon escient en situation oratoire . Placer tout le poids du corps sur un pied, puis sur l'autre . À 50/50 sur les deux pieds. En avant, puis en arrière . S 'enraciner Ê tre sur ses deux pieds, avec la sensation de s'enfoncer dans le sol, au besoin en fléchissant légèrement les genoux. Alterner m ouvements et imm obilité Ancrage dans le sol ne veut pas dire pétrification. Là encore, les points d'appui ne définissent qu'une position de départ, une po­ sition neutre de référence. C'est souvent par le mouvement que 84

chapitre 2 Au moment de parler . . .

l'orateur pourra créer de la variation et du rythme . Il faudra ce­ pendant veiller à ce que le mouvement ne vienne pas surchar­ ger et par conséquent parasiter d'autres langages utilisés dans la communication . Se m ouvoir dans L'imm obilité La dynamique du mouve­ ment peut enfin se vivre

'' J'étais

à un mariage. Je devais

prendre la parole. Je ne savais pas trop comment m 'y prendre.

dans une immobilité appa­

Tous ceux qui prenaient la parole

rente. je fais un mouvement,

à ce mariage savaient parler et

avec les bras ou les jambes,

pas moi. Et n o tamment un pote,

puis je l'effectue à nouveau

un cousin. Je l'ai observé. Il m ·a

sans mouvoir les bras ou les

donné ce conseil

j ambes. Tout en restant im­

plante des pieds ... " Les points

mobile en apparence, mon

Ali B a d d o u

:

d'appui, c 'est soi. 11

"Pense à la

corps garde la mémoire de l'impulsion du mouvement. Il s'enrichit ainsi d'une dynamique nouvelle qui crée une variation subtile mais à l'économie .

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85

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le deuxième p i l ier : teni r sa vertical ité « Il est curieux que le tronc soit l'organe pré féré du statuaire qui en tire mille et mille nuances et qu 'il soit oublié par l'acteur. » É tienne Decroux, Paroles sur le mime

I l s'agit de positionner son corps de fa çon optimale dans l'espace. La vertica lité ne correspond pas forcé ment à la position debout. L.: orateur doit également ch ercher sa vertica lité e n position assise. Il fa ut a i nsi comprendre la vertica lité comme l'état d ' u n corps à la fois disponible et to nique. La toni cité dans la prise de parole est insé parable de la capacité à être détendu {cf. « Se concen trer et se rendre disponible

»,

p.

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Allier tonicité et disponibilité Au-delà du référentiel de base donné par l'exercice du fil à plomb qui permet à chacun de mieux positionner sa colonne vertébrale dans la position debout, la verticalité se travaille tout autant par V) Q)

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des exercices de concentration, de relaxation et par des étirements physiques. Une bonne verticalité se fonde sur une conscience in­ time de son centre de gravité . Elle ne correspond surtout pas à la raideur du soldat au garde-à-vous. Elle est une approche en trois dimensions de l'engagement physique de l'orateur. La verticalité a trois vertus : •

elle conditionne la meilleure stabilité et la meilleure dyna­ mique corporelle que l'orateur puisse avoir. Elle correspond à un engagement physique où la combinaison entre tonicité et disponibilité corporelle est optimale ;

86

chapitre 2 Au moment de parler . . .



elle nous grandit et stabilise aux yeux des autres . Elle est ainsi l'expression d'une dynamique corporelle . On peut être petit en taille et paraître immense et inversement, être un géant en taille et paraître comme voûté et fermé sur soi-même ;



la verticalité est enfin la condition

sine qua non

d'une bonne

emprise de la respiration grâce à la mobilisation de la colonne d'air

(cf. Trouver sa voix et passer la rampe », p. �. «

Méthode Avoir c onscience de s on corps Debout. Imaginer que l'on est tenu par un fil par le som­

'' Il

s'agit d 'un placement vertical

dynamique, de se placer juste.

met du crâne. Les épaules

Il

s'agit

d'une

sont basses, les bras bal­

la

sensation

recherche

intérieure,

de

de

en relâchant l'abdomen, les

s'observer.

La

conception

corporelle de chacun de n ous est

épaules ne doivent pas se re­

différente. 11

lever. Expirer profondément.

N i colas Le R i c h e

Et ainsi plusieurs fois de suite.

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

se

placer juste par rapport à soi,

lants . Inspirer profondément

V) Q)

de

Se sentir en équilibre Marcher le long d'une ligne imaginaire et tenir l'équilibre à l'aide des bras . Deux méth odes de . . . Jua n Carl os Tajes La p o s i t i o n d ' é q u i li b re

C'est le départ de toutes les autres positions. Il faut trouver la ver­ ticalité à partir d'un axe central déterminé par l'épine dorsale. Il faut aussi trouver la centralité, cette fois à partir du bassin dont le positionnement permet de placer le poids et le centre de gravité. La position d'équilibre est celle où les tensions sont minimales. 87

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Les pieds sont comme agrafés au sol, on va alors d'avant en ar­ rière . On éprouve les positions limites autour de l'axe central. En avant, sans relever les talons. Vers la position limite, les muscles abdominaux autour du nombril se tendent et te tiennent, le plus en avant qu'il est possible , sans tomber. En arrière, ce sont les muscles dorsaux qui travaillent. Il faut chercher la position d'équi­ libre qui provoque le moins de tension. Quand tu t'en éloignes, tu contractes. Les bras sont tranquilles sur le côté. D escendre sur les jambes pour sentir la verticale . Pour vérifier la centralité du corps, il faut être attentif au poids réparti entre les deux pieds, puis on descend sur ses jambes ; on pousse sur les j ambes vers le bas puis on tire vers le haut. On vé­ rifie ainsi son positionnement par rapport à l'axe de la terre et on sent à la fois la verticalité et la centralité . R a yo n n e r avec les d i ffére ntes p a rt i es d u corps

Imaginer que l'on a une paire d'yeux supplémentaire au niveau de la poitrine et du bassin. Il y a des connexions entre les parties

'' L'enjeu e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï.:: >­ Q. 0 u

bien

du corps. C'est organisé . La

d 'obtenir

La

verticalité se décompose ainsi

verticalité, c 'est tout sauf se tenir

horizontalement dans les dif­

bien droit devant un miroir. 11

férentes parties du corps arti­

le

V) Q)

est

maximum

de

liberté.

J o rg e Pare n t e

culées ensemble , le bassin, le

tronc et le visage. torateur qui a trouvé sa verticalité ne regarde plus seulement avec les yeux . Penser La verticalité e n trois dimensions Fermer les yeux en se stabilisant sur la position du fil à plomb . Se concentrer sur son nombril et le mouvoir d'avant en arrière dou­ cement de quelques centimètres. Penser au même mouvement de façon latérale et essayer de mouvoir le nombril de quelques millimètres. 88

chapitre 2 Au moment de parler . . .

Imaginer des ramifications qui relieraient le nombril aux pieds, puis le nombril au cerveau . Imaginer tout son corps tissé de rami­ fications. Avec une respiration profonde, travailler la disponibilité corporelle et le centre de gravité . La m éthode de. . . Chloé Latour La c o u ro n n e d ' o r

Première étape : en marchant, imaginer que l'on porte une cou­

@

respirer

correctement.

Deuxième étape : la couronne

travailler dans leur pleine

d'or tire gentiment vers le haut.

et entière fonction. Je me

souviens

d 'un

l'A ssemblée

qui

ministre avait

à

des

la même démarche, s'attacher à

sensations d 'étouffement, le

avoir les yeux doux (pour tra­

souffle court. Il s 'avère q u 'on

vailler la disponibilité et la maî­

pouvait monter le

trise du stress) .

très simplement, de façon

Quatrième étape : élargir son

>­ UJ .-f .-f 0 N

corps

Les muscles doivent pouvoir

Troisième étape : toujours dans

e

position avachie,

vers l'avant, ne permet pas de

ronne d'or sur la tête.

V) Q)

'' La

pupitre

électronique. On a demandé q u 'on le rehausse de 1 0 cm.

champ de vision jusqu'à avoir

Cela a su ffi à réso udre le

une vision périphérique.

problème. 11

Cinquième étape : ce faisant,

H e rvé Pata

veiller à garder les épaules détendues et les jambes solides (ce qui permet de vérifier la qualité de son ancrage . . . ) .

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

89

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le troisième pilier : avoir une respiration pleine «

L'inspiration vien t en inspirant. » Fra n çois Proust

La respiration pleine correspond à des poumons dé ployés de façon optimale. Elle est à la fois haute et basse, ventra le et dorsale. C 'est par un mouvement descendant du d i a p h ragme, muscle relié aux a lvéoles p u lmona i res et q u i les entraîne d a n s s o n mouvement, que les poumons peuvent s e d é ployer vers le bas. Cette res p i ration ple i n e correspond à une capacité d ' air moye n n e de 4 à 7 litres pour l' homme et de 3 à 5 litres pour la femme.

Les sept fonctions de la respiration pleine Contrairement à une idée reçue, la respiration pleine est bien la respiration naturelle. Elle est celle du dormeur et du bébé. C'est en raison de la pression subie au quotidien que l'on a tendance à se bloquer en respiration haute et à alimenter ainsi le cercle vicieux V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

du manque d'oxygène, de la tachycardie et de la voix haletante . La respiration pleine a sept fonctions pour l'orateur. Elle lui permet : •

d'avoir la prise d'air maximale. Or, l'anxiété conduit souvent l'orateur à se bloquer en respiration haute. Les côtes se res­ serrent, les épaules sont raides et le diaphragme descend à peine lors de l'inspiration. Les poumons ne se déploient pas. Il en résulte une prise d'air inférieure de moitié à la capacité normale de l'organisme ;



de disposer de ressources pour parler. I.:air est le carburant de la voix ; 90

chapitre 2 Au moment de parler . . .



d'avoir une bonne proj ection vocale. Plus la réserve d'air est importante, plus il est facile d'avoir un souffle régulier. Or, le mouvement diaphragmatique entraîné par la respiration pleine présente une seconde vertu . Lors de l'expiration et de la contraction des poumons, le diaphragme joue le rôle de frein et permet une régulation du souffle en douceur ;



d'augmenter le taux d'oxygène dans le sang. Or, le rythme car­ diaque est directement tributaire de la composition chimique du sang. Plus le taux d'oxygène y est important, plus il peut ralentir. Par la respiration, j'agis donc directement sur un symptôme négatif du stress ;



d'assurer une oxygénation optimale des muscles et une dé­ tente musculaire . La respiration pleine contribue ainsi à une détente musculaire et à une ouverture corporelle qui permet­ tent un meilleur déploiement de la voix ;



d'avoir un meilleur échange avec l'auditoire . C'est apparem­ ment imperceptible et pourtant le détail a son importance .

'' La V) Q)

e

respiration

remet

tout

En inspirant, je reçois l'air

à

disposition dans le corps, prise

de la salle où sont mes au­

de terre, émotion, analyse, tout est

diteurs

bien branché, connecté. 11

En expirant, j e donne. Un

H é l è n e D u pont

>­ UJ .-f .-f 0 N

échange

ou

interlocuteurs.

physique

s'opère

qui mérite d'être accentué notamment lors d'une entrée en

Préparer Ia première et Ia dernière impression », p. ID A contrario, un orateur en apnée, réflexe négatif d'une situa­

@

scène (cf.

.....,, ..c Ol ï.:: >­ Q. 0 u

«

.

tion de trac , renvoie l'image d'une personne raide, coincée, fermée sur elle-même ; •

d'être inspiré. [inspiration vient en inspirant !

91

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole ,,...

E tre à L'écoute de sa respiration A u cours d e l'e n t retien q u ' i l n o u s a a ccordé {cf. p. �]. le danseur

ri-------c....i

éto i le N i co las Le Riche évo q u e le passage d e la B i ble ci-desso us pou r pa rle r de l' i m po rtance de la res p i ration et plus exacte m e n t d e l a nécessité d ' e n avoir conscience e t d ' êt re à s o n écoute. Samuel dans la B i b le ( Livre des J u ges (3- 1 , 1 O J ) . Samuel g ra n d it a u p rès de ses parents et, lorsq u ' i l est assez g ra n d p o u r être séparé de sa m ère, Anne, celle-ci l' e m mène c h ez le vieux p rêtre Eli. Elle d it a lo rs : « J e le d o n n e a u Se i g n e u r pou r toute sa vie. » B i e n s û r , An n e n e sera pas sans reve n i r vo i r son fils, m a i s , d é s o rmais, c e l u i - c i a i d e ra le v i e u x p rêtre E l i p o u r le service d e D i e u . . . U n soir, a lo rs q u ' Eli est co u c h é , Sa m u e l , q u i d o rt p rès de l'Arc h e d 'Alliance, e nt e n d q u ' o n l'a p pelle : - S a m u e l , Sa m u e l ! I l c roit q u e c ' e st Eli q u i a beso i n d e l u i . Alors, i l se lève et se re n d à son c h evet : - M e vo ici p u i s q u e tu m ' a s a p pe lé ... - Mais, j e ne t ' a i pas a p p e lé Sa m u e l , ret o u rne te c o u c h e r ! Sa m u e l reto u r n e se co u c h e r et e nte n d à nouveau la vo ix. I l se re n d p rès d ' Eli et d i t : V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@

..._, ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

- M e vo ici p u i s q u e tu m ' a s a p p e lé . . . E l i n e c o m p re n d pas, p u i s q u ' i l n ' a ri e n d i t : - M a i s , j e ne t ' a i pas a p p e lé . Sa m u e l, reto u r n e te coucher ! U n e t ro i s i è m e fois, Sa m u e l e nt e n d q u ' o n l' a p pe lle ... I l reto u rn e vo i r Eli. C e l u i - c i com p re n d a lo rs q u e c ' est D i e u q u i a p p e lle le g a rço n . I l d i t à l' e nfa n t : - S ' i l t ' a p p e lle e n co re, tu d i ras : Pa r le Seig n e u r, ton servite u r t'écoute ! Sa m u e l reto u rn e se cou c h e r et e n t e n d à n o uveau l'a p p e l d e D i e u . I l ouvre a lo rs b i e n g ra n d son cœ u r e t est attentif à toutes les p a ro les de C e lu i - c i . . . Po u r ente n d re , i l fa ut écouter . . . 92

chapitre 2 Au moment de parler . . .

Méthode Avoir conscience du positionnement de ma respiration Comment savoir si j e suis en respiration haute ou pleine ? j'observe le mouvement de mon buste lors de l'inspiration . En respiration haute seule la poitrine prend du volume. En respiration pleine, la poitrine gonfle légèrement mais plus en­ core le ventre par la poussée du diaphragme sur les viscères. Le mouvement n'est sans doute pas esthétique, mais il est efficace. Un chanteur lyrique en use très largement. Comment identifier la respiration que j'utilise ? Allongé sur le sol pour relâcher les muscles qui ne concernent pas la respiration. j'inspire et j'observe la partie du tronc qui prend du volume au moment de l'inspiration. Si c'est le buste et les épaules qui s'élèvent, je suis en respiration haute. Si c'est l'abdomen, j e suis e n respiration basse. M obil iser La respiration basse e n position all ongée Touj ours allongé sur le sol, j 'inspire pendant cinq secondes par le nez, j e tiens l'apnée pendant trois secondes puis expire par la V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

bouche pendant dix secondes. Je veille à laisser l'abdomen libre et prendre de plus en plus de volume au moment de l'inspiration.

'' Les danseurs sont des êtres viva n ts .

Je veille à ce que le buste

Pour vivre, il fa ut respirer. Respirer,

ne s'élève pas afin de bien

c'est

tout

isoler respiration basse et

simplement. Sur scène, c'est dans la

haute. Je renouvelle plu­

inspirer

et

expirer,

respiration que se trouve souvent un des défauts les plus flagrants. Il faut savoir q ue c'est quelque chose. Ce

sieurs fois l'exercice. Si j'ai des difficultés à mobi­

n 'est pas rien. Il faut être à l'écoute

liser la respiration basse,

de sa respiration. 11

je pratique l'exercice cinq

N i c o las Le R i c h e

93

minutes par jour pendant

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

deux à trois semaines jusqu'à pouvoir respirer profondément de­ bout et sans avoir à y penser. La méth ode de . . . Laurence Daïen-Maestripieri Tro u v e r sa res p i ra t i o n b a sse avec u n e p a i lle i ma g i n a i re

Pour l'inspiration : imaginez que vous inspirez dans une paille en plaçant votre main sur le ventre , automatiquement, cela placera votre respiration « basse » . Pour l'expiration, expirez sur un « CH . . . » bien sonore . Réguler s on s ouffle a fin de m ieux maîtriser sa voix Debout, j'inspire par le nez pendant 5 secondes. je tiens l'apnée pendant 3 secondes. j'ai resserré mes lèvres comme si j e voulais aspirer un liquide avec une paille. Les lèvres ainsi formées, j 'ex­ pire en veillant à avoir un souffle continu d'abord pendant 1 0 secondes, puis 1 5 , 20, 2 5 . . . Il est primordial de travailler avec un souffle constant et de maî­ triser parfaitement le mo­

V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

'' La

respiration

permet

d 'éviter

les tensions musculaires qui vont

ment où je cesse de souffler,

perturber la p rojection de la voix.

sans baisse de la qualité du

Il faudra apprendre à utiliser la

souffle dans les instants qui

partie basse des poumons plutôt

que la partie haute. Toute tension

précèdent.

musculaire au niveau du cou et du larynx se traduit en e ffet par des sons qui ne sont ni libres ni

@

harmonieux. 11

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

H e rvé Pata

94

chapitre 2 Au moment de parler . . .

Le quatr ième pil ier : poser un regard assuré et précis «

L'œil écoute. » Pa u l Claudel

U n e idée reçue dans l'a rt oratoire est q u ' i l fa udrait ba layer l'a u d itoi re du re gard. Par un tel mouvem ent le regard reste flottant et l'orateur e n déséq u i li b re . Fixer un point permet de trouve r une sta bi lité i nterne. U n seul point fixe limiterait bien entendu la re lation avec le public. Lenjeu est donc de m u lt i p lier les points fixes, successivement, g râce à un regard mobile mais à chaque instant assuré et précis. Le regard de l' o rateur est d ivergent, celui d u public convergent.

Les sept fonctions d'un regard assuré et précis Le regard a 7 fonctions principales pour l'orateur. Il lui permet : •

d'obtenir un équilibre interne assuré par le cervelet, grâce à un regard fixé sur un point ;

V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u



d'assurer

le

contact

avec l'auditoire. Il té­ moigne

de

ce

que

'' L'orateur a

l e regard ouvert. I L y a

de g randes différences entre voir

et regarder. Voir, c'est une notion

physique, regarder, c 'est une notion

l'orateur lui adresse un

psychologique. Quand les épaules se

message. Ainsi, l'en­

tournent avec la poitrine, alors là tu es

semble du public peut

dispo nible,

se

Tu demandes de l'attention mais tu

trouver

concerné

et l'orateur trouve sa

engagé corpore l lement.

donnes de l'attention. '' J u a n Ca rlos Tajes

stabilité . En revanche ,

si je me laisse hypnotiser par un membre de l'auditoire (le supérieur hiérarchique , l'ami, la personne importante du 95

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

moment) , je risque de perdre l'attention du reste de l'audi­ toire qui pourra le ressentir comme un manque d'écoute et de respect. C'est par le regard que l'on se fait écouter ; •

d'exprimer ses sentiments . Les yeux sont « le miroir de l'âme » , disait-on au



xvne

siècle ;

d'être attentif aux moindres mouvements du public et à la qualité de sa concentration. En ce sens, on ne se contente pas de voir, on regarde. [ « œil écoute » ;



de donner une variation et par conséquent un rythme au propos ;



de régler le volume sonore de la voix. Le re-

'' Au

des

Enfoirés,

avec

1 5 000 personnes à Bercy, comme

gard est un rail pour

dans une petite salle . . . Face à une

la parole . Il permet la

salle pleine, comme face à une salle vide {on triche un peu ... il faut alors

prise d'espace ; •

spect acle

se l'imaginer pleine . . . } ... Oui ... comme

de témoigner enfin de

si on regardait une personne dans

l'éclat de l'orateur grâce

les yeux... comme si on s'adressait à

chacun personnellement. 11

au brillant des pupilles.

M i m i e Mathy

Méthode V) Q)

e

Fa ire succéder des points fixes Pour n'oublier aucune partie de la salle , j e projette mon regard en

>­ UJ .-f .-f 0 N

dessinant un « M » , succession de points fixes, dans la salle .

....... ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

je guide le sens de mon regard, non à partir de moi-même mais

@

D on ner un sens à s on regard à partir de la salle. Par exemple, en Occident, au lieu de regarder de gauche à droite, dans le sens de lecture de l'orateur, je regarde de droite à gauche, dans le sens de lecture des auditeurs. Ainsi font des personnalités politiques telles que Nicolas Sarkozy ou Barack Obama.

96

chapitre 2 Au moment de parler . . .

Trouver son équilibre interne je parle les yeux fermés et j'expérimente les changements par rap­ port à la parole, yeux ouverts.

'' L'orateur doit parler avec des s e e i n g

spa rkling eyes, des "yeux pétillants

qui voient" : qui voient quoi ? Pas seulement le public, mais aussi voient ce que l'on est en train de dire ; on le

ressent dans le corps. Le regard est ainsi un vecteur d 'émotion, d 'a utorité. On sourit aussi avec les yeux. 11 Pa u l Viala rd

V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

97

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le cinquième pilier : habiter les si lences « Le silence qui suit du Mozart, c'est encore du Mozart. » Sacha Guitry

Le silence est le g rand ou blié des man uels de rhétorique. I l est pourtant la pierre a n g u la i re de toute i ntervention ora le et de son ryt h me. I l dépend pourtant de l' orateur que le sile nce ne soit pas un vide, mais q u ' i l crista llise au contra i re la force de sa conviction et la ric hesse de la relation à l'auditoire. La qua lité de la pa role procède de la qua lité d u s i lence. La parole n ' a de poids que par ra pport a u sile n ce . Le regard de Michel

1ili�-fof � wfltlrf­ w ...-i ...-i 0 N

@

.j.J ..c 0\ ï:::: >0. 0 u

...

a & 98

chapitre 2 Au moment de parler . . .

Les sept fonctions du silence Le silence de qualité est également doté de sept fonctions princi­ pales. Il permet : •

de nouer et de nourrir la relation entre l'orateur et son au­ ditoire . Dans le silence , l'orateur n'est en outre présent que par le non-verbal et lui donne une puissance accrue . Dans le silence de qualité , l'orateur est présent par un charisme dé­ pouillé. C'est celui qui restera le plus souvent en

mémoire.

En

'' Le

silence

me

fait

penser

l'espace. On évolue dans l'élément

ce

qui

est

l'air.

Le

silence,

c 'est

sens, la prise de parole

quelque chose.

a quelque chose d'im­

pas l'absence de tout et rie n . C 'est

Le silence n 'est

du temps. Un long silence n 'est

pudique et de charnel

pas la même chose qu 'un court

qui explique que bien

sile n ce. J1

souvent on n'ose pas

N i colas Le R i c h e

s'exposer ; •

de donner le temps initial où l'orateur s'assure de ses cinq points d'appui et aborde techniquement, par conséquent avec une distance sereine, son intervention ;

V) Q)



e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@

de créer du suspense s'il est judicieusement placé avant un terme ou une idée que l'on souhaite mettre en valeur ;

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

de ponctuer le propos et de lui insuffler un rythme ; il permet des variations ;



à



de clarifier l'idée que l'orateur va exprimer ;



à l'auditoire d'entendre ce qui est dit, de le ressentir, de se l'imaginer et de le comprendre. Il est le temps de la réception. Gaston Bachelard, philosophe, opposait les

«

silences pleins

»,

au cours desquels chacun est tout rempli de ce qui se passe ou qui vient d'être dit, aux

«

silences creux

chacun se sent gêné ; 99

»,

durant lesquels

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole



de prendre le temps d'être sensible aux réactions de l'audi­ toire. Dans le silence, j'écoute mon public.

Méthode Nettoyer sa parole des scories S'enregistrer sur une prise de parole impromptue d'une minute. Compter les parasites

«

bah

», «

euh

», «

en fait

»

.

.

.

Renouveler

l'exercice en s'efforçant de tous les bannir. Le regard de Michel

tcV.. ''

UJ (1)

0 L.. >­ w ...-i ...-i 0 N

@

.j.J ..c 0\ ï:::: >0. 0 u

Va incre sa peur du silence

tt Il y a cette idée reçue à la radio. Il

Tenir le silence pendant de lon-

faudrait fuir le silence, les "blancs".

Tout silence n 'est pourtant pas une

gues secondes face à l'auditoire ,

catastrophe. À la radio, le silence

en s'acceptant et en dépouillant

fait sens. Je n e veux pas être dans

sa présence.

la course aux mots. 11 Ali B a d d o u

100

chapitre 2 Au moment de parler . . .

S'écouter respirer dans Le silence

I n s p i re r lo n g u e m e n t p a r la n a r i n e d roite en a p puya nt de l' i n d ex s u r la n a r i n e g a u c h e , p u i s i nve rse m e n t p a r la n a r i n e g a u c h e e n a p puyant s u r l a n a r i n e d ro ite. À c h a q u e fo is, observer les sensations d a n s son corps et les co m pa re r, côté d roit et côté gauche. La méthode d e. . . Laurence Daïe n - Maestripieri P l a c e r les s i le n c e s à pa rt i r d ' u n texte

Lire le texte normalement. Lire le texte en disant les signes de ponctuation à voix haute en soutenant le silence d'un regard adressé. Lire le texte en remplaçant les signes de ponctuation par des

'' Il y a un vrai intérêt du blanc à la télé. Le blanc est télégénique ! On

silences qui dureront le temps

surprend quelqu 'un qui réfléchit,

de la ponctuation prononcée

pris de court, surpris par une

dans sa tête avec un soutien du

question, qui est ému. Le blanc à

regard.

la télé, c'est de l'émotion, la vérité aussi de la personne, c 'est aussi une forme de réponse. 11

V) Q)

e

Catherine M a lava l

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

101

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Le regard de Michel

Vl Q)

0 ..... >­ w � � 0 N

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....., ..c Ol ·c >0.. 0 u

102

chapitre 2 Paroles de Juan Carlos Tajes, Jorge Parente, Paul Vialard

Paroles de Juan Carlos Tajes, Jorge Parente, Paul Vialard Interv;ew cro;sée 1 1 novembre 2009. C'est sous une verrière et autour d'une soupe rus6que qu ';[ a cu;s;née

-

à partfr d'un cah;er de recettes manuscrites

hérité de sa grand-mère - que Juan Carlos Tajes nous reçoff dans son ateUer d'Amsterdam. Par moment, L'un ou L'autre se Lève, fa;t quelques pas pu;s se rasso;t.

Paul v;afard

C'est une position d'équilibre où Le diaphragme Juan Carlos Tajes : C'est Le dé­ doit être Li bre. C'est ainsi une part de toutes Les autres posi­ position où Le poids du corps tions. IL faut trouver La vertise répartit parfaitement sur calité à partir d'un axe central Les ha nches et déterminé par L'épine dorsale. Les muscles du IL fa ut aussi t 'es c e, , rt ert ic a 1 bassin, qui sont « La v trouver La cen­ m p êt e . e t la s n da conçus pour Le u n a rbre tralité, cette a ut a c · est t o ut supporter, euxfois à partir du a y 1 a r c u, mêmes se reu n ros ea bassi n dont Le ea u os r d u posant sur Les la l i b ert é position nement . » u r ie a , l '1· nt e' r permet de pla­ J a m b es, et bien sûr, sur Les pieds, poi nt escer Le poids et • sentiel de contact avec La terre Le centre de gravité. La position pour y trouver L'énergie dans d'équilibre est celle où Les ten ­ cette position verticale. C'est sions sont mini males. Les pieds fi nalement La position La plus sont comme agrafés au sol, on « naturelle », celle où Le corps va alors d'avant en arrière. n'est pas en te nsion, où i l y a Jorge Parente : U n geste si m ple Le m i n i m u m de fatigue. Elle est pour éprouver La verticalité : valable pour La ten ue mais aus­ détendre Le geno u puis Le tendre si essentielle pour La voix. au maxi m u m puis relâcher. La position verticale ?

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Jorge Parente

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L'enjeu est bien ter la voix. d'obtenir le maximum de liber­ Paul Vialard : Grâce à la verti­ té. Je suis ainsi toujours gêné calité, la v01x son ne, comme de parler de la verticalité a ux un i nstru ment (comme un vio­ étudiants. La verticalité, c'est loncelle avec sa caisse de ré­ tout sauf se tenir bien droit desona nce) . En chant lyrique, vant un miroir. c'est d'ailleurs la v1s10n que Jorge Parente : . . . l'arbre dans l'o n adopte : on travaille sa la tem pête. Tu peux être soumis voix comme on travai llerait, à tout, mais tu restes toi . Mais par exemple, le violoncelle, on a uta nt un roseau, car il y a la li­ cherche le meilleur son, o n le berté du roseau à l'intérieur. La polit, on l'en richit et o n se l'a pverticalité ne doit surtout pas proprie. Le corps être rigide. La est un espace de . , dést re s sa nt t es e x « L a verticalité, c'est résonance. S'il n'y e e n b a s, c for a S'il y la position qui a pas de ten sion, e d e vi e nt li b r » ut a le h la vibration cirva servir tout ce qu'on a à faire. Un cule mieux dans tout le corps. changement d'appui et tout ce On reste li bre au nivea u du qui est lié à la liberté de la respi­ tronc et du bassi n , ce qui per­ ration de la vibration. La vertica­ met de mettre moins de pres­ lité apporte la disponibilité. Elle sion sur le larynx lorsque l'on place dans un état d'équilibre veut projeter sa voix. pour mettre cette disponibilité Jorge Parente : . . . et laisse plus au service de ce que tu as à dire. de place a ux h a rmoniques . . Elle permet le moment où l'on Juan Carlos Tajes : Je lève un trouve sa solution et où le corps bras. C'est la métaphore de l'aile va trouver la note. appliquée a u corps humai n . Ca ouvre le côté du corps. Ça o uvre Verti calité et voix ? la voix. Il m'arrive de cha nter Jorge Parente : La verticalité certai ns moments du ta ngo le permet à l'organe vocal de fonc­ bras levé, la main repliée sur tio n ner de manière opti ma le. le front, sans avoir à y penser. Elle permet de respirer mieux et Pou r certains m oments de la d'ordon ner les idées, de mieux voix, le corps bouge insti nctimaîtriser son corps pour proje:

.

104

chapitre 2 Paroles de Juan Carlos Tajes, Jorge Parente, Paul Vialard

vement pour trouver la solution vocale. La verticalité va aider à être conscient de son corps et à faire ses choix.

cis ou guidés. Ça se travaille de beaucoup de manières : de façon très pointue comme un chanteur lyrique ; on peut a ussi l'aborder a utrement, par le jeu, par le m ot. Entendre le mot et sa réso nance : où est-ce qu'il m'e m mène da n s mon i magi­ naire ? Qu'est-ce qui va appa­ raître derrière le m ot ? Quelle différence si c'est moi o u un autre qui parle ou qui ch ante ?

La relaxation ? Jorge Parente

: Quand on a plus de tran qui llité, on est moins préoccupé et plus sensible à la

réception de ce q ue l'on fait. Juan Carlos Tajes : On retrouve la verticalité. L'axe est déstres­ sa nt. S'i l y a force en bas, le h aut devient li bre.

Peut-on changer sa voix ? Paul v;alard :

. . . Oui, l'optimiser. Jorge Parente : . . . Oui, la chan­ ger. J'en connais plusieurs qui ont cha ngé leur voix. Paul Vfolard : Je pense à un chanteur lyrique, de bel canto, très connu, Juan Diego Florez : i l a une voix très légère, et qui surprend initialement, telle­ ment elle est i n habituelle. Elle est fi ne comme un fil de rasoir, mais la résonance qu'elle pos­ sède par l'usage de tous les ré­ sonateurs peut la faire voyager dans un auditorium de plusieurs mi lliers de spectateurs. Ce n'est absolu ment pas une question de volume : si quelqu'un a une petite voix mais développe une telle résona nce, ça voyage de manière déconcertante. C'est trouver cette qualité de ré-

La voix, ça se travaille ? Paul

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Vfolard :

Bien sûr, c'est même quasiment indispensable. La base, c'est le souffle. Puis vient tout le travail de la réso­ nance. Il y a une résonance na­ turelle sous le larynx, que l'on peut bien sûr o ptimiser ; m ais ce qui va surtout enrichir le son, ce sont toutes les zones sub­ laryngiques - pharynx, c'est­ à-dire gorge et le dessous du palais - mais a ussi les cavités nasales, les si nus, et la bouche, jusqu'aux lèvres. Il y a ensuite un travail de projection à effec­ tuer : volume, diction/articula­ tion/prononciation. Jorge Parente : On peut tra­ vailler seul sa voix bien sûr, mais i l faut des exercices pré105

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

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la respiration et la note sont sonance supplémentaire, ce connectés, tu retrouves des « pi n ge » comme disent les An­ glais ( le mot lui-même peut ai­ h armoniques dans ton mouve­ ment, lorsque Le corps est dis­ der à comprendre, par l'i mage : « pin g ! » ) : c'est alors tout ponible, ça vient enrichir. le devant de la tête qui vi bre, Ce n'est pas un effet mais un comme une mini -explosion ato­ geste, le mouvement est a u ser­ mique dans notre crâne. vice de la parole. Paul Vialard : Un geste peut ai­ Jorge Parente : J'ai entendu des der à appuyer le so n . Si j'ose voix se transformer très rapide­ ment par la prise de conscience dire, la postu re/gestuelle, la de l'articulation . voix et le regard sont com m e le Paul Vialard : U n jambon, le from age t son bien pro­ et l'œuf dans la gaon bie n pro dui « Un s e n toi » duit peut voya­ lette breton ne : on p eut voyag er ger e n toi. Les dit en Bretagne, cha nteurs ang lo-saxons par­ « dans la galette tout se com­ lent de sp;nn;ng sound, un son plète » . Il y a u n prolongement qui « tourne » à l'i ntérieur du de la voix par le corps, et le corps comme une bobine de fi l geste se marie a u son, à la di­ de dynamo, un cercle d'énergie, rection du regard, et devient un mouli n de son qui alimente l'expa nsion de la verticalité la richesse de la voix constam ­ dans l'espace. ment à partir de la vi bration du Jorge Parente : Le regard, c'est corps. C'est à ce moment que a ussi le fi l de la pensée. C'est la voix produit a lors nature lle­ le ra pport à l'espace et à soi, ce qui permet de rééquilibrer. ment le fameux « vibrato » qui ne doit pas être forcé mais qui C'est le rapport à l'espace et à est i n hérent à la vi bration. Le l'autre. contrai re, c'est une sensation Première de b locage, un son plat, u nidi­ et d ernière impression ? mension nel. Paul Vialard : Je me souviens d'u ne cha nteuse lyrique à l'Opé­ ra de Seattle. J'assistais à la représentation des coulisses, et

Quelle relation entre le geste et la parole ? Jorge Parente

:

Quand le corps, 106

chapitre 2 Paroles de Juan Carlos Tajes, Jorge Parente, Paul Vialard

cette fem me termine sa scène (elle jouait un jeune comp osi­ teur qui se dispute violemment avec son professeur car la re­ présentation de son œuvre a été a n n u lée) et sort d'un pas très énergique, dans l'énergie de la colère. Elle a marché sur moi du milieu de la scène, fon ­ çant comme u n e bête sauvage, et a continué sa course sur une q ui nzai ne de mètres a lors

qu'elle était déj à hors champ de la sa lle. Juan Carlos Tajes : L'orateur doit prendre la sa lle dans le premier mo ment, dans le mo­ ment du si lence. À la fin, il ne faut pas relâcher la salle. Le discours ne se finit pas avec le dernier mot. C'est touj o u rs là l'enjeu : ça se fi n it bien a près les appla udissements. Propos recueillis par Cyril Delhay

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Paroles de Alain Souchon 24 décembre 2009. Après son concert, nous nous retrouvons autour d'un verre. A fa;n Souchon est à La fo;s détendu et très présent

:

11 souha;te

toujours que ce qu'il va exprimer soff au plus près de ce qu';f ressent.

