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Notice TP3 Spectroscopie Raman Résumé
Le but de ce TP3 est de donner aux étudiants un aperçu de cette technique et de ses applications dans la recherche fondamentale et appliquée ainsi que dans la caractérisation et identification des échantillons industriels. Les étudiants ont la possibilité de proposer leurs propres sujets de recherche en accord avec l’assistant responsable.
Raman spectroscopie sur divers échantillons de graphène monolayer et multi-layer. Source : « Thermo Fischer Scientific, Application note 52252 »
R. Sanjinés
Date: 10.05.2014
NOTICE: Raman Spectroscopy
Travaux pratiques avancés Section de physique – SB
I Introduction générale La spectroscopie optique est une des principales méthodes permettant d’étudier la matière de son point de vue microscopique. Cette méthode consiste à envoyer une onde électromagnétique sur un échantillon et mesurer l’intensité de l’onde transmise, réfléchie ou émise par celui-ci en fonction soit de l’énergie E, de la longueur d’onde λ, ou du nombre d’onde k. Ces spectres d’intensités présentent généralement des bandes d’absorption ou des pics de réflexion aux longueurs d’onde pour lesquelles l’énergie des photons incidents coïncide avec les énergies d’excitation possibles de l’échantillon. Pour des raisons pratiques et historique en spectroscopie optique et infrarouge on utilise souvent comme paramètre soit la longueur d’onde λ, soit le nombre d’onde k=1/λ ou bien la fréquence v au lieu de l’énergie E. Pour toute onde électromagnétique dans le vide on a les relations : hc 1 E = hν = c = λν k=
λ
λ
Avec c = vitesse de la lumière = 3.108 m.s ; h = constante de Planck = 6.626 10-34 J.s = 4.13 10-15 eV.s
Tableau 1 : Domaines spectraux en termes de longueur d’onde, nombre d’onde, énergie et fréquence
UV-Vis λ (µm)
10-2
0.8
k (cm-1)
106
12500
E (meV)
6200
ν (1012 Hz) 30000
Proche IR 1
IR
IR lointain
Radio
2
10
50
200
5000
10000 5000
1000
200
50
2
1550
1240
620
124
25
6.2
0.25
375
300
150
30
6
1.5
0.06
.
L’absorption ou émission d’un rayonnement électromagnétique par la matière est due au changement d’état entre deux niveaux énergie distinctes de l’atome ou d’une molécule. Lorsque il a y absorption d’un quantum d’énergie électromagnétique (photon), l’atome ou molécule passe d’un niveau d’énergie inferieur à un niveau d’énergie supérieure (niveau excité), dans le cas contraire il y a émission d’un photon par désexcitation de l’atome ou de la molécule. Les techniques spectroscopiques classiques sont la transmission et absorption ultraviolette et visible, la fluorescence et phosphorescence (voir TP3 «Spectroscopie optique»), l’Infrarouge, Raman, Résonance paramagnétique électronique (RPE), et la Résonance magnétique nucléaire (RMN) (voir TP3 «RMN et RPE»). Dans le domaine de l’ultraviolette et du visible (UV-Vis), l’énergie des photons est comprise entre 6.2 et 1.55 eV (200-400-800 nm), ceci corresponde aux énergies des
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transitions inter bandes électroniques et les spectres de transmission optiques fournissent des informations sur la structure électronique du matériau. Dans le domaine infrarouge (IR), les photons ont des énergies comprises entre 1 et 103 eV, ce qui correspond aux énergies d’excitations des modes de vibration et de rotation moléculaires. En spectroscopie infrarouge les spectres d’absorption fournissent donc des renseignements sur les mécanismes microscopiques au niveau de l’arrangement atomique et moléculaire dans la maille élémentaire ce que fait de la spectroscopie infrarouge une puissante méthode de caractérisation de composés, notamment dans l’identification des composés organique. Par contre en Raman, Fluorescence et Phosphorescence on analyse le rayonnement émis dans toutes les directions. Finalement en RMN et RPE on analyse le rayonnement électromagnétique que l’échantillon absorbe mais en présence d’un champ magnétique qui oriente les moments de spin et nucléaire. 2 Spectroscopie Raman
La spectroscopie Raman permet de connaitre les états transitoires de vibrations et de rotations d’une molécule excitée par une puissance source lumineuse monochromatique du type laser. C’est donc une technique complémentaire à la Spectroscopie Infrarouge. Dans le cadre de la Spectroscopie Raman ont s’intéresse aux énergies de vibration et de rotation très faibles en comparaison à celle des photons incidents (lasers UV, vert 530 nm, rouge 630 nm et IR 800-2000 nm). Les informations apportées par la spectroscopie Raman sont essentiellement : -
identification de phases ou de composés chimiques caractérisation des matériaux détermination de la structure cristalline étude des systèmes amorphes et cristallins
Les avantages de la spectroscopie Raman sont : -
-
l’effet Raman est indépendant de la longueur d’onde de la source utilisée ce qui permet de supprimer certains phénomènes indésirables (fluorescence, dégradation des substances) par un choix adéquat de la source d’excitation (laser bleu, vert, rouge ou IR) aucune polarisation permanente de molécules n’est nécessaire (donc une méthode efficace sur les molécules diatomiques et mononucléaires) la présence de l’eau n’est pas gênante car l’eau diffuse très peu la lumière on utilise de cellules en verre car le verre est transparent dans les domaines spectraux concernés et son spectre Raman est très faible.
Pour un rappel théorique les étudiants peuvent consulter soit des ouvrages spécialisés à ce sujet ou soit de lire l’article de Barbillat et al, « Spectrométrie Raman » publié par ©Techniques de l’ingénieur, traité Analyse et Caractérisation, qui est un texte assez complet et détaillé sur le sujet (notice en annexe). Le but de ce TP3 est de donner aux étudiants un aperçu de cette technique et de ses applications dans la recherche fondamentale et appliquée ainsi que dans la caractérisation et identification des échantillons industriels. Les étudiants ont la possibilité de proposer leurs propres sujets de recherche en accord avec l’assistant responsable.
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2 Travail à faire
1) 2)
Lire l’article de J. Barbillat et al, CNRS (ou un autre texte) pour la théorie. A l’aide de la théorie quantique, expliquer (ou en déduire) la formule simplifiée du rapport des intensités des rais Stokes et anti-Stokes donnée par la relation I stoke I anti − Stoke
⎛ ν − ∆ν i ≅ ⎜⎜ 0 ⎝ ν 0 + ∆ν i
4
⎞ ⎛ hν ⎞ ⎟⎟ exp⎜ i ⎟ ⎝ kT ⎠ ⎠
(1)
3)
Les spectromètres Raman comprennent une source (laser), un analyseur spectral et un détecteur. L’analyseur spectral est généralement un double monochromateur (avec deux réseaux de diffraction) pour augmenter la résolution spectrale et minimiser les radiations parasites. Utiliser le dispositif expérimental décrit dans la notice ci-dessous pour étudier les signaux Stokes and anti-Stokes du CCl4. A l’aide de la relation (1) déterminer la température de l’échantillon.
4) 5)
Etudier le spectre Raman d’autres échantillons liquides (alcools, cyclohexane, ..) Refaire les mêmes études en utilisant le Spectromètre Raman commercial « Raman Systems R-2001 » Avec le R-2001 étudier d’autres échantillons personnels.
6)
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7)
RAMAN SPECTROSCOPY: TECHNICAL INSTRUCTIONS A) Photomultiplier Detection System (PM)
1) Turn the water cooling system ON (Fig. 1). Check at the flow meter (Fig. 2) if water is cooling, the rate of cooling should about 250 l/h. To interlock the main control panel turn the knob on "Position 1" (Fig. 3). Note that there is a security system; the general power supply does not work if the cooling water is OFF.
Fig. (1)
Fig. (2)
Fig. (3)
2) To activate the cooling system of the PM detector (Peltier system), switch ON the Power Supply (Fig. 4). Then switch ON the SPEX and the Photon Counter SR400 device (Fig. 5)
Fig. (4)
Fig. (5)
B) Laser beam alignment.
3) Switch ON the LASER VENTUS (Figs. 6 and 7). Follow the instructions of “Mode d’emploi du laser VENTUS”. Fixe the out put power of the laser at about 1 mW, just with enough intensity to see the beam (it corresponds to about 25 % of the output courant of the laser).
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Fig. (6)
Fig, (7)
4) Because the Raman intensity is very low compared to the source of excitation, the laser beam – sample – monochromator alignment is important to collect the Raman spectra with reasonable intensity. The vertical axe of the laser beam and the centre of the sample holder (glass tube for liquids) have to be aligned with the entrance slit of the monochromator; we have 90° Raman scattering geometry in our setup (see Fig 8-9).
Fig. (8)
Fig. (9)
The focussing lens below the sample holder (Fig. 9) allows to focus the beam on the sample. 5) After the laser beam – sample – monochromator alignment, close the sample-cell box. Verify that the slit shutter is in position “close”. Increases the laser currant intensity to about 30-35 % (~20-30 mW), open the protective box containing the collecting and focusing lens, the polarizer, and the entrance slit (see Fig. 10). If your alignment is OK, you should see two horizontal green lines (Rayleigh scattered light) in the plan of the entrance slit (see Fig. 11). These lines arise from the walls of the glass tube. The elastic scattering from the liquid (vertical intensity parallel to the entrance slit is not easy to notice, however one can easily notice the presence of two strong spots on the horizontal lines, these indicate the position of the laser. A perfect aligned Raman intensity corresponds to a symmetric distribution of the
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horizontal lines compared to the entrance slit with the strong spots just aligned with the vertical axe of the slit. In case of your alignment is not correct proceed as following: a) If the horizontal lines are not symmetrically distributed over the slit you have to correct the position of the sample. Wear your protective glasses and/or reduce the laser intensity (25 %), open the sample-cell box and displace up (if the lines are too down) or down (if the lines are too up) the sample to centred the image over the entrance slit. Then close the sample-box, increase the intensity of the laser and check the position of the horizontal lines. b) For lateral alignment, use the knob “Transversal”. c) To focus the signal on the slit plan use the knob “Longitudinal”; both knobs are located on the left side of the box.
Fig. (10)
Fig. (11)
C) Raman Spectrum
A Raman spectrum is a plot of the Raman scattered radiation as a function of its energy or frequency difference from the incident radiation namely Raman shift (∆=1/λo-1/λ). In infrared spectroscopy, typically wavenumbers en cm-1 are used. In our case we use a laser 532 nm, thus the Rayleigh elastic scattering is located at 1/λo=18797 cm-1. 6) Switch ON the PC computer. User name = TPA; Password = tpa31416. Open the LabView software and load the file “DataRamanMain” (data collecting program, DCP). At the first time you start the DCP, you will be asked to introduce the actual position of the wavenumber of the monochromator (see Fig.12). Check the actual value of wavenumber of the spectrometer and introduced it in the active window and click on INIT. The program needs to know the actual position of the monochromator to control the starting position and the scanning range. 7) Typical parameters for data acquisition. Maximum scanning range: from 15000 to 25000 cm-1. Wait time= 1000 msec = 1 sec Steps = 3 cm-1 Laser power: 70 - 140 mW (40% - 50% currant intensity) Slit aperture: 650 microns
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Depending of the type of sample and on the expected spectrum the scan range has to be selected. For example, for liquids such as CCl4 and cyclohexane the starting wavenumber could be 16000 cm-1, and for alcohols 15000 cm-1. 8) Use the command “GoTo” to position the monochromator to the starting point. It is recommended to scan from the lower to the higher wavenumber values in order to avoid hysteresis due to some mechanical deficiencies of the scanning system. 9) If you don’t know the appropriated scan range for your sample make a fast scan between 15000 to 18500 cm-1 to find the position of Raman peaks. 10) Usually a power laser of 80 mW should be enough for collecting Raman spectrum with relatively high intensities (few hundred of count/s). Important: if you are not collecting data please put the laser to its lower intensity (1 mW) or if you stop the data acquisition for long time, stop the laser too.
Fig. (12)
Fig. (13)
11) How to improve the beam-sample-entrance alignment to get high signal. If the Raman peak intensities are very low, place the monochromator at the wavenumber position that you observe a peak. Then using the knob “Transversal” try to change the lateral alignment, the intensity of the signal will increases or decreases (see Fig.13). Try to get the maximum on intensity; in addition using the knob “Longitudinal” you can improve the signal. IMPORTANT-WARNING!!. The intensities of Raman lines are 1/1000 lower than the intensity of the source. The PM detector is very sensitive to the high intensity of the Rayleigh scattering peak. Therefore: a) To avoid irreversible radiation damage to the PM detector, when you scan throughout the Rayleigh peak located at 18797 cm-1, CLOSE the shutter of the slit as you are scanning between 18700 and 18900 (see Fig. 12). b) Every time you use the command “GoTo” for positioning the monochromator to the starting point, CLOSE the slit shutter, this keeps away from exposing the PM detector to Rayleigh peak in case of. After each TP session
12) Switch OFF all the electronics. 13) Close the valve of water cooling 14) Tidy-up the working place
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Spectrométrie Raman par
Jacques BARBILLAT Daniel BOUGEARD Guy BUNTINX Michel DELHAYE Paul DHAMELINCOURT Laboratoire de Spectrochimie Infrarouge et Raman du CNRS (LASIR-UPR 2631)
et
François FILLAUX Laboratoire de Dynamique, Interactions et Réactivité du CNRS (LADIR-UPR 1580)
1. 1.1 1.2 1.3 1.4
Rappels théoriques et principes .......................................................... Niveaux d’énergie moléculaires................................................................. Niveaux d’énergie vibrationnels ................................................................ Interaction rayonnement-matière .............................................................. Différents effets Raman...............................................................................
P 2 865 - 3 — 3 — 3 — 4 — 6
2. 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6
Instrumentation........................................................................................ Installation de spectroscopie ...................................................................... Macroanalyse et microanalyse................................................................... Imagerie spectrale ....................................................................................... Spectrométrie Raman proche infrarouge.................................................. Analyse à distance par fibres optiques...................................................... Perspectives .................................................................................................
— — — — — — —
9 9 15 17 19 20 21
3. 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8
Applications .............................................................................................. Application au contrôle en industrie.......................................................... Matériaux ..................................................................................................... Catalyse ........................................................................................................ Environnement ............................................................................................ Biologie et médecine................................................................................... Objets et œuvres d’art................................................................................. Géologie et gemmologie ............................................................................ Spectroscopie Raman résolue dans le temps ...........................................
— — — — — — — — —
22 22 22 24 25 26 26 28 28
Références bibliographiques .........................................................................
—
31
L
’effet Raman fut découvert simultanément en 1928 par Raman et Krishnan lors de l’étude de la diffusion de la lumière par les liquides et par Landsberg et Mandelstam dans des travaux sur les solides. Raman en fut récompensé par le prix Nobel en 1930. Cet effet consiste en l’existence d’un spectre décalé en fréquence dans la lumière diffusée par un échantillon soumis à une illumination monochromatique. Ce spectre de très faible intensité est difficile à observer à côté de la lumière diffusée sans changement de fréquence. Il est caractéristique de l’échantillon étudié et lié aux vibrations des édifices atomiques constituant l’échantillon observé. La spectroscopie Raman constitue donc, avec la spectroscopie infrarouge et la diffusion inélastique de neutrons, une des branches de la spectroscopie de vibration. Elle permet à ce titre la caractérisation d’échantillons et des applications en analyse qualitative ou quantitative. Tant que les limitations des techniques spectrographiques ne permettaient d’aborder que des échantillons soigneusement purifiés par de fastidieuses
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filtrations et distillations pour éviter les phénomènes parasites liés à la fluorescence, l’effet Raman resta confiné à des études fondamentales. Mais c’est pourtant à cette époque, pendant les trois premières décennies qui ont suivi la découverte, que des milliers de spectres Raman de toutes sortes de substances à l’état liquide, solide ou même gazeux, ont été répertoriés et ont apporté des données essentielles à l’établissement des structures et conformations moléculaires. Ainsi dans les années 1930, la comparaison des spectres infrarouge et Raman du benzène montra qu’ils ne présentaient aucune raie commune. Ce caractère, dit de mutuelle exclusion, apportait la preuve de l’existence d’un centre de symétrie, incompatible avec les symétries ternaire ou binaire suggérées par la plupart des formules proposées. Cela a constitué un argument décisif en faveur de l’hypothèse d’une structure plane à symétrie d’ordre 6, universellement admise de nos jours. De la même manière, l’absence de la raie caractéristique du carbonyle –C=O dans le spectre Raman des sucres en C6 a dû être prise en compte dans les controverses qui opposaient à cette époque les partisans d’une structure à chaîne linéaire à ceux d’une formule cyclique. Cependant, bien que la complémentarité des spectres infrarouge et Raman et la nécessité de les étudier conjointement soient clairement reconnues, le développement pendant les années 1940 et 1950 de spectromètres infrarouge industriels, d’emploi facile et bien adaptés aux besoins analytiques, sonna le déclin des techniques Raman. Les choses en étaient là vers 1960 lorsque l’apparition et le développement spectaculaire des sources de lumière laser apportèrent enfin l’outil idéalement adapté à l’excitation monochromatique qu’attendaient les rares partisans du Raman. Le laser fut le germe d’une véritable révolution des techniques de spectrométrie Raman qui s’est depuis poursuivie et amplifiée par l’apport de multiples technologies. C’est la convergence de nombreux progrès en optique, microélectronique et informatique qui a permis de se libérer des limitations jusque-là reprochées aux techniques de spectrométrie Raman et s’est traduite par la mise au point de spectromètres de hautes performances donnant accès à un vaste champ d’applications. Les différents aspects de la spectrométrie Raman sont passés en revue dans cet article, qui présente sous une forme simple et accessible à tout analyste, quelques bases théoriques puis fait le point sur les principaux développements de l’instrumentation, et présente enfin quelques exemples choisis pour illustrer les nombreux domaines d’application offerts par cette technique. Ces applications sont basées sur quelques caractéristiques importantes de la spectrométrie Raman qu’il est utile de résumer. 1) Le spectre caractéristique de l’échantillon peut en général être obtenu à partir de n’importe quel état de l’échantillon : gazeux (flamme ou plasma), liquide (pur ou en solution) ou solide (cristallin ou amorphe). En particulier la très faible diffusion de la molécule d’eau fait de l’effet Raman un outil de choix pour l’étude des solutions aqueuses, par opposition à la spectroscopie infrarouge pour laquelle les bandes d’absorption de l’eau rendent les mesures impossibles ou très difficiles. 2) Il s’agit d’une technique optique non destructive qui se satisfait d’échantillons de très petite taille (de l’ordre du micromètre cube) et qui en outre peut être utilisée à distance par l’intermédiaire de fibres optiques. 3) Par ailleurs, la gamme actuelle des rayonnements d’excitation permet le plus souvent de s’affranchir du problème de la fluorescence et il est souvent possible de travailler sans préparation particulière de l’échantillon. 4) Cette technique est donc susceptible d’applications nombreuses, même dans des milieux peu accessibles (haute pression, température extrême, environnement toxique ou radioactif). Dans le domaine de l’imagerie, la résolution spatiale de l’ordre du µm permet des analyses topologiques ou cartographiques d’excellente qualité et plus détaillées que celles obtenues en infrarouge, où la résolution est moins bonne. Par contre, les applications en analyse quantitative sont moins nombreuses qu’en infrarouge du fait de l’effort expérimental nécessaire pour la mesure et l’étalonnage des intensités des bandes Raman.
