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Luc Godbout Suzie St-Cerny
Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Les Presses de l’Université Laval
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Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du Canada et de la Société d’aide au développement des entreprises culturelles du Québec une aide financière pour l’ensemble de leur programme de publication. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise de son Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
Mise en pages : Mariette Montambault Maquette de couverture : Laurie Patry Dessins de couverture : Joël et Loïc Godbout Félix et Luce Trudeau-St-Cerny
ISBN 978-2-7637-8787-9 © Les Presses de l’Université Laval 2008 Tous droits réservés. Imprimé au Canada Dépôt légal 4e trimestre 2008 Les Presses de l’Université Laval 2305, rue de l’Université Pavillon Pollack, bureau 3103 Université Laval, Québec, Canada, G1V 0A6 www.pulaval.com
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Table des matières
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
xi
Mise en contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
Partie 1 Certains contours de la famille québécoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7
Chapitre 1 Un survol de la démographie et de la natalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
Chapitre 2 Un portrait statistique de la famille québécoise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25
Chapitre 3 Une analyse du coût des enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
39
Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Chapitre 4 Quelques éléments de politique familiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
55
Chapitre 5 Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles . . . . . . . . . . . .
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Chapitre 6 La méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101 Chapitre 7 Le soutien financier aux familles en 2008 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Chapitre 8 Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Chapitre 9 L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008 . . . . . . . . . . . . . . . . 167 Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 Chapitre 10 Comment se compare le Québec ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Chapitre 11 Nos axes de réflexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 1. Brève évolution des éléments de politiques familiales touchant les familles québécoises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 2. Résultats détaillés – 2008 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255 3. Comparaison avec les autres provinces canadiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
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Table des matières
Liste des points de vue Jacques Légaré Pour une politique de population . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
19
Pierre Fortin La famille québécoise : économiquement distincte ? . . . . . . . . . . . . . . . . . .
34
Jacques Henripin Un arbitraire tenace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
48
Marc Van Audenrode Les besoins (quasi) illimités des familles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
69
Ruth Rose Le soutien financier aux familles depuis 30 ans : pour mieux comprendre les tensions et préoccupations qui s’en dégagent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
91
Marcelin Joanis Au-delà du soutien financier : soutenir les familles tous azimuts . . . . . . . . 108 Philip Merrigan L’aide publique aux familles : quelle orientation le gouvernement du Québec devrait-il adopter ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 Jean-Yves Duclos Le soutien aux familles est-il excessif ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Marie Rhéaume Famille et fiscalité : des remises en question . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158 Daniel Parent Natalité et politiques gouvernementales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162 Alain Noël Des efforts à reconnaître et à poursuivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176 Sarah Fortin La quantité c’est bien, mais la qualité, ça compte aussi . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Michel Venne Pour juger d’une politique familiale, il faut revenir à l’essentiel : les buts qu’elle poursuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
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Avant-propos
Par Luc Godbout
Depuis la création de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke en 2003, Suzie St-Cerny et moi formons un tandem à Longueuil. Cinq ans à aborder les sujets les plus variés allant d’analyses budgétaires à des mesures de la charge fiscale des particuliers et des sociétés en passant par la progressivité de l’impôt, la péréquation, les taux marginaux implicites d’imposition, les prélèvements fiscaux comparés et le vieillissement de la population. Après avoir sélectionné un sujet, le modus operandi reste souvent le même. Pendant que Suzie s’attaque, avec une discipline monastique, à construire les outils servant aux calculs les plus fastidieux, je jongle avec les résultats et les compare avant que nous déterminions conjointement la manière de les interpréter. À maintes reprises, lors de la réalisation de nos études, nous nous sommes surpris nous-mêmes devant l’effet qu’ont, sur la charge fiscale des familles québécoises, les diverses aides financières et fiscales visant les familles avec enfants et provenant des gouvernements fédéral et québécois. En discutant avec plusieurs interlocuteurs, nous avons aussi maintes fois constaté une méconnaissance répandue quant à la générosité des aides existantes. Elles XI
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sont systématiquement sous-estimées. Pour cela, nous avons décidé de plonger afin de mieux faire comprendre le lien entre la famille et la fiscalité. Au fur et à mesure que nous recensions les données et que nous les interprétions, nous en sommes venus à la conclusion qu’il fallait organiser un colloque permettant de diffuser et de débattre de nos résultats. Parallèlement à l’organisation du colloque sur la famille et la fiscalité1, l’idée de ce livre a aussi germé2. Il ne s’agit pas d’un ouvrage sur la planification fiscale des familles, ni d’un guide pour apprendre comment minimiser sa facture fiscale, mais d’une analyse des interactions existantes entre la famille, son revenu, la charge fiscale qui en découle et le soutien financier auquel elle a droit. N’ayant pas la prétention d’être des experts de tous les domaines touchant la famille, ni d’avoir analysé de façon exhaustive tous les tenants et aboutissants du soutien financier offert aux familles québécoises, nous avons fait appel à diverses personnes, toutes reconnues dans leur domaine respectif. Pour enrichir le présent livre, 13 spécialistes nous offrent leur point de vue sur l’un ou l’autre des sujets abordés3. Ainsi, chacun des chapitres est complété par au moins un point de vue. Il s’agit de courts textes qui ne se veulent pas des analyses critiques aux chapitres, mais
1. Le colloque intitulé « Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité » s’est tenu à Montréal le 6 novembre 2008. Il convient ici de remercier le Conseil de la famille et de l’enfance, notre principal partenaire pour l’organisation de ce colloque. Merci aussi au ministère de la Famille et des Aînés et au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) pour leur participation financière. Enfin, nous soulignons la collaboration de l’Association de planification fiscale et financière, de l’Association des économistes québécois, du Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, de l’Institut du Nouveau Monde, de l’Institut de recherche en économie contemporaine et de l’Institut de recherche en politiques publiques. 2. Nous tenons à exprimer une profonde reconnaissance à Gilles Larin et à Chantal Amiot de l’Université de Sherbrooke pour leurs observations. Il va de soi que les opinions exprimées dans le présent livre n’engagent que les auteurs qui assument l’entière responsabilité des commentaires et des interprétations y figurant. 3. Vous comprendrez que chaque spécialiste n’est responsable que des idées et des opinions à l’intérieur de son point de vue et qu’il ne partage pas nécessairement les propos contenus dans ce livre.
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Avant-propos
d’une occasion d’exposer certains éléments complémentaires. Nous avons laissé aux auteurs la liberté d’orienter leurs points de vue comme ils le souhaitaient, en leur demandant seulement que ce soit en lien avec le chapitre concerné. Nous sommes convaincus de l’intérêt et de la richesse de ces points de vue, ils apportent au livre des regards des plus diversifiés. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers chacun des auteurs d’avoir accepté de compléter notre ouvrage. Bonne lecture !
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Mise en contexte
Notre champ d’investigation est la famille québécoise avec ses réalités économiques et le soutien financier qu’elle reçoit des gouvernements1. L’éducation et l’entretien des enfants représentent une charge dont le partage entre les parents et la collectivité dépend de la conception que se fait la société du rôle de la famille et du statut de l’enfant. Différentes approches s’opposent. Selon le modèle dit individualiste, la base de la société serait l’individu adulte : il peut choisir d’avoir et d’élever des enfants, mais ce choix privé ne lui donne droit à aucune prestation ou réduction d’impôts. Selon le modèle dit familialiste, la base de la société serait la famille : la société doit assurer un statut équitable aux familles avec enfants et la prise en charge des enfants doit être en partie collective2. Entre ces deux approches, le modèle dit familialiste semble plus près de ce qui existe au Québec. En plus des sommes consacrées par les pouvoirs publics aux services de garde, à l’enseignement, à la santé ainsi qu’aux autres interventions de l’État bénéficiant particulièrement aux familles, les fiscalités canadienne et québécoise ont toujours reconnu, de manière plus ou moins grande, que les familles avec enfants avaient de plus grands besoins essentiels à couvrir. Consé1. Par la force des choses, les ménages sans enfant ne sont pas au centre de la présente analyse. 2. Henri Sterdyniak (2007), « Politique familiale et prise en charge du coût de l’enfant. Un investissement à long terme », Informations sociales. Coût de l’enfant et budget des familles, no 137, p. 80.
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quemment, pour un revenu identique, une famille avec enfants a une capacité contributive moindre qu’un ménage sans enfant. Autrement dit, chacun sait qu’il y a des coûts inhérents à avoir des enfants et la fiscalité en tient compte. Pour ce faire, la politique fiscale cherche à prendre en considération une partie de ces coûts dans l’établissement de la charge fiscale des familles par l’entremise de diverses mesures (crédits d’impôt, déductions et prestations). Initialement, c’était pour des raisons d’équité que la fiscalité reconnaissait la situation familiale aux fins de la détermination de l’impôt. Plus récemment, l’outil fiscal sert également l’intervention gouvernementale visant, par exemple, à lutter contre la pauvreté des familles. Dans un tel contexte, ce livre s’intéresse principalement au soutien financier que les gouvernements accordent aux familles, sous forme d’aides fiscales ou budgétaires, et à la manière dont ce soutien évolue au gré de la situation et du revenu des familles. Pour cela, il faut d’abord établir de quelle manière les fiscalités canadienne et québécoise reconnaissent la capacité contributive des familles. Il s’agira ensuite de déterminer si cette reconnaissance peut être jugée adéquate. D’entrée de jeu, il faut savoir qu’il existe en 2008 une panoplie de mesures, notamment sur le plan fiscal, mises en place tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement du Québec en vue de soutenir le revenu des familles québécoises. En écrivant ce livre, notre objectif n’est évidemment pas de remettre en cause la valeur de ces mesures. Malgré tout, il va soi qu’il faille minimalement en reconnaître les retombées sur la situation financière de certaines familles pour tenter d’en mesurer leur générosité. En plus d’être nombreuses, plusieurs mesures destinées à soutenir les familles se chevauchent et varient selon leur provenance (Ottawa ou Québec), en fonction de l’âge des enfants, de leur nombre et du revenu familial. Du coup, les familles peinent à déterminer le soutien financier global et réel dont elles bénéficient. 2
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Mise en contexte
Cette difficulté à estimer la valeur du soutien financier est d’autant plus vraie pour les ménages sans enfant qui s’interrogent sur les conséquences financières qu’aura l’arrivée d’un premier enfant. De l’analyse combinée des mesures d’aides ressort une volonté réelle, mais plus limitée, de soutenir financièrement l’ensemble des familles québécoises. Toutefois, une caractéristique commune se dégage de la quasi-totalité de ces mesures : leur générosité s’établit en fonction du revenu familial. Ce faisant, une aide réductible au fur et à mesure que le revenu s’accroît laisse paraître une volonté manifeste de lutter contre la pauvreté par une générosité accrue aux familles à revenu moindre. Pour arriver à cerner et à comprendre le mieux possible où en est le Québec en regard du soutien financier dont bénéficient ses familles, la première partie du livre aborde certains contours de la famille québécoise. Après avoir décrit les enjeux démographiques, une analyse statistique trace les caractéristiques de la famille québécoise, de sa composition, de sa participation au marché du travail en passant par son revenu familial. De plus, à l’aide de diverses méthodes d’évaluation, le coût des enfants est estimé. Chacun de ces éléments est par la suite mis en perspective lors de l’analyse du soutien financier. La deuxième partie traite de l’État et de ses politiques familiales en abordant, d’une part, les principales composantes de cette politique, à savoir le nouveau Régime québécois d’assurance parentale, les garderies à contribution réduite et l’idée de concilier le travail et la famille et, d’autre part, en présentant les programmes et les mesures de soutien financier aux familles. Les première et deuxième parties ayant mis la table en brossant un portrait du Québec, de ses perspectives, de ses programmes et de ses familles, la troisième partie constitue le cœur du présent ouvrage en abordant la valeur du soutien financier. On y mesure, à l’aide de cas de famille-type, qu’elle soit biparentale avec deux enfants ou monoparentale avec un enfant, le soutien 3
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financier auquel elle a droit en 2008 pour des revenus familiaux allant de zéro à 200 000 $. Si, comme ceux à qui nous avons présenté nos résultats, à la question « Pour une famille québécoise gagnant un bas revenu familial de 25 000 $ et ayant deux enfants de moins de 5 ans, le soutien financier qu’elle reçoit est-il de 3 000 $, de 7 500 $ ou encore 15 000 $ ? », vous répondez quelques milliers de dollars, les résultats auront de quoi vous surprendre. En projetant le régime actuel pour les dix-huit premières années de vie de leurs enfants, à lui seul, le soutien financier équivaudrait pour cette famille à plus de 230 000 $. En outre, la famille de la classe moyenne n’est pas laissée pour compte, elle a droit aussi à un soutien financier de plusieurs milliers de dollars. L’évolution de son soutien financier depuis l’an 2000 révèle d’ailleurs que l’aide a doublé en l’espace de huit ans. Évidemment, tout n’est pas parfait ; pour cela, certaines interactions entre l’évolution du soutien financier et l’évolution du revenu familial seront exposées. Finalement, la dernière partie se prête d’abord au jeu de la comparaison du régime québécois avec d’autres territoires avant de faire ressortir nos principales réflexions issues de l’écriture de ce livre. Les résultats de la comparaison du soutien financier aux familles québécoises avec celui qui est offert dans les autres provinces canadiennes ainsi que dans d’autres pays auront, encore une fois, de quoi surprendre. L’excellente position du soutien financier mesuré au Québec amènera certains à s’interroger, comme le titre du livre le suggère, sur le fait que nous aurions peut-être fait du Québec, sans le savoir, un paradis pour les familles. Enfin, nos réflexions concernent d’abord les dépenses sociales destinées aux familles. En traitant des retombées positives des services de garde à contribution réduite et des bienfaits du Régime québécois d’assurance parentale, nous choisissons notre camp, soit celui de la nécessité pour le Québec de concilier son développement social et sa prospérité économique. L’un ne va pas sans l’autre. Par ailleurs, nos réflexions ne peuvent faire fi du soutien financier destiné aux familles. Clairement, ce livre permet d’en révéler toute l’importance. Nous y plaidons la nécessité d’en 4
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Mise en contexte
accroître sa visibilité et de reconnaître l’importance de la contribution de l’État au mieux-être des enfants. En terminant, nous rappelons que notre objectif n’est autre que d’informer, afin d’alimenter le débat quant à l’évolution d’une politique familiale reposant sur les bons piliers. Pour cela, il faut nécessairement s’entendre au préalable sur le soutien financier destiné aux familles. Espérons que ce livre serve à mieux apprécier la juste valeur du soutien financier dont bénéficient les familles québécoises.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
« Le mot progrès n’aura aucun sens tant qu’il y aura des enfants malheureux. » Albert Einstein
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Chapitre 1
Un survol de la démographie et de la natalité
Il nous faut d’abord expliquer d’où est venue l’idée de nous intéresser au soutien financier accordé aux familles québécoises. C’est en partie la publication d’un précédent livre en mai 20071, dans lequel nous décrivions le choc démographique et ses conséquences appréhendées pour l’économie et les finances de l’État, qui nous a conduits à nous intéresser à l’aide financière aux familles. Il faut savoir qu’au Québec, d’ici 2031, le nombre d’aînés augmentera de plus d’un million alors que le bassin de travailleurs potentiels diminuera d’environ 500 000 personnes. Avec moins de bras au travail, l’économie et, dans son sillage, les revenus de l’État progresseront plus lentement. À l’inverse, avec deux fois plus d’aînés, les dépenses de santé prendront l’ascenseur. Comme conséquence, nous montrions que, si rien n’est fait, le Québec sera, dès 2013, aux prises avec des déficits budgétaires chroniques de plus en plus importants. 1. Luc Godbout et autres (2007), Oser choisir maintenant. Des pistes de solution pour protéger les services publics et assurer l’équité entre les générations, Québec, PUL.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Nous proposions alors une solution pour partager équitablement la facture du vieillissement entre les générations. Et nous avions également fait la liste d’un éventail de mesures visant à diminuer cette facture démographique. Favoriser la natalité en faisait partie. Or, si l’État peut partiellement influer sur la natalité par sa politique familiale, le soutien financier aux parents demeure un des piliers de cette politique familiale. Voilà donc le fondement de cette réflexion. Avant de nous attaquer au point central du livre, ce chapitre fait un survol de certaines données démographiques. 1.1 Pyramide des âges La figure 1 compare quatre pyramides des âges du Québec. Ces pyramides montrent bien l’effet du baby-boom de l’aprèsguerre et la chute marquée des naissances qui lui a succédé. Le retournement progressif de la forme pyramidale constaté illustre le vieillissement de la population, soit une structure de population fort différente où l’importance relative des cohortes de personnes plus âgées augmente significativement. La projection de la population du Québec jusqu’en 2051 provient de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ)2. Trois principaux scénarios démographiques tracent l’évolution de la population : un scénario de référence (celui qui aurait la plus forte probabilité de se réaliser), un scénario faible et un scénario fort (avec principalement une natalité plus forte). À moins d’indication contraire, nous présentons les résultats de la projection provenant du scénario de référence.
2. Institut de la statistique du Québec (ISQ) (2003), Perspectives démographiques, Québec et régions, 2001-2051, édition 2003. En ligne : http://www.stat.gouv.qc.ca/ donstat/societe/demographie/persp_poplt/pers2001-2051/index.htm (page consultée le 21 avril 2008). Selon les informations obtenues, les perspectives démographiques de l’ISQ devraient être mises à jour vers la fin de 2008.
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
Figure 1 Pyramide des âges, Québec 1971 90+ 85-89 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 5-9 0-4 400
2006
Hommes
300
200
Femmes
100
0
100
200
90+ 85-89 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 5-9 0-4 300
400
400
Hommes
300
200
2031 90+ 85-89 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 5-9 0-4 400
200
Femmes
100
0
100
0
100
200
300
400
300
400
2051
Hommes
300
Femmes
100
200
90+ 85-89 80-84 75-79 70-74 65-69 60-64 55-59 50-54 45-49 40-44 35-39 30-34 25-29 20-24 15-19 10-14 5-9 0-4 300
400
400
Hommes
300
200
Femmes
100
0
100
200
Sources : Pour 1971 et 2006, Statistique Canada, Tableau 051-0001 et, pour 2031 et 2051, Institut de la statistique du Québec (ISQ) (2003), Perspectives démographiques, Québec et régions, 2001-2051, édition 2003.
1.2 Sources de croissance de la population La croissance de la population peut être décomposée en deux principales sources : l’accroissement naturel (les naissances moins les décès) et la migration nette (solde migratoire interprovincial et solde migratoire international). La figure 2 présente l’évolution passée et projetée des composantes de l’accroissement naturel. Autrefois, elle contribuait largement à la croissance de la population du Québec. De 1977 à 1984, l’accroissement naturel de la population expliquait la totalité 11
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
de l’augmentation de la population puisque le solde migratoire total du Québec était en fait négatif. Or, de 2001 à 2005, l’accroissement naturel représentait moins de 50 % de l’augmentation de la population. Ainsi, alors qu’au milieu des années 1970 il naissait 50 000 personnes par année de plus qu’il en décédait, l’écart entre les naissances et les décès n’est plus que de 28 000 en 2006-2007. Et, selon la projection de population de l’ISQ, à partir de 2021, les décès dépasseront les naissances, entraînant une décroissance naturelle de la population. Ce phénomène est largement expliqué par la faiblesse de la natalité et par l’abondance des décès dans une population vieillissante3. Figure 2 Naissances, décès et accroissement naturel, 1972-2051 115 000
Réel
Projection
95 000 75 000
Naissances
Décès
55 000 35 000 15 000 -5 000 -25 000
Accroisseent naturel -45 000 1971
1981
1991
2001
2011
2021
2031
2041
Sources : 1972-2007, données sur le site Internet de l’ISQ et 2008-2051, ISQ (2003).
3. Le phénomène du vieillissement de la population est expliqué dans plusieurs textes. Voir notamment : Gouvernement du Québec, ministère des Finances (2005), Impact des changements démographiques sur l’économie, le marché du travail et les finances publiques du Québec, Québec.
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
1.3 Évolution de la population québécoise La figure 3 illustre que, dans le scénario de référence de l’ISQ, la population québécoise décroît à partir de 2032. Notons à titre informatif que, dans le scénario démographique fort de l’ISQ, la population ne décroît pas, bien que sa croissance annuelle diminue toutefois de façon notable. Figure 3 Population du Québec, 1972-2051 (en millions) Sommet : 8,1
8,5 8,0 7,5 7,0 6,5 6,0
Réel
Projection
5,5
1971
1981
1991
2001
2011
2021
2031
2041
2051
Source : ISQ.
1.4 Évolution de la population en âge de travailler Un des principaux effets du vieillissement concerne la population en âge de travailler, la population qui, par son travail, contribue le plus à la croissance économique et, par conséquent, aux coffres de l’État. Comme le montre la figure 4, selon la définition utilisée, cette partie de population atteindra un sommet en 2011 si l’on considère les 15 à 64 ans. Le bassin de la population en âge de travailler est donc appelé à se contracter au cours des décennies à venir. Entre 2001 13
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
et 2051, le groupe des 15 à 64 ans diminuera de 12 %, d’où l’effet attendu du vieillissement de la population sur l’économie. C’est dans ce contexte que le phénomène de la pénurie de main-d’œuvre deviendra de plus en plus manifeste. Notons aussi que le phénomène est contraire à ce qui se passe dans le reste de l’Amérique du Nord où, comme au Québec, le nombre d’aînés augmente aussi, mais où il est par contre plutôt jumelé à une croissance du bassin des travailleurs potentiels entre 2001 et 2051 de 29 % dans le reste du Canada et de 34 % aux États-Unis4. Figure 4 Population de 15 à 64 ans et de 15 à 54 ans (en millions de personnes) 6,0
Sommet 2011 5,5
15 à 64 ans
5,0 4,5 4,0
Sommet en 2007
3,5
15 à 54 ans
3,0 2,5
Réel
Projection
2,0
1971
1981
1991
2001
2011
2021
2031
2041
2051
Sources : Statistique Canada et ISQ.
En soustrayant la population en âge de travailler de la population totale, nous obtenons la population dite « dépendante ». Il s’agit de la population qui n’est pas encore en âge de travailler (moins de 15 ans) et de celle qui est à l’âge de la retraite (65 ans et plus). En 2008, le ratio de la population « dépendante » sur la 4. Banques de données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la démographie et la population active utilisées dans OCDE (2007), Society at a Glance : OECD Social Indicators – 2006 Edition.
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
population en âge de travailler (15 à 64 ans) s’élève à plus de 44 %. Il évoluera rapidement pour atteindre près de 68 % en 2031. La figure 5 trace l’évolution de ces groupes de la population. Nous constatons ainsi que c’est dès 2011 que le groupe de 65 ans et plus excédera celui des moins de 15 ans. Figure 5 Population des 0 à 14 ans et population des 65 ans et plus (en millions de personnes) 2,5
65 ans et plus
2,0
2011
1,5
1,0
0,5
0 à 14 ans
Réel
Projection
0,0
1971
1981
1991
2001
2011
2021
2031
2041
2051
Sources : Statistique Canada et ISQ.
1.5 Évolution de la natalité Après le baby-boom de l’après-guerre, la taille des familles s’est mise à diminuer dans les années 1960. Cette décennie a vu le niveau d’éducation augmenter, la pilule contraceptive devenir disponible, le secteur des services se développer rapidement et les femmes entrer en nombre de plus en plus grand sur le marché du travail. La baisse du taux de natalité depuis cette époque a grandement contribué au vieillissement de la population que connaît le Québec, comme plusieurs autres nations d’ailleurs. 15
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
La mesure la plus répandue de la natalité est basée sur la fécondité des femmes en âge de procréer. Il s’agit de l’indice synthétique de fécondité, qui représente le nombre moyen d’enfants par femme dans une génération qui aurait les taux de fécondité par âge de cette année-là pendant toute sa période fertile. La figure 6 montre que cet indice annuel est à la baisse depuis les années 1960. Alors qu’il s’établissait autour de 3,9 enfants par femme de 1951 à 1962, il a diminué ensuite constamment jusqu’au milieu des années 1980, s’est stabilisé autour de 1,5 enfant par femme par la suite pour légèrement augmenter récemment. Il était de 1,65 en 2007. Malgré cette augmentation récente, l’indice reste inférieur au taux requis pour le renouvellement naturel de la population, qui se situe à 2,1 enfants par femme. Figure 6 Indice synthétique de fécondité, Québec (en nombre d’enfants par femme de 13 à 49 ans) 4,5 4,0 3,5 3,0 2,5
Seuil de renouvellement 2,1
2,0 1,5 1,0
1,65
0,5 0,0
1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2001 2006
Source : ISQ.
La figure 7 montre l’évolution passée des naissances ainsi que les naissances projetées. En appliquant l’indice de fécondité du scénario de référence, on constate que les naissances diminue16
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
raient dans les prochaines décennies. Or, même si l’indice de fécondité devait augmenter de façon significative (utilisation du scénario démographique fort de l’ISQ), le total des naissances se stabilisera car le groupe des femmes en âge de procréer sera en diminution au cours des prochaines décennies. Figure 7 Projections des naissances, Québec Ajout du scénario fort Scénario de référence
98 022
97 348
84 146
84 340
9 706
8 812
79 863
14 446
84 200 74 440
75 528 65 417
1976
1991
2007
2011
2021
2031
Note : L’indice synthétique de fécondité du scénario de référence de l’ISQ est de 1,5 enfant par femme en âge de procréer alors qu’il est de 1,65 dans le scénario fort. Source : ISQ.
En guise de conclusion Le survol de la démographie et de la natalité montre que le Québec sera touché par un vieillissement marqué de sa population. L’augmentation de la natalité ne pourra renverser le choc démographique attendu, car ce choc est depuis longtemps inscrit dans les nombres. En outre, il faut tenir compte du fait que le nombre de femmes en âge de procréer sera en décroissance au cours des prochaines décennies, réduisant ainsi l’effet net d’une fécondité plus grande. Malgré tout, même si ce ne sera pas suffisant, 17
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
l’augmentation de la natalité constitue une piste incontournable pour faciliter la transition démographique. De plus, pour atténuer la diminution du bassin de travailleurs et faire face à une éventuelle pénurie de main-d’œuvre, l’immigration devra compléter la natalité. L’immigration possède de nombreux avantages, dont la possibilité de combler des besoins précis du marché du travail.
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
Pour une politique de population Point de vue de Jacques Légaré Jacques Légaré est professeur émérite de démographie à l’Université de Mont réal et cochercheur au SEDAP (the Social and Economic Dimensions of an Aging Population Research Program). Sous sa codirection était publié en 2004, aux Éditions de l’Institut national d’études démographiques (INED), Âge, générations et contrat social : l’État-providence face aux changements démographiques (en traduction en 2007 chez Springer, Ages, Generations and the Social Contract).
Toute étude sur les familles et le soutien financier qui leur est accordé ne peut être prise au sérieux sans au moins un survol du contexte de la démographie et de la natalité de la communauté étudiée. L’expérience québécoise est de ce point de vue tout à fait intéressante et originale, en particulier par les excès observés : on aime bien jeter le bébé avec l’eau du bain !
Évolution de la population québécoise Le principal message qui se dégage de l’évolution passée et future de la population québécoise est l’immense différence d’effectifs avant et après le baby-boom ; ce phénomène est désigné en démographie et en statistique sous le nom de pig in the python (en traduction littérale, l’effet du boa qui avale un cochonnet). Cette situation pourrait certes devenir la source d’un éventuel conflit intergénérationnel, mais celui-ci pourrait être évité avec de bonnes politiques de population. Tout au long de leur cycle de vie, les baby-boomers, vu leurs effectifs, ont perturbé la gestion de la société québécoise. Que ce soit au début dans le système d’éducation, à tous les niveaux, ou par leur arrivée massive sur le marché du travail. Des circonstances relativement favorables ont permis à la société québécoise de s’adapter. Cependant à la fin du siècle dernier, une fois que les baby-boomers se sont tous retrouvés sur le marché du travail, on n’a pas observé de réduction significative des dépenses publiques d’éducation primaire et secondaire. On s’en est tiré avec une pirouette administrative et « pédagogique » en réduisant le nombre d’élèves par professeur, par personnel de soutien et par administrateur. 19
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Quel gâchis ! Étant passé de 145 000 naissances en 1959 à en moyenne 80 000 naissances par année durant le dernier quart du XXe siècle, on aurait pu avoir en place, dès le début du XXIe siècle, un système universel et gratuit de garderie. Il eut suffit de transférer les budgets en trop prévus pour l’éducation primaire et secondaire à un système de garderie. Cela aurait impliqué d’amputer le ministère de l’Éducation de sommes très importantes pour les transférer au ministère de la Famille... ou de transférer le système de garderie au ministère de l’Éducation. Quel manque de souplesse... et de courage ! Et pourtant les familles québécoises – et la démographie québécoise – ne s’en porteraient que mieux. Et les politiques familiales pourraient s’orienter vers d’autres directions. Qu’à cela ne tienne, on ne peut réparer cette erreur du passé même si les auteurs courent – en ont-ils encore la force – toujours dans nos rues. Faisons en sorte cependant de ne pas la répéter en demandant aux jeunes générations de payer les coûts de santé de leurs parents vieillissants. C’est aux boomers eux-mêmes à planifier le fonctionnement du système de santé dont ils auront besoin en établissant une caisse santé ou vieillesse, comme on l’a fait pour leurs retraites, le tout devant être établi dans un contexte d’imagination et de souplesse. De plus, au milieu du XXIe siècle, au moment où s’éteindra le dernier boomer, il ne faudrait pas s’être placé dans une situation où l’on mettrait à la disposition d’une seule personne âgée non autonome deux lits de centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD), un pour les jours pairs, l’autre pour les jours impairs. Mais il y a de l’espoir. Récemment, à l’occasion de discussions concernant la rétrocession en fin de contrat des futurs CHSLD construits en partenariat public-privé (PPP), une porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux déclarait que « la location a été retenue parce qu’il est impossible de prévoir si l’État aura encore besoin de ces établissements dans 25 ans ». Voilà un pas dans la bonne direction !
Évolution de la population en âge de travailler L’analyse de l’évolution de la population en âge de travailler permet de saisir le concept de dépendance démographique, qui est un proxy pour la dépendance économique. Celle-ci est cependant mieux saisie en tenant compte des taux d’activité où la population active ne deviendrait minoritaire qu’à partir de 2025. C’est donc maintenant que nous devons agir. 20
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
Évolution observée (1981-2004) et projetés (2005-2031) de la population active et du reste de la population, Québec
(Tiré de : Vézina et Ménard, 2006.)
Cependant, soulignons que la pénurie de main-d’œuvre appréhendée risque d’être un défi très important pour le futur. Si les démographes peuvent affirmer que l’offre de main-d’œuvre sera en nette baisse, il revient aux économistes de statuer sur la demande, laquelle permettra de connaître l’ampleur éventuelle de cette pénurie. Mais, peut-être plus préoccupante que la dimension quantitative de cette pénurie, la dimension qualitative ne doit pas être négligée. Allons-nous trouver dans le futur les personnes avec la formation adéquate pour les emplois offerts ? Ici, c’est toute la société québécoise qui est interpellée : est-elle prête à faire en sorte que le système d’éducation, à tous les niveaux – techniques, professionnels et universitaires –, ait pour principale fonction de combler les besoins de main-d’œuvre appréhendés ? L’esprit de non-ingérence fait en sorte que dans l’immédiat – que dire ce que ce sera dans le futur – une entreprise québécoise comme Bombardier ne peut trouver en nombre suffisant, parmi les diplômés du système d’éducation québécois, les compétences dont elle a besoin pour faire face aux défis qui sont les siens. D’autre part, on connaît bien les blocages qui font que les immigrants sélectionnés en fonction de leurs grandes qualifications n’y trouvent pas leur place non plus.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Évolution de la natalité D’abord, dans le domaine de la natalité, toute augmentation, si minime soit-elle, ira dans la bonne direction. Certes, on ne voit pas comment à brève échéance les couples québécois en viendront à atteindre le seuil de remplacement des générations, soit 2,1 enfants par couple. Cependant, atteindre de façon stable 1,7 ou 1,8 enfant plutôt que 1,5 comme le prévoient certaines projections officielles, en gardant le nombre de naissances annuelles au niveau de 80 000 plutôt que 60 000, permettrait de ne pas trop perturber les infrastructures scolaires et diminuerait la charge des futurs non-actifs pour les futurs actifs. Depuis quelques années, nous observons une légère remontée de la fécondité au Québec qui est sûrement encourageante mais non garante de l’avenir. Les jeunes affirment vouloir former une famille : il faut donc les aider à atteindre leurs objectifs. Les moyens et les politiques pour seconder les familles – tels un système de garde souple et universel, une meilleure conciliation famille-travail – demeurent cependant complexes. Bien plus, rien ne laisse présager que les comportements sont en nette mutation. On a montré ailleurs (Légaré et Alix, 2004) qu’au Québec, observer des unions libres plutôt que des mariages et des enfants nés hors mariage plutôt que des enfants illégitimes, c’est plus qu’un simple changement de vocabulaire. Si, dans beaucoup de domaines, la Révolution tranquille fut plus tranquille que révolutionnaire, ce n’est pas le cas dans les relations maritales et familiales où elle fut vraiment révolutionnaire. Citons, à titre d’exemple, le nombre d’avortements au Québec pour chaque 100 naissances qui est de l’ordre de grandeur de ce que l’on trouve dans les pays du tiers-monde, où pourtant l’accès à la contraception est limité. Il faut mieux comprendre pourquoi au Québec, malgré l’accès à la contraception de type moderne, en 2006, il y a eu 34 interruptions volontaires de grossesses pour chaque 100 naissances. Y a-t-il une mince possibilité que ce soit en lien avec le thème du livre, où les couples craindraient de ne pas être suffisamment soutenus financièrement par l’État dans leur décision d’avoir un enfant ou est-ce d’un tout autre ordre ?