Afa;n Souchon

Avant de com­ mencer, puisqu'on parle de par­ ler en public, il faut savoir qu'i l y a des gens qui ont du plaisir à se m ontrer, à se faire entendre. J'en fa is partie, capter l'attention est un plai sir. Il y en a d'a utres qui n'aiment pas ça.

Travaillez-vous votre position corporelle ?

Faites-vous des exercices d'entraînement ?

Vous avez Le trac ?

:

Non, je ne l'ai pas travaillée. Ma fem me me dit : « Tiens-toi droit ! » Mais c'est le ventre qui pousse la voix. Je baisse les épaules, je fais des efforts avec mon ventre. Et j'essaye de me tenir droit.

­ Cl.. 0 u

Oui, ça m'aura gâché tout le plaisir à chante r sur scène, sauf à partir du milieu du con cert. J'ai le cœur qui bat. J'ai tou­ jours été com m e ça. Pou r lutter, je me concentre sur ce que j'ai à faire, je répète, je me concentre sur ma première chanson, je fais abstraction des gens, et petit à petit je me laisse prendre par eux. Au dé­ part je suis tout seul, et co m me j'ai une mémoire pas terri ble, ça m'inquiète et je rabâche. Je reste trente min utes dans le

Des exercices vocaux, oui . J'ai eu longtemps un professeur de cha nt, M me Charlot. Elle est cé­ lèbre, elle a accom pagné beau­ coup de chanteurs. Elle nous a quittés, je conti nue tout seul, je fa is des exercices chez moi, dans ma loge, là où je suis. Cela permet de sécuriser ma voix, d'être plus sûr. Et puis i l faut a ussi une hygiène de vie, on ne peut pas longtemps boire de l'alcool la nuit et chanter le lendemain . . . 108

chapitre 2 Paroles d'Alain Souchon

noir avant de cha nter. que tu viens de faire. » Je ne Auj o u rd'hui j'ai moins le trac, le savais pas. Qand je fai s la chanson, je ne sais pas que mais c'était terrible, com me à l'école, quand on m'interroc'est une chanson forte. geait, je ne savais plus rien. Les écrivains, c'est pareil, Cette an née, c'est la première Saga n , Modiano, que j'aime beaucoup, i l y a fois o ù je suis plus u i. q re ent v détendu. M ais des romans forts. « C 'est Le ai. ss e b Je oix v Et puis il y a si non je prends Pou ss e la de s s fai e es, J L e s é pau l des trucs pour a ussi le plaisir re » nt ve n o m dorm i r. d'agencer des e ffo rts a vec mots qui vont avec des Le trac, je ne notes, le plaisir de faire, de vois rien de positif là-dedans. Pendant la première heure de trouver. concert, je suis dans la concen­ Créer, ça vous fait souffri r ? trati o n . Après ce temps-là vient Non, pas souffrir, mais c'est le plaisir, le soulagement, je parfois un casse-tête ! suis détendu, he ureux. ·

·

Avez-vous eu des moments de panique sur scène ?

Vos textes, com ment faites­ vous ?

V) Q)

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Le Bagdad de Lann e;houé,

je ne peux la faire que tendu, cette chanson. Un soir, à l'Olym pia, à l'époque où je faisais du ci­ néma, avec dans la sa lle p lein de gens célèbres, je commence, je me trompe. Ça va dans une chanson plaisa nte, mais là, elle est tendue celle-là. Je me retrom pe. J'avais honte, je ne savais plus où me mettre. C'était comme si je tom ­ bais dans u n trou. J e recom­ mence une troisième fois . Ça passe. Les gens ont applaudi. Peut-être avaient-ils pitié ?

J'ai l'i mpression d'avoir de la chance de ce côté-�, de dire des choses qui coïncident avec mes frères humains. Je ne fais pas exprès . Je marche beaucoup pour trou­ ver des mots, les assembler, pour qu'ils aient un charme. Les sujets dont je parle, ça coïn­ cide. Par exemple Allô Maman, Foule senUmentale, pour m oi, c'étaient des chansons comme les a utres quand je les ai faites, et la maison de disques m'a dit : « Ça, c'est un hym ne ce 109

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

J'ai merdé sur cette chanson C'est mon pire s ouvenir.

Votre diction, comment faites-vous ?

Ma force, c'est pas ma voix. C'est pourquoi je fais attention à ce qu'on compren ne. J'arti­ cule, j'aime qu'on com pren ne.

Comment vous d étendez-vous ?

Qua n d je suis te ndu, ça se ma­ nifeste vers Le bas du dos, ou Le h aut quand i l y a ma l-être, de L'i nquiétude. Je me détends en marchant, dans La montagne, j'emporte un casse-croûte. Et je marc he.

Propos recueillis par Hervé Biju-Duval

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1 10

Avant, pendant, apres : à chacun son charisme '

La utorité, c ' est l' a uctoritas lat i n e . C ' est l'a u ra q u i se d é g a g e d e c h a c u n . E lle est va ria b le d a n s le t e m ps e t selon les c i rcons­ tances. I l y a d e s occa s i o n s d e p rise d e p a role q u i pe rmettent à d e s p e rsonnalités q u 'on n e d i scernera i t pas s i n o n d e se révéler. Le cha risme se fa çonne tout a u lo ng d e la vie ; c ' est u n e façon d ' être a u m o n d e . Les re nco ntres, les d écouvertes, les lect u re s V) Q)

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i rrig u e nt l a p e rs o n n a lité e t c h a c u n p e u t nou rrir s e s p rises d e pa­ ro les d e ce ca p i ta l accu m u lé . Le c h a r i s m e n'a pas beso i n d ' être a ffecté o u s u rj o u é . I l se fo n d e s u r d e u x q u a lités, l' écoute e t l' e n g a g ement person­ n e l. C h a c u n p e u t avo i r des p ré d i sposit i o n s , mais l' esse ntiel reste d a n s le t rava i l. Ce t rava i l ne se réd u it pas à u n e q u e lco n q u e h a b i ­ leté tec h n i q u e . La virtuosité verbale n e s a u ra m a s q u e r lo ngte m p s u n e a bsence d e va le u rs . C o m m e i l y a u n cent re d e g ravité p hy­ s i q u e d e l'o rateu r, à c he rc h e r et à t ravai ller, on p e u t pa rle r d ' u n cent re d e g ravité i ntellectu e l e t m o ra l à q u est i o n n e r e t à forg e r.

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Savoir écouter un interlocuteur « Celui qui n e sait pas se taire ne sait pas non plus parler. » Sénèque

De l'écoute d é pend la qua lité de la re lation à l'autre d a n s la prise de parole. L'écoute est attention à l'autre et capacité de concentration. L.: écoute est le préala b le à la compréhension rée lle, pour sortir de son p ropre champ de conscience et d e sa propre vision, pour mieux a lle r vers ceux de l'autre. L'écoute est ce pendant ra rement tota le . Elle demande un effort consta nt. E lle nou rrit a ussi la qualité de sa propre parole.

Les six niveaux de l'écoute Les différents niveaux d'écoute peuvent a1ns1 être schématisés dans six qualités de la relation à l'autre : Le regard d e M i chel

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112

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme



niveau 1 . Je n'écoute pas. Je suis ailleurs. La bulle est vide ;



niveau 2 . j'écoute le début puis j e prolonge sur mes propres réflexions. j'arrête d'écouter. Je n'ai pas discipliné mon écoute ;



niveau 3 . j'écoute et tout à coup, j'arrête d'écouter : - parce que je ne suis pas d'accord. « Je ne vais pas continuer d'écouter quelqu'un avec qui j e ne suis pas d'accord

»,

- j e crois savoir où il veut en venir. J e ne me donne plus la peine d'écouter. Je passe ainsi à côté d'éléments précieux, - ça ne m'intéresse pas, - je prépare ma réponse. Je suis tellement avide de dire ce que j 'en pense que j e laisse tomber la parole de l'autre. Ce que j'ai à dire est tellement plus important . . . •

niveau 4 . Je n'écoute pas. Tout à coup, un mot accroche mon oreille. j'écoute enfin, mais j'ai manqué beaucoup d'éléments ;



niveau 5 . Iécoute alternée. j'écoute, j e n'écoute pas, souvent au gré de mon bon plaisir. Je plane. Je ne discipline pas mon écoute. j'accepte que ma contribution à ce qui est en train de se passer ne soit pas importante. Je ne suis pas engagé ;

V) Q)

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niveau 6. Iécoute empathique. Je laisse de côté ce que j e pense du suj et dont on parle . J e m'en libère . J e me détache de mes propres convictions pour me mettre au service de ce que l'autre pense. Pour approcher depuis son intérieur à lui ce qu'il dit, pourquoi il le dit et comment il le dit. C'est un état rare qui demande une forte concentration, une mise à distance de ses propres convictions et une disponibilité qui confine à l'abnégation. Me rendre disponible à la vision du monde de l'autre . [écoute empathique permet une écoute pleine et active. j'écoute ce que dit l'autre mais aussi ce qu'il ne verbalise pas. Ce qu'il n'arrive pas à dire comme ce qu'il ne veut pas dire. Le 113

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

non-dit et les signes physiques maîtrisés ou non par mon inter­ locuteur, les signaux, la congruence, cohérence et convergence entre les mots et l'attitude, et l'incongruence lorsqu'il n'y a pas cette cohérence. j'écoute aussi ce qui se passe en moi. Ce qui résonne en moi. Je suis attentif à l'évolution de la relation au cours de l'échange et j'adapte mon comportement en fonction de cela. Même de façon non verbale, j e participe à l'échange. Le regard de Michel

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chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

C h ristian B o i ro n , P D G d es la boratoires d u m ê m e n o m , se s o u ­ vient :

«

E n Italie, je co n d uis des ré u n i o n s avec d es m é d e c i n s

h o m é o pathes. I ls ont d e B o i ro n u n e i ma g e fa usse ou n égative. O n a commencé p a r N a p les, j ' a i pa rlé t rois h e u res, i ls n ' o n t pas posé d e q u estions . . . Ce n ' éta it p a s vra i m e n t ç a , i l fallait c h a n g e r la méthode. Je m e s u i s fa i t d es fiches : lors d e la ré u n i o n su iva nte, on a d o n n é la p a ro le tout d e s u ite a u x m é d e c i n s . I ls ont trava i llé en co llectif, se sont exprimé d eva n t tout le m o n d e [ a lo rs q u ' i l y a p a rfois d e l' i n i m it i é entre les u n s e t les a u t res). O n a tout noté, sur d es t a b leaux et e n su ite seule m e n t je suis i nterve n u , à p a rt i r d e le u rs q u est ions, observations, re m a rq u es, e n m e réfé ra n t q u a n d i l le falla i t a u x fiches p ré p a rées.

»

,

Ecouter, u n sixième point d'appui Ê tre conscient du niveau d'écoute de l'autre, c'est comme conduire avec un GPS. C'est pouvoir se situer et situer les autres dans l'échange à tout moment. V) Q)

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Lorsque je parle, j e suis chef d'orchestre

et cela

passe par l'attention à la

'' Lorsqu 'on

dit un mot, le sens des

mots et la réso nance sont sur la

personne qui vous écoute. Ce n 'est pas juste

quelque

chose

qui

est

qualité de l'écoute de l'au­

lancé. Il s'agit d'écouter sa propre

ditoire. Je dois être capable

résonance chez l 'autre. Les mots ont

de créer les conditions de

un sens. Il faut être à leur écoute pour

l'écoute. Je dois être ca­

savoir réellemen t ce q u 'on dit. C 'est cela aussi prendre l'espace. ''

pable de m'adapter aux dif-

N i colas Le R i c h e

férents niveaux d'écoute, le cas échéant, pour relancer l'écoute. Elle est le sixième point d'ap­ pui de l'orateur (cf « Les cinqpiliers de laprise de parole», p.

�àll 01D, qui

lui ne dépend pas de moi, mais tient à la qualité de l'interaction. 115

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Lorsque je suis auditeur, j e dois également être conscient de ma qualité d'écoute. Pour autant, l'écoute pleine et active reste parfois un idéal vers lequel on tend. D'autres niveaux d'écoute ne sont d'ailleurs pas sans intérêt. Ainsi, l'écoute alternée , ou l'écoute de l'autre que j e prolonge par mes propres pensées peut être fruc-

'' L'écoute a utres

de soi d 'abord, des ensuite.

Si

on

sait

tueuse par le lâcher-prise qu'elle permet.

Les

va-et-vient

sont

s'écouter soi-même, si on sait

constants : on pense en moyenne

où on veut aller, on peut être

à 450 mots/minute quand on

attentif aux a u tres, on peut

parle à 1 50 mots/minute. En dé­

composer

...

11 M i m i e M a thy

pit de ses carences, l'écoute alter­ née permet elle aussi d'ouvrir des

champs pour l'imagination, de trouver des idées nouvelles, de réfléchir par association, de se mettre en phase divergente . . . pour mieux converger ensuite. Ce qui compte au final reste le respect de l'autre. Le temps d'après. Après avoir écouté, après avoir été dans l'uni­ vers de l'autre, j e prends mes distances avec ce qui a été dit et confronte ce que j'ai entendu et mon approche pour savoir quoi en penser. V) Q)

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Méthode Se synchroniser Je me mets dans le rituel de l'autre, j e marche dans ses baskets mentales en étant attentif aux préliminaires, au débit, à la posture. Faire L'éponge Je saisis toute occasion de réunion pour faire l'éponge, c'est-à-dire absorber ce qui est dit en m'interdisant d'intervenir et en me cen­ trant exclusivement sur l'autre, sans échappées sur mes propres pensées. À l'issue de la réunion, je synthétise aussi fidèlement que 116

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

possible ce qui a été dit. [exercice prend une valeur et une saveur particulières lorsqu'il s'agit d'entendre des retours de perception sur moi-même. Se décontracter Je me décontracte pour être disponible et sentir chaque point de décontraction

(cf Se concentrer et se rendre disponible p. �. «

»,

Être présent à L 'autre Je discipline ma présence . Je suis en situation d'écoute. À chaque fois que j e vais penser à autre chose , j e me recentre sur le suj et. «

Où j'en suis par rapport à ce qui est dit ? » Je me pose des ques­

tions sur ce qui est en train de se dire et les pose devant l'assis­ tance pour m'obliger à une écoute active . Fa ire fonctionner sa mém oire im médiate Je lis un chapitre de livre . Je referme . j'écris la succession des idées des différents paragraphes et j e compare . Je regarde le journal télévisé et l'enregistre . Je ferme le poste et Je

récapitule par écrit

la succession des sujets V) Q)

e

'' La sympa thie, lorsque

c 'est être avec. C 'est

quelqu 'un

dégage

une

et j e compare. Faire de

confiance immédiate. Chirac a un

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même pour un sujet du

pouvoir de sympa thie considérable.

JT. Quel a été l'ordre des

Ce n 'est pas une question d 'être

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séquences ? Appliquer la

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même méthode à la suite

sincère ou pas. C 'est de la chaleur humaine. De la considération et du respect. 11

d'un entretien.

Anne Rouma noff

La méth ode de. . . Bernard Foulon P re n d re d e s n otes

Je hiérarchise simultanément ce que j 'entends , d'où une écoute active. Noter non pas tout, mais l'idée clé de façon à avoir un 117

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

regard panoramique sur ce qui a été dit. Cette prise de notes peut prendre place dans une première colonne . Elle peut s'enrichir à deux niveaux. Dans une deuxième colonne, j e note mes remarques critiques : quelles questions ou demandes de précisions appelle chez moi ce que vient de dire l'orateur ? À un troisième niveau , dans une troisième colonne, j e note de façon libre les idées qui me passent par l'esprit à partir de ce qui est dit, par association d'idées ou d'images et de façon créatrice.

V) Q)

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118

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

A

Etre à l'écoute de l'auditoire « Le meilleur miroir est toujours le public.

»

Dario Fo, Le Gai Savoir de l'acteur

U n e chose est d 'écouter u n interlocute u r en situation d 'entretien. Une autre est d e pouvoir pa rle r tout e n restant à l' écoute de son aud itoire et de ses réactions explicites ou non. La qua lité de l' écoute de l'a u d itoire n o u rrit la qua lité du discours, la justesse des mots q u ' o n emploie comme des si len ces q u ' o n déploie. Pa r la qua lité de son écoute de la sa lle , l' orate u r d éjà auteur, compositeur et inte rprète de sa p ropre paro le , se fa it chef d'orchestre. Le regard de Michel

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Avoir une relation charnelle avec la salle Ê tre à l'écoute de l'auditoire n'est pas seulement être tout ouïe. Cela consiste en une mobilisation physique totale qui permet d'être ouvert à l'auditoire, le corps en alerte , toutes antennes de­ hors, au moment où j e parle . C'est percevoir les degrés d'attention dans l'auditoire et leur variation. Être sensible aux incidents et être capable de les récupérer. C'est former un tout organique avec ceux qui m'écoutent. Partager le moment oratoire avec la salle, c'est être avec elle dans l'instant. Accepter que tout n'est pas écrit d'avance mais que la partition, verbale et non verbale , se j oue au moment où j 'inter­ viens et que l'auditoire parti-

'' La danse est un art vivant. Certains

cipe à sa composition. C'est

jours, il y a des salles difficiles, d 'autres

fois,

des

salles

la relation entre l'orateur

très

et son auditoire qui est le

attentives. C 'est une question de résonance. Une salle qui se pose

premier déterminant de la

tout d 'un coup... après une ou

qualité oratoire. C'est un al­

deux minutes, quand chacun s 'est

ler-retour constant. Il s'agit

installé, a rangé ses a ffaires . . 2 800

aussi d'être conscient des

.

personnes d 'un coup ! '' V) Q)

moments où ça ne passe pas,

N i colas Le R i c h e

e

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où je risque de ne plus être écouté. Si l'orateur reste dans sa bulle , prisonnier de ce qu'il a à dire et sans attention à l'autre, il n'y a pas de moment oratoire. Le charisme tient aussi à la capacité de réaction à son public. De la précision de la réponse, de son ton, parfois aussi d'une pirouette, d'un mot d'esprit, va se construire l'autorité de l'orateur.

120

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

Méthode Rester attentif aux détails Tout en étant centré sur son propos, il faut veiller à rester atten­ tif aux détails qui sont autant de signes donnés par l'auditoire : attention, comportements, occupation de l'espace, attitudes cor­ porelles (congruence et incongruence , cf

verbal

»,

p.

lBJ).

«

Faire parler le

non­

robjectif est de décoder la qualité d'écoute de

l'auditoire. Distinguer Les situations Il existe trois situations principales : •

l'entretien de face à face ;



la prise de parole devant un groupe relativement restreint G usqu'à 20 personnes) ;



la prise de parole devant un collectif nombreux qui forme une foule et ne s'aborde pas de la même manière. La foule est plus complexe à percevoir, plus imprévisible , plus irration­ nelle. Elle s'aborde comme un public, pas forcément conquis d'avance et demande de maîtriser les techniques de la scène.

V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

La méth ode de. . . Julien De Ruyck S ' ex e rc e r a u x i nte rru pt i o n s

Le principe est simple e t en

'' Quand o n a rrive dans u n e salle

pour y prendre la parole, c 'est

même temps compliqué à réali­

l'auditoire qui est important. Je

ser pour le participant.

suis toujours très frappé quand

Imaginez-vous en train de par­

je vois des orateurs oublier la salle. Il faut respirer la

ler devant un public, où vous

salle, a ller chercher le plaisir

pourriez être interrompu, par

avec les gens. Il y a toujours

une personne qui rentre , une main qui se lève pour poser une

121

quelqu 'un de bienveillant dans une salle. 11

Fra n ç o i s Pot i e r

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

question ou encore une personne qui vous souffle à l'oreille une chose à ne pas oublier de dire . . . Cet exercice peut vous permettre de travailler les interruptions. Vous avez besoin de trois personnes . Vous partez d'un point A pour aller à un point B , à 5 ou 6 mètres de distance.

À environ 1 mètre se trouve une personne qui sera là pour vous chuchoter quand vous serez à sa hauteur, une opération (division, multiplication . . ) pas trop difficile si possible.

À votre gauche, à environ 3 mètres , se trouvera une autre per­ sonne qui vous touchera, là où elle le décide (le cou , l'épaule . . . ). Pendant ce temps, la troisième personne vous transmet une balle, que vous devez lui renvoyer, et ce à plusieurs reprises . Si cette balle tombe, vous ne devez cependant plus y faire attention. Une dernière difficulté s'aj oute à cet exercice : le message . . . Le but pour le participant est de délivrer un message , n'importe lequel, une poésie, une citation, ce que vous avez fait la veille . . . Le but premier est de le délivrer dans de bonnes conditions, en ne lâchant pas le regard, en marchant, en gardant une certaine verticalité et en prenant aux V) Q)

e

passages les différentes informa­

'' Je

joue l e même spectacle.

Certains soirs, le public paraît

>­ UJ .-f .-f 0 N

ou encore tactiles. À la fin de la

..._,

marche , vous devez donner le ré­

ont

sultat de l'opération et désigner

différentes. Le public du samedi

@

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

tions , qu'elles soient auditives ,

où vous avez été touché(e).

dissipé. . . personne ne réagit. Les auditoires sont différents ... des

façons

de

réagir

soir peut être très dissipé au début. .. puis ils applaudissent debout. . . IL faut les avoir à la fin, le but, c 'est la fin ... les avoir

conquis .. . 11 M i m i e M athy

122

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

Préparer la première et la dernière i mpression « Il n 'y a d'intéressant, au théâ tre, que ce qui commence et ce qui finit.

»

Louis Jouvet, Notes de cours

O n a ra rement une deuxième occasion de fa i re une première i m p ression

!

Dès les premi ères secondes, j'envoie une fou le

d ' i n formations. I l n 'y a pas plus de deuxième derni ère i m p ression que de deuxième première i m p ression. La dern i è re im pression est celle qui a toutes les chances de s'imp rimer dans l' espri t de mes interlocuteurs. Que lle image veut-on laisser de soi ? Q u e lle phrase, quelle parole, qu elle qua lité d e silence, une fois d it ce qui deva it l'être ?

Entrer en scène Depuis le fond des âges, l'être

'' La

est

humain a dans ses gènes la

e >­ UJ .-f .-f 0 N @ ..._, ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

très

importante.

L'acteur,

dégagent

quelque

l'orateur

capacité d'analyser très vite V) Q)

première impression ? Elle

chose de L'ordre de L'indicible,

une situation et de s'y tenir.

des

ondes.

Ce

q u 'on

perçoit

1'.homme préhistorique devait

d'une personne, c'est ce q u 'il est

très vite savoir s'il se trouvait

profondément,

une

perception

d'inconscient à inconscient. 11

en présence d'un prédateur et

Anne Rouma noff

y échapper par une réaction

de stress adaptée. Cette rapidité d'analyse qui passe aussi par le subconscient nous est restée, même si notre environnement a évolué. rentrée en scène nécessite de préparer la première impression que l'on veut donner. Il s'agit aussi de décider à quel moment exactement on s'estimera entré en scène. Au moment de l'entrée en scène, on passera en effet d'un état 123

«

coulisse

»,

avec son tonus

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

corporel de tous les jours, au tonus corporel et à la disponibilité aux autres demandée par une fonction de représentation. D e la qualité d'une entrée en scène dépend souvent aussi le rythme de ce qui va suivre . C'est le moment où l'on capte ou non le regard de l'auditoire , le moment aussi à partir duquel on ne doit plus le lâcher.

À chaque fois, l'entrée en scène scelle le moment de la prise de contact initial avec les destinataires du discours . Pour une assem­ blée de taille restreinte ou une réunion, un bonjour du regard ou verbalisé, individuel ou collectif peut suffire. Devant une assem­ blée, l'entrée en scène se prépare. Le regard et la qualité du silence initial, avant toute parole , sont décisifs. Il peut être utile aussi de préparer cette entrée en scène par des prises de contacts informels avec certains membres de l'auditoire . Cela permet aussi de cana­ liser le stress tout en suscitant de l'empathie , autrement dit de

'' Un

réduire l'importance du saut orateur,

dont le verbe est

dans le vide que constitue

l'outil, doit aimer ce qu 'il est en

toute entrée en scène. Ainsi

train de faire, doit avoir réfléchi

V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

a ux deux ou trois messages q u 'il

font souvent les personnali­

veut fa ire passer. Il faut pour cela

tés politiques qui prennent

diffuser de l'énergie,

avoir du

un bain de foule avant de

souffle. Cela se joue vite, dans les

monter à la tribune, en pre­

quelques premières secondes ou minutes. 11

nant soin de saluer plusieurs

Fra n ç o i s Pot i e r

personnes individuellement au passage. On n'est pas en­

core dans la pleine fonction de représentation, on peut même adresser un message à caractère personnel qui mettra en valeur la personne à laquelle il est adressé.

124

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

Le regard de Michel

-Qfl�ST·Œ�·\h,s: Z>f'tftt1� ])Ali î Cvto" fft(COCIRS ?

Vl (1)

ë5 ..... >­ w ...-i ...-i 0 N

@

.j.J ..c 0\ 1:::: >0. 0 u

Johnny Ha llyday au Stade d e France

J o h n ny H a llyd a y en concert au Sta d e d e Fra nce e n 1 998 : 80 000 s pectate u rs. La d i me n s i o n d ' u n g ra n d s pectacle. Le choix de la su rprise et d u s u rd i m e n s i o n n e m e n t . J o h n ny H a llyday n ' e ntre­ ra pas en scè n e de fa çon classi q u e , des cou lisses à la scène, mais par là où o n n e l'atte n d pas, par le ciel, g râce à u n e a rri­ vée e n hélico ptère.

125

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Valérie Lemercier à La N u it des Césars

Va l é ri e Lemerc i e r fit u n e e n t rée e n scène re m a rq u ée lors de la re m i se des Césars e n m a rs 2007. Le challe n g e était consi­ d é ra b le : e n t re r e n scè n e dans un t h éâtre d eva nt le p u blic le plus exigeant qui soit, p l u s i e u rs m i lli e rs d e perso n n es du spectacle et d u show-biz, le tout retra nsmis e n d i rect à la t é lé­ visi o n , d eva nt plusieu rs m i llions de t é léspecta t e u rs. Le c h o i x de l a coméd i e n n e ? E n t re r e n scè n e e n d a nsant s u r la m u s i q u e de Maldon de Z o u k M a c h i n e . L a d a n se d u re 1 m i n ute 30 se­ con des. Le p u b lic est d ' a b o rd i nterlo q u é , vo i re d u bitat if, m a i s Va lérie Lemerc i e r ass u m e s o n c h o i x , tient l' é n ergie, le tout dans u n e chorégra p h i e p récise et ryt h m é e q u i ne la isse pas de place à l' a p p rox i mati o n . S o u r i res, a p p la u d isse m e nts : le p u b li c est c o n q u i s . D e uxième m o m e n t de L' e n t rée e n scè ne. Va lérie Lem e rc i e r i n t rod u i t la cérémo n i e p ro p re m e n t d i te : « Pour o u ­ b l i e r u n co u rt i nsta n t toute cette com pétition d é g u e u lasse . . . j e va i s vo us d e m a n d e r à tous de fa i re u n petit g este q u i n e vo u s coûtera pas g ra n d-c hose e t q u i p o u rt a n t pou rra i t c h a n g e r b i e n d e s c h oses. Alo rs, relaxez-vous, m ettez de côté toutes vos p u lsions n égat ives, je va i s vo u s d e m a n d e r tout s i m p le m e n t de V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@

....., ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

vo u s e m b rasser, d ' e m b rasser vos vo i s i n s . . . u n " pouto u " . . . u n smack . . . u n petit biso u . » Là a u ssi, e lle t i e n t fe rme : « Fa ites - le c h e z vo us à la m a i s o n , o n est tous u n peu des salt i m ba n q ues ce so i r ... » Des spectate u rs s' e m b rassent puis d'a u tres , p u i s toute l a salle, d a n s la j o i e et les é c lats de rire. L a g lace est ro m p u e . U n t ri o m p he. Dans les deux cas, l' e n t ré e e n scè n e est scé n a ri sée et ré pétée à l'ava nce d a n s ses m o i n d res d éta i ls . {cf. a ussi pour une p rise de contact moins ré ussie presse

»,

«

Répon dre à une in terview pour la

p. 228)

126

chapitre 3 Avant, pendant, après :

Sortir de scène Sortie de scène. Elle découle de

'' Je

l'exigence de préparer la der­ nière impression que l'on veut

à chacun son charisme

me souviens d 'une chanteuse

Lyrique

à

l'opéra

J 'assistais depuis

à

les

la

de

Seattle.

représentation

coulisses.

Son

laisser. Elle est souvent non ver­

demandait

bale et s'incarne alors dans un

violemment sur scene avec son

mouvement et une attitude du

partenaire. Elle sort d'un pas très

corps tenus pendant plusieurs

q u 'elle

énergique,

se

dispute

dans l'énergie de la

colère. Elle a marché sur moi du

secondes qui donnent toute

milieu de la scène, foncant comme

leur puissance au non-verbal.

une bête sauvage, et a contin ué sa

De la même façon, une sortie de

course hors champ de la salle, sur

scène ne peut être laissée au ha­

une quinzaine de mètres. 11 P a u l Viala rd

sard. Ce qui est dit est dit et toute

fausse sortie ou « fausse fin » risque d'affadir ce qui a précédé, laisser une impression approximative et fâcheuse. C'est ce qui conduisait Jacques Brel par exemple à ne jamais revenir chanter pour un rappel.

D ' a u t res sort i e s de scène ont a ltéré la d e rn i è re i m p ression V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

rôle

la iss é pa r ce rta i nes person nalités. Partir sur un coup de tête

Le 9 j u i llet 2006, c'est la finale de la Coupe du monde de football o pposant la Fra nce à l' Italie. Zidane a été le ca pita ine de l' éq u i pe de Fra nce victo rieuse en 1 998. I L est e n co re ca p ita ine de l' éq u i pe de Fra nce et disp ute son d e rnier match en q u a lité de p rofession­ nel. Répondant à u n e p rovocation de Materazzi, joueur italie n 1 , 1 . Le joueur italien aurait agrippé le maillot de Zidane. Celui-ci lui aurait alors dit : « Si tu le veux, je te le donne après le match.

»

Ce à quoi le j eune

joueur italien aurait répondu : « Je préfère ta putain de sœur

. . .

»

Zidane

s'est d'abord éloigné puis, après quelques secondes a fait volte-face, est revenu vers le joueur italien et lui a donné un coup de tête au thorax, ce qui lui a valu une exclusion du terrain.

127

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

il d o n n e à celui-ci u n coup d e tête au t horax. C'était son dernier match en équipe d e Fra nce et la dern i è re i mage qu'il a u ra la issée est ce lle d ' u n h o m m e plus i m p u lsif q u ' i l ne le laissait pa raître. Vingt ans de malheur pour neuf secondes de trop

U n e a u t re sortie de scène m a l h e u re u se a été ce lle d u c o u ­ reu r cycliste La u re nt F i g n o n lors d u To u r d e Fra nce d e 1 989. D éj à c h a m p i o n du To u r e n 1 983 et 1 984, il doit log i q u e m ent g a g n e r d eva nt l'A m é ri ca i n G re g Lemond : ava nt la d e r n i è re éta p e , u n cont re - la - m o n t re i n d i vi d u e l e n t re Ve rsa i lles et les C h a m ps- É lysé es, il a c i n q ua nte secondes d 'a va n c e . S u r les 24,5 k i lo mètres d u pa rco u rs, G reg Lemond effe ctue un te m ps rec o rd d e 26 m i n utes et

57

secondes. Parti e n d e r n i e r, La u rent

Fig non fa it tout ce q u ' i l p e u t p o u r n e pas p e rd re t ro p d e te m ps et conserver son m a i llot j a u ne . M a i s le Fra n çais t e r m i n e troi­ s i è m e de cette d e r n i è re éta pe, à c i n q u a nte- h u it secondes d e L e m o n d . I l p e rd l e To u r d e Fra nce p o u r n e u f petites seco n d es. Il s' a g i t e ncore a u j o u rd ' h u i du plus petit écart j a m a i s e n re ­ g ist ré entre le va i n q u e u r d u To u r d e Fra n c e et s o n d a u p h i n . Pour La u re nt F i g n o n , c ' était sa d e r n i è re c h a n ce d e réaliser u n e t roisième victo i re fi n a le . Dans une i nt e rview accord é e à V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

Libération, i l confiait, u n a n avant sa mort

: «

D e p u is vingt a n s,

il n ' y a pas u n e sema i n e où q u e lq u ' u n n e me pa rle d e ces n e u f sec o n d es ... 1

»

@

....., ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

1. Interview dans

Libération, série

«

Mon grand regret

128

».

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

Le regard de Michel

IÎ- lfou� A 1A i.ssÉ Ctt1e �& 6oilf � CHoCoVITS ! ... ��fdlT ON VA CU�l'A&'"M'.tftt 4 /N)tl.T PE l111Vo1·� V.RE' !! /Ï, tlot1S /lflRll tôtJr Jîftir !.'!

il

Vl (1)

.....

