Protection Des Creanciers de Lentreprise [PDF]

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Zitiervorschau

Mémoire de projet de fin d’études Pour l’obtention du Diplôme de licence en droit privé

Protection des créanciers de l’entreprise en difficulté

Elaboré par : Mlle Boutayna AMASRI Encadré par : Mme Nadia AZZDOU

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2018 /2019

REMERCIEMENTS



Je tiens à remercier Mme Nadia AZZDOU, professeur à la l’Université de Casablanca pour l’aide fournie et les connaissances qu’elle a su me transmettre au cours de ma licence. Je la remercie également pour sa patience et sa disponibilité.

Un grand merci à ma mère, mon père et ma sœur pour leur amour et leur soutien inconditionnel.

Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude à Younes, Imane et Hamza qui n’ont cessé de m’encourager et de me soutenir.









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Table des matières REMERCIEMENTS ......................................................................................................................... 2 Introduction générale ................................................................................................................... 4 Première Partie : Mesures législatives visant la protection des créanciers .......... 7 Chapitre I : Procédures antérieures à la cessation de paiement .......................................... 8 Section 1 : Protection des créanciers internes de l’entreprise ........................................................ 9 Section 2 : Protection des créanciers externe de l’entreprise ....................................................... 13 Chapitre II : Procédures postérieures à la cessation de paiement ................................... 17 Section 1 : Le redressement judiciaire ...................................................................................................... 18 Section 2 : La liquidation judiciaire .............................................................................................................. 24

Deuxième partie : L’assemblée des créanciers et étude du droit des entreprises en difficulté en France ............................................................................................................... 29 Chapitre I : L’assemblée des créanciers ; innovation majeure de la loi 73-17 ............. 30 Section 1 : Modalités de constitution ......................................................................................................... 31 Section 2 : Fonctionnement ............................................................................................................................ 33 Chapitre II : Du droit des entreprises en difficulté en France ............................................. 38 Section 1 : Procédures antérieures à la cessation de paiement ................................................. 39 Section 2 : Procédures postérieurs à la cessation de paiement ................................................. 46

Conclusion ..................................................................................................................................... 53



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Introduction générale Jean Ripert, économiste et diplomate français a écrit en 1936 « La faveur que la démocratie n’a jamais cessé de témoigner aux faibles lui fait depuis longtemps considérer le débiteur comme le seul digne de la protection des lois »1 Une affirmation qui semble se refléter sur la situation législative au Maroc étant donné que la législation marocaine en matière de difficultés de l’entreprise ne s’intéresse pas en premier lieu à la protection des créanciers. La loi a renversé les priorités. Désormais, il s’agit d’abord de privilégier l’activité et l’emploi et de sauver l’entreprise lorsqu’il y a possibilité de le faire ; le remboursement des créanciers et leur dédommagement passe donc au second plan. La loi a complètement basculé l’économie à tel point qu’on serait tenté de la considérée comme appartenant au droit économique.2 En effet, le nouveau livre V du code de commerce institué par la loi 73-17 qui abroge et remplace l’ancien livre V de la loi 15-95 a subordonné le redressement judiciaire à la primauté de paiement des créanciers. L’arsenal juridique marocain profite aux débiteurs plus qu’il ne profite aux créanciers ce qui permet de les classer en deux catégories à savoir les protégés et les sacrifiés. Le but des procédures collectives était de régler les créanciers en essayant d’atténuer au maximum les sacrifices. Aujourd’hui, l’évolution du droit a conduit à subordonner les intérêts de ceux ci à ceux de l’entreprise dont l’intérêt est considéré comme supérieur. Il est évident qu’il existera toujours un conflit inéluctable entre une entreprise soumise à une procédure de traitement des difficultés d’une part et la protection des droits légitimes des créanciers d’autre part. Un des principes phares en matière de protection des créanciers de l’entreprise est sans aucun doute celui de l’égalité des créanciers au niveau des procédures collectives.

1 G. Ripert, « Le droit de ne pas payer ses dettes », DH 1936, Chron., p.57 2 Leila Zouhry, dix ans d’application du système des difficultés d’entreprises : Quel Bilan ? , Revue marocaine de Droit, d’Economie et de Gestion Numéro 53-2008

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L’analyse des textes juridiques fait ressortir une autre réalité et une grande insuffisance au niveau de la protection des créanciers. Une réalité selon laquelle le principe d’égalité des créanciers n’est qu’un mythe. Il est de l’égalité des créanciers en droit privé comme de l’égalité des citoyens en droit public. La règle a été tellement « aménagée » qu’il n’en reste plus grand chose.3 En réalité, les créanciers sont inégaux, ce qui a conduit le Pr R.Nemeudeu à soutenir l’idée selon laquelle il fallait désacraliser le principe d’égalité au profit de l’inégalité des créanciers. 4 La situation des créanciers de l’entreprise jongle constamment entre la protection des intérêts de l’entreprise et celle des intérêts des créanciers. Il s’en suit que le rééquilibrage entre ces intérêts s’avère compliqué car « ce que gagne les uns est forcément ce que perdent les autres ».5 Ce rééquilibrage se traduit au niveau de la nouvelle loi 73-17 par la mise en œuvre d’une meilleure participation des créanciers dans les procédures collectives mais aussi par l’instauration d’une assemblée des créanciers chargée d’assurer une meilleure représentation de leurs intérêts. La loi 73-17 a conservé la même vision que l’ancien livre V du code de commerce à savoir une vision privilégiant le redressement de l’entreprise. Il en découle la réduction des droits des créanciers. Une entreprise ne peut être redressée sans sacrifices des créanciers. 6 En réalité, le droit des entreprises en difficulté connaît un conflit constant entre l’entreprise et ses partenaires. Ce droit n’est pas considéré comme étant statique mais cherche au contraire à évoluer et à proposer des solutions permettant de satisfaire toutes les parties. Afin de bien cerner ce sujet, il est nécessaire d’étudier les mesures que prévoit la loi 73-17 visant la protection des créanciers (Partie 1). 3 L.Boy, R.Guillaumond, A.Jeanmmaud. M.Jeantin, J.Pages, A.pirovano. Droit des faillites et restrucaturation du capital. Presses universitaires de Grenoble B.P. 47 X 38040 Grenoble Cedex. 1982. P. 79. 4 R. NEMEUDEU, « Le principe d’égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle », RTD com,, n°2, 2008, p.241 5 P. Rey, « Mesurer l’efficacité économique du droit des entreprises en difficulté », Mesurer l’efficacité économique du droit, L.G.D.J., 2005, p. 58. 6 C.Saint-Alary-Houin, droit des entreprises en difficulté, Montchrestien, 2001, 4ème édition, p. 45.

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Ensuite, l’étude portera sur l’un des apports majeurs de la réforme de 2018 qui est l’assemblée des créanciers ainsi qu’une analyse des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise en droit français (Partie 2).



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Première Partie : Mesures législatives visant la protection des créanciers La créance occupe une place prépondérante dans le quotidien comptable et financier d’une entreprise. Elle manifeste ainsi la fonction majeure de la confiance dans les relations entre les acteurs économiques. 7 Depuis longtemps, l’étude de la situation des créanciers d’une entreprise en difficulté est délaissée. L’examen de leur situation aboutit à une seule issue à savoir leur exclusion. Le droit de l’entreprise en difficulté doit aujourd’hui être guidé par une vision économique qui contribuera à l’amélioration du tissu productif en mettant sur un piédestal la préservation des intérêts des créanciers. Force est de constater qu’on se retrouve devant une situation de mutisme législatif concernant l’état des créanciers. En effet, il s’avère difficile de satisfaire les intérêts des uns sans mettre sur un second plan les intérêts des autres. Selon Moulay Mohamed Lahbib Rhalib « Le mécanisme doit trouver un juste équilibre non seulement entre les différents intérêts souvent divergents de ces acteurs, mais aussi entre ces intérêts et les considérations sociales et politiques »8 . On comprend donc qu’il faut trouver un juste milieu qui permettra de satisfaire l’ensemble des créanciers. La question qui se pose est de savoir quelles sont les mesures prises pour protéger les créanciers ? La réponse à cette question tournera autour d’un axe particulier qui est la cessation de paiement. Dans un premier temps je traiterai des procédures antérieures à la cessation de paiement (Chapitre 1) pour ensuite aborder les procédures postérieures à la cessation de paiement (Chapitre 2)

7 Aldo Rizzi. La protection des créanciers à travers l’évolution des procédures collectives. Editeur L.G.D.J. P. 81 8 Moulay Mohamed Lahbib Rhalib « Entreprises en difficulté : quels sont vos droits ? », édition la Croisée des chemins, 2014, p.11.

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Chapitre I : Procédures antérieures à la cessation de paiement La cessation de paiement est une notion importe puisqu’il s’agit de la condition essentielle pour l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise. Cette notion a été définie par l’ancien livre V du code de commerce comme étant le fait pour une entreprise de ne pas être en mesure de payer ses dettes exigibles à l’échéance, y compris celles qui sont nées de ses engagements conclu dans le cadre. Cette notion qui trouve aujourd’hui son siège dans l’article 575 du nouveau livre V du code de commerce se définit comme « La cessation de paiement est établie dès lors que l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, y compris les créances résultant des engagements pris dans le cadre de l’accord amiable prévu à l’article 556 » Dans l’ancienne définition légale, la notion de cessation de paiement se limitait à deux conditions, à savoir que la dette impayée soit échue et exigible. Aujourd’hui, le législateur marocain s’est penché vers une notion comptable ou la difficulté de paiement doit être la conséquence d’une insuffisance de l’actif disponible. Autrement dit, la cessation de paiement résulté d’un déséquilibre entre l’actif et le passif. Etant donné que l’axe autour duquel s’articule cette première partie est la cessation de paiement, ce chapitre va s’intéresser à la manière dont on protège antérieurement à cette procédure les créanciers internes de l’entreprise (section 1) puis les créanciers externes de l’entreprise (section 2).





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Section 1 : Protection des créanciers internes de l’entreprise « La priorité essentielle est celle du sort des salariés »9 Doyen R.HOUIN

Capital humain indispensable à sa réussite, les créanciers interne de l’entreprise –les salariés- occupent une place singulière dans les diverses nomenclatures. Loin d’être de simples partenaires contractuels de l’entreprise, ils participent directement à son identité.10 Dans l’optique de préserver ce capital humain on retrouve la procédure de sauvegarde inspiré de la législation française qui a son tour a été influencé par le droit américain et plus précisément du fameux Chapter Eleven du Titre 11 US Code Bankruptcy.11 Innovation majeure de la loi 73-17 du 19 avril 2018 on retrouve cette procédure au niveau de l’article 560 « la procédure de sauvegarde a pour objet de permettre à l’entreprise de surmonter ses difficultés afin de garantir la poursuite de son activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif » Les faits justificatifs pour pouvoir bénéficier de l’ouverture de cette procédure sont précisés au niveau de l’article 561 de la loi 17-73 « la procédure de sauvegarde peut être ouverte à toute entreprise commerciale qui sans être en cessation de paiement éprouve des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter de nature à conduire dans un délai proche à la cessation des paiements » Le chef d’entreprise doit, selon l’article 561 al 2 déposer sa demande au secrétariat greffe du tribunal compétent. La demande doit mentionner la nature des difficultés susceptibles de compromettre la continuité de l’entreprise et être accompagnée d’un certain nombre de documents prévus à l’article 577 du code de commerce. Une demande qui doit être accompagnée d’un certain nombre de documents dans le but d’avoir une vision plus large sur la situation de la structure ce qui permettra 9 R.HOUIN, Rapport de synthèse, Colloque : Le nouveau droit des entreprises en difficulté, Ann. Fac. Toulouse, 1986, t.34, p.345. 10 Aldo Rizzi. La protection des créanciers à travers l’évolution des procédures collectives. Op.cit. p. 315. 11 Le titre 11 est divisé en huit chapitres. Pour l’intégralité du texte sur le web : http://www4.law.cornell.edu/uscode/html/uscode11/usc-sup-01-11.html.