Conclusion Peut-on vraiment s’en remettre entièrement à l’immigration internationale pour compléter la natalité dans le but d’atténuer la chute du bassin de travailleurs et de faire face à une éventuelle pénurie de main-d’œuvre ? 22
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Chapitre 1. Un survol de la démographie et de la natalité
Il a bien été montré que l’accroissement naturel à venir sera nettement négatif. Pour l’accroissement migratoire, c’est plus problématique. En n’oubliant pas que celui-ci a quatre composantes – l’immigration internationale, l’émigration internationale, les entrées venant du reste du Canada et les sorties vers le reste du Canada –, cet accroissement au Québec fut longtemps négatif. Au cours des 25 dernières années la tendance fut renversée, mais au moment où l’on accueillait annuellement environ 40 000 immigrants internationaux, 40 000 Québécois quittaient le Québec pour d’autres provinces canadiennes. Cela ressemble plutôt à une situation de bas percé, ce qui n’est pas très bon pour tenir au chaud ! Devant une telle situation, au-delà d’une politique familiale et d’une politique d’immigration internationale souvent en conflit, en particulier pour les ressources, seule une véritable politique de population pourrait permettre de bien saisir la situation et d’y faire face. La principale caractéristique d’une telle politique de population serait de se fixer des objectifs populationnels du type suivant : – Déterminer un équilibre entre accroissement naturel et accroissement migratoire ; – Fixer des limites acceptables d’une décroissance de la population et établir comment y faire face ; – Cibler des mesures pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre appréhendée ; – Gérer adéquatement le vieillissement de la population. Seule la mise sur pied d’un ministère de la Population permettrait d’atteindre de façon intégrée et holistique de tels objectifs.
Références Légaré, Jacques et Carolyne Alix (2004), « Du mariage à l’union libre, des enfants illégitimes aux naissances hors mariage : au Québec, plus qu’un changement de vocabulaire ! », dans Alain Gérard (dir.), Des curés aux entrepreneurs : la Vendée au XXe siècle, La Roche-sur-Yon, Perrin, p. 523-547. Vézina, Samuel et Pierre-Olivier Ménard (2006), « Le vieillissement démographique : le Québec détient le secret de la sauce ! Quels impacts sur le marché du travail ? », Dire, automne, p. 6-10.
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Chapitre 2
Un portrait statistique de la famille québécoise
Ce chapitre brosse un portrait statistique de la famille québécoise et répond à une série de questions : – Combien a-t-elle d’enfants ? – Est-ce que les deux conjoints participent au marché du travail ? – Y a-t-il beaucoup de familles monoparentales ? – Où se situe le revenu familial ? Une fois ces informations dégagées, elles serviront à poser des hypothèses en vue de définir les familles dites représentatives et à mesurer la valeur de leur soutien financier.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
2.1 La composition des familles La figure 8 trace un portrait de la composition des familles de recensement au Québec en 20061. Il est d’abord possible de constater que près de 60 % de ces familles ont des enfants. Parmi ces dernières, près de 28 % sont des familles monoparentales et 72 % sont des familles biparentales2. Dans un cas comme dans l’autre, la présence d’enfants mineurs représente la majorité des cas. Le tableau 1 reprend certaines des données concernant les familles avec enfants, en ajoutant des détails concernant l’âge des enfants. L’âge des enfants importe lorsqu’on souhaite analyser le soutien financier aux familles car les aides financières dites familiales sont significativement plus importantes lorsque les enfants ont moins de 18 ans. En outre, elles sont majorées pour les enfants de moins de 5 ou 6 ans. Au-delà de 18 ans, les aides existent essentiellement lorsque les enfants sont aux études et qu’ils ont peu de revenus. Ainsi, en 2006, parmi les familles biparentales avec enfants, 74,5 % avaient au moins un enfant de moins de 18 ans et 31,0 % avaient au moins un enfant de moins de 6 ans. Parmi les familles monoparentales, 60 % avaient au moins un enfant de moins de 18 ans et 14,8 % avaient au moins un enfant de moins de 6 ans.
1. Au sens du recensement, une famille comprend les conjoints avec ou sans enfant et les parents seuls qui ont la charge d’enfants. 2. Les familles biparentales incluent les familles dites recomposées.
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Figure 8 Les familles de recensement selon leurs principales caractéristiques, Québec, 2006 Familles de recensement 2 121 610 (100 %)
Familles avec enfants de tous âges 1 267 720 (59,8 %)
Familles sans enfant 853 890 (40,2 %)
Familles dont le ou tous les enfants sont mineurs
Familles dont au moins un enfant est mineur et un majeur
Familles dont le ou tous les enfants sont majeurs
Familles monoparentales dont le ou tous les enfants sont mineurs
578 555 (63,2 %)
102 685 (11,2 %)
233 650 (25,5 %)
184 925 (52,4 %)
Familles monparentales dont au moins un enfant est mineur et un majeur 26 770 (7,6 %)
Familles monoparentales dont le ou tous les enfants sont majeurs 141 135 (40,0 %)
Note : Les familles de recensement sont, par définition, formées de deux personnes liées ou plus. Ainsi, elles excluent les personnes vivant seules. Dans le recensement 2006, le nombre de personnes vivant seules est estimé à 980 340.
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Source : Statistique Canada, Recensement 2006.
Chapitre 2. Un portrait statistique de la famille québécoise
Familles monoparentales 352 830 (27,8 % des familles avec enfants)
Familles biparentales 914 890 (72,2 % des familles avec enfants)
Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Tableau 1 Les familles de recensement avec enfants selon l’âge des enfants, Québec, 2006 Total
Familles bi- Familles monoparentales parentales
Familles avec enfants à la maison 1 267 720
914 890
352 830
29,6 %
25,5 %
40,0 %
70,4 %
74,5 %
60,0 %
26,5 %
31,0 %
14,8 %
Tous majeurs Tous ou certains enfants ont moins de 18 ans Tous ou certains ont moins de 6 ans
Source : Statistique Canada, Recensement 2006.
Le tableau 2 répartit les familles selon le nombre d’enfants à la maison. On constate qu’en 2006 les familles biparentales avaient surtout deux enfants (41,8 %) ou un enfant (41,2 %). Parmi les familles monoparentales, la plus grande proportion avaient un seul enfant à la maison (63,6 %). Tableau 2 Les familles de recensement avec enfants selon le nombre d’enfants, Québec, 2006 Total Total des familles avec enfants à la maison 1 enfant à la maison 2 enfants à la maison 3 enfants ou plus à la maison
Familles bi- Familles monoparentales parentales
1 267 720
914 890
352 830
47,4 % 37,9 % 14,6 %
41,2 % 41,8 % 17,0 %
63,6 % 27,9 % 8,5 %
Source : Statistique Canada, Recensement 2006.
2.2 Le revenu familial et sa répartition entre les conjoints Le tableau 3 présente la contribution de la femme au revenu d’emploi pour les familles formées d’un couple avec ou sans enfant. En 2006, pour la plus grande proportion de couples avec enfants (36,4 %), la contribution de la femme au revenu d’emploi se situait entre 26 % et 50 %. 28
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Chapitre 2. Un portrait statistique de la famille québécoise
La seconde partie du tableau révèle que, lorsqu’il y avait des enfants à la maison, les deux conjoints avaient un revenu d’emploi dans plus de trois familles sur quatre, une proportion supérieure à celle des couples sans enfant. Enfin, la dernière partie du tableau montre que la contribution moyenne au revenu d’emploi de la femme dans un couple était d’environ 30 000 $. Alors, si cette contribution moyenne représentait 40 % du revenu d’emploi total, le revenu d’emploi moyen des familles était autour de 75 000 $. Tableau 3 Familles composées d’un homme et d’une femme, selon la contribution de la femme au revenu d’emploi, Québec, 2006 Contribution en pourcentage
Nombre de familles avec un revenu d’emploi % où la contribution de la femme est de 0 % % où la contribution de la femme est de 1 % à 25 % % où la contribution de la femme est de 26 % à 50 % % où la contribution de la femme est de 51 % à 75 % % où la contribution de la femme est de 76 % à 99 % % où la contribution de la femme est de 100 %
Sans enfant
Avec enfants
616 920 24,6 % 13,3 % 29,5 % 15,3 % 5,8 % 11,4 %
849 620 16,9 % 22,1 % 36,4 % 15,0 % 4,3 % 5,3 %
Nombre de conjoints ayant un revenu d’emploi (couple) Couples avec enfants Couples sans enfant
Un
Deux
22,2 % 36,1 %
77,4 % 63,9 %
Sans enfant
Avec enfants
Contribution moyenne
Contribution moyenne au revenu d’emploi de la femme 29 400 $ Si la contribution de la femme est de 40 % du total, alors le revenu d’emploi moyen est de :
73 500 $
30 320 $ 75 800 $
Note : Une famille composée d’un homme et d’une femme vivant ensemble à la même adresse (mariés ou en union libre), avec ou sans enfant. Source : Statistique Canada, Tableau 111-0021 et nos calculs.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Enfin, les deux prochains tableaux cernent les revenus moyens et médians selon certaines caractéristiques des familles. Le tableau 4 montre la proportion des familles par tranche de revenus totaux selon qu’il s’agit de couples avec enfants ou de familles monoparentales. Il faut garder à l’esprit que les revenus totaux incluent notamment les transferts gouvernementaux reçus3. On y constate que près du quart des couples avec deux enfants avaient, en 2006, un revenu total entre 50 000 $ et 75 000 $, tandis que 38 % des familles monoparentales avec un enfant avaient un revenu total entre 25 000 $ et 50 000 $. Enfin, le tableau 5 indique le revenu de marché4 moyen et médian des familles biparentales et monoparentales en 2006. Ainsi, alors que le revenu moyen des familles biparentales était de 78 700 $, le revenu médian5 était de 66 900 $. Pour les familles monoparentales, le revenu moyen de marché était de 37 000 $ et la médiane était plutôt de 26 600 $.
3. Le revenu total représente la somme des postes suivants : salaires, traitements et revenu net provenant d’un emploi autonome, revenus de placement, transferts gouvernementaux, pensions de retraite et rentes et autres revenus monétaires tels que les bourses d’études, les pensions alimentaires et les indemnités de cessation d’emploi. 4. Le revenu du marché est la somme des revenus d’emploi (provenant d’un travail salarié ou du revenu net du travailleur autonome), du revenu de placements, du revenu de retraite (régime privé de pension) et des éléments compris dans le poste Autre revenu. 5. Le revenu médian sépare les familles biparentales en deux parties égales. Ainsi, la moitié des couples avec enfants avaient un revenu de marché inférieur à 66 900 $ et l’autre moitié de ces couples avaient un revenu de marché supérieur à 66 900 $.
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Chapitre 2. Un portrait statistique de la famille québécoise
Tableau 4 Proportion des familles selon certaines caractéristiques par tranche de revenu total, Québec, 2006 Familles biparentales Avec enfants
Moins de 25 000 $ 25 000 $ à 50 000 $ 50 000 $ à 75 000 $ 75 000 $ à 100 000 $ 100 000 $ à 150 000 $ 150 000 $ à 200 000 $ 200 000 $ à 250 000 $ 250 000 $ et plus
6% 18 % 25 % 21 % 21 % 6% 2% 2%
Avec trois Avec un Avec deux enfants ou enfant enfants plus 8% 5% 4% 19 % 15 % 20 % 26 % 24 % 24 % 21 % 22 % 19 % 18 % 23 % 21 % 5% 7% 7% 1% 2% 2% 2% 2% 3%
Familles monoparentales Avec enfants
Moins de 25 000 $ 25 000 $ à 50 000 $ 50 000 $ à 75 000 $ 75 000 $ à 100 000 $ 100 000 $ et plus
34 % 39 % 17 % 6% 4%
Avec trois Avec un Avec deux enfants ou enfant enfants plus 36 % 31 % 32 % 38 % 41 % 45 % 17 % 18 % 14 % 6% 6% 5% 4% 4% 4%
Source : Statistique Canada, Tableau 111-0013.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Tableau 5 Revenu de marché moyen et médian des familles biparentales et monoparentales, Québec, 2006
Familles biparentales Familles monoparentales
Revenu de marché moyen médian 78 700 $ 66 900 $ 37 000 $ 26 600 $
Source : Statistique Canada, Tableau 202-0702.
En guise de conclusion De l’ensemble des tableaux analysés se dégagent des caractéristiques que nous considérons similaires en 2008. Pour les familles biparentales : • Elles se composent surtout de deux enfants ; • Dans les trois quarts des cas, les enfants sont d’âge mineur ; • Près du tiers des enfants ont moins de 6 ans ; • Dans plus de trois familles sur quatre, les deux parents contribuent au revenu familial ; • Dans près de la moitié des cas où les deux conjoints travaillent, la femme gagne entre 26 % et 50 % du revenu familial ; • Le revenu total moyen de la plus grande proportion des familles avec enfants se situe entre 50 000 $ et 75 000 $ ; • Le revenu moyen de marché des familles avec enfants est de plus de 78 000 $ tandis que le revenu de marché médian est de près de 67 000 $. Pour les familles monoparentales : • Elles se composent pour l’essentiel d’un seul enfant ; 32
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Chapitre 2. Un portrait statistique de la famille québécoise
• Dans la majorité des cas, l’enfant est d’âge mineur ; • Quinze pour cent des enfants mineurs ont moins de 6 ans ; • La plus grande proportion des familles monoparentales avec un enfant ont un revenu total moyen entre 25 000 $ et 50 000 $. • Le revenu moyen de marché est de 37 000 $ tandis que le revenu de marché médian est de 26 600 $. En sachant cela, il est donc possible de fixer les paramètres de la « famille biparentale représentative ». Celle-ci a deux enfants, les deux conjoints participent au marché du travail et le revenu familial tourne autour de 70 000 $. Du côté de la « famille monoparentale représentative », les paramètres seraient qu’elle a un seul enfant et un revenu de travail légèrement supérieur à 25 000 $. En nous servant de ces familles représentatives, nous tenterons de mesurer, dans le présent ouvrage, le soutien financier offert aux familles avec enfants, ou, plus précisément, le soutien financier offert aux familles qui ont des enfants de moins de 18 ans. Ce soutien touche plus de 893 000 familles québécoises. En ajoutant les personnes vivant seules au total des familles de recensement (couples avec et sans enfant et familles monoparentales), on constate qu’autour de 28 % du total des ménages québécois ont un ou des enfants mineurs à charge. Voilà notre champ d’investi gation.
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La famille québécoise : économiquement distincte ? Point de vue de Pierre Fortin Pierre Fortin est professeur de sciences économiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est membre de la Société royale du Canada, administrateur de l’Institut canadien de recherches avancées et chroniqueur économique du magazine L’Actualité. Il est l’auteur de plus de 150 publications scientifiques. L’an dernier, avec les auteurs du présent ouvrage, il publiait un livre sur le vieillissement de la population et les finances publiques intitulé Oser choisir maintenant.
Le présent chapitre trace un portrait statistique précis de la composition des familles et des sources du revenu familial au Québec dans le passé récent. Il peut être enrichi de diverses manières. Nous le ferons en posant deux questions : 1) Ce portrait fait-il du Québec une « société distincte » au sein du Canada ? 2) Quelle influence le niveau d’éducation des conjoints exerce-t-il sur le revenu familial ? Pour répondre à la première question, nous allons comparer la composition des familles et les sources du revenu familial déclarées au Québec avec celles qui sont observées dans la plus grande province du Canada, l’Ontario. Une réponse satisfaisante à la seconde question exigera ensuite que nous mesurions l’influence du niveau d’éducation atteint sur le niveau d’activité et sur le niveau du salaire, le revenu étant justement égal au produit de l’activité et du salaire.
La composition de la famille En ce qui concerne la composition des familles, les données du recensement de 2006 montrent que le Québec se distingue de l’Ontario dans une certaine mesure. Les Québécois ont moins tendance à former des familles, les familles ont moins d’enfants, et les familles avec enfants sont plus souvent monoparentales. Former une famille intéresse un peu moins les Québécois que les Ontariens. Au Québec, en omettant les enfants à charge, 76 % de la population fait partie d’une famille. Il s’agit d’un conjoint avec ou sans enfant ou
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d’un parent seul ayant charge d’enfants. En Ontario, c’est le cas de 80 % de la population. Il est par ailleurs bien connu que la natalité a été jusqu’à tout récemment un peu moins forte au Québec qu’en Ontario. Au Québec, les familles sont plus souvent sans enfant et celles qui ont des enfants en ont moins qu’en Ontario. Une tranche représentative de 100 familles (avec ou sans enfant) compte 102 enfants à la maison au Québec, contre 116 en Ontario. Enfin, la monoparentalité est un peu plus répandue parmi les familles québécoises. Comme on le rapporte dans le texte, 28 % de ces familles sont monoparentales au Québec. En Ontario, les familles avec enfants sont monoparentales dans 24 % des cas.
Les sources du revenu familial Nous nous intéressons ici au revenu des familles avec enfants. Quatre aspects du revenu familial retiennent l’attention : le revenu autonome (revenu d’emploi, revenu de placements, pensions de retraite, etc.) de la famille, la contribution des femmes au revenu d’emploi, l’importance des transferts gouvernementaux qui viennent bonifier le revenu familial (allocations pour enfants, assuranceemploi, assistance sociale, prestations d’accidents du travail, sécurité de la vieillesse, etc.), et enfin le revenu total qui découle de l’addition du revenu autonome et des transferts. La comparaison entre le Québec et l’Ontario est basée sur les données fiscales et les données d’enquête publiées par Statistique Canada pour l’année 2006. Premièrement, on observe qu’en 2006 le revenu autonome médian de la famille avec enfants était de 18 % plus élevé en Ontario qu’au Québec. Ce résultat est applicable à la famille biparentale (79 000 $ en Ontario contre 66 900 $ au Québec) comme à la famille monoparentale (31 300 $ en Ontario contre 26 600 $ au Québec). L’Ontario est globalement plus riche que le Québec. Deuxièmement, par contre, le poids de la contribution de la femme au revenu d’emploi total de la famille biparentale est à peu près le même dans les deux provinces. Au Québec, dans ce type de famille, 80 % des femmes travaillent ; en Ontario, c’est 79 %. De plus, 35
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lorsque la femme travaille, sa contribution médiane équivaut à 70 % de celle de l’homme, au Québec comme en Ontario. Il n’y a rien de surprenant dans ces résultats car, aujourd’hui, dans les deux provinces, le rapport des sexes sur le marché du travail est le même. Du côté de la rémunération, le salaire horaire médian des femmes équivaut à 89 % de celui des hommes au Québec et à 84 % en Ontario. Cependant, les femmes québécoises travaillent moins d’heures annuellement. Troisièmement, en lien avec le thème général du livre portant sur le soutien financier aux familles avec enfants, les statistiques sur le revenu indiquent que les transferts gouvernementaux qui leur sont versés sont nettement plus généreux au Québec qu’en Ontario. Dans le cas des familles biparentales, cela va du simple au double : le transfert médian était de 2 600 $ en Ontario contre 5 800 $ au Québec en 2006. Pour les familles monoparentales, c’était 5 600 $ en Ontario et 7 900 $ au Québec. Quatrièmement, les transferts gouvernementaux plus généreux au Québec ont pour effet de modifier considérablement la comparaison finale entre le Québec et l’Ontario en ce qui concerne le revenu total des familles avec enfants. Dans le cas des familles biparentales, l’écart de revenu médian entre les deux provinces, qui est de 18 % pour le revenu autonome seul, n’est plus que de 11 %, après avoir additionné que les transferts gouvernementaux. Le revenu total médian est de 83 800 $ en Ontario et de 75 500 $ au Québec. Dans le cas des familles monoparentales, l’écart de revenu autonome médian de 18 % entre le Québec et l’Ontario est complètement éliminé par l’addition des transferts gouvernementaux. Le revenu total médian de 39 400 $ au Québec pour les familles monoparentales dépasse même de 1 % le niveau de 38 900 $ qui est observé en Ontario. Un corollaire important est que la famille représentative avec enfants dispose d’un pouvoir d’achat médian avant impôt plus élevé au Québec qu’en Ontario. En 2006, le coût de la vie était d’environ 15 % plus élevé en Ontario qu’au Québec. Par conséquent, le fait que le revenu total médian de la famille biparentale ontarienne dépassait celui de son pendant québécois de 11 % signifie que le pouvoir d’achat réel avant impôt était de 4 % plus élevé au Québec qu’en Ontario (15 – 11 = 4). De même, le fait que le revenu total médian de la famille monoparentale québécoise était supérieur de 1 % à celui de sa contrepartie ontarienne veut dire que
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Chapitre 2. Un portrait statistique de la famille québécoise
le pouvoir d’achat réel avant impôt de ce type de famille était de 16 % plus élevé au Québec qu’en Ontario (15 + 1 = 16). Ce qui distingue le Québec de l’Ontario, c’est l’importance de son système de transferts gouvernementaux aux familles avec enfants, qui réussit à procurer à la famille médiane un pouvoir d’achat avant impôt supérieur à celui des familles ontariennes malgré un revenu autonome qui est nettement inférieur.
L’influence du niveau d’éducation Le revenu d’emploi annuel d’une famille est la somme des revenus d’emploi de ses membres. Évidemment, une foule de facteurs peuvent l’influencer. L’un des plus importants est le niveau d’éducation atteint par la personne qui travaille. Une façon simple de résumer l’influence de l’éducation sur le revenu d’emploi est d’observer comment varient le taux d’emploi (le pourcentage de la population de 25 à 54 ans qui est au travail) et le salaire hebdomadaire à temps plein à mesure que le niveau d’éducation s’élève. Les deux figures qui suivent font clairement ressortir qu’en 2007 plus haut est le diplôme obtenu, plus le taux d’emploi augmente et plus le salaire s’accroît. L’obtention d’un diplôme d’études secondaires fait littéralement exploser le taux d’emploi. À peine 61 % des personnes qui n’ont aucun diplôme détiennent un emploi, alors que 78 % de celles qui ont un diplôme d’études secondaires sont au travail. Le taux d’emploi continue à augmenter (à 86 %) chez celles qui ont un diplôme d’études professionnelles ou collégiales, et encore un peu (à 88 %) chez celles qui ont un diplôme universitaire. Le salaire hebdomadaire augmente régulièrement lorsqu’on obtient un diplôme d’études secondaires (de 573 $ à 662 $), puis un diplôme d’études professionnelles ou collégiales (de 662 $ à 743 $). Le salaire fait ensuite un saut considérable (de 743 $ à 1 004 $) pour les personnes qui détiennent un diplôme universitaire. En résumé, c’est l’obtention du diplôme d’études secondaires qui a l’effet le plus prononcé sur le taux d’emploi et c’est l’obtention du diplôme universitaire qui exerce l’influence la plus forte sur le niveau du salaire. L’influence du niveau d’éducation sur le revenu résulte de la composition de ces deux effets. 37
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Pourcentage de la population québécoise âgée de 25 à 54 ans qui détenait un emploi en 2007, selon le plus haut diplôme obtenu 86 %
88 %
78 %
61 %
Aucun
Secondaire
Professionnel Universitaire ou collégial
Source : Statistique Canada.
Salaire hebdomadaire moyen des employés travaillant à temps plein au Québec en 2007, selon le plus haut diplôme obtenu 1 004 $
743 $ 662 $ 573 $
Aucun
Secondaire
Professionnel Universitaire ou collégial
Source : Statistique Canada.
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Chapitre 3
Une analyse du coût des enfants
Avant d’entreprendre une discussion portant sur la valeur du soutien financier offert par l’État aux familles, il faut être en mesure de mettre cette forme d’aide en perspective avec les coûts que l’on associe à la présence d’enfants dans un ménage. Évidemment, avoir des enfants apporte toutes sortes de richesses non monétaires qui constituent un bienfait pour les parents. Mais élever un enfant induit aussi des coûts pour la famille. Évaluer ces coûts reste une chose bien difficile. Or, le coût des enfants est parfois considéré comme un facteur important entrant dans la décision d’avoir ou non des enfants. La politique familiale ou, plus précisément, les mesures fiscales et budgétaires liées à la famille des gouvernements servent à compenser, du moins partiellement, ce coût. Selon l’OCDE1, la littérature économique établit une distinction entre les coûts directs, soit le surcroît de dépenses assumé par les familles qui ont des enfants et les coûts indirects, soit le manque à gagner encouru par les parents du fait de la présence des 1. Anna Cristina D’Addio et Marco Mira D’Ercole (2005), « Politiques, institutions et taux de fécondité : une analyse sur données de panel appliquée aux pays de l’OCDE », Revue économique de l’OCDE, vol. 2, no 41, p. 21.
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enfants. Le revenu auquel renonce un des conjoints lorsqu’il cesse de travailler pour s’occuper de l’enfant ou lorsqu’il réduit le nombre d’heures de travail pour concilier le travail et la famille est un des exemple des coûts indirects associés à la présence d’enfants. La littérature économique se limite généralement à la mesure des coûts directs. 3.1 Des estimations du coût des enfants Voici quelques exemples d’estimations du coût des enfants réalisées au Canada pour illustrer que les coûts directs sont bien difficiles à mesurer. Cette liste ne peut, loin de là, être considérée comme exhaustive. Le Conseil du bien-être social du Canada De sa naissance à sa majorité, les parents dépenseront 180 000 $ pour un enfant, [...] en moyenne 20 % du budget familial. [...] Heureusement, un deuxième enfant ne grignotera pas un autre 20 % au budget familial2.
Le Conseil canadien du développement social Selon les estimations de la division économique du ministère de l’Agriculture, Alimentation et Initiatives rurales du Manitoba, les coûts pour élever [un enfant] jusqu’à l’âge de 18 ans s’élevaient en moyenne à [166 750 $] en 2004. [...] Cela entraîne d’énormes frais d’élever un enfant, la première année étant la plus coûteuse. En 2004, on avait besoin de plus de 10 000 $ pour élever un enfant jusqu’à l’âge d’un an. Les parents dépensaient le montant le plus bas – quand même près de 7 000 $ – lorsque leurs enfants arrivaient à 12 ans. Puis les dépenses tant pour les
2. Steve Proulx (2004), « Un enfant, combien ça coûte ? », Montréal pour enfants. En ligne : http://www.montrealpourenfants.com/PopImprimerArticle.cfm?l=fr&Article ID=81&CategorieID=9 (consulté le 12 février 2008).
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Chapitre 3. Une analyse du coût des enfants
filles que les garçons recommençaient à grimper quand ils entraient dans l’adolescence3.
Le ministère de la Justice du Canada Chacun sait que l’éducation des enfants coûte cher, mais on sait moins comment on doit mesurer (ou même conceptualiser) ces coûts. On ne peut assez insister sur le fait qu’il s’agit d’un domaine qui suscite une controverse considérable [...]. Ce qui frappe le plus au sujet de ces chiffres [certaines évaluations publiées récemment concernant le coût d’un enfant par rapport à deux adultes], c’est leur variabilité. La seule conclusion que l’on puisse tirer de ces évaluations est qu’un enfant équivaut à quelque chose qui se situe entre 1 et 50 % du coût de deux adultes4.
Jacques Henripin Les coûts directs [...] s’élèvent en moyenne à 8 000 $ ou 9 000 $ par an et par enfant, mais ils varient beaucoup suivant l’âge des enfants et le revenu des parents ; le coût alternatif, [...] varie probablement davantage et est plus difficile à chiffrer. [...] On peut estimer qu’en moyenne, entre la naissance et l’âge de 18 ans, le coût direct d’un enfant est de l’ordre de 150 000 $ [...]5.
Anne H. Gauthier Anne H. Gauthier a bâti un modèle économétrique qui exprime le niveau de vie d’une famille en fonction de son revenu,
3. Conseil canadien du développement social, Un profil des familles au Canada. En ligne : http://www.ccsd.ca/francais/statistiques/famille/index.htm (consulté le 12 février 2008). 4. Gouvernement du Canada, ministère de la Justice (1991), « Mesures des dépenses attribuables aux enfants au Canada : guide pratique, Partie I. Sommaire », Rapport technique. En ligne : http://www.justice.gc.ca/fr/ps/rs/rep/1991/tr91-13a.html (consulté le 12 février 2008). 5. Jacques Henripin (2000), Les enfants, la pauvreté et la richesse au Canada, Montréal, Éditions Varia, p. 12.
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du nombre et de l’âge des enfants6. Elle estime le coût de l’enfant en comparant non pas les dépenses, mais le revenu des familles sans enfant et avec enfants jouissant d’un niveau de vie identique. Selon le niveau de vie de la famille (faible, moyen ou élevé), le coût annuel moyen d’un premier enfant serait respectivement de 4 600 $, 6 200 $ et 8 300 $ (en 1982). Ainsi, plus le niveau de vie est élevé, plus le coût de l’enfant est élevé. En termes relatifs toutefois, le fardeau économique d’un premier enfant est plus considérable pour les familles à faible niveau de vie. [...] En fait, c’est entre 20 % et 25 % de son revenu qu’une famille devrait consacrer au premier enfant. Il s’agit d’une moyenne car ce coût est variable selon l’âge de l’enfant. Le coût de l’enfant varie aussi selon le rang7.
3.2 Des méthodes d’évaluation du coût des enfants Sachant les estimations obtenues dans la section précédente, analysons maintenant certaines méthodes pouvant servir indirectement à évaluer le coût des enfants. Le budget des ménages Considérant que les coûts liés à la présence des enfants sont difficiles à évaluer, une première façon d’aborder le coût des enfants consiste à comparer le budget global des ménages avec et sans enfant8. Au lieu de tenter de mesurer le coût des enfants directement, il est possible de tenter de voir ses conséquences sur le budget d’une famille. Pour ce faire, nous calculons l’écart des dépenses moyennes des ménages avec et sans enfant. Il est alors possible de
6. Anne H. Gauthier (1989), « Des enfants mais à quel prix ? (Une estimation du coût des enfants) », Dénatalité : des solutions, Gouvernement du Québec, p. 123-136. 7. Ibid., p. 128. 8. Vanessa Bellamy (2007), « L’impact des enfants sur les budgets des ménages. Les familles monoparentales fragilisées », Informations sociales. Coût de l’enfant et budget des familles, no 137, p. 46-52.
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Chapitre 3. Une analyse du coût des enfants
supposer, approximativement, que cet écart est lié à la présence des enfants9. Le tableau 6 révèle que les dépenses moyennes de consommation courante d’un couple avec enfants étaient, en 2006, de 17 900 $ supérieures à celles d’un ménage sans enfant. En comparant les dépenses des familles monoparentales avec celles des personnes seules, l’écart était de 13 600 $. En tenant compte d’un nombre moyen d’enfants, cette méthode suppose que le coût pour un enfant serait de 7 500 $ dans une famille biparentale et de 9 300 $ dans une famille monoparentale. Ces résultats sont cohérents avec les autres estimations répertoriées ici. Un point intéressant est le coût plus élevé pour l’enfant d’une famille monoparentale. Cela résultat reste aussi cohérent tant avec la théorie qu’avec la pratique. Tableau 6 Estimation du coût des enfants à l’aide du budget des ménages, 2006 Couple sans enfant
Dépenses moyennes de consommation courante Dépenses associées à la présence d'enfants Nombre moyen d'enfants à la maison Coût par enfant estimé
40 377 $
Couple avec enfants
58 289 $
Personne seule
24 523 $
Famille monoparentale
38 169 $
17 912 $
13 646 $
2,38
1,47
7 526 $
9 283 $
Sources : ISQ, Dépenses moyennes de l’ensemble des ménages, selon le type de ménage, Québec, 2006 et Statistique Canada, Recensement 2006, pour le nombre moyen d’enfants à la maison.
9. Bien sûr, l’écart de dépenses peut aussi être lié à un revenu moyen supérieur pour les ménages avec et sans enfant. Malgré tout, le résultat de la comparaison des dépenses donne une indication intéressante.
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La rétribution des familles d’accueil Une autre façon de procéder pour estimer le coût des enfants consiste à analyser la rétribution des familles d’accueil. Dans un rapport français, deux auteurs écrivent : Le coût des enfants pour la famille peut être mis en regard du coût de la « non-famille », c’est-à-dire de la somme que la collectivité doit débourser pour confier un enfant à une famille d’accueil lorsque ses parents sont défaillants10.