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En résumé, les nombreux développements instrumentaux ont permis depuis une vingtaine d’années une renaissance de la spectrométrie Raman qui, complémentaire de l’infrarouge au niveau conceptuel, l’est aussi au niveau des applications. Les exemples traités dans l’article montrent qu’elle est susceptible de très nombreuses applications. Nous remercions messieurs J. Laureyns et B. Sombret, ingénieurs au LASIR, pour leur participation et pour les documents mis à disposition pendant la préparation de cet article.
1. Rappels théoriques et principes La spectrométrie de diffusion Raman, à l’instar de l’absorption infrarouge est une technique permettant l’observation des états vibrationnels (et également rotationnels dans le cas des gaz) d’une molécule. Nous allons donc tout d’abord rappeler quelques notions de dynamique moléculaire vibrationnelle avant de voir comment un rayonnement électromagnétique peut interagir avec la matière, afin de donner une information quantitative sur la nature de cette dynamique (fréquence, symétrie des vibrations, etc.).
x
m2
m1 m1, m2 x
masses des atomes distance séparant les atomes
Figure 1 – Molécule diatomique : modèle de l’oscillateur libre
l’énergie potentielle V du système. Pour ce faire, un développement en série selon la coordonnée x peut ainsi être effectué :
1.1 Niveaux d’énergie moléculaires Si l’on néglige les translations d’ensemble, d’énergie très faible, l’état d’une molécule quelconque peut se décrire à partir des fonctions d’onde rotationnelle Ψrot , vibrationnelle Ψvib et électronique Ψel qui lui sont associées. L’approximation dite adiabatique permet d’écrire la fonction d’onde globale Ψ en un produit des trois fonctions d’onde correspondantes : Ψ = Ψrot Ψvib Ψel On trouve ainsi que l’énergie E du système est égale à la somme des trois énergies : E = Erot + Evib + Eel
2 3 ∂V 1 ∂ V 2 1 ∂ V 3 V = V 0 + ------- x + --- ---------2- x + --- ---------3- x + ... ∂x 0 2 ∂x 6 ∂x 0
Le choix de l’énergie potentielle à l’équilibre V 0 est arbitraire et il est généralement pris comme nul. À l’équilibre, (∂V /∂x )0 est également nul, seuls restent donc les termes d’ordre supérieur ou égal à deux. L’hypothèse harmonique consiste à ne considérer que le terme d’ordre deux et l’on trouve alors les résultats suivants. ■ Traitement classique
x = x 0 cos (2πνt + ϕ) La molécule vibre à la fréquence :
Ces trois énergies ont des valeurs croissantes (Erot < Evib < Eel ) et ce de plusieurs ordres de grandeur. Cette approximation est valable dans la plupart des cas et permet de traiter séparément les problèmes. Le diagramme des niveaux d’énergie d’une molécule est donc entièrement déterminé par la connaissance de ses nombres quantiques rotationnel J , vibrationnel v et électronique n . Dans les milieux condensés, les rotations libres sont empêchées et les mouvements de rotation se manifestent soit sous forme d’un continuum pour les liquides, soit sous celle d’une libration dans les cristaux. Nous traiterons donc plus spécialement le cas des niveaux vibrationnels dans la suite de cet article.
1.2 Niveaux d’énergie vibrationnels 1.2.1 Molécule diatomique Le traitement, classique ou quantique, de l’oscillateur libre (figure 1) ne peut être effectué que si l’on définit de façon analytique
0
2 1 ∂ V m 1 + m 2 ν = ------- ---------2- · ----------------------2π ∂ x m 1 · m 2 0
1⁄2
L’amplitude x0 et la phase ϕ sont fonction des conditions initiales. ■ Traitement quantique L’énergie est quantifiée :
Ev = hν (v + 1/2) avec
h
constante de Planck (6,6260755 × 10–34 J · s),
v
nombre quantique de vibration de la molécule.
La position des atomes, ou la distance x , n’est plus déterminée que par une probabilité. Dans la plupart des cas réels cependant, cette approximation harmonique n’est pas valable et il faut alors prendre en compte le terme du 3e ordre. L’énergie devient alors :
Ev = hν (v + 1/2) + hν ’ (v + 1/2)2
∂ 3 V avec ν ’ fréquence fonction de la valeur de la dérivée ---------3- . ∂x 0
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1.2.2 Molécule polyatomique axe C2
Si une molécule comporte N atomes, son état vibrationnel est déterminé de façon exacte par l’évolution temporelle de chacune des trois coordonnées d’espace (x, y, z) associées à chaque atome. 3 N coordonnées que nous désignerons par qi (i = 1, ..., 3 N ) sont donc nécessaires.
O H
Le traitement classique consiste alors à résoudre un système de 3 N équations de Lagrange :
H plan syz
d ∂T ∂V ------ -------.- + -------- = 0 d t ∂ q i ∂ q i avec
i
z plan sxz
= 1, ..., 3 N, d qi = --------dt
. qi
Élongation symétrique A1
Élongation antisymétrique B2
C2v
E
C2
Ev = h ν (v + 1/2) + termes anharmoniques.
A1
1
1
1
1
A2
1
1
–1
–1
B1
1
–1
–1
1
B2
1
–1
1
–1
L’analyse des vibrations d’une molécule peut être simplifiée si l’on tient compte de ses propriétés de symétrie. En prenant comme exemple la molécule d’eau H2O, on peut dénombrer l’ensemble des opérations de symétrie laissant la structure moléculaire invariante (figure 2). Cet ensemble forme un groupe nommé C2v . Plus généralement, toute molécule possède une symétrie donnée et se classe parmi l’un des 32 groupes ponctuels de symétrie. Pour chacun de ces groupes, on définit des représentations irréductibles déterminées par leurs caractères. On peut trouver de telles tables de caractères dans la plupart des ouvrages de dynamique moléculaire, par exemple [1]. Dans la base des coordonnées normales définie précédemment (§ 1.2.2), l’énergie cinétique et potentielle de la molécule s’écrit de façon quadratique. Or cette énergie doit rester invariante pour toutes les opérations de symétrie du groupe de la molécule. Il s’ensuit que chaque coordonnée normale doit être soit symétrique, soit antisymétrique par rapport à chaque opération de symétrie. Les vibrations normales se transforment comme les représentations irréductibles du groupe considéré. Exemple : dans le cas du groupe C2v de la molécule d’eau, qui possède 3 atomes, 3 N – 6 = 3 modes normaux sont attendus. Ces modes sont en première approximation les élongations symétrique et antisymétrique des liaisons OH, ainsi que la déformation de l’angle de valence HOH (figure 2b ). Une simple visualisation de ces mouvements montre qu’ils se transforment respectivement comme les représentations, appelées parfois espèces de symétrie, A1 , B2 et A1 du groupe C2v (figure 2c ). Des calculs très simples permettent de prévoir le nombre de modes normaux attendus dans chacune des espèces de symétrie du groupe, ainsi que leur activité éventuelle en absorption infrarouge ou en diffusion Raman comme nous le verrons plus loin.
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Déformation A1
b modes normaux
Le traitement quantique de la molécule polyatomique est absolument analogue à celui de la molécule diatomique. Pour chaque coordonnée normale, on obtient ainsi :
1.2.3 Symétrie des vibrations – Théorie des groupes
y
a représentation de la molécule
T et V sont respectivement les énergies cinétique et potentielle de la molécule. L’écriture de T n’offre pas de difficulté et V dépend des constantes d’interactions entre les atomes. Le système d’équations différentielles se résout aisément et l’on trouve que, dans l’hypothèse harmonique, le mouvement de la molécule peut se décomposer selon un ensemble de modes normaux auxquels sont associées des coordonnées normales Q. Pour chacun de ces mouvements, tous les atomes vibrent en phase et à la même fréquence. Parmi ces 3 N solutions, 6 sont de fréquence nulle et correspondent aux trois mouvements de rotation et de translation d’ensemble de la molécule.
O x
syz
sxz Activités (cf. § 1.3.3) αxx αyy αzz Tz αxy Tx αxz Ty αyz
E opération identité C2 opération de rotation de p/2 par rapport à l’axe C2
syz opération de réflexion par rapport au plan syz c espèces de symétrie du groupe C2v Tx , Ty , Tz
composantes du vecteur moment dipolaire
αxx , αyy , αzz , αxz , αyz composantes du tenseur de polarisabilité Figure 2 – Molécule d’eau : symétrie et modes normaux
Notons enfin que ce raisonnement établi dans le cadre du traitement classique des vibrations moléculaires est également valable du point de vue quantique.
1.3 Interaction rayonnement-matière 1.3.1 Traitement classique Un rayonnement électromagnétique de fréquence ν, comportant outre un champ magnétique sinusoïdal un champ électrique de même fréquence, peut se coupler avec tout mouvement moléculaire faisant intervenir une variation de l’état de polarisation électrique de cette molécule. Ainsi, certains mouvements du nuage électronique peuvent être mis en résonance par une onde électromagnétique de même fréquence (domaine UV-visible) donnant lieu à un phénomène d’absorption de ce rayonnement. De la même manière, un mouvement de vibration des noyaux de la molécule peut donner
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lieu à une absorption dans le domaine de l’infrarouge, si ce mouvement modifie le moment dipolaire µ de la molécule. En d’autres termes, une vibration de coordonnée normale Q peut absorber un ∂µ rayonnement infrarouge si la dérivée -------- est non nulle. On dit sou∂Q vent qu’une telle vibration est polaire.
2 1
h νv
v=0
Inversement, une vibration polaire peut émettre un champ électromagnétique à la même fréquence. Ce phénomène est appelé émission.
a émission IR (pas de rayonnement incident)
ν = νv
Enfin, lorsque la fréquence de l’onde électromagnétique est loin de toute fréquence de vibration moléculaire, c’est le phénomène de diffusion, lié à la polarisabilité moléculaire, qui est prépondérant. Cette polarisabilité exprime la faculté du nuage électronique à
h νv
h νv
b absorption IR
acquérir un moment dipolaire électrique induit P sous l’effet du
h νv h νv c émission stimulée
champ électrique E , ce qui s’écrit :
P = αE où α est un tenseur de rang 2, représenté par une matrice d’ordre 3 symétrique : α xx α xy α xz α = α xy α yy α yz α xz α yz α zz
ν @ νv hν
hν
d diffusion Rayleigh
Si le champ E oscille à la fréquence ν :
E = E 0 cos (2πνt) et si la molécule vibre à la fréquence νv et que cette vibration de coordonnée normale Q fasse intervenir une variation d’un élément αij du tenseur α , nous pouvons écrire au 1er ordre : ∂ α ij α ij = ( α ij ) 0 + ---------- Q ∂Q 0 avec Q = Q0 cos (2πνv t) L’expression du champ électrique diffusé Ediff , proportionnel à P, comporte donc, outre un terme en cos (2πνt) qui correspond à une diffusion sans changement de fréquence et que l’on appelle diffusion Rayleigh ou diffusion élastique, un produit de deux fonctions sinusoïdales de fréquences différentes qui peut s’écrire sous forme d’une somme de deux termes : 1 ∂ α ij Ediff ~ P = (αij )0 E0 cos (2πνt) + --- ---------- Q 0 E 0 2 ∂Q 0 [cos 2π (ν + νv)t + cos 2π(ν – νv)t] Le symbole ~ signifie ici proportionnel à. Ces deux termes indiquent un rayonnement diffusé inélastiquement aux fréquences ν + νv et ν – νv . C’est cette diffusion que l’on appelle diffusion ou effet Raman respectivement anti-Stokes et Stokes. Ce phénomène n’aura lieu que si la dérivée (∂αij /∂Q )0 est non nulle, c’est-à-dire uniquement pour les mouvements donnant lieu à une variation de la polarisabilité de la molécule.
1.3.2 Traitement quantique Le traitement classique de la diffusion Raman reproduit bien l’expérience en ce qui concerne l’existence ou non des raies (règles de sélection) de part et d’autre d’un pic de diffusion élastique (à la même fréquence que le rayonnement incident) dont l’écart avec ce pic central est égal aux fréquences de vibration de la molécule. Ce modèle ne reproduit pas, par contre, les intensités relatives des raies Stokes et anti-Stokes que seul le traitement quantique permet d’obtenir.
hν
hν
h (ν + νv )
h (ν – νv )
e diffusion Raman Stokes
f diffusion Raman anti-Stokes
Figure 3 – Interaction entre un photon et la matière caractérisée par des niveaux d’énergie vibrationnelle
Dans ce formalisme où nous savons que l’énergie de vibration est quantifiée en niveaux discrets, l’interaction entre la lumière caractérisée par un photon d’énergie h ν et une molécule se trouvant dans un état donné peut engendrer différents phénomènes (figure 3). Si n ≈ nv , la transition la plus probable est la transition v → v + 1. C’est le phénomène d’absorption infrarouge. Notons également la possibilité v → v – 1 qui est l’émission stimulée, base du rayonnement laser. Toutes les autres transitions seraient interdites dans l’approximation harmonique. Si n est très grand par rapport à tous les nv , le phénomène le plus probable est alors une diffusion pour laquelle le mécanisme peut être décrit, de façon très schématique, de la manière suivante : lors de l’excitation par le photon d’énergie h ν, la molécule transite dans un état virtuel et redescend sur un niveau réel. On montre une nouvelle fois que seuls les niveaux v – 1, v et v + 1 sont possibles, ce qui amène à une diffusion de photons d’énergie hν (diffusion Rayleigh), h (ν – νv) (diffusion Raman Stokes) et h (ν + νv ) (diffusion Raman anti-Stokes). La diffusion Rayleigh est la plus probable, alors que les diffusions Stokes et anti-Stokes sont très peu favorisées. À une température donnée, la répartition en niveaux d’énergie d’un ensemble de molécules obéit à une distribution de Maxwell-Boltzmann et seules celles se trouvant dans un état excité pourront donner une transition anti-Stokes de type v → v – 1. Cela explique le fait expérimentalement observé que les raies Stokes sont plus intenses que les raies anti-Stokes. Le rapport des intensités des raies Stokes IS et anti-Stokes IAS est déterminé par la relation :
ν0 + νv 4 I AS hν -------- = ------------------ exp – ---------v- ν 0 – ν v kT IS avec
k T ν0
constante de Boltzmann (1,380658 × 10–23 J · K–1), température thermodynamique, fréquence de l’onde excitatrice.
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La connaissance de IS et IAS pour une vibration donnée peut donc être une bonne mesure de la température de l’échantillon.