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d’évaluer les possibilités de sauvegarde de la structure. Parmi ces documents on cite ; -

les états de synthèse du dernier exercice comptable, visés par le commissaire aux comptes s’il en existe ;

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l’énumération et l’évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers de l’entreprise ;

-

la liste des débiteurs avec l’indication de leurs adresses, le montant de leurs dettes et garanties à la date de cessation de paiement

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la liste des créanciers avec l’indication de leurs adresses, le montant de leurs créances et garanties à la date de cessation de paiement

-

le tableau des charges

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la liste des salariés, ou leurs représentants s’ils existent

-

copie du modèle 76 du registre de commerce

Il est à noter que l’ensemble de ces documents doit être datés et visées par le chef d’entreprise. En cas d’impossibilité de présenter l’un de ces documents ou de les présenter en totalité, le chef d’entreprise doit préciser les motifs justifiant cette impossibilité. Cependant, il lui est tout a fait possible de présenter d’autres documents qui permettent de clarifier la nature des difficultés auxquelles l’entreprise est confronté. Suite aux dispositions de l’article 562 12 , sous peine d’irrecevabilité, le chef d’entreprise doit joindre à sa demande un projet de plan de sauvegarde. Ce dernier doit déterminer toutes les obligations nécessaires afin de sauvegarder l’entreprise et les modalités de conserver son activité ainsi que les moyens de son financement. Il doit également préciser les modalités de règlement des dettes et des garanties accordées pour l’exécution du plan de redressement. A travers ce plan de sauvegarde élaboré par le chef d’entreprise, on pourra avoir une vision large sur le plan d’action pris par le chef d’entreprise pour la sortie de crise

12 Article 562 de la loi 73-17 « Le chef d’entreprise doit, sous peine d’irrecevabilité, accompagner sa demande d’un projet de plan de sauvegarde. Le projet de plan de sauvegarde comporte tous les engagements nécessaires à la sauvegarde de l’entreprise, les moyens de maintenir son activité et ses financements, les modalités d’apurement du passif ainsi que les garanties accordées pour l’exécution dudit projet »

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ainsi que les diverses décisions prises concernant la protection et la préservation du sort des salariés. Avec l’introduction de cette procédure le législateur a en quelque sorte favorisée l’emploi ainsi que l’idée de sauver l’entreprise quand il y a possibilité de le faire. Concernant le sort des salariés, on retrouve en droit des entreprises en difficultés des créanciers privilégiés. Une appellation qui s’explique par le fait que ces derniers bénéficient d’une garantie leur assurant une priorité de paiement en cas de difficulté du débiteur. Ces créanciers privilégiés s’opposent aux créanciers chirographaires. Parmi ces créanciers à privilège il y a ceux qui intéressent directement l’entreprise à savoir salariés. Ce privilège étant une faveur qui leur est accordée par la loi afin d’être payé par priorité aux créanciers chirographaires. La créance salariale bénéficie donc d’une protection spéciale. Une protection affirmée au niveau de la Convention sur la protection du salaire de 1949. L’article 1113 de cette convention dispose dans son alinéa premier qu’en cas de faillite ou de liquidation judiciaire, les travailleurs de l’entreprise auront rang de créanciers privilégiés et que le salaire, constituant une créance privilégiée sera payé intégralement avant que les créanciers ordinaires ne puissent revendiquer leur quote-part. Les personnes pouvant bénéficier du privilège général sont toutes les personnes liées à l’employeur par un contrat de travail. Les créances garanties sont la rémunération due en vertu du travail effectué ainsi que les indemnités liés à la

13 Article 11 de la Convention (n°95) sur la protection du salaire, 1949 « 1. En cas de faillite ou de liquidation judiciaire d'une entreprise, les travailleurs employés dans celleci auront rang de créanciers privilégiés soit pour les salaires qui leur sont dus au titre de services fournis au cours d'une période antérieure à la faillite ou à la liquidation et qui sera prescrite par la législation nationale, soit pour les salaires qui ne dépassent pas un montant prescrit par la législation nationale. 2. Le salaire constituant une créance privilégiée sera payé intégralement avant que les créanciers ordinaires ne puissent revendiquer leur quote-part. » Pour l’intégralité du texte : https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CO DE:C095

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rupture du contrat de travail et des dommages et intérêts pour rupture abusive selon les cas. Tenant compte de la place importe qu’occupent les salariés dans l’entreprise, leur protection repose sur des mécanismes puisés dans les règles du droit du travail14 et s’inscrit au centre de la vocation du droit des entreprises en difficulté15 Il n’est pas inutile de rappeler la formule de M. Mazeaud pour qui le droit des procédures collectives se présente comme « le cousin redouté voire inavoué du droit du travail ». La relation entre ses deux disciplines n’est donc pas neutre. Il est à noter que l’ouverture de la procédure de sauvegarde n’a pas pour but de mettre fin aux contrats de travail des salariés. N’étant pas en état de cessation de paiement le chef d’entreprise devra respecter les règles de droit commun – licenciement économique- en se référant au code de travail. Les salariés disposent donc d’une protection assurée par le code de travail cf aux dispositions des articles 66 et suivant. Un licenciement qui bien évidemment est décidé pour des motifs non inhérents à la personne du salarié.



14 Pour M.Ray « la régulation économique passe par la régulation sociale, et le droit protecteur du salarié peut également protéger l’entreprise » (J.-E. RAY, Mutations économiques et droit du travail, in Les transformations du droit du travail, Etudes offertes à Gérard Lyon-Caen, Dalloz 1989, p 12). 15 Lors de l’analyse de l’élargissement du nouveau périmètre de la procédure deux nouveaux repères furent retenus. Il s’agissait de l’emploi et de l’activité (Cf. supra n°171 s., n°174). Cependant, la seule existence d’une créance d’emploi ne peut suffire à justifier l’intégralité du régime de protection des salariés. A cet égard, il convient de revenir sur le fondement de la protection des créanciers. Transposée dans le cadre précis du contrat de travail, la menace de l’insécurité juridique se manifeste sous des aspects différents. Sur la question de la sécurité à travers l’analyse de l’avenir des politiques sociales, voir notamment : J. FOURNIER et N.QUESTIAUX, Traité du social, situations, luttes, politiques, institutions 4e ed., Dalloz 1984, p.1142.

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Section 2 : Protection des créanciers externe de l’entreprise La protection des créanciers externe de l’entreprise se fait principalement à travers la procédure de conciliation. Considérée comme une sorte de protection précaire, la procédure trouve son siège dans les articles 551 et suivants du code de commerce. Pour l’élaboration de cette procédure, le législateur marocain a substitué la procédure du règlement amiable prévu par l’article 550 de la loi 15-95 par la nouvelle dénomination de « conciliation » prévue par l’article 551 du nouveau livre V du code de commerce. L’objectif principal de cette procédure est de permettre au débiteur avec l’aide du conciliateur de conclure un accord avec les créanciers dans le but d’éviter la cessation des paiements et aider au redressement de l’entreprise. 16 On peut analyser cette procédure de conciliation comme une procédure de soutien qui va être bénéfique à l’entreprise qui connaît une période difficile. D’un point de vue pratique, cette procédure semble bénéfique pour les deux parties à savoir pour l’entreprise mais également pour les créanciers. Elle permet à ces derniers bien que consentants certains sacrifices, de toucher leurs créances ou à la limite une partie de la créance.17 Elle est ouverte à « toute entreprise qui, sans être en cessation de paiement, éprouve une difficulté économique ou financière ou des besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise »18 Cependant, l’initiative de l’ouverture de la procédure de conciliation repose entre les mains du chef d’entreprise conformément aux dispositions de l’article 551 al 2 19. Dans une vision plus élargie, le fait que l’ouverture de la procédure repose entre les mains du débiteur peut faire l’objet d’un usage abusif. En effet, le chef d’entreprise peut se servir de cette procédure pour obtenir des avantages des créanciers. 16 Article 554 al 1 de la loi 17-93 « en cas d’ouverture de la procédure de conciliation, le président du tribunal détermine la mission du conciliateur, dont l’objet est d’aplanir les difficultés financières ou économiques, en recherchant la conclusion d’un accord avec les créanciers » 17 Mustapha Bentahar. La protection des créanciers dans les procédures collectives : mythe ou réalité ? Revue marocaine de Droit, d’Economie et de Gestion. P. 70 18 Art 551 Al 1 du code de commerce. 19 Art 441 al 2 du code de commerce « La requête du chef de l’entreprise comporte un exposé sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise, les besoins de financement ainsi que les moyens d’y faire face ».

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Il est vrai que la décision d’ouverture de la procédure revient au tribunal, mais cette dernière se fait sur la base de documents présentés par le chef d’entreprise. « L’appréciation de la situation d’une entreprise, dont l’état financier n’est pas encore celui de la cessation des paiements, exige la maitrise de plusieurs disciplines notamment la comptabilité et l’économie. Or, ce profil n’est pas encore celui du juge marocain d’aujourd’hui »20 Toutefois, le président du tribunal a le pouvoir de charger un expert d’établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière de l’entreprise afin d’obtenir des informations de nature à lui donner une image exacte sur la situation de l’entreprise. 21 Cependant pour assurer le bon déroulement de l’accord, aucune action ne peut être intentée par les créanciers pour réclamer leur dû. Ce qui est communément connu en droit des difficultés de l’entreprise comme la suspension provisoire des poursuites. La suspension des poursuites désigne la suspension de toute action en justice ou de toute poursuite individuelle à l’encontre d’un débiteur pour obtenir le paiement d’une créance. 22 Suite aux dispositions de l’article 555 du code de commerce « Si le conciliateur ou le chef de l’entreprise estime qu’une suspension provisoire des poursuites serait de nature à faciliter la conclusion de l’accord, il saisit le président du tribunal. Après avoir recueilli l’avis des principaux créanciers, ce dernier peut rendre une ordonnance fixant la suspension pour une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur ». La mission du conciliateur réside dans le fait d’aplanir les difficultés économique et financières avec les créanciers en trouvant un terrain d’entente. Néanmoins, selon Didier MARTIN nul ne peut contraindre un créancier à participer, pour tout ou partie de ses droits, à un accord amiable de règlement et à faire des

20 Mustapha Bentahar. La protection des créanciers dans les procédures collectives : Mythe ou réalité ? op.cit. p.72. 21 Article 552 al 2 du code de commerce. 22 http://lawperationnel.com/suspension-des-poursuites

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remises ou y consentir des délais. Au point que si tous les créanciers refusent leur participation, la procédure s’achève par un constat de carence. 23 La notion de « principaux créanciers » est ambiguë. L’expression de l’article 555 peut donner lieu à plusieurs interprétations. L’ambiguïté de cette disposition peut profiter au débiteur qui peut décider de négocier avec les créanciers de son choix. Le législateur aurait pu exiger l’avis de l’ensemble des créanciers. Une consultation qui aurait alourdi le processus d’ouverture de la procédure mais qui aurait été préférable afin d’aboutir à un accord avec la totalité des créanciers. L’éviction des « petits créanciers » peut s’avérer dangereuse pour certains d’entre eux dont l’équilibre financier pourrait être sérieusement affecté par la suspension des actions entreprises pour la récupération de leurs créances sur l’entreprise en difficulté24 Bien que le conciliateur ait obtenu l’accord des principaux créanciers, une fois la procédure de conciliation prononcée, elle devient opposable à l’ensemble des créanciers non consultés. A l’égard des créanciers la suspension des poursuites suspend et interdit toutes actions en justice dont la créance a son origine antérieurement à l’ordonnance fixant la suspension.25 Il y a lieu de rappeler le principe « d’égalité des créanciers ». D’après ce principe, tous les créanciers qui participent à la procédure doivent bénéficier d’un traitement semblable. Chaque créancier est donc tenu de suspendre les poursuites qu’il a engagées et de faire vérifier sa créance. La suspension impacte en réalité la situation de l’ensemble des créanciers. Que ces derniers soient ordinaires ou titulaires d’un privilège spécial.