Bien sûr, les enfants placés en famille d’accueil ont certainement des besoins particuliers différents de ceux des enfants qui n’y sont pas. Et la rétribution reçue par les familles d’accueil se compose de plusieurs facteurs selon le cas particulier de l’enfant visé. Malgré tout, nous croyons que la rétribution versée à une famille d’accueil peut être un indicateur du montant à payer pour subvenir aux besoins d’un enfant. Le tableau 7 indique certaines parties de la rétribution donnée aux familles d’accueil selon l’âge de l’enfant11. Pour simplifier, nous pouvons dire que la rétribution est composée de divers éléments : un montant de base versé selon l’âge de l’enfant ainsi qu’un montant forfaitaire (non indexé), puis d’autres montants sur demande (ici, nous en avons inclus deux). La moyenne de la rétribution versée vis-à-vis de la ligne « total partiel » est de 10 179 $ et, au total, cette moyenne est de 12 386 $. Si ces montants étaient versés pendant 18 ans (de 0 à 17 ans), la rétribution totale atteindrait autour de 183 000 $ ou 223 000 $ selon les éléments considérés. Ces résultats, qui ne sont que des indications, semblent encore relativement cohérents avec les diverses estimations du coût des enfants.
10. Michel Godet et Évelyne Sullerot (2005), La famille, une affaire publique, Rapport, Paris, Conseil d’analyse économique, p. 454. 11. Les montants accordés sont des montants quotidiens ou des moments maximums annuels. Pour le présent exercice, nous multiplions les montants quotidiens par 365 jours ou 180 jours si le montant est par jour d’école.
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Chapitre 3. Une analyse du coût des enfants
Tableau 7 Certaines rétributions applicables aux familles d’accueil, 2008 0-4 ans
5-11 ans
12-15 ans
16-17 ans
Base
6 548 $
7 545 $
9 461 $
10 205 $
Forfaitaire (non indexé)
2 190 $
2 190 $
2 190 $
2 190 $
Total partiel
8 738 $
9 735 $
11 651 $
12 395 $
313 $
370 $
434 $
494 $
1 825 $
1 825 $
1 825 $
1 825 $
10 876 $
11 929 $
13 910 $
14 714 $
Allocation pour vêtements Allocation quotidienne de dépenses personnelles Total
Moyenne pondérée
10 179 $
12 386 $
Source : Gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Circulaire 2007-029 (03.01.42.24), Ressources intermédiaires et ressources de type familial, annexe 2.
Le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants Une autre manière d’aborder le coût des enfants est d’analyser les pensions alimentaires versées pour les enfants lors d’une rupture de vie conjugale. Au Québec depuis 1997, il existe un modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants12. Il fournit une table de fixation de la contribution alimentaire parentale de base. L’utilisation de cette table pour dégager le coût des enfants est intéressante, car elle a notamment été élaborée en tenant compte de l’estimation des coûts liés aux enfants en fonction du revenu familial. Dans les explications de cette table, il est indiqué : Cette estimation a été produite sur la base des données fournies par Statistique Canada et portant sur la consommation de biens et de services par les familles québécoises. Des analyses ont consisté à calculer l’impact de l’arrivée d’un enfant dans une famille en comparant les dépenses des familles avec enfants avec celles des familles sans enfant. Elles ont permis de déterminer, pour chaque tranche de revenu familial, les dépenses moyennes effectuées pour les enfants, dans notre société.
12. Gouvernement du Québec, ministère de la Justice, Le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants. En ligne : http://www.justice.gouv.qc.ca/ FRANCAIS/publications/generale/modele.htm (consulté le 12 février 2008).
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Par conséquent, les montants qui apparaissent à la table de fixation correspondent au coût moyen des dépenses qu’une famille effectue pour la totalité des besoins des enfants, selon son revenu et le nombre d’enfants qu’elle compte.
Le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants permet donc d’avoir une idée du coût d’un enfant. On peut y voir que la contribution augmente avec le revenu et avec le nombre d’enfants. Toutefois, l’ajout d’un enfant supplémentaire ne fait pas croître la contribution du même montant que l’enfant précédent. En effet, la contribution alimentaire de base des deux parents en fonction de ce revenu total et du nombre d’enfants communs aux deux parents est [...] présumée correspondre aux besoins des enfants et aux ressources des parents. Le montant ainsi déterminé couvre toutes les dépenses reliées aux enfants, sans exception. En d’autres termes, tous les besoins des enfants sont considérés dans la table13.
Toutefois, le modèle prévoit la possibilité d’ajouter certains frais relatifs à l’enfant : les frais de garde nets, les frais d’études postsecondaires nets et des frais particuliers nets précisément déterminés. Pour illustrer la fixation des pensions alimentaires pour enfants selon la table québécoise en 2008, lorsque le revenu total des parents se situe à 75 000 $ (revenu disponible14 autour de 55 000 $), la contribution alimentaire annuelle de base pour un enfant est de 7 340 $ et elle est de 10 760 $ pour deux enfants. Pour des revenus supérieurs, la contribution alimentaire annuelle de base est plus élevée et elle est bien sûr moins élevée pour des revenus inférieurs. 13. Ibid., section « Qu’est-ce que la contribution alimentaire parentale de base ». 14. Dans la table, le revenu disponible des parents est obtenu en soustrayant du revenu annuel total de chacun des parents les déductions admissibles, soit la déduction de base indiquée à la table de fixation de la contribution alimentaire parentale de base (fixée à 10 100 $ par individu en 2008) et, s’il y a lieu, les sommes versées à titre de cotisations syndicales et professionnelles. Ainsi, dans la présente étude, avec un revenu familial total de 75 000 $, le revenu disponible des parents serait de 54 800 $.
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Chapitre 3. Une analyse du coût des enfants
Encore une fois, les montants émanant de la table de fixation des pensions alimentaires corroborent les estimations du coût des enfants. En guise de conclusion Cet ensemble d’observations liées au coût des enfants nous servira à évaluer le soutien financier offert aux familles québécoises en regard des coûts des enfants. Or, à la lumière de ces observations : – Le coût moyen par année serait autour de 10 000 $ pour un enfant, donc 180 000 $ jusqu’à 18 ans. – Le coût moyen par année serait autour de 15 000 $ pour deux enfants, donc 270 000 $ jusqu’à 18 ans. Malgré les difficultés quant à l’évaluation du coût direct des enfants, il est possible de faire les constats suivants : – Le coût des enfants augmente avec l’âge des enfants ; – Le coût des enfants augmente avec la progression du revenu de la famille, même si leur importance relative diminue en regard du revenu ; – Les économies d’échelle réalisées au niveau des dépenses de consommation abaissent les coûts directs des enfants suivants.
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
Un arbitraire tenace Point de vue de Jacques Henripin Jacques Henripin est le fondateur du Département de démographie de l’Université de Montréal. Au terme d’une quarantaine d’années de recherche sur la société québécoise, il est nommé professeur émérite en 1994. Depuis lors, il continue à réfléchir sur quelques problèmes sociaux liés à la population. Tout au long de sa carrière, il a reçu plusieurs distinctions honorifiques, il est notamment officier de l’Ordre national du Québec.
La précision dans l’estimation du coût des enfants n’est pas très importante. Quand nos pouvoirs publics donnent trois ou quatre mille dollars de compensation financière aux parents – et encore pas à tous –, il importe peu de savoir si le coût moyen d’un enfant est de dix ou de onze mille dollars par an. On est ici dans l’usage pratique des connaissances. Y a-t-il un autre usage ? Je ne sais pas. Difficile opération, très difficile opération, d’abord dans la définition même de l’objet. Et il y a en outre, bien sûr, le choix de la technique de mesure, arbitraire en bonne partie, car il y en a plusieurs, même pour une définition donnée. J’aborderai ces deux points. Quant aux informations statistiques, ma foi, nous sommes assez bien pourvus au Canada. Il faut chercher ailleurs l’explication de notre succès mitigé.
Définition Il s’agit fondamentalement de distinguer les diverses formes de coût. Écartons d’abord les coûts absorbés par les pouvoirs publics : enseignement, santé, loisirs, sécurité, etc., dont il n’est pas question ici. Quant aux coûts privés, les auteurs distinguent ici le coût direct du « coût d’option », appelé souvent, en français européen, « coût alternatif ». Je veux bien, à la condition d’attirer l’attention sur un élément du coût direct auquel on ne pense pas toujours : la privation de certains biens de la part des autres membres de la famille. En d’autres termes, le coût direct prend deux formes : dépenses supplémentaires et privations. Évidemment, ces dernières ne figurent pas dans les statistiques. Voici un exemple chiffré simple. Une famille de deux parents et un enfant dépense 32 000 $ pour sa consommation annuelle de biens et services et elle épargne 2 000 $. Arrive un deuxième enfant. La mère continue de 48
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Chapitre 3. Une analyse du coût des enfants
travailler à mi-temps et le père trouve le moyen de gagner un peu plus, de sorte que le revenu total de la famille passe de 34 000 $ à 36 000 $. Les dépenses, elles, passent de 32 000 $ à 35 000 $, ce qui réduit l’épargne à 1 000 $. Si l’on se braque sur les dépenses seules, le coût de l’enfant supplémentaire est de 3 000 $. C’est peu, mais il y a une autre forme de coût direct : les membres de la famille devront réduire leur consommation, par exemple en vêtements, en loisirs, en repas au restaurant, en produits de beauté, en jouets, etc. Évidemment, ces privations sont difficiles à mesurer.
Méthode de mesure Statistique Canada nous informe fort bien sur les dépenses des familles, avec une ventilation élaborée des biens et services achetés, de la composition des familles, de leur revenu, etc. On peut donc estimer l’accroissement des dépenses de diverses sortes entraîné par l’arrivée d’un enfant supplémentaire. Mais que faire des privations ? On ne peut se limiter aux dépenses qui ont été réduites, car même si la nourriture, par exemple, a augmenté, il est possible que chacun (parents et enfants) ait dû sacrifier quelque chose. Pour la même raison, on ne peut se fier aux dépenses qui ont augmenté pour évaluer directement les dépenses supplémentaires imputables à l’enfant supplémentaire, car il est bien possible que, tout en augmentant, elles cachent une privation. Que faire, alors ? Supposons qu’il s’agit d’estimer le coût du deuxième enfant. On est renseigné sur les dépenses des familles de un et deux enfants. On se pose alors la question suivante : quel est le revenu supplémentaire que les familles de deux enfants doivent avoir (par rapport à celles qui n’en ont qu’un) pour conserver le même niveau de vie ? Voilà qui est astucieux, mais on ne trouve pas de mesure de niveau de vie dans les tableaux de Statistique Canada ! On fait l’hypothèse suivante : on admet que des familles ont le même niveau de vie lorsqu’elles dépensent le même montant pour un bien qui caractérise le bien-être des parents. Il n’y en a pas des tas ; très souvent, on choisit les vêtements pour adultes. Par exemple, si les dépenses pour vêtements d’adultes des familles d’un enfant sont de 2 500 $, on cherche quel revenu les familles de deux enfants doivent avoir pour dépenser le même montant en vêtements d’adultes. Supposons que le revenu de la famille d’un enfant est de 32 000 $ et que la famille de deux enfants doit gagner 40 000 $ pour faire les mêmes 49
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Partie 1 Certains contours de la famille québécoise
dépenses en vêtements d’adultes, on estimera à 8 000 $ le coût direct du deuxième enfant. Il y a passablement d’arbitraire dans l’utilisation de cette méthode. Est-il vrai que les dépenses pour vêtements d’adultes sont un bon indicateur de niveau de vie ? Que donnerait un autre bien : le tabac, l’alcool, les spectacles ? Que donnerait l’épargne ? Beaucoup d’essais ont été faits avec de nombreux indicateurs de niveau de vie, y compris des dépenses qui ne sont pas limitées aux adultes, ou encore la fraction du revenu consacrée aux biens essentiels. Autre complication : le coût d’un enfant dépend de son âge, de son rang, du revenu de la famille, de l’habitat. En outre, certaines estimations se font à l’aide de fonctions mathématiques ; quelle forme choisir ? Cela aussi est parfaitement arbitraire. Il faut donc en prendre son parti : la vérité n’existe pas. On fait de notre mieux.
Quoi retenir ? Les auteurs de ce chapitre rapportent des estimations fiables, me semblet-il, en tout cas susceptibles de donner une bonne idée de la réalité. Les divergences ne scandaliseront que ceux qui sont étrangers aux difficultés et aux limites de la science, de toutes les sciences, pas seulement des sciences sociales. Ayant moi-même été mêlé à divers essais dans ce domaine, et tenant compte du temps écoulé et de la dépréciation monétaire, je pense qu’une valeur de 10 000 $ pour l’enfant de rang moyen, d’âge moyen et de famille à revenu moyen, donne une assez bonne idée de la réalité canadienne. Il s’agit des coûts directs. Pour les enfants d’âge préscolaire – et même pour les autres –, il faut tenir compte du coût alternatif. Les auteurs ne parlent guère de ce dernier : la perte de revenu qui résulte de la réduction éventuelle du temps de travail des parents. En mettant de côté les cas exceptionnels, ce coût varie entre zéro et près d’une centaine de milliers de dollars par an (net d’impôt et des dépenses liées au travail). Mais on peut calculer des moyennes, même si le terrain est ici fragile. Je me suis déjà risqué à proposer près de 6 000 $ par an en me basant sur des informations de 1996. Cet élément est fort important, principalement pour les enfants d’âge préscolaire. C’est ce qui explique que ce sont ces tout jeunes enfants qui coûtent le plus cher. On l’oublie parfois.
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Chapitre 3. Une analyse du coût des enfants
Une remarque supplémentaire : les estimations du coût des enfants sont de deux sortes : celles qui essaient de traduire la réalité et celles qui sont normatives, c’est-à-dire qui tentent de fixer des valeurs acceptables ou décentes. Ces dernières sont souvent le fait d’organismes qui défendent l’intérêt des moins favorisés, ce qui est admirable. Mais qu’est-ce qui est minimal ou acceptable ? On est alors dans un domaine plus arbitraire encore que, lorsqu’on tente de représenter la réalité, on a parfois l’impression que ces organismes défendent aussi leurs intérêts, leur clocher, leur image, ou plus généralement leur idéologie.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
« Une chute de naissances est, pour un pays, l’équivalent de ce qu’est, pour une entreprise, une diminution d’investissement ; cela permet de bénéficier, pendant un certain temps, d’une trésorerie plus confortable, au prix de problèmes graves ultérieurs ; la politique familiale, c’est un investissement à long terme. » Gérard Calot (1934-2001), démographe et statisticien français Extrait de Le vieillissement de la population :
un sujet qui fâche.
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Chapitre 4
Quelques éléments de politique familiale
Considérant les observations contenues dans le survol de la démographie et de la natalité au chapitre 1, l’un des volets de la politique familiale dans le contexte québécois actuel serait donc, à notre avis, de favoriser la natalité sans pour autant décourager le travail, notamment pour faciliter la transition démographique prévue au cours des prochaines décennies. La politique familiale a d’abord pour objectif de reconnaître les charges inhérentes aux enfants en réduisant les inégalités économiques entre les ménages ayant ou non des enfants. Ce n’est que par certaines initiatives particulières qu’elle peut contenir un volet nataliste visant à accroître le nombre ou la taille des familles par l’arrivée d’enfants additionnels. Cet élément est peu exposé de manière explicite dans la politique familiale québécoise. Quoi qu’il en soit, dans une étude publiée en 2006 où la fécondité au Québec est mise en parallèle avec celle des pays nordiques qui ont connu une remonté de la fécondité1, Roy et 1. Jean Bernier et Laurent Roy (2006), La politique familiale, les tendances sociales et la fécondité au Québec : une expérimentation du modèle nordique ?, ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine du Québec, p. 14.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Bernier indiquent qu’un consensus émerge chez les chercheurs sur le fait que cette remontée de la fécondité ne pouvait se produire sans l’influence exercée par les politiques familiales. Sans vouloir mesurer l’effet causal, nous croyons aussi à cette corrélation positive entre la fécondité et les politiques destinées aux familles. Succinctement, nous pouvons avancer que la politique familiale devrait s’appuyer sur les quatre piliers suivants : 1) Un soutien financier aux parents qui serait significatif et en partie universel ; 2) Un congé parental qui serait souple et généreux ; 3) Une offre de services de garde subventionnés qui serait suffisante et adaptée ; 4) Une conciliation du travail et de la famille qui serait possible et flexible. Figure 9 Les quatre piliers d’une politique familiale Soutien financier
Congé parental
Conciliation travail-famille
Services de garde
Le présent livre s’intéresse quasi exclusivement au premier de ces quatre aspects, à savoir le soutien financier aux familles et plus particulièrement à la manière dont la fiscalité évolue selon la 56
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
situation familiale et le niveau de revenu des familles. Ce n’est que subsidiairement que les autres aspects seront abordés. 4.1 Un soutien financier significatif et en partie universel Comme nous le verrons de manière détaillée tout au long des prochains chapitres, les familles québécoises obtiennent un soutien financier souvent fort significatif provenant du gouvernement fédéral et du gouvernement québécois. Ce soutien est fortement modulé de façon à être plus généreux pour les familles à bas revenus. Le soutien financier comporte aussi une portion universelle assurant à chaque famille, même parmi les mieux nanties, une reconnaissance financière minimale. L’universalité, même partielle, repose sur le principe que, peu importe la situation de revenu, la capacité financière des familles avec enfants est moindre que celle des familles sans enfant. La partie 3 du présent ouvrage confirmera que le soutien financier est un pilier méconnu de la politique familiale au Québec. 4.2 Un congé parental souple et généreux Une politique familiale doit évidement pouvoir compter sur l’existence d’un congé parental souple et généreux. Le congé parental sert notamment à compenser partiellement la perte de revenu de travail dans la période entourant la naissance ou l’adoption d’un enfant. Depuis 2006, le Régime québécois d’assurance parentale a remplacé, pour les résidents du Québec, le programme fédéral d’assurance-emploi en ce qui a trait aux prestations de maternité et parentales que ce dernier offrait jusque-là. Le Régime québécois d’assurance parentale poursuit trois grands objectifs mis de l’avant lors de son développement et de sa 57
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
création2. D’abord, il s’agit d’assurer un remplacement de revenu adéquat pour les parents en emploi, au cours du congé entourant la venue d’un enfant. Un autre objectif consiste à favoriser l’adaptation de l’économie québécoise aux réalités actuelles du marché du travail, de façon à atténuer les potentielles pénuries de maind’œuvre et à refléter les attentes des jeunes générations de travailleuses et de travailleurs. Enfin, un dernier objectif vise à faciliter l’adaptation de la société québécoise au contexte de vieillissement démographique et ainsi à concilier le développement social et la prospérité économique. On constate donc que le Régime québécois d’assurance parentale a intégré l’adaptation de l’économie québécoise à la transition démographique prévue. Le Régime québécois d’assurance parentale offre clairement une meilleure couverture que le programme fédéral d’assurance-emploi. Ce dernier ne couvre en effet que les salariés alors que la réalité actuelle du marché du travail fait en sorte qu’un nombre croissant de travailleurs ne sont pas des salariés au sens de l’assurance emploi ou encore ne cumulent pas le nombre d’heures assurables requises pour être admissibles. À ce titre, le Régime québécois d’assurance parentale prévoit le versement de prestations financières aux travailleuses et aux travailleurs admissibles, salariés et autonomes, qui se prévalent d’un congé de maternité, d’un congé parental, d’un congé de paternité ou d’un congé d’adoption. Selon les informations diffusées par le Conseil de gestion de l’assurance parentale3, en 2007, le taux de participation au Régime québécois d’assurance parentale a atteint 82,3 %. Donc, plus de 80 % des naissances enregistrées au Québec en 2007 ont
2. Gouvernement du Québec, Conseil de gestion de l’assurance parentale. En ligne : http://www.cgap.gouv.qc.ca/regime/index.asp (consulté le 6 mai 2008). 3. Gouvernement du Québec, Conseil de gestion de l’assurance parentale, Faits saillants. Statistiques officielles, Régime québécois d’assurance parentale. En ligne : http://www.cgap.gouv.qc.ca/publications/pdf/Faits_saillants_RQAP2007.pdf (consulté le 4 juin 2008).
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
donné lieu à des prestations de maternité, de paternité, parentales ou d’adoption4. Pour assurer la souplesse du Régime québécois d’assurance parentale, un régime de base et un régime particulier sont offerts. Les parents peuvent ainsi décider de la durée du congé et du pourcentage de remplacement de revenu. Il est donc possible de choisir, selon les préférences de chacun, entre un congé plus généreux pour une période de 43 semaines ou un congé plus long pouvant aller jusqu’à 55 semaines, mais comportant un taux de remplacement du revenu inférieur. Le revenu maximal assurable est de 60 500 $ en 2008. Tableau 8 Prestations du Régime québécois d’assurance parentale – Synthèse, 2008 Types de prestations
Maternité (exclusives à la mère) Paternité (exclusives au père) Parentales (partageables) Adoption (partageables)
Régime de base Remplacement Nombre de de revenu semaines assuré
Régime particulier Remplacement Nombre de de revenu semaines assuré
18
70 %
15
75 %
5
70 %
3
75 %
7 25 (7+25=32) 12 25 (12+25=37)
70 % 55 %
25
75 %
70 % 55 %
28
75 %
Source : Gouvernement du Québec, ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, http://www.rqap.gouv.qc.ca/.
4. En 2005, 60 % des naissances avaient fait l’objet de prestations de maternité, d’adoption et parentales provenant du programme fédéral d’assurance emploi, chiffre calculé par le nombre moyen de prestataires québécois d’assurance emploi (prestations de maternité, d’adoption et parentales) en 2005 selon le tableau 276-0001 de Statistique Canada en pourcentage du nombre de naissances en 2005 selon l’ISQ.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
En 2007, plus des trois quarts des nouveaux parents ont choisi l’option prévoyant des prestations pendant la période la plus longue, soit 55 semaines. Aux prises avec une réalité du travail différente, de leur côté, les travailleuses et travailleurs autonomes ont choisi, dans près de la moitié des cas, des prestations plus élevées, mais payables pendant 43 semaines. Les prestations du Régime québécois d’assurance parentale ont totalisé 1 452 millions de dollars en 2007 comparativement à 829 millions de dollars en 20065, 6. Depuis l’entrée en vigueur du Régime québécois d’assurance parentale, on observe au Québec une remontée des naissances. Alors que le nombre de naissances a été de 76 300 en 2005, il a atteint 84 200 en 2007. Les démographes nous incitent toutefois à être prudents avant d’établir un lien de cause à effet. D’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte, telle la prospérité économique. Le Régime québécois d’assurance parentale est encore trop nouveau pour qu’on lui attribue l’entièreté de la hausse des naissances et l’expérience de deux ans reste encore insuffisante pour établir une tendance à long terme. Il est toutefois à noter qu’un sondage sur la perception du Régime québécois d’assurance parentale, effectué par le Conseil de gestion de l’assurance parentale, a révélé que le congé de paternité et la durée maximale du congé en sont considérés comme les caractéristiques les plus positives. De surcroît, plus du tiers des répondants ont affirmé que le Régime québécois d’assurance parentale a joué un certain rôle dans leur décision d’avoir un enfant7. 5. La hausse importante des prestations entre 2006 et 2007 s’explique en partie par le fait que 2007 est réellement la première année complète d’existence du régime. En d’autres mots, en 2006, les prestations de certains parents provenaient encore du programme fédéral d’assurance emploi car les enfants visés étaient nés ou adoptés avant le début du Régime québécois d’assurance parentale, soit avant le 1er janvier 2006. 6. Au cours de l’année 2006, l’accessibilité au Régime d’assurance parentale a été renforcée par l’élimination de certains irritants, tel le calcul des prestations versées aux personnes qui connaissent des naissances ou des adoptions très rapprochées ainsi qu’aux mères qui occupent deux emplois et qui sont en retrait préventif pour l’un d’eux. Ces révisions visaient à assurer le traitement équitable de ces deux catégories de prestataires du régime. 7. Gouvernement du Québec, Conseil de gestion de l’assurance parentale (2008), Rapport annuel de gestion 2007, p. 8.
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
Le Régime québécois d’assurance parentale, encore nouveau, est rapidement devenu un pilier de la politique familiale québécoise. Son récent acquis ne doit pas être remis en question. 4.3 Une offre de services de garde suffisante et adaptée Pour être efficace, une politique familiale doit prévoir la présence d’une offre de services de garde suffisante et adaptée. Or, depuis 1997, le gouvernement du Québec s’est employé à développer des services de garde éducatifs sur l’ensemble de son territoire. Les enfants de moins de cinq ans sont admissibles aux services de garde à contribution réduite. En outre, depuis septembre 1998, les enfants fréquentant la maternelle ou une école primaire du secteur public peuvent aussi bénéficier de services de garde à contribution réduite. Dans les deux cas, la contribution parentale se chiffre présentement à 7 $ par jour par enfant. Les services de garde à contribution réduite sont offerts dans les centres de la petite enfance (CPE), les services de garde en milieu familial ou encore dans les garderies à but lucratif qui ont conclu des ententes à cet effet. Au 31 mars 20088, il y avait un peu plus de 201 000 places à contribution réduite subventionnées par le gouvernement du Québec. Elles sont réparties de la façon suivante : 38 % en CPE, 44 % en services de garde en milieu familial et 18 % en garderies à but lucratif subventionnées. Sur une base journalière, la figure 10 indique la contribution des parents et du gouvernement selon le mode de garde. En conséquence, la contribution parentale de 7 $ par jour représente 15 % du coût total moyen des services dans un CPE, 18 % dans une garderie à but lucratif subventionnée et 28 % dans un service de garde en milieu familial9. 8. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés. En ligne : http://www.mfa.gouv.qc.ca/services-de-garde/parents/places-a-contribution-reduite/ (consulté le 6 mai 2008). 9. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés, Information au sujet du règlement sur la contribution réduite. En ligne : http://www.mfa.gouv.qc.ca/ services-de-garde/parents/places-a-contribution-reduite/, (consulté le 4 juin 2008).
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Figure 10 Contribution financière du gouvernement du Québec et des parents pour une journée de garde, 2007 47 $ 40 $
7$
37 $
7$
7$
25 $ 40 $
7$ 33 $
30 $
18 $ Centre de la Milieu familial Garderie privée petite enfance
Gouvernement du Québec
Moyenne
Parents
Source : Gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés, Information au sujet du règlement sur la contribution réduite.
Fait à noter, il est prévu qu’en 2008, parmi les enfants de moins de 5 ans, près de 57,7 % fréquenteront les services de garde à contribution réduite, 23,7 % fréquenteront une garderie à tarif régulier et 18,6 % seront gardés à la maison10. Le budget consacré aux services de garde à contribution réduite totalisait près de 1,7 milliard de dollars en 2007. Or, devant les besoins grandissants, le gouvernement a annoncé, dans son budget 2008-2009, son intention de porter à 220 000 le nombre de places à contribution réduite d’ici 2012. Dès juillet 2008, il a annoncé que la création des places supplémentaires était devancée et que l’objectif de 220 000 places devrait être atteint d’ici 2010. À terme, le budget consacré aux services de garde à contribution réduite passera à 2 milliards de dollars11.
10. Gouvernement du Québec, ministère des Finances (2008), Budget 2008-2009. Plan budgétaire, Québec, p. E8. 11. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés (2008), Famille : nouvelles places en services de garde, le gouvernement atteindra son objectif deux ans plus tôt que prévu, communiqué, 23 juillet 2008.
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
Par ailleurs, mentionnons que l’aide aux familles pour la garde des enfants comprend également une déduction fédérale au titre de frais de garde et un crédit remboursable pour frais de garde d’enfants au Québec. Ce crédit est unique et est destiné aux parents n’utilisant pas les services à contribution réduite. Il n’a pas d’équivalent comparable dans les autres provinces, est relativement généreux et sera en plus bonifié à compter du 1er janvier 2009. En outre, il autorise, dans certains cas, des versements anticipés pour permettre aux parents de profiter de l’aide fiscale avant la production de leur déclaration de revenus. L’économie québécoise a retiré des bénéfices notables de ces mesures. En effet, selon l’OCDE, le coût de garde des enfants peut être un obstacle important à l’emploi12. À cet égard, l’OCDE concluait que, même si les parents canadiens peuvent demander une déduction au titre des frais de garde d’enfants dans leur déclaration de revenu, sans une aide supplémentaire des autorités provinciales, comme au Québec, travailler est souvent moins intéressant13. Aussi, selon certains chercheurs, l’existence des services de garde à contribution réduite aurait réellement contribué à la hausse du taux d’activité des Québécoises ayant des enfants d’âge préscolaire. Selon Lefebvre et Merrigan : Nos résultats sont conformes à l’hypothèse que le programme de soutien aux services de garde mis en place par le gouvernement du Québec, simultanément avec la maternelle cinq ans gratuite et à temps plein, a eu un impact important et statistiquement significatif sur l’offre de travail des mères avec des enfants de 5 ans ou moins14.
12. OCDE (2006), Panorama de la société : les indicateurs sociaux de l’OCDE, édition 2006, p. 60-61. 13. OCDE (2005), Bébés et employeurs. Comment concilier travail et vie de famille, p. 31. 14. Pierre Lefebvre et Philippe Merrigan (2005), The Québec’s Experiment of $5 per Day per Child Childcare Policy and Mother’s Labour Supply : Evidence Based on the Five Cycles of the NLSCY, Rapport de recherche 2005RP-21, CIRANO, résumé.
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Dans ce contexte, signalons en particulier une hausse du taux d’emploi des femmes de 25 à 44 ans depuis l’établissement du programme de garderies à contribution réduite. Ces femmes, plus nombreuses à avoir des enfants, ont vu leur taux d’emploi passer de 70,3 % en 1998 à 79,3 % en 2007, une variation de neuf points de pourcentage. En comparaison avec l’augmentation du taux d’emploi des Ontariennes du même groupe d’âge, il s’agit d’une variation deux fois supérieure. Résultat : pour la première fois, le taux d’emploi des Québécoises entre 25 et 44 ans dépasse le taux d’emploi des Ontariennes, rattrapant ainsi l’écart historique qui les séparait15. Le programme de services de garde à contribution réduite est manifestement un pilier solide de la politique familiale du Québec. Malheureusement, au lieu d’en reconnaître les bienfaits, les débats le concernant portent trop souvent sur la longueur des listes d’attente et le manque de places. Bien sûr, des améliorations doivent être apportées et des discussions sont nécessaires quant à l’ajout de places supplémentaires à temps plein et de places pour accommoder les parents avec des horaires de travail atypiques (temps partiel, soir, nuit). Malgré cela, il faut retenir l’importance positive de ce programme pour l’économie du Québec. 4.4 Une conciliation du travail et de la famille possible et flexible La possibilité de concilier le travail et la vie familiale constitue le dernier élément d’une politique familiale. Évidemment, les services de garde à contribution réduite et le Régime québécois d’assurance parentale jouent un rôle crucial en aidant les parents à concilier leurs obligations professionnelles et leurs obligations familiales. Toutefois, dans la présente section, sous le thème conciliation du travail et de la famille, nous abordons précisément
15. Statistique Canada, Enquête sur la population active, CANSIM, tableau 2820002.
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
d’autres mesures à mettre en place dans les milieux de travail pour faciliter la conciliation du travail et de la famille. Le développement de la conciliation travail-famille reposerait essentiellement sur cinq constats établis par le Conseil consultatif du travail et la main-d’œuvre en 200116 : 1) Il devient plus difficile actuellement de concilier les exigences du travail avec les obligations parentales et familiales ; 2) Ces tensions ont des conséquences coûteuses à la fois pour les entreprises et pour les travailleurs ; 3) Les milieux de travail ont une responsabilité et un rôle à jouer en cette matière ; 4) Les pratiques favorisant la conciliation des responsabilités familiales et du travail sont avantageuses pour toutes les parties ; 5) En conséquence, ces pratiques devraient être plus répandues. Du côté patronal, certaines organisations indiquent que des mesures de conciliation existent déjà au sein des petites et moyennes entreprises (PME) québécoises et qu’en conséquence il serait préférable de les sensibiliser aux meilleures pratiques existantes plutôt que de leur imposer des mesures de conciliation travailfamille obligatoires qui seraient contre-productives17. Dans les faits, on observe que peu de mesures gouvernementales de conciliation travail-famille visant directement les milieux de travail ont été introduites au Québec. C’est à cet égard que le développement de la politique familiale québécoise est le moins avancé. Or, il existe un grand nombre d’actions, de mesures
16. Gouvernement du Québec, Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre, Concilier travail et famille : un défi pour les milieux de travail. Plan d’action. Résumé, Montréal, 2001, p. 4-6. 17. Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) (2004), La conciliation travail-famille : le gouvernement doit respecter les PME, communiqué.
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ou de moyens, de mieux en mieux connus, qui pourraient être implantés. Par exemple, le ministère de la Famille et des Aînés répertorie, sur son site Internet, différentes mesures de conciliation travail-famille relevées dans certains milieux de travail18. On y constate rapidement que le champ des possibilités est grand, mais que rien ne vient encore encadrer ces initiatives, ni les favoriser. En voici quelques-unes à titre d’illustration : • Flexibilité dans le temps de travail : réduction du temps de travail, temps partagé, horaire flexible ou à la carte, semaine de travail comprimée volontaire. • Flexibilité dans le lieu de travail : travail à domicile, travail dans un bureau satellite ou près du lieu de résidence. • Congés pour événements familiaux, à traitement différé. • Services offerts pour les personnes à charge : garderie sur les lieux de travail, salle de jeux pour enfants autonomes. En 2006, un document préparé par le ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine a abordé le thème de la conciliation travail-famille19. Selon ce document, l’un des objectifs poursuivis par le gouvernement était d’encourager les milieux de travail à instaurer des mesures de conciliation travailfamille. Or, découlant de ce plan d’action, le gouvernement du Québec a annoncé en juin 2008, trois projets en lien avec la conciliation travail-famille20 :
18. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés. En ligne : http:// www.mfa.gouv.qc.ca/famille/conciliation-travail-famille/ (consulté le 6 mai 2008). 19. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait, Québec, décembre 2006, p. 56-62. 20. Références : en ligne : http://www.mfa.gouv.qc.ca/travailfamille/programme/. Communiqué de presse ; en ligne : http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/ GPQF/Juin2008/13/c3955.html (consultés le 16 juin 2008).