ë5 >­ w ...-i ...-i 0 N

,.....,

__

@

.j.J ..c 0\ 1:::: >-

8

«

Ce q u i est i m p o rtant, c ' e st la m a n i è re d o n t l' acteur entre et

sort d e scène. V\ w

Ava nt d 'attaq u e r une scène on se met d a n s un ce rta i n état. Au m o m e n t où o n co m m e n ce à j o ue r, i l faut q u ' i l y ait u n déclic i nt é r i e u r qui nous d o n n e un ce rta i n sent i m e n t , u n e ce rta i n e force. C ' est le senti ment d ' a bord p r i m itif q u ' i l faut d o n n e r, le 129

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

s e n t i m e n t q u i fa it e n t re r l'acte u r e n scè n e . Po u r c o m m e n ce r u n e scè n e , i l y a u n e contraction d éc o n t ractée, u n souci d ' at ­ t a q u e , d ' e x p re ss i o n . C e q u i est i m p o rtant d a n s u n e scè n e , c' est l'atta q u e . La p re­ m i è re scène, c ' est l'a tt a q u e , e n s u ite il y a de n o uve lles scènes d ' atta q u e . A u d é b u t d ' u n e scè n e , p l u s spéciale m e nt d ' u n m o n o l o g u e , i l y a u n a fflux d e s e n t i m e n t q u i force à p a rler, u n e s e n s i b ilité s o u ­ d a i n e q u i i rr i g u e i nt é rieu re m e n t t o u s les ca n a u x d e l' i n d ivi d u . S i , p o u r e ntrer, o n m a rc h e m a l , o n atta q u e ra m a l. Au C o nservato i re , o n d o it a p p re n d re t ro i s c h oses : • l' a rt d 'atta q u e r u n e scène ; • l' a rt se cond u i re u n e scè n e ; • l' a rt d e fi n i r u n e scè n e 1 •

»

Méthode Entrer en scène en silence je fais les premiers pas dans une salle ou jusqu'à une tribune en regardant le public et en me centrant sur la position neutre de ré�

1

férence, avec conscience de l'ancrage dans le sol, de la verticalité, d'une respiration profonde, avec le regard assuré et précis. Arrivé



au point où je dois parler, j e garde le silence le plus longtemps

@

possible, jusqu'à une minute à l'entraînement.

N

....., ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Marcher à u n ryth me particul ier rentrée en scène sur un pas quotidien amoindrit l'effet. Bien des personnalités politiques choisissent de faire une entrée en scène en courant : c'est par exemple le cas d'Obama qui , lors de la cam­ pagne pour les primaires de 2008, arrivait le plus souvent en 1. Louis Jouvet,

Notes de cours, op. cit. 130

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

trottant jusqu'à la tribune pour donner une première impression de dynamisme et de jeunesse . ] e m'entraîne à faire les premiers pas dans la salle ou jusqu'à la tribune sur un rythme musical que j e garde en tête. Savoir conclure Ciseler les derniers mots avec une formule ferme et concise. Il est essentiel de savoir clore une intervention orale de façon nette et précise. La méthode la plus efficace pour cela est d'écrire au préalable la phrase sur laquelle on veut terminer et de s'abstenir le moment venu d'ajouter un

«

eh bah voilà

»

ou tout autre son

parasite. Terminer, c'est savoir faire son deuil de ce qu'on avait à dire. La touche verbale gagnera souvent à être non verbale. Là encore, elle se répète, un sourire, un sourire bouche fermé , etc. La méth ode de. . . Hervé Pata Le d i s co u rs est u n voya g e

Il faut démarrer. Le discours est un voyage. Il faut partir du quai et ramener son auditoire à bon port. Je préconise de débuter un discours avec une voix médium et de puissance moyenne et de V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

finir avec une même voix médium et de puissance moyenne. La méth ode de. . . Th omas Hervé Accrocher dès les premières secondes : commencer par une his­ toire ou une anecdote qui va mettre l'auditoire en suspens . La méth ode de . . . Jua n Carlos Tajes Q u a n d c ' e st fi n i , ça n ' est p a s fi n i

[orateur doit prendre la salle dans le premier moment, dans le moment du silence. À la fin, il ne faut pas relâcher la salle. Le discours ne se finit pas avec le dernier mot, mais bien après les applaudissements. [orateur parle encore avec son attitude quand

131

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

les dernières paroles ont été prononcées. Toi tu as fini, eux n'ont pas fini de te regarder. Ça dure. Tu assumes tes responsabilités comme orateur encore après l'acte oratoire. Tu dois rester extra­ quotidien et continuer l'extra-quotidienneté.

] e pense à Condoleeza Rice : encore dix mètres après avoir passé la porte , elle garde son sourire. Sorti de scène, à l'opéra, tu as en­ core l'adrénaline qui marche dans ton corps et tu gardes le corps dans son état extra-quotidien.

V) Q)

e

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

132

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

A

Etre engagé dans sa prise de parole « Une sculpture de Rodin, immobile dans sa matière même, bouge e n elle-même et fait bouger l'espace qui l'environne.

»

Jacques Lecoq, Le Théâtre du geste

I l n'y a pas de pla ce en re présentation pour le corps ou les h u m e u rs de la perso n n e privée. L.:o rate u r est tout entier dédié à sa fo nction de représe ntat i o n . Dans une autre perspective, les gestes privés passe nt mal [se g ratter la tête, se c u rer les de nts, etc.). Plus loi n e ncore, u n tonus corporel seulement quoti d i e n ne suffit pas. Ê tre voûté, ava c h i , avo i r l'œil terne sont a utant de fa cteurs de décrédibi lisatio n . L.:engagement de l' o rateur commence avec u n corps d i sponi ble e t tonique, q u i p rend l' espace.

Se mobiliser moralement et physiquement Là plus qu'ailleurs se me­ sure la verticalité de chacun. V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

'' Tous

mes p rojets,

c 'est par le

verbe que je les ai emportés. C 'est

l'.orateur à la tribune doit

parce

avoir un corps extra-quoti­

qu 'il fa llait convaincre en prenant

dien, plus tonique et plus

appui sur l'émotion, l'irrationnel.

qu 'ils

étaient

infaisables

C 'est comme a u sein d 'un couple .

disponible en même temps,

Si tu arrives à parler le langage

comme en état d'alerte.

de l'émotion de l'autre, alors tu

C'est par l'engagement que

arrives à partager. 11

Jean-Michel Ja rre

l'orateur met ses ressources singulières, morales et phy-

siques, au service de son discours. De la qualité de l'engagement dépend le charisme, la capacité à rythmer le discours et à faire passer des idées et des émotions et par conséquent à convaincre

133

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

(cf « Être à l'écoute de l 'auditoire, p. m . [art oratoire est un art vi­ vant. Les Antiques parlaient de la

«

sueur sacrée de l'orateur

».

Dans ce portrait tiré d es Mémoires d'Outre - Tombe, Chate a u ­ b ri a n d fait ressort i r la p u issa n ce q uasi a n i m a le d u t r i b u n révo luti o n n a i re q u i «

«

m o n t re ses o n g les

secoue sa c ri n i è re »

i m pass i b le

».

lève s a patte

»,

; M i ra beau est capable de d é c le n c h e r

les passions d ' u n peu ple «

», «

«

furieux

»

e n restant l u i - m ê m e

O ù l'a cte o rato i re s' affi rme c o m m e u n a cte

cha rnel. . . «

L a la i d e u r d e M i ra bea u , a p p l i q u é e s u r le f o n d d e bea uté

p a rti c u l i è re à sa race, p ro d u isait une sorte d e p u i ssante fi­ g u re du Jugem e n t dernier de M i c h e l- A n g e , com patriote d e s Arri g h etti. Les si llo n s , c reusés p a r l a p etite vérole s u r le vi ­ sage d e l' o rateur, ava i e n t p lutôt l' a i r d ' esca r re s la issées pa r la fla m m e . La n a t u re s e m b la i t avo i r m o u lé sa tête p o u r l' e m ­ p i re o u p o u r le g i bet, taillé ses b ra s p o u r étre i n d re u n e n a ­ t i o n o u p o u r e n lever u n e fe m m e . Q u a n d i l seco u a i t sa c ri n i è re V) Q)

e

>­ UJ .-f .-f 0 N

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e n reg a rd a n t le p e u p le, i l l'a rrêta it ; q u a n d i l levait sa p a tte et m o nt rait ses o n g les, la plèbe co u ra i t fu rieuse. Au m i li e u d e l'effroya ble d ésord re d ' u n e s é a n c e , je l' a i vu à la t ri b u n e , s o m b re, la i d e t i m m o b i le : i l ra p pelait le chaos d e M i lto n , i m ­ passi b le et sans fo rme a u c e n t re d e sa confu s i o n . M i ra b e a u te n a it d e son p è re e t d e s o n o n c le q u i , c o m m e Sa i nt-Si m o n , écriva i e nt à l a d i a b le d e s pages i m m o rte lles. O n l u i fo u r n i s ­ s a i t d es d i sco u rs p o u r l a tri b u n e : i l e n p re n a i t c e q u e s o n e s p ri t p o uvait a m a lg a m e r à s a p ro p re su bsta n ce . S ' i l les a d o ptait e n e nt i e r , i l les d é b i tait m a l ; o n s'a p e rceva it q u ' i ls n ' é t a i e n t pas d e l u i pa r d e s mots q u ' i l y mêlait d 'ave ntu re , et 134

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

q u i le révé laient. I l t i ra i t son é n e rg i e d e ses vices ; ces vices ne na issa ient pas d ' u n tem p é ra m e nt f ri g i d e , i ls portaient s u r des passions p rofo n d e s , b r û la ntes, o ra g e u ses1 parler le n o n - verbal

»,

p. �].

»

{cf.

«

Fa ire

Méthode Repérer La positi on neutre Partir de la position neutre de référence

(cf

«

Les cinq piliers

de la prise de parole», p. � à l1 01p et travailler verticalité, tonicité, disponibilité corporelles et écoute de l'auditoire . Faire L'expérience de L'inverse Prononcer son discours recto

tono (ton uniforme) et sans un geste.

Pers onnaliser par des adresses Les m oments du discours Après

avoir

expérimenté

cette version délibérément

V) Q)

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'' Si

l'on ne veu t pas prendre de

risques, le risque du contact, de

sans relief, le chanter. Puis

quitter ses notes, de tenir compte

s'exercer à prendre nommé­

de ce qui se passe dans la salle, on

ment à témoin différentes

peut

très

vite

devenir

très

mauvais. Et les gens, perspicaces et

personnes dans l'auditoire

impitoyables, s 'ennuient vite et donc

aux différents moments du

décrochent. ''

discours .

Fra n ç o i s Pot i e r

Expl orer s o n discours par L e corps Traduire par des mouvements corporels dansés les différents mo­ ments du discours .

1. Chateaubriand,

Mémoires d'Outre-Tombe, V, I . 135

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Allumer u ne Lueur dans Les yeux C'est communiquer un niveau d'énergie intérieure vers l'extérieur

(cf. Le quatrième pilier : un regard assuré et précis », p. �«

J ouer La partition physique Étant passé par ces différentes étapes, mémoriser la partition phy­ sique du discours (variation des gestes, nuances de la voix, durée et qualité des silences , etc.) et se la jouer en avant-première .

V) Q)

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136

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

Cultiver son indépendance d'esprit et partager des valeurs « C'est un de ces orateurs qui, quand ils se lèvent, ne savent pas ce q u 'ils von t dire, quand ils parlent, ne savent pas de quoi ils parlent, et, quand ils sont rassis, n e savent pas ce qu 'ils ont dit.

»

Winston Churchill

Savo i r quoi dire et pourquoi o n le dit. Après u n e d iscussion ou a p rès avoir écouté un orateur, être ca pa ble de se retirer sous sa pro p re tente pour savoi r ce que l'on e n pense. E n se détachant des i nfluences et des p ressions d ive rses. Si le doute est souvent fe rti le et correspond à une attitude d ' écoute, i l y a des moments où nous avo ns à nous détermin er, alors même que nous sommes parfois en min orité ou isolé.

Avoir un centre de gravité moral et intellectuel Contre l'idée d'un confort à court terme, c'est un investissement pour construire son estime de soi et sa liberté. C'est aussi une qualité appréciée dans le monde professionnel : ce­ V) Q)

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lui qui est capable de tenir une position contradictoire avec discer­ nement et sans être dans le dogme, face à une ma­ jorité, suggère sa capacité à penser par lui-même.

'' C 'est la sincérité qui fait le bon ora­

teur. L'investissement honnête d 'une

personne dans son expression. L'art oratoire

demande

un

travail,

des

Inversement, ceux qui ne

habiletés, a u service d'une s incérité.

savent qu'aller dans le sens

S 'il y a habilité sans travail, le propos

du courant, les

restera creux. Sans sincérité, il ne

«

yes men

»

montrent davantage des qualités de docilité que

convaincra pas.

L'art oratoire est

un code d'expression avec comme fondement La sincérité. ''

d'indépendance d'esprit.

Jean-Pierre M i g n a rd 137

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Dans bien des situations d'oral, lors d'une interview, lors d'un examen pour un étudiant ou lors d'une réunion pour un profes­ sionnel, le courage est parfois de savoir dire

«

je ne sais pas

»

;

car

c'est dire du même coup qu'on n'a pas besoin de s'inventer un savoir ou une expertise pour s'affirmer. Le regard de Michel

' - . t, 1#1>€1�NOftNCE' l> 'es�ir;

T'6N PeNz Quoi ??... -----

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Lors de l' interview q u ' i l nous a accordée {cf.

p.

[I@J, Jean-M ichel

Ja rre se so uvi e nt : « J 'a i u n ami qui, il y a q u elques a n nées, a eu u n t rès g rave accident de voi t u re . H ô p i ta l . . . coma p rofo n d . A u bout de soixa nte j o u rs de c o m a , u n e comm ission m é d i ca le de q u at re person nes se ré u n it p o u r, co nformé m ent à la lo i , d é c i d e r d e " d é b ra n c h e r" o u n o n le patient. I l fa ut l' u n a n i m ité p o u r d é b ra n c h e r. I l fa ut l' u n a n i m ité pou r mettre fin à la vie

138

chapitre 3 Avant, pendant, après :

à chacun son charisme

d u patient. Tro is m e m b res d e la c o m m issi o n , p récisé m e n t les p l u s c h evro n nés, s o n t d ' avis d e d é b ra n c h e r l e patient. Le q u atrième, j e u n e i nterne, e st d ' u n avis contra i re . Po u r l u i , i l reste u n espo i r i nf i m e . I l t i e n t b o n .

On

n e d é b ra n c h e d o n c pas.

Q u e lq u e s j o u rs plus tard , le patient s o rt d u co m a . Auj o u rd ' h u i , i l vit et i l va b i e n !

»

1

.

Méthode Oser C'est une question de leadership . Savoir prendre des risques et ne pas se contenter de gérer. Aller dans le sens de ses intuitions et de ses convictions . Ne pas être que raisonnable. Être attentif à ce qui résonne en soi et en les autres. Ne pas rester prisonnier du principe de précaution . Façonner un mental serein, ferme et à l'écoute. Savoir dire n on Distinguer la personne de l'idée ou de la demande. Lorsque j e dis «

non » , je ne dis pas non à la personne, mais à ce qu'elle sou­

haite , propose, demande . . . V) Q)

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..._, ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Être conscient de ses valeurs et de ce que L ' on veut défendre Être clair sur ce que l'on pense et ce que l'on veut, tout en étant capable de laisser la place au doute, à l'échange et au dialogue, un art de chaque j our.

139

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Paroles de Jean- M ichel Jarre 9 octobre 2009, déjeuner dans une brasserie de l'avenue de Marigny à Paris. La table a été réservée dans un endro;t calme. Deux ou tro;s hab;tués v;ennent saluer Jean-M;chel Jarre, il demande que l'on ba;sse le volume de la mus;que de fond. L';nterv;ew peut commencer.

Par contre, avant un concert, je le gère en m'inventant des TOC (troubles obsession nels com pu l­ sifs) ! Je te don ne un exem ple : juste avant d'entrer en scène, mais à peine quelques secondes avant, je suis capable de retour­ ner dans ma loge pour fermer un tiroir que je sais mal fermé. Ainsi, Je reprends L'avantage. C'est le principe des chemins de traverse. Sinon j'entrerais par le plus court chemin, dans une lo­ gique qui n'est pas la plus effi­ cace à ce moment-là pour moi, et donc pour mon public. Bon, j'ai a ussi pas mal pratiqué yoga et méditation. Avant d'en­ trer en scène, il est fréquent que je prenne quinze à vingt min utes, tout seul, concentré. C'est pour moi d'autant plus im­ portant que s'agissant de la mu­ sique, je peste contre le son qui est devenu très lisse. C'est comme l'image aujourd'hui. Et com me la

Pour vous, le verbe est- i l vraiment utile ?

Utile

?

Indispensable

!

Je vais

vous dire : tous mes projets (Chi ne, É gypte . . . ) , c'est par le verbe que je les ai em portés. C'est parce qu'ils étaient in­ faisables qu'il fallait convai ncre en p renant appui sur l'émotion, l'irration nel. C'est comme au sei n d'un couple. Si vous arrivez à parler le langage de l'émotion de l'autre, a lors vous arrivez à Vl

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partager. Vivre ensemble au sein de la cité, cela ne peut se faire que grâce au verbe. Bien sûr, i l faut parfois surprendre, parfois être un peu i m p udique . . . Comment gérez-vous le stress?

Dans les échanges avec les Chinois, avec de la patience, sans doute un goût pour le jeu, et une certaine con na1ssance de leu r culture. 140

chapitre 3 Paroles de Jean-Michel Jarre

chirurgie plastique ! Cette hysVous vous détendez, parfois ? térie est Liée à une société du Diffici le, c'est de L'ordre du fan numérique qui découpe tout tasme. Le tem ps passe, se dien tranches, pour arriver à une vise en parties de plus en plus image Lisse de nous-mêmes . . . fi nes. IL y a une Bien sûr , on s c h i z o p h ré n i e do iven t es rn th ry s « Le ne peut pas entre Le temps nts s e l o n c e ·ttére 1 d e êtr tout stocker. C'est d u quot'd' i ien et t e x p ri m e r » u ve n 'o L e qu pourquoi parfoi s Le temps bioloj e « pose Le pagique. On s'étourdit. La créa­ quet » , je fais avec mon stress tion bouffe, ronge. C'est pas La ce que fait Le hibou avec ses dé­ voie vers Le bonheur, si ta nt est jections. J'en fai s une boule, et qu'i l existe. Pour retrouver L'i n ­ j'entre pas trop dans L'analyse. nocence il fa ut puiser de plus ·

en p lus profond, c'est un effort. La détente devient de L'anesthésie. La création, c'est Loi n de La détente.

Et vous trouvez d es avantages a u stress ?

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Bien sûr, c'est u n moteur ! C'est L'i nverse de La situation de sa­ gesse, qui plonge dans L'im mo­ bilisme. La créatio n est en des­ sous de La sagesse. Le stress est son m oteur. En entrant en scène, j'ai besoin de stress, d'éblouissement. C'est une situation extrême que L'on crée. C'est comme La situation de conflit, com me La drogue, Les positions extrêmes. Par exem ple i l m'arrive de voi r, d'expérimen­ ter j usqu'à quel point je peux m'approcher du clavier. . . au tout dernier mo ment. On n'est plus dans La géométrie de B laise Pascal.

Comment ryth mez-vous et rendez-vous vivantes vos i nterventions ?

Corn me tout Le monde, tu re­ gardes Les politiques fai re. Est­ ce que, dans Leurs prises de parole, i ls s'i nspirent des diffé­ rents rythmes musicaux ? Les ryth mes doivent être différents selon ce que L'o n veut expri mer. Les politiques devraient s'en inspirer, mais ça entre peu en Ligne de com pte dans Le dis­ cours politique. Dans Le discours politique fra n ­ çais, i l y a u n pla n , et i ls font

141

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

entrer ce qu'ils veulent dire Jean - Paul II. Obama, il faudra là-dedans. En m usique, sym­ voir ça dans le tem ps. phon ie, concerto, im provisa­ Le silence ? tion . . . les genres Dans la musique, e n c ore est zz rythmiques va­ b u Le « et les politiques e vis u el, q u dio rient en fonction a u s plu pourraient pars ourds d e n r s de ce qu'on veut ou n ca fois s'en inspirer, à n otre s, e tr expn mer. Il y a a u ux le plus i m port i. n . . . » des re aussi l'apport de o p r p tan t c'est le sila tech nologie et lence. Tu ne définis un son que de l'Afrique. Le développement par rapport au silence. Sans si­ musical peut être en continu, lence, la m usique n'existe pas. pas fragmenté, comme q uand on regarde une fourmilière ou Finalement, trop de bruit nuit au verbe ... des nuages. La dynamique (ou le contraste) Pour revenir aux politiques et à du son, c'est ce qui existe entre leurs discours, les plus grands le silence et le maximum tolé­ ne sont pas les énarques. Ils rable. Plus la dynamique est im­ sont de loin distancés par les portante, plus tu vas être émo­ avocats, qui ont une approche tion nellement touché. Plus elle plus globale de l'hom me, une est compressée, réduite, m oins approche émotion nelle que la tu vas l'être. On passe alors son politique doit i nclure. Si on tem ps à ha usse r ou à baisser le a, comme souvent en méde­ son . Le ton aussi ! cine aujourd'hui, une approche Le b uzz ambiant, ça fatigue, ça de spécia liste, qui isole, on banalise. C'est vrai pour tout se coupe de cette globa lité, discours, pour toute musique. de cette réalité qui permet de Et m ême, ça rabaisse. mieux sentir l'autre, l'auditoire. La sensibi lité qu'on a vis-à-vis Barack Obama, i l y a une mu­ du son est polluée, abîmée, at­ sica lité dans ses discours, mais taquée. En plus, maintenant, moins que chez Ken nedy, Mal­ on a i ntégré le MP3 . . . Lire, raux, De Gaulle, Gandhi ou

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chapitre 3 Paroles de Jean-Michel Jarre

tout en laissant la télévision allumée, avec différents autres buzz de fond, ce sont des b ruits qui em pêchent de fo nctionner à plein régi me. On ne va pas toucher, regarder, se parler de la même man ière avec tous ces parasites sonores ou visuels. La pollution sonore

appa uvrit notre relation aux autres, ça empêche la vision à long terme. En fait, le buzz est encore plus audio que visuel, ça nous rend sourds aux autres, à notre propre destin, chem i n . Propos recueillis par Hervé Biju-Duval

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Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

Paroles de Jean-Claude Le Grand 20 octobre 2009. Jean-Claude Le Grand vÏent de prononcer un d;scours pour une ;nauguratfon. Peu après et sur le Ueu de son ;nterven6on, ;l répond au débotté. ünterv;ew se fa;t debout, la rumeur de la foule présente en arrière-fond.

être détaché de son texte, parler face à une caméra, au micro, de­ C'est marrant que vous com­ vant un journaliste . . . menciez par cette question. Je prépare beaucoup ; je m e re­ En ce qui me co ncerne, c'est la trouve à fond dans la formule question. J'étais super timide. À de Churchill : « Mes plus lon­ Sciences-Po, il y a eu un dédie. gues i m provisations sont celles Je me suis dit : « C'est com plè­ que j'ai le plus Long tement idiot, tu vas tem ps préparées. » passer à côté de ta « Auj ou rd 'hui , ns Avant de pa rler, vie. . . Il y a corré­ j e p arle sa .is u s je i l faut quelques lation entre être probl èm e et n ie b e gran des idées. Pas timide et la prise m eill eu r q u on n s trop. Deux ou trois. de parole en public. des collèg ue Ne pas être trop Pour vaincre la ti mi­ timides » •• • lo ng. Un i m pératif audité, il faut faire un jourd'hui. Les gens n'ont pas boulot, manier l'émotion. Au­ le temps. Puis ce qui com pte, jourd'hui, je parle sans problème c'est de ressentir la salle. Les et je suis meilleur que bien des gestes avec les mains, ça collègues non timides, parce com pte beauco up pour moi ; i l que, ayant conscience de ma s'agit d'entrer e n contact, c'est timidité, j'ai bossé et j'ai bossé le feeli ng . . . Là par exemple, je dix fois plus qu'eux. J'ai progres­ viens de prononcer un discours sé grâce à de nombreuses forma­ d'inauguration ; je suis arrivé, tions ; faire un speech, faire la j'ai vu la lumière des projos en lecture rapide de ses notes pour Avez-vous été timide ?

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chapitre 3 Paroles de Jean-Claude Le Grand

plei ne face, les gens loi n, c'est surto ut cela qui a retenu mon attention, je me suis dit, i l va falloi r a ller chercher les gens, a ller accrocher les regards. Avec les gestes des bras et des mains am ples et loin devant le buste, je suis a llé chercher le contact.

Avez-vous connu des collègues q u i ont co nnu une révolution dans leur maÎtrise de la prise de parole ?

taper avec précision dans la balle. Il faut faire deux choses en même tem ps, com me pour parler en public (où i l faut être conscient de ce que L'on dit et en contact avec l'a uditoire). Au départ, au polo com me pour parler, j'ai peur. Il n'y a rien de mei lleur que la peur.

Des expériences difficiles ?

Oui. Et il n'y a pas de secrets. Les progrès passent par la formation. Qu'est-ce qui est im portant ?

La capacité à m aîtriser sa peur. Le co ntrôle de soi. Il fa ut m u lti­ Le stress ? plier les expériences. Travai ller C'est de l'adrénaline ; j'adore. avec des coachs. Faire des inPour moi, le stress me fait par­ terventions brèves. Les ali men­ ler à toute vitesse ; je dois me ter avec des chiffres. Ça parle. ralentir, être concis, baisse r le Il fa ut des ingrédients concrets, ryth me, travailler la respiration. l n c a r n e r les choses, savmr C'est comme a u sport. Je fais remerc1er, citer du polo. C'est t, an rt o mp i quelqu'un, a ller « C e q u r. est très dur et trop é cit pa chercher du re­ c 'est la ca méconnu. Le che­ , u r sa p e gard ceux qu1 a, m aîtris er va l à 60 km/h . . . . » oi de s écoutent de loi n . l e c on trôle Et en même temps V) Q)

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Qua n d on a l'i mpression de ne pas pouvoir s'exprimer, quand on n'a pas le temps, par exem ple à la télé. Il fa ut trou­ ver ce qui va faire mouche. La pression des médias a ussi . L'O réal est une entreprise qui paraît riche, donc coupable par défi nition. Hier, une journaliste m'interrogeait sur la com posi­ tion du conseil d'administra­ tio n . On a 20 % de femmes,

L'indépendance d'esprit ?

C'est être capable de s'écarter de son texte, de ne pas le lire.

145

Partie 1 Les 20 fondamentaux de la prise de parole

mais elle ne voulait pas comp­ ter madame Bettencourt. Pour­ quoi ? Elle i nsistait et ergotait. Pourquoi ? Quand on est DRH, le plus dur, ce sont les plans de restructura­ tion. J'en ai con nu chez Olivetti . Certai ns m'ont dit : « Tu détruis ma vie. » S'il y a émotion, i l y a un m orceau de toi avec eux. S'i l n'y a pas d'émotion, i l ne faut pas faire ce métier. Comment répon d re à ce « tu détruis ma vie ?

contre-exemple ; je reçois des types . . . i ls arrivent, mettent leur dossier sur mon bureau. On Leur a dit : « Il faut faire ça . . . », par exemple, prendre possession de l'espace de l'autre, entrer et déposer leur dossier sur mon bureau . . . Mais on ne se con naît pas ! Mais on leur a dit : i l faut entrer dans la bu lle de l'autre . . . alors i ls le font . . . Mais moi, quelqu'un que je rencontre pour la première fois, ça ne marche pas co mme cela . . . Il faut se méfier des « il faut faire ça » .

»

Il y a nécessité de reconstruire après. Dans ce cas, mon rôle, c'est d'accompagner dans la re­ construction.

Le silence ?

Le silence est très i m portant. Savoir garder un silence, des silences plei ns de compréhen­ sion . . . savoir l'i nstaurer au bon moment, le rom pre aussi.

Le non-verbal ? ...

Il est le fruit des formations. Les b ras et les gestes en avant pour créer le contact. Vl

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. . . U n rôle dans L'observation d es a utres ? Lors des entretiens ?



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Propos recueillis par Cyril Delhay

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Parler face aux autres Les m a n i è res d e s'y p re n d re se mod u lent selo n le co ntexte, la si­ tuat i o n , la n a t u re d u p u b l i c , le n o m b re . On n e met pas le c u rs e u r d u verbe a u m ê m e e n d roit, selon q u e l' o n pa rle à 5 000

1 , 5, 1 5, 500

ou

perso n n es. Au-delà d e ces p r i n c i pes, u n t rava i l c o n sta n t

d 'aj uste m e n t est à fa i re e n fo n ct i o n d e l' écho re nvoyé o u m i e u x e n c o re p o u r a n t i c i per l' é c h o à ve n i r. Le s o n a r perso n ne l d o it être consta m m e n t b ra n c h é . I l p e rmet d e ne pas perd re d e vue q u ' i l va fallo i r a ussi passe r d u rituel d e d é p a rt a u plus i n t i m e , afin d e c o m p re n d re et se fa i re com p re n d re . Les c h a p i t res qui su ive n t d o n n e nt des re p è res, c o m m e u n e c a rt o g ra ph i e , p o u r a b o rd e r d e s c o n fi g u ra t i o n s a u ssi d iffé re ntes q u e l e face-à-face, la t ri­ V) Q)

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b u n e , les p ri nci p a u x types de réu n i o n , le débat o u encore la t a b le ro n d e . Là e n co re, i l n e s ' a g i t pas d e recettes, m a i s s i m p le m e n t d ' exe m ples a n a lysés à l a lo u pe p o u r sti m u le r l a réflex i o n e t a i d e r à s e c o n stru i re d ' ut i les re p è res. C 'est e n s u ite à c h a c u n d e fo rg e r ses méthodes, a u fil d e ces pages b i e n s û r, m a i s a ussi à l a fave u r d e ses expéri e n ces.

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Parler en face à face Le p roblème d e l'entreti e n , c' est celui d u servi ce, comme au tenn is. Que je sois le supérieur h iéra rc h i que, le collaborate u r, le consei ller, l'a m i , si j e suis à l' in itiat ive d e l'entret i e n , c'est à moi de parler Le p remier. S ' i l y a u n e ré ponse à donner consécutive à une demande, i l y a trois options possibles pour son i ssue : « oui » ; « o u i à condition que . . . » ; « non parce que ... » I L peut a ussi arrive r que j ' a i à d i re « n o n » sans toujours avo i r à d o n n e r d e j ustification.

Conduire u n entretien d'évaluation Le responsable d'un laboratoire pharmaceutique est comme chaque année en entretien d'évaluation avec l'un de ses collabo­ rateurs. Après les préalables et le rappel des raisons d'être de l'en­ tretien il évoque , faits à l'appui, ce qu'il en est de l'année qui vient de s'écouler, écoute son collaborateur, questionne, fait préciser un élément, lui demande son avis sur tel ou tel point . . . Ils passent aux objectifs pour l'année qui vient. révaluateur sent alors peu à peu qu'il décroche, n'est plus présent, mobilisé V) Q)

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comme il devrait l'être. Il s'entend proposer des objectifs sans y mettre la chaleur et l'engagement qui seraient de nature à per­ mettre l'échange, il est moins attentif, alors qu'il avait pourtant préparé . . . Bref, l'entretien patine. De son côté, le collaborateur ressent tout cela et se désengage lui aussi : il se met en retrait et n'intervient plus. Voyant bien que cela ne peut plus continuer ainsi, que cela de­ vient un exercice formel, le responsable se dit alors : sur l'entretien, investis-toi : aime-le ! à un entretien vivant et participatif.

150

>>

«

Sois centré

Les deux reviennent alors

chapitre 1 Parler face aux autres

Le regard d e Michel

Quels enseig nements en tirer ? rentretien d'évaluation se nourrit de rationalité, mais aussi de cha­ Vl (1)

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leur, d'émotion, de parler vrai. Ce n'est pas un acte administratif froid : néocortex et limbique , intellect et affect, raisonnement et résonance vont de concert. Il suppose préparation, total engage­ ment dans la durée, évocation des points positifs et négatifs . Chacun des deux doit être actif. Il n'y a pas d'un côté celui qui parle, de l'autre celui qui reste passif, même si l'initiative appar­ tient à celui qui a demandé l'entretien. C'est bien un dialogue. Il doit déboucher sur un plan d'action de ce que l'on va arrêter de faire , continuer de faire, commencer de faire. Certains éléments de ce plan d'action seront négociés, d'autres ne seront pas négociables.

151

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

C'est dans la logique du lien hiérarchique, l'entreprise étant un lieu de

«

démocrature » comme le dit Claude Bébéar (Axa).

Se faire comprendre Deux amis sont dans une discussion animée. [un d'eux demande, après avoir exposé la situation, conseil à l'autre. Manifestement, il n'arrive pas à faire comprendre à un tiers ce qu'il attend de lui. Comment faire ? - Tu lui as bien dit ce que tu attends de lui ? - Oui, oui. - Comment ça,

«

oui, oui

»

?

- Oui ! et s'il n'a pas compris . . . - Comment ça,

et s'il n'a pas compris ? » Tu lui as dit ou tu ne

«

lui as pas dit ? - Écoute-moi, honnêtement, s'il n'a pas compris ce que j e voulais dire . . . - Donc tu ne lui as rien dit ! - Mais si, je te dis ! - Lui as-tu dit V) Q)

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explicitement ce que tu avais à lui dire ?

- Je viens de te dire, j e lui ai fait comprendre . . . et s'il n'a pas corn.

.

pns, J e n'y peux nen. .

- Comment ça, pas dit

«

fait comprendre »? j'en déduis que tu ne lui as

explicitement les choses,

que tu espères qu'il les compren­

dra à tes allusions, à ton comportement, à tes non-dits. Tu sais, les gens n'entendent bien souvent que ce qu'ils veulent entendre , et ils n'oublient j amais ce qu'on ne leur dit pas. Quels enseig nements en tirer ? Le comportement que l'on vient d'évoquer est assez fréquent. La plupart des problèmes de communication que l'on rencontre

152

chapitre 1 Parler face aux autres

viennent de ce que celui qui a des choses à dire ou à demander n'ose pas les dire ou les demander. Cela rappelle les situations dans lesquelles, dans la vie professionnelle , dans la vie amou­ reuse . . . on aimerait tellement que l'autre comprenne tout seul ce que l'on voudrait, mais que l'on n'ose pas ou que l'on ne prend pas le temps de lui dire . Or, c'est à celui qui a quelque chose à dire de « servir » (cf

«

Parler . . . aux autres p. 8j}. r>,

Pour qui écoute, favoriser chez l'autre le fait qu'il dise ce qu'il a à dire : « Qu'attendez-vous de moi ? » ou « Pouvez-vous être plus précis ? » Celui qui parle est responsable tout à la fois de l'émission et de la réception. Chasser l'implicite : ne pas se contenter de : « Tu vois ce que j e veux dire ? » Regard de Michel

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Parler à la tribune Pa rle r à La tri b u n e c'est, plus que dans d ' a utres circonstances, être e n situation de re p rése ntati o n avec des obligati ons scén iques, com pte tenu de La dimension de l'espace et d u nom bre de participa nts dans l'assemblée. C ' est donc s'exposer pour i n fo rmer, conva i n c re, partager, responsabi liser, i n citer à l'action, séd u i re et mobiliser, tant i n tellectue llement qu'affectivement. C 'est u n moye n , pas une fin : seuls les effets obte nus diront s i la ci ble a été attei nte.