1.3.3 Règles de sélection et symétrie des vibrations Comme nous l’avons vu dans le paragraphe 1.3.1, un mode de vibration de coordonnée normale Q est actif en spectrométrie infrarouge ou en spectrométrie Raman si les dérivées (∂µ /∂Q )0 et (∂α /∂Q )0 respectivement sont non nulles. Le moment dipolaire µ et la polarisabilité α étant respectivement un vecteur et une matrice, la condition se ramène à ce que l’une au moins des composantes (∂µi /∂Q )0 (i = x, y ou z ) et (∂αij /∂Q )0 (i et j = x, y ou z ) soit non nulle. Ces conditions se visualisent aisément pour les molécules diatomiques mais deviennent très vite impossibles à estimer pour les molécules polyatomiques. C’est là que la théorie des groupes intervient. Nous avons vu en effet (§ 1.2.3) que chaque vibration normale se transformait comme une représentation irréductible du groupe de symétrie de la molécule concernée. Or on montre que n’importe quelle dérivée [∂f (Q )/∂Q]0 est nulle si et seulement si f (Q ) et Q n’appartiennent pas à la même représentation irréductible (espèce de symétrie), c’est-à-dire n’ont pas la même parité, ou ne se transforment pas de la même manière, vis-à-vis de tous les éléments de symétrie de la molécule. Un mode est donc actif en infrarouge si sa coordonnée normale Q se transforme comme µ , c’est-à-dire comme un vecteur translation T , ou au moins comme une de ses composantes Tx , Ty ou Tz . De même, un mode est actif en Raman si sa coordonnée normale Q ’ se transforme comme l’un au moins des éléments αij d’une matrice d’ordre 3 symétrique. La plupart des tables de caractères indiquent à quelle espèce de symétrie appartiennent les éléments Tx , Ty et Tz d’un vecteur et αij (i, j = x, y ou z ) d’une matrice symétrique ; il est donc aisé de déterminer l’activité Raman ou infrarouge d’un mode donné. Le nombre et le type de symétrie de tous les modes normaux d’une molécule de symétrie donnée sont déterminables à l’aide de la théorie des groupes. L’analyse vibrationnelle d’une molécule, à savoir dénombrement et activités des modes de vibration Raman et infrarouge, peut être effectuée entièrement à partir des tables de caractères. Exemple : la molécule d’eau H2O possède trois modes normaux de symétrie 2 A1 + B2 qui sont à la fois actifs en Raman et en infrarouge, comme nous pouvons le voir dans la table de caractère du groupe C2v (figure 2). Un exemple d’application des prévisions théoriques à des molécules de formule brute AB 4 est donné dans le tableau 1. Voici, de plus, un résumé de quelques règles importantes.
a ) Si la molécule possède un centre de symétrie, il n’existe aucune vibration commune aux spectres infrarouge et Raman. Les vibrations symétriques par rapport à ce centre (indice g : gerade ) sont actives en Raman mais inactives en infrarouge. Les vibrations antisymétriques par rapport à ce centre (indice u : ungerade ) sont au contraire actives en infrarouge et inactives en Raman. Cette règle est connue sous le nom de règle de mutuelle exclusion (tableau 1, 1re colonne). Exemples : O2 , H2 , N2 , CO2 , CH2 = CH2 , C6H6 , complexes carrés plans (AB4), complexes octaédriques (AB6). Si certains modes sont actifs à la fois en infrarouge et en Raman, cela indique de façon certaine que la molécule ne possède pas de centre de symétrie.
b ) Par contre, certaines vibrations peuvent n’apparaître ni en infrarouge ni en Raman (par exemple, mode inactif B2u sur le tableau 1).
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c ) Si la molécule possède au moins un axe de symétrie d’ordre supérieur à deux, des modes dégénérés apparaissent. Une dégénérescence double, symbolisée par E, signifie que deux modes sont confondus en une seule raie ; une dégénérescence triple F signifie que trois modes sont confondus en une seule raie. Ce phénomène réduit le nombre de raies ou de bandes apparentes, qui peut ainsi devenir très inférieur au nombre 3N – 6. Exemple : dans SnCl4 , au lieu des neuf modes prévus, on n’observe que quatre raies en raison de la présence d’un mode E et de deux modes F (tableau 1, 2e colonne).
d ) Les vibrations totalement symétriques (désignées par A, A1 , A’1 , A1g ) sont toujours actives en Raman, pour tous les groupes de symétrie. Les raies correspondantes sont polarisées et souvent intenses, ce qui permet de les repérer facilement dans le spectre Raman. Exemple : on peut citer la pulsation symétrique de la molécule de benzène à 992 cm–1, vibration au cours de laquelle tous les atomes de carbone et d’hydrogène s’approchent ou s’éloignent, en phase, du centre du cycle. Ce mode, au cours duquel les éléments de symétrie de la molécule au repos sont conservés, est dit totalement symétrique et donne une raie Raman polarisée.
e ) Les autres modes de vibration (antisymétriques ou dégénérés) donnent, lorsqu’ils sont actifs en diffusion Raman, des raies dépolarisées. Les règles de sélection établies précédemment dans le cadre du traitement classique se retrouvent en mécanique quantique où l’intensité Raman IR est dictée par la valeur de l’intégrale :
E
I R , Ψ ∗f ( Q ) αΨi ( Q )d Q avec Ψi et Ψf fonctions d’onde associées à l’état initial et à l’état final. On peut montrer qu’elle est non nulle si α et Q appartiennent à la même espèce de symétrie. Le raisonnement est analogue pour l’activité infrarouge. Nous insistons également sur le fait que ces règles de sélection sont établies dans l’hypothèse harmonique. Cependant, les spectres réels, Raman ou infrarouge, comportent parfois des bandes, le plus souvent peu intenses, appelées harmoniques (de fréquence nνv) ou combinaisons (de fréquence νv + νv’ ). L’intensité de ces bandes provient de l’anharmonicité mécanique ou électrique.
1.4 Différents effets Raman La diffusion Raman telle que nous l’avons présentée précédemment concerne uniquement l’effet Raman linéaire que l’on appelle également Raman classique ou conventionnel. Nous indiquerons dans la suite de ce paragraphe comment on peut concrètement l’observer (§ 1.4.1).
1.4.1 Effet Raman conventionnel Pour observer l’effet Raman, on éclaire un milieu matériel, contenu dans un récipient transparent, par une lumière monochromatique, c’est-à-dire une radiation électromagnétique dont la fréquence est connue avec précision. Cette radiation est appelée radiation excitatrice et provient, dans la grande majorité des cas, d’une source laser.
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Tableau 1 – Exemple d’application des prévisions théoriques à des molécules ou ions de formule brute AB4 Hypothèses structurales
Tétraèdre régulier
Plan carré
A
Tétraèdre irrégulier
Pyramide à base carrée
90°
B
B
Tétraèdre irrégulier
B B
B
90°
B A
A B
B
B
B
B
A
B
A
B
B
B
B
B
B
B B
120°
Angles entre liaisons
90°
109° 28’
≠ 109° 28’
≠ 109° 28’
≠ 109° 28’
Groupes ponctuels
D4h
Td
C3v
C2v
C4v
Dénombrement et activité des modes de vibration Mode inactif
B2u
Spectre Raman - raies polarisées
1 A1g
3 A1
1 A1
Spectre Raman - raies dépolarisées
1 B1g 1 B2g
Spectre infrarouge
1 A2u 2 Eu
Nombre de raies communes aux spectres 0 IR et Raman (mutuelle exclusion)
1E
2 F2 2 F2
3E 3 A1
2
2 A1
4 A1
3E 6
1 A2 2 B1 2 B2 4 A1
2 B1 2 B2
2 B1 1 B 2 2 E 2 A1
2E
8
4
CCl4 (AuCl4)–
Exemples
SnCl4
SF4
(SO4)2–
(CrO4)2–
Une fraction des photons constituant cette radiation est réfléchie ou absorbée, et une fraction bien plus faible est diffusée dans toutes les directions de l’espace. Parmi les photons diffusés, la plupart ont la même fréquence ν0 que le rayonnement excitateur. Ce phénomène de diffusion sans changement de fréquence est la diffusion Rayleigh. Pour moins d’un millième des photons diffusés, un changement de fréquence est observé et cela correspond à l’effet Raman. Soit νd la fréquence des photons ainsi diffusés, deux cas peuvent se présenter :
νd < ν0 νd = ν0 – νv
c’est la diffusion Raman Stokes ;
νd > ν0 νd = ν0 + νv c’est la diffusion Raman anti-Stokes. Dans les deux cas, les écarts de fréquence νv sont égaux aux fréquences de vibration, actives en Raman, de la molécule considérée. Le spectre Raman contient diverses informations qu’il est souhaitable de présenter de la manière la plus commode pour l’utilisateur. Chaque raie ou bande peut être caractérisée par : — sa position dans le spectre, que l’on peut relier à la fréquence d’un mode de vibration ; — son intensité, liée au nombre de molécules diffusantes ainsi qu’au mode de vibration considéré ; — son état de polarisation, qui renseigne sur la symétrie du mode correspondant ; — son profil, qui permet l’étude de mouvements ou d’interactions en phases condensées ou certaines déterminations de température en phase gazeuse.
Il est d’usage d’utiliser non pas la fréquence du rayonnement, mais une grandeur qui lui est proportionnelle, le nombre d’ondes :
ν 1 ν = --- = --c λ avec
c λ
vitesse de la lumière (3 × 108 m · s–1), longueur d’onde du rayonnement.
Dans la quasi-totalité des tables et des livres ou publications traitant de spectroscopie de vibration, l’unité de nombre d’ondes est le cm–1 (parfois dénommé Kayser). De plus, plutôt que de repérer les raies Raman par leur nombre d’ondes absolu ν d = ν 0 ± ν v , on préfère mettre en évidence la grandeur ν v , caractéristique de la molécule, et indépendante du choix de la radiation excitatrice ν 0 . C’est donc cette grandeur, égale à l’écart de nombres d’ondes (exprimé en cm–1) entre la raie Raman et la raie Rayleigh, et appelée nombre d’ondes relatif, que l’on fait apparaître sur les spectres pour les raies Stokes (figure 4). Des normes de présentation des spectres Raman ont été proposées par l’Union internationale de chimie pure et appliquée [2].
1.4.2 Effet Raman de résonance La diffusion Raman de résonance est un cas particulier de l’effet Raman qui intervient lorsque la longueur d’onde de la radiation excitatrice est voisine de celle d’une transition électronique de la
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Intensité diffusée
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États électroniques excités
État intermédiaire virtuel
I
II
État fondamental
a
b
c
d
e
f
a effet Raman classique b prérésonance c effet Raman de résonance d effet Raman de résonance : deux niveaux électroniques en résonance e effet Raman de résonance exacte ou fluorescence de résonance
Dν
f fluorescence 0
1 000 Dν (cm–1)
16 000
ν0
500
ν Dν ν0 I II
16 500 ν (cm–1)
nombre d’ondes absolu nombre d’ondes relatif radiation excitatrice raies Stokes raies anti-Stokes
Figure 4 – Spectre Raman
molécule étudiée. L’état intermédiaire virtuel dans le processus Raman (§ 1.3.2) peut être décrit comme une combinaison linéaire de tous les états électroniques de la molécule, chaque état étant représenté par un terme pondéré par un facteur d’autant plus grand que l’énergie de cet état est proche de l’énergie excitatrice. En Raman conventionnel (figure 5a ), tous les facteurs de pondération sont faibles et de grandeur comparable. Le calcul de l’intensité des raies de diffusion résulte donc d’une sommation sur tous les états électroniques excités et n’est sensible à aucun d’eux en particulier. Les spectres ne renseignent que sur les propriétés de l’état électronique fondamental. En revanche, lorsque la radiation excitatrice est proche (en prérésonance, figure 5b ) ou en résonance avec une (ou plusieurs) transition électronique spécifique (figures 5c et 5d ), le terme de pondération correspondant devient très important et les autres termes de la sommation négligeables. L’état intermédiaire dans le processus Raman peut alors être assimilé à l’état excité résonnant. Les spectres fournissent donc des renseignements précis, non seulement sur les propriétés de l’état fondamental, mais aussi sur celles de l’état excité mis en jeu [3]. La diffusion Raman de résonance est principalement caractérisée par l’exaltation très importante des intensités (jusqu’à un facteur 106) de certains pics correspondant aux vibrations du chromophore, c’est-à-dire la partie de la molécule qui est impliquée dans la transition électronique. Cette propriété permet d’obtenir, avec des espèces très complexes comme les molécules biologiques, des spectres relativement simples et spécifiques du chromophore excité. Il est aussi possible d’observer (de sonder) sélectivement, avec différentes radiations excitatrices appropriées, différents chromophores, absorbant à des longueurs d’onde caractéristiques, au sein d’une même espèce ou d’un mélange d’espèces (cf. applications biologiques, § 3.5). Sur le plan de la détectivité, il faut noter une très grande sensibilité de cette méthode du fait de l’exaltation des intensités par résonance. La spectroscopie Raman de résonance est donc tout à fait appropriée à l’étude vibrationnelle de solutions
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Figure 5 – Différentes transitions intervenant dans l’effet Raman de résonance
très diluées (composés biologiques ou molécules inorganiques par exemple). Il s’avère particulièrement instructif pour l’analyse des états électroniques excités de tracer, pour chaque mode de vibration, le profil d’excitation, c’est-à-dire la courbe expérimentale qui représente l’évolution de l’intensité Raman en fonction de la fréquence de la radiation excitatrice. La comparaison de ces profils, d’une part avec la courbe d’absorption, d’autre part avec les profils calculés à partir de modèles théoriques, peut conduire aux informations suivantes : — nature et symétrie du niveau électronique en résonance ; — origine des progressions vibrationnelles observées dans la bande d’absorption ; — valeur exacte de l’énergie de la transition électronique et du moment de transition correspondant ; — fonctions potentielles relatives aux modes de vibration mis en jeu ; — modifications éventuelles de la géométrie moléculaire dans l’état excité ; — nature et force des couplages existant éventuellement entre l’état excité résonnant et d’autres états excités (couplages Jahn-Teller, Renner-Teller, spin-orbite, etc.). Notons enfin que, dans le cas où la radiation excitatrice est exactement en coïncidence avec une transition vibronique (figure 5e ) (voir Spectroscopies électroniques P 2 620, P 2 625, P 2 635), on parle de Raman de résonance exacte, ou encore de fluorescence de résonance. Il ne faut pas confondre ce phénomène de diffusion discrète avec les processus d’émission de fluorescence et de phosphorescence (figure 5f ) qui, pour les liquides et les solides, donnent souvent lieu à des bandes intenses et très larges qui masquent le spectre Raman et en gênent l’observation.
1.4.3 Effet Raman exalté de surface L’effet Raman exalté de surface a été découvert lors de l’observation d’un spectre Raman intense pour des molécules adsorbées à une interface électrode d’argent-électrolyte après que celle-ci eut subi un cycle d’oxydo-réduction. Bien qu’encore imparfaitement compris sur le plan théorique [4], il est maintenant établi qu’il met en jeu simultanément deux types de phénomènes : les uns purement électromagnétiques, les autres chimiques. L’ensemble de ces effets contribue à des facteurs d’intensification pouvant atteindre 106.
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L’aspect électromagnétique de ce phénomène est lié à la présence de rugosités sur la surface métallique qui permet l’excitation de résonances de type plasmons du métal. L’intensité Raman diffusée IR par les N molécules adsorbées sur une telle surface qui sont vues par le spectromètre peut s’écrire :
l’ordre du gigawatt. Ces effets non linéaires ont pu donner naissance à des techniques telles que l’effet hyper Raman, l’effet Raman stimulé, l’effet Raman inverse ou la diffusion Raman anti-Stokes cohérente (DRASC ou CARS en anglais [5] [6]).
IR = I0NL2(ν0) · L2(νR)(∂σ /∂Ω ) Ω · T avec
I0
intensité du rayonnement incident, L2(ν0), L2(νR ) facteurs électromagnétiques d’exaltation d’intensités respectivement à la fréquence laser incidente ν0 et à la fréquence Raman diffusée νR = ν0 ± νv , T facteur caractérisant la transmission du spectromètre et la sensibilité du détecteur, Ω angle solide de collection de la lumière diffusée par l’optique d’entrée du spectromètre, section efficace de diffusion Raman différen∂σ /∂Ω tielle correspondant au mode de vibration νv de la molécule.
