Le risque chimique : Concepts-Méthodes-Pratiques
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SÉRIE

| CHIMIE

Guy Gautret de la Moricière

LE

RISQUE CHIMIQUE Concepts • Méthodes • Pratiques

LE RISQUE CHIMIQUE

N. MARGOSSIAN Le règlement REACH : La réglementation européenne sur les produits chimiques 288 p.

N. MARGOSSIAN Aide-mémoire du risque chimique 2e edition, 296 p.

E. KOLLER Dictionnaire encyclopédique du génie des procédés 520 p.

Guy Gautret de la Moricière

LE RISQUE CHIMIQUE Concepts • Méthodes • Pratiques

© Dunod, Paris, 2008 ISBN 978-2-10-053565-1

TABLE DES MATIÈRES

Table des matières Avant-propos 1 • Introduction

V VII 1

1.1

L’importance du risque chimique

1

1.2

Le principe de prévention

3

1.3

La méthode proposée

4

2 • Théorie du risque chimique

9

2.1

Notions générales

2.2

Caractéristiques du risque chimique

12

2.3

Le danger chimique

16

2.4

Processus chronique

60

2.5

Processus accidentel

70

2.6

Caractéristiques des méthodes existantes

107

2.7

La contribution du règlement REACH

113

2.8

Le principe de précaution

119

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

9

123

3.1

Les méthodes de repérage des risques

123

3.2

Identification des risques

130

3.3

Estimation des risques

142

3.4

Fixation des priorités d’action

159

4 • Pratique de la prévention des risques

161

4.1

Objectifs de prévention

161

4.2

Recherche des mesures possibles

162

4.3

Les familles de mesures

168

V

4.4

Choix des mesures

214

4.5

Application de la méthodologie aux autres risques

227

5 • Applications particulières

237

5.1

Stockage

237

5.2

Industrie chimique et pharmaceutique

253

5.3

Traitements de surface

267

5.4

Protection de l’environnement

276

6 • Étude de cas

295

6.1

Description du cas

295

6.2

Analyse des risques

296

6.3

Mesures de prévention

299

6.4

Conclusion

301

7 • Organisation de la démarche

303

7.1

Chronologie générale

303

7.2

Mise en place des moyens

304

7.3

Recensement des agents chimiques

305

7.4

Repérage des urgences

307

7.5

Application de la méthode

311

7.6

Adaptation au domaine d’activité de l’entreprise

312

8 • Annexes

315

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R »

315

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S »

320

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger

324

Annexe 4 – Niveaux de danger des agents chimiques

328

Annexe 5 – SGH – Classification

330

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions de danger selon le niveau de danger

336

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction

340

Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

345

Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives

351

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles

355

Annexe 11 – INRS – Liste des guides de ventilation

359

Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés qui rendent les déchets dangereux 360

VI

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

AVANT-PROPOS

Toute étude de risque n’a pour finalité que d’éviter les dommages aux personnes, aux biens et à l’environnement. En particulier, les accidents et maladies professionnels ne doivent pas être considérés comme une charge parmi d’autres, mais bien comme un dysfonctionnement. Cet ouvrage se veut un moyen d’acquérir une véritable efficacité dans la prévention des dommages d’origine chimique, à l’instar de ceux que l’on propose dans l’amélioration de la qualité ou de la productivité. Il est donc d’abord destiné aux chefs d’entreprises et à l’encadrement, mais aussi aux fonctionnels d’hygiène et de sécurité et à toute personne confrontée aux risques chimiques dans une démarche de prévention. Les dernières évolutions de la législation française, qui transcrivent les directives européennes, mettent en avant la démarche d’évaluation des risques avant toute mise en œuvre de mesures de prévention. L’application de cette démarche au risque chimique a souvent rebuté les entreprises et les services, en raison de son apparente complexité. Le risque chimique présente en effet des particularités qui justifient une approche et une recherche d’informations différentes par rapport aux autres risques. La première partie de ce guide s’attache à identifier ces particularités, pour ensuite proposer une méthode d’analyse adaptée, découlant d’un modèle original et universel du risque chimique. La deuxième partie est consacrée à la recherche et à la mise en place des mesures de prévention correspondantes, en s’appuyant largement sur des cas concrets. La mise en pratique efficace de cette méthode nécessite une organisation analogue à un projet, avec ses acteurs, ses étapes et ses moyens. Elle est détaillée dans la troisième partie, qui évoquera notamment la présélection des postes à plus grand risque. Comme tout outil d’une certaine technicité, cet ouvrage doit faire l’objet d’une appropriation par ses utilisateurs, ce qui signifie que les responsables doivent en adapter la complexité à la réalité de l’entreprise ou du service. Il n’est pas destiné de préférence aux grandes entreprises, comme on le croit parfois, car son utilisation n’exige en fait qu’une bonne organisation préalable. Cet effort est un véritable investissement susceptible de porter des fruits, au-delà même du domaine santé/sécurité. En outre, cet ouvrage montre que la méthode présentée ici est transposable à l’ensemble des risques, en commençant par ceux qui concernent l’environnement.

VII

1 • INTRODUCTION

Cet ouvrage veut établir une rationalisation de l’approche du risque chimique. Il expose d’abord une théorie, avec des concepts définis, des règles précises et surtout une logique de fonctionnement quasi universelle. Cette théorie est l’aboutissement de l’étude systématique des dommages d’origine chimique observés depuis que des enregistrements en sont faits. Elle apporte une réponse méthodologique aux principes généraux qui ont été développés ces dernières années par les spécialistes de la prévention des risques. Ces principes se retrouvent en particulier dans des directives européennes et des normes. La directive 98/24/CE concernant les risques liés aux « agents chimiques » en fait largement état, comme la norme internationale ISO 14121, qui vise l’estimation des risques dans le cas des équipements de travail. Cependant, la caractérisation du risque chimique manquait encore d’une méthode suffisamment rationnelle et détaillée pour en tirer des décisions sûres. Cet objectif s’est trouvé réalisé par l’élaboration du modèle présenté dans cet ouvrage et son exploitation.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

1.1 L’importance du risque chimique Le risque chimique est présent dans de nombreux domaines de la vie et ses conséquences néfastes peuvent être facilement constatées. Dans le domaine professionnel, la Sécurité sociale, comme ses homologues dans le monde, dispose d’abondantes statistiques. Elles sont collectées par les caisses régionales d’Assurance maladie, pour l’aider dans ses missions de prévention et de réparation des atteintes à la santé. Les chiffres donnent un ordre de grandeur du problème de la santé et de la sécurité au travail, sachant que leur validité est tributaire d’une part de la discipline de déclaration des sinistres, d’autre part de la bonne codification de ceux-ci lors de la saisie. Le tableau ci-après donne quelques repères très généraux. Les accidents de nature chimique sont assez mal définis dans le système de codage de la CNAMTS (Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés), puisqu’il faut les chercher dans trois groupes d’éléments matériels ainsi libellés : – appareils ou ustensiles mettant en œuvre des produits chauds, fours, étuves, appareils de cuisson, etc. ; – appareils ou ustensiles mettant en œuvre des produits caustiques, corrosifs, toxiques ; – vapeurs, gaz et poussières délétères. 1

1 • Introduction

1.1 L’importance du risque chimique

Statistiques de la CNAMTSa Tous types Accidents du travail (avec arrêt) en 2006

Origine chimique

Totaux

Mortels

Totaux

Mortels

700 772

537

5 625

9

Maladies professionnelles (avec arrêt)

Tous types

Moyenne annuelle sur 2004-2006

Origine chimique

Totales

Mortelles

Totales

Mortelles

40 175

514

8 118

484

a. Ces statistiques sont disponibles sur le site Internet www.risquesprofessionnels.ameli.fr.

Ils sont finalement assez rares, du moins en proportion. L’exploitation de ces statistiques n’est guère possible puisque 77 % des causes sont codées « non précisé » ou « non classé ». Les résultats sur les maladies professionnelles reconnues sont rattachés à des tableaux1. – Sur les 112 tableaux en vigueur, 78 ont un agent causal chimique, mais seuls 60 sont encore utilisés. – Une pathologie représente près de 70 % du total tous tableaux ; c’est celle des affections périarticulaires (tableau n˚ 57). – Un agent causal représente près de 80 % du total chimique ; c’est l’amiante (tableaux n˚ 30 et 30 bis). – Le reste des MP concerne les allergies de contact ou respiratoires et les poussières de silice, ciment et bois pour environ 15 %, suivies par 50 tableaux différents qui ne représentent que 5 % des MP. Dans le domaine de la vie courante, les statistiques disponibles ne sont pas si précises. Mais l’ampleur de ces accidents, survenant au domicile, au cours de sports ou de loisirs et dans le cadre scolaire, est sans commune mesure avec celle du domaine professionnel, puisqu’en 1998 on a dénombré plus de 18 000 accidents mortels, qui se répartissent ainsi : Tranche d’âge (ans)

60 ˚C et = 93 ˚C

2.7

2

Vitesse et durée de combustion

2.8

5

Aptitude à l’explosion (7 types)

2.9

1

Sans objet

2.10

1

Sans objet

2.11

2

Réaction à la chaleur d’un échantillon en masse

2.12

3

Débit de dégagement gazeux

2.13

3

Vitesse de combustion en présence de cellulose

2.14

3

Durée de combustion en présence de cellulose

2.15

5

Aptitude à l’explosion (7 types)

2.16

1

Sans objet

3.1

5

Dose ou concentration létale (DL50, CL50) par différentes voies ou estimation de toxicité aiguë (ETA) pour les mélanges (voir ci-dessous)

Critères généraux

1. Le texte des différents chapitres de ce règlement est téléchargeable à partir de l’adresse Internet : http://www.unece.org/trans/danger/publi/ghs/ghs_rev01/01files_f.html

27

2 • Théorie du risque chimique

Classe de danger

Critères généraux

2

1 catégorie de corrosifs (1), avec 3 sous-catégories (1A, 1B, 1C) et 1 catégorie d’irritants (2), d’après : – des études sur l’homme – des études sur l’animal – la structure chimique du produit – le pH en solution Pour les mélanges, on peut utiliser des critères de concentration

3.3

3

Le choix des 3 catégories (1 de corrosifs et 2 d’irritants) est fait, selon le cas, d’après : – des études sur l’homme – des études sur l’animal – la structure chimique du produit – le pH en solution Pour les mélanges, on peut utiliser des critères de concentration

3.4

1

Sans objet. Pour les mélanges, concentration des composants actifs.

3.5

3

3.6

3

3.7

4

Le choix des 3 catégories (1A, 1B, 2) est fait à partir d’études disponibles chez l’homme et l’animal, à dire d’expert. Pour les mélanges, on tient compte de la concentration des composants actifs. Une catégorie spéciale vise les effets via l’allaitement.

3.2

3

Le choix des 3 catégories est fait à partir d’études disponibles chez l’homme et l’animal, à dire d’expert. On s’appuie aussi sur les doses/ concentrations à effet toxique non létal. Pour les mélanges, on tient compte de la concentration des composants actifs.

3.9

2

Le choix des 2 catégories est fait à partir d’études disponibles chez l’homme et l’animal, à dire d’expert. On s’appuie aussi sur les doses/ concentrations minimales à effet toxique observable. Pour les mélanges, on tient compte de la concentration des composants actifs.

3.10

2

Études de toxicité sur l’homme et l’animal et viscosité dynamique. Pour les mélanges, on tient compte de la composition et de la viscosité.

4.1

3/4

3.8

28

Nombre de catégories

2.3 Le danger chimique

3 catégories pour la toxicité aiguë et 4 pour la toxicité chronique, à partir des CL50. 2 catégories sans pictogramme.

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

m Étiquetage

Les règles d’étiquetage se trouvent détaillées dans les annexes du règlement SGH. En résumé, une étiquette doit comporter les éléments suivants :

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Mention d’avertissement : Il s’agit d’un mot, soit « DANGER » pour un danger principal, soit « ATTENTION » pour les dangers moins graves, ou aucun mot. La mention danger sera attribuée par exemple aux catégories 1, mais une catégorie 2 pourra mentionner « danger » ou « attention » selon la classe considérée. Mention de danger : Une mention de danger est une phrase qui, attribuée à une classe de dangers ou à une catégorie de dangers, décrit la nature du danger que présente un produit chimique et, lorsqu’il y a lieu, le degré de ce danger. Les mentions de danger rappellent évidemment les phrases de risque de la réglementation travail, qui sont repérées par des codes R suivis d’un nombre. De même, les mentions de danger sont repérées par des codes, dont la liste a été établie par un amendement au SGH du 24 janvier 20071. Les 71 codes se répartissent comme suit : – Dangers physiques : 29 codes – Dangers pour la santé : 35 codes – Dangers pour l’environnement : 7 codes La liste complète des codes de mentions de dangers est reproduite en annexe 5. Ils sont destinés à être utilisés à des fins de référence. Ils ne font pas partie du texte de la mention de danger et ne devraient pas être utilisés en lieu et place de celui-ci. Un code alphanumérique unique est affecté à chaque mention de danger ; ce code est constitué d’une lettre et de trois chiffres, comme suit : – la lettre « H » (pour « hazard statement ») ; – un chiffre désignant le type de danger auquel la mention de danger est affectée en suivant la numérotation des différentes parties du SGH, comme suit : • « 2 » pour les dangers physiques ; • « 3 » pour les dangers pour la santé ; • « 4 » pour les dangers pour l’environnement ; – deux chiffres correspondant à la numérotation séquentielle des dangers liés aux propriétés intrinsèques de la matière, comme l’explosibilité (codes 200 à 210), l’inflammabilité (codes 220 à 230), etc. Pictogrammes de mise en garde : Leur fonction est de transmettre une information sur la nature du danger, visuellement, sans lecture nécessaire. Il y a 9 symboles possibles, rassemblés dans le tableau suivant :

1. Amendements au Système Général Harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (annexe 3, section1), disponible sur http://www.unece.org/trans/doc/2007/ac10/ST-SG-AC10-34a3f.pdf.

29

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Figure 2.6 – Symboles de danger du SGH

On reconnaît certains symboles identiques ou presque à ceux des réglementations travail ou transport, mais deux nouveaux symboles apparaissent, en remplacement de la « croix de Saint-André », réservée aux dangers « irritant » et « nocif » et effectivement peu évocatrice. Le symbole de danger est toujours placé à l’intérieur d’un carré posé sur la pointe, en fait un losange, comme dans la réglementation transport. Les symboles doivent être noirs et le losange représenté par un cadre rouge. Exemple :

Figure 2.7

Toutefois, le SGH précise que ces pictogrammes ne s’appliquent pas au domaine du transport des matières dangereuses, pour lequel reste en vigueur le règlement type de l’ONU. Même s’ils sont d’aspect très voisin, ils n’en sont pas moins différents, ce qui peut conduire à trouver sur un même emballage, par exemple pour une matière inflammable, les deux pictogrammes suivants : 30

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Figure 2.8

Lorsque l’on connaît la classe et la catégorie de danger d’un produit, il suffit de se reporter à l’annexe 2 du règlement pour trouver le pictogramme à mettre sur l’étiquette. Conseils de prudence : Un conseil de prudence est une phrase décrivant les mesures recommandées qu’il y a lieu de prendre pour réduire au minimum ou prévenir les effets nocifs découlant d’une exposition. Le choix de ces conseils est laissé à l’appréciation du responsable de l’étiquetage ou à l’autorité compétente. EXEMPLES :

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Garder le récipient hermétiquement fermé. Ne pas respirer les vapeurs. Porter des gants de protection. En cas d’incendie, ne pas utiliser d’eau.

L’annexe n˚ 3 du SGH propose une liste de conseils de prudence adaptés à chacune des classes de dangers. Ces phrases rappellent les conseils de prudence (« S ») de la réglementation travail et elles possèdent aussi un code alphanumérique unique. Ce code est constitué d’une lettre et de trois chiffres, comme suit : – la lettre « P » (pour « precautionary statement ») ; – un chiffre désignant le type de conseil de prudence, comme suit : • « 1 » pour les conseils de prudence généraux, • « 2 » pour les conseils de prudence concernant la prévention, • « 3 » pour les conseils de prudence concernant l’intervention, • « 4 » pour les conseils de prudence concernant le stockage, • « 5 » pour les conseils de prudence concernant l’élimination ; – deux chiffres correspondant à la numérotation séquentielle des conseils de prudence. Les codes des conseils de prudence sont destinés à être utilisés à des fins de référence et ne font pas partie du texte des conseils de prudence et ils ne devraient pas être utilisés en lieu et place de celui-ci. Identification du produit : L’étiquette devrait révéler l’identité chimique d’un produit simple, ou, pour un mélange, l’identité chimique des composants qui présentent un danger critique, à savoir : toxicité aiguë ; corrosion de la peau, lésions oculaires graves, pouvoir mutagène, cancérogène ou repro-toxique, sensibilisation cutanée ou respiratoire, 31

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

toxicité systémique sur organes cibles. Toutefois, les règles qui protègent les informations commerciales confidentielles sont prioritaires par rapport à celles qui concernent l’identité chimique. Identité du fournisseur : Le nom, l’adresse et le numéro de téléphone du fabricant ou du fournisseur du produit devraient figurer sur l’étiquette. 2.3.4 Les dangers selon le règlement REACH

Selon ce règlement, les fabricants ou importateurs qui veulent mettre sur le marché une substance ou une préparation sont tenus de l’enregistrer auprès de l’agence désignée en fournissant un dossier d’évaluation. Ce dossier doit comprendre les éléments suivants, conformément aux sections correspondantes de l’annexe I : – une évaluation des dangers pour la santé humaine ; – une évaluation des dangers que constituent les propriétés physico-chimiques pour la santé humaine ; – une évaluation des dangers pour l’environnement ; – une évaluation des produits persistants, bioaccumulables et toxiques (PBT pour Persistent Bioaccumulative Toxic) et des très persistants et très bioaccumulables (vPvB, pour very Persistent very Bioaccumulative). Pour la santé humaine, l’évaluation des dangers a pour objet : – de déterminer la classification et l’étiquetage d’une substance, conformément à la directive 67/548/CEE ; – d’établir le niveau maximum d’exposition à la substance auquel l’être humain peut être soumis. Ce niveau d’exposition est appelé niveau dérivé sans effet (DNEL pour Derived No Effect Level). Nous voyons que le règlement REACH ne change pas la classification actuelle et semble ignorer le SGH. Par contre, il systématise la fourniture de VLEP, appelée donc DNEL et fixée par intégration des données humaines et non humaines pertinentes disponibles. Toutes les données non humaines qui sont utilisées pour évaluer un effet particulier sur l’être humain et pour établir la relation dose (concentration) – réponse (effet) feront l’objet d’une présentation succincte avec une distinction entre données in vitro, données in vivo et autres données. Le dossier d’évaluation présentera les résultats pertinents des essais (par exemple DL50, NO (A) EL, No-Observed-Adverse-Effect Level, ou LO (A) EL, Lowest-ObservedAdverse-Effect Level) et les conditions des essais (par exemple la durée des essais ou la voie d’administration), ainsi que d’autres informations à prendre en considération. Si plusieurs voies d’exposition sont probables, une DNEL est établie pour chacune d’elles et pour l’ensemble des voies d’exposition considérées globalement. Remarquons au passage la volonté de limiter les essais sur animaux, déjà exprimée dans le SGH. En effet, si la fourniture d’informations supplémentaires est indispensable et qu’elle nécessite des essais portant sur des animaux vertébrés, le déclarant présente une proposition d’essai. Cependant, il n’y a pas lieu de fournir de telles informations supplémentaires si le déclarant met en œuvre ou recommande des mesures de gestion des risques et des conditions d’exploitation suffisantes qui, 32

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2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

conformément à l’annexe XI, section 3, exemptent des essais concernant l’évaluation PBT et vPvB. Lors de l’établissement de la DNEL, il est notamment tenu compte des facteurs suivants : – l’incertitude résultant, entre autres, de la variabilité des informations expérimentales et des variations intraspécifiques et interspécifiques ; – la nature et la gravité de l’effet ; – la sensibilité de la population humaine particulière à laquelle se rapportent les informations quantitatives et/ou qualitatives sur l’exposition. S’il n’est pas possible d’établir une DNEL, cette impossibilité doit être clairement indiquée et dûment justifiée. Pour certains effets, en particulier la mutagénicité et la carcinogénicité, les informations disponibles ne permettent pas d’établir un seuil et, par conséquent, une DNEL. Lors de l’évaluation des dangers pour la santé humaine sont pris en considération : le profil toxicocinétique (c’est-à-dire absorption, métabolisme, distribution, et élimination) de la substance et les groupes d’effets suivants : – effets aigus (toxicité aiguë, irritation et corrosivité) ; – sensibilisation ; – toxicité par administration répétée ; – effets CMR (carcinogénicité, mutagénicité et toxicité pour la reproduction). Les processus accidentel et chronique sont bien tous deux pris en compte. Pour les dangers découlant des propriétés physico-chimiques, l’évaluation a aussi pour objet de déterminer la classification et l’étiquetage d’une substance, conformément à la directive 67/548/CEE. Sont évalués au minimum les effets potentiels sur la santé humaine des propriétés physico-chimiques suivantes : – explosibilité ; – inflammabilité ; – pouvoir oxydant. Pour l’environnement, l’évaluation des dangers a pour objectif de déterminer la classification et l’étiquetage d’une substance, conformément à la directive 67/548/ CEE, et d’identifier la concentration de la substance au-dessous de laquelle il ne devrait pas y avoir d’effets nocifs dans le milieu environnemental en cause. Cette concentration est appelée concentration prédite sans effet (PNEC, pour Predicted No Effect Concentration). Sur la base des informations disponibles, la PNEC est établie pour chaque milieu environnemental. Elle peut être calculée par l’application d’un facteur d’évaluation approprié aux valeurs des effets (par exemple CL50 ou NOEC). Un facteur d’évaluation exprime l’écart entre les valeurs d’effets établies pour un nombre limité d’espèces, à partir d’essais de laboratoire, d’une part, et de la PNEC identifiée pour le milieu environnemental, d’autre part. S’il n’est pas possible d’établir la PNEC, cette impossibilité est clairement indiquée et dûment justifiée. Ainsi, le règlement REACH crée l’obligation de fixer des valeurs limites d’exposition aussi bien pour l’homme que pour l’environnement, sauf impossibilité démontrée. Nous verrons que cela facilite grandement la fixation de niveaux de danger. 33

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

2.3.5 Le niveau de danger

Le danger d’un agent chimique à l’origine d’une exposition ou d’une situation dangereuse est un des paramètres fondamentaux pour situer l’importance du risque. Si le terme de danger qualifie le type de dommage que peut provoquer un agent chimique, le niveau de danger quantifie la gravité de ce dommage sur une certaine échelle. Il est parfois appelé « dangerosité ». Le choix du terme « niveau » permet d’éviter toute confusion dans l’interprétation du chiffre qui l’exprime. Il est ainsi évident qu’un niveau 2 est au-dessus d’un niveau 1. Nous verrons que ce n’est pas le cas d’autres terminologies utilisées, comme « classe », « catégorie » ou « groupe ». Le niveau de danger intervient différemment dans l’estimation du risque selon que le processus est chronique ou accidentel. Le choix d’une échelle et les critères d’attribution des échelons constituent un sujet complexe, relevant de la toxicologie, qui a été traité par différents auteurs et différentes réglementations. Son importance dans l’estimation du risque chimique mérite un examen détaillé, en fonction de deux processus. m Le niveau de danger dans le processus chronique

Dans le processus chronique, le niveau de danger détermine directement l’importance du risque avec le niveau d’exposition. C’est pourquoi de nombreux auteurs ont essayé de classer les produits chimiques sur des échelles de danger. Certaines sont utilisées dans les grandes entreprises de l’industrie chimique et pharmaceutique. Plusieurs approches sont possibles, mais le classement est toujours un problème de toxicologie. Pour les substances, on dispose souvent de données toxicologiques telles que la DL50 ou la CL50, c’est-à-dire les doses ou concentrations létales qui provoquent la mort de 50 % des animaux soumis aux expositions de produit. Elles sont réalisées suivant les cas par voie orale, respiratoire ou cutanée. Il est clair que le but de tels tests est essentiellement de déterminer la toxicité aiguë, qui nous sera utile dans le processus accidentel. Heureusement il existe une donnée toxicologique importante pour le processus chronique. m Les valeurs limites d’exposition professionnelle

Pour les substances les plus courantes mises sur le marché, il existe des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP), réparties en deux catégories réglementaires. Les valeurs contraignantes sont à respecter strictement et les valeurs indicatives ne constituent qu’un objectif de prévention. Elles permettent toutes deux de bien situer le niveau de danger, car plus cette valeur limite est basse, plus la substance est dangereuse. Les VLEP sont définies soit par une moyenne sur 8 heures de travail, c’est la VME, soit par valeur limite sur 15 minutes, c’est la VLE. Une liste complète figure dans la brochure de l’INRS ED 9841. Cependant, l’actualité réglementaire évolue vite ; elle vient de s’enrichir d’un décret2 pour les valeurs 1. Valeurs limites d’exposition professionnelle aux agents chimiques en France, ED 984, INRS. 2. Décret n˚ 2007-1539 du 26 octobre 2007 fixant des valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes pour certains agents chimiques (JO du 28 octobre 2007).

34

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

contraignantes et d’un arrêté1 pour les valeurs indicatives. À ce jour, il existe 63 agents chimiques affectés d’une VLEP contraignante, listés en annexe 8, et 43 agents chimiques affectés d’une VLEP indicative, listés en annexe 9. Il est donc intéressant de les exploiter directement pour fixer les niveaux de danger utilisables en exposition chronique. Voici deux exemples de cette démarche qui ont été publiés. Le premier exemple est extrait d’une recommandation de l’INRS concernant l’activité du traitement de surface (ED 651). Il y est exposé, en résumé, que chaque bain de traitement se caractérise par un niveau global de risque qui est la combinaison de deux paramètres : l’indice d’émissivité et l’indice de toxicité. Remarquons la parfaite cohérence de ces indices avec, respectivement, le niveau d’exposition et le niveau de danger. L’indice de toxicité est attribué aux substances émises selon le tableau suivant : Valeurs limites

Indice de toxicité

Gaz – vapeurs (ppm)

Aérosols (mg/m3)

A

< 10

< 0,1

B

10 à 10

0,1 à 1

C

100 à 500

1 à 10

D

> 500

> 10

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Le second exemple est extrait de la note documentaire ND 2233 de l’INRS2, qui propose une méthodologie simplifiée de l’évaluation des risques. Il y est proposé de répartir les dangers en classes de 1 à 5 en fonction des phrases de risque ou des VLEP. Voici ce qui concerne les VLEP : Classe de danger

VLEP (mg/m3)

1

> 100

2

10 à 100

3

1 à 10

4

0,1 à 1

5

< 0,1

1. Arrêté du 26 octobre 2007 modifiant l’arrêté du 30 juin 2004 modifié, établissant la liste des valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives (JO du 28 octobre 2007). 2. Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

35

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

C’est ce tableau qui a permis d’établir les niveaux de danger des agents chimiques non étiquetables, parce que générés par l’activité et non mis sur le marché. Notons que ce tableau pourrait être remplacé par la fonction (continue) : Classe = log (1 000/VLEP) + 1 Encore faut-il disposer de VLEP. On en compte environ 520 aujourd’hui, indicatives ou réglementaires, que l’on peut retrouver dans la brochure de l’INRS déjà citée. Cependant, dans le cas d’une substance sans VLEP mais dont la CL50 est connue, il est possible d’évaluer une sorte de VLEP théorique. Pour plus de détails, se référer à notre précédent ouvrage sur le sujet1. Dans le domaine des principes actifs pharmaceutiques, il n’existe pas de VLEP officielle, mais une autre valeur repère est généralement disponible : c’est le « NOAEL » ou dose sans effets indésirables observés. Il est utilisé pour déterminer une VLEP pratique selon la formule : VLEP = NOAEL (mg/kg) ¥ Pc/k Pc est le poids corporel et k un facteur de sécurité pouvant varier de 100 à 10 000 en fonction de la nature du produit et des effets attendus ou constatés en phase clinique. Une publication de la CRAMIF2, fruit d’un accord avec l’industrie pharmaceutique, propose une échelle de danger basée sur des plages de VLEP : Plages en ìg/m3 (microgrammes par m3)

Classes 5

35 ˚C

III

≥ 23 ˚C et £ 61 ˚C

> 35 ˚C

Les différences portent sur les limites de point d’éclair : 23 et 61 au lieu de 21 et 55 dans le Code du travail. D’autre part, le groupe I ne tient pas compte du point d’éclair. Toxicité aiguë par inhalation : Les liquides dégageant des vapeurs toxiques (classe 6.1) doivent être classés dans les groupes suivants, la lettre « V » représentant la concentration (en ml/m3 d’air) de vapeur (volatilité) dans l’air à 20 ˚C et à la pression atmosphérique normale Vapeurs

Groupe d’emballage

Très toxiques

I

Si V ≥ 10 CL50 et CL50 £ 1 000 ml/m3

Toxiques

II

Si V ≥ CL50 et CL50 £ 3 000 ml/m3 et si les critères pour le groupe d’emballage I ne sont pas satisfaits

Faiblement toxiques

III

Si V ≥ 1/5 CL50 et CL50 £ 5 000 ml/m3 et si les critères pour les groupes d’emballage I et II ne sont pas satisfaits

Critères

NOTE :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Ces critères de toxicité à l’inhalation de vapeurs ont pour base les données sur la CL50 pour une exposition d’une heure, et ces renseignements doivent être utilisés lorsqu’ils sont disponibles. Cependant, lorsque seules les données sur la CL50 pour une exposition de 4 heures aux vapeurs sont disponibles, les valeurs correspondantes peuvent être multipliées par deux et le résultat substitué aux critères ci-dessus, c’est-à-dire que la double valeur de la CL50 (4 heures) est considérée comme l’équivalent de la valeur de la CL50 (1 heure).

Pour comparer, il faut ramener les CL50 (4 heures) indiquées dans le Code du travail à leur équivalent (1 heure). D’autre part, il faut ramener les concentrations en mg/l à leur équivalent en ml/m3, ce qui dépend évidemment de la masse molaire de la substance en question. Prenons l’exemple de substances ayant des masses molaires de 50 et 200 : Nocif/III Travail

Toxique/II

Très toxique/I

CL50 (1 h) en ml/m3

Masse molaire = 50

CL50 (1 h) < 20 000

CL50 (1h) < 2 000

CL50 (1 h) < 500

Masse molaire = 200

CL50 (1 h) < 5 000

CL50 (1 h) < 500

CL50 (1 h) < 125

< 5 000

< 3 000

< 1 000

Transport

49

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Les différences sont sensibles, sans même tenir compte de la volatilité, mais les groupes I et II ont des critères plus sévères que ceux du Code du travail qui leur correspondent. En conclusion, il ne nous semble pas réaliste de pouvoir tirer une échelle de niveaux à partir de cette réglementation, mais une consultation du classement sera toujours utile pour affiner, au cas par cas, le choix final adopté pour l’estimation du risque accidentel. m Processus accidentel dans le SGH

Les dangers correspondant à des risques accidentels sont soit dans le tableau des dangers physiques, soit dans celui des dangers pour la santé, quand ils sont susceptibles d’être impliqués dans des expositions massives. Pour le premier groupe, il y a 16 classes de dangers, dont le nombre de catégories varie de 1 à 7. Trois familles de dangers physico-chimiques peuvent être identifiées : Les explosifs : Ils sont réunis dans la classe 2.1. Si l’on élimine les explosifs par destination et les matières pyrotechniques, il n’y a que 5 catégories, avec 7 mentions de danger en ajoutant le H240 (risque d’explosion en cas d’échauffement) et le H280 (contient un gaz sous pression ; peut exploser sous l’effet de la chaleur), que nous répartirons logiquement sur les niveaux de danger de 3 à 5, sachant qu’on ne les rencontrera normalement que dans la chimie fine ou des établissements faisant l’objet de réglementations spécifiques, notamment Seveso II. Les réactifs : Sous cette appellation, nous réunissons les matières autoréactives et auto-échauffantes (classes 2.8 et 2.11), les comburants (classes 2.4, 2.13, 2.14 et 2.15) et les corrosifs (classe 2.16). Cet ensemble est reconnaissable par 9 mentions de danger, à placer sur 3 niveaux de danger. Les inflammables : C’est le groupe le plus fourni, avec les classes 2.2, 2.3, 2.6, 2.7, 2.9, 2.10 et 2.12. Ce type de danger est beaucoup plus détaillé ici que dans le Code du travail, notamment en ce qui concerne les gaz, du fait que les dangers physiques proviennent en grande partie du règlement du Transport des matières dangereuses. Il existe un choix de 12 codes de mention de danger, que l’on répartit en 3 niveaux, sauf pour les liquides pour lesquels existent 4 catégories de dangers : Critères de classification des liquides inflammables (classe 2.6) Catégorie

50

Critères

1

Le point d’éclair est < 23 ˚C et le point initial d’ébullition est £ 35 ˚C

2

Le point d’éclair est < 23 ˚C et le point initial d’ébullition est > 35 ˚C

3

Le point d’éclair est ≥ 23 ˚C et £ 60 ˚C

4

Le point d’éclair est > 60 ˚C et £ 93 ˚C

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Le SGH se distingue par un niveau supplémentaire (code H227, liquides combustibles) et des limites de point d’éclair différentes. Là aussi, il faudra se souvenir que la catégorie 1 correspond au plus haut niveau de danger. Il faut ajouter à cette liste une mention d’un danger particulier, n’existant pas en phrase de risque mais bien réel : « contient un gaz réfrigéré ; peut causer des brûlures ou blessures cryogéniques » (H281). Pour l’ensemble des dangers physico-chimiques, un niveau de danger a été attribué à chaque code de mention de danger. Une liste de ces codes, classée par niveau de danger, figure en annexe 6. Le deuxième groupe de danger à prendre en compte dans le risque accidentel comprend les toxiques aigus (classe 3.1), les corrosifs-irritants (classes 3.2 et 3.3) et le danger par aspiration (classe 3.10). On peut à la limite ajouter les toxiques systémiques en cas d’exposition unique (classe 3.8). Ces classes comportent de 2 à 5 catégories et couvrent 21 mentions de danger, dont une partie est commune avec les dangers d’exposition chronique. Examinons plus particulièrement le danger de toxicité aiguë. Les produits chimiques peuvent être classés dans une des cinq catégories de toxicité aiguë par voie orale ou cutanée ou par inhalation selon des valeurs seuils, comme le montre le tableau ci-dessous. Les valeurs de toxicité aiguë sont exprimées en valeurs d’estimation de la DL50 (orale, cutanée) ou CL50 (inhalation). Catégories de danger de toxicité aiguë définissant les différentes voies d’exposition : Catégorie

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Voie d’exposition

1

2

3

4

Orale (mg/kg de poids corporel)

5

50

300

2 000

Cutanée (mg/kg de poids corporel)

50

200

1 000

2 000

Gaz (ppmV)

100

500

2 500

5 000

Vapeurs (mg/l)

0,5

2,0

10,0

20,0

Poussières et brouillards (mg/l)

0,05

0,5

1,0

5,0

5 5 000

Voir critères détaillés en note b)

NOTE :

a) La concentration des gaz est exprimée en parties par million de volume (ppmV). b) Les critères pour la catégorie 5 sont destinés à l’identification de substances dont la toxicité aiguë est relativement faible mais qui peuvent, sous certaines conditions, être dangereuses pour des populations vulnérables. Les DL50 orale et cutanée de ces substances se situent dans l’intervalle 2 000-5 000 mg/kg ou, par inhalation, à des doses équivalentes.

Nous voyons que les seuils sont différents de ceux qu’utilise la classification actuelle. Par exemple, pour l’ingestion, la limite de DL50 pour « très toxique » (R28) est de 25 mg/kg, soit entre les catégories 1 et 2, et la limite pour « toxique » (R25) est de 200 mg/kg, soit entre les catégories 2 et 3. 51

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Pour la détermination de la toxicité aiguë, comme pour certaines autres données toxicologiques, on se réfère à des essais sur des animaux de laboratoire (rats, souris, lapins, etc.). Notons que les expérimentateurs devront s’efforcer, dans le choix de leurs méthodes, de respecter la protection et le bien-être des animaux. Le SGH rappelle à plusieurs endroits que : « les essais sur animaux de substances classées en catégorie 5 doivent être découragés pour des raisons de protection des animaux. De tels essais ne sont envisageables que lorsqu’il y a une forte probabilité que les résultats apporteront des éléments d’information importants pour la protection de la santé humaine. » Cette précaution est aussi prescrite par le règlement REACH, dont les « considérants » précisent par exemple : « … il est nécessaire de remplacer, de réduire ou d’affiner les essais sur les animaux vertébrés. La mise en œuvre du présent règlement devrait chaque fois que possible reposer sur le recours à des méthodes d’essai de remplacement adaptées à l’évaluation des dangers présentés par les substances chimiques pour la santé et pour l’environnement… La Commission et l’Agence devraient veiller à ce que la réduction des expériences sur animaux constitue un élément clé du développement et de l’actualisation des orientations destinées aux parties concernées ainsi que dans les procédures de l’Agence. » Pour classer les mélanges, il faut soit appliquer les critères des substances aux mélanges, dans la mesure où l’on dispose des données nécessaires, soit procéder par calcul à partir des données de chaque composant. Dans ce cas, l’estimation de toxicité aiguë (ETA) orale, cutanée ou par inhalation du mélange est calculée à partir des valeurs d’ETA des composants à prendre en compte, à l’aide de la formule ci-dessous : 100 ------------------ = ETA mél

Ci

------------∑n ETA i

où : Ci : est la concentration du composant i ; n : est le nombre de composants et i va de 1 à n ; ETAi : est l’estimation de toxicité aiguë du composant i. En conclusion, pour fixer une échelle de danger de toxicité aiguë, on peut proposer une répartition des codes de danger correspondant aux 5 classes citées plus haut sur quatre niveaux :

Code

52

Mentions de danger pour la santé

Cat. de danger

Équivalence Code du travail

Niveau de danger

H300

Mortel en cas d’ingestion

1, 2

R28 R39/28

5

H301

Toxique en cas d’ingestion

3

R25 R39/25

4

2 • Théorie du risque chimique

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Code

Mentions de danger pour la santé

2.3 Le danger chimique

Cat. de danger

Équivalence Code du travail

Niveau de danger

H302

Nocif en cas d’ingestion

4

R22 R68/22

3

H303

Peut être nocif en cas d’ingestion

5

R22

2

H304

Peut être mortel en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires

1

R23/25 R39/23/25

5

H305

Peut être nocif en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires

2

R20/22

3

H310

Mortel par contact cutané

1, 2

R27 R39/27

5

H311

Toxique par contact cutané

3

R24 R39/24

4

H312

Nocif par contact cutané

4

R21 R68/21

3

H313

Peut être nocif par contact cutané

5

R21

2

H314

Provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves

1A, 1B, 1C

R35, R34 R41

4

H315

Provoque une irritation cutanée

2

R38

3

H316

Provoque une légère irritation cutanée

3

R38

2

H318

Provoque des lésions oculaires graves

1

R41

4

H319

Provoque une sévère irritation des yeux

2A

R36

3

H320

Provoque une irritation des yeux

2B

R36

2

H330

Mortel par inhalation

1, 2

R26 R39/26

5

H331

Toxique par inhalation

3

R23 R39/23

4

H332

Nocif par inhalation

4

R20 R68/20

3

H333

Peut être nocif par inhalation

5

R20

2

H335

Peut irriter les voies respiratoires

3

R37

2

53

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Mentions de danger pour la santé

Cat. de danger

Équivalence Code du travail

Niveau de danger

H336

Peut provoquer somnolence et des vertiges

3

R67

3

H370

Risque avéré d’effets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus)

1

R39 R39/23/24/25

5

H371

Risque présumé d’effets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus)

2

R23/24/25 R68/20/21/22

4

Code

Cette liste est évidemment indicative, car tout agent chimique présent en quantité ou concentration importante, quel que soit son étiquetage, peut générer un risque d’accident. C’est pourquoi, dans l’estimation de la gravité et de la probabilité d’un risque accidentel lié à une exposition massive, on s’appuiera sur la liste complète figurant dans l’annexe 6. 2.3.6 Les familles de dangers

La réglementation du travail propose donc 123 phrases de risque différentes pour identifier les dangers des produits chimiques. La réglementation du transport des matières dangereuses propose 92 numéros d’identification de danger. Le Système Général Harmonisé, qui devrait bientôt se substituer aux deux précédents, distingue 71 codes de danger, ce qui est plus simple, mais encore lourd à gérer pour la prévention. Il y a pourtant une façon simple de résoudre ce problème. Quand on examine les listes de phrases ou de codes, il s’avère que certains dangers évoqués ne diffèrent que par la gravité des dommages possibles, alors que le mode d’action est identique. Par exemple, entre un irritant et un corrosif, la différence ne porte que sur la gravité de la lésion éventuelle, mais il s’agit toujours d’un effet lié au contact cutané ou oculaire. C’est encore plus net pour les phrases R23 et R26 : toxique ou très toxique par inhalation. On comprend bien que les mesures de prévention seront identiques pour ces deux dangers ; seule la priorité d’action peut être différente. Si l’on écarte la notion de gravité, il se dégage deux grandes familles de dangers homogènes, avec des subdivisions : Danger physico-chimique : – Incendie/explosion : code IE – Réactivité particulière : code Re Danger toxicologique : – Toxicité par inhalation : code In – Nocivité par contact (cutané ou oculaire) : code Co – Toxicité par ingestion : code Tg – Classement CMR selon réglementation : code CMR 54

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Remarques : – Ce classement est conforme aux règles d’estimation du risque accidentel énoncées au paragraphe 2.5.5. – Les contacts cutanés et oculaires ne sont pas distingués, parce qu’ils répondent au même processus d’apparition. Seuls les effets sont distincts. – Le classement CMR, qui s’applique aux cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, mais seulement de catégories 1 et 2 selon l’Union européenne, n’est introduit que pour des contraintes réglementaires, car, dans l’étude des dangers, il est redondant avec les deux précédents. – Le danger de toxicité par ingestion est atypique par rapport aux autres ; il fera l’objet d’une approche particulière. – Ces cinq codes ont une certaine ressemblance avec les sept groupes de danger de l’ADR (voir paragraphe 2.3.2). Il aurait été intéressant de trouver des symboles de danger correspondants à chacune de ces familles. Mais ces symboles n’indiquent que partiellement les voies d’exposition ou les propriétés physico-chimiques. Il faut passer par les phrases de risque pour arriver à affecter chaque danger à une ou plusieurs familles. Le tableau suivant permet ce passage, sachant que, pour simplifier, nous avons éliminé les dangers pour l’environnement.

Phrase

Famille de danger IE

Re

In

Co

Tg

CMR

R1 R2 R3 R4 R5 R6 R7

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

R8 R9 R10 R11 R12 R14 R15 R16 R17 R18

55

2 • Théorie du risque chimique

Phrase R19 R20 R21 R22 R23 R24 R25 R26 R27 R28 R29 R30 R31 R32 R33 R34 R35 R36 R37 R38 R39 R40 R41 R42 R43 R44 R45 R46 R48 R49 R60 R61 R62

56

2.3 Le danger chimique

Famille de danger IE

Re

In

Co

Tg

CMR

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Famille de danger

Phrase

IE

Re

In

Co

Tg

CMR

R63 R64 R65 R66 R67 R68

Chaque fois que la phrase R ne précise pas la voie, c’est que les trois peuvent être concernées. Ce tableau n’utilise que les phrases simples, mais s’applique sans difficulté aux phrases combinées. Par exemple : Phrases combinées

Familles de danger

R20/21

In + Co

R39/23/25

In + Tg

R36/38

Co

R42/43

In + Co

R48/21

Co

R68/20

In

Les substances et préparations classées ont le plus souvent plusieurs phrases de risque, ce qui a pour effet de cumuler les familles de dangers. En voici des exemples :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Produit

Phrases de risque

Famille de danger

Acétone

11-36-66-67

IE + Co + In

Méthanol

11-23/24/25-39/23/24/25

IE + Co + In + Tg

Acide acétique

10-35

IE + Co

Peroxyde d’hydrogène

8-34

Re + Co

Diméthyl-formamide

20/21-36-61

In + Co + CMR

On s’aperçoit vite que la grande majorité des solvants comporte le classement IE + In + Co, ce qui simplifie énormément l’analyse des risques, malgré l’apparente complexité de l’étiquetage. 57

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

En pratique, il est beaucoup plus simple d’envisager les 4 familles de dangers classiques automatiquement pour chaque phase de travail : In, Co, IE, Re, et de vérifier ensuite par les phrases R du produit si elles sont toutes réellement concernées. C’est plus rapide et plus sûr. En effet, le classement réglementaire des produits n’est qu’une indication générale, car les modes d’exposition réels peuvent conduire à des classements différents. Ainsi, une présence d’acide sulfurique induit le seul danger R35, donc la famille Co, mais en cas d’une possibilité de formation d’aérosol, il faut ajouter la famille In. Ce phénomène est bien connu, par exemple, dans l’activité de traitement de surface. L’expérience montre d’ailleurs que dans la grande majorité des situations de travail, les dangers In et Co sont présents simultanément. La pénétration percutanée est en effet souvent sous-estimée, même en présence de vapeurs. Cette simplification est un des points clés de notre méthode, parce qu’elle permet une certaine indépendance vis-à-vis de l’étiquetage, quelle que soit la réglementation concernée. En effet, le risque est caractérisé seulement par une exposition ou une situation dangereuse. Le « déchiffrage » de la classification, avec ce qu’elle comporte d’incohérence et de lacunes dans la pratique, n’intervient ensuite que pour l’estimation. Avec l’application du SGH, la définition des familles de dangers se fera très simplement, car les classes de dangers sont justement organisées selon ces mêmes familles. Cela conduit au tableau de correspondance suivant : Famille de danger Classe

Danger IE

58

2.1

matières et objets explosibles

2.2

gaz inflammables

2.3

aérosols inflammables

2.4

gaz comburants

2.5

gaz sous pression

2.6

liquides inflammables

2.7

matières solides inflammables

2.8

matières autoréactives

2.9

liquides pyrophoriques

2.10

solides pyrophoriques

2.11

matières auto-échauffantes

2.12

matières qui, au contact de l’eau, dégagent des gaz inflammables

Re

In

Co

Tg

CMR

2 • Théorie du risque chimique

2.3 Le danger chimique

Famille de danger Classe

Danger

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IE 2.13

liquides comburants

2.14

matières solides comburantes

2.15

peroxydes organiques

2.16

matières corrosives pour les métaux

3.1

toxicité aiguë

3.2

corrosion/irritation cutanées

3.3

lésions oculaires graves/irritation oculaire

3.4

sensibilisation respiratoire ou cutanée

3.5

mutagénicité pour les cellules germinales

3.6

Cancérogénicité

3.7

toxicité pour la reproduction

3.8

toxicité systémique pour certains organes cibles, exposition unique

3.9

toxicité systémique pour certains organes cibles, expositions répétées

3.10

danger par aspiration

Re

In

Co

Tg

CMR

La classe 4.1 concernant l’environnement ne figure pas ici. Elle fait l’objet d’une approche spécifique traitée au paragraphe 5.4. Lorsque l’étiquetage selon le SGH sera effectif, il sera plus simple de partir des codes de danger en « H », comme on le fait aujourd’hui pour les phrases de risque. Nous avons vu que la notion d’agent chimique fait aussi appel à des produits générés par l’activité et non soumis à la classification, tels que poussières et fumées. Nous ne pourrons pas nous appuyer sur des phrases de risque mais nous devons leur affecter des familles de dangers. EXEMPLES :

Fumées de soudure Poussières de bois Poussières de plomb Fibres d’amiante

In In + Re In + Tg In

Ainsi se trouve comblée une lacune de la classification, européenne ou issue du SGH, qui ne vise que l’étiquetage en final. 59

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

2.4 Processus chronique 2.4.1 Exposition

Dans l’exposé des mécanismes du risque chimique, l’exposition est définie comme le contact d’une personne avec un agent chimique par voie respiratoire, cutanée ou digestive. Cette définition est largement admise aujourd’hui dans le monde professionnel. Elle induit une conséquence évidente mais importante dans la pratique, c’est qu’il n’y a pas d’exposition en dehors de tout contact. Présentée sous cet angle, cette idée soulève plus d’interrogations. Par exemple, il a été publié des évaluations du nombre de salariés exposés à des agents cancérogènes. S’agissait-il toujours d’expositions vraies, c’est-à-dire avec contact ? Beaucoup d’intervenants en santé au travail parlent d’exposition dès qu’il y a utilisation de produit chimique au poste de travail, sans se soucier de la réalité d’un contact. Le contact en question est le contact des molécules de l’agent chimique avec une partie quelconque du corps humain. Le premier cas de figure est le contact cutané. En dehors de circonstances accidentelles, il se limite en général, pour les liquides et les solides, aux mains et aux avant-bras. Mais cela peut s’étendre au visage, voire à l’ensemble de la tête, comme aux membres et au torse, pour peu que le travail soit très polluant et que la température ambiante conduise la personne à se dévêtir. L’identification d’une exposition cutanée doit tenir compte du fait que certains produits chimiques ne laissent ni dépôt visible ni sensation particulière sur la peau, ce qui peut conduire à ignorer, voire nier, toute exposition. Lorsque l’agent chimique est volatil, sous forme de vapeurs ou de poussières fines, son contact avec le corps humain peut couvrir une large surface puisqu’il peut passer au travers des vêtements. La transpiration peut aussi améliorer le contact, notamment pour les poussières. Les aérosols liquides réussissent encore mieux à se déposer sur la peau. Le contact oculaire est un cas particulier en raison de la très grande sensibilité de la surface de l’œil, laquelle, par son humidité, facilite l’adsorption des produits volatils. En processus chronique, le contact oculaire ne provient en général que de vapeurs et de poussières. À côté de la peau, ce sont les muqueuses qui peuvent entrer en contact avec les molécules d’agents chimiques. Les plus exposées sont celles du système buccorespiratoire, comprenant la bouche, les cavités nasales, la gorge et les voies respiratoires profondes, jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Pour que le contact soit possible, il faut que les molécules ou les particules soient transportées par l’air inhalé. Pour mémoire, le débit respiratoire est compris entre 20 et 120 litres par minute, selon le niveau d’activité physique. L’exposition par voie respiratoire est au cœur de toute évaluation de risque chimique, car elle induit une grande vitesse de passage des substances en milieu sanguin. Pour situer le problème, un individu exposé à une pollution de 200 ppm de xylène en inhale 800 mg par heure. Les effets sur des organes cibles peuvent donc se manifester rapidement, ce qui n’exclut pas des effets locaux, de l’irritation à l’ulcération, à tous les niveaux des voies respiratoires. La troisième voie habituellement évoquée est la voie digestive. En processus chronique, elle est présente surtout comme effet secondaire de la voie respiratoire, 60

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

puisque toute déglutition en présence de vapeurs, poussières ou aérosols peut entraîner un agent chimique dans le système digestif. Elle est aussi envisageable dans des circonstances particulières : – manque d’hygiène des mains, voire du visage, conduisant à des pollutions soit de nourriture, soit de la zone buccale au cours des repas ; – consommation de tabac pouvant entraîner d’une part une contamination buccale avec des mains souillées, d’autre part des effets de toxicité aggravée par la pyrolyse dans la cigarette d’agents chimiques présents dans l’atmosphère.

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La voie digestive n’est pas à négliger dès que l’on travaille avec des produits dont les doses actives sont très faibles, comme cela se rencontre dans l’industrie pharmaceutique1. Les observations qui précèdent amènent à une conclusion évidente : le plus souvent, les trois voies, cutanée, respiratoire et digestive, sont simultanées, mais avec des proportions variables. Seule la manipulation de produits liquides ou pâteux non volatils limite l’exposition au contact cutané, et à une possible voie digestive. Un contact avec des liquides ou des solides est relativement facile à observer. La frontière de la zone dangereuse coïncide avec leur surface. On touche ou on ne touche pas le produit. Toutefois, le produit peut « se cacher » à la surface d’un objet ou d’un matériau pollué. Beaucoup d’expositions cutanées suivent ce schéma. Pour l’illustrer, il suffit de prendre l’exemple des chiffons, qui, dans un premier temps, ont pour but d’éliminer une souillure, mais qui, aussitôt l’essuyage réalisé, deviennent eux-mêmes source de contamination des mains.

Figure 2.9 – Les chiffons sont un vecteur d’exposition cutanée

1. Concernant l’exposition aux principes actifs, voir la brochure CRAMIF, réf. DTE 145.

61

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

On peut aussi citer les orifices de récipients, les bords de cuves, les tuyaux mobiles, les outils de travail ou de maintenance en zone d’activité chimique, etc. Le contact est parfois la conséquence d’un mode opératoire inadapté ou d’opérations effectuées dans la précipitation telles que la saisie manuelle de pièces sortant d’un bain ou fraîchement revêtues d’un produit. À l’inverse, un nuage de vapeurs ou de poussières n’a pas de frontière nette. Cette frontière ne peut être définie que par une concentration limite. En effet, la zone de présence de beaucoup de molécules dans l’air est quasiment infinie. Nous les croyons absentes, alors qu’elles sont seulement présentes à des concentrations infimes, souvent inaccessibles aux moyens d’analyse disponibles. Qui pourrait prétendre aujourd’hui ne pas être exposé à des hydrocarbures cancérogènes ou, plus banalement, à du monoxyde de carbone ? Il nous faut donc nous tourner vers les VLEP pour pouvoir définir une zone dangereuse, à l’intérieur de laquelle la concentration atmosphérique en agent chimique dépasse la VLEP, du moins quand elle est connue.

VLEP = 100 ppm 20 ppm 200 ppm

500 ppm

solvant

Figure 2.10 – Courbes de niveau de concentration de vapeurs (à un instant donné)

C’est une définition théorique, car, en pratique, il est rarement possible de tracer cette limite. Cela supposerait de placer des capteurs adéquats dans tout l’environnement concerné et de suivre leur indication en temps réel. Cette zone dangereuse devient possible à identifier lorsqu’elle coïncide avec un espace fermé, dont la concentration en polluant est critique en tout point. Concernant les poussières, ou aérosols solides, il faut tenir compte de la granulométrie, c’est-à-dire la dimension des particules en suspension dans l’air. En effet, la stabilité du nuage formé est inversement proportionnelle à cette dimension. Il s’agit du diamètre moyen des particules, sachant que celles-ci ne sont ni sphériques, ni d’un diamètre constant. Un nuage de grosses particules retombera assez rapidement, alors que pour des particules très fines, de l’ordre du micron, le nuage se maintiendra des heures, voire des jours, tant qu’il ne sera pas éliminé. 62

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

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2.4.2 Dommages

Les dommages sur la santé humaine causés par des expositions chroniques sont très variés et dépendent évidemment de l’agent chimique, mais aussi de la voie de pénétration. Ainsi, lorsqu’il y a contact cutané ou oculaire, le premier type de dommage est local, c’est-à-dire qu’il se produit à la surface de la peau, de l’œil ou de la muqueuse touchée par le produit. Les effets possibles sont les suivants : – irritation ; – dermite et dermatose ; – eczémas ; – ulcération ; – cancers. Ces effets peuvent être immédiats, comme l’irritation, ou différés sur de longues périodes, comme le cancer. Hormis ce dernier cas, ils sont rapidement visibles et perceptibles et servent donc d’alarme. Cependant, la peau présente toujours une perméabilité chimique qui permet aux agents de pénétrer dans son épaisseur, puis de passer dans la circulation sanguine. Cette pénétration percutanée a une certaine cinétique qui dépend de nombreux facteurs, tels que les propriétés chimiques de l’agent, sa concentration et sa température, la partie du corps touchée, l’état de la peau et la réceptivité particulière de l’individu. Un produit lipophile, c’est-à-dire soluble dans les graisses, passera plus facilement. C’est le cas de la plupart des substances organiques, et spécialement celles qui se partagent bien entre l’eau et les graisses, comme les alcools et les éthers de glycol. Il est souvent possible de contrôler cette pénétration percutanée par des analyses de sang appropriées. Elle a été longtemps sous-estimée, ce qui incitait à ne pratiquer ce type d’analyse qu’en cas d’exposition à des substances non volatiles. L’inhalation d’agents chimiques provoque aussi un contact avec les muqueuses de l’appareil respiratoire supérieur qui conduit aux pathologies décrites ci-dessus, mais plus spécifiquement des trachéites et des bronchites, éventuellement de l’asthme. Sachant que les muqueuses sont beaucoup plus sensibles que la peau, à niveau de danger égal, les dommages sont plus graves. Ainsi, des inhalations de vapeurs corrosives, acides ou basiques, qui n’auraient qu’un effet modéré sur la peau, peuvent provoquer d’abord de la toux, puis une insuffisance respiratoire, avec un risque d’effets irréversibles. Mais la voie respiratoire se distingue par le fait que les agents chimiques sont conduits, plus ou moins partiellement, au contact des alvéoles pulmonaires. La membrane de ces alvéoles est particulièrement perméable aux substances chimiques, car leur fonction est d’assurer les échanges gazeux avec le sang. Cette sensibilité est d’ailleurs démontrée dans la pratique de l’anesthésie par voie respiratoire, laquelle peut être obtenue en quelques secondes par inhalation d’un gaz approprié. L’inhalation des produits pulvérulents suit un mode d’action un peu différent. Dans les voies supérieures, il se produit d’abord un dépôt qui peut générer des réactions de toux, d’expectoration et de charge nasale. Ensuite, les effets locaux habituels apparaissent, toujours en fonction des propriétés physico-chimiques des agents inhalés. Certaines substances corrosives, comme le trioxyde de chrome, 63

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

sont responsables d’ulcération, voire de perforation de la cloison nasale. Les poussières de bois peuvent provoquer un cancer de l’ethmoïde. Le passage dans la zone des alvéoles pulmonaires dépend essentiellement de la granulométrie des particules de l’aérosol. Les plus grosses sont arrêtées au niveau de la bouche et du nez, dont c’est la fonction. Les plus fines, dites justement alvéolaires, atteignent les alvéoles et provoquent divers effets. On considère comme alvéolaire une particule dont le diamètre apparent moyen est inférieur à 5 microns. L’effet des particules dans les alvéoles est d’abord local. Elles sont absorbées par des cellules appelées macrophages qui conduisent à terme à une élimination physique. Mais pour certaines substances, ces cellules sont impuissantes et la réaction de l’organisme conduit à l’apparition d’une fibrose. C’est notamment le cas de l’amiante et de la silice. Les particules d’aérosols liquides ou solides peuvent aussi se dissoudre et passer ainsi partiellement dans le sang. Une fois passée dans le sang, une substance peut agir sur n’importe quel organe réceptif, appelé organe cible. Les substances agissent, selon leurs propriétés biochimiques, soit en l’état, soit après transformation en métabolites. Leur devenir dans l’organisme relève de la toxicologie, qui n’est pas abordée dans cet ouvrage. Ce qu’il faut retenir en pratique, c’est que l’organisme réagit à la présence d’agents chimiques par divers processus, que nous globaliserons dans un but pratique par les catégories suivantes : – pathologie au niveau d’un organe ou un système cible ; – élimination simple ; – élimination par métabolisme ; – accumulation dans l’organisme. Parmi les cibles les plus fréquentes, on peut citer le foie, en raison justement de son rôle éliminateur, le sang, le système nerveux, mais aussi les reins, la moelle osseuse, le cœur, etc. Pour les agents cancérigènes, beaucoup d’autres organes font partie des cibles, comme la vessie, la plèvre, les poumons, etc. En pratique, les pathologies sont repérables d’abord par un certain nombre de symptômes. Les substances absorbées, quelle que soit la voie, sont soit éliminées comme telles, soit sous forme de métabolites. Il est donc théoriquement possible de détecter et de doser ces substances, appelées indicateurs biologiques, dans les différents milieux physiologiques, principalement le sang et les urines1. C’est le rôle de la biométrologie, qui est fondamentale en surveillance médicale. En effet, un certain nombre d’indicateurs biologiques ont des valeurs limites indicatives, dont un exemple bien connu est celui du plomb. Les mécanismes d’élimination, lorsqu’ils existent, font que l’organisme peut s’adapter à une absorption chronique, tant qu’elle ne dépasse pas une dose critique. C’est cette dose limite que tendent à exprimer les VLEP. L’élimination se produit selon une certaine cinétique, liée à la substance comme au système récepteur. Cela signifie que lorsque l’exposition cesse, la présence et les effets des substances absorbées cessent aussi après un délai variable. Notamment, le cycle jour-nuit permet 1. On peut consulter le document de l’INRS : « Biotox, guide biotoxicologique pour les médecins du travail. », ED 791.

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2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

d’éliminer efficacement les effets de la plupart des expositions modérées quotidiennes. Cela n’est évidemment pas le cas des substances qui ne s’éliminent pas, ou très peu, sur des temps très longs. On parle alors de bioaccumulation, phénomène dont les substances minérales sont souvent responsables, le meilleur exemple étant le plomb. Il existe d’ailleurs une phrase de risque pour indiquer cette propriété : R 33, « danger d’effets cumulatifs ». La cinétique d’élimination explique aussi pourquoi une exposition de deux heures est plus grave que deux expositions d’une heure, séparées par trois heures, par exemple. Le code de la Sécurité sociale a prévu que lorsque l’origine professionnelle d’une pathologie est clairement démontrée, cette pathologie est reconnue comme « maladie professionnelle », ce qui ouvre des droits à réparation. Une centaine de tableaux, dont 78 mentionnant un agent causal chimique figurent en annexe 10, précisent toutes les conditions requises pour valider cette reconnaissance. Parmi les critères de reconnaissance figure le délai de prise en charge, qui prend en compte la durée de persistance des effets d’une exposition après sa cessation. Elle va de 7 jours à 50 ans. Hors de ces tableaux, il reste possible, dans certaines conditions, de déclarer une maladie à caractère professionnel1.

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2.4.3 Indice d’exposition

Outre par leur nature, les expositions diffèrent beaucoup par leur intensité, ce qui a une conséquence évidente sur la gravité des effets. L’importance d’un risque en général est toujours liée à une combinaison de la probabilité et de la gravité du dommage. La probabilité d’apparition d’une pathologie en cas d’exposition chronique à un agent chimique est en fait quasi totale, si le temps d’exposition est suffisant, alors que sa gravité dépend principalement du niveau de danger de l’agent chimique. Mais il y a évidemment une influence réciproque de ces deux paramètres. En pratique, le facteur probabilité ne représente que le délai d’apparition de la pathologie. Quand on parle d’apparition d’une pathologie, on se réfère surtout aux symptômes, qui sont en général postérieurs à la naissance de la pathologie. C’est pourquoi la médecine du travail préconise des examens et analyses spécifiques aux expositions présumées, dans le but d’obtenir une détection précoce des pathologies, en s’appuyant en particulier sur les indicateurs biologiques. Il ne s’agit pas ici de traiter des principes de la toxicologie mais de dégager quelques règles simples pour une estimation de risque. L’expérience et la théorie montrent que le délai d’apparition d’une pathologie d’exposition est en relation directe avec la dose reçue cumulée de l’agent chimique. À dose reçue identique, c’est le niveau de danger de l’agent chimique qui déterminera la gravité de la pathologie. Ce principe nous fournit les deux paramètres fondamentaux de l’estimation du risque d’exposition chronique : dose cumulée et niveau de danger. Ce dernier, paramètre assez complexe, fait l’objet du paragraphe 2.3.5. 1. Code de Sécurité sociale, articles L. 461-1 à L. 461-8 et R. 461-1 à R. 461-8. Les détails des tableaux sont rassemblés dans la brochure de l’INRS, réf. ED 835.

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2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

La dose cumulée reçue est assez simple à concevoir ; elle est significative de l’importance de l’exposition, quelle que soit la voie de pénétration. En théorie, une dose reçue est le produit d’une durée d’exposition par un débit d’absorption, supposé constant, d’un agent chimique. Une durée cumulée est le produit d’une durée d’exposition élémentaire par la fréquence de cette exposition, toutes deux supposées aussi constantes. En réalité, les mécanismes d’élimination font qu’une exposition de deux heures n’est pas équivalente à deux expositions d’une heure, surtout si elles sont assez espacées. D’autre part, ni les débits d’absorption, ni les durées d’exposition ne sont constants. Mais cette approximation ne remet pas en cause la validité de l’estimation. Le débit d’absorption est une fonction de la concentration de l’agent chimique, avec d’autres facteurs physiques et biologiques. Dans le cas le plus simple, et le plus fréquent, de l’exposition par inhalation, il est possible de relier l’exposition à ces paramètres par la fonction : Di = 0,06 ¥ k ¥ Tc ¥ Ca ¥ Dr Di : dose inhalée pour une période donnée (en mg) ; k : taux d’absorption de l’agent chimique ; Tc : durée cumulée d’exposition pour la période (en heures) ; Ca : concentration atmosphérique au niveau des voies respiratoires (en mg/m3) ; Dr : débit respiratoire à considérer (en l/min). EXEMPLE :

Une personne inhale de l’acétate d’éthyle 4 heures par jour, à la concentration atmosphérique de 700 mg/m3, soit la moitié de la VME, avec un débit respiratoire de 25 l/min (travail moyen). Si le taux d’absorption est de 100 %, elle absorbe donc 1 ¥ 4 ¥ 700 ¥ 25 ¥ 0,06 = 4 200 mg par jour.

En pratique, il ne serait pas réaliste de vouloir calculer une dose cumulée quotidienne, tant il y a de variables. Ainsi, même la concentration atmosphérique est assez difficile à déterminer, car elle varie dans le temps et l’espace. La représentativité des prélèvements atmosphériques est d’ailleurs un objet de débats classique dans ce domaine. Mais si le but de l’estimation est strictement une comparaison, une grandeur relative est suffisante. Il suffit donc d’utiliser une valeur théorique n’utilisant que les deux variables les plus accessibles, durée (Tc) et concentration (Ca), pour classer les expositions par niveaux relatifs. D’où l’indice d’exposition respiratoire quotidienne : Ierq = Tc ¥ Ca Cet indice n’est valide que pour comparer, rappelons-le, des expositions respiratoires successives dans l’espace ou dans le temps, quand on dispose des valeurs de la concentration atmosphérique. C’est pourquoi il est préférable de se fixer un indice d’exposition respiratoire (Ir) égal au produit durée cumulée (Tc) par un coefficient d’exposition respiratoire (R) qui exprime la variable concentration atmosphérique en relatif, sur une échelle préétablie : Ir = Tc ¥ R 66

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

Avec, par exemple, R = 5 pour la concentration la plus élevée et R = 1 pour la plus faible. Cette notion d’indice d’exposition est d’ailleurs conforme à celle de valeur limite de moyenne d’exposition (VME), puisque cette dernière est calculée en moyenne sur 8 heures, alors qu’il peut y avoir des valeurs instantanées beaucoup plus fortes. Dans l’estimation des expositions par voie cutanée, les variables influentes sont le taux d’absorption, la durée cumulée, la surface de contact et la concentration du liquide ou du solide en produit actif. En réalité, seule la deuxième variable est accessible, car le taux d’absorption, cutanée et percutanée, et la sensibilité des tissus sont largement dépendants de la localisation du contact sur le corps, de l’état de la peau et plus encore de la liposolubilité du produit en question, pour ne citer que les principaux paramètres. C’est pourquoi cette estimation ne peut être conduite qu’avec l’aide de personnes compétentes en la matière. Mais, même approximatif, un indice d’exposition cutanée (Ic) est apte à classer relativement les expositions. Ic = Tc ¥ C C est un coefficient d’exposition cutané qui exprime l’importance du contact, tous facteurs confondus, pris sur une échelle similaire à celle de l’exposition respiratoire. Une fois ces deux types d’indices établis pour un ensemble d’expositions, il suffit de les classer pour fixer des niveaux d’expositions sur une échelle adéquate.

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2.4.4 Estimation finale du risque d’exposition chronique

En résumé, il est possible de situer l’importance relative d’un risque d’exposition à un agent chimique dès que l’on dispose des quatre variables simples et relativement accessibles que sont : – le niveau de danger de l’agent chimique ; – la durée et la fréquence de l’exposition ; – l’intensité du contact, respiratoire ou cutané, avec l’agent chimique, exprimée par les coefficients d’exposition R et C. Comment les combiner pour estimer le risque ? Il n’y a pas de réponse unique, car le risque ne saurait être une fonction mathématique. Sachant qu’il ne s’agit que de classer les risques, il suffit d’une fonction croissante avec les niveaux ou valeurs des paramètres. Pour le niveau de danger, il existe le chiffre fixé par l’INRS en fonction de la classification du produit, comme cela est expliqué au paragraphe 2.3.5. Pour la durée, la fréquence et parfois la concentration, des mesures sont possibles. Dans tous les cas, les coefficients R et C sont fixés par estimation avec une échelle. Les chiffres obtenus permettent alors d’accéder aux indices d’exposition Ir et Ic par les formules citées plus haut. Ces indices sont ensuite classés pour déterminer le niveau d’exposition sur l’échelle choisie, qui peut aller de 3 échelons au minimum jusqu’à 7, voire 10 si le nombre de risques le justifie. En effet, pour éviter l’accumulation de risques dans un même niveau, il faut proportionner l’échelle au nombre de risques étudiés. Signalons au passage que le choix du terme « niveau » plutôt que « classe » ou « cote », « catégorie », « indice », etc., permet de comprendre, sans confusion possible, que le plus important correspond au plus grand chiffre. Il existe malheureusement beaucoup de classements 67

2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

inverses dans lesquels le 1 (voire le 0 !) signifie le plus grave, les deux exemples les plus simples étant la cotation des zones à risque d’explosion et les catégories de substances CMR. Enfin, niveaux de danger et d’exposition peuvent être à leur tour combinés avec une addition, une multiplication, voire des fonctions exponentielles ou polynomiales, selon ce qu’auront décidé les personnes impliquées dans la démarche. Il est aussi possible d’utiliser simplement une matrice de combinaison, telle que celle qui suit1, limitée à trois niveaux : Niveau d’exposition

Niveau de danger

faible

moyen

élevé

élevé

2

3

3

moyen

1

2

3

faible

1

1

2

Les valeurs de 1 à 3 situent l’importance du risque lié à l’exposition. Ce tableau est très important pour faire une bonne estimation comparée des risques d’exposition, mais il constitue aussi un outil de prévention pour réduire l’importance du risque en montrant qu’il y a deux paramètres sur lesquels on peut agir. Il permet en outre de corriger les approches plus ou moins affectives qui privilégient toujours les dangers sur les expositions et qui conduisent à prescrire les interdictions de substances avant d’avoir examiné le problème des expositions. On ne redira jamais assez la différence qui existe entre les notions de danger et de risque. La maîtrise des risques est une alternative à l’interdiction d’un produit, bien que cette option ait souffert d’une image négative, en raison de quelques dérives. Ces dérives furent souvent la conséquence d’une utilisation directe dans le grand public, comme l’illustre le drame de l’amiante, qui a abouti à son interdiction totale. Une meilleure solution serait une utilisation contrôlée, c’est-à-dire interdite au grand public, mais autorisée à des utilisateurs compétents, susceptibles d’une maîtrise totale du risque. L’évolution récente de la législation accrédite totalement cette position. En effet, dans un premier temps, c’est la règle qui a prévalu pour l’utilisation des éthers de glycol classés CMR, et c’est surtout la philosophie du règlement REACH, exposé au paragraphe 2.7. Une bonne estimation des risques d’exposition reste le préalable indispensable à toute politique en matière de prévention. Le schéma suivant résume plus clairement la procédure de cotation.

1. Cette grille figure notamment dans la recommandation R409 de la CNAMTS et la brochure DTE 175 de la CRAMIF.

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2 • Théorie du risque chimique

2.4 Processus chronique

Mode opératoire Agent chimique

Phrase de risque

Exposition respiratoire

Exposition cutanée

Durée et fréquence

Durée et fréquence

Niveau de danger Métrologie

Estimation

Coefficient d’exposition R

Estimation

Coefficient d’exposition C

Indice d’exposition Ir

Indice d’exposition Ir

Niveau d’exposition

Importance du risque

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Figure 2.11 – Estimation d’un risque chimique chronique

Il faut remarquer la cohérence de cette méthode avec les préconisations du règlement REACH. En effet, il est dit dans son annexe I que « l’évaluation de la sécurité chimique est fondée sur une comparaison des effets nocifs potentiels d’une substance avec l’exposition connue ou raisonnablement prévisible de l’homme… » Or le niveau de danger est exactement le reflet des effets nocifs potentiels. Cette méthode comporte évidemment une certaine part d’approximations qui peuvent faire douter de sa validité. La pratique démontre qu’elle permet d’atteindre l’objectif d’estimation, sa pertinence tenant à la logique qu’elle apporte dans une démarche intuitive à défaut de méthode.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

2.5 Processus accidentel 2.5.1 Situation dangereuse

Nous avons défini la situation dangereuse comme la localisation d’une personne lui permettant de subir un dommage en cas d’événement dangereux. Qui dit localisation dit périmètre enfermant un espace que l’on appelle zone dangereuse. Cet espace est forcément dépendant de l’événement dangereux envisagé. Par exemple, il sera beaucoup plus étendu pour une explosion que pour une fuite. Il est cependant possible de le délimiter grossièrement et parfois de le matérialiser. Cette matérialisation est analogue à celle qu’on peut observer sur un chantier de construction ou de réparation, notamment lorsqu’il existe un risque de chute d’objet. Par exemple, il existe une possibilité de contact avec un liquide dangereux contenu dans une cuve de stockage, en cas de fuite soudaine de cette cuve ou de ses équipements immédiats, dans un périmètre déterminé par les points de chute les plus éloignés de cette fuite. Nous verrons plus loin que ce périmètre peut être calculé facilement. Cela est plus difficile en cas d’explosion ou d’émissions massives de vapeurs. Cette zone dangereuse est même perceptible intuitivement dans certaines situations. Qui n’a jamais ressenti d’appréhension en se trouvant au pied d’une cuve de 50 m3 d’acide nitrique concentré ? Ou d’un hydrogénateur sous haute pression en service ? D’ailleurs, ce type de situation est généralement interdit. Plus généralement, une situation dangereuse est créée chaque fois qu’il y a risque d’écoulement, comme dans le stockage en hauteur, ou risque de projection, présent dès qu’il y a pression. Ces deux cas sont d’ailleurs liés. Il existe un autre type de situation dangereuse, plus subtil. Il s’agit du risque créé par un défaut d’information. C’est le cas pour tout emballage non étiqueté, ou tout récipient ou organe dépourvu d’une signalisation adéquate. Cette situation est en effet une porte ouverte aux erreurs humaines. En particulier certains accidents consécutifs à une réaction chimique intempestive, ou des intoxications par ingestion de produits dangereux, décrits plus loin, sont issus d’une telle situation. S’il existe une zone dangereuse, encore faut-il une présence humaine dans cette zone pour qu’il y ait accident. C’est ce que montre le schéma général du paragraphe 2.2.1. Cette présence peut être permanente ou occasionnelle. Elle peut concerner une personne ou un groupe de personnes. Enfin, même si une personne est en zone dangereuse au moment du déclenchement de l’événement, elle peut être hors d’atteinte du champ d’une projection par exemple. Ce sont autant de facteurs qui vont influer sur la probabilité du dommage, indépendamment de celle de l’événement dangereux. 2.5.2 Événement dangereux m Scénario

Nous avons défini l’événement dangereux comme un enchaînement de faits, partant d’un déclencheur et aboutissant au dommage, suivant un scénario parfois complexe. Le plus explicite est de citer quelques exemples rapportés par des agents des services de prévention des CRAM1. 1. Caisse régionale d’assurance maladie.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

EXEMPLE 1 :

La défaillance d’un raccord de tuyauterie provoque une fuite soudaine et importante d’une cuve de stockage intermédiaire d’une solution alcoolique sur le sol d’un atelier de chimie. Le liquide se propage jusqu’à un caniveau à ciel ouvert. Ce caniveau traverse plusieurs ateliers contigus. Dans le dernier atelier dans lequel passe le caniveau, des travaux de soudure sur tuyauterie sont en cours. L’absence de tout liquide inflammable avait été vérifiée au préalable. Cependant, la solution alcoolique suivant le caniveau arrive dans cet atelier en émettant des vapeurs. Une explosion se produit alors, avant que les personnes présentes aient pu prendre conscience du risque.

Nous retrouvons bien toutes les composantes du risque : le produit dangereux et son danger, l’inflammabilité, la situation dangereuse, à savoir la présence d’une source d’ignition dans un environnement chimique inflammable, le déclencheur, qui est la déconnexion inattendue d’un tuyau de process, le scénario décrit ci-dessus et le dommage, à savoir une grave brûlure de deux ouvriers. Ce scénario met en évidence quelques lacunes de prévention, mais encore faut-il pouvoir l’imaginer avant, quand tout se passe normalement. En effet, dans ce cas particulier, le danger n’était pas présent sur le lieu de l’accident. Le poste de travail, compte tenu de son isolement (murs et portes) pouvait être considéré comme compatible avec une activité temporaire de soudure. C’est en fait l’analyse du risque accidentel dans l’atelier utilisant la solution alcoolique qui aurait dû intégrer l’éventualité d’une fuite d’un liquide inflammable par le caniveau et l’évaluer. EXEMPLE 2 :

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Dans un atelier de traitement de surface, travaillant avec des bains cyanurés, une fuite d’acide dilué se produit sur une cuve de stockage d’effluents située en sous-sol. La fuite est alors arrêtée, mais les quelques dizaines de litres d’effluent acide sont laissées dans la cuvette de rétention, le nettoyage étant remis à plus tard. Le lendemain, le bouchage d’un tuyau de surverse1 d’une cuve d’effluents cyanurés, située à proximité de la précédente, provoque le débordement de la cuve sur le sol. Ces effluents cyanurés rejoignent ensuite ceux qui étaient déjà présents, à caractère acide. Il faut savoir que les cyanures se décomposent en milieu acide en générant du cyanure d’hydrogène, qui est un gaz capable d’une intoxication mortelle en quelques minutes. Un opérateur a voulu descendre au sous-sol pour intervenir, sans avoir conscience du risque, et l’a payé de sa vie.

Dans ce cas, la notion de situation dangereuse est évidente : proximité de produits capables de réagir en générant des gaz mortels. Le caractère dangereux était amplifié par la situation en espace confiné. L’événement déclencheur est double : la fuite acide, puis le bouchage. On peut même trouver un troisième déclencheur dans la décision de reporter l’élimination des effluents acides. En effet, une mauvaise décision, que l’on qualifie généralement d’erreur humaine, est assez souvent à l’origine des événements dangereux, pour quelque risque que ce soit. EXEMPLE 3 :

Un ouvrier d’entretien veut changer le joint d’un raccord de tuyauterie servant à amener de la soude en solution dans une cuve de décapage. Comme il convient, le responsable du poste de travail lui assure que la cuve a été complètement vidée. Mais lorsque l’ouvrier commence à dévisser les boulons des brides du raccord, un jet de soude s’en échappe et atteint son visage et ses yeux. L’ouvrier ayant été rapidement secouru, la brûlure qui en résulte a des effets se limitant à une irritation superficielle. Les propriétés corrosives de la soude sur les tissus vivants sont telles qu’il n’aurait

1. Une surverse est un « trop-plein », c’est-à-dire une tuyauterie par laquelle s’écoule le contenu d’une cuve dès que le niveau devient critique, pour conduire l’excédent vers la capacité de rétention.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

fallu que quelques secondes supplémentaires de contact avec les yeux pour qu’il perde la vue. L’enquête a montré que le tracé de la tuyauterie comportait un point bas non vidangeable et que le raccord à réparer était justement « en charge » dans cette partie pleine de soude.

La situation dangereuse est créée par toute présence de produit dangereux dans un équipement, surtout sous pression, si faible soit-elle. L’événement dangereux est l’intervention sur cet équipement. La réaction qui vient à l’esprit après l’exposé de cet accident est, qu’en dehors du non-respect de règles de prudence lors d’une intervention, la principale cause réside dans une mauvaise conception de la tuyauterie. Cela est vrai, bien sûr, mais seule l’évocation précoce des événements dangereux possibles peut conduire à la bonne conception d’un équipement, c’est-à-dire assurant la sécurité indépendamment des consignes imposées aux intervenants. Ce principe est un autre point clé de la méthodologie développée dans cet ouvrage. m Typologie

La difficulté de cette méthode est la capacité à envisager tous les événements dangereux possibles au niveau d’un poste de travail. La liste de ces événements serait d’ailleurs infinie si l’on ne tient pas compte d’une probabilité minimum de réalisation. Le terme d’événement possible doit être compris comme relevant d’une probabilité non négligeable. Le terme de négligeable est évidemment flou ; nous nous contenterons de l’illustrer par l’exemple du risque de chute d’un avion sur un atelier. Ces risques n’ont pas de probabilité nulle, mais si faible qu’elle rend leur prévention irréaliste. Le meilleur moyen, bien connu dans tous les domaines, de cerner une probabilité est d’observer les événements sur une longue période ou un grand nombre de cas. Heureusement, il existe une base de données des accidents du travail en général, gérée par l’INRS, d’après les rapports d’enquête fournis par les agents des CRAM. Il s’agit de la base EPICEA, accessible sur Internet. Il est donc facile d’y rechercher de nombreux exemples d’accidents impliquant un produit chimique. Des études statistiques, non publiées, ont conduit à créer une typologie des événements dangereux impliquant un produit chimique. En voici les grandes conclusions. Les nombreux scénarios décrits peuvent être classés en six familles, dont les cinq premiers correspondent précisément aux familles de dangers : Scénario type

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Dommage final

Famille de danger

1

expositions massives cutanées

brûlures chimiques

Co

2

expositions massives respiratoires

intoxications aiguës

In

3

expositions massives par ingestion

lésions et intoxications aiguës

Tg

4

réactions dangereuses

tous les autres

Re

5

incendies et explosions

tous les autres + effets mécaniques et thermiques

IE

6

anoxie

asphyxie

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

En réalité, tous ces scénarios peuvent être imbriqués. Ainsi une réaction dangereuse peut conduire à une exposition massive, laquelle peut conduire à une explosion, laquelle peut conduire à une anoxie, etc. La logique incite à partir de l’événement déclencheur. Il peut être à l’origine de plusieurs scénarios différents et donc de dommages différents. Ces scénarios d’accident apparaissent clairement lorsque l’on pratique la méthode de l’arbre des causes pour expliquer des accidents survenus. Alors que cette méthode part du dommage pour remonter aux facteurs premiers, comme exposé au paragraphe 2.5.4, il est plus efficace de partir des déclencheurs pour arriver aux dommages. Cette autre méthode est d’ailleurs appelée l’arbre des défaillances et a sa place parmi tous les outils de prédiction, dont certains sont décrits au paragraphe 3.2.4. Le tableau suivant propose une liste, seulement indicative, de faits déclencheurs d’événements dangereux, avec leur conséquence immédiate, sachant qu’on peut ensuite les combiner à volonté pour construire des scénarios possibles.

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Fait déclencheur

1er effet

2e effet possible

Chauffage brutal d’un liquide volatil

Émission massive de vapeurs

Intoxication respiratoire Explosion

Chute dans un récipient

Contact cutané massif

Brûlure chimique

Combustion en espace confiné

Émission massive de monoxyde de carbone

Intoxication respiratoire

Conditionnement trompeur

Ingestion massive

Intoxication digestive

Contact entre deux produits réactifs

Émission massive de vapeurs

Intoxication respiratoire Explosion

Contact soudain avec un agent chimique

Contact cutané massif

Brûlure chimique

Débranchement de tuyau

Projection de liquide

Contact cutané massif

Décomposition thermique d’un agent chimique

Émission massive de vapeurs

Intoxication respiratoire

Décompression brutale d’un récipient ou canalisation

Émission massive de vapeurs

Intoxication respiratoire Explosion

Défaut de confinement d’un espace dangereux

Arrivée massive de gaz ou vapeurs

Intoxication respiratoire

Éclatement de tuyau

Projections liquides

Contact cutané massif Émission massive de vapeurs

Erreur sur identité d’un produit

Réaction chimique dangereuse

Émission massive de vapeurs

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

1er effet

Fait déclencheur

2e effet possible

Erreur sur le choix d’une commande

Réaction chimique dangereuse

Émission massive de vapeurs

Explosion d’un contenant

Projections diverses

Émission massive de vapeurs

Fuite de gaz inerte

Anoxie

Fuite de récipient

Contact cutané massif

Émission massive de vapeurs

Fuite soudaine d’un joint ou raccord

Contact cutané massif

Émission massive de vapeurs

Immersion brutale d’une pièce

Projections liquides

Contact cutané massif

Incendie avec des produits chimiques

Brûlures thermiques

Intoxication respiratoire

Ouverture intempestive de robinet ou vanne

Émissions massives diverses

Contact cutané massif

Interprétation erronée d’une consigne ou d’un mode opératoire

Erreur sur le choix d’une commande

Réaction chimique dangereuse

Panne de régulation

Réaction chimique dangereuse

Émission massive de vapeurs

Panne d’un captage

Émission massive de vapeurs

Intoxication respiratoire

Pénétration dans un espace appauvri en oxygène

Anoxie

Perte de connaissance

Pollution d’un aliment

Ingestion massive

Intoxication digestive

Renversement ou fuite d’azote liquide

Anoxie

Perte de connaissance Contact cutané massif

Renversement de récipient

Contact cutané massif

Émission massive de vapeurs

Rupture de paroi de récipient ou d’appareil contenant un agent chimique

Projections liquides

Émission massive de vapeurs

Rupture d’emballage de pulvérulent

Émission massive de poussières

Explosion

Ouverture d’un réseau de ventilation sous pression

Émission massive de poussières

Explosion

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Ainsi, l’un des six scénarios types, correspondant aux 5 familles de dangers, se retrouve toujours après un fait déclencheur. Il est intéressant de bien comprendre leur mécanisme.