Intéresser son auditoire Pour illustrer cette situation, nous utiliserons le témoignage de Pierre-Marie Dupuy, profe sseur de droit international public (Paris II) . Après avoir enseigné en France et à l'Institut universitaire eu­ ropéen de Florence, il est actuellement professeur à l'Institut des hautes études internationales et du développement de Genève. « Mon premier cours en tant qu'agrégé , c'était à Strasbourg, j'avais 29 ans et un trac fou . Dans l'amphi, ils étaient 650, en première année . Je devais intervenir en droit constitutionnel. En robe heu­ V) Q)

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reusement. La robe m'a aidé, c'était du théâtre . j'ai investi mon personnage , j e me suis propulsé dans l'action. Il fallait à la fois être pertinent et dans la bonne distance. Je l'ai vécu comme une représentation, cette toge m'a permis de dépasser la fonction. Je fais le parallèle avec le

traje de luz,

le vêtement de lumière que

porte le torero. Que serait-il sans cet habit ? «

»

[. . . ]

Sur un suj et très technique ( « À quelles conditions un État tiers

peut-il intervenir dans un procès » ) que j e devais aborder avec mes étudiants à Florence je leur ai dit : voilà, j'étais dans mon bureau, le téléphone sonne . j'ai un collègue des États-Unis en ligne qui me demande si j e veux intervenir dans une affaire pour le compte 154

chapitre 1 Parler face aux autres

de la Guinée-Équatoriale. je fais rire l'auditoire en lui racontant mon échange avec ce collègue (oui, la Guinée-Équatoriale, c'est en Afrique j e crois, près de l'Équateur, non ? . ) , puis j e sors sur .

.

PowerPoint la carte de cette région du monde, etc.

À partir d'un ton et d'éléments qui se voulaient dans l'anecdote, j 'ai pu entrer dans des éléments techniques (pour pouvoir inter­ venir, l'État tiers doit justifier d'un intérêt juridique . . . ) . Là, c'était assez facile, car il s'agissait d'une affaire de délimitation du plateau continental impliquant le Cameroun et le Nigeria. Avec les cartes, l'audio est devenu audiovisuel, les étudiants étaient embarqués dans l'échange avec mon collègue d'autre-Atlantique et surtout dans le fond de l'affaire . Ils étaient motivés car les conditions de leur motivation avaient été créées.

»

Pierre - M a rie D u puy, fils d u p rofesse u r René-Jean D u p uy, re ­ late cette h i sto i re. «

M o n p è re eut un jour d a ns son a m p h i un étudiant qui était

ven u avec . . . s o n c h i e n . Lorsq u ' i l s' e n a pe rçut, i l l u i dit a lors le V) Q)

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p l u s sérieuse m ent d u m o n d e : " M o n s i e u r, ici o n a ccepte les â n e s m a i s pas les c h i e n s ! " To ut l'a m p h i était h i la re, c ' était g a g n é . Le c o u rs re p rit joye u s e ­ m e n t de p a rt et d ' a ut re . O n n e revit j a m a i s le c h i e n . »

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Quels enseig nements en tirer ? Pierre-Marie Dupuy propose lui-même les enseignements à tirer de son témoignage. « j'ai constaté que la fonction enseignante voudrait tenter non pas de nier, mais d'atténuer le déséquilibre qui est là, dans la relation, qui est du type dominant-dominé en termes de savoir. Enseigner

155

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

à des étudiants, c'est d'abord une entreprise de séduction. Ce que l'on cherche à obtenir, c'est l'adhésion. Si l'on n'y prend garde , quand on enseigne , on est toujours guetté par la facilité : lire son cours, ne pas s'investir, débiter du verbe au kilomètre sans être attentif à ses étudiants, sans les regarder dans les yeux . . . On ne se donne alors plus assez de mal, on n'est plus vigilant. C'est alors que l'attention chute, que naît le désintérêt, voire l'ennui. Si j e tombe trop dans l'anecdote, cela peut être un risque , car j e ne parle alors pas de la manière dont le problème se pose. je dois être constamment attentif au contenu et à l'auditoire, à son évolution, dans le temps que dure le cours. Rien n'est jamais gagné d'avance, il faut jongler avec la répétition, la diversité, tout en ne lâchant jamais le fil de l'affaire. Les efforts du professeur doivent être d'autant plus importants qu'il faut surmonter la relation inégalitaire due à l'âpreté du suj et, que moi je maîtrise , mais eux pas encore. C'est par la séduction que j e les aide à pénétrer dans la matière juridique . Séduction parce que médiation. Pour instruire , il faut aussi plaire et toucher, toute la rhétorique est là. V) Q)

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Dans l'acte oratoire en amphi, trois choses sont importantes : •

la voix : elle doit exprimer la sérénité du savoir, signifier que l'on sait où on va, cela rassure l'auditoire ;



la diction : sans diction, l'auditoire ne comprend pas (cf.

« Trouver sa voix et passer la rampe », p. � ; •

la passion : ce n'est pas contradictoire avec la sérénité de la voix, c'est signifier que ce que j e dis est important, que j'y crois vraiment, que je suis habité par ce que j'évoque. (cf.

engagé dans sa prise de parole»' p. rn

;

« Être

Parler aux étudiants, c'est observer une pédagogie à trois temps en pratiquant : 156

chapitre 1 Parler face aux autres



l'art de la répétition : quand le propos est aride, il faut savoir répéter, mais pas exactement de la même manière , en regar­ dant la situation depuis des angles, des points de vue diffé­ rents , en l'abordant en différentes langues, l'une enrichissant l'autre ;



l'art de la diversité : la répétition implique la diversité , qui permet de casser le récit, de changer de rythme, d'adopter des genres différents, d'illustrer. Un exemple : si vous tirez, à la leçon d'agrégation, le suj et suivant :

«

Le garde champêtre » ,

que faire ? Soit vous y allez sur le mode convenu, banal , en­ nuyeux car trop didactique (la fonction de garde champêtre, mise en place dans les années . . . consiste à tez le propos en situation : pêtre .

.

.

».

«

. ) , soit vous met­

Il était une fois un garde cham­

Cela fait partie de la diversité et de la distanciation

nécessaires à l'impact recherché

son intervention », p. [Zj)



. .

(cf. « Rythmer et rendre vivante

l'art de la continuité : il faut un fil rouge , une ligne conduc­ trice. Iétudiant, en sortant du cours, doit pouvoir se dire que c'est clair, qu'il a compris »

V) Q)

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(cf « Préparer un texte : le pouvoir

du verbe », p. � -

De façon plus générale , avant d'intervenir à une tribune, j e me renseigne sur l'auditoire , son homogénéité ou son hétérogénéité, sa taille, ses centres d'intérêt, l'actualité qui concerne les uns et les autres

(cf « Se poser les six questions incontournables », p. W .

je veille également aux différents aspects techniques car est maître des lieux celui qui les organise. [orateur est responsable en der­ nier ressort des conditions dans lesquelles il intervient et doit donc veiller à ce qui concerne : •

la taille de la salle ;



la qualité de l'éclairage ;

157

Partie 2 20 situations passées



à la loupe

la position d'où il parle ; assis ? Derrière une chaire ou un bureau ? Debout derrière un pupitre ? Directement face à l'auditoire ?





y a-t-il un micro et si oui y

quelle est la qualité de l'amplification?

a-t-il des supports audiovisuels ou non ? Quelle est la qualité

du vidéoproj ecteur ?

(cf Faire parler le non-verbal, p. �. «

Sans négliger la forme, capitale, parler à la tribune, c'est touj ours remettre le fond du discours au centre de la communication, en prenant appui sur les trois piliers que sont l'expertise, la convic­ tion et la clarté. Et s'il est des questions ou situations que j e n'ai pas anticipées, j e fais avec ce que j e sais. Si j e n'ai pas la réponse à la question posée, je le dis

(cf Cultiver son indépendance d'esprit «

et partager des valeurs » ' p. m . À la tribune et quoiqu'en situation de représentation, j e reste un orateur, c'est-à-dire qu'à la diffé­

rence du comédien, je joue mon propre rôle et j e dois trouver le ton et les mots justes. »

V) Q)

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158

chapitre 1 Parler face aux autres

Ani mer différents types de réunions I l existe plusi e u rs types de réu n ions : la réu n i o n d ' i nformation descenda nte ; la ré u n i on d ' i nformation ascenda nte ; la ré u n ion de c réativité, etc. Chacune a sa spéc ificité et d o it être conçue, a n imée, vécue d iffé remment. Les rôles de chaque participant, les tech niques uti lisées, la d u rée des ré u n ions vont va rier. Dans certa i nes, o n écoute et reçoit, dans d'a utres on donne son avis, on fait re monter l' i n formation, on cherche et on t rouve des id ées nouvelles ... Le regard d e Michel

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159

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Animer une réunion d'information descendante Le responsable d'une équipe de managers informe ces derniers de la mise en place d'une nouvelle procédure d'évaluation des managers, le 360°, qui consiste à les faire évaluer à la fois par leurs pairs, leurs subordonnés, leurs collègues, leurs clients , leur supérieur hiérarchique. run des collaborateurs réagit : « Mais pourquoi ? À quoi cela sert-il ? » Un autre enchaîne : « On ne va quand même pas se faire évaluer par nos collaborateurs, c'est le monde à l'envers ! » Un troisième : « Je sais quels sont les points forts et les points faibles des uns et des autres et nous managers, nous connais­ sons mieux que personne la situation, c'est une perte de temps et d'argent . . . » Un quatrième : « Dans mon équipe , tout va bien, on dépasse largement les obj ectifs, j e ne vois pas ce qu'on pourrait faire de plus . . . » Quels enseignements en tirer ? V) Q)

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run donne les informations ou les directives , les autres les reçoi­ vent. C'est « top-down» . S'il s'agit d'informations concernant des changements à venir, celui qui intervient doit, à la fois : •

affirmer ses convictions , montrer qu'il croit en ce qu'il dit ;



rassurer ceux qui résistent au changement, en leur disant ce que seront les invariants ;



ne pas masquer les incertitudes ou difficultés , s'il y en a.

Il convient pour le responsable de savoir dire : « Écoutez, la déci­ sion de mise en place du 360° a déjà été prise. Nous ne sommes pas là pour la remettre en question. »

160

chapitre 1 Parler face aux autres

Il pourra centrer ses efforts sur l'explication de la décision et ras­ surer ainsi :

«

Qu'avons-nous à craindre du 360° ? Nous aurons

peut-être confirmation de ce que nous savons déjà, mais peut-être aurons-nous aussi des informations, des idées, des suggestions qui aideront à progresser. Ce que j e vous demande, c'est de vous concentrer sur les modalités de mise en œuvre de cette décision : quelles questions poser aux différents acteurs du 360°, afin de recueillir ce que nous voulons savoir, ce qui pourra améliorer le fonctionnement, le produit ou le service , les relations , les résul­ tats . . ? Et si tout est parfait chez nous, les différents acteurs du .

360° nous en renverront l'écho. Faisons-leur confiance .

»

Animer une réunion d'infor mation ascendante Pour diminuer le temps d'attente aux caisses, la direction d'un hy­ permarché a demandé aux responsables de rayon puis au bureau d'études de proposer des idées. Rien de concret n'en sort, et les clients continuent de se plaindre du temps passé en caisse . En désespoir de cause, le directeur accepte la proposition de l'un des responsables : et si on demandait leur avis aux caissières V) Q)

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Après tout, elles sont une cinquantaine au contact du client. . . peut-être pourraient-elles avoir des idées. Elles se réunissent, travaillent vite et demandent qu'une réunion soit organisée pour entendre leurs propositions. La réunion a lieu. Deux d'entre elles interviennent, font des sug­ gestions auxquelles personne n'avait pensé, concrètes, efficaces, pleines de bon sens, nécessitant un investissement financier modeste. Dans la salle, un long silence suit l'intervention. Le directeur prend alors la parole : on va faire ce que vous dites !

161

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Depuis, il n'hésite pas à passer une heure plusieurs fois par se­ maine avec les caissières, allant les voir sur leur poste de travail, créant du lien, recueillant leurs avis , écoutant leurs doléances, leurs idées, trouvant avec elles des solutions chaque fois que cela est possible. Le temps d'attente aux caisses a diminué de 60 % . Quels enseignements en tirer ? Ce type de réunion consiste à éclairer et à influencer le respon­ sable , à lui apporter des informations qu'on lui doit, des idées, qui vont alimenter son tableau de bord et permettre de progresser. On est là dans une démarche

«

bottom-up

».

Savoir profiter de tous

les talents et de toutes les expériences d'où qu'elles viennent. Partager l'information, c'est poser la question du pouvoir. Il ne faut pas hésiter à consulter les personnes qui sont au plus près du problème et par conséquent de sa solution, afin de ne pas se priver d'une ressource et d'intelligence. Deux conceptions s'opposent : •

ainsi on garde le pouvoir, mais quel pouvoir ?

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soit on garde l'information et le problème éventuel pour soi et



soit on partage l'information. Cela ne diminue en rien le pou­ voir, mais au contraire lui donne plus de consistance. Cela permet aussi de favoriser l'adhésion des collaborateurs.

Auj ourd'hui , sauf pour ce qui concerne certaines questions stra­ tégiques qui ne peuvent être mises sur la place publique, pour avancer, il faut partager. Personne ne peut réussir tout seul, qu'il s'agisse du marin en course ou du chef d'entreprise qui veut conquérir des marchés.

162

chapitre 1 Parler face aux autres

La ré u n i o n d ' i nfo rmation t ra n sve rsale consiste à parta g e r avec ses p a i rs , d e s collèg ues, d ' a u t res entités, branches o u secte u rs. R i e n là d e h i é ra rc h i q u e , s i m p le m ent l e p a rtage d ' u n savo i r o u d ' i nformations. C h a c u n mettra en co m m u n les élé­ me nts dont il d is pose, les q u esti o n s e n suspe ns, les o ptions possi bles. On est là au cœur d u trava i l en é q u i p e . L' a n i mate u r d e l a ré u n i o n d o i t ve i lle r à c e q u e t o u s pu issent s'exprimer, sa ns ret e n u e . To utes les expertises sont néces­ sa i res, a f i n d e p résenter la m e i lle u re offre poss i b le, q u i t i e n n e co m pte des d iffé rents a s p ects à p re n d re e n com pte. C h a c u n est écouté, les i nterve ntions sont passées au crible de la fa isa b i lité, c h a q u e avis est pesé, l' i ntérêt g é n é ra l et l' a m bition co llective d o ivent être p rivi lég iés.

1 .

Animer une réunion de créativité Aux États-Unis, un fabricant de plateaux d'argile , destinés aux particuliers s'entraînant au tir, voyait son chiffre d'affaires et ses résultats diminuer dangereusement car les plateaux d'argile man­ V) Q)

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qués par les tireurs retombaient dans l'herbe et . . . endomma­ geaient les lames des tondeuses à gazon. Personne ne trouvant de solution, les responsables décidèrent, à l'aide d'un consultant qui leur mit rapidement les règles du jeu en main, d'expérimenter la technique d'identification : chacun des présents s'identifia à l'un des éléments de l'action de tir, puis de coupe du gazon . On eut ainsi un homme-fusil, deux hommes-cartouche, un homme-bras détendeur du plateau, un homme-tondeuse , un homme-lame, un homme-plateau d'argile . . . . Chacun jouait son

163

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

rôle, suivant la chronologie des événements . Lorsque son tour arriva de parler, après quelques essais infructueux, on entendit l'homme-plateau d'argile dire

:

«

Attention, moi plateau d'argile,

j'entends la tondeuse arriver, je vois la lame qui se rapproche , aïe, aïe, aïe , je vais l'endommager, il faut que je m'en aille, mais je ne peux pas, il faut, il faut . . . que je disparaisse, que j e me fonde dans la terre

! » Eurêka ! [entreprise était sauvée. Elle mit au point des

plateaux d'argile en glace , qui fondent en quelques minutes, et vendit en outre à ses clients les moules permettant de les congeler, ainsi que le matériel permettant de les conserver et les prélever un par un sur le pas de tir. Quels enseig nements en tirer ? Il s'agit ici de produire des idées nouvelles, permettant de dé­ velopper l'activité , de répondre à l'action de la concurrence , de pallier des dysfonctionnements , d'imaginer de nouveaux produits ou services. Tout le monde est créatif, pour peu que la ou les techniques utili­ sées, faciles d'accès, soient proposées. Le fait de ne pas être un spécialiste du sujet traité n'est pas un V) Q)

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handicap rhédibitoire (on a vu dans l'industrie pétrolière des in­ génieurs buter sur un problème de forage, et des non-spécialistes trouver la solution à cette difficulté à l'aide d'une technique de créativité ! ) .

À titre d'exemple, voici deux d e ces techniques CQFD et la méthode par identification.

164

la méthode

chapitre 1 Parler face aux autres

l La règle CQFD de base

La méthode CQFD et La méthode par identification

P a s d e C e n s u re : c h a c u n évo q u e toutes les i d é e s q u i l u i pas­ s e n t p a r la tête, m ê m e s' i l les t rouve m é d iocres ; perso n n e n e c e n s u re les i d ées d e s a u t res. La Q u a ntité d ' a bord : p rivilégier la q u a ntité d ' i d é e s à la qua lité. Oui aux i d ées Fa rfe lues. L o ri g i n a l, la p e n sée décalée, cela p e u t payer. D é m u lti p l i o n s s u r les i d ées d es a u t res : u n e i d ée m ê m e n o n pert i n e nte peut a i d e r à e n p rod u i re u n e a ut re. E n c e sens a u ssi, i l n ' y a pas d e m a uva ises i d ées.

1 Divergence et convergence

La p h a s e d iverg e nte, c ' est l' a p plicat i o n d u C Q F D . To ut le m o n d e s'expri me, les i d ées s o n t ra re m e n t p a rfa ites lo rs d e le u r é m i s ­ s i o n , o n les peaufinera e n su ite. La p ha se d e co nverg e n c e , c 'est le p a ssa g e au t a m i s de la fa i ­ s a b i lité. O n revient à la réa lité, o n voit c e q u i est poss i b le , s a n s toutefois être esc lave d e s s c h é m a s d e pensée e n vig u e u r.

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1 U n e nouvelle relation avec les colla borateurs

Le tout est p o u r q u i co n d u it la ré u n i o n d e c réer les co n d i t i o n s d e li béra t i o n d e l a p a role. U n e fo i s les règ les d u j e u é n o n cées, les ra p peler s i beso i n . Pa rler peu, fa i re u n « tour d e c h a uffe » p o u r q u e c h a c u n se rod e à cette a p p roche pa rfo i s o r i g i n a le d e résolut i o n d e p ro b lè m e , accueillir avec b i e nvei lla n ce les idées q u i vi e n n e n t , ne j a m a i s perd re d e vue l'o bjectif p o u rsu ivi, conclure en fo rme d e re p rise et syn t h èse des i d é es é m i ses, s a n s o u b l i e r de re m e rc i e r les u ns et les a u t res pour le u rs a p p o rts. Pa rler, c' est a u ss i reco n n aître et re m e rc i e r. 165

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Ce n ' est plus le rôle d u petit c hef auto rita i re , m a i s a u contra i re celui d e l' a n i mateur capable d e c réer les co n d i t i o n s d e la col­ la b o ra t i o n d e tous. L a méthode par identification

E lle co nsiste, p o u r les p e rso n n es participant à ce type de ré u ­ n i o n , à s' i d e n t ifier à c h a c u n des é l é m e nts ( o bj et , o u t i l . . . ] q u i fa it q u e les c h oses n e fo ncti o n n e n t pas, à leu r d o n n e r vie pa r la p a ro le, à ve rbaliser ce q u ' i l fa u d ra i t fa i re o u n e plus fa i re . . . C e s ré u n i o n s , v u e s d e l' exté rie u r, pa ra isse nt o r i g i n a les : e lles permette nt ce p e n d a n t de t ro uver d es solut i o n s re m a rq u a b les et s o n t u t i lisées avec p rofit d a n s de t rès n o m b re u ses branches d ' a ctivité.

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166

chapitre 1 Parler face aux autres

Participer à

un

débat

U n d é bat est u n échange d ' i dées et d ' a rg u ments où toutes les convictions et a n a lyses peuvent a priori être exprimées. I l s'agit d ' écouter, d ' uti liser la reformulation comme o n prend u n p o i nt d ' a p p u i , de présenter ses idées sans se laisser hypnotiser par la partie adverse. L.:agi lité consiste à pouvo i r écouter et à être capa ble de fa i re d u chemin dans le sens de l'autre avant, le cas échéant, de contre-argumenter. I l fa ut d isti ng u er deux cas : celui où l' obj ectif est de conva i n c re l' i nterlocuteur ; celui où il s'agit de conva i n cre l'aud ito i re . Le regard de Michel

' EST1êl"fS DE (D�AJCEfl.. t.S J>iBAr!

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-rôur 11" Fifir 'b'flccoti.D Avec Vous .�'

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Identifier son interlocuteur Lors d'un débat télévisé, en octobre 2009, entre Jacques Attali et Xavier Mathieu, délégué CGT de l'usine Continental de Clairvoix, ce dernier eut des propos très emportés contre la situation ac­ tuelle et les responsabilités gouvernementales . Attali lui dit tout ce en quoi il était d'accord avec lui, pour ensuite affirmer très fermement ce qu'il estime inacceptable,

«

prôner la

violence, c'est sortir de la démocratie ». [intervention porte ses fruits , Xavier Mathieu revient à plus de mesure . Jacques Attali l'a fait évoluer du statut d'irréductible violent vers celui d'opposant. Avec un irréductible, le dialogue est impossible, la fermeté s'im­ pose ; avec un opposant, on peut parler

(cf. « Négocier >>, p. m .

Quels enseignements en tirer ? Avant le débat. Préparer, préparer, préparer !

(cf. « Se poser les

six questions incontournables p. rn. Les choses se passent en effet »,

rarement comme on le souhaite exactement ou comme on le pré­ voit. Raison de plus pour anticiper ! Il y aura bien sûr des choses que j e n'aurai pas préparées, la spon­ V) Q)

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tanéité et l'esprit d'à-propos palliant le fait que tout ne peut pas touj ours être réglé comme du papier à musique. Penser aux auditeurs, ceux qu'il va falloir convaincre. Se poser les bonnes questions. Affûter ses arguments, trouver les mots pour le dire, réunir les preuves en les ciblant par rapport à l'auditoire . Rassembler les informations, produire des idées, les mettre en ordre , circonscrire le suj et, identifier les points clés, les idées principales - trois au maximum - afin de ne pas perdre en che­ min l'auditoire, préparer les réponses aux obj ections maj eures prévisibles . . .

168

chapitre 1 Parler face aux autres

Laisser de l'espace aux débatteurs et à leurs objections : pour jouer aux billes, comme dans les cours de récréation de notre enfance, il faut laisser quelques billes aux autres, sinon il n'y a plus d'échange . . . Laisser des billes aux autres, c'est accepter que la vérité puisse être partagée.

(cf. Savoir écouter un interlocuteur «

»,

p. [TIJ) . Se mettre à la place de ses contradicteurs. Je regarde un événe­ ment, une situation depuis leur fenêtre à eux. Ainsi, j'objective et je relativise. En empathie, je me mets dans les

«

baskets

»

du contra­

dicteur, je me synchronise avec lui, de façon à avoir à l'esprit les principales objections prévisibles, les questions pièges, et préparer, exemples à l'appui, l'expression de ma propre vision des choses, ainsi que ma stratégie de réponse. Avec courtoisie et respect. Se mobiliser physiquement, psychologiquement et intellectuelle­ ment pour être souple, vif et réactif. Comme avant toute compé­ tition, il faut avoir fait son échauffement. On est là sur un registre très différent : gestion du stress, attention particulière à sa pos­ ture, son regard , sa voix, ses intonations qui donnent le sens, sa prononciation, ses silences

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(cf. Le cinquième pilier : la force d'ex­ «

pression du silence p. � . Se préparer, cela consiste aussi à ne pas »,

se réfugier que dans la partie supérieure de son corps. Au moment du débat. Dans le cas d'une intervention brève, no­

tamment à la télé, il faut commencer par l'essentiel, en allant droit au but, ce qui n'empêchera pas d'aller dans le détail, d'argumen­ ter, d'illustrer, de témoigner, si le temps le permet. Travailler l'écoute. De manière dépassionnée , en évitant toute po­ lémique, en cultivant l'humour chaque fois que cela est possible, on accueillera et écoutera les arguments de la partie adverse , on s'y adossera, on les examinera sous différents angles en disant tout l'intérêt qu'ils ont, calmement et sereinement.

169

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Échanger de manière congruente (c'est-à-dire sans qu'il y ait contradiction entre ce que disent les mots, le corps, la voix) dans la séduction, dans la réflexion et dans la conviction, pas en force ou avec arrogance .

C e la consiste à d i re vot re i nterve n t i o n . . .

: « »

C e q u e j ' a i m e d a n s votre i d é e , d a n s

C e la c rée d u l i e n avec l' a u t re , l' i ncite à

p ré c i s e r o u att é n u e r s o n p ro pos. C e la p e rmet a ussi d e re b o n ­ d i r s u r u n e i d é e , d e l a re lativiser o u l'a p p rofo n d i r , d ' ava n ce r e n s u ite d e s a rg u m e nts co m p lé m enta i res o u d iffé re nts, d e m a ­ n i e r l' h u m o u r. Le rythme doit varier, l'important n'est pas de tout dire trop vite, mais de dire bien ce que l'on a choisi de dire , après avoir trié. Le débat doit s'installer dans un échange au cours duquel on doit affirmer ses convictions, mais aussi reconnaître les incertitudes. Si j e parle vrai, si j e suis authentique, je passerai la rampe . [auditoire a besoin d'être convaincu, rassuré, touché, étonné. Le V) Q)

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rationnel seul ne suffit pas, il ne suffit pas d'avoir raison pour faire passer ses idées. La résonance et la part émotionnelle sont aussi importantes que la démonstration logique. Il faut donc, pour pas­ ser la rampe, savoir oser et s'exposer, c'est-à-dire se mettre en nsque . Et si j 'ai des jugements à porter, qu'ils portent sur les productions ou les idées, pas sur les personnes. Repérer différents types de comportements lors des débats peut aider à mieux s'adapter à la situation. Si l'on veut faire une typo­ logie - non exhaustive - des comportements lors des débats, que trouve-t-on ?

170

chapitre 1 Parler face aux autres



Les donneurs de leçons, les technocrates froids. Ils sont arro­ gants pour certains, mais aussi précis et réalistes pour d'autres.



Les maniaques, prisonniers des règlements, plus dans la lettre que dans l'esprit, obsessionnels, se perdant dans les détails, ne prenant pas de hauteur pour élargir le spectre, le champ de vision.



Les bateleurs, manipulateurs. Peut-on dire n'importe quoi dès l'instant qu'on le dit bien, voire très bien ?



Les planeurs, qui sont ailleurs, pas dans la réalité, mais qui ont aussi parfois des traits de génie grâce à un mode de pensée latéral.



Enfin, ceux qui écoutent totalement l'autre , prennent en compte sa vision des choses tout en affirmant ensuite calme­ ment leurs propres convictions.

Conclure et choisir la dernière impression qu'on veut laisser

« Préparer la première et la dernière impression », p. rn .

(cf.

Qu'est-ce

qui est essentiel ? Si l'auditoire ne devait retenir qu'une chose . . . Choisir son registre (rationnel, émotionnel, prospectif. . . ) et sa tac­ tique, avec légèreté, humour, ou au contraire en mettant en avant des faits, des preuves, ou encore en laissant le soin à l'auditoire de V) Q)

se déterminer à partir de la formulation d'une interrogation.

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Le patro n d ' u n e g ra n d e e n t re p rise a s o u h a ité d é battre avec un g ro u p e de m a na g e rs. Ceux- c i , e n te n d a nt des p ropos c e n t fo i s ré pétés et l' h e u re ava nça nt, l u i p rêtent peu d ' atte n t i o n et pa rle n t e nt re eux. À a u c u n m o m e n t , Les m a n a g e rs n e sont sol­ lic ités pour d i re ce q u ' i ls pensent de la situation et des voies d e p ro g rès poss i b les . . . I rrité, sa n g u i n , p e rd a nt son sa n g -fro i d e t t o u t s e n s d e son a u d i ­ to i re , l e patro n lâ c h e a lors : « Ta isez-vous q u a nd j e d i a lo g u e ! »

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Débattre lors d'une tab le ronde La table ro nde consiste en u n débat avec tous les pa rticipa nts ré u n i s sur un pied d'éga lité. L'idéal est donc l' organ isation de l' espace en cercle ou en ovale. U n médiateur est utile. I l peut avo i r u n rôle plus ou moins actif : soit il n ' i ntervie nt, après avoir introduit le sujet, que pour d istri buer la pa role , fa i re respecter les règles d u jeu des échanges [à la façon de Frédéric Taddeïl ; soit il p lante largement le déco r, qu esti o n n e , interro m pt, jalo n n e le débat de re marques, synt h étise les d i ffére ntes étapes d u p ro pos avec vigueur et respect [à la façon d ' Yves Calvi].

Créer les conditions d'une relation adulte-adulte En j anvier 2009 , le président de la République avait nommé Richard Descoings , directeur de Sciences-Po, chargé d'une mis­ sion nationale de concertation sur le lycée. Le climat social dans l'Éducation en France était extrêmement tendu. Un proj et de ré­ forme du lycée, initié par le ministre de l'Éducation d'alors , Xavier Darcos, avait dû être stoppé en décembre par crainte de mouve­ V) Q)

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ments lycéens d'ampleur. Richard Descoings décida alors de mettre en place un forum inter­ actif sur le lycée et parallèlement se lança dans un tour de France des lycées où il organisa des tables rondes. En six mois, il visita 76 départements et anima 80 tables rondes qui duraient de deux à trois heures.

À chaque fois le scénario était le même. Une grande salle, un réfec­ toire ou une salle d'études accueillait les participants, enseignants, élèves et parents mêlés . Tous, y compris Richard Descoings, étaient assis sur un strict plan d'égalité grâce à un dispositif de

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chapitre 1 Parler face aux autres

chaises installées en cercle ou en ovale , sur deux ou trois rangées, en fonction du nombre de participants qui oscillait entre 50 et 200

personnes, selon les séances.

Lors des premières tables rondes, en janvier et février, la première moitié du débat se passait en récriminations contre le gouverne­ ment et la suppression des postes, le sentiment de mépris dont se sentait victime une partie de la communauté scolaire . Puis venaient d'autres questions sur l'organisation du temps scolaire, l'orientation, l'apprentissage des langues vivantes, etc. Les lycéens témoignaient d'une grande maturité et eurent à chaque fois des interventions très remarquables, posées, critiques et construc­ tives. Le lycée , ils le vivaient au jour le jour, en avaient à redire et avaient aussi des propositions à formuler. Au fil des semaines, la mission conquit sa légitimité et suscitait la confiance . Les débats gagnèrent en sérénité. Après chaque séance, le rapport écrit des échanges était adressé à la communauté scolaire qui pouvait le corriger avant de le valider et qu'il soit rendu public sur le site de la mission. Une fois, cependant, l'échange ne fut pas à la hauteur. La mis­ V) Q)

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sion se rendit dans un lycée des Vosges à Neufchâteau . Le provi­ seur n'avait pas cru pouvoir organiser la salle selon les indications qui lui avaient été données. Richard Descoings se retrouva assis à une tribune, derrière une table et 1 50 élèves internes, assis en contrebas, comme au cinéma. Quelques enseignants intervinrent. Mais aucun élève. Un dispositif de participation par SMS avec transcription simultanée des questions ou remarques formulées sur téléphone portable sur grand écran était également proposé pour faciliter les contributions des plus timides. Il n'accueillit que quelques remarques potaches, voire des attaques personnelles à l'encontre de tel enseignant ou de tel élève. Ce fut la seule fois

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

sur 80 où l'on dut suspendre ce dispositif de participation en fai­ sant remarquer au passage aux lycéens que leurs interventions n'étaient pas à la hauteur de ce que l'on attendait d'eux. Bref, une catastrophe. Quels enseig nements en tirer ? Écouter et prendre en compte la parole. La mission annonce

clairement ses objectifs : des propositions concrètes qui émane­ ront de l'ensemble des tables rondes. Les participants ne par­ leront pas en vain. [action suivra la parole. Le rapport écrit de chaque séance, soumis pour validation à l'ensemble des partici­ pants contractualise la participation de chacun dans un contexte tendu : il n'y aura pas d'instrumentalisation des prises de parole. Organiser l'espace. [erreur de l'équipe de la mission fut d'avoir

consenti ce jour-là à une configuration imposée et qui ne corres­ pondait pas à ce qu'elle voulait. À Neufchâteau, les élèves sont maintenus dans leur posture habituelle de

«

mineurs » . Le rapport

physique avec le médiateur est hiérarchisé ; Richard Descoings est en hauteur, à la tribune ; une table le sépare des auditeurs comme s'il avait besoin d'une protection. Les élèves donnent le change, V) Q)

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consciemment ou non : placés en situation subordonnée et infan­ tile, ils chahutent et ne donnent que des interventions puériles (cf. «

Faire parler le non-verbal

»,

p. êjp .