23 Didier MATIN – Droit commercial et bancaire marocain, 1999– p.324 24 El Hamoumi Abd Eljalil : Les difficultés des entreprises : essai d’analyse des dispositions légales & pratiques des tribunaux marocains. Edition 2003. P. 37 25 Article 555 du code de commerce « L’ordonnance suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement à ladite ordonnance et tendant : 1) à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ; 2) à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Elle arrête ou interdit également toute mesure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que les immeubles. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont, en conséquence, suspendus ».

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Les salariés de l’entreprise quant à eux bénéficient au titre de l’alinéa 6 de l’article 555 d’une faveur « Cette interdiction de payer ne s’applique pas aux créances résultant du contrat de travail ». Le chef d’entreprise doit continuer à payer ses salariés pour le travail effectué. Il est important de souligner l’importance de l’obligation d’information des créanciers. Ce droit est considérable dans le sens ou il permet la protection des intérêts de toutes les parties en cause. Dans cette optique, le législateur a améliorer ce droit pour les créanciers qui ne sont pas inclus dans l’accord de conciliation et pour lesquels le tribunal impose des délais de paiement. 26 Les créanciers non inclus dans l’accord doivent être informés des nouveaux délais. La loi 73-17 a également mis en œuvre des dispositifs favorisant la participation des créanciers en s’inspirant essentiellement du droit français. Ainsi la loi accorde une priorité de paiement à toutes les personnes qui ont acceptées d’accorder à l’entreprise débitrice une contribution nouvelle à savoir un nouvel apport en trésorerie au débiteur ou qui fournissent un nouveau bien ou service en vue de lui permettre de poursuivre son activité. Les créanciers qui ont accordés ces faveurs à l’entreprise bénéficient d’un privilège et sont donc payés par priorité avant les créances y compris celles prévues aux articles 565 et 590 et 652 al 2 de la loi 73-17. Il est à noter que ces créanciers apporteurs de nouveaux fonds ne bénéficiaient d’aucun privilège dans le cadre de l’ancien code de commerce ce qui avait pour conséquence la difficulté pour l’entreprise de trouver du crédit.27 Ce privilège s’applique également à toutes les personnes qui auront accordées à l’entreprise des fournitures de marchandises ou de services pour assurer la poursuite de son activité.



26 Article 556 al 2 du code de commerce. 27 A.Jacquemont . Droit des entreprises en difficulté. 2017. LexisNexis. p.65.

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Chapitre II : Procédures postérieures à la cessation de paiement La cessation de paiement se définit comme étant l’arrêt matériel du paiement dû non pas à une abstention d’exécution mais à l’incapacité réelle d’effectuer le paiement et la présence d’une situation compromise notoire. 28 L’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise est subordonnée à la condition de la cessation de paiement des dettes dû par le débiteur. S’agissant de la nature de la dette, plusieurs auteurs ont estimés qu’il faut limiter la cessation de paiement uniquement à la dette commerciale. Il s’en suit que le défaut de paiement d’une dette civile n’entrainerai pas l’ouverture de la procédure. Une théorie qui a été écarté par le code de commerce 29 qui vise l’entreprise se trouvant dans l’impossibilité d’honorer ses dettes. Dès lors, le défaut de paiement des dettes qu’elles soient civiles ou commerciales, privés ou publiques permet l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise. Le législateur marocain a déterminé limitativement les personnes habilitées à déclencher une procédure de traitement des difficultés de l’entreprise. Il s’agit essentiellement du chef d’entreprise, des créanciers, du ministère public ainsi que le tribunal. Une limitation qui a été confirmé dans un arrêt de la cour d’appel de commerce de Casablanca.30 Les solutions légales au traitement des difficultés de l’entreprise peuvent consister soit dans le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire et ce, à la lumière du rapport du syndic. Ces dernières deux procédures font suite au constat de la cessation de paiement. Etant donné que ce chapitre s’intéresse aux procédures postérieures à la cessation de paiement, on traitera simultanément la situation des créanciers dans le redressement (section 1) et la liquidation judiciaire (section 2). 28 Cour d’appel de Casablanca. Arrêt du 10 novembre 2000, dossier n°1270/2000/11. 29 Article 574 al 2 « La cessation de paiement est établie dès lors que l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, y compris les créances résultant des engagements pris dans le cadre de l’accord amiable prévu par l’article 556 » 30 Cour d’appel de commerce de Casablanca. Arrêt n°377/2002 du 15 février 2002. « le chef d’entreprise, les créanciers, le ministère public et le tribunal d’office, peuvent demander l’ouverture de la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise à l’exclusion des actionnaires ».

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Section 1 : Le redressement judiciaire Cette procédure concerne « les entreprises commerciales en cessation de paiement » qui est constatée lorsque « l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible »31 Le chef d’entreprise doit selon l’article 747 al 4 en demander l’ouverture dans les 30 jours de cette révélation comptable sous peine de déchéance commerciale. Le tribunal décide alors de l’ouverture de cette procédure de redressement judiciaire si il apparaît que la situation de l’entreprise n’est pas compromise et qu’il y a des chances de la redresser.32 Conformément aux dispositions de l’article 584 du nouveau livre V du code de commerce, le jugement est publié au Bulletin Officiel, et affiché sur un panneau ad hoc du tribunal invitant les créanciers à déclarer leurs créances au syndic désigné. Cette procédure de redressement judiciaire conduit à la préparation de la solution qui s’entend selon l’article 595 al 1 du code de commerce par « rapport détaillé du syndic ou il dresse le bilan financier, économique et social de l’entreprise » et accompagné d’un « plan de redressement » assurant la continuation de l’entreprise ou sa cession à un tiers soit la liquidation judiciaire. Il est à noter cependant que ce plan de redressement est toujours soumis au comité des créanciers33, s’il existe. Cette procédure reste, cependant, lourde de conséquences aussi bien pour le débiteur que pour les créanciers mais son esprit tend vers la favorisation de la sauvegarde des intérêts de l’entreprise débitrice au détriment des droits des créanciers qui ce trouvent fortement restreints.34 Concernant le règlement des créances, celles nées « après le jugement d’ouverture du redressement » pour les besoins du déroulement de la procédure ou de l’activité 31 Article 575 du code de commerce « La procédure de redressement judiciaire s’applique à toute entreprise commerciale en cessation de paiement ; La cessation de paiement est établie dès lors que l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, y compris les créances résultant des engagements pris dans le cadre de l’accord amiable prévu à l’article 556 » 32 Article 583 du code de commerce « le redressement judiciaire est prononcé s’il apparaît que la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise. A défaut, la liquidation judiciaire est prononcée » 33 Nouveauté de la loi 73-17. 34 Othmane Berrada Gouzi. La situation des créanciers dans la procédure de redressement judiciaire. Revue de conseil juridique. N°2 & 3 2018. P. 41.

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de l’entreprise pendant la période de préparation de la solution sont payées à leurs échéances. A défaut, elles sont privilégiées.35 Les créanciers sont donc tenus de penser au rang qu’ils occupent

dans la

procédure, surtout en ce qui concerne les créanciers qui les devancent –les créanciers postérieurs - et qui bénéficient de traitement préférentiel sans oublier les créanciers privilégiés. Concernant le règlement des dettes, le syndic recueille selon l’article 601 du code de commerce l’accord de chacun des créanciers qui a déclaré sa créance sur les délais et remises qui leur demande pour assurer la bonne exécution du plan de continuation. Il est à noter que la lettre du syndic doit comporter selon l’article 602 comme annexe –qu’il s’agisse d’une consultation individuelle ou collective- : -

un état de la situation active ou passive avec indication détaillée du passif privilégié et chirographaire ;

-

les propositions du syndic et du chef d’entreprise et l’indication des garanties offertes ;

-

l’avis des contrôleurs.

Ces annexes permettent d’avoir une vision plus claire de la situation de l’entreprise de manière à avoir une vision réelle de l’état de son passif, les possibilités de continuation de l’entreprise proposées par le syndic et le chef de l’entreprise accompagné des garanties offertes, et enfin l’avis des contrôleurs. Dans cette portée, comme cité ci-dessus, deux hypothèses sont prévues à savoir la consultation individuelle ou la consultation collective. Dans la première hypothèse, c’est à dire si le syndic décide de consulter individuellement les créanciers, le défaut de réponse dans le délai de 30 jours à compter de la réception de la lettre du syndic vaut acceptation selon l’article 601 al 2 du code de commerce. Dans la deuxième hypothèse, à savoir lorsque le syndic décide de consulter collectivement les créanciers36. Ces derniers se réunissent sous sa présidence et à sa convocation. Un avis de la convocation peut être inséré dans un journal

35 Article 590 du code de commerce. 36 Article 603 du code de commerce

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d’annonces légales et affiché au panneau réservé à cet effet au tribunal. La réunion doit avoir lieu entre le 15ème et le 21ème jour de l’envoi de la convocation. Le syndic doit également faire aux créanciers un rapport sur l’état de redressement ainsi que la poursuite de l’activité depuis l’ouverture de la procédure. L’accord de chaque créancier présent ou représenté est recueilli par écrit sur les propositions du règlement du passif. Il est à noter que le défaut de participation à la consultation collective vaut acceptation des propositions présentées par le syndic. Enfin, au terme de la consultation individuelle ou collective, le syndic dresse un état de réponse fait par les créanciers. C’est à la lumière de ce plan que le tribunal opte pour un plan de continuation, un plan de cession ou de liquidation judiciaire. Il s’en suit donc qu’après la consultation des créanciers, l’établissement du rapport par le syndic vient l’étape du choix de la solution qui consiste à opter entre les trois branches des alternatives susdites. La continuation de l’entreprise suppose « qu’il existe des possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif ». Le plan d’une durée maximale de 10 ans , donne acte, sous réserve de minoration, des délais et des remises acceptées par les créanciers, et impose, aux autres cf à l’article 630 « des délais uniformes de paiement » Ces délais peuvent dépasser la durée du plan à condition que le premier paiement intervienne dans le délai d’un an. Toutefois, le fait qu’une créance soit inscrite sur le plan ne signifie pas son admission définitive au passif. Les sommes a répartir ne seront versées qu’à partir de leur admission définitive au passif.37 En cas de vente par exemple d’un bien brevet d’un privilège spécial d’un nantissement ou d’une hypothèque. Les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d’un privilège général seront payés sur le prix après le règlement des créanciers qui priment. Pour ce qui est de la modification du plan de continuation, lorsque cette dernière peut avoir des conséquences négatives sur les remises ou les délais acceptés par 37 Article 631 du code de commerce : « l’inscription d’une créance au plan et l’octroi de délais ou remises par le créancier ne préjugent pas l’admission définitive de la créance au passif. Les sommes à répartir ne préjugent pas l’admission définitive de la créance au passif.