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m Expositions massives

Une exposition massive ne diffère d’une exposition chronique que par son intensité. Elle consiste donc en un contact, par voie cutanée, oculaire, respiratoire ou digestive, dont les paramètres relèvent du processus accidentel, c’est-à-dire un effet immédiat ou presque. Ces paramètres sont d’abord un volume d’agent chimique généralement important et une concentration élevée. Ce qui se traduit, pour le contact cutané, par une grande surface atteinte, voire l’ensemble du corps, ou une lésion grave, telle qu’une atteinte profonde de la peau, des muqueuses ou des yeux, qui peut être irréversible. Ce scénario est possible dès que des quantités de plusieurs litres sont manipulées et dès que le procédé comporte des passages de produits à l’air libre. En effet, on observe par exemple ce type d’accident au cours de transferts, par débordement, par renversement de récipient, par chute d’emballage en manutention mécanique, etc. Il y a aussi tous les incidents propres aux interventions de maintenance et surtout de dépannage, donc accomplis dans l’urgence. On peut être surpris par des projections lors d’ouverture ou de démontage d’équipements divers, tels que vannes, pompes, filtres, etc. Les débranchements soudains de raccords de tuyauterie sont aussi assez fréquents, surtout avec les tuyaux souples fixés par un collier à vis. En général, la présence de pression dans une canalisation ou un récipient est un facteur de risque de projection. La chute de personnes dans des cuves est très rare, mais doit toujours être envisagée. Pour la voie respiratoire, l’exposition est massive si les concentrations atmosphériques de vapeurs ou de poussières sont largement au-dessus des VLEP. Les effets sont alors rapidement perceptibles. Une émission massive est relativement probable dès qu’on travaille en espace confiné, ce qui ne veut pas forcément dire exigu, mais seulement pas ou peu ventilé. Dans ce cas, toute émission de vapeurs par un liquide s’évaporant reste dans le volume du local. Pour se faire une idée, prenons l’hypothèse d’un local fermé de 20 m2, soit environ 50 m3, dans lequel se vaporisent 2 litres de dichlorométhane, situation imaginable chez un artisan. Le volume occupé par les vapeurs sera d’environ 2 (litres) ¥ 1 328 (densité g/l) ¥ 24 (litres par mole) / 85 (masse molaire) = 750 litres, soit une concentration moyenne de 1,5 %. Cela représente 15 000 ppm, soit 300 fois la VME de 50 ppm. Voici un exemple d’accident qui met en évidence la grande volatilité de ce solvant chloré1 : EXEMPLE :

« La victime, un cadre technique de 39 ans, décapait, par trempage dans une cuve, une porte intérieure bois. La dimension de la cuve était de : L 3 000 ¥ l 1 000 ¥ h 700 mm. La hauteur du bain de décapant à base de chlorure de méthylène avec un additif, hydroxyde de potassium/alcool méthylique, était de 100 mm, la porte étant disposée manuellement à plat au fond du bain. Cette cuve n’était pas équipée de dispositif de ventilation. La victime travaillait avec une collègue dans

1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

l’atelier de décapage. Vers 9 h, la collègue a quitté l’atelier. À son retour, vers 10 h, elle a trouvé la victime inconsciente au-dessus du bain et l’a mise au sol. La collègue est allée prévenir les secours et a rencontré un autre salarié qui rentrait d’un rendez-vous chez un client. Ce dernier a appelé les pompiers, qui ont fait appel au SAMU. Les raisons précises de l’intervention de la victime audessus du bain ne sont pas connues en l’absence de témoin. La victime ne portait pas d’équipement de protection individuelle, et notamment de masque de protection respiratoire. Lors de cette intervention, la victime a perdu connaissance. Étant affalée au-dessus du bain, et en l’absence de collègue à proximité, elle a continué à respirer les vapeurs pendant une durée maximale estimée à une heure. Les symptômes de mort cérébrale ont été détectés par le SAMU. Le décès clinique a été prononcé à l’hôpital, 4 jours plus tard. »

Les émissions massives ont beaucoup de causes possibles. Il suffit de renverser un bidon de solvant sur le sol. La grande surface d’évaporation qui se forme accélère l’évaporation, qui peut être totale en quelques minutes pour les solvants les plus volatils. Les accidents se produisent souvent à cause du réflexe des personnes cherchant à arrêter le sinistre plutôt qu’à fuir. On imagine facilement l’ampleur des dommages lorsque c’est une cuve ou un réacteur de quelques mètres cubes qui se vide, même partiellement. Une émission massive n’est pas toujours le résultat d’un incident qui surprend la personne. Il peut aussi s’agir d’une sous-estimation de l’exposition au cours d’une action volontaire. L’exemple le plus courant est le travail avec un produit solvanté dans un espace confiné. Ce produit peut être une peinture, une colle, un produit de nettoyage, etc. Le calcul du volume des vapeurs libérées exposé précédemment prouve qu’un malaise est vite arrivé dans ces conditions. Les exemples de tels accidents ne manquent pas, notamment dans les activités de second œuvre du bâtiment. Les vapeurs peuvent également être déjà présentes dans un équipement de travail et s’échapper à la suite d’un dysfonctionnement, tel que rupture, ou ouverture intempestive. Il peut s’agir d’un gaz sous pression, fuyant de son conteneur. Enfin, les vapeurs peuvent se former par réaction chimique imprévue dans un espace ouvert. Cette éventualité est développée au paragraphe suivant. Une des réactions dangereuses fréquentes est simplement la combustion, qui se produit soit dans un appareil de chauffage à combustible, soit dans un moteur thermique. Ces deux cas de figure sont à l’origine de beaucoup d’accidents graves, dont voici un exemple1 : « Une équipe de deux opérateurs était chargée de transporter et d’installer un caisson de filtration d’air dans un local. Pour cette manutention, ils utilisaient un chariot élévateur à combustion gaz, d’une capacité de 3 tonnes. Le passage du caisson devait se faire à une hauteur d’environ 4,50 m du sol à travers une ouverture réalisée dans le mur. Le passage avait été fait au plus juste, car il s’agissait d’un mur porteur. L’opération a duré environ 1 h 30. Les deux opérateurs, dont la victime, âgée de 56 ans, agent de maîtrise depuis 24 ans, qui réceptionnait le filtre, ont ressenti des maux de tête. Il faut remarquer que l’extrémité d’échappement des gaz de combustion se trouvait approximativement à l’endroit où évoluaient les deux victimes. Conséquences : intoxication par monoxyde de carbone provoquant un arrêt de 10 jours. »

Tous ces scénarios impliquent des vapeurs ou des gaz survenant dans l’espace de travail habituel. Le schéma inverse existe, à savoir l’intrusion d’une personne dans un espace dans lequel existe déjà une concentration critique de gaz ou de vapeurs dangereux. Cette situation dangereuse est typique, par exemple, des égouts et des 1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.

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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

stations d’épuration. Le danger est dans ces cas représenté par le sulfure d’hydrogène, généré par la fermentation anaérobie des matières organiques. Ce gaz est très toxique et mortel à de faibles concentrations, la VLE étant de 10 ppm. Ce phénomène est bien connu des professionnels de ces activités. D’ailleurs, la conduite des stations d’épuration est organisée pour éviter tout dégagement de ce gaz. C’est ici qu’intervient le rôle de l’événement dangereux, qui fait que ce gaz apparaît là où on ne l’attend pas. Ainsi un récit d’accident révèle que par suite d’un bouchage, le flux d’eaux usées a été interrompu dans un canal à ciel ouvert, passant dans un bâtiment abritant des grilles. Le temps d’interruption du flux a permis le déclenchement de la fermentation et, quand l’opérateur de maintenance a pénétré dans ce bâtiment, sans précaution particulière, comme il le faisait habituellement, il a été surpris par la présence de gaz et n’a pas eu le temps de s’échapper. Plusieurs accidents mortels ont été rapportés dans ces conditions. Ce risque est assez pernicieux, car il est difficile d’évaluer intuitivement l’importance d’une émission accidentelle, quelle qu’elle soit. Comme pour les émissions chroniques, les personnes se fient spontanément à leur odorat. On sait combien cet indicateur est trompeur, en raison de la variabilité du coefficient d’olfaction des substances, comme de la sensibilité olfactive des personnes, sans parler de l’effet d’accoutumance. Les expositions massives par voie digestive ne suivent en fait que deux scénarios classiques, en dehors d’un acte volontaire. Le premier est celui de la réutilisation d’un emballage alimentaire, souvent une bouteille d’eau minérale, pour stocker un réactif. Ce geste est généré par le besoin d’une préparation temporaire, consistant soit à dissoudre un solide soit à diluer un liquide. Les utilisateurs ne disposent pas toujours des moyens nécessaires à un réétiquetage correct. Même un simple marquage est négligé, parce que le préparateur de ce réactif s’estime suffisamment informé. Cette partie du scénario génère la situation dangereuse. L’événement dangereux viendra d’une modification de la situation, par exemple le déplacement de la bouteille vers un autre local ou la présence d’une personne non avertie qui croira à une boisson normale. Ce cas est relativement fréquent, et pas seulement dans le domaine professionnel, comme en attestent les statistiques des services d’urgence. Le deuxième scénario d’intoxication digestive est plus rare. Il consiste en une contamination d’aliment par un produit toxique, à l’insu du consommateur. Ce type d’accident ne survient qu’en situation dangereuse particulière, créée par la consommation d’aliment sur le lieu de travail et exceptionnellement par l’inverse, c’est-à-dire l’utilisation de produits toxiques sur le lieu de préparation des aliments. m Risques liés à la réactivité chimique

Le scénario qui part d’une réaction dangereuse se rencontre évidemment dans l’industrie chimique, mais souvent aussi dans toutes les autres activités. En réalité, on doit parler de réactions incontrôlées dans l’industrie chimique, puisque c’est sa fonction de conduire des réactions dangereuses, et de réactions imprévues ou intempestives dans les autres cas. Voyons d’abord en quoi réside le danger spécifique des réactions, car il s’agit bien d’une propriété de la réaction, qui n’a pas 77

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

toujours de rapport direct avec le danger des réactifs. Ce type de danger est de deux natures possibles. La première est celle de l’énergie dégagée par la réaction. Toute réaction chimique, selon qu’elle est endothermique ou exothermique, consomme ou dégage de l’énergie selon des règles que nous n’aborderons pas ici. Pour certaines, l’énergie dégagée est très importante, capable de provoquer de grandes élévations de température. Le milieu réactionnel peut ainsi être porté à ébullition, avec de nombreuses conséquences dommageables : vaporisation des réactifs, qui peuvent être toxiques ou corrosifs, projection des mêmes réactifs et des produits de réaction, surpression du contenant, déformation, voire rupture, etc. Si cette réaction se produit dans un solvant volatil, même moyennement, des risques supplémentaires apparaissent : inhalation massive, atmosphère explosive, etc. Comme la réaction est incontrôlée ou imprévue, les moyens de refroidissement et de captage sont souvent insuffisants ou même absents. Ces réactions sont en outre très rapides, puisque soumises à une auto-accélération par la température. Il est possible, pour des experts, de calculer la chaleur d’une réaction à partir des enthalpies de formation1, disponibles dans les ouvrages spécialisés. Le second type de danger est présenté par la nature volatile des produits de réaction. En effet, si le schéma réactionnel conduit à la formation d’une substance qui est gazeuse dans les conditions normales, celle-ci va « se dégager », c’est-à-dire sortir du lieu réactionnel pour se répandre dans l’atmosphère environnante. On est alors ramené au cas d’une exposition respiratoire massive. Si cette substance formée est en outre inflammable s’ajoute le risque d’atmosphère explosive. La substance dégagée peut ne pas être toxique mais sa présence va générer automatiquement un appauvrissement de l’atmosphère en oxygène, du moins en espace plus ou moins confiné. Le cas le plus typique est celui du dioxyde de carbone, susceptible d’être généré par tous les carbonates. Le tableau suivant présente les couples de produits chimiques les plus fréquents parmi ceux qui sont susceptibles d’être à l’origine d’une réaction dangereuse. Plusieurs remarques s’imposent pour l’exploitation judicieuse de ce tableau : – La vitesse et l’énergie de réaction sont directement proportionnelles à la concentration des réactifs. Ainsi, une réaction entre acides et bases dilués à quelques pourcents ne dégage qu’une chaleur à peine perceptible. – Les dangers d’exothermie et de dégagement sont souvent simultanés. – Certaines réactions ont besoin d’une énergie dite « d’activation » pour démarrer. Celle-ci est fournie soit par un catalyseur, c’est-à-dire une substance particulière capable d’agir en très petite quantité, soit par une simple élévation de température. – La formation de produits volatils n’est pas empêchée par la dilution des réactifs, elle est seulement ralentie. – Certaines réactions avec dégagement de gaz passent d’abord par une neutralisation, c’est-à-dire un basculement de pH du milieu. Le dégagement ne se produit pas avant ce basculement. Prenons le cas des cyanures alcalins. Si l’on verse une 1. C’est la loi de Hess : l’enthalpie de réaction d’une réaction chimique est égale à la somme des enthalpies de formation des produits, diminuée de la somme des enthalpies de formation des réactifs, en tenant compte de la stœchiométrie de la réaction.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

solution cyanurée alcaline dans une solution acide, le dégagement de cyanure d’hydrogène se produit aussitôt. Mais si l’on verse de l’acide dans une solution cyanurée, le dégagement ne commencera qu’après neutralisation. Produit 1

Produit 2

Exothermie

Dégagement

Classification

Bases

Forte

Cyanures

Moyenne

Cyanure d’hydrogène

F+ ; T+ ; N R12-26-50/53

Hypochlorites (dont eau de Javel)

Moyenne

Chlore

T;N R23-36/37/38-50

Bisulfites

Moyenne

Dioxyde de soufre

T R23-34

Carbonates

Moyenne

Dioxyde de carbone

Sulfures

Moyenne

Sulfure d’hydrogène

F+ ; T+ ; N R12-26-50

Eau

Forte

Chlorures Acide chlorhydrique

Moyenne

Chlorure d’hydrogène

T;C R23-35

Métaux

Moyenne

Vapeurs nitreuses

T+ R26-34

Solvants

Forte

Métaux légers

Moyenne

Hydrogène

F+ R12

Sels d’ammonium

Moyenne

Ammoniac

T;N R10-23-34-50

Oxydants forts

Solvants

Forte

Isocyanates

Eau

Moyenne

Acides

Acide sulfurique

Acide nitrique

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Bases fortes

Cette liste n’est qu’un petit extrait de toutes les combinaisons possibles, mais elle cible les produits que l’on peut rencontrer dans des industries diverses, hors chimie. Le cas de l’industrie chimique est traité au paragraphe 5.2. On peut rechercher l’existence de tels couples dans la bibliographie, sachant que l’INRS a édité un ouvrage de référence en la matière, contenant plus de 4 000 combinaisons1. 1. Réactions chimiques dangereuses, éditions INRS, ED 697.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

D’autre part, la rubrique n˚ 10 des fiches de données de sécurité est censée signaler les réactions dangereuses possibles. Sans entrer dans les principes du mécanisme réactionnel, quelques indices permettent de prévoir une réaction dangereuse, indices qui transparaissent dans le précédent tableau. – Les acides forts réagissent toujours sur les bases fortes avec une exothermie importante. – Les acides forts sont capables de réagir sur beaucoup de sels et de métaux, avec souvent un dégagement important. – Les bases fortes réagissent sur les métaux légers et les sels d’ammonium, avec dégagement. – Les oxydants peuvent réagir violemment avec les réducteurs (dont les inflammables). Les exemples présentés dans le tableau ci-après illustrent les termes chimiques employés, avec les phrases de risque qui permettent de les repérer, sans perdre de vue l’importance de la concentration dans le niveau de danger. L’interprétation de ce tableau demande de la prudence. En particulier, aucune absence de risque ne peut en être déduite. Ainsi, deux membres d’une même catégorie peuvent très bien réagir vivement entre eux. Beaucoup de substances appartiennent en fait à plusieurs de ces catégories, sachant toutefois qu’elles ne peuvent être à la fois acides et basiques, ou oxydantes et réductrices (sauf exception). Nous attirons l’attention sur les acides nitrique et chromique, qui doivent être surveillés avec vigilance, puisqu’ils sont à la fois acides forts et oxydants forts. EXEMPLES :

Réaction incontrôlée Le plus célèbre exemple de réaction incontrôlée est sans doute celui survenu à Seveso, qui a eu les conséquences que l’on sait sur la réglementation des installations classées. Rappelons toutefois les faits précis. Une entreprise chimique italienne fabriquait du 2,4,5-trichlorophénol. Le 10 juillet 1976, la production est arrêtée pour le week-end ; 6 h 30 plus tôt, en fin de poste, le cycle de production du trichlorophénol est arrêté alors que seuls 15 % (au lieu de 50 %) du solvant (éthylène glycol) sont distillés. L’agitation est stoppée et le vide cassé. Aucun ajout d’eau n’est effectué. L’unité est laissée sans surveillance pour le week-end. À 12 h 37, sous l’effet de l’augmentation de la température et de la pression dans le réacteur, le disque de sécurité taré à 3,8 bars se rompt et une partie du contenu est projetée à l’extérieur. L’échauffement de la surface du mélange réactionnel au repos a initié la réaction secondaire exothermique de formation de la dioxine (la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine). L’évaluation de la quantité de dioxine émise varie de 200 g à 40 kg. Cette émission a été responsable de l’apparition de pathologies, notamment d’acné, dans tous les environs, mais aucun décès ni augmentation du nombre des cancers n’ont été constatés. En analysant le déroulement de cet accident, on reconnaît la situation dangereuse dans le type de réaction conduite, et l’événement dangereux dans le retard pris dans la production, ayant conduit à arrêter le process avant sa fin normale, qui incluait le refroidissement complet du réacteur. Réaction imprévue Dans une usine de traitement de surface, on procédait au chromage de pièces par immersion dans une solution concentrée d’acide chromique. Le dépôt de chrome métallique se fait par réaction électrochimique, qui est exothermique. Dans le cas évoqué, la température devait être maintenue à un niveau modéré. La cuve comportait donc un circuit de refroidissement, utilisant comme fluide

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Famille

Membres

Phrase repère

Sulfurique Chlorhydrique Nitrique Acides forts

R35 Chromique Phosphorique Acétique Sulfures Cyanures

Sels sensibles

Carbonates

R31, R32

Sulfites Hypochlorites Soude Potasse Bases fortes

R35 Chaux (vive) Ammoniaque Aluminium

Métaux légers Magnésium Nitrates Chlorates Peroxydes Oxydants

Oxygène

R7, R8, R9

Ozone Trioxyde de chrome

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Acide nitrique Alcools Cétones Hydrocarbures insaturés Sulfites, nitrites Réducteurs Amines

R10, R11, R12, R15, R17, R19

Hydrures Cellulose Charbon

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

frigorigène du glycol légèrement dilué. Telle était la situation dangereuse. Une fuite s’est produite dans la paroi de la cuve, sans doute par usure. Elle a donc permis à la solution chromique de se mélanger au glycol dans le circuit de refroidissement. Il s’est ensuivi une violente réaction d’oxydation, très exothermique, provoquant un éclatement localisé du circuit avec projection de liquide corrosif. C’est l’événement dangereux qui a conduit aux dommages.

Il existe en outre des réactions qui ne nécessitent pas de second composé pour se produire. C’est le cas des décompositions et des polymérisations, qui peuvent être aussi exothermiques et génératrices de gaz et vapeurs. Les décompositions sont en quelque sorte des réactions internes à la molécule. Une molécule affectée d’une certaine instabilité peut se décomposer sous l’effet d’un apport d’énergie parfois minime. Cette instabilité provoque une rupture des liaisons internes et leur réarrangement, en formant des composés plus simples et plus stables. Parmi ceux-ci on trouve souvent des produits volatils, quand ce n’est pas en totalité. Le volume alors dégagé par ces composés, majoré par la chaleur de réaction, est tel que son expansion brutale crée une explosion. Ces produits instables appartiennent à la catégorie des explosifs, normalement classés comme tels avec le symbole et le pictogramme correspondants. Il faut distinguer les explosifs par destination, faisant l’objet d’une réglementation particulière, tant pour leur fabrication que pour leur utilisation civile ou militaire, des explosifs occasionnels, c’est-à-dire ceux qui sont utilisés pour leurs autres propriétés. Cette catégorie comporte par exemple des engrais azotés et des désherbants. Mais beaucoup de substances utilisées en chimie fine, plus ou moins isolées, rentrent aussi dans cette catégorie, qui doit être envisagée dans toute analyse de risque chimique. Une décomposition n’est pas toujours le fait d’un produit instable. Elle peut être provoquée, pour n’importe quelle substance, par une importante élévation de température. On peut d’ailleurs parfois trouver la température de décomposition dans les données techniques d’une substance. Celle-ci peut être atteinte par exemple au cours d’une réaction incontrôlée, mais le plus souvent à l’occasion d’un incendie. Une décomposition thermique génère de nombreux gaz et vapeurs, souvent très toxiques, tels que de l’oxyde de carbone, du cyanure d’hydrogène, du cyanogène, du chlorure d’hydrogène, des oxydes d’azote, etc. Les réactions de polymérisation sont à la base de la fabrication des polymères en général et des matières plastiques en particulier. Bien que le réactif de départ soit unique, la réaction se fait ici de molécule à molécule, c’est-à-dire « en chaîne ». Bien sûr, le réactif de départ, appelé monomère, n’est jamais le seul présent dans le milieu réactionnel, qui peut contenir des catalyseurs, initiateurs, inhibiteurs, plastifiants, colorants, etc. Cette réaction est généralement très exothermique et conduite sur des grandes quantités. Il existe donc un risque d’emballement dans ce type de réaction. Mais il existe aussi un risque de polymérisation spontanée en travaillant sur certaines molécules qui possèdent cette propriété de par leur structure chimique, qui présente généralement des doubles liaisons réactives. On comprend que le risque est aggravé par le fait que cette polymérisation imprévue ne se produit pas dans un équipement prévu à cet effet. On appelle aussi polymérisation des réactions en chaîne se faisant avec deux réactifs, ou plus. Ces réactifs, parfois nommés résine et durcisseur dans le commerce, possèdent une double fonction dans leur structure leur permettant de se lier ensemble. Les 82

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

risques présentés par ces réactions sont identiques à ceux des polymérisations vraies, autant pour les réactions incontrôlées que pour les imprévues. Parmi les nombreuses molécules susceptibles d’une polymérisation spontanée, on peut citer : – styrène, butadiène, isoprène, chloroprène ; – esters acryliques, méthacryliques, cyanoacryliques ; – acrylonitrile, acroléine ; – acétate de vinyle, vinylpyridine ; – époxydes. Le démarrage d’une polymérisation, prévu ou non, n’est pas toujours facile. Il est initié par une énergie interne fournie de différentes façons. C’est le plus souvent un catalyseur, soit un générateur des radicaux libres, tel qu’un peroxyde, soit ionique, tel qu’un acide ou un composé métallique. C’est parfois simplement la lumière, mais plus encore le rayonnement ultraviolet. De même, il est possible de ralentir ou de bloquer une polymérisation avec les additifs adéquats. La connaissance de ces données est évidemment indispensable pour assurer la prévention de ce type d’événement dangereux, que l’on observe par exemple à l’occasion du stockage de ces produits. Cet inventaire, qui ne peut être exhaustif, montre la diversité des sources d’exposition massive pouvant survenir et décrit autant de situations dangereuses. Beaucoup d’autres scénarios de réactions chimiques ayant provoqué des sinistres peuvent être consultés dans la base de données ARIA1.

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m Incendies et explosions

Les incendies et les explosions ne sont que des réactions chimiques particulières, à savoir des combustions, si l’on exclut les explosions d’explosifs évoqués précédemment. La réaction de combustion demande deux réactifs, dont l’un est un combustible et l’autre l’oxygène. Elle s’entretient d’elle-même, parce que très exothermique, après son amorçage que l’on appelle ignition. Cette propriété explique la règle fameuse du triangle du feu, qui dit que pour qu’il y ait incendie il faut que soient réunis : le combustible, l’oxygène et la source d’ignition. Nous verrons que ce schéma simpliste est très efficace au moment de la recherche de mesures de prévention. Pour rester dans le cadre de l’ouvrage, les combustibles envisagés se limitent aux seuls produits chimiques. La situation dangereuse propre au risque incendie est constituée presque toujours par la présence simultanée du combustible et de l’oxygène. En dehors des situations rares où de l’oxygène pur est employé, c’est toujours l’air qui est la source d’oxygène. Les produits chimiques étant le plus souvent combustibles, surtout quand ils sont organiques, cette situation dangereuse est omniprésente. Toutefois, l’évaluation du risque telle qu’elle est développée au paragraphe 2.5.5 montre 1. http://aria.ecologie.gouv.fr/. La base de données ARIA (Analyse, Recherche et Information sur les Accidents), du Bureau d’analyse des risques et des pollutions industrielles (BARPI) recense depuis 1992 les événements accidentels résultant essentiellement de l’activité des établissements classés au titre de la législation relative aux installations classées ainsi que du transport de matières dangereuses qui ont, ou auraient pu, porter atteinte à la santé ou la sécurité publiques, l’agriculture, la nature et l’environnement.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

qu’une probabilité significative d’incendie n’est présente qu’avec des produits inflammables. Rappelons que l’inflammabilité peut être caractérisée par le point d’éclair, mais sa limite inférieure est variable selon les réglementations. Aujourd’hui en Europe, sont inflammables les substances et préparations dotées des phrases de risque R10, R11 et R12, mais aussi R17, R18 et R30. Lorsque le SGH sera appliqué, les codes « H » correspondants à cette catégorie seront plus nombreux parce que dépendants de l’état physique des produits (voir annexe 5). L’événement dangereux est l’apparition d’une source d’ignition, que ce soit une étincelle, une flamme nue, ou un point chaud. Précisons que l’ignition ne peut avoir lieu qu’en phase vapeur. Cela nécessite que la source d’ignition rencontre des vapeurs au-dessus du liquide inflammable et cela explique pourquoi l’inflammabilité est une fonction directe de la volatilité. Quant au point chaud, il doit être à une température minimum correspondant au point d’auto-inflammation du produit inflammable. Nous verrons au paragraphe 3.2.3 toutes les sources d’ignition que l’on peut rencontrer en pratique. Voici un exemple de ce type de scénario1 : « La victime est un homme de 45 ans, conducteur en second sur rotative. Au moment de la reprise de poste après une vingtaine d’heures d’arrêt, il a été constaté au sous-sol un épanchement de toluène dans la fosse du porte-bobines d’une rotative (machine à l’arrêt) en héliogravure, par suite du débordement du bac tampon d’un encrier situé à proximité. La victime et ses collègues, au cours de l’intervention de traitement de la fuite, ont fait usage de sciure de bois contenue dans des sacs en plastique pour éponger le produit ; un incendie s’est déclaré et ils ont été intoxiqués par les fumées (intoxication des poumons et du sang). Parmi les causes de cet accident, il est à noter : une fuite de robinet(s) non décelée lors de l’arrêt machine ; une concentration en gaz atteignant le seuil d’inflammabilité ; un début d’incendie dû sans doute à un phénomène d’électricité statique ; un défaut d’organisation dans l’intervention de traitement du problème d’épanchement d’un produit très inflammable. »

Un incendie, même à ses débuts, n’est souvent que la première étape d’un scénario conduisant à un sinistre très grave, lorsqu’il se produit dans un environnement chimique. Cela parce que tous les inflammables présents à proximité sont rapidement mis à feu, puis les combustibles grâce à la chaleur dégagée. Ensuite ce sont les structures porteuses qui sont affaiblies et s’effondrent, provoquant des ruptures de contenants et de canalisations. Les substances ainsi libérées s’enflamment à leur tour ou génèrent des réactions dangereuses, improbables au départ, et des explosions. Cet effet d’auto-aggravation est appelé parfois « effet dominos ». On comprend pourquoi les services de sécurité dans les entreprises et les assureurs se focalisent sur le risque incendie. Nous verrons dans le chapitre 4 que la véritable prévention des incendies est plus économique que le déploiement d’importants moyens de lutte contre le feu. De nombreux ouvrages traitent du risque incendie en général2. Le risque d’explosion est très lié au risque incendie, car les facteurs de départ sont les mêmes : présence d’inflammables ou de combustibles et occurrence d’une source d’ignition. Mais une explosion demande des conditions supplémentaires pour survenir. Il s’agit principalement de l’atmosphère explosive. En effet, une explosion 1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS. 2. L’INRS propose une brochure synthétique sur le sujet : L’évaluation du risque incendie dans l’entreprise, ED 970.

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2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

résulte de la combustion rapide, souvent instantanée, du comburant avec l’oxygène de l’air. Cette réaction se passe donc en phase vapeur ou aérosol, car elle est possible avec les combustibles à condition qu’ils soient dispersés dans l’air. C’est le cas avec un combustible liquide sous forme de brouillard, ou un solide sous forme de nuage de poussières. Toutefois, il faut que la concentration des vapeurs ou des particules en suspension dans l’air puisse permettre à la combustion de démarrer et de se propager. Cette concentration doit être comprise entre une limite inférieure d’explosivité (LIE) et une limite supérieure d’explosivité (LSE), condition qui détermine l’existence d’une atmosphère explosive. C’est cette dernière qui constitue la situation dangereuse. Mais dès qu’il y a une émission de vapeurs ou de poussières combustibles dans l’air, il est difficile de garantir qu’il n’existe aucune zone explosive. Le tableau suivant donne quelques exemples de valeurs de LIE et LSE, pour des liquides, classées par LIE croissante. Eb (point d’ébullition en ˚C)

PE (point d’éclair en ˚C)

LIE (en %)

LSE (en %)

Dodécane

216

73

0,6



Acétate d’octyle

199

71

0,7

8

Kérosène

150-300

43-72

0,7

5

n-décane

174

46

0,8

5,4

Propylbenzène

159

30

0,8

6

Cumène

152

36

0,9

6,5

Naphtalène

217

78

0,9

5,9

Cyclohexanone

155

43

1,1

9,4

Styrène

145

31

1,1

7

Xylène

138

27

1,1

7

n-hexane

69

–22

1,2

7,4

Aniline

184

70

1,3

11

Benzène

80

–11

1,3

7,9

Cyclohexane

82

–20

1,3

8

Sulfure de carbone

46

–30

1,3

50

Méthyléthylcétone

80

–9

1,4

11,4

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Substance

85

2 • Théorie du risque chimique

Eb (point d’ébullition en ˚C)

PE (point d’éclair en ˚C)

LIE (en %)

LSE (en %)

Essence

38-204

–43

1,4

7,6

Butane

–1



1,8

8,4

Éther éthylique

35

–45

1,9

36

Dioxanne

101

12

2

22

Tétrahydrofurane

66

–14

2

11,8

Acétate d’éthyle

77

–4

2,0

11,5

Diméthylformamide

152

57

2,2

15,2

Acétylène

–83



2,5

81

Acétate de vinyle

72

–8

2,6

13,4

Acétone

56

–20

2,6

13

Diméthylsulfoxyde

189

95

2,6

42

Acroléine

52

–26

2,8

31

Acrylate de méthyle

80

–3

2,8

25

Acétonitrile

82

2

3

16

Acrylonitrile

77

0

3

17

Oxyde d’éthylène

10

–18

3

100

Éthanol

78

12

3,3

19

Acide acétique

118

39

4

20

Acétaldéhyde

21

–37

4

60

Hydrogène

–252



4

75

Sulfure d’hydrogène

–60



4

44

Cyanure d’hydrogène

26

–17

6

41

Bromoéthane

38



6,7

11

Méthanol

64

11

6,7

36

Substance

86

2.5 Processus accidentel

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Eb (point d’ébullition en ˚C)

PE (point d’éclair en ˚C)

LIE (en %)

LSE (en %)

Formaldéhyde

–19



7

73

Chlorométhane

–25



8,1

17,4

Dichlorométhane

40



13

22

Ammoniac

–33



15

28

Substance

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Ce tableau montre que ni le point d’ébullition, ni le point d’éclair, ne laissent présumer de la LIE. Elle est en fait en relation avec la concentration stœchiométrique, c’est-à-dire celle qui donne une combustion totale, compte tenu de la formule chimique du combustible et de la teneur en oxygène de l’air. Ce point a été développé dans un ouvrage précédent1. La sensibilité des aérosols solides à l’explosion est fonction de leur granulométrie, qui détermine la surface réactive pour un poids donné, mais aussi leur stabilité dans l’air. Le tableau suivant montre les vitesses de sédimentation de particules solides en fonction de leur diamètre. Ces chiffres doivent être pris avec prudence, car un nuage de poussières n’a jamais une granulométrie homogène. Tout au plus peut-on se référer à une granulométrie médiane, dans la mesure où l’on a pu réaliser une métrologie. Diamètre particulaire en microns

Vitesse de sédimentation en mètres par heure

100

1 000

50

100

10

10

5

2,5

1

0,1

On considère qu’au-delà d’un diamètre de 100 microns le risque d’explosion reste très faible. Les limites inférieures d’explosivité sont établies en mg/m3, mais ne présentent pas la même précision qu’avec les vapeurs. Leur détermination est assez délicate à réaliser. Le tableau suivant montre quelques exemples de ces valeurs, par ordre croissant.

1. Guide du risque chimique (ch. 4.1), Guy Gautret de La Moricière, Dunod.

87

2 • Théorie du risque chimique

Combustible

LIE en mg/m3

Anhydride phtalique

15

Hexaméthylènetriamine

15

Polystyrène

15

Stéarate de zinc

20

Polyéthylène

20

Résine époxydique

20

Amidon

25

Caoutchouc

25

Polycarbonate

25

Magnésium

30

Nylon

30

Polyuréthanne (mousse)

30

Soufre

35

Dextrine

40

Acétate de cellulose

40

Aluminium pulvérulent

88

2.5 Processus accidentel

40-140

Sucre

45

Aspirine

50

cellulose

55

Charbon

55

Viscose

55

Carboxyméthylcellulose

60

Vitamine C

70

Fer (réduit)

120

Étain

190

Résine urée formol

385

Zinc

460

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Pour que l’explosion puisse avoir lieu, il faut d’abord qu’un nuage de poussière se forme. Si la granulométrie comporte suffisamment de particules fines (< 100 microns), il est très probable qu’une partie du nuage atteindra la LIE. Voyons comment se forment les nuages de poussières. Pour qu’il y ait poussières, il faut au préalable une présence de produit pulvérulent. La plupart des produits chimiques solides sont disponibles sous forme de poudre, qu’ils soient cristallisés ou amorphes. Une poudre, tant soit peu mise en mouvement, produit de la poussière d’autant plus stable qu’elle est fine. Hors mise en œuvre des produits utilisés, la présence de poussières peut venir de la mise en forme pulvérulente volontaire, c’est-à-dire tout ce qui relève du broyage, du concassage, de l’atomisation, etc. Cette mise en forme est par contre non désirée dans le traitement mécanique des matériaux, tel que le sciage, le perçage, le ponçage, etc. La formation d’aérosol solide peut être le but recherché dans certaines opérations. Il s’agit par exemple de traitements de surface tels que les dépôts par procédé électrostatique ou le sablage. Le transport pneumatique est aussi largement utilisé dans le transfert de grandes quantités de produits chimiques, alimentaires ou agricoles. Enfin, il ne faut pas perdre de vue le domaine des déchets, dont une grande partie se présente sous forme pulvérulente, l’exemple le plus banal étant celui du bois. Parmi les opérations produisant des émissions de poussières de déchets, citons la maintenance des gaines de ventilation, des filtres, le balayage et tous les nettoyages d’équipements en général qui contiennent des dépôts pulvérulents. La source d’ignition d’une explosion, qui est l’événement déclencheur, demande en général moins d’énergie que pour un incendie. Ainsi, les étincelles générées par des décharges d’électricité statique sont suffisantes comme source d’ignition des atmosphères explosives. Dans l’utilisation des produits chimiques, il existe de nombreuses sources d’électricité statique. En dehors des sources classiques, telles que le frottement de matériaux non conducteurs, il faut citer en particulier la circulation des liquides ou solides pulvérulents dans des canalisations non conductrices. Nous renvoyons nos lecteurs à des ouvrages spécialisés pour approfondir ce sujet1. Rappelons, si cela est nécessaire, que des puissances caloriques et mécaniques considérables se développent lors d’une explosion. Voici deux exemples d’explosion d’aérosols2 :

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EXEMPLE 1 :

Le salarié, âgé de 23 ans, ouvrier d’exécution, était occupé avec un autre salarié à vider les filtres, en forme de chaussette, qui sont en bout du système d’aspiration des poussières de sucre de l’atelier de fabrication de dragées. Pour cela, ils ouvrent successivement les extrémités des filtres pour en évider les contenus de résidus de sucre et les recycler dans le processus de fabrication. Le système d’aspiration est remis en marche sans raison de service et un nuage de poussière de sucre se répand dans cette partie de l’atelier. Quelques moments après, une explosion se produit, mettant le feu, brûlant sur tout le corps le salarié qui est tué sur le coup et blessant légèrement l’autre. À partir d’environ 3 mètres du filtre qui était ouvert se trouvent des appareils de fabrication de dragées avec des rampes de chauffage à gaz qui fonctionnent durant le nettoyage des filtres.

1. Nous conseillons par exemple deux brochures de l’INRS : Les mélanges explosifs. Gaz et vapeurs (ED 911) et Les mélanges explosifs. 2. Poussières combustibles (ED 944). 2. Extraits de la base EPICEA de l’INRS.

89

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

EXEMPLE 2 :

La victime, un ouvrier spécialisé âgé de 28 ans, travaillait sur une chaîne d’encollage automatique de 1986, lorsqu’une décharge d’électricité statique au niveau du convoyeur a provoqué l’inflammation du nuage de colle pulvérisée par le pistolet de la chaîne d’encollage. L’explosion produite a désolidarisé les tuyaux souples d’alimentation des pistolets, qui se sont mis à projeter le feu en fouettant dans l’air. L’ensemble de l’installation s’est enflammé, notamment le fût de 200 kg de colle en réserve dans l’atelier. Par suite de l’incendie, et de la dégradation du stock de mousse polyuréthanne présent dans l’atelier, une importante fumée toxique s’y est dissipée. Deux salariés, coincés au fond de l’atelier, ont dû relever le rideau métallique pour sortir du bâtiment. Ce maintien dans une atmosphère dangereuse a entraîné l’intoxication des deux salariés, dont la victime, qui ont dû être hospitalisés et gardés en observation.

Le deuxième exemple illustre très bien l’enchaînement de dommages de gravité croissante, appelé « effet dominos ». m Sous-oxygénation

La sous-oxygénation est un manque partiel ou total d’oxygène dans l’air. Une personne respirant cet air va se trouver en hypoxie, puis en anoxie, conduisant rapidement à un décès par asphyxie. L’air normal contient environ 21 % d’oxygène et 79 % d’azote. Cette composition peut être modifiée par la présence de gaz ou de vapeurs. Supposons par exemple que l’on introduise du dioxyde de carbone à concurrence de 10 % d’un volume donné. Les teneurs en oxygène et azote vont respectivement descendre à 19 % et 71 %. On considère que la zone de sécurité va de 19 % à 25 % d’oxygène, mais ces chiffres sont très dépendants de facteurs individuels, comme l’état de santé, la pratique sportive, etc. À condition qu’il soit inerte, un gaz peut donc occuper jusqu’à dix pour cent de l’air avant de créer un risque d’hypoxie. C’est le cas de l’azote, du dioxyde de carbone, de l’hélium et des autres gaz rares, tels que le néon ou l’argon. L’hydrogène, bien qu’on ne lui connaisse pas de toxicité, présente un tel risque d’explosion qu’il n’est pas envisagé dans le cadre de la sous-oxygénation. Pour les vapeurs, le calcul serait le même, si n’intervenait pas d’abord la toxicité. En effet, eau exceptée, la VLEP la plus élevée que l’on rencontre est la VLE de l’éthanol à 5 000 ppm, soit 0,5 %. Cela veut dire que les atteintes à la santé interviendront bien avant l’hypoxie. Le dioxyde de carbone a un effet particulier, à savoir que dès une concentration d’environ 15 %, il provoque des troubles graves, dont une perte de connaissance, avant que ne se manifestent ceux de l’anoxie. Ce risque est souvent oublié dans les analyses parce que l’habitude est de partir des agents chimiques présentant un danger. Dans le cas de la sous-oxygénation, la situation dangereuse peut se présenter de plusieurs façons : Présence d’un stock de gaz inerte : Il peut être contenu dans une bouteille sous pression, un réservoir cryogénique, une canalisation, etc. L’événement dangereux partira d’une fuite, d’une rupture, d’une ouverture intempestive, d’un renversement, etc. La manipulation de touries d’azote liquide, observables dans différents laboratoires, crée ce type de situation dangereuse, de même que la pratique de l’inertage de cuve, dans l’industrie chimique notamment. 90

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Génération de gaz inerte : Cela concerne principalement le dioxyde de carbone en cas de réaction imprévue, par exemple d’un acide sur un carbonate. Certaines réactions chimiques peuvent aussi générer de l’azote gazeux. Les événements dangereux correspondants sont ceux qui ont déjà été évoqués pour les réactions dangereuses (paragraphe 2.5.2).

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Pénétration dans une atmosphère sous-oxygénée : La situation dangereuse est alors constituée par l’espace confiné : enceinte, local, souterrain, tunnel, excavation, etc., comme pour le risque de toxicité aiguë. Encore faut-il pouvoir imaginer un manque d’oxygène et, pour ce faire, quels événements en seraient responsables. L’expérience met en évidence les facteurs suivants : – Combustion : Une combustion consomme nécessairement de l’oxygène, qui est progressivement remplacé par du dioxyde de carbone, mais aussi par du monoxyde de carbone si la combustion est incomplète. Ainsi une combustion sans flamme, initiée par un point chaud, dans un espace mal ventilé, est un véritable piège mortel. Mais la pollution peut aussi provenir d’un appareil de chauffage en dysfonctionnement, sans que l’on s’en aperçoive. – Oxydation : L’oxygène de l’air peut être consommé par l’oxydation de métaux, essentiellement ferreux. La baisse de la concentration qui en résulte n’est sensible qu’en espace confiné et en présence de surfaces neuves, non déjà oxydées. Ce scénario se rencontre dans la chaudronnerie et dans la construction navale, qui réalisent de grands volumes clos avec des tôles d’acier neuf. Ce type d’accident est toutefois relativement rare. – Inertage : Il est d’usage, pour éviter les atmosphères explosives, d’introduire de l’azote dans de grandes cuves, réacteurs ou réservoirs. Mais il est aussi d’usage de pénétrer ces volumes pour y exécuter des opérations de maintenance. Si l’atmosphère d’un tel volume n’est pas rendue respirable avant toute intrusion, l’accident est inévitable, comme le montre cet exemple1 : La victime, âgée de 40 ans, opérateur de fabrication, a pénétré dans une cuve de fermentation utilisée pour la fabrication de ferments lactiques. Elle a été asphyxiée et a perdu connaissance, la cuve étant en atmosphère saturée en azote (sans oxygène). Elle a voulu secourir un collègue en contrat de qualification BTS Maintenance qui était sans connaissance dans la cuve, également asphyxié par le manque d’oxygène. Ce collègue avait voulu récupérer un couvercle de boîte tombé inopinément dans la cuve. Auparavant, un autre collègue avait tenté de récupérer le couvercle mais était remonté rapidement, car il s’était trouvé incommodé. L’alerte est donnée. De l’air comprimé est injecté par le haut et le bas de la cuve pour la purger. La victime et son collègue auraient recommencé à bouger avant l’arrivée des pompiers. La victime a repris connaissance en sortant de la cuve, le collègue seulement à l’hôpital. Une canne est à disposition pour retirer les objets de la cuve mais n’a pas été utilisée. Des masques filtrant l’ammoniac sont également à disposition mais n’ont pas été utilisés et n’étaient pas adaptés à la situation.

– Fermentation : La fermentation de matières organiques, provoquée par des micro-organismes, peut générer du dioxyde de carbone quand elle est aérobie et du méthane ou du sulfure d’hydrogène quand elle est anaérobie. La situation dangereuse est donc liée à la présence de ces matières organiques. Elle est 1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS.

91

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

évidemment prévisible dans les installations où l’on provoque la fermentation, telles que les stations d’épuration. Mais il faut également l’envisager dans des travaux de fouilles et d’excavation, car l’historique des terrains n’est pas toujours bien connu. 2.5.3 Dommages

Ceux-ci peuvent être inventoriés par la synthèse suivante, établie après consultation des bases de données sur les accidents du travail : m Dommages provoqués par un contact cutané massif

Effets réversibles : Le premier stade de l’atteinte à la peau se manifeste par des rougeurs, des irritations, l’apparition de boutons et d’eczéma. Ces effets cessent après suppression de l’exposition et élimination de l’agent. Brûlure chimique : En fonction de la corrosivité de l’agent chimique et de la durée du contact, des dégradations de l’épiderme et du derme peuvent intervenir. Elles peuvent laisser des séquelles visibles. Notons qu’une simple goutte de produit corrosif peut provoquer des graves atteintes à l’œil. Des substances possèdent un effet corrosif renforcé par une capacité accrue à la pénétration percutanée. Parmi celles-ci, citons le brome, l’acide monochloracétique et l’acide fluorhydrique, capables de ronger la peau assez profondément. L’acide fluorhydrique, dont l’utilisation se rencontre dans beaucoup de domaines, est un toxique insidieux, car même quand les dommages cutanés sont relativement modérés, les effets sur le métabolisme du calcium osseux sont redoutables et même mortels. Effets toxiques généraux : Une forte exposition cutanée à un solvant, en particulier halogéné, provoque, en plus des dommages cutanés, des effets similaires à une intoxication respiratoire, en raison du passage rapide dans le sang par voie percutanée. m Dommages provoqués par une inhalation massive

L’intoxication aiguë commence par de simples malaises, tels que nausées, vertiges, céphalées, troubles de la vue et de l’équilibre. Elle peut aller jusqu’à la suffocation, perte de connaissance et mort. Les mécanismes de l’intoxication sont différents selon les substances, selon qu’elles agissent sur le système nerveux central, comme beaucoup de solvants, ou sur le métabolisme sanguin, comme pour les « poisons » tels que le cyanure d’hydrogène ou le monoxyde de carbone. Quant au sulfure d’hydrogène (H2S), une rapide perte de connaissance intervient à partir de 500 ppm, suivie d’un coma parfois convulsif accompagné de troubles respiratoires (dyspnée et cyanose), d’un œdème pulmonaire, de troubles du rythme cardiaque et de modifications tensionnelles. Aux concentrations supérieures à 1 000 ppm, le décès survient de façon très rapide, en quelques minutes. 92

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Pour fixer les idées, reprenons l’exemple du paragraphe 2.5.2 qui montrait que deux litres de dichlorométhane évaporés dans un local de 20 m2 générait une concentration de 15 000 ppm. On sait que des troubles graves interviennent avec cette substance sur l’homme dès 2 000 ppm et que la concentration létale (CL50) par inhalation pour les souris est de 24 850 ppm en 30 min. De même, un effet narcotique, comme en présentent nombre de solvants, peut se manifester très rapidement en fonction de la concentration. Il est alors responsable d’autres types d’accidents : chutes, blessures, accidents de circulation, etc. Ces accidents ne sont pas toujours mis en relation avec l’exposition aux solvants, surtout s’ils se produisent après le temps de travail. m Dommages accidentels indirects par incendie ou explosion

Un incendie produit d’abord beaucoup de chaleur, donc les personnes qui n’ont pu s’échapper sont victimes de brûlures thermiques de toutes gravités. Il génère ensuite beaucoup de gaz et de vapeurs qui peuvent être toxiques. Il consomme aussi de l’oxygène, créant ainsi un risque d’anoxie. Enfin, les fumées abondantes sont à l’origine d’irritation des yeux et des voies respiratoires, pouvant aller jusqu’à une suffocation. Une explosion cause toujours de graves dommages humains et aux installations. Le premier effet est le souffle, qui projette objets et personnes à proximité. Mais lorsqu’elle se produit dans un récipient, elle provoque sa rupture brutale en envoyant des projectiles, qui peuvent être lourds et acérés, à de grandes distances. Elle s’accompagne généralement d’une expansion de flammes et de gaz brûlants, produisant eux-mêmes des brûlures et des départs d’incendies, voire d’autres explosions. Comme dans les incendies, le risque d’intoxication aiguë s’ajoute à tous ces effets.

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m Dommages provoqués par une ingestion accidentelle

Une ingestion accidentelle de produit chimique est souvent d’un volume non négligeable, plusieurs centilitres, en raison de l’effet de surprise. La voie digestive est d’abord sensible au contact direct des produits avalés. On peut avoir, selon les propriétés des produits en cause, des irritations et des brûlures, rapidement très graves en raison de la sensibilité des muqueuses. Ensuite peuvent suivre des effets d’intoxication générale par assimilation au niveau de l’estomac et de l’intestin. Certains toxiques agissent à des doses si faibles qu’une simple contamination des aliments peut provoquer une intoxication. m Dommages provoqués par l’anoxie

Lorsque la concentration en oxygène dans l’air est entre 12 et 16 %, on observe une augmentation du rythme respiratoire et du pouls, ainsi qu’un manque de coordination des mouvements. À moins de 10 % apparaissent une fatigue anormale, des nausées, des vomissements et des pertes de conscience. À moins de 6 %, des convulsions se produisent, le sujet devient inconscient, la respiration s’arrête, puis le cœur quelques minutes après. 93

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

2.5.4 Arbre des causes

L’arbre des causes est une méthode d’analyse d’accident mise au point par l’INRS il y a plusieurs décennies. Elle n’a rien perdu de son opportunité et son utilité s’est vue renforcée par l’émergence de la notion d’évaluation des risques dans les réglementations. Il s’avère en effet qu’elle constitue un puissant outil de repérage des facteurs « premiers », c’est-à-dire étant à l’origine des situations et des événements dangereux possibles dans le domaine étudié. C’est d’ailleurs en appliquant cette méthode à un grand nombre d’accidents liés aux produits chimiques que nous avons élaboré le modèle sur lequel repose notre méthodologie, résumée au paragraphe 2.2.1. Ainsi, à côté d’une méthodologie prédictive des dysfonctionnements, il est indispensable de faire une bonne analyse de ceux qui se sont malgré tout produits, qu’ils soient des accidents, des « presque accidents » ou de simples incidents. Nous allons voir, sur quelques exemples, la puissance de cette méthode. Il n’est cependant pas inutile de rappeler les bonnes pratiques de la méthode de l’arbre des causes. m La méthode

Cause C de rang 2 Cause A de rang 1 Cause D de rang 2 Dommage final Cause E de rang 2 Cause B de rang 1

Cause F de rang 2

Figure 2.12 – Principe de l’arbre des causes

La méthode consiste à partir du constat du dommage final, pour identifier ses causes immédiates, nécessaires et suffisantes, sachant qu’il peut y en avoir une comme trois ou quatre. En réitérant ce raisonnement élémentaire à chaque cause identifiée, on construit un enchaînement de causes de plus en plus ramifié, à l’instar d’un arbre généalogique. Il est toujours possible de trouver une cause à une cause, constat qui rendrait cet arbre infini ! Le bon sens dicte à quel rang il faut s’arrêter, en général au niveau des choix stratégiques de l’organisation concernée, ce qui est déjà beaucoup. Une fois l’ensemble des causes identifiées, il ne reste plus qu’à trouver les moyens d’éliminer chacune d’elles, en commençant par les plus hautes dans la hiérarchie. En effet, le schéma ci-dessus montre bien que la suppression d’une cause de rang n élimine toutes les causes en aval qui en dépendent. 94

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Cette description courte de la méthode montre bien sa simplicité, qui en fait son universalité, car elle n’est évidemment pas réservée au risque chimique, ni même aux accidents, mais applicable à tout dysfonctionnement. L’efficacité de la méthode tient à ce que les conclusions sont logiques et non pas intuitives, comme dans beaucoup de décisions. Inversement, elle conduit automatiquement à une pluralité de causes, excluant ainsi le réflexe simpliste de la cause unique des faits. Cependant, elle n’a pas le succès escompté, car elle est souvent mal appliquée. Il existe en effet trois points clés qu’il ne faut absolument pas négliger pour en tirer le meilleur parti. – La méthode est rigoureusement factuelle, c’est-à-dire que l’arbre doit être construit à partir de faits établis, à ne pas confondre avec des opinions ou des jugements, du type « il était trop… il semblait…, il aurait dû…, etc. ». Il faut dire « la température était de l’ordre de 120 ˚C et la consigne était de 90 ˚C » au lieu de « la température était trop élevée ». Avant de construire un arbre des causes, il faut d’abord recueillir le maximum de faits avec précision, en s’attachant à repérer les écarts et les états inhabituels. – Il faut éviter toute négation suggérant un écart, comme « il ne portait pas son casque » ou « il n’y avait pas d’extincteur ». Ces formulations induisent une mesure de prévention, qui n’est pas forcément judicieuse. D’autre part, cette méthode ne doit pas servir à identifier des fautes, mais seulement des problèmes. Ainsi, la vraie cause d’une brûlure aux mains est le contact avec un produit qui fuit, par exemple, mais pas l’absence de gants, car l’état standard d’un individu implique les mains nues. Le port de gant n’est alors qu’une des possibilités de solution, qu’il ne faut pas mettre en avant. De même, plutôt que de dire « il n’y avait pas de couvercle sur la cuve », il vaut mieux dire soit « des vapeurs sortaient par l’ouverture de la cuve », soit « le couvercle avait été déposé », ces deux faits étant plus précis. Dans la pratique, c’est certainement la règle la moins respectée. – L’arbre des causes et l’enquête qui précède doivent être élaborés par une équipe pluridisciplinaire, animée par un garant de la méthode. Cette démarche collective est indispensable pour obtenir un consensus sur les mesures à prendre, qui seront d’autant mieux appliquées. Cela facilite en outre le respect des deux règles précédentes. m Exemples d’arbres des causes

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Étude de cas 1 : Relation des faits : À 10 h 30, un camion d’une entreprise de distribution de produits chimiques arrive dans l’entreprise de traitement de surface cliente. I1 doit livrer 3 000 1 de lessive de soude et 2 500 1 d’acide chlorhydrique dans les cuves de stockage. Les opérations de raccordement sont opérées, comme d’habitude, en présence du responsable de la station d’épuration. Les produits sont dans des citernes mobiles et le transfert se fait par pression à l’aide d’un compresseur. Comme le débit lui paraît faible, le chauffeur va vérifier le remplissage de la citerne d’acide se trouvant à l’intérieur du local. Il constate alors la présence de vapeurs et se trouve rapidement pris de suffocation. Il est secouru par le technicien, puis transféré à l’hôpital par les pompiers appelés par la suite. La victime s’est par la suite rétablie sans séquelles. 95

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Une vérification, rapidement faite, a montré que la citerne de livraison, sensée contenir de l’acide chlorhydrique, contenait en fait de l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) suite à une erreur humaine au cours du chargement. D’où l’origine du nuage de chlore issu de la réaction de l’hypochlorite sur 1’acide chlorhydrique contenu dans la citerne fixe. Cela a été d’abord nié par le fournisseur, prévenu au téléphone, puis reconnu. Schéma de l’environnement :

porte NaOH javel

HCl

bisulfite .

chaux

vannes camion

station d’épuration

bureaux

Figure 2.13 – Plan de la zone d’accident

Schéma du poste de travail : ventilation air comprimé

cuve mobile cuve HCl camion vanne marquée « HCl »

Figure 2.14 – Coupe du poste de déchargement

Recueil d’informations complémentaires après enquête : – Le bon de livraison mentionnait de l’acide chlorhydrique. – Il n’y avait pas d’étiquetage de la cuve mobile. – La ventilation ne concerne que les citernes dans l’atelier et il n’y a pas de ventilation générale. – Il s’est écoulé 400 1 d’hypochlorite. – Le couvercle de la cuve d’acide était simplement posé, puisque la cuve est toujours en légère dépression. 96

2 • Théorie du risque chimique

– – – –

2.5 Processus accidentel

Il n’y a pas de contrôle des produits livrés. Le chauffeur n’avait pas de masque. Le technicien de la station d’épuration avait un masque adapté et s’en est servi. Le chlore a détruit le pupitre de pilotage de la station.

Arbre des causes établi dans l’entreprise : erreur au chargement

confiance au chauffeur

de l’acide a été commandé

contenu identifié comme acide

hypochlorite dans la cuve du camion

délai de détection de l’incident

acide sur le bordereau de livraison

introduction d’hypochlorite dans l’acide

quantité versée importante

émission massive de chlore

incident de dépotage

cuve de stockage dans la station

vérification du niveau

couvercle soulevé

chlore dans la station

chauffeur dans la station

intoxication au chlore

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 2.15

Remarques sur l’arbre des causes : – La méthode met bien en évidence l’importance de l’erreur d’identification de produit, par rapport à un non-port de protection respiratoire qui venait à l’esprit au départ. – Les causes en grisé sont celles qui feront l’objet de mesures de prévention. – L’arbre a bien été établi sans négations, contrairement aux observations figurant dans le rapport d’enquête. – Toutes les observations ne sont pas reprises dans l’arbre, car certaines n’ont pas joué de rôle direct dans l’apparition de l’accident, comme le défaut de marquage des cuves de transport. 97

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Étude de cas 2 : Relation des faits : Dans un laboratoire de recherche, une technicienne chimiste doit lancer une réaction dont l’un des réactifs est le carbonate de diméthyle. Elle va chercher le flacon au local de stockage et s’apprête à l’ouvrir sur la paillasse, à l’intérieur de la sorbonne où est monté son appareil. Elle dévisse le bouchon du flacon et, à cet instant, un petit jet de liquide s’échappe de l’ouverture et atteint un œil de la technicienne. Elle cherche aussitôt un lave-œil, qu’elle va trouver au bout de deux minutes. Elle aura une légère lésion oculaire, mais sans séquelles après les soins dispensés. Recueil d’informations complémentaires après enquête : Le flacon était en surpression. La technicienne avait oublié de remettre ses lunettes de protection, car elle sortait d’une réunion. Le réactif était en stock depuis 3 ans. Le flacon était entamé. Le lave-œil était placé dans le couloir menant au laboratoire. Le carbonate de diméthyle se décompose en présence d’eau en méthanol et dioxyde de carbone. L’étiquette du flacon mentionnait les informations de sécurité suivantes : R11 : Facilement inflammable R36/38 : Irritant pour les yeux et la peau S9 : Conserver le récipient dans un endroit bien ventilé S16 : Conserver à l’écart de toute flamme ou source d’étincelles. Ne pas fumer.

Arbre des causes établi dans l’entreprise : Produit hydrolysable avec formation de gaz Prise d’humidité 1

Mode opératoire Pression interne

3 ans de stockage 2

Produit irritant

Projection de produit 3

Besoin pour la réaction

Lésion oculaire 5

Contact oculaire 4

Ouverture rapide du flacon

Flacon bouché et étiqueté Travail manuel délicat

Yeux à proximité

Figure 2.16 – Arbre des causes d’accident au laboratoire

98

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Remarques sur l’arbre des causes : – Ni l’étiquette ni la FDS, consultée après coup, ne mettent en garde contre le risque d’hydrolyse. Seule la bibliographie et la formation peuvent amener à l’imaginer. – Les causes numérotées de 1 à 5 sont celles qui sont retenues pour une mesure de prévention. – La cause « ne portait pas de lunettes de protection » ne figure pas, comme convenu, malgré son apparente évidence. Cela n’empêche pas la mesure d’être indiquée pour la cause n˚ 4.

Étude de cas 3 : Relation des faits : Dans un atelier de chimie fine, on réalisait la fabrication d’une amine secondaire par réduction d’un imide au borohydrure de sodium. La réaction est conduite dans un réacteur équipé d’un condenseur vertical pour le reflux de solvant. Le réactif, en suspension dans du chloroforme, est d’abord introduit dans le réacteur. Ensuite on ajoute lentement l’imide préparée en solution dans le chloroforme avec un activateur, dans un autre réacteur. L’addition se fait en 8 heures, au moyen d’une pompe doseuse, au reflux du chloroforme. Mais 15 min après le début du transfert, l’opérateur entend une explosion dans le premier réacteur. Aussitôt après, des flammes fusent par le plan de joint du couvercle et atteignent l’opérateur qui s’enfuyait. La victime a été gravement brûlée dans le dos et intoxiquée par les gaz de combustion. Schéma de l’installation : évent condenseur Disque de rupture

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Imide + activateur

Borohydrure + CHCl 3

Réacteur Pompe doseuse

Figure 2.17 – Schéma d’installation de chimie fine

Recueil d’informations complémentaires après enquête : Une explosion a précédé le jet de flammes. Le disque de rupture a sauté. L’opérateur était nouveau à ce poste. La réaction avait été conduite 21 fois sans incident. 99

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Le débit de coulée était 7 fois plus rapide que la normale. La pompe doseuse est réglable par de simples repères. Une odeur de chloroforme a précédé l’explosion. La réaction dégage de l’hydrogène avec des traces de diborane. La température d’auto-ignition du diborane est de 40 ˚C. Il y avait une alarme de température dans le condenseur, qui n’a pas fonctionné. La pompe doseuse était réglée pour une autre réaction. Arbre des causes établi dans l’entreprise : Réglage de pompe modifié

Opérateur nouveau 1

Délai de démarrage de la réaction

Débit de réactif très supérieur à la consigne 2

Réaction exothermique

Accumulation de réactif non réagi

Emballement de la réaction 3

Dégagement rapide d’hydrogène et de diborane

Évent de diamètre 50 mm

Montée rapide en pression 4 Éclatement du disque de rupture

Décompression brutale et arrivée d’air dans le réacteur 5

Milieu réactionnel à 65 °C

Auto-ignition du diborane Ignition de l’hydrogène Surpression Pilotage à vue 6 Fuite au couvercle Jet de vapeurs en flammes

Opérateur à proximité du réacteur

Opérateur brûlé gravement

Figure 2.18 – Arbre des causes d’un accident de process chimique

100

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Remarques sur l’arbre des causes : – Un tel arbre est long à construire. Il demande une bonne équipe pluridisciplinaire, une enquête minutieuse et des vérifications d’hypothèses. – La survenue d’une explosion a été difficile à expliquer au départ, car il n’y avait pas de source d’ignition présente. Son explication est venue de la découverte de la formation de diborane et de la rupture du disque. En effet, le bruit de cette rupture s’est confondu avec celui de l’explosion, ce qui fait qu’on l’a prise pour la conséquence de l’explosion et non pas pour la cause. – La rupture du disque de surpression a aussi été difficile à expliquer, car l’emballement de la réaction est passé inaperçu. Ce n’est que le signalement de l’odeur de chloroforme qui a conduit à cette hypothèse. Le contrôle de température, étant placé au niveau du condenseur, n’a pas montré de montée significative en raison du reflux. – Les causes numérotées de 1 à 6 sont celles qui feront l’objet de mesures de prévention, décrites au paragraphe 5.2.2. – Cet arbre des causes a été très riche en enseignements pour la sécurité des process en général, comme en témoigne le plan de prévention qui en a découlé. Les principes en sont repris au paragraphe 5.2.2. m Conclusion

Chaque arbre montré ici est issu du travail collectif d’un groupe particulier. Tout autre groupe aurait abouti à un arbre différent. Mais la logique de la méthode fait que l’on arrive toujours aux mêmes conclusions et aux mêmes choix de principe des mesures de prévention, du moins si on l’applique avec rigueur. Ces exemples montrent bien la multiplicité des causes de tout accident ou incident, ce qui ouvre un choix de mesures de prévention beaucoup plus large que celui qui résulte de la seule intuition. Dès que l’on remonte un peu dans la hiérarchie des causes, elles deviennent principalement du type organisationnel. En final, c’est le management qui est en cause. Ce point est fondamental et le nier condamne à terme toute démarche de prévention à l’échec. © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

2.5.5 Estimation du risque accidentel

L’estimation du risque accidentel est une étape de l’analyse encore plus indispensable que dans le processus chronique, en raison du nombre d’événements dangereux que l’on est amené à envisager. Elle s’appuie toujours sur deux variables, la gravité et la probabilité du dommage, qui dépendent elles-mêmes de beaucoup de facteurs, différents selon la nature du dommage. Rappelons que cette règle est commune à tous les types de risques accidentels. La norme ISO 141211, qui vise les accidents sur équipements de travail, cite les facteurs déterminants (chapitre 7.2) : 1. Norme ISO 14121-1-2007 - Sécurité des machines – Principes pour l’appréciation du risque.

101

2 • Théorie du risque chimique

LE RISQUE relatif au phénomène dangereux considéré

2.5 Processus accidentel

LA GRAVITÉ est une fonction de

LA PROBABILITÉ D’OCCURRENCE de ce dommage

du dommage possible pouvant résulter du phénomène dangereux considéré

et de

– fréquence et durée d’exposition – probabilité d’occurrence d’un événement dangereux – possibilité d’éviter ou de limiter le dommage

Cela peut très bien s’appliquer au risque chimique, mais en tenant compte de ses spécificités, notamment la nature des dommages. Nous allons examiner comment gravité et probabilité se déterminent en l’occurrence. m Niveau de gravité

Les dommages peuvent se situer sur une échelle de gravité assez classique quand ils sont corporels : – 1 = Dommage réversible ; – 2 = Dommage irréversible avec incapacité légère ; – 3 = Dommage irréversible avec incapacité lourde ; – 4 = Décès. Le niveau de gravité concerne le dommage envisagé. Il est assez difficile à fixer sans respecter des règles de raisonnement. En effet, on peut observer que tout peut arriver dans un accident, de l’absence totale de dommage jusqu’au décès. Cela est dû au fait qu’il existe un lien étroit entre la gravité et la probabilité, selon une variation classique que le schéma suivant synthétise : 10 9 8

probabilité

7 6 5 4 3 2 1 0 0

2

4

6

8

10

gravité

Figure 2.19 – Relation entre gravité et probabilité d’un dommage donné

102

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Ce qui fait la différence d’importance des risques, c’est le positionnement de la courbe, comme le montre le graphe suivant : !0 9

Importance du risque 8

Probabilité

7 6 5 4 3 2 1 0 0

2

4

6

8

10

Gravité

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 2.20 – Courbes de risque d’importances différentes

Dans la pratique, il suffit de situer la gravité la plus fréquente pour l’événement considéré d’après l’historique et les statistiques disponibles ou, à défaut, pour des événements similaires. Quand le dommage chimique se produit par contact massif direct, cutané ou respiratoire, que l’on appelle aussi exposition aiguë, la gravité s’estime comme celle d’une exposition chronique, c’est-à-dire qu’elle est en rapport avec le niveau de danger et la dose reçue d’agent chimique. La différence est que la dose reçue est unique et de durée relativement courte. En outre, le caractère aléatoire de cet événement interdit tout calcul prédictif, même grossier, de la dose susceptible d’être absorbée. Seule la quantité mise en œuvre permet une estimation relative. Par exemple si un opérateur travaille sur 1 litre de solvant, la gravité d’un accident d’intoxication aiguë sera a priori inférieure à celle qu’engendre le travail sur 1 000 litres du même solvant. Mais c’est une estimation qu’il faut traiter au cas par cas, selon les caractéristiques du poste de travail. Pour le risque lié à la réactivité, la gravité du dommage est à la fois fonction de la chaleur totale de réaction et du danger des substances volatiles formées, plus que de celui des réactifs, mais leur quantité est tout aussi influente sur cette gravité. Le tableau du paragraphe 2.5.2 montre que, souvent, la toxicité des substances formées est telle que le dommage le plus fréquent à considérer est le décès. Pour un risque d’incendie/explosion, la gravité du dommage ne dépend plus du niveau de danger de l’agent chimique, qui n’est que le déclencheur, mais des circonstances et de l’environnement présents à l’instant du déclenchement. Ainsi la gravité du dommage sera fonction de la position de l’individu par rapport à la source du phénomène, de son ampleur, du nombre d’individus menacés, de la possibilité de projection d’objets ou de produits chimiques, de celle d’émanations massives, etc. 103

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

Pour imaginer le scénario, il convient de distinguer l’incendie de l’explosion. En effet, un incendie laisse généralement beaucoup plus de possibilités d’évitement des dommages, tel qu’une évacuation et une première lutte contre le feu. Mais il est difficile, excepté en l’absence totale de produits inflammables, d’exclure le risque d’explosion. Comme la prudence veut que, dans le doute, on envisage le dommage le plus grave, c’est presque toujours la mort qui est retenue comme dommage maximum dans ce type d’accident. Une gravité inférieure n’est envisageable que pour un travail sur de petites quantités (quelques cm3). La gravité dépend aussi du nombre de personnes exposées. La détermination d’un niveau de gravité reste donc très intuitive, mais doit être guidée par la prise en compte des paramètres que l’on vient d’évoquer, surtout pour un classement relatif. m Niveau de probabilité

Que l’accident envisagé soit de type exposition massive ou incendie/explosion, la probabilité de survenue de l’accident est essentiellement fonction du scénario. Rappelons que ce scénario est un enchaînement de faits élémentaires, ayant chacun leur propre probabilité. La probabilité du dommage, et c’est la seule qui compte, est une combinaison de toutes les probabilités intervenant à chaque étape. Pour illustrer ce concept, reprenons l’exemple du paragraphe 2.5.2. Étape

Facteur influent

Probabilité

Choc chariot/tuyauterie

Proximité entre le passage du chariot et la tuyauterie

P1

Desserrage des brides

Qualité du serrage initial

P2

Fuite du liquide

Présence de liquide sous pression

P3

Contact liquide/opérateur

Présence de l’opérateur sous la bride

P4

Brûlure chimique

P = P1 ¥ P2 ¥ P3 ¥ P4

Nous voyons en particulier qu’un déclencheur assez probable peut ne générer qu’un dommage assez peu probable. D’autre part, il y a autant de probabilités finales que de variantes de scénarios. Néanmoins, certains facteurs accroissent ou réduisent le niveau de probabilité d’un événement dangereux. Rappelons d’abord ceux que cite la norme ISO 14121 : – La fréquence et la durée de présence en situation dangereuse, en vertu des lois statistiques. On retrouve ici la notion de durée cumulée, déjà exploitée pour l’exposition chronique. Elle sera éventuellement fonction de l’importance du travail manuel dans le mode opératoire. – L’importance des possibilités d’évitement, telles que la fuite, l’esquive, la mise à l’abri, voire l’apnée, qui sont des gestes réflexes, acquis par l’expérience et déclenchés 104

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

soit par la vue directe du dysfonctionnement, soit par des avertisseurs ou signaux installés dans ce but. Ajoutons à ceux-ci les facteurs plus spécifiques du risque chimique : – la quantité de produit mis en œuvre, qui agit aussi sur la probabilité en facilitant l’atteinte d’une concentration critique, que ce soit une VLEP ou une LIE ; – la distance homme-produit ; – le confinement du poste pour l’intoxication aiguë ; – la pression des produits liquides ou gazeux ; – la volatilité et le point d’éclair pour le risque incendie/explosion ; – le degré d’ouverture de l’installation, c’est-à-dire l’importance des surfaces de produit à l’air libre. En particulier, la probabilité d’une explosion est elle-même estimée à partir de certains facteurs, tels que : – le volume possible de l’atmosphère explosible ; – la concentration probable des vapeurs dans l’air ; – l’inflammabilité du produit (en fonction de son point d’éclair) ; – la présence possible de sources d’ignition. L’exemple suivant illustre l’influence de l’inflammabilité sur la probabilité d’une explosion1 :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

« La victime est métallier dans une entreprise de métallerie-serrurerie. Lors d’un essai de pulvérisation après une opération de rinçage d’un pistolet d’application de peinture électrostatique, une explosion s’est produite, brûlant gravement l’opérateur au visage. L’opérateur a semble-t-il oublié de couper le boîtier électrostatique, et effectué le rinçage de l’installation en rejetant le solvant directement dans un fût. Lorsqu’il a rétabli l’air comprimé, le fonctionnement du dispositif électrostatique s’est rétabli automatiquement. Le solvant utilisé a un point d’éclair de 6 ˚C au lieu des 30 ˚C préconisés par le fabricant du pistolet ; la moindre étincelle au niveau du bouchon du fût peut provoquer une explosion à température ambiante. »

La probabilité d’une réaction incontrôlée est fonction d’abord de son exothermicité, mais surtout de la criticité de ses paramètres de fonctionnement. Les moyens qui permettent de respecter ces conditions, souvent très précises, sont aussi déterminants sur cette probabilité. L’exemple le plus connu des chimistes est celui des réactions de nitration. Quant aux réactions imprévues, leur probabilité va dépendre de la possibilité de rencontre de produits incompatibles d’une part et de la présence humaine d’autre part. Ces quelques points seront déterminants au moment du choix des mesures de prévention. En outre, il ne faut pas sous-estimer l’importance des erreurs humaines dans le déclenchement des événements dangereux. Elles ont été reconnues dans de nombreuses catastrophes technologiques, comme en témoigne la base ARIA2 ou l’exemple n˚ 1 du paragraphe 2.5.4. Ces erreurs sont d’autant plus probables lorsque les personnes sont soumises à des facteurs favorisants, souvent étudiés. Nous en citerons quelques-uns : – le défaut de formation ; 1. Extrait de la base EPICEA de l’INRS. 2. Voir note 43.

105

2 • Théorie du risque chimique

2.5 Processus accidentel

– le défaut d’information ; – l’absence de mode opératoire écrit et disponible ; – le manque de planification des tâches ; – les défaillances de système de communication (technique ou humain) ; – la surcharge mentale. Ces facteurs sont bien apparus dans les exemples d’arbres des causes du paragraphe 2.5.4. La détermination du niveau de probabilité reste, elle aussi, très intuitive, mais le résultat est valide si l’on respecte une certaine logique, qui prend en compte un scénario précis, ainsi que les facteurs qui peuvent accroître ou réduire le niveau de probabilité. m Estimation finale du risque accidentel

L’évaluation du risque accidentel se termine en situant son importance, qui est donc une combinaison des niveaux de gravité et de probabilité, en suivant une règle similaire à celle qui est utilisée pour le risque d’exposition chronique. La matrice de combinaison, à 3, 4 ou 5 niveaux d’entrée, est un des moyens les plus pratiqués pour cette cotation. En voici un exemple : Niveau de probabilité de survenue du dommage

Niveau de gravité du dommage

faible

moyen

élevé

élevé

2

3

3

moyen

1

2

3

faible

1

1

2

L’échelle de 1 à 3 situe l’importance du risque d’accident. Ce simple tableau offre en fait l’occasion d’une remise en cause de notre façon de juger les risques accidentels, dans tous les domaines. En effet, le jugement des risques est empreint, dans l’histoire humaine, de facteurs culturels et affectifs. La prise de risque n’est-elle pas, dans l’opinion publique, un signe de courage et de force de caractère ? Inversement, certains risques sont maximalisés a priori, en raison de craintes réflexes, souvent motivées par la part d’inconnu qui s’y attache. C’est ainsi que l’on observe la peur de l’avion, la peur du nucléaire, la peur des produits chimiques, etc. Or le recours, on ne peut plus simple, à la combinaison gravité-probabilité permettrait de démythifier l’importance de ces risques. Prenons l’exemple du risque d’accident lié à un transport motorisé et comparons l’avion et le véhicule personnel. Envisageons le dommage maximum, c’est-à-dire le décès dans les deux cas, avec un niveau supérieur pour l’avion puisque le décès est collectif. En termes de probabilité, la différence est énorme : des centaines de fois plus faible pour l’avion que pour le véhicule personnel. En appliquant le tableau ci-dessus, on trouverait un niveau 2 de risque pour l’avion et un niveau 3 pour le véhicule. Le fait que l’on choisisse instinctivement l’ordre inverse s’explique en partie par l’idée rassurante que l’on maîtrise les événements dangereux en conduisant soi-même. 106

2 • Théorie du risque chimique

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Mais comment bien estimer la probabilité d’un dommage, puisque c’est un paramètre déterminant ? La réponse est dans la « loi des grands nombres », qui veut que la fréquence statistique d’un dommage particulier observée dans un très grand nombre d’événements mesure précisément sa probabilité de survenue. Encore faut-il disposer de ces statistiques. Elles existent dans beaucoup de domaines, tels que les transports, la santé publique, les accidents du travail, les accidents de la vie privée, etc. Cela permet d’affirmer par exemple qu’en Europe occidentale, la probabilité d’accident grave dans la production d’énergie est largement supérieure avec les combustibles liquides ou gazeux que par technique nucléaire. Le schéma suivant résume la procédure complète de cotation du risque chimique accidentel. Mode opératoire

Agent chimique

Phrase de risque

Déclencheur

Niveau de danger

Événement dangereux

Niveau de gravité

Situation dangereuse

Niveau de probabilité

Importance du risque

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Figure 2.21 – Estimation du risque chimique accidentel

Les approximations apparentes de cette méthode ne nuisent pas à un classement judicieux des risques par importance, le but final étant d’établir un plan d’action qui traitera tous les risques répertoriés.

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes Les méthodes d’analyse des risques chimiques que l’on peut trouver auprès d’organismes ou d’entreprises spécialisés dans les risques industriels s’appuient toutes sur la distinction entre danger et risque. L’inventaire des risques chimiques commence en général par un inventaire des dangers, lequel nécessite d’inventorier d’abord tous les produits utilisés. La deuxième étape concerne la recherche des expositions 107

2 • Théorie du risque chimique

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

des postes de travail et la démarche se termine par une évaluation des risques, selon des méthodes très variables. Le risque incendie-explosion est souvent traité dans une démarche distincte, quand il n’est pas inclus dans le risque chimique. Il nous est apparu que l’ensemble de ces méthodes souffre d’une vision limitative du risque chimique, qui ne prend que partiellement en compte le processus accidentel. Cette lacune a des conséquences évidentes sur le choix des mesures de prévention censées couvrir tous les risques présents. Elle est pourtant assez fréquente, puisqu’on la retrouve dans la méthode INRS (ND 2233), qui d’ailleurs l’annonce clairement, mais aussi dans le système REACH. En effet, le règlement européen CE/1907/2006 n’a pas clairement envisagé le processus accidentel, en dehors du risque incendie-explosion et des réactions chimiques dangereuses. Dans son annexe I qui décrit les mesures de sécurité chimique incombant aux fabricants et utilisateurs, il est dit qu’un « scénario d’exposition » décrit la manière dont la substance est fabriquée ou utilisée, ainsi que les recommandations destinées aux utilisateurs en aval. On pourrait imaginer que les accidents du type expositions massives sont inclus dans les scénarios d’exposition. Mais il est précisé plus loin : « En particulier, un scénario d’exposition comprend, le cas échéant, une description des éléments suivants : Conditions d’exploitation : – les processus intervenant, y compris la forme physique sous laquelle la substance est fabriquée, transformée et/ou utilisée ; – les activités effectuées par les travailleurs dans le cadre des processus, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition à la substance ; – les activités des consommateurs, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition à la substance ; – la durée et la fréquence des émissions de la substance vers les différents milieux environnementaux et les systèmes de traitement des eaux usées, ainsi que le facteur de dilution dans ce milieu récepteur de l’environnement. » La référence constante à la durée et à la fréquence montre bien que les rédacteurs parlent d’exposition chronique. Cela est confirmé par le passage suivant : « L’estimation de l’exposition comporte trois éléments : 1) l’estimation des émissions ; 2) l’évaluation du devenir chimique et des voies de transfert ; 3) l’estimation des niveaux d’exposition. Lors de l’estimation des émissions, il est tenu compte des émissions qui se produisent durant tous les stades pertinents du cycle de vie de la substance et découlent de la fabrication et des utilisations identifiées. Les étapes du cycle de vie découlant de la fabrication de la substance couvrent, le cas échéant, l’étape de gestion des déchets. Les étapes du cycle de vie découlant des utilisations identifiées couvrent, le cas échéant, la durée de vie utile des articles et l’étape de gestion des déchets. L’estimation des émissions est réalisée en admettant que les mesures de gestion des risques et les conditions d’exploitation décrites dans le scénario d’exposition ont été mises en œuvre. 108

2 • Théorie du risque chimique

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Il est procédé à une caractérisation des éventuels processus de dégradation, de transformation ou de réaction, ainsi qu’à une estimation de la distribution et du devenir dans l’environnement. » Il est clairement fait uniquement référence aux événements habituels et prévisibles. La seule évocation du mécanisme accidentel intervient pour la caractérisation des risques : « La caractérisation des risques consiste en : – une comparaison entre, d’une part, l’exposition de chaque population humaine dont on sait qu’elle est ou qu’elle sera probablement exposée et, d’autre part, les DNEL pertinentes ; – une comparaison entre, d’une part, les concentrations environnementales prévues dans chaque milieu de l’environnement et, d’autre part, les PNEC ; – une évaluation de la probabilité et de la gravité d’un événement qui se produirait à cause des propriétés physico-chimiques de la substance. » Ainsi l’événement est cité, mais seulement pour les propriétés physico-chimiques. Il est douteux qu’une projection d’une substance corrosive, par exemple, entre dans ce cas. Or le volet accidentel du risque lié à l’utilisation de produits chimiques, indépendamment de l’aspect incendie-explosion, est loin d’être négligeable. On peut citer pour preuve, s’il en fallait, la base de données « EPICEA » de l’INRS sur les accidents graves ayant fait l’objet d’une enquête dans les CRAM. En voici un extrait :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

« La victime, 37 ans, ouvrier, conducteur onduleuse et collerie, a été atteinte aux yeux et au visage par des projections de soude, alors qu’elle aidait un collègue pour une opération de maintenance sur une installation de dosage équipée d’un accumulateur gonflé à l’azote (pression : 1,25 bar) pour régulariser le débit de soude. Suite à des dysfonctionnements du système de régulation, un mécanicien a été chargé de vérifier la pression de gonflage de l’accumulateur. L’intervention a été effectuée à l’aide d’une bouteille d’azote à 200 bars. Au cours de cette opération, la membrane de l’accumulateur a éclaté. Un manomètre, situé à proximité de la victime, a cédé sous la pression excessive envoyée dans l’installation. Les deux opérateurs ont été atteints par des projections de soude. »

Une autre caractéristique des différentes méthodes disponibles réside dans la manière dont est estimé le risque. Dans la grande majorité des cas, l’estimation repose essentiellement sur le niveau de danger de l’agent chimique, ce qui est contraire à la définition même du risque et peut conduire à des erreurs graves. Quand l’estimation va plus loin en prenant en compte les conditions de mise en œuvre de l’agent chimique, elle le fait à partir d’éléments de l’environnement de travail tels que la volatilité d’un produit, l’ouverture d’un récipient, la signalisation, un local de stockage, ou la manipulation de produits. Cela est logique et simple parce que concret. C’est pourquoi on retrouve ce principe notamment dans les logiciels développés pour l’évaluation des risques chimiques1. 1. Dans le secteur du bâtiment, l’OPPBTP (Office paritaire de prévention du bâtiment et des travaux publics) propose le logiciel LARA pour les risques chimiques.

109

2 • Théorie du risque chimique

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Nous allons examiner plus particulièrement trois méthodologies issues des organismes de la Sécurité sociale chargés de la prévention des risques professionnels. L’INRS, dont la sécurité et la santé au travail sont la raison d’être, a été un des premiers à élaborer un outil d’évaluation des risques pour les produits chimiques, en 20001. Cet outil a évolué par la suite pour aboutir à la « Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique », souvent citée. Elle est caractérisée par l’utilisation de scores qui quantifient les différentes composantes du risque. Elle propose par exemple pour l’exposition par inhalation de tenir compte d’un score de volatilité, d’un score de procédé et d’un score de protection collective. L’attribution des deux derniers scores se fait par comparaison du poste de travail avec l’un des quatre postes types décrits. Il est vrai que la différence avec notre méthodologie, qui s’appuie uniquement sur des grandeurs (durée, fréquence, concentration, probabilité, gravité), n’est qu’apparente, car les grandeurs que nous estimons sont bien la résultante de la présence de tous les éléments de l’environnement de travail. Cependant, la relation de cause à effet n’est pas toujours garantie. Pour bien expliquer le problème que nous soulevons ici, nous proposons deux exemples. Supposons un procédé de fabrication d’un produit chimique dans une installation totalement close. Les méthodes évoquées ci-dessus attribuent à cette situation un facteur d’exposition négligeable et concluent donc à un risque faible. Mais un incident intervenant sur une telle installation, lorsque cela n’est pas prévu, les intervenants sont souvent amenés à ouvrir le système. L’exemple le plus banal est le bouchage d’une tuyauterie, ou la fuite d’une vanne ou d’une pompe. L’erreur d’estimation existe même dans le mode chronique, par exemple en cas d’ouverture de couvercle pour un contrôle visuel, non prévu par le mode opératoire. De même, un poste de travail sujet à émanations et équipé d’un captage enveloppant sera probablement classé comme peu exposant. Mais cette estimation suppose que la ventilation soit toujours en service, ce qui ne peut être garanti. L’expérience montre que les ventilations n’ayant qu’un caractère préventif sont assez souvent arrêtées, par exemple en raison du bruit généré. Notre méthode aurait d’ailleurs prévu à ce poste un risque accidentel de défaut de ventilation, d’origine technique ou humaine. Ce qui montre encore que les deux processus du risque chimique sont indissociables à tout instant. La méthode de l’INRS a été déclinée par la CRAM Midi-Pyrénées de façon plus conviviale, sous le nom de méthode OSER2, ce qui est bénéfique au développement de la prévention, notamment dans les très petites entreprises. Mais cette méthode comporte la même lacune sur le risque accidentel, ce qui est loin d’être négligeable. On retrouve cette impasse dans la méthode OPER@ (Outil de Première Évaluation du Risque chimique par l’Analyse de l’activité) développée par la CRAM de Bourgogne-Franche-Comté. Son objectif est de quantifier chaque risque, puis de chercher à réduire la cotation obtenue en agissant sur ses paramètres. Le niveau de gravité du risque chimique est calculé par la formule : GR = (A/B + C) ¥ D 1. Note documentaire ND 2121-178 de l’INRS. 2. Outil Simplifié d’Évaluation du Risque chimique, disponible sur http://www.cram-mp.fr/entreprises/ evaluation-risque-chimique.htm

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2 • Théorie du risque chimique

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

dans laquelle : A est la somme des valeurs attribuées à chaque phrase R de catégorie A, c’est-àdire celles relatives aux dangers atténuables pour lesquels une protection efficace peut être mise en place (exemple : port de gants et de lunettes pour la manipulation de l’hydroxyde de sodium – soude caustique – à 5 %). B représente la minoration de A qui peut être obtenue si tous les conseils de prudence mentionnés sur l’étiquette ou la fiche de données de sécurité sont respectés. C est la somme des valeurs attribuées à chaque phrase R de catégorie C, c’est-àdire celles relatives aux dangers non atténuables pour lesquels aucune protection n’est totalement efficace. Ces phrases R caractérisent les effets CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) des produits. Le facteur D permet de prendre en compte l’exposition de l’opérateur en fonction des critères suivants : – la nature de la ventilation ; – le degré d’automatisation de l’opération réalisée ; – les risques d’asphyxie, de brûlure, d’incendie ou d’explosion, d’effets sur la santé. Cette méthode a l’avantage d’être simple et rapide, avec sa contrepartie en approximations. Pour entrer dans les détails de son fonctionnement, il suffit de l’essayer sur le site de la CRAM1. Elle a suscité de notre part les remarques suivantes : – Le facteur A introduit bien le niveau de danger du produit chimique. Par contre, la notion de danger « atténuable » est incompatible avec sa définition officielle. – Le facteur B est une bonne exploitation de l’étiquetage, mais sa réalité montre qu’il est plutôt rare que les phrases S soient les mesures nécessaires et suffisantes pour réduire le risque, qui, rappelons-le, dépend beaucoup de facteurs inconnus des rédacteurs de l’étiquette. – Le facteur C a le mérite de pointer les CMR et d’inciter ainsi à leur substitution. Il est toutefois dommage de ne pas en faire autant des produits non CMR mais classés très toxiques, qui, eux, peuvent entraîner la mort en quelques minutes. – Le facteur D est sans doute une intégration partielle du processus accidentel, bien que le terme d’intoxication aiguë ne figure pas. Nous citerons pour finir une méthode qui possède un certain caractère officiel, puisqu’elle est publiée par la CNAMTS sous forme d’une recommandation2 ; elle a été votée par les partenaires sociaux en juin 2004. La méthodologie générale qui y est décrite tient en quatre pages. Elle propose six étapes, que nous résumons ainsi : Étape 1 : Organisation de la démarche L’employeur doit être à l’initiative de cette démarche, participative et pluridisciplinaire. 1. Caisse régionale d’assurance maladie de Bourgogne-Franche-Comté, www.cram-bfc.fr 2. Évaluation du risque chimique, recommandation n˚ R 409, adoptée par le Comité technique national de la chimie, du caoutchouc et de la plasturgie le 23/06/04. Disponible sur le site www.risquesprofessionnels.ameli.fr.