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• un programme de soutien financier destiné aux organismes à but non lucratif qui privilégiera des initiatives qui devront apporter des solutions durables liées à la gestion des obligations quotidiennes des familles ; • un nouveau site Internet (www.mfa.gouv.qc.ca/travailfamille) ; • une norme consensuelle en matière de conciliation travailfamille pour reconnaître la qualité des initiatives implantées par les entreprises. Malgré cela, peu de mesures formelles d’incitation auprès des entreprises ont vu le jour. Beaucoup de travail reste donc à faire. En guise de conclusion Il est important que la politique familiale au Québec favorise la natalité sans pour autant décourager le travail. L’orientation choisie quant aux quatre piliers d’une politique familiale est donc cruciale. Pour que la politique familiale s’avère efficace, elle doit nécessairement s’appuyer sur un régime d’assurance parentale souple et généreux, minimisant le manque à gagner découlant du retrait temporaire du marché du travail lors de l’arrivée d’un enfant. Le régime d’assurance parentale atteint clairement cet objectif. Une fois l’enfant arrivé, la deuxième phase consiste à favoriser le retour des conjoints sur le marché du travail. Dans ce contexte, il doit exister une offre de services de garde subventionnée en quantité suffisante et adaptée. Le programme de garderie à contribution réduite a clairement cette ambition. Bien que le réseau ne soit pas encore complet, les résultats indiquent que l’objectif visé est sur le point d’être atteint. En parallèle, il faut aussi offrir aux parents un soutien financier significatif et en partie universel. Les prochains chapitres s’efforceront de montrer que, même si la valeur du soutien finan67
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cier reste mal connue auprès du grand public, cet objectif a également été au cœur des préoccupations gouvernementales au cours des dernières années. À la lumière de cette brève analyse, le Régime québécois d’assurance parentale, le programme de services de garde à contribution réduite et le soutien financier apparaissent comme des piliers centraux de la politique familiale alors qu’une véritable politique de conciliation travail-famille reste encore à développer.
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
Les besoins (quasi) illimités des familles Point de vue de Marc Van Audenrode Marc Van Audenrode est professeur associé au Département d’économique de l’Université de Sherbrooke et associé directeur au Groupe d’analyse économique. Ses domaines de recherche portent principalement sur le marché du travail et sur l’analyse des répercussions de politiques. Il a notamment publié ses recherches dans le Journal of Political Economy, le Journal of Economic Theory, Labour Economics et Economic Policy.
Les politiques fiscales et sociales des États modernes procèdent d’un exercice d’équilibriste de haute voltige. D’une part, la myriade de politiques à implication fiscale ou sociale doit offrir, a priori, les incitants nécessaires pour induire et éventuellement récompenser les comportements « vertueux » aux yeux de la société, comme s’éduquer, travailler, s’occuper de sa famille de façon responsable ou avoir un mode de vie sain. D’autre part, ces mêmes politiques se doivent de s’adapter, a posteriori, à la réalité économique des gens, même si les contribuables n’ont pas répondu aux incitants mis en place. Si une personne abandonne son secondaire ou ne peut travailler, sa capacité à contribuer diminue, et la politique fiscale doit en tenir compte. Et tout cela doit être accompli en s’assurant que cette politique fiscale respecte en bout de piste deux objectifs d’équité : l’équité verticale (des individus à revenus différents doivent contribuer différemment) et l’équité horizontale (des individus à revenus semblables, mais vivant des réalités différentes, doivent également contribuer différemment.) Cet exercice périlleux d’équilibre entre la bonne dose d’incitants ex-ante, et la bonne dose de réalisme ex-post, tout en respectant les principes d’équité, ne devrait cependant pas être un problème insurmontable dans le cas des mesures de politique familiale. En effet, de manière générale, les sociétés occidentales depuis longtemps désirent favoriser la fécondité : le vieillissement de la population couplé à une chute marquée de la natalité dans la deuxième moitié du XXe siècle ont amené la plupart des pouvoirs publics des pays occidentaux à concevoir des politiques de soutien aux familles qui parfois deviennent franchement natalistes. De même, il est évidemment acquis que la situation économique des familles avec enfants est différente de celle des familles sans enfant ou des célibataires et que cette situation justifie un traitement fiscal particulier.
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Tout devrait donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes de la politique familiale : on veut aider les familles, les familles ont besoin d’aide – rarement une équation de politique économique a-t-elle paru aussi simple. Et la réalité est bien conforme à ce principe : au Québec, de toute évidence, l’État consacre des sommes considérables à cette aide. •
Pourquoi alors cette impression persistante d’insuffisance et d’inadéquation de l’aide offerte aux familles ?
•
Pourquoi cette dure réalité qui veut qu’aujourd’hui, en dépit des efforts entrepris, pauvreté rime encore avec enfance (alors qu’il y a un siècle elle rimait avec vieillesse) ?
•
Pourquoi, malgré tous les efforts, la natalité reste-t-elle toujours insuffisante, malgré les progrès des dernières années ?
La réponse à ces questions tient en deux points : la taille gargantuesque des besoins des familles, d’une part, et, d’autre part, leur nombre impressionnant. Les familles ont des besoins quasi illimités : a) besoin de services particuliers (tels que les services de garde), b) besoin d’argent et de soutien financier (même une fois la garderie payée, les enfants coûtent cher) et finalement c) besoin d’accommodements et de flexibilité dans des domaines qui dépassent parfois le cadre traditionnel de la politique fiscale (plus de flexibilité sur le marché du travail). Mais, ce qui distingue la politique familiale d’à peu près toutes les autres politiques sociales, ce n’est pas l’ampleur des besoins des familles, c’est tout simplement le nombre de familles qui ont besoin de ces formes de soutien. En fait, la politique familiale consiste en un transfert massif – probablement la plus importante forme de transfert dans toutes les grandes économies occidentales – des individus sans enfant vers les familles avec enfants. Au Québec, près d’un million de personnes vivant seules et 850 000 familles sans enfant contribuent à soutenir plus de 1 250 000 familles avec enfants. Et, compliquant cette équation encore plus, ces personnes vivant seules et ces familles sans enfant sont souvent des familles en devenir – trop jeunes pour avoir des enfants – ou d’anciennes familles – dont les enfants ont grandi. Le groupe des personnes vivant seules et des familles sans enfant est donc composé de façon disproportionnée de jeunes et d’aînés et offre une base taxable limitée.
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Chapitre 4. Quelques éléments de politique familiale
La politique familiale fait donc face à une équation quasi insoluble : un nombre très élevé de familles avec enfants aux besoins colossaux qui devraient être assumés à partir d’un transfert massif en provenance d’un groupe limité de familles sans enfant et de personnes vivant seules, un groupe souvent composé de personnes à revenus relativement faibles. La solution choisie au Québec face à ce casse-tête est simple : c’est la préoccupation d’équité horizontale qui est jetée par la fenêtre. Devant l’impossibilité dans la réalité fiscale québécoise de faire financer la politique familiale par les personnes seules et les familles sans enfant, ce sont les familles « riches » qui doivent financer implicitement l’aide aux familles pauvres. Mais, comme toujours au Québec, le problème c’est ce qu’on définit comme « riche ». Au Québec, un couple avec deux enfants dont les revenus de travail sont de 75 000 $ aura un revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de moins de 62 000 $. Le même couple sans enfant aura un revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de près de 56 000 $, un écart de moins de 6 000 $i. Le problème est que, si l’on peut vivre bien à deux au Québec avec un revenu net après impôts de 56 000 $, la vie est dure à quatre avec 62 000 $, même si une bonne partie des frais de garde sont pris en charge. Le niveau de revenu où s’arrête une aide fiscale significative aux enfants est de toute évidence trop bas. Pour beaucoup de familles de la classe moyenne, le choix d’avoir un enfant est encore le choix entre une vie confortable ou une vie en permanence remplie de contraintes financières. Le choix d’avoir un enfant n’est neutre du point de vue économique que pour les plus pauvres – qui ne verront pas leur niveau de pauvreté significativement aggravé par l’arrivée d’un enfant – et pour les plus riches pour lesquels un enfant n’implique pas des choix économiques déchirants. Par définition, ces extrêmes représentent la minorité, la classe moyenne représentant le groupe le plus nombreux. On peut de façon évidente stimuler la natalité avec une politique familiale adéquate. La façon dont le niveau des naissances a réagi au Québec aux accommodements offerts aux jeunes parents sur le marché du travail en est une illustration. La situation de la France, qui est active sur les trois fronts de la politique familiale – accommodements sur le marché du travail, services et soutien financier – en est une autre illustration.
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Pour atteindre ses objectifs de stimulation de la natalité et d’équité, la politique familiale du Québec doit encore faire de très importants progrès sur le plan du soutien financier, et cela ne pourra pas se faire sans une baisse générale du niveau d’imposition. Il faut faire en sorte qu’au Québec les familles de la classe moyenne ne soient plus obligées de renoncer à avoir des enfants parce qu’elles doivent soutenir les enfants des familles pauvres. i L’écart pour une personne seule avec un enfant et une personne seule sans enfant avec un revenu de 75 000 $ est encore plus faible – environ 4 300 $.
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Chapitre 5
Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Pour obtenir un portrait adéquat des mesures fiscales et budgétaires liées à la famille et de la manière dont est fiscalisée la famille québécoise, il est nécessaire de regarder tant du côté du gouvernement fédéral que du côté du gouvernement québécois. En effet, même s’il y a deux gouvernements, il n’y a en fait qu’une seule famille assujettie à l’imposition. 5.1 Un retour dans le temps Dès 1918, en créant une exonération fiscale pour enfants, le gouvernement fédéral reconnaissait que la charge d’enfants réduisait la capacité des contribuables à payer de l’impôt sur le revenu. En 1945, le gouvernement fédéral allait plus loin en mettant en place les premières allocations familiales universelles pour enfants. Du côté québécois, il faut attendre au début des années 1960 avant que les premières interventions provinciales de portée générale soient mises en place avec, tout d’abord, une allocation scolaire à l’égard des enfants de 16 et 17 ans qui fréquentent l’école. 73
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Depuis ces années, plusieurs mesures d’aide financière à la famille ont été instaurées, d’autres sont disparues ou encore été modifiées1. L’établissement des mesures ou leurs modifications ou élimination au fil des années ont été dictés dans bien des cas par les contraintes budgétaires. Malgré une reconnaissance de capacité fiscale différente pour les familles avec enfants, l’universalité des mesures a été grandement réduite. Le soutien a évolué de plus en plus vers une aide ciblée pour les familles à faibles revenus diminuant progressivement avec l’augmentation du revenu familial. L’évolution du fonctionnement des familles, avec l’entrée des femmes sur le marché du travail, a aussi transformé l’offre de mesures pour les familles. En effet, en 1972, les gouvernements fédéral et québécois ont introduit, chacun de leur côté, des déductions fiscales pour frais de garde. Au Québec, cette déduction a été par la suite transformée en un crédit d’impôt remboursable pour frais de garde. Depuis 1997, elle s’insère parallèlement à l’implantation graduelle des services de garde à contribution réduite. En 1993, en pleine lutte au déficit au fédéral, les allocations familiales et les crédits d’impôt pour enfants à charge étaient remplacés par la prestation fiscale pour enfants. Tout principe d’universalité était ainsi abandonné. Résultat : une famille biparentale avec deux enfants et un revenu familial de 150 000 $ avait la même charge fiscale qu’un couple sans enfant gagnant un revenu identique, sauf dans le cas des familles qui pouvaient déduire des frais de garde d’enfants. Avec l’introduction en 2007 du crédit d’impôt fédéral pour enfants, il y a un retour de la reconnaissance fédérale que la capacité contributive des ménages est moindre lorsqu’il y a des enfants à charge. Un premier pas en ce sens avait été fait en 2006 avec l’instauration de la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE), pour les familles qui avaient des enfants de moins de 6 ans. 1. L’annexe 1 présente un tableau montrant l’évolution des principales mesures qui ont, au cours des années, touché les familles avec enfants.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Au Québec par contre, l’universalité n’a jamais été totalement abandonnée, car le crédit d’impôt pour enfants à charge est resté jusqu’à son remplacement par le crédit de soutien aux enfants qui demeure partiellement universel, même s’il est plus généreux pour les familles à revenu plus faible. 5.2 Les mesures bénéficiant aux familles avec enfants en 2008 La présente section décrit les paramètres, les situations familiales visées et illustre, pour une famille type2, chacune des mesures bénéficiant d’une manière particulière aux familles. Les mesures analysées ne bénéficient pas nécessairement de manière exclusive aux familles, mais elles comportent un volet propre aux familles. Ainsi, certaines mesures qui ne sont pas plus généreuses pour les familles ne seront pas exposées dans ce chapitre, même si les familles peuvent en bénéficier3. De plus, les gouvernements fédéral et du Québec offrent d’autres aides, non répertoriées dans la présente analyse et dont plusieurs sont relatives aux études postsecondaires4. 5.2.1 Gouvernement du Québec Crédit de soutien aux enfants Depuis 2005, le crédit d’impôt remboursable de soutien aux enfants a remplacé l’allocation familiale, l’allocation pour 2. La famille choisie ici est un couple avec deux enfants et deux revenus. Les enfants ont moins de 5 ans et fréquentent un service de garde à contribution réduite. Dans la présente étude, quand nous évaluons l’aide pour un couple, avec ou sans enfant, nous considérons que la répartition du revenu familial entre les conjoints est de 60 % du total pour un et 40 % pour l’autre. 3. C’est notamment le cas pour le crédit de TVQ dont la valeur ne varie pas, qu’il s’agisse d’un ménage avec ou sans enfant. 4. Il y a notamment, le crédit d’impôt pour frais de scolarité, le transfert des crédits inutilisés aux parents, l’exonération des bourses d’études, le crédit d’impôt pour intérêts payés sur un prêt étudiant, le régime enregistré d’épargne-études, le crédit pour enfants mineurs aux études postsecondaires, le crédit pour enfants majeurs aux études postsecondaires.
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enfant handicapé, le crédit d’impôt de base pour enfant mineur et la réduction d’impôt à l’égard des familles. Le crédit de soutien aux enfants est une aide universelle, qui est plus généreuse pour les familles à faibles et à moyens revenus et qui varie selon le nombre d’enfants à charge de moins de 18 ans. Un montant additionnel est accordé aux familles monoparentales. Au-delà de certains seuils, l’aide est réductible. Tableau 9 Principaux paramètres du crédit de soutien aux enfants, 2008 Montants
Paramètres Soutien
- 1er enfant - 2e et 3e enfants - 4e enfant et enfants suivants - famille monoparentale
Seuil de réduction*
- couple - famille monoparentale
43 654 $ 31 984 $ 4%
Taux de réduction Soutien minimal
2 116 $ 1 058 $ 1 586 $ 741 $
er
- 1 enfant - 2e enfant et enfants suivants - famille monoparentale
Revenu familial net à partir duquel le contribuable reçoit le soutien minimal - Couple avec un enfant - Couple avec deux enfants - Famille monoparentale avec un enfant - Famille monoparentale avec deux enfants
594 $ 548 $ 296 $
81 704 $ 94 454 $ 81 134 $ 93 884 $
* Revenu familial net
La valeur de cette mesure est indexée annuellement. Les sommes sont versées aux familles en général tous les trimestres et elles ne sont pas imposables.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Figure 11 Illustration du crédit de soutien aux enfants pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 3 500
3 174 $
3 000 2 500 2 000 1 500
1 142 $
1 000 500
0 5 0 10 00 0 15 00 00 20 0 0 25 00 00 30 0 0 35 00 00 40 0 0 45 00 00 50 0 0 55 00 00 60 0 0 65 00 00 70 0 0 75 00 00 80 0 0 85 00 00 90 0 0 95 00 10 000 0 10 000 5 11 000 0 11 000 5 12 000 0 12 000 5 00 0
0
Prime au travail La prime au travail a remplacé le programme APPORT en 2005. Cette prime vise deux objectifs, soit soutenir et valoriser l’effort de travail ainsi qu’inciter les personnes à quitter l’aide sociale pour intégrer le marché du travail. En effet, dans certains cas, des personnes à revenu faible peuvent être faiblement incitées à accepter un emploi, car chaque dollar de salaire gagné peut être réduit d’un pourcentage assez élevé si l’on considère les augmentations d’impôt ou de cotisations combinées aux réductions de prestations (aide sociale) et aux réductions de certains avantages (coût des médicaments) découlant de ce revenu de travail supplémentaire. Les ménages sans enfant sont aussi admissibles à une prime au travail, mais elle est nettement plus généreuse pour les familles avec des enfants à charge. Le montant de la prime au travail varie en fonction du revenu familial et est nul après un certain seuil de revenu qui est différent selon la situation familiale.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Tableau 10 Paramètres de la prime au travail, 2008
Revenus de travail exclus Taux de la prime au travail Prime maximale Seuil de réduction Taux de réduction Seuil de sortie
Personne seule
Couple sans enfant
Famille monoparentale
Couple avec enfants
2 400 $
3 600 $
2 400 $
3 600 $
7%
7%
30 %
25 %
518 $ 9 796 $ 10 % 14 973 $
801 $ 15 044 $ 10 % 23 055 $
2 219 $ 9 796 $ 10 % 31 984 $
2 861 $ 15 044 $ 10 % 43 654 $
La valeur de cette mesure est indexée annuellement. Les sommes sont versées aux familles lors de la production de la déclaration d’impôt et elles ne sont pas imposables. Il est toutefois possible, sous certaines conditions, d’en recevoir une partie de façon anticipée. Figure 12 Illustration de la prime au travail pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 3 500 3 000
2 861 $
2 500 2 000 1 500 1 000 500
0 5 0 10 00 0 15 00 0 20 00 0 25 00 0 30 00 0 35 00 0 40 00 0 45 00 0 50 00 0 55 00 0 60 00 0 65 00 0 70 00 0 75 00 0 80 00 0 85 00 0 90 00 0 95 00 10 000 0 10 000 5 11 000 0 11 000 5 12 000 0 12 000 5 00 0
0
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants Le crédit d’impôt remboursable pour frais de garde permet d’accorder une compensation variant de 75 % à 26 % des frais de garde admissibles selon le revenu familial net. En vertu des règles actuelles, l’aide découlant du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants fait en sorte que le coût net d’une place en services de garde privés à tarif régulier est moindre qu’une place en services de garde à contribution réduite pour les familles ayant un revenu inférieur à 50 000 $. Au-delà de ce revenu, les services de garde à 7 $ par jour sont plus avantageux. Afin que le choix des parents entre les deux types de services de garde soit plus neutre, le Budget 2008-2009 prévoit, à compter de 2009, une bonification du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde5. Ainsi, jusqu’à un revenu familial de 100 000 $, l’écart entre le coût net quotidien des deux types de services de garde sera amoindri. Tableau 11 Barème du crédit d’impôt pour frais de garde (2008 et 2009 sans indexation) Revenu Revenu Revenu Revenu Taux (%) Taux (%) Taux (%) Taux (%) familial ($) familial ($) familial ($) familial ($) + de - de 2008 2009 + de - de 2008 2009 + de - de 2008 2009 + de - de 2008 2009 0 39 795 75 75 44 475 45 610 62 62 59 305 60 440 49 60 74 120 75 255 36 60 39 795 31 930 74 74 45 610 46 755 61 61 60 440 61 580 48 60 75 255 76 405 35 60 31 930 33 075 73 73 46 755 47 895 60 60 61 580 62 720 47 60 76 405 77 535 34 60 33 075 34 210 72 72 47 895 49 025 59 59 62 720 63 860 46 60 77 535 78 680 33 60 34 210 35 350 71 71 49 025 50 165 58 58 63 860 65 000 45 60 78 680 79 820 32 60 35 350 36 485 70 70 50 165 51 320 57 57 65 000 66 145 44 60 79 820 80 965 31 60 36 485 37 635 69 69 51 320 52 455 56 56 66 145 67 280 43 60 80 965 82 100 30 60 37 635 38 775 68 68 52 455 53 600 55 55 67 280 68 425 42 60 82 100 83 245 29 58 38 775 39 910 67 67 53 600 54 740 54 54 68 425 69 555 41 60 83 245 84 380 28 56 39 910 41 045 66 66 54 740 55 875 53 53 69 555 70 705 40 60 84 380 85 535 27 54 41 045 42 195 65 65 55 875 57 020 52 52 70 705 71 845 39 60 85 535 100 550 26 de 52 42 195 43 330 64 64 57 020 58 160 51 51 71 845 72 975 38 60 à 28 43 330 44 475 63 63 58 160 59 305 50 50 72 975 74 120 37 60 100 550 et plus 26 26
5. Gouvernement du Québec, ministère des Finances (2008), Budget 2008-2009. Plan budgétaire, p. E.8-E.13.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Le maximum de frais de garde admissibles par enfant de moins de 7 ans est de 7 000 $ et il est de 4 000 $ pour les enfants entre 7 et 16 ans. Notons que les frais de garde payés aux services de garde à contribution réduite ne donnent pas droit à ce crédit d’impôt pour frais de garde. La figure 13 illustre le crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants selon les règles actuelles et selon les règles applicables à partir de 2009. Figure 13 Illustration du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde d’enfants, pour un couple avec deux enfants ayant des frais de garde de 14 000 $, Québec, barème 2008 et barème 2009 (sans indexation) 12 000
10 500 $ 10 000
8 400 $
Barème 2009
8 000 6 000 4 000
Barème 2008
3 640 $
2 000
5 0 0 10 00 0 15 00 00 20 0 0 25 00 00 30 0 0 35 00 0 40 00 0 45 00 00 50 0 0 55 00 00 60 0 0 65 00 00 70 0 0 75 00 00 80 0 0 85 00 00 90 0 0 95 00 10 000 0 10 000 5 11 000 0 11 000 5 12 000 0 12 000 5 00 0
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Généralement, ce crédit remboursable pour frais de garde d’enfants est versé aux familles lors de la production de la déclaration de revenu. Toutefois, il est possible, sous certaines conditions, d’obtenir des versements anticipés tous les trois mois.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Allocation-logement Cette aide financière s’adresse aux familles avec au moins un enfant à charge ainsi qu’aux personnes seules de 55 ans et plus et aux couples dont une des personnes est âgée de 55 ans ou plus, s’ils consacrent plus de 30 % de leur revenu pour se loger. L’allocation correspond aux deux tiers de l’écart entre le loyer réel et un loyer minimum. Elle varie selon le nombre de personnes dans le ménage, le type de ménage, le loyer mensuel et le revenu du ménage. Tableau 12 Admissibilité à l’allocation-logement, 2008
Personne seule Couple sans enfant ou famille monoparentale avec un enfant Couple avec un enfant ou famille monoparentale avec deux enfants Couple avec deux enfants ou famille monoparentale avec trois enfants Couple avec trois enfants ou famille monoparentale avec quatre enfants
Loyer annuel supérieur à
Allocation annuelle maximale
Revenu annuel inférieur à
3 696 $
960 $
16 480 $
4 776 $
960 $
20 000 $
5 208 $
960 $
20 360 $
5 520 $
960 $
21 160 $
5 832 $
960 $
22 000 $
Cette allocation décroît très rapidement au-delà d’un certain seuil de revenu. Les sommes sont versées mensuellement aux familles et elles ne sont pas imposables.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Figure 14 Illustration de l’allocation-logement maximale pour un couple avec deux enfants – Québec, 2008 1 200 1 000
960 $
800 600 400 200
5 0 10 000 15 000 20 000 25 000 0 30 00 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 0 65 00 70 000 75 000 80 000 85 000 90 000 0 95 00 10 00 0 0 10 00 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 0 12 00 5 0 00 0
0
Aide sociale Depuis 1997, le montant annuel d’aide sociale est le même pour une personne seule et pour une famille monoparentale, comme pour un couple avec ou sans enfant, car il n’y a plus de montants prévus expressément pour les enfants. Ainsi, la prestation d’aide sociale de base est de 6 636 $ par année pour une personne seule et de 10 284 $ pour un couple. Ce sont les autres mesures contenues dans le présent chapitre qui viennent couvrir les besoins essentiels des enfants dont les parents reçoivent des prestations d’aide sociale. Toutefois, lorsqu’un des enfants à charge a moins de 5 ans, un des parents est considéré avoir des « contraintes temporaires à l’emploi ». De ce fait, le montant d’aide sociale est majoré de 117 $ par mois ou 1 404 $ par année en 2008. Les prestations d’aide sociale reçues sont réductibles au taux de 100 % pour chaque dollar de revenu de travail qui dépasse 2 400 $ pour une personne seule ou 3 600 $ pour un couple.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Figure 15 Illustration des prestations d’aide sociale pour un couple avec deux enfants – Québec, 2008 14 000
11 688 $ 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000
0 5 0 10 00 0 15 00 00 20 0 0 25 00 0 30 00 0 35 00 0 40 00 0 45 00 0 50 00 00 55 0 0 60 00 00 65 0 0 70 00 00 75 0 0 80 00 0 85 00 0 90 00 0 95 00 10 000 0 10 000 5 11 000 0 11 000 5 12 000 0 12 000 5 00 0
0
Les prestations d’aide sociale sont versées mensuellement aux familles. Au fédéral, elles ne sont pas imposables mais sont incluses dans le calcul du revenu net. Elles peuvent donc modifier la valeur des autres prestations déterminées en fonction du revenu net. Au Québec, elles sont imposables. 5.2.2 Gouvernement fédéral Prestation fiscale canadienne pour enfants La Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) est versée aux familles admissibles pour leurs enfants de 17 ans ou moins. Elle comprend des prestations de base ainsi qu’un montant supplémentaire pour les familles à faibles revenus appelé « supplément de la prestation nationale pour enfants ». La prestation dépend du nombre d’enfants et du revenu familial. Elle diminue en fonction d’un certain seuil de revenus pour atteindre zéro.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Tableau 13 Paramètres de la Prestation fiscale canadienne pour enfants, Québec, 2008
Base - 1er et 2e enfants - 3e enfant et suivant Supplément - 1er enfant - 2e enfant - 3e enfant et suivant
Maximum par enfant
Seuil de réduction
1 307 $ 1 398 $ 2 025 $ 1 795 $ 1704 $
Taux de réduction
1 enfant
2 enfants et +
37 885 $ 37 885 $
2%
4% 4%
21 287 $ 21 287 $ 21 287 $
12,2 % 23,0 % 33,3 %
Note : Le seuil de sortie de la PFCE quand il y a un ou deux enfants est un revenu net de 103 235 $.
La valeur de cette mesure est indexée annuellement. Les sommes sont versées aux familles mensuellement et elles ne sont pas imposables. Figure 16 Illustration de la Prestation fiscale canadienne pour enfants pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 7 000
6 431 $
6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000
0 5 0 1 0 00 0 15 00 00 20 0 0 2 5 00 00 30 0 0 35 00 00 40 0 0 45 00 00 50 0 0 55 00 00 60 0 00 65 0 00 70 0 0 75 00 00 80 0 0 8 5 00 00 90 0 0 95 00 10 000 0 10 000 5 11 000 0 11 000 5 12 000 0 12 000 5 00 0
0
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Prestation universelle pour la garde d’enfants La Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) est entrée en vigueur en juillet 2006. Elle est fixée à 100 $ par mois pour tout enfant de moins de six ans. Le montant de la prestation n’est pas indexé. La prestation est imposable et est déclarée par le conjoint ayant le revenu net le moins élevé. Cependant, elle n’est pas prise en compte pour le calcul des autres prestations déterminées en fonction du revenu. Figure 17 Illustration de la Prestation universelle pour la garde d’enfants nette pour un couple avec deux enfants – Québec, 2008 3 000 2 400 $
2 500 2 000
1 479 $
1 500 1 000 500
5 0 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 75 000 80 000 85 000 90 000 95 000 10 00 0 0 10 00 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 0 12 00 5 0 00 0
0
Notes : La petite hausse de la valeur de la PUGE nette entre 30 000 $ et 32 000 $ s’explique par l’interaction avec d’autres mesures fiscales. Lorsque ce couple aura atteint le taux marginal d’imposition le plus élevé, la PUGE nette sera de 1 243 $.
Crédit d’impôt pour enfants Instauré en 2007, le crédit d’impôt à l’égard des enfants de moins de 18 ans à la fin de l’année s’élève à 2 038 $ en 2008. Au Québec, l’économie d’impôt associé à ce crédit atteint 255 $ par 85
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
enfant pour un contribuable imposable. Avec ce crédit, le gouvernement fédéral reconnaît que la capacité contributive des ménages est moindre lorsqu’il y a des enfants à charge. La valeur de cette mesure est indexée annuellement. Figure 18 Illustration de la valeur du crédit d’impôt pour enfants pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 600
511 $
500 400 300 200 100
5 0 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 75 000 80 000 85 000 90 000 95 000 10 00 0 0 10 00 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 0 12 00 5 0 00 0
0
Montant pour une personne à charge admissible Seules les familles monoparentales peuvent demander un crédit d’impôt pour une personne à charge admissible à l’égard d’un de leurs enfants. Ce crédit procure donc une économie d’impôt aux familles monoparentales qui ont un revenu imposable. Il est, à partir de 2007, égal au montant personnel de base. En 2008, ce crédit d’impôt s’élève à 9 600 $ et il est indexé chaque année. Au Québec, l’économie d’impôt associée à ce crédit atteint 1 202 $.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Figure 19 Illustration de la valeur du crédit d’impôt pour une personne à charge admissible pour une famille monoparentale avec enfants – Québec, 2008 1 400
1 202 $
1 200 1 000 800 600 400 200
5 0 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 75 000 80 000 85 000 90 000 95 000 10 00 0 0 10 00 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 0 12 00 5 0 00 0
0
Déduction pour frais de garde d’enfants Les frais de garde peuvent être déduits du revenu net du conjoint ayant le revenu net le moins élevés (sauf exception). Généralement, cette mesure ne compense aucunement les frais de garde lorsqu’un conjoint n’a aucun revenu imposable. Les frais engagés tant pour des places en garderie privée que pour des places de garde à contribution réduite permettent de bénéficier de cette déduction. Aussi, les paiements faits à un pensionnat, à une école de sport ou à une colonie de vacances sont également admissibles. Le maximum admissible par enfant est de 7 000 $ pour les enfants de moins de 7 ans et de 4 000 $ pour les enfants entre 7 et 15 ans inclusivement. Ces montants ne sont pas indexés annuellement.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
Figure 20 Illustration de la valeur de la déduction pour frais de garde d’enfants (3 500 $) pour un couple avec deux enfants – Québec, 2008 1 600
1 418 $
1 400 1 200 1 000
783 $
800
578 $
643 $
600 400 200
5 0 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 75 000 80 000 85 000 90 000 9 00 10 5 000 0 0 10 00 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 0 12 00 5 0 00 0
0
Notes : La valeur de la déduction apparaît à partir du moment où le taux d’imposition marginal du conjoint ayant le revenu le plus faible devient positif. En réduisant le revenu familial, cette déduction permet des prestations plus élevées. Ainsi, l’interaction avec d’autres mesures fiscales affecte la valeur de la déduction. À ce titre, le sommet de 1 418 $ s’explique par le fait que la déduction ne réduit pas seulement l’impôt payable mais augmente aussi l’admissibilité à la PFCE. La valeur de la déduction augmentera avec la hausse du taux marginal d’imposition du couple. Au taux le plus élevé, elle atteindra 848 $.