Se positionner en tant que médiateur. En fonction du contexte

et de la personnalité du médiateur, le rôle est variable ; il n'y a pas une bonne posture de médiateur de table ronde mais bien un rôle à ajuster à chaque situation. Au cours des tables rondes, Richard Descoings ne restait pas neutre. Il partait d'un point de départ acceptable par tous : s'il y a réforme du lycée, elle n'aura pas pour obj ectif la réduction des moyens et se fera sans réduc­ tion des moyens. Il exprimait cependant, au fil de chaque séance, 174

chapitre 1 Parler face aux autres

un certain nombre de convictions et donnait un retour sur ce qu'il entendait, y compris lorsqu'il n'était pas d'accord. Ce qui comp­ tait était moins sa neutralité que sa loyauté. Celle-ci dépendait d'un point essentiel : sa qualité d'écoute. « Je vous entends et le rapport de la mission restituera l'ensemble des idées énoncées ici. Je vous dis cependant lorsque nos idées divergent. »

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Paroles de Anne Roumanoff 1er décembre 2009. L'Ïnterv;ew a Ueu entre 23 heures et m ;nu;t dans un bar­ restaurant en face du théâtre où Anne Roumanoff v;ent de donner son one woman show devant une salle comble. L'arUste d;t elle-même être épu;sée, ma;s ne veut néanmo;ns pas reporter l'Ïnterv;ew.

ticipé à des séminaires avec de g rands chefs d'entrepri se . . . Certai ns ne sont pas à L'aise du tout pour parler . . . Certai ns sont soporifiques . . . C'est normal d'avoir peur. J'ai travai llé avec un orthopho­ niste, des coachs . . . La vidéo permet de prendre conscience de choses dont on ne se rendait pas com pte. Ça s'apprend, ça se travai lle. Ce n'est pas naturel, surtout dans un cadre profes­ sion nel. Il y a ceux qui essaient d'être drôles et puis ça tom be à p lat. Un moment, j'avais du mal. . . Je travaille tout le tem ps, la danse, le chant. C'est la c hance d'être artiste. Ceux qui ne le sont pas souvent font leurs études et arrêtent d'apprendre. J'admire ceux qui conti nuent d'apprendre . . . Ani mer, ça s'apprend, prendre la parole, s'apprend, comme la cu1sme.

Quelle importance a la voix ?

Elle est l'expression de l'être hu­ mai n . C'est très com plexe, très profond. Il est difficile de chan­ ger la voix. Je l'ai travaillée pour l'aggraver. J'avais souvent une voix aiguë et criarde. Je faisais aussi des grimaces sur scène ; j'essaie d'atténuer.

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La voix est très complexe. Elle est vectrice des émotions, de la colère. Une voix qui tremble. Le rythme de la voix fait partie in­ hérente des persan nages. Cha­ cun a son rythme. On reconnaît dans quel état sont les gens à leur voix. Les per­ sonnes qu'on connaît, on peut savoir comment elles vont, à leur voix. Vous demandez : « Ça va ? » Réponse : « Ça va, ça va . . . » J'ai L'orei lle pour la voix parlée. Comment gére r sa peur ?

Il n'est pas faci le de parler en publi c. J'ai plusieurs fois par176

chapitre 1 Paroles d'Anne Roumanoff

Parfois, on est dans le n01 r. Si quelqu'un ne nous donne pas des pistes. J'ai réalisé que je n'étais pas tant que ça un dés­ astre en chant et en danse. Au­ jourd'hui, je peux chanter de façon correcte. Tout peut s 'ap­ prendre tout le temps. Quan d j'ai commencé à la radio, j'avais du mal à animer. Du mal à ani mer le « joyeusement artificiel ». C'est venu avec la détente, des choses tech niques et tellement psychiques. Depuis que je suis plus détendue, cela va beaucoup mleux.

Avez-vous déjà fait un bide ?

On a pprend à le gérer. On em­ braye sur quelque chose dont on est sûr. On fait une vanne dont on est sûr. L' i nterview ?

Il faut établir u n contact avec la person ne qui vous inter­ roge. Ce n'est pas faci le d'inter­ viewer. Je l'ai fait beauco up à certains moments. On a besoin de quelqu'u n q ui vous donne quelque chose. Il y a des gens qui sont fermés. L'i nterviewé doit établir un contact avec la u i q personne qu1 La voix ? « J'ad m i re ceux >> e dr n e r d 'app l'i nterroge. Il La voix, ça se c o nti n u e nt r !!l!l • !!!!!!!!1 !! • 1 _.fa ut aider les intravaille. J'ai eu terviewers ! Il faut aussi éviter des cours de respiration lorsque d'être énervé si ceux qui vous j'étais étudiante. La voix, ça se i nvitent n'y com pren nent rien. fait a ussi naturellement. La pré-

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sence se fait par la voix. La voix donne une perception globale de la personne, c'est une manière d'occuper l'espace. Une cnspa­ tion se met dans la voix.

Le charisme d e l'orateur ?

L'en gagement sur scène est to­ tal. À la radio, il est dans la voix. À la télé, on doit donner l'i m age d'un corps maîtrisé. Sur scène, on est plus libre. À la télé, les gens perçoivent ( re­ gardent) ce que vous êtes, i ls n'écoutent pas forcément ce que vous dites. Ce que vous êtes, c'est le corps, la voix, les détai ls, les ondes qu'on dégage,

Vous avez aussi beaucoup de présence dans les silences .. .

J'ai m oi ns peur du silence q u'au début. On a peur quand le pu­ blic ne rit pas. On a peur . . . on a peur. . . Aujourd'hui, je suis moins frénétique.

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

ça sort par la voix, le regard. Le regard est le m i roir de l'â me, la voix est le m i roir de l'â me.

perçoit d'une personne, c'est ce qu'il est profo ndément, une perception d'i n conscient à in­ conscient. Un ressenti. O n ne La p remière i m p ression ? peut pas le rationaliser. Elle est très i m portante. L'ac­ Chira c a un pouvoir de sym pa­ teur, l'orateur dégage quelque thie considérable. Ce n'est pas chose de l'ordre de l'i ndici ble, une question d'être sincère ou des o ndes. La confiance en soi pas. C'est de la est très im­ est chaleur h umaine. portante. La s e de pa role « La pri De la considéra­ p ou voir, sym pathie a uss i pris e de tio n et du res­ ace . Po ur est très impor­ pri s e de l 'esp pect. Ce qui t être fort » tante. Parfois, pre n dre, il fa u manque à cer­ des salles sont tains, c'est de prendre en consi­ plom bées, ce n'est pas une dération leur a uditoire. I ls sont question de nom bre de gens. La trop préoccupés de ce qu'on va dernière im pression est beau­ penser d'eux, de l'i mpression coup moins i m portante. Quand qu'i ls vont faire : i ls passent à est-ce que ça va être fini ? côté de leur auditoi re. Le début, c'est com ment o bte­

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nir l'attention des gens. À mes débuts, ce n'était pas touj ours facile ; c'est plus facile quand on est attendu.

U n e question de vulnéra bilité ?

Il n'y a pas de loi . On donne son temps, son attentio n à quelqu'un . La prise de parole est aussi prise de pouvoi r, prise de l'espace. Pour prendre, i l faut être fort. Être armé, en­ voyer sa présence au bout de la pièce, au fond de la salle.

La q uestion qui manque ?

La confiance en soi. C'est très i m portant. La confiance qu'on inspi re. La sympathie, être avec. La sympathie, c'est lorsque quelqu'un dégage une confiance immédiate. Ce qu'on

Propos recueillis par Cyril Delhay

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chapitre 1 Paroles de Christian Boiron

Paroles de Chr istian Boiron 8 décembre 2009. Au s;ège du Laboratofre, un bureau orig;nal, avec des

couleurs chaudes. On y est b;en. Sur La table, pas un p ap;er. Aucun appel pendant notre entreUen. Christfon Bo;ron va consacrer tout Le temps qu';f faudra à L'entretÏen et même un peu plus, en toute décontractfon.

muniquer avec les jeunes, c'est diffici le, pour cette raison, j'ai démissionné trois fois de la fac Je mets beaucoup de sincérité et de m édecine où j'enseignais. On d'affectivité dans ce que je dis. est venu me rechercher ! Je suis Je crois qu'il faut tout si m ple­ arrivé à créer la relation à l'aide ment être soi-même lorsque l'on d'histoires, d'anecdotes, de prend la parole. On transmet ce mises en scène. Je ne sais plus que l'on est, pas ce que l'o n qui disait : « Il ne deveut don ner vrait y avoir de journaux ' '1 l fa ut u q e s n e p J e comme 1 mage. que d'anecdotes. » Je nt êtr e . rne ple Être le même « to ut s1rn prépare beaucoup, je on u L sq or e s oi- m ê m où que je sois, me trouve i nsuffisant ole » ar d L p pren a c'est pour moi par rapport à ce que je r • !!!!l une vertu. ...--. vo ud rais être. L'i mportant, lorsqu'on sait que À la radio, plus encore à la té­ les mots sont des fenêtres ou lévision, je prépare comme s'il des m urs, c'est l'amour, la pas­ s'agissait d'u ne page de pub. sion, et j'ai toujours peur que On ne peut pas fai re retenir la forme altère le fond. J'aime 36 messages, un ou deux seule­ aussi la complexité, or il faut ment. Il faut préparer la forme simplifier. J'aime aussi le doute. et le fond. En communication, il faut sans Avez-vous été coaché ? cesse flirter entre le trop com­ J'ai été coaché par un journa­ plexe et le trop simple. Cornliste. Il m'a demandé de parler Comment vous y prenez-vous lorsque vous devez vous exprimer en pu blic ?

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

une charte de relation médias, devant la caméra, seul, sans car c'est en amont qu'il faut sé­ questions auxquelles répondre. lection ner. Il y a aujourd'hui 5 Cela a duré une heure. à 1 0 propositions que je refuse On a regardé, il m'a deman­ dé mon avis. J'ai répondu : pour une que j'accepte. Si un « Beurk . . . » journaliste veut me voi r, voici les questions qu'on lui pose : Il m'a demandé de recom men­ pourquoi avez-vous vraiment cer, en trente minutes. Puis en envie de le voi r ? Pourquoi sept min utes. Puis en une mi­ pensez-vous qu'il est com pén ute trente ! Et j'ai découvert tent sur ce sujet ? que j'arrivais à dire l'essentiel C o n n a i ssez-vous en un temps très c 'est , on ati édit « La m les ouvrages qu'il court. Comme en n tio rac nt u n e d éc o a écrits ? pub . . . e u q e c u r s c en trée, Et de mon côté je C'est incroyable, e u q e c ur s je s u is , me pose la q ues­ pour la pub on t » on s es Le s a utr est prêt à préparer tion suivante : - ce que je ressens beaucoup, avec des que j'ai quelque chose à dire sur agences, pour passer à la télé­ ce s ujet ? Ai nsi, la sélectivité vision on croit que ce n'est pas est plus g rande, je fais moins la peine, ou presque pas, de perdre leur tem ps aux autres et préparer ! je perds moins le mien . Lors d'un « Com p lément d'en­ Aujourd'hui, je n'accepte plus quête » avec Benoît D uquesne, de partici per à des tables j'ai préparé pendant trois rondes : elles n'ont d'i ntérêt heures, avec un coach, a lors que pour ceux qui les organi­ que l'i nterview allait être très sent, pour une ou deux per­ courte, environ sept min utes. son nes qu'on met en avant . . . On a rrive ainsi à fai re passer beaucoup en très peu de tem ps. Que ressentez-vous quand C'est un gros travail. vous parlez ? En amont de la prise de parole Parler est pour moi un vrai plai­ face aux journalistes, j'ai a ussi sir, beaucoup p lus grand que le beaucoup travaillé avec le ser­ stress qui m'en empêcherait. vice relations presse du labo sur Des choses que j'ai aujourd'hui

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chapitre 1 Paroles de Christian Boiron

i ntég rées, qui font partie de moi, je dirais que c'est La sur­ prise. IL faut s urprendre, m ais pour construire, pour avancer. Ne pas être dans des banalités. Les attitudes, Le non-verbal, tout cela est a ujourd' hui en­ gra m mé. Cela va jusqu' aux vê­ tements que je porte. IL faut que je sois bien , à L'aise physi­ quement.

ce que je suis, sur ce que Les a utres sont. Un dernier mot : parler avec des enfants n 'est pas touj ours si mple. Je ne sais pas bien faire Le père . . . J 'ai donc fait Le choix, pour comm uniquer avec eux, de trouver des acti­ vités qui conviennent à eux et à moi. On a ainsi un terrain commun d'échanges. Aucun ne doit se sacrifier, pour faire plai­ sir à L' autre. Cela permet, g râce à des fi lms, des jeux, des ac­ tivités faites e nsemble, de Les tirer vers Le haut, d 'en parler ensuite, de Leur faire découvri r des choses nouvelles. Cela me permet aussi de Les découvrir.

Aimez-vous participer à d es d ébats ?

Oui, j 'aime Le débat, je n 'aime pas L' opposition sèche, non res­ pectueuse. La contestation ver­ bale ne me gêne pas, Le man que de respect, La m auvaise foi, si ! La d écontraction ?



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Propos recueillis

C'est La méditation qui m 'a per­ mis d 'a ller vers plus de décon­ traction tout en restant dans La rig ueur. La méditation, c'est une décontraction centrée, sur

par Hervé Biju-Duval

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Parler juste dans chaque situation « Penser en stratège, a g i r e n p r i m itif » , d i sait le poète René C h a r. To u t ce q u e vo u s a llez l i re d a n s les pages q u i s u ive nt, i l fa u d ra le c o n n aître, m a i s a u m o m e n t d e vivre les situatio ns, l' o u blier pour n ' êt re que vous- m ê m e . Si le savo i r, l' expertise, la com pé­ tence tec h n i q u e sont i n d i spe nsables, l' écoute active, la q u a lité de la re la t i o n fe ront la d iffé re n c e : il n e suffit pas d 'avo i r ra ison p o u r conva i n c re ... Pa rle r j u ste d a n s c h a q u e situation, c' est ac­ cepter de ne se centre r q u e sur l' i nsta n t p résent, pour la iss e r de l' espace à du « lâcher prise », pour p re n d re le risq u e d ' u n peu V) Q)

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d e d ésord re a p p a re n t d a n s le p ro pos, q u itte à c e que l' i n te rve n ­ t i o n soit u n p e u m o i n s t i ré e a u cord e a u , a u p rofit d e plus d e vie, d ' é c h a n g e , d e résona nce .

Partie 2 20 situations passées

à La Loupe

Se présenter Se p résenter, c ' est fa i re le p remier pas, d o n n e r une première i m p ression dont i l pou rra parfois être ensu ite d iffi c i le de se déta cher ; c'est aussi donner déjà u n peu de soi. Dans toute présentation, il y a un rituel à respecter selon les lieux, l'a ud itoire ou les circonstan ces, codes dont o n n e pou rra s'affra n c h i r q u e si on les a d'abord respectés. Se présenter, c'est a ussi surpre n d re pour capter l'attention. Le regard de Michel

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chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Se protéger ou s'exposer ? C'est un séminaire inter-entreprises. Le thème ? « Prise de pa­ role en public et engagement personnel » . Nous sommes dans un grand chalet, face au mont Blanc : les lieux ne sont jamais neutres, certains environnements facilitent la qualité des échanges. Les participants ne se connaissent pas ; le premier exercice est celui des présentations. run des participants se lève et s'adresse au groupe. Au lieu d'en rester aux lieux communs de la présentation Qe m'appelle . . . , je tra­ vaille chez . . . , je suis chargé de . . . ) , il dit pourquoi il est venu, ce sur quoi il veut progresser, et qui il est. « Je suis un ancien alcoolique mondain. Patron d'une unité d'un grand groupe de l'alimentaire, je suis tous les jours en représentation. Apéritifs, déjeuners, cocktails, dîners . . . je me suis mis à boire sans m'en rendre compte . Et une nuit j'ai vu le regard de mon épouse et de mes enfants, penchés sur moi à 2 heures du matin. J'étais en travers de mon lit, dans un état que j e vous laisse deviner. Je me suis alors dit que cela ne pouvait durer et c'est à ce moment précis que j'ai décidé de ne plus jamais toucher à une goutte d'alcool. Et je m'y tiens. j'aide aussi les autres, V) Q)

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au sein des Alcooliques anonymes, autant que je peux . . . » [assistance est restée silencieuse un long moment, puis les autres participants ont les uns après les autres pris la parole . Rarement présentations des uns et des autres ont été aussi authen­ tiques et profondes. Le premier à parler, par son engagement, a imprimé une marque, fixé un niveau d'exigence qui se sont pour­ suivis lors de l'ensemble des journées. Quels enseignements en tirer ? Même si les présentations doivent parfois sacrifier à certains ri­ tuels , on a toujours intérêt à vite en sortir, à s'ouvrir, se montrer tel 185

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

que l'on est, raconter une histoire , donner un peu de soi-même, tout en faisant court et vertébré

cun son charisme », p. rn . La première présentation

«

(cf « Avant, pendant, après

:

à

cha­

modélise » , c'est ce qu'on appelle l'ef­

fet de sillage : comme l'un s'y prend, les autres s'y prendront . Le fait de s'être exposé plutôt que protégé aura des conséquences sur la qualité des échanges et du travail qui suivront. C'est par l'expression des émotions que l'on capte l'attention. [assistance retient peu le formel et le convenu , mais elle n'ou­ bliera pas la touche personnelle, l'émotion, les joies, cicatrices et sutures, les échecs qui ont permis de progresser, les victoires remportées sur soi, les aventures qui se dessinent pour demain. C'est un art délicat que de savoir s'exposer sans verser dans l'impudeur.

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chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Séduire, convaincre ou contraindre : mobiliser pour l'action Toute mobi lisation d'un aud itoire com mence par sa mobi lisation affective. C 'est a i nsi que s'y prennent les grands orateurs, hommes politiques, chefs d'entreprise, syndicalistes, etc. , lo rsq u'ils veu lent emporter l'adhésion. Si l'on croit pouvoi r exclusivement mobi liser i ntellectuellement l'a uditoire, sans préala blement se préoccuper de le mobi liser affectivement, à moins d 'avoi rface à soi une com mu nauté de mi litants acquis ou d 'experts passionnés par le sujet, on multi plie les risq ues d'aller au-devant de grandes déceptions. Le regard de Michel

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187

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Donner L'exemple Nous avons recueilli le témoignage de François Potier, dirigeant d'entreprise . «

Peu après son arrivée à la tête des magasins Le Printemps, le

président du directoire voit un jour au Printemps Haussmann , à Paris , une cliente qui attend qu'une caissière veuille bien enregis­ trer son achat. Plutôt que de faire remarquer au prochain comité de direction que les clientes attendaient parfois longtemps, il est allé vers cette cliente, l'a encaissée et remerciée. [information s'est évidemment répandue comme une traînée de poudre dans le magasin du boulevard Haussmann. Il avait gagné. Il faut savoir construire sa légende personnelle.

»

Quels enseig nements en tirer ?

Séduire cela touche aux affects. Convaincre : cela touche à l'intellect. :

On amène quelqu'un à re­

connaître en toute logique la pertinence d'une proposition ou la véracité d'un fait. Dans le premier cas, il y a mobilisation affective , dans le second, V) Q)

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mobilisation intellectuelle . La mobilisation affective ne fait pas nécessairement appel au ressort du raisonnement. Elle suffit par­ fois : certains, par leur charisme , n'ont pas à faire appel au raison­ nement et à l'explicitation pour être suivis. Il est rare en revanche que le rationnel suffise . Ce n'est pas parce que l'on a travaillé , que l'on détient une expertise , que l'on connaît le sujet, que l'auditoire sera convaincu. Il faut d'abord créer du lien, sans se précipiter sur le fond. Il y a un rituel et des préalables, voire des préliminaires à respecter, un apprivoisement à réussir. Les Antiques parlaient en rhétorique de l'incontournable

«

captation de bienveillance

».

Celle-ci, selon leurs règles , devait intervenir dès le tout début du discours et être entretenue tout au long de l'intervention. 188

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

[anecdote relatée par François Potier souligne la force de la preuve par l'exemple et suggère un comportement pertinent pour séduire et convaincre . Un gage de succès mais aussi un défi de chaque jour pour le manager !

Contraindre ? Faisons

en sorte de n'y venir qu'en cas d'urgence

extrême , car on entre sinon dans un processus qui peut provo­ quer de forts remous et devenir contre-productif à moyen ou long terme.

Alexis G o u rve n n ec , synd i c a liste a g r i c o le b reto n , e ntre p re n e ur, c réate u r d e la c o m p a g n i e d e t ra nsport m a riti m e B ritta ny Ferries, avait l' h a b i t u d e de d i re : • d ' a bo rd , séd u i re ; • p u is, s1 n e ce ssa 1 re , c o n va i nc re ; .

.

,

.

.

• e nfi n , si j e n ' a rrive n i à séd u i re , n i à c o nva i n c re , contra i n d re .

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Partie 2 20 situations passées

à La Loupe

Vendre un produit ou un service C 'est créer ou révéler un besoi n . La com pétence, la qua lité de la relation, du service, d u produit, la satisfaction des demandes, tout cela contribue à l'acte de vente. Mais ce n 'est pas suffisa nt, il faut y ajouter l'amour de ce que l' on fa it, la passion de transmettre , le respect de l'autre. Ve ndre, comme le marketing ou la finance, c'est u n m étier qui n écessite une vig i lance constante. Écouter, se mettre à la disposition de l'autre, ré pondre à un besoin, cela est noble. L e regard d e Michel

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chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Connaitre son client Témoignage de Gérard Margeon 1 , un messager du vin . «

Le sommelier est vendeur de vin dans une salle de restaurant,

mais ça ne représente que 2 5 % de son travail. Les trois quarts de son boulot sont en coulisse . Il partage son temps entre la décision d'achat et la sélection. Il y a la manière de déguster. Il est bon d'être posé, raisonné, sensible pour acheter. Il ne faut pas être impulsif. Savoir attendre . . . Il faut convaincre son patron. Après seulement, le sommelier vendra bien le vin qu'il aura bien acheté, il sera convaincant s'il est lui-même convaincu. En salle, il faut deviner le potentiel du client, son besoin. Le client change de tête selon le jour. Il faut adapter son conseil à chaque situation.

À une table de 1 0 personnes, il faut repérer qui est le boss, aller à l'essentiel, deviner. On peut gagner un client ou le perdre. Il faut ne pas se tromper de prix, savoir ce que le client pourra mettre et savoir ce qu'il aime. C'est technique. Aujourd'hui, il faut faire vite. Tout est servi sur assiette. [entrée arrive très vite. Le sommelier a quelques secondes . . . on ne peut V) Q)

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pas se tromper. Un trois étoiles, c'est un ballet. Certains clients épargnent toute l'année pour, une fois dans l'année, venir chez nous . . . je fais at­ tention à chaque client, mais peut-être encore plus particulière­ ment à ce client-là. Un vendredi soir à deux, ici, c'est facilement 800 ou 900 euros, c'est une somme . . . Chaque trois étoiles a un style, ce doit être un style qui touche.

1. Gérard Margeon est directeur des vins du Groupe Ducasse. Pour aller

plus l oin,

Les 1 OO Mots du vin,

Gérard Margeon, PUF, 2009.

191

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Le vocabulaire du vin m'a beaucoup aidé. Au début, j e l'utilisais pour me protéger. Avec l'expérience , on va à l'essentiel. Aujourd'hui, j'achète le vin et je forme mes équipes pour le vendre . je veille à ce que le message passe directement, celui que j e veux que les sommeliers passent, un message qui vient du viti­ culteur. Il s'agit de le traduire avec des termes audibles et simples à entendre . » Quels enseignements en tirer ? Il n'y a pas de vente sans connaissance du produit et de tout ce qui l'environne. Aucun talent relationnel, quelle que soit son importance , ne peut remplacer l'expertise technique. Connaître son client, être à l'écoute de ses besoins identifiés ou non encore identifiés. Être convaincu qu'on lui rend service, sans pour autant faire de « forcing » . Bien vendre ne saurait se réduire à bien parler. C'est par conséquent une exigence très forte et qui nécessite beau­ coup de rigueur.

Faire attention au produit et au client V) Q)

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La propriété est grande , l'espace est là , il faut maintenant une piscine, afin que famille et amis puissent, lors des fortes chaleurs estivales, plonger dans une eau fraîche . Deux entreprises sont sollicitées pour établir un devis . Le vendeur de l'entreprise « A » connaît son affaire . Bien implanté localement, il construit de nombreuses piscines chaque année. Plutôt que de venir sur place, il a d'abord souhaité voir son client dans ses bureaux. Il n'écoute pas, interrompt, ne laisse aucun espace au client, pa­ raît même agacé par certaines questions de néophyte, se réfugie

192

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

dans les aspects techniques du projet, qu'il maîtrise certainement bien d'ailleurs. Le vendeur

«

B

»

est à l'heure . Il souhaite d'abord faire le tour

de la propriété et écouter son client. Dans un premier temps, il se tait, posant juste les questions qui permettent de préciser la demande. Ensuite seulement, il parle, s'aidant de croquis, présentant les dif­ férentes options, justifiant ses préférences en termes d'emplace­ ment du bassin, demandant à son client de l'interrompre à tout moment s'il le souhaite. Quels enseig nements en tirer ? Au-delà de ce qui a été évoqué dans l'exemple précédent, avoir le souci de toujours mettre en premier l'accent sur la mobilisation affective . Cela peut prendre trente secondes ou beaucoup plus selon les situations ou les cultures, mais c'est incontournable. Vendre, c'est savoir se taire, pour ensuite mieux répondre à la demande.

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Partie 2 20 situations passées

à La Loupe

Aider , donner des conseils, demander consei l D o n n e r des conseils, c'est a ider quelq u ' u n à réfléchir, a nt i c i per, resse ntir, préparer une décision, c'est l'a i der à déve lopper son jugem ent et éva luer ses p ropres com pétences. C'est révéler les potenti els de progress ion. Le d éfi consiste à accroître la performance i n d ividuelle et collective . Demander des conseils, c'est accepter de se remettre en quest i o n , vou loir p rogresser avec l'a i d e d ' u n autre , qui apportera bienvei llance, soutien et exigence . Le regard de Michel

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194

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Se faire conseiller Un capitaine d'entreprise italien, la cinquantaine, grand amateur d'art, a une vraie passion : le ski. Il y consacre de nombreuses se­ maines par an. Il passe partout, en toutes neiges , sur piste et hors piste , touj ours accompagné d'un moniteur de ski. Un j our, évoluant avec un nouveau moniteur, il lui demande ce que celui-ci pense de sa manière de skier. Très directement, la réponse vient :

«

On peut en rester là, et tout ira bien ; vous vous

ferez plaisir comme aujourd'hui, mais vous vous priverez alors de nouvelles sensations et de plus vous ne progresserez pas. [autre option, c'est de tout reprendre. Cela va nécessiter une année, mais vous verrez alors le chemin parcouru . À vous de décider.

»

[homme amoureux du ski a tout repris, avec l'aide de son moni­ teur, et il a progressé comme il n'imaginait pas pouvoir le faire . Quels enseig nements en tirer ? Chacun le sait, la carte n'est pas le territoire ! Quels que soient les conseils, il faudra bien, à un moment ou à un autre, que le demandeur de conseils passe à l'action, se confronte à la réalité. V) Q)

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Faire faire est une chose , faire en est une autre. Le conseiller n'est pas touj ours sur le terrain. Il a un rôle propre, spécifique, qui vise à préparer à l'action. Il donne à réfléchir. Plutôt que d'être dans l'inj onction ou dans le reproche, il va se mettre en empathie avec l'autre , afin de comprendre ce qui fait que les choses marchent ou ne marchent pas. Lorsqu'une personne fait une chute à vélo dans la rue, on se pré­ cipite pour l'aider, la relever, la soigner. On ne lui reproche pas d'avoir chuté. Lorsqu'un enfant revient à la maison avec de mau­ vaises notes, il n'est pas rare qu'on le réprimande et qu'on lui demande de se mettre au travail : quelle efficacité ? 195

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Les conseils les plus pertinents s'expriment la plupart du temps sous forme de :

«

Comment faire pour . . . ?

»

Le conseillé n'est ainsi plus dans une écoute plus ou moins forte et de toute façon passive . Il participe activement à la réflexion, il en est partie prenante, il est force de proposition. Il est donc responsable et acteur de ce qui va suivre, ce qui le met dans une dynamique, une spirale positive pour l'action. Demander et donner des conseils, cela suppose de part et d'autre de l'habileté et du discernement. Le conseillé doit se mettre à l'écoute de ce qu'il n'imaginait peut-être pas devoir aborder ou prendre en compte. Le conseilleur doit être dans la mesure, re­ chercher la réflexion en commun plutôt qu'être dans l'injonction ou la certitude. Une vraie relation de confiance respectueuse doit s'établir de part et d'autre. Personne n'est parfait en tout, mais que cela ne nous empêche pas d'avoir cette ardente obligation de progresser, de travailler points faibles

et

points forts. Évolution permanente plutôt

qu'aboutissement. Questionnons ce qui nous apparaît comme des évidences, ayons V) Q)

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en interne ou en externe ce

sparring partner qui

nous éclairera,

nous influencera , nous servira (servir, c'est noble) ; bref nous fera grandir.

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N'hésitons pas à nous entourer de meilleurs que nous. Regardons

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comment les autres s'y prennent, même dans des activités ou des

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contextes culturels différents. Faisons des essais, les erreurs aussi permettent de progresser ! Prenons le temps : on ne fait pas pousser le brin d'herbe en tirant dessus !

196

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Fél iciter Cela sig nifie que l' on reco n n aît le trava i l, l'effort, et d o n c le résu ltat produit et que l'on ve rba lise cette reconna issance a u p rès de

l' intéressé. Être reco n n u pour ce qu'on a fa it, c 'est pour tout être h u m a i n u n besoin vita l, comme manger, boire ou dormir. Féliciter, dire ce qui va bien, cela crée les conditions de la m otivati o n , cela res ponsabi lise et entraîne commu nication, échanges, créati o n de lien et progrès. Le regard de Michel

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Aj uster ses félicitations Deux grimpeurs encordés et leur guide , sur une paroi granitique. run plutôt expérimenté , l'autre plutôt débutant. La course est de difficulté moyenne. Le débutant, qui a fait perdre du temps aux autres lors de l'as­ cension, a cependant redoublé d'efforts et finalement atteint le sommet, largement aidé par les autres membres de la cordée. Il est félicité par le guide . Le grimpeur plus expérimenté, qui a évité au néophyte de

«

dévisser » à deux reprises, l'est moins . . .

Quels enseignements en tirer ? Tout être humain a besoin de recevoir des signes de reconnais­ sance . Chaque félicitation doit être ajustée en fonction du par­ cours de chacun , des efforts, de l'investissement fourni, des résul­ tats obtenus, même si ceux-ci paraissent modestes. On ne félicite en effet bien souvent que les meilleurs, alors que les débutants ont aussi besoin de stimulations. La tentation, lorsqu'on félicite quelqu'un, consiste à rester global et général, plutôt que de préciser à propos de quoi on le félicite. V) Q)

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On a touj ours intérêt à ne pas généraliser : dire cace

»

est plus vague et moins pertinent que dire

bien géré le dossier Martin de cette semaine.

»

: :

«

Vous êtes effi­

«

Vous avez fort

Précisons donc ce

sur quoi nous félicitons, sinon certains pourraient prendre pour acquis en toutes circonstances ce qui s'applique à une situation, un moment, un dossier. Mieux vaut féliciter les autres pour ce qu'ils font que pour ce qu'ils sont, même si l'impact émotionnel immédiat est moins fort. Les félicitations sont brèves, on ne doit pas y revenir. Ne pas se répandre en compliments gauches ou/et exagérés.

198

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Parler au présent : « je veux vous dire que . . . voulais vous dire que . . .

»

plutôt que : « je

».

Ne pas oublier que le moment compte, éviter les phrases du style : « Ah oui, à propos . . . pendant que j'y pense . . .

»

Certains de ceux qui ne reçoivent pas de signes de reconnaissance positifs peuvent aller jusqu'à faire des bêtises . . . pour recevoir un signe de reconnaissance négatif, car c'est mieux que rien.

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Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Faire des reproches c · est

d i re à l' autre ce q u ' i l a fa it q u i ne convient pas, plutôt que ce

q u ' i l est q u i ne convient pas. C ' est d i re a ussi les con séq uences que cela entraîne. Ainsi est évoqué explicitement l' éca rt entre, d ' u n e part, u n ca hier des charges, u n contrat passé, u n engagement, des règles d u jeu et, d'a utre part, ce que l'on constate, ce qui en est réa lisé. C 'est choisir de d i re sans délai ce qui ne va pas, en pre n a nt appui sur des fa its.

Savoir créer les conditions de la motivation Un électricien est chargé de faire des travaux dans différents bâ­ timents , mais cela n'avance pas comme convenu : les délais ne sont pas respectés, la domotique traîne , les travaux ne sont pas conformes . [homme est en outre de mauvaise humeur car il a d'autres chantiers qui, eux non plus, n'avancent pas - puisqu'il en a trop accepté - et ne peut donc pas les honorer tous . . . Le maître d'ouvrage évoque aussitôt qu'il constate l'écart entre le contrat passé et la réalisation, son humeur maussade, les consé­ quences que cette situation fait peser sur l'ensemble du chantier. V) Q)

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Après un léger moment de tension car, entrepreneur individuel patron chez lui et très attaché à sa liberté d'action, l'électricien n'aime pas qu'on le rappelle à ses devoirs , il finit par convenir des reproches qui sont faits et repart du bon pied : les travaux seront effectués conformément au cahier des charges. Quels enseig nements en tirer ? Il est douloureux de faire des reproches. Cela suppose de se faire violence, mais c'est aussi nécessaire , comme lorsque les travaux prévus ne sont pas conformes, pas effectués dans les délais prévus.

200

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Le regard d e Michel

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Faire des reproches : •

c'est obj ectiver. Cela consiste à dire l'écart entre, d'une part, le contrat passé ou la règle du j eu définie et, d'autre part, ce qui

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a été fait par l'autre , entre un résultat ou un comportement

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souhaité et un résultat ou un comportement constaté ; •

c'est demander des explications. ainsi ?



«

Pourquoi agissez-vous

»

c'est légitimer, fonder cela en droit. Les trois instances de la légitimation sont les règles du j eu ( « les règles sont que . . . et vous . . . » ) , l'écart par rapport à un contrat ( « le contrat prévoit

201

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

que . . . or j e constate que . . .

»

) , l'écart par rapport à des règles

de vie en commun (par exemple : au sein d'une équipe, on ne râle pas car cela pollue les relations, cela démobilise, c'est parfois même une forme de sabotage) ; •

c'est mettre en tension. Pour que les choses n'entrent pas par une oreille pour immédiatement sortir par une autre , il ar­ rive que la crainte soit une plus forte motivation que le dé­ sir. Pas de performances sans mise en tension , c'est vrai pour l'étudiant qui prépare des examens, pour le salarié dont l'en­ treprise recherche la performance, pour l'artiste sur scène . . . Mais tout doit être fait dans la mesure, afin que le mauvais stress ne l'emporte pas sur le bon.

Si l'on veut éviter d'éventuelles scènes d'hystérie, il faut donc en faire : •

très peu ;



tout de suite ;



sans procéder par allusions ( « Les allusions sont les lettres anonymes de la conversation

»,

disait Madame de Sévigné . . . )

et en étant précis ; V) Q)

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sans y revenir ;



non pas en public mais en face à face.