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2 • Théorie du risque chimique

2.6 Caractéristiques des méthodes existantes

Étape 2 : Inventaire des agents chimiques et identification des classes de dangers Un inventaire exhaustif des agents chimiques présents et l’identification de leurs dangers sont les étapes initiales indispensables à l’évaluation des risques. Les phrases de risque servent à attribuer les classes de dangers (de 1 à 5) pour chacun des aspects du risque chimique : santé, sécurité et environnement. Étape 3 : Caractérisation et hiérarchisation des potentiels de risques En raison du nombre d’agents susceptibles d’être présents au sein de l’établissement, il est suggéré de commencer, dans une première phase, par les agents chimiques les plus dangereux et les plus utilisés (en quantité et en fréquence). Un classement par score de potentiel de risques décroissant permet de sélectionner les agents chimiques ou unités de travail pour lesquels l’évaluation des risques doit être conduite en priorité. Étape 4 : Détermination de priorités d’étude Sur la base des résultats issus de la hiérarchisation des potentiels de risques (étape 3), les situations pour lesquelles une évaluation du risque devra être menée prioritairement sont identifiées. La démarche est possible soit par unité de travail, soit par agent chimique, soit par procédé. Étape 5 : Risques, analyse et classement Il s’agit d’identifier, analyser, estimer et classer les risques inhérents aux conditions de travail habituelles et ceux pouvant résulter d’événements accidentels. Cette étape, la plus importante, demande de repérer les tâches effectuées par les salariés d’un même « Groupe d’Exposition Homogène », d’évaluer les risques en fonctionnement habituel, puis les risques liés à des événements accidentels, et de consigner l’ensemble du constat dans un rapport, notamment exploitable pour la rédaction du document unique. Étape 6 : Classement des priorités d’action Déterminer les actions de prévention à mettre en place en priorité. Elles figureront dans un plan d’action pouvant s’appliquer sur une période assez longue. Les annexes de cette recommandation, outre quelques données utiles, reprennent quasi intégralement pour illustrer la démarche la publication de l’INRS, référencée ND 2233 (déjà citée). La méthodologie décrite dans cette recommandation est, à quelques détails près, identique à celle que nous développons ici, mais sans la partie prévention comme la plupart des méthodes existantes. Lorsqu’elle est incluse, cette partie se limite au recours à des principes généraux hiérarchisés, tels que l’on peut en trouver dans le Code du travail (voir paragraphe 4.4.4). Ces principes, certes bien fondés, sont trop généraux pour suggérer des mesures adaptées aux risques caractérisés d’une situation de travail précise. On retrouve cette tendance dans certaines méthodes qui ambitionnent de mettre la prévention du risque chimique à la portée de tous, alors que nous pensons qu’elle reste une discipline quasi scientifique, avec ce que cela suppose de technique, de méthode, de formation, de compétences acquises, d’outils performants, etc. 112

2 • Théorie du risque chimique

2.7 La contribution du règlement REACH

Pour illustrer cet aspect du choix de la méthode, prenons celle qui est proposée par la CRAM Midi-Pyrénées et reprise par d’autres, sous le nom de méthode GERC1. Cette méthode, très simple et facilement accessible aux très petites entreprises, consiste à remplir un tableau renseignant sur les tâches, les produits et leurs dangers, en mettant en évidence les CMR. Il faut ensuite inscrire les quantités consommées annuellement, les durées d’exposition et les mesures de prévention « complémentaires ». La seule méthodologie proposée consiste à choisir ces mesures dans une liste de type hiérarchisée, en insistant sur la nécessité de se faire aider par le médecin du travail. Cette méthode peut évidemment bien fonctionner mais, comme les autres déjà citées, elle ignore toujours le risque accidentel. En conséquence, on peut être incité à substituer un produit dangereux par un moins dangereux, en oubliant un risque de projection ou d’explosion lié au process, qu’une solution du type système clos aurait pu éviter. Si le choix des mesures de prévention n’est pas le résultat d’un raisonnement logique mais plutôt le fruit de diverses intuitions, liées à la « culture sécurité » des intervenants, on aboutit à une accumulation de solutions de « premier niveau », telles que des ventilations ou des protections individuelles. En effet, la substitution, mise en exergue par la campagne CMR, n’est que rarement techniquement possible. Ces solutions entraînent généralement des contraintes pour le personnel, aboutissant à terme à une attitude dubitative, voire réticente, envers toute démarche de prévention. Nous ne rejetons pas toutes ces méthodes, malgré leurs limites. Nous pensons au contraire que la simplicité, du moins pour certaines, est un atout pour leur diffusion et, à terme, pour une progression de l’esprit de prévention. Cette progression sera aussi facilitée par un recours croissant à des logiciels spécialisés.

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2.7 La contribution du règlement REACH Nous avons vu que le règlement REACH instaure en premier lieu un nouveau système de classification des agents chimique visant à fiabiliser l’identification de leurs dangers. Sur ce point, il se situe en amont du SGH. Mais il impose aussi aux fournisseurs et utilisateurs de procéder à une évaluation de la sécurité chimique, qui doit être consignée dans un rapport. Sans vouloir exposer tout le contenu du REACH, nous présentons ici ce qu’il apporte dans la méthodologie d’analyse du risque chimique. 2.7.1 Les étapes principales m Enregistrement

Selon le schéma général présenté au paragraphe 1.3.3, les fabricants, importateurs, utilisateurs en aval, ou leurs représentants, doivent déclarer à l’agence désignée la mise sur le marché ou l’utilisation des substances ou préparations, hors exemptions, 1. Grille d’Évaluation du Risque Chimique pour les TPE, disponible sur http://www.cram-mp.fr/entreprises/evaluation-gerc.htm.

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2 • Théorie du risque chimique

2.7 La contribution du règlement REACH

en quantité supérieure à une tonne par an. Cet enregistrement est assorti de l’obligation de fournir un dossier technique contenant (article 10) principalement : Des informations : – l’identité du ou des fabricants ou importateurs, – l’identité de la substance, – des informations sur la fabrication et les utilisations de la substance, – la classification et l’étiquetage, – des conseils d’utilisation de la substance, – des résumés d’études, – des propositions d’essais, – des informations concernant l’exposition, pour les substances en quantités comprises entre 1 et 10 tonnes ; Un rapport sur la sécurité chimique. m Évaluation

Le rapport sur la sécurité chimique contient une évaluation, qui est effectuée conformément aux paragraphes 2 à 7 du règlement et à l’annexe I, soit pour chaque substance, telle quelle ou contenue dans une préparation ou dans un article, soit pour un groupe de substances. Elle est effectuée et un rapport est établi conformément à l’article 14, c’est-à-dire, pour toutes les substances enregistrées en quantités égales ou supérieures à 10 tonnes par an, sans préjudice de l’article 4 de la directive 98/24/CE qui stipule que tout employeur doit évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs résultant de la présence d’agents chimiques. Elle ne doit pas être effectuée pour une substance présente dans une préparation si la concentration de la substance est inférieure au plus faible des différents niveaux prévus dans les directives 1999/45/CE, 67/548/CEE et le titre XI du règlement. Cette évaluation comprend les étapes suivantes : a) une évaluation des dangers pour la santé humaine ; b) une évaluation des dangers physico-chimiques ; c) une évaluation des dangers pour l’environnement ; d) une évaluation des caractères persistants, bioaccumulables et toxiques (PBT) et des caractères très persistants et très bioaccumulables (vPvB). Si, à la suite des étapes a) à d), le déclarant conclut que la substance répond aux critères de classification d’une substance ou d’une préparation comme dangereuse conformément aux directives 67/548/CEE et 1999/45/CE, ou si la substance est évaluée comme étant PBT ou vPvB, l’évaluation de la sécurité chimique comporte les étapes supplémentaires suivantes : a) une évaluation de l’exposition, qui comprend la production de scénarios d’exposition et une estimation de l’exposition ; b) la caractérisation des risques. Tout déclarant identifie et applique les mesures appropriées en vue d’une maîtrise valable des risques identifiés dans l’évaluation de la sécurité chimique et, le cas échéant, recommande ces mesures dans les fiches de données de sécurité. 114

2 • Théorie du risque chimique

2.7 La contribution du règlement REACH

Ainsi le règlement REACH garantit une conservation des informations de sécurité tout au long de la chaîne d’approvisionnement. En particulier, l’article 31 précise que : « tout acteur de la chaîne d’approvisionnement qui doit élaborer un rapport sur la sécurité chimique conformément aux articles 14 ou 37 joint les scénarios d’exposition correspondants (y compris les catégories d’usage et d’exposition, le cas échéant) en annexe à la fiche de données de sécurité couvrant les utilisations identifiées et notamment les conditions spécifiques résultant de l’application de l’annexe XI, section 3. » Il est aussi précisé (article 34) que cette transmission d’information doit aussi se faire en remontant de l’utilisateur au fournisseur et d’un employeur vers ses employés (article 35). Cela est si vrai que l’utilisateur en aval fait reposer ses mesures de prévention sur la FDS et le rapport sur la sécurité que lui a transmis son fournisseur et ne fait son propre rapport que si nécessaire, en particulier « pour toute utilisation s’écartant des conditions décrites dans un scénario d’exposition… ».

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m Autorisation

Une autre particularité du REACH est d’exiger une autorisation pour utiliser ou mettre sur le marché des substances ou préparations dites préoccupantes. Celles-ci doivent figurer dans l’annexe XIV, vide pour le moment, qui doit être remplie avant juin 2009. L’autorisation n’est octroyée par l’agence désignée que si toutes les mesures de maîtrise des risques mentionnées dans le rapport sur la sécurité sont prises. Mais l’article 57 précise que si des substances appartenant aux catégories suivantes : – CMR selon la directive 67/548, c’est-à-dire les cancérogènes 1 et 2, les mutagènes 1 et 2, les toxiques pour la reproduction 1 et 2, – PBT et vPvB (selon l’annexe XIII), sont incluses dans l’annexe XIV, il faudra en outre démontrer que « les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement, et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées. » S’il s’avère que certaines substances ou préparations présentent des risques inacceptables (article 68) ou qui ne sont pas valablement maîtrisés (article 69), l’agence désignée peut aller jusqu’à interdire, partiellement ou totalement, leur mise sur le marché et leur utilisation. Elles sont alors inscrites à l’annexe XVII, qui en comprend déjà 52 (liste en annexe 7). La plupart de ces restrictions concernent le marché « grand public ». Il est à noter que l’agence désignée constituera progressivement une base de données contenant tous les produits enregistrés avec leurs données de sécurité. Cette base de données sera consultable par le grand public sur Internet. Après cette synthèse sommaire du règlement REACH, examinons l’étape qui concerne plus la méthodologie d’analyse des risques. 2.7.2 L’évaluation de la sécurité chimique

Cette évaluation s’impose pour toute mise sur le marché ou utilisation de substance ou préparation classée dangereuse. Elle comporte deux volets. 115

2 • Théorie du risque chimique

2.7 La contribution du règlement REACH

m Évaluation de l’exposition

Cette évaluation comporte elle-même deux étapes : – la production de scénario(s) d’exposition ou des catégories d’utilisation et d’exposition pertinentes, le cas échéant ; – l’estimation de l’exposition.

Étape 1 : Élaboration de scénarios d’exposition Le scénario d’exposition est au cœur du processus d’évaluation de la sécurité chimique. Il est défini comme : « … l’ensemble des conditions décrivant la manière dont la substance est fabriquée ou utilisée pendant son cycle de vie et la manière dont le fabricant ou l’importateur contrôle ou recommande aux utilisateurs en aval de contrôler l’exposition de l’être humain et de l’environnement. Ces scénarios d’exposition décrivent à la fois les mesures de gestion des risques et les conditions d’exploitation que le fabricant ou l’importateur met en œuvre ou dont il recommande la mise en œuvre aux utilisateurs en aval. » Il se présente donc sous la forme d’un mode d’emploi standard, assorti de précautions générales, à l’instar de ce qu’exige déjà la réglementation pour les équipements de travail. On ne saurait le confondre avec la notion d’exposition que nous développons dans cet ouvrage, qui reflète les conditions réelles de chaque utilisation d’un produit chimique, conditions que ne peut pas connaître le fournisseur, en général. Certes il est reconnu que les utilisations peuvent être très diverses et que le fournisseur définit alors des familles d’utilisation, appelées « catégories d’exposition ». Heureusement, il est dit dans l’introduction de cette annexe I que : « quand la méthodologie décrite dans la présente annexe n’est pas appropriée, la méthodologie de remplacement utilisée est décrite et justifiée de manière détaillée dans le rapport sur la sécurité chimique. » Le scénario doit correspondre aux hypothèses de départ concernant les conditions d’exploitation et les mesures de gestion des risques (scénario d’exposition initial). S’il révèle une maîtrise inappropriée des risques pour la santé humaine ou l’environnement, il est alors nécessaire de procéder par itération, en modifiant un ou plusieurs facteurs liés à l’évaluation des dangers ou de l’exposition, afin de faire preuve d’une maîtrise appropriée. Le scénario d’exposition obtenu après la dernière itération (scénario d’exposition final) est inclus dans le rapport sur la sécurité chimique et joint à la fiche de données de sécurité. Un scénario d’exposition comprend, le cas échéant, une description des éléments suivants : Conditions d’exploitation : – les processus intervenant, y compris la forme physique sous laquelle la substance est fabriquée, transformée et/ou utilisée, – les activités effectuées par les travailleurs dans le cadre des processus, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition à la substance, – les activités des consommateurs, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition à la substance, 116

2 • Théorie du risque chimique

2.7 La contribution du règlement REACH

– la durée et la fréquence des émissions de la substance vers les différents milieux environnementaux et les systèmes de traitement des eaux usées, ainsi que le facteur de dilution dans ce milieu récepteur de l’environnement ; Mesures de gestion des risques : – les mesures de gestion des risques visant à réduire ou à éviter l’exposition d’êtres humains (travailleurs et consommateurs) et de l’environnement à la substance, – les mesures de gestion des déchets visant à réduire ou à éviter l’exposition des êtres humains et de l’environnement à la substance durant l’élimination et/ou le recyclage des déchets. Lorsqu’un fabricant, un importateur ou un utilisateur en aval fait une demande d’autorisation portant sur une utilisation spécifique, des scénarios d’exposition ne doivent être élaborés que pour l’utilisation en cause et les étapes ultérieures du cycle de vie.

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Étape 2 : Estimation de l’exposition L’estimation de l’exposition comporte trois éléments : – L’estimation des émissions : elle est réalisée en admettant que les mesures de gestion des risques et les conditions d’exploitation décrites dans le scénario d’exposition ont été mises en œuvre. – L’évaluation du devenir chimique et des voies de transfert : elle rend compte des dégradations et réactions chimiques possibles. – L’estimation des niveaux d’exposition : elle tient compte en particulier des éléments suivants : • les données sur l’exposition, représentatives et mesurées de manière adéquate ; • la gestion des risques mise en œuvre ou recommandée, y compris le degré de confinement ; • la présence éventuelle d’impuretés et d’additifs importants dans la substance ; • la quantité pour laquelle la substance est produite et/ou importée ; • la quantité destinée à chaque utilisation identifiée ; • la durée et la fréquence de l’exposition que prévoient les conditions d’exploitation ; • les activités effectuées par les travailleurs dans le cadre des processus, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition à la substance ; • les activités des consommateurs, ainsi que la durée et la fréquence de leur exposition à la substance ; • les voies d’exposition probables et le potentiel d’absorption par des êtres humains. Nous remarquons la redondance particulière qui affecte la durée et la fréquence d’exposition, puisque cette expression est mentionnée une fois dans les conditions d’exploitation et trois fois dans l’estimation de l’exposition. m Caractérisation des risques

La caractérisation des risques consiste en : 1) une comparaison entre : – d’une part, l’exposition de chaque population humaine dont on sait qu’elle est ou qu’elle sera probablement exposée, 117

2 • Théorie du risque chimique

2.7 La contribution du règlement REACH

– d’autre part, les DNEL pertinentes ; 2) une évaluation de la probabilité et de la gravité d’un événement qui se produirait à cause des propriétés physico-chimiques de la substance. Pour chaque scénario d’exposition, le risque pour les personnes et l’environnement peut être considéré comme étant valablement maîtrisé au cours du cycle de vie de la substance découlant de la fabrication et des utilisations identifiées, si : – les niveaux d’exposition estimés à la section 6.2 ne dépassent pas la DNEL ou la PNEC pertinent(e), tels que déterminés respectivement aux sections 1 et 3 ; – la probabilité et la gravité d’un événement qui se produirait à cause des propriétés physico-chimiques de la substance, telles que déterminées à la section 2, sont négligeables. Dans le cas des effets sur l’homme et des milieux environnementaux pour lesquels il n’a pas été possible de déterminer une DNEL ou une PNEC, il est procédé à une évaluation qualitative de la probabilité d’éviter les effets lors de la mise en œuvre du scénario d’exposition. m Aspects méthodologiques

Nous voyons que la caractérisation des risques correspond exactement à l’étape estimation du risque chimique de notre méthode, laquelle consiste à combiner un niveau d’exposition avec un niveau de danger, qui est lui-même fonction des VLEP. Par contre, l’objectif des scénarios d’exposition reste binaire : il ne faut pas dépasser les DNEL ou les PNEC, mais aucun classement des risques ou des dangers n’est évoqué. En cas d’absence de telles valeurs limites, ce qui devrait être fréquent dans les premiers temps, l’évaluation peut être « qualitative », sans autre précision. De même, pour les risques physico-chimiques, il est dit que le risque est estimé comme maîtrisé quand la gravité et la probabilité des événements dangereux sont négligeables. L’expérience montre combien le terme « négligeable » est sujet à débats, en raison de sa nature subjective. Il est là aussi regrettable qu’aucune méthode, tant soit peu quantitative, ne vienne lever cette imprécision. 2.7.3 Fiches de données de sécurité

La plupart des règles déjà applicables à l’élaboration et à la diffusion des fiches de données de sécurité, issues de la directive 91/155/CEE, restent en vigueur dans REACH. Il est en effet précisé qu’une fiche de données de sécurité est datée et contient les rubriques suivantes : 1) identification de la substance/préparation et de la société/l’entreprise ; 2) identification des dangers ; 3) composition/informations sur les composants ; 4) premiers secours ; 5) mesures de lutte contre l’incendie ; 6) mesures à prendre en cas de dispersion accidentelle ; 7) manipulation et stockage ; 8) contrôle de l’exposition/protection individuelle ; 9) propriétés physiques et chimiques ; 118

2 • Théorie du risque chimique

2.8 Le principe de précaution

10) stabilité et réactivité ; 11) informations toxicologiques ; 12) informations écologiques ; 13) considérations relatives à l’élimination ; 14) informations relatives au transport ; 15) informations relatives à la réglementation ; 16) autres informations. On trouvera dans l’annexe II du règlement REACH un guide d’élaboration détaillé pour ces fiches. Quelques modifications ont été apportées. Il faut ajouter : À la rubrique n˚ 1 : – l’adresse e-mail de la personne compétente ; – le numéro d’enregistrement de la substance selon REACH (si disponible), délivré par l’ECHA (European Chemical Agency), à ne pas confondre avec le numéro de soumission, qui doit être mentionné dans toute correspondance relative à l’enregistrement jusqu’à ce que celui-ci soit considéré comme accompli. À la rubrique n˚ 8 : – les valeurs DNEL (Derived No-Effect Level), si elles sont disponibles ; – les valeurs PNEC (Predicted No-Effect Concentration), si elles sont disponibles. Scénario d’exposition : Tout acteur de la chaîne d’approvisionnement qui doit élaborer un rapport sur la sécurité chimique conformément aux articles 14 ou 37 joint les scénarios d’exposition correspondants (y compris les catégories d’usage et d’exposition, le cas échéant) en annexe à la fiche de données de sécurité couvrant les utilisations identifiées. Il faut aussi signaler une modification de l’ordre des rubriques. L’ancienne rubrique 3 devient la nouvelle rubrique 2 et l’ancienne rubrique 2 devient la nouvelle rubrique 3 (information sur les composants).

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2.8 Le principe de précaution De la théorie des risques exposée ici, il ressort qu’il n’est pas possible d’identifier, a fortiori d’estimer, un risque lié à un phénomène ou à une matière dont on ne connaît pas le danger. Cette situation est relativement fréquente en raison de l’apparition régulière de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Cette zone d’inconnu est par nature inquiétante, du moins pour beaucoup de personnes, générant ainsi chez elles un besoin de protection. Depuis longtemps, la réponse que l’on attend des responsables, et notamment des pouvoirs publics, est d’appliquer le principe de précaution, qui consiste à interdire ce qui n’est pas « sûr », autrement dit : « dans le doute, abstiens-toi ! ». Pendant longtemps, les mises sur le marché de produits chimiques n’ont été précédées d’aucune étude de danger approfondie. L’usage veut que les études soient déclenchées dès que des soupçons d’effets néfastes apparaissent ou que ceux-ci sont constatés. Quelle attitude adopter dans une telle situation ? L’observation de 119

2 • Théorie du risque chimique

2.8 Le principe de précaution

nos contemporains révèle deux comportements opposés. Un premier groupe, les optimistes, dit que s’il y avait quelque chose de grave, on le saurait déjà. S’il y a une nuisance bénigne, on trouvera bien comment s’en remettre et s’en prémunir. Le second groupe, les pessimistes, dit que l’ignorance peut cacher une grave menace sur la santé et qu’il faut interdire avant qu’il ne soit trop tard. Ces observations évoquent par exemple les débats sur les rayonnements émis par la téléphonie mobile ou les OGM. Par ailleurs, ils montrent que les études publiées ne suffisent pas toujours à éliminer les craintes, car il apparaît une exigence croissante d’objectivité, de validation, d’indépendance, etc. En termes de méthodologie, les deux attitudes conduisent à des conclusions très différentes. La position optimiste consiste à s’assurer effectivement qu’aucun danger évident et grave n’existe, dans un premier temps. Cela est relativement facile et rapide, la toxicologie aiguë étant bien développée aujourd’hui. Ensuite, il faut mettre en place une vigilance et réagir au fur et à mesure de la progression des connaissances. La position pessimiste conduit à suspendre toute mise sur le marché tant que toutes les études n’ont pas abouti à des résultats cohérents et validés. Ces études incluent aussi bien le court terme que le long terme. C’est une démarche qui est garante du maximum de protection, mais qui est lourde et longue. Ainsi, avantages et inconvénients s’opposent dans un débat où s’invitent parfois des aspects affectifs ou idéologiques. Nous pensons qu’il existe un point d’équilibre entre ces deux extrêmes, qui consiste à exiger une toxicologie aiguë sérieuse avant toute mise sur le marché, puis en une utilisation plus ou moins contrôlée, en fonction des résultats toxicologiques, en même temps que le lancement d’études sur les effets chroniques et à long terme. Toute évolution des connaissances, acquises selon des procédures reconnues, peut ensuite entraîner un durcissement, ou un assouplissement, des conditions d’utilisation. C’est ce que propose le règlement REACH dans ses différentes étapes. Cela revient à dire que le principe de précaution, qui ne vise que les substances nouvelles ou mal connues, se trouve respecté par la mise en place de REACH. On peut donc espérer qu’il devienne un outil de consensus, en éteignant les passions que soulève parfois l’angoisse, ce sentiment réflexe de l’homme face à l’inconnu. L’application du principe de précaution est-elle aussi possible dans notre méthodologie ? En effet, l’estimation du risque repose sur l’identification des dangers des produits, et sur leur cotation à partir de leur classement réglementaire. Deux types de difficultés peuvent gêner cette démarche. La première provient du doute qui peut surgir sur la bonne classification d’une substance ou préparation. Ce doute n’est pas anormal dans un système de classement qui repose, aujourd’hui, sur la responsabilité du producteur. Mais l’utilisateur est tout aussi libre de revoir, pour lui-même, cette classification et d’en adopter une autre s’il dispose des arguments suffisants. Le principe de précaution l’amènerait donc à majorer le niveau de danger, ce qui ne pose aucun problème, sinon celui d’obtenir le consensus des personnes concernées. La seconde apparaît lorsque la substance ne fait l’objet d’aucun classement. Si c’est le cas, elle n’est logiquement pas sur le marché. Nombre d’intermédiaires de l’industrie chimique de synthèse se trouvent dans cette situation. La pratique en la matière est bien connue. Une approche rapide des propriétés dangereuses peut être 120

2 • Théorie du risque chimique

2.8 Le principe de précaution

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réalisée soit par le rapprochement structure/activité, soit par des tests toxicologiques de base, souvent par les deux. Cela revient à procéder à un classement de substance, en interne, qui permet alors d’appliquer la méthode générale. Mais si ce classement n’était toutefois pas possible, par exemple pour des raisons de délai, il convient sans hésitation d’affecter le niveau de danger maximum à ladite substance et de continuer l’évaluation des risques, sachant que ce cas de figure ne devrait être qu’exceptionnel.

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3 • PRATIQUE DE L’ANALYSE DES RISQUES CHIMIQUES

Le but de ce chapitre est de préciser comment les aspects théoriques du risque chimique, développés au chapitre précédent, sont mis en pratique dans un grand nombre de domaines. Nous avons vu que les risques chimiques résultent de la présence simultanée d’une personne et d’un agent chimique dans une même zone, créant soit une situation dangereuse, soit une exposition, soit le plus souvent les deux. Leur évaluation, qui consiste à établir un classement par importance relative, se déroule en quatre étapes : • repérage ; • identification ; • estimation ; • classement. Cette évaluation doit s’inscrire dans des limites précises pour que le classement final ait un sens. Même si la méthode décrite ici ne concerne que les risques chimiques, elle peut très bien être intégrée dans une approche multirisque, qui utilise d’ailleurs les mêmes concepts, comme nous le verrons au paragraphe 4.5.

3.1 Les méthodes de repérage des risques

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3.1.1 Les limites de l’analyse

Comme pour tout problème, il faut commencer par le délimiter, c’est-à-dire bien préciser à quel ensemble de postes de travail il s’applique. Cet ensemble peut s’identifier à un atelier, à une usine, à un bâtiment, à un service, à une équipe, etc. Il est important de bien faire cette délimitation afin de ne commettre ni oubli ni hors-sujet. L’évaluation des risques est avant tout relative, donc le classement des risques qui en résulte n’est valable que pour l’ensemble défini au préalable. Les niveaux estimés, que ce soit d’exposition, de gravité, de probabilité ou de priorité, ne sont pas transposables d’un ensemble à un autre. En effet, le risque le plus important d’un ensemble peut n’être estimé que moyen dans un autre ensemble, et réciproquement. Très souvent la stratégie d’évaluation des risques professionnels mise en place par une entreprise conduit à un plan pluriannuel qui, pour des raisons de moyens, définit plusieurs ensembles à analyser successivement. Chacun de ces ensembles aura donc 123

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.1 Les méthodes de repérage des risques

son propre classement de risques, qui fera l’objet d’un plan de prévention autonome. Seul le niveau de danger des agents chimiques est une valeur absolue, puisqu’il se réfère à une échelle fixée au départ, sauf évolution du classement réglementaire. 3.1.2 Les méthodes possibles

Repérer des risques consiste en fait à relever toutes les situations dangereuses et les expositions présentes aux postes de travail. Cela nécessite une observation attentive du travail des opérateurs et des équipements. En effet, on ne peut identifier un risque que pour un poste, une action, ou encore un geste précis. Le repérage est en fait une prise de conscience d’un risque. Le risque est souvent tellement bien intégré dans les gestes du métier qu’il faut d’abord apprendre à le voir. Ainsi, pour les expositions, le contact avec le produit n’est pas forcément perçu par les opérateurs, en particulier lorsque le produit n’est pas visible, n’a pas ou peu d’odeur, n’est pas irritant ou piquant. L’absence de perception sensorielle conduit souvent à nier le contact. D’où l’importance d’un travail collectif, avec des observateurs étrangers à l’activité étudiée. De même, une situation n’est perçue comme dangereuse que si des accidents ou des incidents se sont déjà produits, que ce soit dans les mêmes lieux ou ailleurs, et dans la mesure où la mémoire collective les a conservés. Le repérage passe par une observation des modes opératoires. Cette observation peut demander beaucoup de temps, car les gestes sont très nombreux, même pour une personne. En outre, ils varient dans le temps et avec les opérateurs. Les tâches accomplies sont aussi variables en fréquence : il y a celles qui sont habituelles et celles qui sont occasionnelles, rares ou exceptionnelles, par exemple à l’occasion d’un dépannage ou d’une marche en mode dégradé. Il y a celles que l’on considère comme importantes (production) et d’autres comme annexes (démarrage, réglage, préparation, maintenance, nettoyage…). Il faut donc une méthode pour repérer les risques pas à pas. Il s’agit en fait d’élaborer une séquence listant toutes les actions ou phases successives, pour pouvoir ensuite repérer les risques présents pour chacune d’elles. C’est une analyse séquentielle de l’activité. Il y a trois méthodes possibles pour la réaliser. Une première méthode consiste à suivre un opérateur tout au long de l’exécution de ses différentes tâches. Il faut alors les lister, ainsi que les différentes phases qui les constituent, en observant longuement et en questionnant, car on oublie facilement les tâches rares, et des variantes peuvent exister selon les circonstances. C’est pourquoi ce repérage doit se faire avec un groupe de travail constitué à cette occasion, dont l’opérateur fait évidemment partie. La première difficulté, quand on a choisi un opérateur, est de lister toutes ses tâches. Il peut y avoir des tâches répétitives et des tâches variables ou occasionnelles. Un opérateur peut assumer plusieurs fonctions, en des lieux différents. Il faut savoir qui le remplace en cas d’absence, etc. Le phasage des tâches ne doit être ni trop vague, comme « préparation du matériel », ni trop détaillé, comme « prend le flacon, enlève le bouchon, verse le liquide, repose le flacon, remet le bouchon ». Pour y arriver, il faut partir sur un phasage plutôt détaillé et le simplifier en fonction des risques présents (exemple ci-après). Il faut 124

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.1 Les méthodes de repérage des risques

surtout retenir les gestes exposants, comme un simple essuyage avec un chiffon. À l’issue du repérage, on peut supprimer les phases qui ne mettent aucun risque en évidence. Toutes les tâches et leur phasage doivent faire l’objet d’un enregistrement, suivi d’une observation in situ pour vérifier. On connaît les écarts possibles entre le « prescrit » et le réel… Les outils informatiques habituels permettent de réaliser facilement cet enregistrement. EXEMPLE DE LISTE DES PHASES POUR UNE TÂCHE :

Tâche : Réalisation d’un mélange Phases : Vérification du mélangeur Chargement d’un solvant S Pesée du produit A Pesée du produit B Introduction du produit A dans le mélangeur Introduction du produit B dans le mélangeur Surveillance du mélange Vidange du mélangeur Nettoyage du mélangeur

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Remarque : Ces phases sont réalisées successivement par un même opérateur. Elles peuvent être communes à plusieurs procédés.

Ensuite il faut recommencer avec tous les opérateurs de l’ensemble défini. Lorsque plusieurs opérateurs ont la même activité, comme des caristes, il n’est pas nécessaire de recommencer à zéro, mais il faut bien repérer les différences qui peuvent exister, comme le trajet suivi ou la façon de charger, etc. L’important est de ne pas oublier d’opérateurs, ce qui est facile avec un support préétabli, en suivant l’organisation décrite au chapitre 7. Cette démarche a l’avantage de conduire en même temps à une meilleure vision globale des emplois, sans compter l’intérêt pour le médecin du travail, qui pourra facilement connaître toutes les expositions des salariés. L’observation d’une tâche peut révéler que d’autres opérateurs, voisins ou « de passage », sont soumis aux mêmes risques. Il n’est pas rare qu’un employé administratif ou commercial, voire un client, soit victime d’un accident à l’occasion d’une visite dans un atelier. Il faudra en prendre note pour pouvoir recouper ces risques avec l’observation de l’activité de ces opérateurs quand elle sera réalisée à son tour. Une deuxième méthode consiste à prendre un procédé bien délimité, et à observer toutes les interventions d’opérateurs à chaque phase de ce procédé (exemple ci-après). On entend par procédé un ensemble d’opérations avec des produits, du matériel et un mode opératoire bien définis, qui vise à produire un produit ou une famille de produits, ou à utiliser une technique particulière. Le procédé peut d’ailleurs être l’ensemble délimitant l’analyse. Généralement, un procédé fait intervenir plusieurs opérateurs et on peut trouver des phases opératoires identiques ou communes à plusieurs procédés. Le phasage se fait en suivant l’élaboration du produit, et en prenant soin de n’oublier aucune intervention humaine puisque l’homme reste le centre d’intérêt de la démarche. 125

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.1 Les méthodes de repérage des risques

Cette méthode a le gros avantage de conduire à une rédaction détaillée du procédé, ce qui n’est pas si fréquent, notamment dans les PME. Là aussi, le procédé doit inclure des phases qui peuvent paraître secondaires ou annexes, comme la manipulation des emballages, la pesée des produits, la préparation du matériel, son nettoyage, sa maintenance. Cette démarche est d’ailleurs indispensable dans la mise en place d’une assurance qualité. EXEMPLE DE PHASAGE D’UN PROCÉDÉ :

Procédé : Chromage d’une pièce métallique Phases : Réception Rectification Montage sur support de traitement Dégraissage Décapage acide Chromage électrolytique Rinçage Séchage Conditionnement Remarque : Ces phases ne sont pas nécessairement réalisées par un même opérateur.

Un des points critiques du phasage est de prendre en compte les variantes possibles du procédé, qu’elles soient prévues ou dictées par un dysfonctionnement. L’étude des accidents montre bien l’importance des écarts de mode opératoire dans leur apparition. Notons que le fait de pointer soigneusement toutes les interventions humaines dans un procédé est riche en enseignements, qui peuvent conduire à rechercher des gains de productivité apportant souvent eux-mêmes des gains de sécurité. Une troisième méthode consiste à suivre un agent chimique tout au long de sa « vie » dans l’entreprise, depuis son entrée jusqu’à sa disparition ou son élimination, pour repérer toutes les situations de travail dans lesquelles il est présent (exemple ci-après). Cette méthode est souvent considérée comme la plus difficile, mais elle est probablement la plus riche en informations méconnues, notamment sur les phases d’arrivée dans l’entreprise et celles de son élimination. Un produit donné peut être utilisé par plusieurs opérateurs, et dans plusieurs procédés. Cette méthode permet en outre de dresser un bilan matière de chaque produit, ce qui conduit généralement à des découvertes ou, du moins, à de fortes interrogations. C’est un véritable outil de gestion, qui s’avère très utile dans la prise en charge des problèmes d’environnement. Le bilan matière peut être conduit pour une période ou un cycle de production. Il commence par le pointage des entrées pour en connaître le poids total. Encore faut-il avoir une maîtrise complète des entrées et sorties, c’est-à-dire un passage obligé, généralement le service achats. Toutefois, certains produits entrent sans opération d’achat, parce qu’ils sont livrés avec du matériel, par exemple. Ensuite il faut suivre toutes les utilisations possibles du produit et finir par le pointage des sorties. Il faut distinguer deux façons d’utiliser un produit chimique. 126

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.1 Les méthodes de repérage des risques

La première utilisation, typique de l’industrie chimique, est son incorporation dans la structure des molécules transformées. C’est un rôle de matière première, qui disparaît au fur et à mesure de la transformation. Mais les réactions chimiques se font rarement avec un rendement de 100 %, de sorte qu’une partie du produit engagé se retrouve inchangée dans le milieu réactionnel. Si sa quantité peut être déterminée, elle viendra participer au bilan. La quantité qui n’est pas retrouvée est automatiquement présente dans un rejet, tel que des eaux mères, des lavages, des phases liquides ou solides issues de filtrations, distillations, etc. Le rejet peut être aérien, sous forme de vapeurs, gaz ou poussières. S’il n’est pas capté, il faut évaluer sa quantité. Mais quel que soit le traitement d’un rejet, il y a production d’un déchet ultime qui constitue la sortie finale, à comptabiliser à côté des substances et préparations produites. On peut aussi utiliser un produit comme moyen pour une opération donnée. C’est le domaine immense des solvants, des préparations actives dans toutes sortes d’activités, des matériaux, des fluides, des combustibles, etc. Dans ce cas, le produit est soit consommé, soit usagé, avec ou sans régénération possible. On retrouve alors le même schéma qui consiste à comptabiliser en sortie des déchets ultimes ou des matières, toujours sans oublier les sorties aériennes. EXEMPLE DE SUIVI D’AGENT CHIMIQUE :

Agent chimique : Perchloréthylène Suivi : Livré en fûts de 200 litres ; une livraison par mois de trois fûts en moyenne. Les fûts sont placés dans le local de stockage. En fonction des demandes, un fût est transféré auprès d’une des trois machines à dégraisser, pour faire le plein. Les baisses de niveau proviennent essentiellement de l’évaporation. Un fût du stockage est utilisé pour remplir des bidons de 5 litres qui servent à l’atelier d’entretien. Le solvant ne se retrouve que sur des chiffons. Il disparaît soit par évaporation, soit par imprégnation des chiffons.

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À l’issue de chaque vidange de machine, le produit souillé est filtré, puis remis dans un fût spécial, qui est expédié pour destruction dès qu’il est plein, soit une fois par mois en moyenne. Les boues de filtration, imprégnées de solvant à environ 30 %, sont stockées en fût et livrées pour destruction. On en récolte environ 100 kg par mois. Bilan : Entrées

Utilisations

Quantités

Sorties

Nature

200

machines

500

300

vapeurs machines

200

nettoyage

100

100

vapeurs nettoyage

170

solvant à détruire

30

boues de filtration

200

127

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.1 Les méthodes de repérage des risques

Le schéma suivant visualise les données du tableau précédent. Il met bien en évidence la quantité de solvant qui disparaît par évaporation, ce qui surprend souvent.

D1 250 L

300 L l environnement

600 L

D2 150 L

filtre

stockage

D3 100 L

Boues 30 kg Bidons de 5 L

Entretien

Machines à dégraisser

Déchets

170 L

100 L Figure 3.1 – Exemple de bilan matière sur un mois Un tel bilan suscite en général une bonne motivation sur les questions de santé aussi bien que d’environnement. Ainsi, dans cet exemple, 400 litres de perchloréthylène sont perdus par mois par évaporation. Cette perte pose trois problèmes : ils ont été achetés pour rien, ils ont été partiellement respirés et ils ont pollué l’environnement. La remise en cause de ces utilisations vient alors d’ellemême.

La méthode des bilans matière nécessite la collaboration de services très divers, tels que les achats, la logistique, la production, les services sécurité/environnement, et bien d’autres encore dans des structures plus complexes. Elle ouvre la porte à l’inventaire des dangers et prépare à l’analyse des risques. 3.1.3 Choix d’une méthode

Le choix de la méthode de repérage des risques se fait en fonction de l’activité et de l’organisation de l’entreprise. Ainsi, dans les petites entreprises qui utilisent un nombre de produits relativement faible, l’approche par l’activité des personnes est préférable. Lorsque l’activité de l’entreprise est relativement complexe et repose sur des « process », c’est évidemment l’approche procédé qui est préférable. Mais dès que le nombre de produits utilisés est important, l’approche produit doit aussi être employée. En réalité, cette dernière, en raison de ses avantages pour la gestion de l’entreprise, devrait être systématiquement pratiquée en plus des deux autres. L’idéal, chaque fois que l’on peut en prendre le temps, est de pratiquer les trois méthodes, ce qui permet de recouper les informations et d’aboutir ainsi à une étude très fiable, en s’appuyant sur la matrice suivante : 128

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.1 Les méthodes de repérage des risques

Produit n

Opération élémentaire

stockage

process 1 process 2 process n

élimination

Opérateur n

Figure 3.2 – Croisement des méthodes d’étude de postes

Le tableau suivant synthétise ce que les trois méthodes apportent comme informations spécifiques. Type d’approche

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Caractéristique Activité

Procédé

Produit

Contenu

Détail des actions des hommes au cours de leur temps de travail

Ensemble des modes opératoires, des matériels et des produits nécessaires à une production ou une technique

Devenir du produit tout au long de sa présence dans l’entreprise

Point clé

Recueillir l’activité réelle

Décrire tout ce qui est déterminant

Bilan matière complet

Difficultés

En faire un relevé exhaustif Inclure les dépannages et rattrapages

Décrire les variantes possibles Inclure les phases annexes et transitoires

Connaître les consommations par poste Inclure les pertes imperceptibles et les déchets

Intérêt pour l’entreprise

Gestion du temps de travail

Exigence de précision S’inscrit dans une démarche d’assurance qualité Peut conduire à des gains de productivité

Connaissance des pertes Gestion claire des matières premières

Intérêt pour l’évaluation des risques

Identification claire des risques

Niveau de risque comparé des procédés

Aide pour la protection de l’environnement Présélection des plus grands risques

129

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

En conclusion, le repérage systématique des agents chimiques, des activités et des procédés entre dans une approche globale de l’entreprise, dite « QSE » (Qualité, Santé, Environnement). 3.1.4 Enregistrement des données

Ce premier travail d’inventaire des actions ou des phases élémentaires est rapidement très lourd, non par la complexité des informations mais par leur nombre. Son organisation est donc primordiale et demande des outils informatiques, mais nous indiquons ici les données qu’il faut enregistrer pour la suite de la démarche, et leur classement par ensembles successifs. – Domaine d’étude : usine, atelier, service, etc. – Opération : ensemble d’actions aboutissant à un résultat global. Exemples : nettoyage d’installation, mélange « M », chromage de pistons, peinture de capots, gestion du stockage, contrôle des effluents, etc. – Action ou phase, selon que l’on décrit une activité ou un procédé. C’est l’élément de base de l’analyse des risques, qui doit être repéré pour son suivi ultérieur. Exemples :

PD03

Atelier de peinture, opération de décapage, action de tremper les volets dans la cuve de soude

EP04

Service entretien, technicien pompes, dépose des flasques

Que l’on suive l’approche opérateur, procédé ou produit, on doit retrouver les mêmes actions élémentaires, grâce au croisement indiqué précédemment et à un repérage méticuleux. Si plusieurs agents sont présents dans une action, il faut créer autant d’actions distinctes, car les risques générés sont en principe distincts. Ainsi, si on ajoute 3 produits successivement dans une cuve, il faut noter trois actions. Par contre, s’il s’agit d’un ajout unique des trois produits ensemble, ils sont considérés comme formant une préparation, avec ses dangers propres, et l’on peut donc noter une seule action pour cela. Une fois l’inventaire des actions ou des phases élémentaires réalisé, il ne reste plus qu’à passer à l’identification des risques.

3.2 Identification des risques Identifier les risques chimiques, c’est décrire les circonstances de la rencontre, réelle pour les expositions ou possible pour les situations dangereuses, entre les agents chimiques présents et l’opérateur considéré. Il faut donc partir du repérage des actions ou des phases que l’on a réalisé au préalable et ne retenir que celles qui se font en présence d’un agent chimique. Dans cette nouvelle séquence, on va rechercher les précisions nécessaires à la conduite de l’évaluation. Ces informations sont différentes selon le type de risque repéré. 130

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

3.2.1 Expositions

La recherche des expositions ne s’applique, par définition, qu’au fonctionnement habituel de l’entreprise. Elle s’appuie sur des situations de travail « standard », même si elles peuvent être exceptionnelles, dans le sens non planifiées. Par contre, on ne tient pas compte des activités issues d’un dysfonctionnement, qu’il soit technique ou humain, puisque c’est le domaine des situations dangereuses, traitées par ailleurs. Les caractéristiques d’une exposition doivent être notées. Il s’agit des points suivants : m Phase de travail

Il s’agit de suivre le phasage qui a été réalisé dans l’étape de repérage précédente. Normalement il ne devrait y avoir qu’un seul agent chimique concerné, faute de quoi il vaudrait mieux subdiviser la phase. m Produit en contact avec la personne

Il s’agit d’un produit chimique commercialisé, substance ou préparation, ou d’un produit généré par l’activité (intermédiaire, objet imprégné, déchet, fumées, poussières, etc.). Il peut être visible, parce qu’utilisé au poste, ou invisible parce que contenu dans l’atmosphère de travail, contenu dans un matériel clos, présent sur la surface d’un matériel, masqué par un autre produit, etc. Il doit être bien identifié. Une substance peut avoir un nom d’usage, un nom chimique normalisé et un identifiant, tel que le numéro CAS ou le numéro EINECS. Une préparation a un nom commercial, une référence fournisseur ou interne, éventuellement un identifiant. Les produits générés par l’activité, fumées, poussières, aérosols, déchets, sont plus difficiles à identifier, mais il faut s’efforcer d’être le plus précis possible. Par exemple : fumées de soudure d’inox, poussières de ponçage de bois, brouillard d’huile de rectification, gâteau de filtration du perchloréthylène, etc.

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m Forme physique du produit

Les formes classiques sont : gaz, liquide, poudre, vapeurs, poussières, aérosol. Rappelons que la différence entre gaz et vapeurs ne tient qu’à l’état physique de la substance dans les conditions normales de pression et de température. Ainsi, le propane est un gaz, même si on peut le liquéfier par pression, mais le méthanol est un liquide émettant des vapeurs. En pratique, les vapeurs possèdent toutes les propriétés des gaz. À ces formes s’ajoutent les fumées, qui sont en général un mélange de gaz, de vapeurs et de particules ultrafines. Il y a aussi l’état pâteux, qui est intermédiaire entre les liquides et les solides. Un brouillard n’est qu’un aérosol liquide. Ainsi, la vapeur d’eau, normalement invisible, est en fait visible parce qu’elle se forme souvent sous forme d’aérosol (brouillard). m Mode de dispersion

Le mode de dispersion signifie la façon dont laquelle un produit se répand dans un espace autre que son contenant. On peut citer la pulvérisation d’un liquide, volontaire comme dans l’application d’une peinture, ou involontaire comme dans la lubrifi131

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

cation d’une machine tournante. De même, la formation d’une poussière peut avoir pour origine un ponçage ou un broyage. Mais le mode de dispersion le plus banal est l’évaporation naturelle d’un produit volatil à partir d’un récipient ouvert. On devine bien l’utilité de ces précisions dans la recherche des mesures de prévention. m Zone de dispersion

La zone de dispersion est évidemment liée au mode de dispersion. Pour un produit non volatil au repos, cette zone se confond avec le volume du produit, liquide ou solide. Au stockage, où les produits sont emballés, la zone se limite à l’intérieur de l’emballage. Nous verrons que ce constat simpliste a des conséquences intéressantes sur la prévention. Dans la majorité des situations de travail avec des produits volatils, la zone de dispersion est très difficile à délimiter. La seule solution est de recourir à des prélèvements atmosphériques, sachant tout le problème de représentativité qu’ils soulèvent. En pratique, la zone de dispersion ne sera notée que si elle est évidente, même si elle est approximative, en particulier pour des nuages de poussières ou d’aérosols. C’est aussi le cas des postes en atmosphère confinée, tels que les cabines de peinture, les petits locaux sans aération suffisante, l’intérieur de certains équipements, etc. En dehors de ces situations, la volatilité, basée sur la pression de vapeur, est un bon indicateur pour estimer l’étendue d’une zone. Rappelons qu’il ne faut pas faire confiance à l’odorat pour cette estimation, tant il est trompeur. m Localisation de la personne par rapport au produit

Il est clair que le niveau d’exposition va beaucoup dépendre de la proximité de l’opérateur avec l’agent chimique concerné. En particulier pour l’exposition par inhalation, c’est la position des voies respiratoires (nez et bouche) par rapport à la source qui est déterminante pour les produits émis. Il s’agit de vérifier en fait si ces voies sont dans la zone de dispersion de l’agent chimique. C’est aussi la position amont ou aval dans un courant d’air pollué. Pour l’exposition par contact cutané, il faut d’abord bien localiser tous les accès possibles aux agents chimiques et chercher si ces accès sont possibles par l’opérateur dans l’exécution normale de ses tâches. Il ne faut pas oublier qu’un produit n’est pas seulement présent dans son contenant, mais souvent aussi dispersé sur des surfaces dans l’environnement de travail, telles que des bords de cuves, des tuyaux, des organes sujets à fuites, des chiffons, etc. m Mode de contact (respiratoire, cutané, oculaire, digestif)

Chaque voie de pénétration constitue un risque distinct, même dans une même phase opératoire. La connaissance des dangers des agents chimiques utilisés est une indication sur les expositions à rechercher, comme nous le verrons dans le paragraphe sur les dangers. En effet, les mesures de prévention pourront être très différentes pour une inhalation et un contact cutané. L’attention se porte volontiers en priorité sur l’exposition respiratoire. Sa perception par l’odorat y est pour quelque chose. Les poussières sont aussi un phénomène très visible, du moins pour des concentrations importantes. Mais il est établi que la perception sensorielle est trompeuse et doit être remplacée par une approche raisonnée s’appuyant sur une observation 132

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

objective de la situation de travail. Ainsi, on accordera plus d’importance à de nombreux contacts cutanés, qui passent couramment pour être insignifiants. En pratique, les deux voies, inhalation et contact cutané, doivent être examinées systématiquement, sachant que l’ingestion est en fait liée aux deux précédentes par le biais du défaut d’hygiène. Le scénario classique est la prise de nourriture sans lavage préalable des mains. Ce comportement est d’ailleurs facilité par des conditions de travail difficiles et par une éventuelle carence en équipements sanitaires. Une autre contamination peut se faire en fumant, venant ainsi aggraver l’effet des fumées elles-mêmes, éventuellement potentialisé par une présence de vapeurs dans l’atmosphère. Ce risque n’apparaît pas facilement dans les inventaires, d’une part parce qu’il met en cause le comportement individuel, d’autre part parce qu’il ne se situe pas toujours au poste de travail, mais aussi dans des locaux à caractère social, voire au domicile. EXEMPLES D’EXPOSITIONS :

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Par inhalation : Aérosol émis par pulvérisation Aérosol émis par formation de bulles de gaz Aérosol émis par un jet liquide Gaz de combustion Gaz d’échappement d’un moteur thermique Gaz produit par une fermentation Poussière émise par chargement ou déchargement d’un agent pulvérulent Poussière émise par un traitement mécanique de surface (ponçage, meulage…) Poussière émise par mise en mouvement d’une poudre déposée Vapeurs émises par application d’un agent chimique solvanté Vapeurs émises par chargement ou déchargement de solvants Vapeurs émises par chauffage d’un agent chimique Vapeurs émises par évaporation d’un agent chimique à l’air libre Vapeurs émises par le rejet d’un captage Poussière ou vapeurs émises par des vêtements souillés Par contact cutané lors de : Application d’un agent chimique à l’aide de chiffon Application d’un agent chimique à l’aide de brosse ou pinceau Manipulation de pièces souillées par un agent chimique Manipulation de pièces avec immersion dans un agent chimique Dépôt sur la peau de poussières ou de vapeurs condensées Contact avec un liquide en cours d’écoulement à l’air libre Port de vêtements souillés par un agent chimique Par ingestion provoquée par : Contamination des mains, de la bouche… Tabagisme sur le lieu de travail Repas pris en environnement pollué Pollution des locaux sociaux (vestiaires, réfectoires…) Port de vêtements souillés par un agent chimique

133

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

Dans la plupart des cas, des mesures de prévention, ou du moins de protection, existent déjà. Ce qui sera noté, c’est l’exposition restante, compte tenu de ces mesures. Cela est vrai autant pour les protections collectives que pour les protections individuelles. Ne pas en tenir compte dans l’estimation du risque fausserait le résultat du classement. Mais cela demande des précautions. Ce raisonnement s’applique d’abord sans difficulté aux protections collectives, car elles modifient bien le niveau d’exposition. Mais la plupart d’entre elles n’ont pas de caractère permanent, puisqu’elles demandent soit une mise place (couvercle), soit une mise en marche (ventilateur). Elles dépendent donc de la volonté des opérateurs, qui peuvent ressentir des incitations à ne pas s’en servir. On peut citer le rythme de travail, la précipitation, le bruit, la charge mentale, voire l’inconscience du risque. Pour cette raison, nous avons choisi de considérer la « non-mise en œuvre » des protections collectives comme un événement dangereux, puisqu’il ne relève plus de la situation standard et qu’il est imprévisible. Pour les protections individuelles, cette option fait souvent l’objet de réticences, en raison du caractère assez aléatoire que présente le port de ce type d’équipement. Il repose beaucoup sur la bonne volonté du porteur, laquelle est affectée d’autant plus que la contrainte et l’inconfort créés sont sensibles. Mais il existe de nombreux cas de figure où les protections individuelles restent la seule solution efficace, c’est-àdire réellement adoptée. Pour ne pas faire d’exception, il faut en tenir compte dans l’exposition et prévoir aussi le non-port de protections individuelles comme un événement dangereux. Ce point est repris dans le paragraphe 4.3.11, consacré aux protections individuelles. En résumé, toute exposition sera décrite et ensuite estimée, en tenant compte des protections normalement prévues, mais en les associant automatiquement à une situation dangereuse, sachant que si une protection n’est systématiquement pas mise en place, on n’en tiendra pas compte. Par ailleurs, la recherche des expositions ne nécessite pas la connaissance de la classification des agents chimiques puisque tous les modes de contact sont envisagés systématiquement. 3.2.2 Situation dangereuse

Contrairement à une exposition, une situation dangereuse n’est pas directement observable. En pratique, on ne la peut définir que par rapport à un événement dangereux possible. Cela revient à se poser la question : « peut-il y avoir un dommage si telle chose se produit ? » Cette vision représente une difficulté majeure pour beaucoup, car tant qu’un événement n’a pas été observé, il ne paraît pas possible. Il est étonnant, par exemple, de constater le nombre de personnes qui ne perçoivent pas de risque d’explosion en travaillant avec un solvant inflammable à l’air libre. L’absence d’accident sur une longue période est souvent avancée comme preuve d’une absence de risque, alors qu’elle ne traduit qu’un faible niveau de probabilité. C’est l’un des obstacles les plus courants que rencontrent les professionnels de la prévention des risques. Pour une phase de travail donnée, il peut exister plusieurs événements dangereux possibles. L’exemple le plus simple est le travail avec un produit inflammable, qui crée généralement un risque d’intoxication aiguë en même temps qu’un risque 134

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

d’explosion. D’où la nécessité de définir une situation dangereuse pour chaque événement dangereux possible. L’examen de tous les événements dangereux possibles décrits au paragraphe suivant montre qu’il existe presque toujours une situation dangereuse à proximité immédiate d’un produit chimique, quel que soit le contenant. Seule l’estimation de la probabilité et de la gravité des dommages permet ensuite d’éliminer certaines situations à risque négligeable. Le terme de proximité immédiate est évidemment sujet à interprétations. Cette zone dangereuse ne peut être estimée qu’en fonction de certains facteurs. Nous en décrivons quatre : m Degré d’ouverture de l’espace

Les murs et portes d’un espace de travail constituent le plus souvent une barrière naturelle suffisante pour arrêter les effets des événements dangereux. Par contraste, c’est l’intérieur du local qui constitue la zone dangereuse. En pratique, l’atelier doit être considéré comme tel dès qu’un produit dangereux est utilisé à l’intérieur, à défaut d’équipements de protection particuliers déjà mis en place. Cette surface peut toutefois être réduite en cas de très petite quantité de produit. m Quantité stockée

Tous les effets néfastes d’événements dangereux sont proportionnels à la quantité de produit contenu dans l’équipement considéré. C’est grossièrement le cas de la vaporisation, de la fuite, de la projection, de la réaction incontrôlée. Il faut donc définir une zone dangereuse tenant compte de ce paramètre, surtout en espace ouvert. Pour les produits inflammables ou explosifs, il faut étudier ce paramètre plus précisément, en raison du risque incendie et explosion. La gravité de ces événements est une fonction quasi exponentielle des quantités stockées. Il est toujours utile de faire le petit calcul consistant à chiffrer le volume théorique de vapeurs obtenues par vaporisation totale d’un liquide stocké, et de le comparer au volume du local éventuel.

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Vv = 25 m/M Vv : volume de vapeurs en m3 ; m : masse de liquide en kg ; M : masse moléculaire du liquide en g. EXEMPLE :

Un atelier de 100 m2 contient 1 fût de solvants de 200 kg. Sa masse moléculaire est de 106. Le local a une hauteur de 4 m. Vv = 25 ¥ 200/106 = 47 m3 Le volume du local étant de 400 m3, les vapeurs en occuperaient 12 %, c’est-à-dire qu’on se trouve largement dans la zone d’explosivité.

Il est intéressant de noter que la zone dangereuse coïncide avec celle que l’on doit déclarer dans le cadre de la réglementation du risque explosion et qui exige une signalisation spécifique. 135

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

m Paramètres chimiques

Le risque de réaction dangereuse doit toujours être envisagé. Nous parlons bien des réactions imprévues, ou incontrôlées. Les prévoir consiste en fait à repérer des couples de produits fortement réactifs, de préférence au moment de l’inventaire des produits présents dans un certain espace, en s’aidant des informations figurant au paragraphe 2.5.2. Une fois qu’un couple est identifié, encore faut-il que la rencontre des produits protagonistes soit possible. La proximité est la principale condition pour créer une situation dangereuse, mais elle n’est pas toujours indispensable. C’est l’événement dangereux qui définira cette possibilité. m Paramètres physiques

La zone dangereuse est aussi fonction de paramètres tels que la pression, la température des agents chimiques et leur situation dans l’espace. Il est certain qu’un produit stocké ou utilisé en hauteur crée une menace plus étendue que s’il était au sol, de même que des contenants ou des tuyaux créent une zone de risque dont l’étendue est fonction de la pression interne. Peut-on s’appuyer sur la classification des agents chimiques utilisés ? Un produit toxique suggère évidemment un risque d’intoxication aiguë, un produit corrosif un risque de brûlure cutanée, et un comburant un risque de réaction dangereuse. Mais le risque d’exposition massive est présent quel que soit le danger. Par contre, le risque d’incendie ou d’explosion n’existe qu’en présence d’un inflammable et, de façon plus restreinte, d’un combustible. 3.2.3 Événements dangereux

Pour inventorier les événements dangereux possibles, il faut faire appel à son imagination. Mais elle doit être aidée par des outils appropriés pour prétendre à une bonne couverture des risques. Le premier d’entre eux est le groupe de travail, son apport de créativité n’étant plus à démontrer. Le second outil classique est la « check-list », que l’on parcoure systématiquement. Il en existe dans des ouvrages spécialisés et nous en proposons une, très simple. EXEMPLES D’ÉVÉNEMENTS DANGEREUX :

Contacts massifs provoqués par : Éclatement de tuyau Débranchement de tuyau Décompression brutale d’un récipient ou d’une canalisation Rupture de paroi de récipient ou appareil contenant un agent chimique Renversement de récipient Fuite de récipient Ouverture intempestive de robinet ou de vanne Chute dans un récipient Projection de liquide par immersion brutale d’une pièce Projection de liquide par explosion d’un contenant Contact avec un équipement souillé par un agent chimique Contact avec le sol souillé par un agent chimique

136

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

Inhalations massives provoquées par : Décompression d’un récipient Explosion d’un récipient Fuite de gaz ou vapeurs Chauffage brutal d’un liquide volatil Renversement d’une quantité importante de solvant Réaction entre deux produits générant un gaz Décomposition thermique d’un agent chimique Incendie avec des produits chimiques Panne d’un captage Ingestions nocives provoquées par : Conditionnement trompeur Pollution d’un aliment Asphyxie provoquée par : Fuite de gaz inerte Renversement d’azote liquide Pénétration dans un espace appauvri en oxygène Combustion soudaine d’un inflammable

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Brûlures thermiques provoquées par : Incendie Explosion Projection de liquide chaud

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, mais constitue déjà une bonne base pour trouver l’essentiel des risques. Plus on remonte dans l’enchaînement des faits, plus les options se multiplient. Ainsi, si l’on cherche les causes possibles d’une fuite, on peut trouver une douzaine de faits possibles. Le fait que les événements déclencheurs soient quasi innombrables conduit à s’en tenir, par exemple, aux deux dernières causes avant le dommage, en supposant que le déclencheur arrivera toujours. Cela est d’autant plus difficile quand le poste de travail ne comporte aucune utilisation d’agent chimique et que c’est une formation inattendue d’agent chimique dangereux qui est l’événement déclencheur. L’exemple qui illustre le mieux cette éventualité a été décrit au paragraphe 2.5.2. Il s’agissait de la formation de sulfure d’hydrogène dans une station d’épuration des eaux, provoquée par l’arrêt accidentel du flux des eaux usées. Nous retrouvons bien les composantes du processus accidentel ; le danger était apporté par une substance générée par l’activité, la situation dangereuse était de travailler à proximité d’un milieu fermentescible et l’événement dangereux a commencé avec l’arrêt du flux, puis la fermentation, puis la pénétration de l’opérateur dans le local, pour se terminer par l’inhalation massive d’un gaz très toxique (la VLE est de 10 ppm). La recherche des déclencheurs de dysfonctionnement se fait d’abord en s’aidant de l’expérience de l’entreprise. C’est pourquoi il faut se constituer des bases de données d’accidents et surtout d’incidents survenus, même sans le moindre dommage. Comme évoqué précédemment, il faut inclure les défaillances des dispositifs de 137

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

protection collective ou individuelle, dans l’inventaire des événements dangereux possibles. Ainsi l’arrêt d’une ventilation ou la défaillance d’un détecteur de gaz peut être un événement générateur de dommage. Une autre méthode utilisée dans l’inventaire des événements dangereux consiste à partir des déclencheurs pour lister ensuite tous les dommages qui peuvent en résulter. Ce principe, que l’on retrouve dans les méthodes inductives (voir paragraphe suivant), s’adapte mieux aux défaillances techniques, comme dans l’étude de sûreté des process ou d’installations. Là encore, le croisement de plusieurs méthodes donne les meilleurs résultats. Cependant, un déclencheur peut être d’origine humaine. On peut citer les erreurs d’identification portant sur des produits, des organes de commandes, des signaux, etc. Les modifications de procédés improvisées peuvent déclencher des événements dangereux. Souvent c’est la simple ignorance du risque qui est le premier facteur, en particulier dans le déclenchement de réactions dangereuses. 3.2.4 Les méthodes de recherche des risques accidentels

La recherche des événements dangereux possibles s’inscrit dans l’ensemble des études de risques qui sont exigibles avant le démarrage d’un nouveau procédé ou d’une nouvelle installation. Depuis longtemps des méthodes ont été développées et normalisées dans ce but. Nous les évoquons brièvement ici1. Il existe deux types fondamentaux d’analyses des risques. L’une est appelée méthode déductive et l’autre méthode inductive. Dans la première, le dommage final est présumé et les circonstances qui pourraient provoquer cet événement sont ensuite recherchées. Dans la méthode inductive, la défaillance d’un élément est présumée. L’analyse qui suit détermine les événements que cette défaillance pourrait provoquer. m Analyse des modes de défaillances et de leurs effets (AMDE)

L’AMDE est une méthode inductive dont l’objectif principal consiste à évaluer la fréquence et les conséquences de la défaillance d’un élément, appelée « événement redouté ». Elle va donc jusqu’à l’estimation du risque. Elle est spécifiée dans la norme CEI 812 : 1985 – Techniques d’analyse de la fiabilité des systèmes – Procédure d’analyse des modes de défaillances et de leurs effets (AMDE). m Analyse préliminaire des risques (APR)

L’APR est une méthode générale utilisée au stade de la conception d’un équipement, d’une installation ou d’un projet, en particulier dans l’industrie chimique. Elle nécessite dans un premier temps d’identifier les éléments dangereux, qui peuvent être des produits chimiques, des fluides, des équipements, des opérations. L’APR cherche ensuite à identifier toutes les situations dangereuses générées par ces éléments, en imaginant des enchaînements de faits, pour en déduire in fine des mesures de prévention. Elle comporte donc des points communs évidents avec la méthode développée dans cet ouvrage. 1. Pour en savoir plus, voir la note documentaire ND 1675 de l’INRS sur le site www.hst.fr, ou la synthèse faite sur le site www.previnfo.net.

138

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.2 Identification des risques

m Méthode MOSAR (Méthode Organisée Systémique d’Analyse des Risques)

La méthode MOSAR est une démarche qui comporte dix étapes. Le système à analyser (procédé, installation, etc.) est considéré comme formé de sous-systèmes en interaction. Une grille est utilisée pour identifier les phénomènes dangereux, les situations dangereuses et les événements dangereux. L’adéquation des mesures de sécurité est étudiée à l’aide d’une deuxième grille, puis d’une troisième grille prenant en compte leur interdépendance. Ceci conduit à la construction de scénarios d’accidents. Les scénarios sont classés, par consensus, dans une grille de gravité. Une grille de correspondance, établie elle aussi par consensus, relie la grille de gravité aux objectifs à atteindre par les mesures de sécurité et spécifie le niveau de performance des mesures techniques et organisationnelles. Les mesures de sécurité sont alors intégrées aux arbres logiques et les risques résiduels sont analysés au travers d’une grille d’acceptabilité définie par consensus. m L’arbre des défaillances (ADD)

L’ADD est une méthode déductive menée à partir d’un événement jugé indésirable qui permet à son utilisateur de trouver tous les chemins critiques conduisant à cet événement. Les événements dangereux ou sommets sont tout d’abord identifiés. On représente ensuite toutes les combinaisons de défaillances élémentaires qui pourraient se traduire par un événement indésirable sous la forme logique d’un arbre des défaillances, similaire à l’arbre des causes décrit par ailleurs. La méthode est spécifiée dans la norme CEI 61025 : 1990 – Analyse par arbre de panne (AAP). m Méthode HAZOP (HAZard OPerability)

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Cette méthode a été conçue pour les risques liés au process. Elle est donc bien adaptée à l’industrie chimique, en particulier pour le risque de réaction incontrôlée. Son principe est de choisir un système, de lister tous ses paramètres influents et d’examiner tous leurs écarts possibles. Les paramètres du système sont typiquement : – – – – – – – – –

température ; pression ; poids, volume ; débit ; niveau ; concentration ; durée ; pH ; état d’un organe (marche/arrêt, ouvert/fermé).

Les écarts possibles de ces paramètres sont passés en revue à l’aide de mots guides tels que : – trop de ; – pas assez de ; 139

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

– – – – – – –

3.2 Identification des risques

non fait ; en plus de ; en partie ; inverse ; autre ; avant, après ; …

Ce qui génère des hypothèses telles que : température trop haute, pas assez de poids A, ouverture non faite, volume en partie dévié, marche à l’envers, fermeture avant la fin, etc. Pour chacun de ces écarts, il faut indiquer une cause et des conséquences. On en déduit quels moyens de détection et quelles mesures correctrices seront opportuns, en s’aidant d’un tableau comme celui-ci : Système Repère

Mot guide

Paramètre

Cause

Conséquences

Détection

Mesure corrective

m Méthode « Que se passe-t-il si » (« WHAT IF » Method)

« Que se passe-t-il si » est une méthode inductive. Pour les procédés relativement simples, le mode opératoire est passé en revue. À chaque étape, on se demande ce qui se passe si tel dysfonctionnement se produit et on répond en décrivant les effets des défaillances de matériel ou des erreurs de procédure sur l’apparition de dommages. Pour les procédés plus complexes, la méthode utilise une « check-list » pour balayer tous les dysfonctionnements et divise le travail de façon à confier l’étude de certaines phases aux personnes qui ont la plus grande expérience ou habileté à évaluer ces aspects. Elle est assez voisine de la méthode HAZOP, mais exige une certaine compétence des personnes qui la pratiquent. Toutes ces méthodes sont en fait très voisines. Ce qui est important à retenir, c’est l’intérêt d’une double approche, déductive partant des dommages, et inductive partant des déclencheurs pour un inventaire plus complet des événements dangereux envisageables. 3.2.5 Enregistrement des données

Nous avons vu qu’à une action ou phase donnée peuvent être rattachés plusieurs risques. Il faut donc enregistrer ceux qui ont été identifiés, d’une part comme risques d’exposition chronique, d’autre part comme risques d’accident, sachant que le plus souvent les deux groupes sont présents. Mais, pour chaque groupe, il n’y a qu’un risque par famille de danger, comme établi au paragraphe 2.3.6. Ce qui veut dire que la configuration la plus complète est : 140

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

Action

3.2 Identification des risques

Type de risque

Chronique

Famille de danger

Code

Nocivité par inhalation

In

Nocivité par contact

Co

Nocivité par ingestion

Tg

Nocivité par inhalation

In

Nocivité par contact

Co

Nocivité par ingestion

Tg

Incendie-explosion

IE

Réactivité

Re

X

Accidentel

Soit 8 risques par action. En réalité, cela revient à préciser la voie avec le type, sauf pour l’incendie-explosion et la réactivité, qui s’ajoutent pour le risque accidentel. On peut donc, par commodité, utiliser la liste de codes suivante : C-In C-Co C-Tg A-In A-Co A-Tg A-IE A-Re Dans la pratique, après élimination des risques négligeables, il ne reste que 4 à 5 risques, selon qu’il y a des inflammables ou pas. Pour chacun de ces risques élémentaires, il reste à enregistrer tous les paramètres que nous appellerons qualitatifs et qui figurent dans le tableau suivant :

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Domaine

Paramètres



Précisions

Agent chimique

1

Son nom de substance, de préparation ou de rejet

Identité

2

Son numéro CAS ou EINECS, ou référence

Dangers

3

Il s’agit des phrases de risque correspondant à la famille de danger générant le risque

Forme physique

4

Liquide, pâte, gaz, vapeurs, poudre, poussière, aérosols, fumées, etc.

Constantes physiques

5

Point d’ébullition, d’éclair, pression de vapeur, LIE, granulométrie, masse moléculaire, etc.

Danger

141

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

Domaine

Exposition

Paramètres

3.3 Estimation des risques



Précisions

Mode de dispersion

6

Évaporation, mise en suspension, broyage, échappement, pulvérisation, dépôt, etc.

Zone de dispersion

7

< 1 m, < 10 m, local entier, etc.

Proximité

8

Tête à 50 cm de la surface, produit sur les mains, etc.

Situation dangereuse

9

La proximité avec le danger

Événement dangereux

10

Le scénario

La nature et la localisation de la pathologie

11

Correspond à la phrase de risque. Éventuellement tableau de MP.

Accident

Dommage

Seuls les paramètres 1, 2, 3, 4, et 11 sont indispensables pour un risque chronique et les paramètres 1, 2, 3, 4, 9, 10, et 11 pour un risque accidentel. Les autres (5 et les 3 qui ne précisent que le risque chronique (6, 7, 8)) sont renseignés en fonction de leur disponibilité et de leur utilité. Ils peuvent très bien figurer dans une autre base de données, consultable à volonté. En définitive, il suffit d’enregistrer chaque risque élémentaire avec un repérage adéquat, en mentionnant son type, sa famille de danger et les paramètres qualitatifs correspondants.

3.3 Estimation des risques 3.3.1 Le cheminement de l’estimation

L’estimation des risques va nous permettre de tous les classer dans l’ensemble défini, par priorité décroissante, qu’ils soient de type chronique ou accidentel. Pour cela, il nous faut connaître les paramètres influents sur leur cotation. Ils ont été décrits au paragraphe 2.4.4 pour le type chronique et 2.5.5 pour le type accidentel. Le tableau ci-contre en présente une synthèse. La cotation des risques se fait donc à partir des quatre paramètres quantitatifs fondamentaux, codés ND, NE, NG et NP. Ceux-ci doivent eux-mêmes faire l’objet d’une cotation, à partir de paramètres chiffrés ou pas, comme exposé aux paragraphes 2.4.4 et 2.5.5. Ces diverses cotations doivent suivre certaines règles pour être significatives. 3.3.2 Règles de cotation

1) Choisir des échelles de cotation adaptées à l’ampleur de l’évaluation. Plus il y a de risques à estimer, plus large doit être l’échelle, car, dans le classement final, il faut éviter d’avoir trop d’éléments sur un même niveau. Le minimum est une échelle à trois niveaux : faible, moyen et élevé. Si l’on augmente le nombre de niveaux, il faut être en mesure de bien les attribuer, donc disposer de suffisamment 142

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

La cotation d’un risque de type

dépend d’abord du

codé

Niveau de danger

ND

3.3 Estimation des risques

qui dépend de Phrases de risque

qui dépend de

VLEP ou DL50 Durée

Indice d’exposition respiratoire Ir Chronique Niveau d’exposition

Fréquence Coefficient d’exposition R (métrologie ou estimation)

NE Durée Indice d’exposition cutanée Ic

Fréquence Coefficient d’exposition C (surface de contact, concentration) ND

Niveau de Gravité

NG

Dommage le plus probable

Quantité Proximité Nombre de personnes

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Accidentel

Niveau de Probabilité

NP

Nombre de déclencheurs potentiels

Conception Maintenance Facteurs humains Zone atex

Nombre d’étapes du scénario

Complexité de l’environnement

Étendue de la zone dangereuse

Conception Propriétés du produit

Présence humaine

Durée et fréquence des actions Mode opératoire

Possibilité d’évitement

Protection Surveillance Formation/information

143

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

de critères. Nous pensons qu’il est illusoire d’utiliser plus de 10 niveaux. Le choix du nombre pair ou impair n’est pas anodin, puisque l’impair fixe un niveau juste au milieu de l’échelle. Les partisans du nombre impair disent qu’il est plus facile de se référer à une moyenne, et ses opposants disent qu’il ne faut pas être tenté de s’y réfugier… L’étendue de l’échelle peut aussi varier selon le paramètre que l’on cote, en fonction du nombre de variables dont il dépend. 2) Toute notre méthodologie d’estimation repose sur le caractère relatif de la cotation. Cela veut dire concrètement que chaque paramètre est situé par rapport au plus haut et au plus bas. Il est donc primordial d’examiner d’abord tous les niveaux d’un paramètre donné pour l’ensemble des risques, puis d’affecter le plus haut niveau, puis le plus bas, et enfin de coter tous les autres par rapport à ces deux extrêmes. C’est pour cela qu’on ne peut coter les risques qu’une fois leur identification terminée sur l’ensemble. Une cotation des risques réalisée au fur et à mesure de l’identification perd tout caractère relatif et n’atteint pas son but. Dans les autres méthodes que nous avons étudiées, ce point capital n’a jamais été mentionné. 3) La cotation peut être numérique ou pas. Dans le premier cas, on accède à la cotation finale par une fonction mathématique, souvent l’addition ou le produit des cotations des paramètres influents. Dans le cas contraire, la cotation se fait par lettres ou par mots, et les combinaisons se font par matrice, qu’on appelle aussi grille ou tableau, comme celles qui figurent aux paragraphes 2.4.4 et 2.5.5. Cette option permet plus facilement de « doser » l’influence de chaque paramètre sur la cotation finale. La cotation des risques engage à terme ses auteurs sur une stratégie de prévention. Pour éviter les tensions et désaccords ultérieurs, il est important que les trois règles ci-dessus soient établies de façon collective et consensuelle. 3.3.3 Paramètres influents sur la cotation

Une fois fixée la fonction ou la matrice de combinaison des quatre paramètres fondamentaux, la cotation du risque est immédiate. La difficulté intervient au stade précédent, c’est-à-dire pour coter les quatre niveaux fondamentaux eux-mêmes. Voici quelques pistes pour ce faire. m Niveau de danger (ND)

C’est le plus facile puisqu’il existe des échelles de cotation, d’ailleurs absolues, à partir des phrases de risque, comme cela est expliqué en détail au paragraphe 2.3.5. Rappelons qu’il ne faut considérer que les phrases se rapportant à la famille de danger correspondant au risque estimé. S’il y a plusieurs phrases, on retiendra le plus haut niveau de danger obtenu. Pour illustrer ce point clé de la méthodologie, prenons l’exemple des risques liés à l’utilisation d’une préparation affectée de la classification suivante : R23, R37/38, R60, R10. La règle énoncée ci-dessus conduit à l’analyse de risque suivante : 144

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3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

N˚ de risque

Type de risque

Libellé

Phrases de risque

Libellé

Niveaux de danger

Niveau retenu

1

In

Inhalation

R23 R37 R60

Toxique par inhalation Irritant pour les voies respiratoires Peut altérer la fertilité

4 2 4

4

2

Co

Contact cutané

R38 R60

Irritant pour la peau Peut altérer la fertilité

2 4

4

3

IE

Incendieexplosion

R10

Inflammable

2

2

La synthèse des niveaux, affectés d’une part aux phrases de risque de tous types pour la réglementation actuelle, et d’autre part aux agents chimiques générés par l’activité et non étiquetables, figure dans l’annexe 4. Cette cotation est un minimum et peut être avantageusement complétée par des phrases de risque affectées pour la circonstance. Par exemple : gaz de combustion, R26, fumées de soudure inox, R23, R49, ce qui entraîne une nouvelle cotation aux niveaux 5 et 4. Ces tableaux, qui affichent cinq niveaux – mais il n’y en a que quatre réels –, sont une référence permettant le consensus. Il est parfaitement admissible que des modifications y soient apportées d’un commun accord, en fonction d’une expérience ou d’une connaissance particulière des personnes concernées. Dans tous les cas, il est préférable de déterminer le niveau de danger en accord avec le médecin du travail. Nous prendrons un exemple très simple pour illustrer ce point. Les effets de l’éthanol (alcool éthylique) sur la santé ne sont plus à démontrer. Or sa classification se limite strictement à R11, facilement inflammable. Ce produit est pourtant un solvant industriel. Peut-on imaginer, en conséquence de son étiquetage, de négliger l’exposition chronique aux vapeurs ? Ce classement de niveau permet en outre une approche conforme à la réglementation qui prévoit des mesures spéciales pour certains produits dangereux (plomb, amiante, etc.) ou catégories de produits (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction). m Indices d’exposition (Ir et Ic)

Le troisième paramètre de l’indice est le coefficient d’exposition. Pour la voie respiratoire, le coefficient R reflète le niveau de concentration du polluant dans l’air. Mais celle-ci est très variable dans le temps et l’espace, et l’idéal est de procéder à des campagnes de métrologie. À défaut, on s’appuie sur des facteurs d’exposition. Pour le contact cutané, il faut principalement intégrer la surface de peau exposée. Le coefficient C peut suivre une progression du type : mains, bras, jambes, torse, corps entier. 145

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

m La métrologie relative aux expositions

La métrologie des agents chimiques susceptibles d’entrer en contact avec les personnes n’est pas une technique d’accès facile. Il faut d’abord que l’agent chimique visé soit mesurable. Ensuite, la technique est très différente selon qu’il s’agit d’une exposition respiratoire ou cutanée. Pour la première, elle consiste à mesurer la concentration d’une substance, ou d’une poussière, dans l’atmosphère de travail. Les pollutions atmosphériques sont souvent des mélanges complexes. La mesure ne porte alors que sur un ou deux composants du mélange. Quand l’ensemble des mesures est réalisé sur le domaine de l’étude, on peut attribuer les coefficients d’exposition respiratoire R, comme indiqué. La métrologie concernant l’exposition cutanée est plus complexe. Elle consiste à procéder à des prélèvements surfaciques, du type frottis, sur une surface donnée. Elle peut être pratiquée sur la peau, mais aussi sur les objets, reflétant dans ce cas la quantité qui se dépose. Dans le cas d’une préparation ou d’une dilution, il faut tenir compte de la concentration du produit actif. Pour les concentrations surfaciques, il existe peu de valeurs de références et aucune VLEP. Mais cela reste une indication précieuse pour procéder à des comparaisons dans l’espace et dans le temps. En pratique, on en déduira le coefficient d’exposition cutanée C, en intégrant l’importance de la surface de peau en contact. Le dosage d’indicateurs biologiques d’exposition (IBE)1 dans les urines et le sang, déjà évoqués au paragraphe 2.4.2, constitue un troisième type de métrologie, tout aussi intéressant pour mettre en évidence une exposition déjà réalisée. La biométrologie a l’avantage de rendre compte de la dose réellement absorbée par l’organisme. L’expérience a montré que le recours à cette technique peut remettre en cause les estimations intuitives initiales, d’autant qu’elle est indépendante du mode de contamination. Cette observation a été faite notamment avec le plomb et certaines amines aromatiques. Elle a aussi des inconvénients, comme la contrainte des analyses pour le personnel et le fait qu’elle ne soit qu’une méthode a posteriori. Une métrologie doit évidemment être représentative de l’exposition pondérée, ce qui suppose des séries de mesures pour pouvoir faire un minimum de statistiques, surtout si les modes opératoires varient souvent. Pour ces diverses raisons, elle n’apporte souvent qu’une information semi-quantitative, c’est-à-dire un ordre de grandeur. Mais c’est souvent largement suffisant quand on procède par comparaisons. m Expositions multiples

Un poste de travail peut induire une exposition à deux, ou plus, agents chimiques, parce qu’ils sont présents simultanément dans l’atmosphère de travail ou parce qu’ils sont manipulés simultanément. Comment traiter ce cas ? On peut assimiler l’exposition multiple à une exposition simple à une préparation qui contiendrait les différents agents présents. Pour analyser les risques qui en résultent, il faut reconstituer la classification de cette préparation théorique. Cela est difficile parce que la composition nous échappe dans ce cas. Il suffit alors, pour rester prudent, 1. Pour en savoir plus, consulter BIOTOX, Guide biotoxicologique pour les médecins du travail, INRS, ED 791, 2007.

146

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

d’additionner les phrases de risque de tous les composants, tout en éliminant les redondances ou les dangers de niveau inférieur, comme dans l’exemple suivant, qui pourrait se trouver dans une combustion de déchets : Exposition simultanée à :

Classification

Xylène

R10-20/21-38

Acide chlorhydrique

R23-35

Poussières de chromate de plomb

R61-33-40-62

Synthèse

R23-21-35-61-33-40-62 R10

Si l’on veut estimer une exposition multiple par métrologie, il faut mesurer les concentrations de tous les composants. Rappelons qu’il n’existe pas de VLEP pour les mélanges, mais l’INRS a établi une règle qui considère que chaque substance d’un mélange contribue à l’exposition. La valeur limite du mélange est obtenue par le biais du rapport des concentrations atmosphériques (Cn) aux VLEP correspondantes (VLn), selon la formule : Cn C1 C2 -≤1 --------- + --------- + … + --------VL n VL 1 VL 2 EXEMPLE :

Exposition simultanée à l’éthanol (600 ppm), au xylène (25 ppm) et à l’ammoniac (2 ppm). Les VME correspondantes sont 1 000 ppm, 50 ppm et 10 ppm. La convention d’additivité donne : 600 2 ------------- + 25 ------ + ----- = 1,3 1 000 50 10 La valeur limite est donc dépassée, alors qu’aucun des composants ne dépasse sa propre valeur limite.

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m Facteurs d’exposition

Dans la majorité des cas, le coefficient d’exposition R sera le résultat d’une estimation sans métrologie. Comme toute estimation, elle doit être le résultat d’une approche collective, qui permet de synthétiser les avis, et relative, qui ne vise qu’à situer les valeurs entre les extrêmes. Elle repose dans tous les cas sur l’observation de certains facteurs d’exposition. Ce sont des éléments du procédé et de l’environnement qui contribuent au contact des personnes avec les agents chimiques. Voici les cinq éléments principaux : Le degré d’ouverture d’un système : Il s’agit de repérer les contenants qui peuvent être ouverts en permanence, comme des cuves, ou temporairement, comme des emballages. Des mises à l’air libre d’un agent peuvent arriver au cours d’une opération de versement, de soutirage ou de prélèvement. Le degré reflète la proportion, spatiale ou temporelle, de ces ouvertures par rapport à l’ensemble des équipements. La volatilité d’un produit : Elle est fonction, pour un liquide, de sa pression de vapeur et, pour un solide pulvérulent, de sa granulométrie. 147

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

Le degré de dispersion : Le mode opératoire peut induire des mouvements d’agents chimiques à l’air libre qui favorisent leur dispersion, comme la projection, l’étalement en surface, le ponçage, le meulage et le broyage, la pulvérisation, le chauffage, etc. Le degré de manipulation : Ce facteur vise spécialement le contact cutané. Il reflète la proportion d’actions qui sont réalisées directement avec les mains, c’est-à-dire conformes au sens premier de manipulation. Les deux exemples typiques sont les transvasements de petits conditionnements et les nettoyages d’objets aux solvants. Le degré de protection : Notre méthode exploite toujours l’exposition réelle des personnes. Cela veut dire que lorsque des protections collectives sont utilisées ou des protections individuelles portées, elles doivent être intégrées dans l’estimation. Le coefficient d’exposition résulte donc de l’estimation d’une exposition hors protection, corrigée par l’efficacité de ladite protection dans ses conditions réelles d’exploitation. Ainsi, une protection respiratoire à haute efficacité utilisée dans un espace à forte concentration de vapeurs nocives implique un coefficient négligeable, alors qu’un travail manuel sur un produit pulvérulent avec des gants de faible efficacité implique un fort coefficient. En fait, c’est le risque de défaillances de ces protections qui les dévalue en tant que mesures de prévention. En théorie, il serait possible de coter chacun de ces facteurs, puis de combiner les cotations obtenues et d’en déduire un coefficient d’exposition, respiratoire ou cutanée. Une telle démarche est incluse dans la méthode proposée par l’INRS1. Il appartient au groupe de travail chargé de l’évaluation de juger si cette étape supplémentaire est supportable et utile. En général, la détermination des coefficients d’exposition se fait intuitivement, mais en tenant bien compte des facteurs d’exposition. Nous proposons ci-dessous quelques exemples d’estimation. Expositions respiratoires : Degré d’ouverture du système

Volatilité du produit

Dispersion du produit

Protection

Coefficient R

Complètement clos

Quelconque

Aucune

Aucune

Négligeable

Partiel

Faible

Aucune

Aucune

Faible

Tout ouvert

Aucune

Aucune

Aucune

Faible

Partiel

Moyenne

Aucune

Captage enveloppant

Faible

Partiel

Moyenne

Aucune

Captage latéral

Moyen

Tout ouvert

Faible

Transfert de poudre

Masque filtrant

Moyen

Tout ouvert

Moyenne

Meulage

Captage latéral

Moyen

1. Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233, 2005, INRS.