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les créanciers, le syndic convoque l’assemblée des créanciers. Le tribunal statue après avoir convoqué et entendu les parties et toute personne intéressée. L’article 634 dispose qu’en cas d’inexécution par l’entreprise de ces engagement ou dans le cas ou le plan n’a pas été exécuté dans les délais fixés, le tribunal prononce d’office ou à la demande de l’un des créanciers, après avoir entendu le syndic ou convoquer le chef d’entreprise, la résolution du plan et décide de la liquidation judiciaire. Le même article dispose dans son alinéa 2 et 3 dispose que les créanciers qui sont soumis au plan de continuation déclarent l’intégralité de leurs créances et sûretés déduction faite des sommes perçues, y compris celles nées au cours de la période de préparation de la solution et qui ne sont pas remboursées. Aussi, les créanciers dont le droit a pris naissance après le jugement d’ouverture du plan de continuation, déclarent leurs créances. Concernant le plan de cession, ce dernier constitue l’une des innovations majeures du code de commerce promulgué le 1er Aout 1996 et qui a été maintenu dans le nouveau livre V du 19 avril 2018. Son mécanisme et les avantages qu’il présente en font une technique privilégiée. La cession de l’entreprise a pour but d’assurer le maintien des activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif.38 La cession de l’entreprise, qui peut être totale ou partielle rend exigibles les créances non échues.39 Après que le tribunal ait examiné l’ensemble des offres qui ce sont présentées à lui, il retient celle qui permet favorablement d’assurer l’emploi attaché à l’ensemble cédé et le paiement des créanciers.40 Il détermine aussi selon l’article 638 les contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures de biens ou services nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise et dont le jugement qui arrête le plan emporte cession. 38 Article 635 du code de commerce. 39 Article 647 al 2 « le jugement qui arrête le plan de cession totale de l’entreprise rend exigibles les dettes non échues ». 40 Article 637 « le tribunal retient l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé et le paiement des créanciers »

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La clôture de la procédure est prononcée « après paiement du prix de cession et sa répartition entre les créanciers » D’après la lecture de ces articles, on remarque que l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise représente un double avantage pour le débiteur surtout. Ce dernier peut recourir à ces procédures non seulement pour sauvegarder son entreprise mais il s’offre également une échappatoire qui lui permet de se soustraire provisoirement à l’obligation de payer les créances antérieures au jugement d’ouverture. Il s’en suit qu’aujourd’hui, le créancier peut se montrer réticent quand il s’agit de recourir à la justice pour obtenir le paiement de sa créance étant donné que sa capacité d’agir est strictement encadrée par la loi. Le seul moyen pour le créancier d’exercer des procédures d’exécution contre le débiteur se réduit au fait de déclarer sa créance au passif du débiteur. Force est de constater que d’après les divers avantages que profère la loi aux entreprises en difficulté, les mesures législatives jouent sans aucun doute au profit de l’entreprise. Il est à noter également que l’ouverture des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise entraine de plein droit l’interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture dans le cadre de la suspension provisoire des poursuites qui a été traitée plus haut. Selon le Pr Zakaria BOUABIDI « cela peut à l’évidence inciter le créancier à préférer recouvrer amiablement sa créance que de voir son débiteur recourir à une procédure de sauvegarde, ou que de l’assigner pour l’ouverture d’une procédure collective ».41 Le créancier peut donc opter pour une renégociation de sa créance avec le débiteur plutôt que d’engager une action en justice. On constate donc que le droit des entreprises en difficultés a pour vocation première la sauvegarde de l’entreprise. En effet ce droit néglige et place sur un second plan les intérêts des créanciers en ce sens que le débiteur ne voit pas seulement une opportunité de maintenir son entreprise mais également un procédé par lequel il peut échapper aux actions engagées par les créanciers pour réclamer leurs dus. 41 Zakaria Bouabidi. Revue marocaine du droit commercial et des affaires, Les procédures collectives et le contentieux de l’impayé du droit commun : Quel rapport ? p.45

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Enfin, selon une décision de la cour d’appel commerciale de Casablanca, le redressement judiciaire a pour effet l’arrêt de toutes les procédures et recours déposés à l’encontre de la société en difficulté y compris les prélèvements effectués sur les recettes de la société par ses créanciers.42

42 Rhalib My Mohamed Lahbib. Le redressement judiciaire des entreprises en difficultés et la jurisprudence marocaine. La revue du droit marocain. N°27 Avril 2018. Cour d’appel Commerciale de Casablanca. Décision n°9 du 28/10/1999. Dossier n°686-99-11.

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Section 2 : La liquidation judiciaire La liquidation judiciaire est décidée en tant qu’issue ultime des efforts amiables judiciaires de redressement. Elle consacre la fin de l’entreprise, l’arrêt de son activité et le licenciement de ses salariés. La situation de l’entreprise doit être « irrémédiablement compromise » 43 sauf maintien exceptionnel et provisoire de l’activité quand l’intérêt général ou celui des créanciers nécessite la continuation de l’entreprise conformément aux dispositions de l’article 652 du code de commerce. Dans cette étape de la procédure, étant donné que le débiteur est dessaisi, le sort des de l’entreprise et de ses créanciers se trouve entre les mains de la justice. Les droits des créanciers sont sauvegardés selon qu’ils se placent dans la catégorie des créanciers ordinaires ou privilégiés. En effet, les créanciers privilégies obtiennent plus facilement leur paiement. A contrario, le règlement des créanciers chirographaires ne passe pas en premier. En effet les créanciers ne sont pas égaux dans la procédure de liquidation judiciaire. Il s’en suit que ces derniers sont tenus, encore une fois de penser à leur rang dans la procédure pour obtenir le paiement de leurs créances. A cette étape de la procédure, le tribunal ordonne la réalisation de l’actif qui consiste à vendre les biens du débiteur pour obtenir les liquidités qui vont permettre par la suite de payer les créanciers. Pour ce qui est des immeubles, le législateur permet le choix entre deux méthodes de vente à savoir par application des procédures de saisie immobilière ou, sur autorisation du juge commissaire, par adjudication amiable, sur mise à prix qu’il fixe, soit de gré à gré aux prix, et condition qu’il détermine suite aux dispositions de l’article 654 du code de commerce. Le mécanisme d’adjudication permet d’obtenir le meilleur prix étant donné que le bien est vendu au plus offrant ce qui donne l’opportunité de désintéresser rapidement les créanciers. La vente de gré à gré quant à elle est plus flexible.

43 Article 651 « Le tribunal prononce, d’office ou à la demande du chef de l’entreprise, d’un créancier ou du ministère public, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire lorsqu’il apparaît que la situation de l’entreprise est irrémédiablement compromise ».

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Conformément à l’article 655 du code de commerce les autres biens peuvent aussi faire l’objet d’une cession globale tandis que les autres biens sont vendus aux enchères publiques ou de gré à gré sur ordonnance du même juge. Toutefois, le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues 44. Cela signifie que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire conduit à la déchéance du terme. En ce sens que les créances qui n’étaient pas arrivées à échéance le deviennent immédiatement. Cependant, comme indiqué plus haut, il ne faut pas oublier que la situation des créanciers de l’entreprise est différente. Effectivement, alors que certains voient leurs droits restreints à partir du jugement d’ouverture, d’autres profitent d’un privilège. Les créanciers titulaires d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque ainsi que le trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu’ils ont déclaré leurs créances, même si elles ne sont pas encore admises, exercer leur droit de poursuite individuelle si le syndic n’a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement prononçant l’ouverture de la liquidation judiciaire.45 Si le syndic n’a pas accomplit les démarches pour la vente des biens grevés dans le délai de trois mois, les créanciers titulaire de privilèges spéciales recouvrent leur droit de poursuite individuelle à la condition d’avoir préalablement déclaré leurs créances. Concernant le règlement provisionnel des créances, le juge commissaire peut, d’office ou à la demande du syndic ou d’un créancier, ordonner le paiement à titre provisionnel, d’une quote-part de la créance définitivement admise.46 Cette disposition consiste à éviter que les difficultés que connaît l’entreprise en créent de nouvelles, elle accélère en quelque sorte le paiement des créanciers. Après la réalisation de l’actif vient l’étape de l’apurement du passif. A priori, l’apurement du passif signifie faire disparaître le passif par tout moyen, bien que la plupart du temps la liquidation des biens débouche sur une insuffisance d’actif

44 Article 660 du code de commerce. 45 Article 661 du code de commerce. 46 Article 662 du code de commerce.

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aux dépens des créanciers chirographaires, voire de certains créanciers privilégiés ou ayant consentis des sûretés.47 Il s’agit donc d’une phase de la procédure de liquidation judiciaire qui comporte la vérification des créances déclarées contre le débiteur, classement des créanciers et répartition du produit de la liquidation48 En somme, cette opération implique le règlement des créanciers. On retrouve les règles du règlement des créanciers au niveau des articles 663 et suivants du nouveau livre V du code de commerce. S’agissant du règlement des créanciers privilégiés et hypothécaires, dans le cas ou une ou plusieurs distributions de sommes précèdent la répartition du prix des immeubles, les créanciers privilégiés et hypothécaires admis concourent à cette répartition dans la proportion de leurs créances totales. En revanche, après la vente des immeubles et le règlement définitif de l’ordre entre les créanciers hypothécaires et privilégiés, les créanciers qui viennent en rang utile sur le prix des immeubles pour la totalité de leur créance ne perçoivent le montent de leur collocation hypothécaire que sous la déduction des sommes qu’ils ont perçues. Les sommes ainsi déduites profitent aux créanciers chirographaires. 49 Les droits des créanciers hypothécaires qui sont colloqués partiellement sur la distribution du prix des immeubles sont réglés d’après le montant qui leur reste dû après la collocation immobilière. L’excèdent des dividendes qu’ils ont perçus dans des distributions antérieures par rapport au dividende calculé après collocation est retenu sur le montant de leur collocation hypothécaire et est inclus dans les sommes à répartir aux créanciers chirographaires.50 Les créanciers privilégiés ou hypothécaires, non remplis sur le prix des immeubles, concourent avec les créanciers chirographaires pour ce qui leur reste dû.

47 Liliane TCHAKOTEU MESSABIEM. Droit OHADA-Droit français. La protection des créanciers dans les procédures collectives d’apurement du passif. 2015. Ed L’harmattan. P79. 48 Définition sur le site : http://www.cours-de-droit.net/l-apurement-du-passifa121609606 49 Article 663 du code de commerce. 50 Article 664 du code de commerce.

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Pour ce qui est de la répartition du montant de l’actif, cette dernière se fait encore selon le rang des créanciers. Aux termes de l’article 667 du code de commerce « Le montant de l’actif, distraction faite des frais et dépens de la liquidation judiciaire, des subsides accordés par le juge-commissaire au chef d’entreprise ou aux dirigeants ou à leur famille et des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises » Il résulte de la lecture de cet article que le montant de l’actif distraction faite des frais et dépens de la liquidation ainsi que les subsides, est réparti entre les créanciers en tenant lieu de leur rang. La répartition au marc le franc51 ne peut être décidé qu’une fois que les créanciers privilégiés seront désintéressés. La répartition du produit de la liquidation est répartie dans le respect du classement imposé par la législation en vigueur. 52 En effet, le paiement des créances doit respecter un ordre précis à savoir : -

Les créances garanties par le super-privilège des salaires.

-

Frais de justice antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure.

-

Créances garanties par le privilège de conciliation ou de « new money »53

-

Créances garanties par des sûretés immobilières.

-

Créances nées après le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.

-

Créanciers chirographaires sans privilège particulier.

Qu’en est-il de la situation ou un créancier de rang inférieur est payé en premier ? On ne retrouve pas de réponse à cette question au niveau du code de commerce. Cependant, en France depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014, l’article L. 643-7-1 du Code de commerce prévoit que « le créancier qui a reçu un paiement en violation de la règle de l’égalité des créanciers chirographaires ou par suite d’une erreur sur l’ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées ». Le greffier publie selon l’article 668 du code de commerce un avis au Bulletin officiel indiquant que l’ordonnance de répartition est déposée au secrétariat-greffe. Les 51 Concrètement, la répartition entre les créanciers se fait au marc le franc, c’est à dire au prorata des créances. Sur un plan étymologique, le marc est une très ancienne unité de mesure qui servait à peser les métaux précieux. 52 Article 668 : Le juge commissaire ordonne le règlement de l’ordre entre les créanciers et la répartition du produit de la liquidation conformément à la législation en vigueur. 53 Créancier qui réalise un apport en trésorerie afin de permettre à l’entreprise de poursuivre son activité dans le cadre de la procédure de conciliation.