Crédit remboursable pour la TPS Ce crédit remboursable n’est pas exclusif aux familles avec enfants, mais il est plus généreux lorsqu’il y a des enfants. En 2008, le montant maximal du crédit remboursable pour la TPS s’élève à 242 $ par adulte et à 127 $ pour chaque enfant à charge ou proche admissible. Un montant supplémentaire maximal de 127 $ est accordé à une personne seule. Le crédit atteint un maximum selon la situation familiale et est réductible après un certain seuil de revenu.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Tableau 14 Paramètres du crédit d’impôt remboursable pour la TPS, 2008
Personne vivant seule (incluant supplément) Famille monoparentale avec un enfant Couple sans enfant Couple avec enfants - un enfant - deux enfants - trois enfants
Montant maximal
Seuil de réduction
Taux de Seuil de sortie réduction (revenu net)
369 $
31 524 $
5%
38 904 $
611 $
31 524 $
5%
43 744 $
484 $
31 524 $
5%
41 204 $
611 $ 738 $ 865 $
31 524 $ 31 524 $ 31 524 $
5% 5% 5%
43 744 $ 46 284 $ 48 824 $
La valeur de cette mesure est indexée annuellement. Les sommes sont versées aux familles tous les trois mois et elles ne sont pas imposables. Figure 21 Illustration du crédit remboursable pour la TPS pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 800
738 $
700 600 500 400 300 200 100
0 5 0 10 00 0 15 00 00 20 0 0 25 00 00 30 0 00 35 0 00 40 0 0 45 00 0 50 00 00 55 0 00 60 0 00 65 0 0 70 00 00 75 0 00 80 0 0 85 00 00 90 0 0 95 00 00 10 0 0 10 000 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 12 000 5 00 0
0
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
En guise de conclusion Les mesures de soutien financier aux familles ont grandement évolué avec le temps, disparaissant, se modifiant ou étant mise en œuvre pour répondre à des besoins, à l’évolution des comportements et des valeurs ou tout simplement pour tenir compte de la capacité financière des gouvernements. Force est de constater qu’à la seule évocation du revenu d’une famille et du nombre d’enfants qui la composent, il reste bien difficile de savoir à quel soutien financier elle aurait droit, ne serait-ce qu’une approximation ! Malgré la difficulté à le déterminer, un soutien financier aux familles existe pourtant bel et bien. À ce titre, en 2008, une famille québécoise avec deux enfants de moins de cinq ans se voit offrir par le gouvernement fédéral une prestation universelle pour la garde d’enfants de 2 400 $ par année, une prestation fiscale pour enfants pouvant atteindre 6 431 $, en plus du crédit pour la TPS dont le montant le plus élevé est de 738 $. Du côté québécois, la même famille peut recevoir un crédit de soutien aux enfants jusqu’à 3 174 $, ainsi qu’une prime au travail pouvant atteindre 2 850 $. En 2008, les mesures permettant de soutenir financièrement les familles québécoises sont donc nombreuses. Plusieurs varient grandement en fonction des revenus familiaux et elles sont plus généreuses pour les familles à plus faibles revenus, bien qu’une partie de ces mesures soient universelles et contribuent donc à reconnaître la capacité fiscale moindre des familles avec enfants. Ayant en tête ces mesures et leurs paramètres, la table est maintenant mise pour la troisième partie qui met en valeur le soutien financier aux familles.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Le soutien financier aux familles depuis 30 ans : pour mieux comprendre les tensions et préoccupations qui s’en dégagent
Point de vue de Ruth Rose Ruth Rose est professeure associée au Département de sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal. Elle écrit et publie abondamment dans les domaines de recherche suivants : politiques familiales, sécurité du revenu, financement des services de garde, fiscalité, femmes et familles.
Afin de comprendre ce qui s’est passé ainsi que les préoccupations et les valeurs qui ont influencé le développement d’une politique de soutien financier aux familles québécoises, il est utile de tracer l’évolution des programmes et cela tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial québécois. Nous allons voir que cette politique n’a pas évolué en ligne droite. À certains moments historiques, au fil des idéologies politiques et des tendances sociales, il y a eu des gels de programmes, voire des compressions draconiennes et des revirements importants de direction. Mon observation de l’évolution de cette politique depuis une trentaine d’années fait dégager les tensions et les préoccupations suivantes : •
universalité versus concentration de l’aide sur les familles les plus pauvres ;
•
développement des services de garde et participation des femmes au marché du travail versus un soutien aux mères au foyer ;
•
besoins relatifs des enfants dans les familles monoparentales versus les familles biparentales ;
•
encouragement de la participation au marché du travail ;
•
promotion de la natalité ;
•
contraintes budgétaires.
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
La politique familiale fédérale : régressivité, compressions et réinvestissement 1978 à 1996 : concentration de l’aide sur les familles pauvres et réduction des dépenses Les premières politiques fédérales, à savoir une exemption fiscale dont la valeur augmente avec le niveau de revenu, combinée à une allocation universelle, étaient régressives. En d’autres mots, les familles à revenu élevé recevaient davantage que les familles plus pauvres (voir ligne 1978 sur le graphique). L’année 1978 marque le début d’un processus qui a abouti en 1993 avec la création de la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) et l’abandon des allocations universelles et des crédits d’impôts pour enfants (sauf pour le premier enfant d’une famille monoparentale). En 1996, une famille avec deux enfants et un revenu d’emploi de moins de 25 000 $ pouvait recevoir jusqu’à 1 500 $ de plus qu’en 1978. Néanmoins, les familles ayant un revenu supérieur à 40 000 $ ont pu perdre plus de 2 000 $, et le gouvernement fédéral ne reconnaissait plus du tout les besoins essentiels des enfants dans les familles biparentales les plus riches. Globalement, les dépenses du gouvernement fédéral à ce chapitre ont diminué de 8 057 millions en 1978 à 5 779 millions en 1996 (en dollars de 1998) soit presque 300 $ par enfant canadien.
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
Bénéfices familiaux fédéraux selon le revenu d’emploi 1978, 1996 et 2008 en dollars constants de 2008 Famille biparentale avec un revenu et deux enfants de 6 à 12 ans 8 000 $ 7 000 $
6 688 $
2008
6 000 $ 5 000 $ 4 000 $ 3 000 $ 2 000 $
1996 2 907 $
2 220 $
1978
1 933 $
1 000 $ 0$
90 00 10 0 0 00 15 0 0 00 0
511 $
0 00 0
00
80
60
70
0 00 0
0 00
00 50
40
0 00 0
00
35
30
0 00 0
00
25
20
0 00 0 15
00
10
0
-$
Note : Il s’agit des montants accordés aux résidents du Québec. La partie du crédit pour la TPS accordé pour les enfants est incluse.
Cette période est aussi marquée par l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et la notion que les mères monoparentales devraient travailler au lieu de rester passivement bénéficiaires de l’aide sociale. S’inspirant de l’Earned Income Tax Credit (EITC) aux États-Unis et des suppléments au revenu gagné du Québec (SUPRET et ensuite APPORT), le fédéral a mis en place un supplément à la PFCE afin de créer un écart significatif entre le revenu disponible d’une famille où au moins un des parents fait l’effort pour travailler. L’accent sur l’intégration au marché du travail s’est traduit également par des compressions importantes dans les programmes provinciaux d’aide sociale et à l’assurance chômage. 1996 à 2008 : réinvestissement dans la politique familiale ou manipulation des données ? Entre 1996 et 1998, le gouvernement fédéral a procédé à une réduction substantielle de ses contributions financières aux programmes sociaux des provinces, notamment en abolissant le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC) qui finançait la moitié des programmes provinciaux d’aide sociale et l’aide financière aux parents à revenu faible pour les
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Partie 2 L’État et ses politiques pour la famille
frais de garde. En même temps il a commencé à réinvestir dans la PFCE. Face aux contestations des provinces devant ces compressions, le gouvernement a signé l’entente-cadre sur l’union sociale avec toutes les provinces sauf le Québec. En vertu de cette entente, le gouvernement faisait des réinvestissements en matière de politique familiale et les provinces avaient le droit de réduire l’aide sociale accordée aux familles avec enfants par un montant égal à l’augmentation de la PFCE et son supplément en autant qu’elles réinvestissaient l’argent dans des programmes pour les enfants pauvres ou les personnes handicapées. Entre 1996 et 2008, les familles ayant les revenus les plus faibles ont bénéficié d’une augmentation de leurs prestations fédérales de l’ordre de 3 000 $ pour deux enfants. Toutefois, en même temps, les familles sans revenu d’emploi ont subi une baisse de leurs prestations d’aide sociale. Pour les familles ayant un revenu supérieur à 35 000 $, les augmentations ont été presque nulles jusqu’en 2005. La réintroduction d’un crédit d’impôt non remboursable pour enfants en 2007 a rétabli une contribution minimale pour ces familles. En 2005, le gouvernement fédéral libéral démarrait un programme canadien d’investissements dans les services de garde, maintes fois promis, mais le nouveau gouvernement conservateur l’a aussitôt annulé à la faveur de la Prestation universelle pour la garde des enfants (PUGE).
La politique familiale québécoise Avant 1985 : les débuts Le Québec a commencé à mettre en place ses propres politiques familiales pour compléter les programmes fédéraux, notamment en réaction à la baisse des taux de fécondité pendant la Révolution tranquille et à la fin du baby-boom. À partir de 1974, le Québec a choisi de favoriser les familles nombreuses en demandant au gouvernement fédéral de moduler son allocation familiale de manière à accorder davantage pour les enfants des troisième et quatrième rang et en pondérant ses propres allocations de cette façon. Au cours de cette période, le Québec a été innovateur à plusieurs égards, créant le Programme d’allocation de maternité (PRALMA) en 1978, le premier Supplément au revenu de travail (SUPRET) au Canada en 1979 94
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
et l’Allocation de disponibilité en 1982. À la fin des années 1970 il a aussi commencé à systématiser une politique de financement des services de garde, notamment en offrant des subventions directes beaucoup plus généreuses que celles de toutes les autres provincesi. 1986 à 1996 : favoriser les familles nombreuses à profil traditionnel Progressivement, entre 1986 et 1988, le Québec a introduit une nouvelle politique de soutien aux familles en commençant par des exemptions fiscales pour l’ensemble des enfants (devenues des crédits non remboursables en 1988). Toutefois, en le faisant, il a remplacé l’exemption d’équivalent de personne mariée pour les familles monoparentales par un supplément à l’exemption beaucoup plus restreint ainsi qu’un nouveau crédit pour les adultes qui ne partagent pas leur logement avec un autre adulte. En conséquence, les familles monoparentales ont subi des compressions alors que l’aide accordée aux familles biparentales a augmenté. En 1988, le Québec a remplacé le SUPRET par l’Aide aux parents pour leur revenu de travail (APPORT), un programme plus généreux, mais limité aux personnes ayant des enfants.
Soutien financier aux familles du Québec 1993, 2003 et 2005 Famille biparentale avec deux enfants de 6 à 12 ans $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
1990
2005
3 664 $ 3 000 $ 1 301 $
1 489 $
2003
1 085 $ 1 078 $
10 0 00 15 0 00 20 0 00 0 25 00 30 0 00 35 0 00 0 40 00 50 0 00 60 0 00 70 0 00 0 80 00 90 0 00 10 0 0 0 15 00 0 00 0
10 000 9 000 8 000 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 -
Tout en maintenant ses allocations familiales universelles, le Québec a converti son allocation de disponibilité en une allocation de jeune enfant 95
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universelle, elle aussi pondérée en faveur des familles nombreuses. La mesure la plus spectaculaire était la création d’une allocation de naissance très généreuse à partir du troisième enfant. Il s’ensuivit un mini babyboom... qui s’est essoufflé vers 1993. La politique québécoise en vigueur au cours de cette période comportait cinq programmes distincts qui, au début, étaient bien coordonnés entre eux : – Allocations familiales universelles pour toutes les familles ; – Familles les plus pauvres : montants pour enfants à l’intérieur de l’aide sociale ; – Familles avec un faible salaire : programme APPORT ; – Familles ayant un revenu un peu plus élevé : réduction d’impôt à l’égard des familles visant à lisser la transition d’une charge fiscale négative vers une charge positive ; – Familles à revenu plus élevé : crédits d’impôt non remboursables. L’indexation ou la bonification de certains programmes seulement commençait déjà en 1990 à miner cette coordination (voir graphique). Particulièrement chez les familles biparentales, les familles ayant un revenu d’emploi de 35 000 $ recevaient davantage que les familles gagnant 30 000 $. Ce phénomène s’est aggravé au cours de la période suivante. 1997 à 2004 : accent sur le travail des femmes et la conciliation emploifamille Constatant que le nombre de naissances était en chute, le gouvernement a donné un coup de gouvernail assez radical en abolissant les allocations de naissances et de jeunes enfants et en restreignant les allocations familiales aux familles les plus pauvres afin de pouvoir investir l’argent ainsi récupéré dans les services de garde à 5 $. Québec a aussi annoncé que les besoins essentiels de tous les enfants des familles à faible revenu, y inclus les bénéficiaires de l’aide sociale, seraient assurés par une combinaison des prestations du Québec et de la PFCE, une politique poursuivie encore aujourd’hui. Le programme APPORT continuait d’exister mais n’était pas indexé alors que les allocations familiales n’étaient pas toujours indexées. L’ensemble de ces politiques signifiait des pertes qui pouvaient atteindre plusieurs milliers de dollars pour les familles qui avaient un revenu inférieur à 96
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Chapitre 5. Les programmes et les mesures de soutien financier aux familles
40 000 $. De plus, les familles ayant un revenu entre environ 15 000 $ et 40 000 $ se trouvaient laissées pour compte puisqu’elles étaient trop « riches » pour bénéficier du programme APPORT et des allocations familiales mais trop pauvres pour profiter des crédits d’impôt. Notons, finalement, que l’instauration des services de garde à 5 $ a soulagé les familles à revenu moyen et élevé, mais pas les familles à gains modestes qui, auparavant, payaient moins de 5 $ en raison de l’aide financière et du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde. 2005 à aujourd’hui : un réinvestissement notable et une simplification des programmes En 2003, le mouvement des femmes a convaincu le ministre des Finances d’utiliser une partie importante des réductions d’impôt promises pour corriger les anomalies apparentes dans le programme de soutien financier aux familles. En 2005, quatre programmes (APPORT, allocations familiales, réduction d’impôt à l’égard de la famille et crédits non remboursables pour enfants) ont été remplacés par le soutien aux enfants et la prime au travail. La réforme de 2005 représente, d’une part, une augmentation de l’ordre de 790 millions de dollars aux programmes de soutien aux familles à salaire modeste et, d’autre part, un rétablissement de la logique du système. Ainsi, les montants accordés par la prime au travail augmentent pour les familles qui font l’effort de quitter l’aide sociale et diminuent ensuite jusqu’au point où le soutien aux enfants commence à diminuer. En même temps, on a rétabli le principe d’une contribution plus importante à partir du troisième enfant. Les nouveaux programmes ont l’avantage aussi d’être plus simples que les anciens et de comporter un taux marginal d’imposition implicite (voir section la 8.1) beaucoup plus bas pour les familles à revenu faible. En particulier, la prime au travail est réellement accessible, ce qui n’était pas le cas du programme APPORT.
Quelques mots de conclusion La réforme de 2005 du Québec a eu pour effet non seulement d’accroître l’aide de façon substantielle, mais aussi de simplifier les programmes et de réduire les interactions indésirables.
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Par contre, le gouvernement conservateur fédéral a commencé à multiplier les programmes (PUGE, Prestation pour revenu du travail, crédits d’impôt pour enfants), créant de nouvelles versions de programmes qui ont été abolis au cours des années 1990. Ce bref historique démontre que les programmes visant les familles sont souvent prisés par les partis politiques, provinciaux comme fédéraux, soit pour répondre à des problématiques sociales perçues, notamment la chute de la natalité et le vieillissement de la population, soit pour soutenir la famille traditionnelle ou, au contraire, pour promouvoir le travail des femmes. Les réformes ne vont pas toujours dans le sens d’améliorer les situations des familles. Si l’on veut une société soucieuse du bien-être de ses enfants, il y a donc lieu d’être vigilant.
i Voir Rapport du Groupe d’études sur la garde des enfants, Condition féminine Canada, 1986, pour une description des politiques de services de garde en vigueur dans les provinces au milieu des années 1980.
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« L’argent est une richesse qui passe ; les enfants, une richesse qui reste. » Proverbe chinois
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Chapitre 6
La méthodologie
En vue de déterminer le soutien financier global dont bénéficient les familles québécoises, nous avons calculé les impôts sur les revenus fédéral et québécois ainsi que les cotisations sociales payées, tout en tenant compte des prestations reçues pour des revenus familiaux allant de 0 $ à 200 000 $1. Cet exercice a été fait pour les années 2000 à 2008 inclusivement. Les calculs sont effectués principalement pour les situations familiales suivantes2 : – Une famille monoparentale avec un enfant que nous comparons au besoin avec une personne vivant seule ; – Un couple avec deux enfants que nous comparons au besoin avec un couple sans enfant.
1. Le terme « prestations » comprend ici l’ensemble des prestations, qu’elles soient sous forme de dépenses budgétaires ou fiscales. Les revenus considérés sont des revenus de salaires uniquement. 2. Dans tous les cas, les contribuables sont réputés avoir moins de 65 ans.
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Les enfants ont moins de cinq ans et fréquentent un service de garde à contribution réduite, donc les frais de garde sont de 1 750 $ par enfant3. Lorsque nous parlons d’un couple, nous considérons un couple où les deux conjoints travaillent et où la répartition du revenu familial entre ces conjoints est de 60 % pour l’un et de 40 % pour l’autre. Le soutien financier est en fait l’écart entre le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations d’une famille formée d’un couple avec deux enfants et celui du même couple au même revenu mais sans enfant. De la même façon, le soutien financier d’une famille monoparentale est l’écart entre son revenu après impôts, cotisations sociales et prestations et celui d’une personne seule avec le même revenu de travail. La définition du soutien financier aux familles à retenir pour la lecture des prochains chapitres est donc la suivante : Soutien financier aux familles
=
Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations d’un ménage avec enfants avec un revenu familial de x $
(–)
Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations d’un ménage sans enfant avec un revenu familial de x $
Mesures et programmes inclus dans les calculs de 2000 à 2008 La figure suivante illustre les mesures et les programmes liés à la présence d’enfants qui ont été pris en compte dans les calculs pour les années 2000 à 2008.
3. Le choix de déterminer que les enfants ont tous moins de 5 ans va augmenter le montant des prestations car, lorsque les enfants atteignent 6 ans, les familles ne reçoivent plus la PUGE. De plus, les familles sans revenus reçoivent des prestations d’aide sociale bonifiées car elles ont droit à un supplément pour « contrainte temporaire à l’emploi » si elles ont un enfant de moins de 5 ans.
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Chapitre 6. La méthodologie
Figure 22 Principales mesures prises en compte, 2000 à 2008
Mesures et programmes exclus des calculs Les cotisations au Régime d’assurance médicaments du Québec sont exclues. Cette exclusion se justifie par l’obligation, pour les contribuables, d’avoir un régime d’assurance médicaments, mais ceux-ci ont le choix entre un régime privé ou le régime public. Donc, que le régime soit privé ou public, les contribuables paient pour une assurance de toute façon, même si le calcul de la prime diffère. De plus, en 2007, les deux tiers 103
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
des personnes de moins de 65 ans cotisaient à un régime privé4. Le crédit « remboursement d’impôts fonciers » et l’allocation-logement sont aussi exclus à cause du grand nombre d’hypothèses qu’il aurait fallu poser pour les calculer et de leurs importances globales négligeables même si individuellement elles peuvent réellement compter. Finalement, le crédit remboursable pour frais de garde d’enfants au Québec est indirectement exclu, car l’hypothèse retenue est celle de l’utilisation de services de garde à contribution réduite. Les résultats obtenus permettent de mesurer plusieurs éléments : – le revenu après impôts, – le revenu après impôts et prestations, – le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations, – le revenu après impôts, cotisations sociales, prestations et frais de garde, – le soutien financier et son évolution selon l’augmentation du revenu familial, – la charge fiscale déterminée par les impôts moins les prestations en pourcentage du revenu familial, – la charge fiscale nette déterminée par les impôts et les cotisations sociales moins les prestations en pourcentage du revenu familial. La figure 23 illustre bien la façon de mesurer les différents types de revenus.
4. Notre calcul en utilisant les données de l’ISQ pour la population et celles de la Régie de l’assurance maladie du Québec pour le nombre d’assurés au régime public d’assurance médicaments.
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Chapitre 6. La méthodologie
Figure 23 Définitions des revenus Revenu familial de travail (-) Impôts payés sur le revenu Revenu familial aprè après impôts (+) Prestations familiales reçues Revenu familial aprè après impôts et prestations (-) Cotisations sociales versées Revenu familial aprè après impôts, cotisations et prestations (-) Frais de garde déboursés Revenu familial aprè après impôts, cotisations, prestations et frais de garde
Cas de deux familles types À l’aide d’exemples, le tableau 15 illustre les calculs effectués pour deux familles types. D’abord, un couple avec deux enfants de moins de 5 ans et, ensuite, une famille monoparentale avec un enfant de moins de 5 ans. Pour ces exemples, nous utilisons un revenu familial représentatif, issu des données statistiques sur les familles, de 75 000 $ pour le couple et de 25 000 $ pour la famille monoparentale. Ainsi, en 2008, le couple paiera des impôts (fédéral et provincial) de 14 152 $ et recevra 5 669 $ en aides fiscales liées à la présence d’enfants. Cette famille reçoit une partie de la PFCE, la totalité de la PUGE et un crédit de soutien aux enfants qui est plus faible que le maximum (qui serait de 3 174 $) mais supérieur au minimum (1 142 $). Ayant des revenus excédant les seuils, le 105
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couple n’a toutefois plus droit au crédit de TPS, au crédit de TVQ, à la prime au travail et à la prestation fiscale pour le revenu de travail. Le revenu familial après impôts et prestations est donc de 66 517 $, représentant une charge fiscale de 11,3 %5. Si l’on ajoute les cotisations sociales payées, le taux de charge fiscale nette est de 17,6 %. Il est également possible de constater qu’après impôts, cotisations sociales et prestations, le revenu disponible de cette famille atteindrait près de 62 000 $ pour un revenu de travail de 75 000 $. La famille monoparentale quant à elle paiera des impôts (fédéral et provincial) de 1 833 $. Les prestations reçues, découlant de la présence de l’enfant, totalisent 8 851 $. Elles sont composées des montants maximums du crédit pour la TPS, du crédit pour la TVQ et du crédit de soutien aux enfants. La famille reçoit évidemment la PUGE et la totalité de la PFCE de base et une bonne partie du supplément. Elle n’a pas perdu la totalité de la prime au travail, mais ne reçoit aucune prestation fiscale pour le revenu de travail. En bout de ligne, son revenu après impôts et prestations est de 32 018 $, équivalant à une charge fiscale négative de 28,1 %6. Si l’on ajoute les cotisations sociales payées, le taux de charge fiscale nette est de –22,0 %. Ainsi, même en tenant compte des impôts, cotisations sociales et prestations, son revenu disponible serait de près de 5 500 $ supérieur à son revenu de travail de 25 000 $.
5. Soit (impôts – prestations) / revenu brut ou (14 152 $ – 5 669 $) / 75 000 = 11,3 %. 6. Soit (1 833 $ – 8 851 $) / 25 000 $ = –28,1 %.
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Chapitre 6. La méthodologie
Tableau 15 Impôts, cotisations et prestations pour deux familles types, Québec, 2008
Revenu brut (travail) Impôts sur le revenu Québec Fédéral Total impôts Revenu après impôts Aides fiscales fédérales Prestation fiscale canadienne pour enfants Prestation universelle pour garde d’enfants Prestation fiscale pour le revenu de travail Crédit pour TPS Aides fiscales fédérales Aides fiscales Québec Crédit de soutien aux enfants Prime au travail Crédit pour TVQ Aides fiscales québécoises Revenu après impôts et prestations Taux de charge fiscale
Cotisations sociales Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations Taux de charge fiscale nette
Frais de garde Revenu après impôts, cotisations sociales, prestations et frais de garde
Couple avec deux enfants 75 000 $
Monoparentale avec un enfant 25 000 $
8 238 5 914 14 152 60 848
$ $ $ $
1 750 83 1 833 23 167
$ $ $ $
1 269 2 400 3 669
$ $ $ $ $
3 093 1 200 611 4 904
$ $ $ $ $
2 000 2 000
$ $ $ $
2 857 798 292 3 947
$ $ $ $
66 517 $ 11,3 %
32 018 $ -28,1 %
4 686 $
1 525 $
61 831 $
30 493 $
17,6 %
-22,0 %
3 500 $
1 750 $
58 331 $
28 743 $
Note : Le crédit d’impôt fédéral pour enfants à charge, la déduction fédérale pour frais de garde et les impôts à payer sur la PUGE sont inclus dans les calculs des impôts sur le revenu.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Au-delà du soutien financier : soutenir les familles tous azimuts
Point de vue de Marcelin Joanis Marcelin Joanis est professeur au Département d’économique de l’Université de Sherbrooke et membre du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) et du Groupe de recherche en économie et développement international (GREDI). Titulaire d’un doctorat de l’université de Toronto, ses travaux de recherche en économie publique portent sur les finances publiques, l’analyse des politiques publiques et les choix collectifs.
Avec le vieillissement de la population qui occasionnera des pressions significatives sur les finances publiques de la plupart des pays industrialisés au cours des décennies à venir, le soutien financier aux familles est souvent invoqué comme un moyen privilégié d’atténuer le « choc démographique ». La logique est simple : comme fonder une famille a un coût, réduire celui-ci devrait encourager les ménages à avoir plus d’enfants. Au Canada, tant les gouvernements provinciaux que le gouvernement fédéral ont appuyé sur l’accélérateur dans le domaine du soutien financier aux familles au cours des dernières années. Mentionnons seulement la mise en place, en 2005, du Soutien aux enfants par le gouvernement du Québec, qui est un chef de file en matière de politique familiale en Amérique du Nord. Le parti pris récent des gouvernements occidentaux en faveur du soutien financier aux familles peut toutefois étonner lorsque l’on sait que ses effets sur la natalité ont tendance à être relativement faibles, voire inexistants à long termei. Si ce n’est pas pour stimuler la natalité, pourquoi alors soutient-on la famille ? Au-delà de la volonté souvent affichée de stimuler la natalité, le soutien financier aux familles se justifie d’abord et avant tout par un motif de redistribution.
Le soutien financier comme outil de redistribution L’un des grands objectifs de notre système fiscal est de réduire les inégalités de bien-être économique entre les individus. Or, avec le même niveau de revenu, un couple avec enfants a nécessairement un niveau de consommation inférieur à celui d’un couple sans enfant, une part impor108
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tante de son revenu devant être canalisée vers la consommation générée par leurs enfants. Il est donc justifié, du point de vue de l’équité, de redistribuer les ressources des couples sans enfant vers les couples avec enfants. Quantifier le soutien financier aux familles à la manière de ce qui est fait dans le présent ouvrage représente un exercice très utile puisqu’il permet de mesurer à quel point les gouvernements fédéral et québécois combinés redistribuent la richesse entre les ménages de différentes compositions. En particulier, ce soutien financier aux ménages avec enfants a pour effet de gommer une partie des inégalités de bien-être économique entre enfants favorisés et enfants défavorisés. Le soutien financier à la famille constitue en outre un outil essentiel de redistribution dans un système fiscal qui, comme le nôtre mais contrairement par exemple au système français, est basé sur l’individu et non sur le ménage. En effet, au Québec et au Canada, c’est le revenu individuel qui entre dans le calcul de l’impôt sur le revenu et non, généralement parlant, le revenu familial. Or, les caractéristiques du ménage auquel un individu appartient ont un effet direct sur son niveau de bien-être économique et sur sa position dans la distribution des revenusii. Les mesures de soutien financier aux familles, fondées principalement sur le revenu familial, viennent pallier cette lacune d’un système fiscal fondé sur l’individu.
Influencer les décisions de natalité Cependant, à la lumière de la littérature scientifique sur le sujet, force est d’admettre que le seul soutien financier à la famille semble insuffisant pour influer significativement et durablement sur la décision d’avoir un nouvel enfant. En effet, si la quantification du soutien financier aux familles fournit une indication du caractère redistributif du système fiscal sur la base de la composition des ménages, d’autres dimensions de la politique familiale doivent être prises en considération pour obtenir un portrait global du rôle des programmes gouvernementaux sur les décisions de natalité. Au-delà du soutien financier, c’est ici qu’interviennent les éléments-clés d’une politique familiale destinée à favoriser la natalitéiii. Les politiques familiales favorisant une plus grande flexibilité du marché du travail sont cruciales : congés parentaux, retour progressif au travail après une gros109
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
sesse, services de garde accessibles, retrait préventif, absences du travail pour consultations médicales (parents et enfants), lutte à la discrimination, protection du lien d’emploi pendant le congé parental, accommodements liés à l’allaitement, etc. Bien que ces programmes aient un coût financier qu’il est relativement facile à évaluer, c’est leur valeur aux yeux des parents – et surtout des futurs parents – qui peut être déterminante dans la décision d’avoir ou non un nouvel enfant. Ces programmes sont aujourd’hui au premier plan des politiques familiales dans un environnement économique où la majorité des femmes participent au marché du travail après la naissance de leurs enfants. Il est donc important de dresser un portrait global de l’ensemble des aides publiques à la famille, que celles-ci soient financières ou non. L’inclusion des mesures non financières dans un inventaire quantitatif des politiques susceptibles d’influencer la natalité est certes un exercice complexe, mais elle constitue la base d’une analyse économique complète de l’influence de l’État dans les décisions de natalité des ménages. Si l’objectif de la politique familiale québécoise dépasse la volonté de compenser les inégalités de bien-être économique liées à la présence d’enfants dans certains ménages, les interventions doivent vraisemblablement continuer à viser la dimension non financière de l’aide aux familles, notamment en ce qui a trait à la protection des mères faisant carrière dans le secteur privé. C’est en minimisant les effets des naissances sur les carrières des parents – plus que sur le budget des parents – que les politiques familiales seront réellement efficaces.
Le Québec, chef de file Avec les centres de la petite enfance (CPE) et des congés parentaux plus généreux qu’ailleurs, le gouvernement du Québec est devenu un chef de file nord-américain dans le soutien non financier aux familles. Tout en procédant à une évaluation continuelle de ses politiques familiales novatrices, Québec doit continuer dans cette voie. Les choix récents du gouvernement fédéral en matière de politique familiale ne vont toutefois pas toujours dans le sens des priorités retenues à Québec. Par exemple, en matière de services de garde, le gouvernement fédéral privilégie actuellement une aide financière directe aux parents pour compenser une part des dépenses qu’ils consacrent à la garde d’enfants (la PUGE). Cette orientation n’est généralement pas partagée par 110
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Chapitre 6. La méthodologie
le gouvernement du Québec, qui privilégie plutôt la mise en place d’un réseau de services de garde éducatifs à tarif réduit (les CPE). La PUGE, à l’instar de la déduction pour frais de garde qui figure dans la déclaration d’impôt fédéral, est donc de moins en moins pertinente pour les familles québécoises qui ont accès à une place à tarif réduit. De manière à contribuer le plus efficacement possible aux efforts du Québec dans un domaine qui relève de sa compétence constitutionnelle, le gouvernement fédéral devrait quant à lui consentir à un droit de retrait des programmes fédéraux destinés à la petite enfance (principalement axés sur le soutien financier) avec pleine compensation sous forme d’espace fiscal pour les provinces qui le désirent. Dans un contexte de pressions croissantes sur les finances publiques liées à la transition démographique, les dédoublements et autres chicanes fédérales-provinciales doivent céder le pas à la mise en place de politiques familiales éprouvées et susceptibles d’influer réellement sur les décisions de natalité des ménages. Il en va de notre capacité collective à faire face au choc démographique. i Pour une discussion dans le contexte québécois, voir le point de vue de Daniel Parent dans le présent ouvrage. ii L’effet de la composition des ménages sur la distribution des revenus et sur l’action redistributive du système fiscal canadien est analysé en détails par Marcelin Joanis et Edgard Rodriguez dans The Contribution of Labour Markets, Demographics and Public Redistribution to Inequality : A Decomposition Analysis for Canada, 1986-1996 (Finances Canada, 2001). iii Les éléments non financiers de la politique familiale au Québec sont décrits au chapitre 4 de ce livre.