148

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

Degré d’ouverture du système

Volatilité du produit

3.3 Estimation des risques

Dispersion du produit

Protection

Coefficient R

Tout ouvert

Faible

Séchage de pièces

Ventilation générale

Moyen

Partiel

Forte

Écoulement liquide

Aucune

Élevé

Tout ouvert

Forte

Aucune

Aucune

Élevé

Partiel

Moyenne

Pulvérisation

Ventilation générale

Élevé

Partiel

Faible

Travail à chaud

Aucune

Élevé

Expositions cutanées :

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Degré d’ouverture du système

Volatilité du produit

Degré de manipulation

Protection

Coefficient C

Complètement clos

Quelconque

Aucune

Aucune

Négligeable

Partiel

Moyenne

Soutirage de liquide

Gants spéciaux

Faible

Partiel

Faible

Avec outil manuel

Aucune

Faible

Tout ouvert

Moyenne

Pesée

Gants

Moyen

Tout ouvert

Poudre fine

Déplacement de récipient

Aucune

Moyen

Tout ouvert

Élevée

Ponçage

Gants

Élevé

Partiel

Moyenne

Pulvérisation

Gants

Élevé

Tout ouvert

Moyenne

Transvasement de poudres

Aucune

Élevé

Tout ouvert

Forte

Nettoyage manuel au solvant

Aucune

Très élevé

m Niveau d’exposition (NE)

Le niveau d’exposition est fixé en fonction des valeurs de l’indice d’exposition. Ce dernier est obtenu en multipliant le coefficient d’exposition par la durée et la fréquence d’exposition, conformément au principe énoncé au paragraphe 2.4.3. Un classement des indices permet de fixer des niveaux d’exposition, selon les règles de cotation déjà évoquées. Ce calcul est consigné dans un tableau, selon l’exemple suivant, tiré de l’étude d’une opération de mélange de poudres. 149

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

Durée (min)

Fréquence (par jour)

Coefficients d’exposition estimés (1 à 7)

Indice Ir

Niveau d’exposition (1 à 5)

Pesée

20

4

3

240

4

Chargement

5

4

2

40

1

Déchargement

10

4

7

280

5

Transfert

5

4

1

20

1

Broyage

15

2

3

90

2

Conditionnement

10

2

2

40

1

Action

m Niveau de gravité (NG)

La détermination du niveau de gravité du dommage commence par la fixation de l’échelle de gravité, parfois appelée sévérité1. Dans les différentes méthodes d’évaluation des risques, elle comporte de deux à cinq échelons. Nous proposons ici la plus complète. Niveau (NG)

Définition

Exemples de scénario

5

Mort collective

Nuage toxique Explosion

4

Mort individuelle

Émanation toxique Anoxie

3

Lésion grave avec incapacité permanente

Perte de la vue Brûlure au 3e degré Insuffisance respiratoire sévère

2

Lésion grave réversible

Intoxication temporaire Brûlure chimique limitée

1

Pathologie légère

Migraine Irritation

Dans beaucoup de cas, une échelle à trois niveaux suffit. Le tableau du paragraphe 3.3.1 indique quels sont les paramètres influant sur le niveau de gravité. Le premier paramètre est le niveau de danger de l’agent chimique. Lorsqu’il est classé très toxique, et en général de niveau de danger égal à 5, le décès doit être systématiquement envisagé. Mais l’inverse n’est pas juste, parce que la concentration 1. C’est le cas dans la norme ISO 14121

150

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

intervient. Ainsi, une exposition à des vapeurs de substance classée irritante (R38, ND = 2) peut être fatale si la concentration atteint 5 % dans l’air. De même, une substance classée 4 parce qu’appartenant aux CMR ne générera pas nécessairement de risque mortel à une exposition massive de 5 000 ppm. C’est pourquoi chaque cas doit être examiné avec toutes les informations de toxicologie aiguë disponibles. La même prudence doit être observée pour un scénario de réaction dangereuse, parce que l’étiquetage ne rend que grossièrement compte de la réactivité. La gravité d’un incendie ou d’une explosion ne dépend pas beaucoup du niveau de danger, parce que les dommages sont toujours indirects. L’agent chimique ne joue que le rôle d’initiateur et n’intervient que rarement sur les dommages finaux. Par contre, le nombre de personnes exposées est un critère important pour la gravité, puisque le rayon d’action de ces deux sinistres est très souvent très large et la zone dangereuse inclut des postes de travail initialement sans rapport avec le poste que l’on estime. La proximité des personnes avec le point de départ du phénomène accidentel est l’un des facteurs les plus influents. Dans les scénarios de projection, d’épandage, de combustion soudaine et d’explosion, le facteur distance est déterminant. C’est même un point d’appui majeur de la prévention, car il existe toujours une distance qui place les personnes hors d’atteinte des événements dangereux. C’est pourquoi il est utile d’estimer l’étendue de la zone dangereuse pour situer le dommage possible lié à la proximité. La quantité d’agent chimique présente est un autre facteur déterminant sur le niveau de gravité. Elle l’est d’abord de façon évidente pour les expositions massives, car les pics de concentration atmosphérique et les surfaces de contact cutané sont proportionnels à la quantité impliquée dans le scénario d’accident. Pour les réactions dangereuses, les incendies et les explosions, l’ampleur des dommages est quasiment exponentielle par rapport aux quantités mises en jeu. C’est aussi un aspect qui guide les choix de mesures de prévention.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

m Niveau de probabilité (NP)

Le niveau de probabilité concerne bien le dommage final et non le fait déclencheur de l’événement dangereux, qui n’a pas du tout le même niveau de probabilité. La probabilité du dommage envisagé est liée à sa gravité, comme montré précédemment. Elle est en fait la combinaison des probabilités des étapes successives de l’événement dangereux. Il est donc important de bien décrire chaque étape des scénarios retenus. Le paragraphe 2.5.2 a montré la quantité surprenante de scénarios imaginables. Ceux-ci peuvent être écrits de façon strictement linéaire, chaque événement n’ayant qu’un précurseur. La séquence type est alors : E1 (déclencheur) Æ E2 Æ… Æ En (évitement) Æ Dommage Si l’on veut quantifier la probabilité, on retrouve la relation : P (dommage) = P1 ¥ P2 ¥ … ¥ Pn les probabilités étant exprimées en fraction 1/nombre estimé de cycles pour un événement E. Ce nombre est exprimé en puissances de dix, précision suffisante en 151

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

pratique. Pour fixer les idées, voici quelques définitions de probabilité proposées par la norme ISO 14121 : Probabilité

Définition

10 –1

Fréquent et attendu

10 –2

Possible

10 –3

Inhabituel

10 – 4

Isolé, rare

10 – 5

Envisageable à la limite

10 –6

Improbable, peu vraisemblable

EXEMPLE CHIFFRÉ :

Un tuyau de produit corrosif a un raccord dont la fréquence de fuite est estimée à 1 jour sur cent. Un opérateur est présent sous ce tuyau 1 heure sur huit par jour. La probabilité qu’il reçoive du produit est de 1/100 ¥ 1/8 = 1/800. S’il y avait deux raccords, la probabilité serait de 1/400.

Les scénarios peuvent prendre la forme d’un arbre des défaillances quand on envisage plusieurs précurseurs à un événement, ou plusieurs événements pour un précurseur. Le schéma suivant en est un exemple typique : E1 E6 E2

E4

E5 E7

E8

E3

dommage E9

Figure 3.3 – Arbre des défaillances

Contrairement aux conventions de l’arbre des causes, les précurseurs multiples d’un événement sont liés par une conjonction « ou » et non pas « et ». Dans ce cas, les probabilités s’additionnent1 : P4 = P1 + P2 + P3

et

Pdommage = P8 + P9

1. C’est du moins une approximation valable quand les probabilités sont faibles. Le calcul exact est fourni par le théorème de Poincarré : si A ou B provoque E, alors PE = PA + PB – PA ¥ PB.

152

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

Il faut réserver cette approche quantitative à des scénarios relativement simples, compte tenu de la lourdeur des calculs de probabilités qui peut décourager. La difficulté est d’attribuer une probabilité à chaque événement du scénario. Le premier est le déclencheur, qui peut avoir une origine technique ou humaine. Il faut chercher dans l’historique des pannes et incidents, sachant que le déclencheur technique n’est pas forcément chimique, mais très souvent mécanique, électrique, hydraulique ou électronique. Cela est d’autant plus probable que la technologie est complexe. Le recours à des méthodes telles que celles évoquées au paragraphe 3.2.4 est souvent indispensable, ce qui suppose de s’entourer de toute la documentation nécessaire : plans, schémas, notices, études, rapports, FDS, etc. En ce qui concerne les déclencheurs de type humain, autrement dit les décisions erronées, ils ont souvent pour origine un défaut d’information ou de compréhensibilité de celle-ci. Le cas du scénario d’explosion est particulier parce que l’estimation de la probabilité rejoint la démarche réglementaire qui conduit à définir des zones à risque. Ce scénario est toujours assez simple et peut être schématisé ainsi : Travail avec inflammable ou combustible

Émission de vapeurs ou de poussières

Mélange avec l’air

Atmosphère explosive

LIE < C < LSE

Source d’ignition

Explosion

Figure 3.4 – Arbre des causes d’une explosion de vapeurs

Les liaisons étant du type « et », la probabilité peut se calculer ainsi :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

P (explosion) = P (ignition) ¥ P (émission) ¥ P (mélange air) ¥ P (concentration explosive) La probabilité de présence d’une source d’ignition est comprise comme se trouvant dans l’atmosphère explosive, qui n’est qu’une partie du volume occupé par les vapeurs ou l’aérosol. La probabilité de l’atmosphère explosive est dans la plupart des cas voisine de celle de l’émission de vapeurs ou d’aérosols, car la présence d’air et l’atteinte de la concentration critique sont presque inévitables en dehors de toute mesure de prévention. Or, la réglementation du travail demande, pour la prévention des explosions, de définir les zones à risque en fonction des définitions suivantes1 : – Zone 0 (vapeurs) ou 20 (poussières) : Emplacement où une atmosphère explosive est présente en permanence, pendant de longues périodes ou fréquemment. 1. Arrêté du 8 juillet 2003 relatif à la protection des travailleurs susceptibles d’être exposés à une atmosphère explosive.

153

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

– Zone 1 (vapeurs) ou 21 (poussières) : Emplacement où une atmosphère explosive est susceptible de se présenter occasionnellement en fonctionnement normal. – Zone 2 (vapeurs) ou 22 (poussières) : Emplacement où une atmosphère explosive n’est pas susceptible de se présenter en fonctionnement normal ou n’est que de courte durée, s’il advient qu’elle se présente néanmoins. Ces définitions s’appliquent parfaitement à des niveaux de probabilité. Il reste qu’il n’est pas toujours facile de les choisir pour une situation donnée. L’INRS a édité des guides qui facilitent ce travail1. Il faut prendre en compte ensuite tout ce qui permet l’évitement du dommage quand un événement dangereux s’est déclenché. On peut citer les systèmes de surveillance des installations, qu’ils soient automatisés ou humains, les systèmes d’alarme, lumineux ou sonores. Pour les incendies, il y a les moyens d’extinction et les douches de sécurité. Pour les explosions, il y a les disques de rupture, les panneaux d’expansion, etc. Quant aux réactions incontrôlées, il existe des systèmes de blocage de réaction et de refroidissement rapide. Comme pour l’exposition chronique, les protections collectives et individuelles sont intégrées dans l’estimation, en tenant compte de leur efficacité réelle. Les possibilités d’évitement dépendent aussi de l’expérience et de la formation des personnes concernées. C’est pourquoi il ne faut pas oublier l’éventualité d’un remplacement de personne dans l’estimation de ce facteur. Enfin, la durée cumulée de présence humaine en zone dangereuse est un facteur déterminant de la probabilité du dommage. Là encore, il s’agit de présence réelle et non prescrite par un mode opératoire ou un règlement, car les écarts observés peuvent être considérables. Ce facteur a l’avantage d’être quantifiable et donc d’améliorer l’estimation de la probabilité de l’événement considéré. m Cotation des risques

Une fois les quatre paramètres fondamentaux fixés, il ne reste plus qu’à les combiner pour obtenir la cotation finale de chaque risque sur l’échelle définie. Pour cela, il faut appliquer la règle de combinaison que l’on s’est choisie, parmi toutes les variantes décrites au paragraphe 2.4.4, à savoir : – fonctions mathématiques : addition, multiplication, polynôme, etc. ; – matrice de combinaison. Les variantes permettent par exemple de privilégier l’influence du danger dans le risque chronique ou celle de la gravité dans le risque accidentel. Pour mieux observer l’influence de la formule sur la cotation finale, nous présentons différents tableaux de combinaisons obtenus à partir d’une échelle de 1 à 5 pour les paramètres et montrant la progression du niveau de risque. 1. Il s’agit des brochures ED 845, ED 944, et ED 911.

154

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

NE/NP

NR = ND + NE (ou NG + NP) Le résultat va de 2 à 10 ; il est symétrique.

1

2

3

4

5

1

2

3

4

5

6

2

3

4

5

6

7

3

4

5

6

7

8

4

5

6

7

8

9

5

6

7

8

9

10

ND/NG

NE/NP

NR = ND ¥ NE (NR = NG ¥ NP) Le résultat va de 1 à 25 ; il est symétrique.

1

2

3

4

5

1

1

2

3

4

5

2

2

4

6

8

10

3

3

6

9

12

15

4

4

8

12

16

20

5

5

10

15

20

25

ND/NG

NE/NP

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

ND ¥ 2 + NE (ou NG ¥ 2 + NP) Le résultat va de 3 à 15 ; il est dissymétrique en faveur du ND/NG.

1

2

3

4

5

1

3

4

5

6

7

2

5

6

7

8

9

3

7

8

9

10

11

4

9

10

11

12

13

5

11

12

13

14

15

ND/NG

L’inconvénient de ces formules est qu’elles génèrent des échelles finales très étendues, avec une discontinuité, alors que le classement des risques paraît plus compréhensible dans une échelle du même ordre que celle des paramètres et sans discontinuité. On peut se rapprocher de cet objectif en prenant la racine carrée (arrondie à 1 décimale) des fonctions qui utilisent un produit. Ainsi les deux dernières formules deviendraient : 155

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

NE/NP

ND × NE (ou NG × NP ) Le résultat va de 1 à 5 ; il est symétrique. Par contre, il comporte 13 échelons.

1

2

3

4

5

1

1,0

1,4

1,7

2,0

2,2

2

1,4

2,0

2,4

2,8

3,2

3

1,7

2,4

3,0

3,5

3,9

4

2,0

2,8

3,5

4,0

4,5

5

2,2

3,2

3,9

4,5

5,0

ND/NG

NE/NP

ND × 2 + NE (ou NG × 2 + NP ) Le résultat va de 1,7 à 3,9 ; il est dissymétrique en faveur du ND/NG, avec 13 échelons.

1

2

3

4

5

1

1,7

2,0

2,2

2,4

2,6

2

2,2

2,4

2,6

2,8

3,0

3

2,6

2,8

3,0

3,2

3,3

4

3,0

3,2

3,3

3,5

3,6

5

3,3

3,5

3,6

3,7

3,9

ND/NG

Pour ne garder que les avantages des différentes formules, et en particulier éviter les cotations décimales, il ne reste plus que la matrice de combinaison, comme celle qui suit :

NE/NP

Matrice sans fonction mathématique. Le résultat va de 1 à 7, il est dissymétrique en faveur du ND/NG. Il n’y a que 7 échelons, sans décimale.

156

1

2

3

4

5

1

1

1

2

2

3

2

1

2

3

3

4

3

2

3

4

5

5

4

4

4

5

5

6

5

5

5

6

6

7

ND/NG

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

Rappelons que le nombre d’échelons de l’échelle de niveau de risque doit être fonction du nombre de risques élémentaires inventoriés. Si les échelles de cotation des paramètres sont les mêmes pour les risques chroniques et les risques accidentels, ils peuvent être mélangés dans le classement général, mais ce n’est pas souhaitable. Il est en effet plus intéressant de disposer d’une vue d’ensemble de ces deux types de risques. 3.3.4 Enregistrement des données

Les données concernant l’estimation des risques doivent s’ajouter à celles qui les caractérisent, inventoriées aux paragraphes 3.1.4 pour le repérage des actions et 3.2.5 pour l’identification des risques. Les tableaux suivants synthétisent l’ensemble de ces données, dans la version la plus développée. m Risque chronique

Fonction

Paramètre

Exemple

Action

Code

S2-5

Type

1 parmi 3

C-In

Agent

Xylène

Phrases R

R20

Forme

Vapeurs

Constantes

Eb = 139 ˚C ; p. vap. = 8 hPa à 20 ˚C

Mode de dispersion

Évaporation

Zone de dispersion

Local de séchage

Proximité

Au milieu du local

ND

3

Durée

15 min

Fréquence

3 par jour

Concentration

30 ppm

NE

2

Dommage

Descriptif

Nausées, troubles hépatiques

Cotation

Niveau sur échelle

3/7

Danger

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Exposition

Estimation

157

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.3 Estimation des risques

m Risque accidentel

Fonction

Paramètre

Exemple

Action

Code

S2-5

Type

1 parmi 5

A-IE

Agent

Xylène

Phrases

R10

Forme

Vapeurs

Constantes

Eb = 139 ˚C ; LIE = 1 %

Descriptif

Atmosphère explosive, zone 2

Zone dangereuse

Local de séchage

Événement dangereux

Panne de ventilation et mise en marche du chariot thermique pendant l’ouverture de l’étuve

Durée

15 min

Fréquence

3 par jour

Remarques

Voyant de fonctionnement

NP

1

Descriptif

Décès ou lésions diverses

NG

4

Niveau sur échelle

4/7

Danger

Situation dangereuse

Dommage

Cotation

Il n’est pas rare que plusieurs événements dangereux concourent au même type de risque, au même moment. Dans l’exemple précédent, pour le même risque « A-IE », on aurait pu inscrire pour l’événement dangereux : « étincelle électrostatique pendant le chargement de l’étuve ». Il faut alors enregistrer autant de risques distincts que d’événements dangereux différents, puisque l’estimation et les mesures de prévention peuvent être différentes. Ainsi, la réalisation d’un inventaire rationnel des risques conduit à créer pour chacun d’eux une fiche signalétique comprenant une quinzaine de rubriques. En outre, pour une action élémentaire ou une phase d’un procédé, on peut trouver couramment 4 à 5 risques chimiques distincts, dans la mesure où un agent chimique est présent. Cela fait, en théorie, une soixantaine de rubriques à renseigner par action 158

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

3.4 Fixation des priorités d’action

ou phase, sachant qu’il faut procéder en deux fois, une première pour l’identification, et une seconde pour l’estimation. Dans la pratique, il se trouve que beaucoup de données se répètent, d’où l’intérêt d’automatiser partiellement leur saisie avec un outil informatique.

3.4 Fixation des priorités d’action À la fin de l’estimation des risques, tous les éléments nécessaires pour passer à l’évaluation sont disponibles au sens de la norme, c’est-à-dire la décision sur la suite à donner à chacun des risques. Dans un premier temps, il s’agit d’éliminer tous ceux qui ont manifestement une importance négligeable. Ensuite, il faut les classer par priorité d’action décroissante. Cette priorité est normalement donnée par la cotation établie selon la procédure exposée au chapitre précédent. Néanmoins, l’estimation des risques n’étant pas une science exacte, il est préférable de soumettre le résultat brut à la critique avant de l’entériner. À l’issue d’un débat entre tous les acteurs concernés, et compte tenu de la connaissance « de terrain », la cotation brute issue de l’estimation est susceptible de modifications. Le classement final est une décision du responsable, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une autre organisation. Le classement des risques par cotation décroissante crée en fait une hiérarchie des actions à risque, identifiées par leur code. On trouve nécessairement de nombreux risques sur un niveau donné. Mais il serait absurde de ne s’intéresser qu’à un seul risque des actions désignées, alors qu’elles en comportent presque toujours plusieurs, chroniques et accidentels. Il est plus logique de classer les actions ou les phases répertoriées en fonction de l’ensemble des risques que chacune présente. Pour ce faire, il est possible d’attribuer une cotation aux actions ou phases, en additionnant simplement les cotations de tous les risques qui leur sont attachés. EXEMPLE :

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Une préparation de peinture comporte un ajout de solvant, action codée P2-3. Elle présente deux risques chroniques cotés 3 et 1, et deux risques accidentels cotés 2 et 5. L’action P2-3 sera cotée 3+1+2+5 = 11.

Plus une action ou une phase présente de risques, plus son niveau de risque est élevé, et plus la priorité de correction est élevée, ce qui est bien le but recherché. Il est alors possible de procéder à un classement final de toutes les actions ou phases d’un système étudié par cote de risque décroissante, fixant les priorités du plan de prévention qui reste à établir. L’ensemble du classement gagnera en clarté si l’on adopte des classes de risques, par exemple de A à F, regroupant des actions présentant un risque coté dans une des fourchettes préalablement établies. Ce classement peut être présenté comme l’illustre le cas fictif présenté dans le tableau ci-après. Le codage des actions qui rappelle l’opération dont elles font partie d’une part, et des risques d’autre part (par exemple, C21 ou A32), permet d’accéder facilement aux précisions utiles en cas de besoin. Ce principe sera exploité dans l’étude de cas du chapitre 6. 159

3 • Pratique de l’analyse des risques chimiques

Code action

Risque chronique

Cotation

3.4 Fixation des priorités d’action

Risque accidentel

Cotation

Priorité

In

C25

3

In

A27

2

Co

C26

1

IE

A28

5

In

C51

4

Re

A53

3

Co

C52

3

In

C13

2

Co

C14

2

In

C45

4

Co

C46

3

Tg

C47

1

Co

C8

3

Tg

C9

2

P2-5

In

C32

3

IE

A34

4

7

R1-2

In

C33

2

In

A35

3

5

Classe

11

P2-3

A 10

R1-4 IE

A15

4 8

M3-5

R1-2

8 B Re

A10

2 7

M2-1

C

Ce classement est, rappelons-le, établi pour l’unité de travail choisie au départ, comme exposé au paragraphe 3.1, et ne peut être comparé à un autre classement fait sur une unité différente. Par contre, des sous-ensembles de l’unité peuvent être extraits et comparés entre eux, comme deux procédés inclus dans la même évaluation globale. En additionnant tous les niveaux de risques de chacun de ces procédés, il est possible de déterminer lequel est le moins dangereux. C’est ainsi que se termine l’étape d’évaluation des risques chimiques, qui doit faire l’objet d’un rapport de synthèse. Les données de ce rapport doivent bien sûr être tenues à jour, ce qui nécessite de refaire l’évaluation chaque fois qu’une modification intervient concernant les dangers, le travail, les expositions ou les situations dangereuses. Le rapport d’évaluation à jour sert de point de départ pour d’une part préparer le plan de prévention, d’autre part rédiger le document unique exigé par la réglementation1. La recherche de solutions pour supprimer ou réduire les risques constatés constituera la première phase du plan d’action décrit dans le chapitre Pratique de la prévention des risques ci-après. 1. L’article R. 4121-1 du Code du travail demande à l’employeur de transcrire et de mettre à jour les résultats de l’évaluation des risques dans un document unique comportant « un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement ».

160

4 • PRATIQUE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES

4.1 Objectifs de prévention Pour chaque risque qui a été identifié et caractérisé, la recherche des mesures de prévention va se faire en deux étapes. La première consiste à lister toutes les solutions imaginables, en suivant strictement la méthodologie issue de la modélisation exposée au paragraphe 2.2.1. La seconde comporte la sélection des mesures de prévention les mieux adaptées selon les critères définis. La modélisation avait conduit à définir 3 ou 4 composantes du risque selon son type, chronique ou accidentel, suivant le tableau suivant : Processus chronique Danger

Processus accidentel Danger Situation dangereuse

Exposition Événement dangereux

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Dommage

Dommage

La prévention consiste simplement à bloquer le mécanisme qui conduit au dommage, ce qui revient à agir sur les composantes du risque. L’idéal est bien sûr la suppression totale d’une ou plusieurs composantes mais, le plus souvent, il ne sera possible que de réduire leur importance. Il est donc nécessaire de toutes les traiter, sachant que l’efficacité exige de commencer toujours en amont, c’est-à-dire de respecter l’ordre de priorité suivant : – l’agent chimique dangereux ; – la situation dangereuse ; – l’événement dangereux ; – l’exposition ; – le dommage. Cette liste constitue les objectifs de prévention. Il est important de s’y référer dans toutes les solutions proposées pour ne pas perdre de vue leur hiérarchie d’efficacité. Elle résume en fait les principes généraux de prévention figurant dans la réglementation1, mais en plus concis et plus structuré. 1. Article L. 4121-2 du Code du travail.

161

4 • Pratique de la prévention des risques

4.2 Recherche des mesures possibles

4.2 Recherche des mesures possibles Le principe est de rechercher, pour un risque donné, tous les moyens susceptibles d’atteindre les différents objectifs de prévention, dans l’ordre précisé ci-dessus. Il n’est pas possible d’énumérer tous ces moyens, car il y en a autant que de situations particulières. Toutefois, il s’avère que des types de moyens sont récurrents. Voici quelques-uns des moyens types les plus efficaces : 4.2.1 Action sur l’agent chimique dangereux

La première solution est la suppression. Mais, sauf exception, qu’il faut toutefois envisager, cet agent est utilisé, ou produit, dans un but précis. Il est parfois possible d’atteindre ce but par un changement de procédé. Ce changement peut porter sur le schéma réactionnel d’un stade de synthèse dans l’industrie chimique, voire sur la voie de synthèse complète. Il est évident que cette solution est lourde à mettre au point. Elle ne peut raisonnablement intervenir qu’au stade de la recherche ou du développement. Pour des produits dits d’application, le changement peut consister à passer à une solution physique. Par exemple, on peut remplacer une application de peinture par un traitement de surface, ou une impression à l’encre par une impression thermique, voire pas d’impression si la communication se dématérialise. Il est possible, à défaut de suppression, de remplacer le produit dangereux par un autre produit moins dangereux, en référence au niveau de danger attribué. Ce remplacement, appelé aussi substitution, peut se faire dans la même famille chimique, comme un changement de solvant, mais aussi en changeant de famille, comme en passant d’un milieu solvanté à un milieu aqueux. Les personnes confrontées au problème de la substitution sont souvent à la recherche d’une liste de produits de « remplacement ». Cela s’est vu particulièrement pour l’amiante, dont la substitution était devenue obligatoire. Il est souvent illusoire de vouloir établir de telles listes, parce qu’elles devraient être immenses. En effet, ce n’est pas un produit que l’on doit remplacer, mais une fonction. C’est cette idée qui constitue la méthode idéale de substitution. Définir clairement et complètement la fonction recherchée dans l’utilisation d’un produit donné n’est pas si simple. Cette démarche, indispensable, conduit souvent à remettre en cause le procédé, car la fonction d’un produit répond à un problème posé en amont et en aval d’un process. Par exemple, un dégraissage de pièces mécaniques répond à un graissage antérieur de ces pièces. Il est arrivé que l’on puisse supprimer le dégraissage par la suppression du graissage. Il arrive aussi que le besoin précis d’un produit disparaisse au cours de l’évolution d’un procédé, sans que l’on pense à supprimer le produit ! Une substitution doit s’accompagner d’une nouvelle évaluation des risques concernés. La baisse de niveau de danger obtenue peut soit introduire un nouveau danger, soit générer une nouvelle exposition. Ainsi, le remplacement d’un solvant chloré par un hydrocarbure crée un risque d’incendie-explosion, exemple classique du déplacement de risque. Une réévaluation aurait bien montré que le niveau de risque 162

4 • Pratique de la prévention des risques

4.2 Recherche des mesures possibles

avait augmenté, comme l’attestent les nombreux accidents qui ont suivi ce genre de substitution. Il existe aussi une forme de suppression peu souvent évoquée, malgré son intérêt, c’est celle de l’action exposante et non de l’agent chimique. En effet, un danger ne génère de risque qu’à l’occasion d’une action humaine ou d’une phase de procédé exposant à un effet chronique ou accidentel. Par une adaptation du procédé, il est parfois possible de supprimer complètement cette phase, sans supprimer l’agent chimique. On obtient ainsi une suppression de risque équivalente à celle de l’agent chimique. Enfin, les déchets représentent un cas particulier, car il est possible dans certains cas de réduire leur niveau de danger par un traitement physique ou chimique approprié. Cette opération est appelée détoxication et fait l’objet du paragraphe 5.4.5.

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4.2.2 Action sur la situation dangereuse

Une situation dangereuse est créée par une intrusion humaine en zone dangereuse. La supprimer consiste à empêcher cette intrusion. Deux moyens sont possibles : maintenir les personnes hors de la zone dangereuse ou confiner la zone dangereuse en la rendant inaccessible. La première solution se concrétise par la création de locaux ou d’espaces hors de toute activité humaine, du moins en fonctionnement normal. Un tel espace doit être protégé par de la signalétique et des dispositifs d’autorisation d’accès. Il est surtout important de supprimer le besoin de pénétrer dans la zone dangereuse. Pour cela, le plus simple est souvent de placer cet espace en dehors de toute voie de circulation et tout poste de travail, à une distance tenant compte de l’étendue de la zone dangereuse. Ce principe vaut particulièrement pour le stockage des produits chimiques. On peut aussi se doter de moyens techniques pour effectuer d’une part toutes les interventions prévisibles à distance, c’est-à-dire par télécommande, d’autre part la surveillance et le contrôle à distance. Ce principe est déjà bien développé dans l’industrie chimique, mais devrait l’être davantage dans les autres industries et métiers. Confiner la zone dangereuse consiste notamment à installer des protecteurs, conçus en fonction du phénomène dangereux. Si l’événement redouté est une projection, un écran permet de l’arrêter. Si c’est une émission massive, un captage de forme et de débit adéquats l’élimine à sa source. Si c’est un incendie, le confinement est obtenu par des parois résistantes au feu. Si c’est une explosion, l’onde de choc et les projections peuvent être canalisées vers une sortie sans risque ou arrêtées par des grilles. Dans ce cas, la situation dangereuse reste à l’intérieur des grilles. Nous avons vu que l’atmosphère explosive est un cas particulier de situation dangereuse. Sa suppression exige donc d’empêcher l’explosivité. On peut soit éliminer le combustible par une substitution, soit éliminer l’oxygène par un inertage, soit éliminer la concentration critique par dilution des vapeurs ou des poussières, en ventilant au point d’émission. Par contre, le confinement n’est pas une bonne solution dans la mesure où il n’empêche pas l’explosion à l’intérieur. Il n’est une solution que si l’on est certain que l’explosion ne produira aucun dégât ou dommage à l’extérieur. Ce principe est exploité dans la conception du matériel dit « anti-déflagrant ». 163

4 • Pratique de la prévention des risques

4.2 Recherche des mesures possibles

Les situations dangereuses liées à des réactions chimiques susceptibles de perte de contrôle sont réduites par les deux catégories de mesures précédentes. Ce point est développé au paragraphe 5.2.2. Celles qui sont issues d’un risque de mélange de produits réactifs entre eux sont réduites par le principe d’éloignement de ces réactifs ou de leur confinement complet. 4.2.3 Action sur l’événement dangereux

Étant constitué d’une suite de faits qui s’enchaînent, un événement dangereux peut être soit supprimé en rendant son déclencheur impossible, soit interrompu avant qu’il ne génère le dommage final. Il faut donc d’abord essayer de réduire la probabilité de survenue de l’événement déclencheur en agissant sur sa cause, qui peut être liée à la qualité des équipements, à la maintenance préventive, à la conception des installations, aux modes opératoires, à la formation des individus, etc. L’interruption du cours de l’événement dangereux avant le dommage consiste à rendre impossible une ou plusieurs de ses étapes. Pour ce faire, l’étude des modes de défaillances, ou toute autre méthode similaire évoquée au paragraphe 3.2.4, est un préalable indispensable. Il est difficile de proposer des listes de mesures, tant les scénarios sont variés, mais toute méthode de résolution de problèmes est la bienvenue. Parmi tous les moyens possibles pour interrompre l’événement, citons simplement les capacités de rétention, les ventilations de secours, les dispositifs d’extinction automatique, les protections individuelles, les procédures de fonctionnement, etc. Par définition, la réduction de probabilité d’un événement dangereux à un niveau négligeable supprime de fait la situation dangereuse qui en dépend. L’exemple le plus clair est celui de l’atmosphère explosive. Dans ce cas, l’événement dangereux est l’ignition. C’est pourquoi la prévention des explosions repose en grande partie, en dehors des mesures de suppression de l’atmosphère explosive, sur la suppression des sources d’ignition. Toutefois, l’expérience montre que cette suppression ne peut jamais être complète. Cela est dû notamment à la facilité de formation de l’électricité statique et à la probabilité jamais nulle d’une erreur humaine. Les scénarios de réaction chimique intempestive sont nombreux, mais trois d’entre eux ont une fréquence supérieure à la moyenne. Le premier, illustré par l’exemple n˚ 2 du paragraphe 2.5.2, est celui de fuites successives atteignant une même capacité et permettant ainsi la réaction de deux produits réactifs. L’existence de capacités de rétention distinctes et séparées pour ces réactifs est suffisante pour bloquer l’événement. L’élimination complète de la première fuite, dès qu’elle est constatée, est aussi efficace, de même qu’une puissante ventilation permanente, logique pour un volume confiné avec accès des personnes. Le deuxième scénario, illustré par l’étude de cas n˚ 1 du paragraphe 2.5.4, est celui de l’erreur sur l’identité d’un réactif. Un contrôle rapide et systématique du réactif à la livraison est une mesure très efficace, et très utilisée, pour enrayer le déroulement d’accidents souvent très graves. Dans un process plus complexe, il s’agit de repérer où de telles erreurs sont possibles et de les rendre impossibles par une mesure matérielle, car les limites d’efficacité des consignes et procédures sont bien connues. Comme exemple de mesure matérielle, on peut citer la ligne de canalisation fixe et unique entre le point de stockage et le point d’utilisation. 164

4 • Pratique de la prévention des risques

4.2 Recherche des mesures possibles

Le troisième scénario est celui des mélanges de déchets chimiques dans un récipient commun. Il s’avère que ce que l’on appelle trop vite « déchet » reste souvent un réactif, capable de provoquer des réactions violentes avec émanations toxiques, quelquefois longtemps après le mélange. La prévention de tels mélanges dangereux est d’abord de considérer ces résidus comme tous les agents chimiques, c’est-à-dire qu’ils seront placés séparément en stockage provisoire, dans des récipients adaptés et pourvus d’un étiquetage réglementaire. Ensuite, il convient, dans la mesure du possible, d’éliminer leur réactivité, ou leur toxicité, par un traitement chimique. Après quoi ils pourront être regroupés dans des récipients communs, par famille de produits compatibles entre eux.

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4.2.4 Action sur l’exposition

La prévention des expositions consiste à empêcher le contact humain avec l’agent chimique présent normalement au poste de travail. Si le contact est respiratoire, la première solution est de supprimer ou de réduire la dispersion dans l’air des vapeurs ou des poussières. L’émission de vapeurs par un liquide est inévitable à l’air libre, son importance étant liée à sa pression de vapeur. En réduisant la température de travail, on limite un peu cette pression, mais la seule solution pour l’arrêter est le confinement. C’est le principe quasi universel du vase clos, dont nous reparlerons beaucoup. Mais il n’est pas toujours possible de l’appliquer, par exemple pour une mise en peinture manuelle ou un nettoyage de surface avec un produit solvanté. Le cas des poussières est différent, car la formation d’un aérosol solide n’est pas spontanée, mais toujours le résultat d’une action mécanique volontaire sur un produit solide ou pulvérulent. La prévention d’une telle exposition repose alors d’abord sur la suppression, ou la réduction, de cette action mécanique. En pratique, c’est assez difficile puisque l’action mécanique a un but utile, comme celui du ponçage, du sciage, du transvasement, etc. Éviter cette action revient à changer de procédé, ce qui demande des études et des délais, comme pour la substitution des produits. Là encore, le confinement, quand il est possible, offre un bon compromis en supprimant la dispersion dans l’espace de travail, tout en maintenant le procédé. La solution suivante consiste à éliminer les vapeurs ou les poussières au fur et à mesure qu’elles se forment. Cela suppose de les conduire « ailleurs », où elles n’ont pas de contact avec l’homme. Ce captage est réalisé par un courant d’air induit par un système de ventilation mécanique. Il y a beaucoup de paramètres en jeu pour réaliser un captage efficace, c’est pourquoi cela exige une compétence particulière, qui n’est souvent pas aussi bien maîtrisée qu’il le faudrait. Pour diverses raisons, un captage ne peut être total et son efficacité doit être évaluée avant de le sélectionner. En pratique, c’est une des mesures les plus répandues pour l’exposition respiratoire, en dépit des contraintes qu’elle induit. Les poussières présentent une nuisance supérieure aux vapeurs en ce sens qu’elles finissent, si elles ne sont pas captées, par se déposer dans l’environnement, dans un espace qui est d’autant plus étendu qu’elles sont fines. Une fois déposées, elles sont difficiles à éliminer puisqu’il faut les remettre en suspension, à l’aide d’un aspirateur par exemple. Toutefois, l’humidification permet de les agglomérer et de supprimer toute volatilité. C’est donc un moyen très efficace pour éviter ou réduire leur 165

4 • Pratique de la prévention des risques

4.2 Recherche des mesures possibles

formation. On le réalise en humidifiant déjà le solide à partir duquel elles se forment, en enveloppant la zone de formation dans un brouillard d’eau et en les recueillant ou en les ramassant avec de l’eau. C’est le principe du travail « à l’humide », qui n’a qu’un champ d’application limité. Le retrait de matériaux ou d’objets (principalement des joints) contenant des produits dangereux tels que l’amiante ou le plomb, que l’on pratique dans un unique but d’assainissement, pose un problème différent, puisqu’il n’y a pas de valeur ajoutée directe. Dans ce cas, le confinement et le captage à la source sont évidemment recommandés, mais après avoir réduit les émissions au minimum. Pour ce faire, le travail à l’humide est possible, mais la technique d’imprégnation est encore plus efficace. Elle consiste à appliquer une préparation liquide capable de pénétrer le matériau ou l’objet à cœur et de lier les fibres de façon à supprimer leur volatilité. Le retrait ressemble alors à celui d’une pâte. Cette imprégnation préalable ne doit pas être confondue avec celle qui vise à laisser le matériau en place après une polymérisation solide. La suppression ou la réduction des expositions par contact cutané demande, selon les situations, que l’opérateur n’ait pas besoin de toucher l’agent chimique, ou que l’agent chimique ne puisse atteindre la peau. Dans la première hypothèse, la solution passe par la technique. Le contact provient souvent d’une manipulation d’objets ou d’outils avec un produit liquide, solide ou pâteux. L’exemple le plus banal est celui de la peinture, qu’il s’agisse de bâtiment ou d’objets. D’autres activités induisent les mêmes types d’expositions, comme l’encollage et le dégraissage. Leur point commun est l’aspect manuel et ne concerne que des produits d’application, souvent en surface. Il s’agit en fait de la répétition de gestes issus du domaine domestique ou artisanal. Dès que ces techniques prennent une ampleur industrielle, le travail est mécanisé, ce qui réduit fortement les contacts homme-produit. La prévention consiste donc à n’utiliser les produits que par l’intermédiaire d’un outil ou d’un équipement le plus clos possible. Malheureusement, ces moyens n’existent pas souvent pour des applications d’importance limitée, comme le demande l’artisanat par exemple. Ils se développent néanmoins et il faut assurer une veille technologique pour repérer ces nouveaux outils. Ainsi, la commercialisation de produits en petites doses ou cartouches permet d’éviter de prélever dans un fût. Mais l’élimination d’un contact trouve parfois sa solution dans la confection d’un outil très simple. Des opérateurs ont réussi par exemple en adaptant un manche à un outil existant, ou même en prolongeant celui qui existait, sur un pinceau, une brosse, une pelle, une spatule, etc. Nous avons vu qu’une partie des contacts cutanés est due au dépôt d’un aérosol liquide ou solide sur la peau. Dans ce cas, toutes les mesures applicables à l’exposition respiratoire réduisent aussi ce type de contact. Toutefois si la zone de dispersion est très limitée, le contact cutané est possible sans que les voies respiratoires soient exposées, ce qui rend le risque moins perceptible. La prévention des contacts cutanés peut aussi trouver sa solution dans un changement de procédé, consistant à éliminer l’application des produits. C’est ainsi que l’on a vu le masticage remplacé par la pose d’un joint préformé en élastomère. Il faut aussi chercher du côté des traitements de surface intégrés à la fabrication des objets ou structures à traiter. Ce point est développé au paragraphe 5.3. 166

4 • Pratique de la prévention des risques

4.2 Recherche des mesures possibles

La dernière possibilité de réduction d’une exposition respiratoire ou cutanée reste la protection individuelle. Sans rien changer dans le poste de travail, elle se présente comme une barrière empêchant les agents chimiques d’atteindre le corps humain. Elle a l’avantage d’être tout de suite disponible et peu coûteuse. Bien choisie et bien portée, elle peut assurer une protection très efficace. Mais ses inconvénients ne manquent pas : l’agent chimique dangereux reste présent dans l’environnement de travail et son efficacité dépend totalement de la volonté de la personne à la porter. La technique des équipements de protection individuelle (EPI) est exposée au paragraphe 4.3.11. Il n’est raisonnable de l’envisager que pour des actions courtes et exceptionnelles, ou en redondance des mesures techniques listées précédemment.

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4.2.5 Action sur le dommage

La réduction de gravité d’un dommage qui se produit malgré tout est la dernière des mesures que l’on peut prendre en prévention des accidents. Ce n’est d’ailleurs pas exactement de la prévention puisque ce type de mesure n’agit qu’après l’apparition du dommage. Mais il est assimilable aux autres mesures parce qu’il doit être mis en place précocement. La gravité d’un dommage est fonction de l’intensité et de la durée du fait générateur. En agissant sur ces deux points, on peut éviter le pire. Pour les expositions chroniques, la gravité du dommage ne dépend que des paramètres de l’exposition. Il n’est donc plus possible de la réduire quand le dommage apparaît, si ce n’est par la suppression de l’exposition et dans la mesure où le dommage est réversible. Ce type de mesure vise donc essentiellement le dommage issu d’un accident. Réduire la gravité du dommage accidentel, c’est intervenir dans les premières secondes, voire minutes, sur la cause pour la neutraliser. Par exemple : – éteindre un incendie naissant, surtout sur les vêtements ; – se munir d’une protection respiratoire dès le départ d’une émission volatile massive ; – mettre en marche une puissante ventilation de secours ; – se doucher après une aspersion de liquide corrosif ; – administrer un traitement curatif d’urgence, local ou général ; – porter les premiers secours (ventilation, oxygénation,…) ; – s’échapper par une issue de secours ; – … Toutes ces actions ne sont possibles que si les équipements correspondants sont disponibles. En voici une liste type : – tous types d’extincteurs de première intervention ; – tous types d’EPI adaptés aux risques les plus probables ; – ventilation de secours placée dans les zones à risque, à démarrage automatique et manuel ; – douches, lave-œil et douchettes de sécurité, alimentées en eau propre et tempérée ; – articles de soins d’urgence, conservés en bon état et accessibles ; – issues de secours judicieusement placées et dégagées. Ces mesures techniques ne sont vraiment efficaces que si elles sont accompagnées des mesures organisationnelles suivantes : – formation du personnel à la lutte contre le feu, au port des EPI et au secourisme ; 167

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

– exercices réguliers d’évacuation et d’intervention d’urgence ; – vérification périodique des extincteurs, des douches et lave-œil, des ventilations ; – organisation des secours incendie et accidents graves avec les services compétents, notamment le médecin du travail. Ces mesures n’agissent qu’à un stade critique de l’événement dangereux ; elles ne sauraient donc assurer seules la sécurité. Avec les EPI, elles s’imposent en redondance de toutes les mesures techniques et organisationnelles issues de l’approche logique exposée précédemment, lesquelles réduisent la probabilité des accidents.

4.3 Les familles de mesures La méthode de recherche des mesures par action sur les composantes du risque fournit des principes généraux. Ils doivent être ensuite concrétisés au cas par cas. Cette étape est en général la plus facile, surtout si elle est assurée par un travail collectif des personnes concernées par les risques identifiés. Les propositions de solutions techniques sont abondantes à partir du moment où le problème a été bien posé. Néanmoins, l’expérience de la prévention apportant un savoir-faire qui évite les tentatives infructueuses, nous avons réuni ci-après quelques informations dans ce sens. 4.3.1 La substitution

La substitution d’un agent chimique par un produit ou un procédé moins dangereux doit être tentée systématiquement au début de la recherche des mesures de prévention. Pour cela, il faut suivre un cheminement logique, car il est rare qu’un produit ait un remplaçant équivalent. La première étape est d’estimer les risques qu’il génère selon la procédure établie. Ensuite il faut définir précisément les fonctions qu’il remplit. Voici une liste indicative de propriétés attachées à un produit chimique : – structure à inclure dans une synthèse chimique ; – réactivité spécifique pour une réaction chimique ; – solvant spécifique d’une réaction chimique ; – élément chimique nécessaire ; – effet tampon sur le pH ; – potentiel redox ; – pouvoir solvant d’autres composés ou matières ; – aptitude à dissoudre un dépôt ; – aptitude à décaper un support ; – aptitude à dégraisser une famille de produits ; – pouvoir gélifiant ; – facilité d’évaporation ; – pouvoir abrasif ; – pouvoir lubrifiant ; – aptitude à ne pas attaquer un support ; – stabilité à la température ; – viscosité particulière ; 168

4 • Pratique de la prévention des risques

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4.3 Les familles de mesures

pouvoir antioxydant ; pouvoir oxydant ; combustible spécifique ; non-inflammabilité ; pénétration percutanée ; générateur d’odeur spécifique ; générateur de goût ; colorant solide, liquide ; antibactérien ; ….

Des centaines d’autres propriétés pourraient être décrites. Généralement, un produit est utilisé pour plusieurs de ses propriétés, c’est pourquoi son remplacement n’est souvent possible que par plusieurs autres produits, qui seront employés soit en mélange, soit successivement. Dans presque tous les cas, la substitution conduit à une modification de procédé ou de conception. Ce constat vaut par exemple pour l’amiante, dont les diverses propriétés lui conféraient un large champ d’applications : résistance aux hautes températures, pouvoir isolant, structure fibreuse intéressante en matériaux composites, etc. Toutes les solutions de substitution qui sont apparues pour ce matériau ne reprennent souvent qu’une seule propriété. Il faut ensuite jeter un regard critique sur les fonctions réellement indispensables, ce qui nécessite d’examiner l’amont et l’aval de l’utilisation du produit. Une fois bien cernées les propriétés à rechercher, ce qu’on appelle aussi analyse de la valeur, il est possible de trouver nombre d’hypothèses de remplacement respectant ce cahier des charges. Ces hypothèses sont alors soumises à expérimentation et validées ou pas. Une ou plusieurs solutions peuvent alors se faire jour. La dernière étape est de refaire l’estimation des risques liés à la solution envisagée et de la comparer avec l’initiale. Toutefois, il ne faut jamais renoncer prématurément à une solution, tant que l’on n’a pas une vision globale du problème. L’expérience montre qu’un risque de niveau équivalent, voire plus élevé, mais d’un type différent, peut être beaucoup plus facile à maîtriser, ce qui conduit bien, in fine, à un risque résiduel nettement plus faible. Attention, l’inverse est aussi vrai ! Ainsi, remplacer un produit solvanté par un produit aqueux permet, certes, de supprimer les émissions de vapeurs et le risque incendieexplosion, mais il génère des effluents liquides très polluants dont le traitement peut s’avérer problématique, aussi bien sur le plan environnemental que sanitaire. 4.3.2 La suppression de la phase exposante

Cette solution est très efficace, car elle revient à supprimer l’agent chimique dangereux pendant une action ou une phase de l’activité. Évidemment, elle n’est possible que par une modification du procédé, qui doit être validé, comme dans le cas de la substitution. C’est une mesure à envisager systématiquement après la suppression ou la substitution de l’agent chimique, dont elle est le prolongement. Les exemples suivants en illustrent le principe. 169

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

m Suppression des pesées

La pesée de produits pulvérulents est une action exposante très classique dans beaucoup de domaines. Cette action demande en général de placer un emballage, fût ou sac, à proximité d’une balance, de l’ouvrir, de prélever le produit avec une pelle, ou de verser l’emballage dans un autre contenant placé sur la balance. Le mouvement de poudre génère de la poussière, plus ou moins volatile en fonction de la granulométrie. Avant de chercher un dispositif de protection, pourquoi ne pas supprimer la pesée ? Cela est possible en s’arrangeant pour que les quantités de produit engagées correspondent à un emballage complet, ou à un nombre entier d’emballages. Il faut alors soit modifier l’unité opératoire, soit le type de conditionnement disponible. Si cela est possible, le gain portera à la fois sur la santé, la sécurité et le temps de main-d’œuvre. EXEMPLE 1 :

Une entreprise commercialisait un produit de traitement du bois dont la fabrication incluait un mélange de trois composants pulvérulents, tous classés toxiques. L’opération commençait par la pesée des produits en quantités correspondant à la capacité du mélangeur. Celle-ci était d’environ 50 kg, soit environ le contenu d’un fût carton. Les pesées se faisaient dans un seau posé sur une balance et rempli avec une pelle qui puisait dans les emballages d’origine. Les proportions indiquées par le mode opératoire étaient les suivantes : Produit

Emballage livré

Contenu

Poids prélevé

A

Fût métal

100 kg

11 kg

B

Sac plastique

50 kg

30 kg

C

Fût métal

120 kg

12 kg

Les différents seaux étaient ensuite versés dans le mélangeur. Cette opération était répétée 10 fois par campagne de fabrication, pour consommer un fût entier de produit C. Les actions de peser et de verser les seaux étaient très exposantes, malgré un captage localisé. Ayant renoncé à l’idée de renforcer le captage des poussières, en raison des inconvénients inhérents à cette technique, l’entreprise s’est donné le temps de revoir le process, pourtant très simple. Avec les conseils d’un fournisseur de mélangeurs, elle est arrivée à la conclusion qu’il fallait un mélangeur plus grand pour ne faire qu’un mélange avec le contenu du fût de produit C. À cette condition, les 30 pesées étaient réduites à une seule. L’entreprise a effectivement installé un mélangeur de 500 kg de capacité, et a réalisé un seul mélange par campagne, en remplissant directement le mélangeur avec : – 1 fût de produit C, soit 120 kg ; – 6 sacs de produit B, soit 300 kg ; – 1 fût de produit A, soit 100 kg ; – 1 ajout de 10 kg de produit A, prélevé et pesé. La tentation de supprimer la dernière pesée était forte, ce qui fut fait après validation de la nouvelle composition. À l’occasion du changement de mélangeur, un équipement de captage de poussières performant a été intégré, pour la phase de remplissage. m Humidification des poudres

Beaucoup de produits chimiques sont disponibles à l’état pulvérulent, mais leur utilisation ultérieure demande parfois de leur ajouter de l’eau. L’exemple le plus 170

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

banal est celui du ciment. Il faut alors se demander s’il n’est pas possible d’incorporer l’eau plus tôt dans le procédé, ce qui supprime radicalement les poussières. Cette idée est déjà exploitée dans la distribution au grand public, puisque l’on trouve toutes sortes de joints, enduits, colles « prêts à l’emploi », qui contiennent l’eau indispensable à leur application. C’est aussi un moyen de traiter les émissions de poussières générées par des opérations mécaniques telles que ponçage, sciage ou tronçonnage de pierre. Ce principe général de travail « à l’humide » est illustré par l’exemple suivant. EXEMPLE 2 :

Il s’agit de la suite de l’exemple 1, puisque la sortie du mélange pulvérulent du mélangeur et son conditionnement en fûts restaient une source d’émission importante de poussières toxiques. En prenant conscience que ce mélange était en fait utilisé sous forme de pâte, préparée par ajout d’un peu d’eau juste avant l’emploi, l’entreprise a essayé d’ajouter l’eau au moment du mélange de poudres, donc directement dans le mélangeur. L’incertitude portait sur la stabilité physique et chimique de la pâte. Cette stabilité s’étant avérée très satisfaisante, le procédé a donc été aménagé dans ce but. À l’usage, il s’est finalement montré porteur d’améliorations considérables. En effet, outre le gain sur la santé, la sécurité et l’environnement, le mélange à l’état humide s’est révélé plus homogène et le conditionnement plus aisé, avec une pesée automatique, et un produit fini prêt à l’emploi.

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4.3.3 L’éloignement

Tout risque naît du recoupement de l’activité humaine avec une zone dangereuse créée par un agent chimique. Le bon sens veut qu’il suffise d’éviter ce recoupement pour supprimer le risque. C’est moins simple en pratique puisqu’il faut d’abord pouvoir estimer, même grossièrement, cette zone dangereuse. Plusieurs cas de figure sont à distinguer. En présence d’une dispersion d’agent chimique, sous forme vapeurs, poussières ou aérosol, qu’elle soit chronique ou accidentelle, il n’est pas raisonnable de vouloir se tenir à une distance suffisante pour éviter tout contact. Cela rendrait le travail impossible et ne résoudrait pas le problème de la pollution environnementale. Il y a heureusement d’autres solutions plus simples. L’éloignement comme mesure de prévention s’applique de préférence à toute menace de projection, solide ou liquide. Si cette menace est bien localisée, il est aussi plus facile d’avoir recours au confinement. Mais quand le point de départ des projections est imprévisible ou multiple, l’éloignement est une réponse très sûre. C’est donc une mesure quasi obligatoire en présence d’un risque d’incendie ou d’explosion, mais aussi du risque lié aux stockages importants. Le risque d’incendie prend toujours une gravité particulière en présence de produits chimiques, qu’ils soient inflammables ou non. Il ne faut pas perdre de vue qu’un incendie peut se déclencher dans un atelier chimique, mais peut aussi provenir de n’importe où et venir menacer les produits chimiques. La meilleure solution pour empêcher toute exportation ou importation d’incendie est d’isoler tout local contenant des produits chimiques du reste d’un établissement. La recommandation la plus fréquente est de maintenir un écart de 10 mètres. Ce n’est qu’un repère, mais il n’est pas toujours facile à respecter dans de petites entités. En pratique, il faut évidemment proportionner l’éloignement à la quantité de produits chimiques dangereux présents. En outre, la conception du bâtiment et la qualité des matériaux 171

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

employés, notamment leur résistance au feu, jouent un rôle tout aussi déterminant sur l’importation ou l’exportation d’un feu. La documentation1 et la réglementation2 sont abondantes sur ce sujet. Le risque d’explosion impose tout autant l’obligation d’éloignement du local, mais avec plus de sévérité, comme le suggèrent la soudaineté et la portée du phénomène. D’ailleurs, la gravité du dommage exclut que l’éloignement soit la seule mesure de prévention. Les autres mesures sont présentées au paragraphe 4.3.8. Le risque de projection, en particulier de liquide, est en général davantage ignoré, parce que les dommages ne sont pas souvent très graves, alors qu’ils sont assez fréquents. Les projections sont de deux types. Le premier type regroupe toutes les sorties de liquides poussés par une pression. La simple pression hydrostatique est déjà suffisante pour provoquer des petits jets pouvant atteindre un visage. Même un goutte-à-goutte provenant d’une fuite en hauteur peut causer des brûlures chimiques. La mesure la plus simple est donc d’éloigner les récipients et canalisations en charge de tout poste de travail ou de toute circulation quand le mode opératoire ne l’exige pas. Mais il n’est pas évident de savoir quelle distance est suffisante pour être hors de portée d’une fuite. La portée d’un jet de liquide sortant d’un orifice est régie par des lois hydrodynamiques, en particulier la loi de Bernoulli, qui donne la vitesse d’écoulement en fonction de la pression et de la section du trou : V = k 2gh V = vitesse en m/s ; k = coefficient fonction de la forme du trou et de la viscosité ; il varie de 0,5 à 1 ; g = accélération de la pesanteur = 10 m/s2 ; h = pression intérieure exprimée en hauteur d’eau (m). À sa sortie, le jet décrit en théorie une parabole avant d’atteindre le sol à une certaine distance de son point de départ, qui ne dépend que de sa vitesse initiale et de sa hauteur au-dessus du sol. Il est intéressant de connaître cette distance théorique, qui constituera un maximum. Pour que le calcul reste simple, il faut supposer un orifice horizontal sur une paroi verticale d’un récipient rempli d’eau. Les courbes décrites par le jet dépendent de la hauteur du point de fuite, comme le montre le diagramme présenté dans la figure 4.1. Ce qui nous intéresse, c’est la distance du point d’impact au sol du jet par rapport à la cuve. La formule qui donne cette distance théorique est : d = 2 h(H – h) d = distance du point de chute au pied de la cuve ; h = hauteur du point de fuite ; H = hauteur du liquide dans la cuve. 1. L’INRS propose un document synthétique permettant de trouver d’autres références : Incendie et lieux de travail, ED 5005. Autres brochures plus complètes : Incendie et lieux de travail. Prévention et lutte contre le feu (ED 990) 2. Voir le document INRS TJ 20 : Prévention des incendies sur les lieux de travail.

172

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

10,00

8,00

Hauteur

6,00

4,00

2,00

0,00 0,00

2,00

4,00

6,00

8,00

10,00

12,00

Longueur

Figure 4.1 – Trajectoire d’une fuite horizontale de liquide

Cette fonction passe par un maximum d = H quand h = H/2. niveau du liquide

H H/2

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

d=H

Figure 4.2 – Portée maximum d’une fuite horizontale

Cette valeur reste théorique, car un orifice de fuite a une forme complexe de nature à diminuer la distance, mais celle-ci peut augmenter si le jet est incliné vers le haut. Ces éléments font que l’on peut garder comme distance de sécurité la hauteur du liquide par rapport au sol. Nous verrons que cette règle a des conséquences importantes dans le cas du stockage et de la conception des capacités de rétention en particulier. Pour illustrer la sévérité de ce principe, il faut réaliser qu’une fuite provenant d’un récipient ou d’une canalisation située à 6 mètres au-dessus d’un niveau de travail et en charge d’un mètre a une portée maximum au sol de 5 mètres. En outre, ces calculs ne valent que pour des pressions hydrostatiques. Mais si les 173

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

équipements sont pressurisés, pour diverses raisons, notamment à cause d’un pompage, la portée des fuites peut être considérablement augmentée. Comme en général l’espace est compté, c’est vers d’autres mesures qu’il faut alors se tourner. 4.3.4 Le confinement

Le confinement est la mesure fondamentale de tout risque chimique, le but ultime à atteindre dans toutes les situations. En dehors des produits dont la présence est naturelle dans l’environnement, comme l’air, l’eau, les aliments, la terre (et encore avec certaines restrictions), tout agent chimique doit être contenu dans une enveloppe étanche, que ce soit pour le stockage ou l’utilisation. Dans ce dernier cas, on parle plutôt de système clos. Il est évident qu’un agent chimique isolé de l’espace de vie ou de travail ne peut entrer en contact avec le corps humain, que ce soit de façon chronique ou accidentelle. Toutefois, pour le risque d’explosion ou de réaction dangereuse, le confinement n’est une réponse valable qu’avec des précautions particulières concernant la résistance et le dimensionnement de l’enceinte de confinement. Pour être efficace, un confinement doit être complet, car la moindre ouverture peut être la source d’expositions chroniques ou massives. Cette ouverture, qui interrompt la protection, est soit spatiale (par exemple les orifices de remplissage ou de vidange), soit temporaire (par exemple pour les emballages ou les couvercles de cuves). Ces ouvertures partielles sont difficiles à éviter, rendant finalement le confinement complet assez rare malgré sa simplicité de principe. Comment pratiquer de la peinture ou du nettoyage en système clos ? L’expérience montre qu’une installation doit être conçue dans cet objectif pour respecter la continuité du confinement. C’est souvent le cas des installations industrielles, dans lesquelles le confinement est une retombée de l’objectif de production en grandes quantités avec un personnel restreint. Heureusement, il existe de nombreuses solutions de confinement pour de petites installations. La meilleure illustration en est les machines à laver de tous types, de la machine domestique jusqu’à l’industrielle. Cet exemple montre que le confinement total n’est possible qu’avec l’aide apportée par l’automatisation. Grâce à la banalisation de l’électronique et de l’informatique, l’automatisation est accessible à des équipements de technologie sommaire, ou à faible taux d’utilisation. Ainsi, dans le champ du risque chimique, il existe une offre variée de matériel de pesée et de volumétrie électronique. Pour les transferts, il existe des solutions mécaniques aussi développées pour les solides que pour les liquides. Souvent, l’équipement idoine n’est pas disponible sur le marché, mais peut être construit spécialement par un assemblage d’éléments disponibles. Un système clos appliqué à un équipement de production ne peut jouer son rôle de prévention que s’il a été conçu pour cela. Tout « bricolage » est à proscrire en dehors du cadre de la mise au point. En effet, son efficacité amène les opérateurs à placer vite une telle confiance dans le système que leur prudence s’en trouve relâchée. On peut distinguer trois niveaux de systèmes clos. Le premier est constitué par l’enveloppe de l’équipement lui-même, qui doit donc contenir tous les accessoires nécessaires, amont et aval. C’est par exemple le cas des machines à dégraisser modernes et de tous les équipements assurant des opérations répétitives. Les laboratoires 174

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

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d’analyse offrent ainsi un large marché aux automates dans les domaines chimique et biologique. Le deuxième niveau est une enceinte construite autour et au plus près d’un équipement qui n’est qu’imparfaitement clos. Cette solution se rencontre par exemple pour des broyeurs ou des essoreuses. Enfin, le troisième niveau est constitué par un local entier contenant un ensemble d’équipements. Évidemment, un tel local est normalement inoccupé et toutes les commandes et contrôles sont renvoyés à l’extérieur. L’industrie chimique et pharmaceutique utilise couramment ce principe (voir paragraphe 5.2.2), qui devrait être adopté dans bien d’autres activités. En réalité, ce n’est pas le manque de solutions techniques qui freine le recours au confinement, mais la modification des habitudes et de l’organisation du travail que cela entraîne. L’expérience montre en effet que le passage à une mécanisation des manipulations, voire leur automatisation, remet en cause les modes opératoires. Reprenons l’exemple de l’introduction d’une machine à dégraisser. Pour que le dégraissage se passe bien, il faut que le matériel à dégraisser ait une forme et une matière adaptées. Il faut aussi procéder par lot, selon un cycle imposé, et anticiper l’amont et l’aval, par exemple mise en panier et sortie. Le changement est souvent assez profond pour créer des résistances et des échecs. Un confinement réussi passe par une observation détaillée des modes opératoires et de l’analyse des modes de défaillance. La plupart des ruptures de confinement attribuables à l’homme s’expliquent par le besoin de faire face à un geste imprévu, parce qu’il échappait à l’attention avant. Il peut s’agir d’un réglage mécanique, d’un contrôle visuel, d’un remplacement de pièce d’usure, etc. Une bonne solution est de pratiquer des ouvertures restreintes dans l’enveloppe, permettant d’exécuter ces gestes puis de refermer sans difficulté. Cet exemple démontre que l’ergonomie ne peut jamais être écartée d’une mesure de prévention efficace.

Figure 4.3 – Capotage de table à sérigraphier comportant une ouverture pour le réglage des écrans

175

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Il est en tout cas recommandé de procéder par étapes et de ne pas forcément viser le confinement total. La règle de l’ergonomie optimale doit toujours présider aux choix des solutions. Cela conduit parfois à opter pour une association de phases confinées et de phases ouvertes, choisies en fonction de l’estimation des risques présentés. Cela démontre encore l’importance de l’estimation des risques dans l’orientation des mesures de prévention. Ainsi, des applications de peinture ou de colle pourront rester manuelles, moyennant d’autres mesures de protection, alors que la préparation des produits et le séchage des pièces seront confinés. Un autre obstacle au confinement, donc à la mécanisation et à l’automatisation, provient du fait que les opérations concernées sont relativement rares ou en petite série. Il est vrai que cette option nécessite la plupart du temps un investissement conséquent, qui appelle un amortissement suffisant. L’erreur est de rapporter uniquement l’amortissement sur la quantité, sans intégrer la qualité et la productivité. En effet, il est un domaine dans lequel la supériorité de la machine sur l’homme s’affirme, c’est celui de la reproductibilité et de la disponibilité. Ces points sont fréquemment à l’origine de gains aussi bien de qualité que de productivité. Nous pouvons citer le cas d’une ligne de chromage électrolytique qui s’est avérée globalement rentable après sa totale automatisation, malgré une utilisation limitée à quelques pièces par jour. Au départ, c’est le confinement complet qui était visé, en raison de l’évolution de la réglementation, puis, à l’usage, la qualité et les délais de livraison ont été considérablement améliorés. En conclusion, le confinement est la meilleure façon de réduire, voire de supprimer, les expositions chroniques et les situations dangereuses, après la réduction du niveau de danger et avant le captage des émissions, qui est encore, avec les protections individuelles, la solution privilégiée aussi bien par les utilisateurs de produits chimiques que par les conseillers en prévention. 4.3.5 La protection contre les projections

Lorsqu’on ne peut pas supprimer totalement les causes d’une projection d’agent chimique, il faut s’en protéger. Cela revient à placer un écran au plus près de la source possible de projection afin d’arrêter aussitôt toute matière en sortant. Un écran est une feuille de métal ou de plastique dont la forme essaie d’épouser celle de la source et dont la résistance a été adaptée sur le plan mécanique et chimique. Il faut toutefois que le protecteur ne gène pas la vision en cas de besoin, ce qu’on obtient en limitant sa surface ou en utilisant un matériau transparent. Les exemples en sont innombrables, en voici quelques-uns. Le point faible des pompes centrifuges est le joint sur l’arbre d’entraînement. Une simple tôle de métal coiffant cette partie est une bonne protection. Les raccords par brides, très fréquents dans les activités de process, sont des sources connues de fuites et de projections. On peut utiliser trois niveaux de protection. La première se situe autour du raccord lui-même ; c’est un cache-bride. La deuxième se situe autour de la canalisation complète, avec un tube ou une gouttière placée en dessous. La troisième est un simple panneau transparent vertical, intéressant quand il y a un groupement de raccords et de vannes. Il faut dans ce cas prévoir le moyen de manœuvrer les vannes. 176

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Figure 4.4 – Cache-brides et Panneau de protection transparent

4.3.6 Le captage des émissions

Lorsqu’il n’est pas possible de supprimer les émissions de gaz, vapeurs, poussières ou aérosols, il faut les capter au plus près de la source. Ce captage – le terme est conventionnel – a pour effet de réduire la zone dangereuse créée par l’émission. Il résulte de l’entraînement des particules ou des molécules de polluant par l’air dans lequel ils sont dispersés. Le schéma suivant illustre ce principe :

Sans captage Captage par courant d’air

aspiration

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Figure 4.5 – Entraînement de polluants par une aspiration d’air

L’efficacité d’un captage se mesure à l’étendue de la zone dangereuse résiduaire qu’il génère. Cette étendue est la résultante de la propension des polluants à se diffuser et de la vitesse d’air induite par l’aspiration. Il s’agit ici d’utiliser les lois de l’aérodynamique, ce qui relève d’une certaine compétence, plus importante que ce que l’intuition pourrait laisser penser. Nombre d’organismes spécialisés ont conduit des études dans ce domaine, afin d’établir des règles pratiques pour la conception des systèmes de captage à l’air. En particulier, l’INRS a investi des moyens importants sur ce thème et propose de nombreuses brochures spécialisées dans des activités particulières. L’annexe 11 fournit la liste de celles qui sont disponibles à ce jour. Elles ne font que décliner à des situations particulières des principes généraux de ventilation, exposés dans le premier des « Guides pratiques ». Voici ces neufs principes : – envelopper au maximum la zone de production de polluants ; – capter au plus près de la zone d’émission ; 177

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

– placer le dispositif d’aspiration de manière que l’opérateur ne soit pas entre celui-ci et la source de pollution ; – utiliser les mouvements naturels des polluants ; – induire une vitesse d’air suffisante ; – répartir uniformément les vitesses d’air au niveau de la zone de captage ; – compenser les sorties d’air par des entrées d’air correspondantes ; – éviter les courants d’air et les sensations d’inconfort thermique ; – rejeter l’air pollué en dehors des zones d’entrée d’air neuf. Il est intéressant non pas d’expliquer à nouveau en détail ces neuf principes, mais de revenir sur leur fondement. Pour ce faire, nous nous référons aux travaux de Pouyès, ancien ingénieur-conseil à la CRAM d’Auvergne, qui ont démontré expérimentalement que la vitesse de diffusion d’une particule ou d’une molécule par rapport à l’air ne dépasse jamais 0,4 m/s. Tout captage doit alors générer une vitesse minimum d’air de cette valeur pour pouvoir entraîner complètement les polluants. Toute la difficulté de conception d’un bon captage réside dans l’obtention de cette vitesse d’air en tout point de la zone de diffusion. Un orifice d’aspiration, comme l’extrémité d’une gaine, génère une vitesse d’air v0 liée au débit D par la simple relation : v0 = D/s s étant la section de la gaine. Mais, dès que l’on s’éloigne du plan de l’orifice, la section de passage de l’air s’élargit et la vitesse chute rapidement1.

% du diamètre

0

100 % 60 % 50

30 % 15 %

100

7,5 %

Figure 4.6 – Courbes iso-vitesse d’air autour d’un orifice d’aspiration

Si l’espace est libre autour de l’orifice, on obtient une vitesse v1 inférieure à une distance d1 de l’orifice. v1 décroît alors comme le carré de d1, puisque la section de passage de l’air est théoriquement une surface sphérique. d 2 v Nous observons que ----2 = ⎛ ----1-⎞ . ⎝ d 2⎠ v1 1. D’après DALLAVALLE J.M., Exhaust hoods, 2e éd., New York, Industrial Press, 1952.

178

4 • Pratique de la prévention des risques

v2

4.3 Les familles de mesures

v1 d1

v0

d2

Figure 4.7 – Baisse de la vitesse d’air en fonction de la distance

Cette loi aéraulique montre qu’un simple orifice n’est efficace qu’à très faible distance et pour une source ponctuelle et à débit modéré. Pour éviter d’avoir recours à des débits importants (voir paragraphe suivant), il faut limiter la section de passage de l’air entraîné, c’est-à-dire canaliser le flux dans la zone utile. Un simple calcul montre l’intérêt de ce principe : Supposons qu’un orifice d’aspiration, de diamètre 10 cm, génère une vitesse d’air de 10 m/s sur son plan. À une distance de 30 cm de l’orifice, la vitesse n’est plus que d’environ 0,08 m/s. Si l’aspiration est raccordée à une gaine de 0,5 m de diamètre, la vitesse d’air à la même distance de l’orifice est d’environ 0,4 m/s, soit 5 fois supérieure. En outre, cette vitesse est indépendante de la distance à l’orifice, tant qu’on est à l’intérieur de la canalisation. C’est cette propriété qui est exploitée avec les captages enveloppants et toutes les enceintes ventilées, autant de dispositifs largement proposés dans les différents guides pratiques de ventilation de l’INRS. v1 = v0 /120 v1= v0/25 3d

d

v0 3d

v0

5d

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Figure 4.8 – Influence d’une enveloppe sur un captage

La règle régissant la canalisation du flux d’air impose deux chiffres critiques : la vitesse d’air de 0,4 m/s minimum et une longueur minimum de canalisation de 0,3 m. Il faut toutefois bien noter que les 0,4 m/s représentent une vitesse absolue par rapport à l’aspiration, ce qui veut dire que s’il existe un courant, naturel ou artificiel, de l’air pollué, il est nécessaire soit de le neutraliser, soit de l’intégrer dans le calcul. Une exigence qualitative s’ajoute à ces chiffres, c’est la stabilité du vecteur vitesse, en intensité comme en direction, l’idéal étant d’arriver à un flux laminaire. Comme cela est pratiquement impossible, la perte d’efficacité liée aux turbulences inévitables dans un poste de travail doit être compensée par des vitesses un peu supérieures, de l’ordre de 0,5 à 0,7 m/s. Deux catégories d’enceintes ventilées se rencontrent en pratique. La première regroupe les enceintes qui laissent l’opérateur à l’extérieur. La seconde concerne les enceintes qui le contiennent et que l’on appelle plutôt cabines ventilées. 179

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

m Enceintes ventilées

C’est sans doute le système de ventilation le plus répandu, illustré par la « sorbonne » de laboratoire, dont le schéma suit : vers ventilateur

écran mobile

Figure 4.9 – Principe d’une enceinte ventilée du type sorbonne

Les éléments importants de conception d’une telle enceinte ventilée sont : – une bonne répartition du flux d’air sur l’ensemble du volume de l’enceinte ; – un débit calculé pour assurer 0,5 m/s à l’ouverture, dans sa position la plus ouverte ; – un écran coulissant, soit verticalement, soit horizontalement. Son rôle est double : réduire l’ouverture en dehors des manipulations et assurer une protection contre les projections ; – un dimensionnement assurant une bonne accessibilité de tous les équipements contenus. Cette conception est transposable à un grand nombre de postes de travail, pouvant se retrouver dans tous les domaines de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, et même de l’art. En voici quelques exemples : – peinture de petits objets ; – encollage ; – dégraissage et nettoyage ; – décapage ; – utilisation de bombes aérosols ; – préparation de peintures, encres, résines, etc. ; – dépoussiérage à la brosse ou à la soufflette ; – ponçage d’objets ; – pesées ; – conditionnements. 180

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Une enceinte ventilée ne doit être conçue qu’après observation attentive des modes opératoires. En effet, l’une des raisons qui expliquent des échecs dans l’utilisation de ce type de protection est la gêne provoqué par l’enceinte ellemême. Cela se traduit par une difficulté d’introduire et de manipuler des pièces un peu encombrantes, ou des emballages, ou des outils, voire une difficulté d’examiner correctement le travail. Pour illustrer ce type d’écueil, on peut citer le cas du polissage de pièces chromées, plus précisément des pare-chocs d’automobiles, pour lequel il n’a jamais été possible de réaliser un vrai captage enveloppant. Ce cas montre encore qu’une bonne solution demande souvent de revoir complètement les modes opératoires et l’organisation du travail, ce qui ne va pas sans problèmes humains. Une autre caractéristique de l’enceinte ventilée est qu’elle est aussi, par conception, une forme de confinement, avec tous les avantages décrits au paragraphe précédent. Elle peut en effet être presque totalement close et la frontière avec le système clos n’est pas évidente. La ventilation d’une telle enceinte devient insignifiante, puisqu’elle ne dépend que de la section libre de passage de l’air. Toutefois, l’ouverture est généralement variable, en raison de la nécessité d’ouvrir un capot, un écran ou un couvercle pour certaines phases. Pour assurer la continuité de la protection par une vitesse d’air minimale, il faut alors disposer d’un débit variable, par asservissement à l’ouverture du système, ce qui n’est pas simple. Le principe de l’enceinte ventilée est très souple et peut prendre des formes particulières pour certaines situations illustrées par les deux exemples suivants. Table aspirante : Lorsque les objets à traiter avec des produits chimiques sont de forme plate, on peut utiliser des tables aspirantes, dont la conception est très simple :

grille ou plaque perforée

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aspiration

Figure 4.10 – Principe de la table aspirante

L’efficacité de ce dispositif ne repose que sur la proximité de la source de pollution avec le plan d’aspiration, avec si possible des dosserets pour améliorer les performances. Cette solution convient bien par exemple pour le nettoyage ou l’encollage de feuilles et d’objets plats. Il faut quand même compter une ventilation de 1 500 m3/h par m2 ! 181

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Trémie aspirante : Un problème récurent dans la manipulation des produits chimiques pulvérulents est leur facilité à émettre un nuage de poussières dès qu’on les transfère d’un emballage à un récipient ou à un autre emballage. Cette phase de travail est l’une des plus émissives en raison de deux phénomènes : d’une part, la chute des particules dans de l’air immobile tend à les disperser en suspension, d’autre part, le volume d’air déplacé par le remplissage du récipient provoque un courant en sens inverse de la chute des particules, ce qui amplifie la mise en suspension. Cette observation a conduit Pouyès à imaginer un dispositif dans lequel un courant d’air est créé dans le sens de la chute des particules, pendant que l’air déplacé est extrait sans rencontrer les particules. C’est le fameux « anneau de Pouyès », qui a conquis l’industrie chimique. produit gaine annulaire

trémie aspiration

air chassé

Figure 4.11 – Principe de la trémie aspirante, dite « anneau de Pouyès »

Ce dispositif, qui connaît nombre de variantes, est relativement peu onéreux tout en étant d’une efficacité surprenante. Il peut être démontable et nettoyable facilement. Séchoirs et étuves : Le séchage des produits et matières est aussi un domaine d’application privilégié des enceintes ventilées. Tout séchage libère des vapeurs organiques ou minérales, que l’on laisse souvent se diluer dans l’air ambiant chaque fois que la nuisance olfactive paraît supportable. Pourtant, la pollution de l’environnement et l’exposition chronique qui en résultent sont bien réelles. Le principe du séchoir ou d’une étuve répond à la définition d’une enceinte ventilée, en accélérant le séchage naturel par la double action du renouvellement de l’air au contact du produit et de la température éventuelle. Il s’agit en fait de déplacer l’équilibre qui tend à s’établir entre la pression de vapeur saturante et l’évaporation. Les séchoirs et étuves présentent deux avantages majeurs. D’une part, ils peuvent être facilement clos et ne demandent ainsi qu’un faible débit d’air. D’autre part, les vapeurs émises sont bien canalisées et peuvent facilement faire l’objet d’un traitement approprié. Dans l’industrie chimique, le séchage peut être poussé en mettant le séchoir sous vide et le produit en mouvement, comme dans le schéma suivant. 182

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

aspiration chargement filtre moteur

mobile d’agitation

déchargement

Figure 4.12 – Schéma d’un sécheur de poudres

Tunnels de séchage : Cependant, les séchoirs ne sont généralement que des systèmes à confinement temporaire, les émissions à l’air libre ayant lieu juste en amont, au chargement du produit humide, et en aval, au déchargement du produit sec, du moins quand il est pulvérulent. C’est pourquoi ils doivent être couplés avec des postes de chargement et de déchargement ventilés. Autre solution plus performante : l’enceinte ventilée en fonctionnement continu, qui permet un confinement quasi total. Pour mieux comprendre ce principe, nous décrivons ci-après un exemple pris dans l’activité de la sérigraphie, connue pour ses nombreuses sources d’émission de vapeurs organiques. Rappelons que ce procédé d’impression consiste à déposer de l’encre solvantée, via un écran semi-perméable, sur un support plat. Les supports imprimés doivent ensuite perdre tout le solvant contenu dans l’encre. Il existe pour cette opération des séchoirs en continu, constitués d’une bande transporteuse passant dans un tunnel ventilé et éventuellement chauffé. La conception du poste de travail suit le schéma suivant :

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dépôt des feuilles imprimées

aspiration

cabine ventilée

tunnel de séchage

sortie feuilles sèches

machine à sérigraphier

Figure 4.13 – Schéma d’un tunnel sécheur pour sérigraphie

183

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Compte tenu des temps de séchage, le tunnel peut être assez long, ce qui exige un local de dimensions appropriées. m Cabines ventilées

L’application d’une peinture ou d’un vernis sur un objet, à la brosse et surtout par pulvérisation, impose l’usage d’une enceinte ventilée pour capter les vapeurs et aérosols émis. La première solution à examiner dans ce cas est la robotisation de l’opération, car cette technique est maintenant abordable, même pour de petites productions. Elle permet un confinement complet et un minimum de renouvellement d’air à l’intérieur, renouvellement toutefois nécessaire pour éviter une atmosphère explosive. Si la robotisation n’est pas possible, une cabine ouverte permet de faire ce travail, tant que les objets ne sont pas trop encombrants. On retrouve le principe de la sorbonne présenté précédemment, aménagé pour recevoir des aérosols. Un plateau tournant permet d’atteindre toutes les faces de l’objet. Les aérosols sont arrêtés sur le filtre, qu’il faut donc changer régulièrement.

aspiration

filtre pour aérosols

plateau tournant

Figure 4.14 – Cabine ventilée à flux horizontal

Le débit d’air est toujours calculé sur la base de 0,5 m/s au niveau du plan frontal. Lorsque les objets sont de grandes dimensions, tels que les véhicules, l’huisserie, etc., l’opérateur doit se trouver à l’intérieur de l’enceinte ventilée pour pouvoir accomplir normalement sa tâche. Il s’agit alors d’une cabine ventilée qui répond à certaines exigences de conception. Si l’opérateur n’a pas à se déplacer, une cabine à flux horizontal suffit, construite sur les mêmes bases que celle citée plus haut. Toutefois, il faut veiller à ce que l’opérateur ne se trouve jamais dans le flux pollué, entre l’objet et la paroi aspirante. Sa conception étant assez simple, elle peut être rendue mobile pour être disponible sur un chantier. Lorsque des déplacements sont nécessaires autour de l’objet à peindre, il faut utiliser une cabine à flux vertical. Cette cabine est totalement close, l’air arrivant par le plafond et repartant par le sol, au travers de larges surfaces filtrées. C’est la cabine de peinture, largement utilisée par les carrossiers automobiles. Avec ce dispositif du 184

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

flux d’air de haut en bas, l’opérateur est protégé des émissions en tout point de la cabine, tant qu’elles ne sont pas produites trop haut. plafond soufflant

sol aspirant

Figure 4.15 – Cabine ventilée à flux vertical

Pour ces cabines, une vitesse d’air d’environ 0,4 m/s, bien répartie, est correcte. L’air chargé d’aérosols est purifié soit par filtre sec, soit par rideau d’eau. D’autres dispositifs de sécurité assurent la protection en cas de panne et la prévention des atmosphères explosives. Il est facile de calculer que de telles cabines exigent des débits d’air considérables. Par exemple, une cabine de 4 m ¥ 6 m demande un débit d’environ 34 000 m3/h, qu’il faut éventuellement chauffer1. Cette solution est applicable pour tous types d’objets encombrants et pour les émissions de poussières. Elle peut être utilisée par exemple pour la peinture électrostatique en poudre et pour la taille ou la sculpture de pierre. Ces applications demandent un savoir-faire propre aux constructeurs spécialisés2.

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m Outils aspirants

Dans la liste des sources d’émission de poussières, les outils électroportatifs occupent une place importante. Il s’agit principalement des ponceuses de tous types, des meuleuses, des perceuses et perforateurs, des scies, des burineurs, etc. Comme ils sont souvent employés sur des chantiers mobiles, il est difficile de les utiliser dans une enceinte ventilée. Toutefois, cette difficulté est plutôt surestimée par les professionnels, car il serait parfois possible d’adapter de petites enceintes mobiles qui suivent l’outil. Avec une demande suffisante, ce type d’équipement progresserait sûrement. À défaut, on voit plutôt se développer des outils aspirants, c’est-à-dire munis d’un petit capteur enveloppant le point d’impact, avec une intégration plus ou moins réussie. 1. Pour plus de détails sur ce sujet, consulter la brochure INRS ED 839. 2. Pour plus de précisions, se reporter aux brochures INRS ED 928 et ED 906.

185

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Figure 4.16 – Ponceuse aspirante (Photo : Facom) – Meuleuse aspirante (Photo : Dynabrade) – Scie aspirante (Photo : Makita).

Si cette idée est séduisante en principe, elle souffre de quelques inconvénients en pratique : – Peu d’outils portatifs aspirants sont disponibles (notamment pas de perceuse). – La jonction à l’aspirateur par tuyau rebute les utilisateurs. Les poches filtrantes portées par l’outil sont assez peu efficaces. – Le captage n’étant jamais total, le port d’EPR (équipement de protection respiratoire) doit être maintenu. Néanmoins, ce principe mérite d’être développé et joue parfaitement son rôle dans une combinaison de mesures. m La problématique de la ventilation

Tous les systèmes de captage des gaz, vapeurs, poussières et aérosols permettent de bien soustraire les personnes aux expositions correspondantes et, dans une certaine mesure, de réduire les risques d’expositions massives et d’incendie-explosion. Encore faut-il qu’ils soient réalisés dans les règles de l’art et maintenus dans leurs performances nominales. C’est pourquoi le captage est sans doute la mesure de prévention la plus répandue pour le risque chimique. Pourtant, le recours à la ventilation n’est en fait qu’un déplacement de problème, puisque les polluants captés sont transportés pour être soit récupérés, soit rejetés dans l’atmosphère. Dans le premier cas, ils se retrouvent sur un filtre ou un support chimique ou physique, qui deviennent de nouveaux déchets. Dans le second cas, ils rejoignent l’environnement et participent à sa pollution. En outre, si les polluants captés sont des aérosols ou des poussières, ils donneront lieu à des dépôts sur leur parcours, ce qui pose à nouveau des problèmes de maintenance et de pollution. Cela dit, si l’installation a bien été conçue en intégrant ce problème, la maintenance et la récupération peuvent devenir faciles et ne pas présenter de risque sensible. m Les nuisances

Une installation de ventilation génère automatiquement quelques nuisances, qui peuvent vite devenir un obstacle majeur à son utilisation systématique. Le retour d’expérience très fourni dans ce domaine permet d’identifier les principales nuisances suivantes. 186

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

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Le bruit : Le bruit aérodynamique de l’air est fonction de plusieurs paramètres, dont les principaux sont la vitesse de l’air, la forme et le nombre des capteurs, le type de gaine, le type de ventilateur et l’implantation du réseau. Une installation de captage, même modeste, peut générer un bruit propre à rendre le travail très pénible, sachant qu’elle doit normalement fonctionner pendant toute la durée du travail. L’expérience montre que les opérateurs sont tentés d’arrêter la ventilation, voire de ne pas la mettre en marche, alors qu’elle les protège d’une exposition. Il existe des règles de l’art qui contribuent à minimiser le bruit aéraulique. En voici quelques-unes : – faible vitesse d’air dans les gaines. Dans la zone à protéger, la vitesse est nécessairement de 0,5 m/s, mais dans les gaines, elle est forcément très supérieure. Il faut éviter de dépasser 10 m/s, sachant que c’est la section des gaines qui est le paramètre limitant ; – orifices d’aspiration avec angles arrondis, de façon à éviter les effets de sifflets, ce qui n’est pas souvent possible ; – ventilateur de type centrifuge, placé loin des postes de travail ; – gaines lisses et coudes à grands rayons, en matériaux résilients ; – gaines et ventilateur placés dans une enceinte phoniquement isolante, l’idéal étant de placer le ventilateur et ses annexes dans un local séparé. L’encombrement : L’enceinte enveloppant la zone dangereuse constitue déjà une limitation de l’espace de travail. Nous avons vu qu’elle pouvait constituer un véritable obstacle pour manipuler des objets encombrants. Ensuite, le circuit de gaines génère un autre encombrement important. Il l’est d’autant plus que les sections de gaines sont de préférence élevées, pour limiter le bruit. Ce problème est résolu en général à la conception d’un local, en prévoyant un faux plafond ou un faux plancher de dimensions suffisantes. Il faut savoir qu’en présence de polluants chimiques, il y a des règles de compatibilité à respecter, qui peuvent conduire à multiplier les circuits de gaines indépendants. Enfin, un ventilateur performant est toujours volumineux, car une basse vitesse de rotation est préférable, sans compter les annexes comme les filtres, les réducteurs, les conduits d’évacuation, etc. La nature des polluants peut nécessiter un traitement d’épuration qui demande une installation elle-même très encombrante, comme tout circuit aéraulique. L’épuration de l’air rejeté a lieu en général dans un local à aménager spécialement. L’ensemble de ces dispositifs est dimensionné proportionnellement au débit global exigé. Lorsque toute l’installation n’a pas été prévue à la conception des locaux, elle occupe l’espace libre restant, ce qui conduit souvent à des difficultés de manutention ou d’intervention et à une atmosphère de travail ressentie comme oppressante. L’évaporation : La vaporisation d’un liquide dépend de sa pression de vapeur au-dessus de la surface. Cela signifie que l’évaporation s’arrête d’elle-même si l’espace est fermé au-dessus du liquide. Mais dès que les vapeurs sont évacuées, l’évaporation se poursuit. Comme une ventilation, même modérée, élimine les vapeurs, elle provoque une évaporation 187

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

continue. Ce phénomène présente de nombreux inconvénients : il provoque un refroidissement du liquide, une concentration du milieu solvanté, un séchage accéléré des dépôts quand il y en a, une consommation du solvant, une perte de titre pour un soluté volatil. Selon le procédé, ces effets peuvent être rédhibitoires. Pour les limiter, il faut réduire le débit au minimum, ce qui n’est possible qu’avec un confinement important. Par exemple, dans le stockage des liquides en vrac, il suffit de ventiler le contenant, qui n’est ouvert que par un évent, avec un débit juste suffisant pour créer une légère dépression. Les entrées d’air extérieur : Le captage de l’air pollué conduit nécessairement à rejeter de l’air à l’extérieur des locaux de travail, après une éventuelle épuration. Ce volume doit être entièrement compensé par une entrée d’air correspondante, sous peine de faire chuter le débit sortant. Souvent, pour des débits sortant modérés, rien de particulier n’est prévu pour cette entrée d’air, qui se fait alors spontanément par les ouvertures inévitablement présentes dans les locaux, telles que les passages non fermés ou non étanches. Le circuit de l’air entrant n’est alors pas maîtrisé, ni en débit ni en trajet. Or, ce courant d’air, en fait très faible s’il est bien réparti, contribue à l’assainissement des locaux par un renouvellement de l’air intérieur. Il est donc souhaitable de le canaliser par des ouvertures judicieusement réparties et équipées de filtres. Un tel dispositif statique est simple et peu coûteux, mais n’est acceptable que si le débit global d’aspiration est faible par rapport au volume des locaux concernés. On peut prendre comme repère une vitesse d’air de 0,05 m/s, calculée sur la section du local perpendiculaire au courant d’air, en respectant une bonne répartition des entrées d’air. Exemple :

8m

entrées d’air de 8 m 2

3m rejet d’air possible à 4 000 m3/h

Figure 4.17 – Compensation de l’air extrait

Pour des débits relatifs plus élevés, il faut installer un système de compensation mécanique, c’est-à-dire utilisant un ventilateur, pour faire entrer de l’air à un débit voisin de celui du rejet à l’extérieur. En outre, le jet d’air produit par un ventilateur est trop directionnel, ce qui engendre une gêne pour le personnel et des perturbations dans l’élimination des polluants. C’est pourquoi le ventilateur doit souffler à travers un système de répartition de l’air sur une surface suffisante pour réduire sa vitesse à moins de 0,1 m/s. Cette répartition peut être réalisée soit par des caissons équipés 188

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

de filtres, soit par une multiplication des bouches d’air, soit encore par une gaine soufflante en textile poreux. Même bien réparti, l’air qui vient de l’extérieur a la température de l’extérieur. En saison froide, son effet de refroidissement des locaux est difficilement combattu par le chauffage existant. La sensation de froid est renforcée par le courant d’air généré, même faible. D’où la nécessité de réchauffer l’air entrant par tout dispositif adéquat. Notons que le réchauffage de l’air de compensation contribue encore à l’encombrement créé par la ventilation. Par contre, il peut très bien venir en complément, voire en remplacement du système principal de chauffage des locaux. Mieux encore, si la compensation est équipée d’une source de froid, elle peut rafraîchir l’air entrant en saison chaude, constituant ainsi une vraie climatisation. Mais tout cela a un coût. Le coût de fonctionnement : Outre l’investissement, une installation de captage des émissions sur plusieurs postes, telle que figurant sur le schéma suivant, a un coût de fonctionnement non négligeable. Il comprend tout ou partie des éléments suivants : – – – – – – –

l’électricité pour le fonctionnement des ventilateurs ; l’énergie de chauffage de l’air entrant ; les consommables, tels que filtres, produits d’épuration ; la main-d’œuvre de maintenance ; le supplément de produits volatils consommés ; le traitement de l’air rejeté ; l’élimination des déchets.