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parties ont le droit d’interjeter appel dans un délai de 15 jours à compter de la date de publication. La cour d’appel statue sur cet appel dans un délai de 15 jours à compter de la date de sa saisine. Concernant la clôture de la procédure, le tribunal peut a tout moment la prononcer lorsqu’il n’existe plus de passif exigible (dettes à régler) ou que le syndic dispose des sommes suffisantes pour rembourser les créanciers. Il peut également décider de la clôture lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance de l’actif de la société endettée. La clôture pour insuffisance d’actif désigne la décision du tribunal de mettre fin à la procédure de liquidation judiciaire lorsqu’il n’existe plus d’actif à réaliser.

54

En

d’autres termes, les liquidités disponibles sont insuffisantes pour pouvoir continuer la procédure. Le syndic procède à la reddition des comptes. Cette opération consiste à tenir des livres de comptes dont le but de justifier l’ensemble des opérations qui ont été effectuées sur le patrimoine de l’entreprise. Toutefois, selon l’article 669 du code de commerce, à la demande de tout intéressé, la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire peut être prononcée par décision motivée lorsqu’il apparaît l’existence d’actifs non réalisés ou d’actions non encore exercées au profit des créanciers qui sont susceptibles de reconstituer l’actif de l’entreprise. En effet, la clôture pour insuffisance d’actifs ne peut être prononcée si il existe des éléments d’actifs saisissables. La principale conséquence de l’insuffisance d’actif est que les créanciers n’ont pas la possibilité d’engager des poursuites individuelles contre le débiteur. En revanche, si ce dernier procède à la dissimulation de l’un de ses biens, les créanciers qui n’ont pas été intégralement payé ont la possibilité d’intenter une action personnelle contre lui.

54 Définition sur le site : https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/46033cloture-pour-insuffisance-d-actif

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Deuxième partie : L’assemblée des créanciers et étude du droit des entreprises en difficulté en France Conscient du déséquilibre qui existe entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs, le législateur a prévu la constitution d’une assemblée des créanciers dès que l’entreprise connaît une procédure de redressement judiciaire. L’introduction de cette nouvelle catégorie a pour but de faire passer les créanciers de simples témoins passifs à des acteurs ayant un impact dans la procédure de redressement judiciaire. Le traitement juridique de l’entreprise en difficulté en France joue un rôle important dans la vie des entreprises. Comme le droit marocain, le droit français a été critiqué et présenté comme inefficace particulièrement parce qu’il ne protégeait pas de la meilleure façon les créanciers dans la mesure ou il favorisait le maintien des emplois et l’intérêt de l’entreprise au détriment des créanciers. Malgré que le Maroc ait emprunté au système français les différents outils de prévention dans l’ambition d’éviter la défaillance des entreprises, leur application s’est traduite par un échec. Un échec de nature à entrainer des effets économiques nuisibles dans la mesure ou il entraine en premier lieu la méfiance des investisseurs qui hésitent à investir dans un pays ou le système juridique ne les protège pas en cas d’insolvabilité des débiteurs. En effet, le rôle de la loi est déterminant dans la création d’un cadre favorable à l’investissement, à la croissance et à l’amélioration du climat des affaires au Maroc.55 Cependant, l’influence qu’exerce le droit français sur le droit marocain ne peut être négligée. Le premier chapitre de cette deuxième partie s’intéressera principalement à l’assemblée des créanciers (section 1), pour ensuite étudier dans un deuxième chapitre ce que prévoit le droit français en matière de traitement des difficultés de l’entreprise (section 2) 55 Saida Bachlouch (2012). La prévention et le règlement amiable des difficultés de l’entreprise en droit comparé franco-marocain « Thèse de doctorat ». Université ParisEst. P : 27. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00846693/document

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Chapitre I : L’assemblée des créanciers ; innovation majeure de la loi 73-17 Parmi les nouvelles mesures de la loi 73-17 de nature à rassurer les créanciers, on cite l’assemblée des créanciers. Il s’agit d’une instance qui porte la voix des créanciers, le nouveau code lui a consacré les articles 606 et suivants. Selon Mme El Hassan Sbai il s’agit d’un rééquilibrage légitime et opportun au moment ou l’extériorité des créanciers et leur défaut d’implication dans les procédures collectives ont été souvent avancées comme des éléments expliquant la protection si parcellaire de leurs intérêts dans le cadre de l’ancien texte.56 Ces derniers, longtemps cantonnés aux procédures collectives disposent aujourd’hui d’une instance de représentation collective qui leur permet d’avoir leur mot à dire sur le cours de la procédure. L’attitude conciliante des créanciers, éventuellement prêts à accorder des facilités de paiement, est la plupart du temps déterminante pour concrétiser le redressement durable de l’entreprise débitrice : de là l’obligation faite par le législateur marocain de les consulter, avec un rôle renforcée pour eux depuis la loi 73-17 au moins dans les entreprises importantes.57 Il s’en suit donc que la philosophie qui se dégage du nouveau livre V du code de commerce réside dans le fait d’accorder un pouvoir de décision aux créanciers en ce sens qu’il ont la possibilité de rejeter le plan de redressement en proposant un plan alternatif qui à son tour est soumis au tribunal. L’assemblée des créanciers compte le syndic comme président, le chef d’entreprise et les créanciers figurant sur la liste des créances déclarées au syndic judiciaire. Nous verrons dans un premier temps les modalités de constitution de cette instance de représentation des créanciers (section 1), ce n’est qu’une fois ces modalités éclaircies que nous pourront étudier son fonctionnement (section 2).

56 Voir lien : https://www.contrepoints.org/2018/06/06/317645-reforme-du-droitmarocain-des-entreprises-en-difficultes-un-echec-anticipe 57 Kaoutar BALBOUL. Youssef LAHJOUIJI. Réflexions sur les droits des créanciers à la lumière de la loi 73-17 sur les entreprises en difficulté. 2019. RERJ-N°3.

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Section 1 : Modalités de constitution Au fur et à mesure de la lecture des dispositions législatives il apparaît que le droit marocain est un droit pro débiteur. Néanmoins, avec l’avènement de la nouvelle loi 73-17, le législateur a essayé tant bien que mal d’introduire des mesures de nature à rétablir un rééquilibre concernant le traitement des créanciers. Ce rééquilibrage se traduit par une meilleure représentation de leurs intérêts par l’instauration de l’assemblée des créanciers. Une nouveauté qui s’inspire essentiellement des dispositions de la loi française du 26 juillet 2005. Cette dernière est crée dès que l’entreprise se retrouve dans une procédure de redressement judiciaire. Sa création est subordonnée à trois conditions. Premièrement, elle concerne exclusivement les entreprises tenues de nominer un commissaire aux comptes conformément aux dispositions législatives en vigueur. Ensuite, le chiffre d’affaire annuel de l’entreprise doit être supérieur à 25 millions de dirhams. Le nombre de salariés doit également dépasser 25 salariés pendant l’année qui précède celle de l’ouverture de la procédure. Enfin, il est à noter que selon l’article 606 alinéa 2 du code de commerce le syndic peut sur décision motivée, et ce, en l’absence des conditions précédentes, ordonner la constitution d’une assemblée des créanciers. Le jugement du tribunal est insusceptible de tout recours. L’assemblée se compose conformément aux dispositions de l’article 608 du code de commerce du syndic, le chef de l’entreprise et les créanciers figurant sur la liste des créances déclarées au syndic judiciaire. Ces membres peuvent être dissociés en deux catégories principales à savoir le président et les membres. La présidence est assurée par le syndic à l’exception de l’assemblée délibérant sur son remplacement qui est présidé par le juge commissaire. S’agissant des membres en retrouve le chef de l’entreprise et les créanciers. Ces derniers doivent être inscrits sur la liste des créances déclarées remise par le syndic au juge commissaire en application des dispositions de l’article 727 du code de



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commerce.58 Lorsque l’association est convoquée pour se réunir avant le dépôt de la liste des créanciers au greffe du tribunal, les créances indiquées ne doivent pas faire l’objet d’une proposition de refus ou de renvoi de la part du syndic à moins que le juge commissaire ne les y autorise à participer à ces travaux. On retrouve également les créanciers dont les créances ont été acceptées par le juge commissaire. Lorsque l’association est invitée à se réunir après la date de dépôt de cette liste au greffe du tribunal, les créanciers peuvent assister personnellement aux travaux de l’association ou se faire représenter par un mandataire.

58 Article 727 « dans un délai maximum de six mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure, le syndic établit, après avoir sollicité les observations du chef d’entreprise, et au fur et à mesure de la réception des déclarations des créances, la liste des créances déclarées avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant le tribunal. Il transmet cette liste au juge-commissaire ».

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Section 2 : Fonctionnement Conformément à l’article 607 du code de commerce, l’assemblée des créanciers se réunit pour délibérer sur les points suivants à savoir : -

Le projet de plan de redressement assurant la continuation de l’entreprise proposé par le syndic dans le cadre de la préparation de la solution.

-

Le projet du plan de redressement assurant la continuation de l’activité de l’entreprise proposé par les créanciers en remplacement de celui présenté par le syndic qu’ils ont refusés.

-

La modification des objectifs et des moyens du plan de redressement assurant la continuité de l’entreprise lors de la mise en application de l’article 62959 du code de commerce.

-

La demande de remplacement du syndic désigné conformément aux dispositions de l’article 67760.

-

La cession d’un ou de plusieurs actifs indispensables prévus à l’article 618 du code de commerce.

Changement radical, cette assemblée comme citée plus haut fait passer les créanciers de simples témoins à de véritables acteurs ayant un pouvoir de décision. Un pouvoir qui se manifeste particulièrement au niveau du plan de redressement qu’ils peuvent rejeter sous réserve d’en présenter un nouveau au tribunal qui sera soumis à son approbation. En ce qui concerne les réunions de l’assemblée, elle se réunit selon les dispositions de l’article 609 sur invitation du syndic. En cas de carence de ce dernier, à l’initiative du juge commissaire soit d’office soit à la demande du chef de l’entreprise ou d’un ou plusieurs créanciers. 59 En effet, selon l’article 629 du code de commerce la modification dans les objectifs et les moyens du plan de continuation ne peut être décidée que par le tribunal à la demande du chef de l’entreprise et sur le rapport du syndic. Lorsque cette modification a pour conséquence d’impacter négativement les remises et délais acceptés par les créanciers, le syndic est tenu de convoquer l’assemblée des créanciers. 60 Suite aux dispositions de l’article 677 du code de commerce le tribunal peut remplacer le syndic à la demande du ministère public, de l’assemblée des créanciers, du juge commissaire d’office ou sur réclamation du chef de l’entreprise ou d’un créancier, du chef de l’entreprise ou du créancier dont la réclamation n’a pas fait l’objet de décision par le juge commissaire dans un délai de 15 jours. Le syndic reste tenu au secret professionnel et doit remettre au nouveau syndic tous les documents relatifs à la procédure dans un délai de 10 jours à compter de sa révocation.