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Chapitre 7
Le soutien financier aux familles en 2008
À partir de la méthodologie exposée au chapitre 6, le présent chapitre expose le soutien financier offert aux familles québécoises en 2008, en faisant ressortir les éléments que nous avons jugés les plus significatifs1. Les résultats sont présentés d’abord pour un couple avec deux enfants, puis pour une famille monoparentale avec un enfant. Pour faciliter la lecture, les résultats des familles monoparentales sont présentés sur un fond grisé. 7.1 Les ressources financières minimales d’un ménage au Québec En calculant le revenu après impôts et prestations des familles n’ayant aucun revenu, nous obtenons ce que nous appellerons les ressources financières minimales. Les calculs sont effectués pour un couple avec deux enfants et un couple sans enfant ainsi que pour une famille monoparentale 1. Des tableaux montrent les résultats détaillés par tranche de 10 000 $ pour 2008 à l’annexe 2.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
avec un enfant et une personne seule. Dans le cas des familles avec enfants, étant donné que les parents n’ont aucun revenu de travail, aucuns frais de garde ne sont alors considérés. Les familles sans revenu reçoivent l’aide sociale, les crédits remboursables pour taxe de vente et, pour les familles avec enfants, s’ajoutent les prestations liées à la présence des enfants. La figure 24 présente les ressources financières minimales pour un couple avec deux enfants et aussi pour le même couple sans enfant. Alors que les ressources financières minimales d’un couple avec deux enfants sans revenu s’élèvent à 24 779 $, le couple sans enfant se contente de 11 116 $. Donc, en 2008, la présence d’enfants majore significativement les ressources financières minimales. En effet, celles du couple avec deux enfants représentent plus du double de celles du couple sans enfant. Figure 24 Revenus après impôts et prestations d’un couple avec deux enfants en regard d’un couple sans enfant, sans revenu de travail, Québec, 2008 24 779 $
13 663 $
11 116 $
Ajout des deux enfants Couple sans enfant
Ressources financières minimales
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Pour la famille monoparentale avec un enfant, les résultats sont similaires. En effet, la figure 25 indique que ses ressources financières minimales sont de 16 332 $ comparativement à 7 170 $ pour la personne seule. Donc, comme c’était le cas pour les familles biparentales, en 2008, la présence d’un enfant fait plus que doubler les ressources financières minimales de la famille monoparentale. Figure 25 Revenus après impôt et prestations d’une famille monoparentale avec un enfant en regard d’une personne seule, sans revenu de travail, Québec, 2008 16 332 $
9 162 $ Ajout de l’enfant 7 170 $
Personne sans enfant
Ressources financières minimales
7.2 Le passage de bénéficiaire net à contributeur net Dans la présente section, une famille appelée « bénéficiaire net » est une famille pour laquelle le revenu après impôts et prestations est plus élevé que le revenu de travail gagné. À l’inverse, une famille appelée « contributeur net » est une famille où le revenu après impôts et prestations est plus faible que le revenu de travail gagné.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Le revenu auquel la famille passe d’un état à l’autre, donc pour laquelle le revenu après impôts et prestations est égal au revenu de travail, donne une indication intéressante. Autrement dit, il s’agit du seuil à partir duquel les impôts sur le revenu versés au trésor public par une famille excéderont les prestations financières reçues par cette dernière2. On peut en effet considérer ce seuil comme le moment auquel la famille devient un contributeur net au financement des dépenses de l’État par l’intermédiaire de l’impôt sur le revenu. La figure 26 présente ces seuils pour les couples avec et sans enfant. En 2008, le seuil est égal à un revenu de 28 194 $ pour un couple sans enfant alors qu’il est de 53 138 $ pour un couple avec deux enfants. Ainsi, un couple avec deux enfants peut gagner 24 944 $ de plus en revenu de salaire avant d’atteindre le seuil d’imposition net nul. Figure 26 Seuils où le couple avec deux enfants et celui sans enfant passent de bénéficiaire net à contributeur net, Québec, 2008 53 138 $
24 944 $ Ajout des deux enfants Couple sans enfant 28 194 $
Seuils 2. Rappelons qu’ici nous ne tenons compte que des impôts sur le revenu payés aux gouvernements fédéral et québécois sans égard aux cotisations sociales versées à différents organismes publics, comme le Régime de rentes du Québec, le Régime québécois d’assurance parentale ou l’assurance-emploi.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Pour une personne seule, le seuil de passage de bénéficiaire net à contributeur net est à 15 918 $ et il est à 38 218 $ pour une famille monoparentale avec un enfant (figure 27). La présence de l’enfant repousse donc le seuil d’imposition net nul de 22 300 $. Figure 27 Seuils où la famille monoparentale et la personne seule passent de bénéficiaire net à contributeur net, Québec, 2008 38 218 $
22 300 $
Ajout de l’enfant Personne sans enfant
15 918 $
Seuils
7.3 L’existence d’un soutien financier aux familles avec enfants Évidemment, lorsque les contribuables québécois travaillent, ils doivent, en plus de payer des impôts sur le revenu, contribuer à divers régimes de cotisations sociales. Même si ces cotisations n’affectent pas le soutien financier auquel les familles ont droit, car elles ne sont pas modulées selon la structure familiale, elles réduisent néanmoins le revenu disponible. Pour cette raison, nous les intégrons maintenant à l’analyse.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Rappelons que le soutien financier des familles est l’écart de revenus après impôts, cotisations sociales et prestations pour des familles avec et sans enfant à revenus identiques3. Couple avec enfants versus sans enfant La figure 28 présente le revenu familial disponible après impôts, cotisations sociales et prestations d’un couple avec deux enfants selon cinq situations de revenu de travail. Le cas le plus frappant survient lorsque le revenu de travail du couple avec deux enfants s’élève à 25 000 $. Dans ce cas, le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations atteint 38 648 $, soit un taux de charge fiscale nette négatif de 55 %. Avec un revenu disponible après impôts, cotisations sociales et prestations légèrement inférieur au revenu de travail gagné, le taux de charge fiscale nette de la famille est de 4 % pour un revenu familial de 50 000 $. Puis, dans le cas de la famille biparentale gagnant 75 000 $, le revenu disponible après impôts, cotisations sociales et prestations est de 61 830 $ (taux de 18 %). Figure 28 Revenu disponible après impôts, cotisations sociales et prestations – Couple avec deux enfants selon cinq situations de revenu de travail, Québec, 2008 75 496 $ 61 830 $ 48 071 $ 38 648 $ 24 779 $
-$
25 000 $
50 000 $
75 000 $
100 000 $
3. Les tableaux 16 et 17 aux pages 126 et 127 présentent les résultats détaillés pour un couple sans enfant comparés à un couple avec deux enfants puis pour une personne seule versus une famille monoparentale avec un enfant, et ce, pour cinq situations de revenu.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
La figure 29 montre le revenu de travail qu’un couple sans enfant doit obtenir afin d’avoir le même revenu après impôts, cotisations et prestations calculés à la figure précédente pour le couple avec deux enfants. On constate rapidement que dans les situations de faibles revenus, le revenu de travail nécessaire au couple sans enfant est significativement plus élevé que celui du couple avec deux enfants. Pour obtenir un revenu disponible après impôts, cotisations sociales et prestations de 38 648 $, le revenu de travail nécessaire pour un couple avec deux enfants est de 25 000 $ alors que le couple sans enfant doit gagner un revenu familial de 47 730 $, un écart de 22 730 $. Par contre, l’écart de revenu de travail nécessaire entre un couple avec et sans enfant diminue au fur et à mesure que le revenu familial augmente. En effet, pour obtenir un revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de 61 830 $, le couple sans enfant doit avoir un revenu de travail supérieur de 9 430 $. Figure 29 Revenu de travail nécessaire pour obtenir un certain revenu après impôts, cotisations sociales et prestations – Couple avec et sans enfant, Québec, 2008 106 790 $ 100 000 $
Couple avec deux enfants
84 430 $ 75 000 $
Couple sans enfant
62 100 $ 50 000 $ 47 730 $ 25 860 $ 25 000 $ -$
24 779 $
38 648 $
48 071 $
61 830 $
75 496 $
Revenu après impôts, cotisations et prestations
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
La figure 30 montre le soutien financier d’un couple avec deux enfants. Ainsi, à 25 000 $ de revenu familial, le montant supplémentaire dont dispose le couple avec deux enfants est de 14 610 $. Cet écart est plutôt de 7 934 $ pour un revenu familial de 50 000 $ alors qu’il s’élève à 5 934 $ dans le cas d’une famille représentative gagnant 75 000 $ de revenu de travail. Figure 30 Valeur du soutien financier aux familles – Couple avec deux enfants selon cinq situations de revenus, Québec, 2008 13 663 $
14 610 $
7 934 $ 5 934 $ 4 044 $
-$
25 000 $
50 000 $
75 000 $
100 000 $
Enfin, la figure 31 met en perspective la valeur du soutien financier qu’une famille reçoit en pourcentage du revenu après impôts, cotisations sociales et prestations du couple sans enfant, montrant ainsi ce qui reste de plus dans les poches de la famille avec enfants. On y constate que, pour un revenu familial de 25 000 $, le revenu disponible après impôts, cotisations sociales et prestations d’un couple avec deux enfants est supérieur de 61 % à celui du couple sans enfant. À 75 000 $ de revenu familial, la famille représentative bénéficie d’un écart favorable de 11 %.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Figure 31 Écart de revenu après impôts, cotisations sociales et prestations – Couple avec deux enfants versus sans enfant, cinq situations de revenus, Québec, 2008 (en % du revenu après impôts, cotisations et prestations du couple sans enfant) 123 %
61 %
20 %
-$
25 000 $
50 000 $
11 %
6%
75 000 $
100 000 $
Famille monoparentale avec un enfant versus personne seule Le même exercice a été fait pour une famille monoparentale en regard d’une personne seule. Ainsi, avec un revenu de travail de 25 000 $, le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations est de 30 493 $, donc un revenu disponible supérieur de 5 493 $ au revenu de travail gagné, conduisant à un taux de charge fiscale nette négatif de 22,0 %. Puis, pour un revenu de travail de 50 000 $, le revenu après impôts, cotisations et prestations est de 41 408 $, soit un taux de charge fiscale nette de 17,2 %.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Figure 32 Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations – Famille monoparentale avec un enfant, cinq situations de revenus, Québec, 2008 68 097 $ 55 266 $ 41 408 $ 30 493 $ 16 332 $
-$
25 000 $
50 000 $
75 000 $
100 000 $
La figure 33 montre le revenu de travail nécessaire qu’une personne seule doit obtenir afin d’avoir le même revenu après impôts, cotisations sociales et prestations calculés à la figure précédente pour la famille monoparentale. Pour obtenir un revenu disponible après impôts, cotisations sociales et prestations de 30 493 $, le revenu de travail nécessaire pour une famille monoparentale avec un enfant est de 25 000 $ alors qu’une personne seule doit gagner un revenu de 41 400 $, un écart de 16 400 $. L’écart diminue toutefois avec les hausses de revenus. En effet, pour obtenir un revenu après impôts, cotisations et prestations de 55 266 $, la personne seule doit avoir un revenu de travail supérieur de 7 776 $, comparativement à la famille monoparentale avec un enfant.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Figure 33 Revenu de travail nécessaire pour obtenir un certain revenu après impôts, cotisations sociales et prestations – Famille monoparentale avec un enfant et personne seule, Québec, 2008
Monoparentale avec un enfant Personne seule
106 410 $ 100 000 $ 82 776 $ 75 000 $
59 460 $ 50 000 $ 41 400 $ 25 000 $ 17 925 $ -$
16 332 $
30 493 $
41 408 $
55 266 $
68 097 $
Revenus après impôts, cotisations et prestations
La figure 34 montre le soutien financier obtenu pour un enfant dans le cas d’une famille monoparentale. Ce soutien financier s’élève à 9 524 $ lorsque le revenu de travail est de 25 000 $. À 50 000 $, le soutien financier est de 5 795 $ et il est de 4 287 $ pour un revenu de travail de 75 000 $.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Figure 34 Soutien financier aux familles – Famille monoparentale avec un enfant, pour cinq situations de revenu, Québec, 2008
9 162 $
9 524 $
5 795 $ 4 287 $
-$
25 000 $
50 000 $
75 000 $
3 480 $
100 000 $
La valeur du soutien financier qu’une famille monoparentale reçoit à 25 000 $ de revenu de travail fait en sorte que son revenu après impôts, cotisations sociales et prestations est 45 % plus élevé que celui de la personne seule. Ce pourcentage passe à 16 % lorsque le revenu de travail atteint 50 000 $ et à 8 % quand il atteint 75 000 $.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Figure 35 Écart de revenu après impôts, cotisations sociales et prestations – Famille monoparentale versus personne seule, pour cinq situations de revenu, Québec, 2008 (en % du revenu après impôts, cotisations et prestations de la personne seule)
128 %
45 % 16 %
-$
25 000 $
50 000 $
8%
5%
75 000 $
100 000 $
Les tableaux 16 et 17 présentent les résultats détaillés pour un couple avec ou sans enfant ainsi que pour une personne seule versus une famille monoparentale, pour cinq situations de revenu. Pour chacune de ces situations, il est possible de voir les impôts sur le revenu payés, les cotisations sociales versées ainsi que les prestations reçues. L’écart entre les situations avec ou sans enfant permet de déterminer le soutien financier propre à chacune des situations de revenus.
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Revenu brut (de travail)
0 enfant -$
2 enfants -$
0 enfant 2 enfants 25 000 $ 25 000 $
0 enfant 2 enfants 50 000 $ 50 000 $
0 enfant 2 enfants 75 000 $ 75 000 $
0 enfant 2 enfants 100 000 $ 100 000 $
Impôts sur le revenu Québec Fédéral Total impôts
-$ -$ -$
-$ -$ -$
-$ 443 $ 443 $
58 $ -$ 58 $
3 594 $ 3 221 $ 6 815 $
3 978 $ 2 572 $ 6 550 $
7 854 $ 6 563 $ 14 417 $
8 238 $ 5 914 $ 14 152 $
12 514 $ 10 601 $ 23 115 $
12 994 $ 9 888 $ 22 882 $
Revenus après impôts
-$
-$
24 557 $
24 942 $
43 185 $
43 450 $
60 583 $
60 848 $
76 885 $
77 118 $
Aides fiscales fédérales Prestation fiscale canadienne pour enfants Prestation universelle pour la garde d’enfants Prestation fiscale pour le revenu de travail Crédit pour TPS Aides fiscales fédérales
484 484
$ $ $ $ $
6 431 2 400 738 9 569
$ $ $ $ $
484 484
$ $ $ $ $
6 382 2 400 738 9 520
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
2 269 2 400 4 669
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
1 269 2 400 3 669
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
269 2 400 2 669
$ $ $ $ $
Aides fiscales Québec Crédit de soutien aux enfants Prime au travail Crédit pour TVQ Aide sociale Aides fiscales québécoises
348 10 284 10 632
$ $ $ $ $
3 174 348 11 688 15 210
$ $ $ $ $
348 348
$ $ $ $ $
3 174 2 015 348 5 537
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
3 000 3 000
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
2 000 2 000
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
1 142 1 142
$ $ $ $ $
Revenu après impôts et prestations
11 116 $
24 779 $
25 389 $
39 999 $
43 185 $
51 119 $
60 583 $
66 517 $
76 885 $
80 929 $
-$
-$
1 351 $
1 351 $
3 049 $
3 049 $
4 687 $
4 687 $
5 433 $
5 433 $
11 116 $
24 779 $
24 038 $
38 648 $
40 137 $
48 071 $
55 896 $
61 830 $
71 452 $
75 496 $
Cotisations sociales (RRQ, RQAP et AE) Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations Soutien = Écart de revenu lorsqu'il y a deux enfants
13 663 $
14 610 $
7 934 $
5 934 $
4 044 $
Note : Les résultats d’impôts sur le revenu incluent naturellement l’impôt sur la prestation universelle pour la garde d’enfants, la déduction fédérale pour frais de garde d’enfants et le crédit fédéral pour enfants à charge.
Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
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Tableau 16 Calcul des impôts, cotisations sociales et prestations pour un couple avec ou sans enfant, selon cinq situations de revenus, 2008
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Tableau 17 Calcul des impôts, cotisations sociales et prestations pour une personne seule et pour une famille monoparentale avec un enfant, selon cinq situations de revenus, 2008 0 enfant -$
1 enfant -$
0 enfant 25 000 $
1 enfant 25 000 $
0 enfant 50 000 $
1 enfant 50 000 $
0 enfant 75 000 $
1 enfant 75 000 $
0 enfant 100 000 $
1 enfant 100 000 $
Impôts sur le revenu Québec Fédéral Total impôts
-$ -$ -$
-$ -$ -$
1 558 $ 1 610 $ 3 168 $
1 750 $ 84 $ 1 834 $
6 257 $ 5 284 $ 11 541 $
6 497 $ 3 725 $ 10 222 $
11 257 $ 9 871 $ 21 128 $
11 505 $ 8 312 $ 19 817 $
17 217 $ 15 273 $ 32 490 $
17 505 $ 13 696 $ 31 201 $
Revenu après impôts
-$
-$
21 832 $
23 166 $
38 459 $
39 778 $
53 872 $
55 183 $
67 510 $
68 799 $
Revenu brut (de travail)
242 242
$ $ $ $ $
3 332 1 200 611 5 143
$ $ $ $ $
369 369
$ $ $ $ $
3 093 1 200 611 4 904
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
1 100 1 200 2 300
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
600 1 200 1 800
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
100 1 200 1 300
$ $ $ $ $
Aides fiscales Québec Crédit de soutien aux enfants Prime au travail Crédit pour TVQ Aide sociale Aides fiscales québécoises
292 6 636 6 928
$ $ $ $ $
2 857 292 8 040 11 189
$ $ $ $ $
292 292
$ $ $ $ $
2 857 798 292 3 947
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
2 176 2 176
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
1 176 1 176
$ $ $ $ $
-
$ $ $ $ $
891 891
$ $ $ $ $
Revenu après impôts et prestations
7 170 $
16 332 $
22 493 $
32 017 $
38 459 $
44 254 $
53 872 $
58 159 $
67 510 $
70 990 $
-$
-$
1 524 $
1 524 $
2 846 $
2 846 $
2 893 $
2 893 $
2 893 $
2 893 $
7 170 $
16 332 $
20 969 $
30 493 $
35 613 $
41 408 $
50 979 $
55 266 $
64 617 $
68 097 $
Cotisations sociales (RRQ, RQAP et AE) Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations
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Soutien = Écart de revenu lorsqu'il y a un enfant
9 162 $
9 524 $
5 795 $
4 287 $
3 480 $
Note : Les résultats d’impôts sur le revenu incluent naturellement l’impôt sur la prestation universelle pour la garde d’enfants, la déduction fédérale pour frais de garde d’enfants et le crédit fédéral pour enfants à charge.
Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Aides fiscales fédérales Prestation fiscale canadienne pour enfants Prestation universelle pour la garde d’enfants Prestation fiscale pour le revenu de travail Crédit pour TPS Aides fiscales fédérales
Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Illustration du soutien financier des familles avec enfants Les figures 36 et 37 illustrent respectivement, pour un couple avec deux enfants puis pour une famille monoparentale avec un enfant, ce que les familles reçoivent comme soutien financier, au fur et à mesure que le revenu familial progresse, et ce, pour chacune des mesures de soutien. Les graphiques permettent de faire les constats suivants : – Initialement le soutien financier augmente lorsque le revenu de travail s’accroît étant donné que certaines mesures cherchent à augmenter l’incitation au travail. – Une bonne proportion des mesures sont modulées en fonction des revenus c’est-à-dire qu’elles diminuent ensuite lorsque le revenu augmente. Certaines diminuent même jusqu’à zéro. – Enfin, le graphique illustre qu’une partie des mesures s’appliquent de manière universelle. Figure 36 Cumul des mesures de soutien financier aux familles selon le revenu familial pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 16 000 $ 14 000 $
Aide sociale Prime au travail Crédit de soutien aux enfants Prestation universelle pour la garde d’enfants Déduction fédérale pour frais de garde Prestation fiscale pour le revenu de travail Crédit pour la TPS Crédit d’impôt fédéral pour enfants Prestation fiscale canadienne pour enfants
12 000 $ 10 000 $ 8 000 $ 6 000 $ 4 000 $ 2 000 $
00 0
00 0
20 0
00 0
19 0
00 0
18 0
00 0
17 0
00 0
16 0
00 0
15 0
00 0
14 0
00 0
13 0
12 0
00 0
00 0
11 0
00 0
00 0
00 0
00 0
00 0
10 0
90
80
70
60
50
00 0
00 0
00 0 40
30
20
00 0 10
0
-$
Note : Après 200 000 $, la déduction fédérale pour frais de garde et la prestation universelle pour la garde d’enfants nette varieront encore quelque peu. Au taux marginal d’imposition le plus élevé du couple, la valeur totale des aides sera de 3 743 $.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Figure 37 Cumul des mesures de soutien financier aux familles selon le revenu familial pour une famille monoparentale avec un enfant, Québec, 2008 Aide sociale Prime au travail Crédit de soutien aux enfants Prestation fiscale pour le revenu de travail Montant pour personne à charge admissible Prestation universelle pour la garde d’enfants Déduction fédérale pour frais de garde Crédit pour la TPS Crédit d’impôt fédéral pour enfants Prestation fiscale canadienne pour enfants
10 000 $
8 000 $
6 000 $
4 000 $
2 000 $
0 5 0 10 00 00 15 0 00 20 0 00 25 0 00 30 0 00 35 0 00 40 0 00 45 0 00 50 0 00 55 0 00 60 0 00 65 0 00 70 0 00 75 0 00 80 0 00 85 0 00 90 0 00 95 0 0 10 00 0 0 10 00 5 0 11 00 0 0 11 00 5 0 12 00 0 0 12 00 5 00 0
-$
7.4 La détermination du soutien financier selon le nombre d’enfants Dans la présente section, nous mesurons le soutien financier en faisant varier le nombre d’enfants de un à quatre. Pour effectuer ces calculs, les hypothèses suivantes sont considérées : Lorsqu’il y a un ou deux enfants : – ils ont moins de 5 ans ; – ils fréquentent un service de garde à contribution réduite, donc les frais de garde annuels déboursés sont de 1 750 $ par enfant. Lorsqu’il y a trois enfants : – deux enfants ont moins de 5 ans et l’autre a entre 5 et 12 ans ; 129
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
– les frais de garde annuels déboursés sont de 1 750 $ par enfant de moins de 5 ans et de 1 386 $ pour l’autre (service de garde à contribution réduite à l’école pendant l’année scolaire). Lorsqu’il y a quatre enfants : – deux enfants ont moins de 5 ans, un a entre 6 et 12 ans et le dernier a plus de 12 ans, mais moins de 18 ans ; – les frais de garde annuels déboursés sont de 1 750 $ par enfant de moins de 5 ans et de 1 386 $ pour celui qui a entre 6 et 12 ans, alors qu’il n’y a aucuns frais de garde pour le plus âgé. Encore une fois, pour déterminer le soutien, nous mesurons l’écart de revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de la famille avec enfants en regard de la famille sans enfant. Nous obtenons alors le soutien pour une famille avec un enfant, puis celui pour une famille avec deux enfants, etc. Le soutien financier annuel pour un couple selon le nombre d’enfants est présenté au tableau 18. Le soutien financier pour un couple sans revenu de travail s’élève à 8 179 $ lorsqu’il a un enfant alors qu’il atteint 22 765 $ en présence de quatre enfants. Le soutien financier diminue à la marge pour le deuxième enfant, car la bonification de l’aide sociale rattachée à la contrainte temporaire à l’emploi ne s’applique que pour le premier enfant alors que le crédit de soutien aux enfants et la PFCE sont moindres pour le deuxième enfant. La baisse marginale pour le troisième enfant s’explique par l’âge des enfants car seulement deux enfants donnent droit à la prestation universelle pour la garde d’enfants de 1 200 $ par enfant. Enfin, on note une hausse pour le quatrième enfant, car le crédit de soutien aux enfants est plus élevé pour le quatrième enfant que pour les deuxième et troisième. Dans les exemples présentés ici, c’est le couple avec un revenu familial de travail de 25 000 $ qui obtient le soutien financier cumulatif le plus élevé selon le nombre d’enfants. La plus 130
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
grande générosité au premier enfant s’explique essentiellement par la bonification de la prime au travail en présence d’enfants. Pour la famille représentative gagnant un revenu familial de 75 000 $, le soutien financier pour le deuxième enfant est également plus élevé que pour le premier enfant, contrairement aux trois premières situations de revenus. Cela s’explique principalement par le fait qu’à ces niveaux de revenus le crédit de soutien aux enfants accordé au premier enfant est loin du maximum possible alors que l’ajout du deuxième enfant fait plus que doubler ce montant de crédit de soutien aux enfants. Tableau 18 Soutien financier pour un couple selon le nombre d’enfants et selon cinq situations de revenus – Québec, 2008 Revenu
0$ par enf.
1 enfant
8 179 $
25 000 $ cumul par enf. 8 179 $
8 825 $
50 000 $
cumul par enf. 8 825 $
75 000 $
cumul par enf.
100 000 $
cumul par enf.
cumul
4 374 $
4 374 $
2 874 $
2 874 $
2 010 $
2 010 $
Ajout d’un 5 484 $ 13 663 $ 5 785 $ 14 610 $ 3 560 $ 2e enfant
7 934 $
3 060 $
5 934 $
2 034 $
4 044 $
Ajout d’un 4 287 $ 17 950 $ 4 429 $ 19 039 $ 3 126 $ 11 060 $ 3e enfant
2 940 $
8 874 $
2 858 $
6 902 $
Ajout d’un 4 815 $ 22 765 $ 4 815 $ 23 854 $ 3 366 $ 14 426 $ 4e enfant
3 239 $
12 113 $
3 239 $
10 141 $
Le tableau 19 présente le soutien financier selon le nombre d’enfants pour une famille monoparentale. Les résultats sont relativement similaires à ceux des familles biparentales, sauf principalement pour le premier enfant à cause des montants supplémentaires accordés à la famille monoparentale par le crédit de soutien aux enfants et par le crédit pour TPS. Une partie de l’explication provient aussi du crédit fédéral pour personne à charge admissible (anciennement équivalent de conjoint) auquel a droit la famille monoparentale pour un enfant. 131
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Tableau 19 Soutien financier pour une famille monoparentale selon le nombre d’enfants et selon cinq situations de revenus – Québec, 2008 Revenu
0$ par enf.
1 enfant
25 000 $ cumul par enf.
50 000 $
cumul par enf.
75 000 $
cumul par enf.
100 000 $
cumul par enf.
cumul
9 162 $
9 162 $
9 524 $
9 524 $
5 795 $
5 795 $
4 287 $
4 287 $
3 480 $
3 480 $
Ajout d’un 5 484 $ e 2 enfant
14 646 $
5 566 $
15 090 $
3 544 $
9 339 $
2 996 $
7 283 $
2 005 $
5 485 $
Ajout d’un 4 287 $ 3e enfant
18 933 $
4 336 $
19 426 $
3 206 $
12 545 $
3 021 $
10 304 $
2 863 $
8 348 $
Ajout d’un 4 815 $ e 4 enfant
23 748 $
4 815 $
24 241 $
3 367 $
15 912 $
3 240 $
13 544 $
3 239 $
11 587 $
7.5 Soutien financier reçu pour les enfants de 0 à 18 ans Le soutien financier reçu varie également selon l’âge des enfants. Par exemple, les parents n’ont plus droit à la prestation universelle de garde d’enfants lorsque leur enfant atteint 6 ans. Jusqu’à présent, nous avons, sauf indication contraire, calculé le soutien financier des familles en présence d’enfants de moins de 5 ans, exposant ainsi la situation la plus généreuse qui soit. Dans la présente section, nous calculons l’aide reçu pour les deux familles types de la naissance à l’atteinte de l’âge de la majorité des enfants. Il s’agit alors d’additionner, en utilisant le régime fiscal de 2008, le soutien financier reçu pendant les dix-huit années de vie des enfants. Nous supposons implicitement ici que la famille recevrait le soutien financier déterminé selon le régime en vigueur en 2008 pour les 18 années des enfants4.
4.
Les montants ne sont pas actualisés.
132
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Les hypothèses sous-jacentes à nos calculs sont les sui vantes : – La première année de vie de leur enfant, les parents n’ont aucuns frais de garde. – De 1 an à 5 ans, les frais de garde payés sont de 1 750 $ par enfant par année. – De 6 à 12 ans, les frais de garde payés sont de 1 386 $ par année par enfant (nombre de jours à l’école multiplié par 7 $). – De 13 à 17 ans, il n’y a pas de frais de garde. Il est important de souligner que les prestations du RQAP possiblement reçues dans la première année ne sont pas considérées, tout comme le montant que l’État verse au titre des subventions pour le service de garde à contribution réduite. L’ajout de ces sommes majorerait de façon significative le montant total de l’aide de l’État. Couple avec deux enfants Pour un couple avec deux enfants, le soutien financier total équivalant aux dix-huit premières années de vie des enfants serait de 201 282 $ lorsque le couple n’a aucun revenu. Le soutien financier atteindrait 231 129 $ lorsque le revenu du couple est de 25 000 $ par année. Dans le cas de la famille représentative avec un revenu familial de 75 000 $, le cumul du soutien représenterait 83 628 $ (tableau 20). Si l’on considère que le coût moyen de deux enfants est de 270 000 $ pour les dix-huit premières années de vie5, le soutien financier couvrirait donc 86 % du coût moyen des enfants lorsque le revenu familial est de 25 000 $ et 31 % dans le cas de la famille représentative ayant un revenu familial de 75 000 $.
5.
Voir le chapitre 3, Le coût des enfants.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Tableau 20 Soutien financier cumulé pendant 18 ans selon cinq situations de revenu familial pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 Âge des enfants 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 Total sur 18 ans
13 663 13 663 13 663 13 663 13 663 12 259 12 259 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859 9 859
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
201 282 $
25 000 13 713 14 610 14 610 14 610 14 610 14 610 14 443 12 101 12 101 12 101 12 101 12 101 12 101 11 463 11 463 11 463 11 463 11 463
Revenu familial $ 50 000 $ $ 7 355 $ $ 7 934 $ $ 7 934 $ $ 7 934 $ $ 7 934 $ $ 7 934 $ $ 7 814 $ $ 6 098 $ $ 6 098 $ $ 6 098 $ $ 6 098 $ $ 6 098 $ $ 6 098 $ $ 5 640 $ $ 5 640 $ $ 5 640 $ $ 5 640 $ $ 5 640 $
231 129 $
119 628 $
75 000 5 355 5 934 5 934 5 934 5 934 5 934 5 814 4 098 4 098 4 098 4 098 4 098 4 098 3 640 3 640 3 640 3 640 3 640
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
83 628 $
100 000 3 261 4 044 4 044 4 044 4 044 4 044 3 881 2 364 2 364 2 364 2 364 2 364 2 364 1 782 1 782 1 782 1 782 1 782
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
50 453 $
Note : Pour les cas où le revenu familial est autre que zéro, le soutien dans la première année de vie est légèrement inférieur à celui des quelques années suivantes parce qu’aucune déduction au titre des frais de garde n’est considérée.
Famille monoparentale avec un enfant Les mêmes résultats sont présentés au tableau 21, mais pour une famille monoparentale avec un enfant. Cette fois, pour la famille qui n’a pas de revenu, le soutien financier total sur 18 ans s’élève à 133 464 $, il atteint 158 652 $ à un revenu de 25 000 $ par année et, avec un revenu annuel de 50 000 $, 134
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
il est de 93 515 $. Selon un coût moyen d’un enfant de 180 000 $ pour les dix-huit premières années de vie, le soutien financier couvrirait, dans ces dernières situations, respectivement 88 % et 52 % du coût moyen de l’enfant. Tableau 21 Soutien financier cumulé pendant 18 ans selon cinq situations de revenu familial pour une famille monoparentale avec un enfant, Québec, 2008 Âge de l’enfant 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 Total sur 18 ans
9 162 9 162 9 162 9 162 9 162 7 758 7 758 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558 6 558
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
133 464 $
25 000 9 092 9 524 9 524 9 524 9 524 9 524 9 434 8 556 8 556 8 556 8 556 8 556 8 556 8 234 8 234 8 234 8 234 8 234
Revenu familial $ 50 000 $ $ 5 438 $ $ 5 795 $ $ 5 795 $ $ 5 795 $ $ 5 795 $ $ 5 795 $ $ 5 721 $ $ 4 981 $ $ 4 981 $ $ 4 981 $ $ 4 981 $ $ 4 981 $ $ 4 981 $ $ 4 699 $ $ 4 699 $ $ 4 699 $ $ 4 699 $ $ 4 699 $
158 652 $
93 515 $
75 000 3 916 4 287 4 287 4 287 4 287 4 287 4 213 3 481 3 481 3 481 3 481 3 481 3 481 3 199 3 199 3 199 3 199 3 199
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
66 445 $
100 000 3 065 3 480 3 480 3 480 3 480 3 480 3 393 2 742 2 742 2 742 2 742 2 742 2 742 2 413 2 413 2 413 2 413 2 413
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $
52 375 $
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
En guise de conclusion Ce chapitre est riche en constats. Pour les familles biparentales avec deux enfants en 2008 La présence d’enfants a d’abord pour conséquence de doubler les ressources financières minimales d’un couple sans revenu ; l’aide obtenue se situe à 24 779 $ comparativement à 11 116 $ en l’absence d’enfants. Le seuil où le revenu après impôts et prestations équivaut au revenu de travail gagné par ce couple avec enfants est 53 138 $. Avant ce seuil, les prestations reçues excèdent les impôts à payer sur le revenu. Le soutien financier rattaché à la présence d’enfants est significatif. À 25 000 $ de revenu familial, le couple avec enfants bénéficie d’un soutien de 14 610 $, puis, au-delà d’un certain seuil de revenu, la valeur du soutien financier diminue, pour atteindre 5 934 $ pour la famille représentative ayant 75 000 $ de revenu familial. Au bout de 18 ans, le soutien financier total maximal du couple avec enfants qui a un revenu de 25 000 $ atteindra plus de 230 000 $. En considérant un coût moyen de 270 000 $ pour les 18 premières années de vie des enfants, le soutien financier compense alors jusqu’à 86 % du coût moyen des enfants. En refaisant le même exercice pour la famille représentative gagnant 75 000 $ de revenu familial, le soutien financier reçu équivaut à 31 % du coût moyen des enfants. Pour les familles monoparentales avec un enfant en 2008 La présence de l’enfant a aussi pour conséquence de doubler les ressources financières minimales d’une famille monoparentale sans revenu ; l’aide obtenue se situe à 16 332 $ comparativement à 7 170 $ pour une personne seule. 136
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Le seuil où le revenu après impôts et prestations équivaut au revenu de travail gagné par la famille monoparentale est 38 218 $ ; avant ce seuil les prestations reçues excèdent les impôts à payer sur le revenu. Le soutien financier rattaché à la présence de l’enfant est significatif. À 25 000 $ de revenu, la famille monoparentale bénéficie d’un soutien de 9 524 $, puis, au-delà d’un certain seuil de revenu, la valeur du soutien financier diminue ; à 50 000 $ de revenu il atteint 5 795 $. Au bout de 18 ans, le soutien financier total maximal de la famille monoparentale atteindra environ 160 000 $. En considérant un coût moyen de 180 000 $, pour les 18 premières années de vie de l’enfant le soutien financier compense jusqu’à 88 % du coût moyen de l’enfant. À 50 000 $ de revenu, le soutien financier reçu équivaut à 52 % du coût moyen de l’enfant.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
L’aide publique aux familles : quelle orientation le gouvernement du Québec devrait-il adopter ? Point de vue de Philip Merrigan Philip Merrigan est professeur titulaire au Département des sciences économiques de l’UQAM. Il est récipiendaire du prix d’excellence en recherche du Réseau de l’Université du Québec (UQ) en 2001. Son travail concerne surtout l’évaluation de l’effet des politiques publiques sur le bien-être des familles.