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Les deux premiers postes représentent la plus grosse part. Sans pouvoir donner de valeurs tant il y a d’options possibles, ce coût est directement proportionnel au débit d’air global. Il peut toutefois être minimisé en adoptant les précautions suivantes : – choisir des ventilateurs à haut rendement et concevoir un circuit de ventilation à faible perte de charge (longueur, section, coudes, etc.) ; – recycler la chaleur de l’air sortant dans l’air rentrant par le biais d’un échangeur air/air ; calorifuger toutes les gaines (ce qui réduit aussi le bruit) ; le recyclage de l’air lui-même ne serait acceptable qu’avec une épuration complète et sans défaillance possible ; – réduire les émissions afin de diminuer les quantités de consommables, de déchets et la maintenance ; – confiner autant que possible les postes polluants pour réduire le débit d’air nécessaire. m Schéma général

Le poste épuration fait appel à des compétences spécialisées. Nous en donnons des éléments de compréhension au paragraphe 5.4.5. Il doit être intégré dans tout projet de ventilation, car il est devenu inévitable et gagne en efficacité et en coût à être inclus au départ de l’étude. 189

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

gaine de soufflage

gaine d’aspiration

épuration

postes à capter

Figure 4.18 – Schéma type d’un réseau de ventilation

4.3.7 La surveillance des atmosphères

La composition de l’air des postes de travail est un élément déterminant du risque chimique, à plusieurs titres. Selon la nature et la concentration des substances présentes, il peut exister l’un ou plusieurs des risques suivants : – intoxication respiratoire chronique, si un agent chimique dangereux est présent en concentration voisine de la VLEP ; – intoxication respiratoire aiguë, si un agent chimique toxique ou très toxique est présent en concentration voisine de la VLEP ; – asphyxie, si la concentration en oxygène est inférieure à 20 % (en fait la limite varie de 15 à 20 % selon les individus) ; – explosion de combustibles volatils. Face à ces risques, il existe diverses mesures de prévention qui tendent à supprimer la pollution de l’atmosphère, comme exposé dans les paragraphes précédents. Mais comme il faut toujours envisager une carence ou une défaillance de ces mesures, il est important d’être prévenu de l’existence de ce type de risque. D’où le principe de surveillance des atmosphères de travail. Il existe beaucoup de techniques et d’appareils pour contrôler la composition de l’air, mais aucun n’est universel. C’est pourquoi il faut d’abord fixer ses objectifs de surveillance avant de prendre une décision. Il s’agit de se poser les questions suivantes : – Quelle information faut-il surveiller ? – Quel rythme et quel délai d’information sont nécessaires ? – Où doit être localisée la surveillance ? Pour la première question, la réponse est la concentration de certaines substances volatiles. Le choix est important, car on ne peut se protéger d’une substance non mesurée. Il faut donc chercher dans la liste de tous les produits possibles lesquels sont à surveiller, sachant qu’il est illusoire de vouloir tout surveiller. Le choix devrait 190

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4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

privilégier les plus toxiques ou les plus sensibles. Il n’existe pas de technique de dosage pour tous les produits, mais au moins pour les plus dangereux. Pour le risque d’asphyxie, il suffit de vérifier le taux d’oxygène. Pour le risque d’explosion, il suffit de tester la teneur en vapeurs combustibles. Mais on peut aussi cibler un inflammable particulier quand il est le seul possible. La deuxième question revient à choisir entre une mesure discontinue et une mesure continue. La première comporte généralement un prélèvement d’atmosphère, qui peut être manuel ou automatique, suivi d’un dosage plus ou moins complexe, car les techniques d’analyse peuvent être chimiques, physiques ou les deux. Le délai de réponse peut varier de quelques minutes à quelques jours. Les mesures continues sont obtenues avec des appareils utilisant le signal d’un capteur spécifique. Elles ont le gros avantage que représente une information immédiate, qui permet par exemple, après comparaison de la mesure avec une valeur de consigne, de déclencher une alarme et, mieux encore, des actions correctrices, comme un arrêt de processus, une ventilation de secours, un inertage, etc. Leur principal inconvénient réside dans leur fiabilité incertaine. C’est pourquoi une mesure par capteur exige des étalonnages et des tests réguliers. Dans l’hypothèse d’une exposition chronique, une surveillance discontinue est généralement suffisante, mais elle doit néanmoins être périodique, spécialement pour les produits classés CMR. Si le risque est de nature accidentelle, un contrôle continu s’impose. Ce contrôle doit même être redondant dans les espaces confinés. On trouve facilement sur le marché des détecteurs performants, par exemple pour l’oxyde de carbone, le cyanure et le sulfure d’hydrogène, le chlore, la teneur en oxygène, l’explosivité, etc. Ces appareils existent aussi pour la plupart en version portable. L’emplacement du point de mesure est choisi, en tout bon sens, dans l’espace où il peut y avoir une présence humaine, régulière ou occasionnelle. Toutefois, pour anticiper sur l’apparition d’une situation dangereuse, les prélèvements ou les capteurs gagneront à être placés à la source probable d’une émission dangereuse. Par exemple à proximité immédiate des contenants de produits toxiques ou de précurseurs d’émanations toxiques, comme l’eau de javel, ou dans des espaces confinés où la présence humaine est improbable, comme une capacité de rétention, ou derrière un filtre à poussières. Concernant les poussières, le choix est plus restreint, car s’il existe bien des techniques de mesure discontinue sélectives, les mesures continues ne sont pas sélectives, du moins pour les plus répandues. C’est principalement l’opacimétrie qui répond, partiellement, au besoin de surveillance de pollution solide. L’efficacité d’une surveillance d’atmosphère dépend complètement de l’analyse de risque préalable, en processus aussi bien chronique qu’accidentel. Mais quand elle est judicieusement mise en place, elle constitue un complément indispensable de toutes les mesures prises en amont. 4.3.8 La prévention des explosions

La prévention du risque lié aux atmosphères explosives est une discipline à part entière, qui fait l’objet d’ouvrages importants et de programmes de formation. Nous donnerons seulement ici les éléments méthodologiques permettant de bien s’orienter dans ce domaine. Ce risque, typiquement accidentel, est particulier dans 191

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

le risque chimique parce qu’il est à la fois très probable et très grave. Il est probable, parce que les produits inflammables, ou même combustibles, sont d’un usage très répandu dans l’industrie, l’artisanat et les services. Ils sont principalement représentés par la famille des solvants et celle des gaz combustibles. Dès qu’ils sont présents à l’air libre, la formation d’atmosphère explosive est systématique. Seule son étendue va beaucoup varier avec les circonstances. Quant à la gravité d’une éventuelle explosion, elle n’est plus à démontrer. La prévention va consister à appliquer le schéma habituel : supprimer d’abord le danger, puis la situation dangereuse, puis l’événement dangereux, puis le dommage. La situation dangereuse est la présence humaine à proximité d’une atmosphère explosive (atex). L’événement dangereux est le déclenchement de l’explosion, c’està-dire l’ignition. Le dommage est un ensemble d’atteintes à la santé résultant d’effets mécaniques, thermiques et toxiques. Ce schéma permet d’aborder la prévention avec une garantie d’efficacité, selon le logigramme suivant : combustible air source d’ignition

2. substitution

3. inertage homme

5. captage 4. récipient clos 6. pas d’aérosol

7. matériel Ex 1. éloignement

atex

explosion

8. atténuation

accident

Figure 4.19 – Organigramme de prévention du risque explosion

1) La première étape pourrait être de supprimer la présence humaine à proximité de l’atmosphère explosive. Il suffirait par exemple d’éloigner systématiquement les postes de travail de la zone dangereuse, ce qui implique des systèmes de télécommande et de télémesure. En outre, la zone dangereuse peut être restreinte par un certain confinement résistant aux explosions. Cette famille de mesure est efficace 192

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

et recommandable mais, si elle élimine le risque d’accident corporel, elle n’élimine pas celui d’accident matériel, qui est souvent grave. C’est pourquoi elle n’a pas priorité sur les mesures visant à supprimer l’atmosphère explosive. Le principe d’éloignement s’impose toutefois en complément de ces dernières dès que le risque atteint un niveau important, comme on peut le rencontrer dans l’industrie chimique. 2) La suppression de l’atmosphère explosive s’obtient par action sur l’une des conditions de sa formation. La première condition à supprimer est la présence d’un inflammable ou d’un combustible, ce qui revient à pratiquer une substitution, principe décrit au paragraphe 4.3.1. Pour ce faire, les critères principaux à prendre en compte sont le point d’éclair pour les liquides et l’ensemble concentration, température et énergie minimales d’inflammation en nuage, mais aussi granulométrie, pour les solides pulvérulents. 3) La deuxième condition est la présence de comburant, en fait l’oxygène de l’air. La solution est de substituer l’oxygène par un gaz inerte. Les moins chers sont le dioxyde de carbone et l’azote, ce dernier étant préféré en raison de sa totale inertie chimique. Il est disponible soit comprimé en bouteilles métalliques pour de petites quantités, soit à l’état liquéfié, dans des bonbonnes ou des cuves cryogéniques, pour de plus grandes quantités. On peut aussi utiliser l’argon ou l’hélium. Évidemment, cette substitution, qu’on appelle inertage, ne peut se faire qu’à l’intérieur d’un confinement, généralement une cuve ou un réacteur, mais aussi sur des équipements comme les broyeurs et les sécheurs.

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4) Une variante de ce principe consiste à laisser les vapeurs du liquide saturer l’atmosphère du récipient. Il suffit que le récipient soit bien fermé, ce qui est le cas, en fait très courant, de tous les emballages unitaires de liquides inflammables. L’équilibre qui s’établit grâce à la pression de vapeur fait que la concentration est toujours nettement au-dessus de la LSE. Le risque d’explosion n’est alors réellement présent qu’au moment de la vidange. La suppression d’oxygène n’a pas besoin d’être totale. Il existe une concentration maximale d’oxygène en dessous de laquelle l’explosion d’une vapeur ou d’un aérosol solide est impossible1. En pratique, une valeur de 8 % couvre tous les produits, exceptés les métaux légers (Al, Mg…) pour lesquels il faut descendre à moins de 2 %. L’inertage est réalisé d’abord par une purge initiale du contenant, qui consiste soit à balayer l’intérieur par un courant de gaz inerte, soit à alterner des mises sous vide et des remplissages au gaz. Ces deux façons de procéder ont leurs avantages et leurs inconvénients. L’inertage doit ensuite être maintenu, pour faire face à la respiration du récipient, c’est-à-dire la variation du volume gazeux engendrée par les mouvements de remplissage et de vidange. Des dispositifs automatiques d’alimentation en gaz, fonctionnant sur de faibles variations de pression, assurent cette continuité. Il est ensuite impératif de n’interrompre l’inertage qu’après élimination totale du combustible dans l’enceinte protégée. Enfin, le risque d’anoxie créé par tout gaz inerte doit être pris en compte aussi bien à la conception qu’à l’exploitation de l’installation. 1. On peut se référer aux brochures INRS sur les mélanges explosifs : Gaz et vapeurs (ED 911) et Poussières combustibles (ED 944).

193

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

5) La troisième action possible sur l’atmosphère explosive est de la réduire à un volume si faible que toute ignition y soit hautement improbable. On obtient ce résultat par un captage à la source efficace des vapeurs ou des poussières, comme on le fait pour le risque d’inhalation. Cela est même nettement plus facile, car l’objectif est de maintenir la concentration en polluant inférieure à la LIE, avec une marge de sécurité. La marge généralement recommandée consiste à ne pas dépasser 10 % de la LIE. Nous avons vu au paragraphe 2.5.2 que cette limite varie de 0,6 à 8 % pour les vapeurs, soit de 6 000 à 80 000 ppm, alors que les VME s’étagent entre 1 ppm et 1 000 ppm. Quant aux poussières, les LIE. se situent entre 15 et 450 g par m3, alors que les VME ne peuvent dépasser 10 mg par m3. La valeur médiane des LIE étant grossièrement 100 fois plus élevée (10 fois en prenant la limite de sécurité) que celle des VME, un captage correct à la source met à l’abri d’une présence d’atmosphère explosive. Il faut cependant se méfier de la protection par un confinement presque total associé à un faible débit de captage, car il peut facilement subsister une zone explosive à l’intérieur du confinement. 6) La formation d’une atmosphère explosive avec des poussières suppose leur mise en suspension préalable, si elles ne sont pas générées en l’état. Les poussières au repos ont deux origines. La première regroupe tous les produits chimiques, alimentaires et matériaux disponibles sous forme pulvérulente. Il n’y a pas de poussières tant qu’ils sont dans leur emballage d’origine. Or, le moindre mouvement est capable de créer un aérosol. D’où l’importance d’éviter tout mouvement à l’air libre. La technologie de transfert des poudres est suffisamment développée pour que l’on puisse toujours trouver un moyen de transfert plus ou moins mécanisé, mais toujours en vase clos, complet ou partiel avec un captage enveloppant pour les zones ouvertes. Le transport pneumatique est une solution intéressante quand il est compatible avec le produit. Mais il faut rester vigilant sur les zones « atex » qu’il peut générer lui-même. La deuxième origine des poussières dormantes est la pollution qui s’est déposée. La première des mesures dans ce cas est de supprimer les sources de pollution. Toutes les mesures déjà décrites pour éviter les expositions sont bénéfiques sur ce point, notamment le confinement et le captage à la source. Il faut en outre repérer et supprimer les émissions parasites que représentent les fuites sur les installations dans lesquelles sont stockés ou traités des produits pulvérulents, surtout si elles sont en surpression. Un broyeur, par exemple, s’il n’est pas correctement installé et maintenu, est un puissant générateur de poussières. Il faudrait réaliser ces installations avec la même étanchéité qui convient aux liquides. Cependant, contrairement au risque d’exposition, celui d’explosion existe encore à l’intérieur d’un confinement. En effet, tout dépôt de poussières à l’intérieur peut être remis en suspension au cours d’un démarrage d’installation ou d’une intervention de maintenance. D’où la nécessité supplémentaire de concevoir ladite installation de façon à ce qu’elle ne laisse pas se former de dépôts non fonctionnels. Cela concerne principalement les canalisations de transfert et certaines zones d’appareils comme des mélangeurs, des filtres, des machines à conditionner, etc. En particulier, les installations de dépoussiérage doivent avoir des vitesses d’air minimales de l’ordre de 15 m/s. 194

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Enfin, l’élimination des poussières déjà déposées dans l’environnement s’impose, sans qu’elle déclenche elle-même une remise en suspension. Pour ce faire, on peut procéder par aspiration, avec du matériel performant, ou par humidification, arrosage ou lavage. Quelle qu’en soit la cause, l’empoussièrement doit toujours être contrôlé régulièrement, d’abord par simple examen visuel, ensuite par des frottis sur les surfaces horizontales. 7) Lorsqu’on ne peut garantir l’absence totale d’atmosphère explosive, il reste à éliminer les sources d’ignition. Dans les conditions normales de fonctionnement, les flammes nues sont évidemment à proscrire et leur présence ne peut résulter que d’une erreur humaine, qu’il faut bien intégrer dans la stratégie de prévention. La prévention des incendies contribue aussi à celle des explosions. Les points chauds ne sont dangereux qu’au-dessus de la température d’auto-inflammation. Ils proviennent souvent d’appareils de chauffage, qu’il faudra choisir en conséquence. Voici quelques températures d’auto-inflammation de produits courants :

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Substance

Température d’auto-inflammation en ˚C

Sulfure de carbone

90

Oxyde de diéthyle

160

Acétaldéhyde

175

Dioxanne

180

Benzaldéhyde

190

White spirit

230-260

Cyclohexane

245

Acétate d’octyle

268

Butane

287

Tétrahydrofuranne

320

Éthanol

363

Méthyl-éthyl-cétone

404

Trichloréthylène

410

Formol

424

Acétate d’éthyle

425

Huile d’arachide

445

Acétone

465

195

4 • Pratique de la prévention des risques

Substance

4.3 Les familles de mesures

Température d’auto-inflammation en ˚C

Nitrobenzène

480

Toluène

480

Styrène

490

Hydrogène

500

Xylènes

525

Dichlorométhane

556

Aniline

615

Dichlorobenzène

645

Phénol

715

Trois types d’étincelles se rencontrent assez facilement. Les étincelles mécaniques ne sont générées que par des travaux de maintenance ou des incidents mécaniques. Leur élimination est tributaire d’une bonne organisation de la maintenance préventive et du respect de consignes comme les bons de feu et les consignations. Elle est complétée, en cas de besoin, par l’emploi d’outillage « non étincelant ». Les étincelles électriques sont produites par beaucoup de matériels fixes ou d’outillages électriques de qualité normale. Leur prévention exige l’utilisation d’appareils spécialement conçus pour être utilisés en atmosphère explosible (c’est-à-dire pouvant devenir explosive). Un ensemble de directives, décrets, arrêtés et normes encadre la fabrication, le marquage et l’utilisation de ceux-ci, car chacun d’eux n’a qu’un domaine d’utilisation précis. Concernant le marquage, la réglementation européenne est relativement simple.

CE

εx

groupe hors Mines

G pour gaz D pour poussières

II 1 G

catégorie 1 pour zone 0 ou 20 2 pour zone 1 ou 21 3 pour zone 2 ou 22

Figure 4.20

Ce n’est pas le cas du marquage fixé par la norme NF EN 500141, qui prend aussi en compte le type de protection utilisé et la classe de température maximum de surface. Il y a 8 types de protections normalisées : 1. Matériel électrique pour atmosphères explosives. Règles générales. Norme homologuée.

196

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Mode de protection

Symbole

Norme NF EN

Immersion dans l’huile

o

50015

Surpression interne

p

50016

Remplissage pulvérulent

q

50017

Enveloppes antidéflagrantes

d

50018

Sécurité augmentée

e

50019

Sécurité intrinsèque

i

50020

Matériel de type « n »

n

50021

Encapsulage

m

50028

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La norme donne 6 classes de températures maximales de surface : Classe

TMS

T1

450 ˚C

T2

300 ˚C

T3

200 ˚C

T4

135 ˚C

T5

100 ˚C

T6

85 ˚C

En outre, le groupe II est divisé en trois sous-groupes pour tenir compte des points d’éclair :

II A

Acétone – Méthane industriel – Acétate d’éthyle – Méthanol – Butane – Propane – Hexane – Ammoniac – Oxyde de carbone – Pentane – Heptane – Isooctane – Décane – Benzène – Xylène – Cyclohexane – Éthylméthylcétone – Acétate de méthyle – Acétate de n-propyle – Acétate de n-butyle – Acétate d’amyle – Chlorure de méthylène – Butanol – Nitrite d’éthyle

II B

Éthylène – Butadiène – Éther diéthylique – Oxyde d’éthylène – Gaz de four à coke

II C

Hydrogène – Bisulfure de carbone – Acétylène – Nitrate d’éthyle

197

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Ce marquage est repéré par le sigle « EEx » et peut présenter une assez grande complexité, comme le montre l’exemple suivant :

Figure 4.21 – Étiquette d’un matériel atex

Compte tenu des difficultés que peuvent présenter le choix et l’installation de matériel de sécurité, la première mesure à prendre est de déplacer le matériel électrique hors zone à risque et de ne laisser en zone que le strict indispensable. Une des applications de ce principe est l’éclairage sous verre dormant, très simple à réaliser. Zone à risque d’explosion vitre résistante

cloison

Zone hors risque

appareil d’éclairage

jonction étanche

Figure 4.22 – Schéma d’un éclairage sous verre dormant

D’autres sources d’étincelles existent dans les installations. Tout défaut électrique tendant à créer un potentiel anormal peut être à l’origine d’une décharge avec étincelle, c’est pourquoi les installations électriques doivent être conformes aux règles en vigueur et vérifiées régulièrement. L’électricité statique représente quant à elle une menace redoutable, en tant que source d’ignition insidieuse. Elle apparaît principalement lors de frottements avec des matériaux isolants, en particulier dans les liquides isolants qui s’écoulent. Les principales mesures à prendre sont : – la mise en place de liaisons équipotentielles, avec mise à la terre, entre les équipements et les contenants mobiles ; 198

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

– l’utilisation de matériaux conducteurs, ou rendus conducteurs, tels que tuyaux souples ou vêtements, chaussures, etc. ; – l’augmentation de la conductibilité de l’air par humidification ou ionisation. 8) La gravité potentielle d’une explosion est telle qu’en plus des mesures de prévention, il convient d’ajouter des mesures en limitant les effets. En dehors de la solution, exceptionnelle, de construire des équipements de travail résistant à une explosion interne, il est recommandé de prévoir un dispositif de décharge de la pression engendrée. Il s’agit d’un disque ou d’un panneau, relativement léger, cédant sous une surpression calibrée. En outre, la surpression est canalisée dans une direction où elle ne crée pas de risques. Ce dispositif peut être placé sur un récipient, tel qu’un réacteur ou un caisson filtrant, mais aussi dans un local contenant l’équipement sensible. En effet, la dynamique de l’explosion fait que ce dispositif doit avoir une surface importante par rapport au volume pour être efficace. L’explosion doit aussi être arrêtée dans sa propagation éventuelle par des canalisations. Cela est obtenu par la mise en place d’arrête-flammes, constitués d’une section de tuyau garni d’une matrice de métal gaufré. Contre les explosions de poussières, on peut mettre en place des surpresseurs, qui sont des dispositifs envoyant instantanément une grande quantité de produit inertant sur le front d’explosion, après déclenchement par un détecteur d’explosion. Des vannes à fermeture ultrarapide peuvent compléter ces mesures, mais l’installation de tous ces équipements, soumis à certification, demande un savoir-faire confirmé. Enfin, il est possible de se protéger des projections de petites explosions par des grillages ou des panneaux transparents résistants. En conclusion, quand on ne peut pas éviter l’utilisation de produits inflammables, il faut que leur lieu d’utilisation soit spécialement conçu et équipé dans ce but pour obtenir une baisse suffisante de la probabilité et de la gravité de l’explosion.

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4.3.9 L’outillage manuel

L’utilisation de produits chimiques dans l’industrie offre la possibilité d’atteindre un bon niveau de prévention, principalement en raison de la technicité du matériel disponible. Dans l’artisanat, les services et surtout le bâtiment, le matériel est nettement plus sommaire, pour de nombreuses raisons, dont le coût, la résistance, la mobilité, la technicité, etc. Il reste donc beaucoup d’opérations manuelles, effectuées avec des outils qui permettent facilement le contact, en particulier cutané, avec les produits appliqués. Les exemples de contamination cutanée, dont ceux donnés au paragraphe 3.2.1, mettent en cause des outils comme : – les pelles, godets, « mains », utilisés pour prélever et verser des produits pulvérulents ; – les pinceaux, brosses, rouleaux, utilisés pour appliquer un produit liquide ou nettoyer une surface ; – les chiffons, éponges, tampons, utilisés soit pour nettoyer ou essuyer, soit pour appliquer des produits en surface ; – les petits récipients (< 1 litre) de toutes formes, utilisés pour prélever ou verser de petites quantités de liquide ; 199

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

– les spatules, racloirs et autres applicateurs, utilisés pour appliquer ou retirer un produit pâteux ; – les pistolets, pulvérisateurs et autres appareils de projection, utilisés pour appliquer un produit sous forme d’aérosol. La première réflexion à conduire concerne l’éventualité d’une autre forme d’utilisation réduisant les possibilités de contact, par un changement d’organisation ou de matériel. Voici quelques exemples qui, s’ils ne sont pas universels, donnent l’idée générale de la démarche : – s’arranger pour utiliser des emballages entiers, éliminant ainsi prélèvements et pesées ; – peindre ou coller en atelier, au préalable dans de bonnes conditions, un objet qui est peint ou collé sur chantier ; – installer un système de dosage en ligne ; – dégraisser dans une petite machine close ; – utiliser des petites pompes pour les réactifs ou les produits pâteux ; – prélever du liquide avec un tube relié à un récipient mis sous vide au préalable ; – utiliser des distributeurs de liquide ou de poudre. Prenons l’exemple courant de l’utilisation de réactifs dans les laboratoires de recherche ou de contrôle. Il est fréquent de voir manipuler à cet effet des flacons entiers, des éprouvettes et des pipettes en verre, ce qui génère à la fois des expositions respiratoires et cutanées et des accidents par suite de renversement ou de casse. Un simple distributeur doseur placé sur le flacon d’origine permet d’éviter tous ces risques.

Figure 4.23 – Distributeurs doseurs

S’il n’existe pas de solution de ce type, il reste à améliorer les outils existants, toujours dans le but de rendre les contacts moins probables. Souvent, la créativité des utilisateurs directs apporte de très bonnes solutions, mais encore faut-il l’envisager et la susciter. Il suffit parfois d’allonger la longueur d’un manche, ou d’adapter un écran protecteur, pour supprimer presque tous les petits contacts ordinaires sur un pinceau, un rouleau, une pelle, une spatule, etc. 200

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

4.3.10 La maintenance préventive

Le défaut de maintenance est une des origines fréquentes des faits déclencheurs d’accidents. Un incident technique pendant le fonctionnement d’une installation conduit souvent à improviser des actions de dépannage ou de rattrapage dans des conditions de sécurité très insuffisantes. La solution est dans la maintenance préventive, qui consiste à planifier les interventions, pour qu’elles soient conduites après avoir réduit au niveau négligeable tous les risques envisageables. Cela signifie qu’il faut au préalable : – inventorier tous les organes et systèmes critiques dans le fonctionnement ; – définir leurs conditions de bon fonctionnement ; – définir les opérations de maintenance qui s’imposent ; – réunir les moyens de travail en sécurité ; – intervenir au moment planifié. La liste des organes critiques pour le risque chimique serait trop difficile à établir, surtout pour toutes les activités possibles. Néanmoins, nous proposons une check-list sommaire, à compléter au cas par cas :

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Matériel

Points critiques

Emballages

Solidité, étanchéité, étiquetage

Moyens de manutention

Disponibilité, conformité

Structures de stockage

Résistance suffisante, signalétique

Matériel de pompage fixe ou mobile

Étanchéité (joints tournants et raccords), conformité électrique

Matériel de mesure de poids et de volume

Étalonnage

Organes de fermeture/ouverture

Absence de blocage, étanchéité

Systèmes de télécommande

Réponses conformes aux commandes

Systèmes de contrôle et signalétique

Signal conforme aux variables

Capteurs de process

Signal normal

Canalisations

Étanchéité, fixation, identification

Organes de raccordement

Étanchéité, solidité

Matériel de mélange

Bon état mécanique

Matériel de chauffage

Réglage et coupure possibles

Matériel de refroidissement

Disponibilité

Matériel de filtration

Étanchéité, absence de colmatage

Systèmes de ventilation

Performances nominales, protection électrique

Matériel d’extinction et de secours

Disponibilité, vérification récente

Douches et lave-œil

Opérationnels, eau propre et tempérée

201

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Ce qui est également important, c’est que le matériel ait une conception facilitant la maintenance, comme le changement de filtre ou de joints. Le problème des canalisations difficiles, voire impossibles, à vider est récurrent. Elles doivent, sauf nécessité du process, comporter des sections isolables par des vannes, être démontables par des raccords et surtout vidangeables complètement par des purges. Autant que possible, il doit être prévu de laver et de rincer les contenants et les canalisations par l’installation elle-même, c’est-à-dire sans démontage ni intervention manuelle. Ce principe a été utilisé avec bonheur dans les rotatives de l’imprimerie, ce qui remplace des opérations, très exposantes, de nettoyage de cylindres au solvant. La maintenance d’installations chimiques ne doit pas constituer un déplacement de risque. C’est ce qu’on observe en particulier dans la maintenance des pompes et des filtres, car ils sont souvent difficiles à vider complètement, surtout s’ils ont contenu des produits très visqueux ou s’ils retiennent des dépôts solides. Il faut que le poste de maintenance de ce type de matériel soit conçu en conséquence. La qualité de la maintenance joue un rôle déterminant dans les conditions de travail, comme d’ailleurs pour tous les types de risques. C’est elle qui garantit la propreté d’un atelier, car les produits chimiques ont un impact puissant sur l’environnement intérieur. S’ils ne sont pas rigoureusement confinés dans leurs récipients et canalisations, ils sont responsables de souillures, de corrosions et d’odeurs. Ces trois désordres forgent l’image particulièrement négative de nombre d’ateliers, petits ou grands, et qui décourage vite de nouveaux embauchés. Cette image est malheureusement considérée comme inévitable par certains employés et employeurs. 4.3.11 Les équipements de protection individuelle

Les équipements de protection individuelle (EPI) occupent une place à part dans l’arsenal des mesures, car ils impliquent directement les personnes exposées. Leur diversité permet de couvrir tous les risques chroniques mais aussi une partie des risques accidentels. Ils appartiennent à deux grandes familles selon la voie de contact visée. m Les protections respiratoires

Le principe d’un équipement de protection individuelle respiratoire (EPR) est de supprimer le contact de l’agent chimique avec les voies respiratoires, sans jamais agir sur sa présence dans l’environnement. Les EPR fonctionnent soit en bloquant le polluant de l’air inspiré, soit en isolant l’individu de l’air pollué, tout en lui fournissant de l’air propre. Ces deux principes conduisent à des propriétés et des applications très différentes. EPR filtrants : Cette appellation est justifiée pour ceux qui protègent des poussières. Ils comportent un filtre capable d’arrêter les poussières et les aérosols, avec une efficacité très variable en fonction de l’étanchéité de la pièce faciale et de la perméabilité du filtre. Voici les principaux types utilisés : 202

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Figure 4.24 – Pièce faciale filtrante – Demi-masque – Masque complet (Photos : 3M).

Leur efficacité, c’est-à-dire la proportion de particules arrêtées selon la norme NF EN 143, est repérée par le code suivant : P1 pour 80 %, P2 pour 94 % et P3 pour 99,95 %. Les filtres sont marqués d’une bande blanche. Le phénomène de colmatage fait que l’efficacité a tendance à augmenter avec l’usage, jusqu’à opposer une résistance gênante pour la respiration. Mais c’est l’étanchéité avec le visage qui détermine l’efficacité réelle. Les EPR destinés aux gaz et vapeurs fonctionnent par adsorption sur un support spécial, généralement du charbon actif. Ils sont équipés de cartouches dont l’adsorbant est spécifique d’une famille de polluants. Le tableau suivant résume leurs caractéristiques principales :

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Type

Couleur de bande

Polluants visés

A

marron

gaz et vapeurs organiques dont le point d’ébullition est > 65 ˚C

Ax

marron

gaz et vapeurs organiques dont le point d’ébullition est < 65 ˚C

B

gris

gaz et vapeurs inorganiques (sauf CO)

E

jaune

dioxyde de soufre (SO2) et autres gaz et vapeurs acides

K

vert

ammoniac et dérivés organiques aminés

HgP3

rouge + blanc

vapeurs de mercure

NOP3

bleu + blanc

oxydes d’azote

Sx

violet

composés spécifiques désignés par le fabricant

Plusieurs types d’adsorbants peuvent être réunis dans une même cartouche, le marquage en faisant état, mais cette facilité apparente est obtenue aux dépens de l’autonomie, qui diminue pour chacune des couches. 203

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Le grand problème posé par cette catégorie d’EPR est de connaître leur autonomie. La durée de port possible est en effet limitée par le claquage, c’est-à-dire la saturation commençante du filtre en polluant. Ce temps de claquage dépend du volume et de la qualité de l’adsorbant, ainsi que de la nature chimique du polluant. Les cartouches portent ainsi le numéro correspondant à leur classe de capacité, de 1 à 3, associé à la lettre de type (ex. : A2, B3, etc.). En outre, le temps de claquage pour une cartouche donnée varie avec les conditions d’utilisation : – Une concentration élevée du polluant ne permet pas à l’adsorption de se faire totalement. C’est pourquoi chaque classe a une concentration maximum d’usage. – Une température ambiante élevée limite la quantité adsorbable, parce que l’adsorption est réversible. – Un débit respiratoire élevé réduit la capacité, parce que l’adsorption demande un temps de contact minimum. Il varie de 20 à 120 l/min selon l’effort. – Une humidité de l’air importante entre en compétition avec les molécules de polluants. Tous ces facteurs rendent la prévision de l’autonomie très difficile. Elle n’est sûrement pas déterminée par la perception d’un début d’odeur, tant ce critère est aléatoire et dangereux. Le claquage arrive d’ailleurs assez brutalement, comme le montre la courbe de saturation d’une cartouche de charbon actif. 100 %

concentration aval/amont du polluant

VLE 0% Temps de claquage

Figure 4.25 – Courbe de saturation d’un filtre à charbon actif

Toutefois, on peut obtenir un ordre de grandeur en se référant aux temps de claquage imposés par la normalisation1 :

1. Pour la ventilation libre, voir la norme EN 14387, qui remplace la EN 141.

204

4 • Pratique de la prévention des risques

Classe

Temps de claquage (min)

Concentration amont (ppm)

Concentration aval maxi

A1 A2 A3

cyclohexane

70 35 65

1 000 5 000 8 000

10

B1 B2 B3

sulfure d’hydrogène

40 40 60

1 000 5 000 10 000

10

E1 E2 E3

dioxyde de soufre

20 20 30

1 000 5 000 10 000

5

K1 K2 K3

ammoniac

50 40 60

1 000 5 000 10 000

25

oxydes d’azote

20

2 500

5

NOP3

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Gaz d’essai

4.3 Les familles de mesures

Ces chiffres sont approximativement extrapolables en fonction des concentrations. Par exemple, un masque A2 soumis à une pollution de 1 000 ppm a une autonomie de l’ordre de 3 heures et un masque E1 soumis à 100 ppm aura une autonomie de l’ordre de 3 h 20 min. Ce calcul ne doit pas faire oublier les facteurs réducteurs cités plus haut, ce qui incite à prendre une bonne marge de sécurité, en pratique le tiers de celle que donne le calcul. Des cartouches combinent la protection contre les poussières et contre les vapeurs, ce type de pollution n’étant pas si rare. Ils sont reconnaissables au marquage réglementaire. Compte tenu de la perte de charge créée par le filtre, un masque respiratoire gagne en confort avec une ventilation assistée, à l’aide d’un petit ventilateur porté soit sur le masque, soit à la ceinture. Il faut donc un accumulateur portatif pour l’alimenter. Ces appareils sont soumis à des normes de performances distinctes1 et d’un codage commençant par TM, ou TH lorsque la pièce faciale est une cagoule ou un casque (figure 4.26). Dès que les filtres, les ventilateurs ou les accumulateurs sont un peu lourds ou encombrants, ils sont placés sur une ceinture. EPR isolants : Les EPR isolants comportent les mêmes pièces faciales que les filtrants (masques, cagoules et casques) mais l’air respiré est pur, indépendamment de la pollution environnante. Pour cela, deux sources sont possibles. La première consiste à prendre de l’air propre à l’extérieur à la zone polluée et à l’amener jusqu’à la pièce faciale par pompage. C’est l’adduction d’air, qui nécessite des équipements annexes (figure 4.27). 1. Pour la ventilation assistée, voir les normes EN 12941 et 12942.

205

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Figure 4.26 – Masque complet à ventilation assistée – Casque à visière pour ventilation assistée – Cagoule pour ventilation assistée (Photos : 3M).

cagoule air propre

réglage de débit

ceinture

épurateur

compresseur à vis chaud/froid

Figure 4.27 – Schéma d’une installation d’adduction d’air

L’air respiré doit effectivement être exempt de tout aérosol solide ou liquide et réchauffé ou refroidi, selon la température ambiante et l’effort fourni. De petits dispositifs autonomes portés à la ceinture assurent cette fonction (figure 4.28). Des variantes de ce système existent, selon que l’air est à débit continu, à la demande ou à pression positive garantie. Il faut évidemment veiller à ce que l’air prélevé ne soit pas pollué, même de façon inattendue, par exemple avec un rejet de gaz d’échappement de moteur thermique. Les avantages considérables de l’adduction d’air sont la suppression des limites d’autonomie et une qualité d’air respiré indépendante des performances du média filtrant. Elle pose néanmoins quelques problèmes d’utilisation : – équipements annexes (compresseur, épurateur, tuyaux) à acquérir, installer, entretenir, déplacer ; 206

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Figure 4.28 – Épurateur (Photo : Tricolor Industries) – Régulateur de débit (Photo : 3M) – Réchauffeur/refroidisseur (Photo : 3M).

– limitation des mouvements par la présence du tuyau d’adduction d’air. Cela peut être réduit par une préparation du poste de travail et l’utilisation d’enrouleurs ou de tuyaux spiralés. Mais les déplacements importants sont proscrits ; – mode opératoire à adapter aux mouvements des tuyaux.

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Le port d’une source d’air autonome, sous forme de bouteilles pressurisées, est une autre option possible d’EPR isolant. En effet, elle conserve l’indépendance de la pureté de l’air respiré vis-à-vis de l’environnement, en gagnant la liberté complète de mouvement. Mais elle perd l’avantage de la durée de protection illimitée et ajoute la contrainte d’un équipement lourd et un peu encombrant. Quant à l’autonomie, elle dépend du volume des bouteilles ; en pratique, elle ne dépasse pas 30 min.

Figure 4.29 – Schéma d’appareil respiratoire autonome (Photo : Tricolor Industries).

207

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

C’est typiquement un équipement de secours, par exemple pour un incendie, une fuite massive ou une asphyxie. Il est primordial de rappeler qu’en cas de sous-oxygénation, seuls les EPR isolants assurent une protection, car des erreurs fatales se produisent encore en utilisant des EPR filtrants dans l’urgence. Choix et port des EPR : Aucun EPR n’étant universel, le choix va s’effectuer en confrontant les caractéristiques de l’appareil avec les conditions de travail envisagées. Trois critères principaux sont déterminants. L’efficacité de protection : la meilleure est celle des EPR isolants, dans la mesure où leur étanchéité est satisfaisante. Celle-ci sera très bonne avec un masque total, alors qu’elle dépendra du débit d’air (160 l/min minimum) ou de la surpression avec la forme cagoule. C’est la seule solution acceptable en cas de sous-oxygénation ou de présence de produits gazeux très toxiques, tels que l’oxyde de carbone, les cyanures et sulfures d’hydrogène, le chlore, le phosgène, etc. Pour les gaz et vapeurs sans danger exceptionnel (niveaux 1 à 4), les EPR filtrants à cartouche de type TH et TM sont suffisants, à condition de bien les adapter à la nature du polluant. Pour les poussières, les EPR filtrants de type THP et TMP peuvent assurer une bonne protection contre la plupart des polluants. Pour les plus dangereux, et notamment l’amiante, un appareil de type TM3P est acceptable en cas d’impossibilité d’utiliser un EPR isolant. Les pièces faciales filtrantes (FFP) sont réservées à des pollutions légères en concentration comme en niveau de danger. Le facteur de protection d’un EPR permet de situer son efficacité. Il exprime le rapport de la concentration en polluant environnant sur celle qui est respirée. Cela signifie qu’il est global, intégrant l’efficacité propre du filtre et l’étanchéité de la pièce faciale. Le tableau suivant fournit quelques valeurs, déterminées statistiquement : Famille d’EPR ventilation libre

Facteur de protection 10 à 20

ventilation assistée

50

adduction d’air continue

500

adduction d’air à pression positive

> 2 000

Le facteur de protection permet d’évaluer la concentration maximale admissible pour un EPR donné. EXEMPLE :

Supposons une pollution au xylène et un EPR de type TMA à ventilation assistée. La VME étant de 50 ppm, la concentration maximale admissible est de 50 ¥ 50 = 2 500 ppm dans l’environnement. Pour de l’amiante avec un EPR à adduction d’air à pression positive, on obtient une limite de 200 fibres/cm3.

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4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

L’autonomie : L’autonomie des EPR isolants est théoriquement infinie dans la catégorie de l’adduction d’air. En pratique, elle peut être portée pendant la demijournée de travail. Celle des EPR autonomes, c’est-à-dire à réserve d’air, est limitée par le volume d’air porté, soit moins de 30 min. L’autonomie des EPR filtrants pour poussières n’est limitée que par le colmatage, qui est en général perceptible. Encore faut-il assurer une parfaite étanchéité avec le visage. Elle dépend donc totalement de la concentration des poussières. L’autonomie des EPR filtrants pour gaz et vapeurs dépend de nombreux facteurs, comme décrit précédemment. Ces appareils ne devant pas être utilisés pour plus de 1 000 ppm, sauf sur une courte durée (moins de 10 min), les calculs établis sur les temps de claquage normalisés à 1 000 ppm donnent des valeurs variant, tous types de cartouches confondus, de 20 min à 600 min. Si l’on s’en tient au tiers du résultat, compte tenu des autres facteurs intervenants, les chiffres passent de 7 min à 200 min, la valeur médiane étant de l’ordre d’une heure. Ces chiffres peuvent paraître surprenants, mais nous verrons qu’ils ne posent pas de problème. La prudence s’impose aussi parce que l’adsorption du polluant dans les cartouches n’est pas stable, et qu’il peut se produire un relargage au bout d’un certain temps. Enfin, l’incertitude portant sur l’imprégnation réelle d’une cartouche utilisée fait que l’on doit exclure tout réemploi. Le confort : il est très différent selon les types. Les masques qui exercent une compression du visage sont les plus difficiles à supporter. Des enquêtes effectuées auprès des utilisateurs fixent la limite à 70 min, statistiquement. Les cagoules sont les plus faciles à porter, surtout les plus légères. Cette facilité est renforcée par l’adduction d’air qui apporte une climatisation individuelle. Cette combinaison est donc l’idéal à envisager systématiquement. En outre, plus elle sera utilisée plus elle progressera en efficacité, en facilité d’emploi et en confort. Le choix d’une protection respiratoire n’est donc pas si simple1. Il doit se faire en suivant un raisonnement qui demande de se poser les bonnes questions dans le bon ordre : – N’y a-t-il pas une mesure de prévention collective possible ? La protection collective est envisageable dès qu’une opération est répétitive, d’autant plus en un lieu fixe. Les seules raisons qui justifient d’y renoncer sont le caractère exceptionnel, l’urgence ou la mobilité du travail, et après réflexion. – Y a-t-il un facteur imposant un appareil isolant ? C’est le cas d’une sous-oxygénation possible, si le polluant est très dangereux ou inconnu, ou si la concentration maximum probable est supérieure à 1 000 ppm ou 50 fois la VME. La concentration maximum peut être approchée par la métrologie, par l’historique et par un calcul théorique. L’EPR isolant s’impose aussi pour un travail dépassant 90 min. – Est-il possible d’utiliser l’adduction d’air ? Il faut examiner la mobilité nécessaire et la possibilité d’aménager le poste en conséquence. Cette solution s’impose en cas d’effort important et prolongé. – L’opération dure-t-elle plus de 30 min environ ? Si l’on n’a pas adopté l’adduction d’air, il faut une ventilation assistée pour tout travail de plus de 30 min, ou moins si l’effort est important. D’autre part, les cartouches pour gaz et vapeurs 1. Pour approfondir ce sujet, voir la brochure INRS ED 780, Les appareils de protection respiratoire.

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4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

devront être de classe 2 minimum ou de classe 3 au-delà de 90 min (ce qui est peu raisonnable…). – Quelle est la composition chimique du polluant ? La réponse est indispensable pour choisir le type de cartouche (poussières ou A, B, E, K, etc.). La réponse à ces questions nécessite de connaître au préalable la nature et la concentration probable des polluants, le niveau d’effort et la durée de l’activité envisagée. En dehors du cas des EPR isolants à adduction d’air, qui représentent un idéal, les autres types ne doivent être utilisés en définitive que pour des opérations courtes ou exceptionnelles. Ces opérations relèvent de deux cas de figure : – une exposition chronique, c’est-à-dire planifiée, y compris dans l’urgence ; – une exposition accidentelle que l’on a envisagée dans l’analyse des risques, malgré la protection collective, ou plutôt en cas de défaillance d’une protection collective. C’est le principe de redondance, qui s’impose dans tous les risques de haut niveau. Comme exemple on peut citer le déchargement d’un véhicule citerne contenant de l’ammoniac liquéfié. Quel que soit le choix d’un EPR, celui-ci ne peut pas être utilisé avec toute son efficacité sans une formation des utilisateurs, qui pourront ainsi être associés au choix, informés sur les limites et sur la maintenance nécessaire. m Les protections de contacts

Les mains sont le point de contact le plus fréquent avec les agents chimiques. Le moyen de prévention classique est le port de gants, qu’il faut choisir en fonction de la résistance recherchée. Selon les circonstances, il faut une résistance chimique, mécanique ou microbiologique. Le marquage réglementaire permet d’avoir cette information. Pour la résistance chimique, les polymères utilisés ont des compatibilités limitées, comme le montre le tableau suivant1 : Famille de produits

Latex

Nitrile

Néoprène

PVC

PVA

Butyle Fluorés

Acides carboxyliques Aldéhydes Alcools primaires Cétones Hydrocarbures aliphatiques Hydrocarb. aromatiques Hydrocarbures chlorés Solutions aqueuses

1. Extrait du document INRS ED 112, « Des gants contre les risques chimiques ».

210

Multicouches

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Le principal inconvénient des gants est de réduire l’habileté et le sens du toucher, d’autant plus qu’ils sont épais. Or, la résistance chimique et mécanique s’accorde mal avec la finesse. En outre, à cause de leur étanchéité, ces gants enferment la transpiration, créant ainsi un inconfort particulier. D’où les règles d’usage suivantes : – rechercher d’abord une solution de protection collective ou un outil adapté pour éviter tout contact ; – réduire au minimum le temps de contact ; – bien laver les gants avant de les retirer ; – assurer l’hygiène intérieure ; – les remplacer régulièrement. Le visage est très exposé, parce qu’il est normalement découvert et que le fait de regarder l’expose souvent directement aux sources de projection. Mais il est aussi exposé de façon chronique par les pollutions volatiles. Sa protection consiste à placer un écran transparent devant lui. Si la personne porte un masque complet ou une cagoule, la protection du visage est déjà assurée. Si ce n’est pas le cas, par exemple quand il n’y a pas de pollution volatile, il faut porter une visière. Les lunettes de sécurité, souvent imposées en continu, ne protègent que les yeux, qui sont certes le point le plus fragile du visage. La visière s’impose avec des produits très corrosifs et présents en grandes quantités. Le reste du corps est surtout exposé aux projections, d’autant plus que la tenue est légère. Les vêtements de protection contre les risques chimiques sont assez variés, en fonction du degré de résistance recherché. Le plus simple et le plus ancien est la blouse, à réserver aux laboratoires, en raison de son faible niveau de protection. Le coton est préférable aux tissus synthétiques, car il brûle mal, mais absorbe bien les liquides. Un bon vêtement de protection doit être enveloppant, tel qu’une combinaison, avec une matière résistante adaptée aux conditions. Il existe six types de vêtements normalisés1 :

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Type

Caractéristiques

1

Étanche aux gaz

2

Pressurisable, non étanche aux gaz

3

Étanche aux liquides

4

Étanche aux brouillards

5

Contre les poussières

6

Contre les projections limitées

1. D’après le document INRS ED 127, « Quels vêtements de protection contre les risques chimiques ? ».

211

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Il existe aussi des combinaisons à usage unique, pour des expositions modérées. Lorsque le risque se limite à un contact avec un objet souillé, la solution du tablier étanche en élastomère est intéressante, car elle n’affecte pas la mobilité ni la transpiration. Tous ces vêtements font l’objet d’une normalisation fournie. Voici quelques illustrations de vêtements de protection :

Figure 4.30 – Gant de protection (Photo : Protec Nord, www.protecnord.fr) – Tablier de protection (Photo : Manutan) – Combinaison de protection (Photo : Protec Nord)

Les équipements qui ne présentent pas d’inconfort peuvent être portés en continu mais, dès qu’il y a une contrainte sensible, il faut restreindre leur usage aux situations courtes et exceptionnelles, en recherchant toujours une protection collective en priorité. La maintenance des moyens de protection contre les contacts est une condition de leur efficacité. Ils doivent être vérifiés avant chaque utilisation, nettoyés et rangés après, dans un endroit propre. Ceux qui sont jetables ne doivent pas être conservés. 4.3.12 La formation et l’information

Il a souvent été dit que le succès de toute mesure de prévention n’est garanti et pérenne qu’avec l’adhésion des personnes concernées, comme cela est le cas des démarches qualité. L’adhésion n’est possible qu’avec un minimum de connaissances spécifiques. C’est le but de la formation, initiale et continue. Mais la mise en pratique des connaissances nécessite des informations particulières, dont la fourniture doit être organisée. Quelle que soit la structure, ces deux actions du management sont indissociables. Concernant le risque chimique, l’ensemble des connaissances présentes dans cet ouvrage permettent de définir les objectifs possibles de formation et d’information. m La formation au risque chimique

Le but final d’une formation au risque est d’obtenir pour soi et pour les autres un bon niveau de santé, la sécurité et la protection de l’environnement. Mais la formation utile dépend beaucoup du domaine d’action de chacun, même si des notions générales sont indispensables à tout le monde. Nous proposons ici un contenu minimum de formation pour quelques grands domaines d’action. 212

4 • Pratique de la prévention des risques

4.3 Les familles de mesures

Notions générales : – signification précise et commune à certains termes omniprésents : produit chimique, danger, risque, dommage, estimation, prévention, protection, ergonomie, environnement, pollution ; – effets des produits chimiques sur l’homme et l’environnement ; – mécanismes d’apparition des dommages ; – estimation des risques ; – prévention des dommages. Utilisateurs de produits chimiques : – notions générales ; – l’étiquetage et les dangers ; – la prévention et la protection ; – les protections individuelles et les moyens de secours. Concepteurs de procédés et d’équipements : – notions générales ; – les méthodes d’analyse ; – la logique de prévention ; – les familles de mesures ; – le choix des mesures. Administratifs, commerciaux et gestionnaires : – notions générales ; – réglementation ; – formation et information ; – organisation des flux. D’autres domaines peuvent exister dans la grande diversité des organisations, mais une démarche de prévention, chimique ou pas, intéresse toute l’organisation sous des aspects divers. Il est évident par exemple que les acheteurs jouent un rôle important dans la chaîne de décisions qui influe sur le niveau de tel ou tel risque.

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m L’information chimique

La pratique d’une analyse de risque chimique, suivie de la mise en place de mesures de prévention, utilise un grand nombre d’informations, telles qu’elles sont apparues tout au long des chapitres de cet ouvrage. En fonction du domaine d’action de chaque personne confrontée au risque chimique et après sa formation adéquate, les informations utiles sont tout ou partie de la liste suivante : – inventaire des agents chimiques présents, avec les données techniques et concernant la santé, la sécurité et l’environnement. Cet inventaire peut être imprimé, ou disponible sur un support informatique, de préférence en réseau, afin de garantir à tous la même information mise à jour. – étiquetage réglementaire de tous les emballages de produits ; – fiches de données de sécurité, mises à jour ; elles peuvent être incluses dans l’inventaire informatique ; 213

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

– modes opératoires écrits, indiquant notamment les zones de sécurité, les dérives possibles, les actions correctives recommandées, etc. ; – procédures concernant les mouvements de produits, les interventions de maintenance, les vérifications de matériel, l’organisation des secours, etc. ; – documents de référence tels que schémas fonctionnels, de canalisations, de stockage, de ventilation, de rétentions, etc. ; – marquage des équipements en contact avec des produits chimiques, indiquant, au minimum, la signalisation réglementaire, mais aussi toute information de sécurité utile (volume, pression, température, état de fonctionnement, etc.) ; – autant que nécessaire, toutes les données techniques et administratives utiles à la maîtrise des risques (quantités, conditionnements, fréquences, circuits, maintenance, historique et analyse d’incidents, etc.). Cette somme d’informations, dont l’importance est fonction de la taille et de l’activité de l’entreprise ou du service, doit être organisée comme un élément du management. Formation et information sont souvent le maillon faible de la démarche santésécurité-environnement, en raison de la confiance qu’inspirent traditionnellement les mesures techniques.

4.4 Choix des mesures 4.4.1 Typologie des mesures

La pratique de la prévention des risques montre que les mesures sont tellement variées qu’il serait impossible de les lister toutes. Chaque situation particulière peur conduire à une nouvelle mesure, même si elle se rattache à une des grandes familles que nous avons décrites. Ce qui est invariable, c’est la méthodologie qui conduit à la proposer. Toutefois, on peut distinguer trois grands types de mesures selon leur mode de fonctionnement. Les mesures techniques : Ce sont les plus classiques. Elles consistent à créer des modifications matérielles dans l’équipement et l’environnement. La grande majorité des mesures qui ont été examinées au paragraphe 4.3 en font partie. Après fixation du cahier des charges par les demandeurs, elles sont mises au point par des services techniques internes ou externes à l’entreprise ou au service. Elles ont l’avantage d’être visibles et contrôlables et peuvent être permanentes sans difficulté. Néanmoins, elles ont des contraintes de coût, de délai, de maintenance, et éventuellement de nuisances, comme la ventilation. Il y a une grande différence de coût et de délai entre l’adjonction d’un simple captage et un passage au système clos, qui demande des études et des investissements lourds. Les mesures organisationnelles : Ce sont les moins connues. Elles consistent à agir sur l’organisation du travail ou des structures, des flux matériels ou des modes opératoires, sans qu’il y ait nécessairement une modification technique importante, voire une dépense. Ce sont généralement des mesures de grande efficacité, c’est-à-dire supprimant un risque au niveau 214

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

de la raison qui l’a fait naître. Entrent par exemple dans cette catégorie une suppression de produit dangereux, un suivi informatique du circuit produits, une signalétique particulière au stockage, un cursus de formation interne, etc. Ces mesures sont généralement difficiles à mettre en place, en raison des changements d’habitudes qu’elles entraînent. Par contre, une fois rodées, elles font progresser dans plusieurs domaines à la fois, compte tenu de leur champ d’application souvent très large. Les mesures individuelles : Certaines mesures ne portent que sur l’individu. Il s’agit typiquement des protections individuelles, mais aussi du suivi médical, de la formation et des consignes et procédures. Ce dernier point est important à analyser, car il est souvent compris comme une mesure collective. Pourtant, l’exécution réelle d’une consigne ou d’une procédure dépend totalement de la liberté de chaque individu. On ne peut qu’améliorer sa probabilité d’application par un certain nombre de facteurs tels que la formation, l’information, les conditions de travail, les relations interpersonnelles, le climat social, etc. Les mesures individuelles ont donc la moins bonne fiabilité des trois types. Dans le cas des protections individuelles, cette difficulté est d’ailleurs souvent liée aux contraintes physiques qu’elles induisent, en particulier les EPR et les gants ; c’est pourquoi il est primordial de les choisir à bon escient, moyennant quoi elles ont le grand avantage d’être disponibles sans délai, utilisables presque partout et peu coûteuses. Une dernière catégorie, intermédiaire entre les domaines organisationnel, technique et individuel, regroupe les moyens de secours qui tendent à réduire la gravité des dommages, tels que les extincteurs, les douches, le secourisme, etc.

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4.4.2 Critères de choix

L’application complète de la méthodologie basée sur les cinq composantes du risque, conduite librement au sein d’une équipe pluridisciplinaire, et partant de l’analyse des risques effectuée selon les règles du chapitre 3, génère en général un nombre considérable de mesures de prévention. En effet, nous avons vu au paragraphe 3.2.5 que chaque action pour laquelle un agent chimique est présent peut créer 4 à 5 risques distincts. Si l’on propose, toujours en moyenne, deux mesures par composante, cela fait en théorie 36 mesures par action ! Cette créativité est très profitable, car elle permet souvent de sortir de situations qui paraissaient bloquées. En réalité, une première élimination va considérablement réduire ce nombre initial. Une mesure donnée s’applique le plus souvent à plusieurs risques. Ainsi, un captage de vapeurs inflammables supprime deux risques à la fois (C-In et A-IE). Un système clos peut supprimer facilement cinq risques par action (C-In, C-Co, A-In, A-Co, A-IE), et cela sur plusieurs actions consécutives… La première étape de sélection est donc d’éliminer les mesures qui se répètent. Ensuite, s’il reste plusieurs mesures possibles pour un même risque, il faut examiner si elles sont compatibles. Ainsi, une substitution peut être incompatible avec un captage, ou un outil aspirant avec une humidification. Il faut opter pour l’une des solutions, et il est indispensable de le formuler ainsi dans le rapport avant décision finale. Dans d’autres cas, les mesures sont, au contraire, complémentaires pour un même risque. Par exemple, une cabine ventilée et un EPR, ou un matériel atex et une mise 215

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

à la terre. Il faudra alors bien inscrire « et » dans le rapport. Après cela, il reste toujours des choix à faire entre plusieurs mesures. Le choix final résulte d’une prise en compte de la performance globale de la mesure, qui repose sur quelques paramètres importants, que l’on retrouve exprimés avec des variantes dans les différentes méthodes proposées. En voici une synthèse : Qualité de la mesure

Précisions

La disparition ou la réduction de risques obtenue

C’est l’efficacité directe de la mesure, vérifiable par la baisse de cotation.

Le nombre de risques traités

Une mesure qui supprime plusieurs risques à la fois, ou dans plusieurs actions.

La non-apparition de nouveaux risques

C’est le déplacement de risque, qu’il faut évaluer globalement. Par exemple, faut-il remplacer un CMR par un inflammable ?

Le respect de l’ensemble de la réglementation applicable

C’est une obligation mais elle est automatiquement respectée avec cette méthodologie.

L’acceptabilité par le personnel

C’est ce qui confère l’efficacité réelle à terme. Il peut y avoir rejet pour des raisons physiques (EPR…) ou psychologiques (procédures administratives…).

La fiabilité et la stabilité dans le temps

C’est la fiabilité technique dans les conditions réelles, avec les problèmes d’usure, de fatigue, de salissures, etc.

La facilité et le délai de réalisation

À performances égales, il vaut mieux choisir la mesure la plus simple. Le délai dépend de l’urgence.

Le coût financier

La meilleure des mesures peut être trop difficile à financer, mais il faut une approche globale, intégrant d’éventuels gains de productivité ou de qualité.

Lorsqu’une mesure demande un certain délai de mise en place, il est indispensable de prendre immédiatement une mesure provisoire, peut-être moins efficace mais plus rapide, comme une protection individuelle. Un risque peut même être maîtrisé à l’issue de plusieurs étapes impliquant des mesures différentes. D’où la nécessité d’établir un plan de prévention, éventuellement sur plusieurs années. Le non-déplacement du risque doit faire l’objet d’une attention particulière, notamment en ce qui concerne l’impact des mesures sur l’environnement. Ainsi, tout rejet d’air issu d’un captage doit être accompagné d’un système d’épuration et éventuellement de mesures de réduction de bruit, au minimum dans le respect de la réglementation concernant la protection de l’environnement. Il faut enfin rappeler que toutes les mesures mises en place, quelles qu’elles soient, ne sauraient être pleinement efficaces et stables sans être accompagnées de formation, d’information et de surveillance médicale. 216

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

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4.4.3 Prévention, protection et redondance

La préservation de la santé et de la sécurité des personnes est suffisamment primordiale pour que le critère d’efficacité des mesures le soit aussi. Cette efficacité doit être pratique et non pas seulement théorique. Cette remarque signifie plus précisément qu’aucune mesure n’échappe à une probabilité de dysfonctionnement, qu’il soit technique ou humain. Autrement dit, chacune des mesures possède un degré de fiabilité global. D’ailleurs, pour améliorer la mise au point d’une nouvelle mesure, il est recommandé de procéder à une AMDE (voir paragraphe 3.2.4). Mais ce qui fait la fiabilité d’une mesure est d’abord son niveau d’action dans la hiérarchie des composantes du risque. Ainsi, la suppression ou la substitution d’un agent chimique est toujours la mesure la plus fiable, puisque si le danger lui-même disparaît, le risque aussi, quoi qu’il arrive après. Vient ensuite la suppression de toute exposition, soit par suppression de la source d’émission, soit par enfermement total et permanent des agents chimiques dangereux. De même, la suppression d’une situation dangereuse est beaucoup plus fiable que la suppression ou l’interruption de l’événement dangereux. Les mesures qui suppriment ainsi le risque sont souvent appelées mesures de prévention intrinsèque ou intégrée, parce qu’on ne peut pas les distinguer du procédé. Le terme équivalent en anglais, « by design », c’est-à-dire « par conception », est le plus parlant. En réalité, cela devrait être la seule signification du mot prévention, par opposition à protection. Les autres mesures, qui agissent plus bas dans la hiérarchie des composantes, ne suppriment pas le risque mais en diminuent la probabilité ou la gravité. Les dispositifs comme le captage, la pose d’écran, le matériel atex et l’ensemble des protections individuelles ne suppriment pas la zone dangereuse créée par l’agent chimique danger mais protègent l’individu. C’est pourquoi il faudrait toujours les appeler protections, collectives ou individuelles. Leur fiabilité est moindre puisqu’elles sont ajoutées à un système existant, donc distinctes de l’installation, et sujettes à des dysfonctionnements d’origine technique ou humaine. Ces dysfonctionnements doivent d’ailleurs être envisagés et estimés dans l’analyse des risques, comme exposé au chapitre 3. Pour présenter autrement cette distinction, certains auteurs ont attribué à la prévention le rôle de réduction de la probabilité d’un dommage et à la protection celui de réduction de la gravité. Une règle de base de la prévention est de proportionner l’efficacité d’une mesure au niveau du risque qu’elle vise. Plus précisément, c’est l’efficacité minimum qui est invoquée, car il est normal et même recommandable de viser la plus forte efficacité disponible indépendamment du niveau de risque, quand la mesure ne pose pas de problème trop difficile. Mais une mesure efficace n’est pas forcément fiable, comme expliqué au paragraphe précédent. Pour un risque de haut niveau, il faut une grande fiabilité. Le gain de fiabilité s’obtient d’abord en travaillant sur la mesure, mais mieux encore en combinant plusieurs mesures différentes visant le même risque. C’est le principe de redondance. C’est par exemple la combinaison captage localisé et EPR, ou inertage et matériel atex, ou transfert par pompe et confinement. La redondance nécessaire se déduit d’une part du niveau de danger d’agent chimique, d’autre part de l’AMDE des mesures principales envisagées. Cela peut conduire à 217

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

plusieurs mesures redondantes. La prévention des risques d’explosion en est la meilleure illustration, puisque l’on combine couramment éloignement, captage, inertage, matériel atex et disques de rupture. Pour un travail avec une substance CMR non substituable, on peut associer confinement, EPR, télécommande et surveillance d’atmosphère. Ainsi, si l’une des mesures venait à défaillir, le dommage ne se produirait pas. Ces mesures multiples coûtent plus cher, compliquent le fonctionnement, et demandent plus de maintenance et de vérifications, c’est pourquoi il est toujours plus rentable de diminuer, autant que possible, le niveau de risque au préalable. 4.4.4 Le rôle de la réglementation

La réglementation concernant la santé et la sécurité, comme dans tous les domaines, n’est pas une fin en soi. Son rôle est de garantir un minimum de protection au cas où elle serait absente des préoccupations des personnes impliquées, à savoir les employeurs, l’encadrement, les employés et les citoyens de tous statuts. À partir du moment où des responsables décident d’appliquer une méthodologie de prévention des risques, toutes les exigences de la réglementation devraient être satisfaites. Nous allons vérifier ce point pour le risque chimique. La première réglementation à appliquer est celle du Code du travail. Elle est le reflet de la transcription de la réglementation européenne, dans la mesure où toutes les transcriptions nécessaires sont bien réalisées. Mais elle comporte aussi des singularités nationales, qui doivent être tout autant respectées. L’ensemble des textes, codifiés et non codifiés, est assez complexe et dans le cadre de ce paragraphe nous nous en tiendrons à l’essentiel. m Code du travail

Le Code du travail, qui vient d’être réorganisé et codifié1, mais à droit constant, consacre sa quatrième partie à la santé et à la sécurité au travail. Tous les articles sont répartis dans une organisation en six livres, puis en titres, en chapitres, en sections, et éventuellement en sous-sections. Voici le plan de la partie réglementaire2, limité aux titres : Livre

I

Dispositions générales

Titre

Premier article

I

Champ et dispositions d’application

II

Principes généraux de prévention

R. 4121-1

III

Droits d’alerte et de retraits

D. 4132-1

IV

Information et formation des travailleurs

R. 4141-1

V

Dispositions particulières à certaines catégories de travailleurs

R. 4152-1

1. Ordonnance n˚ 2007-329 du 12 mars 2007 relative au Code du travail, annexe I (partie législative), JO du 13 mars 2007. 2. Annexe au décret n˚ 2008-244 du 7 mars 2008 relatif au Code du travail (partie réglementaire), JO du 12 mars 2008.

218

4 • Pratique de la prévention des risques

Livre

II

III

IV

V

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VI

VII

VIII

Dispositions applicables aux lieux de travail Équipements de travail et moyens de protection

Prévention de certains risques d’exposition

Prévention des risques liés à certaines activités ou opérations

Institutions et organismes de prévention

4.4 Choix des mesures

Titre

Premier article

I

Obligations du maître d’ouvrage pour la conception des lieux de travail

R. 4211-1

II

Obligations de l’employeur pour l’utilisation des lieux de travail

R. 4221-1

I

Conception et mise sur le marché des équipements de travail et des moyens de protection

R. 4311-1

II

Utilisation des équipements de travail et des moyens de protection

R. 4321-1

I

Risques chimiques

R. 4411-1

II

Prévention des risques biologiques

R. 4421-1

III

Prévention des risques d’exposition au bruit

R. 4431-1

IV

Prévention des risques d’exposition aux vibrations mécaniques

R. 4441-1

V

Prévention des risques d’exposition aux rayonnements ionisants

R. 4451-1

VI

Prévention des risques en milieu hyperbare

néant

I

Travaux réalisés dans un établissement par une entreprise extérieure

R. 4511-1

II

Installations nucléaires de base et installations susceptibles de donner lieu à des servitudes d’utilité publique

R. 4523-1

III

Bâtiment et génie civil

R. 4532-1

IV

Autres activités et manutention

R. 4541-1

I

Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

R. 4612-1

II

Services de santé au travail

R. 4621-1

III

Service social du travail

R. 4631-1

IV

Institutions concourant à l’organisation de la prévention

R. 4641-1

I

Documents et affichages obligatoires

D. 4711-1

II

Mises en demeure et demandes de vérification

R. 4721-1

III

Mesures et procédures d’urgence

R. 4731-1

IV

Dispositions pénales

R. 4741-1

Contrôle

Dispositions relatives à l’Outre-mer

R. 4822-1

219

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

Notre attention se porte ici sur les articles qui précisent la logique de la démarche de prévention. Cela commence par les « principes généraux de prévention » exposés par l’article L. 4121-2, dont les prescriptions sont : 1) éviter les risques ; 2) évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3) combattre les risques à la source ; 4) adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5) tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6) remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7) planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L. 1152-1 ; 8) prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9) donner les instructions appropriées aux travailleurs. Ces neuf principes sont évidemment pertinents, mais il leur manque manifestement un fil conducteur. Ils précisent surtout que tous les domaines sont concernés : la technique, l’organisation, la conception, l’individu, l’environnement de travail, mais ne fournissent aucune méthodologie. L’article suivant, R. 4121-3, donne un début de méthode : « L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. À la suite de cette évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement. » On y retrouve bien les deux étapes fondamentales : évaluation, prévention, et les différentes cibles de l’action : produits, équipements et procédés. La prévention du risque chimique occupe tout le chapitre II, qui est divisé en 4 sections.

220

4 • Pratique de la prévention des risques

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Section

4.4 Choix des mesures

Contenu

Premier article

1

Dispositions applicables aux agents chimiques dangereux

R. 4412-1

2

Dispositions particulières aux agents chimiques dangereux cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction

R. 4412-59

3

Risques d’exposition à l’amiante

R. 4412-94

4

Règles particulières à certains agents chimiques dangereux

R. 4412-149

La sous-section 1 de la section1 introduit des définitions de base telles que (R. 4412-4) : « … on entend par : 1) danger, la propriété intrinsèque d’un agent chimique susceptible d’avoir un effet nuisible ; 2) risque, la probabilité que le potentiel de nuisance soit atteint dans les conditions d’utilisation et/ou d’exposition ». Ensuite, il est dit que l’évaluation des risques chimiques, pour les agents chimiques non classés CMR, demande notamment de prendre en compte (R. 4412-6) : – les propriétés dangereuses des agents chimiques ; – la nature, le degré et la durée de l’exposition ; – les conditions dans lesquelles se déroulent les activités ; – les valeurs limites d’exposition professionnelle. On retrouve bien, à quelques nuances près, les notions de danger, niveau de danger, activité, et paramètres d’exposition contenus dans notre méthodologie, mais uniquement pour le processus chronique. Les sept mesures minimales de prévention (R. 4412-11) mélangent, à notre avis, l’objectif et les moyens. En effet, seule la quatrième mesure définit l’objectif : « 4) En réduisant au minimum la durée et l’intensité de l’exposition » lequel correspond à la réduction du niveau d’exposition, défini au paragraphe 2.4.3. La règle énoncée dans l’article R. 4412-13 est étonnante : les mesures de prévention peuvent se limiter aux sept précédentes, si les « quantités » d’agent chimique dangereux ne présentent qu’un risque « faible » et si les mesures prises sont « suffisantes »… Dans le cas contraire, d’autres mesures s’imposent (R. 4412-15 à R. 4412-22), à savoir, en substance, par priorité décroissante : – Le risque présenté par un agent chimique doit être supprimé. – L’agent chimique doit être remplacé par un agent moins dangereux ou un procédé moins dangereux. – Le risque est réduit par la conception de procédés appropriés. – Utilisation d’équipements réduisant la libération d’agents chimiques. – Mesures de protection collective, dont ventilation à la source. – Utilisation de protections individuelles. 221

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

Ces formulations, notamment la première, font preuve d’une certaine imprécision. Le risque présenté par un agent chimique ne correspond qu’à la définition du danger, lequel est une propriété non modifiable. Il s’agit plutôt de la suppression de l’agent chimique qui est suggérée. L’article R. 4412-17 fait nettement allusion au processus accidentel, sans le nommer. Il demande en effet de prendre des mesures contre les dangers découlant des propriétés physico-chimiques, en évoquant : – les concentrations dangereuses de substances inflammables ; – les quantités dangereuses de substances chimiques instables ; – les risques de débordement, d’éclaboussures, de déversement, susceptibles de provoquer des brûlures thermiques ou chimiques. Les risques cités correspondent aux risques d’incendie-explosion, de réactivité et d’exposition massive cutanée. Le grand absent est l’exposition massive respiratoire, à moins qu’elle ne soit implicitement visée dans l’article précédent. Ces différentes mesures techniques sont accompagnées de mesures organisationnelles ou individuelles, énumérées dans les articles suivants de la section 1 : Sous-section

Contenu

Premier article

4

Vérification des installations et protections collectives.

R. 4412-23

5

Contrôle de l’exposition et VLEP.

R. 4412-27

6

Mesures en cas d’accident ou d’incident.

R. 4412-33

7

Information et formation des travailleurs. Notice de poste.

R. 4412-38

8

Suivi des travailleurs et surveillance médicale. Fiches d’exposition.

R. 4412-40

Les agents CMR, c’est-à-dire cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégorie 1 ou 2, font l’objet de prescriptions particulières, regroupées dans la section 2. La première de ces mesures (R. 4412-61) est l’évaluation des risques, qui ne diffère pas, dans son principe, de celle des autres agents : « … l’employeur évalue la nature, le degré et la durée de l’exposition des travailleurs afin de pouvoir apprécier les risques pour leur santé ou leur sécurité et de définir les mesures de prévention à prendre… » Toutefois, l’article R. 4412-65 rappelle que les expositions par absorption percutanée ou transcutanée sont aussi prises en compte. Les mesures de prévention visant les agents chimiques classés CMR sont peu différentes des six précédemment citées. Elles prescrivent, par priorité décroissante (R. 4412-66 à R. 4412-75) : – la substitution de l’agent chimique dangereux ; – en cas d’impossibilité technique, son utilisation en système clos ; – en cas d’impossibilité technique, une réduction de l’exposition. 222

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

La réduction de l’exposition, qui est le dernier recours, fait l’objet d’un développement dans l’article R. 4412-70. Voici en résumé les treize mesures indiquées dans cet article : – limitation des quantités d’agents ; – limitation du nombre de travailleurs exposés ; – réduction du dégagement d’agents ; – évacuation des agents par humidification ou captage, dans le respect des VLEP ; – détection précoce en cas d’accident ; – procédures et méthodes appropriées ; – protections collectives et individuelles ; – hygiène des locaux ; – information des travailleurs ; – signalisation des dangers ; – dispositifs d’urgence pour les accidents ; – stockages hermétiques ; – évacuation sûre des déchets. Il est précisé que l’employeur prend aussi des mesures pour les autres risques éventuels et les activités d’entretien et de maintenance. Ces mesures sont complétées par d’autres mesures de nature organisationnelle, déjà mentionnées, mais en les renforçant : le contrôle des VLEP, les mesures à prendre en cas d’accident, la formation et l’information des travailleurs. Le Code du travail réserve une section entière au risque d’exposition à l’amiante, qui entre dans la catégorie des CMR, mais fait l’objet de prescriptions particulières (R. 4412-94 à 4412-124). La dernière section est en fait consacrée aux valeurs limites d’exposition, qu’elles soient contraignantes (R. 4412-149), indicatives (R. 4412-150), sachant que ces dernières ne figurent que dans un arrêté, biologiques (R. 4412-152) ou spécifiques à certains agents : silice, plomb, benzène, chrome (R. 4412-154 à R. 4412-164). Il faut toutefois signaler que certaines VLEP sont indiquées dans d’autres parties du code : les poussières à l’article R. 4222-10 et l’amiante à l’article R. 4412-104. À première vue, tout ce qui concerne le risque chimique est regroupé dans le livre IV, titre I. En réalité, il existe des articles tout aussi pertinents à d’autres endroits : Livre II, titre II, chapitre II : Aération, assainissement : Ce chapitre comporte 7 sections, de rédaction ancienne et néanmoins très importantes pour la prévention : Section

Titre

Premier article

1

Principes et définitions

R. 4222-1

2

Locaux à pollution non spécifiques

R. 4222-4

3

Locaux à pollution spécifiques

R. 4222-10

4

Pollution par les eaux usées

R. 4222-18

223

4 • Pratique de la prévention des risques

Section

4.4 Choix des mesures

Titre

Premier article

5

Contrôle et maintenance des installations

R. 4222-20

6

Travaux en espace confiné

R. 4222-23

7

Protection individuelle

R. 4222-25

Ce chapitre est remarquable de concision et définit déjà des règles de prévention concernant les émissions d’agents chimiques. En effet, l’article R. 4222-12 précise en substance que : – Les émissions de gaz, vapeurs, aérosols et poussières sont supprimées. – À défaut, elles sont captées à la source. Les valeurs limites d’exposition professionnelle sont instaurées, les conditions de recyclage de l’air sont fixées, ainsi que celles du port des protections individuelles. Livre II, titre II, chapitre VII : Risques d’incendies et d’explosions et évacuation : Le risque chimique est implicitement visé, notamment par les sections suivantes Section

Titre

Premier article

4

Emploi et stockage de matières explosives et inflammables

R. 4227-21

5

Moyens de prévention et de lutte contre les incendies

R. 4227-28

6

Prévention des explosions

R. 4227-42

La partie traitant de la prévention des explosions est à signaler pour sa construction logique, d’ailleurs très proche de notre méthodologie générale. En effet, elle indique que l’employeur doit évaluer les risques d’explosion en fonction de la probabilité de formation d’atmosphère explosive, de celle des sources d’ignition, de la nature des substances et des installations et de la gravité de l’explosion. Cette évaluation permet de définir des zones dangereuses, en fonction de la probabilité de présence de l’atmosphère explosible. Les principes de prévention mentionnés dans les articles R. 4227-44 et R. 4227-45 prescrivent, dans l’ordre, de : – empêcher la formation d’atmosphère explosible ; – éviter l’inflammation ; – atténuer les effets de l’explosion ; – prévenir la propagation des explosions. Nous retrouvons bien l’estimation d’un risque accidentel basée sur la probabilité et la gravité, la définition de zone dangereuse et les actions sur la situation dangereuse, l’événement dangereux et le dommage. Livre III, titre I, chapitre II : Règles techniques de conception : Dans ce livre, qui traite des équipements de travail et de protection, deux parties concernent directement le risque chimique : 224

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

– La sous-section 1 de la section 1 contient un paragraphe (2) qui traite des « cabines de projection par pulvérisation, cabines et enceintes de séchage de peintures liquides, de vernis, de poudres ou de fibres sèches et cabines mixtes » (R. 4312-3 à R. 4312-18). – La sous-section 1 de la section 2 traite des équipements de protection individuelle neufs ou considérés comme neufs. L’article R 4312-23 impose des règles techniques qui sont détaillées dans l’annexe II du chapitre. Le paragraphe 3.10 de cette annexe traite de la « protection contre les substances ou préparations dangereuses et agents infectieux » et se divise en : • protection respiratoire ; • protection contre les contacts cutanés ou oculaires. m Réglementation européenne

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La directive 98/24/CE, qui précise la démarche d’évaluation et de prévention des risques liés à l’utilisation d’agents chimiques, n’a pas été remise en cause par le règlement REACH. Il est intéressant de rappeler les principes généraux de prévention qui figurent dans cette directive, notamment dans l’extrait suivant1 : « Mesures de protection et de prévention spécifiques 1. L’employeur veille à ce que les risques que présente un agent chimique dangereux pour la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail soient supprimés ou réduits au minimum. 2. Pour l’application du paragraphe 1, l’employeur aura de préférence recours à la substitution, c’est-à-dire qu’il évitera d’utiliser un agent chimique dangereux en le remplaçant par un agent ou procédé chimique qui, dans les conditions où il est utilisé, n’est pas dangereux ou est moins dangereux pour la sécurité et la santé des travailleurs, selon le cas. Lorsque la nature de l’activité ne permet pas de supprimer les risques par substitution, eu égard à l’activité et à l’évaluation des risques visée à l’article 4, l’employeur fait en sorte que les risques soient réduits au minimum en appliquant des mesures de protection et de prévention en rapport avec l’évaluation des risques effectuée en application de l’article 4. Ces mesures consisteront, par ordre de priorité : a) à concevoir des procédés de travail et des contrôles techniques appropriés et à utiliser des équipements et des matériels adéquats de manière à éviter ou à réduire le plus possible la libération d’agents chimiques dangereux pouvant présenter des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail ; b) à appliquer des mesures de protection collective à la source du risque, telles qu’une bonne ventilation et des mesures organisationnelles appropriées ; c) si l’exposition ne peut être empêchée par d’autres moyens, à appliquer des mesures de protection individuelle, y compris un équipement de protection individuel. » Cette formulation fournit un début de méthodologie plus précise que celle qui figure dans le règlement REACH et plus cohérente que celle du Code du travail évoquée ci-dessus. Elle est en outre totalement compatible avec celle que nous préconisons. 1. Extrait de l’article 6 de la directive 98/24/CE du 7 avril 1998, JO L 131 du 5 mai 1998.

225

4 • Pratique de la prévention des risques

4.4 Choix des mesures

m Méthodologie et réglementation

L’examen des textes codifiés, en particulier pour le risque chimique, montre que le suivi de la méthodologie proposée dans cet ouvrage couvre largement les exigences du Code du travail. Elle permet même d’aller plus loin sur des points importants : – L’action sur le danger, correspondant à la substitution des agents dangereux, est pour nous un passage obligé, quel que soit le niveau de danger, dans la limite de la faisabilité technique. Elle n’est donc pas réservée aux CMR. – Le recours au confinement, autrement nommé système clos, est tout aussi systématique dans notre méthode. – Le risque accidentel, qui n’est évoqué que fortuitement dans le code (en dehors de la sous-section des explosions, qui est exemplaire), mérite à notre avis une méthodologie développée et globale. En outre, on peut regretter la séparation des textes sur l’incendie et l’explosion d’une part et sur les expositions accidentelles d’autre part. – L’évaluation des risques, dont le code donne seulement quelques pistes pour sa mise en pratique, fait l’objet dans notre ouvrage d’une approche rationnelle et quantifiée autant que possible. – Le niveau minimum de prévention exigible n’est pas lié, selon nous, à des catégories d’agents tels que CMR, amiante, plomb, etc., mais uniquement au niveau de danger issu de la classification. Ce principe nous paraît plus puissant, car il permet de bien traiter des risques liés à des catégories très dangereuses mais peu ou pas citées dans la partie prévention du code, comme les agents classés très toxiques, les agents très réactifs, les agents générés par l’activité, les déchets et tous ceux que l’on découvrira, notamment grâce à REACH. – Il est important, notamment pour la bonne compréhension des mesures de prévention par les personnes concernées, d’utiliser les termes de danger et risque dans le respect de leur définition normalisée, ce qui n’est pas toujours le cas dans le Code du travail. En conclusion, si l’application de la méthodologie couvre et dépasse les exigences de résultat du Code du travail, il reste des mesures typiquement réglementaires qu’il faut appliquer en plus. Par exemple, des mesures s’imposent quelle que soit la protection mise en place, comme la surveillance médicale renforcée, la fiche d’exposition, l’information du CHSCT, l’interdiction de certaines catégories de travailleurs, etc. 4.4.5 Enregistrement des données

L’analyse des risques aboutit à un inventaire complet des risques, qui sont identifiés d’une part par leur localisation dans l’espace et dans la chronologie (voir paragraphe 3.1.4), d’autre part par leur type (voir paragraphe 3.2.5). Un risque élémentaire peut être repéré par un code ayant une signification, comme : – « P2-5-C-In », pour risque chronique d’inhalation à l’action n˚ 5 du 2e procédé de peinture ; – « S2-3-A-IE2 », pour risque d’incendie-explosion, 2e scénario, à la phase 3 du procédé de séchage n˚ 2. 226

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

Toutes les caractéristiques de ces risques peuvent être retrouvées dans la base de données adéquate. Mais tout autre repérage, même sans signification codée, peut convenir dans la mesure où il est possible d’accéder à toutes les données s’y rapportant. Tout risque possède en outre une classe de priorité (voir paragraphe 3.4) permettant l’exécution du plan de prévention. Les risques sont ensuite repris un par un au cours de l’étape de recherche et de choix des mesures de prévention. Après incorporation des éventuelles mesures réglementaires et des arbitrages stratégiques, la liste définitive des mesures retenues doit être enregistrée. Il suffit d’ajouter à la liste des risques dûment identifiés les informations suivantes : – L’objectif de prévention, à choisir dans la liste suivante : agent chimique, exposition, situation dangereuse, événement dangereux, dommage. Il est utile de le rappeler, pour montrer le niveau d’action, qui pourrait être révisé avec le temps. – La ou les mesures numérotées, en résumé. Il faut s’efforcer d’en noter au moins une par objectif. Elles peuvent se compléter ou n’être que des options, à lever après études complémentaires. – Le délai prévu de mise en place, important quand plusieurs mesures doivent se succéder. Cette liste est une base de réflexion pour ceux qui feront les choix définitifs. Il sera utile de la conserver après que les choix auront été faits et enregistrés. Cet enregistrement clôture l’application complète de la méthodologie. Bien entendu, l’action ne s’arrête pas là mais entre dans le fonctionnement normal de toute structure qui a pris une décision.

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4.5 Application de la méthodologie aux autres risques La modélisation du risque chimique sur laquelle repose notre méthodologie d’analyse et de prévention est suffisamment générale pour pouvoir s’appliquer à tous les types de risques. Ce n’est pas par hasard, puisqu’elle a été élaborée par un groupe de travail qui visait un modèle universel fondant une nouvelle méthodologie de prévention. Celle-ci a été finalisée en 2004 et est contenue dans un document publié par la CRAMIF : Guide pour l’évaluation des risques professionnels et le plan d’action de prévention – Une aide pour le document unique et le plan d’action1. Ce document est très général et demande une formation adaptée pour bien en exploiter les principes. Nous montrons simplement ici comment décliner cette méthodologie dans les grandes familles de risques. Il faut d’abord reprendre les définitions de base, afin qu’elles conviennent à tous les types de risques, exceptés ceux de l’environnement, qui font l’objet du paragraphe 5.4.