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Dans le cas ou il faut débattre sur le changement du syndic, l’assemblée se réunit sur convocation du juge commissaire. L’avis de convocation de l’assemblée doit être inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, judiciaires et administratives, affiché au panneau réservé à cet effet au tribunal. La convocation peut également se faire par voie électronique. Cet avis doit comporter le lieu, la date et l’heure de la réunion ainsi que son ordre du jour. Il doit également mentionner le droit des créanciers de consulter les documents énumérés à l’article 612 du code de commerce au siège de l’entreprise ou tout autre lieu précisé dans l’avis de convocation. Il est à noter toutefois que l’absence à la réunion d’un des créanciers ou son représentant vaut acceptation de toute décision prise par l’assemblée. Lorsque l’association est invitée à délibérer sur la modification des objectifs et des moyens du plan de continuation, il est indiqué sur l’avis que les créanciers qui ne sont pas d’accord sur la modification des réductions de créances proposées dans le plan de continuation doivent présenter leur proposition lors de la réunion. Pour la validité des décisions de l’assemblée générale des créanciers, le quorum est conditionné par la présence des créanciers représentant au moins les deux tiers des créances déclarées. 61 Si le quorum n’est pas atteint, le président de l’assemblée rédige un procès verbal de constatation dans lequel il dresse une nouvelle date de réunion de l’assemblée qui doit intervenir dans un délai ne dépassant pas 10 jours suivant la date de la réunion. L’avis de convocation doit être inséré dans un journal habilité à recevoir les annonces légales. Les délibérations sont réputées valables quel que soit le montant des créances détenues par les créanciers présents. La validité des décisions de l’association est subordonnée à l’approbation par les créanciers présents ou représentés qui participent au vote dont le montant des créances représente la moitié des créances. Les décisions prises par l’assemblée légalement réunie s’imposent aux créanciers absents. Une feuille de présence doit être obligatoirement tenue lors de la réunion dans laquelle figure les noms, les prénoms, le domicile de chaque créancier présent ou

61 Article 661 du code de commerce.

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son représentant. Elle doit être dument signée par les créanciers présents et accompagnée des procurations des mandataires. Un procès verbal est dressé et signé par le président de l’assemblée, il mentionne la date, le lieu de l’assemblée, l’ordre du jour, l’objet des délibérations, le quorum atteint, les documents présentés. Il sera accompagné de la feuille de présence. Dans le cas ou l’assemblée des créanciers accepte le plan de redressement élaboré par le syndic, ce dernier le soumet tribunal dans le jour ouvrable suivant la date de la réunion de l’assemblée. Dans le cas contraire, si l’assemblée refuse le plan de redressement élaboré par le syndic, les créanciers qui n’ont pas voté en faveur du plan présenté par le syndic sont tenus de présenter un plan de redressement dans les 15 jours qui suivent la réunion. Ce plan de redressement n’est pris en considération que si il est signé par la majorité des créanciers. Il est à noter qu’aucun créancier ne peut signer plus d’un plan alternatif. Si le plan de redressement indique des remises supérieures à celles proposées dans la période d’observation, le plan doit être accompagné de l’approbation écrite des créanciers à l’origine de ces nouvelles remises. Le syndic adresse la convocation à la réunion de l’association pour délibérer sur le plan de remplacement le jour ouvrable suivant sa réception. Lorsque l’association approuve le plan de remplacement, le syndic le renvoi au tribunal le jour ouvrable suivant la réunion. Le tribunal homologue le plan de redressement dans les dix jours qui suivent son dépôt. Dans le cas ou les créanciers ne présentent pas un plan alternatif dans les délais fixés ou si l’assemblée ne se décide pas sur le plan proposé par les créanciers, le syndic soumet au tribunal le jour ouvrable suivant les délais légaux fixés ou suivant la date de la réunion selon les cas, le projet de plan de continuation qu’il a précédemment présenté. Le syndic est tenu de joindre au plan de continuation qu’il soumet à l’homologation tous les procès verbaux des réunions de l’association des créanciers. Le tribunal homologue le plan de continuation de l’entreprise si il constate que les créanciers obtiendront dans le cadre du projet de plan de redressement un montant qui ne peut être inférieur à ce qu’ils obtiendront en cas de liquidation de l’entreprise.



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Si le tribunal refuse de procéder à l’homologation, le syndic doit convoquer à nouveau l’association selon les modalités légales afin de délibérer sur une nouvelle proposition de plan qui tient compte de la décision du tribunal. Il est important de souligner que les créances publiques ne peuvent faire l’objet de réduction. Lorsque l’assemblée accepte les remises proposées dans le cadre de la modification des objectifs et des moyens du plan de continuation, le syndic procède au dépôt du procès verbal de la réunion de l’association au tribunal le jour ouvrable suivant la réunion aux fins de son homologation dans les dix jours suivant la date de son dépôt. En revanche, si l’association refuse les remises proposées, chaque créancier qui n’a pas donné son approbation adresse au syndic de nouvelles propositions de remises. Dans ce cas, le syndic dresse un rapport avec les remises proposées dans le cadre de la modification des objectifs et des moyens du plan de redressement assurant la continuation de l’entreprise et le dépose au tribunal le jour ouvrable suivant la réunion aux fins d’homologation dans les dix jours qui suivent son dépôt. Les créanciers disposent d’un droit de consultation en ce sens qu’ils ont la possibilité de se faire communiquer tout au long de l’exécution du plan de continuation au siège de l’entreprise : -

les informations relatives à la situation financière de l’entreprise y compris la situation active et passive avec indication détaillée du passif privilégié et chirographaire ;

-

les flux de trésorerie ;

-

les informations non financières pouvant impacter dans le futur l’exécution par l’entreprise de ses engagements.

Il est également possible de prendre copie de ces documents aux frais du créancier ou de son mandataire. Ces documents permettent aux créanciers d’avoir une idée précise sur la situation financière de l’entreprise afin de décider des suites à donner à la procédure. Ainsi, ils doivent être tenus au courant de la situation de l’actif et du passif de l’entreprise ainsi que ses perspectives financières, sociales et économiques. S’agissant des recours contre les décisions de l’association, les décisions de cette dernière ne sont susceptibles d’aucun recours à l’exception de celle en courant



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devant le tribunal pour statuer sur la demande d’homologation d’une proposition de l’assemblée. Il est évident que par l’introduction de cette assemblée le législateur manifeste sa volonté d’accorder un poids aux créanciers au niveau des décisions prises lors des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise. Certes, le texte prévoit un contrôle judiciaire des décisions prises mais cela ne nuit pas à l’intention du législateur d’améliorer leur pouvoir de représentation au cours des procédures collectives.





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Chapitre II : Du droit des entreprises en difficulté en France Le droit des procédures collectives français est fixé par le livre VI du code de commerce issu de l’ordonnance n°2000-912 du 18 septembre 2000, intitulé « Des difficultés des entreprises ». Les dispositions instaurées ont pour but de régler les différents conflits que peut connaître une entreprise lorsque les difficultés commencent à surgir. Elles ont pour finalité de concilier au mieux les objectifs de sauvegarde de l’entreprise, de maintien de l’activité et de l’emploi et d’apurement du passif, c’est à dire de désintéressement des créanciers. 62 Il est à noter que la notion de cessation de paiement se réfère aux capacités de paiement de l’entreprise et non pas à son activité. Comme au Maroc, le régime applicable en matière de difficultés des entreprises s’articule autour d’une notion centrale qui est la cessation des paiements. La cause principale étant l’état de cessation de paiement, celui ci peut se définir comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Cette situation suppose un arrêt du service de caisse ayant un caractère irréversible63. Autrement dit, la situation de l’entreprise doit être irrémédiablement compromise. Le législateur français s’est donné comme objectif principal d’ajuster un équilibre entre la défense des intérêts des créanciers d’une part, et la sauvegarde de l’entreprise d’autre part. L’étude de ce chapitre portera essentiellement sur la manière dont sont protégés les créanciers de l’entreprise antérieurement et postérieurement à l’état de cessation de paiement. Lorsqu’une entreprise se retrouve dans une situation ou elle connaît des difficultés économiques, elle peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de conciliation (section 1) ou encore une procédure de redressement qui a de fortes probabilités de conduire à une procédure de liquidation judiciaire (section 2)

62 Article L631-1 al 2 du code de commerce français 63 Martine Dizel Chanfreau, Droit de l’entreprise en difficulté, Dunos, Paris, 1999, p : 36

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Section 1 : Procédures antérieures à la cessation de paiement Avant de procéder à l’étude de la situation des créanciers au niveau des procédures antérieures à la cessation de paiement, il y a lieu de préciser la force obligatoire des engagements que le chef d’entreprise a pris à l’égard des créanciers antérieurement à l’ouverture de cette procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. L’obligation est synonyme de dette. Selon le code civil, « les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi » et, aussi « de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui »64 De cette définition, il ressort que le débiteur est tenu au respect de l’engagement pris à l’égard du créancier. Par conséquent, il ne peut s’y soustraire. La logique juridique implique que même si une procédure de traitement des difficultés de l’entreprise est ouverte, celle ci ne peut porter atteinte aux engagements pris avec ses créanciers antérieurement à ces procédures. Il s’en suit que l’entreprise ne doit procéder à aucune mesure de nature à entraver l’exécution par les créanciers de leurs droits. Toutefois, le droit des difficultés de l’entreprise est gouverné par une vision qui accorde la priorité au maintien de l’activité de l’entreprise. La prévention se définit comme « l’ensemble des mesures destinées à empêcher la survenance d’un état de cessation des paiements ».65 Il s’agit de l’ensemble des mesures prises pour diminuer les difficultés rencontrées par le débiteur au cours de la vie de l’entreprise. La sauvegarde étant une phase qui précède la cessation de paiement se donne pour objectif de l’éviter. Sa finalité étant de sauver la structure sociétale. Elle rejoint un peu le redressement judiciaire étant donné que son but est de « permettre la poursuite de l’activité…, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif »66 Toutefois, ils se distinguent sur un point particulier en ce sens que la sauvegarde prévoit deux comités des créanciers qui sont appelés à se prononcer à la majorité sur le plan de sauvegarde. 64 Lexique des termes juridiques. 2016-2017. Dalloz. Voir Obligation p.740. 65 V.Christophe DELATTRE. Revue des procédures collectives, revue bimestrielle LexisNexis jurisclasseur. Juillet-aôut 2010, page 18. N°4. 66 Article L620-1 al 1 et L631-1 al 2

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Ainsi selon l’article L620-1 du code de commerce, il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Inspiré du droit américain, le législateur français a introduit cette procédure dans le droit français afin qu’elle puisse rejoindre le redressement et la liquidation judiciaire. Toutefois, cette procédure se distingue de ces procédures car la situation du débiteur n’est pas aussi grave qu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. Il est à noter que pour cette procédure seule le dirigeant de l’entreprise est habilité à demander l’ouverture de la procédure de sauvegarde en précisant les difficultés que connaît sa structure. Après le jugement d’ouverture, on retrouve deux phases. Premièrement, la phase au cours de laquelle l’entreprise sera en période d’observation ou il sera fait essentiellement un point sur la situation de l’entreprise ainsi que sur les éventuelles possibilités de sauvetage de sa situation. Ensuite, si la situation le permet un plan devra être choisi par le tribunal. A contrario, le tribunal ordonne l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Si le juge décide que la demande du chef d’entreprise est légitime, il procède à la désignation des organes de la procédure. En effet, plusieurs personnes sont appelées à intervenir pour contribuer au bon déroulement de la procédure. C’est à ce niveau qu’on retrouve les créanciers. Cependant, ici l’objectif n’est pas d’assurer leur protection en premier lieu mais d’assurer celle de l’entreprise et sa sauvegarde. Bien que la procédure de sauvegarde ait pour objectif l’apurement du passif et le maintien des emplois, le maintien de l’activité de l’entreprise prend le dessus. Ainsi parmi ces organes on cite : -

Le juge commissaire qui est chargé de veilleur au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence notamment ceux des créanciers.67

67 Article L621-9

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-

Le mandataire judiciaire qui est désigné par le tribunal, il a la qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers.68

-

Un administrateur judiciaire dont la désignation est facultatif.

-

Représentant du personnel dont la mission est de représenter les salariés.