Sauf à respecter ces cinq règles, on allume des pétards mouillés ou on manie l'explosif ! Tant que les reproches font

«

souffrir

»

celui qui les formule et ont

un effet sur l'activité ou le comportement de celui qui les reçoit, c'est bon signe : on n'est pas dans la perversité pour qui les fait ; on n'est pas dans la banalisation, dans le qui les reçoit !

202

«

cause touj ours

»

pour

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Faire parler ses émotions Fa i re pa rle r ses émotions, c' est être capable de d i re ce que l'on resse nt, c'est a u ssi mobi liser une é n e rgie utile pour conva i n c re. L.: exp ression d ' u ne émotion permet la mobi lisation affective. E lle s'a p p u ie sur trois fo nda me ntaux : • l'a uthenti cité : ava nt d ' être exté riorisée, l' émotion doit pousser sur un fo nd s i n cère ; • le temps ju ste : i l s'agit à la fois du contexte d a n s leq u e l o n exprime l' émotion, e t d e la d u rée pendant laque lle e lle s'exprime ; • la qualité de l' i nteraction : partager une émotion, c' est l'exposer. Le risque est de n e pas garder l'espace pour l' écoute de l'autre. L e regard d e Michel

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203

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Maitriser sa colère [expression de la colère dans la prise de parole est une arme à double tranchant. Elle peut donner de la force au propos. Elle peut tout autant discréditer l'orateur et révéler un manque de maîtrise de soi. [humour et l'ironie sont alors des armes de retour particulièrement efficaces. Un exemple d'anthologie en a été donné lors du débat qui oppo­ sait Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal entre les deux tours de la présidentielle de 2007. La candidate socialiste a pris le feu sur la question de la scolari­ sation des enfants handicapés et de l'immoralisme politique sup­ posé de son adversaire. Elle a commencé par « monter » sa colère, partant de l'indignation et montant graduellement vers l'expres­ sion de l'exaspération. Au début de son intervention, le ton est ferme : « je pense que l'on a atteint le summum de l'immoralité politique . . . je suis proprement scandalisée par ce que j e viens d'entendre parce que jouer avec le handicap comme vous venez de le faire est proprement scandaleux. » Dans cette première phase qui dure un peu plus d'une minute, V) Q)

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Ségolène Royal est dans le registre du martèlement de la tête, mais aussi de la main droite. Toutefois, le côté acéré du propos reste tem­ péré par la terminaison du geste dans les doigts : la dernière phalange du pouce appuie la dernière phalange de l'index dans le registre de l'explication. Au bout de l '20", une étape est franchie, elle est d'abord corporelle. Ségolène Royal pointe l'index vers son adversaire, puis s'exclame : « Laissez de côté vos tribunaux . . . » et lève le bras vers l'avant, puis vers le haut puis vers l'arrière pour souligner l'indigna­ tion. La colère est verbalisée seulement au bout de 2'29 très en colère . . .

»

:

« je suis

Ségolène Royal a haussé le ton en allant vers le cri,

s'empourprant, les yeux fixés et exorbités d'indignation. 204

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

En première réplique, Nicolas Sarkozy lance alors sur un mode où pointe l'ironie : « Madame a ses nerfs . . . Calmez-vous, ne me parlez pas avec cet index pointé parce que franchement. . .

»

D'emblée, il

met en exergue le manque de sang-froid apparent de sa rivale et at­ tire les rieurs de son côté en marquant un certain détachement avec le propos offensif de Ségolène Royal, stratégie doublement efficace. Quels enseig nements en tirer ? Ce moment du débat montre à la fois la puissance de la co­ lère, les risques qu'il y a à jouer de ce registre et la façon d'y répondre. Le chemin de Ségolène Royal était en effet très étroit dès lors que Nicolas Sarkozy lui rétorquait avec sang-froid . Ou bien elle revenait aussitôt au calme et elle aurait semblé donner raison à son adversaire. Ou bien elle assumait la colère au risque de paraître décidément hors de maîtrise d'elle-même, mais en pouvant donner le sentiment d'une indignation authentique qui a sa force. Seule la deuxième solution était stratégiquement jouable. Ce fut celle que choisit la candidate, qui persévéra dans sa colère en ré­ pétant trois fois V) Q)

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colères

»

:

«

Non, j e ne me calmerai pas . . . Il y a de saines

[mot qui eut son succès et fut largement repris après le

débat par les commentateurs] tout en prenant soin de baisser gra­ duellement mais très progressivement de ton.

«

Il y a des colères

que j 'aurai même lorsque j e serai président de la République . . .

»

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Face à cette surenchère maîtrisée, le candidat de droite eut beau j eu d'en rajouter

:

«

Ça va être gai alors . . .

»

ou encore

:

«

Pour

être président de la République, il faut être calme . . . j e ne sais pas pourquoi Madame Royal, d'habitude calme, a perdu ses nerfs . . .

À quoi la candidate répondit

:

«

»

Je ne perds pas mes nerfs, j e

suis e n colère. Pas de mépris, monsieur Sarkozy . . . J e n e suis pas énervée. Je ne perds pas mon sang-froid, etc . 205

»

C'est seulement

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

au bout de la cinquième minute que Ségolène Royal retrouve un mince sourire, tout en prenant soin de conserver un ton ferme et indigné. La surenchère sur le fil des deux candidats a conduit Ségolène Royal à tenir la ligne de crête de sa colère plus de six minutes (6'20), temps interminable à la télévision, autant de temps étant finalement consa­ cré au cas des enfants handicapés qu'à la

«

colère

»

de la candi­

date socialiste - ou à son supposé manque de sang-froid - devenus eux-mêmes sujets du débat. Stratégiquement, Nicolas Sarkozy a été gagnant par sa posture d'homme qui sait garder la maîtrise de soi. La durée de l'échange et le fait que Ségolène Royal soit revenue à la charge à trois reprises ont contribué à donner l'impression que sa colère était surjouée. Elle a néanmoins limité les dégâts sur un terrain très glissant. De façon générale, la colère est à éviter. Elle peut néanmoins être utile si elle est maîtrisée. Une colère, c'est prendre appui sur un certain tonus corporel et un débit du souffle qui se travaille tech­ niquement. Il y a une montée et une descente de la colère. La montée, c'est comme fouetter une émulsion en cuisine , jusqu'à ce V) Q)

e

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..._, ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

que la

«

sauce prenne

»,

ce moment étant équivalent à l'acmé de

la colère . Dans la montée, se jouent le tempo et le tonus corporel justes de la colère. Dans la descente s'apprécie la maîtrise de soi. Ainsi, on peut considérer que Ségolène Royal a lère

»

«

monté sa co­

pendant 2 ,29 minutes, temps à l'issue duquel elle a lâché

le fameux

:

«

Je suis très en colère.

»

Elle a ensuite tenu un pa­

lier de colère de 2'30", temps pendant lequel Nicolas Sarkozy a également répondu et où les deux candidats ont croisé le fer, en alternant les prises de parole ou

«

de bec » . La descente a com­

mencé avec les sourires de Ségolène Royal, au bout de la cin­ quième minute.

206

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

La descente de la colère et l'amorce de cette descente doivent être maîtrisables à la seconde près. C'est dans ce moment que l'audi­ teur sera susceptible d'être rassuré par l'orateur puisqu'il est capable de revenir à lui.

»

:

«

Il se maîtrise

Une descente trop rapide

peut mettre en lumière une colère factice. Un temps juste est en effet nécessaire pour éteindre le feu de la colère . La colère dans la situation oratoire nécessite ainsi les techniques de jeu de l'acteur. Avec ce paradoxe que , trop extériorisée, elle ne touche pas. La colère froide, sans cri ni effets de manches, sera souvent le registre le plus efficace.

Vin gt-tro i s a n s plus tôt, Lors d ' u n d é bat télévisé d ' e nverg u re a n a lo g u e q u i avait o p posé J a c q u e s C h i rac, a lo rs lea d e r d e l' o p posit i o n , et La u re n t Fa b i u s , a lo rs j e u n e Pre m i e r m i n i st re d e Fra n ço i s M itterra n d , le d é ro u le m e nt avait été d iffé re nt. J a c q u e s C h i ra c ava it été offe n s i f et ava it accusé La u re n t Fa b i u s d e L'atta q u e r c o m m e « u n roq u et » . Au l i e u d e se j o u e r d e cet éca rt de ton de son a dversa i re , La u re n t Fa b i u s ava it réa g i a u V) Q)

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p re m i e r d e g ré e n s'exc la m a n t : « M a i s , M o n s i e u r, vo us pa rlez au Pre m i e r m i n istre de la Fra n ce

!

» Sa re p a rt i e fut a lo rs p e r­

ç u e co m m e a rrog a nte et L a rg e m e nt m o q u é e d è s le Le n d e m a i n d a n s les m é d i a s q u i réd u i si re n t b i e n souvent la j o ute o rato i re à ces s e u ls i n sta nts .

207

Partie 2 20 situations passées

à La Loupe

Par ler en situation de crise C 'est une situation d ' u rge nce, i nsolite, dans laqu elle i l faut parler et a g i r sans délai, d ' a utant que les con séq uences d ' u n évé nement risquent d'être m u lti ples. L'ori g i n e d ' u n e crise peut être u n problème de défa illa n ce technique o u h u maine, de santé publique, de société ... Pa rler en situation de crise, c'est a uj o u rd ' h u i intégrer le fa it q u e l'i nformation circ u le à toute allure via I nternet. O n doit, plus e n core q u ' a u p a rava nt, être très atte ntif à son propos. Le regard de Michel

' .... 9 QfleUE BotJeE

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-

208

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Savoir quoi dire et comment le dire Une trentaine de suicides se succèdent à France Télécom en 20082009 . Des interventions de Didier Lombard, PDG du groupe pen­ dant cette période, on ne retiendra que la phrase suivante mode du suicide, qui évidemment choque tout le monde .

: .

«

.

Une »

Tout ce qui pourra être dit par la suite ne corrigera j amais cette erreur fondamentale de communication. Homme de stratégie et de chiffres , le PDG, qui a obtenu de bons résultats à l'international et en termes d'innovation et de finance, ne parviendra pas à surmonter cette crise. Un PDG ne peut être que stratège et financier, il doit aussi prendre en compte la dé­ tresse et les souffrances du corps social devant les changements imposés à marche forcée , les modes de management perçus comme brutaux . Si un patron doit être dans la géométrie , l'exper­ tise et le savoir, il doit aussi être dans la finesse et la proximité, l'intelligence émotionnelle, le savoir-faire et la compassion dans les moments difficiles. La géométrie s'apprend à l'école, la finesse s'apprend dans la cour de récré . . . Didier Lombard quitte son poste de PDG en mars 2 0 1 0 , mais V) Q)

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reste

«

conseiller

».

Face aux multiples pressions, il quitte défini­

tivement l'entreprise en mars 2 0 1 1 .

Il .,..

-•

-

Seveso, e n

L es crises, un phénomène devenu banal

1 976.

I l s ' a g i t d ' u n a c c i d e n t i n d u st r i e l li b é ra n t u n

n u a g e tox i q u e [ d ioxine) : refus d ' i nformations, s i le n c e ra d i o , d i ssi m u la t i o n s , m e n so n g es , la lita n i e est lo n g u e des i ns u f ­ fisa n ces d e la d i rectio n . L' i n c o m péte nce est tota le p o u r fa i re fa ce à la crise. T h re e M i le Isla n d e n

1 9 79,

accident d a n s u n e i n stallation n u ­

clé a i re civile : l' exploitant fa it d a n s la p rovocati o n : « J e n e vois 209

1

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

pas p o u rq u o i n o u s d evri o n s vous d i re p a r le m e n u ce q u e n o u s fa isons. » L e p o u vo i r est d éfa i lla nt e n termes d ' i nformati o n . To u t cela p rovo q u e u ne exaspération d e l' o p i n i o n p u b l i q u e . Tc h e rn o byl e n

1 986

:

i l y a f u s i o n d u cœur d ' u n réa cte u r d e

centra le n u c l é a i re e n U k ra i n e, avec re lâ c h e m e nt d e la ra d i o ­ activité d a n s l' enviro n n e m ent. O n a ssiste e n France à u n e co m m u n ication d u type

«

l i g n e M a g i n ot » : le n u a g e tox i q u e

ne d é passe ra p a s les fro n t i è res . . . L' o p i n i o n p u b l i q u e est scep­ tique. Plusi e u rs a n nées a p rès la catastro p h e , les m é d ias fra n ­ çais m u lt i p l i e n t les contre - e n q u êtes p o u r d é m o nter la vers i o n fra n çaise. Ces exe m p les sont s i g n ificatifs d e c e q u 'a été la t e n d a n c e , la tentation d e n o n - i nfo rmation e n p é r i o d e d e crise. Auj o u rd ' h u i , a lors q u e Les situations de c rise a b o n d e n t , q u e tout s e sait t rè s vite via I n ternet, o n n e p e u t p l u s , e n s i t u a ­ t i o n d e c ri s e , se c o n te n t e r d e p ro p os g é n é ra u x , éva sifs o u 1 m p re c 1 s . Q u ' i l s'a g isse d e Fu k u s h i m a , d es s u p p osés pots-de-vin t o u ­ c h é s par d e u x respo nsa b les d e R e n a u lt, d u p u its d e p é t ro le D e e pwater da ns Le g o lfe d u Mexi q u e , L'aspect syst é m i q u e , V) Q)

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l' « effet d o m i n o » g lo ba l d e c e s crises (les « vag u e s scélérates » selon la form u le d e Pat ri c k La g a d e c , d i recte u r d e rec h e rc h es à l' É cole p o lyte c h n i q u e ) d o it être p ris e n c o m pte. L' é r u p t i o n d u vo lca n Eyjafj ë l l e n I s la n d e e n m a rs

( e n E u ro p e , les avi o n s ne volent plus, e n t raîn a n t de m u lt i p les conséque nces ! . 20 1 0

Fu k u s h i m a ( u n t re m b l e m e n t d e terre q u i p rovo q u e u n raz d e m a rée, q u i p rovo q u e u n a c c i d e n t n u c lé a i re . . . e t Toyota q u i p e rd sa p lace d e n u m é ro u n m o n d i a l ) , La c rise i m m o bi l i è re a u x É tats- U n i s (q u i d evient fi n a n c i ère e t é co n o m i q u e ] e n sont d e s exe m p les.

210

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Quels enseig nements en tirer ? Être réactif. En situation de crise , le temps qui passe n'est pas un

allié. Il faut très vite prendre la parole , même si les informations manquent, rappeler le sens donné aux actions entreprises même si cela passe par des moments difficiles, ou encore se centrer sur les faits, sur leurs conséquences, sur les mesures prises et à prendre, sans oublier l'attention aux hommes et aux femmes. Tout retard de prise de parole en situation de crise se paie cher (rumeurs, fausses informations, non-maîtrise de la primeur de l'informa­ tion, temps passé à rectifier, image altérée . . . ) . Concernant les in­ formations fournies, ne jamais aller au-delà de ce que l'on sait de manière certaine , ne pas hésiter à reconnaître les incertitudes, rester modeste, ne pas vouloir minimiser la réalité de la situation. Toujours être dans l'empathie en réponse aux questions. je

sais, j e comprends ; vos interrogations, préoccupations, craintes, sont légitimes . . . Revenir aussi aux faits, aux priorités, aux mesures qui ont été prises ou qui vont l'être. Utiliser des mots non anxiogènes, non maladroits. Être réaliste simple et complet, parler vrai. Toute langue de bois V) Q)

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est immédiatement décodée par les différentes parties prenantes. Nous ne sommes plus à l'époque de Seveso ou de Tchernobyl, tout se sait très vite ; c'est

«

l'effet Twitter

».

S'engager à la transparence. S'engager publiquement à commu­

niquer en continu (point presse, relation avec les différents ac­ teurs de l'événement . . . ) et s'y tenir absolument, même s'il n'y a rien de neuf à évoquer. Mettre en place les accompagnements né­ cessaires au corps social, aux familles. La transparence est incon­ tournable . Elle permet d'éviter les surprises à venir, d'être dans la cohérence, de calmer les débordements que peuvent provoquer des chocs émotionnels. 211

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Une crise bien gérée peut être une opportunité de changement, de progrès , de mutation, de décision : en chinois ou en grec an­ cien, le même mot est utilisé pour

«

crise

»

et

«

décision

».

Une crise peut aussi déboucher sur une véritable rupture : on ne cherche pas à revenir à la situation antérieure , on décide de ne plus j amais faire comme avant.

N o u s s o m mes e n octobre

1 49 2 ,

C h ri sto phe C o lo m b est e n m e r

d e p u is le 3 a o ût. La révo lte g ro n d e à bord d e la Sa nta - Ma ria, l' u n e d es t rois caravelles q u i trave rsent l'At la n t i q u e avec u n e centaine d ' h o m mes, basq ues et a nd a lous, souvent p e u rec o m ­ m a n da b les, les seuls à a vo i r a ccepté c e d a n g e re u x p é ri p le. La m a la d i e, la fa i m , l' i n c o n n u , l' a b s e n ce de ve nt, tout contri bue à fa i re m o n te r la tension a u sei n d e l' éq u i pa g e . Le 3 o ct o b re , a u c u n ve nt, le

1 0,

c ' est la m ut i n e rie.

Son second dit à C h rist o p h e Colo m b pa rles.

« I l fa ut q u e t u le u r

»

L' a m i ra l m o nt e à pas le nts s u r le p o n t , reg a rd e les u n s et les V) Q)

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a u t res, lo n g u e me nt, et le u r dit : « Je sais tout ce que vous e n ­ d u rez. La fa i m , la soif, la m a la d i e . . . M a i s n ' o u b liez pas p o u r­ q u o i n o u s som mes là, ce q u ' est notre o bjectif . . .

»

To u t est d it. S i l' o n sait d o n n e r d u sens à ce q u e l'o n fa it, red o n ­ n e r confiance, les u n s et Les a u t res a d h é re ront, se d i ro n t : « I l est avec n o u s , i l y c roit.

»

Pa r t ro i s fo is, l' e ntou ra g e d e C h risto p h e C o lo m b l'a e ncouragé à c h a n g e r d e ca p . Pa r tro i s fois, le navigateur s'y est refusé. Le 1 2 octo bre, G u a n a h a n i [ re ba ptisée S a n Salva d o r) est en v u e . (Cité p a r Fran çois Potier, dirigea n t d'entreprise)

212

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Négocier Dans tout systè me de tensio n , et la vie est tension, i l y a u n risq ue, u n seuil de surtension : c' est le co nflit. Divergence d ' i ntérêt, désaccord , quel que soit le degré de tensi o n , sous peine de rester dans une im passe, i l fa u t avoir la volonté partagée d'aboutir. C 'est recherc h e r une solution entre partenaires i n d épenda nts. C 'est ne pas « fe rmer son am bassade ». Nous passons notre vie à n égocier avec patrons, collaborateu rs, syn d icats, fa mi lle, a m is. Autant s'y p répa re r. Le regard de Michel

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213

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Penser en stratège Au Soudan, le Nord musulman est riche en pétrole, le Sud est pauvre et en majorité animiste ou chrétien. Les heurts furent meurtriers en 2008, Nord et Sud étant en désaccord sur les li­ mites de la région pétrolifère d'Abyei, déj à largement exploitée par un consortium chinois . La production, de plus de 250 000 barils, rapporte plus de 2 milliards de dollars à Khartoum, au nord, malgré les protesta­ tions du Sud. Ne parvenant pas à un accord, Nord et Sud , souhaitant chacun garder la main sur la plus grande surface possible de terres pé­ trolifères, sollicitent le tribunal arbitral de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye . Une modification des frontières nord et est de la région contes­ tée est acceptée par chacune des parties en juillet 2009, ce qui fait dire au professeur Pierre-Marie Dupuy, président du tribunal arbitral :

«

Nous sommes confiants dans le fait que les parties

exécuteront la sentence de bonne foi . V) Q)

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»

Quels enseig nements en tirer ? Dans toute négociation, deux éléments maj eurs se téléscopent constamment : antagonisme et synergie . Dès lors, trois logiques d'action sont possibles : •

engager une stratégie haute, c'est-à-dire avoir plus de synergie que d'antagonisme, faire du crédit d'intention, jouer

gagnant­

gagnant. C'est le choix que firent les soudanais du nord et du sud1 ; •

engager une stratégie médiane, c'est-à-dire avoir autant de sy­ nergie que d'antagonisme. On aura des exigences , on j ouera

1. Les récents développements de la crise au Soudan en 2 0 1 1 conduisent à

penser que rien n'est j amais acquis.

214

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

donnant-donnant.

C'est le cas de la négociation qui aboutit

entre Israël et l'Égypte sur le Sinaï •

(cf encadré ci-dessous).

engager une stratégie basse, dans laquelle on met de côté la négociation pour s'ancrer sur la détermination que l'on a. On tente alors d'imposer ses vues, son proj et, ses exigences. C'est le passage en force , c'est jouer gagnant-perdant.

Pour avoir une stratégie basse, il faut du pouvoir. ri-----

L·enjeu du Sinaï

Après la g u e rre d u S i n aï e n t re Israël et l' É gypte , i l a b i e n fallu n é g o c i e r p o u r fa i re la paix. Les l s ra ëliens n e vo u la i e n t pas re n d re le Si n aï q u ' i ls ava i ent co n q u i s m i lita i re m e n t . L e s É gypt i e n s récla m a ient le respect d e le u rs d roits s u r u n e contrée q u i fa i sa i t h i stori q u e m e nt pa rtie d e le u r te rrito i re . Les négociate u rs-médiate u rs a mé ri ca i ns étaient perplexes. La discussion a permis de mieux éva luer les ra isons pour lesquelles Isra ë l était opposé à la restitution d u Sinaï : e n cas d 'atta q u e aé­ rie n ne sur I sraël, l'a rmée ava it besoin de dix m i n utes pour n e u ­ traliser les avi o n s ennemis. Or, s i l' É gypte insta lla it d e s bases V) Q)

e

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d a n s le Sinaï tout p roche, ce délai éta it tro p court pour pouvoir réa g i r efficacement, du fa it de l'exig uïté du territo i re israélien. Les m é d iate u rs d e m a n d è rent a lo rs à l' É gypte s i e lle a cceptait, a u cas o ù e lle réc u p é re ra i t le Si n aï, d ' e n fa i re u n e zone d é m i li­ tarisée. La ré ponse fut posit ive . O n a boutit a i n s i à u n accord p ré se rva nt les i nt é rêts (et l' h o n ­ n e u r ! 1 d e s d e u x pays. D ' u n côté I s ra ë l avait l' a s s u ra n ce, g a ra ntie i nternati o n a le­ m e n t , q u ' a u c u n e base ne serait i n sta llée d a n s le Si n aï, q u i d e ­ vi e n d ra i t u n e z o n e d é m ilitarisée. D e L'autre , l' É gypte réc u pé ra i t le S i n aï, sa te rre. 215

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Cinq règles d'efficacité sont incontournables dans la prise de pa­ role en situation de négociation : •

à synergie et pouvoir équivalent, c'est le plus déterminé qui l'emportera. Corollaire : l'intransigeance paye !



la stratégie haute est d'autant plus payante que l'autre est plus synergique. La stratégie haute est d'autant moins payante que l'autre est plus antagoniste (à pouvoir équivalent) . Corollaire : l'antagonisme pèse plus que la synergie !



avec des passifs, alliés potentiels , la stratégie basse est dans le temps contre-productive . Être avec eux dans une stratégie d'imposition, c'est jouer perdant ;



il suffit qu'un partenaire se positionne en stratégie basse pour que l'autre soit finalement conduit à s'y mettre aussi. C'est l'as­ pect radicalisation des positions, c'est la descente aux enfers ;



pratiquer la stratégie haute si possible . Revenir aux stratégies basses si besoin. Quand on commence à négocier avec une stratégie haute, on peut si nécessaire descendre progressive­ ment. Quand on commence à négocier en stratégie basse, on ne peut pas remonter, car on serait alors décrédibilisé, sauf à

V) Q)

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changer les négociateurs. Soit on gagne , soit on perd. Partout où cela est possible, tenter l'ajustement, le compromis. Si l'autre est radicalisé , veut aller à l'affrontement, il faut alors avoir du pouvoir si l'on ne veut pas se faire laminer. Le pouvoir est éminemment relationnel : ce sont par exemple de bonnes relations avec les médias, des relations publiques et une communication structurées. La détermination, c'est ce qui fait gagner en crédibilité vis-à-vis de la partie adverse. Quand on veut faire un compromis, si on n'a pas de pouvoir, on perd en crédibilité. 216

chapitre 2 Parler juste dans chaque situation

Pouvoir, détermination et crédibilité prennent appui sur une pa­ role maîtrisée. Dans les logiques gagnant-gagnant, donnant-donnant, gagnant­ perdant, les rôles sont différents, la parole aura à s'ajuster en fonc­ tion des choix effectués . Cela dit on peut, même dans les stratégies les plus basses, rester doux sur la forme tout en étant dur sur le fond : on appelle cela la

«

stratégie des bandelettes

»,

en référence aux momies égyp­

tiennes. La forme est extrêmement douce, l'autre croit être en stratégie haute , donne son accord sur les premiers éléments de la négociation, et peu à peu il se retrouve

«

bandeletté » et donc

dans l'incapacité de bouger, de réagir, pris qu'il est dans l'éche­ veau des premiers éléments négociés . Dans cette hypothèse, gare aux réactions dans le temps : quand l'animal blessé est coincé, n'ayant plus rien à perdre, il ne lui reste plus qu'à mordre. Distinguer les opposants des irréductibles. Ce qui différencie

un opposant d'un irréductible , c'est la loi, le respect de la légalité. Il faut savoir les différencier, ils ne se traitent pas de la même fa­ V) Q)

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çon (cf.

« Participer à un débat », p. m, Dans ce débat,Jacques Attali

ramène Xavier Mathieu à plus de mesure et, ce faisant, du camp des irréductibles vers celui des opposants) . Prenons l'exemple d'une manifestation dans la rue. [obj ectif du

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

service d'ordre interne à la manifestation organisée par des op­ posants sera de se préserver des irréductibles, d'où le cordon sa­ nitaire entre opposants et irréductibles , car si on ne parle sur les antennes que des incontrôlés, les opposants y perdent. Être présent sur le terrain . Pour engager le plus grand nombre

dans l'opposition et s'octroyer une légitimité, les opposants doi­ vent être très présents sur le terrain, sur ce qui est susceptible de 217

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

créer de la surtension, afin de travailler les passifs (le marché de l'opposant, ce sont les passifs) , c'est-à-dire ceux qui n'ont

a

priori

pas trop d'avis sur la question, ceux qui attendent de voir, et ils sont nombreux. C'est par exemple l'assemblée générale à la sortie d'un comité cen­ tral d'entreprise. On harangue la foule , passive. On y arrive d'au­ tant mieux qu'on est charismatique . Pour cela il faut oser être un peu impudique, mettre en avant ses émotions. Certains politiques, syndicalistes, chefs d'entreprise font cela très bien.

V) Q)

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218

chapitre 2 Paroles de Jean-Pierre Mi gnard

Paroles de Jean- Pierre Mignard 12 novembre 2010. L'ÎntervÎew a Ueu au domÎôle de Jean-PÎerre MÎgnard, sous les toÎts. Une grande table transparente dans un décor chaleureux.

mande un travail, des habiletés, au service d'u ne sincérité. C'est la sincérité. L'i nvestisS'i l y a habilité sans travail, le sement hon nête d'une perpropos restera creux. Sans si nsonne dans son expressio n . La cérité, i l ne convaincra pas. sincérité est le fondement de L'art oratoire est donc un code toute express1 0n d'expression avec s « L 'ent r ée dan co m me fondement suscep tible de .t a te api c est convaincre. Elle la sincérité. te dis c ou rs ts o m rs est le moteu r Si ncérité, clarté, Les pre mie » iels de la con victi o n , pédagogie, voilà son t essent son énergie, la le triptyque qui fait selon moi seule suscepti ble d'aller à la un bon orateur chez les avorencontre de chacun des a udi­ cats. teurs. C'est d'autant plus néces­ Y a-t-il une stratég ie pour saire que les a uditeurs ne sont com poser son discou rs ? pas connus par l'orateur et sont L'organisation du discours doit perceptibles seulement par la permettre de tout dire, m ais i l présence et le regard. n e doit pas être trop long pour Qu'est-ce q u i fait un bon orateur ?

·

·

V) Q)

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

ne pas lasser. L'entrée dans le discours est capitale. Les pre­ miers mots sont essentiels. Ils vo nt ou non capter l'i ntérêt de l'auditoire. Il faut sorti r du rituel de présentation : « Ma­ dame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter . . » Par une

La sincérité suffit-elle ?

C'est aussi le travail, c'est-à­ di re pour un avocat, la néces­ sité d'allier à la sincérité la clarté, une pédagogie, des so­ lutions théoriques à offrir à u n litige qui ont d o n né lieu à u n contentieux. L'art oratoire de-

.

219

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

p h rase ramassée, je préfère mettre i m médiatement le tribu­ nal devant le choix qu'il aura à faire. Seulement après, je dirai : « J'ai l'honneur. . . » Les pre­ miers mots doivent permettre de saisir l'auditoire.

l'on ne peut être certai n que les juges la partagent à ce moment­ là, i l faut faire comme si, sinon c'est s'avouer vaincu d'avance. Ce qui va leur don ner envie de vous donner raison, c'est votre sincérité. Nous restons dans une sincérité profession nelle.

Quelle part pou r l'arg umentation technique, q uelle part pour l'émotion ?

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Qu'appelez-vous une sincérité professionnelle ?

Plus l'a rgumentation juridique est i ntense dans une démons­ tration, plus la partie pédago­ gique l'emportera sur l'expres­ sion de la sincérité. Au civil, i l y a besoi n de clarté, d'argumen­ tation qui repose sur un savoir partagé avec le ou les juges. ljndignation, comme à la guerre, sert de bombardement avant d'occuper le terrai n. C'est un bom bardement pédagogique. Il prépare l'esprit des auditeurs à prêter attention à l'argumenta­ tion raison née sur un fait qui les aura i nterpellés. La fin du discours doit souligner la gravité des faits, reprendre l'ar­ gumentation première mais d'une façon apaisée. Lindignation de clôture doit sous-entendre que désormais les juges la partagent. À la fin, la deuxième indignation est une indignation de con nivence avec la juridiction. Même si

Cris et pleurs seraient sincères mais notoirement insuffisants pour accéder a u juge. Éven ­ tuellement, un accusé i n no­ cent pourra s'exprimer par cris et p leurs. Un avocat devra lui, orga niser sa sincérité, ce qui ne sign ifie pas être duplice, mais mettre son savoir-faire oratoire au service de la sincérité. La vigueur du ton ?

Lémotion, sans en abuser, doit être présente. Des juges doivent pouvoir discerner une émotion. Cela signifiera l'im portance du dossier ou de son enjeu humain. Cela soulignera que l'avocat est troublé. La question pour lui est : jusqu'où déplace-t-on le curseur de la pudeur ou de l'im pudeur ? Il y a des dossiers sur lesquels l'avocat préfère en rester à la clarté des faits et à l'argumentation juridique, c'est le minimum 220

chapitre 2 Paroles de Jean-Pierre Mi gnard

d'engagement qu'il puisse avoir. L'émotion accom pagne une com plicité morale avec le tribu­ nal et la cour.

nière infime l'exposé des faits. La clarté ne peut pas être seu­ lement froide. L'aversion pour faire partager la com passion pour la victi me, si je défends C'est-à-dire ? un p révenu, l'aversion de voir Si l'i ndig nation est partagée, condamner com m unica­ la ter une person ne tion est réussie et R obert Ba din « J'a; vu pour laquelle laisse place à la j e u n e et bea u , , i l n'y a pas de m p os , volonté de trouver le visag e déc o preuves, pour es u la une solution j uri­ da ns des affair laquelle le a m ee » dique dans la paix m o rt éta it récl droit n'a pas retrouvée. L'art oraprévu de peine. tai re aboutit à u ne convergence



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avec l'auditoire et doit l'élever ; i l est a lors une convergence où chacun s'élève. « Tout ce qui monte converge » , disait T hei ­ lard de Chardin . Une plaidoirie pourra être un chant d'a m our, un moment de rencontre hu­ m aine tout à fait exception nel, des moments uniques qui fabri­ quent l'esti me. Voi là pourquoi seule la sincérité peut fonc­ tion ner. Les ju ges entendent chaque jour 1 5 avocats, et ce, toute leur vie.



Concrètement ?

Le son de la voix est i m portant, la décomposition du visage aussi. Elle est très i m portante pour expn mer l'indignation. C'est un changement du visage, les joues rentrées, qui se soulèvent à la com missure des lèvres. J'ai vu ai nsi Robert Badinter jeune et beau, le visage décomposé, dans des affaires où la mort était réclamée.

L'engagement physique ?

Y a-t-il une évolution de L'engagement physique d e L'avocat a u fil du discours ?

Il y a une hystérie de l'art ora­ toi re. L'hystérie va parcouri r com me u n frisson toute la plai­ doirie. L'indig nation, l'aversion devra parcourir mais de ma-

I l y a un fonctionnement de l'hystérie qui conduit à la ca­ tharsis fi nale. La voix pourra être tendue a u début, i l fau­ dra canaliser le discours, avant

221

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Le souffle est court au début. C'est un moment de tension. Je me suis tendu dès le m atin . . . parce que Je sais que Je vai s plaider, même a près trente-ci nq ans de plaidoi ries, je n'ai au­ cune sérénité. J'attends le moment où je vais plaider. Je mobilise du stress, de l'adréna li ne. Il s'agit de quitter la tension des premiers mots pour obtenir la maîtrise de son expressio n . Si vous ne ca ptez pas l'i ntérêt du tribunal, vous êtes totale­ ment déstabilisé. Il faut ca pter des gens qui peuvent avoir des soucis, ne pas avoir de sympa­ thie pour vous . . .

que La fièvre ne Le parcoure. Le corps sera plus figé à L'origine, naturellement réduit. Dans un premier tem ps, L'avocat ne bou­ gera pas. Ce qui n'est pas envi­ sageable au début Le deviendra, se déplacer. Le verbe aura b risé L'espace. Un tel comportement aurait paru étra nge à L'origine du discours. La sincérité met Le corps en mouvement. Ce mou­ vement ne doit pas paraître étra n ge ou fantasque. En même tem ps, L'i ndignation ne s'i ma­ gine pas sur u n corps feutré. l'excellence oratoire ajoutée a u métier, voilà La résultante pour L'orateur de sa propre histoire. On dévoi lera toujours en partie son être inti me.