Ces rugosités de surface sont souvent modélisées par de petites sphères métalliques ou protubérances noyées dans un milieu diélectrique. Ce milieu et la sphère métallique sont respectivement caractérisés par leur permittivité relative ε1 et ε2 et le rayon de la sphère a 6) sans pratiquement altérer le reste du rayonnement transmis par le filtre (transmission de l’ordre de 70 % en dehors de la bande de coupure) ce qui procure aux dispositifs auxquels ils sont associés une luminosité très élevée. En spectroscopie Raman, ces éléments servent à filtrer le signal diffusé provenant de l’optique de collection avant qu’il ne soit injecté dans un spectrographe ne comportant qu’un seul étage. Les filtres notch holographiques sont des réseaux en volume dont le fonctionnement est basé sur la diffraction de Bragg. Le principe de ces réseaux découvert par Lippmann à l’occasion de ses travaux sur la photographie en couleur, lui a valu le Prix Nobel en 1908. Ils sont constitués d’une fine couche de gélatine transparente de quelques dizaines de microns d’épaisseur, emprisonnée entre deux lames de verre et dont l’indice de réfraction est modulé spatialement dans une direction perpendiculaire à ses faces. Pour les filtres notch holographiques modernes, la modulation d’indice est obtenue par interférence de deux faisceaux laser collimatés dans une couche de gélatine photosensible (figure 10). Après développement chimique de cette gélatine, le réseau d’interférences donne naissance dans l’épaisseur de la gélatine à une série de plans équidistants correspondant à une modulation de l’indice de réfraction selon un profil sinusoïdal. La diffraction de la lumière incidente par ces plans d’indice provoque une réflexion sélective de la lumière. Le filtre réfléchit uniquement la longueur d’onde λ0 qui satisfait l’équation de Bragg :
m λ0 = 2 d sinθ avec
d
distance entre les plans d’indice,
θ
complément de l’angle d’incidence,
m
ordre de diffraction.
Le principal inconvénient de ces dispositifs de filtrage est qu’ils n’ont pas une coupure aussi raide que les monochromateurs à réseau et qu’ils ne permettent donc pas d’observer des raies au voisinage immédiat de la raie Rayleigh (radiation excitatrice). Pratiquement, avec les meilleurs filtres notch holographiques disponibles commercialement, il est difficile de détecter des raies de très basses fréquences. Par contre, les filtres notch offrent la possibilité d’enregistrer simultanément les régions Stokes et anti-Stokes du spectre Raman. Il faut enfin noter que ces filtres ne sont pas exploitables dans l’UV car la gélatine utilisée absorbe les rayonnements dans ce domaine spectral. Une alternative consiste à utiliser des filtres notch constitués de microparticules colloïdales (filtres de Asher) transparents dans l’UV. Ces filtres sont cependant difficiles à réaliser et surtout à stabiliser.
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Indice de réfraction n
Miroir
Laser (longueur d’onde λ)
λ
Onde incidente Énergie électromagnétique
2.1.1.1.3 Filtres notch
,, ,, ,,
Nœuds du système de franges d'interférence
Milieu photosensible
2
λ0 = λ
2n
Onde réfléchie
Indice de réfraction n
Figure 10 – Modulation d’indice de réfraction par interférence de deux faisceaux laser dans une couche de gélatine photosensible
2.1.1.2 Techniques interférométriques Depuis 1986, la spectrométrie interférométrique à transformée de Fourier est exploitée conjointement à l’utilisation de sources laser émettant dans le proche infrarouge pour l’obtention de spectres Raman exempts de fluorescence. Le succès des méthodes interférométriques résulte principalement des avantages apportés par l’analyse spectrale multiplex au moyen d’un interféromètre de type Michelson. C’est en outre la combinaison de l’avantage de Fellgett, lié à l’enregistrement simultané d’un grand nombre d’éléments spectraux, et de l’étendue de faisceau importante de l’interféromètre (avantage de Jacquinot) qui a contribué au développement spectaculaire des appareils à transformée de Fourier, d’abord pour les besoins de la spectroscopie d’absorption dans l’infrarouge (IRTF) et plus récemment pour la spectroscopie Raman dans le proche infrarouge (Raman à transformée de Fourier).
2.1.1.2.1 Avantage de Fellgett Comme nous venons de l’indiquer, l’avantage de Fellgett, ou multiplex, est dû au fait que l’on enregistre simultanément un très grand nombre d’éléments spectraux au moyen d’un détecteur monoélément (technique multiplex). Il faut cependant noter que l’on peut bénéficier de cet avantage uniquement si le bruit de la mesure provient du détecteur lui-même et ne dépend pas de la valeur du signal mesuré. Cette condition est parfaitement satisfaite dans le domaine de l’infrarouge, ce qui explique les performances et le succès des spectromètres d’absorption infrarouge à transformée de Fourier (IRTF). Au contraire, dans le domaine du visible les détecteurs, tels que les tubes photomultiplicateurs ont un bruit extrêmement faible et c’est alors le bruit de photons dû au signal qui est prépondérant. On ne peut donc pas, dans le domaine du visible, exploiter l’avantage de Fellgett, ce qui explique le quasi-monopole des appareils dispersifs dans ce domaine. Il faut néanmoins noter que dans le domaine du visible l’avantage de Jacquinot (§ 2.1.1.2.2) demeure, si bien qu’un interféromètre reste plus lumineux même dans le domaine du visible qu’un appareil dispersif à résolution équivalente.
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Dans le domaine intermédiaire du proche infrarouge, où les détecteurs ont un bruit de fond relativement élevé, on peut encore bénéficier de l’avantage de Fellgett. Cependant, dans le cas de la spectroscopie Raman laser, le signal collecté par l’interféromètre contient non seulement le spectre Raman mais aussi un signal très intense, à la longueur d’onde du laser excitateur, qui est souvent supérieur de plusieurs ordres de grandeur aux raies Raman. Dans l’interféromètre, contrairement à ce qui se passe dans un spectromètre dispersif, ce signal parasite donne naissance à un bruit important distribué sur l’ensemble du spectre et qui masque les raies Raman les plus faibles. Afin d’éviter ce « désavantage multiplex », il faut donc éliminer, au moyen de filtres très performants, ce signal gênant avant qu’il ne pénètre dans l’interféromètre, comme cela se pratique couramment en spectroscopie Raman dispersive comme nous l’avons décrit précédemment. Plusieurs solutions ont été envisagées dans le cas de l’interférométrie : double monochromateur soustractif, filtre coloré, cellule à gaz, filtre interférentiel passe-haut, mais ce sont surtout les filtres notch holographiques qui se sont imposés, bien qu’ils ne permettent pas d’observer les raies Raman dites de basse fréquence qui sont très proches de la raie Rayleigh.
,, ,, ,, ,, Miroir fixe
Source (ν1 à νn)
Miroir mobile
Miroir collimateur Séparatrice
ν1 à νn Détecteur
Nota : le « désavantage multiplex » est encore plus à craindre lors de l’analyse d’échantillons microscopiques puisque dans ce cas, le niveau de signal Raman devient faible.
a interféromètre
2.1.1.2.2 Avantage de Jacquinot L’avantage de Jacquinot est lié à la plus grande étendue de faisceau d’un interféromètre comparée à celle d’un système dispersif présentant la même résolution spectrale. Dans un interféromètre, l’orifice d’entrée est un diaphragme circulaire dont le diamètre est de plusieurs mm pour une résolution typique de quelques cm–1 (figure 11). Pour une résolution identique, l’entrée d’un monochromateur à réseau est une fente très étroite de quelques dizaines de microns. L’étendue de faisceau :
Source (ν1 à νn)
,,, ,,, ,, ,,,
Détecteur
Réseau
Fente d’entrée
(s × S)/d 2 avec
s
surface de l’orifice d’entrée,
S
surface du collimateur d’entrée,
d
distance séparant l’orifice d’entrée du collimateur,
est donc beaucoup plus importante pour l’interféromètre que pour un monochromateur travaillant dans le domaine du visible. Cet avantage diminue dans le proche infrarouge puisque dans ce domaine, la dispersion d’un monochromateur est meilleure et on peut donc, pour une même résolution spectrale, travailler avec des fentes plus larges que dans le domaine du visible, ce qui accroît l’étendue de faisceau du monochromateur. Par contre, on perd pratiquement le bénéfice de l’avantage de Jacquinot lorsque l’on couple un microscope à un interféromètre de Michelson à transformée de Fourier car dans ce cas, l’étendue de faisceau est limitée par les dimensions de l’échantillon et l’objectif de microscope. Elle devient très faible et comparable à celle d’un monochromateur de caractéristiques équivalentes.
2.1.1.2.3 Avantage de Connes Cet avantage résulte de la présence d’un laser contrôlant le déplacement du miroir mobile de l’interféromètre. Il confère une très grande précision aux mesures des fréquences et une très bonne reproductibilité de positionnement permettant l’accumulation d’un nombre élevé de balayages successifs. ll faut noter qu’aujourd’hui on retrouve une précision équivalente dans les instruments dispersifs modernes dans lesquels il n’existe plus aucune pièce mobile.
Miroir collimateur
Fente de sortie
Miroir collimateur
b monochromateur à réseau
Figure 11 – Dispositifs d’analyse spectrale
important puisque d’une manière générale, on a souvent besoin d’adapter la longueur d’onde excitatrice au type d’échantillon analysé, selon que l’on veut travailler en Raman conventionnel ou en Raman de résonance, par exemple, ou si l’échantillon fluoresce avec certaines longueurs d’onde. Le refroidissement par eau des lasers à gaz reste cependant une contrainte importante. Il est avantageux de les remplacer par des lasers solides de meilleur rendement (diodes laser, laser Nd-YAG doublé ou triplé) mais ceux-ci n’offrent pas encore un choix aussi large de longueurs d’onde et ont encore, pour certains d’entre eux, quelques problèmes de fiabilité. ■ Lasers accordables
2.1.2 Source laser
Les lasers à colorant ont été avantageusement remplacés par des lasers solides (titane-saphir). Ils restent cependant d’un emploi limité car ils nécessitent un filtre adapté à chaque longueur d’onde en raison d’un fond parasite souvent important et gênant, particulièrement, dans le cas de la microanalyse.
Dans le domaine du visible, les sources les plus fréquemment utilisées sont encore aujourd’hui les lasers à gaz (argon ionisé, krypton ionisé, hélium-néon) en raison principalement du grand nombre de longueurs d’onde accessibles avec une seule source. Ce point est
Le choix de la longueur d’onde excitatrice doit être guidé par plusieurs considérations parfois contradictoires : — l’intensité de la diffusion Raman croît, en première approximation, comme la quatrième puissance de la fréquence d’excitation (loi
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Dans le domaine du visible, la tendance actuelle est de tirer profit de la très bonne détectivité des détecteurs CCD (cf. § 2.1.3) pour diminuer la puissance du faisceau d’excitation et travailler dans une gamme de puissance allant de quelques mW à quelques dizaines de mW. Dans le domaine du proche infrarouge, principalement pour des raisons de coût réduit et de fiabilité, c’est presque exclusivement le laser Nd-YAG émettant à 1 064 nm qui est employé. On trouve cependant des diodes laser ou des lasers accordables qui émettent de 830 nm à 1 000 nm avec des puissances suffisantes pour exciter convenablement le spectre de diffusion Raman. ■ Lasers en impulsions
50 40 30 20 10 0 300
500
700 900 1 100 Longueur d’onde (nm)
Figure 12 – Rendement quantique typique pour un détecteur CCD à base de silicium
Rendement quantique (%)
en ν 4), ce qui tendrait à faire choisir la longueur d’onde excitatrice la plus courte possible ; — inversement, la nécessité de réduire l’intensité de la fluorescence à un niveau négligeable conduit à choisir une longueur d’onde excitatrice élevée lorsque l’échantillon contient des impuretés fluorescentes ; — l’excitation au voisinage d’une bande d’absorption électronique entraîne un accroissement considérable de l’intensité de certaines raies par effet Raman de résonance. Par contre, le risque de destruction thermique ou photochimique s’accentue en raison de l’absorption non négligeable du rayonnement par l’échantillon.
Rendement quantique (%)
SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________
100 80 60 40
Des lasers fonctionnant en régime d’impulsions brèves sont exploités pour les études de spectroscopie Raman résolue dans le temps, pouvant aller du domaine de la microseconde à celui de la picoseconde (cf. § 3.8).
20 0 900
1 100 1 300 1 500 1 700 Longueur d’onde (nm)
2.1.3 Dispositifs de détection Figure 13 – Rendement quantique d’un détecteur au germanium
2.1.3.1.1 Détecteurs monocanaux Le tube photomultiplicateur reste le plus souvent le détecteur de choix même si on trouve aujourd’hui des détecteurs solides ayant des performances approchantes, tels que les photodiodes à avalanche. L’avantage du photomultiplicateur est le grand choix de photocathodes disponibles qui permet de travailler dans pratiquement n’importe quel domaine spectral. 2.1.3.1.2 Détecteurs multicanaux photoélectriques Dans les années 1980, au début du renouveau de la spectroscopie Raman multicanale, on a largement exploité les possibilités des barrettes intensifiées de photodiodes au silicium. Depuis, ce sont les détecteurs CCD (charge coupled devices), à base de silicium eux aussi, mais présentant à basse température un niveau de bruit de lecture beaucoup plus faible que les barrettes de photodiodes, qui ont pris le pas et qui équipent aujourd’hui la plus grande majorité des instruments. Les CCD existent en toutes tailles et possèdent des sensibilités allant, selon les modèles, du proche UV au proche infrarouge avec des rendements quantiques très élevés pouvant atteindre près de 80 % dans certains cas (détecteurs CCD amincis) (figure 12). Ils sont aussi à l’origine du développement important des nouvelles techniques d’imagerie spectrale (cf. § 2.3). 2.1.3.2 Détection proche infrarouge
2.1.3.2.1 Détection proche infrarouge utilisée en interférométrie On utilise principalement des détecteurs monoélément de type photodiodes au germanium ou au InGaAs refroidis à l’azote liquide. Le germanium, comme l’InGaAs, ayant un gap plus faible (0,67 eV et 0,60 eV respectivement) que celui du silicium (1,11 eV), peut détecter des signaux beaucoup plus loin dans le proche infrarouge
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Rendement quantique (%)
2.1.3.1 Détecteurs pour le domaine du visible
100 80 25 °C
60 40
–25 °C
20 0 900
1 100 1 300 1 500 1 700 Longueur d’onde (nm)
Figure 14 – Rendement quantique d’un détecteur au InGaAs
que les détecteurs à base de silicium. Dans le cas du germanium par exemple, la gamme spectrale typique s’étend de 900 nm à 1 600 nm avec un rendement quantique supérieur à 65 % vers 1 400 nm (figure 13). L’InGaAs a une réponse encore plus étendue dans le proche infrarouge, typiquement de 900 nm à 1 700 nm avec un rendement quantique approchant 75 % à 1 550 nm (figure 14). La gamme spectrale de l’InGaAs peut même être étendue, en fonction des besoins, jusqu’à 2 500 nm en modifiant légèrement la composition du mélange ternaire, mais au détriment du bruit. Comme on peut le constater ces réponses spectrales sont particulièrement bien adaptées à la détection de spectres Raman excités par un laser Nd-YAG à 1 064 nm puisqu’avec une telle excitation, un spectre Raman de 3 200 cm–1 s’étend de 1 064 nm à 1 613 nm. C’est pourquoi ces détecteurs sont couramment employés dans les spectromètres Raman à transformée de Fourier. Afin de réduire leur niveau de bruit, ils doivent être refroidis à très basse température et fonctionnent généralement à la température de l’azote liquide.
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_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN
2.1.3.2.2 Détecteurs multicanaux pour le proche infrarouge ■ Détecteur CCD bidimensionnel à base de silicium Leur gamme spectrale est trop limitée pour les rendre exploitable avec une excitation au-delà de 1 000 nm (cf. § 2.1.3.1.2). Néanmoins, ils peuvent quand même servir pour enregistrer la partie anti-Stokes des spectres. Par contre, ils sont encore très performants avec une excitation dans le rouge lointain (700-800 nm), ce qui peut être utile pour l’étude de certains échantillons modérément fluorescents. ■ Barrettes de photodiodes germanium et InGaAs Dans le cas du germanium, la détectivité des barrettes de photodiodes décroît assez rapidement au-delà de 1 450 nm (soit 2 500 cm–1 par rapport à la raie du laser Nd-YAG) mais néanmoins, la détection des raies jusqu’à 1 550 nm (soit 3 000 cm–1 par rapport à la radiation excitatrice) reste possible en augmentant le temps d’intégration. L’InGaAs offre une fenêtre de mesure plus importante qui permet d’observer tout le spectre Raman jusqu’à 3 400 cm–1 de la radiation excitatrice sans perte de sensibilité notable. Ces détecteurs, aussi bien germanium que InGaAs, sont des dispositifs hybrides dans lesquels la partie photosensible en semiconducteur est reliée par fils aux registres de décalage et aux circuits de lecture gravés sur du silicium (figure 15). ■ Matrices de photodiodes Des détecteurs bidimensionnels sensibles dans le proche infrarouge sont en cours de développement. Comme les barrettes de photodiodes, ce sont des dispositifs hybrides constitués de photodiodes InGaAs mais arrangées dans ce cas en forme de matrice 2D comportant actuellement jusqu’à 256 × 256 pixels. Les circuits de multiplexage sont gravés sur silicium. Il n’est plus possible dans le cas d’une matrice 2D de réaliser des liaisons par fils entre chaque photodiode et chaque cellule du multiplexeur et donc des techniques de liaison spéciales par billes d’indium ont été mises au point pour relier le matériau photosensible et l’étage multiplexeur. Lorsqu’ils seront parfaitement au point, ces détecteurs ouvriront des perspectives intéressantes dans le domaine de l’analyse chimique, en particulier pour l’analyse en ligne puisqu’il sera possible de projeter sur la matrice simultanément plusieurs spectres provenant chacun d’un site de mesure différent, comme c’est déjà le cas avec les détecteurs CCD bidimensionnels dans le visible. Cependant, dans le cas du proche infrarouge on bénéficiera en plus de la possibilité d’éliminer la fluorescence et donc d’appliquer la technique à une plus grande variété d’échantillons, puisque dans le domaine industriel les échantillons fluorescents sont nombreux.