-

Les contrôleurs qui sont désignés parmi les créanciers qui en font la demande.69

-

Experts dont la mission est fixée par le juge commissaire (facultatif)70

-

Techniciens dont la mission est fixée par le juge commissaire.71

Suite à l’ouverture de cette procédure, les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture ne disposent plus de leurs droits de poursuites individuelles contre le débiteur. Ces derniers ont l’obligation de déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire désigné à cet effet par le tribunal. Une déclaration qui doit intervenir dans le délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC72. Lorsque le chef de l’entreprise présente ses propositions de plan pour la sauvegarde ou le redressement de l’entreprise, ces propositions sont soumises aux créanciers afin qu’ils puissent émettre leurs avis. Selon l’article L626-29 le recours aux comités s’impose pour les débiteurs dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par expertcomptable et dont le nombre de salariés ou le chiffre d’affaire sont supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat.73 Il est à souligner le caractère très VIP de cette procédure. On retrouve la présence de deux comités à savoir le comité des établissements de crédit et assimilés et le comité des principaux fournisseurs. On retrouve les établissements de crédit au niveau de l’article L511-1 du code monétaire et financier, les institutions mentionnées à l’article L 518-1 de même code 68 Article L622-20 69 Article L621-10 « Lorsqu’il désigne plusieurs contrôleurs, il veille à ce qu’au moins l’un d’entre eux soit choisi parmi les créanciers titulaires de sûretés et qu’un autre soit choisi parmi les créanciers chirographaires » 70 Article L621-4 71 Article L621-9 72 Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. 73 Article 626-52 « les seuils fixés en application de l’article L.626-29 sont de 150 salariés et de 20 millions d’euros de chiffre d’affaire »

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ainsi que les établissements intervenant en libre établissement ou en libre prestation des parties à l’accord sur l’espace européen. Il est à noter que les créanciers fiscaux et sociaux ainsi que les salariés sont exclus des comités. Les créanciers présentant moins de 3% du total des créances des fournisseurs ne sont pas admis au comité des créanciers. Cependant, l’article R62657 dispose que l’administrateur peut quinze jours avant la présentation au comité des principaux fournisseurs des propositions du débiteur, demander à tout fournisseur dont les créances ne représentent pas plus de 3% du total des créances d’être membre du comité.74 La possibilité de faire partie d’un comité est considérée comme « accessoire de la créance » en ce sens qu’en cas de cession de créance ou de subrogation, c’est le nouveau créancier ou titulaire de la créance qui fera partie du comité. Le fait qu’un créancier adhère au comité des créanciers lui confère la possibilité de s’exprimer et de donner son avis. Toutefois sa créance dépend des décisions décidées par le comité en majorité. « Le sauvetage d’une entreprise en difficulté implique l’accord du débiteur et de tous les créanciers. Or les difficultés ne sont pas favorables à un accord amiable. Le débiteur refuse parfois de prendre conscience d’une évidence : d’une part, les créanciers préfèrent un remboursement partiel mais immédiat, à un plan de sauvetage de l’entreprise qui leur paraît aléatoire ; d’autre part les salariés inquiets de la situation utilisent la seule arme dont ils disposent, c’est-à-dire la grève, sans se rendre compte que celle ci aggrave les difficultés »75 Dans une vision plus large, si le créancier accepte d’aider l’entreprise en difficulté durant la procédure de sauvegarde, celle ci peut malgré les efforts fait pour son sauvetage se trouver en cessation de paiement. Dans cette situation le créancier sera « refoulé » à la qualité de créancier antérieur au jugement d’ouverture. A contrario, si il décide de n’accorder aucune aide à l’entreprise il bénéficiera du rang de créancier privilégié. 74 A défaut d’une acceptation écrite à l’administrateur dans un délai de huit jours à compter de la réception de l’avis, le fournisseur sollicité est réputé avoir refusé. 75 Deen GIBIRILA, Droit des entreprises en difficulté, DEFRENOIS, lextenso éditions, 2009. p 97.

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Le manque d’engagement des créanciers au niveau de cette procédure s’avère logique étant donné la crainte qu’ils ont de ne pas percevoir le paiement de leurs créances Cependant, lorsqu’il apparaît au tribunal que la situation de l’entreprise ne présente pas des difficultés qui ne peuvent être surmontées, il invite le débiteur à demander l’ouverture d’une procédure de conciliation (TRANSITION) Conformément à l’article L611-4 du code de commerce, il est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours. La procédure de conciliation est ouverte par le président du tribunal qui est chargé de désigner un conciliateur dont la mission est d’aboutir à la conclusion entre le débiteur et les principaux créanciers de l’entreprise d’un accord amiable de nature à mettre fin aux difficultés que connaît l’entreprise. Parmi ses principaux créanciers figurent : -

les garants susceptibles de donner leur accord sur de nouveaux financements ou sur les délais de paiement qui les engagent sur une durée allongée ;

-

les fournisseurs non-créanciers pouvant accepter des délais de paiement ;

-

les associés actuels ou nouveaux qui peuvent verser des fonds en comptecourant, s’engager à participer à une augmentation de capital ou accepter l’incorporation de leurs créances au capital.76

Selon Deen Gibirila l’accord conclu par le conciliateur pourra être étendu aux cocontractants habituels du débiteur, créanciers potentiels du débiteur à un moment ou à un autre. L’accord doit inclure même les créanciers qui ont accordés des privilèges à l’entreprise débitrice par le privilège dit de « new money ». L’accord conclu intervient entre le chef de l’entreprise et ses principaux créanciers c’est à dire ceux qui ont un poids déterminant en ce qui concerne la continuité de l’entreprise.

76 Rapport Ass. Nat n°2095, relatif à la loi de sauvegarde des entreprises n°2005-845, 26 juill. 2005.

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Les créanciers conservent leur droit de poursuite individuelle bien que le débiteur dispose d’une possibilité qui lui permet d’obtenir des délais de grâce. Cette procédure de conciliation permet d’éviter le recours à une procédure plus lourde à savoir le redressement judiciaire. Le président du tribunal est saisi par une requête du débiteur exposant la situation de son entreprise ainsi que les moyens pour y faire face77. Il est à noter qu’elle est sur l’initiative du chef d’entreprise et ne peut être ouverte sur la demande de l’un des créanciers ou du ministère public. S’agissant de la situation des créanciers au niveau de cette procédure, la loi accordent un privilège aux créanciers qui décident de consentir des financements à l’entreprise afin d’assurer sa poursuite et son maintien. Deux conditions sont prévues par l’article L611-11. Tout d’abord un accord homologué doit exister au cours de la procédure de conciliation. Ensuite, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Il s’en suit que les privilèges doivent être accordés à l’entreprise dans le cadre d’un accord de conciliation. A noter que les entreprises concernées sont celles qui ne sont pas en état de cessation de paiement ou qui le sont depuis moins de quarante-cinq jours. L’apport fait par le créancier doit obligatoirement être mentionné dans l’accord de conciliation. A défaut il ne pourra être invoqué. Cet accord doit également faire l’objet d’une homologation78. C’est pour inciter les créanciers à l’élaboration d’un accord que le privilège de « new money » a été institué. En effet, l’homologation de l’accord procure des effets efficaces pour les créanciers qui bénéficient suite à cette homologation d’un privilège général qui équivaut à celui consenti aux créanciers dont la créance est née postérieurement à la procédure collective. Ensuite, pour une application efficace de ce privilège, l’entreprise doit connaître une des procédures collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Les créances seront dans ce cas payées par privilège avant les créances antérieures à l’ouverture de la conciliation ainsi que les créances nées après l’ouverture de la procédure collective. 77 Article L611-6 78 Selon l’article L611-8 le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire.

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Selon l’article L611-11 du code de commerce ce privilège s’applique également à toute personne ayant fourni dans le cadre de l’accord homologué un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite de l’entreprise et sa pérennité. Toutefois, ce privilège de paiement par priorité est en désaccord avec l’égalité de traitement des créanciers. Une situation qui a été éclaircit par le Conseil constitutionnel « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, mais à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qu’il établit »79 Enfin, en cas d’inexécution de l’accord dans le cadre de la procédure de conciliation, le débiteur est exposé à l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Une demande ouverte selon l’article R631-2 du code de commerce à la demande du procureur de la république, du débiteur lui même ou d’un créancier partie à l’accord. Les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés déduction faite des sommes perçues.

79 Cons. Const. , 22 juill. 2005, déc. N°2005-522 DC : LPA 4 août 2005, p. 14, note J.-E. SCHOETTI.

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Section 2 : Procédures postérieurs à la cessation de paiement C’est à partir de l’idée d’un débiteur malhonnête ou incapable de payer que devraient s’organiser toutes les procédures collectives.80 Avant, l’arrêt des paiements ne suffisait pas à identifier un état de cessation des paiements. La chambre commerciale a finalement défini cette notion ambiguë comme « l’impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible »81 A ce niveau là et loin de tout propos idéaliste, c’est l’entreprise qui prime, l’objectif étant la sauvegarde de l’emploi et la survie de l’entreprise. Le constat doit être réaliste, les créanciers viennent maintenant en dernier, du moins dans l’application qui a été faite de la loi par les tribunaux.82 Individuellement, chaque créancier a la faculté de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Toutefois, collectivement, ils n’ont pas une grande influence sur la destinée de l’entreprise. Les créanciers de l’entreprise peuvent se diviser en deux catégories à savoir les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture et les créanciers postérieurs au jugement d’ouverture. Les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture disposent de droits restreints, ce qui s’explique par la volonté de les empêcher de compromettre la sauvegarde ou le redressement de l’entreprise. Effectivement, la sauvegarde ou le redressement de l’entreprise se traduit logiquement par la poursuite de son activité. Pour ce qui est de la notion de créance antérieure, c’est sa date de naissance qui doit être prise en considération et non celle de son exigibilité. Les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture ont l’obligation de déclarer leurs créances. Une obligation qui se traduit par leur volonté d’obtenir le paiement du montant de leur créance. Cette déclaration de créance faite par un des créanciers prend en quelque sorte l’image d’une mise en demeure de payer adressée au débiteur. 80 L,Boy. , R.Guillaumond. , A.Jeammaud. , M, JEANTIN. , J.PAGES. , A.PIROVANO. Op. cit. p. 36 81 Cass. Com., 14 févr. 1978 : Bull. civ.IV, n°66. 82 Jean-Michel DAUNIZEAU. Les entreprises en difficulté, pratique bancaire et juridique. 1996. La revue Banque Editeur. P. 67

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Cette obligation de déclaration incombe selon l’article L622-24 al 1 du code de commerce à tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Il est à noter que les salariés qui bénéficient d’un régime de faveur n’ont pas l’obligation de déclarer leurs créances. L’auteur de la déclaration est le créancier lui même ou une tierce personne. Il peut s’agir du créancier du débiteur en difficulté, à savoir le créancier ou son représentant, un préposé du créancier, un mandataire du créancier. Dans le cas d’une tierce personne, il peut s’agit du tiers subrogé dans les droits du créanciers ou le créancier du conjoint in bonis communs en biens. La déclaration des créances est adressée au mandataire judiciaire (Article L622-24) dans le délai de deux mois (Article R622-24) à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. Ce délai est porté au double lorsque la personne est domiciliée hors de la France même si elle a domicile élu sur le territoire de la France. Le créancier qui ne déclare pas sa créance dans les délais prévus n’est pas admis dans les répartitions et les dividendes. Il lui est également interdit de participer aux distributions opérées dans le cadre de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. L’inobservation du délai fait donc exclure de plein droit le créancier de la procédure collective qui ne tirera aucun profit de l’admission de sa créance. Il est à noter que sa créance n’est pas éteinte en ce sens qu’il conserve la possibilité d’agir selon les règles du droit commun après la clôture de la procédure collective sous réserve du délai de prescription. Contrairement aux créanciers antérieurs au jugement d’ouverture, les créanciers postérieurs bénéficient d’un traitement privilégié. Ils ne sont pas soumis à l’obligation de déclaration et de vérification des créances. De plus, suite aux dispositions de l’article L622-17 du code de commerce les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation sont payées à leur échéance. Et lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, elles sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l’exception des créances garanties par le super-privilège des salaires et de celles garanties par le privilège des frais de justice.