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Parler avec les journalistes ?

C'est beaucoup de difficultés. c è re a vec sin être t fau ­ UJ ri ri 0 N

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!

Et j'ai pu com­

Qua n d on arrive dans une salle Commet capter L'attention ? pour y prendre la parole, c'est Sur les conten us, il fa ut des l'a uditoire qui est i m portant. Je anecdotes, des i mages. Il faut suis toujours très frappé quand que les gens se représentent je vois des orateurs oublier la les choses. À l' É cole nava le, je sa lle. Il faut respirer la salle, suis i ntervenu sur le thème du aller chercher Le plaisir avec leadership. Les proles gens. Il motions de cette pi rer es r ut fa y a toujours I l « école sont constiler ch erch er a l lle a quelqu'un de s ' la . · ve c t es g e n s » tuées d'élèves inb i e n vei lla n t le p lai si r a te llectue lle m e n t dans une salle. brillants. Je leur ai dit que je Ensuite i l faut raconter une his­ n'avais rien à leur apprendre, toi re, les mettre dans l'histoi re que par contre i l s'agissait pour que L'on raconte. Cela a des ef­ eux de com prendre les situa­ fets i m médiats, les gens s'ap­ tions auxquelles i ls étaient ou proprient votre exposé. allaient être confrontés. Sa­ voir, certes, mais aussi savoir y faire . . . Le mei lleur équi page, c'est celui qu'on vous donne, et vous ne ferez rien tant que l'équipage n'aura pas com pris, chacun avec ses com pétences et à son poste. Je leur ai éga­ lement dit qu'aucun chef n'était

Qu'en est-il du stress ?

Il m'est arrivé d'être terrori­ sé, devant une salle de 1 000 persan nes. Je suis sorti de ce stress en leur disant : « J'ai ­ merais que vous veniez à ma place, car c'est vraiment très très i m pressionnant » Ils ont . . .

224

chapitre 2 Paroles d e François Potier

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discours ? Quatre ou ci nq m ots. Il faut donc com mencer par la fi n . Et après on explique. Y corn pris pour des choses gigan­ tesques. Cela permet de cadrer. On est à livre ouvert.

propriétaire du Leadership. Cela tourne. Il faut donc des images, des anecdotes, com prendre, visua­ liser, a ller chercher Les gens, Les connaître, avoi r et mon­ trer de L'i ntérêt pour eux, bref connaître La couleur de Leurs yeux ! Lorsque Bouygues a construit La mosq uée de Casablanca, à La fin des travaux, Hassan II est in­ tervenu pour changer Les p lans du minaret, a lors que tout était déjà très avancé. « Je veux un minaret de . . . 200 mètres de haut, celui-ci n'est pas assez haut, Le Maroc doit avoi r Le plus grand minaret qui soit ! » Les i n génieurs ont revu tous Les plans, refait tous Les calculs, ont repris Les fondations . . . et L'i m possi ble a été réalisé. P lus Le projet est a m bitieux, plus Les fondations, Les fonda­ mentaux doivent être travaillés et solides. La prise de parole en public, c'est montrer qu'on est en rela­ tion, a ller a u contact. Cela sup­ pose qu'on prenne le risque du « lâcher prise » tout en étant centré sur ce que l'on fait. Fi nalement, que retient-on d'un

Comment prog resser ?

En sortant de son person nage, en se mettant en risque. Si on est enfermé lorsqu'on prend la paro le, si on ne brise pas son cercle, a lors on ne progresse pas. J'ai beaucoup a ppris au contact de Serge Wei n berg lorsque j'étais chez PPR. Il n'avait ja­ mais a ucun papier et savait abandonner ce qu'il avait pré­ paré pour prendre une i mage, par exemple parler de cette chef de rayon de la Fnac qui, s'agissant de son travai l, par­ lait . . . d'amour. Si L'on ne veut pas prendre de risques, le risque du contact, de quitter ses notes, de tenir com pte de ce qui se passe dans la sa lle, on peut très vite de­ venir très mauvais. Et les gens, persp1caces et i m pitoyables, s'e n n uient vite et décrochent. Un orateur, dont le verbe est L'outil, doit ai mer ce qu'il est en train de faire, doit avoir ré­ fléchi aux deux ou trois mes225

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

sages qu'il veut fai re passer. Il fa ut pour cela diffuser de L'énergie, avoir du souffle. Cela se joue vite, dans les quelques premières secondes ou min utes.

Robert Polet (tous trois a n ciens de Gucci) sont de cu lture nord­ américai ne, mais ont en même tem ps des spécificités qui don­ nent du corps à leurs discours. De Sole est avant tout un avoComment préparez-vous vos cat, son accent inimitable le i nterventions ? sert, i l y a chez lui Qua n d on pré­ e é pa comme chez Polet « Q u a n d on pr pare, i l ne faut e n nti o n , tl beaucoup de séducpas être seul. u n e i n te rve eu l » tion . En ce qui me ut p as être s



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concerne, j'ai besoi n d'écrire, pour me mettre Les choses en tête. Je regarde et co nstruis le paysage général. Ensuite je vais dans le cœur du sujet, avec des i mages et des anecdotes. De la même manière, faire une synthèse, cela se prépare et se construit. Cela passe par une grande écoute et une vraie concentration sur L'essentiel.

Quels sont les risqu es majeurs, pour quelqu'un q u i maîtrise bien l e verbe ?

Le fait d'être connu peut être un risque. Le succès enferme. On peut aussi être assez vite dans l'arrogance, ou dans la fa usse sympathie, ou encore ne pas (ou mal) écouter, penser à ce que l'on doit dire plutôt qu'à ce qui est dit par les autres. Que privilégiez-vous, dans la prise de parole ?

Voyez-vous de g randes d ifférences dans les modes d'intervention, selon les cultures, dans le monde des affaires i nternationales ?

Sans hésitation, l'énergie, le sens don né, les hom mes, plutôt que le résultat voulu, froid et sec. Mais cela ne vaut pas que pour la prise de parole.

Que oui ! Aux États-U nis, on est très direct, on va tout de suite à L'essentiel, les mots claquent. Domenico De Sole, Tom Ford,

Propos recueillis par Hervé Biju-Duval

226

Parler aux médias Les m é d i a s ( p re sse écrite, rad i o , télév i s i o n , We b) const i t u e nt u n m o n d e o ù la p rise d e p a ro le o béit à d e s règ les q u i créent u n e exi­ g e n c e p a rt i c u l i è re . O n va d a ns le m u r si o n n ' e n c o n n aît pas les fo n d a me nta ux. N u l n ' est o b ligé d e ré p o n d re a u x méd ias. Y a ller, c ' est en accept e r les règ le s du j e u et savo i r p o u rq u o i on y va . C e la est d ' a utant p l u s c r u c i a l q u e l'o n c h a n g e d e posit i o n n e m e n t : t o ut le m o n d e a beso i n d e com m u n i q u e r a u j o u rd ' h u i . I l fa ut expli q u e r e t j u stifier beauco u p . La position d ' a uto rité est m o i n s b i e n ac­ ceptée q u ' a u pa ravant. On c h a n g e é g a le m e n t d ' éc helle . S i u n stu ­ d i o d e rad i o o u d e télévision met d a n s u n e situation d e p rox i m ité V) Q)

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avec l'a n i m a te u r ou le j o u rna liste, la paro le va a lo rs être enten­ d u e par des m i lli ers, vo i re d es m i llions de p e rso n n es. U n e re p rise p a r d ' a u t res m é d ia s ou s u r le We b e t la d iffus i o n p e u t en être d é m u lt i pliée à L' i n f i n i . C e la n e t i e n t p a s seu le m e n t à la n a t u re des fa its. C o m m e le notait M a c L u h a n i l y a d éjà c i n q u a nte a ns, la co m m u n i cati o n est à l' h e u re du « vi lla g e p l a n é ta i re

».

Pa rle r

à u n j o u rna liste , à la rad io o u à la t é lé p e u t offri r u n e g ra n d e ef­ ficac ité de com m u n ication co m m e p rovo q u e r un rete ntisse m e n t red o u ta b le , sa n s g uè re d e limite g é o g ra p h i q u e et avec u n e t ra ­ ç a b i l ité d a ns l e temps d o n t l e contrôle n o u s é c h a p pe : la p a ro le n e s' e nvo le plus.

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Répondre à une interview pour la presse Répondre à u n e interview pour la presse fa it partie des bases de la commun i cation. Encore fa ut- i l connaître les atte ntes et les contra i ntes du journa liste q u i vous i nterviewe, savoir soi-même ce que l'on veut défendre et maîtriser les règles d u jeu. Sans négliger le fait q u ' u n p ropos d iffé rent, qu'on n 'ava it pas prévu ou auquel on n 'ava it pas pensé, peut-être même plus é laboré, pou rra naître d ' u n e i nterview ré ussie q u i se sera déro u lée dans u n e écoute parta gée. I l fa ut distinguer enco re les diffé rents médias. L e regard de Michel

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228

chapitre 3 Parler aux médias

Des exigences décuplées [ambassadeur de France en Tunisie , Boris Boillon reçoit la presse tunisienne pour un déjeuner. Nous sommes le 1 7 février 2 0 1 1 , alors que les Tunisiens viennent de chasser le président dictateur Ben Ali du pouvoir par des manifestations populaires. La situa­ tion de l'ambassadeur de France est cependant délicate. Il vient de prendre ses fonctions. Surtout, la ministre des Affaires étran­ gères dont il dépend, Mme Alliot-Marie, vient d'être prise dans une tourmente médiatique pour une triple raison : •

avoir séjourné en Tunisie quelques semaines plus tôt, à titre pri­ vé alors que la révolte populaire commençait et était réprimée ;



avoir accepté de prendre un vol interne sur un avion privé à l'invitation d'un riche homme d'affaires qui aurait été très proche du pouvoir alors en place ;



avoir déclaré ensuite devant le parlement français que la France offrirait

«

son expertise sécuritaire au pouvoir en place

».

Lors de ce déjeuner avec le nouvel ambassadeur de France, une douzaine de journalistes sont présents et prennent des notes. Une petite caméra fixe également l'essentiel de l'échange dont plu­ V) Q)

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sieurs extraits seront ensuite diffusés sur le Web . Boris Boillon ouvre l a rencontre par ces propos

:

«

On est vrai­

ment ici pour ouvrir une nouvelle page dans la relation bilaté­ rale, dans la relation entre nos deux pays et cela implique aussi un autre style et une autre approche . Moi, j e suis là pour m'ou­ vrir à la société tunisienne, je suis là pour découvrir ce qu'on ne connaît plus ou ce qu'on n'a pas eu l'occasion de connaître, j e veux découvrir la société civile , j e veux découvrir tout le monde, les forces politiques, et pas seulement Tunis la capitale, mais aussi la Tunisie profonde, la Tunisie du terroir comme on peut dire et vous êtes les bienvenus ici, si vous voulez voyager avec moi . . 229

.

»

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Le j eune ambassadeur alterne en outre les propos en arabe et en français ; tout semble en place pour une bonne captation de bien­ veillance

(cf. « Préparer la première et la dernière impression », p. ID

Et de poursuivre

:

«

La Tunisie est le pays des miracles et ce qui

s'est passé, c'est la preuve qu'un homme libre , un peuple libre peut réaliser tous les miracles , et la Tunisie a donné au monde une leçon d'espoir, une leçon d'espérance . . . Et comme vous le sa­ vez, le tourisme , c'est 7 % du PIB de la Tunisie, et la France , c'est 1 ,5 million de touristes français en Tunisie . Et comme mesure concrète , on veut relancer le tourisme français en Tunisie et on le dit très fort, très haut et très clair. Les Français , les Européens doi­ vent reprendre leurs activités touristiques en Tunisie. Le tourisme en Tunisie , ça génère des activités dans des centaines de secteurs (les transports, l'artisanat, l'hôtellerie) et donc c'est quelque chose qui est tout à fait important. je veux fluidifier la circulation entre nos deux pays. Il n'y a pas de coopération entre les peuples, il n'y a pas d'amitié sans cet échange humain.

»

Première question d'une journaliste : - C'est-à-dire il y aura des allègements au niveau des mesures V) Q)

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d'obtention du visa ? - Non, c'est pas des allègements. Ça veut dire qu'il faut juste faire en sorte de fluidifier les choses. Actuellement, on a un cer­ tain nombre de Tunisiens qui vont en France chaque année . On va faire en sorte que plus de Tunisiens aient la possibilité de se rendre en France et en Europe. De manière régulière sans susciter de drames et sans humiliation et sans gêner les gens. [ . . . ]

Un peu plus tard, une journaliste demande à l'ambassadeur de préciser ses propos car il vient de déclarer que selon lui « la France est mal placée pour donner des leçons dans le domaine de l'État 230

chapitre 3 Parler aux médias

de droit et dans le domaine de la démocratie

».

[ambassadeur

hausse alors la voix : - Non j e ne peux pas expliciter, je dis ce que j 'ai à dire et n'essayez pas de me coincer avec des trucs à la con. Voilà, la France n'a pas de leçon à donner, il y a un peuple tunisien qui a montré de ma­ nière exceptionnelle, de manière pionnière au

xxre

siècle ce qu'est

la e-révolution. Moi, j e ne suis pas là pour faire de la polémique , j e ne suis pas là pour créer des problèmes, j e suis là, mais pour créer des solutions, donc n'essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles. Franchement, franchement, vous croyez que j'ai ce niveau-là. Vous croyez que je suis dans la petite phrase débile. Moi, je suis là pour exposer une philosophie. je ne suis pas là pour me mettre dans des situations

«

il a dit ça

».

- Ça n'est absolument pas mon but de vous mettre dans une si­ tuation débile ! - Moi, j e suis pour le contrat de confiance entre nous. Moi, hon­ nêtement, j e suis prêt à vous ouvrir mon cœur et à vous ouvrir mes livres à partir du moment où on a entre nous une relation responsable. [ . . ] .

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Plus tard, une j ournaliste l'interroge sur les séj ours de Michèle Alliot-Marie en Tunisie et ses accointances supposées avec le pou­ voir de Ben Ali. Ce à quoi Boris Baillon répond

:

«

Mme Alliot­

Marie , c'est ma responsable , je ne suis pas au courant, et Mme Alliot-Marie a elle-même dit ce qu'elle avait à dire et je n'ai pas à dire un mot de plus que ça. Merci . . . au revoir. C'est lamentable, c'est nul » (disant ces mots, l'ambassadeur se lève et quitte la salle) . Quels enseig nements e n tirer ?

À la différence de la radio et de la télévision, la presse écrite suppose par nature un deuxième temps qui n'appartient qu'au 231

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

journaliste , celui de l'écriture : il n'y a pas de direct. Cette mise à distance est bien une médiation qui peut favoriser les mises en perspective et la réflexion comme une certaine mise en scène, par la mise en pages, le choix des titres et de ce qui sera finalement re­ tenu . De plus en plus souvent aujourd'hui, les sollicitations peu­ vent être multiples. Le journaliste de la presse écrite peut deman­ der d'enregistrer la conversation, à seule fin de l'avoir en archives et de pouvoir mieux travailler dessus, mais aussi comme preuve. Le développement du Web incite aussi l'interviewer à vous de­ mander de brancher une caméra. [interview destinée à la presse écrite devient vidéo et change de nature. Des extraits pourront désormais se trouver sur le Web ou sur les chaînes de télévision. Dans le cas présent, les images sont rediffusées dans les heures qui suivent sur Facebook qui joue un rôle crucial dans la mobili­ sation populaire de cette révolution. Les extraits où l'on voit l'am­ bassadeur mal réagir aux questions sont reprises sur les chaînes de télévision en Tunisie et en France ; les passages plus en faveur de l'ambassadeur ne sont pas repris dans les vidéos diffusées. [attitude de Boris Baillon est aussitôt perçue comme arrogante V) Q)

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par nombre de Tunisiens. Elle suscite en réaction une manifes­ tation de plusieurs milliers de personnes devant l'ambassade de France. On voit écrit sur des pancartes :

«

On ne traite pas nos

journalistes de : "débiles" , "lamentables" ou encore "de nuls" » ! ! ! ou encore

«

Le débile, c'est toi. »

[ambassadeur de France est contraint de s'excuser à la télé­ vision tunisienne

«

auprès des "journalistes et des Tunisiens".

Dorénavant, j e parlerai de manière plus polie » , dit-il. Il est facile de critiquer une interview où un personnage pu­ blic a dérapé. Sans porter de jugement de valeur, l'enjeu de cet exemple est de rappeler qu'une situation médiatique est touj ours

232

chapitre 3 Parler aux médias

susceptible d'aj outer de la pression à de la pression. Accepter qu'un rendez-vous presse soit filmé incite à redoubler de vigi­ lance car l'impact des images peut être redoutable. Or, ici, il y a un paradoxe entre ce déjeuner avec les journalistes, dont l'obj ec­ tif est manifestement de favoriser des liens de proximité entre le nouvel ambassadeur et les médias et la présence d'une caméra qui devrait obliger, par nature, à rester sur le qui-vive. En de telles situations, il est préférable de choisir son objectif clairement. S'il s'agit de renforcer la cordialité de l'échange , mieux vaut ne pas autoriser la présence d'une caméra ou alors permettre que soit filmé un temps circonscrit de l'échange, quelques minutes pendant lesquelles l'interviewé peut se concentrer sur les règles du j eu qu'impose la vidéo. Plus on est filmé longtemps, plus on risque de laisser échapper des moments hors contrôle . Toute rencontre avec la presse demande par conséquent une pré­ paration minutieuse1 . Baliser la préparation d'une interview en six points

1. Le ou les messages essentiels. Savoir ce que l'on veut dire ou dé­

fendre et quels sont les un, deux ou trois messages essentiels que V) Q)

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l'on voudra faire passer. Compte tenu des contraintes de temps et d'espace des médias, il est souvent préférable de se concentrer sur un unique message essentiel. Cet objectif comporte un paradoxe : jouer le jeu des questions et y répondre. En l'occurrence , l'am­ bassadeur semblait avoir prévu ses réponses pour les questions concernant son ministre,

«

Mme Alliot-Marie a elle-même dit ce

qu'elle avait à dire » , mais il perd ensuite son sang-froid :

«

C'est

lamentable . . . C'est nul. »

1. Ce chapitre a été nourri des remarques et expériences de Véronique

Soulé, j ournaliste à

Figaro ;

Libération

et de Guillaume Perrault, j ournaliste au

qu'ils en soient chaleureusement remerciés.

233

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

2. Connaître le statut de la conversation. Le journaliste souhaite-t-il me citer ou non ? Si le journaliste ne souhaite pas citer le propos ou si l'interviewé ne souhaite pas être cité, il s'agit de propos off et cela doit être explicite. Dans le cas présent, l'ambassadeur aurait pu placer le moment du déjeuner dans le cadre du

off, pour faire

connaissance librement avec les journalistes tunisiens et ensuite, seulement, se livrer à l'exercice de l'interview. Véronique Soulé, journaliste à

Libération,

relate ainsi le contrat qu'elle passe avec

son interviewé : « Il y a un contrat de confiance au départ. j'assure qu'il y aura un respect du réglo. Pour le

off. Pour le journaliste , il faut être ultra­

off, sur mon cahier, j e mets entre parenthèses, j e le

sais quand j e relirai. » De façon générale, si le j ournaliste souhaite me citer, pour la presse écrite et pour des suj ets délicats, il peut être utile de s'ac­ corder explicitement sur la citation soit au moment de l'interview, soit au moment où le journaliste aura écrit son article. C'est un contrat à passer qui limite beaucoup la marge de manœuvre et l'autonomie du j ournaliste et dont il ne faut pas abuser. Pour une interview longue, il peut être utile aussi de relire. Là aussi, c'est un contrat dont il faut convenir explicitement. On peut contrôler V) Q)

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une interview et il y a droit de l'interviewé à relire le papier, car l'on est responsable de ses propos, mais le journaliste peut le res­ sentir comme un empiètement sur son rôle. En cas de litige , les délais de prescription sont très courts pour un droit de réponse. Le courrier de réclamation doit être adressé au directeur de la publication et non au directeur de la rédaction, car dans ce cas, légalement, cela ne serait pas recevable. Certains ne souhaitent pas user d'un droit de réponse. Ce qui compte, c'est la visibilité, quitte à ce qu'il y ait des approximations . . . Le bruit compte parfois plus que le contenu . Pour un portrait ou des com­ mentaires, le journaliste dispose de toute la latitude ; il s'agit de sa 234

chapitre 3 Parler aux médias

plume et de son analyse. Mieux vaut prévenir que guérir. Préparer une interview, c'est avoir conscience qu'une partie du propos pourra être isolée du reste. Le journaliste rigoureux veillera à res­ pecter le contexte. [interviewé doit garder à l'esprit la contrainte de l'espace ou du temps que subit le journaliste . Les phrases peu­ vent être fragmentées par nécessité : pour un reportage d'une mi­ nute trente à la télévision, la citation que l'on gardera de vous sera sans doute de 1 0 ou 1 5 secondes. D'où l'importance de ciseler ses formules, d'être concret et de garder à l'esprit qu'elles peuvent, sans esprit de malveillance de la part du journaliste , être isolées du reste du discours. 3.

Adapter le registre de son propos au média et à son public.

Pour

avoir toutes les chances de voir son propos repris, il est utile d'avoir à l'esprit ce qu'attend un chef de rédaction , c'est-à-dire un propos clair, précis et intéressant, plaisant à lire ou à entendre. Les anecdotes et les histoires à raconter sont souvent très effi­ caces. Si un journaliste ou un chef de rédaction peut avoir ses attentes en termes de contenu , il existe un espace de dialogue entre le journaliste et l'interviewé, où l'interviewé peut convaincre l'interviewer. Cet espace se joue au moment même de l'interview V) Q)

mais aussi, en dehors de son champ strict, dans le

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off the record.

La difficulté dans ce déj euner presse est que l'ambassadeur utilise des mots très directs et familiers alors même qu'il est en situation

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d'interview. Un cadre

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

off, moins tendu , l'aurait sans doute incité à

être plus nuancé et lui aurait cependant permis de faire passer le message : « je ne veux pas parler du passé. » C'est de façon straté­ Vl ­ UJ .-f .-f 0 N

@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

universitaires ont même boycotté

Le Monde, parce que Le Monde

avait une position plutôt hostile aux enseignants chercheurs . Ils voudraient qu'on soit leur porte-voix . . . » Les gens ont peur de voir leur propos déformé. C'est une peur légitime . Car on va faire un choix dans leur propos. Ils peuvent répéter dix fois la même chose. Mais si le journaliste interroge 1 0 personnes, ce peut être une autre phrase qui l'intéressera.

238

chapitre 3 Parler aux médias

Q u a n d le célè b re c h a nte u r d o n n e u n e leçon à son i nterviewer . . . «

I nterviewer : Tu a s t rava i llé l a versification ?

Georges Brassens : La p l u p a rt d e c e u x q u i écrivent d es c h a n ­

sons n ' o nt p a s é t u d i é la versifica t i o n . O n est fa it p o u r écri re des cha nsons o u on n ' est pas fait p o u r ça. Si on est fait p o u r ça on n ' a pas telle m e n t beso i n d ' a p p re n d re les règ les. Toi, tu Les as apprises ?

O u i , plus tard, p a rce q u e j e raff i n a i s u n p e u , m a i s

. . .

Tu e n a s conservé de tes premières cha nsons ?

N o n . O n peut écrire des cha nsons sans . . . Tu ne m ' écoutes p a s ? Non, c'est parce que ...

Tu s u i s ta pen sée, je sens ça. Tu viens i c i avec d es i d ées p ré ­ conçues et t u veu x touj o u rs su ivre t o n c h e m i n , p a s le m i e n . Q u a nd j ' ava nce q u e l q u e p a rt s u r u n e i d é e , i l fa u t m e laisser p a rt i r et tu m ' a rrêtes. Là, j ' a u ra i s pu d i re les c h oses m i e ux , m a i s i l fa ut le t e m p s p o u r q u e ç a v i e n n e . On y reviendra . V) Q)

e

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

I l n e fa ut m ê m e p a s d i re q u ' o n

y

rev i e n d ra , i l fa u t q u 'o n c o n t i ­

n u e d e p a rler sans q u e t u t ' o ccu pes des q u estions q u e t u a s p ré p a rées o u q u e t o i tu ve u x su ivre . Ve ux-tu B ra ssens o u ve u x ­ t u fa b r i q u e r B rasse n s ? Si t u s u i s ton i d é e , t u p e rd s c e q u e m o i , en s u iva nt c e q u i m e ve na it, j ' a lla i s te d i re . . . Les spécialistes n'ont pas s u m'ouvrir à tes musiques, ni même tellement à tes textes.

Pa rce q u e toi, tu ne t'o uvres q u e si t u ve ux. D e p u i s q u e tu m e q u estionnes, j e le vo i s b i e n . Q u a n d je t ' ex p l i q u e q ue l q u e c h o se q u i ne coïn c i d e pas avec ce q u e t u v o u la is q u e j e te d i s e , t u d éto u rnes l a conve rsa t i o n . 239

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Moins maintenant, après trois jours d'écoute ? «

o · écoute

» s i o n ve ut. N o n , t u att e n d s , t u attends, et q u a n d ça

coïn c i d e avec ce q u e tu attends, pot, ça fa it t i lt , t u me reg a rdes d ' u n e fa çon viva nte, t u es o uvert. M a is q u a n d ça ne coïn c i d e p a s , je vo i s t o n visage sa n s vie ; j e t e s u rvei lle, t u sais, j ' e n a p ­ p re n d s bea u co u p s u r toi e n observant ton co m po rtement d ' i n ­ terviewe r. Tu a rrives i c i avec u n B rassens e n t i è rement p réfa ­ bri q u é d a n s ta petite tête et t u ve ux m e fa i re e n t re r là -deda ns. La s e u le chose q u i t ' i nt é resse, c' est de m e fa i re d i re ce q u e , d ' a p rès t o i , B ra sse ns doit d i re, c e q u e B ra sse n s d o i t être . Tu pou rra i s avo i r le vrai B ra sse ns, et e n , tout cas u n B rasse n s i natte n d u . M a i s t u t ' es p ré p a ré a u B rasse n s q u e tu veux. O n atte n d toujo u rs les êtres c o m m e o n Les ve ut, o n n ' est p a s p rêt

I

à la s u rprise1• »

V) Q)

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....., ..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

1.

Toute une vie pour la chanson, André

Sève interroge Georges Brassens, Le

Centurion, 1 9 7 5 .

240

chapitre 3 Parler aux médias

Parler à la radio et passer à la télé La ra dio com me la télévi sion sont des médias q u i peuvent toucher a u même moment des aud iteurs ou téléspectateurs par mi llions. Pour a utant, la rad i o est le plus souvent u n média d 'a ccom pag nement pour l'a u d iteur ; elle n e req u i e rt que l'o uïe et la isse souvent plus d e temps à la discussion. En compara iso n , la télé apparaît co mme u n média total q u i mobi lise à la fois la vue et l' ouïe et exige u n e parole brève et simple .

Radio et télévision : la prise de parole comme un art martial Pour illustrer les exigences de la radio et de la télévision, qui de­ mandent à la fois une parole simple, une pleine maîtrise de soi et un sens du spectacle, les exemples sont innombrables. Sont pris ici deux cas où des personnalités - pourtant rompues aux médias - ont pu se trouver en difficulté . . . ou en sortir par le haut. Nous prendrons deux hommes du monde p olitique, Michel Rocard et Bernard Kouchner, interviewés, à deux mois d'écart, V) Q)

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

par Pascale Clark sur France Inter. Interviewé lors du

«

7-10 » du 3 1 août 2009, Michel Rocard laisse

à plusieurs reprises la journaliste l'interrompre. Rebondissant sur une inexactitude ou une approximation, il finit par préciser, exemples à l'appui (Pascale Clark vient avec aplomb de le quali­ fier de

«

)

looser » , qu'il a œuvré tout au long de sa vie politique

pour des réformes visant à développer l'idée qu'il se fait de la social­ démocratie. Il va même jusqu'à préciser que s'il avait été élu président il n'aurait probablement pas pu mener à bien certaines d'entre elles. Avec Bernard Kouchner, au

«

7- 1 0 » du 1 0 novembre 2009 ,

les questions au ministre des Affaires étrangères fusent. Les

241

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

journalistes font feu de tout bois, ne laissent pas l'invité répondre, l'interrompent sans cesse : l'Europe, Sarkozy, Beyrouth, Berlin, «

Karzaï le corrompu » (Kouchner avait dit peu de temps aupa­

ravant à New York

:

«

Il est corrompu , d'accord, mais c'est notre

homme » , suivi plus tard d'un maladroit

:

«

On m'a mal com­

pris » . ) , jack Lang envoyé en Corée du Nord (sous-entendu .

«

.

:

Que fait le ministère ? » ) , les félicitations de la France à Ben Ali

qui vient d'être élu par les Tunisiens avec 90 % des voix, l'ineffi­ cacité du ministre . . . Tout y passe, c'est la curée. N'en pouvant plus, Kouchner lance aux j ournalistes

:

«

Cessez de me harceler, posez-moi plutôt des

questions positives » ! Quels enseig nements en tirer ? Plus encore que les autres situations de prise de parole, il faut viser à rester concentré et disponible. Il y a un double j eu paradoxal dans l'interview. L.interviewé peut vouloir placer ses messages (est-ce son rôle ?) essentiels au risque de ne pas jouer le j eu des questions. [interviewer peut s'en tenir à ses idées a priori sur le sujet et ne pas accepter le j eu des réponses, V) Q)

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..c Ol ï.:: >­ Q. 0 u

comme le souligne Brassens

(cf encadré p. � ·

C'est aussi dans

l'instant et dans la qualité de l'échange que se j oue l'interview. [exigence déontologique d'un interviewer fait aussi sa qualité . Une bonne interview sort des rails préétablis par l'un et l'autre et se construit aussi dans le moment même où elle se produit ; elle demande du temps et de l'écoute réciproque. Aux faits mis en avant par les journalistes, il faut savoir en oppo­ ser d'autres. Au rythme imposé, il faut en opposer un autre. À la pression, il faut répondre par le calme et la maîtrise de soi. Dans la boîte à outils de !'interviewé , il y a par exemple les longs et utiles silences pour attendre que les questions en rafale cessent, la 242

chapitre 3 Parler aux médias

capacité à fendre l'armure , à reprendre et à analyser (par exemple, pour Kouchner, en disant que la France ne pouvait envoyer un représentant du ministère en Corée du Nord, puisqu'il n'y a pas de relations diplomatiques entre les deux pays . . . ) . Bernard Kouchner n'avait sans doute pas anticipé ce déroule­ ment-là de l'interview, il en est logiquement sorti éreinté . La critique est facile, l'art est difficile. Cependant, il est tout à fait possible d'être dans la décontraction alors que la situation est diffi­ cile, de ne pas prendre la mouche, tout en étant centré sur le sujet, même face à un journaliste qui pousse parfois effrontément l'in­ terviewé dans ses retranchements. Il est possible d'être habile, de manier l'humour, de prendre appui sur l'autre pour rebondir, bref de trouver sa place face aux médias sans perdre de vue son objectif. Il est utile de ne jamais chercher à vouloir avoir raison à tout prix

:

«

Le besoin d'avoir raison est la marque d'un esprit vul­

gaire » , disait Albert Camus . Connaître le cœur de son message. Être conscient du ou des

deux ou trois messages essentiels que l'on veut faire passer. On dispose de peu de temps et de peu d'attention de l'auditeur ou V) Q)

e

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téléspectateur. Bien connaître l'émission dans laquelle on passe. Quel est

le public visé ? Comment puis-j e adapter mon message pour le rendre audible et compréhensible par l'auditoire ?

..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

Quel est le style de l'émission ? Un débat, du divertissement ? Y aller suppose que l'on a envie et que l'on est prêt à se couler dans le registre de l'émission. Quelle est la personnalité de l'animateur ? Quels sont ses objectifs ? Est-ce du direct, de l'enregistré ou du semi-direct ?

243

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Le direct suppose un passage sans filet mais aussi sans risque de coupe

a posteriori.

Si l'émission est enregistrée , il est utile de se

renseigner sur les règles du futur montage. Combien de temps d'émission enregistrée pour combien de temps dans le montage final ? Si l'écart est important, le risque de coupe et d'instrumen­ talisation de ma participation à l'émission s'accroît. Le semi-direct s'approche des conditions du direct et correspond souvent à une diffusion en différé. Faire attention au non-verbal. Le non-verbal est décisif (cf. «

Faire parler le non-verbal

»,

p. [Bp. À la télé, un bon monteur est

très attentif aux signes que l'on donne lorsqu'on ne parle pas. Ils lui permettent de réaliser des plans de coupe , c'est-à-dire de montrer des images autres pendant qu'une personne intervient, ce qui permet de rythmer l'émission et de la rendre plus vivante : comment réagissent les autres intervenants pendant ce temps ? Aussi, la tenue vestimentaire et le comportement que l'on adopte pendant une émission sont stratégiques. "Lécoute active permet de faire passer des messages : est-on d'accord avec ce qui est dit ? Est-on révolté(e) ? V) Q)

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..c Ol ï.:: >­ Q. 0 u

Tirer parti de la durée de l'émission. Une intervention de

quelques minutes suppose de cadrer très précisément ce que l'on veut dire et de sélectionner le fait ou l'anecdote qui auront une chance d'être retenus. Une émission longue de 1 h 30 ou de 2 h OO sur le plateau est une course de fond. Il faut tenir jusqu'au bout et avec toute son énergie , car les derniers moments seront aussi décisifs

p. l1 2JD.

(cf. Préparer la première et la dernière impression «

»,

Distinguer la radio de la télé. La télévision est un média extrê­

mement exigeant, souvent très rapide et visuel. Il faut dire l'essen­ tiel d'abord et en peu de mots. Le non-verbal, la tenue, le sourire ,

244

chapitre 3 Parler aux médias

le regard, la façon d'être sont à préparer aussi soigneusement que le texte. Même si cela dépend des émissions et des chaînes, la radio est en général un média qui laisse plus de temps à la parole : il faut en profiter ! La voix est primordiale. Il faut à la fois veiller à bien articuler, mais au-delà à mettre du soleil dans sa voix, des harmo­ niques, à la rendre chaleureuse (cf

«

Trouver sa voix et passer la

rampe », p. �- Les silences sont utiles pour faire passer la qualité d'une émotion ou de son écoute. Que ce soit à la télévision ou à la radio : •

savoir pourquoi on y va ;



savoir ce qu'on veut y dire ;



savoir le dire en peu de mots.