Une autre application potentielle de ce type de détecteur 2D sera l’imagerie spectrale telle qu’on la pratique dans le visible avec les détecteurs CCD matriciels (cf. § 2.3) mais appliquée cette fois à des échantillons fluorescents.
2.2 Macroanalyse et microanalyse Dans une installation conventionnelle de spectrométrie Raman destinée à l’analyse d’assez grande quantité de substance (macroanalyse), le faisceau laser excitateur est focalisé par une lentille de plusieurs centimètres de distance focale, ce qui permet d’irradier un volume relativement important d’échantillon sous forme liquide ou une surface assez grande d’un échantillon solide. Au contraire, dans une installation de microanalyse Raman, on emploie un microscope optique équipé d’objectifs de très courte distance focale et de grande ouverture numérique pour visualiser l’échantillon et focaliser le faisceau laser sur la zone à analyser. Le diamètre de la tache de focalisation est alors limité par les phénomènes de diffraction et dépend donc de la longueur d’onde utilisée. Les origines de la microanalyse Raman datent de 1966, lorsque M. Delhaye et M. Migeon montrèrent que l’intensité du signal diffusé ne diminuait pas avec la taille de l’échantillon, comme on aurait pu l’imaginer intuitivement. On peut montrer que l’efficacité du montage microsonde par rapport au montage conventionnel de macroanalyse est lié d’une part à l’éclairement local beaucoup plus intense de l’échantillon et d’autre part au très grand angle solide de l’objectif de collection (figure 16). Si l’on fait varier, à puissance constante, le diamètre du spot laser (w0) sur l’échantillon en réduisant la focale de la lentille de focalisation, le volume analysé varie 2
comme w 0 (à condition de supposer l’épaisseur de l’échantillon inférieure au paramètre confocal du faisceau laser) et l’irradiance 2
de l’échantillon varie comme 1/ w 0 si bien que le flux diffusé reste inchangé. Mais l’image de la zone éclairée de l’échantillon, projetée sur la fente d’entrée, est alors plus petite que la largeur de fente. Les caractéristiques du spectromètre restant inchangées, on peut modifier la lentille de collection pour augmenter le grandissement sur la fente. Il en résulte un accroissement de l’angle de collection de la lumière diffusée Ω et donc du flux collecté. En fait, pour éviter tout risque de dégradation de l’échantillon due à une trop grande densité de puissance, on doit réduire la puissance incidente du laser au fur et à mesure que l’on améliore la concentration du faisceau laser sur l’échantillon, si bien que le flux Raman collecté demeure à peu près constant quelle que soit la taille de l’échantillon.
Boîtier multiplexeur impair Sortie vidéo impaire
Si
Lf
Ge
1
Ω
Faisceau laser
Cd 2
3
... 255
+5 V 256 Interconnexion
Si
Sortie vidéo paire Boîtier multiplexeur pair
Figure 15 – Schéma d’un détecteur au germanium multicanal
Lc
d
w0 Échantillon
w0 diamètre du spot laser
Ω angle de collection
d épaisseur de l’échantillon Lf lentille de focalisation Lc lentille de collection
, ,
Fente d’entrée
Figure 16 – Montage microsonde
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SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________
microscope, là où se forme l’image agrandie de l’échantillon (figure 17). La conjugaison optique entre la source, l’objet et le diaphragme confère à ce système une excellente discrimination en profondeur. L’exploration du champ du microscope par un balayage optique conservant en tout point cette conjugaison permet de reconstruire, par traitement des signaux, des images de plans successifs. À partir de ces dernières, on peut obtenir, par tomographie optique, des images en trois dimensions dans lesquelles chaque plan apparaît parfaitement net.
Le principe de cette méthode est maintenant repris sur toutes les installations de spectrométrie Raman car il permet de réduire le volume et la quantité de matière analysée jusqu’à des dimensions proches des limites imposées par la diffraction. D’autre part, quelques caractéristiques spécifiques font de cette technique un outil unique pour l’investigation de microéchantillons très divers : — dans des conditions normales d’excitation, cette technique n’est pas destructive ; — on peut l’appliquer à des régions microscopiques situées à l’intérieur d’un matériau transparent ; — dans la plupart des cas, aucun traitement particulier de l’échantillon n’est nécessaire ; — l’analyse peut être menée à l’air libre ou sous atmosphère contrôlée et dans des conditions de température et de pression pouvant être modifiées à volonté.
Le schéma optique des premières microsondes Raman était déjà analogue à celui que l’on retrouve aujourd’hui dans les microscopes confocaux à laser, largement employés pour l’imagerie par transmission, réflexion ou fluorescence. Le passage à une microsonde Raman dont la résolution spatiale répond aux critères de la véritable microscopie confocale ne s’est cependant pas fait sans effort. Une étude approfondie de l’optique de couplage depuis le microscope jusqu’à l’analyseur spectral a permis de concevoir une platine confocale comportant les éléments conciliant à la fois les exigences de la spectroscopie Raman et celles de la microscopie confocale. Néanmoins, pour des signaux Raman très peu intenses, on ne peut accepter les pertes de transmission qu’entraînerait l’emploi de diaphragmes de filtrage spatial très inférieurs aux limites de diffraction. Mais même sans cela, la résolution latérale mesurée est de l’ordre de 1,5 λ et la résolution axiale de 3 à 4 λ. Cette amélioration spectaculaire de la profondeur de champ entraîne des conséquences particulièrement avantageuses en analyse. L’élimination, grâce au filtrage spatial, de la lumière provenant des régions de l’échantillon situées au-dessus ou en dessous de la zone focale se traduit par un accroissement considérable du contraste des spectres. Ce progrès est particulièrement sensible lors de l’examen de petites inclusions au sein d’une matrice transparente (figure 18) ou d’échantillons multicouches tels que les matériaux composites. La réjection de la fluorescence de la matrice est également très efficace puisque seule la région voisine du point d’analyse contribue au signal et non les zones situées de part et d’autre du plan de netteté de l’objectif.
2.2.1 Microscopie confocale Un développement relativement récent des techniques de microanalyse Raman résulte de l’application des principes de la microscopie confocale qui a largement contribué à l’amélioration de la résolution spatiale, particulièrement axiale, des méthodes de microanalyse spectrale. Un microscope classique dans lequel tout le champ observé est illuminé, souffre d’une faible résolution axiale qui ne permet pas la discrimination en profondeur des images des différents plans d’un objet épais. Le principe du microscope confocal consiste à éclairer ponctuellement l’échantillon à partir d’une source laser (le plus souvent mais ce n’est pas une condition nécessaire) et à effectuer un filtrage spatial du signal provenant de l’échantillon par un diaphragme de très petit diamètre placé dans le plan image du
Iz Signal
–∆z
+∆ z Distance axiale
0
Photodétecteur Diaphragmes conjugués
Faisceau laser Séparatrice Objectif de microscope –∆z Plan focal z=0
P 2 865 − 16
+∆ z Échantillon
z
Figure 17 – Microscope confocal à laser : influence de la position de l’échantillon sur le signal du photodétecteur
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_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN
Photons h ν0
Rayleigh h ν0
Fluorescence *
Raman h (ν0 ± νi)
,,,
*
*
Conventionnel
Microsonde Raman
a
500
400
300
200
Nombre d’onde (cm–1) * raies de la matrice
Intensité diffusée
Confocal
Raie Rayleigh A
Figure 18 – Inclusion dans un rubis
2.3 Imagerie spectrale Aujourd’hui, les installations de spectrométrie Raman ne sont plus uniquement limitées à l’obtention de spectres de diffusion mais permettent aussi de dresser des cartes en deux ou trois dimensions, caractéristiques des espèces chimiques présentes dans l’échantillon avec un pouvoir séparateur de l’ordre du micromètre. Grâce aux progrès technologiques de ces dernières années, l’imagerie spectrale a pu s’imposer comme un véritable outil analytique au service des scientifiques, au même titre que la microanalyse locale par effet Raman.
B
C
ν0 C
∆ν (cm–1) B
A B
C
Image conventionnelle
2.3.1 Principe On obtient des images spectrales donnant la distribution spatiale d’un constituant de l’échantillon grâce à des systèmes d’imagerie sélective qui isolent dans le spectre Raman les radiations liées à un mode de vibration caractéristique d’une espèce chimique particulière (figure 19). Bien qu’en principe, l’imagerie Raman ne soit pas limitée à l’étude de microéchantillons, on constate que, pratiquement, c’est dans le domaine de la microscopie Raman que se sont développées la plupart des techniques d’imagerie spectrale. Nous limiterons notre propos à ce domaine. Les techniques d’imagerie spectrale peuvent être classées en deux catégories (figure 20) : — d’une part l’imagerie directe correspondant à un éclairement global de l’échantillon et à l’enregistrement d’une image monochromatique de l’échantillon par un détecteur bidimensionnel (plaque photographique, caméra vidéo, CCD...) ; — d’autre part les techniques de reconstruction d’image qui impliquent une exploration de l’échantillon par le faisceau laser, point par point ou ligne par ligne. Le détecteur est dans ce cas soit un détecteur monocanal soit un détecteur multicanal linéaire ou bidimensionnel.
Images Raman
b
Figure 19 – Microsonde Raman et principe de l’imagerie Raman
Éclairement ponctuel
Éclairement linéaire
Imagerie directe
Détecteur monocanal
Détecteur multicanal (1D ou 2D)
Détecteur multicanal (2D)
Figure 20 – Techniques d’imagerie spectrale
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SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________
, , ,
Réseau Fente concave de sortie Détecteur CCD
Lentille Séparatrice Fente d’entrée
Spectrographe
Faisceau laser incident
Miroir
Objectif de microscope
300
mm
que point, on enregistre et on mémorise un spectre complet de la région illuminée par le faisceau laser. On peut utiliser soit un détecteur monocanal (tube photomultiplicateur par exemple) soit un détecteur multicanal linéaire, avec les avantages et les inconvénients décrits précédemment pour ces types d’analyse. Un calculateur reconstruit ensuite, à partir des données enregistrées, des images spectrales à autant de longueurs d’onde que l’opérateur le souhaite dans le domaine spectral étudié.
L’exploration point par point de l’échantillon présente l’avantage de pouvoir être parfaitement confocale, mais c’est une technique lente, en particulier avec un détecteur monocanal. Elle est donc plutôt réservée à l’analyse d’une très petite région d’un échantillon ne nécessitant pas un grand nombre de points de mesure.
Échantillon
2.3.1.3 Reconstruction d’images ligne par ligne
Figure 21 – Schéma du montage optique de la microsonde MOLE en mode imagerie
2.3.1.1 Imagerie directe Elle est obtenue grâce à un éclairement global du champ du microscope par le faisceau laser : c’est a priori la méthode la plus attrayante puisqu’elle consiste à projeter directement sur un détecteur multicanal à deux dimensions, l’image de la préparation donnée par l’objectif d’entrée après l’avoir convenablement filtrée (figure 21). On obtient ainsi en une seule opération toutes les informations spatiales pour une espèce moléculaire donnée mais à une seule fréquence déterminée par le filtre utilisé. Cette technique présente l’inconvénient de ne permettre de détecter qu’une seule espèce à la fois.
Le faisceau laser est soit rapidement défléchi le long d’une ligne au moyen d’un miroir galvanométrique (figure 22), soit focalisé au moyen de lentilles cylindriques pour obtenir une trace lumineuse allongée sur l’échantillon (dans ce dernier cas la distribution d’intensité n’est pas uniforme le long de la ligne mais reflète la distribution gaussienne du faisceau laser). La zone illuminée est alors projetée par l’objectif de microscope le long de la fente d’entrée du système dispersif (qui doit être impérativement stigmatique) et après filtrage les images spectrales de la fente d’entrée sont focalisées dans le plan de sortie du spectrographe. On peut placer dans ce plan de sortie un détecteur multicanal linéaire orienté parallèlement à la fente d’entrée. Pour chaque position du réseau, on enregistrera dans cette configuration un profil d’intensité à une longueur d’onde déterminée par le réglage du filtre spectral. En déplaçant l’échantillon pas à pas perpendiculairement à la zone illuminée par le faisceau laser on pourra reconstruire des images spectrales de la distribution spatiale d’une espèce chimique dans l’échantillon.
De plus, il est nécessaire de connaître ses fréquences Raman, afin de caler le filtre correctement. Divers procédés de filtrage du rayonnement diffusé peuvent être utilisés : — filtrage au moyen de monochromateurs comme ce fut le cas avec la première microsonde Raman MOLE, équipée de deux monochromateurs additifs à réseaux concaves ; — des dispositifs à base de filtres interférentiels à bande passante étroite ont aussi été développés ; — certains auteurs ont également proposé l’emploi d’un laser accordable pour balayer les raies Raman devant un filtre à bande passante étroite ; — on peut aussi envisager l’emploi d’un filtre acousto-optique pour collecter des images avec une résolution spectrale moyenne et un instrument ne comportant aucune pièce mobile. Par conception, cette technique d’imagerie directe ne peut pas bénéficier de la configuration confocale, ce qui entraîne un contraste assez médiocre des images puisque des zones situées au-dessus et en dessous du plan de netteté se superposent au signal provenant du plan de netteté. Optiquement, il n’est pas possible de remédier à ce problème. Néanmoins, des techniques de calcul numérique sophistiquées permettent d’améliorer la résolution axiale et le contraste et ainsi d’obtenir des images de meilleure qualité.
Réseau concave Détecteur CCD
,, ,,
λo λ λ a bλ
Spectrographe Séparatrice stigmatique Fente d’entrée
c
Miroir de balayage
Faisceau laser Miroir incident
Objectif de microscope
150
mm
Échantillon
2.3.1.2 Reconstruction d’images point par point Le laser est défléchi sur l’échantillon et explore sa surface suivant le même principe que le balayage d’un écran de télévision. En cha-
P 2 865 − 18
Figure 22 – Schéma du montage optique du système d’imagerie à balayage linéaire
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_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN
Il est plus intéressant de placer dans le plan focal du spectrographe un détecteur bidimensionnel de type CCD afin d’exploiter au mieux la grande quantité d’informations contenue dans le plan de sortie du spectrographe. En effet, on obtient lors de chaque lecture du CCD : — perpendiculairement à la fente, une information spectrale avec les différentes raies Raman d’espèces moléculaires présentes dans l’échantillon ; — dans l’autre direction, sur chaque colonne du CCD, un profil d’intensité correspondant à une fréquence donnée. Comme précédemment un déplacement séquentiel de l’échantillon perpendiculairement à la ligne de balayage permet de reconstruire des images 2D.
Bien que n’étant pas réellement confocale, puisque le filtrage spatial ne peut se faire que dans une direction perpendiculaire à la fente, la technique du balayage en ligne améliore la résolution axiale par rapport à l’éclairement global. La résolution spectrale en bénéficie également puisque l’on peut utiliser des fentes plus fines qu’en analyse globale sans perte de résolution spatiale.
Réseau concave
,,
Détecteur CCD
Miroir de balayage n° 2
Spectrographe stigmatique Fente d’entrée
Faisceau Diaphragme laser incident confocal
Séparatrice
Diaphragme
Miroir de balayage n° 1
Lentille
2.3.1.4 Imagerie spectrale confocale à balayage Non seulement l’analyse locale a bénéficié de la microscopie confocale mais aussi plus récemment l’imagerie spectrale avec le développement de techniques d’imagerie confocale à balayage qui permettent de surmonter les principales limitations évoquées dans les paragraphes précédents. Ces techniques sont basées sur un système de double balayage qui permet de bénéficier de la configuration confocale tout en profitant d’un éclairage de l’échantillon selon une ligne et de la détection 2D avec un CCD (figure 23). Cette méthode bénéficie à la fois du gain en rapport signal sur bruit ou en durée d’analyse par détection multicanale et du filtrage spatial par un système de diaphragmes rigoureusement confocaux. La présence de deux étages déflecteurs maintient en permanence la conjugaison optique du point excité par le spot laser avec le diaphragme d’isolement, ainsi que la reconstruction, à travers un analyseur spectral stigmatique, des profils d’intensité et des spectres sur un détecteur multicanal bidimensionnel.
Cette technique concilie sans perte d’information les avantages de la résolution spatiale (axiale et latérale) du microscope confocal avec le taux de réjection élevé et la résolution spectrale du spectromètre dispersif.
L’ensemble des données spectrales, pour tous les pixels du champ image, est mémorisé dans un ordinateur. Un traitement informatique élaboré permet de reconstruire des images sélectives à partir de n’importe quelle raie caractéristique choisie dans le spectre Raman.