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Les créances qui ne répondent pas aux conditions définies par l’article L622-17 sont soumises aux règles de droit commun. Ce privilège s’explique par la volonté d’assurer à l’entreprise du crédit. En effet, les créanciers de l’entreprise ne vont accepter d’aider celle-ci à se redresser que si ils ont les garanties nécessaires pour le paiement postérieurs des sommes accordées ce qui explique le privilège du droit des créances postérieurs sur les créances antérieurs. Cela suppose effectivement des atteintes aux droits des créanciers mais il est évident qu’une entreprise ne peut être redressée sans sacrifices des créanciers.83 Néanmoins, ce privilège comporte deux limites. Premièrement celle qui se rapporte aux créances salariales super privilégiées et les créances antérieures garanties par certaines sûretés réelles spéciales. Pour être mis en œuvre, ce droit de priorité doit répondre à trois conditions : -

La créance doit être née après le jugement d’ouverture. Il convient de retenir la date d’origine de la créance et non la date d’exigibilité.

-

Elle doit être née de manière régulière, dans le sens ou les créances nées irrégulièrement après le jugement sont considérées hors procédure. Leurs titulaires ne peuvent en obtenir le paiement qu’après désintéressement des créanciers de la procédure collective.84

-

Elle doit avoir une utilité pour la procédure. Ce critère a été imposé par la loi de sauvegarde de 2005. L’utilité s’apprécie compte tenu « des besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période »85

Des conséquences du droit de priorité découlent que le débiteur doit payer intégralement les créances postérieures sans que les créances n’aient à les déclarer. Contrairement aux créanciers antérieurs qui subissent le régime de la procédure collective, les créanciers postérieurs peuvent en cas d’impayé, exercer des

83 C.Saint-Alary-Houin, op.cit, p.45. 84 Cass. Com., 5 juill 2005, Lemoine c/ Sté Tangara : Bull civ. IV, n°152 ; D 2005, act. Jur. P.2146, obs. A. LIENHARD. 85 Article L622-17

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poursuites individuelles à l’encontre du débiteur ou du mandataire de justice en qualité.86 La liquidation judiciaire comme ultime issue des efforts de sauvegarde et de redressement judiciaire signe le constat d’un échec. Le but de ces procédures étant la poursuite de l’activité de l’entreprise le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. La réalité étant différente dans cette situation étant donné que l’entreprise n’existe plus, l’emploi n’est pas préservé et le passif n’est pas apuré en ce sens que les créanciers qui ne bénéficient d’aucune sûreté particulière ne vont recevoir qu’une partie de leurs créances ou même ne recevront rien. La liquidation rime avec l’arrêt de l’activité de l’entreprise. Toutefois, ce principe comporte des exceptions. En effet, selon l’article L641-10 du code de commerce si l’intérêt public ou celui des créanciers l’exige, l’activité de l’entreprise se poursuit temporairement. Le tribunal est tenu de motiver sa décision. Le maintien provisoire de l’activité peut aussi résulter selon l’article L643-1 d’un plan de cession totale ou partielle de l’entreprise. La procédure de liquidation judiciaire traque deux objectifs à savoir la réalisation de l’actif et l’apurement du passif. La réalisation de l’actif consiste dans le fait de procéder à la vente des biens de l’entreprise afin de posséder les sommes nécessaires permettant de procéder au paiement des créanciers. L’apurement du passif nous intéresse particulièrement étant donné qu’il permet de régler les créanciers de l’entreprise débitrice. A ce niveau de la procédure, la mission du liquidateur consiste principalement à réaliser les opérations nécessaires de liquidation afin de répartir le produit entre les créanciers selon leur ordre de classement. Il est important de noter que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues.87 Il s’agit du principe de la déchéance du terme.88 86 Cass. Com., 20 juin 1989 : Bull. civ. IV, n°196 ; RTD com.1990, p. 106, obs. 87 Article L643-1 88Le débiteur est déchu du terme lorsque, par son fait, il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou diminue celles qu’il avait données par le contrat à son créancier. Le lexique des termes juridiques. 2016-2017. Dalloz. Voir déchéance du terme p. 335.

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S’agissant du droit de poursuite individuelle, si le liquidateur n’a pas procéder à la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation judiciaire

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, les créanciers titulaires d’un privilège spécial, d’un

nantissement ou d’une hypothèque ainsi que le trésor public pour ces créances privilégiées conservent la possibilité d’exercer leur droit de poursuite individuelle. Les créanciers gagistes ont la possibilité de demander l’attribution judiciaire du gage de sorte à ne pas être devancés par les créanciers privilégiés. Il est évident que les créanciers qui n’ont pas procédés à la déclaration de leurs créances sont exclus de la répartition des dividendes. Toutefois, le juge commissaire peut selon l’article L641-4 décider de ne pas procéder à la vérification des créances chirographaires s’il apparaît que le produit de la réalisation de l’actif est entièrement absorbé par les frais de justice et les autres créances privilégiés. Dans ce cas, les créanciers ont la possibilité de mettre à la charge des dirigeants de l’entreprise tout ou partie du passif social à travers l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.90 Toutefois, il y a lieu de préciser la situation des salariés de l’entreprise en difficulté. Il est à noter que tout employeur est tenu d’assurer ses salariés contre le nonpaiement de leurs salaires en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. En droit français, la création de l’association pour la gestion du régime d’assurance des créances (AGS) permet aux salariés d’obtenir le paiement de leurs créances dans le cas d’ouverture d’une procédure collective. Cette assurance fait appel aux cotisations des employeurs pour son financement. 91 Cette assurance couvre trois types de créances salariales. Premièrement, les sommes dures aux salariés à la date d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Ensuite, les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d’observation, dans le mois suivant le 89 Article L643-2 al 2 « lorsque le tribunal a fixé un délai en application de l’article L.642-2, ces créanciers peuvent exercer leur droit de poursuite individuelle à l’expiration de ce délai, si aucune offre incluant ce bien n’a été présentée » 90 L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif consiste à faire supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif à ses dirigeants pour les fautes de gestion commises par ces derniers. 91 Aux termes de l’article L143-11-1 du code du travail, les employeurs assujettis au paiement es cotisations sont ceux « ayant la qualité de commerçant, d’artisan, d’agriculteur ou de personne morale de droit privé, occupant au moins un salarié… »

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jugement qui arrête le plan de sauvegarde ou de redressement, dans les quine jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l’activité autorisée par le jugement de liquidation judiciaire. Enfin, dans la limite d’un mois et demi de salaire et de trois fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, l’assurance porte sur les sommes dues en exécution des contrats de travail poursuivis. Qu’elles soient antérieures ou postérieures au jugement d’ouverture, les créances salariales sont assorties de privilèges en raison de leur caractère alimentaire.92 Enfin, pour ce qui est du classement et de l’ordre des créanciers, il varie selon qu’il s’agit de distribuer le prix d’un bien immeuble ou d’un meuble. S’agissant de la distribution du prix d’un bien immeuble, le classement s’opère de la manière suivante : -

le super privilège des salariés ;

-

les créances titulaires d’un privilège général sur les immeubles

-

les créanciers titulaires d’hypothèques et de privilèges spéciaux sur les immeubles

-

les créanciers des articles L6111-11, L622-17 et L641-13

-

les créanciers chirographaires

-

les créanciers titulaires de titres subordonnés

-

les prêteurs et titulaires de titres participatifs

La distribution du prix d’un bien immeuble s’opère suivant le classement suivant : -

le créancier exerçant un droit de rétention sur le meuble

-

le super privilège des salariés

-

les créanciers antérieurs avec sûreté mobilière spéciale

-

les créanciers des articles L611-11, L622-17 et L641-13

-

le privilège général des frais de justice et les privilèges généraux fiscaux

-

les privilèges mobiliers spéciaux sur le meuble vendu

-

les autres privilèges mobiliers généraux

-

les créanciers chirographaires

-

les créanciers titulaires de titres subordonnés

92 C.SOUWEINE, Les créances résultant du contrat de travail dans le redressement et la liquidation judiciaire : thèse Grenoble, 1992.

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-

les prêteurs et titulaires de titres participatifs

Les créanciers privilégiés qui ne perçoivent pas l’intégralité de leurs créances concourent avec les créanciers chirographaires. Ces derniers sont payés au marc le franc.



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Conclusion Le droit des entreprises en difficulté est une matière qui connaît dans la pratique des intérêts divergents à savoir financiers, économiques, sociaux, privés et publiques ou on retrouve également une opposition qui se manifeste par un conflit permanant entre l’entreprise débitrice et ses créanciers. Cette opposition concerne le plus souvent la liberté et l’intérêt de l’individu et de la collectivité. Parmi les objectifs que la loi 73-17 a cherché d’atteindre figure celui d’accorder un certain poids aux créanciers dans les décisions de l’entreprise en les impliquant dans le processus des procédures collectives. Cependant, dans une vision économique, il ne faut pas nier que la survie de l’entreprise permet de maintenir les emplois, et de faire en sorte que l’activité puisse être poursuivie ce qui va donc permettre aux créanciers d’être payées. Il est logique que si l’entreprise ne survit pas, elle ne disposera pas des fonds nécessaires pour procéder au paiement de ses créanciers. C’est la raison pour laquelle le législateur a décidé d’accorder aux créanciers un certain pouvoir de décision au cours des procédures de traitement des difficultés de l’entreprise. Il ne faut pas oublier que l’entreprise ne peut vivre en autarcie étant donné qu’elle s’enrichit pas les apports de ses principaux partenaires. L’esprit de la faillite est dépassé laissant la place à l’intérêt de la collectivité qui prime nécessairement sur les droits particuliers qu’il transcende, notamment ceux des créanciers.93 Ce qui est critiquable, que ce soit au niveau de la législation française ou marocaine est le fait de ne pas avoir essayé d’améliorer la situation des créanciers antérieurs au jugement d’ouverture qui sont toujours relégués sur le banc de touche. A la lecture des dispositions de la loi 73-17, il résulte que la volonté du législateur n’est pas de préserver les intérêts des créanciers mais de préserver celui de l’entreprise notamment avec l’institution de la procédure de sauvegarde et l’amélioration des dispositifs de prévention. Perdu entre la volonté de redresser l’entreprise et d’assurer la protection des créanciers, le législateur a tout de même réussi à améliorer leur condition juridique 93 Kaoutar BALBOUL, Youssef LAHJOUJI. Op.cit, p.87

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dans le but de regagner et de renforcer leur confiance ce qui permettra à l’entreprise d’obtenir les crédits nécessaires. Les intérêts divergents des différents acteurs de l’entreprise en difficulté nous conduisent à la question suivante : Le droit des entreprises en difficulté est-il prisonnier d’une démarche consistant à privilégier les intérêts de l’entreprise au détriment des créanciers ?





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bimestrielle. Juillet-août 2010. 7. G. Ripert, « Le droit de ne pas payer ses dettes », Dalloz Hebdomadaire 1936. 8. Kaoutar BALBOUL. Youssef LAHJOUIJI. Réflexions sur les droits des créanciers à la lumière de la loi 73-17 sur les entreprises en difficulté. 2019. Thèses : 1. Saida Bachlouch (2012). La prévention et le règlement amiable des difficultés de l’entreprise en droit comparé franco-marocain « Thèse de doctorat ». 2. C.SOUWEINE, Les créances résultant du contrat de travail dans le redressement et la liquidation judiciaire : thèse Grenoble, 1992. Colloques et rapports : 1. R.Houin. Rapport de synthèse. Colloque : Le nouveau droit des entreprises en difficulté. Toulouse 1986. 2. Rapport Ass. Nat n°2095, relatif à la loi de sauvegarde des entreprises n°2005845, 26 juill. 2005. Jurisprudence : Ø Jurisprudence marocaine : 1. Cour d’appel de Casablanca. Arrêt du 10 novembre 2000, dossier n°1270/2000/11. 2. Cour d’appel de commerce de Casablanca. Arrêt n°377/2002 du 15 février 2002. 3. Cour d’appel Commerciale de Casablanca. Décision n°9 du 28/10/1999. Dossier n°686-99-11.



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