Cath e r i n e M a lava l, a n c i e n n e p ro d u ctrice d ' é m issi o n s télévi­ s u e lles, nous Livre ses co n s e i ls en

30

: «

Q u a n d on d o it s'ex p r i m e r

secondes o u u n e m i n ute, le m e ssage d o i t a ller d ro i t a u

but. La télé est u n e é cole d e l a co n c i s i o n . C ' est a ussi la pyra ­ V) Q)

e

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

m i d e i nversée : le plus i m p o rta n t d ' a b o rd . C ' e st le cont ra i re d e la rhéto riq u e c lass i q u e et d e la co n struction u n iversita i re : o n c o m m e nce par d i re l' e sse n t i e l et la co n c l u s i o n . C e la de­ mande u n e convers i o n m e ntale. Dans un pa n i e r, o n met les p l u s belles cerises d essus. Pa re i l à la télé, car on n ' a p a s le te m ps de s' i nstaller. Les g e n s décroc h e n t vite, i l fa ut les cap­ ter e t les capter sa n s cesse, re nouve le r l' i ntérêt consta m m e nt. Dans u n e co nversa t i o n c o u ra nte, le co u rs est b e a u co u p p l u s l i b re , o n peut éva l u e r la situation à l' a u n e d e l' i n terlocute u r, et d e m a n d e e n g é n éral u n e e x p ression corpore lle plus s o b re . »

245

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Paroles de Al i Baddou 4 novembre 2009. AssÏs face à face de part et d'autre d'une table nofre. Journ aUste de rad;o et de télév;sfon, L'anden an;mateur des matÏnales de France Cuture se présente comme un autod;dacte de La professfon. Ses analyses auront de quo; a;der cefu; qu; do;t affronter pour La prem;ère fo;s un passage à La radfo ou à La télév;sfon.

j'étais essoufflé. J'ai pris du tem ps chez moi . Je répétais Les textes, je Les en registrais et Les écoutais. J'étais attentif à ce qui décon nait. Quand je parlais trop vite . . . Lorsque j'avais des appels de salive . . . Je travai llais Les pauses. À L'école de journa­ lisme, on Le fait. Je ne suis pas passé par une école de journa­ lisme. Je L'ai fait par moi-m ême.

Avez-vous travaillé la voix ?

Vl

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Pas spécifiquement. Je veille à ce que la voix soit bien placée. Le plus difficile à La radio est de retrouver son naturel. Les pre­ mières fois, tu parles souvent faux, tu t'essouffles, tu as du mal à retrouver ton rythme. On dit pour La presse écrite : « Le plus i m portant, c'est d'inventer sa p h rase . . . » Je crois qu'à La radio, Le plus i m portant, c'est d'inventer son ryth me. . . C'est comme du jogging. Au début, on tient 1 0 m i nutes. Puis on trouve La condition physique, son rythme. Avec de L'expé­ rience et du tem ps, on peut couri r 1 h/1h30.

Y a-t-il pour vous différentes prises de parole ?

Clairement deux. Assis ou debout. Assis c'est difficile. À La radio, on est assis. IL faut veiller à se tenir droit, à ne pas rentrer Les épaules. Pour avoir plus de souffle. IL ne faut pas avoi r peur de respirer. Debout, c'est différent. Avant de penser au h aut du corps, i l faut sentir La p lante des pieds sur Le sol. La prise de parole de-

Avez-vous travai llé la respiration ?

Oui, en répéta nt Les Lance­ ments. Au début, passé vingt secon des de tem ps de parole, 246

chapitre 3 Paroles d'Ali Baddou

V) Q)

e

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@ ..._,

..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

bout, ça part des pieds. J'ai pris quand il y a de l'émotion. Face conscience de cela aux Étatsà des témoignages très forts, je ne veux pas relancer l'invité, je Unis. J'étais à un mariage. Je devais prendre la parole. Je ne ne veux pas être dans la course savais pas trop com ment m'y a ux mots. Je pense par exem ple prendre. Tous ceux qui pre­ a u témoignage de Célhia de La­ naient la parole varenne, une dame qui er in à ce mariage sa­ témoignait de son exut i m ag « I l fa ie à q ui on a e n v périence au sein d'une vaient parler et er structure de l'ON U où pas m oi . Et nota m de s ' a d res s » il s'agissait d'aller ré­ ment un pote, un cousi n . Je l'ai ob- servé. Il cupérer des jeu nes fi lles p rosti­ m'a donné ce consei l : « Pense tuées en levées par des soldats, à la plante des pieds . . . » Les en Sierra Leone. Ou à ce rescapé points d'appui, c'est soi . des cam ps de concentration où il avait été enfant, au récit de Quelle(s) différence(s) entre son enfance volée. Dans ces la télé et la radio ? À la radio, tu fais des gestes, cas-là, je me suis tu . . . Il y a un autre cas de silence qui me pa­ pour projeter ta voix, i nsuffler raît i m portant, c'est au contraire du dynamisme, tu lances un quand l'i nvité a dit quelque bras en l'ai r pour fai re un signe chose de consternant. Je préfère à la régie. À la télé, pour faire a lors le silence pour que l'a udi­ signe à la régie, c'est un cli­ teur entende bien et laisser la gnement de pau pière. Si tu fais responsabi lité de ce qui est dit à des moulinés avec tes bras à la celui qui l'a dit, ne pas le recou­ télé, tu passes pour un ci nglé. vri r par ma parole. La télé a un effet de loupe et dema nde en généra l une ex­ pression corporelle plus sobre.

Le regard ?

Je m'i magine précisément à qui je parle, un lycéen, une dame à la retraite, un quidam . . . Il faut i maginer à qui on a en­ vie de s'adresser. Quand on ne sait plus à qui on s'adresse, là com mence le problème . . .

Le silence ?

Il y a cette idée reçue à la radio. Il faudrait fuir le silence, les « bla ncs ». Il est très rare qu'il y ait de vrais moments de silence, sauf dans des témoignages, 247

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

À

Vl

� 0 1>­ UJ ri ri 0 N

@ �

.!: O'I ·c >­ Cl.. 0 u

la télé, sur TF1, sur Fra n ce 2, sion télé, un plateau avec Michel Field. « Sourire régulièrement de­ c'est différent, c'est un média vant la caméra, être simple dans de masse. Ce q uelqu'un doit pouvoi r être n'i m porte qui . O n l'expression. » La télé est un s'adresse au plus petit dénomi­ éco-système bizarre. Lorsqu'on nateur com m u n . y vient pour la première fois, on a tendance à se J'ai la chance de trasentir agressé, vailler pour des mé­ ur « À la té lé, po . l. ère é mi ssi on dias d'offre, France en territoire en­ m a p re m . Culture et Canal+. nemi. La mâ­ j'i m agi n e de p late a u , On peut décider à qui choire se fige, sis de s g e ns as on s'adresse, en avoir devient dure. e ta ble , au to u r d'u n u ne idée plus précise Il ne fa ut er p o u r u n dîn » et exigeante. C'est un pourtant pas luxe. percevoir la caméra com me un À la télé, pour ma première émis­ objet agressif. sion de plateau, j'imagine des Jack Lang a p u d i re : gens assis autour d'une table, je considère La caméra pour un dîner. À cette différence comme u n a m i . .. qu'il y a un convive qu'on ne voit Je dirais : « IL ne faut pas la pas et qui est derrière sa télé et voir, ne pas regarder l'o bjet, auquel on s'adresse aussi. Il faut mais regarder derrière l'objet : à la fois être très naturel, décon­ je parle à quelqu'un derrière tracté et accessible. Avoir toul'objet . . . » jours en vue la personne derrière �écoute ? son poste pour qu'elle se sente À la radio, c'est le plus i m por­ i ntégrée à la discussion du dîner. tant, ce qu'on met le plus de Ne pas présupposer que telle ou tem ps à maîtriser. Pour l'i nter­ telle chose est sue . . . view, la tentation est de veni r avec s a batterie de questions et Quels conseils pour de les dérou ler. La vraie qualité q uelq u ' u n qui passe pour La d'u n i nterviewer, c'est d'oublier pre m ière fois à La télé ? ses questions, d'installer une Je me souviens de ceux que j'ai vraie conversati o n . reçus pour ma première émis-

248

chapitre 3 Paroles d'Ali Baddou

Le plaisir de la prise de parole ?

La langue de bois ?

Les politiques parfois, dont tu con n ais les réponses. C'est de la pure langue de bois. C'est difficile. Un art de tromper son monde en évitant de répondre aux questions, en manipulant son a uditoire. Il y a aussi la langue de bois cool, de celui qui fait mine d'être proche des gens. Cela deman de du talent à l'i nterviewer. . .

('est une démarche narcissique, égocentrique. I l y a plaisir à convaincre et à capter l'atten­ tion de l'a uditoi re, si non autant rester en bas de l'estrade . . . Est-ce charnel ?

Oui. La télé est particulier, il y a beaucoup de fi ltres, c'est de plus en plus scénarisé, i l y a de plus en plus de langages de na­ ture différente.

L'essentiel ?

Savoir varier les registres. Etre capable de faire sourire comme de susciter une émotion g rave. Savoir utiliser tout le nuancier de la prise de paro le, quel que soit Le format, la pa lette des in­ tonations. Ne pas hésiter à uti­ liser le silence.

La q uestion q u i manque .

. .

Pourquoi on s e retrouve dans une situation de parole. Quel est mon but, à part fa i re du bruit ? Exposer ? M obi liser ? É mo uvoir ? Convaincre ? Ensei­ gner ? Il est i m porta nt de se poser la question du sens. Propos recueillis par Cyril Delhay

V) Q)

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..c Ol ï:: >­ Q. 0 u

249

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

Paroles de Cather i ne Malaval 12 novembre 2009. Dans une p ;èce calme, une grande fenêtre, un tableau contempora;n au mur. Des s;fences pfe;ns pendant l'7"nterv;ew. Un temps pour recevofr mfouUeusement chaque questÏon et sy confronter. En rép onse, une pensée prédse qu; prend Le temps de s'élaborer.

Qu'est-ce qu'on apprend quand on débute à La télé ?

Comment en êtes vous-venue à La p rise de parole ?

À

à la télé sur un projet de ma­

la télé, notam ment en di rect, i l y a un i m pératif d'efficacité i m médiate : le message doit

gazi ne pour des ados. Je cher­

passer tout de suite. La contre­

chais un présentateur, mais je

partie, c'est que tout ce travai l

ne disposais pas d'un salaire

se fait parfois a u détri ment de la nuance.

Ce

sont

les

circonsta n ces.

J'étais timide.

Je travai llais

suffisant

pour

lui

demander

h aitais. Je m'y s uis donc m ise

Une des spécificités de la télé c'est que l'on n'a pas la per­

moi-même.

sonne à qui l'on s'adresse en

Ce q ue cette expérience m'a

face de soi, on n'a pas le

surtout appris c'est la force

tour » de l'autre. On ne peut jamais être sûr d'être bien com­

toute l'i mplication que je sou­

Vl

� 0 1>­ UJ ri ri 0 N

@ �

.!: O'I ·c >­ Cl.. 0 u

de l'automotivation car j'étais

«

re­

conditions, i l fallait déjà être

pris d'où la nécessité d'être très clair dans ses objectifs et très précis dans le vocabulaire qu'on

très convai ncue soi-même de

uti lise.

son propos. J'ai réa lisé l'i m por­

Le temps ?

tance du travail sur l'énergie et

Gérer le tem ps est évidem­

la conviction ai nsi que la force

ment un i m pératif à la télé où

de la cohérence : plus vous êtes en accord avec ce que vous

tout est à la seconde près, pub oblige ! Là encore, plus on maî­

dites plus vous êtes efficace.

trise son sujet, plus il est facile

seule face à la caméra et pour être

convai nca nte

dans

ces

250

chapitre 3 Paroles de Catherine Malaval

d'élaguer ou au contraire de « faire plus long ». Par ai lleurs, il s'agit a ussi de renouveler constam ment l'intérêt (anec­ dotes, i mages, utiliser des re­ gistres différents, et touj ours rester proches des centres d'in­ térêt de son public) pour éviter que Les gens ne « décrochent » vite : i l faut les capter et les « recapter » sans cesse.

V) Q)

e

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L'autre à La télé ?

En prise de parole en public, le regard com pte pour l'autre : i l est essentiel à l'efficacité du discours. La prise de parole est centrée sur l'autre : c'est avant tout une relation. O n ne parle pas pour soi, mais pour l'a utre. Le public desti nataire, c'est lui qui com pte : ce qu'i l va comprendre et retenir est plus important Faut-il recourir plus que ce que l'on dit. à des images et à Or, à la télé, i L y a un média d u concret à La télé ? entre celui qui parle et L'autre. Plus on est concret, plus on est À La télé Le regard de L'autre et efficace et ce n'est pas touj ours son « retour » manquent ; c'est notre fort en France : a ux USA pourquoi, très souvent, on fait on dit que pour un concept, un appel à des mi ni-publics présents orate ur a 1 0 exe mples à propo­ en plateau ou on développe ser en i llustrati on a lors qu'en L'interactivité sous France c'est L'i n­ la nc " toutes ses formes verse : 1 0 concepts « À la t él é, "le b ès (téléphone, SMS et u n seul exem ple ! est so u ven t tr ou autres . . . ) qui t él ég éniq u e ! >> Comment regarder sont autant de une caméra ? moyens de faire exister ceux à On ne regarde pas une caméra, qui L'on parle. on regarde la person ne à qui l'on parle, qu'elle soit en face de soi Que lle différence entre radio et télé ? physiquement ou derrière la ca­ À la télé, Le « blanc » est sou­ méra. Pour L'invité, la règle du vent très télégénique ! La ca­ jeu consiste à s'adresser au jour­ méra surprend quelqu'un qui ré­ naliste à qui i l parle vraiment. Il fléchit, est pris de court, surpris ne doit donc regarder La caméra par une question, ou est ému et que s'il a une raison de s'adresser cela devient un grand moment au téléspectateur directement. 251

Partie 2 20 situations passées

à la loupe

y a le risque d'être coupé ou de télévision . Le blanc à la télé, même d'être instrumentalisé. c'est de l'émotion, la vérité a ussi de la personne, c'est parfois Que lle place pour l'émotion ? aussi une forme de réponse. Une parole trop maîtrisée et sans Ces « blancs » sont à rapprocher émotion n'est pas forcément la des silences qui sont très i m ­ meilleure prise de parole en pu­ portants en prise de paro le : i ls blic. Les gens qui répondent tou­ donn ent du ryth me et tout son jours bien et à la seconde cou­ poids à la parole. Ils ont beau­ rent le risque d'être ennuyeux. coup d'avantages com me, entre En France, on considère sou­ a utres, don ner à son public le vent à tort que pour tem ps d'intégrer « faire profession­ ens q ur « Les g ce que l'on dit. nel » on doit être ujo u rs ré p on de nt to I ls laissent aussi i m personnel. Or, agir ond e bie n et à la s ec un espace pour de La sorte, c'est se ue cou re nt le risq partager des mo­ priver des dimen­ ux » d 'être e nnuye ments forts qu'i ls s10ns essentielles soient émotion ou de la com munication que ri re. sont l'émotion, l'a uthenticité et Laisser des silences s'i nsta ller la conviction q ui font la force suppose beaucou p de confi ance d'u ne prise de parole. en s01 . L'émotion n'est pas quelque Vl

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chose dont il faille se dépar­ tir : i l faut plutôt apprendre à l'uti liser qu'à lutter contre. Et puis à la télé, ou en prise de paro le en généra l, i l y a le mo­ ment, la magie de l'instant. Il est indispensable de se pré­ parer un maxi m u m , mais a p rès il y a la vie, tout ce qui échappe à la technique, et qui rend la prise de parole à la fois si diffi­ cile et si exaltante.

Direct ou e n reg istré ?

La tension du direct, c'est un stress qui potentialise et conduit à être terriblement à l'écoute ! Pour l'i nvité, l' avantage de participer à une émission dif­ férée, c'est la possibi lité de recom mencer, mais c'est a ussi le risque d'être coupé au mon­ tage. Et com m e les mei lleurs moments gardés le sont du point de vue du journaliste, i l

Propos recueillis par Cyril Delhay

252

Le regard de Michel

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Les auteurs Hervé Biju-Duval. Après avoir passé une quinzaine d'années à

des postes de responsabilité dans de grandes entreprises, il crée son cabinet de conseil et de formation. Consultant international en management des personnes, des équipes et des organisations, il entraîne également dirigeants et managers lors de séances de média-training, dans des environnements culturels variés. Maître de conférences à Sciences-Po. Cyril Delhay. Directeur de la communication et professeur d'art

oratoire à Sciences-Po, il y a mis en place et développé, depuis une dizaine d'années, un enseignement de l'art oratoire à partir des techniques corporelles et de la mobilisation physique de l'ora­ teur. Il a également été responsable des programmes « Égalité des chances et diversité » à Sciences-Po, depuis leur début et pendant dix ans. Normalien, agrégé d'histoire, diplômé de Sciences-Po, il a associé à une formation universitaire classique une formation aux techniques du comédien, du mime et du masque. V) Q)

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Michel Hulin. Illustrateur humoristique et caricaturiste . Il ac­

compagne les séminaires de formation, congrès, débats, en cro­ quant sur le vif les moments forts ou décalés. Ses dessins ren­ forcent l'attention, soulignent les messages, expriment le ressenti des participants , révèlent les enj eux et les non-dits en créant par le rire un climat convivial et fédérateur.

255

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Remerciements Les auteurs remercient particulièrement : Ali Baddou , journaliste de radio et de télévision Christian Boiron, président des laboratoires Boiron, leader mon­

dial de l'homéopathie Hélène Dupont, premier violon du Quatuor Annesci Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international public à

l'Institut des hautes études internationales de Genève Jean-Michel Jarre, auteur-compositeur interprète de musique

électronique Jean-Claude Le Grand, directeur monde des Ressources hu­

maines du Groupe L.Oréal (DPGP) et directeur corporate de la diversité Nicolas Le Riche , danseur étoile du Ballet de l'Opéra national

de Paris Gérard Margeon, sommelier, directeur des vins du groupe

Ducasse V) Q)

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Mimie Mathy, comédienne et humoriste Jean-Pierre Mignard, avocat Guillaume Perrault, journaliste au

Figaro

François Potier, président de François Potier Conseils SAS , au­

paravant Senior Vice President RH et membre du Comex de PPR, DRH du groupe Mornay . . . Anne Roumanoff, humoriste Alain Souchon, chanteur et compositeur Véronique Soulé, journaliste à

Libération

257

Tous orateurs !

. . . ainsi que l'équipe de maîtres de conférences de Sciences-Po associée à cet enseignement : Jean-Pierre Arbon, auteur, chanteur et compositeur, il anime des

séminaires de management. Diplômé d'HEC, il était auparavant dirigeant d'entreprise et éditeur (directeur général de Flammarion, puis PDG de OOhOO.com) Laurence Daïen-Maestripieri, professeur de chant et chef de

chœur ; consultante auprès d'entreprises et de sociétés d'avocats Julien De Ruyck, humoriste , improvisateur, comédien et présen­

tateur pour MCE Ma Chaîne étudiante Thomas Hervé , journaliste de télévision et de radio Chloé Latour, metteur en scène, avocat et pédagogue, elle anime

des ateliers de recherche sur le mouvement et les rapports du corps à l'espace Catherine Malaval, formatrice en prise de parole en public en

France et aux États-Unis Jorge Parente, comédien : étudie et forme depuis une vingtaine

d'années sur la voix parlée et chantée V) Q)

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Hervé Pata, professeur de technique vocale , formateur, consul­

tant et conseiller auprès de dirigeants d'entreprise et de respon­ sables politiques Stanislas Roquette, comédien et directeur d'acteurs Juan Carlos Tajes, chanteur de tango, comédien, metteur en

scène . et enseignant de théatre, d'expression corporelle et d'inter­ pretation de masques Paul Vialard, chanteur, mus1c1en, compositeur-interprète et

consultant en prise de parole en public en France et en Grande­ Bretagne, formé au Royal College Opera

258

Remerciements

. . . et, bien sûr, tous ceux qui, en formation initiale et continue ont contribué à l'enrichissement de cette pédagogie.

Un grand merci enfin à Bernard Foulon et David Lerozier pour leurs précieux conseils tout au long de l'écriture de ce livre.

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B ibl iographie Cette bibliographie ne prétend aucunement à l'exhaustivité scien­ tifique sur la prise de parole en public. Elle indique les ouvrages qui traitent de tel ou tel thème développé dans le livre et dont les auteurs conseillent la lecture.

Fondamentaux sur l'e ngagement physique et la présence scénique de l'acteur et de l'o rateur ASLAN Odette (dir.) ,

Le Corps enjeu, É ditions du CNRS, 1 99 4 . ASLAN Odette (dir.) , Le Masque, Éditions du CNRS, 1 999. DECROUX Étienne, Paroles sur le mime, Gallimard, 1963. FO Dario, Le Gai Savoir de l'acteur, l'Arche, 1 990. FRESNEL Elisabeth, La Voix, préface de Barbara, Éditions du Rocher, 1 996. JOUVET Louis,

V) Q)

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Écoute, mon ami, Flammarion, 200 1 . LECOQ Jacques, (dir. ) , Le Théâtre du geste, Bordas, 1987. LECOQ Jacques, Le Corps poétique, Actes Sud, 1 9 97. MOCH-BICKERT Éliane, Louis Jouvet Notes de cours, Librairie théâtrale , 1 989. MNOUCHKINE Ariane ,

LArt du Présent, Flon, 2005 . PODALYDÈS Denis, Voix off, Mercure de France , 2008 QUINTILIEN , Institutions oratoires, XI, trad. Françoise Desbordes, Les Belles Lettres. RICHARDS Thomas,

physiques, Actes Sud,

Travaiiler avec Grotowski sur les actions 1 99 5 .

STANISLAVSKI Constantin, Bibliothèque Fayot STRASBERG Lee,

«

La Formation de l'acteur,

Petite

Voyageurs » , 2001

Le Travail à l'Actors Studio, Gallimard, 261

1 969.

Tous orateurs !

Arg u m e ntation et rhétorique ARISTOTE,

La Rhétorique, trad. M . Dufour, Les Belles Lettres. BREDIN Jean-Denis et LEVY Thierry, Convaincre, dialogue sur l'élo­ quence, Odile Jacob, 1 99 7 . CHARPENTIERJacques, Les Remarques sur la parole, LGDJ , 1 96 1 . CICÉRON, Brutus, trad Jules Martha , Les Belles Lettres . CICÉRON, De l'orateur, trad. H . Bornecque, E Courbaud, trad. H.

Bornecque, E . Courbaud, Les Belles Lettres . CICÉRON,

[Orateur, trad. A . Yon, Les Belles Lettres. CLEMENCEAU Georges, Démosthène, Flon, 1 92 6 . DELPORTE Christian, Une histoire de la langue de bois, Flammarion, 201 1 . FARGE Arlette,

Essai pour une histoire des voix au dix-huitième

siècle, Bayard , 2009 . FOUCAULT Michel,

[Ordre du discours, Gallimard, 1 9 7 1 . FUMAROLI Marc , rÂ.ge de l 'éloquence, Droz, 2002 . GRACIAN Baltasar, Art et figures de l'esprit, Seuil, 1983. GRACIAN Baltasar, [Homme de cour, p réface de Marc Fumaroli, Gallimard , 2 0 1 1 . V) Q)

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GUILLERON Gilles,

Langue de bois : décryptage irrévérencieux du politiquement correct et des dessous de la langue, First Éditions, 2 0 1 0 . PERLEMAN Chaïm et OLBRECHTS-TYCETA Lucie , Traité de l'argumentation, Édition de l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2008 (6e édition). QUINTILIEN,

Les Institutions oratoires

(vol. I à XII) , trad. Jean

Cousin, Les Belles Lettres. ROMILLY de Jacqueline,

Périclès, De Fallais,

Les Grands Sophistes dans l'Athènes de

1 988.

262

Bibliographie

Com m u n ication et PNL ( p rogra m m ation neuro-linguistique) BANDLER Richard et GRINDER john,

Les Secrets de la communi­

cation, Le jour édition, actualisation 1 982. COLLETT Peter, The Book of Tells, Londres, Doubleday, 2003 . DAMASIO Antonio, [Erreur de Descartes : la raison des émotions, Odile Jacob, 1 9 9 5 . DAMASIO Antonio, Spinoza avait raison : joie et tristesse,

le cerveau

des émotions, Odile Jacob, 2003. DARWIN Charles, The Expression of the Emotions in Man and Animals, Londres, John Murray, 1 872 . HARRIS Thomas A. , D'accord avec soi et les autres, guide pratique d'analyse transactionnelle, Éditeurs EPI , 1 973. JOUBERT Catherine et STERN Sarah, Déshabillez-moi : psychana­ lyse des comportements vestimentaires, Hachette Littératures, 2005 . ROBBINS Anthony, Pouvoir illimité, Robert Laffont, 1 989. TURCHET Philippe, La Synergologie, Les éditions de l'Homme, Montréal, 2000. TURCHET Philippe,

Le Langage universel du corps, Les éditions de

l'Homme, Montréal , 2009. V) Q)

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WATZLAWI CK Paul, Une logique de la communication, Seuil, 1 9 6 7. WATZLAWICK Paul,

Changements. Paradoxes et psychothérapie,

Seuil , 1 975 . WATZLAWICK Paul, WINKIN Yves, «

Faites vous-même votre malheur, Seuil, 1 984 . (dir. ) , La Nouvelle Communication, Seuil, coll.

Essais » , 2 000.

263

Tous orateurs !

Co m m u n ication et management BENTOLILA Alain,

Le verbe contre la barbarie - Apprendre à nos enfants à vivre ensemble, Odile Jacob, 2 007 . BERNE Éric, Des jeux et des hommes, Stock, 1 964. BONNANGE Claude et THOMAS Chantal, Don juan ou Pavlov, Seuil, 1 987. CRIQUI Pierre-Louis et MATARASSO Éric,

Devenir maître négo­ ciateur, une approche nouvelle de la persuasion, Les Presses du ma­ nagement, 1989. FISHER Roger et URY William,

Comment réussir une négociation,

Seuil, 1982. GENELOT Dominique, Manager dans la complexité, Insep Éditions, 1 99 2 . GIONO Jean, PORQUET

[Homme qui plantait des arbres, Gallimard, 1 98 3 . Jean-Luc, Le Faux-parler ou l'Art de la démagogie,

Balland, 1 992

Ana lyses pratiques et exercices ANDRÉ Stéphane , V) Q)

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Le Secret des orateurs : portraits et conseils,

Éditions Stratégies, 2 0 1 1 . BELLEN GER Lionel, ESF Éditeur, coll.

«

[Excellence à l'oral : développer son charisme,

Formation permanente

»,

2005.

Les Prétendants 2007, Plan, 2006 . PATA Hervé, La Technique vocale - tout simplement, Eyrolles , 2 009. RABAULT René, Diction et expression, exercices et exemples, Librairie DUHAMEL Alain,

Théâtrale, 1 98 7 . RONDELEUX Louis-Jacques,

Trouver sa voix, Seuil Essais , 2 004 .

264

c Calvi Yves 172 Camus Albert 243 Cave Nike 37 Chancel Jacques 59 chanter 32 charisme 1 1 1 , 1 7 7 Char René 183 Chateaubriand 134 Chirac Jacques 2 2 , 1 1 7, 207 Churchill Winston 1 5, 26, 137, 144 Clark Pascale 241 Claudel Paul 9 5 Clemenceau 29 Clinton Bill 1 6 Colomb Christophe 212 communication 5, 7, 34 concentrer 5 1, 8 1, 113 congruence 38 corps 35, 37, 3 8, 40, 49, 5 3, 5 5, 5 7, 59, 62 , 6 5, 68, 74, 7 6, 79 84, 85, 86, 87 101 , 103, ' ' 104, 133

Index A Adams John 41 Alexa nder 71 Allen Woody 51 Alliot-Marie Michèle 229, 231 , 233 ancrage 56, 73, 82, 84 animer 160, 161 , 163 Antée 82, 83 appui 61 Arafat Yasser 16, 17 Arbon Jean-Pierre 39 Arc hi mède 82 articuler 58 Attali Jacques 168, 217 auditoire 9, 1 2, 1 6, 21 , 25, 38, 40, 44, 51, 58, 91 , 9 5, 9 9, 1 1 5, 1 1 9, 1 5 7, 1 70, 224

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B Bachelard Gaston 99 Baddou Ali 47, 8 5, 100, 246249 Barachnikov 67 Bébéar Claude 152 Ben Ali 229, 2 3 1, 242 Bern hardt Sarah 74 Bettencourt 36 Bible 92 Boileau 3 1 Boiron Ch ristian 45, 54, 115 Boris Baillon 229, 231, 232 Brando Marlon 5 2 Brassens 239, 242 Bri llat-Savarin 34

D Dal'en-Maestripieri Laurence 42, 94, 101 Darcos Xavier 1 7 2 Dean James 5 2 Decroux Étienne 86 De Gaulle 142 De Niro Robert 5 2 De Ruyck J ulien 121 Descoings Richard 172, 173 , 174 De Sole Domenico 226 Diag hilev 64 discours 25, 26, 3 1, 47, 48, 1 3 5, 219 265

Tous orateurs !

Dobson 79 Ducasse 38 Dupont Hélène 70-71, 83, 9 1 Dupuy Pierre-Marie 154, 1 5 5 , 214

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r ncongruence 38 indépendance d'esprit 6 7, 137, 145 interview 17 7

E écoute 4, 32, 92 , 112 Einstein 3 1 Eli 92 éloquence 26, 41 émetteur 7, 8, 3 5 émotion 18, 35, 47 , 69 , 101 , 220

J Jarre Jean-Michel 20, 49, 78, 133, 138, 140-143 Jean L'Évangéliste 25 Jean-Paul II 142 Jefferson 41 journaliste 222 Jouvet Louis 50, 57, 123, 1 29

F Fabius Laurent 207 Falla Manuel de 64 Field Michel 248 Fignon Laurent 128 Fo Daria 119 Ford Tom 226 Foucault Michel 20 Foulon 29 Foulon Bernard 1 1 7, 259 Fresnel Élisabeth 60

K Karzaï 242 Kennedy 142 Kersaudy François 26 Ki ng Marti n Luther 48 Kouchner Bernard 241, 243 L Lagadec Patrick 210 Lang Jack 242, 248 Langue de bois 30 Latour Chloé 89 Lavarenne Célhia de 247 Lecoq Jacques 133 Le Fern Loïc 36 Le Grand Jean-Claude 18, 8 1, 144-146 Lemercier Valérie 126 Lemond Greg 128 Le Riche Nicolas 36, 37, 49, 6 1, 64-69, 87 , 92, 93, 99, 1 1 5 , 1 1 6, 120 Lincoln 41 Luhan Mac 227

G Gainsbourg 36, 3 7 Gandhi 142 Gourvennec Alexis 189 Grillet Thierry 40 Guitry Sacha 98 H Hallyday Joh nny 125 harmoniques 60, 104 Hercule 83 Hervé Thomas 1 3 1 Hoffman Dustin 5 2 266

Index

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M Madame de Sévigné 202 Malaval Catherine 81 , 101, 245, 250-252 Malraux 142 Mao 20 Margeon Gérard 38, 5 1, 191192 Marie-Antoinette 29 Martin Luther Ki ng 48 Materazzi 127 Mathieu Xavier 168, 217 médias 223, 227 , 252 méditation 54, 181 Mehrabian Albert 35 Menuhin Yehudi 59 message 2 1, 2 5, 34, 47 , 51 , 58, 59, 233 Mignard Jean-Pierre 3 5, 75, 137, 219-223 Mimie Mathy 23, 58, 96, 1 1 5, 122 Mirabeau 134 Mitterrand François 207 Modiano 109 Monroe Marilyn 5 2 Montaigne 4 Montesquieu 44 Mozart 98

p Pacino Al 52 Parente Jorge 43 , 53 , 55, 88, 101, 103-107 partager 7 Pata Hervé 55, 89, 94, 131 Perrault Guillaume 30, 237 peur 176 point d'appui 6 5, 82, 83, 8 5, 99 Polet Robert 226 Posé1"don 83 Potier François 3 1, 3 5, 76, 1 2 1 , 124, 135, 188, 212, 224-226 préparer 15, 25, 3 1 prise de parole 5, 47, 64, 8 2, 133, 226, 246, 250 Proust Fra nçois 90 public 10, 21 , 9 5, 9 6, 97, 100, 235, 251 R Rabi n Yitzhak 1 6, 1 7 radio 100, 1 7 7, 179, 227, 231 , 241 récepteur 7, 8 regard 3 5, 6 7, 7 3, 95, 96, 247, 251 rei ne d'Angleterre 65 relaxation 52, 5 5, 105 résonance 60, 105, 115, 120 respiration 43, 5 5, 56, 61, 68, 7 1, 73, 80, 87 90, 93, 246 ' Ri mbaud Arthur 47 Rocard Michel 241 Roquette Stanislas 42, 56 Roumanoff Anne 18, 3 2, 62 , 1 1 7, 123, 176- 181 Roya l Ségo�ne 204, 205, 206 �th me 47, 49, 96, 170, 1 7 6

N négociation 23 Nicodème 69 Niji nski 66, 67 non-verbal 34, 3 5, 146 Noureev 67 0 Obama Barack 36, 37, 40, 41, 48, 96, 130, 142 267

Tous orateurs !

s Sagan 109 Samuel 92 Sarkozy Nicolas 3 6, 96, 204, 205, 206 Selye Hans 7 5 Sénèque 1 1 2 silence 47, 68, 7 3, 98, 99, 1 00, 101, 123, 136, 146, 247 sincérité 219, 220 Souchon Alain 2 7, 30, 63 , 108-110 Soulé Véronique 233, 234, 237 Stanislavski 52 Stephanopoulos G eorge 16-17 Strasberg Lee 52 , 53, 54, 55 stress 51 , 52, 70, 74, 7 5, 7 6 , 78, 79' 81, 145, 222, 224, 252

temps 44, 47, 237, 250 Thei lard de Chardin 221 timidité 18, 144 ton 50 Turchet Philippe 3 5 V

valeurs 137, 139 verbe 25, 124, 225, 226 Vergès Jacques 36 verticalité 52, 53 , 66, 73, 86, 87, 88, 103, 1 04, 133 Vialard Paul 59, 60, 61 , 9 7, 103-107 127 ' voix 35, 5 7, 59, 60, 61 , 62, 63, 66, 104, 105, 1 10, 136, 1 5 6, 1 7 6, 221, 246 w Wei nberg Serge 225 Woerth Éric 36

T Taddeï Frédéric 172 Tajes Juan Carlos 87, 9 5, 103-107 1 3 1 ' télé 101, 1 7 7, 1 7 9, 241 , 250 télévision 227, 231

y Yorks 79 z Zidane 36, 127

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