Ces nouvelles techniques d’imagerie spectrale développées depuis quelques années qui viennent d’être décrites vont plus loin que la simple acquisition d’images (2D ou 3D) de la répartition d’intensité dans une raie caractéristique d’une espèce moléculaire donnée. Les possibilités du traitement informatique des données recueillies permettent d’extraire des informations beaucoup plus pertinentes qui n’apparaissent pas directement dans l’image brute : cartographie de rapport d’intensité, décomposition spectrale, déplacement de bandes, asymétrie, largeur de bandes, etc. Grâce à cela, l’imagerie Raman n’est pas restée une curiosité de laboratoire mais est devenue au contraire un véritable outil d’analyse.
Miroir
Objectif de microscope
Échantillon
Figure 23 – Schéma du montage optique du système confocal d’imagerie à balayage linéaire
2.4 Spectrométrie Raman proche infrarouge 2.4.1 Limitation due à la fluorescence Pour de nombreux échantillons, le spectre Raman est fréquemment accompagné d’un spectre de bandes larges qui se superpose au spectre Raman et devient gênant par l’accroissement du bruit qu’il génère au niveau de la détection photoélectrique, ce qui rend difficile la mesure des faibles raies Raman. Parmi les nombreuses méthodes employées pour remédier à cet inconvénient le choix d’un laser émettant dans le proche infrarouge réduit très fortement la probabilité d’exciter la fluorescence (figure 24). Dans ce domaine, c’est le laser Nd-YAG émettant à 1 064 nm qui est le plus couramment utilisé (cf. § 2.1.2). Nota : dans le visible, en raison du très faible niveau de bruit des détecteurs actuels, le bruit de la mesure n’est pas indépendant du signal projeté sur le détecteur mais croît comme la racine carrée du flux total reçu par le détecteur.
2.4.2 Spectrométrie Raman proche infrarouge à transformée de Fourier Pratiquement tous les fabricants de spectromètres d’absorption infrarouge à transformée de Fourier développent soit un spectromètre à transformée de Fourier spécialement adapté pour l’enregistrement de spectres de diffusion Raman excités dans le proche infrarouge, soit un accessoire Raman adapté sur un spectromètre IRFT conventionnel. L’interféromètre doit être optimisé pour le
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation
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12 500 10 000
Intensité (u.a)
SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________
7 500 5 000 2 500 15 3 500
3 000
2 500
2 000
1 500 1 000 500 Nombre d’onde (cm–1)
12 500 10 000 7 500
Intensité (u.a)
a l = 514,5 nm (visible) Le spectre de fluorescence est plus intense que le spectre Raman.
5 000 2 500 0 1 800 1 500 1 200 900 600 300 Nombre d’onde (cm–1)
b l = 1 064 nm (proche infrarouge) La fluorescence n’est pas excitée et on observe le spectre Raman.
tre sans perte de flux lumineux. Dans le cas d’un interféromètre, nous avons déjà souligné que le couplage à un microscope avait pour conséquence la perte de l’avantage de Jacquinot puisque l’étendue de faisceau de l’interféromètre se trouve limitée par celle du microscope optique, qui est très faible. Comme dans le cas de la spectrométrie interférométrique, on peut bénéficier en spectrométrie dispersive de l’avantage lié à l’enregistrement simultané d’un grand nombre d’éléments spectraux en utilisant un détecteur multicanal constitué d’un arrangement linéaire ou matriciel de détecteurs élémentaires. Le gain obtenu, appelé dans ce cas gain multicanal, est là encore fonction du nombre d’éléments spectraux détectés simultanément, mais contrairement au gain multiplex, il est indépendant de la nature du bruit. Cela étant, le gain multicanal est souvent plus faible que le gain multiplex car les détecteurs multicanaux disposent d’un nombre limité d’éléments sensibles (typiquement entre 1 000 et 2 000 éléments dans le domaine du visible et 512 dans le domaine du proche infrarouge) comparé au grand nombre d’éléments spectraux reçus simultanément par le détecteur d’un interféromètre.
2.4.4 Limitations de la spectroscopie Raman dans le proche infrarouge L’intensité de la diffusion Raman est proportionnelle à la quatrième puissance de la fréquence excitatrice (loi en ν 4) ce qui correspond à un signal environ 20 fois plus faible dans le proche infrarouge (à 1 064 nm) que dans le visible (à 488 nm), toutes choses égales par ailleurs. Par ailleurs, on constate que même en irradiant dans le proche infrarouge avec la raie à 1 064 nm du laser Nd-YAG, tout risque d’exciter la fluorescence n’est pas totalement éliminé puisque quelques rares échantillons difficiles présentent encore un fond de fluorescence important. Néanmoins, le risque est faible et l’excitation dans le proche infrarouge reste une technique de choix pour l’obtention de spectres Raman exempts de fluorescence.
Figure 24 – Spectres de diffusion Raman d’un produit pétrolier
2.5 Analyse à distance par fibres optiques domaine du proche infrarouge et pour la détection de très faibles signaux lumineux. Le FT-Raman peut être une technique complémentaire de la spectroscopie d’absorption infrarouge puisque les deux peuvent pratiquement être réalisées sur le même instrument, bien qu’il faille optimiser l’interféromètre pour les deux domaines spectraux (principalement au niveau de la séparatrice et du détecteur).
2.4.3 Spectrométrie Raman proche infrarouge dispersive Depuis l’avènement de la spectrométrie Raman proche infrarouge à transformée de Fourier, il a été démontré que l’enregistrement de spectres Raman dans le proche infrarouge pouvait tout aussi bien être réalisé en employant les techniques dispersives conventionnelles basées sur l’utilisation de spectromètres ou spectrographes à réseau. La raison principale pour laquelle ces techniques n’ont pas été exploitées plus tôt réside dans l’absence de détecteurs suffisamment sensibles dans le domaine du proche IR, en particulier de détecteurs multicanaux permettant de bénéficier de l’avantage multicanal. La situation a bien évolué dans les années 1990 puisque plusieurs détecteurs multiéléments, tels que les barrettes de photodiodes à base de germanium puis d’InGaAs, sont apparus. Même si ces dispositifs présentent encore un important bruit de fond, par comparaison avec ceux utilisés dans le domaine du visible (CCD), ils ont permis de faire progresser l’étude d’échantillons fluorescents, en particulier à l’échelle microscopique. Il faut en effet rappeler que l’on peut coupler facilement un microscope optique à un spectromè-
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L’utilisation de fibres optiques offre la possibilité d’analyser simultanément plusieurs sites au moyen d’un spectromètre unique et d’une seule source laser localisés dans un lieu éloigné. Cette possibilité résulte de l’utilisation d’une installation dispersive (plutôt qu’interférométrique pour des raisons comparables à celles évoquées lors du couplage à un microscope) équipée d’un détecteur multicanal bidimensionnel (CCD). On peut y projeter, en différentes régions de la zone photosensible, les spectres collectés à plusieurs endroits par des fibres optiques, dont les extrémités sont arrangées linéairement dans le plan de la fente d’entrée ou un plan conjugué de celle-ci.
2.5.1 Principe d’une tête de mesure à fibre optique pour analyse in situ Pour l’analyse en ligne par fibre optique, on utilise généralement deux fibres optiques ; l’une sert à amener le faisceau laser depuis la source jusqu’à l’échantillon (fibre laser) et l’autre sert à transporter le signal diffusé par l’échantillon jusqu’à l’entrée du spectrographe (fibre de retour). Il faut cependant surmonter deux difficultés. D’une part, le spectre Raman de la fibre laser est excité par le faisceau laser et il faut absolument l’éliminer avant qu’il n’atteigne l’échantillon. On doit pour cela interposer un filtre passe-bande étroit à la sortie de la fibre de manière à exciter l’échantillon avec une radiation la plus monochromatique possible. D’autre part, il faut également supprimer les réflexions du laser sur l’échantillon et les différentes pièces optiques de la tête de mesure à fibre pour éviter d’injecter dans la fibre de retour, en même temps que le signal diffusé, un signal
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,, ,
_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN
intense à la longueur d’onde du laser excitateur qui pourrait exciter le spectre Raman de la fibre de retour et ainsi perturber les mesures. Pour cela, on place à l’entrée de la fibre de retour un filtre passe-haut ou un filtre coupe-bande (filtre notch holographique) qui sert en même temps d’étage de filtrage pour le spectrographe (figure 25). Souvent ce filtre notch sert également de séparatrice pour renvoyer le faisceau laser vers l’échantillon. Dans le cas où l’on souhaite de très bonnes performances dans le domaine des basses fréquences, on rajoute un second filtre notch derrière le premier. La position du premier filtre est imposée par la géométrie de la tête de mesure, alors que le second peut être orienté de manière optimale pour couper au mieux les signaux parasites à la fréquence du laser. Nota : l’emploi des fibres optiques a conduit à un développement important des applications industrielles de la spectroscopie Raman pour le contrôle en ligne des processus de fabrication, principalement dans l’industrie chimique mais aussi dans d’autres domaines. On peut citer par exemple le dosage en ligne des différents constituants d’un mélange pétrolier dans une raffinerie de pétrole (cf. § 3).
2.6 Perspectives Le microscope Raman peut être couplé avec d’autres méthodes d’analyse locale. ■ Couplage avec microscope électronique et sonde de Castaing Lors de la désexcitation d’un atome soumis à un bombardement électronique, des rayons X sont émis, d’énergies (ou longueurs d’onde) caractéristiques de la nature chimique de l’atome. La spectroscopie des rayons X émis sous bombardement électronique est une puissante méthode d’analyse chimique élémentaire. Deux techniques sont disponibles pour l’analyse des rayons X émis : — la sonde de Castaing, basée sur la spectrométrie de dispersion des longueurs d’onde et qui offre une excellente spécificité avec une résolution en énergie de l’ordre de 10 eV ; — la spectrométrie de dispersion des énergies, plus rapide que la précédente mais aussi moins spécifique avec une résolution de l’ordre de 150 eV. Ces techniques sont complémentaires de la spectroscopie Raman et peuvent conduire à une analyse chimique complète (élémentaire et moléculaire) si on les réunit dans un même instrument et que l’on effectue les mesures sur la même région de l’échantillon. Si la zone à analyser est de taille submicronique, on peut aussi associer la microscopie électronique pour le repérage de la partie intéressante de l’échantillon. La possibilité d’un tel couplage a été démontrée dans le cas d’une sonde CAMECA (figure 26) et les perspectives d’applications sont très prometteuses, bien qu’encore limitées à l’heure actuelle par le petit nombre de microscopes et de sondes électroniques équipés d’un accessoire de spectroscopie Raman. Bien que l’on puisse repérer avec le microscope électronique des zones submicroniques et éventuellement en enregistrer le spectre de diffusion Raman, la résolution spatiale de la sonde Raman incorporée reste cependant limitée par les phénomènes de diffraction, c’est-à-dire que l’on ne peut pas observer indépendamment les spectres de deux régions voisines dont la distance est inférieure à la longueur d’onde. ■ Couplage avec les techniques dites de sonde locale (microscopie champ proche optique, P 860, § 7.3). Ces couplages devraient permettre l’analyse spectrale d’échantillons avec une résolution qui n’est plus limitée par les phénomènes de diffraction ni par la longueur d’onde utilisée, mais uniquement par les dimensions de la sonde employée pour observer l’échantillon. Il s’agit le plus souvent d’une fibre optique monomode étirée et métallisée, de manière à définir une ouverture de quelques dizaines de nanomètres de diamètre (figure 27). Ces techniques de champ proche optique peuvent également se coupler à d’autres méthodes non optiques de sondes locales, comme par exemple la microscopie à force atomique qui permet d’obtenir des informations sur la morphologie de l’échantillon.
Filtre notch
L1
Échantillon
Fibre de retour (Raman)
Om
Miroir
Fibre laser (excitation)
L4 Filtre passe-bande Om , L1 , L4 : objectifs
,, ,, ,,,,,, ,,,, ,,,, ,,,, , ,,, , ,
Figure 25 – Principe d’une tête de mesure à fibre optique pour analyse à distance
Faisceau d’électrons
PP DER
G
ME
Laser
E
LO
M
I
F
PP DER ME E LO M F
I SR
SR
pièces polaires détecteur d’électrons rétrodiffusés miroir ellipsoïdal échantillon lentille objectif miroir plan fenêtre (pour le vide) séparatrice spectromètre Raman
Figure 26 – Principe du couplage de la spectrométrie Raman avec la microscopie électronique
Laser
λ
Champ proche Champ lointain
Détection latérale
Lumière réfléchie
Échantillon
Lumière transmise
Figure 27 – Principe de la microscopie optique en champ proche
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3. Applications Fibres optiques (2 x 30 mètres)
Il y a une vingtaine d’années, le champ d’application de la spectrométrie Raman était encore très limité en raison de la faible sensibilité et de la lourdeur d’utilisation des instruments disponibles. Restreinte aux laboratoires de recherche, cette technique était essentiellement réservée aux études fondamentales. Jusqu’aux années 1960, les spectres Raman de toutes sortes de substances ont été répertoriés [9] [10] et ont apporté des données essentielles à l’établissement des structures et conformations moléculaires. Depuis une dizaine d’années, la compacité, la sensibilité et la facilité d’utilisation des instruments n’ont cessé de s’améliorer grâce notamment à l’utilisation de détecteurs multicanaux performants, de filtres holographiques et à une informatisation poussée assurant une gestion automatisée de l’acquisition des données ainsi que leur exploitation (cf. § 2). Ainsi, les domaines d’applications de la spectrométrie Raman n’ont cessé de se multiplier au fil des années. De même, la durée d’enregistrement des spectres, de l’ordre de l’heure il y a vingt ans, est maintenant de l’ordre de quelques minutes à quelques nanosecondes, voire picosecondes, pour les installations de spectroscopie ultrarapide (voir § 3.8).
Laser
Séparateur de faisceaux
1
Spectographe 23 Fente d'entrée
À titre d’exemple, nous citons quelques domaines où la spectrométrie Raman est désormais utilisée en routine : — industrie pétrolière : analyse quantitative en ligne à distance par fibres optiques, de mélanges d’hydrocarbures pour la conduite d’unités de séparation [11]. Un exemple d’application concernant la séparation du paraxylène (IFP-Solaise) est présenté figure 28. L’obtention des profils de concentration en temps réel des différents hydrocarbures permet de contrôler et d’optimiser le processus de séparation ; — industrie agroalimentaire : suivi à distance par fibres optiques, en temps réel, de réactions de fermentation pour la conduite de fermenteurs ; — industrie pharmaceutique : analyse quantitative en ligne, à distance par fibres optiques, de principes actifs dans des pastilles et comprimés (contrôle-qualité) ; — pigments pour peinture : analyse de la quantité de rutile. L’obtention du pourcentage de rutile par traitement informatique des spectres (voir figure 29) d’échantillons prélevés dans le four permet l’optimisation de la conduite des fours rotatifs de rutilisation de l’anatase ; — électronique : contrôle en ligne (à l’aide d’un instrument dédié) de la qualité du dépôt de carbone sur les têtes de lecture et surfaces de disques durs d’ordinateur (contrôle-qualité). La forme et le rapport des bandes du spectre Raman du carbone, fonction de sa structure graphitique, est un excellent indicateur de la qualité du dépôt. La liste d’exemples présentés ci-dessus n’est évidemment pas exhaustive.
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24
Fenêtre optique en saphir Colonnes
a système Raman pour le contrôle à distance du procédé de séparation ELUXYLE
Orthoxylène + Métaxylène
Paraxylène
3.1 Application au contrôle en industrie Avec l’amélioration des instruments, la spectrométrie Raman s’est maintenant bien implantée dans l’industrie, aussi bien pour le contrôle-qualité que pour le contrôle en ligne dans les unités de fabrication. Cette évolution est essentiellement due, d’une part à l’apparition sur le marché de microspectromètres Raman compacts très performants (cf. § 2.2) permettant aux laboratoires industriels à l’aide du même appareil, de mener des recherches fondamentales et d’effectuer du contrôle (analyse de défauts par exemple), et d’autre part, à la possibilité d’effectuer des analyses à distance par utilisation de fibres optiques ; l’unité d’analyse et de contrôle pouvant ainsi se trouver à plusieurs centaines de mètres du site de production (cf. § 2.5).
2
Têtes de mesure
Détecteur CCD
Ét
hy
lb
en
zè
ne
1
2
23
24
b profils de concentration obtenus par traitement informatique des signaux Raman provenant de 24 colonnes de prélèvement du distillat
Figure 28 – Contrôle en ligne de la séparation du paraxylène (IFP-Solaise)
Il faut souligner qu’un des grands avantages de la spectrométrie Raman pour le contrôle en ligne dans l’industrie est que, grâce aux fibres optiques, avec une seule station de mesures, on peut effectuer des analyses multiples (multipoints ou multisites) en des temps bien souvent inférieurs à ceux exigés par l’emploi des techniques d’analyse classiquement utilisées en contrôle (analyses chimiques, par chromatographie, par diffraction des rayons X, etc.)
3.2 Matériaux 3.2.1 Céramiques La spectrométrie Raman, et plus précisément la microspectrométrie Raman, est particulièrement bien adaptée à l’étude et au contrôle des céramiques. En effet, cette technique permet d’analyser des volumes d’échantillons comparables aux dimensions des grains et inclusions dans les matériaux céramiques, ce que ne permet pas la diffraction des rayons X.