1. Ce document, élaboré par le service Études du département Risques professionnels de la CRAMIF, est disponible sur le site www.cramif.fr, sous la référence DTE 167.

227

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

Expression

Définition

Risque

Combinaison de la probabilité d’un dommage et de sa gravité

Processus chronique

Dommage par exposition, de façon habituelle et modérée

Processus accidentel

Dommage survenant de façon soudaine et inattendue

Phénomène dangereux

Source potentielle d’un dommage

Exposition

Contact entre un phénomène dangereux et une personne

Situation dangereuse

Localisation d’une personne dans une zone dangereuse

Zone dangereuse

Espace dans lequel une personne peut subir un dommage

Événement dangereux

Enchaînement de faits qui conduit au dommage

Dommage

Dégradation de la santé et/ou de l’intégrité physique d’une personne

Nous voyons que le danger est devenu phénomène dangereux pour rendre compte de tous les types de risques, conformément aux définitions de la norme ISO 12100. 4.5.1 Risque physique

C’est le risque le plus proche du risque chimique, car les processus chronique et accidentel sont aussi présents. Les phénomènes dangereux, très variés, appartiennent au domaine de la physique. En voici un descriptif :

Phénomène

Principe

Effet chronique

Vibration de l’air touchant l’appareil auditif

Diminution des capacités auditives Surdité

Traumatisme sonore aigu

Vibrations

Accélérations alternatives à haute fréquence

Crises de blanchiment douloureux des phalanges en cas d’exposition au froid et/ou à l’humidité Moindre sensation du toucher, du chaud et du froid Douleurs dans les bras et les mains Gêne fonctionnelle des articulations (coude, poignet, main)

Pas d’effets décrits

Électricité

Courant traversant le corps par différence de potentiel

Non décrits

Électrisation, électrocution

Bruit

228

Effet accidentel

4 • Pratique de la prévention des risques

Phénomène

Rayonnements

Conditions climatiques

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Pression

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

Principe

Effet chronique

Effet accidentel

Infrarouges

Brûlures superficielles

Brûlures graves

Lasers

Non décrits

Brûlures graves Perte de la vue

Ultraviolets

Brûlures superficielles Cancers

Brûlures graves

Électromagnétiques

Échauffement des tissus

Non décrits

Ionisants

Brûlures superficielles Stérilité masculine Cancers

Brûlures graves Décès

Chaleur

Inconfort Épuisement

Coup de chaleur

Froid

Inconfort Engourdissement

Hypothermie aiguë

Humidité

Inconfort

Vent

Inconfort Difficultés d’équilibre

Chute

Compression des organes et des gaz

Nécrose osseuse de l’épaule, de la hanche ou du genou Syndrome vertigineux Otite moyenne subaiguë ou chronique Hypoacousie par lésion cochléaire irréversible

Intoxication aux gaz neutres Accident de décompression

Le niveau de danger des phénomènes physiques est facile à quantifier, puisqu’ils disposent d’unités de mesure et des instruments adéquats pour les mesurer directement. Des valeurs limites sont aussi disponibles pour les plus dangereux : Phénomène

Unité de mesure

Valeurs limites

Bruit

Décibel (dB)

85 dB

Vibrations

Accélération (m/s2)

1,15 m/s2 (corps) 5 m/s2 (bras)

Électricité

Volts (V)

Milieu sec U < 50 V Milieu humide U < 25 V Milieu mouillé U < 12 V

229

4 • Pratique de la prévention des risques

Phénomène

Rayonnements

Conditions climatiques

Pression

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

Unité de mesure

Valeurs limites

Infrarouges

néant

néant

Lasers

Watts (W)

7 classes de puissance

Ultraviolets

néant

néant

Électromagnétiques

Densité de courant (mA/m2) (basses fréquences) Densité de puissance : Watts/kg (hautes fréquences)

Dépend des fréquences.

Ionisants

Dose équivalente et efficace : Sievert (Sv)

Public : 1 mSv/an Professionnel : 6 ou 20 mSv/an, selon catégorie

Chaleur

Température (˚C)

néant

Froid

Température (˚C)

néant

Humidité

Pourcentage (%)

néant

Vent

Vitesse (m/s)

néant

Bar ou Pascal (Pa) (1 bar = 1 000 hPa)

néant

Il est alors facile de procéder à l’identification puis à l’estimation des risques selon les règles utilisées pour le risque chimique. La recherche des mesures de prévention et de protection suit aussi le même schéma. En voici quelques exemples : – Travailler sur une machine émettant un bruit de 92 dB pendant 4 heures par jour est une exposition chronique de haut niveau, que l’on peut éviter soit en changeant de machine, soit en confinant celle-ci dans une enceinte insonorisante, soit en portant une protection auditive, du moins dans l’attente. – Conduire un chariot élévateur sur un sol détérioré pendant 2 heures par jour est une exposition chronique aux vibrations de niveau moyen, que l’on peut éviter soit en robotisant les transferts concernés, soit en rendant le sol parfaitement lisse, soit en améliorant la suspension du siège. – Travailler sur des fils conducteurs électriques nus sous tension (BT) est une situation dangereuse, dont l’événement dangereux serait un contact avec la main par inadvertance. L’accident peut être évité soit en supprimant la tension électrique, soit en plaçant un protecteur isolant, soit par une formation spécialisée, soit en utilisant des gants isolants. – Travailler sur un laser de classe 4 est une situation dangereuse que l’on peut éviter soit par le confinement dans une enceinte de protection, avec télécommande, soit par capotage du laser, soit par port de lunettes spéciales. 230

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

– Travailler dans un local frigorifique, à – 25 ˚C pendant 6 heures par jour, est une exposition chronique de haut niveau, que l’on peut éviter soit en robotisant les tâches, soit en réduisant les temps d’exposition par un aménagement des accès aux cellules, soit en portant des vêtements adaptés. Nous voyons que l’adoption d’une méthodologie apporte un plus grand choix de solutions possibles. 4.5.2 Risque mécanique

Le risque mécanique ne doit pas être confondu avec le risque « machine », qui comporte presque tous les autres risques. Sa particularité est d’être essentiellement accidentel, en conduisant à des dommages du type blessures et contusions. Phénomène dangereux

Effet chronique

Effet accidentel Écrasement

Rapprochement Cisaillement Rotation

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Déplacement

Happement, enroulement Frottement ou abrasion

Entraînement ou emprisonnement

Mouvement rapide

Choc solide ou liquide (par jet haute pression)

Bord tranchant

Coupure ou sectionnement

Forme acérée

Perforation ou piqûre

Dénivellation

Chute de hauteur

Il faut remarquer que tous les phénomènes dangereux inventoriés dans ce risque ont l’énergie mécanique pour origine. Elle peut être cinétique ou potentielle, comme dans le cas d’un ressort comprimé. La chute de hauteur occupe une place à part, puisque l’énergie potentielle qui la conditionne est la gravité (ou « pesanteur »). Ce risque, qui fait l’objet d’une attention particulière dans les activités de la construction d’ouvrages, est en réalité présent dans tous les domaines, professionnels ou de la vie courante. La prévention du risque mécanique se focalise sur la suppression du phénomène dangereux, de la situation dangereuse et des événements dangereux. Elle a été largement étudiée et fait l’objet d’une réglementation abondante. Le risque de circulation en véhicule motorisé rentre dans la catégorie des risques mécaniques dus à un déplacement rapide. Il est pourtant suffisamment atypique pour qu’il constitue un domaine d’étude spécialisé. C’est d’ailleurs le risque le plus meurtrier, tous types confondus. Cela est dû à deux particularités : le nombre de 231

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

personnes exposées, et le fait qu’il s’agisse d’une situation du domaine privé. Nous n’en parlerons que pour mettre en évidence les composantes habituelles du risque : – Le phénomène dangereux est le déplacement rapide d’une machine contenant des personnes par rapport à des obstacles fixes ou mobiles (incluant les autres véhicules). – L’exposition chronique concerne le bruit, la posture, les vibrations, avec un niveau de plus en plus faible grâce aux progrès techniques. – La situation dangereuse est permanente, dès lors qu’une personne est à l’intérieur d’un véhicule en déplacement. – Les événements dangereux possibles sont innombrables et constituent tout ce qui a été inventorié comme causes d’accidents « de la route ». Les études officielles les classent généralement par origine : le comportement, le véhicule, l’infrastructure et l’environnement. – Le dommage est constitué des conséquences matérielles et corporelles. Il comporte des paramètres aggravants, comme des caractéristiques du véhicule et de l’environnement, la vitesse et l’état de santé des personnes transportées. 4.5.3 Risque ergonomique

Ce risque est moins classique et plus difficile à définir, puisque l’ergonomie est plutôt présentée comme une solution, principalement dans le domaine des gestes et des postures, mais il est de plus en plus élargi à toutes les conditions de travail. C’est pourquoi il nous est paru indispensable de repartir du phénomène dangereux pour le définir. Pour ce dernier, nous proposons de le limiter au domaine du mouvement, de l’effort et de la posture. En voici un inventaire, non limitatif : Phénomène dangereux

Effet chronique

Effet accidentel

Geste répétitif

Troubles musculo-squelettiques (TMS)

Effort important

Fatigue physique Troubles musculo-squelettiques (TMS)

Lombalgie aiguë Traumatisme musculaire ou articulaire Choc contre un objet

Amplitude articulaire

Troubles musculo-squelettiques (TMS)

Traumatisme musculaire ou articulaire

Déplacements

Fatigue physique

Chute

Obstacles

Fatigue physique

Choc contre un objet Chute

Pour ce risque, l’accent est traditionnellement mis sur l’aspect chronique, et en particulier les TMS, dont le nombre de déclarations en maladie professionnelle ne cesse d’augmenter. Les TMS ont d’autres facteurs de risque, notamment des nuisances physiques et des aspects psychosociaux (stress). La suppression des phénomènes dangereux, que l’on appelle facteurs de risque par ailleurs, fait largement appel à la 232

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

mécanisation des tâches, mais aussi à l’organisation du travail et à l’intégration de l’ergonomie dans la conception des postes de travail. 4.5.4 Risque biologique

Le phénomène dangereux du risque biologique se résume aux agents biologiques pathogènes, qui sont les équivalents des agents chimiques dangereux dans le domaine de la biologie. Ils représentent une menace d’autant plus pernicieuse qu’ils sont souvent invisibles, et qu’ils agissent à des doses infimes. Le risque de contamination est de nature principalement accidentel, sous forme de maladie infectieuse, éventuellement mortelle. Ces agents sont très nombreux et de nouveaux apparaissent régulièrement. En voici un classement par nature : Agent

Caractéristique

Effet chronique

Effet accidentel

Bactéries

Micro-organismes monocellulaires de 1 à 10 microns.

Champignons

Micro-organismes de 1 à 100 microns : levures et moisissures. Se dispersent par leurs spores.

Virus

Entité parasite de 0,1 micron.

Endoparasites

Protozoaires et helminthes (vers).

Maladies parasitaires

Prions et agents transmissibles non conventionnels

Particules protéiques de 0,01 micron.

Maladies dégénératives du système nerveux central

Maladies infectieuses Immuno-allergies Intoxications toxiniques Insuffisance respiratoire

Maladies infectieuses

La distinction des effets chroniques et accidentels paraît ici assez artificielle, mais elle s’applique en fait au mode de contamination. Le niveau de danger est déterminé par le classement selon les groupes réglementaires suivants :

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Groupe

Agents biologiques

1

Non susceptibles de provoquer une maladie chez l’homme.

2

Peuvent provoquer une maladie chez l’homme et constituer un danger pour les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est peu probable ; il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficaces.

3

Peuvent provoquer une maladie grave chez l’homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs ; leur propagation dans la collectivité est possible, mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace.

4

Provoquent des maladies graves chez l’homme et constituent un danger sérieux pour les travailleurs ; le risque de propagation dans la collectivité est élevé ; il n’existe généralement ni prophylaxie ni traitement efficace.

233

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

La prévention se décline différemment si la présence de l’agent biologique est fortuite, comme dans les industries agro-alimentaires, ou voulue, comme dans la recherche et l’analyse en biologie. Dans le premier cas, on s’attache d’abord à détruire les réservoirs d’agents. Il faut ensuite, dans les deux cas, bloquer tous les modes de transmission possibles, par séparation, confinement et protection. La vaccination et les soins précoces ne sont que des mesures redondantes. 4.5.5 Risque psychosocial

Ce domaine n’est pas encore entré officiellement dans le champ des risques professionnels. Compte tenu de l’importance que prennent les problèmes de stress, en particulier, dans les débats sur les conditions de travail modernes1, il nous est apparu intéressant de proposer cette adaptation du schéma général au risque psychosocial : Phénomène dangereux

Effet chronique

Effet accidentel

Sollicitations de l’attention

Fatigue nerveuse

Perte de contrôle dans l’action

Surcharge de missions

Fatigue nerveuse Troubles du sommeil Irritabilité Stress Addictions

Dépression Troubles organiques

Pression relationnelle

Fatigue nerveuse Troubles du sommeil Stress Perte de motivation Irritabilité Addictions

Perte de contrôle dans l’action Troubles organiques Dépression Actes de violence

Carence relationnelle

Perte de motivation Addictions

Troubles organiques Dépression

Facteurs d’inquiétude

Troubles du sommeil Perte de motivation Addictions

Troubles organiques

Le sujet de cet ouvrage ne se prête pas à un développement de la méthodologie appliquée à ce domaine, mais il est clair que l’on peut établir une échelle de niveaux de danger pour les phénomènes dangereux. Ainsi, la pression relationnelle peut croître depuis l’attitude directive jusqu’à la violence physique en passant par le harcèlement. L’origine des phénomènes dangereux peut être un individu, un groupe 1. Lire à ce sujet l’excellent rapport sur « La détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail » de Philippe Nasse et Patrick Légeron, remis en mars 2008 à Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité.

234

4 • Pratique de la prévention des risques

4.5 Application de la méthodologie aux autres risques

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ou un milieu. L’événement dangereux est constitué ici d’un fait, d’un acte, d’une décision, vécus comme une agression. Quant à la prévention, la suppression du phénomène dangereux est transposable par exemple par des mesures d’éloignement ou de changement d’organisation, la réduction de l’exposition par une meilleure maîtrise des objectifs et des moyens, la protection contre les événements dangereux par des médiations, de la formation relationnelle, etc.

235

5 • APPLICATIONS PARTICULIÈRES

Le modèle et la méthodologie décrits dans cet ouvrage permettent de couvrir toutes les situations dans lesquelles un risque chimique est présent. Mais une adaptation des concepts généraux et des mesures de prévention est indispensable à chaque domaine particulier. Quels sont ces domaines ? L’expérience du conseil en prévention des risques montre que les quatre domaines suivants sont ceux qui soulèvent le plus d’interrogations.

5.1 Stockage

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5.1.1 Risques

Le stockage des agents chimiques présente des risques spécifiques du fait de leur accumulation en un lieu donné, lieu qui n’est pas toujours identifié comme un poste de travail. L’étude des dommages survenus dans des installations de stockage plus ou moins organisées montre que le risque chronique n’est présent que par dysfonctionnement. En effet, le fonctionnement normal suppose que tous les emballages sont clos et étanches. Dans ces conditions, idéales, il n’y aucun accès possible à un agent chimique dans l’environnement de travail. Dans la pratique, on observe des expositions tant respiratoires que cutanées liées à la présence d’agents chimiques hors de leur emballage. Ces dysfonctionnements doivent être la cible des mesures de prévention, c’est pourquoi il importe de les analyser au préalable. Pour cela, il faut distinguer les deux grands types de stockages que l’on rencontre partout où sont utilisés les produits chimiques. Le type de stockage le plus répandu est celui des emballages unitaires, c’est-à-dire une quantité finie de produit contenue dans une enveloppe fermée et apte à être transportée. Les formes d’emballages unitaires sont innombrables et dépendent de la forme physique du produit : liquide, solide ou gazeux. Les contenances peuvent varier de quelques grammes dans un flacon à plus d’une tonne dans un conteneur mobile. Les dysfonctionnements observés avec ce type d’emballage sont liés en partie à leur résistance, à leur étanchéité et au système d’ouverture-fermeture. Voici un descriptif des plus courants : m Emballages livrés souillés

Il n’est pas rare que des emballages soient déjà souillés à la livraison. Ce sont les restes de l’opération de remplissage, mais aussi l’effet des sollicitations du transport. 237

5 • Applications particulières

5.1 Stockage

Ces traces sont principalement observées sur les sacs de pulvérulents de qualité ordinaire, généralement en papier. Ce type d’emballage, obtenu par collage, n’est jamais parfaitement étanche. m Petites fuites

En dehors des fuites accidentelles, de petites pollutions de l’entourage de l’ouverture d’un emballage sont presque inévitables dès que l’on vide ou remplit tout ou partie de cet emballage. Si l’emballage d’un produit volatil est replacé au stockage sans élimination de ces traces extérieures de produit, une petite vaporisation va se produire. Elle est certes très faible, mais sa répétition, sur plusieurs produits, fait que la concentration ambiante en vapeurs diverses peut devenir critique. Ce phénomène est d’ailleurs perceptible par l’odeur diffuse de produits chimiques qui règne habituellement au stockage. D’autre part, de petites perforations ou déchirures sur des sacs laissent échapper des petites quantités de poudre, capables de contaminer un grand nombre d’emballages environnants. Cela est aussi vrai pour les conteneurs souples. En revanche, les emballages rigides pour pulvérulents, tels que les fûts et conteneurs, en carton, plastique ou métal, peuvent être plus facilement maintenus propres. m Contenants de produits volatils restant ouverts

Il arrive que pour des besoins liés à la production – stockage momentané, prélèvements fréquents, nécessité d’observer le produit, etc. – l’emballage d’un produit plus ou moins volatil soit laissé ouvert. Il s’ensuit une volatilisation lente mais continue. Cette pratique peut être le résultat d’une négligence, ou de la perte du bouchon ou du couvercle. m Transvasements

Les transvasements pour remplir de plus petits emballages ou des récipients destinés aux transports internes (bidons, seaux…) sont d’une pratique courante dans les locaux de stockage, pratique pourtant étrangère à la fonction normale d’un local de stockage. En effet, tout transvasement, même s’il se produit sans incident, est une source d’émission de vapeurs ou de poussières, avec une intensité qui va dépendre en premier lieu de la volatilité du produit, mais aussi des conditions opératoires, telles que l’ouverture des récipients, la hauteur de chute, etc. Le stockage en vrac est utilisé pour des quantités importantes, généralement de plus d’une tonne. Le principe du vrac consiste à utiliser un contenant fixe, le contenu étant transféré par des tuyaux en fonction des besoins. Le remplissage du contenant fixe est fait soit à partir d’une citerne mobile, c’est ce qu’on appelle une opération de déchargement, soit à partir d’un autre équipement fixe. Le chargement inverse, c’est-à-dire le remplissage d’une citerne mobile à partir d’un contenant fixe est appelé chargement. Les dysfonctionnements observés sont en partie similaires à ceux des emballages unitaires : souillures consécutives à de petites fuites et à des cuves restant ouvertes. Il faut en ajouter deux, plus spécifiques de ce type de stockage. 238

5 • Applications particulières

5.1 Stockage

m Respiration de cuves

Les variations du niveau de liquide au chargement et lors de l’utilisation du contenu génèrent un pompage de l’air dans la cuve. Cet air, chargé de vapeurs si le produit est volatil, passe normalement par un conduit, appelé évent, assurant ainsi la « respiration » de la cuve. Cette respiration expulse donc vers l’extérieur les vapeurs émises par la surface du produit stocké et peut créer une pollution critique dans l’environnement de l’évent, surtout si ce dernier débouche à l’intérieur d’un bâtiment, quand la cuve de stockage est elle-même placée à l’intérieur.

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m Opérations de dépotage

Il est assez fréquent de transférer le contenu d’une cuve de stockage, essentiellement de liquide, vers des emballages unitaires. Lorsque cette opération n’est pas réalisée avec un équipement spécialement conçu pour cela, elle se fait de façon manuelle, avec du liquide passant à l’air libre. Il est facile d’identifier les différents risques d’exposition et d’accident que cela peut créer. Ces deux modes de stockage peuvent se trouver à l’intérieur ou à l’extérieur d’un bâtiment, en fonction de divers paramètres tels que l’espace disponible, le volume à stocker, la nature des produits, la nature des emballages, etc. Bien souvent, l’installation est mixte, c’est-à-dire répartie entre l’intérieur et l’extérieur, ou intermédiaire, c’est-à-dire simplement protégée par une toiture ou un bâtiment largement ouvert. Il est donc important dans l’estimation des risques de tenir compte du degré de confinement du stockage, quel que soit son type. Dans la description des risques liés au stockage en emballages unitaires, il est supposé être organisé, c’est-à-dire situé dans un espace dédié et plus ou moins aménagé en conséquence. Dans la pratique, une partie des emballages, quand ce n’est pas la totalité, se trouve répartie dans les espaces de travail, souvent à proximité immédiate du lieu d’utilisation. Outre le fait que cette pratique consomme de la surface de travail, elle peut créer des situations dangereuses, selon la nature des produits contenus, qu’il serait facile de supprimer dans un local de stockage. Si les produits en question sont classés très toxiques, c’est un risque accidentel grave que génère ce type de dysfonctionnement. Si les risques chroniques sont liés à des dysfonctionnements, la plupart des risques présents dans un stockage sont de nature accidentelle, liés à des événements dangereux tels que : – incendie survenant à proximité du stockage ; – incendie survenant dans le stockage ; – émanations massives ou projections. Le risque d’incendie interne au stockage est évidemment lié à la présence de produits inflammables. Il ne faut cependant pas négliger ce risque quand il n’y a pas de produits inflammables stockés, car un incendie est toujours possible avec des matières combustibles. Seule l’estimation du risque sera différente. On néglige encore plus souvent le risque d’incendie importé, c’est-à-dire se déclarant en dehors du stockage et le rejoignant dans sa progression. Si le feu réussit à se propager à l’intérieur, il se produira des effets beaucoup plus graves qu’en l’absence de produits chimiques et il sera très difficile de le combattre. En effet, les emballages peuvent 239

5 • Applications particulières

5.1 Stockage

être détruits, ainsi que les structures qui les supportent. C’est pourquoi un tel stockage demande des mesures renforcées et redondantes. Les émanations et les projections ont parmi leurs causes les plus fréquentes : – bris d’emballages à la suite de chutes, de dégradations ou de mauvaises conditions de stockage ; – incidents de dépotage pour le stockage en vrac ; – réactions dangereuses consécutives à des fuites simultanées ou successives d’agents chimiques incompatibles, ou même d’erreurs de livraison. Chacun de ces événements est lui-même le résultat de dysfonctionnements dont l’origine tient souvent à l’organisation et la gestion du stockage, à la conception du local, des équipements, et aux procédures d’utilisation des agents chimiques. 5.1.2 Prévention

Si l’on s’aperçoit qu’un stockage existant présente des risques, il est toujours possible de prendre quelques mesures conservatrices, mais seulement en attendant une refonte bien préparée. La sécurité d’un stockage tient beaucoup à son organisation, plus qu’à des équipements ou des consignes. Il faut commencer, comme pour tout problème d’organisation, par une analyse des besoins. Celle-ci consiste à répondre aux questions suivantes : – Quels produits doit-on stocker ? – Quelles sont les quantités maximales à stocker ? – Quels sont les emballages les mieux adaptés ? – Quelles sont les fréquences d’utilisation ? – Quels sont les points d’utilisation ? – Quels sont les dangers particuliers des produits à stocker ? – Quel budget d’investissement et de fonctionnement peut être dégagé ? En fonction des réponses apportées, un certain espace disponible sera dédié au stockage, comportant au minimum un local central, mais aussi, suivant les besoins, des locaux secondaires. Ceux-ci sont utiles soit pour des raisons techniques, parce qu’il faut des équipements spéciaux, soit pour des raisons logistiques, parce qu’il est nécessaire qu’ils soient proches des utilisateurs, par exemple. Toutes les recommandations qui suivent s’appliquent indifféremment aux locaux centraux ou secondaires. m Établir des familles d’agents chimiques compatibles

Produits incompatibles : La première règle pour organiser un stockage consiste à ne laisser ensemble que les produits qui ne présentent pas de potentiel de réactions dangereuses entre eux. On peut s’appuyer sur les symboles de danger, mais les familles de compatibilité ne leur correspondent pas toujours exactement. Des regroupements sont possibles entre des classes de dangers différentes et, inversement, des exclusions peuvent être nécessaires à l’intérieur d’une même classe de danger. Ces décisions ne peuvent être prises qu’avec un minimum de connaissances chimiques et après consultation de toutes les données disponibles dans ce domaine : phrases de risque de l’étiquetage, 240

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5.1 Stockage

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fiches de données de sécurité, fiches toxicologiques de l’INRS, documents techniques du fournisseur, etc. Pour donner malgré tout quelques repères, disons que les incompatibilités existent principalement entre les acides et les bases d’une part et entre les oxydants et les réducteurs d’autre part, ce qui fait quatre combinaisons de propriétés. La difficulté de classement vient du fait que ces propriétés sont plus ou moins marquées. Le paragraphe 2.5.2 donne des indications plus précises à cet effet. Les séparations seront aussi fonction, d’une part, de la quantité stockée et, d’autre part, de la concentration des produits. Une petite quantité d’un produit ne nécessitera pas forcément de créer un emplacement séparé si les autres classes représentent de grandes quantités. De même, des acides et des bases dilués pourront être juxtaposés, s’il n’y a pas d’autres risques par ailleurs. Produits à danger particulier : La deuxième règle est d’isoler les produits demandant des mesures particulières, afin de ne pas être obligé d’appliquer les mesures les plus sévères à l’ensemble du stockage. Rentrent dans cette catégorie : – les produits inflammables, qui exigent les mesures spécifiques de prévention des incendies (voir ci-après) ; – les produits toxiques et très toxiques, qui exigent un contrôle d’accès particulier. Il implique un local fermé à clé ; – les produits ayant une réactivité importante, tels que les peroxydes ou certains réactifs de la chimie de synthèse. Il faut autant de séparations que d’incompatibilités possibles entre eux ; – les gaz sous pression, qui demandent une aération importante, ou à défaut une ventilation mécanique ; – les produits sensibles à l’eau, à placer dans un local dépourvu de robinets et de canalisations d’eau ; – les produits qui demandent des conditions physiques particulières, parce qu’ils sont sensibles à la chaleur, au gel, à l’humidité, aux chocs, à la lumière, aux rayonnements divers, etc. Ces conditions demandent des équipements particuliers, tels que climatiseur, humidificateur, lumière inactinique, etc. La conservation à basse température doit se faire dans des réfrigérateurs prévus à cet usage ou dans une chambre froide équipée de moyens de sécurité tels qu’une porte toujours manœuvrable de l’intérieur, un éclairage de sécurité, un signal d’alarme, etc. Notons enfin que certains produits doivent être stockés à une température capable de les maintenir en fusion ou, tout du moins, avec une viscosité suffisante pour être utilisés. Si le volume est modeste, une étuve de capacité adéquate suffira. Si le volume est important, il faut un local équipé d’un chauffage régulé et contrôlable de l’extérieur. Il faut aussi rappeler que les mesures particulières de stockage font l’objet de la rubrique n˚ 7 des fiches de données de sécurité. Produits inflammables : L’incendie restant le risque majeur de tout stockage, des mesures renforcées doivent être prises pour les produits inflammables. Lorsque que le stockage relève de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), des mesures particulières s’imposent, en fonction des quantités entreposées. 241

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5.1 Stockage

Mais quelques mesures fondamentales permettent de réduire ce risque, indépendamment de la quantité stockée. Il faut d’abord dédier aux produits inflammables un local de stockage spécifique, isolé des autres locaux de travail, avec une distance de sécurité calculée en fonction de l’importance des dommages envisageables, dont le volume stocké est le paramètre principal. Il n’y a pas de prescription réglementaire pour cette distance, en dehors de certaines rubriques de la réglementation ICPE. Nous recommandons, par expérience, une dizaine de mètres. Cette distance est utile d’une part pour empêcher la propagation d’un incendie aux autres locaux, et, inversement, de ces derniers vers le local de stockage, d’autre part pour faciliter l’intervention des pompiers. Cet éloignement n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. Dans le cas où le risque est moindre, par exemple hors installation classée, si les volumes sont faibles et les produits classés uniquement inflammables (phrase de risque R10), les locaux de stockage pourront être attenants à d’autres locaux de travail, à condition qu’ils comportent des murs « coupe-feu » de degré deux heures et des portes extérieures « pare-flammes » de degré une demi-heure. En revanche, l’éloignement s’impose pour les liquides facilement et extrêmement inflammables et lorsque les quantités stockées sont importantes. Dans tous les cas, on aura intérêt à subdiviser les locaux de stockage pour diviser le risque incendie et mieux adapter les mesures de prévention et de lutte contre le feu. Dans le cas d’un espace de stockage ouvert, il faut aussi respecter une distance de sécurité par rapport aux locaux voisins. Si l’on ne peut pas respecter totalement cette distance, il faut monter un mur coupe-feu face aux locaux menacés. Les mesures d’aide à la lutte contre les incendies comportent principalement les moyens d’extinction et la formation du personnel. Les extincteurs sont soit à déclenchement manuel, soit automatiques, avec toujours le bon choix de l’agent d’extinction. Éclairage sous verre dormant

Signalisation de dangers

10 m Aération naturelle haute et basse = 1/10 surface au sol

Extincteurs accessibles

Porte pare-flammes (1/2 heure)

Murs incombustibles (M0)

Figure 5.1 – Principales mesures destinées à un local de stockage d’inflammables

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5.1 Stockage

Ces mesures sont complétées par de la signalétique, des vérifications périodiques des extincteurs et des alarmes, des exercices d’évacuation et de lutte contre le feu. La lutte contre les incendies est un domaine largement couvert par nombre d’organismes spécialisés1. Sans prétendre à l’exhaustivité, la figure 5.1 est un résumé des mesures à prendre dans un petit local de stockage de produits inflammables. Gaz comprimés ou liquéfiés : Pour les gaz comprimés en bouteilles, il faut un local isolé, à l’extérieur, comportant au moins une paroi grillagée. Quand les gaz stockés présentent des incompatibilités chimiques, il faut créer autant de cellules séparées par des murs que de familles de compatibilité. Les cellules doivent être équipées de dispositifs d’immobilisation des bouteilles et comporter toutes les informations et la signalisation requises. Le stockage des gaz liquéfiés à pression atmosphérique, dit « stockage cryogénique », s’apparente à une installation de production et doit être traité comme telle. Il s’agit essentiellement de l’azote livré à l’état liquide et utilisé sous forme liquide ou gazeuse. L’installation comme la maintenance doivent être prises en charge par le fournisseur du gaz, qui possède la compétence exigée en la matière. Ce type d’installation est obligatoirement à l’extérieur et isolé de tout autre local. Le stockage de gaz liquéfié en bouteilles spéciales ne demande qu’un simple local, mais isolé, bien ventilé et comportant une signalisation du risque d’anoxie. Poste de transvasement : Les transvasements de liquides ou de solides effectués dans un local de stockage sont des dysfonctionnements. Ils doivent être effectués de préférence sur le lieu d’utilisation avec toutes les mesures nécessaires, comme pour tout poste de travail avec des agents chimiques dangereux. Diverses raisons peuvent amener à préférer procéder aux sous-conditionnements dans le local de stockage, par exemple pour éviter un déplacement d’emballage lourd, pour un petit prélèvement. Dans ce cas, il faut aménager un espace isolé du local de stockage et conçu comme un poste de travail, afin de ne créer aucun nouveau risque dans le local principal de stockage.

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m Créer les espaces séparés

La disposition des produits stockés se fait traditionnellement en fonction de leur origine, de leur destination ou de leur usage. Certains peuvent aussi être classés en fonction de leur statut, par exemple dans des zones de mise en quarantaine ou de non-conformité, dans le cadre d’un système qualité. Ce type de classement n’est pas souvent compatible avec celui que dictent les règles de compatibilité. Il faut 1. Pour approfondir ce thème, on peut consulter les nombreux ouvrages édités par l’INRS, dont les principaux sont : Évaluation du risque incendie dans l’entreprise. Guide méthodologique. ED 970. Signalisation de santé et de sécurité au travail. Réglementation. ED 777, Consignes de sécurité incendie. Éléments de rédaction et de mise en œuvre dans un établissement. ED 929, Prévention des incendies sur les lieux de travail. Aide-mémoire juridique. TJ 20, Incendie et lieu de travail. Le point des connaissances sur. ED 5005 Les extincteurs d’incendie portatifs et mobiles. ED 802 Incendie et lieux de travail. ED 789

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5.1 Stockage

alors rechercher le meilleur compromis entre les deux approches, sachant que les moyens informatiques facilitent beaucoup la gestion des stockages complexes. Les séparations des familles de produits ainsi constituées peuvent être légères ou complètes. Si le risque est relativement faible, des séparations par limites tracées au sol, dans un même local, sont suffisantes, dès lors qu’un certain espace est respecté entre les zones. À défaut d’espace, il faut installer des cloisons, plus ou moins résistantes en fonction des conditions d’exploitation. Si la séparation doit être complète, comme dans le cas des produits inflammables, il faut aménager un local indépendant et bien fermé. Si la séparation n’est dictée que par la nécessité d’un contrôle d’accès, comme dans le cas des produits toxiques, elle peut être réalisée avec un grillage, qui a l’avantage de permettre un contrôle visuel sans nécessité d’ouvrir. Une fois établie la liste des zones séparées de stockage, il reste à les placer au mieux, dans un souci de préserver l’accessibilité et de limiter les déplacements. L’exemple suivant illustre quelques-uns des principes évoqués dans ce paragraphe : comburants petits conditionnements

poste de transvasement

toxiques

bases liquides

acides inflammables

bases solides

portes fermant à clé

Figure 5.2 – Exemple d’organisation d’un local de stockage m Aménager les espaces dédiés

L’équipement intérieur d’un local de stockage doit évidemment s’adapter aux types d’emballages prévus. L’espace de stockage étant toujours compté, les emballages unitaires sont stockés sur une certaine hauteur, grâce à des structures adaptées dont la plus courante est le palettier. Ce rayonnage métallique est conçu pour placer des palettes, sur lesquelles sont placés des emballages. En effet, il faut limiter la superposition directe des emballages, à moins qu’ils ne soient conçus pour cela. Elle est possible pour des conteneurs « gerbables » et pour des sacs. Pour de plus petites quantités, des rayonnages ordinaires conviennent, dans le respect des charges tolérables. La disposition des emballages sur les étagères joue un rôle 244

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5.1 Stockage

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Figure 5.3 – Stockage de « big bags » sur palettes

dans la prévention des chutes. Si la manutention est manuelle, il faut éviter de placer des emballages sur une profondeur qui demanderait des postures à risque ergonomique. La prévention des incendies repose sur le classique triangle du feu, qui conduit d’abord à limiter au strict nécessaire les quantités d’inflammables, mais aussi de combustibles, tels que les emballages, les palettes, les structures, les équipements, etc. Ensuite toutes les sources possibles d’ignition doivent être recherchées et supprimées, notamment celles d’origine électrique. Enfin, il faut une détection précoce des débuts d’incendie, grâce à des détecteurs judicieusement placés. Ces mesures techniques sont à compléter par des mesures organisationnelles, telles que l’interdiction de fumer, des procédures d’intervention de maintenance, la vérification périodique des installations électriques, le contrôle rigoureux des entrées et sorties de produits et de personnes. Le stockage en vrac se rencontre aussi à l’intérieur des locaux, pour diverses raisons, telles que le manque de surface en extérieur, la sensibilité du produit, ou tout simplement son volume modéré (quelques m3). Cette solution n’est pas recommandable, mais elle est tolérable sous les conditions suivantes : – Les cuves sont en rétention maçonnée facilement inspectable et nettoyable. 245

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5.1 Stockage

– – – –

Les contenus ne sont que faiblement volatils. Les produits incompatibles sont séparés par des parois. Les cuves sont équipées de surveillance de niveau et de trop-plein. Les cuves sont étanches et les évents sont reliés à une ventilation qui les maintient en légère dépression. – Des capteurs de surveillance d’atmosphère sont installés à proximité.

évent relié à la ventilation

trop-plein Indication de niveau

Figure 5.4 – Stockage vrac à l’intérieur

Si le contenu est inflammable, toutes les dispositions spécifiques se rajoutent à celles-ci. Il est aussi important de mettre en place une bonne signalisation concernant le plan de stockage et les dangers associés, complétée par des consignes utiles. La liste suivante indique toutes les informations susceptibles de figurer : – sur les portes d’entrée, la nature du stockage, les restrictions d’accès et les précautions générales ; – sur le sol, la délimitation des allées de circulation pour chariots et piétons ; – à l’entrée, le plan général de stockage ; – sur les murs ou les extrémités des rayonnages, les interdictions ou restrictions ; – sur chaque alvéole, la charge admissible et le type de produit prévu ; – les prescriptions de protection individuelle ; – les consignes d’urgence ; – la position de tous les moyens de lutte contre le feu ; – la position des produits absorbants, à utiliser en cas de fuite ; – la position des douches ou lave-œil ; – le chemin à suivre vers les issues de secours, en éclairage de sécurité ; – les noms ou téléphones à joindre en cas d’incident. 246

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5.1 Stockage

Un bon éclairage contribue à la sécurité et facilite l’exploitation. Il faut un niveau d’éclairement suffisant dans toutes les allées et sur toute la hauteur des rayonnages pour : – bien positionner les charges ; – éviter les chocs ou accrochages lors des manœuvres ; – identifier les produits à partir de leur étiquetage ; – respecter les indications concernant le plan de stockage. Compte tenu de ces contraintes, on peut situer ce niveau d’éclairement à environ 300 lux1. Pour pouvoir en assurer facilement la maintenance, il est préférable de placer les luminaires dans l’axe des allées, de façon à les rendre accessibles depuis une plate-forme élévatrice mobile. m Créer des rétentions adaptées

Le rôle d’une capacité de rétention est d’une part d’empêcher qu’une fuite de liquide dangereux rejoigne l’environnement, en particulier le milieu aquatique, et d’autre part de limiter les conséquences internes sur les risques d’exposition et d’accident, notamment de mélanges dangereux. Chaque local de stockage doit être en rétention, ce qui signifie que le sol et le bas des murs font office de rétention, la capacité étant ainsi constituée dans le local même ou déportée. On appelle capacité déportée un volume placé en contrebas de la rétention et capable de contenir les fuites par écoulement, tel que le montre le schéma suivant.

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cuve de stockage

capacité de retention

Figure 5.5 – Capacité de rétention déportée

L’étanchéité au niveau des accès au local nécessite que les seuils soient surélevés, le franchissement se faisant à l’aide de marches ou de rampes dès que l’on doit utiliser un équipement roulant pour le transport des produits. Dans la mesure où 1. D’après la norme NF X35-103.

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5.1 Stockage

tous les produits stockés dans un local appartiennent à la même famille de compatibilité, il suffira de les déposer directement sur le sol ou sur un support adéquat. Le volume de la capacité de rétention est fixé par la réglementation des ICPE1 : soit le volume du plus grand contenant, soit la moitié de la somme des volumes stockés, en prenant la plus grande de ces deux valeurs. Toutefois, si les emballages unitaires ne dépassent pas 250 litres et que leur contenu n’est pas inflammable, le volume de rétention peut être limité à 20 % du volume total. Cette disposition vise les installations soumises à autorisation, c’est-à-dire dépassant les volumes de stockage minimum fixés. Mais le Code du travail donne un objectif global2 : « L’employeur prend les mesures techniques et définit les mesures d’organisation du travail appropriées pour assurer la protection des travailleurs contre les dangers découlant des propriétés chimiques et physico-chimiques des agents chimiques. Ces mesures portent, notamment, sur le stockage, la manutention et l’isolement des agents chimiques incompatibles. À cet effet, l’employeur prend les mesures appropriées pour empêcher […] les risques de débordement ou d’éclaboussures, ainsi que de déversement par rupture des parois des cuves, bassins, réservoirs et récipients de toute nature contenant des produits susceptibles de provoquer des brûlures d’origine thermique ou chimique. » Aucun volume minimum n’est mentionné, c’est pourquoi la règle de calcul des volumes de rétention doit être toujours appliquée, quels que soient les volumes concernés. Il est cependant toujours avantageux de créer des subdivisions de la rétention au sol, sur des rayonnages, à l’intérieur d’une armoire, etc. Dans ce cas, les rétentions placées à l’intérieur sont dites secondaires par rapport à la surface en rétention du local, dite principale. Elles prennent souvent la forme d’un bac ou d’un plateau. La rétention principale peut être aussi entièrement couverte par assemblage d’éléments constituant chacun une rétention secondaire. Cette dernière formule est très souple parce qu’évolutive et rapide à mettre en place. rétention principale

rétentions secondaires

muret

Figure 5.6 – Subdivision des rétentions

Les rétentions secondaires sont très efficaces pour limiter le périmètre de fuite, car leur surface est bien inférieure à la rétention principale. Elles ne concernent donc qu’un ou quelques contenants, ce qui présente l’énorme avantage de réduire la 1. Article 10 de l’arrêté du 2 février 1998. 2. Art. R. 4412-17.

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5.1 Stockage

surface d’évaporation constituée par le liquide répandu et de faciliter sa récupération, en raison d’une profondeur de liquide recueilli supérieure à volume égal. Pour les raisons évoquées précédemment, les capacités de rétention principales doivent être réalisées en maçonnerie, spécialement avec des produits inflammables. En revanche, les rétentions secondaires peuvent être réalisées avec des parois en acier ordinaire ou inox si nécessaire, ou en matériau synthétique tel que plastique ou caoutchouc, dans la mesure où il présente une résistance mécanique suffisante et une compatibilité chimique avec le liquide contenu. Ces différents matériaux peuvent être associés pour mieux répondre aux différents objectifs d’une rétention. Les rétentions qui comportent des parois en matière plastique sont faciles à façonner et offrent généralement une bonne résistance chimique. Mais elles présentent une évidente faiblesse vis-à-vis des efforts mécaniques et, en cas d’incendie, elles ne présentent aucune efficacité. Elles se détruiront assez vite dès le début d’incendie et ne pourront donc plus jouer leur rôle. Les matériaux synthétiques sont donc à proscrire en présence de matières inflammables. La résistance des rétentions en acier, ordinaire ou inoxydable, se situe entre celles de la maçonnerie et du plastique. En effet, une telle rétention présente une résistance mécanique suffisante dans la plupart des cas et une résistance au feu permettant souvent d’éviter une aggravation, du moins si l’on peut arrêter le sinistre assez rapidement. Ce matériau est donc utilisable en rétention principale pour de petites quantités stockées et en prenant des mesures supplémentaires. C’est par exemple une solution idéale pour les stockages de produits chimiques en laboratoire, qui doivent toujours être placés dans des plateaux réunissant des produits compatibles.

tiroir bac

acides

grilles d’aération

bases

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oxydants

solvants

rétention principale

Figure 5.7 – Armoire de stockage de laboratoire

Dans le cas du stockage en vrac, la hauteur des équipements fait que des fuites peuvent très bien sortir de la rétention, même si elle a le volume adéquat, comme cela est démontré au paragraphe 4.3.3. Pour éviter les dommages consécutifs à une 249

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5.1 Stockage

telle éventualité, spécialement pour les produits corrosifs, on peut soit respecter la bonne distance entre le muret de rétention et la cuve, comme indiqué dans le paragraphe cité, soit rehausser le muret par un écran anti-projection, comme indiqué sur le schéma suivant. niveau maxi

45˚ écran rétention secondaire

pompe

Figure 5.8 – Protections contre les fuites et projections

On notera aussi sur ce schéma la volonté de ramener dans la rétention toute fuite provenant des équipements annexes de la cuve : raccords, vannes, pompes, etc.

Figure 5.9 – Rétention contenant une vanne pilotée

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5.1 Stockage

m Faciliter la manutention et la circulation

L’espace de circulation dans un local de stockage est un point clé de la prévention des accidents. Il doit être déterminé en fonction du type d’exploitation prévu. Ainsi, si la manutention est strictement manuelle, sans utilisation d’escabeau, la largeur d’allée peut être limitée à 0,90 m. Mais si l’on utilise un escabeau ou une desserte roulante, ou si plusieurs personnes sont amenées à se croiser, il faut une largeur minimale de 1,40 m1. Dès que l’on utilise des chariots, il faut tenir compte de leur largeur, de leur rayon de braquage en charge, etc. Il est recommandé une largeur d’allée égale à celle du chariot et majorée de 1 m. Si des croisements de chariots sont prévus, cette largeur est égale à celle de deux chariots, majorée de 1,40 m2. Toutefois, des allées plus étroites sont possibles lorsqu’on utilise des chariots conçus en conséquence, ce qui implique un système de guidage et une absence de circulation piétonne. Le plan de circulation doit faire l’objet d’une étude qui aura pour but de rechercher le minimum de croisements, de culs-de-sac, de carrefours sans visibilité, de voies à double sens. Il faut en outre, dans tous les cas, une voie séparée réservée aux piétons, si possible protégée par une barrière. Les issues de secours doivent être bien signalées et dégagées. Les portes doivent s’ouvrir sur l’extérieur et une barre anti-panique doit équiper le côté intérieur. Pour éviter les culs-de-sac, les extrémités d’allée opposées à l’entrée des chariots doivent déboucher sur une allée piétonne de secours de largeur minimale de 0,90 m. Pour limiter les trajets de chariots, il est souhaitable que le local de stockage soit limitrophe du quai de chargement. Un espace doit être réservé, soit sur le quai, soit à l’entrée du stockage, pour les livraisons en instance de départ ou de placement en rayonnages. palettiers allée de secours

aire départ

quai

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aire arrivée circulation chariots circulation piétons

portes pareflammes

bureaux

Figure 5.10 – Exemple d’organisation de la circulation

1. Code du travail R 4216-5 et circulaire 95/10 du 14 avril 1995. 2. D’après l’arrêté du 30 juillet 1974, abrogé.

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5.1 Stockage

Le sol doit répondre à plusieurs critères de qualité. Le premier est une bonne planéité, pour éviter tout choc ou vibration sur le chariot. Le second est la nettoyabilité, car la propreté permanente des sols constitue un moyen de prévention contre les risques d’accident et de pollution aérienne. Un revêtement synthétique est facile à nettoyer et permet la matérialisation multicolore des surfaces dédiées et des allées de circulation. m Organiser une gestion des stocks

Un stockage bien conçu doit faire l’objet d’une gestion tendant à supprimer les risques d’origine organisationnelle. Pour ce faire, il convient de : Réduire les quantités au strict nécessaire : Pour réduire les quantités stockées, il faut régulièrement analyser ses besoins, et fixer le stock en fonction de la consommation, des emballages, des prix, des délais de livraison, etc. Il faut aussi ne pas attendre pour éliminer les stocks « morts », en l’absence de toute probabilité de réemploi. Une attribution de date de péremption devrait être systématiquement appliquée à tous les produits, avec les alertes correspondantes gérées par l’informatique. Pour éviter d’atteindre ces dates de péremption par inadvertance, la règle du « premier entré – premier sorti » doit s’imposer. Centraliser le stockage : Il est important d’avoir un passage obligé unique pour tout produit entrant, quelle que soit sa destination. Cela permet d’enregistrer les produits dans la base de données avec toutes les informations de sécurité, de gérer le stock et de repérer les utilisations multiples dans une usine ou une grande structure. C’est aussi un outil pour tenter de diminuer le nombre de références commandées et simplifier ainsi le stockage. Cet enregistrement unique est en outre le point de départ de la méthode d’inventaire des risques par produit, la troisième citée dans le paragraphe 3.1.2. Adapter la nature des emballages au mode d’utilisation (volume et fréquence) : Le choix du type d’emballage pour les produits chimiques est un point clé de la prévention, souvent oublié. Le choix est souvent fait en fonction du prix, alors que les économies réalisées sont sans commune mesure avec le coût des dysfonctionnements qu’un mauvais choix peut engendrer. Le premier des choix doit se faire entre les emballages unitaires et le vrac. Lorsque les quantités consommées sont très faibles, ou au contraire très importantes, le choix s’impose de lui-même. Dans les quantités intermédiaires, par exemple entre 100 kg et 10 tonnes par mois, les deux modes sont possibles. L’emballage unitaire est pratiquement obligatoire pour les solides. Il convient bien aux utilisations peu fréquentes, ou avec des produits délicats ou très dangereux. Jusqu’à 30 kg, ils sont faciles à manipuler, mais au-delà, ils exigent des moyens de manutentions mécaniques et de soutirage. Le vrac a l’avantage d’éviter toute manutention, y compris dans les utilisations très fréquentes, de bien se prêter aux automatismes, et l’inconvénient de demander des investissements. C’est en outre un moyen d’approvisionnement peu flexible. Des opérations de sous-conditionnement fréquentes sont le signe d’une erreur de choix de conditionnement. D’autres critères interviennent, comme la disponibilité, les moyens de livraison, la qualité, la stabilité, etc. ; seule une approche globale conduira au meilleur choix. 252

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5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

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Ce qui caractérise l’industrie chimique, c’est à la fois la diversité des produits mis en œuvre, la technicité des procédés et les quantités de produits utilisées. La diversité vient du fait que l’on utilise des produits qui n’ont pas d’autre intérêt que de servir de matière première à des réactions chimiques. Ces produits sont donc souvent des substances complexes et rares, que l’on ne trouvera jamais dans des préparations présentes sur le marché. Elles peuvent donc facilement engendrer des dangers assez importants, sur lesquels les connaissances sont limitées. Cela conduit à des cotations de danger élevées, notamment pour les principes actifs pharmaceutiques et leurs intermédiaires. La technicité des procédés est le fondement de l’industrie chimique. Le but étant une transformation des molécules par des moyens physiques et chimiques associés, on utilise souvent des états physiques hors standard, notamment en températures et en pressions. Le travail sur des liquides, des solides et des gaz implique du matériel très spécialisé, tant du point de vue de son efficacité que de sa sécurité de fonctionnement. Enfin, les quantités utilisées sont à l’échelle des marchés en aval, d’autant plus que c’est en majorité une industrie d’investissement lourd qui évolue vers de grandes structures concentrant les moyens de production. Le stockage amont et aval de la transformation est déjà un problème important à lui seul (voir paragraphe précédent). La prévention des risques chimiques dans l’industrie chimique n’échappe pas aux règles générales développées précédemment, malgré la complexité apparente des installations. Les moyens mis en place sont évidemment très divers et, pour beaucoup, spécifiques à ce domaine, mais la logique conduisant à leur choix reste la même, que l’on soit dans la chimie fine, les biotechnologies, ou la chimie lourde telle que la pétrochimie ou la production d’engrais. Nous allons en développer quelques aspects caractéristiques. Tout d’abord, les aspects chroniques et accidentels du risque chimique doivent être abordés avec la même rigueur, même si les contraintes réglementaires associées ne sont pas les mêmes. En effet, le volet accident est familier dans la production des produits chimiques par le biais des études de dangers, notamment exigibles dans les dossiers de déclaration ou d’autorisation des ICPE, alors que le volet exposition chronique est abordé par le biais du document unique ou du rapport annuel du service de santé au travail, qui ne présentent pas les mêmes exigences. Examinons maintenant ce premier aspect du risque de l’industrie chimique. 5.2.1 Expositions chroniques

La phase d’évaluation des risques peut être conduite exactement selon la procédure générale décrite précédemment, c’est-à-dire en suivant soit les postes, soit les procédés, soit les produits pour identifier toutes les expositions possibles, l’idéal étant de croiser les trois méthodes. C’est au stade de la prévention que des particularités apparaissent. m La substitution

La phase de recherche des mesures de prévention pour chacun des risques identifiés, et ils seront probablement nombreux, commence par la recherche de substitution 253

5 • Applications particulières

5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

des substances les plus dangereuses. Il y a deux catégories de produits dans un procédé : ceux qui participent à la structure des molécules, appelés produits intermédiaires, et ceux qui n’interviennent que dans le fonctionnement des réactions, tels que solvants, catalyseurs et réactifs ; la limite entre les deux est parfois imprécise. La substitution est évidemment plus difficile dans la première catégorie, mais pas impossible. Ainsi, il est très difficile de fabriquer un produit benzénique sans partir d’un autre produit benzénique, mais il est nettement plus facile de remplacer le benzène utilisé comme solvant par un solvant moins dangereux, le toluène par exemple. Dans les deux cas, cette solution nécessite de modifier le procédé, après avoir réalisé les études qui s’imposent. L’hypothèse d’une substitution se pose aussi pour les sous-produits de réaction, d’où la nécessité d’entamer la démarche de prévention dès le développement d’un procédé de fabrication. Encore faut-il avoir des informations fiables sur les dangers des produits. L’étiquetage est généralement suffisant pour les plus courants. Dès que l’on aborde le domaine des intermédiaires de synthèse, le problème se complique, car ils ne figurent souvent pas dans la liste des produits classés. On peut alors prendre le niveau maximum, « par précaution », ce qui peut conduire à une surprotection. Un moyen terme consiste à rechercher les informations et à faire des estimations. Pour les dangers toxicologiques, on peut, et on doit, procéder à une large recherche bibliographique et à des analogies. La réglementation recommande dans ce cas un classement « volontaire » de la part du producteur. Une méthodologie est proposée dans notre ouvrage Guide du risque chimique. Dans un proche avenir, la mise en place du système REACH conduira à disposer d’informations plus complètes. m L’intérêt des systèmes clos

La deuxième solution de prévention à envisager après la suppression-substitution, que celle-ci ait été réalisée ou pas, est la suppression des expositions. Le seul moyen de la rendre totale est de recourir au système clos, pour reprendre l’expression des textes réglementaires visant les produits dits « CMR ». Mais il n’y a pas de définition précise d’un système clos. Il faut déjà distinguer les systèmes temporairement clos des systèmes intrinsèquement clos. Les premiers sont « ouvrables » dans leur fonctionnement normal et les seconds ne le sont qu’en cas de dysfonctionnement. Pour illustrer ce propos, nous dirons qu’un emballage, tel qu’un fût ou un conteneur, est un système temporairement clos, alors qu’une pompe de transfert liquide est généralement un système intrinsèquement clos. Les réacteurs classiques de l’industrie chimique, habituellement munis d’un trou d’homme et d’une vanne de vidange, peuvent être classés dans les deux catégories, suivant les conditions de leur utilisation. Ce sera le cas d’un certain nombre d’équipements, tels qu’essoreuses, broyeurs, filtres, etc. Les systèmes temporairement clos sont évidemment préférables aux systèmes ouverts, mais ils donneront lieu à des expositions temporaires qu’il faut bien inventorier. Les systèmes intrinsèquement clos suppriment par nature les expositions, mais leur ouverture, toujours possible en cas d’incident, doit se retrouver dans la liste des événements dangereux prévisibles. Ce n’est pas un inconvénient quand c’est prévu. D’autre part, on voit bien l’intérêt d’agir sur le procédé et l’équipement pour faire passer des appareils de la première catégorie à la seconde. Quel que soit le niveau 254

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de clôture du système, il restera, dans toute installation, des ouvertures nécessaires pour les entrées de produits et pour leurs sorties. Ces points feront l’objet d’une attention particulière. Cela démontre l’importance des services d’ingénierie et de génie chimique dans la prévention, à l’instar du développement. m La réduction des émissions

Il existe encore, notamment dans la petite industrie chimique, des procédés où les produits ont l’occasion de passer à l’air libre et donc de créer des expositions, principalement respiratoires. Certains solvants, mais aussi des acides et des bases volatils, ont de fortes pressions de vapeur capables de produire des concentrations atmosphériques élevées en peu de temps. Des produits dangereux peuvent aussi être générés par le procédé lui-même. Lorsqu’il s’agit de vapeurs ou de gaz, le risque induit est assez élevé. Certaines réactions chimiques génèrent des produits à haut niveau de danger, tel du cyanure d’hydrogène, du monoxyde de carbone, de l’hydrogène, etc. Ce problème gagne à être résolu au niveau du procédé, avant d’envisager des modifications d’installation ou des systèmes de captage. Cette dernière solution vient souvent en premier, alors que nous avons vu les inconvénients qu’elle entraîne (voir paragraphe 4.3.6). Il est vrai que les phénomènes d’émission de vapeurs ou de poussières ne se découvrent dans toute leur ampleur qu’au stade industriel et sont souvent sous-estimés au stade de la recherche ou du développement. Néanmoins, de petites émissions de vapeurs, de poussières ou d’aérosols peuvent faire l’objet d’un captage à la source, en respectant bien les règles de l’art en la matière. Les systèmes plus ou moins mécanisés de transfert des produits liquides ou solides réduisent grandement les émissions, ce qui limite les débits de captage exigibles. Le niveau de danger des produits manipulés peut conduire à une protection respiratoire redondante, telle que masque à cartouche, ou mieux, cagoule à adduction d’air. EXEMPLE DE RÉDUCTION D’EXPOSITION PAR LE PROCESS :

Cet exemple réel illustre bien ce point important de la démarche de prévention. Dans les années 1970, une petite entreprise fabriquait du glycocolle, ou acide amino-acétique, à partir d’acide monochloracétique par la réaction suivante :

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Cl-CH2-CO2H + 2 NH3 = NH2-CH2-CO2H + NH4Cl Cette réaction très simple est catalysée par de l’hexaméthylène-tétramine (HMT) et utilise de l’ammoniac à l’état liquide, en excès. Quand la réaction, conduite par batch, est terminée, le milieu réactionnel est introduit dans une grande quantité de méthanol qui provoque la précipitation du glycocolle. Le chlorure d’ammonium formé reste en grande partie soluble dans le mélange hydroalcoolique. Mais ce mélange relargue alors tout l’ammoniac excédentaire qui restait soluble dans le milieu réactionnel. Ce dégagement massif d’un gaz très volatil créait une pollution importante et difficile à maîtriser de l’atmosphère de travail, malgré les différents captages de vapeurs mis en place. Cette pollution diffuse se poursuivait au moment de l’essorage du glycocolle et de son séchage. Face à ce problème, la première solution tentée a été de renforcer les moyens de captage. Compte tenu de l’ensemble des difficultés que cette solution générait, l’entreprise s’est tournée vers une révision du process. Après étude au service développement, il s’est avéré qu’une simple neutralisation du mélange final à l’acide chlorhydrique supprimait tout dégagement d’ammoniac, sans nuire aux résultats. Il a donc été installé un circuit d’introduction d’acide chlorhydrique en solution concentrée, au moyen d’une pompe doseuse pilotée par un pH-mètre. Les conditions de travail de l’atelier ont

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été transformées radicalement et définitivement. Le rendement de précipitation du glycocolle s’en est même trouvé amélioré, du fait de l’augmentation de la concentration du mélange en chlorure d’ammonium. m La réduction des contacts cutanés

Il arrive que la manipulation des produits se fasse à l’air libre, ce qui rend possible le contact direct avec les personnes. C’est notamment le cas à l’entrée et à la sortie d’un système clos. Mais les installations de production sont parfois largement ouvertes. En effet, une solution de prévention est toujours un compromis entre l’efficacité de protection et le coût des moyens nécessaires. Ainsi, pour un produit à faible valeur ajoutée, ou en très faible tonnage, ou utilisé rarement, il peut être financièrement difficile de concevoir un système clos. Cela est particulièrement vrai pour les produits pulvérulents ou visqueux, en raison de leur relative inaptitude à l’écoulement, ce qui rend les systèmes clos difficiles à concevoir pour de petites quantités. Pour éviter les contacts cutanés, il faut des outils, manuels ou mécaniques, éloignant l’opérateur du produit. Citons toutes sortes de pelles, raclettes, récipients verseurs, généralement bien conçus pour cet usage. Au-delà, il existe pour les fûts des systèmes de transfert de produit par aspiration ou par pompe, fixe ou mobile, ou des installations de transport pneumatique. En fonction du danger, il faut compléter la protection par le port de gants, de visières, de vêtements protecteurs, etc. m Le transfert des poudres

Une des phases opératoire les plus exposantes dans l’industrie chimique est le transfert des produits pulvérulents. C’est une opération nécessitée, par exemple, par le chargement des cuves et des réacteurs, des mélangeurs, et par le déchargement des appareils de séchage, etc. Les émissions de poussières sont aussi présentes lors des pesées, mais plus modérément. Pour éviter la double exposition respiratoire et cutanée qui en résulte, il faut se tourner à nouveau vers le principe du système clos, parce qu’il ne nécessite pas de ventilation. En partant du fait que la grande majorité des pulvérulents sont conditionnés en sacs, en fûts ou en conteneurs (souples ou rigides), la solution est de mettre en place une interface entre le conditionnement et l’installation fixe qui permette au produit de passer de son emballage au système en restant à l’intérieur d’une enceinte. Les poussières ne se mettent en suspension que si une poudre se déplace dans l’air. Il en résulte les règles suivantes, valables pour les sacs et les fûts : – ouvrir l’emballage au repos ; – placer l’emballage dans une enceinte de transfert ; – refermer l’enceinte de façon étanche. Ou : – fixer une enceinte sur l’emballage de façon étanche ; – assurer une jonction étanche avec le système ; – provoquer le glissement du pulvérulent dans le système ; – refermer le système et retirer l’emballage vide après une légère ventilation pour éliminer les poussières restant dans l’enceinte de transfert. 256

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5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

Globalement, il s’agit de la technique du sas, utilisée dans les procédés à risque. La réalisation pratique de ce principe varie beaucoup avec chaque cas concret. Nous ne donnerons que ce schéma pour l’illustrer :

enceinte étanche

vannes

réacteur

fût

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Figure 5.11 – Transfert de poudre sans poussières

Dans le cas des sacs, il existe même des dispositifs pour couper le sac après sa mise en place dans l’enceinte. On voit bien que ce système permet de travailler avec des produits relativement dangereux en gardant des niveaux d’exposition négligeables. De plus, le transfert peut être plus facilement réalisé sous atmosphère contrôlée, en particulier inerte. Cette technique est encore meilleure si l’on utilise la variante suivante. Le pulvérulent est souvent chargé pour être mis en solution ou en suspension dans un récipient agité. Il est parfois possible, si la nature du solvant le permet (notamment avec l’eau), d’utiliser ce solvant pour entraîner la poudre vers la cuve, sous forme de solution ou de suspension. Cela peut se faire directement dans l’emballage, s’il s’y prête, ou dans une enceinte du type évoqué plus haut. Cette solution s’avère alors plus aisée à réaliser. Dès que les consommations sont importantes, elles se font à partir de conteneurs et surtout de stockage en vrac. Dans ce cas, il faut un dispositif fixe de transfert des poudres entre le stockage et le point d’utilisation. Un grand nombre de solutions techniques existent, telles que les convoyeurs à bande, à vis sans fin, à godets, et le transport pneumatique avec toutes ses variantes. Le choix du type de transfert est délicat, parce qu’il dépend beaucoup des caractéristiques physico-chimiques du produit. Du point de vue sécurité, il faudra un examen sérieux du risque d’explosion. Heureusement, la plupart de ces équipements peuvent être clos et même étanches. Le point critique des systèmes de transfert des produits pulvérulents réside dans les opérations de maintenance. Elles peuvent être fréquentes, motivées d’une part par de l’entretien préventif ou des incidents techniques, d’autre part par la nécessité d’un nettoyage approfondi exigé en cas de changement de produit transporté. C’est généralement l’occasion de fortes expositions, compte tenu de la quantité de produit restant piégé par l’installation. Cela veut dire qu’il faut toujours se pencher sur 257

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l’intégration de la maintenance dans la conception de l’installation. Le niveau de danger du produit est déterminant dans le choix du type de transfert. Contrairement aux premières impressions, beaucoup de solutions sont possibles pour utiliser des poudres sans risque, à condition de respecter le principe de ne pas soumettre une poudre à un mouvement à l’air libre. Un exemple de solution est fourni par le conditionnement de certains réactifs en sacs solubles en milieu organique, tels que des alcoolates alcalins. m Particularités de la production pharmaceutique

La fabrication pharmaceutique comporte des opérations physiques parfois complexes destinées à présenter un principe actif dans une formulation particulière. La plus grande partie des principes actifs sont obtenus sous forme pulvérulente, c’est pourquoi cette industrie expose plus particulièrement ses opérateurs à des poussières, si des mesures spéciales ne sont pas prises. L’efficacité recherchée doit être très élevée quand on sait la faiblesse des doses actives de certains principes. La première mesure est donc de bien connaître les valeurs limites d’exposition d’activité, exprimées en mg par m3. Comme indiqué à la fin du paragraphe 2.3.5, les modalités pour établir ces valeurs ainsi que leur classement sur une échelle de danger ont fait l’objet d’un accord au sein de la profession1. Même une exposition d’un niveau négligeable ne peut être tolérée pour de tels produits, ce qui conduit pratiquement à imposer le système clos sur tout le cycle de fabrication. Heureusement, la valeur ajoutée de ces produits autorise les investissements correspondants. La production est d’ailleurs très largement confinée, mécanisée, voire automatisée, ne serait-ce que par respect de l’assurance qualité de haut niveau qui est exigée dans cette industrie. Il faut alors repérer les quelques failles dans le système clos qui pourraient occasionner des expositions sensibles. Elles se situent d’abord au début du process, à l’occasion des prélèvements, des pesées, ou des transferts, surtout si le niveau de danger du principe actif est jugé faible, à tort ou à raison. Les solutions sont disponibles et très variées, certaines ayant été évoquées au paragraphe 5.2.1. Une fois le problème bien posé, la solution est affaire de spécialistes. L’expérience montre que le risque majeur d’exposition aux principes actifs se présente lors des interventions de maintenance et surtout de dépannage. Des facteurs tels que la complexité des chaînes de production ou le respect des procédures qualité exercent une pression sur les interventions et peuvent conduire à des prises de risques. En effet, en cas d’incident de fonctionnement, un système clos devient ouvert et ne dispose pas de toutes les protections qui devraient logiquement être en place. Une machine de production brusquement arrêtée contient parfois des quantités importantes de produit en cours de transit. Par contact direct ou par mise en suspension, les expositions instantanées qui en résultent sont bien au-delà des valeurs limites, comme l’ont montré certaines études2. Ce constat dicte la principale mesure de 1. Risques d’exposition aux principes actifs pharmaceutiques et médicaments, note technique n˚ 21, caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France. 2. On peut consulter en particulier : La prévention du risque toxique lié à la fabrication des médicaments, DMT (dossier médico-technique) 75 TC 69.

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prévention, à savoir une AMDE approfondie des installations, dont il sera possible de déduire : – quels dispositifs d’élimination des produits contenus sont à intégrer dans les équipements ; – comment organiser les interventions en toute sécurité. Nous rappelons à cette occasion que le captage des poussières, s’il paraît simple et efficace, repousse en fait le problème au niveau du système de ventilation et filtration. 5.2.2 Accidents

En plus des risques classiques d’exposition massive et d’incendie-explosion, l’industrie chimique doit faire face au risque d’accident de process. Il consiste en une perte de contrôle du procédé, avec ou sans emballement de réaction, pouvant conduire à une ouverture imprévue du système suivie de projections, d’émanations massives et d’explosions. En fait, on reste dans le cadre de deux types classiques d’accidents chimiques, la particularité venant du déclencheur, qui se situe dans la maîtrise du process. La démarche de prévention intègre donc cet aspect. La méthodologie dit qu’il faut d’abord utiliser des produits moins dangereux. Mais ici la liste des dangers à prendre en compte est plus large que dans le cadre de la prévention des expositions. Il faut ajouter les dangers d’inflammabilité, de réactivité, d’instabilité et de toxicité aiguë. Pour certains intermédiaires, les données risquent de manquer pour situer ces dangers. Pour les dangers physico-chimiques, il est relativement aisé de réaliser des tests en laboratoire plus ou moins normalisés, le but étant d’avoir une information suffisante pour prendre une décision. Ces tests doivent conduire à un étiquetage, ou à un ré-étiquetage, de tous les produits, même temporairement isolés. Certains ouvrages1 fournissent des outils pour y parvenir. Notons qu’il n’existe pas de phrase de risque générale « forte réactivité », mais il n’est pas interdit d’en créer une en « interne ». m Le confinement

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La phase suivante consiste à éviter les situations dangereuses. Cela revient à concevoir les installations de façon à rendre improbable la présence humaine en zone dangereuse. Ce principe est à la base de la conception de l’espace de production par cercles concentriques à risque décroissant, alors que la présence humaine décroît en sens inverse, selon le schéma suivant : Risque faible Risque négligeable Présence permanente possible

Présence occasionnelle

Risque élevé Présence exclue en fonctionnement

Figure 5.12 – Principe de confinement dans la conception des locaux

1. Notamment le Guide du risque chimique, Dunod, 2006.

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– La zone à risque négligeable correspond par exemple à une salle de contrôle ou à des bureaux. – La zone à risque faible correspond à un local technique permettant la maintenance en fonctionnement. – La zone à risque élevé correspond aux installations de production. La réalisation pratique doit respecter l’objectif de cette solution, à savoir : ne provoquer aucun dommage humain en cas de survenue d’un événement dangereux dans le process. Cela suppose des séparations physiques efficaces entre les zones, avec, en fonction des niveaux de risque, des communications par sas. On retrouve ici la même logique que pour le fonctionnement en assurance qualité, ce principe pouvant être qualifié « d’assurance sécurité ». Nous en percevons la principale difficulté : dès que le niveau de risque est non négligeable, il ne doit y avoir personne dans les locaux de production en fonctionnement. Le respect de cette règle passe par un haut niveau d’automatisme ou de télécommande, ce qui suppose des investissements importants. Cette solution se rencontre, mais seulement en partie, dans la chimie lourde et la chimie très fine. m La maîtrise des procédés

Il faut ensuite réduire la probabilité des événements dangereux, surtout si l’on ne peut pas supprimer une situation dangereuse. Cela veut dire d’abord sécurisation du process. Pour y arriver, il faut engager toutes les études adéquates afin d’identifier les paramètres critiques et surtout les intervalles de confiance. Combien de modes opératoires indiquent, par exemple, une température de réaction à respecter et précisent les conséquences des écarts de cette température ? L’expérience montre en effet que le respect absolu d’une consigne est impossible et que les opérateurs s’autorisent obligatoirement une marge d’erreur. Les études doivent aussi permettre de juger de l’efficacité des manœuvres de rattrapage d’incidents, ne laissant ainsi pas de part à l’improvisation, qui malheureusement consiste souvent à pénétrer en zone dangereuse. Le principe d’interruption du scénario dangereux comporte de nombreuses solutions, qui, mises en place simultanément, font chuter la probabilité et la gravité du dommage final. Dans cette catégorie, on peut citer tous les systèmes intelligents de surveillance de process, de blocage de réaction, de confinement ou de refroidissement rapide, d’extinction intégrée, de décompression instantanée et de confinement des projections. Mais tous ces dispositifs ne relèvent que de l’interruption d’événement, alors que la meilleure solution est de les rendre le moins probables possible. Nous allons voir que le système intrinsèquement clos réalise facilement cet objectif. EXEMPLE :

Reprenons l’exemple (étude de cas n˚ 3) de l’accident de process décrit pour illustrer la méthode de l’arbre des causes au paragraphe 2.5.4. L’arbre, une fois établi, avait montré six facteurs principaux ayant concouru à la survenue de l’accident par brûlure grave : • nouvel opérateur en charge de la réaction ; • débit de réactif très supérieur à la consigne ; • emballement de la réaction ; • montée rapide en pression ; • décompression brutale et arrivée d’air dans le réacteur ; • pilotage à vue.

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Ces facteurs, très classiques, suggèrent globalement que l’analyse de risque sur cette réaction n’avait pas été faite au préalable. En particulier, les propriétés du borohydrure de sodium conduisent à imaginer facilement ce type de dérive de réaction. Une telle analyse aurait permis de mettre en place les quelques mesures correspondantes qui auraient rendu l’accident impossible : • La conduite de la réaction est à réserver à une personne expérimentée, qui peut toutefois très bien encadrer un débutant dans le poste. • Un débit précisé dans un mode opératoire doit faire l’objet d’une mesure en continu, et non pas reposer sur un repère de réglage de la pompe. • Des capteurs de pression et de température doivent être placés dans le réacteur et dans les conduites de vapeurs, afin d’alerter précocement de tout début de dérive. • Des soupapes tarées de décharge de pression sont installées pour éviter une rupture trop rapide du disque, du moins quand une possibilité de dégagement gazeux existe. • Un inertage à pression positive maintenue évite toute formation d’atmosphère explosive. • Les réactions dangereuses sont réalisées en espace confiné et leur pilotage est assuré à distance à partir d’un local protégé. Une seule de ces mesures aurait empêché l’accident de se produire et l’ensemble des six mesures empêcherait tout autre accident.

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m Le développement des procédés

L’exemple précédent démontre, si cela doit l’être encore, la nécessité d’intégrer la sécurité dès la recherche et le développement des procédés. L’objectif de sécurité est en fait double : sécurité des essais en cours et sécurité du procédé industriel à terme. Le premier objectif demande de connaître tous les paramètres influents et d’en mesurer les effets. Cela suppose des plans d’expériences. On peut aussi procéder par calcul, grâce à la méthode CHETAH1, qui permet, à partir de la seule connaissance des formules chimiques, d’évaluer a priori les risques dus à la réactivité des composés et des réactions chimiques sans avoir à recourir à l’expérience. La réactivité et l’instabilité d’un composé ou d’un mélange de réactifs sont estimées à partir des 4 critères suivants : – enthalpie de décomposition ; – différence entre l’enthalpie de composition et de décomposition ; – le bilan d’oxygène (possibilités d’auto-oxydation de la molécule) ; – une équation empirique basée sur la masse moléculaire et le nombre d’atome dans la molécule. À chaque critère correspondent trois niveaux de danger : faible, moyen, élevé. L’analyse de l’ensemble des critères permet d’évaluer le danger du composé ou du mélange. Cette analyse préalable permet de concevoir le montage destiné aux essais qui va intégrer des mesures pour tous les événements dangereux envisageables. Ces mesures s’inspirent des principes de confinement et de pilotage à distance, qui sont utilisables depuis le laboratoire grâce aux dernières technologies disponibles. Ce point est une occasion de remettre en cause le recours systématique au verre comme matériau de base du matériel de chimie, du laboratoire jusqu’aux équipements industriels, notamment dans la chimie fine. Son succès repose sur deux avantages, la résistance chimique et thermique et la transparence, en négligeant son principal inconvénient : 1. Chemical Thermodynamic and Energy Hazard Evaluation, diffusée par l’ASTM (American Society of Testing Materials), www.astm.org.

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la fragilité. Il est aujourd’hui possible et indispensable de supprimer ce risque, en utilisant d’autres matériaux, non fragiles, et en remplaçant la vision humaine par des informations issues de capteurs. Ce changement n’est pas toujours facile, parce qu’il n’est pas uniquement technique. Il implique une évolution dans le comportement des chercheurs. Le deuxième objectif est de tester les mesures de prévention du stade industriel. Une fois tous les paramètres de conduite du procédé fixés et le génie chimique appliqué, il est utile de vérifier comment le procédé réagit au pilotage à distance, au passage en continu, ainsi qu’aux entrées et sorties des agents chimiques. Cela suppose une installation pilote, dont l’échelle est déterminée par divers facteurs tels que la taille de l’installation finale, sa complexité, l’expérience acquise, etc. Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles (BARPI), implanté à Lyon, s’intéresse particulièrement aux accidents de process. En collaboration avec les représentants de l’industrie de chimie fine et les autorités compétentes, il a publié un recueil de recommandations1, dont les titres de chapitres sont : – Procédé (recommandations 1 à 7) – La conception et la réalisation des installations (recommandations 8 à 27) – L’exploitation des installations (recommandations 28 à 36) – Le facteur humain (recommandations 37 à 42) m Les procédés continus

Un procédé de fabrication chimique prend presque toujours naissance dans un laboratoire. Cela signifie que les opérations sont réalisées sur de petites quantités, très souvent inférieures au kilogramme. Lorsqu’on décide de passer en production industrielle, on a tendance, dans les petites structures, à en faire une extrapolation directe, en adaptant le mode opératoire de laboratoire au matériel disponible : réacteurs, filtres, distillateurs et autres sécheurs. Cette méthode comporte des avantages : d’une part, la production industrielle est rapidement disponible, même après un développement pour optimiser les traitements, d’autre part, le matériel reste assez polyvalent, ce qui limite les investissements. Elle a aussi des inconvénients, par exemple la productivité réduite, mais celui qui nous intéresse ici concerne la sécurité. En effet, la production « par batch », qui signifie qu’on accumule une importante masse réactionnelle dans un réacteur, a pour effet de décupler la gravité d’un incident, notamment par effet de masse et par une faible efficacité du refroidissement. C’est ce type d’effet, survenu dans un réacteur contenant des chloro-phénols, qui est à l’origine de la catastrophe de Seveso en Italie. Si la masse est un facteur aggravant du risque, il faut l’éviter. La solution est le recours au process en continu. Rappelons que « le continu » consiste à conduire une réaction dans un petit volume continûment renouvelé par un flux de réactifs. Dans ce type de réacteur continu, le rapport entre le débit et le volume détermine un temps de séjour moyen, que l’on règle pour que la réaction atteigne le rendement recherché. On peut alors utiliser un volume réactionnel sans commune mesure avec les quantités produites et obtenir un meilleur contrôle des paramètres réactionnels. 1. http://aria.ecologie.gouv.fr/barpi_stats. gnc

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Cette solution permet en outre de travailler en système intrinsèquement clos, ce qui en fait la réponse idéale pour la maîtrise des risques, tant chroniques qu’accidentels. En particulier, il apporte une réponse efficace au problème posé par les atmosphères explosives, qui est l’obsession des services de sécurité de l’industrie chimique. Si l’on peut passer à un système intrinsèquement clos, il n’y a plus de zone atex, et les purges préalables du système sont d’autant plus faciles avec une installation travaillant en continu. Bien entendu, le process continu n’est pas toujours possible et nécessite des études lourdes et souvent coûteuses, c’est pourquoi il faut estimer son intérêt sur le long terme. Même si l’on reste sur un procédé discontinu, il est possible de conserver le principe d’isolement de la zone dangereuse. m Le pilotage à distance

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Confiner la zone dangereuse suppose que les commandes et les mesures indispensables soient réalisées à distance. Les technologies correspondantes sont très évoluées tout en étant facilement disponibles. Les obstacles au développement de ce principe sont plutôt d’ordre comportemental, car les chimistes utilisent beaucoup l’information visuelle pour piloter les réactions. Mais une fois mis au point et stabilisé, un mode opératoire est parfaitement reproductible, à condition de connaître tous les paramètres influents. Il ne reste ensuite qu’à choisir les bons capteurs et les bons actionneurs pour piloter les réactions sans être au contact du matériel, sachant que la vision peut même être substituée au besoin par de la vidéo. Les avantages du pilotage à distance sont nombreux. L’électronique offre des possibilités de surveillance continue des paramètres invisibles, tels que la viscosité du milieu, son pH, son absorption en ultraviolet, sa résistivité, etc. Cette richesse de mesures fait que le pilotage à distance des réactions apporte, outre la sécurité en cas d’incident, une meilleure maîtrise du procédé et donc une parfaite reproductibilité. Des réactions peuvent être totalement gérées par un automate. Ainsi, que le process soit continu ou discontinu, le pilotage à distance autorise le système clos, objectif final de la sécurité avec des agents chimiques dangereux. Enfin, si malgré tout le risque incendie et explosion demeure, il est possible de prévoir de l’inertage ou des moyens d’extinction massifs dans un local où aucune présence humaine n’est tolérée en fonctionnement. Les avantages sont tellement importants que ce principe mérite d’être déjà appliqué au stade des études en laboratoire et du développement. EXEMPLE DE PASSAGE D’UN PROCÉDÉ AU CONTINU :

Cet exemple illustre à la fois le passage au continu d’un procédé initialement en batch et l’utilisation d’un système intrinsèquement clos, ce qui est souvent la règle. Il s’agit de la fabrication de phosphate d’alumine, de qualité pharmaceutique. Pendant des années, où sa production était relativement réduite, il était fabriqué en faisant réagir une solution de phosphate trisodique avec une solution de sulfate d’alumine, selon le schéma suivant : 2 Na3PO4 + Al2 (SO4) 3 = 2 AlPO4 + 3 Na2SO4 Le phosphate d’alumine précipite sous forme colloïdale et doit être filtré (difficilement !) et lavé. Le phosphate trisodique était livré en sacs, et le sulfate d’alumine en solution. Il fallait dissoudre le phosphate dans l’eau au préalable. Cette méthode, très simple et bon marché, était néanmoins coûteuse en main d’œuvre, avec des conditions de travail pénibles, et cela pour une qualité variant

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d’un batch à l’autre. La précipitation très épaisse du phosphate d’alumine rendait son homogénéité aléatoire sur des batch de plusieurs tonnes. Des études, provoquées par le développement de ce principe actif, ont conduit à revoir complètement le procédé dans le but de le rendre continu. Pour cela, il fallait évidemment des réactifs uniquement liquides. Il n’a pas été difficile de trouver du sulfate d’alumine en solution, puisqu’il est produit principalement sous cette forme. Quant au phosphate trisodique, il a été tout simplement remplacé par ses précurseurs, à savoir de l’acide phosphorique et de la lessive de soude, tous deux concentrés. Le mélange des trois produits, selon un mode opératoire plus difficile à mettre au point qu’il ne paraît, donne effectivement un phosphate d’alumine de très bonne qualité. Le passage au continu était dès lors possible, moyennant le développement d’un réacteur continu de forme annulaire, équipé des systèmes de contrôle-commande adéquats. Entrent simultanément dans ce réacteur d’une part un mélange d’acide phosphorique et de sulfate d’alumine, d’autre part la solution de soude. Il en sort en continu une suspension de phosphate d’alumine, que l’on envoie sur un filtre continu. Le mélange initial acide est bien sûr préparé par batch de grand volume, ce qui permet de déterminer un numéro de lot pour le produit final formulé, indispensable pour le suivi qualité. Cette installation mono-produit est complètement close, et n’est arrêtée et ouverte que pour la maintenance annuelle. phosphate d’alumine

acide phosphorique + sulfate d’alumine

Réacteur en boucle

soude

Figure 5.13 – Schéma de fabrication du phosphate d’alumine en continu Le gain réalisé en matière de prévention est considérable, aussi bien pour les expositions que pour les accidents. Comme c’est souvent le cas avec ce système, un gain de qualité et de régularité a aussi été observé, sans parler de l’amélioration des conditions de travail, puisque toute manutention a pratiquement disparu, du moins au stade de la production chimique. m Particularités du stockage des produits

Les établissements de production chimique, et ils ne sont pas les seuls, se caractérisent par la quantité, la diversité et le niveau de danger des produits qu’ils sont amenés à stocker, en amont comme en aval de la fabrication. Cette situation dangereuse exceptionnelle appelle des mesures renforcées de prévention. La première, qui applique le principe d’éloignement, consiste à constituer un parc de stockage pour les emballages unitaires et un autre pour le vrac. Selon les dimensions utiles et la nature des produits, ces parcs peuvent être plus ou moins abrités des intempéries. Situés à une distance de sécurité des ateliers, ils leur sont reliés par un rack de tuyauteries, conçu pour faciliter la maintenance. Ils sont agencés par famille de compatibilité et la signalisation en est particulièrement soignée, tant pour l’identification 264

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des produits que pour les dangers associés. Les rétentions sont réalisées pour bien protéger de tous les risques de projection, comme détaillé au paragraphe 5.1.2. De telles installations de stockage supposent des mouvements de véhicules fréquents : des véhicules routiers en amont et des chariots élévateurs en aval. Le croisement de ces deux groupes de véhicules doit être impossible en fonctionnement normal. Pour les emballages unitaires, les aires de manœuvre sont largement dimensionnées, notamment pour pouvoir réaliser des rampes de franchissement des murets de rétention avec une pente modérée. Le schéma suivant montre certaines des recommandations évoquées. sprinkler

luminaire

portes pare-flammes

palettiers jumelés informations

rampes pour rétentions

Figure 5.14 – Schéma général d’un local de stockage sur palettiers

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Les emballages unitaires peuvent aussi être stockés à l’air libre, lorsqu’ils résistent bien aux intempéries. Les aires de stockage de ce type sont très simples ; elles doivent simplement être en rétention, avec les rampes de franchissement.

Figure 5.15 – Rampe de franchissement d’une rétention

265

5 • Applications particulières

5.2 Industrie chimique et pharmaceutique

L’inconvénient de cette formule est que les rétentions se remplissent en cas de pluie. La solution qui consiste à équiper les points bas d’une vanne de vidange n’est pas à retenir, en raison de la possibilité d’oubli de fermeture. Il est préférable d’équiper les puisards d’une tubulure d’aspiration permettant à une pompe mobile de procéder à la vidange autant que de besoin. Une meilleure solution est de couvrir toutes les aires de stockage, en constituant des cellules spécialisées, accessibles par une rampe. Pour gagner en capacité de rétention, il est aussi préférable de placer les emballages sur un caillebotis recouvrant la rétention.

Figure 5.16 – Cellules de stockage sur caillebotis

Le parc à citernes est également conçu pour faciliter les approvisionnements et les interventions de secours. En particulier, il dispose d’aires de déchargement (ou dépotage) en rétention, comme le montre le schéma suivant :

auvent passerelle

vers capacité de rétention

Figure 5.17 – Aire de dépotage

266

5 • Applications particulières

5.3 Traitements de surface

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Le dépotage de liquides dangereux est toujours une opération à risque élevé d’incendie et de projections. Ce poste doit être équipé en conséquence, avec une signalisation évitant les erreurs de branchement des tuyaux et un dispositif de recueil des égouttures. Toutes les mesures de suppression des sources d’ignition sont primordiales compte tenu des quantités en cause, et en particulier les dispositifs de mise à la terre des citernes. Pour les substances les plus inflammables, il est recommandé de les stocker dans des cuves enterrées. Le niveau réel de liquide dans les citernes est une autre source d’erreurs conduisant à des débordements, dont les effets nuisibles sont nombreux. D’où les recommandations suivantes : – une indication de niveau bien visible depuis le poste de dépotage ; – une indication de niveau redondante fonctionnant de façon autonome : soit à flotteur et contrepoids, mais l’information est alors inversée, soit à tube de niveau, mais elle est moins visible et plus fragile ; – un tube de trop-plein bien dimensionné pour conduire l’excédent éventuel au fond de la rétention. Les citernes de stockage demandent parfois des interventions à l’intérieur, ce qui présente plusieurs risques évidents. Une mesure efficace consiste à prévoir sur les citernes, outre le trou d’homme classique, une trappe de visite dans le bas, à hauteur d’homme, comme les cuves de vinification en possèdent. Cette ouverture ainsi placée facilite grandement la ventilation, la pénétration, la sortie d’urgence, l’intervention de secours, l’introduction d’outillage, etc. La réticence vis-à-vis de ce dispositif est motivée par la crainte de fuites, mais ce n’est pas un problème insurmontable.