Le chapitre expose, par une série de données, l’ampleur du soutien financier profitant aux familles. Posons-nous maintenant la question suivante : est-ce le meilleur choix public d’être généreux financièrement envers les familles ? Trois aspects seront abordés pour tenter d’y répondre. Le premier aspect est l’aide financière totale attribuée aux familles avec enfants sans revenu de travail. Prenons le cas d’un couple avec deux enfants de moins de 5 ans. En 2002, selon le Conseil national du bien-être social, ce revenu était de 17 642 $. Le montant calculé dans le présent chapitre est de 24 779 $ pour 2008, ce qui constitue une augmentation de 40,5 %, soit approximativement deux fois et demi le taux d’inflation pour la période allant de juillet 2002 à juillet 2008. L’aide réelle aux familles sans recours a donc crû de manière substantielle depuis 2002. D’ailleurs, cela reflète un choix très contesté du ministre Séguin dans le second budget du gouvernement Charest. En effet, au lieu de réduire le barème d’imposition tel qu’il l’avait promis pendant la campagne électorale de 2003, le ministre Séguin a d’abord opté pour une politique fiscale de « soutien aux enfants » favorisant largement les familles avec faible revenu, une politique reflétant les valeurs « ryanesque » du Parti libéral du Québec. Cette importante augmentation de l’aide de dernier recours n’est absolument pas incitative au travail. C’est d’ailleurs pour contrer cet effet que le budget Séguin ajoute au volet « Soutien aux enfants » le volet « Prime au travail » dont le montant maximal, qui dépend du type de famille, s’élève à 2 207,40 $ pour une famille monoparentale (pour environ 10 000 $ de revenus de travail par année) et à 2 845,50 $ pour un couple avec au moins un enfant (pour environ 15 000 $ de revenus gagnés par année). Ces mesures sont très coûteuses pour le fisc. Le ministère des Finances du Québec évalue que le poste « Soutien aux familles et incitation au travail » est passé de 1,194 milliard de dollars en 2004 à 2,827 milliards en 2007.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Le second aspect dans l’analyse de ce choix est l’évolution des aides aux familles selon le revenu gagné. Les tableaux 16 et 17 montrent que les aides restent les mêmes, que les ménages n’aient aucun revenu ou qu’ils gagnent 25 000 $ annuellement, sauf pour l’aide de dernier recours qui tombe à zéro pour les familles avec 25 000 $ de revenu et sauf pour la prime au travail qui est nulle pour les familles sans revenu de travail. Cette stratégie permet de conserver un écart important entre le revenu disponible sans revenu de travail et celui qui est disponible avec un revenu gagné de 25 000 $, ce qui incite donc au travail. Pour un couple avec deux enfants gagnant 25 000 $ de revenu de travail, l’écart du revenu disponible entre la situation avec travail et sans travail est de 13 869 $ alors qu’il est de 14 161 $ pour les familles monoparentales avec un enfant. En fait, cet écart reste grand même en supposant que le revenu gagné est obtenu par un parent qui reçoit le salaire minimum et travaille 2 000 heures par année, soit 17 000 $ de salaire annuel. Cet écart devient 7 272 $ pour les familles monoparentales et 7 566 $ (si un seul travaille) pour les couples avec deux enfants. Ces montants sont cependant réduits de manière substantielle lorsque les enfants ont plus de 6 ans puisque la prestation fédérale pour garde d’enfants tombe à zéro (1 200 $ de moins pour les familles monoparentales et 2 400 $ de moins pour les couples avec deux enfants). Ce qui est problématique dans l’approche actuelle du soutien aux familles, ce sont les taux implicites d’imposition découlant d’une diminution des prestations jumelée à l’augmentation des taux d’imposition (cette notion sera exposée plus en détail à la section 8.1 du livre). Un passage de revenus de 25 000 $ à 50 000 $ entraîne une augmentation du revenu disponible d’approximativement 11 000 $, pour un taux moyen d’imposition de 56 % sur chaque dollar gagné. Puisque les personnes qui ont de tels revenus ont des salaires horaires faibles, les incitations à travailler plus sont pratiquement inexistantes. En effet, passer de 25 000 $ à 50 000 $ nécessitera alors des efforts énormes qui finalement rapporteront peu. De plus, certains jeunes marginalement intéressés par l’éducation pourront conclure qu’il est tout à fait possible d’avoir un niveau de vie raisonnable sans terminer leurs études secondaires et trouveront une « zone de confort » avec des revenus de 20 000 $ par an, surtout si le travail au noir est considéré comme source de soutien secondaire. Cette remarque s’applique en particulier aux jeunes garçons dont les résultats scolaires sont lamentables. En effet, seulement la moitié d’entre eux obtiennent le diplôme d’études secondaires en 5 ans. 139
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Finalement, le troisième aspect est l’effet de cette politique sur les enfants. Pourrions-nous faire mieux en allouant différemment le budget consacré au soutien financier ? Aucun résultat ne semble démontrer que les jeunes enfants sont mieux préparés pour l’école depuis la mise en place d’un généreux soutien financier. De manière générale, la littérature empirique montre qu’à partir d’un certain niveau de revenu l’augmentation du revenu a peu d’influence sur le développement des enfants. Il semble qu’au Québec nous en sommes là. Le succès à l’école est beaucoup plus important aujourd’hui qu’il ne l’était il y a trente ans alors qu’il existait encore des emplois bien rémunérés pour les gens peu instruits. L’émergence de l’Inde et de la Chine fera disparaître les derniers emplois bien payés pour les travailleurs peu qualifiés au Québec, de là l’importance de l’éducation. Il faudra se tourner vers des aides plus spécifiques aux familles impliquant des intervenants spécialisés dans l’éducation des jeunes enfants de milieux défavorisés. Les garderies actuelles ne remplissent pas ce rôle. En effet, une étude récente de Baker, Gruber et Milligan (2008) montre qu’au contraire, à bien des égards, le système de services au Québec semble poser des problèmes pour le développement des enfants. En effet, ceux-ci présentent des résultats inquiétants qui montrent des effets négatifs de la politique québécoise de subventions aux services de garde sur un ensemble d’indicateurs de bien-être et de développement d’enfants de moins de 5 ans au Québec. Une autre étude de Lefebvre, Merrigan et Verstraete (2008) arrive à des conclusions similaires quant au développement cognitif des enfants. Sans remettre en cause les politiques actuelles qui profitent surtout aux familles à faible revenu, il faudra trouver des approches novatrices pour aider les enfants de ces familles à sortir du cercle vicieux de la pauvreté. En effet, il sera très difficile de choisir des politiques qui encourageront ces enfants à poursuivre une éducation adéquate pouvant leur procurer les qualifications nécessaires dans un contexte de mondialisation où la concurrence se fera très vive. C’est le défi politique le plus important pour les dix prochaines années. Baker, M., J. Gruber et K. Milligan (2008), « Universal Childcare, Maternal Labor Supply, and Family Well-Being », Journal of Political Economy, vol. 116, no 4, août. Lefebvre, P., P. Merrigan et M. Verstraete (2008), « Child Care Policy and Cognitive Outcomes of Children : Results from a Large Scale Quasi-Experiment on Universal Childcare in Canada », Cahiers du CIRPEE, Montréal. En ligne : http://132.203.59.36/ cirpee/indexbase.htm.
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
Le soutien aux familles est-il excessif ? Point de vue de Jean-Yves Duclos Jean-Yves Duclos est professeur d’économique à l’Université Laval. Il a aussi été professeur invité à l’University of New South Wales en Australie et à l’Instituto de Análisis Económico, Universitat Autònoma de Barcelona. Ses domaines de recherche sont l’économie publique, l’économie du travail et l’économétrie. Il est rédacteur en chef de la revue Journal of Economic Inequality et chef de réseau du Réseau international sur la pauvreté et les politiques économiques (PEP).
Le chapitre utilise divers outils pour discuter du soutien financier aux familles. En premier lieu, on retrouve les « ressources financières minimales », soit le revenu disponible (ou après impôts et transferts) des familles n’ayant aucun revenu de marché (ou brut). En deuxième lieu, le chapitre rapporte le niveau de revenu auquel le revenu disponible égale le revenu de marché – une indication du seuil auquel une famille devient un contributeur net au financement des dépenses de l’État. En troisième lieu, le chapitre fournit une indication directe du soutien aux familles en estimant l’écart de revenus disponibles à des revenus de marché identiques pour des familles avec et sans enfant. Les auteurs concluent qu’il existe un soutien financier significatif pour les familles avec enfants. Cette conclusion semble appuyée par les résultats rapportés tout au long du chapitre en utilisant les outils décrits cidessus. En voici quelques extraits : 1. « En 2008, la présence d’enfants majore significativement les ressources financières minimales. En effet, celles du couple avec deux enfants sont plus du double de celles du couple sans enfant. » 2. « Un couple avec deux enfants peut gagner 24 944 $ de plus [qu’un couple sans enfant] avant d’atteindre un niveau d’imposition net nul. » 3. « Ainsi, à 25 000 $ de revenu familial, le couple avec deux enfants a un revenu après impôts, cotisations et prestations supérieur de 61 % à celui du couple sans enfant. » Ces résultats, clairs et faciles à saisir, sont certainement d’intérêt. Ils suggèrent que le soutien de l’État aux familles est généreux.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Peut-on pousser plus loin cette analyse ? Que penser de la suggestion que l’aide de l’État est généreuse, peut-être même trop généreuse ? Pour tenter d’y répondre, procédons à la comparaison du niveau de vie de familles de composition différente. L’approche habituelle en économie du bien-être pour comparer les niveaux de vie de familles de composition différente consiste à appliquer une échelle d’équivalence aux revenus totaux des familles. Une échelle d’équivalence permet de transformer les revenus de familles de plus d’une personne en revenus par équivalentadulte (ou en équivalent pour une famille d’une seule personne). Il existe deux types principaux d’échelles d’équivalence, celles qui sont absolues et celles qui sont relatives. Les échelles absolues s’utilisent en soustrayant des revenus totaux d’une famille la différence entre les besoins totaux de la famille et ceux d’une personne seule. Les échelles relatives s’utilisent en divisant les revenus totaux d’une famille par le ratio entre les besoins totaux de la famille et ceux d’une personne seule. Par exemple, pour l’approche absolue, si l’on juge qu’il en coûte respectivement 5 000 $ et 10 000 $ par année pour satisfaire les besoins d’un enfant et d’un adulte, alors une famille de deux adultes et de deux enfants avec un revenu total de 50 000 $ dispose d’un revenu par équivalentadulte de 20 000 $. Cela indique qu’une personne seule avec un revenu de 20 000 $ dispose du même niveau de vie que la famille de deux adultes et de deux enfants avec un revenu de 50 000 $. Quant à l’approche relative, en supposant que les besoins d’un enfant représentent 50 % de ceux d’un adulte, on obtient qu’une famille de deux adultes et de deux enfants a trois fois les besoins d’une personne seule. Avec un revenu total de 50 000 $, cette famille dispose donc d’un revenu par équivalent-adulte de 16 667 $ (50 000 $ divisé par 3). L’usage d’échelles d’équivalence apporte une perspective complémentaire aux données contenues dans le présent chapitre et permet d’établir si le soutien financier aux familles est « suffisant », et s’il est équitable d’un point de vue autant vertical qu’horizontal*. Prenons le cas (figure 24) des « ressources financières minimales » d’un couple avec deux enfants (24 779 $), comparées à celles d’un couple sans enfant (11 116 $), et le cas (figure 25) des « ressources financières minimales » d’une famille monoparentale avec un enfant (16 332 $) comparées à celles d’une personne seule (7 170 $). Le fait que les ressources financières minimales des familles avec enfant soient plus du double paraît excessif en regard des échelles d’équivalence absolues et relatives 142
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Chapitre 7. Le soutien financier aux familles en 2008
habituellement utilisées dans la documentation. Un système fiscal horizontalement équitable ferait en sorte que les ressources financières minimales soient proportionnelles aux besoins respectifs des familles. On pourrait ainsi soulever la question : est-ce le soutien financier rattaché à la présence d’enfants qui est trop généreux, ou est-ce plutôt les ressources financières minimales des ménages sans enfant qui sont trop faibles ? Les résultats concernant le seuil d’imposition nulle (figure 26) mènent à la même conclusion : le soutien aux familles semble excessif puisqu’un couple sans enfant atteint un niveau d’imposition net nul à un revenu qui est presque le double (53 138 $) du seuil correspondant pour un couple sans enfant (28 194 $). Un système fiscal horizontalement équitable ferait en sorte que ce seuil d’imposition nulle soit proportionnel aux besoins respectifs des familles. Le soutien financier exposé dans ce chapitre (figure 30) permet aussi de vérifier si le système fiscal est (uniformément) horizontalement équitable avec des échelles d’équivalence absolues. La réponse est non. Avec des échelles d’équivalence absolues, les besoins des enfants ne dépendent pas des revenus des adultes. Le niveau absolu de soutien aux familles (tel qu’il est défini dans ce chapitre) ne devrait donc pas dépendre du niveau de vie des familles. Si l’État juge qu’il est approprié d’accorder 14 610 $ comme soutien financier à un certain niveau de revenu total d’une famille, il devrait accorder le même montant à tout autre niveau de revenu total. Cela n’est pas le cas (figure 30). À 25 000 $ de revenu familial, le montant supplémentaire dont dispose le couple avec deux enfants est de 14 610 $ comparativement à 4 044 $ lorsque le revenu de travail atteint 100 000 $. Enfin, l’écart de revenu disponible entre un couple avec deux enfants et un couple sans enfant (figure 31) suggère que le système fiscal n’est pas non plus horizontalement équitable lorsque des échelles d’équivalence relatives sont utilisées – comme c’est généralement la coutume en économie du bien-être. Dans ce cas, les besoins des enfants sont proportionnels à ceux des adultes. Le soutien à un couple avec enfants devrait alors être uniformément proportionnel au niveau de vie disponible d’un couple sans enfant, une propriété sérieusement remise en question par les résultats présentés dans ce chapitre. En effet, le niveau de soutien familial en pourcentage du revenu de marché varie de manière importante selon le
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
niveau de ce revenu de marché, de 61 % (à 25 000 $) à 6 % (à 100 000 $). On doit donc conclure l’une de deux choses : ou bien l’État accorde un soutien familial trop élevé pour les faibles revenus, ou bien il accorde un soutien familial trop faible pour les familles à revenus plus élevés. Le complément d’analyse des données de ce chapitre suggère ainsi que la forte réduction du soutien financier lorsque le revenu familial s’accroît n’est pas compatible avec la notion habituelle d’échelles d’équivalence ; il appelle aussi à une plus grande universalité du soutien financier aux familles. * Le principe d’équité verticale demande que le fardeau fiscal net croisse avec le niveau de vie des individus, ce qui permet de réduire l’inégalité relative de niveaux de vie nets du fardeau fiscal. Le principe d’équité horizontale exige quant à lui que les individus à niveau de vie similaire (mais dont les revenus familiaux totaux peuvent différer) reçoivent un traitement fiscal net (en matière de changement de niveau de vie, pas nécessairement de revenu familial) similaire de la part de l’État.
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Chapitre 8
Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
Le chapitre précédent a illustré, de diverses façons, la présence d’un soutien financier, souvent généreux, offert aux familles québécoises. Malgré cela, tout n’est évidemment pas parfait. Le présent chapitre attire l’attention sur différentes interactions des régimes fiscaux et de leurs effets sur le soutien financier selon le revenu familial. Ces interactions révèlent toute la complexité du régime fiscal ; en conséquence, il faut porter une attention particulière avant d’y faire des changements, même en apparence anodins. 8.1 Les taux implicites d’imposition en 2008 Dans certaines situations particulières, il peut survenir que l’accroissement marginal du revenu entraîne une forte hausse marginale de la charge fiscale, et ce, même lorsque les revenus demeurent faibles. Ce phénomène est souvent appelé l’imposition marginale implicite. Il résulte de la coexistence de deux mécanismes distincts, tous deux définis en fonction du revenu : le régime fiscal faisant un prélèvement sur une partie du revenu et les 145
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
p rogrammes de transferts soutenant certains citoyens, qui sont aussi calculés en fonction de l’importance du revenu. Ces programmes sociaux ou ces dispositions fiscales viennent réduire, dans certaines situations, l’impôt à payer ou même conduisent à un remboursement. Le problème vient du fait que, pour certains contribuables, une augmentation des revenus entraîne simultanément une réduction des transferts dont ils bénéficiaient jusque-là et le début – ou une augmentation – de l’impôt à payer. Finalement, l’addition de la réduction de transferts et de l’augmentation d’impôt constitue une fraction, parfois fort importante, du revenu additionnel que le contribuable vient d’obtenir. Ainsi, le taux marginal implicite d’imposition est l’effet combiné qui s’appliquera sur le prochain dollar de revenu. La première zone de revenus où les taux implicites élevés sont présents s’explique par la perte de l’aide sociale. Par la suite, le problème existe surtout pour les familles avec enfants dans la zone de revenu se situant entre 22 000 $ et 45 000 $, comme le montrent les figures 38 et 39. Figure 38 Taux marginal implicite d’imposition fédéral et provincial combinés pour un couple avec deux enfants, Québec, 2008 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 %
5
0 00 0 10 00 0 15 00 0 20 00 0 25 00 0 30 00 0 35 00 0 40 00 0 45 00 0 50 00 55 0 00 0 60 00 0 65 00 0 70 00 0 75 00 0 80 00 0 85 00 0 90 00 0 95 00 10 0 0 00 0
0%
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
Figure 39 Taux marginal implicite d’imposition fédéral et provincial combinés pour une famille monoparentale avec un enfant, Québec, 2008 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 %
5
0 00 0 10 00 0 15 00 0 20 00 0 25 00 0 30 00 0 35 00 0 40 00 0 45 00 0 50 00 0 55 00 0 60 00 0 65 00 0 70 00 0 75 00 0 80 00 0 85 00 0 90 00 0 95 00 0 10 0 00 0
0%
Le tableau 22 illustre, à l’aide de deux exemples, les répercussions de l’augmentation du revenu de travail de 35 000 $ à 40 000 $. Pour le couple avec deux enfants, des 5 000 $ du revenu supplémentaire, 1 685 $ seront retenus par le gouvernement du Québec soit par des hausses d’impôts et de cotisations, soit par des baisses de crédits et de transferts, comparativement à 2 052 $ qui seront retenus par les modifications aux mesures fédérales. Donc, pour cette famille dont le revenu passerait de 35 000 $ à 40 000 $, il ne lui reste en définitive que 1 263 $ des 5 000 $ de revenu de travail additionnels, ce qui équivaut à un taux marginal implicite d’imposition de 74,7 % sur ce revenu additionnel1.
1.
Soit [(5 000 – 1 263) / 5 000] × 100 = 74,7 %.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Pour la famille monoparentale avec un enfant, des 5 000 $ de revenu de travail supplémentaires, il lui reste 1 797 $ en poche pour un taux implicite d’imposition de 64,1 %. Tableau 22 Variations monétaires à la suite d’un revenu de travail passant de 35 000 $ à 40 000 $, Québec, 2008
Augmentation du revenu
Couple avec deux enfants 5 000 $
Monoparentale avec un enfant 5 000 $
Mesures Québec - Impôt sur le revenu - Crédit de soutien aux enfants - Prime au travail - Crédit pour TVQ - Cotisation au RQAP - Cotisation au RRQ Total Québec
(780) $ -$ (488) $ (147) $ (22) $ (248) $ (1 685) $
(1 016) $ (200) $ -$ (150) $ (22) $ (248) $ (1 636) $
Mesures fédérales - Impôt sur le revenu moins abattement - Prestation fiscale canadienne pour enfants - Crédit pour TPS - Cotisation à l’assurance-emploi Total fédéral
(583) $ (1 150) $ (250) $ (69) $ (2 052) $
(675) $ (573) $ (250) $ (69) $ (1 567) $
Total des mesures
(3 737) $
(3 203) $
1 263 $
1 797 $
74,7 %
64,1 %
Augmentation réelle de revenu Taux implicite d’imposition
Avec ces exemples, on comprend bien que les taux implicites d’imposition élevés ont un effet négatif sur l’incitation au travail2.
2. En 2006, nous avons publié une étude sur ce problème : Luc Godbout et Suzie St-Cerny (2006), « Impôts sur le revenu : une ligne de conduite pour corriger la problématique des taux marginaux implicites de taxation », Revue de planification fiscale et successorale, Association de planification fiscale et financière (APFF), vol. 27, no 2, p. 327-360. Les taux avaient alors été calculés pour 2005. Nous pouvons donc comparer 2005 et 2008 et noter, en général, une légère amélioration.
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
Les gouvernements connaissent bien sûr ce problème et, lors de la mise en place de nouvelles mesures ou de nouveaux programmes qui sont modulés en fonction des revenus, ils tentent de les diminuer ou, à tout le moins de ne pas les aggraver. Ce fut notamment le cas lors de la mise en place de la prime au travail et du crédit de soutien aux enfants au Québec. 8.2 Retrait d’un conjoint du marché du travail La section suivante cherche à montrer, dans le cas des couples avec deux enfants en 2008, la perte réelle de revenu qui est occasionnée par le passage de deux revenus de travail à un seul revenu de travail. Sans porter de jugement sur les choix d’organisation familiale, nous ne voulons, en définitive, que mesurer la façon dont évolue le soutien financier lorsqu’un conjoint décide de se retirer du marché du travail afin de rester à la maison pour s’occuper des enfants en bas âge. Pour l’analyse, les informations suivantes sont à retenir : – La répartition des revenus lorsque les deux conjoints travaillent est de 60 % pour un des conjoints et de 40 % pour l’autre. Lorsqu’un conjoint cesse de travailler, nous considérons que c’est celui qui gagnait 40 % des revenus qui se retire. – Lorsque le couple passe à un seul conjoint qui travaille, nous ne considérons plus de frais de garde à payer. Le tableau 23 calcule les variations de revenus, d’impôts, de cotisations sociales, de prestations et de frais de garde pour un couple passant de deux revenus à un revenu. Dans ce cas, il y a d’abord évidemment une baisse du revenu familial, de laquelle découlent bien sûr une baisse des impôts à payer, mais aussi une hausse des aides fiscales. Ainsi, pour le couple avec deux enfants qui passe de deux revenus totalisant 75 000 $ à un revenu de 45 000 $, les résultats montrent que le manque à gagner réel est de 14 756 $, soit environ la moitié des 30 000 $ de 149
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
revenu de travail renoncé. Or, dans le cas du couple qui passe de deux revenus totalisant 50 000 $ à un seul revenu de 30 000 $, le renoncement à 20 000 $ de revenu de travail n’entraîne, dans cette situation, qu’une réduction du revenu disponible de 5 602 $. Ainsi, la diminution du revenu familial a pour effet de faire croître le soutien financier aux familles dont un des conjoints fait le choix de rester à la maison pour s’occuper des enfants en bas âge. Malgré tout, on entend souvent dire que les familles où l’un des deux parents reste à la maison sont les « oubliées » de la politique familiale, entre autres parce qu’elles n’utiliseraient pas les services de garde. Or, cette perception est inexacte, sachant que les couples à un seul revenu reçoivent davantage d’aide par l’intermédiaire du régime fiscal. Ce présent résultat confirme les propos du Conseil de la famille et de l’enfance : Comme les avantages fiscaux sont établis en fonction du revenu familial, et que les revenus du ménage à un seul gagne-pain sont généralement moins élevés, ce dernier se trouve, sur le plan fiscal, avantagé. Les avantages fiscaux constituent une autre façon d’aider les parents, et c’est le moyen retenu à l’heure actuelle pour reconnaître le travail d’éducation des mères au foyer3.
3. Conseil de la famille et de l’enfance (2008), La politique familiale au Québec : visée, portée, durée et rayonnement, Québec, p. 33.
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
Tableau 23 Variation réelle du revenu familial après impôts, cotisations sociales, prestations et frais de garde lorsqu’un couple passe de deux revenus à un seul revenu de travail, Québec, 2008 50 000 $ 30 000 $
75 000 $ 45 000 $
(20 000) $
(30 000) $
(3 040) $ (1 790) $ (4 830) $
(4 640) $ (2 957) $ (7 597) $
Variation des aides fiscales fédérales Prestation fiscale canadienne pour enfants Prestation universelle pour garde d’enfants Prestation fiscale pour le revenu de travail Crédit pour TPS Aides fiscales fédérales
2 158 738 2 896
$ $ $ $ $
1 060 64 1 124
$ $ $ $ $
Variation des aides fiscales Québec Crédit de soutien aux enfants Prime au travail Crédit pour TVQ Aide de dernier recours Aides fiscales québécoises
174 1 465 348 1 987
$ $ $ $ $
1 160 1 160
$ $ $ $ $
Salaire deux emplois Salaire un emploi Variation du revenu brut (de travail) moins Variation des impôts sur le revenu Québec Fédéral Total impôts plus
plus
égal
Variation du revenu après impôts et prestations
moins Variation des cotisations sociales Variation du revenu après impôts, cotisations égal sociales et prestations moins Variation des frais de garde Variation du revenu après impôts, cotisations égal sociales, prestations et frais de garde Diminution réelle du revenu en pourcentage de la diminution brute du revenu
(10 287) $
(20 119) $
(1 185) $
(1 863) $
(9 102) $
(18 256) $
(3 500) $
(3 500) $
(5 602) $
(14 756) $
28,0 %
49,2 %
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
8.3 Recompositions familiales Le Conseil de la famille et de l’enfance a soulevé à plusieurs reprises des questions quant au traitement fiscal appliqué lors de recompositions familiales4. En fait, le traitement fiscal dont il s’agit ici est celui de la considération des revenus des deux membres d’un couple lors de la détermination des aides fiscales liées aux enfants. En effet, après 12 mois de vie commune, les membres d’un couple deviennent, d’un point de vue fiscal, conjoints de fait. Il est vrai qu’il y a des économies d’échelle à vivre ensemble, tel le partage des coûts liés au logement, mais il n’est pas nécessairement acquis que le nouveau conjoint partage l’ensemble des coûts liés aux enfants, surtout dans les premières années de vie commune. La présente sous-section mesure la réduction de soutien financier lors du passage d’une situation de famille monoparentale avec un enfant, qui, après recomposition, devient un couple avec un enfant. Dans notre exemple, le conjoint-parent a un revenu de 30 000 $ et le nouveau conjoint a un revenu de 45 000 $. Ainsi, le soutien financier d’une famille monoparentale avec un enfant ayant un revenu de 30 000 $ s’élève à 8 415 $. Or, le soutien financier d’un couple avec un enfant ayant un revenu familial de 75 000 $ (la famille recomposée) est de 2 874 $. Dans cet exemple, le passage d’un statut de famille monoparentale à celui de famille recomposée réduit le soutien financier lié à l’enfant de 5 541 $.
4. Voir notamment, Conseil de la famille et de l’enfance (2007), Transitions familiales : le rapport 2005-2006 sur la situation et les besoins des familles et des enfants, Québec, p. 197.
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
Tableau 24 Variation du soutien financier lié à la présence d’un enfant lors du passage d’une situation de famille monoparentale à celle de famille recomposée – 2008
Famille monoparentale avec un enfant Couple avec un enfant (famille recomposée)
Revenu Soutien financier familial lié à l’enfant 30 000 $ 8 415 $ 75 000 $ 2 874 $
Diminution du soutien financier lié à l’enfant à la suite de la recomposition familiale :
5 541 $
8.4 Effet monétaire du choix du type de service de garde Les services de garde à contribution réduite ont eu de grands avantages que nous avons déjà énoncés au chapitre 4. Ils ont particulièrement favorisé l’augmentation du taux d’emploi des femmes âgées entre 25 et 44 ans. Il s’agit d’un pilier important de la politique familiale. Malgré cela, certains critiquent les « garderies à 7 $ » en disant qu’elles profitent davantage aux familles à revenu plus élevé et qu’elles s’avèrent désavantageuses pour les familles à revenu moyen5. D’autres visent plutôt le gouvernement fédéral, soulignant que, compte tenu que les frais de garde sont déductibles dans la déclaration fédérale de revenu, au fur et à mesure que se sont développées les « garderies à 7 $ », les familles en bénéficiant utilisent moins la déduction fédérale pour frais de garde6. Dit autrement, les sommes consacrées par le gouvernement du Québec pour ajouter des places en service de garde à contribution réduite diminuent les déductions fédérales pour frais de garde utilisées par les familles québécoises et procurent ainsi des économies au gouvernement fédéral. 5. Voir notamment : Claude Laferrière (2008), Les garderies à 7 $ sont-elles une aubaine ? En ligne : www.er.uqam.ca/nobel/r14154/Pages/FGE2008.html, Édition 2008, avril, 15 p. 6. Voir notamment : Confédération des syndicats nationaux (2004), Mémoire présenté par la Confédération des syndicats nationaux dans le cadre des consultations prébudgétaires du ministre des Finances du Québec, budget 2004-2005.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Dans la présente section, nous cherchons à illustrer certains effets financiers découlant du choix d’utiliser un service de garde à contribution réduite plutôt qu’un service de garde à tarif régulier en comparant le coût de garde net selon différents scénarios de revenu familial. Rappelons que les paiements effectués à un service de garde à contribution réduite ne permettent pas de bénéficier du crédit d’impôt remboursable pour frais de garde du Québec, mais peuvent être déduits dans la déclaration fédérale. De leur côté, les paiements effectués pour un service à tarif régulier donnent droit à la déduction fédérale et au crédit remboursable pour frais de garde d’enfants du Québec. Le tableau 25 calcule les frais de garde nets des avantages fiscaux pour quatre situations de revenu pour un couple avec deux enfants selon que les services de garde utilisés sont à contribution réduite ou à tarif régulier7. Le cas avec un revenu familial de 25 000 $ confirme que la famille a un coût net de garde plus faible en utilisant une garderie à tarif régulier plutôt qu’un service de garde à contribution réduite. En additionnant la prestation universelle pour garde d’enfants nette, la déduction fédérale des frais de garde et le crédit d’impôt remboursable pour frais de garde du Québec, la famille recevrait plus que les frais de garde de 12 500 $ déboursés. Le coût net de garde est négatif de 612 $ comparativement à un coût de garde de 261 $ si les enfants fréquentent les services de garde à contribution réduite. À ce faible revenu familial, le crédit d’impôt du Québec rembourse 75 % des frais de garde payés. Lorsque deux enfants fréquentent la garderie au tarif régulier, à lui seul le crédit d’impôt remboursable du gouvernement du Québec représente 9 375 $. Quoi qu’il ait été significativement réduit, un écart en faveur des garderies à tarif régulier subsiste toujours lorsque le revenu familial s’élève à 50 000 $. Dans cette situation, le tableau révèle 7. La PUGE nette est soustraite des frais de garde payés car, lors de sa mise en place, elle a été présentée comme une prestation visant à appuyer le choix des familles en matière de garde d’enfants.