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_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN
Seuil de fatigue de la céramique 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 0
Rutile
Traitement informatique 1 000
800
600
400 200 Nombre d’onde (cm–1)
Après décomposition informatique du spectre Raman de chaque prélèvement, le taux de rutilisation est automatiquement calculé à partir des intensités intégrées des bandes 140 cm–1 (anatase) et 620 cm–1 (rutile) Figure 29 – Spectre Raman d’un pigment de peinture et traitement informatique du spectre
35
35
30
30
25
25 20
20
15
15
10
5 000 4 000 1 000 3 000 2 000 Dis tan 3 000 ce 2 000 le l 4 000 ong 5 000 1 000 de la c raq 6 000 0 7 000 uel ure (mm 8 000 ) 0
D de ist la anc cr e a aq u ue tr lu av re er (m s m )
Anatase
Spectre Raman
ue % monocliq
40
1 000 Bout de craquelure 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 7 000 8 000 40
Figure 30 – Transformation de phase d’un matériau céramique induite par une craquelure
Exemples : la microspectrométrie Raman est ainsi utilisée pour le contrôle de qualité lors du moulage sous pression et à haute température de céramiques à base de nitrure de silicium (Si3N4), utilisées dans la fabrication de certains moteurs thermiques. Dans ce cas, la microspectrométrie Raman permet de vérifier d’une part, que la transformation de phase α → β s’est correctement déroulée et d’autre part, l’absence d’inclusions d’oxynitrure de silicium (Si2N2O) susceptibles de fragiliser la céramique [12]. Une autre utilisation courante de la microspectrométrie Raman est l’étude de la transformation de phase, sous contrainte, des zircones stabilisées. En effet, afin d’améliorer leurs propriétés mécaniques, les zircones sont stabilisées dans la structure tétragonale par ajout de divers oxydes métalliques (zircones ZrO2-MO). Sous contrainte ou par chocs, ces zircones peuvent évoluer vers la structure monoclinique qui est leur structure stable à température ambiante, induisant ainsi des zones de fragilisation du matériau. Les spectres Raman des deux structures étant tout à fait différents dans la région des basses fréquences, on a ainsi pu établir des cartographies donnant la proportion relative des deux structures au niveau de zones sous contraintes, de zones choquées ou encore de craquelures à la surface de matériaux céramique. Un exemple d’une telle analyse est représenté figure 30 où la proportion de matériau transformé en structure monoclinique autour d’une craquelure est représentée en trois dimensions. Une utilisation très intéressante et en voie de développement de la microspectrométrie Raman concerne le contrôle in situ du dépôt de films de matériaux supraconducteurs haute température sur substrat destinés à l’élaboration de microcircuits supraconducteurs. Bien que la microspectrométrie Raman ne puisse être utilisée pour tester la supraconductivité des films, elle permet de vérifier leur bonne orientation sur le substrat ainsi que leur parfaite homogénéité [13].
3.2.2 Polymères La spectrométrie Raman est particulièrement bien adaptée à l’étude des polymères organiques. En effet, les bandes Raman correspondant aux liaisons –C–C–, –C=C– et –C=O, qui forment l’essentiel des chaînes polymériques, sont très sensibles aux modifications
de conformation, de cristallinité et de stéréorégularité de celles-ci à l’intérieur du polymère. Cependant, malgré le développement de la spectrométrie Raman laser, celle-ci est restée très en retrait dans les laboratoires d’analyse industriels par rapport à la spectrométrie infrarouge. Cela est essentiellement dû à la fluorescence que présentent la plupart des polymères industriels. En effet, ils contiennent des additifs et des antioxydants qui sont des molécules émettant une fluorescence intense lorsque l’excitation se fait dans le domaine du visible, masquant la plupart du temps le spectre Raman ou le rendant difficilement exploitable. De plus, un grand nombre d’additifs et de pigments colorés absorbant fortement la radiation laser sont utilisés dans l’élaboration des polymères industriels, conduisant à un échauffement local de l’échantillon pouvant même aller jusqu’à sa destruction. Le développement de la spectrométrie Raman par transformée de Fourier a profondément modifié la situation [14] (cf. § 2.4.2). En effet, l’excitation de l’échantillon dans le proche infrarouge (1 064 nm) ne génère plus d’émission de fluorescence car les photons excitateurs n’ont plus l’énergie nécessaire pour induire des transitions énergétiques mettant en jeu les niveaux électroniques. Ainsi, pratiquement tous les produits commerciaux (polymères, copolymères, résines thermoplastiques, matériaux composites, etc.) peuvent être analysés sans problème en termes de composition, cristallinité, tacticité, réticulation, etc. Il en est de même pour les peintures acryliques ou à base de latex. Exemple : sur la figure 31 sont présentés les spectres Raman d’un même film protecteur en polypropylène enregistrés respectivement par spectrométrie Raman conventionnelle (excitation à 514,5 nm) et par spectrométrie FT-Raman (excitation à 1 064 nm). La différence de qualité des spectres est évidente. Cependant, bien qu’il existe des microscopes FT-Raman, leur résolution spatiale reste moyenne (quelques dizaines de micromètres) et la microspectrométrie Raman dispersive dans le domaine du visible ou proche infrarouge demeure l’outil de choix lorsqu’une résolution spatiale élevée (latérale et axiale) est nécessaire. Cela
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SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________
Épaisseur 54 mm 51 mm 7 mm 20 mm Raman conventionnel
0 Polyéthylène (1) Polyamide (2) Couche de liaison (3) Polypropylène (4)
z
(1) : z = 25 mm Raman par transformée de Fourier 200
400
600
800 1 000 1 200 1 400 1 600 ∆ν (cm–1)
(2) : z = 80 mm
Figure 31 – Spectres Raman d’un film protecteur en polypropylène
n’est bien sûr possible que si l’échantillon n’est pas fluorescent. C’est cependant souvent le cas des fibres haut module utilisées comme renfort dans les matériaux composites. Ces fibres peuvent ainsi être analysées in situ, directement au travers de la matrice. Ces analyses ont essentiellement pour but l’étude des contraintes résiduelles (calculées à partir du déplacement en fréquence d’une raie caractéristique de la fibre) en relation avec les traitements préalables des fibres destinés à améliorer leurs propriétés d’adhésion avec la matrice [15]. C’est également le cas des monofilaments de polyester utilisés dans la fabrication des fibres textiles, où la microspectrométrie Raman permet le contrôle de l’orientation des chaînes moléculaires par rapport à l’axe d’étirement des fibres. Ce contrôle est très important pour déceler les défauts d’étirement des fibres lors de leur fabrication. Le contrôle des polymères stratifiés (multicouches) de plus en plus utilisés dans l’industrie de l’emballage (films protecteurs, bouteilles...) exige cette fois une excellente résolution axiale de l’instrument et nécessite l’utilisation de microspectromètres Raman confocaux (cf. § 2.2.1). Il se fait par sondage en profondeur des différentes couches de polymère et couches d’adhésion. Un exemple d’un tel contrôle est représenté sur la figure 32 où l’on voit que la résolution axiale du microspectromètre Raman permet de parfaitement différencier les différentes couches sondées.
3.2.3 Microélectronique Dans ce domaine, la microspectrométrie Raman, de par son excellente résolution spatiale, est un outil extrêmement puissant de contrôle des matériaux semi-conducteurs et des microcircuits électroniques. En effet, les informations obtenues concernant la position et le profil des bandes Raman caractéristiques des matériaux semi-conducteurs (Si, GaAs, GaP, InP...) permettent de déduire la distribution spatiale de nombreuses grandeurs physiques telles que les contraintes et les orientations cristallographiques locales, ou encore les concentrations et mobilité des porteurs de charge libres [1]. Un exemple de détermination directe des concentration et mobilité des porteurs de charge libres sur une diode électroluminescente en phosphure de gallium (GaP) selon le type de dopage, est donné figure 33. La connaissance de la distribution des contraintes est également très importante pour le contrôle des matériaux semi-conducteurs obtenus par hétéroépitaxies, ainsi que des hétérostructures (silicium sur isolant...). En effet, ces contraintes peuvent modifier les propriétés électriques des matériaux et induire des défauts et des dislocations.
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(3) : z = 108 mm
(4) : z = 125 mm
1 500
1 400
1 300
1 200
1 100 1 000 900 Nombre d’onde (cm–1)
Figure 32 – Contrôle d’un film protecteur multicouche par microspectrométrie Raman confocale
Avec la technique d’imagerie Raman confocale, il est même désormais possible d’obtenir des cartographies représentant directement la distribution de grandeurs physiques telles que concentrations en porteurs de charge, contraintes, température locale, orientation cristallographique locale...
3.3 Catalyse Dans le domaine de la catalyse hétérogène, la spectrométrie Raman a été beaucoup utilisée en complément de l’ESCA (P 2 625) pour étudier les catalyseurs à base d’oxydes métalliques supportés. En effet, ces catalyseurs présentent beaucoup d’intérêts car ils sont très utilisés dans les opérations de désulfuration et déazotation des coupes pétrolières. La spectrométrie Raman permet de bien caractériser les espèces moléculaires qui se forment en fonction de la charge en précurseur oxyde et de relier celles-ci à l’activité catalytique. Ainsi, les catalyseurs à base d’oxyde de molybdène associé à des oxydes de cobalt, nickel et tungstène supportés sur alumine ont fait l’objet d’études très complètes [16]. La spectrométrie Raman est d’ailleurs toujours utilisée dans l’industrie pour le contrôle des catalyseurs utilisés en hydrotraitement. Bien que n’ait été abordée ici que l’étude d’une
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14 12 10 8 6 4
p+
n+
n
2 0 20
40
60
300
200
p+
3
2
1 p+
n+
n
0
80 100 Distance (mm)
0
Concentration des porteurs (cm–3)
Mobilité des porteurs (cm2.V.–1s–1)
0
Déplacement de la bande LO (cm–1)
Largeur de la bande LO (cm –1)
_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN
20
40
60
80 100 Distance (mm)
1018
1017
p+
n+
n
n+
n
100 1016
0 0
20
40
60
80 100 Distance (mm)
a détermination de la mobilité des porteurs de charge
0
20
40
60
80 100 Distance (mm)
b détermination de la concentration des porteurs de charge
Nota : LO est l’abréviation de l’anglais longitudinal optical. La bande LO correspond à un mode fondamental de vibration du réseau se situant dans le domaine optique et longitudinal par rapport à la direction de propagation de l’onde de vibration.
Figure 33 – Détermination à partir de la bande LO du phosphure de gallium des concentration et mobilité des porteurs de charge libres dans une diode électroluminescente
certaine catégorie de catalyseurs, il est bien évident que cela n’est pas limitatif et que la spectrométrie Raman peut s’appliquer à l’étude de catalyseurs d’autres types. Dans le domaine de la catalyse homogène, l’utilisation conjointe des spectrométries FT-IR et FT-Raman permet l’analyse in situ et en temps réel d’un milieu réactionnel et la mise en évidence d’intermédiaires réactionnels. Exemple : lors de l’étude cinétique de la réaction du peroxyde d’hydrogène avec le benzonitrile, l’analyse des spectres à l’aide d’un traitement statistique type multivariable a permis d’identifier l’acide peroxybenzimidique en tant qu’intermédiaire réactionnel dans la formation de la benzamide [17] bien qu’il soit impossible de l’isoler du milieu réactionnel (voir figure 34).
3.4 Environnement La microspectrométrie Raman est utilisée depuis une dizaine d’années pour l’identification des particules atmosphériques inhalables et des cendres volantes produites par les centrales thermiques, en conjonction avec la microscopie à balayage équipée pour la microanalyse [18]. Les composés inorganiques facilement identifiables sont les minéraux courants : les silicates (dont les fibres d’amiantes), la plupart des oxydes et sulfures métalliques, les carbonates, phosphates et sulfates. Quelques composés organiques sont également aisément identifiables : certains pesticides et insecticides, les acides aliphatiques (acides gras), les polymères courants et quelques peptides [19].
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SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________
3.5 Biologie et médecine La spectrométrie Raman a d’abord été assez peu utilisée en biologie. Seules quelques études in vitro ont été réalisées sur des composés d’intérêt biologique. Cependant, dès son développement, la technique de microspectrométrie Raman a suscité d’énormes espoirs pour l’identification des structures moléculaires au niveau cellulaire (biologie, pathologie). Cependant, en raison de la fragilité du matériau biologique lorsque celui-ci est éclairé par un faisceau laser focalisé, les études dans ce domaine ont d’abord été restreintes à l’analyse d’échantillons où la matière était suffisamment concentrée et stable : bioaccumulations dans les cellules et tissus, cornée, tissus osseux, identification de particules étrangères dues à la dégradation de prothèses implantées, etc.
3 min 6 min 9 min 12 min 2 500 2 250 2 000 1 750 1 500 1 250 1 000 750 500 250 Nombre d’onde (cm–1)
100
500
1 000
1 359 1 450 1 578
1 023 1 161 1 180
823 874 767
616
1 602 1 639
1 000
a évolution au cours du temps du mélange réactionnel
1 500 2 000 Nombre d’onde (cm–1)
b extraction du spectre de l’intermédiaire réactionnel (acide peroxybenzimidique) par traitement informatique des spectres
Figure 34 – Étude cinétique de la réaction entre le peroxyde d’hydrogène et le benzonitrile
Récemment, la microspectrométrie Raman a été plus spécifiquement utilisée pour l’analyse de poussières provenant d’une usine de production de métaux non ferreux (Pb, Zn, Cd et Cu) et issues d’un sol pollué (Zn, Pb et Cd) afin d’obtenir une spéciation des métaux polluants. Des corrélations entre éléments telles que Zn-Fe ainsi que des associations métaux-minéraux telles que Pb-aluminosilicates ont pu être établies. Une utilisation récente de la microspectrométrie Raman concerne l’analyse de grains de sédiments naturels. Cette technique a permis d’une part d’identifier les constituants du sédiment : quartz, calcite, oxydes et sulfures de fer, et d’autre part de donner leur répartition à la surface des grains (voir figure 35) par cartographie Raman confocale (cf. 2.3.1.4) [20].
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Exemple : quelques études ont pu être réalisées sur des coupes de cornées de rat afin d’étudier la modification de leur teneur en eau en fonction de l’âge. Cette teneur diminue avec le vieillissement de la cornée et serait, en outre, un facteur favorisant l’apparition de la cataracte aussi bien chez l’animal que chez l’homme [21]. Un exemple d’une telle étude est présenté figure 36 où la teneur en eau extraite de l’information Raman (intensité intégrée des bandes de l’eau à 3 400-3 600 cm–1) est représentée en trois dimensions.
Le développement récent de supports permettant l’utilisation de l’effet Raman SERS (surface enhanced Raman spectroscopy, § 1.4.3) a autorisé les analyses in vivo au niveau de la cellule vivante unique (noyau et cytoplasme). Des études quantitatives de la répartition de drogues antitumorales (cartographies Raman ou en fluorescence) ont été ainsi réalisées sur des cellules cancéreuses afin d’étudier les problèmes de résistance aux médicaments antitumoraux. En médecine, un problème très gênant qui a considérablement freiné l’utilisation de la spectrométrie Raman pour l’étude in vivo des tissus biologiques est le phénomène de fluorescence lorsque l’excitation se fait dans le domaine du visible. Ce problème est maintenant résolu par une excitation des spectres dans le proche infrarouge. La spectrométrie FT-Raman est ainsi de plus en plus utilisée dans le domaine biomédical. On peut citer par exemple l’identification des constituants des calculs biliaires et rénaux [22] et l’aide dans l’établissement des diagnostics car les spectres Raman des tissus sains présentent des différences significatives par rapport à ceux des tissus pathologiques, particulièrement dans le cas des tissus cancéreux. Même si ces différences ne sont pas toujours complètement interprétées, elles sont reproductibles et le traitement des spectres par utilisation de méthodes statistiques multivariables par exemple, est à même de fournir une base pour l’établissement en routine de diagnostics à partir des spectres Raman. Il est même envisagé dans ce domaine d’établir des banques de spectres de tissus [23]. Un atout supplémentaire de la spectrométrie FT-Raman est la possibilité de sonder intracorporellement les tissus d’organes par endoscopie à l’aide de sondes de contact à fibres optiques.
3.6 Objets et œuvres d’art Lors de l’examen d’un objet ou d’une œuvre d’art, les principales questions qui se posent sont : quelle est son histoire ? quelles techniques ont été utilisées pour sa réalisation ? que devra-t-on utiliser pour son éventuelle restauration lorsqu’il est partiellement dégradé ?