Figure 5.18 – Trappe de visite – Recueil des égouttures

5.3 Traitements de surface Le cas des traitements de surface, dans le sens le plus large, est probablement l’un des plus difficiles en prévention du risque chimique et il est assez rare de trouver une solution pleinement satisfaisante. Cependant, notre méthode permet de s’en rapprocher le mieux possible, sachant que la meilleure des préventions reste celle qui est effectivement appliquée. Il vaut donc mieux une mesure de prévention d’efficacité limitée 267

5 • Applications particulières

5.3 Traitements de surface

mais toujours présente qu’une mesure idéale mais souvent absente. Deux grandes familles d’activités relèvent du traitement des surfaces. 5.3.1 Surfaces fixes

Les surfaces que nous appelons fixes sont principalement celles des bâtiments construits. Les traitements qu’on leur applique sont la peinture et autres revêtements, les décapages, et un certain nombre d’autres traitements physiques ou chimiques. Ce domaine comprend aussi de grandes surfaces immobiles en pratique, comme les navires, qui d’ailleurs s’appellent parfois bâtiments… Le problème spécifique posé par cette activité est qu’elle est à la fois très émissive et très largement manuelle, donc très exposante. Le produit dangereux est appliqué à l’aide d’un outil – pinceau, rouleau, spatule, pistolet, etc. L’opérateur se tient face au support qu’il traite, c’est-à-dire qu’il y a en général moins de 1,50 m entre l’ensemble support traité, point d’émission du produit et voies respiratoires. En outre, la dimension des surfaces et la mobilité requise de l’opérateur rendent inapplicables les techniques habituelles de protection collective, comme le confinement de la source d’émission ou son captage local. En pratique, c’est le port de protections individuelles qui a été considéré comme l’unique solution, avec l’efficacité que l’on sait. En outre, le caractère temporaire des chantiers du bâtiment n’autorise pas facilement les solutions de prévention que l’on peut rencontrer dans les établissements fixes. Nous allons examiner ce que notre méthode peut apporter dans ce domaine. Le recours à la suppression du produit dangereux doit venir en premier. Des produits dangereux ont disparu des préparations disponibles sur le marché parce que la menace sanitaire a été mise en évidence assez précocement. C’est le cas des éthers de glycol, classés CMR. Pour certains autres produits dangereux, la substitution en est encore à l’état de recherches. On peut citer deux cancérigènes : la 4,4’-méthylène-dianiline (MDA), utilisée pour les résines époxy, et l’acrylamide, pour des résines utilisées en injection. C’est dans le domaine des peintures et des revêtements que la substitution a le mieux fait son chemin. La plupart des produits solvantés, dont la consommation nationale se comptait en milliers de tonnes, ont en effet trouvé leurs remplaçants, en l’occurrence des produits hydrodiluables. Ces peintures, principalement de la famille des acryliques et vinyliques, sont largement répandues dans les produits « grand public ». La disparition des solvants les plus volatils de leur formulation a, en outre, rendu leur utilisation moins désagréable. Notons que la réduction importante de l’exposition par voie respiratoire, sauf dans l’application par pulvérisation, s’accompagne de la disparition du risque incendie-explosion. Cet avantage est considérable, notamment pour l’application en espaces plus ou moins confinés. C’est pourquoi la mise au point de telles émulsions s’est poursuivie, et on peut maintenant trouver ces produits hydrodiluables dans des familles telles que les époxy et les polyuréthannes. Bien entendu, une telle substitution ne conduit qu’à une réduction de risque, puisqu’il reste un grand nombre de substances présentant des dangers variés dans leur composition, ce qui nécessite d’éviter les contacts cutanés. Autres inconvénients : 268

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5.3 Traitements de surface

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le nettoyage du matériel plus difficile et une pollution préoccupante des eaux utilisées pour le nettoyage et parfois pour le captage des aérosols en cabine. Comme toujours, une recherche de substituant doit faire l’objet d’un bilan avantages/inconvénients, qui n’est valable qu’au cas par cas. Ainsi, un produit solvanté pourra être préféré si, dans certaines conditions, les risques peuvent être parfaitement maîtrisés et au final être inférieurs à ceux d’un produit hydrodiluable. Pour illustrer ce point, citons le cas du remplacement de l’application d’un produit hydrodiluable sur un chantier de pose de panneaux de parement par la pose de panneaux pré-peints en atelier spécialisé, mais avec un produit solvanté. Après la substitution vient la réduction des expositions. Cette solution s’impose quand le produit dangereux n’est pas appliqué, mais généré par l’activité. Dans ce domaine, on trouve essentiellement les poussières. Il faut d’abord essayer de supprimer le phénomène d’émission, qui est presque toujours lié à une action mécanique sur un matériau dur, la vitesse de l’outil étant à l’origine de la projection des particules. La solution à envisager consiste à réduire au maximum les vitesses des outils. Cela est parfois possible, pour tronçonner, percer, lisser, retirer une couche, etc., grâce à des outils spéciaux travaillant à basse vitesse, connus des professionnels. D’autres fois, il est possible de travailler « à l’humide ». Cela veut dire humidifier au préalable le matériau travaillé, ou envoyer un brouillard d’eau sur la zone d’émission des poussières. Cette technique est très utilisée en démolition et en retrait de matériaux contenant de l’amiante. Elle n’est pas parfaite et induit d’autres problèmes liés aux boues formées. À défaut d’une telle solution, il faut s’efforcer de tenir l’opérateur hors de la zone de présence des poussières. Deux possibilités s’offrent alors : – Si l’émission des poussières est localisée sur l’outil employé, il faut essayer de la capter à la source. On peut utiliser un outil aspirant, décrit précédemment. Il existe des ponceuses, des perceuses, ou des scies de ce type. Leur efficacité et leur ergonomie ne sont pas encore arrivées à un niveau satisfaisant, à en juger par la réticence des utilisateurs professionnels. Nous croyons pourtant que c’est un marché d’avenir. – Si l’émission est plus ou moins diffuse, on ne peut que la confiner dans un certain espace, dans lequel l’opérateur ne devra pas pénétrer. Il lui faut donc des moyens électromécaniques plus ou moins télécommandés. On peut illustrer ce principe par l’utilisation d’une enceinte mobile à appliquer contre une façade pour la sabler, ou celle d’un engin télécommandé dans un chantier de démolition. Le principe du captage des poussières dans une enceinte ventilée est assez bien répandu dans les établissements fixes, y compris ceux qui relèvent du secteur bâtiment, comme certains tailleurs de pierres. Nous pensons donc qu’il existe une « troisième voie » pour le problème de l’exposition sur les chantiers temporaires. Lorsqu’il s’agit, par exemple, d’éléments à découper relativement manipulables, comme en couverture, en revêtement ou en parement, les opérations de découpe peuvent très bien se faire dans un local mobile préfabriqué, équipé dans les règles de l’art, et placé à proximité immédiate du lieu de pose. Nul doute que les conditions de travail ainsi améliorées auront des conséquences sur la qualité du travail, voire sa productivité. Il est même possible que les découpes soit prévisibles et planifiables, 269

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5.3 Traitements de surface

et donc réalisables en établissement fixe dans d’excellentes conditions. Encore faut-il se poser la question… Pour faire face aux principales causes d’accident chimique dans les métiers du bâtiment, à savoir intoxication, anoxie et incendie-explosion, on commence par agir sur les situations dangereuses. Comme les deux premières causes citées sont liées au travail en espace confiné, la première mesure à appliquer sera d’éviter toute source d’émission d’agent chimique pendant une présence humaine, ou son évacuation totale au fur et à mesure de sa production. Nous prendrons comme exemple un accident figurant dans la base de données INRS. EXEMPLE D’INTOXICATION AIGUË :

Un ouvrier a perdu connaissance en posant une moquette en sous-sol non ventilé, ce qui nécessitait d’appliquer une couche de colle solvantée au perchloréthylène. Cet accident était facilement prévisible. On aurait pu utiliser une colle sans solvant, ou installer une ventilation provisoire dont le débit aurait été calculé pour éliminer le volume de vapeurs libéré par le séchage de la colle. Quand on connaît la composition de la colle, il est facile de calculer le volume théorique total de vapeurs susceptibles d’être émises. Calcul du volume théorique de vapeurs : 50 m2 recouverts d’une colle à 30 % de perchloréthylène, à raison de 300 g par m2, vont émettre 50 ¥ 300 ¥ 0,3/166 = 27 moles de solvant, qui vont occuper un volume de 27 ¥ 25 = 675 litres ou 0,675 m3. Si le volume du local est de 50 ¥ 2,5 = 125 m3, la concentration maximum finale en perchloréthylène sera de 0,675/125 = 0,54 % ou 5 400 ppm, soit 108 fois la valeur moyenne d’exposition (VME). Même si, en pratique, la concentration réelle est plus faible, parce que l’émission s’étale sur plusieurs heures et qu’il existe toujours un petit renouvellement d’air, le risque d’intoxication aiguë est bien démontré. Quel aurait été le débit d’air renouvelé nécessaire pour assainir suffisamment cet espace ? Pour une bonne marge de sécurité, nous prendrons comme objectif une concentration maximum en solvant égale au tiers de la VME, soit environ 16 ppm, sachant que l’émission des 675 litres de vapeurs est répartie sur les 3 heures que dure l’encollage. Débit = 0,675 m3 ¥ 1 000 000/16 ¥ 3 = 14 000 m3/h Ce calcul n’est valable qu’avec un captage bien placé par rapport à la source d’émission. Ce calcul, certes très théorique, montre que les débits de ventilation nécessaires sont toujours très élevés quand on choisit le principe de renouvellement d’air. À cet inconvénient s’ajoute celui de la pollution de l’environnement, qui n’est pas résolu.

5.3.2 Surfaces mobiles

Les surfaces mobiles sont celles des pièces et des objets, en métal ou en plastique, que l’on traite pour modifier leur aspect ou leurs propriétés. On y retrouve donc la peinture et autres types de revêtements, mais aussi les traitements en bains, électrolytiques ou pas. Dans les modifications d’aspect figurent la recherche du brillant, obtenu par le chromage ou le nickelage, la couleur, obtenue avec les peintures ou des reflets, eux-mêmes obtenus par anodisation ou chromatation. Dans les modifications de propriétés figurent le durcissement, le polissage, la résistance à la corrosion, obtenus par les techniques déjà citées pour l’aspect. Cette courte description, non exhaustive, permet de caractériser le problème du risque chimique dans les traitements en bains. 270

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5.3 Traitements de surface

m Les risques du traitement en bain

La première composante du risque est l’agent chimique dangereux. Sans en faire un inventaire, qui devrait être remis constamment à jour, nous présentons les plus dangereux : Exemples

Dangers

Phrases de risque

Cotation santé

Chrome VI

Acide chromique Bichromate de potassium

Toxique CMR Corrosif Comburant

R : 45-46-924/25-26-3542/43-48/2362

5

Les dangers disparaissent à la valence III

Cyanures

Cyanure de sodium

Très toxique

R26/27/28

5

Surtout dangereux par acidification

Toxique Corrosif

R26/27/28-35

5

Surtout dangereux par pénétration percutanée.

Famille de produit

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Acide fluorhydrique

Remarques

Cadmium

Sulfate de cadmium

Très toxique CMR

R : 45-46-6061-25-2648/23/25

5

Le cadmiage reste réservé à un marché restreint

Acides

Chlorhydrique Sulfurique Nitrique

Corrosif

R35

4

Niveau de danger réduit par la dilution

Base

Soude Ammoniaque

Corrosif

R35

4

Niveau de danger réduit par la dilution

Sels de nickel

Sulfate de nickel

Toxique CMR

R : 49-61-20/ 22-38-42/4348/23-68-

4

Nouveau classement dans la 30e ATP

Bisulfites

Bisulfite de sodium

Nocif

R : 22-31

4

Surtout dangereux par acidification

Hypochlorites

Hypochlorite de sodium

Corrosif

R : 31-34

4

Surtout dangereux par acidification

Hydrocarbures

White-spirit

Inflammable R10 Nocif R65

Solvants chlorés

TétrachloréthyNocif lène

R40

3

3

Très volatils Le trichloréthylène est classé CMR (R45)

La deuxième composante du risque est l’exposition. Le principe de travail au trempé dans une cuve est par nature très émissif. Les émissions sont évidemment fonction de la volatilité des produits contenus dans le bain, mais aussi des conditions opératoires. 271

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5.3 Traitements de surface

Elles sont activées par une agitation, surtout quand elle est réalisée par un bullage d’air comprimé, par l’électrolyse, par la sortie des pièces du bain, par les courants d’air. Elles sont réduites par la dilution des produits en solution et par la couverture éventuelle des bains. La première exposition est respiratoire, qu’il s’agisse de vapeurs minérales ou organiques, de gaz, généralement sous-produits de réactions parasites, ou d’aérosols produits par l’agitation, l’électrolyse ou les mouvements de pièces. La seconde exposition est cutanée, issue de contacts non maîtrisés avec des produits, des pièces et du matériel souillé. Ce procédé, dans sa conception traditionnelle, s’avère effectivement très polluant pour l’environnement immédiat. Les risques accidentels sont très présents du fait de l’accumulation de substances réactives avec assez peu de confinement en général. On retrouve donc principalement des risques de projections et d’émanations massives provoquées par des mélanges dangereux, pour ne parler que des risques chimiques. Le risque incendie est peu présent, du moins pendant la présence humaine, mais il est à l’origine de gros dégâts matériels pendant les absences d’activité. Cette activité génère en outre des effluents liquides et gazeux très nuisibles pour l’environnement. La réglementation est d’ailleurs très contraignante dans cette activité1. La plupart des établissements concernés assurent leur propre détoxication d’effluents. Le traitement des effluents liquides relève de techniques physico-chimiques assez complexes qui demandent en fait des stations d’épuration qui ont tous les caractères d’un atelier de chimie. Cette activité connexe génère à son tour des risques chimiques importants, d’autant plus que la compétence des personnes employées est souvent inadaptée à la chimie pure. D’ailleurs, les accidents les plus graves enregistrés, dont des mortels, se sont produits dans des stations de détoxication. m Les mesures de prévention spécifiques

Une grande partie des risques chimiques présents appellent les mêmes mesures que dans l’industrie chimique. Il s’agit principalement des risques liés aux dépotages de réactifs en vrac, à la manipulation des produits pour préparer ou recharger les bains, à la gestion du stockage et à la conduite de la station d’épuration2. La spécificité apparaît dans le traitement en bains, parce qu’on est en présence d’un système largement ouvert et avec des mouvements de pièces qui posent un problème inhabituel. Dans un premier temps, il est toujours utile d’agir sur le niveau de danger, c’est-àdire par substitution. Compte tenu des effets recherchés, les possibilités de substitution, qui ont été souvent explorées, sont assez limitées. Les acides et bases concentrés ne sont pas remplaçables par des produits moins dangereux. Les métaux dangereux qui servent aux dépôts (chrome, nickel) ne le sont pas non plus par définition. Pour le chrome, seule la valence 6 est dangereuse, mais les essais de substitution par du chrome 3 ne donnent pas encore satisfaction. Par contre, les chromates intervenant dans des actions de conversion laissent espérer des substitutions possibles. 1. L’arrêté du 26 septembre 1985, qui régissait jusqu’à présent les installations de traitement de surface, a été révisé. Ces activités autorisées sous la rubrique ICPE 2565 doivent désormais respecter l’arrêté du 30 juin 2006. 2. Voir la brochure INRS Ateliers de traitement de surface – Prévention des risques chimiques, ED 827.

272

5 • Applications particulières

5.3 Traitements de surface

Les cyanures sont déjà remplacés dans toutes leurs grandes applications, notamment pour le zincage. Ils restent toutefois indispensables dans les dépôts de métaux précieux (or et argent), qui représentent de petites productions. En définitive, pour le chrome 6 comme pour les autres produits dangereux, la solution passe logiquement par l’approche du système clos. Compte tenu du mouvement des pièces, on ne peut concevoir qu’un système presque clos, ce qui est déjà beaucoup plus performant que la protection par aspirations latérales, qui s’est répandue dans les ateliers depuis des années. Or, la campagne de lutte contre les CMR, lancée par les pouvoirs publics, devrait générer de nouvelles solutions, plus conformes à la méthodologie et aux textes réglementaires. Pourtant, la solution technique qui permet le passage d’objets sans rompre le confinement est connue depuis longtemps : c’est le principe du sas. Appliqué aux cuves de traitement de surface, il devient une enceinte mobile qui les prolonge au moment de l’entrée ou de la sortie des pièces, qui restent alors confinées. En dehors de ces mouvements, les cuves doivent évidemment rester fermées et ne s’ouvrir qu’en présence de l’enceinte mobile. Ce principe a été décrit dans le guide de ventilation que l’INRS a élaboré pour l’activité du traitement de surface1. Voici le schéma correspondant : entrée d’air cadre porte-pièces

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aspiration

Figure 5.19 – Enceinte mobile pour la sortie et le transfert des pièces

Ce système ne fonctionne correctement qu’avec une fermeture mécanisée et pilotée des cuves et avec le minimum de passage d’air entre l’enceinte et la cuve. Différentes solutions techniques existent ; en voici une2 : 1. Guide pratique de ventilation n˚ 2, Cuves de traitement de surface, INRS ED 651 2. Ce schéma figure aussi dans la brochure INRS Ateliers de traitement de surface - Concevoir en sécurité intégrée, ED 848.

273

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5.3 Traitements de surface

système de levage du cadre

cadre en position immergée couvercles articulés gaines d’aspiration

Figure 5.20 – Schéma montrant la jonction entre l’enceinte mobile et les cuves avec couvercles

Ces deux contraintes techniques, qui impliquent l’utilisation d’un automate, ont certainement freiné son développement. Un tel équipement n’a été mis en place que sur quelques unités importantes. Pourtant, ce concept réunit les avantages suivants : – L’ensemble cuves et pièces traitées est presque totalement confiné et en dépression. Cela est donc conforme à la réglementation concernant les CMR. – À la sortie des pièces, l’enceinte permet de procéder à l’égouttage, sous courant descendant et avec un rinçage éventuel par pulvérisation. – Les pièces se déplacent de cuve en cuve sans sortir de l’enceinte. – Quand l’enceinte quitte une cuve, celle-ci est déjà refermée et ventilée. – Le débit de ventilation requis pour chaque cuve est égal au dixième de celui requis pour la même cuve ouverte avec aspiration bilatérale. – Les bains sont eux-mêmes protégés de toute introduction accidentelle d’un corps ou produit étranger. – Le personnel est à l’abri de toute exposition respiratoire ou cutanée. Bien sûr, un tel équipement doit être prévu dès la conception d’un atelier et ne peut s’adapter qu’exceptionnellement à une ligne de cuves existante. On peut penser qu’il n’est pas compatible avec de petites productions très flexibles. C’est une idée fausse, car la flexibilité est apportée par l’automate, qui ajoute une grande 274

5 • Applications particulières

5.3 Traitements de surface

reproductibilité des résultats. Nous l’avons déjà dit, un progrès technique impose toujours une modification de l’organisation du travail. Une solution comparable est possible pour de petites unités, à condition que les émanations de tous les bains d’une ligne soient compatibles entre elles. Il s’agit du confinement par tunnel. Dans ce cas, l’enceinte enveloppe toute la ligne des cuves, qui sont équipées d’aspirations latérales, ou même, plus simplement, d’un ou deux points d’aspiration. L’entrée d’air se fait alors par les extrémités du tunnel, selon le schéma suivant : aspiration

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Figure 5.21 – Tunnel ventilé

Le tunnel permet tout aussi bien de limiter les débits de ventilation et de protéger le personnel. Des ouvertures sont possibles le long de la ligne pour les diverses interventions nécessaires. Ces deux systèmes ne dispensent pas de la maintenance des bains, c’est-à-dire les apports de produits chimiques, les remplacements et déplacements de bains et l’élimination de ceux qui sont usagés. La prévention des risques importants qui sont liés à cette activité doit s’inspirer de celle que l’on pratique dans l’industrie chimique. Cela veut dire concrètement : – Tous les transferts se font par pompes et canalisations fixes. – Les mises en solution se font hors cuves, dans un récipient spécialement équipé dans ce but, avant le transfert de la solution préparée. – Les traitements physiques du bain, tels que chauffage, refroidissement, filtration, se font autant que possible à l’extérieur de la cuve par circulation dérivée. Les dégraissages de pièces par solvants, qu’ils soient chlorés ou inflammables, demandent le même type d’équipement. Les cuves sont closes, les mouvements de pièces sont mécanisés, les vapeurs sont piégées par condensation et l’ensemble est maintenu en dépression. Quant à la station d’épuration, c’est un atelier de chimie et il doit être traité intégralement comme tel. Il est vrai que le respect scrupuleux de ce principe alourdit encore l’investissement déjà très lourd d’une station physico-chimique pour des ateliers de traitement de surface de taille majoritairement réduite. C’est pourquoi la solution qui nous paraît la plus rationnelle est de sous-traiter cette activité soit à des entreprises spécialisées, mais avec l’inconvénient d’un transport de matières dangereuses, soit à des unités de traitement communes à un groupement d’entreprises. 275

5 • Applications particulières

5.4 Protection de l’environnement

5.4 Protection de l’environnement La protection de l’environnement vis-à-vis des agents chimiques répond exactement à la même méthodologie que la santé et la sécurité humaine ; seule change la nature des dommages. Nous allons le vérifier en reprenant les principales étapes de la démarche. 5.4.1 La notion de polluant

Il faut prendre quelques précautions dans l’utilisation du mot pollution, que l’on a tendance à considérer comme l’effet de la présence de tout ce qui n’est pas naturel, donc dangereux. Or, beaucoup de polluants, parmi les plus dangereux, ont une origine strictement naturelle, comme l’amiante ou les métaux toxiques et nombre de substances végétales. D’autres sont produits naturellement, comme les gaz volcaniques et tous ceux qui sont issus de fermentations naturelles. Il faut donc considérer comme pollution toute présence d’une matière qui est étrangère à l’écosystème considéré et qui est éventuellement susceptible de modifier son équilibre. Ainsi, le sel est un polluant de l’eau des rivières alors qu’il ne l’est pas de la mer. De même, 1 % d’argon dans l’air n’est pas une pollution, mais 1 % de dioxyde de carbone en est une. La première notion à considérer dans le mécanisme de pollution est le danger des agents chimiques pour l’environnement. La connaissance de ces effets est beaucoup moins développée que pour la santé humaine, parce que les études approfondies sont plus récentes et que les milieux cibles sont beaucoup plus complexes. Ils ont en effet de nombreuses composantes, telles que les natures chimiques et physiques, ou leur contenu vivant végétal, animal et microbiologique. C’est pourquoi la classification réglementaire dans ce domaine en est encore à ses débuts et ne prend en compte que des effets évidents. En voici l’état actuel. m Réglementation européenne

Il y a trois catégories de substances dangereuses pour l’environnement. La première est celle des substances dont le danger a été prouvé dans le milieu aquatique par des tests toxicologiques sur des poissons, des daphnies et des algues. On tient aussi compte de la biodégradabilité, du coefficient de partage octanol/eau et du facteur de bioconcentration. La deuxième est celle des substances n’entrant pas dans les critères précédents, mais dont on peut supposer une toxicité aquatique. La troisième concerne les milieux non aquatiques. En fonction des différents critères fixés par les textes1, les substances sont affectées d’une ou plusieurs des phrases de risque suivantes :

1. Voir l’arrêté du 9 novembre 2004, pris en application de la directive 1999/45/CE modifiée.

276

5 • Applications particulières

5.4 Protection de l’environnement

R50

Très toxique pour les organismes aquatiques.

R51

Toxique pour les organismes aquatiques.

R52

Nocif pour les organismes aquatiques.

R53

Peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique.

R54

Toxique pour la flore.

R55

Toxique pour la faune.

R56

Toxique pour les organismes du sol.

R57

Toxique pour les abeilles.

R58

Peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement.

R59

Dangereux pour la couche d’ozone.

L’étiquetage de la première et de la troisième catégorie de substances porte en outre un unique symbole de danger :

N - Dangereux pour l’environnement Figure 5.22

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m Système Général Harmonisé

Dans le SGH, la partie consacrée à l’environnement (n˚ 4) ne prévoit pour le moment que la toxicité pour le milieu aquatique, dans la classe 4.1. Celle-ci comporte deux sous-classes, l’une pour la toxicité chronique et l’autre pour la toxicité aiguë. Les éléments qui déterminent le classement sont les suivants : – toxicité aiguë pour le milieu aquatique ; – bioaccumulation potentielle ou réelle ; – dégradation (biologique ou non biologique) des composés organiques ; – toxicité chronique pour le milieu aquatique. En fonction des différents tests, il est possible de déterminer la catégorie de danger qui reflète son niveau. Le nombre de catégories n’est pas le même pour les deux sous-classes. Voici le tableau qui résume les règles d’étiquetage : 277

5 • Applications particulières

5.4 Protection de l’environnement

Toxicité AIGUË Catégorie 1

Catégorie 2

Catégorie 3

Pas de symbole

Pas de symbole

Attention

Pas de mention d’avertissement

Pas de mention d’avertissement

Très toxique pour les organismes aquatiques

Toxique pour les organismes aquatiques

Nocif pour les organismes aquatiques

Symbole

Mention d’avertissement Mention de danger

Toxicité CHRONIQUE Catégorie 1

Catégorie 2

Symbole

Mention d’avertissement

Mention de danger

Attention

Pas de mention d’avertissement

Catégorie 3

Catégorie 4

Pas de symbole

Pas de symbole

Pas de mention d’avertissement

Pas de mention d’avertissement

Très toxique pour Toxique pour les Nocif pour les orles organismes organismes aquati- ganismes aquatiaquatiques, enques, entraîne des ques, entraîne des traîne des effets né- effets néfastes à effets néfastes à fastes à long terme long terme long terme

Peut être nocif à long terme pour les organismes aquatiques

Le SGH est très précis sur les critères de classement dans les différentes catégories et propose un organigramme de décision complet en fonction des résultats de tests ou autres données. La codification des dangers est elle-même bien détaillée, comme le montre ce tableau, extrait de l’annexe 5 :

Code

278

Mentions de danger pour les dangers pour l’environnement

Catégorie de danger

H400

Très toxique pour les organismes aquatiques

1

H401

Toxique pour les organismes aquatiques

2

H402

Nocif pour les organismes aquatiques

3

H410

Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme

1

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5.4 Protection de l’environnement

Code

Mentions de danger pour les dangers pour l’environnement

Catégorie de danger

H411

Toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme

2

H412

Nocif pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme

3

H413

Peut être nocif à long terme pour les organismes aquatiques

4

m Code de l’environnement

Le Code de l’environnement prévoit aussi un codage des propriétés dangereuses des déchets, reproduit dans l’annexe 12. En voici un extrait :

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Code

Danger

H1

Explosif

H2

Comburant

H3-A

Facilement inflammable

H3-B

Inflammable

H4

Irritant

H5

Nocif

H6

Toxique

H7

Cancérogène

H8

Corrosif

H9

Infectieux

H10

Toxique pour la reproduction

H11

Mutagène

H12

Générateur potentiel de gaz toxique

H13

Générateur potentiel de polluant

H14

Écotoxique

Ce tableau illustre malheureusement le problème du chevauchement des réglementations. Le codage de l’environnement utilise la même lettre H que le SGH, inspirée par le mot anglais Hazard, mais reprend les termes de la réglementation euro279

5 • Applications particulières

5.4 Protection de l’environnement

péenne, complétés par quatre nouveaux. Il faut noter que les termes « irritant », « nocif », « toxique », « cancérogène », « mutagène », « toxique pour la reproduction » et « infectieux » ne sont adaptés théoriquement qu’à l’espèce humaine, alors que la cible est bien plus large. En conclusion, la connaissance du danger pour l’environnement, qui est la première étape de l’analyse de ce risque, peut s’appuyer sur l’étiquetage européen. Mais cet étiquettage n’est pas disponible pour tous les rejets et effluents, puisqu’ils prennent en général naissance dans l’activité. Une démarche de classement volontaire s’impose donc, qui peut être relativement facile avec un historique précis de la formation de ces rejets et effluents. 5.4.2 Le processus chronique

La deuxième étape est la caractérisation de l’équivalent d’une exposition. Comme c’est l’environnement qui est exposé, nous l’appellerons pollution. Elle se définit comme le contact entre un agent chimique et les trois milieux que sont la terre, l’eau et l’air. Ces milieux incluent leur flore et leur faune, dont fait partie l’espèce humaine dans tous les domaines de son activité. Une pollution chronique est l’introduction d’un agent chimique dans un milieu environnemental de façon continue et modérée. Quelques exemples illustrent cette définition : Dans le sol : Infiltration d’eaux de lavage, traitement divers des cultures, retombées de poussières émises dans des activités industrielles, lessivage par la pluie de dépôts de matières plus ou moins solubles, etc. Dans l’eau : Évacuation d’eaux de lavage vers les rivières, lessivage et ruissellement de surfaces traitées par des agents chimiques, rejets d’eaux de process, rejets de déchets liquides et solides par des équipements et des engins dans le milieu aquatique de surface ou souterrain, etc. Dans l’air : Émissions de fumées et de gaz de combustion, rejets des systèmes d’assainissement des atmosphères de travail, émissions de nuages de poussières, évaporation des solvants contenus dans les peintures, colles, produits de nettoyage, émissions par les procédés chimiques et thermiques, etc. Il faut ensuite faire l’inventaire des pollutions chroniques existantes dans le domaine délimité pour l’analyse de risque. Une méthode doit être choisie pour ne rien oublier. On peut rechercher les émissions par unités géographiques, par procédés ou par produits. La difficulté est d’intégrer les agents chimiques générés par l’activité : fumées, vapeurs, poussières, déchets, etc. Les trois milieux cibles jouent le même rôle que les voies de pénétration pour la santé humaine. Ils sont en général très interactifs, c’est-à-dire qu’une pollution n’atteint rarement qu’un seul milieu à la fois. La tolérance vis-à-vis de ces pollutions est un phénomène complexe qui a des composantes économiques, culturelles et psychologiques. La réglementation des ICPE a introduit des valeurs limites, selon un principe assez différent de celui qui régit les VLEP. Elles n’ont pas de valeurs universelles, mais dépendent du classement de l’activité, du milieu de rejet et du flux de rejet1. 1. À ce sujet, voir l’arrêté du 29 mai 2000 : il a pour objectif de réduire les émissions de composants organiques volatils (COV) dans l’atmosphère.

280

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5.4 Protection de l’environnement

Ces pollutions chroniques sont innombrables et permanentes. Les pollutions industrielles et les transports sont souvent mis en évidence, à juste titre, mais les activités domestiques génèrent également des pollutions sur toute la planète, que ce soit sous forme de gaz, notamment de combustion, de vapeurs, de poussières, d’eaux de lavage, d’eaux vannes et de déchets. Les dommages causés dans ces trois milieux sont très variés et on ne connaît que les plus évidents. Les milieux naturels sont des systèmes complexes en équilibre. Toute pollution chronique déplace lentement un équilibre vers un autre, qui peut être une menace pour l’homme. Par exemple, on sait, par des observations cliniques, qu’un air chargé en oxydes d’azote ou en dioxyde de soufre provoque des problèmes respiratoires, que des poussières provoquent des allergies, etc. De même, des métaux lourds ou des pesticides dans une nappe phréatique provoquent à terme des intoxications. D’autres pollutions provoquent des modifications qui pourraient être nocives à long terme, comme la disparition de la couche d’ozone, ou la raréfaction des insectes pollinisateurs. Il s’agit dans ces exemples d’effets directs sur la santé humaine. Mais la raréfaction de certaines espèces animales ou végétales n’a pas d’autre effet apparent qu’une baisse de la biodiversité. De même, le noircissement de façades ou la turbidité d’eaux de surface n’ont qu’un effet sur le plan esthétique, du moins en première analyse. Ces aspects des dommages possibles montrent qu’ils dépassent largement le cadre strictement toxicologique.

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5.4.3 Le processus accidentel

Le processus accidentel aboutit à une pollution et parfois même à une destruction massive et brutale de l’environnement proche. La situation dangereuse correspond à une proximité entre une réserve d’agent chimique et les milieux cibles. Le milieu atmosphérique est ominiprésent, c’est donc une situation qui existe dès qu’une quantité importante d’agent chimique est stockée. L’événement dangereux est alors le scénario qui aboutit à l’émission massive de cet agent sous une forme volatile. Le milieu aqueux est aussi très concerné, car même si le stock d’agent chimique n’est pas à proximité d’une rivière, d’un lac ou de la mer, il est probablement à côté d’un réseau d’égout ou d’évacuations d’eaux pluviales, qui conduisent finalement à de l’eau naturelle de surface ou de sous-sol. L’événement dangereux est le scénario qui aboutit à un déversement polluant massif dans ces eaux naturelles. C’est soit directement l’agent chimique qui se déverse, soit une solution ou une suspension aqueuse d’un ou plusieurs agents, dont la formation peut avoir diverses origines. Cela peut être une grosse fuite d’eau accidentelle entrant en contact avec des produits, ou un phénomène naturel comme de la pluie ou une inondation, ou enfin l’eau utilisée pour l’extinction d’un incendie. Tous ces événements sont évidemment au cœur de l’étude de danger exigée pour les installations classées. Ce sont les mêmes scénarios qui conduisent à des pollutions accidentelles du sol. Pour qu’elles soient possibles, il faut que la surface du sol soit à l’air libre, ou qu’il y ait des failles dans le revêtement du sol. En fait, les trois milieux sont encore atteints simultanément dans beaucoup de scénarios. Les dommages peuvent être des atteintes directes à la santé humaine, en particulier dans le cas d’une émission atmosphérique massive de produits toxiques. La catastrophe chimique qui est sans doute la plus grave connue à ce jour est celle de l’explosion 281

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d’une cuve d’isocyanate de méthyle, survenue en Inde à Bhopal. Les victimes à court ou moyen terme se sont comptées par milliers. Les émissions massives ont souvent une explosion comme événement déclencheur, mais aussi des erreurs humaines. Le plus souvent, les atteintes ne concernent que la flore et la faune, en particulier dans les rivières. Les marées noires en sont l’équivalent pour le milieu marin. Il est encore difficile de mesurer toutes les conséquences de ces accidents. 5.4.4 Estimation du risque m Risque chronique

C’est bien dans le domaine de l’environnement que l’estimation des risques est la plus difficile. Le principe est identique à celui qui régit la santé et la sécurité humaine. Dans le processus chronique, l’importance du risque se mesure en combinant le danger de l’agent chimique avec le niveau de pollution. Aucune échelle de niveau de danger n’a été proposée à notre connaissance. C’est pourquoi nous proposons de la construire sur les phrases de risque existantes dans la réglementation européenne. Mais comment comparer les abeilles et la couche d’ozone ? Nous avons pris des règles très générales, sachant que ce niveau n’est qu’un facteur parmi d’autres et que le but n’est que de fixer des priorités d’action. Sachant qu’il fallait réserver le niveau 1 au cas d’absence de phrase de risque, nous avons pris trois autres niveaux, parce qu’ils s’imposaient dans l’effet sur les organismes aquatiques. Pour les autres effets, avons pris le délai d’action comme critère, à savoir le niveau 2 pour les effets à long terme et le niveau 3 pour les effets à moyen terme. Ce raisonnement est en outre conforme aux catégories du SGH, à la différence près que l’échelle est inversée et qu’elle se limite au milieu aquatique. Le tableau suivant fournit cette échelle de quatre niveaux : Niveau Phrase de danger de risque

282

Catégories du SGH Libellé

(pour la toxicité chronique en milieu aquatique)

4

R50

Très toxique pour les organismes aquatiques.

1

3

R51

Toxique pour les organismes aquatiques.

2

3

R54

Toxique pour la flore.

3

R55

Toxique pour la faune.

3

R56

Toxique pour les organismes du sol.

3

R57

Toxique pour les abeilles.

2

R52

Nocif pour les organismes aquatiques.

3

2

R53

Peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique.

4

2

R58

Peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement.

2

R59

Dangereux pour la couche d’ozone.

1

néant

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On peut supposer que l’application du règlement REACH donnera accès à des données plus complètes pour fixer les niveaux de danger pour l’environnement. Tout en s’appuyant sur la classification de la directive 67/548/CEE, ce règlement demande d’identifier la concentration de la substance au-dessous de laquelle il ne devrait pas y avoir d’effets nocifs dans le milieu environnemental en cause. Cette concentration est appelée concentration prédite sans effet (PNEC). Le passage des valeurs limites aux niveaux de danger pourra se faire avec un tableau similaire à l’un de ceux figurant au paragraphe 2.3.5. Il faut ensuite quantifier la pollution par un niveau, fonction de la dose introduite dans le milieu. Les paramètres qui déterminent cette dose sont : – la durée d’émission : Te ; – le débit d’émission, ou flux : De. Ces paramètres sont basés sur des moyennes établies pour une période de référence (jour, mois, année…). Ils ne sont pas toujours accessibles simplement, mais ils méritent d’être recherchés, par des campagnes de mesures par exemple. Ils sont aussi approchables par le bilan matière établi produit par produit, selon la méthode (n˚ 3) évoquée au paragraphe 3.1.2. On obtient ainsi pour chaque milieu une dose périodique : Q = Te ¥ De Les doses sont ensuite classées, milieu par milieu, pour pouvoir leur attribuer un niveau de pollution, d’après une échelle choisie au préalable. Un tableau de combinaison des niveaux de danger et de pollution, similaire à celui de l’exposition au paragraphe 2.4.4, permet de quantifier l’importance de chaque risque de pollution, toujours en relatif. Le schéma suivant résume la démarche : Agent chimique

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Phrase de risque

Métrologie

Durée d’émission

Estimation

Débit d’émission

Niveau de danger Dose émise périodique

Niveau de pollution

Importance du risque

Figure 5.23 – Estimation d’un risque chimique environnemental chronique

283

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m Risque accidentel

Dans le processus accidentel, l’importance du risque est toujours une combinaison de la gravité et de la probabilité du dommage. La gravité d’un accident environnemental est difficile à exprimer par un seul chiffre tant les conséquences sont de nature différente : décès, longueur de rivière polluée, atteintes à la faune, à la flore, dégâts matériels, pertes d’exploitation….Face à ces difficultés, une échelle européenne selon quatre indices à été proposée par le Comité des autorités compétentes des États membres pour l’application de la directive Seveso, après une large consultation achevée en 2003. Cette proposition a été retenue après avis du Conseil supérieur des installations classées. Elle regroupe les 18 paramètres de l’échelle européenne en quatre groupes homogènes d’effets ou de conséquences : – 2 paramètres ont trait aux quantités de matières dangereuses impliquées ; – 7 paramètres portent sur les aspects humains et sociaux ; – 5 concernent les conséquences environnementales ; – 4 se rapportent aux aspects financiers. Pour conduire la démarche d’estimation du risque à son terme, il est pourtant indispensable de n’utiliser qu’un niveau de gravité. Il appartient aux responsables de l’analyse de faire ce choix, sachant qu’il ne s’agit ici que de déterminer des priorités d’action, à l’intérieur de l’entreprise. La détermination du niveau de probabilité n’est pas plus facile, mais toutes les méthodes de prévision d’accident évoquées pour la sécurité humaine (voir paragraphe 3.2.4) sont parfaitement indiquées dans ce domaine, car les scénarios d’accident sont en fait les mêmes. Seules les conséquences envisagées sont différentes. L’estimation du risque accidentel se termine par la combinaison des niveaux de gravité et de probabilité de chaque accident envisagé, selon le schéma habituel. L’ensemble des risques chroniques et accidentels pour l’environnement, avec leur cotation, peut être réuni dans un rapport fixant les priorités d’action et un programme pluriannuel de prévention (voir paragraphe 3.4). 5.4.5 Principes de prévention appliqués à l’environnement m Pollution chronique

Un établissement industriel, artisanal ou simplement commercial peut générer trois types de pollutions à partir d’agents chimiques. Le premier se fait vers l’atmosphère si les polluants sont volatils. Le deuxième est véhiculé par l’eau rejetée, qui peut s’être chargée de polluants solides ou liquides. Le troisième regroupe tous les déchets solides et liquides, généralement conditionnés. Les principes de prévention d’un risque chronique consistent à supprimer ou réduire d’abord le danger, puis la pollution. Agir sur le danger, c’est soit supprimer le polluant, soit le rendre moins dangereux. La première solution revient à supprimer les émissions de polluants, ce qui renvoie à une modification de procédé. En effet, toute mesure de confinement et, plus globalement, la réalisation d’un système clos, suppriment normalement toute émission. C’est évidemment la seule solution définitive pour la protection de l’environnement. Mais elle n’est pas souvent réalisable, par exemple pour une chaudière à combustion. Rendre les polluants moins dangereux reste la solution la plus fréquente. 284

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La réduction du danger d’un polluant s’appelle une détoxication. Les techniques disponibles dépendent de l’état physique du polluant. Ceux qui sont à l’état de gaz, vapeurs, poussières ou aérosols sont toujours en mélange avec de l’air, et appartiennent à la catégorie des effluents volatils. Ceux qui sont présents dans l’eau polluée, que l’on appelle effluents liquides, doivent faire l’objet d’un traitement en station d’épuration, généralement physico-chimique, du moins après une détoxication principale. Nous abordons ce thème dans le cadre du traitement des déchets, liquides et solides. m Le traitement des effluents volatils

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Une partie importante des activités humaines émettent des polluants volatils qu’il n’est pas possible de traiter en pratique. Il s’agit des applications se déroulant en plein air comme la peinture de bâtiment, les travaux de génie civil, d’extraction de carrières, de traitement des cultures, etc. Dans le cadre de cet ouvrage, il n’est pas possible de traiter des sujets aussi vastes. Nous nous contentons ici de rappeler les principes de prévention qui les concernent : – modifier le procédé pour supprimer les émissions ; – remplacer les produits émis par des produits moins dangereux. Ce qui suit concerne le domaine de l’entreprise ou des structures similaires. Pour traiter des polluants volatils, il faut d’abord les canaliser complètement. Cette disposition est en grande partie déjà incluse dans la prévention des risques visant la santé humaine, mais elle doit aussi s’appliquer à des équipements reliés directement à l’extérieur, tels que les chaudières, les étuves et les fours, etc. Le réseau de captage des effluents les transporte vers l’environnement extérieur, à moins qu’un traitement ne les arrête. C’est le principe de l’épuration, qui, selon la technique utilisée, permet soit de recycler les produits récupérés, auquel cas il n’y a plus de pollution de l’environnement, soit de les transformer en effluents moins polluants. L’examen des différentes techniques d’épuration renseigne sur l’issue du traitement. Il faut distinguer trois familles de pollution volatile : les poussières, les composés organiques volatils (COV) et les vapeurs minérales. Les gaz, les aérosols et les fumées peuvent être rattachés à ces trois catégories, selon les cas. Si plusieurs catégories coexistent, cela nécessite des traitements multiples. Épuration des poussières : Les poussières sont facilement retenues à l’aide d’un filtre, dont la perméabilité doit être adaptée à la granulométrie des particules. Cette dernière est très variable, comme le montrent les exemples suivants : Polluant

Diamètre en microns

Suies

0,01 à 0,5

Particules inspirables (alvéolaires)

0,5 à 3

Ciment

2 à 100

Bois

1 à 1 000

285

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Il existe de nombreux procédés pour retenir les poussières émises dans l’air. Le tableau suivant résume les principales technologies disponibles : Filtres à manches Très simple, décolmatage possible en continu Filtres à poches Filtre à cartouches

Souvent jetables

Cyclone

Demande de grandes vitesses d’air

Humidificateur

Intéressant pour les poussières combustibles, mais génère des boues

Séparateur électrostatique

Technique plus délicate

Les filtres les plus performants combinent plusieurs de ces procédés. Les médias filtrants sont aussi très variés, selon la granulométrie concernée, la nature chimique et la température, avec une évolution vers les non-tissés et les fibres synthétiques modernes comme l’aramide ou le PTFE1. Le principal problème que posent ces équipements est l’élimination des produits arrêtés, que ce soit par décolmatage automatique, purge continue ou échange de bloc filtrant. Ces opérations peuvent générer des expositions importantes. Pour les prévenir, l’installation doit satisfaire quelques conditions : – contrôler aussi bien le colmatage qu’une fuite du média filtrant, par un dispositif de surveillance et d’alarme ; – répondre aux exigences des atmosphères explosives, si c’est le cas ; – posséder un système de décharge et de conditionnement des déchets en confinement continu. En définitive, le dépoussiérage est une épuration efficace sans grande difficulté, mais il demande des installations coûteuses. Il conduit donc à des déchets solides, qu’il est parfois possible de recycler. Épuration des COV : Le piégeage des COV contenus dans l’air de captage ou dans les évents de certains appareils peut faire appel à des techniques très diverses du domaine physique et chimique. En dehors du problème de l’investissement, la difficulté principale rencontrée pour l’application de la plupart des techniques disponibles est la concentration en polluant. En effet, une grande dilution (quelques ppm) fait chuter le rendement de l’épuration, c’est-à-dire le rapport entre la quantité retenue et celle qui entre dans l’épurateur. La première mesure à prendre est donc de limiter le débit de captage au minimum, pour favoriser une concentration plus élevée en polluants. C’est une 1. Pour en savoir plus, consulter le rapport du CETIAT de juillet 2003, disponible sur le site de l’ADEME : www2.ademe. fr.

286

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nouvelle raison de rechercher le confinement maximum. Les traitements disponibles sont soit du domaine physico-chimique, soit du domaine biologique. Le traitement le plus répandu est probablement l’adsorption sur charbon actif, à ne pas confondre avec l’absorption, également utilisée. Le principe est de retenir les molécules organiques, grâce à leur polarité, sur une surface solide. Il faut une très grande surface, obtenue par une division poussée du support. C’est le cas du charbon actif, mais aussi de la silice ou de l’alumine. L’adsorption est un phénomène thermodynamique réversible, ce qui permet une désorption par de l’air chaud ou de la vapeur d’eau. Le charbon actif est un support exceptionnel, en particulier celui qui est issu de la pyrolyse des noix de coco. Les pores générées par sa préparation mesurent quelques nanomètres et la surface totale créée est de 500 à 1 500 m2 par gramme ! Un filtre à charbon actif industriel se présente comme une colonne, traversée par l’air à épurer. La capacité d’adsorption du charbon est bien sûr limitée et dépend des facteurs suivants : – Le produit à adsorber : la capacité dépend beaucoup de la structure chimique, elle est par exemple croissante avec la polarité de la molécule, ainsi que sa masse, et décroissante avec sa pression de vapeur. – La vitesse de passage de l’air : l’adsorption n’étant pas instantanée, elle s’améliore quand la vitesse diminue. – La concentration en polluants : c’est l’une des rares techniques qui présente un bon rendement avec des concentrations très faibles, mais ce rendement baisse vite quand les concentrations augmentent. – La température : elle déplace l’équilibre de l’adsorption vers la désorption. – L’humidité : sa présence s’oppose aux échanges et limite la capacité d’adsorption. Il est intéressant de voir comment se comporte le filtre vis-à-vis d’un flux constant d’air à pollution constante. La courbe de saturation est logiquement identique à celle qui a été décrite pour les protections respiratoires, au paragraphe 4.3.11. Mais de telles installations permettent de placer un détecteur de vapeurs à la sortie pour prévenir le claquage. À titre indicatif, le tableau suivant donne quelques valeurs de capacités d’adsorption sur charbon actif (en g de polluant par g de charbon) :

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Capacité maximale d’adsorption < 10 %

10 à 20 %

20 à 50 %

Dichlorométhane

Acétone

Essence

Formol

Acide acétique

Perchloréthylène

Oxyde d’éthylène

Acroléine

Toluène

Acétonitrile

Éthanol

Trichloréthylène

Anhydride sulfureux

Hexane

Styrène

Dioxyde d’azote

Sulfure d’hydrogène

Éthers de glycol

287

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5.4 Protection de l’environnement

Les très petites installations utilisent des filtres à charbon jetables, ce qui n’est ni fiable, ni économique, ni écologique. La bonne utilisation suppose la régénération par cycle, qui est assez simple, puisqu’elle se fait par passage d’air chaud ou de vapeur d’eau au travers de la colonne d’adsorption, de préférence à contre-courant. Il suffit d’avoir une batterie de deux colonnes, l’une fonctionnant en épuration pendant que l’autre est en régénération.

air propre

vapeur d’eau

récupération des polluants

air chargé

Figure 5.24 – Colonnes d’adsorption fonctionnant en alternance

Évidemment, la régénération libère un air très chargé en polluant, qu’il faudra traiter à nouveau. Mais comme le polluant relargué est en forte concentration, il est alors très facile de lui appliquer l’une des techniques suivantes. Une deuxième technique d’épuration importante est l’absorption dans un liquide. Elle utilise la solubilité du polluant dans un liquide choisi dans ce but. Dans le cas des COV, on utilise un solvant lourd, souvent une huile pétrolière. Pour bien fonctionner, l’absorption demande un contact intime avec le liquide, que l’on obtient avec des colonnes spécifiques, appelées laveurs, qui fonctionnent avec un garnissage. air lavé

garnissage

air chargé

liquide de lavage

288

Figure 5.25 – Colonne de lavage de gaz

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5.4 Protection de l’environnement

L’intérêt de ce choix est de pouvoir récupérer le solvant dissout par simple distillation de l’huile chargée. Ce système peut fonctionner en circuit fermé et fournit le solvant à l’état liquide et pratiquement pur. Un mélange de vapeurs redonne le même mélange à l’état liquide. Cela permet un recyclage quasi total de solvant volatil, les inconvénients étant, en dehors de l’investissement, une consommation d’énergie importante et une certaine technicité. La version la plus courante de cette technique est le piégeage des vapeurs minérales, et de certaines vapeurs organiques, par dissolution dans l’eau. Cette technique est assez économique, puisqu’elle utilise l’eau ou une solution aqueuse comme liquide absorbant et qu’elle s’accommode d’une grande quantité de polluants. Parmi tous ceux qui sont piégeables, citons : – acides et bases volatils (acide chlorhydrique, nitrique, acétique, ammoniac et certaines amines) ; – produits toxiques (cyanure et sulfure d’hydrogène, chlore) ; – aérosols (cyanures alcalins, bases et acides concentrés, chromates, etc.) ; – toutes poussières toxiques ou réactives. Ces laveurs fonctionnent avec un garnissage ou une aspersion. Le liquide d’absorption tourne en circuit fermé et doit être renouvelé, soit totalement par périodes, soit partiellement par prélèvements. Le liquide ainsi saturé constitue un nouveau déchet qui est soit retraité, soit éliminé comme tel. Les vapeurs émises par la respiration des cuves de stockage peuvent être facilement piégées de cette façon, en utilisant un dispositif très simple, sans circuit de ventilation, comme le montre le schéma suivant : Évent

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Cuve de stockage

Laveur de gaz

Figure 5.26 – Piégeage des vapeurs émises par une cuve

L’efficacité de l’absorption peut être améliorée en utilisant une solution réactive, comme un acide, une base, un oxydant ou un réducteur. Toutefois, certains polluants restent difficiles à absorber en solution : les dioxydes de soufre et d’azote, l’oxyde de carbone. La troisième technique, la condensation, présente beaucoup d’avantages : elle est propre et économique. Elle consiste à condenser les COV contenus dans l’air sur 289

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5.4 Protection de l’environnement

une paroi froide. Elle demande par contre une certaine concentration en COV pour bien fonctionner, de l’ordre de 1 % minimum. En fonction du point de rosée du composé à condenser, le refroidissement du condenseur peut être assuré par de l’air, de l’eau ou un fluide frigorigène à basse température. Le solvant condensé est ainsi prêt à être recyclé dans le process, ou réutilisé par ailleurs. Cette technique est assez simple, excepté pour des solvants à bas point d’ébullition, qui demandent deux étages de condensation. Elle peut compléter une première récupération, en particulier une adsorption. Une quatrième technique, en fait une élimination, est apportée par la combustion. Elle peut prendre divers chemins. La combustion est directe si le polluant est combustible et suffisamment concentré. Il constitue alors un apport d’énergie, exploitable dans une chaudière spécialisée. Cela est facile après une adsorption ou une condensation. Mais si le polluant n’est pas combustible ou trop dilué, il peut être injecté dans une chaudière fonctionnant avec son combustible normal. Dans ces deux cas, il faut tenir compte de la composition particulière des gaz de combustion et prévoir éventuellement leur lavage. C’est ce qui fait la difficulté de l’élimination des solvants halogénés, qui doivent faire l’objet d’une ségrégation avant traitement. La combustion peut aussi se produire sans flamme. Il existe des catalyseurs de combustion, fixés sur un support réfractaire, qui provoquent une réaction autoentretenue avec l’oxygène de l’air et permettent au besoin la récupération des calories dégagées. Cette technique est aussi utilisable en aval d’une autre. On peut résumer tous les couplages possibles des différentes techniques par le diagramme suivant : air chargé de polluant

absorption

adsorption

condensation combustion

rejets gazeux

recyclage déchets solides ou liquides

Figure 5.27 – Combinaisons des techniques physiques d’épuration

Les procédés biologiques sont basés sur la transformation des molécules par des organismes microbiologiques en sous-produits sans toxicité pour l’homme ou l’environnement. C’est le principe utilisé dans les stations d’épuration biologiques, 290

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5.4 Protection de l’environnement

pour les effluents aqueux, mais appliqué à des effluents gazeux. Le traitement biologique est basé sur une réaction d’oxydation exothermique des composés en présence d’oxygène et de micro-organismes ; cette réaction conduit à la formation de biomasse, d’eau et de produits minéraux : COV + O2

micro-organismes

Biomasse + H2O + chaleur + minéraux

La biodégradation peut se produire sur un support solide (biofiltre) ou en milieu liquide (biolaveur). Par sa simplicité et son aspect tant économique qu’écologique, cette technique récente est appelée à un grand développement. m La détoxication des déchets

Les déchets chimiques sont à considérer comme des agents chimiques et doivent être traités comme tels. Ils appartiennent à deux catégories : d’une part les produits liquides ou solides, tels que les solvants usagés, les produits périmés, les gâteaux de filtration, les résidus de distillation, les eaux de décantation ou de lavage, ou les produits issus de décapage, d’autre part les objets souillés comme les emballages vides, les chiffons d’essuyage, les filtres, joints et tuyaux imprégnés, les vêtements et protections jetables, etc. Le premier réflexe est souvent de les confier à des entreprises spécialisées, qui vont les détoxiquer pour pouvoir les éliminer en déchets banals. Cette solution présente des inconvénients sérieux. En voici quelques-uns :

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– – – –

coût de traitement, puisque c’est en fait une sous-traitance ; procédure de transport de matières dangereuses ; stockage préalable, pour grouper les envois ; masquage des faiblesses du procédé générateur de déchets.

Ces considérations incitent à favoriser la détoxication des déchets par le producteur, dès la production, autrement dit « à la source ». Même si c’est parfois impossible, il faut l’envisager systématiquement, car, faite à la source, la détoxication est souvent assez facile. Pour bien la réaliser, il convient de commencer par l’identification des dangers, comme pour tout produit chimique. Il faut donc procéder à un étiquetage de tous les déchets, stockés dans un emballage adéquat. Les informations nécessaires se trouvent souvent dans le mode d’obtention. Ainsi, un solvant classé R10 et R37, souillé par quelques pour cents de trichloréthylène, sera étiqueté R10, R37 et R45. Les emballages vides et les produits périmés ou non conformes sont, eux, déjà étiquetés. Les emballages des produits solides et pâteux doivent faciliter leur transfert et leur traitement ultérieur. L’étiquetage doit aussi mentionner l’opération dont ils sont issus. Les objets imprégnés portent l’étiquetage des produits d’imprégnation. Le premier effet positif de cet étiquetage est de pouvoir stocker les déchets en respectant les règles de séparation adéquates (voir paragraphe 5.1.2). La détoxication va consister à réduire le niveau de danger au plus bas possible, par un traitement chimique ou physique approprié. Il n’est pas possible de présenter ici tout l’éventail de ces traitements, qui relèvent de la compétence d’un chimiste. Nous en donnons quelques pistes : 291

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Danger initial

5.4 Protection de l’environnement

Traitement

Exemple

Inflammable

Combustion en chaudière spéciale

Isopropanol

Oxydant

Réduction par bisulfite

Chromates Chlorates

Corrosif

Neutralisation

Acide chlorhydrique Soude

Dégradation de la molécule par oxydation

Cyanures Formol

Hydrolyse par acide ou base fort

Isocyanates Phosgène

Combustion

Benzène, aniline

Réactif fort

Réaction contrôlée sur produit adéquat

Pentachlorure de phosphore Sodium

Élément toxique

Isolement chimique ou électrolytique avant conditionnement

Chrome Cadmium

Toxique

Ces exemples ne sont évidemment ni exhaustifs ni suffisamment précis pour être exploités. Il importe, au cas par cas, de faire les recherches bibliographiques nécessaires et de procéder à des essais de validation. Dans le cas où le producteur de déchets n’a ni la compétence ni les moyens techniques pour réaliser les détoxications utiles, il doit se tourner vers des entreprises spécialisées. Le domaine où ces opérations sont les plus indiquées est celui des petites quantités, typiquement le domaine des laboratoires de recherche ou d’analyse. Dans ceux-ci, la détoxication des déchets devrait être intégrée à la plupart des modes opératoires. m La réduction quantitative des pollutions

Il n’est pas toujours possible de réduire le danger des polluants. C’est le cas des gaz de combustion, même si l’on peut au moins filtrer les particules, ou piéger certains oxydes, sur des installations lourdes. C’est aussi le cas des métaux lourds (plomb, mercure, cadmium), dont le danger est inhérent à l’élément chimique. Il existe d’ailleurs de nombreux éléments plus ou moins toxiques susceptibles d’être présents dans des préparations ou des réactifs, comme le chrome, l’arsenic, l’antimoine, le béryllium, le cobalt, etc. Pour ces polluants, on peut seulement réduire le niveau de pollution au plus bas que le permet la technique. Toutes les améliorations de procédés déjà évoquées peuvent contribuer à cette réduction, en particulier la récupération et le recyclage des polluants les plus dangereux. Pour la fourniture d’énergie thermique ou mécanique, il est préférable d’utiliser l’électricité plutôt que les combustibles. Notons que la solution consistant à diluer les effluents dans un grand flux d’air ou d’eau ne réduit pas la quantité totale émise. Mais il est vrai qu’une concentration réduite peut limiter l’impact final sur l’environnement. 292

5 • Applications particulières

5.4 Protection de l’environnement

m Pollution accidentelle

Une pollution accidentelle de l’environnement est un sinistre. Les plus graves ont été tellement médiatisés qu’ils ont provoqué une abondante réglementation. C’est en effet l’aspect accidentel qui inspire en majorité tous les textes concernant les installations classées, et en particulier celles qui relèvent du classement Seveso. Sans aborder le vaste domaine de cette réglementation, il est intéressant d’examiner ce qu’apporte l’application de la méthodologie. Elle conduit à agir sur la situation dangereuse, puis sur les événements dangereux et enfin sur le dommage. m Action sur les situations dangereuses

Il s’agit d’éviter la proximité de la réserve d’agents chimiques avec les milieux cibles. Comme on ne peut pas s’éloigner de l’air, de l’eau ou du sol, il faut introduire des obstacles dans leur direction. Pour l’air, on peut en théorie placer une installation entièrement dans une enveloppe étanche, de façon à contenir toute émission massive, en attendant son traitement. C’est le principe de l’enveloppe de confinement, utilisée dans l’industrie nucléaire. Cela n’est envisageable que si le risque pour les personnes présentes dans l’installation n’est pas aggravé. Mais cela est possible pour des installations automatisées, ou à l’intérieur desquelles a été prévu un moyen d’isolement des personnes en toute sécurité. Pour les effluents liquides, les capacités de rétention sont, depuis longtemps, la meilleure solution. Pour augmenter leur efficacité, il faut multiplier les rétentions de façon concentrique. Cela veut dire placer un contenant ou un équipement dans sa propre rétention, qui est elle-même placée dans une plus grande rétention et ainsi de suite. Une dernière rétention devrait contenir tout l’établissement, ce qui s’avère utile en présence d’un déversement d’une grande quantité d’eau, à la suite d’un orage ou d’une intervention de lutte contre le feu. Les capacités de rétention ont en outre l’avantage d’éviter les pollutions du sol.

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m Action sur les événements dangereux

En plus du confinement, et surtout s’il est impossible ou incomplet, il faut réduire au plus bas possible la probabilité du sinistre. L’étude de danger prévue par la réglementation ICPE répond bien à ce souci. Mais toute installation, classée ou non, doit éviter les rejets accidentels. Pour ce faire, il suffit de reprendre l’inventaire des risques accidentels figurant dans le rapport évoqué au paragraphe 5.4.4 et d’apporter les solutions, point par point. Les mesures de prévention seront d’ailleurs assez peu différentes de celles qui sont retenues pour la santé et sécurité humaine. Parmi les plus importantes, on peut citer toutes les mesures de prévention des explosions, de maintenance préventive, de formation et d’information du personnel. Rappelons que le sinistre de Seveso était parti d’un refroidissement de réacteur insuffisant en fin de semaine, du fait de retards causés par des incidents techniques. Les grands sinistres sont heureusement rares. En revanche, il se produit une grande quantité d’incidents dont les conséquences restent limitées, comme en témoigne la base ARIA. Pour citer un type classique d’incident, il faut parler du risque particulier qui pèse sur les livraisons en vrac de solutions aqueuses concentrées. Les réactifs les 293

5 • Applications particulières

5.4 Protection de l’environnement

plus fréquents sont les acides chlorhydriques et sulfuriques, la soude, l’hypochlorite de sodium (eau de javel) et le bisulfite de sodium. Ils sont déjà cités comme réactifs dangereux dans le traitement de surface (paragraphe 5.3.2), mais sont aussi employés dans les blanchisseries industrielles et dans les installations de traitement d’air dont sont équipées les usines d’épuration des eaux urbaines. Il s’est déjà produit des erreurs dans les branchements de tuyaux mobiles pour le déchargement en vrac qui ont conduit à des mélanges dangereux, tels que acide et bisulfite, ou acide et hypochlorite. Les mélanges ont provoqué un dégagement massif soit de dioxyde de soufre, soit de chlore. La prévention de ce type d’erreur repose en priorité sur des procédures, qu’il faut savoir faire appliquer. m La limitation des dommages

La réduction de la gravité d’un dommage environnemental, une fois le sinistre démarré, n’est possible que dans certaines circonstances, dont on peut donner quelques exemples. En cas d’émission massive de vapeurs minérales, comme dans le dernier exemple cité, il faut envisager l’aspersion de la zone d’émission par une grande quantité d’eau bien dispersée, ce qui revient à faire de l’absorption. Il faut une source relativement localisée et disposer des moyens d’aspersion. C’est une solution classique pour un accident de transport. Elle est applicable à tout autre type d’agent chimique que l’eau peut « rabattre » efficacement, comme les poussières et certains solvants. Les déversements massifs de liquides ou solides dans l’eau de surface peuvent être plus ou moins confinés par des barrages flottants, à condition que les polluants flottent eux-mêmes. Il s’agit ensuite d’en récupérer le maximum, grâce à des techniques qui se développent dans ce domaine. Mais la rétention générale d’un établissement entier agit plus efficacement, parce que plus précocement. Encore faut-il qu’il n’existe plus de courts-circuits vers les réseaux d’évacuation externes. Enfin, il existe des mesures de type organisationnel qui sont capables de limiter considérablement la gravité des accidents environnementaux. La première est de limiter le volume de ce que nous avons appelé la réserve d’agent chimique. Elle correspond aux différents stockages présents, pour les matières premières, les produits finis, les effluents en cours de traitement et les déchets liquides. Il faut aussi compter toutes les capacités du procédé lui-même. Plus les volumes seront réduits et fractionnés, moins la gravité de la pollution sera grande. La seconde est de réduire, autant que possible, le niveau de danger maximum présent dans cette réserve. Notons que cet objectif implique, du moins dans les industries de process, l’utilisation de systèmes de production en continu et de flux tendus. En conclusion de ce chapitre, la protection de l’environnement se prête parfaitement à la méthodologie appliquée pour la prévention des risques visant la santé et la sécurité humaine. Ce constat ouvre la porte à une approche globale de ces deux domaines, utilisant les mêmes outils, les mêmes concepts et aboutissant à la même efficacité.

294

6 • ÉTUDE DE CAS

L’étude de cas présentée ici est reconstituée à partir de situations réelles, pour illustrer l’application de la méthodologie exposée. Elle est volontairement limitée à une petite activité afin de ne pas alourdir la démonstration.

6.1 Description du cas

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Dans une entreprise de carrosserie de véhicules utilitaires, un petit atelier est réservé à la peinture par pulvérisation. Les objets peints habituellement sont des panneaux rigides. L’atelier comprend une zone de préparation de la peinture et une cabine de pulvérisation à flux horizontal. L’activité du peintre consiste à préparer la peinture puis à peindre le panneau dans la cabine. C’est une peinture de type polyuréthanne, à deux composants. La préparation est en fait le mélange de la base avec le durcisseur et un peu de diluant pour ajuster la viscosité.

Figure 6.1 – Préparation de peinture – Application par pulvérisation

295

6 • Étude de cas

6.2 Analyse des risques

6.2 Analyse des risques 6.2.1 Liste des actions de l’opération peinture

Les actions listées sont limitées à celles qui supposent un risque. Code

Action

Durée

P1

Ajout des trois composants et mélange

3 min

P2

Remplissage du pot

1 min

P3

Pulvérisation en cabine

30 min

P4

Nettoyage du pot

10 min

6.2.2 Liste des dangers

Les trois composants du mélange, à savoir la base, le durcisseur et le diluant, portent le même étiquetage :

Contient du xylène R10 – Inflammable R20/21 – Nocif par inhalation et contact cutané R38 – Irritant pour la peau

C’est donc la classification du mélange, qui sera constante tout au long de l’opération. Seul le xylène porte les dangers R10 et R20. 6.2.3 Liste des expositions

Compte tenu de la simplicité du cas, ne figurent pas toutes les données listées au paragraphe 3.2.5. Action

Agent

Famille de danger

Forme

296

Dommage

Risque n˚

xylène

C-In

vapeurs

Tête au-dessus du pot

Intoxication

1

peinture

C-Co

liquide

Mélange et remplissage à la main, partiellement protégée

Irritation cutanée

2

peinture

C-Co

liquide

Nettoyage à main nue

Irritation cutanée

3

P1 et P2

P4

Proximité

6 • Étude de cas

6.2 Analyse des risques

On remarque que P1 et P2 ont été regroupées en raison des expositions identiques. P3 n’implique normalement pas d’exposition : la cabine est ventilée et le peintre bien placé. 6.2.4 Liste des situations dangereuses

Action

Agent

P1 et P2

Forme

Situation

xylène

A-IE

vapeurs

Atmosphère explosive présente

xylène

A-In

vapeurs

A-IE

peinture A-IE

xylène

P3

Famille de danger

Événement

Dommage

Étincelle électrique, explosion

Risque n˚

Lésions, décès

4

Renversement de Manipulation bidon, évaporation de bidon de 10 l.

Intoxication aiguë

5

vapeurs

Renversement de bidon, évaporation Manipulation de 10 l., étincelle de bidon dans atelier voisin, explosion

Lésions, décès

6

aérosol

Atmosphère explosive potentielle

Panne de ventilation, Lésions, étincelle d’électricité décès statique, explosion

7

Il n’y a pas d’accident envisageable pour P4. 6.2.5 Estimation des risques

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m Risques chroniques :

Risque n˚

Famille de danger

Niveau de danger

Durée (min)

Fréquence/ jour

R ou C (1 à 3)

Ir/Ic

Niveau Importance d’exposition du risque (1 à 3) (1 à 3)

1

In

3

4

4

1

16

1

1

2

Co

3

4

4

1

16

1

1

3

Co

3

10

4

2

80

2

2

Le niveau d’exposition ne peut être attribué qu’une fois tous les indices d’exposition connus. Le classement du risque ne diffère pas, dans ce cas, du niveau d’exposition, puisque le niveau de danger est constant. 297

6 • Étude de cas

6.2 Analyse des risques

m Risques accidentels

Risque n˚

Famille de danger

Niveau de gravité (1 à 3)

Niveau de probabilité (1 à 3)

Importance du risque (1 à 3)

4

IE

2

2

3

5

In

1

3

2

6

IE

3

2

3

7

IE

2

1

1

Le tableau est apparemment plus simple, mais il ne montre pas les paramètres qui aident à fixer les niveaux de gravité et de probabilité. Ceux-ci sont toujours attribués en relatif, c’est-à-dire que l’on attribue d’abord les cotes maximum et minimum, puis toutes les autres. Il en résulte un classement des risques par priorité pour aborder la phase prévention : Priorité

Action

Risque n˚

Famille de danger

Action visée

P1 + P2

4

A-IE

Préparation de peinture et remplissage pot

P1 + P2

6

A-IE

Préparation de peinture et remplissage pot

P4

3

C-Co

Nettoyage du pot

P1 + P2

5

A-In

Préparation de peinture et remplissage pot

1

C-In

2

C-Co

Préparation de peinture et remplissage pot

7

A-IE

Pulvérisation en cabine

Urgent

À faire

Peut attendre

P1 + P2 P3

On aurait pu aussi classer les actions par leur cote de risque total : Action

Risques concernés

Cote cumulée des risques

P1 + P2

1-2-4-5-6

1 + 1 + 3 + 2 + 3 = 10

P4

3

2

P3

7

1

Le plan d’action se dégage ainsi clairement. 298

6 • Étude de cas

6.3 Mesures de prévention

6.3 Mesures de prévention En repartant du tableau précédent, on ajoute d’abord systématiquement les cinq objectifs et on cherche des mesures pour chacun d’eux, en s’inspirant des règles énoncées dans le chapitre 4. Risque n˚

Famille de danger

Action visée

Objectif de prévention

Mesure possible

Emploi de panneaux pré-peints Agent chimique Peinture hydrodiluable 4

A-IE

Préparation de peinture et remplissage pot

Situation

Captage des vapeurs

Événement

Matériel atex

Dommage

Néant Emploi de panneaux pré-peints

Agent chimique Peinture hydrodiluable

6

A-IE

Préparation de peinture et remplissage pot

Situation

Ajout des composants par pompe dans pot fermé Isolement de la zone de travail

Événement Formation au risque

3

C-Co

Nettoyage du pot

Dommage

Capacité de rétention

Agent chimique

Emploi de panneaux pré-peints Machine à laver

Exposition Port de gants

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Dommage

Lavage des mains Emploi de panneaux pré-peints

Agent chimique Peinture hydrodiluable

5

A-In

Préparation de peinture et remplissage pot

Situation

Ajout des composants par pompe dans pot fermé Captage des vapeurs

Événement

Formation au risque

Dommage

Port de protection respiratoire

299

6 • Étude de cas

Risque n˚

Famille de danger

Action visée

6.3 Mesures de prévention

Objectif de prévention

Mesure possible

Emploi de panneaux pré-peints Agent chimique Peinture hydrodiluable 1

C-In

Préparation de peinture

Exposition

Ajout des composants par pompe dans pot fermé. Captage des vapeurs

Dommage

Port de protection respiratoire

Agent chimique

Emploi de panneaux pré-peints Robot de peinturage

2

C-Co

Remplissage pot

Exposition Remplissage par pompe Dommage

Port de gants Emploi de panneaux pré-peints

Agent chimique Peinture hydrodiluable Situation

7

A-IE

Robot de peinturage Fiabilisation de l’alimentation électrique

Pulvérisation en cabine Événement

Asservissement du pistolet à la ventilation Vêtements et tuyaux antistatiques

Dommage

Panneau de décompression sur la cabine

Ce tableau appelle plusieurs remarques importantes : – La méthode fournit une quantité de mesures possibles inimaginable par une simple intuition. – Des mesures reviennent souvent, ce qui signifie qu’elles ont une large portée. – Aucune décision n’est immédiatement possible. Il faut une première étude pour éliminer les moins réalistes. – Le choix de certaines mesures en exclut d’autres. Ainsi, le passage à une peinture hydrodiluable élimine toutes les mesures de prévention des explosions. À partir de cette énumération de 17 mesures différentes, on peut dégager 8 grandes options et les confronter au contexte global de l’entreprise. 300

6 • Étude de cas

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Option

Principe

A

Emploi de panneaux pré-peints

B

Peinture hydrodiluable

C

Robot de peinturage

D

6.4 Conclusion

Risques Délai de mise couverts en place

Remarques Ne peut s’appliquer qu’à 50 % de la production

Tous

1 an

1-4-5-6-7

3 mois

À valider en clientèle

2-7

6 mois

Investissement trop lourd pour la quantité

Captage des vapeurs (sur poste de préparation)

1-4-5

1 mois

Facile à réaliser

E

Ajout des composants par pompe dans pot fermé (un mélangeurdoseur mécanisé et clos)

1-5-6

3 mois

Demande une autre organisation du travail et une qualification

F

Port de protection respiratoire

1-5

1 semaine

G

Port de gants

2-3

1 jour

Facile, mais gène la précision

H

Formation au risque

5-6

3 mois

Utile dans tous les cas

Facile, mais inconfortable

Les autres mesures ne sont citées qu’une fois. L’examen de ce tableau conduit facilement à la solution idéale, c’est-à-dire le meilleur compromis entre l’efficacité et la faisabilité. Ce compromis serait : – formation au risque (facilitera l’adoption des autres mesures) ; – utiliser des panneaux pré-peints chaque fois que possible (c’est déjà le cas) ; – installer un poste de préparation isolé avec captage des vapeurs (en rétention) ; – installer une machine à laver les pots ; – installer un mélangeur-doseur mécanisé et clos (fonctionne quelle que soit la peinture) ; – passer progressivement à la peinture hydrodiluable (90 % à terme). Notons qu’arrivé au stade n˚ 5, les risques couverts seraient : 1-3-4-5-6, donc la totalité de ceux qui sont estimés en niveaux 2 et 3. Un tel plan de prévention, reposant sur une analyse rationnelle des risques et un choix calculé des mesures, a toutes les chances d’être adopté et appliqué par tous les acteurs de l’entreprise.

6.4 Conclusion Cette étude de cas, qui ne porte que sur une opération simple, avec peu d’actions et peu d’agents chimiques, se révèle finalement déjà délicate à mener à bien. Cela démontre l’importance d’une organisation rigoureuse pour bien respecter la méthodologie dans des situations plus complexes, que l’on trouve même dans de petites entreprises, surtout si l’on intègre la protection de l’environnement. Il existe beaucoup 301

6 • Étude de cas

6.4 Conclusion

d’autres méthodes, qui attirent par leur simplicité et leur rapidité, mais peut-on se contenter d’un résultat approximatif en matière de protection de la santé et de l’environnement ? L’application de normes ISO 9000 et ISO 14000 a aussi montré que la qualité est toujours le fruit d’un investissement lourd, comme tous ceux qui garantissent l’avenir de l’entreprise.

302

7 • ORGANISATION DE LA DÉMARCHE

Le bon déroulement de la démarche de prévention des risques dans l’entreprise nécessite une organisation particulière tenant compte de l’implication de nombreux acteurs et du recueil de nombreuses informations. Même si cet ouvrage se consacre au risque chimique, il serait étonnant qu’une telle démarche se limite à ce risque. C’est pourquoi le paragraphe 4.5 indique comment réaliser l’extrapolation vers les autres risques et le paragraphe 5.4 pour l’environnement. La récapitulation de toutes les étapes à suivre, quels que soient les risques, est la suivante :

7.1 Chronologie générale Décision de l’entreprise

Mise en place de la démarche

Mise en place des moyens Recensement des agents chimiques Planification des études Choix d’une méthode de travail

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Figure 7.1

Évaluation des risques

Identification des risques Estimation des risques Fixation des priorités Recherche des mesures possibles

Action de prévention

Choix des mesures Réalisation Évaluation des mesures

303

7 • Organisation de la démarche

7.2 Mise en place des moyens

7.2 Mise en place des moyens La prévention des risques professionnels ou environnementaux conduit généralement à des changements qui relèvent du management, ne serait-ce que pour les aspects financiers. L’engagement d’aller au bout, de la part de la direction de l’entreprise, du service, ou de toute autre structure, est une condition fondamentale. Cet engagement doit être pris, annoncé et expliqué, comme on le fait pour toute décision stratégique qui implique l’ensemble du personnel. C’est l’un des ressorts de la motivation de ses acteurs. Pour être conduite à son terme dans un délai raisonnable et avec une précision suffisante, la démarche de prévention doit être gérée en tant que projet. Cela suppose : – la désignation d’un chef de projet, dûment formé à ce domaine ; – l’information et la communication sur la démarche envers l’ensemble du personnel, de façon à en faire un objectif d’entreprise ; – la constitution d’un groupe de travail, intégrant plusieurs compétences, dont la composition peut varier en fonction des besoins. Tous les membres disposent d’un crédit de temps suffisant pour leur participation. Ce groupe inclut des membres du CHSCT ou des représentants du personnel et le service de santé au travail ; – la formation des personnes concernées. Il existe de nombreuses offres de formation sur des méthodes comme l’AMDEC ou HAZOP, sur la toxicologie, sur la métrologie des polluants et sur la création et la gestion de bases de données ; – la formalisation d’une équipe d’enquêteurs pour aller visiter les postes de travail et questionner le personnel. C’est probablement la fonction la plus consommatrice de temps ; – la mise à disposition d’un local de réunion, de mobilier et de moyens bureautiques pour le travail d’échange et d’enregistrement ; – la mise à disposition d’outils informatiques spécialisés pour l’enregistrement et la mise en forme des données. Une base de données programmable nous paraît être l’outil indispensable pour enregistrer toutes les données prévues et les gérer pour faciliter les estimations et les décisions. Elle servira en outre au suivi du plan de prévention. Aucun des logiciels commerciaux actuels dédiés aux risques professionnels ne respecte totalement la méthodologie de cet ouvrage. Ces moyens sont évidemment à proportionner à la taille de l’entreprise ou du service. Ce qui est indispensable, c’est la nomination d’un chef de projet et la libération du temps nécessaire. Les moyens dépendent aussi du délai que l’on s’accorde. Il n’est pas exceptionnel d’étaler la démarche sur plusieurs années, comme pour la qualité, à condition d’avoir identifié les urgences. Cette démarche est d’ailleurs conforme aux principes préconisés par les instances officielles de la prévention des risques professionnels1.

1. Ces cinq principes ont été publiés par l’INRS sous la référence ED 886 (Évaluation des risques professionnels – Principes et pratiques recommandés par la CNAMTS, les CRAM, les CGSS et l’INRS).

304

7 • Organisation de la démarche

7.3 Recensement des agents chimiques

7.3 Recensement des agents chimiques Il est indispensable, et très pratique, de disposer d’un inventaire aussi complet que possible des agents chimiques présents dans l’entreprise. Nous avons vu que c’est un outil de base pour l’analyse des risques, mais il s’avère utile dans d’autres domaines, tels que la logistique et les achats. Le premier recensement à faire est celui des produits approvisionnés, c’est-à-dire achetés ou non. Il faut le faire sur plusieurs années et le vérifier périodiquement par un inventaire physique. Normalement, le recensement est maintenu à jour par la saisie systématique des entrées et des sorties de produits. Des produits échappent parfois à tout contrôle, parce qu’ils sont livrés comme partie d’un tout, qui peut être un équipement. Par exemple, une machine à laver avec un contrat de fourniture de lessive, ou un lubrifiant spécifique d’une machine. Notons que la plupart de ces données sont normalement saisies dès la demande d’achat (ou d’enlèvement) et confirmées à la livraison, à condition qu’une organisation adéquate ait été mise en place. La tenue d’une base de données permet notamment à un acheteur de détecter les demandes redondantes et de prévoir d’éventuelles ruptures de stock. Il faut ensuite recenser tous les produits « générés » par l’activité : vapeurs, poussières, fumées, etc. Les déchets chimiques doivent aussi être identifiés et donner lieu à des « sorties ». Les produits générés par l’activité ne peuvent être repérés que par l’observation du travail, aidée par le questionnement des opérateurs et éventuellement par une métrologie adaptée. Il n’est pas forcément judicieux de les placer dans la même liste que les produits chimiques classiques, mais plutôt dans une base spécialisée en raison de leur lien avec une activité particulière. Sachant qu’un agent chimique peut se retrouver dans de nombreuses tâches et dans de nombreux procédés, sans parler de l’approche environnementale, il est indispensable que la base de données de tous les agents chimiques présents, même temporairement, contienne toutes les informations utiles concernant chaque produit. Ces informations sont très nombreuses ; en voici un inventaire possible :

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m Les éléments d’identification

– – – –

les différents noms possibles d’un agent chimique ; le numéro CAS ou EINECS ou le numéro d’index de l’UE ; la référence interne à l’entreprise, si nécessaire ; le grade de pureté ou la concentration.

m Les informations réglementaires de sécurité

– – – – –

les symboles de dangers ; les phrases R ; les phrases S ; le code SGH ; le numéro ONU pour le classement transport. 305

7 • Organisation de la démarche

7.3 Recensement des agents chimiques

m Les données opérationnelles

– – – – –

les conditionnements ; les lieux de dépôt et d’utilisation ; les usages prévus ou les procédés concernés ; la consommation annuelle ; la fréquence de mise en œuvre (par an ou par mois).

m Les données physiques

– – – – – – –

le point d’ébullition ; la pression de vapeur ; le point d’éclair ; les LIE et LSE ; la granulométrie ; le point de fusion ; les sensibilités particulières.

m Les données toxicologiques

– les VLEP ; – les DL50 et CL50 ; – les classements CMR et CIRC ; – l’existence de tableaux MP ; – les données écotoxicologiques. Cela fait beaucoup d’informations, mais elles serviront dans plusieurs domaines : sécurité, environnement, gestion, achats, etc. Cette base présente l’énorme avantage de regrouper des informations habituellement dispersées. Elles proviennent du fournisseur, des services analytiques, de santé au travail, d’achats, de logistique et d’ordonnancement, selon l’organisation de l’entreprise. Le second avantage est que ces données peuvent alors être facilement accessibles à tous, dès lors qu’un réseau informatique est disponible. Cette centralisation peut aussi avoir des retombées telles que des échanges d’informations entre destinataires des produits et, parfois, une réduction du nombre de produits référencés. Dans le cas particulier des intermédiaires de synthèse de l’industrie chimique (voir paragraphe 5.2), l’entreprise doit agir en tant que fournisseur et faire de la classification volontaire. Quant aux agents générés par l’activité sous forme de vapeurs, les dangers à mentionner sont ceux des produits à l’origine de l’émission. S’il s’agit de poussières ou de fumées, il faut toujours identifier leur origine et procéder à des analyses. Quand le produit d’origine n’est pas étiquetable, comme dans le cas des matériaux (bois, ciment, verre, fibres, etc.), le caractère dangereux est indiqué par l’existence d’une valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP). On peut se référer au tableau du paragraphe 2.3.5. ou à l’annexe 4. Il serait judicieux dans ce cas d’attribuer à cette émission une phrase de risque adéquate, que l’on fera figurer dans la base de données. Pour les déchets, on se réfère aux produits à l’origine de leur génération, ce qui suppose un suivi rigoureux du devenir de tous les produits entrants. D’autres documents permettent de compléter ou de vérifier les informations de danger. Le premier d’entre eux est la bien connue fiche de données de sécurité (FDS). 306

7 • Organisation de la démarche

7.4 Repérage des urgences

Parmi les 16 rubriques qui la composent, 11 ont un intérêt particulier dans notre démarche : – 1) identification ; – 2) dangers ; – 3) composition ; – 7) précautions (stockage, emploi, manipulation) ; – 8) VLEP et protections individuelles ; – 9) propriétés physico-chimiques ; – 10) stabilité et réactivité ; – 11) toxicologie ; – 12) informations écologiques ; – 15) réglementation ; – 16) autres informations. Une autre source très riche d’informations est constituée par les fiches toxicologiques de l’INRS, maintenant disponibles sur le site Internet. Malheureusement, elles ne concernent qu’un nombre limité de substances. Les fournisseurs de produits chimiques proposent souvent en plus des FDS des dossiers plus ou moins complets sur leurs produits. Il existe en outre beaucoup d’ouvrages spécialisés dans les données de sécurité qui permettent de recouper les informations. Mais le plus simple est encore de se référer à la liste officielle de classement des substances, par accès au site de l’UE1, qui en comporte aujourd’hui près de 3 500. La base des agents chimiques, si elle est bien organisée, permet de rendre toutes ces informations accessibles rapidement et de faciliter ainsi la progression du projet. Elle sera mise à jour au fur et à mesure que de nouvelles informations paraissent.

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7.4 Repérage des urgences Les risques identifiés, et donc les actions de prévention, peuvent être suffisamment nombreux et coûteux pour que leur traitement demande plusieurs années. C’est du moins ce qui peut se passer si l’on organise l’analyse selon l’une des trois méthodes évoquées au début de cet ouvrage. Il est donc indispensable de savoir rapidement où peuvent se situer les risques les plus importants pour orienter le planning des études vers les plus urgentes. D’où la nécessité de disposer d’une méthode de préestimation rapide. Une telle méthode existe ; elle est basée sur le « potentiel de risque » de chaque agent chimique. Le potentiel de risque associé à un agent chimique exprime sa capacité théorique à générer une situation à risque. En effet, il a été observé que les risques chroniques ou accidentels les plus élevés étaient souvent en rapport avec le niveau de danger, la quantité consommée et la fréquence de mise en œuvre de l’agent chimique. D’où l’idée d’un potentiel de risque fonction de ces trois paramètres, issue des travaux de l’INRS2. Son intérêt réside dans un repérage rapide de situations à risque important, 1. http://ecb.jrc.it/classification-labelling/ 2. Note documentaire de l’INRS : Méthodologie d’évaluation simplifiée du risque chimique, ND 2233.