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Intensité (u.a) FeS quartz
100
quartz + FeS
50 0 800
600
400
200 (cm–1)
Intensité (u.a) FeS + FeS2
100 FeS FeS2
50 0 800
600
400
200 (cm–1)
Intensité (u.a)
FeS
100
FeS + ε quartz
quartz
50 0 800
600
400
200 (cm–1)
Intensité (u.a) 2 000
calcite
calcite
20 m
1 000
0 800
600
400
200 (cm–1)
Intensité (u.a)
200
FeS FeS
100
0 800
600
400
200 (cm–1)
Figure 35 – Répartition des sulfures à la surface d’un grain de sédiment naturel, déterminée par cartographie Raman confocale
Parmi les nombreuses techniques disponibles (réflectométrie infrarouge, radiographie X...), la microspectrométrie Raman s’est avérée particulièrement utile pour compléter des techniques d’analyse couramment utilisées. Dès 1977, la microspectrométrie Raman a été utilisée pour une analyse non destructive de la matière de petits objets (statuettes, boutons, etc.) dans un but d’authentification. Il a ainsi été possible de différencier immédiatement jade et serpentine, sans avoir recours au classique
test de dureté (toujours dommageable quand l’objet est rare et précieux) [24]. Cependant, c’est pour l’identification des pigments colorés employés dans les peintures et les encres que la microspectrométrie Raman s’est avérée la plus utile. En effet, peu d’informations existent sur la réalisation des encres utilisées pour les enluminures des manuscrits (quels pigments ? quand ? comment ?). La microspectrométrie Raman est à même d’apporter quelques réponses.
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Raman confocale, de par sa capacité à analyser de tout petits volumes d’échantillon (cf. § 2.2.1), est particulièrement bien adaptée à l’analyse in situ, au travers du minéral hôte, du contenu des inclusions. On peut ainsi identifier et déterminer les fractions molaires des principaux fluides géologiques (CH4 , CO2 , N2 , H2S, O2 , H2...). L’emploi simultané de la microspectrométrie Raman et de la microthermométrie (technique de base utilisée par les géologues pour l’analyse des inclusions intraminérales) permet alors une détermination précise des conditions thermobarométriques ayant régné dans le milieu lors de la capture des fluides [27] [28].
C
Âge : 2 mois
8 mm
C
Âge : 8 mois
Figure 36 – Profils de concentration de l’eau dans une coupe transversale de cornée de rat obtenus en fonction de l’âge à l’aide des intensités intégrées des bandes Raman 3 400-3 600 cm–1
Exemples : un des premiers succès de cette technique a été l’identification directe sous le microscope du microspectromètre Raman des pigments à l’origine des couleurs observées pour une lettre ornée d’une page d’un missel français du XVe siècle [25]. Chaque pigment ayant une « signature » Raman caractéristique, il a été possible de l’identifier sans ambiguïté même lorsqu’il était mélangé à d’autres pour donner une couleur particulière (voir figure 37). Des travaux, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France et le Centre de recherches sur les manuscrits enluminés, concernant l’étude d’un groupe cohérent de neuf manuscrits produits à l’abbaye de Fécamp entre la fin du Xe siècle et 1150 a permis de la même manière de montrer, grâce à l’identification des pigments, que des produits locaux avaient d’abord été utilisés (oxydes de plomb rouges, indigo) jusque vers 1060 puis que des produits importés avaient été ensuite employés (bleu de lapis-lazuli et vermillon) [26]. À titre d’exemple est présentée sur la figure 38, l’identification directe du pigment indigo par sa « signature » Raman. Un travail analogue a été fait pour identifier les pigments utilisés lors de la réalisation de quelques toiles célèbres. Dans le cas des peintures murales (fresques par exemple) il est possible d’utiliser une sonde mobile à fibres optiques (cf. § 2.5) qui permet l’analyse à distance. Un exemple d’analyse des pigments d’une fresque carolingienne de l’abbaye de Saint-Germain à Auxerre réalisé à l’aide de cette technique est présenté figure 38.
3.7 Géologie et gemmologie Que le processus de formation des roches, soit hydrothermal, magmatique ou métamorphique, le rôle joué par les fluides présents dans le milieu est toujours très important. Ainsi, l’étude de la composition et de la densité des fluides profonds est un élément essentiel pour comprendre les mécanismes de formation des roches. Cette étude peut se faire par l’intermédiaire des inclusions intraminérales qui contiennent une toute petite fraction des fluides originaux, témoins de la genèse des minéraux. Cependant, il est très important de pouvoir analyser individuellement le contenu de chaque inclusion de façon non destructive. La microspectrométrie
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De façon analogue, il est possible d’analyser les inclusions solides dans les gemmes, même si ces dernières sont montées sur des bijoux. Il est en effet toujours possible de passer au travers d’une surface plane (table ou facette de la gemme taillée). Pour le gemmologiste, l’identification des inclusions solides présentes dans une gemme est très importante car elle permet d’une part d’identifier la gemme et d’estimer son origine géographique par la paragenèse (nature des minéraux naturels inclus) [29] et d’autre part de distinguer les gemmes naturelles des minéraux de synthèse (les substances incluses dans ces derniers étant généralement des restes de fondant ou de catalyseur), dont la production pour la joaillerie ne fait qu’augmenter (saphir, rubis, émeraude, etc.) [30].
3.8 Spectroscopie Raman résolue dans le temps Depuis la découverte de l’effet Raman, les expérimentateurs ont essayé de réduire les temps d’enregistrement des spectres initialement très longs dans le but d’une part de rendre cette technique plus pratique et d’autre part de pouvoir analyser des systèmes moléculaires en évolution. Les avancées technologiques conjointes des sources d’excitation et des détecteurs ont permis une réduction considérable (15 ordres de grandeur) de la résolution temporelle en quelques décennies. En effet, avant 1960, il fallait couramment plusieurs heures voire plusieurs jours pour enregistrer sur une plaque photographique le spectre Raman d’un composé pur. L’avènement des sources laser et l’utilisation de détecteurs photoélectriques de grande sensibilité (photomultiplicateurs) a permis d’abaisser ces temps d’enregistrement à quelques dizaines de minutes voire quelques minutes au cours des années 1960. L’amélioration des techniques de détection multicanale et des lasers impulsionnels, notamment des lasers à modes bloqués, a permis d’atteindre des résolutions temporelles de l’ordre de quelques picosecondes dès le milieu des années 1970. Des techniques récentes de spectrométrie Raman dans le domaine temporel et non plus fréquenciel permettent dans quelques cas très particuliers d’obtenir des résolutions temporelles de l’ordre de la dizaine de femtosecondes (10–15 s).
3.8.1 Techniques expérimentales La résolution temporelle, et par voie de conséquence les techniques instrumentales à mettre en œuvre, dépendent de la vitesse d’évolution du système physico-chimique à étudier. Au-delà d’une frontière située dans le domaine des millisecondes, les méthodes classiques de spectroscopie Raman multicanal utilisant des sources laser continues, des spectrographes très lumineux et des détecteurs à très grande sensibilité peuvent encore être employées. Dans ce cas, c’est le temps d’intégration fixé par l’expérimentateur pendant lequel le détecteur va accumuler l’information spectrale issue de l’échantillon qui détermine la résolution temporelle de l’expérience. Les détecteurs multicanaux modernes de type CCD permettent l’enregistrement de quelques centaines de spectres par seconde. Cependant, la résolution temporelle réellement accessible est fortement conditionnée par l’intensité du signal Raman à détecter, qui peut dans certains cas nécessiter des temps d’intégration plus longs. L’accès à des résolutions temporelles situées en deçà de cette frontière nécessite de mettre en œuvre des méthodes dites « pompe-sonde » ou encore « perturbation-sonde ». Ces méthodes
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I I
Lettre rouge (HgS « Vermillon »)
Pigment jaune (Pb2SnO4)
Nombre d’onde (cm–1)
I Lettre verte
Pigment blanc (PbCO3) Lettre bleu clair Pigment bleu (Lapis Lazuli) Pigment bleu (Azurite)
Nombre d’onde (cm–1)
Nombre d’onde (cm–1)
Indigo
1 630
1 530
1 430 1 420
1 320
1 220 1 120 Nombre d’onde (cm–1)
a lettre ornée d’un manuscrit de l’abbaye de Fécamp
Oxydes de fer
a Fe2O3 Fe3O4
700
600
500
400
300 200 Nombre d’onde (cm–1)
Figure 37 – Identification des pigments colorés d’une lettre ornée sur un missel du XVe siècle
consistent à porter à un instant t = 0 le système chimique à analyser hors d’équilibre par une perturbation extérieure, puis à analyser l’état de celui-ci à l’instant t + δt par diffusion Raman. Cette séquence perturbation-sonde peut alors être répétée un grand nombre de fois de manière à augmenter le rapport signal sur bruit. La valeur de δt est ensuite modifiée de manière à décrire l’évolution cinétique du système. De par son principe, cette méthode s’inspire de la stroboscopie : on fait varier lentement l’écart δt entre le déclenchement d’un événement et son observation de manière à ralentir artificiellement le mouvement et permettre ainsi sa visualisation. Dans notre cas, la visualisation correspond à l’obtention d’un spectre Raman. Il convient de remarquer que cette méthode ne s’applique qu’à des systèmes chimiques dont on peut maîtriser parfaitement par la perturbation le temps t = 0 correspondant au début de son évolution. De plus, les systèmes chimiques étudiés doivent être réversibles, c’est-à-dire revenir à l’équilibre entre deux perturbations successives ou à défaut pouvoir être renouvelés. La rapidité de la perturbation ainsi que la durée de l’analyse Raman déterminent dans ce cas la résolution temporelle de l’expérience. Celle-ci peut aller de la milliseconde à la picoseconde, dépendant du type de perturbation utilisée (mécanique, thermique, électrique, photonique, radiolytique...) et du type de laser employé pour exciter la diffusion Raman. Les échelles de temps les plus courtes sont atteintes dans le cas de perturbations photoniques utilisant des lasers impulsionnels. C’est dans ce dernier cas que les propriétés remarquables offertes par la spectrométrie Raman résolue dans le temps ont été principalement utilisées, pour identifier et caractériser des intermédiaires réactionnels créés au cours de réactions photochimiques, dans un premier temps en solution et plus récemment en phase solide.
3.8.2 Études d’intermédiaires réactionnels photochimiques à courte durée de vie
b fresque carolingienne de l’abbaye de Saint-Germain Figure 38 – Identification de pigments
Les réactions photochimiques mettent en jeu de nombreux intermédiaires réactionnels à courte durée de vie (états excités, ions
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radicaux, radicaux neutres...) dont la mise en évidence et la caractérisation sont particulièrement importantes pour la compréhension de ces réactions [31]. Ces intermédiaires réactionnels sont le plus souvent caractérisés par leurs spectres électroniques (absorption UV-visible, fluorescence, phosphorescence). Ceux-ci sont généralement composés de bandes larges qui apportent peu ou pas d’informations d’ordre structural sur les molécules transitoires en solution. Au contraire, la spectrométrie Raman résolue dans le temps permet, quand elle est couplée à des méthodes de chimie quantique, d’avoir accès à des informations structurales précises sur les intermédiaires réactionnels à courte durée de vie. Une description de l’évolution de la structure de la molécule tout au long du chemin réactionnel est ainsi possible. La faible concentration des espèces transitoires photogénérées sous irradiation laser (généralement comprise entre 10–4 et 10–6 M) impose l’utilisation de l’effet Raman de résonance (voir § 1.4.2). La diffusion Raman de résonance est un cas particulier de l’effet Raman qui intervient lorsque la longueur d’onde de la radiation excitatrice est voisine de celle d’une transition électronique de la molécule. Dans ce cas, la diffusion devient très intense essentiellement pour les modes totalement symétriques caractérisant le chromophore, c’est-à-dire la partie de la molécule impliquée dans la transition électronique. L’intérêt d’utiliser cette technique est double : elle présente d’une part une exaltation très importante des intensités des modes concernés et d’autre part une très grande sélectivité. En effet, pour une molécule complexe ou un mélange d’espèces, on obtient des spectres relativement simples et spécifiques du chromophore excité. En changeant la longueur d’onde de l’excitation de sonde, il est possible d’observer tour à tour différents chromophores absorbant à des longueurs d’onde spécifiques. Le principe de l’analyse des états excités et des intermédiaires réactionnels par spectrométrie Raman de résonance résolue dans le temps est illustré sur la figure 39. Il repose sur l’utilisation de deux lasers accordables impulsionnels. L’obtention de spectres Raman de résonance résolus dans le temps impose de coupler temporellement trois événements : — le déclenchement, par une première excitation laser (impulsion de pompe), du processus photochimique. Cette excitation doit être accordée en résonance avec une bande d’absorption du réactif photosensible à l’état fondamental ; — l’excitation, par une deuxième impulsion laser (impulsion de sonde) retardée dans le temps, du spectre Raman. Celle-ci doit être accordée en résonance avec une bande d’absorption de l’espèce transitoire que l’on cherche à caractériser, de façon à bénéficier de l’effet d’exaltation Raman par résonance. L’enregistrement de spectres à différents retards permet de reconstituer l’évolution cinétique des espèces au cours de la réaction ; — l’observation du spectre Raman en phase avec l’impulsion de sonde, par une technique d’enregistrement multicanal. En effet, pour des résolutions temporelles supérieures à la nanoseconde, le détecteur peut être obturé électroniquement de manière à ne devenir actif que pendant l’impulsion de sonde. Cette technique permet de limiter grandement l’observation de luminescences parasites induites par la pompe. Ceci n’est plus applicable en régime picoseconde. La résolution temporelle dépend principalement du type de laser utilisé. Pour des résolutions temporelles supérieures à la nanoseconde, les lasers Nd-YAG et les lasers à excimère pompant des lasers à colorant ou des oscillateurs paramétriques optiques sont le plus souvent utilisés. Des résolutions temporelles inférieures nécessitent l’emploi de lasers à modes bloqués qui émettent des impulsions ultracourtes. Cependant, la résolution temporelle d’une expérience Raman est limitée de manière pratique au domaine de la picoseconde. En effet, l’utilisation d’une impulsion laser plus courte entraînerait une perte importante de la résolution spectrale de l’expérience, du fait de la relation de Fourier qui relie le spectre d’une impulsion laser à sa durée (∆t × ∆ ν > constante). Pour une
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impulsion gaussienne, cette limite vaut 15 ps · cm–1, ce qui signifie que l’utilisation d’impulsions de 1 ps conduit au mieux à une résolution spectrale de 15 cm–1.
Sn
Tn Sonde
IR* Sonde IR
Sonde
S1
IR*
CIS T1
Réaction Pompe
Réaction
Sonde IR
S0
S0 S1, Sn T1, Tn IR IR* CIS
état fondamental niveaux excités singulets niveaux excités triplets intermédiaire réactionnel états excités de l’intermédiaire réactionnel conversion intersystème
Figure 39 – Principe de l’analyse des états excités et intermédiaires réactionnels par diffusion Raman de résonance transitoire
A : pompe (248 nm) + sonde (370 nm) (spectre solvant + radical) ∆t = 50 ns Solvant
B : sonde (370 nm) (spectre solvant)
C : soustraction des spectres A – B (spectre radical)
1 800 1 600 1 400 1 200 1 000 800 600 400 Nombre d’onde (cm–1) Figure 40 – Caractérisation d’un radical neutre transitoire par spectrométrie Raman de résonance résolue dans le temps
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La spectrométrie Raman de résonance résolue dans le temps est une technique dont la mise en œuvre est beaucoup plus délicate que les méthodes de spectroscopies électroniques transitoires. Cependant quand son utilisation est possible, l’exploitation des spectres Raman résolus en temps présente les avantages suivants :
— l’analyse de l’évolution temporelle des profils, des intensités et des fréquences Raman Stokes et anti-Stokes peut fournir des informations dynamiques sur les processus de relaxation en temps très courts : relaxation conformationnelle, vibrationnelle, échanges d’énergie inter- et intramoléculaires, interactions solvant/soluté...
— possibilité de distinguer des espèces non discernables par leurs spectres d’absorption électroniques (notamment des dérivés isotopiques), ce qui permet une meilleure caractérisation des espèces transitoires et un meilleur suivi de leur dynamique ;
Exemple : la figure 40 montre un exemple d’utilisation de la spectrométrie Raman de résonance résolue dans le temps pour caractériser un radical neutre formé par le transfert d’un atome d’hydrogène du solvant (ici le méthanol) vers la molécule de 4-4’-bipyridine. Le spectre A est obtenu en présence de l’impulsion de pompe située à 248 nm et de sonde à 370 nm (δt = 50 ns) tandis que le spectre B est enregistré avec l’impulsion de sonde seule. Ce dernier correspond au spectre du solvant, le soluté n’est pas détecté car sa concentration est faible (10–3 M) et il ne se trouve pas en condition de résonance à 370 nm. Le spectre A montre de nombreuses bandes exaltées par résonance se superposant au spectre du solvant. Le spectre C, obtenu par soustraction des deux précédents, correspond à l’espèce transitoire radicalaire présente dans la solution 50 ns après photolyse par l’impulsion de pompe.
— possibilité d’observer spécifiquement une espèce au sein d’un mélange complexe, ou un chromophore dans une molécule de grande taille, par le choix de l’excitation de sonde ; — l’analyse des effets de résonance, des profils d’excitation Raman (variation des intensités des raies Raman en fonction de la longueur d’onde de sonde dans le contour de la bande d’absorption résonante) amène des informations sur la nature de la transition électronique résonante et sur la distorsion structurale accompagnant cette transition ;
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