307

7 • Organisation de la démarche

7.4 Repérage des urgences

avant de procéder aux études de terrain. Pour calculer le potentiel de risque, il faut suivre le mode opératoire suivant, qui est une variante simplifiée de celui de l’INRS : – 1) déterminer le niveau de danger ND de chaque agent ; – 2) classer les produits par quantité consommée décroissante, et leur attribuer le rang R1 ; – 3) classer les produits par fréquence de mise en œuvre décroissante, et leur attribuer le rang R2 ; 100 – 4) calculer un indice d’utilisation selon la formule : i = ------------------- . R1 × R2 – 5) classer les indices d’utilisation par valeur décroissante et leur attribuer un niveau de mise en œuvre NO de 1 à 5 ; – 6) combiner ce niveau de mise en œuvre avec le niveau de danger du produit selon la formule : potentiel de risque = (niveau de danger) ¥ 2 + (niveau de mise en œuvre). Cette formule privilégie le danger par rapport à l’exposition. EXEMPLE :

Une entreprise a relevé les informations suivantes concernant ses agents chimiques consommés :

Agent chimique

Consommation annuelle (kg)

Phrases de risque

Nombre de mises en œuvre par mois

Huile pour machine

200

néant

1

Peinture solvantée

500

R10, R20/21, R38

20

Xylène

200

R10, R20/21, R38

20

Acétonitrile

50

R11, R23/24/25

80

Soude

20

R35

10

Bicarbonate de sodium

100

néant

20

Poussières de bois

50

2

Fumées de soudure

2

10

Le mode opératoire s’applique ainsi, pas à pas : Niveaux de danger (selon annexe 4) : Agent chimique

308

Phrases de risque

ND

Huile pour machine

néant

1

Peinture solvantée

R10, R20/21, R38

3

Xylène

R10, R20/21, R38

3

Acétonitrile

R11, R23/24/25

4

7 • Organisation de la démarche

7.4 Repérage des urgences

Soude

R35

4

Bicarbonate de sodium

néant

1

Poussières de bois

(VLEP)

4

Fumées de soudure

(VLEP)

3

Quantités consommées : Consommation annuelle (kg)

R1

Peinture solvantée

500

1

Huile pour machine

200

2

Xylène

200

2

Bicarbonate de sodium

100

4

Acétonitrile

50

5

Poussières de bois

50

5

Soude

20

7

Fumées de soudure

2

8

Agent chimique

Fréquence de mise en œuvre : Nombre de mises en œuvre par mois

R2

Acétonitrile

80

1

Peinture solvantée

20

2

Xylène

20

2

Bicarbonate de sodium

20

2

Soude

10

5

Fumées de soudure

10

5

Poussières de bois

2

7

Huile pour machine

1

8

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Agent chimique

309

7 • Organisation de la démarche

7.4 Repérage des urgences

Indices d’utilisation et niveaux de mise en œuvre : Agent chimique

i = 100/R1 ¥ R2

NO

Peinture solvantée

50,0

5

Xylène

25,0

4

Acétonitrile

20,0

4

Bicarbonate de sodium

12,5

3

Huile pour machine

6,3

2

Poussières de bois

2,9

1

Soude

2,9

1

Fumées de soudure

2,5

1

Potentiel de risque : Agent chimique

ND

NO

PR

Acétonitrile

4

4

12

Peinture solvantée

3

5

11

Xylène

3

4

10

Soude

4

1

9

Poussières de bois

4

1

9

Fumées de soudure

3

1

7

Bicarbonate de sodium

1

3

5

Huile pour machine

1

2

4

Ce tableau indique clairement l’ordre à suivre pour conduire les analyses de risque, sachant qu’elles peuvent, une fois réalisées, montrer des urgences différentes. Cet exemple est très simple, mais on imagine l’intérêt de la méthode sur une liste de plusieurs centaines de produits. Le calcul peut être automatisé, la seule difficulté, s’il en est, étant de recueillir les données nécessaires.

À partir de la liste de tous les agents chimiques par potentiel de risque décroissant, il est facile de déterminer l’ordre des unités de travail ou des procédés dans lequel on conduira le processus complet d’évaluation des risques. Si un potentiel de risque devait se détacher nettement, il faudrait le traiter immédiatement. Bien entendu, le potentiel de risque n’indique qu’une probabilité de risque élevé, qu’un examen rapide peut fort bien invalider. C’est pourquoi ce choix des priorités tiendra aussi compte de la connaissance de terrain des participants. 310

7 • Organisation de la démarche

7.5 Application de la méthode

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7.5 Application de la méthode Il faut d’abord réunir quelques documents qui aideront à la réalisation de cette étape : – un organigramme complet, pour savoir qui fait quoi et qui est où ; – un plan détaillé de l’établissement pour situer les équipements, les actions et les risques ; – un descriptif général des procédés, indiquant les équipements, les produits et les fonctions. Le chapitre 3 décrit la réalisation de l’analyse des risques, qui demande un examen de toutes les actions ou des phases par personne ou par procédé, mais à l’intérieur d’une grande unité de travail. Ces actions sont choisies en suivant les priorités définies précédemment. L’approche par produit, indispensable, ne peut se faire que globalement, au niveau de l’établissement. Toutes les données sur les risques sont enregistrées dans la base créée à cet effet. Il est souhaitable d’organiser des réunions, notamment avec le service de santé au travail, pour faire le point et communiquer avec l’ensemble du personnel. Cette étape se termine par un rapport global sur tous les risques détectés et estimés, qui conduit à des priorités de prévention. La recherche des mesures de prévention fait appel à des compétences différentes. Il faut à ce stade une large concertation de façon à faciliter les changements possibles. Toutes les compétences extérieures à l’entreprise peuvent enrichir la recherche. On peut consulter les spécialistes en prévention, mais aussi les syndicats professionnels, les fournisseurs spécialisés, les consultants et la presse professionnelle. Des études peuvent être envisagées et, pour cela, les partenaires et les moyens de financement sont assez nombreux. Une fois les choix arrêtés, ils sont enregistrés et communiqués à tous les intéressés. Si un consensus est obtenu, toujours grâce à la dynamique du chef de projet, les choix, avec les délais prévus pour la réalisation, entrent dans le plan de prévention, qui précise les échéances et le budget et, autant que possible, le rôle de chacun. Les mesures de prévention ne peuvent pas être décidées partout en même temps, c’est pourquoi le plan de prévention est évolutif et fait l’objet de mises à jour régulières. Le chef de projet met aussi en place une organisation susceptible d’assurer la mise en œuvre des mesures de prévention décidées, dans les délais impartis et avec les performances fixées. À cet effet, la réservation d’un budget de prévention des risques est essentielle. Cela nécessite la rédaction de cahiers des charges, réalisés avec les apports de compétences internes ou externes utiles et incluant des objectifs de résultats. Les travaux sont ensuite suivis avec des outils appropriés et les réajustements éventuellement nécessaires réalisés. La réception des travaux doit se faire par toutes les parties prenantes. Une fois les mesures de prévention rendues opérationnelles, un temps d’observation est défini, au terme duquel une validation est opérée sur des critères techniques, organisationnels et humains, répondant notamment aux exigences citées au paragraphe 4.4.2. En particulier, on pourra réaliser de nouveaux prélèvements, différents types de métrologie (ventilation, bruit…), ainsi que de nouvelles observations des situations de travail pour détecter tout éventuel déplacement de risque. En cas 311

7 • Organisation de la démarche

7.6 Adaptation au domaine d’activité de l’entreprise

de non-atteinte, partielle ou totale, des objectifs de prévention, la démarche devra être réitérée pour définir des nouvelles mesures. L’ensemble de ces conseils montre que le démarrage d’une démarche de prévention des risques est une opération lourde et éventuellement perturbatrice. Quand le projet est bien lancé et bien organisé, il se déroule sans trop de difficultés. Ensuite, c’est de plus en plus facile : l’expérience a montré qu’après les premières mises en place de mesures, un regain de confiance apparaît chez les employés, suivi par une motivation à aller plus vite et plus loin. Il s’avère que les opérateurs sont alors euxmêmes la source d’un progrès constant dans ce domaine.

7.6 Adaptation au domaine d’activité de l’entreprise On ne peut pas conduire la même démarche dans une entreprise artisanale et une multinationale, de même que dans le bâtiment et dans l’alimentaire. Il y a donc nécessité d’adapter la méthodologie au profil de l’entreprise. On remarque partout un réflexe qui consiste à dire : « une méthode légère pour un petit effectif et une lourde pour un gros effectif ». Ce raisonnement ne tient pas à l’examen. L’application rigoureuse de la méthodologie n’est fonction que de deux paramètres : la compétence du chef de projet et le temps qu’il peut y consacrer. Il ne faut pas se laisser impressionner par le terme chef de projet. Il désigne simplement la personne qui a été désignée pour faire vivre la démarche selon la volonté affichée du décideur. Dans une petite structure, cela peut être par exemple un technicien, auquel on affecte un crédit de quinze heures par mois pour s’en occuper, sachant que ce n’est pas lui qui fait tout. Ensuite, la lourdeur de la méthode ne sera fonction que de la précision que l’on veut obtenir dans l’analyse des risques. C’est donc le nombre et la « rareté » des agents chimiques présents qui sera déterminante. Avec une vingtaine de produits, on peut aller vite et bien, comme le montre l’étude de cas du chapitre 6. Avec plusieurs centaines de produits, on tombe dans une confusion générale si l’on n’est pas assez précis. La précision est une garantie de choix judicieux, c’est d’ailleurs une règle universelle. Plus concrètement, l’adaptation de la méthodologie consiste à respecter un cadre invariable et à jouer sur la partie variable. La partie invariable se résume aux points suivants : – 1) Analyser les risques avant de choisir les mesures. – 2) Analyser les risques poste par poste, dans toutes les activités. – 3) Repérer pour chaque poste l’aspect chronique et l’aspect accidentel. – 4) Faire une estimation des risques pour ne pas se tromper de priorité. – 5) Estimer les risques en combinant toujours : danger-exposition ou gravitéprobabilité. – 6) Chercher les mesures dans l’ordre produit-exposition-dommage ou produitsituation-événement-dommage. La partie variable porte sur la précision des paramètres qui permettent de respecter les points invariables. Ainsi, plutôt que de détailler l’activité par actions élémentaires, on peut ne considérer que les opérations globales. On peut regarder comment un polluant se dégage dans l’atmosphère, plutôt que de faire de la métrologie. 312

7 • Organisation de la démarche

7.6 Adaptation au domaine d’activité de l’entreprise

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On peut se limiter aux activités les plus fréquentes. On peut aussi supposer, a priori, une exposition pour tout produit utilisé. On peut lister les situations dangereuses à partir d’une liste type. Et surtout, on peut décliner la méthodologie mentalement, ou oralement en réunion, pour ne transcrire que ses conclusions. Ces simplifications aident à franchir le pas, ce qui est positif. Mais elles aboutissent souvent à un rapport assez formel, pour ne pas dire réglementaire, et qui risque d’être voué à l’oubli. En conclusion, la clé de l’efficacité n’est pas la simplicité d’une méthode en quatre pages, pour limiter le temps passé à l’appliquer, mais la clarté et la cohérence des concepts. C’est pourquoi nous espérons que ce livre rendra service à toutes les entreprises et tous les organismes, grands et petits, tentés de faire un enjeu de la protection de la santé humaine et de l’environnement.

313

8 • ANNEXES

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R » (Santé et sécurité)

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CODE

PHRASES DE RISQUE

R1

Explosif à l’état sec.

R2

Risque d’explosion par le choc, la friction, le feu ou autres sources d’ignition.

R3

Grand risque d’explosion par le choc, la friction, le feu ou d’autres sources d’ignition.

R4

Forme des composés métalliques explosifs très sensibles.

R5

Danger d’explosion sous l’action de la chaleur.

R6

Danger d’explosion en contact ou sans contact avec l’air.

R7

Peut provoquer un incendie.

R8

Favorise l’inflammation des matières combustibles.

R9

Peut exploser en mélange avec des matières combustibles.

R10

Inflammable.

R11

Facilement inflammable.

R12

Extrêmement inflammable.

R14

Réagit violemment au contact de l’eau.

R14/15

Réagit violemment au contact de l’eau en dégageant des gaz extrêmement inflammables.

R15

Au contact de l’eau, dégage des gaz extrêmement inflammables.

R15/29

Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques et extrêmement inflammables.

R16

Peut exploser en mélange avec des substances comburantes.

315

8 • Annexes

CODE

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R »

PHRASES DE RISQUE

R17

Spontanément inflammable à l’air.

R18

Lors de l’utilisation, formation possible de mélange vapeur-air inflammable/explosif.

R19

Peut former des peroxydes explosifs.

R20

Nocif par inhalation.

R20/21

Nocif par inhalation et par contact avec la peau.

R20/21/22

Nocif par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R20/22

Nocif par inhalation et par ingestion.

R21

Nocif par contact avec la peau.

R21/22

Nocif par contact avec la peau et par ingestion.

R22

Nocif en cas d’ingestion.

R23

Toxique par inhalation.

R23/24

Toxique par inhalation et par contact avec la peau.

R23/24/25

Toxique par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R23/25

Toxique par inhalation et par ingestion.

R24

Toxique par contact avec la peau.

R24/25

Toxique par contact avec la peau et par ingestion.

R25

Toxique en cas d’ingestion.

R26

Très toxique par inhalation.

R26/27

Très toxique par inhalation et par contact avec la peau.

R26/27/28

Très toxique par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R26/28

Très toxique par inhalation et par ingestion.

R27

Très toxique par contact avec la peau.

R27/28

Très toxique par contact avec la peau et par ingestion.

R28

Très toxique en cas d’ingestion.

R29

Au contact de l’eau, dégage des gaz toxiques.

R30

Peut devenir facilement inflammable pendant l’utilisation.

316

8 • Annexes

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CODE

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R »

PHRASES DE RISQUE

R31

Au contact d’un acide, dégage un gaz toxique.

R32

Au contact d’un acide, dégage un gaz très toxique.

R33

Danger d’effets cumulatifs.

R34

Provoque des brûlures.

R35

Provoque de graves brûlures.

R36

Irritant pour les yeux.

R36/37

Irritant pour les yeux et les voies respiratoires.

R36/37/38

Irritant pour les yeux, les voies respiratoires et la peau.

R36/38

Irritant pour les yeux et la peau.

R37

Irritant pour les voies respiratoires.

R37/38

Irritant pour les voies respiratoires et la peau.

R38

Irritant pour la peau.

R39

Danger d’effets irréversibles très graves.

R39/23

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation.

R39/23/24

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par contact avec la peau.

R39/23/24/ 25

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R39/23/25

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par ingestion.

R39/24

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau.

R39/24/25

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau et par ingestion.

R39/25

Toxique : danger d’effets irréversibles très graves par ingestion.

R39/26

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation.

R39/26/27

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par contact avec la peau.

R39/26/27/ 28

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

317

8 • Annexes

CODE

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R »

PHRASES DE RISQUE

R39/26/28

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par inhalation et par ingestion.

R39/27

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau.

R39/27/28

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par contact avec la peau et par ingestion.

R39/28

Très toxique : danger d’effets irréversibles très graves par ingestion.

R40

Effet cancérogène suspecté – preuves insuffisantes.

R41

Risque de lésions oculaires graves.

R42

Peut entraîner une sensibilisation par inhalation.

R42/43

Peut entraîner une sensibilisation par inhalation et contact avec la peau.

R43

Peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau.

R44

Risque d’explosion si chauffé en ambiance confinée.

R45

Peut causer le cancer.

R46

Peut causer des altérations génétiques héréditaires.

R48

Risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée.

R48/20

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation.

R48/20/21

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation et par contact avec la peau.

R48/20/21/ 22

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation, contact avec la peau et ingestion.

R48/20/22

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation et par ingestion.

R48/21

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact avec la peau.

R48/21/22

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact avec la peau et par ingestion.

R48/22

Nocif : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par ingestion.

R48/23

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation.

R48/23/24

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation et par contact avec la peau.

318

8 • Annexes

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

CODE

Annexe 1 – Code du travail – Phrases de risque « R »

PHRASES DE RISQUE

R48/23/24/ 25

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R48/23/25

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par inhalation et par ingestion.

R48/24

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact avec la peau.

R48/24/25

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par contact avec la peau et par ingestion.

R48/25

Toxique : risque d’effets graves pour la santé en cas d’exposition prolongée par ingestion.

R49

Peut causer le cancer par inhalation.

R60

Peut altérer la fertilité.

R61

Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant.

R62

Risque possible d’altération de la fertilité.

R63

Risque possible pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant.

R64

Risque possible pour les bébés nourris au lait maternel.

R65

Nocif : peut provoquer une atteinte des poumons en cas d’ingestion.

R66

L’exposition répétée peut provoquer dessèchement ou gerçures de la peau.

R67

L’inhalation de vapeurs peut provoquer somnolence et vertiges.

R68

Possibilité d’effets irréversibles.

R68/20

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation.

R68/20/21

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation et par contact avec la peau.

R68/20/21/ 22

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation, par contact avec la peau et par ingestion.

R68/20/22

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par inhalation et par ingestion.

R68/21

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par contact avec la peau.

R68/21/22

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par contact avec la peau et par ingestion.

R68/22

Nocif : possibilité d’effets irréversibles par ingestion.

319

8 • Annexes

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S »

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S » CODE

CONSEILS DE PRUDENCE

S1

Conserver sous clé.

S2

Conserver hors de la portée des enfants.

S3

Conserver dans un endroit frais.

S4

Conserver à l’écart de tout local d’habitation.

S5

Conserver sous… (liquide approprié à spécifier par le fabricant).

S6

Conserver sous… (gaz inerte à spécifier par le fabricant).

S7

Conserver le récipient bien fermé.

S8

Conserver le récipient à l’abri de l’humidité.

S9

Conserver le récipient dans un endroit bien ventilé.

S12

Ne pas fermer hermétiquement le récipient.

S13

Conserver à l’écart des aliments et boissons y compris ceux pour animaux.

S14

Conserver à l’écart des… (matière(s) incompatible(s) à indiquer par le fabricant).

S15

Conserver à l’écart de la chaleur.

S16

Conserver à l’écart de toute flamme ou source d’étincelles – Ne pas fumer.

S17

Tenir à l’écart des matières combustibles.

S18

Manipuler et ouvrir le récipient avec prudence.

S20

Ne pas manger et ne pas boire pendant l’utilisation.

S21

Ne pas fumer pendant l’utilisation.

S22

Ne pas respirer les poussières.

S23

Ne pas respirer les gaz/vapeurs/fumées/aérosols (terme(s) approprié(s) à indiquer par le fabricant).

S24

Éviter le contact avec la peau.

S25

Éviter le contact avec les yeux.

S26

En cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et abondamment avec de l’eau et consulter un spécialiste.

320

8 • Annexes

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

CODE

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S »

CONSEILS DE PRUDENCE

S27

Enlever immédiatement tout vêtement souillé ou éclaboussé.

S28

Après contact avec la peau, se laver immédiatement et abondamment avec… (produits appropriés à indiquer par le fabricant).

S29

Ne pas jeter les résidus à l’égout.

S30

Ne jamais verser de l’eau dans ce produit.

S33

Éviter l’accumulation de charges électrostatiques.

S34

Éviter le choc et le frottement.

S35

Ne se débarrasser de ce produit et de son récipient qu’en prenant toute précaution d’usage.

S36

Porter un vêtement de protection approprié.

S37

Porter des gants appropriés.

S38

En cas de ventilation insuffisante, porter un appareil respiratoire approprié.

S39

Porter un appareil de protection des yeux/du visage.

S40

Pour nettoyer le sol ou les objets souillés par ce produit, utiliser… (à préciser par le fabricant).

S41

En cas d’incendie et/ou d’explosion, ne pas respirer les fumées.

S42

Pendant les fumigations/pulvérisations, porter un appareil respiratoire approprié (terme(s) approprié(s) à indiquer par le fabricant).

S43

En cas d’incendie, utiliser… (moyens d’extinction à préciser par le fabricant. Si l’eau augmente les risques, ajouter « Ne jamais utiliser l’eau »).

S44

En cas de malaise, consulter un médecin (si possible lui montrer l’étiquette).

S45

En cas d’accident ou de malaise, consulter immédiatement un médecin (si possible lui montrer l’étiquette).

S46

En cas d’ingestion, consulter immédiatement un médecin et lui montrer l’emballage ou l’étiquette.

S47

Conserver à une température ne dépassant pas… ˚C (à préciser par le fabricant).

S48

Maintenir humide avec… (moyen approprié à préciser par le fabricant).

S49

Conserver uniquement dans le récipient d’origine.

S50

Ne pas mélanger avec… (à spécifier par le fabricant).

321

8 • Annexes

CODE

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S »

CONSEILS DE PRUDENCE

S51

Utiliser seulement dans des zones bien ventilées.

S52

Ne pas utiliser sur de grandes surfaces dans des locaux habités.

S53

Éviter l’exposition, se procurer des instructions spéciales avant l’utilisation.

S56

Éliminer ce produit et son récipient dans un centre de collecte des déchets dangereux ou spéciaux.

S57

Utiliser un récipient approprié pour éviter toute contamination du milieu ambiant.

S59

Consulter le fabricant ou le fournisseur pour des informations relatives à la récupération ou au recyclage.

S60

Éliminer le produit et son récipient comme un déchet dangereux.

S61

Éviter le rejet dans l’environnement. Consulter les instructions spéciales/la fiche de données de sécurité.

S62

En cas d’ingestion, ne pas faire vomir : consulter immédiatement un médecin et lui montrer l’emballage ou l’étiquette.

Phrases combinées S1/2

Conserver sous clé et hors de portée des enfants.

S3/7

Conserver le récipient bien fermé dans un endroit frais.

S3/9/14

Conserver dans un endroit frais et bien ventilé à l’écart des… (matières incompatibles à indiquer par le fabricant).

S3/9/14/49

Conserver uniquement dans le récipient d’origine dans un endroit frais bien ventilé à l’écart des… (matières incompatibles à indiquer par le fabricant).

S3/9/49

Conserver uniquement dans le récipient d’origine dans un endroit frais et bien ventilé.

S3/14

Conserver dans un endroit frais à l’écart des… (matières incompatibles à indiquer par le fabricant).

S7/8

Conserver le récipient bien fermé et à l’abri de l’humidité.

S7/9

Conserver le récipient bien fermé et dans un endroit bien ventilé.

S7/47

Conserver le récipient bien fermé et à une température ne dépassant pas…˚C (à préciser par le fabricant).

S20/21

Ne pas manger, ne pas boire et ne pas fumer pendant l’utilisation.

S24/25

Éviter le contact avec la peau et les yeux.

322

8 • Annexes

CODE

Annexe 2 – Code du travail – Phrases « S »

CONSEILS DE PRUDENCE Ne pas jeter les résidus à l’égout, éliminer ce produit et son récipient dans un centre de collecte des déchets dangereux ou spéciaux.

S36/37

Porter un vêtement de protection et des gants appropriés.

S36/37/39

Porter un vêtement de protection approprié, des gants et un appareil de protection des yeux/du visage.

S36/39

Porter un vêtement de protection approprié et un appareil de protection des yeux/du visage.

S37/39

Porter des gants appropriés et un appareil de protection des yeux/du visage.

S47/49

Conserver uniquement dans le récipient d’origine à température ne dépassant pas… ˚C (à préciser par le fabricant).

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

S29/56

323

8 • Annexes

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger 20

gaz asphyxiant ou qui ne présente pas de risque subsidiaire

22

gaz liquéfié réfrigéré, asphyxiant

223

gaz liquéfié réfrigéré, inflammable

225

gaz liquéfié réfrigéré, comburant (favorise l’incendie)

23

gaz inflammable

239

gaz inflammable, pouvant produire spontanément une réaction violente

25

gaz comburant (favorise l’incendie)

26

gaz toxique

263

gaz toxique, inflammable

265

gaz toxique et comburant (favorise l’incendie)

268

gaz toxique et corrosif

30

matière liquide inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises) ou matière liquide inflammable ou matière solide à l’état fondu ayant un point d’éclair supérieur à 61 ˚C, chauffée à une température égale ou supérieure à son point d’éclair, ou matière liquide auto-échauffante

323

matière liquide inflammable réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

X323

matière liquide inflammable réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

33

matière liquide très inflammable (point d’éclair inférieur à 23 ˚C)

333

matière liquide pyrophorique

X333

matière liquide pyrophorique réagissant dangereusement avec l’eau

336

matière liquide très inflammable et toxique

338

matière liquide très inflammable et corrosive

X338

matière liquide très inflammable et corrosive, réagissant dangereusement avec l’eau

339

matière liquide très inflammable, pouvant produire spontanément une réaction violente

36

matière liquide inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises), présentant un degré mineur de toxicité, ou matière liquide auto-échauffante et toxique

324

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

8 • Annexes

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger

362

matière liquide inflammable, toxique, réagissant avec l’eau en émettant des gaz inflammables

X362

matière liquide inflammable, toxique, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

368

matière liquide inflammable, toxique et corrosive

38

matière liquide inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises), présentant un degré mineur de corrosivité, ou matière liquide auto-échauffante et corrosive

382

matière liquide inflammable, corrosive, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

X382

matière liquide inflammable, corrosive, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

39

liquide inflammable, pouvant produire spontanément une réaction violente

40

matière solide inflammable ou matière autoréactive ou matière auto-échauffante

423

matière solide réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

X423

matière solide inflammable, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz inflammables.

43

matière solide spontanément inflammable (pyrophorique)

44

matière solide inflammable qui, à une température élevée, se trouve à l’état fondu

446

matière solide inflammable et toxique qui, à une température élevée, se trouve à l’état fondu

46

matière solide inflammable ou auto-échauffante, toxique

462

matière solide toxique, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

X462

matière solide, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz toxiques

48

matière solide inflammable ou auto-échauffante, corrosive

482

matière solide corrosive, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

X482

matière solide, réagissant dangereusement avec l’eau en dégageant des gaz corrosifs

50

matière comburante (favorise l’incendie)

539

peroxyde organique inflammable

55

matière très comburante (favorise l’incendie)

556

matière très comburante (favorise l’incendie), toxique

558

matière très comburante (favorise l’incendie) et corrosive

325

8 • Annexes

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger

559

matière très comburante (favorise l’incendie) pouvant produire spontanément une réaction violente

56

matière comburante (favorise l’incendie), toxique

568

matière comburante (favorise l’incendie), toxique, corrosive

58

matière comburante (favorise l’incendie), corrosive

59

matière comburante (favorise l’incendie) pouvant produire spontanément une réaction violente

60

matière toxique ou présentant un degré mineur de toxicité

606

matière infectieuse

623

matière toxique liquide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

63

matière toxique et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises)

638

matière toxique et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises) et corrosive

639

matière toxique et inflammable (point d’éclair égal ou inférieur à 61 ˚C), pouvant produire spontanément une réaction violente

64

matière toxique solide, inflammable ou auto-échauffante

642

matière toxique solide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

65

matière toxique et comburante (favorise l’incendie)

66

matière très toxique

663

matière très toxique et inflammable (point d’éclair égal ou inférieur à 61 ˚C)

664

matière très toxique solide, inflammable ou auto-échauffante

665

matière très toxique et comburante (favorise l’incendie)

668

matière très toxique et corrosive

669

matière très toxique, pouvant produire spontanément une réaction violente

68

matière toxique et corrosive

69

matière toxique ou présentant un degré mineur de toxicité, pouvant produire spontanément une réaction violente

70

matière radioactive

78

matière radioactive, corrosive

326

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

8 • Annexes

Annexe 3 – ADR – Signification des numéros d’identification du danger

80

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité

X80

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité réagissant dangereusement avec l’eau

823

matière corrosive liquide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

83

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises)

X83

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises) réagissant dangereusement avec l’eau

839

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises), pouvant produire spontanément une réaction violente

X839

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeurs limites comprises), pouvant produire spontanément une réaction violente et réagissant dangereusement avec l’eau

84

matière corrosive solide, inflammable ou auto-échauffante

842

matière corrosive solide, réagissant avec l’eau en dégageant des gaz inflammables

85

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et comburante (favorise l’incendie)

856

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et comburante (favorise l’incendie) et toxique

86

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité et toxique

88

matière très corrosive

X88

matière très corrosive réagissant dangereusement avec l’eau

883

matière très corrosive et inflammable (point d’éclair de 23 ˚C à 61 ˚C, valeur limites comprises)

884

matière très corrosive solide, inflammable ou auto-échauffante

885

matière très corrosive et comburante (favorise l’incendie)

886

matière très corrosive et toxique

X886

matière très corrosive et toxique, réagissant dangereusement avec l’eau

89

matière corrosive ou présentant un degré mineur de corrosivité, pouvant produire spontanément une réaction violente

90

matière dangereuse du point de vue de l’environnement, matières dangereuses diverses

99

matières dangereuses diverses transportées à chaud

327

8 • Annexes

Annexe 4 – Niveaux de danger des agents chimiques

Annexe 4 – Niveaux de danger des agents chimiques Le tableau suivant est la synthèse des niveaux affectés aux phrases de risque de tous types, pour la réglementation actuelle. Niveau de danger

Phrases de risque

Type toxicologique R26 R27 R28 R26/27 R26/28 R26/27/28 R27/28 5

R32 R39 R39/26 R39/27 R39/28 R39/26/27 R39/26/28

Type physico-chimique R1 R2 R3 R4 R5 R6 R32

R15/29 R23 R24 R25 R23/24 R23/25 R23/24/25 R24/25 R29 R31 R35

4

R39/23 R39/24 R39/25 R39/23/24 R39/23/25 R39/24/25 R39/23/24/25 R41 R45 R46 R48 R48/23 R48/24 R48/25 R48/23/24 R48/23/25 R48/24/25 R48/23/24/25

R7 R12 R14 14/15 R15 R15/29 R16 R17 R19 R29 R31 R35 R41

R49 R60 R61 R20 R21 R22 R20/21 R20/22 R20/21/22 R21/22 R33 R34 R40 R42 R43 R42/43 3

R48/20 R48/21 R48/22 R48/20/21 R48/20/22 R48/21/22 R48/20/21/22

R8 R9 R11 R18 R30 R34 R44

R62 R63 R64 R65 R67 R68 R68/20 R68/21 R68/22 R68/20/21 R68/20/22 R68/21/22 R68/20/21/22 2 1

328

R36 R37 R38 R36/37 R36/38 R36/37/38 R37/38 R66 aucune

R10 aucune

8 • Annexes

Annexe 4 – Niveaux de danger des agents chimiques

Pour les agents chimiques générés par l’activité et non étiquetables, il y a lieu d’utiliser le tableau suivant : Niveau de danger

Nature de l’agent chimique

5 Bois et dérivés, plomb métallique, amiante et matériaux en contenant, goudrons et brais, mercure, essence (carburant)

3

Fumées de soudure inox, fumées de fonderie, fibres céramiques, fibres végétales, déchets de peintures au plomb, poussières de meules, sables, huiles d’usinage et de coupe

2

Fer, fibres de verre, céréales et dérivés, graphite, matériaux de construction, talc, ciment, matériaux composites, fumées de combustion de bois traités, gaz de combustion, fumées de soudure de métaux ou plastiques, fumées de vulcanisation, matières végétales ou animales, décapage au jet, huiles de décoffrage

1

Pas de danger connu

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

4

329

8 • Annexes

Annexe 5 – SGH – Classification

Annexe 5 – SGH – Classification Tableau A 3.1.1 – Codes des mentions de danger pour les dangers physiques

Code

Mentions de danger pour les dangers physiques

Classe de danger (chapitre du SGH)

Catégorie de danger

H200

Explosif instable

Matières et objets explosibles (chapitre 2.1)

Explosif instable

H201

Explosif ; danger d’explosion en masse

Explosives (chapitre 2.1)

Division 1.1

H202

Explosif ; danger sérieux de projection

Matières et objets explosibles (chapitre 2.1)

Division 1.2

H203

Explosif ; danger d’incendie, d’effet de souffle ou de projection

Matières et objets explosibles (chapitre 2.1)

Division 1.3

H204

Danger d’incendie ou de projection

Matières et objets explosibles (chapitre 2.1)

Division 1.4

H205

Danger d’explosion en masse en cas d’incendie

Matières et objets explosibles (chapitre 2.1)

Division 1.5

H220

Gaz extrêmement inflammable

Gaz inflammables (chapitre 2.2)

1

H221

Gaz inflammable

Gaz inflammables (chapitre 2.2)

2

H222

Aérosol extrêmement inflammable

Aérosols inflammables (chapitre 2.3) 1

H223

Aérosol inflammable

Aérosols inflammables (chapitre 2.3) 2

H224

Liquide et vapeurs extrêmement inflammables

Liquides inflammables (chapitre 2.6) 1

H225

Liquide et vapeurs très inflammables

Liquides inflammables (chapitre 2.6) 2

H226

Liquide et vapeurs inflammables

Liquides inflammables (chapitre 2.6) 3

H227

Liquide combustible

Liquides inflammables (chapitre 2.6) 4

H228

Matière solide inflammable

Matières solides inflammables (chapitre 2.7)

1, 2

H240

Risque d’explosion en cas d’échauffement

Matières autoréactives (chapitre 2.8) et peroxydes organiques (chapitre 2.15)

Type A

H241

Risque d’incendie ou d’explosion en cas d’échauffement

Matières autoréactives (chapitre 2.8) et peroxydes organiques (chapitre 2.15)

Type B

330

8 • Annexes

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Code

Mentions de danger pour les dangers physiques

Annexe 5 – SGH – Classification

Classe de danger (chapitre du SGH)

Catégorie de danger

H242

Matières autoréactives (chapitre Risque d’incendie en cas d’échauffement 2.8) et peroxydes organiques (chapitre 2.15)

H250

S’enflamme spontanément au contact de l’air

Liquides pyrophoriques (chapitre 2.9) Matières solides pyrophoriques (chapitre 2.10)

1

H251

Matière auto-échauffante ; peut s’enflammer

Matières auto-échauffantes (chapitre 2.11)

1

H252

Matière auto-échauffante en grandes quantités ; peut s’enflammer

Matières auto-échauffantes (chapitre 2.11)

2

H260

Dégage au contact de l’eau des gaz inflammables qui peuvent s’enflammer spontanément

Matières qui, au contact de l’eau, dégagent des gaz inflammables (chapitre 2.12)

1

H261

Dégage au contact de l’eau des gaz inflammables

Matières qui, au contact de l’eau, dégagent des gaz inflammables (chapitre 2.12)

2, 3

H270

Peut provoquer ou aggraver un incendie ; comburant

Gaz comburants (chapitre 2.4)

1

H271

Peut provoquer un incendie ou une explosion ; comburant puissant

Liquides comburants (chapitre 2.13) 1 Matières solides comburantes (chapitre 2.14)

H272

Peut aggraver un incendie ; comburant

Liquides comburants (chapitre 2.13) Matières solides comburantes (chapitre 2.14)

2, 3

H280

Contient un gaz sous pression ; peut exploser sous l’effet de la chaleur

Gaz sous pression (chapitre 2.5) Gaz comprimé Gaz liquéfié

Gaz dissous

H281

Contient un gaz réfrigéré ; peut causer des brûlures ou blessures cryogéniques

Gaz sous pression (chapitre 2.5)

Gaz liquide réfrigéré

H290

Peut être corrosif pour les métaux

Matières corrosives pour les métaux (chapitre 2.16)

1

Types C, D, E, F

331

8 • Annexes

Annexe 5 – SGH – Classification

Tableau A 3.1.2 – Codes des mentions de danger pour les dangers pour la santé

Code

Mentions de danger pour les dangers pour la santé

Classe de danger (chapitre du SGH)

Catégorie de danger

H300

Mortel en cas d’ingestion

Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 1, 2

H301

Toxique en cas d’ingestion

Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 3

H302

Nocif en cas d’ingestion

Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 4

H303

Peut être nocif en cas d’ingestion

Toxicité aiguë – orale (chapitre 3.1) 5

H304

Peut être mortel en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires

Danger par aspiration (chapitre 3.10) 1

H305

Peut être nocif en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires

Danger par aspiration (chapitre 3.10)

H310

Mortel par contact cutané

Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 1, 2

H311

Toxique par contact cutané

Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 3

H312

Nocif par contact cutané

Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 4

H313

Peut être nocif par contact cutané

Toxicité aiguë – cutanée (chapitre 3.1) 5

H314

Provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves

Corrosion cutanée/irritation cutanée (chapitre 3.2)

1A, 1B, 1C

H315

Provoque une irritation cutanée

Corrosion cutanée/irritation cutanée (chapitre 3.2)

2

H316

Provoque une légère irritation cutanée

Corrosion cutanée/irritation cutanée (chapitre 3.2)

3

H317

Peut provoquer une allergie cutanée

Sensibilisation cutanée (chapitre 3.4)

1

H318

Provoque des lésions oculaires graves

Lésions oculaires graves/irritation oculaire (chapitre 3.3)

1

H319

Provoque une sévère irritation des yeux

Lésions oculaires graves/irritation oculaire (chapitre 3.3)

2A

H320

Provoque une irritation des yeux

Lésions oculaires graves/irritation oculaire (chapitre 3.3)

2B

H330

Mortel par inhalation

Toxicité aiguë – inhalation (chapitre 3.1)

1, 2

332

2

8 • Annexes

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Code

Mentions de danger pour les dangers pour la santé

Annexe 5 – SGH – Classification

Classe de danger (chapitre du SGH)

Catégorie de danger

H331

Toxique par inhalation

Toxicité aiguë – inhalation (chapitre 3.1)

3

H332

Nocif par inhalation

Toxicité aiguë – inhalation (chapitre 3.1)

4

H333

Peut être nocif par inhalation

Toxicité aiguë – inhalation (chapitre 3.1)

5

H334

Peut provoquer des symptômes Sensibilisation respiratoire allergiques ou d’asthme ou des difficultés (chapitre 3.4) respiratoires par inhalation

1

H335

Peut irriter les voies respiratoires

Toxicité pour certains organes cibles – Exposition unique – Irritation des 3 voies respiratoires (chapitre 3.8)

H336

Peut provoquer somnolence et des vertiges

Toxicité pour certains organes cibles – Exposition unique – Effets 3 narcotiques (chapitre 3.8)

H340

Peut induire des anomalies génétiques (indiquer la voie d’exposition s’il est formellement prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

Mutagénicité pour les cellules germinales (chapitre 3.5)

H341

Susceptible d’induire des anomalies génétiques (indiquer la voie d’exposition Mutagénicité pour les cellules s’il est formellement prouvé qu’aucune germinales (chapitre 3.5) autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

2

H350

Peut provoquer le cancer (indiquer la voie d’exposition s’il est formellement prouvé Cancérogénicité (chapitre 3.6) qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

1A, 1B

H351

Susceptible de provoquer le cancer (indiquer la voie d’exposition s’il est Cancérogénicité (chapitre 3.6) formellement prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

2

H360

Peut nuire à la fertilité ou au fœtus (indiquer l’effet s’il est connu) (indiquer Toxicité pour la reproduction la voie d’exposition s’il est formellement (chapitre 3.7) prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

1A, 1B

1A, 1B

333

8 • Annexes

Code

Mentions de danger pour les dangers pour la santé

Annexe 5 – SGH – Classification

Classe de danger (chapitre du SGH)

Catégorie de danger

H361

Susceptible de nuire à la fertilité ou au fœtus (indiquer l’effet s’il est connu) (indiquer la voie d’exposition s’il est formellement prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

Toxicité pour la reproduction (chapitre 3.7)

2

H362

Peut être nocif pour les bébés nourris au lait maternel

Toxicité pour la reproduction – Effets sur ou via l’allaitement (chapitre 3.7)

Catégorie supplémentaire

H370

Risque avéré d’effets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) (indiquer la Toxicité pour certains organes cibles 1 voie d’exposition s’il est formellement – Exposition unique (chapitre 3.8) prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

H371

Risque présumé d’effets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) (indiquer la Toxicité pour certains organes cibles 2 voie d’exposition s’il est formellement – Exposition unique (chapitre 3.8) prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

H372

Risque avéré d’effets graves pour les organes (indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) à la suite d’expositions répétées ou d’une Toxicité pour certains organes cibles 1 exposition prolongée (indiquer la voie – Expositions répétées (chapitre 3.9) d’exposition s’il est formellement prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

H373

Risque présumé d’effets graves pour les organes (indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) à la suite d’expositions répétées ou d’une Toxicité pour certains organes cibles 2 exposition prolongée (indiquer la voie – Expositions répétées (chapitre 3.9) d’exposition s’il est formellement prouvé qu’aucune autre voie d’exposition ne conduit au même danger)

334

8 • Annexes

Annexe 5 – SGH – Classification

Tableau A 3.1.3 Codes des mentions de danger pour les dangers pour l’environnement

Code

Mentions de danger pour les dangers pour l’environnement

Classe de danger (chapitre du SGH)

Catégorie de danger

H400

Très toxique pour les organismes aquatiques

Dangers pour le milieu aquatique, toxicité aiguë (chapitre 4.1)

1

H401

Toxique pour les organismes aquatiques

Dangers pour le milieu aquatique, toxicité aiguë (chapitre 4.1)

2

H402

Nocif pour les organismes aquatiques

Dangers pour le milieu aquatique, toxicité aiguë (chapitre 4.1)

3

H410

Très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme

Dangers pour le milieu aquatique, toxicité chronique (chapitre 4.1)

1

H411

Toxique pour les organismes aquatiques, Dangers pour le milieu aquatique, entraîne des effets néfastes à long terme toxicité chronique (chapitre 4.1)

2

H412

Nocif pour les organismes aquatiques, Dangers pour le milieu aquatique, entraîne des effets néfastes à long terme toxicité chronique (chapitre 4.1)

3

H413

Peut être nocif à long terme pour les organismes aquatiques

4

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Dangers pour le milieu aquatique, toxicité chronique (chapitre 4.1)

335

8 • Annexes

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions selon le niveau de danger

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions de danger selon le niveau de danger Dangers pour la santé Niveau Code danger

Mentions de danger pour la santé

Chapitre

Cat. de danger

H333

Peut être nocif par inhalation

3.1

5

H303

Peut être nocif en cas d’ingestion

3.1

5

H313

Peut être nocif par contact cutané

3.1

5

H316

Provoque une légère irritation cutanée

3.2

3

H320

Provoque une irritation des yeux

3.3

2B

H335

Peut irriter les voies respiratoires

3.8

3

H302

Nocif en cas d’ingestion

3.1

4

H305

Peut être nocif en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires

3.10

2

H312

Nocif par contact cutané

3.1

4

H332

Nocif par inhalation

3.1

4

H315

Provoque une irritation cutanée

3.2

2

H319

Provoque une sévère irritation des yeux

3.3

2A

H317

Peut provoquer une allergie cutanée

3.4

1

H334

Peut provoquer des symptômes allergiques ou d’asthme ou des difficultés respiratoires par inhalation

3.4

1

H341

Susceptible d’induire des anomalies génétiques (note)

3.5

2

H351

Susceptible de provoquer le cancer (note)

3.6

2

H361

Susceptible de nuire à la fertilité ou au fœtus (indiquer l’effet s’il est connu) (note)

3.7

2

H362

Peut être nocif pour les bébés nourris au lait maternel

3.7

Catég. suppl.

H336

Peut provoquer somnolence et des vertiges

3.8

3

H373

Risque présumé d’effets graves pour les organes (indiquer tous les organes affectés. s’ils sont connus) à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée (note)

3.9

2

2

3

336

8 • Annexes

Niveau Code danger

4

Mentions de danger pour la santé

Chapitre

Cat. de danger

H301

Toxique en cas d’ingestion

3.1

3

H311

Toxique par contact cutané

3.1

3

H331

Toxique par inhalation

3.1

3

H314

Provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves

3.2

1A, 1B, 1C

H318

Provoque des lésions oculaires graves

3.3

1

H340

Peut induire des anomalies génétiques (note)

3.5

1A, 1B

H350

Peut provoquer le cancer (note)

3.6

1A, 1B

H360

Peut nuire à la fertilité ou au fœtus (note)

3.7

1A, 1B

H371

Risque présumé d’effets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) (note)

3.8

2

H372

Risque avéré d’effets graves pour les organes (indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée (note)

3.9

1

H304

Peut être mortel en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires

3.1

1

H300

Mortel en cas d’ingestion

3.1

1, 2

H310

Mortel par contact cutané

3.1

1, 2

H330

Mortel par inhalation

3.1

1, 2

H370

Risque avéré d’effets graves pour les organes (ou indiquer tous les organes affectés, s’ils sont connus) (note)

3.8

1

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

5

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions selon le niveau de danger

337

8 • Annexes

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions selon le niveau de danger

Dangers physiques Niveau de danger

Code

Mentions de danger physique

Chapitre

Catégorie de danger

H252

Matière auto-échauffante en grandes quantités ; peut s’enflammer

2.11

2

H226

Liquide et vapeurs inflammables

2.6

3

H227

Liquide combustible

2.6

4

H228

Matière solide inflammable

2.7

H272

Peut aggraver un incendie ; comburant

2.13 ; 2.15 2, 3

H242

Risque d’incendie en cas d’échauffement

2.8 ; 2.17

Types C, D, E, F

H204

Danger d’incendie ou de projection

2.1

Division 1.4

H205

Danger d’explosion en masse en cas d’incendie

2.1

Division 1.5

H251

Matière auto-échauffante ; peut s’enflammer

2.11

1

H261

Dégage au contact de l’eau des gaz inflammables

2.12

2, 3

H290

Peut être corrosif pour les métaux

2.16

1

H221

Gaz inflammable

2.2

2

H223

Aérosol inflammable

2.3

2

H270

Peut provoquer ou aggraver un incendie ; comburant 2.4

1

H280

Contient un gaz sous pression ; peut exploser sous l’effet de la chaleur

2.5

Gaz comprimé Gaz liquéfié Gaz dissous

H281

Contient un gaz réfrigéré ; peut causer des brûlures ou blessures cryogéniques

2.5

Gaz liquide réfrigéré

H225

Liquide et vapeurs très inflammables

2.6

2

H241

Risque d’incendie ou d’explosion en cas d’échauffement

2.8 ; 2.16

Type B

H240

Risque d’explosion en cas d’échauffement

2.8 ; 2.15

Type A

H203

Explosif ; danger d’incendie, d’effet de souffle ou de projection

2.1

Division 1.3

2

3

4

338

1, 2

8 • Annexes

Niveau de danger

Code

Annexe 6 – SGH – Classement des mentions selon le niveau de danger

Mentions de danger physique

Catégorie de danger

Chapitre

H260

Dégage au contact de l’eau des gaz inflammables qui 2.12 peuvent s’enflammer spontanément

1

H220

Gaz extrêmement inflammable

2.2

1

H222

Aérosol extrêmement inflammable

2.3

1

H224

Liquide et vapeurs extrêmement inflammables

2.6

1

H271

Peut provoquer un incendie ou une explosion ; comburant puissant

2.13 ; 2.14 1

H250

S’enflamme spontanément au contact de l’air

2.9 ; 2.10

1

H201

Explosif ; danger d’explosion en masse

2.1

Division 1.1

H202

Explosif ; danger sérieux de projection

2.1

Division 1.2

Explosif instable

2.1

Explosif instable

4

5

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Hors sujet H200

339

8 • Annexes

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction (Annexe XVII du règlement 1907/2006) N°

Désignation

n˚ CAS

1

Polychloroterphényles (PCT)

2

Chloro-1-éthylène (chlorure de vinyle monomère)

3

Substances ou préparations liquides qui sont considérées comme dangereuses au sens des définitions de la directive 67/548/CEE

4

Phosphate de tri (2,3 dibromopropyle)

126-72-7

5

Benzène

71-43-2

6

Fibres d’amiante

7

Oxyde de triaziridinylphosphine

5455-55-1

8

Polybromobiphényle (PBB)

59536-65-1

Poudre de Panama (Quillaja saponaria) et ses dérivés contenant des saponines Poudre de racine d’Helleborus viridis et d’Helleborus niger Poudre de racine de Veratrum album et de Veratrum nigrum Benzidine et/ou ses dérivés

92-87-5

o-nitrobenzaldéhyde

552-89-06

9

n˚ EINECS

75-01-4 Concerne les objets décoratifs, ludiques et les combustibles pour lampes décoratives

202-199-1

Poudre de bois

10

Sulfure d’ammonium

12135-76-1

Hydrogénosulfure d’ammonium

12124-99-1

Polysulfure d’ammonium

9080-17-5

232-989-1

Bromacétate de méthyle

96-32-2

202-499-2

Bromacétate d’éthyle

105-36-2

203-290-9

Bromacétate de propyle

35223-80-4

Les esters volatils de l’acide bromacétique :

11

Bromacétate de butyle

340

Remarques

8 • Annexes



Désignation

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction

n˚ CAS

n˚ EINECS

12

2-naphtylamine et ses sels

9-1-59-8

202-080-4

13

Benzidine et ses sels

92-87-5

202-199-1

14

4-nitrodiphényle

92-93-3

202-204-7

15

4-aminodiphényle, xénylamine et ses sels 92-67-1

202-177-1

Remarques

Carbonates de plomb : 16

a) Carbonate anhydre neutre (PbCO3)

598-63-0

209-943-4

b) Dihydroxybis (carbonate) de triplomb 2 PbCO3 Pb (OH) 2

1319-46-6

215-290-6

a) PbSO4 (1:1)

7446-14-2

231-198-9

b) Pbx SO4

15739-80-7

239-831-0

Sulfates de plomb

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

17

18

Composés du mercure

19

Composés de l’arsenic

20

Composés organostanniques

21

Di-µ-oxo-dinbutylstanniohydroxyborane ; hydrogénoborate de dibutylétain C8H19BO3Sn (DBB)

75113-37-0

401-040-5 (ELINCS)

22

Pentachlorophénol et ses sels et esters

87-86-5

201-778-6

23

Cadmium et ses composés

7440-43-9

231-152-8

24

Monométhyltétrachlorodiphénylméthane Nom commercial : Ugilec 141

76253-60-6

25

Mono-méthyldichlorodiphénylméthane Nom commercial : Ugilec 121, Ugilec 21

inconnu

26

Mono-méthyldibromodiphénylméthane bromobenzylbromotoluène, mélange d’isomères Nom commercial : DBBT

99688-47-8

27

Nickel et ses composés

7440-02-0

231-111-4

341

8 • Annexes



Désignation

28

Substances figurant à l’annexe I de la directive 67/548/CEE classées « cancérogène catégorie 1 ou cancérogène catégorie 2 » et étiquetées au moins « Toxique (T) », avec la phrase de risque R45 : « Peut provoquer le cancer » ou la phrase de risque R49 : « Peut provoquer le cancer par inhalation », et reprises comme suit : Les substances cancérogènes de catégorie 1 sont énumérées à l’appendice 1. Les substances cancérogènes de catégorie 2 sont énumérées à l’appendice 2.

29

Substances figurant à l’annexe I de la directive 67/548/CEE classées « mutagène catégorie 1 ou mutagène catégorie 2 » et étiquetées avec la phrase de risque R46 : « Peut provoquer des altérations génétiques héréditaires », et reprises comme suit : Les substances mutagènes de catégorie 1 sont énumérées à l’appendice 3. Les substances mutagènes de catégorie 2 sont énumérées à l’appendice 4.

30

Substances figurant à l’annexe I de la directive 67/548/CEE classées « toxiques pour la reproduction catégorie 1 ou toxiques pour la reproduction catégorie 2 » et étiquetées avec la phrase de risque R60 : « Peut altérer la fertilité » et/ou R61 : « Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant », et reprises comme suit : Les substances toxiques pour la reproduction de catégorie 1 sont énumérées à l’appendice 5. Les substances toxiques pour la reproduction de catégorie 2 sont énumérées à l’appendice 6.

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction

n˚ CAS

Remarques

Il s’agit des substances et préparations « CMR ». Elles sont interdites sur le marché grand public. Les emballages doivent porter la mention « réservé aux utilisateurs professionnels ».

a) Créosote ; huile de lavage

8001-58-9

b) Huile de créosote ; huile de lavage

61789-28-4

31

342

n˚ EINECS

232-287-5 Ne peuvent être utilisés en tant que substances ou constituants de 263-047-8 préparations pour le traitement du bois. …/…

8 • Annexes



Désignation

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction

n˚ CAS

c) Distillats de goudron de houille, huiles 84650-04-4 de naphtalène ; huile naphtalénique

Remarques

d) Huile de créosote, fraction acénaphtène ; huile de lavage

90640-84-9

e) Distillats supérieurs de goudron de houille (charbon) ; huile anthracénique lourde

65996-91-0

f) Huile anthracénique

90640-80-5

283-484-8 En outre, la mise sur le marché du bois ainsi traité est interdite, sauf 292-605-3 s’il existe une dérogation. L’emballage doit mentionner : 266-026-1 « Réservé aux installations industrielles ou aux utilisateurs 292-602-7 professionnels ».

g) Huiles acides de goudron de houille brutes ; phénols bruts

65996-85-2

266-019-3

h) Créosote de bois

8021-39-4

232-419-1

31

i) Résidus d’extraction alcalins (charbon), 122384-78goudron de houille à basse température 5

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

n˚ EINECS

32

Chloroforme

67-66-3

33

Tétrachlorure de carbone tétrachlorométhane

56-23-5

34

1,1,2-trichloroéthane

79-00-5

35

1,1,2,2-tétrachloroéthane

79-34-5

36

1,1,1,2-tétrachloroéthane

630-20-6

37

Pentachloroéthane

76-01-7

38

1,1-dichloroéthylène

75-35-4

39

1,1,1-trichloroéthane, méthylchloroforme

71-55-6

40

Substances conformes aux critères d’inflammabilité définis dans la directive 67/548/CEE et classées comme inflammables, facilement inflammables ou extrêmement inflammables, qu’elles figurent ou non à l’annexe 1 de ladite directive

41

Hexachloroéthane

42

Alcanes en C10-C13, chloro (paraffines chlorées à chaîne courte SCCP)

43

Colorants azoïques

44

Diphényléther, dérivé pentabromé C12H5Br5O

67-72-1

310-191-5 200-663-8 Ne peuvent être utilisés en concentration 200-262-8 supérieure ou égale à 0,1 % dans les substances 201-166-9 et préparations destinées à la vente au grand public 201-197-8 et/ou aux applications conduisant à une diffusion, telles que le nettoyage des surfaces et 200-925-1 le nettoyage des tissus. 200-864-0 L’emballage doit mentionner : « Réservé aux installations 200-756-3 industrielles ».

200-6664 287-476-5

343

8 • Annexes



Désignation

45

Diphényléther, dérivé octabromé C12H2Br8O

46

a) Nonylphénol C6H4 (OH) C9H19

Annexe 7 – REACH – Catégories de produits soumis à restriction

n˚ CAS

n˚ EINECS

Remarques

b) Éthoxylate de nonylphénol (C2H4O) nC15H24O 47

Ciment

Limite en chrome VI

48

Toluène

108-88-3

49

Trichlorobenzène

120-82-1

Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)

50

1.Benzo (a) pyrène (BaP)

50-32-8

2.Benzo(e) pyrène (BeP)

192-97-2

3.Benzo (a) anthracène (BaA)

56-55-3

4.Chrysène (CHR)

218-01-9

5.Benzo (b) fluoranthène (BbFA)

205-99-2

6.Benzo (j) fluoranthène (BjFA)

205-82-3

7.Benzo (k) fluoranthène (BkFA)

207-08-9

8.Dibenzo (a, h) anthracène (DBAhA)

53-70-3

Les phtalates suivants (ou les autres numéros CAS et EINECS couvrant la substance) : 51

di (2-éthylhexyl) phtalate (DEHP)

117-81-7

204-211-0

dibutyl phtalate (DBP)

84-74-2

201-557-4

butyl benzyl phtalate (BBP)

85-68-7

201-622-7

di- « isononyl » phtalate (DINP)

28553-12-0 et 6851548-0

249-079-5 et 271090-9

di- « isodecyl » phtalate (DIDP)

26761-40-0 et 6851549-1

247-977-1 et 271091-4

di-n-octyl phtalate (DNOP)

117-84-0

204-214-7

Les phtalates suivants (ou les autres numéros CAS et EINECS couvrant la substance) :

52

344

8 • Annexes

Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Art. R. 4222-10 - Dans les locaux à pollution spécifique, les concentrations moyennes en poussières totales et alvéolaires de l’atmosphère inhalée par un travailleur, évaluées sur une période de huit heures, ne doivent pas dépasser respectivement 10 et 5 milligrammes par mètre cube d’air. Art. R. 4412-104 - La concentration moyenne en fibres d’amiante dans l’air inhalé par un travailleur ne doit pas dépasser 0,1 fibre par centimètre cube sur une heure de travail. Art. R. 4412-149 - Les concentrations des agents chimiques présents dans l’atmosphère des lieux de travail figurant dans le tableau suivant ne doivent pas dépasser, dans la zone de respiration des travailleurs, les valeurs limites d’exposition professionnelle définies ci-après (tableau pages suivantes).

345

346 8 h (3)

270

210-946-8 626-38-0

211-047-3 628-63-7

200-662-2 67-64-1

200-835-2 75-05-8

231-595-7 7647-01-0

205-483-3 141-43-5

231-635-3 7664-41-7

247-852-1 26628-22-8

200-753-7 71-43-2

Acétate de 1-méthylbutyle

Acétate de pentyle

Acétone

Acétonitrile

Acide chlorhydrique

2-aminoéthanol

Ammoniac anhydre

Acide de sodium

Benzène

0,7

231-778-1 7726-95-6

201-159-0 78-93-3

231-959-5 7782-50-5

Brome

Butanone

Chlore

600

1

Bois (poussières de)

3,25

0,1

7

2,5

70

1 210

270

275

200

. 0,1

1

10

1

40

500

50

50

50

50

mg/m3 (5) ppm (6) Fibres par cm3

Acétate de 2-méthoxy-1-éthyléthyle 203-603-9 108-65-6

Numéro CAS (2)

270

Numéro CE (1)

204-662-3 123-92-2

Acétate d’isopentyle

DÉNOMINATION

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

1,5

900

0,3

14

7,6

7,6

2 420

540

540

550

540

mg/m3

0,5

300

20

3

5

1 000

100

100

100

100

ppm

Fibres par cm3

Court terme (4)

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

OBSERVATIONS

8 • Annexes Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

200-663-8 67-66-3

200-831-0 75-01-4

202-704-5 98-82-8

203-806-2 110-82-7

203-631-1 108-94-1

202-425-9 95-50-1

204-826-4 127-19-5

204-697-4 124-40-3

203-716-3 109-89-7

200-834-7 75-04-7

202-849-4 100-41-4

Chloroforme

Chlorure de vinyle monomère

Cumène

Cyclohexane

Cyclohexanone

1,2-dichlorobenzène

N, N-diméthylacétamide

Diméthylamine

Diéthylamine

Éthylamine

Éthylbenzène

88,4

9,4

15

1,9

7,2

122

40,8

700

100

2,59

10

23

20

5

5

1

2

20

10

200

20

1

2

5

0,1 (0,5 fibres par cm3 jusqu’au 30 juin 2009)

442

28,2

30

3,8

36

306

81,6

250

70

100

15

10

2

10

50

20

50

15

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS). (2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society). (3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de huit heures, moyenne pondérée dans le temps. (4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne doit pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire. (5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 ˚C et 101,3 kPa (760 mm de mercure). (6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3). (7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

Fibres céramiques réfractaires classées cancérogènes.

203-628-5 108-90-7

Chlorobenzène

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

8 • Annexes Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

347

348

205-563-8 142-82-5

203-767-1 110-43-0

203-388-1 106-35-4

203-777-6 110-54-3

200-659-6 67-56-1

252-104-2 34590-94-8

203-539-1 107-98-2

203-550-1 108-10-1

203-815-1 110-91-8

200-467-2 60-29-7

233-060-3 10026-13-8

203-692-4 109-66-0

203-632-7 108-95-2

n-heptane

Heptane-2-one

Heptane-3-one

n-hexane

Méthanol

(2-méthoxyméthyléthoxy)propanol

1-méthoxypropane2-ol

4-méthylpentane-2-one

Morpholine

Oxyde de diéthyle

Pentachlorure de phosphore

Pentane

Phénol

Numéro CAS (2)

231-634-8 7664-39-3

Numéro CE (1)

Fluorure d’hydrogène

DÉNOMINATION

7,8

3 000

1

308

36

83

188

308

260

72

95

238

1 668

1,5

2

1 000

100

10

20

50

50

200

20

20 –

50

400

1,8

mg/m3 (5) ppm (6) Fibres par cm3

8 h (3)

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

15,6

616

72

208

375

475

2 085

2,5

mg/m3

4

200

20

50

100

100

500

3

ppm

Fibres par cm3

Court terme (4)

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

OBSERVATIONS

8 • Annexes Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

0,05

0,05 . 0,1

222-995-2 3689-24-5

203-726-8 109-99-9

203-625-9 108-88-3

204-428-0 120-82-1

200-756-3 71-55-6

204-469-4 121-44-8

Silice (poussières alvéolaires de cristobalite)

Silice (poussières alvéolaires de tridymite)

Sulfotep

Tétrahydrofurane

Toluène

1,2,4-trichlorobenzène

1,1,1-trichloroéthane

Triéthylamine

.1

100

2

50

50

0,1

0,02

12,6

1 110

37,8

384

300

0,4

3

200

5

100

100

0,1

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS). (2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society). (3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de huit heures, moyenne pondérée dans le temps. (4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne doit pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire. (5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 ˚C et 101,3 kPa (760 mm de mercure). (6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3). (7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

4,2

555

15,1

192

150

0,1

Silice (poussières alvéolaires de quartz).

0,14

0,1

232-260-8 7803-51-2

Phosphine

0,08

Plomb métallique et ses composés

200-870-3 75-44-5

Phosgène

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Limite pondérale définie en plomb métal (Pb)

8 • Annexes Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

349

350

203-604-4 108-67-8

203-576-3 108-38-3

202-422-2 95-47-6

203-396-5 106-42-3

215-535-7 1330-20-7

1,3,5-triméthylbenzène (mésitylène).

m-xylène

o-xylène

p-xylène

Xylène : mélange d’isomères

221

221

221

221

100

100

100

50

50

50

50

20

20

20

mg/m3 (5) ppm (6) Fibres par cm3

8 h (3)

442

442

442

442

250

250

250

mg/m3

100

100

100

100

50

50

50

ppm

Fibres par cm3

Court terme (4)

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS). (2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society). (3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de huit heures, moyenne pondérée dans le temps. (4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne doit pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire. (5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 ˚C et 101,3 kPa (760 mm de mercure). (6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3). (7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

202-436-9 95-63-6

1,2,4-triméthylbenzène

Numéro CAS (2)

208-394-8 526-73-8

Numéro CE (1)

1,2,3-triméthylbenzène

DÉNOMINATION

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

Peau (7)

OBSERVATIONS

8 • Annexes Annexe 8 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes

8 • Annexes

Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives

Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives Art. R. 4412-150 - Des valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives, constituant des objectifs de prévention, peuvent être fixées par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l’agriculture. Arrêté du 30 juin 2004, modifié par les arrêtés du 9 février 2006 et du 26 octobre 2007.

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

Voir tableau pages suivantes.

351

352 203-933-3 – 233-113-0 231-633-2 200-579-1 205-634-3 201-176-3 231-714-2 205-480-7 203-470-7 – 231-131-3 231-131-3 – 203-905-0 203-961-6 203-313-2

Acétate de 3-pentyle

Acide bromhydrique

Acide phosphorique

Acide formique

Acide oxalique

Acide propionique

Acide nitrique

Acrylate de n-butyle

Alcool allylique

Amylacétate, tert

Argent métallique

Argent (composés solubles en Ag)

Baryum (composés solubles)

2-butoxyéthanol

2- (2-butoxyéthoxy) éthanol

?-caprolactame (poudre et vapeur)

Numéro CE (1)

Acétate de2-butoxyéthyle

DÉNOMINATION

105-60-2

112-34-5

111-76-2





7440-22-4

625-16-1

107-18-6

141-32-2

7697-37-2

79-09-4

144-62-7

64-18-6

7664-38-2

10035-10-6

620-11-1

112-07-2

Numéro CAS (2)

10

67,5

9,8

0,5

0,01

0,1

270

0,48

11



31

1

9

1



270

13,3

mg/m3 (5)



10

2







50

0,2

2



10



5

0,2



50

2

ppm (6)

8 heures (3)

40

101,2

147,6







540

4,8

53

2,6

62





2

6,7

540

199,8

mg/m3



15

30







100

2

10

1

20





0,5

2

100

30

ppm

Court terme (4)

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle





Peau (7)









Peau (7)















Peau (7)

OBSERVATIONS

8 • Annexes Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives

200-830-5 – 206-992-3 203-400-5 200-863-5 204-696-9 203-473-3 231-954-8 – 201-142-8 203-906-6 203-737-8 208-793-7 207-343-7

Chloroéthane

Chrome métal, composés de chrome inorganiques (II) et composés de chrome inorganiques (insolubles) (III)

Cyanamide

1,4-dichlorobenzène

1,1-dichloroéthane

Dioxyde de carbone

Éthylène-glycol

Fluor

Fluorures inorganiques

Isopentane

2- (2-méthoxyethoxy) éthanol.

5-méthylhexane-2-one

5-méthylheptane-3-one

Néopentane

463-82-1

541-85-5

110-12-3

111-77-3

78-78-4



7782-41-4

107-21-1

124-38-9

75-34-3

106-46-7

420-04-2



75-00-3

75-45-6

3 000

53

95

50,1

3 000

2,5

1,58

52

9 000

412

4,5

1

2

268

3600

1 000

10

20

10

1 000



1

20

5 000

100

0,75

0,58



100

1000



107

475







3,16

104





306











20

100







2

40





50



















Peau (7)

Peau (7)





Peau (7)



Peau (7)



Peau (7)

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS). (2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society). (3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de 8 heures, moyenne pondérée dans le temps. (4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne devrait pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire. (5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 oC et 101,3 kPa (760 mm de mercure). (6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3). (7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

200-871-9

Chlorodifluorométhane

8 • Annexes Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives

353

354 202-716-0 204-065-8 215-236-1 215-242-4 202-705-0 232-260-8 203-808-3 – 203-585-2 231-978-9

Nitrobenzène

Oxyde de diméthyle

Pentaoxyde de disphosphore

Pentasulfure de disphosphore

2-phénylpropène

Phosphine.

Pipérazine (poudre et vapeur)

Pyrèthre (après suppression des lactones sensibilisantes)

Résorcinol

Séléniure de dihydrogène

7783-07-5

108-46-3

8003-34-7

110-85-0

7803-51-2

98-83-9

1314-80-3

1314-56-3

115-10-6

98-95-3

54-11-5

Numéro CAS (2)

0,07

45

1

0,1



123

1

1

1920

1

0,5

mg/m3 (5)

0,02

10







25





1000

0,2



ppm (6)

8 heures (3)

0,17





0,3

0,28

492











mg/m3

0,05







0,2

100











ppm

Court terme (4)



Peau (7)







Peau (7)







Peau (7)

Peau (7)

OBSERVATIONS

(1) Inventaire européen des substances chimiques existantes (EINECS). (2) Numéro du Chemical Abstract Service (American Chemical Society). (3) Mesurée ou calculée par rapport à une période de référence de 8 heures, moyenne pondérée dans le temps. (4) Valeur limite au-dessus de laquelle il ne devrait pas y avoir d’exposition et qui se rapporte à une période de quinze minutes sauf indication contraire. (5) mg/m3 : milligrammes par mètre cube d’air à 20 oC et 101,3 kPa (760 mm de mercure). (6) ppm : partie par million en volume dans l’air (ml/m3). (7) La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

200-193-3

Numéro CE (1)

Nicotine

DÉNOMINATION

VALEUR LIMITE d’exposition professionnelle

8 • Annexes Annexe 9 – Code du travail – Valeurs limites d’exposition professionnelle indicatives

8 • Annexes

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

(Régime général) Extrait limité aux agents chimiques RG 1

Affections dues au plomb et à ses composés

RG 2

Maladies professionnelles causées par le mercure et ses composés

RG 3

Intoxication professionnelle par le tétrachloréthane

RG 4

Hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en renfermant

RG 4BIS

Affections gastro-intestinales provoquées par le benzène, le toluène, les xylènes et tous les produits en renfermant

RG 5

Affections professionnelles liées au contact avec le phosphore et le sesquisulfure de phosphore

RG 8

Affections causées par les ciments (aluminosilicates de calcium)

RG 9

Affections provoquées par les dérivés halogénés des hydrocarbures aromatiques

RG 10

Ulcérations et dermites provoquées par l’acide chromique, les chromates et bichromates alcalins, le chromate de zinc et le sulfate de chrome

RG 10BIS

Affections respiratoires provoquées par l’acide chromique, les chromates et bichromates alcalins

RG 10TER

Affections cancéreuses causées par l’acide chromique et les chromates et bichromates alcalins ou alcalinoterreux ainsi que par le chromate de zinc

RG 11

Intoxication professionnelle par le tétrachlorure de carbone

RG 12

Affections professionnelles provoquées par les hydrocarbures aliphatiques halogénés énumérés ci-après : dichlorométhane ; trichlorométhane ; tribromométhane ; triiodométhane ; tétrabromométhane ; chloroéthane ; 1,1-dichloroéthane ; 1,2-dichloroéthane ; 1,2-dibromoéthane ; 1,1,1-trichloroéthane ; 1,1,2-trichloroéthane ; 1,1,2,2-tétrabromoéthane ; pentachloroéthane ; 1-bromopropane ; 2-bromopropane ; 1,2-dichloropropane ; trichloroéthylène ; tétrachloroéthylène ; dichloro-acétylène ; trichlorofluorométhane ; 1,1,2,2-tétrachloro-1,2-difluoroéthane ; 1,1,1,2-tétrachloro2,2-difluoroéthane ; 1,1,2-trichloro-1,2,2-trifluoroéthane ; 1,1,1-trichloro-2,2,2trifluoroéthane ; 1,1-dichloro-2,2,2-trifluoroéthane ; 1,2-dichloro-1,1-difluoroéthane ; 1,1-dichloro-1-fluoroéthane

RG 13

Intoxications professionnelles par les dérivés nitrés et chloronitrés des hydrocarbures benzéniques

RG 14

Affections provoquées par les dérivés nitrés du phénol (dinitrophénols, dinitroorthocrésols, dinosebe), par le pentachlorophénol, les pentachlorophénates et par les dérivés halogénés de l’hydroxybenzonitrile (bromoxynil, ioxynil)

355

8 • Annexes

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles

RG 15

Affections provoquées par les amines aromatiques, leurs sels et leurs dérivés notamment hydroxylés, halogénés, nitrés, nitrosés et sulfonés

RG 15BIS

Affections de mécanisme allergique provoquées par les amines aromatiques, leurs sels, leurs dérivés notamment hydroxylés, halogénés, nitrés, nitrosés, sulfonés et les produits qui en contiennent à l’état libre

RG 15TER

Lésions prolifératives de la vessie provoquées par les amines aromatiques et leurs sels et la N-nitroso-dibutylamine et ses sels

RG 16

Affections cutanées ou affections des muqueuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille (comprenant les fractions de distillation dites « phénoliques », « naphtaléniques », « acénaphténiques », « anthracéniques » et « chryséniques »), les brais de houille et les suies de combustion du charbon

RG 16BIS

Affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille (comprenant les fractions de distillation dites phénoliques, naphtaléniques, acénaphténiques, anthracéniques et chryséniques), les brais de houille et les suies de combustion du charbon

RG 20

Affections professionnelles provoquées par l’arsenic et ses composés minéraux

RG 20BIS

Cancer bronchique primitif provoqué par l’inhalation de poussières ou de vapeurs arsenicales

RG 20TER

Cancer bronchique primitif provoqué par l’inhalation de poussières ou de vapeurs renfermant des arsénopyrites aurifères

RG 21

Intoxication professionnelle par l’hydrogène arsénié

RG 22

Sulfocarbonisme professionnel

RG 25

Affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline (quartz, cristobalite, tridymite), des silicates cristallins (kaolin, talc), du graphite ou de la houille

RG 26

Intoxication professionnelle par le bromure de méthyle

RG 27

Intoxication professionnelle par le chlorure de méthyle

RG 30

Affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante

RG 30BIS

Cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières d’amiante

RG 31

Maladies professionnelles engendrées par les aminoglycosides, notamment par la streptomycine, la néomycine et leurs sels

RG 32

Affections professionnelles provoquées par le fluor, l’acide fluorhydrique et ses sels minéraux

RG 33

Maladies professionnelles dues au béryllium et à ses composés

RG 34

Affections provoquées par les phosphates, pyrophosphates et thiophosphates d’alcoyle, d’aryle ou d’alcoylaryle et autres organophosphorés anticholinestérasiques ainsi que par les phosphoramides et carbamates hétérocycliques anticholinestérasiques

RG 36

Affections provoquées par les huiles et graisses d’origine minérale ou de synthèse

356

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8 • Annexes

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles

RG 36BIS

Affections cutanées cancéreuses provoquées par les dérivés suivants du pétrole : extraits aromatiques, huiles minérales utilisées à haute température dans les opérations d’usinage et de traitement des métaux, suies de combustion des produits pétroliers

RG 37

Affections cutanées professionnelles causées par les oxydes et les sels de nickel

RG 37BIS

Affections respiratoires causées par les oxydes et les sels de nickel

RG 37TER

Cancers provoqués par les opérations de grillage des mattes de nickel

RG 38

Maladies professionnelles engendrées par la chlorpromazine

RG 39

Maladies professionnelles engendrées par le bioxyde de manganèse

RG 43

Affections provoquées par l’aldéhyde formique et ses polymères

RG 44

Affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales ou de fumées, contenant des particules de fer ou d’oxyde de fer

RG 44BIS

Affections consécutives au travail au fond dans les mines de fer

RG 47

Affections professionnelles provoquées par les poussières de bois

RG 49

Affections cutanées provoquées par les amines aliphatiques, alicycliques ou les éthanolamines

RG 49BIS

Affections respiratoires provoquées par les amines aliphatiques, les éthanolamines ou l’isophoronediamine

RG 50

Affections provoquées par la phénylhydrazine

RG 51

Maladies professionnelles provoquées par les résines époxydiques et leurs constituants

RG 52

Affections provoquées par le chlorure de vinyle monomère. Durée d’exposition : six mois

RG 59

Intoxications professionnelles par l’hexane

RG 61

Maladies professionnelles provoquées par le cadmium et ses composés

RG 61BIS

Cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières ou fumées renfermant du cadmium

RG 62

Affections professionnelles provoquées par les isocyanates organiques

RG 63

Affections provoquées par les enzymes

RG 64

Intoxication professionnelle par l’oxyde de carbone

RG 65

Lésions eczématiformes de mécanisme allergique

RG 66

Rhinites et asthmes professionnels

RG 66BIS

Pneumopathies d’hypersensibilité

357

8 • Annexes

Annexe 10 – Sécurité sociale – Tableau des maladies professionnelles

RG 67

Lésions de la cloison nasale provoquées par les poussières de chlorure de potassium dans les mines de potasse et leurs dépendances

RG 70

Affections professionnelles provoquées par le cobalt et ses composés

RG 70BIS

Affections respiratoires dues aux poussières de carbures métalliques frittés ou fondus contenant du cobalt

RG 70TER

Affections cancéreuses broncho-pulmonaires primitives causées par l’inhalation de poussières de cobalt associées au carbure de tungstène avant frittage

RG 72

Maladies résultant de l’exposition aux dérivés nitrés des glycols et du glycérol

RG 73

Maladies professionnelles causées par l’antimoine et ses dérivés

RG 74

Affections professionnelles provoquées par le furfural et l’alcool furfurylique

RG 75

Affections professionnelles résultant de l’exposition au sélénium et à ses dérivés minéraux

RG 78

Affections provoquées par le chlorure de sodium dans les mines de sel et leurs dépendances

RG 81

Affections malignes provoquées par le bis (chlorométhyle) éther

RG 82

Affections provoquées par le méthacrylate de méthyle

RG 84

Affections engendrées par les solvants organiques liquides à usage professionnel : hydrocarbures liquides aliphatiques ou cycliques saturés ou insaturés et leurs mélanges ; hydrocarbures halogénés liquides ; dérivés nitrés des hydrocarbures aliphatiques ; alcools, glycols, éthers de glycol ; cétones ; aldéhydes ; éthers alipathiques et cycliques, dont le tétrahydrofurane ; esters ; diméthylformamide et diméthylacétamine ; acétonitrile et propionitrile ; pyridine ; diméthhylsulfone et diméthylsulfoxyde

RG 85

Affection engendrée par l’un ou l’autre de ces produits : N-méthyl N’nitro N-nitrosoguanidine ; N-éthyl N’nitro N-nitrosoguanidine ; N-méthyl N-nitrosourée ; N-éthyl N-nitrosourée. Durée d’exposition : six mois

RG 89

Affection provoquée par l’halothane

RG 90

Affections respiratoires consécutives à l’inhalation de poussières textiles végétales

RG 91

Broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon

RG 93

Lésions chroniques du segment antérieur de l’œil provoquées par l’exposition à des particules en circulation dans les puits de mine de charbon

RG 94

Broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur de fer

RG 95

Affections professionnelles de mécanisme allergique provoquées par les protéines du latex (ou caoutchouc naturel)

358

8 • Annexes

Annexe 11 – INRS – Liste des guides de ventilation

Annexe 11 – INRS – Liste des guides de ventilation (disponibles au 1er mars 2008)

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.



Titre

Référence ED

Dernière année d’édition

0

Principes généraux de ventilation

695

1989

1

L’assainissement de l’air des locaux de travail

657

1989

2

Cuves et bains de traitement de surface

651

2001

3

Mise en œuvre manuelle des polyesters stratifiés

665

1989

4

Postes de décochage en fonderie

662

2003

5

Ateliers d’encollage de petits objets (chaussures)

672

1987

6

Captage et traitement des aérosols de fluides de coupes

972

2005

7

Opérations de soudage à l’arc

668

2007

8

Espaces confinés

703

2004

9.1

Cabines d’application par pulvérisation de produits liquides

839

2000

9.2

Cabines d’application par projection de peintures en poudre

928

2004

9.3

Pulvérisation de produits liquides. Objets lourds ou encombrants

906

2003

10

Le dossier d’installation de ventilation

6008

2007

11

Sérigraphie

6001

2006

12

Deuxième transformation du bois

750

2001

13

Fabrication des accumulateurs au plomb

746

2007

14

Décapage, dessablage, dépolissage au jet libre en cabine

768

2004

15

Réparation des radiateurs automobiles

752

2007

16

Ateliers de fabrication de prothèses dentaires

760

2003

17

Emploi des matériaux pulvérulents

767

2003

18

Usines de dépollution des eaux résiduaires et ouvrages d’assainissement

820

2002

Cabines ventilées pour le travail de la pierre

947

2005

AMT*

* Aide-mémoire technique

359

8 • Annexes Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés qui rendent les déchets dangereux

Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés qui rendent les déchets dangereux (Annexe I du décret n˚ 2002-540 du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets, JO du 20 avril 2002) Code

Danger

Descriptif

H1

Explosif

Substances et préparations pouvant exploser sous l’effet de la flamme ou qui sont plus sensibles aux chocs ou aux frottements que le dinitrobenzène.

H2

Comburant

Substances et préparations qui, au contact d’autres substances, notamment de substances inflammables, présentent une réaction fortement exothermique.

H3-A

Facilement inflammable

Substances et préparations : – à l’état liquide (y compris les liquides extrêmement inflammables), dont le point d’éclair est inférieur à 21 ˚C ; ou – pouvant s’échauffer au point de s’enflammer à l’air à température ambiante sans apport d’énergie ; ou – à l’état solide, qui peuvent s’enflammer facilement par une brève action d’une source d’inflammation et qui continuent à brûler ou à se consumer après l’éloignement de la source d’inflammation ; ou – à l’état gazeux, qui sont inflammables à l’air à une pression normale, ; ou – qui, au contact de l’eau ou de l’air humide, produisent des gaz facilement inflammables en quantités dangereuses.

H3-B

Inflammable

Substances et préparations liquides, dont le point d’éclair est égal ou supérieur à 21 ˚C et inférieur ou égal à 55 ˚C.

H4

Irritant

Substances et préparations non corrosives qui, par contact immédiat, prolongé ou répété, avec la peau et les muqueuses, peuvent provoquer une réaction inflammatoire.

H5

Nocif

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent entraîner des risques de gravité limitée.

H6

Toxique

Substances et préparations (y compris les substances et préparations très toxiques) qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent entraîner des risques graves, aigus ou chroniques, voire la mort.

H7

Cancérogène

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire le cancer ou en augmenter la fréquence.

H8

Corrosif

Substances et préparations qui, en contact avec des tissus vivants, peuvent exercer une action destructrice sur ces derniers.

360

8 • Annexes Annexe 12 – Code de l’environnement – Propriétés qui rendent les déchets dangereux

Code

Danger

Descriptif

Infectieux

Matière contenant des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants.

H10

Toxique pour la reproduction

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d’effets indésirables non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions ou capacités reproductives.

H11

Mutagène

Substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire des défauts génétiques héréditaires ou en augmenter la fréquence.

H12

Générateur Substances et préparations qui, au contact de l’eau, de l’air ou d’un acide, potentiel dégagent un gaz toxique ou très toxique. de gaz toxique

H13

Générateur potentiel de polluant

Substances et préparations susceptibles, après élimination, de donner naissance, par quelque moyen que ce soit, à une autre substance, par exemple un produit de lixiviation, qui possède l’une des caractéristiques énumérées ci-avant.

H14

Écotoxique

Substances et préparations qui présentent ou peuvent présenter des risques immédiats ou différés pour une ou plusieurs composantes de l’environnement.

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H9

361

Agitation et mélange

Index

INDEX A absorption 288 achats 305 adduction d’air 205 ADR 22 adsorption sur charbon actif 287 anoxie 93 appareil respiratoire autonome 207 arbre des causes 94 des défaillances 152 asphyxie 90, 137 atmosphère explosive 153, 191 autonomie 204

B bains 270 base de données 304 bilan matière 126 bioaccumulation 65

D danger 9 chimique 16 d’un agent chimique 11 décompositions 82 détoxication 291 directive 67/548 7 98/24 7 98/24/CE 225 DNEL 21, 32, 118 dommage 3, 15, 63, 92, 294 dose cumulée 65

E

C

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cotation 142, 154 critères de choix 215

cabines ventilées 184 cancérogènes 41 captage des émissions 177 caractérisation des risques 117 catégories de dangers 27 chimie fine 99, 262 chromage 270 circulation 251 classes de dangers 23, 25 CMR 37, 39, 115, 222 CNAMTS 1, 111 code de classification 23 de danger 52 du travail 16, 218 combustion 290 compensation de l’air 188 composantes du risque chimique 14 condensation 289 confinement 174, 259, 273, 293 conseils de prudence 31 contact cutané 60, 63, 133, 166, 256 massif 92 oculaire 60

écran anti-projection 250 éloignement 171 emballages 237, 252, 265 enceintes ventilées 180 enregistrement des données 130, 140, 157, 226 EPICEA 109 épuration des COV 286 des poussières 285 estimation de l’exposition 117 du risque 10, 142 chimique 15 étiquetage 16, 29, 277 événement dangereux 13, 15, 70, 136 explosions 83, 153, 191 exposition 12, 14, 60 aiguë 103 massive 75 multiple 146

F fabrication pharmaceutique 258 facteur d’exposition 147 de protection 208 faits déclencheurs 73 familles de dangers 54 fermentation 77, 91

363

Agitation et mélange

fiche de données de sécurité 20, 118 filtre 202, 286 formation 212, 304

G gants 210 gaz inerte 90, 193 gestion des stocks 252 granulométrie 87 groupe d’emballage 24

Index

de danger 34, 44, 144 de gravité 102, 150 de probabilité 104, 151 norme ISO 12100 9 ISO 14121 10, 13, 101 numéro CAS 20, 305 d’identification de danger 24 ONU 21, 24, 305

O

I identification des risques 130 importance du risque 69, 107, 283 incendies 83 indicateurs biologiques 64, 146 indice d’exposition 65, 145 industrie chimique 253 information 212, 246, 304 ingestion 133, 137 inhalation 63, 92, 133, 137 intermédiaires de synthèse 254, 306 inventaire 305

J jet de liquide 172

L limite inférieure d’explosivité (LIE) 85

M maintenance préventive 201 maîtrise des procédés 260 maladie professionnelle 14 matériel atex 198 matrice de combinaison 154 mention d’avertissement 29 de danger 29 mesures individuelles 215 organisationnelles 214 techniques 214 méthode de l’INRS 110 métrologie 146 modélisation 12

N niveau d’exposition 149

364

organe cible 64 outils aspirants 185

P pathologie 12 PBT 32, 115 peinture 268, 295 péremption 252 phasage d’un procédé 126 des tâches 124 phase exposante 169 phrases de risque 17, 39, 55, 306 pictogrammes 18, 29 piégeage des vapeurs 289 PNEC 21, 33, 118, 283 pollution 276 accidentelle 281, 293 chronique 280, 284 polymérisation 82 potentiel de risque 307 poudres 256 poussières 62, 89, 165, 194, 269 prévention intrinsèque 217 principes actifs 258 de précaution 119 généraux de prévention 220 priorités d’action 159 probabilité 104 procédés continus 262 process chimique 100 processus accidentel 13 chronique 12 produits incompatibles 240 protection collective 134 individuelle 202

Agitation et mélange

R REACH 6, 32, 108, 113 réaction dangereuse 78, 136 réactivité chimique 77 redondance 217 repérage des risques 123 rétention 247, 266 risque 9 biologique 233 chimique 11 ergonomique 232 mécanique 231 physique 228

S

symboles de danger 17, 30 système clos 174, 254, 273

T température d’auto-inflammation 195 temps de claquage 204 traitement biologique 291 transport des matières dangereuses 22, 47 transvasement 238, 243 trémie aspirante 182 tunnel 183, 275

V ventilation 179, 186, 273 vêtements de protection 211 VLEP 21, 34 voie digestive 60 respiratoire 60, 63 vPvB 32, 115 vrac 238, 246, 252

Z zone dangereuse 62, 70, 151, 163 de dispersion 132

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scénario d’exposition 116 SGH 25, 40, 50, 277 situation dangereuse 12, 14, 70, 134 source d’ignition 89, 195 sous-oxygénation 90 statistiques 1 stockage d’inflammables 242 des agents chimiques 237 des produits 264 substitution 162, 168, 253, 268, 272 surveillance des atmosphères 190

Index

365

TECHNIQUE ET INGÉNIERIE

GESTION INDUSTRIELLE

Série Chimie CONCEPTION

FROID ET GÉNIE CLIMATIQUE

MÉCANIQUE ET MATÉRIAUX

Guy Gautret de la Moricière CHIMIE

LE RISQUE CHIMIQUE

ENVIRONNEMENT ET SÉCURITÉ

Concepts • Méthodes • Pratiques

EEA

La mise en place du règlement REACH va intensifier la demande de clarification et de structuration de la gestion du risque chimique. Cet ouvrage rassemble tous les éléments composant une théorie complète et propose des outils méthodologiques permettant la maîtrise du risque chimique dans les types d’activités les plus fréquemment rencontrés. Il présente successivement : • La pratique de l’analyse des risques chimiques : les méthodes de repérage, l’identification et l’estimation ainsi que la fixation des priorités d’action. • La pratique de la prévention des risques : les objectifs, la recherche de mesures possibles, etc. • Les applications particulières : stockage, industrie chimique et pharmaceutique, traitements de surface, protection de l’environnement. • Des études de cas : description, analyse des risques et mesures. • L’organisation de la démarche : chronologie, mise en place des moyens, recensement des agents chimiques, repérage des urgences, application de la méthode et adaptation au domaine d’activité de l’entreprise. Illustré par de nombreux exemples, schémas et tableaux de données, cet ouvrage propose également un descriptif des avantages et inconvénients des principaux types de mesures rencontrées dans des secteurs très divers. Les conseils pour organiser la démarche permettent en outre de répondre sans difficulté aux exigences nouvelles de la réglementation. Outil de travail indispensable par son contenu à la fois théorique et pratique, cet ouvrage s’adresse à tous ceux qui conduisent le changement vers la maîtrise des risques ainsi qu’à ceux qui l’enseignent dans toutes les instances publiques ou privées.

ISBN 978-2-10-053565-1

www.dunod.com

AGROALIMENTAIRE

GUY GAUTRET DE LA MORICIÈRE est ingénieur-docteur en chimie. Ingénieur-conseil, ancien responsable du service R&D à la Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (CRAMIF) et formateur à l’INRS.