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
qu’en considérant les frais de garde à contribution réduite, comparativement au tarif régulier, la déduction fédérale des frais de garde passe de 2 339 $ à 578 $. Lorsque le revenu familial est plus élevé, comme c’est le cas pour la famille représentative ayant un revenu de 75 000 $, l’utilisation des services de garde à contribution réduite est plus avantageuse. Afin que le choix des parents entre l’utilisation des services de garde à contribution réduite ou à tarif régulier soit plus neutre, la structure de taux du crédit d’impôt du Québec pour frais de garde a été modifiée. À compter de l’année 2009, une famille ayant un revenu familial de 75 000 $ aura un coût net de garde comparable que les enfants aillent dans un service de garde à contribution réduite ou dans une garderie à tarif régulier. Tableau 25 Coût net de garde selon le type de service de garde utilisé, couple avec deux enfants selon quatre situations de revenu, Québec, 2008 Revenu familial Frais de garde payés PUGE nette 25 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
Service de garde Tarif Tarif Contribution régulier régulier réduite 2009 2008 3 500 $ 12 500 $ 12 500 $ 2 342 $ 2 342 $ 2 342 $ 897 $ 1 395 $ 1 395 $ -$ 9 375 $ 9 375 $ 261 $ (612)$ (612)$
Frais de garde payés PUGE nette 50 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
3 500 1 715 578 1 207
$ $ $ $ $
12 500 1 753 2 339 7 375 1 033
$ $ $ $ $
12 500 1 753 2 339 7 500 908
$ $ $ $ $
Frais de garde payés PUGE nette 75 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
3 500 1 715 578 1 207
$ $ $ $ $
12 500 1 715 2 065 4 625 4 095
$ $ $ $ $
12 500 1 715 2 065 7 500 1 220
$ $ $ $ $
Frais de garde payés PUGE nette 100 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
3 500 1 560 783 1 157
$ $ $ $ $
12 500 1 619 2 330 3 250 5 301
$ $ $ $ $
12 500 1 619 2 330 4 000 4 551
$ $ $ $ $
Note : Le tarif régulier considéré est de 25 $ par jour, par enfant, pendant 50 semaines.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Le tableau 26 refait le même exercice pour une famille monoparentale avec un enfant. Les résultats sont qualitativement similaires. Même si, pour la famille monoparentale ayant un revenu de 50 000 $, la modification de la structure de taux du crédit d’impôt pour frais de garde en vigueur en 2009 accroîtra l’attrait pour l’utilisation des garderies à tarif régulier comparativement à l’utilisation d’un service de garde à contribution réduite, l’écart reste inférieur à 175 $. À 75 000 $ de revenu, l’écart a été réduit, il sera aussi inférieur à 175 $. Tableau 26 Coût net de garde selon le type de service de garde utilisé, famille monoparentale avec un enfant selon quatre situations de revenu, Québec, 2008
Revenu familial Frais de garde payés PUGE nette 25 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
Service de garde Tarif Tarif Contribution régulier régulier réduite 2009 2008 1 750 $ 6 250 $ 6 250 $ 924 $ 1 008 $ 1 008 $ 433 $ 756 $ 756 $ -$ 4 688 $ 4 688 $ 393 $ (202)$ (202)$
Frais de garde payés PUGE nette 50 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
1 750 740 356 654
$ $ $ $ $
6 250 740 1 273 3 625 612
$ $ $ $ $
6 250 740 1 273 3 750 487
$ $ $ $ $
Frais de garde payés PUGE nette 75 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
1 750 732 371 647
$ $ $ $ $
6 250 732 1 288 2 313 1 918
$ $ $ $ $
6 250 732 1 288 3 750 480
$ $ $ $ $
Frais de garde payés PUGE nette 100 000 $ Déduction pour frais de garde Crédit pour frais de garde d’enfants Coût net des frais de garde
1 750 651 415 684
$ $ $ $ $
6 250 651 1 482 1 625 2 492
$ $ $ $ $
6 250 651 1 482 1 875 2 242
$ $ $ $ $
Note : Le tarif régulier considéré est de 25 $ par jour, par enfant, pendant 50 semaines.
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
En guise de conclusion La variation du soutien financier en regard du revenu familial entraîne diverses conséquences. D’une part, le problème des taux implicites peut faire en sorte, dans certains cas, qu’à la suite d’une augmentation du revenu de travail, l’augmentation réelle du revenu de la famille reste relativement faible. Conséquemment, si au contraire le revenu familial devait diminuer en raison du choix d’un des conjoints de rester à la maison pour s’occuper des enfants en bas âge, la perte réelle pourrait être aussi relativement faible. Aussi, sachant que le revenu familial joue un rôle central dans la détermination du soutien financier, le passage d’un statut de famille monoparentale, où seul le revenu d’une personne est considéré, au statut de famille recomposée, où le revenu du nouveau conjoint majore le revenu familial, peut diminuer fortement le soutien financier lié à la présence d’enfants. Concernant les frais de garde nets, l’utilisation d’une garderie à tarif usuel reste plus avantageuse financièrement pour les familles dont le revenu n’excède pas 50 000 $. Considérant les modifications apportées au barème des taux du crédit pour frais de garde pour 2009, une famille représentative gagnant un revenu de 75 000 $ sera, sur le plan financier, relativement indifférente entre une garderie à tarif régulier et un service de garde à contribution réduite. Par certains exemples, le présent chapitre a mis en lumière la complexité des systèmes fiscaux et ses diverses interactions. Il est nécessaire d’avoir ces éléments à l’esprit lorsqu’on songe à toutes modifications d’une des composantes des aides aux familles.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Famille et fiscalité : des remises en question Point de vue de Marie Rhéaume Marie Rhéaume est présidente du Conseil de la famille et de l’enfance. Le Conseil, dont la principale mission est de conseiller le gouvernement du Québec dans tous les secteurs où la vie familiale se manifeste, compte un large éventail de publications et d’activités publiques.
Les éléments soulevés dans ce chapitre rejoignent plusieurs des préoccupations du Conseil de la famille et de l’enfance qui s’intéresse à l’adaptation des politiques publiques et des mesures fiscales aux réalités familiales. Dans cette perspective, le Conseil vient de rendre publique une étude intitulée Famille et fiscalité en 26 questions et a aussi transmis à la ministre de la Famille un avis sur cette question : Famille et fiscalité, des remises en questioni. L’invitation à commenter ce chapitre nous donne l’occasion d’exprimer certaines des positions du Conseil à l’égard de la fiscalité. Sachant que des pratiques fiscales qui s’éloigneraient trop des réalités des familles risquent de ne plus assurer l’équité à leur égard, le Conseil croit essentiel de chercher à atténuer les situations d’inadéquation. Il y a lieu de reconnaître que le soutien financier gouvernemental aux familles est substantiel. Par ailleurs, il faut noter que la façon d’allouer l’aide se distingue de celle de plusieurs pays européens où les allocations familiales sont davantage universelles, non associées à la fiscalité et souvent non conditionnelles aux ressources. Si la comptabilisation des revenus familiaux dans la détermination des aides est une pratique largement admise dans le contexte nord-américain, elle suscite néanmoins des interrogations.
La comptabilisation des revenus familiaux et ses effets lors d’une recomposition familiale La comptabilisation des revenus familiaux présume une mise en commun de l’ensemble des revenus chez les conjoints, ce qui n’est pas forcément le cas chez les couples actuels et encore moins chez ceux qui entreprennent une recomposition familiale. Les dépenses consacrées aux enfants ne sont pas nécessairement partagées avec le nouveau partenaire de vie. Or, les pertes encourues par la reconnaissance du statut de conjoints fiscaux sont élevées pour ces familles. La diminution de l’aide après un 158
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an de cohabitation s’arrime peu à la réalité puisque le processus d’adaptation requiert généralement une période de quatre à sept ans. En outre, des questions d’ordre éthique se posent à l’égard du traitement réservé à la conjointe ou au conjoint à qui la législation ne reconnaît pas de droits ou de responsabilités vis-à-vis des enfants qui ne sont pas les siens, mais dont les revenus sont pris en compte dans la détermination des aides dédiées à ceux-ci. Dans un contexte où les ruptures d’union surviennent plus tôt dans la vie des enfants et où la probabilité pour ceux-ci de connaître une recomposition familiale est élevée, le Conseil considère qu’il y a lieu d’atténuer les impacts fiscaux de ces transitions de vie. On pense notamment à la prolongation de la période de cohabitation avant d’être reconnus conjoints fiscaux. Pourquoi ne serait-elle pas de trois ans comme pour plusieurs autres programmes gouvernementaux (Régie des rentes du Québec, Commission de la santé et de la sécurité du travail, Société de l’assurance automobile du Québec) ? Il serait aussi possible de comptabiliser partiellement les revenus du couple en augmentant au fil du temps la proportion prise en compte. Une autre possibilité d’action, selon le Conseil, serait de prolonger la durée du versement des allocations liées à la monoparentalité après la recomposition familiale, ce qui correspondrait davantage aux réalités de ces familles.
La difficulté de se sortir de situations de précarité financière Comme il a été illustré dans ce chapitre, les taux marginaux implicites d’imposition élevés posent de réels problèmes aux personnes qui cherchent à sortir de leur situation de précarité financière par le travail. Travailler et être pauvre est une réalité associée aux conditions d’emploi et aux salaires souvent peu élevés. Un moyen d’atténuer les répercussions de ces taux est d’établir une structure où l’aide diminue plus graduellement. Le gouvernement du Québec en a tenu compte lors de la mise en place du soutien aux enfants et de la prime au travail. Il reste toutefois des progrès à faire pour adapter l’ensemble de la structure fiscale.
Les transitions familiales Les gouvernements auraient aussi avantage à mieux soutenir les familles lors d’événements transitionnels qui constituent des périodes de plus 159
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
grand stress financier, par exemple, les périodes entourant l’arrivée d’un enfant et la rentrée scolaire. Dans le domaine de la famille, le Conseil considère qu’une approche préventive est de mise. Verser des allocations particulières lors de ces événements aurait l’avantage de contribuer à réduire les tensions sur le budget des familles.
Ambiguïté autour de la compensation pour la garde d’enfant Le Conseil reconnaît la diversité des organisations familiales et le libre choix des parents vis-à-vis du mode de garde de leurs enfants. Il croit en la nécessité de compenser adéquatement les coûts directs (dépenses) et les coûts indirects (la perte de revenu) associés à la présence d’enfants. Il rappelle que c’est l’adaptation aux réalités actuelles qui a amené le gouvernement du Québec à mettre en place des services de garde éducatifs à tarifs réduits et le Régime québécois d’assurance parentale. Ces mesures requièrent certes des améliorations, mais elles offrent l’avantage d’avoir des objectifs assez clairement définis, ce qui est moins évident avec la prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) instaurée par le gouvernement fédéral. Cette mesure prétend viser la compensation des frais de garde, mais elle est allouée sans égard aux coûts directs réels. Par conséquent, l’application de cette mesure s’écarte de son objectif et a davantage pour effet de procurer un revenu supplémentaire à toutes les familles, qu’elles fassent ou non garder leurs enfants. Le Conseil insiste sur la transparence des actions gouvernementales. Il croit en la nécessité de compenser adéquatement les types de coûts et de bien distinguer les mesures qui y sont rattachées.
La reconnaissance du parent « non gardien » Un aspect non abordé par les auteurs est le fait que des parents dits « non-gardiens » sont imposés de la même façon que des personnes sans enfant. Ces parents sont exclus des mesures d’aide parce qu’ils assument une garde physique de l’enfant en deçà de la période fixée par les règles administratives, soit moins de 40 % du temps. Pourtant, le régime fiscal québécois reconnaît que la capacité d’un contribuable de payer des impôts est réduite lorsque celui-ci assume des frais d’entretien et d’éducation pour ses enfants. Il apparaît au Conseil que les mesures d’aide financière doivent prendre en considération la charge financière de tous les parents 160
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
qui assument des frais pour subvenir aux besoins de leurs enfants et qui les accueillent périodiquement. Il s’agit d’une reconnaissance sociale de l’importance de l’exercice de la coparentalité dans la vie des enfants.
Conclusion D’autres éléments sont soulevés dans l’étude et l’avis du Conseil de la famille et de l’enfance, mais pour l’essentiel ses recommandations rejoignent celles des auteurs de ce chapitre. Il apparaît que le gouvernement du Québec doit exercer son leadership dans le domaine de l’aide financière aux familles comme il a su le démontrer pour d’autres programmes, par exemple, lors de la mise en œuvre d’Emploi-Québec et du Régime québécois d’assurance parentale. D’une part, ce leadership doit se manifester par l’amélioration de l’information diffusée sur l’aide aux familles, que celle-ci provienne du gouvernement du Québec ou du gouvernement canadien. Les familles québécoises sont en effet en droit de connaître les effets fiscaux associés à la présence d’enfant. D’autre part, le gouvernement doit chercher à améliorer l’ensemble de la structure d’aide de façon à ce que celle-ci soit équitable pour toutes les familles, cohérente et facilement compréhensible. Cela implique de revoir certaines modalités dans l’octroi de son aide et assurément d’entreprendre auprès du gouvernement fédéral des démarches pour que les orientations qui font l’objet d’un large consensus au Québec soient mieux reconnues et soutenues. i Les documents peuvent être consultés sur notre site au www.cfe.gouv.qc.ca ou obtenus en communiquant avec nous au 1 877 221-7024.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Natalité et politiques gouvernementales Point de vue de Daniel Parent Daniel Parent est professeur agrégé au Département d’économique de l’Université McGill. Il est aussi chercheur au Centre interuniversitaire sur le risque, les politiques économiques et l’emploi (CIRPÉE), au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) ainsi qu’au Center for Research and Analysis of Migration de l’University College London. Ses travaux ont été publiés, entre autres, dans le Quarterly Journal of Economics, le Journal of Labor Economics, l’Industrial and Labor Relations Review, le Canadian Journal of Economics et le Journal of Health Economics.
Comme on a pu le voir dans les deux derniers chapitres, la nature de l’aide apportée aux familles par des programmes ciblés devient vite complexe lorsqu’elle est examinée en interaction avec le régime fiscal. Une famille qui voit son revenu augmenter de quelques milliers de dollars seulement peut se retrouver à transférer une bonne partie de cette augmentation au gouvernement. Dans la mesure où un des objectifs de ces programmes est de favoriser la formation de familles, donc de changer le comportement des gens, un système fiscal complexe (compliqué serait probablement plus juste) peut s’avérer une entrave au but recherché. Vu sous cet angle, donc, les politiques de type « bébé-bonus » ont la vertu d’être très explicites et simples. Par exemple, lorsqu’en 1988, en réaction aux craintes suscitées par le très faible taux de fécondité québécois, les libéraux de Robert Bourassa ont introduit le programme des bébés-bonus, les paramètres étaient clairs et simples. À l’origine, la subvention pour un premier ou un deuxième enfant consistait en un montant unique de 500 $ alors que la naissance d’un troisième se voyait récompensée par un paiement trimestriel de 375 $ pendant 8 trimestres, soit un montant total de 3 000 $. Le programme atteint son apogée en matière de générosité à partir de 1992, avec encore une fois un paiement unique de 500 $ pour le premier, deux paiements de 500 $ pour un second enfant et finalement vingt paiements trimestriels de 400 $ totalisant 8 000 $. Le programme fut annulé en 1997 pour faire place au programme des garderies à 5 $. Or, ramenant la question du faible taux de fécondité au Québec sur le tapis, les adéquistes de Mario Dumont ont récemment proposé de réinstaurer un programme visant à hausser le taux de fécon162
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
dité à deux enfants par femme, taux considéré comme minimal pour assurer le maintien de la population. Parmi les mesures pro-familles proposées par l’Action démocratique du Québec (ADQ) se trouve un paiement unique de 5 000 $ à la naissance ou à l’adoption d’un troisième enfant. Une des choses qui me fascine dans ce genre de débat est l’absence quasi totale de préoccupation de la part des décideurs publics réels ou potentiels quant aux effets des programmes comme le bébé-bonus. C’est comme si cela allait de soi que ces programmes engendrent les effets recherchés. Pourtant, les interventions gouvernementales, même lorsqu’elles semblent aussi simples et claires que dans le cas de programmes de type bébé-bonus, peuvent engendrer des comportements non anticipés qui potentiellement contrecarrent l’effet recherché à l’origine. Dans le cas des interventions publiques, comme les politiques pro-natales, on semble souvent oublier qu’il existe plusieurs sous-populations parfois très hétérogènes en matière de réaction aux politiques dans le groupe visé par l’intervention. Premièrement, il y a le groupe de femmes ou de familles qui n’auront jamais d’enfants, peu importe l’ampleur de l’aide financière apportée. Plusieurs facteurs concourent à la décision de fonder une famille, et ces facteurs ne sont pas nécessairement tous de nature économique au sens étroit du terme. Ensuite, et ce groupe est problématique, il y a ceux qui auraient des enfants de toute façon, qu’il y ait aide gouvernementale ou non. Ce groupe est problématique car, manifestement, le programme n’a aucune influence sur le comportement des femmes qui en font partie. Elles recevront un pur transfert qui, quoiqu’il soit naturellement bienvenu, n’est en fait qu’une manne qui tombe du ciel. Vient ensuite le groupe composé de femmes dont la décision d’avoir ou non un nombre donné d’enfants est effectivement influencée directement par le programme. Ce sont elles qui sont visées par l’intervention et la question importante est de pouvoir estimer le poids relatif de ce groupe et de quantifier l’influence du programme. En gros, cette typologie est assez standard pour à peu près tout type d’intervention publique visant à modifier le comportement des agents économiques. Toutefois, dans le cas précis des politiques visant à accroître la taille des familles, il existe un autre groupe qui réagit à la politique, mais pas de la façon envisagée par les décideurs publics. Ce groupe est composé de gens qui partagent des caractéristiques communes à deux des groupes précédents, soit celui qui est composé des femmes qui auraient eu des 163
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enfants de toute façon ainsi que de celles qui ont décidé d’en avoir davantage en raison de la politique. Il s’agit des femmes qui n’auront pas plus d’enfants en raison de la politique, mais qui, du fait de l’existence de la politique pro-natale, vont changer leur décision du moment où elles veulent avoir les enfants qu’elles auraient eus de toute façon. Il y a deux raisons principales pour lesquelles l’âge auquel une femme a son premier enfant ainsi que l’espacement entre les enfants pourraient être affectés par un programme de type bébé-bonus. La première est que la présence du programme permet de « relâcher » la contrainte financière des ménages. Par exemple, certains ménages ayant déjà un enfant et prévoyant en avoir un autre préféreraient peut-être avoir le second peu de temps après la naissance du premier, mais leur situation financière s’accommoderait plus facilement d’un délai plus long entre les deux naissances. Le programme permet alors d’éliminer cette contrainte. La seconde raison tient au fait que peu de programmes sont éternels. Si les ménages sont incertains quant à la présence du programme au moment où ils envisagent d’avoir leur troisième enfant, il est possible que la décision d’avoir ce troisième enfant soit avancée. Qu’en est-il au juste de l’effet des incitatifs fiscaux sur la fécondité ? Une évaluation récente du programme de bébé-bonusi conclut à la présence d’un effet important du programme sur la taille de la famille. Ma principale réserve quant à la crédibilité de cette conclusion tient au fait que l’analyse a été faite au moment où les femmes visées par le programme n’avaient pas encore conclu leur cycle de fécondité. Il est donc tout à fait possible que l’effet mesuré soit au moins en partie un effet d’espacement, tel qu’il est décrit plus haut. De fait, une analyse de la réforme du programme des allocations familiales effectuée en 1974 par le gouvernement fédéralii et qui, dans son application au Québec, se trouvait à subventionner le troisième enfant montre que tout l’effet positif sur la fécondité (et il y en a eu un) consistait en un effet de timing, et que l’effet sur le nombre d’enfants fut nul. À mon sens, avant de juger si le programme des bébé-bonus a été un succès en influençant la taille des familles, il faudra attendre que les femmes visées par l’intervention aient terminé leur cycle de fécondité ; il sera alors possible d’isoler l’effet d’espacement de l’effet « réel » sur la taille de la famille. Entretemps, il est loin d’être évident pour moi qu’un autre programme bébé-bonus, tel qu’il est préconisé par l’ADQ, pourrait s’avérer l’élément décisif d’une éventuelle recrudescence de la 164
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Chapitre 8. Le soutien financier, le revenu familial et leurs interactions
fécondité. D’ailleurs, la hausse de la fécondité québécoise qui semble en cours en ce moment est plutôt synchronisée avec l’introduction de la nouvelle législation sur les congés parentaux, qui est une intervention foncièrement différente comparée à un bébé-bonus. Toutefois, même dans le cas des congés parentaux, la typologie décrite plus haut s’applique intégralement et la nature précise des changements de comportement induits par ce nouveau programme ne sera connue que beaucoup plus tard. i Kevin Milligan (2005), « Subsidizing the Stork : New Evidence on Tax Incentives and Fertility », Review of Economics and Statistics, vol. 87, no 3, p. 539-555. ii Daniel Parent et Ling Wang (2007), « Tax Incentives and Fertility in Canada : Quantum vs Tempo Effects », Canadian Journal of Economics, vol. 40, no 2, mai, p. 371400.
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Chapitre 9
L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
Après avoir exposé dans les chapitres précédents le soutien financier aux familles avec enfants en 2008, analysons maintenant l’évolution de ce soutien depuis 20001. Pour rendre les résultats comparables d’une année à l’autre, il faut bien sûr tenir compte de l’inflation, un revenu en 2008 de 25 000 $ n’étant pas égal à un revenu de 25 000 $ gagné en 2000. Ainsi, lorsque nous présentons les résultats pour un revenu de 25 000 $, il s’agit de 25 000 $ en 2008 et de son équivalent les autres années, c’est-à-dire calculés en enlevant l’inflation2. Ainsi, un revenu de 25 000 $ en 2008 équivaut à un revenu de 21 333 $ gagné en 2000 ou à un revenu de 23 270 $ gagné en 2004.
1. Le choix de l’année d’imposition 2000 ne fait pas référence à un changement dans la manière d’accorder le soutien financier. Il s’agit simplement d’en tracer la récente évolution temporelle. 2. Pour ce faire, nous utilisons le taux d’inflation calculé à l’aide de l’indice des prix à la consommation (IPC) au Québec de Statistique Canada, sauf pour la dernière année où nous utilisons une projection de 1,7 % de l’Institut de la statistique du Québec.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
9.1 Évolution des ressources financières minimales des ménages Comme nous l’avons présenté dans le chapitre 7, les ressources financières minimales représentent ce que les ménages sans revenus reçoivent au titre de l’aide sociale, de crédits remboursables pour taxe de vente et, pour les familles avec enfants, les prestations liées à leur présence. Couples avec deux enfants et sans enfant La figure 40 trace l’évolution, en dollars de 2008, des ressources financières minimales entre 2000 et 2008. On constate rapidement quatre éléments : – Les ressources financières minimales des couples sans enfant ont légèrement diminué entre 2000 et 2008, passant d’un maximum de 11 551 $ atteint en 2004 à 11 116 $ en 2008. – Inversement, les ressources financières minimales des couples avec deux enfants ont crû de façon importante entre 2000 et 2008, passant de 19 325 $ à 24 779 $, une hausse de plus de 28 %. – Ce sont donc les ressources financières minimales liées à la présence d’enfants qui ont augmenté significativement. Alors qu’il était de 7 777 $ en 2000, le soutien rattaché aux enfants atteint 13 663 $ en 2008, une croissance de plus de 75 %. – La hausse est marquée surtout à partir de 2005, résultat des modifications apportées par la mise en place du crédit de soutien aux enfants et par l’introduction en 2006 de la prestation universelle pour la garde d’enfants.
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Chapitre 9. L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
Figure 40 Évolution du revenu après impôts et prestations pour un couple avec deux enfants en regard d’un couple sans enfant, sans revenu de travail, Québec, 2000 à 2008 (en dollars de 2008)
11 193 $
11 116 $
13 663 $
11 140 $
12 533 $
11 305 $
10 809 $
11 551 $
8 668 $
11 527 $
8 623 $
11 550 $
8 384 $
24 779 $
11 536 $
8 324 $
19 860 $ 19 934 $
22 113 $
20 150 $ 20 219 $
24 912$
11 548 $
7 777 $
19 325 $
23 673$
13 719 $
Ajout pour les deux enfants Sans enfant
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Famille monoparentale avec un enfant et personne seule Comme l’indique la figure 41, les constats sont ici aussi semblables, soit : – Les ressources financières minimales de la personne seule ont légèrement diminué entre 2000 et 2008, passant de 7 463 $ en 2000 à 7 170 $ en 2008. – Les ressources financières de la famille monoparentale avec un enfant ont crû de façon importante entre 2000 et 2008, passant de 13 948 $ à 16 332 $. – L’augmentation du revenu liée à la présence d’un enfant est significative. Alors qu’il était de 6 485 $ en 2000, le soutien financier rattaché à la présence d’un enfant atteint 8 869 $ en 2008, une croissance de près de 37 %.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
– Encore une fois, particulièrement à compter de 2005, la hausse importante s’explique par la mise en place du crédit de soutien aux enfants et de la prestation universelle pour la garde d’enfants. Figure 41 Évolution du revenu après impôts et prestations pour une famille monoparentale avec un enfant et pour une personne seule, sans revenu de travail, Québec, 2000 à 2008 (en dollars de 2008) Ajout pour l’enfant
7 301 $
7 188 $
7 223 $
7 170 $
8 869 $
7 460 $
7 580 $
7 439 $
6 816 $
7 464 $
6 801 $
7 453 $
6 745 $
14 279 $
7 463 $
6 485 $
6 715 $
13 948 $ 14 178 $ 14 208 $ 14 264 $
16 425 $ 16 332 $
8 357 $
15 820 $ 15 042 $
8 962 $
Personne seule
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
9.2 Évolution du seuil de passage de bénéficiaire net à contributeur net Comme il a été présenté dans le chapitre 7, le seuil équivaut au revenu où la famille passe de bénéficiaire net à contributeur net, donc pour lequel le revenu après impôts et prestations est égal au revenu de travail gagné. Comment ce seuil a-t-il évolué entre 2000 et 2008 ?
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Chapitre 9. L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
Couples avec deux enfants et sans enfant La figure 42 indique que le revenu gagné faisant en sorte que les impôts moins les prestations égalent zéro a augmenté significativement depuis 2000. Alors que, pour les couples sans enfant, le seuil est passé, en dollars de 2008, de 23 361 $ à 28 194 $, il est passé de 39 681 $ à 53 138 $ pour les couples avec deux enfants, une croissance respective de 21 % et de 34 %. Figure 42 Seuils où le couple avec deux enfants et le couple sans enfant passent de bénéficiaire net à contributeur net, Québec, 2000 à 2008 (en dollars de 2008) Ajout des deux enfants Sans enfant
52 972 $
27 784 $
28 194 $
24 944 $
26 156 $
21 488 $
25 236 $
19 741 $
24 763 $
17 979 $
24 644 $
17 034 $
24 766 $
17 224 $
24 138 $
17 103 $
41 991 $ 41 678 $ 42 742 $
23 361 $
16 320 $
39 681 $
25 188 $
44 977 $ 41 240 $
53 138 $
47 644 $
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Famille monoparentale avec un enfant et personne seule Tout comme c’est le cas pour les couples avec enfants, le seuil où les contribuables passent de bénéficiaires nets à contributeurs nets a connu une croissance plus importante pour les familles monoparentales que pour les personnes seules. En effet, pour les personnes seules, le seuil est passé, en dollars 171
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
de 2008, de 13 224 $ en 2000 à 15 918 $ en 2008 comparativement à une augmentation pour les familles monoparentales avec un enfant, de 30 878 $ à 38 218 $. Figure 43 Seuils où la famille monoparentale avec un enfant et la personne seule passent de bénéficiaire net à contributeur net, Québec, 2000 à 2008 (en dollars de 2008)
37 741 $
14 680 $
15 088 $
15 865 $
15 918 $
21 876 $
20 320 $
14 074 $
19 755 $
14 025 $
18 953 $
14 106 $
18 437 $
13 707 $
18 437 $
33 027 $
38 218 $
35 407 $
13 224 $
17 655 $
18 223 $
32 543 $ 32 462 $ 30 878 $ 31 930 $
34 435 $
22 300 $
Ajout pour l’enfant Sans enfant
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
9.3 Évolution du soutien financier aux familles À revenus identiques, la charge fiscale est moindre lorsqu’il y a des enfants à charge. Comment cette prise en compte de la présence des enfants a-t-elle évolué depuis 2000 ? Couple avec deux enfants versus couple sans enfant La figure 44 trace, en dollars de 2008, les résultats pour les familles formées d’un couple avec deux enfants comparativement au couple sans enfant. Par exemple, en 2000, le soutien financier lié à la présence des deux enfants était de 7 009 $ pour 172
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Chapitre 9. L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
un couple gagnant l’équivalent de 25 000 $. En 2008, le soutien financier de ce couple a plus que doublé pour atteindre 14 610 $. Pour un revenu familial équivalant 50 000 $, le soutien financier s’établissait à 5 368 $ en 2000 et il atteint 7 932 $ en 2008. Il est aussi possible de noter que, pour une famille représentative ayant 75 000 $ de revenu familial, le soutien financier a plus que doublé entre 2000 et 2008, passant de 2 301 $ à 5 934 $. En résumé, le soutien financier lié à la présence des enfants est nettement plus grand en 2008 qu’en 2000 pour les quatre situations de revenus. Les augmentations substantielles de l’aide en 2005 s’expliquent surtout par la mise en place du crédit de soutien aux enfants et de la prime au travail pour les plus bas revenus. Les augmentations du soutien financier en 2006 et 2007 pour tous les revenus sont liées à la mise en place de la prestation universelle pour la garde d’enfants. Figure 44 Valeur du soutien financier aux familles, couple avec deux enfants, quatre situations de revenu, Québec (en dollars de 2008) 16 000
Revenu équivalant 25 000 $ en 2008 14 000
14 610 $
Revenu équivalant 50 000 $ en 2008 Revenu équivalant 75 000 $ en 2008
12 000
Revenu équivalant 100 000 $ en 2008
10 000 8 000
7 009 $
7 934 $
6 000
5 368 $
5 934 $ 4 044 $
4 000
2 301 $ 2 000
1 900 $ 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Famille monoparentale avec un enfant versus personne seule Le même exercice, avec des résultats similaires, a été refait pour la famille monoparentale avec un enfant. Ainsi, avec un revenu de travail équivalant 25 000 $, la famille monoparentale avec un enfant avait, en 2000, un soutien financier de 6 299 $, comparativement à 9 524 $ en 2008. Il est aussi possible de noter que le soutien a augmenté significativement entre 2000 et 2008 dans toutes les situations de revenus analysées. Figure 45 Valeur du soutien financier aux familles, famille monoparentale avec un enfant, quatre situations de revenu, Québec (en dollars de 2008) Revenu équivalant 25 000 $ en 2008
10 000
Revenu équivalant 50 000 $ en 2008
9 524 $
Revenu équivalant 75 000 $ en 2008 Revenu équivalant 100 000 $ en 2008
8 000
6 299 $ 6 000
4 000
5 795 $ 3 774 $
4 287 $ 3 480 $
2 680 $ 2 000
2 465 $
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
En guise de conclusion L’évolution temporelle est clairement marquée par une amélioration sensible du soutien financier pour l’ensemble des familles avec enfants, les plus riches comme les plus pauvres. 174
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Chapitre 9. L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
Pour les couples sans revenu de travail, les ressources financières minimales offertes par l’État se sont clairement améliorées, passant de 19 325 $ en 2000 (en dollars de 2008) à 24 779 $ en 2008. Cette amélioration s’explique entièrement par la présence d’enfants, car les ressources financières minimales pour les couples sans enfant n’ont pas augmenté au cours de la période analysée. Le seuil de passage de bénéficiaire net à contributeur net a aussi été haussé entre 2000 et 2008. En conséquence, un couple avec deux enfants gagnant l’équivalent de 50 000 $ en 2000 était un contributeur net avec une charge fiscale de 8 % alors qu’il est, en 2008, un bénéficiaire net puisque ses prestations excèdent maintenant ses impôts de plus de 1 100 $. Mesuré en dollars de 2008, le soutien financier dont bénéficient l’ensemble des familles québécoises s’est grandement amélioré depuis 2000. Même si elle n’est pas la famille bénéficiant d’une aide maximale, la famille représentative ayant un revenu équivalant 75 000 $ en 2008 a un soutien financier qui a plus que doublé, passant de 2 301 $ en 2000 à 5 934 $ en 2008. Notons finalement que, pour la famille monoparentale, les mêmes types de résultats ont pu être constatés.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Des efforts à reconnaître et à poursuivre Point de vue d’Alain Noël Alain Noël est professeur de science politique à l’Université de Montréal et directeur du Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE). Son dernier livre, écrit avec Jean-Philippe Thérien et intitulé Left and Right in Global Politics, est paru chez Cambridge University Press en 2008.
Depuis l’an 2000, toutes les familles québécoises ont bénéficié de l’amélioration des programmes gouvernementaux de soutien financier. Les familles à faible revenu, en particulier, ont vu leur situation progresser de façon substantielle. Dans ce chapitre, les auteurs présentent deux cas de figure : celui des ménages sans revenu de travail et celui des ménages dont les revenus de travail bruts équivalent à 25 000 $ par année, en dollars de 2008. Dans le premier cas, entre 2000 et 2008 le revenu après impôts et transferts a augmenté de près de 28 % pour un couple avec deux enfants et de 17 % pour une famille monoparentale avec un enfant. Pendant ce temps, les revenus des ménages dans la même situation mais sans enfant diminuaient légèrement. Pour les ménages avec des revenus de travail de 25 000 $, les résultats sont encore plus frappants. Pendant la même période, le soutien financier obtenu par un couple avec deux enfants a doublé, pour atteindre 14 610 $, et celui de la famille monoparentale avec un enfant a augmenté de 51 %, jusqu’à 9 524 $. Les auteurs ont raison de parler d’un véritable « souci de lutter contre la pauvreté ». Les données plus globales sur la prévalence du faible revenu témoignent d’ailleurs de cet effort. Entre 2000 et 2006, le pourcentage d’enfants québécois vivant dans des familles sous le seuil de faible revenu après impôt de Statistique Canada (SFR-API) est passé de 16 % à 9,7 %. Pendant la même période, en Ontario, ce taux variait beaucoup moins, passant de 12,8 % à 11,8 %i. Avec le seuil de faible revenu établi par la mesure du panier de consommation (MPC) du ministère des Ressources humaines et du Développement social du Canada, qui tient mieux compte du coût de la vie dans les provinces, les progrès du Québec semblent encore plus remarquables. En 2004, 7,9 % des enfants québécois vivaient dans un ménage sous ce seuil de faible revenu, comparativement à 16 % en 2000. En Ontario, le taux pour 2004 était encore à 16,3 % et, dans la
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Chapitre 9. L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
riche Alberta, il était à 14,9 %ii. Quel que soit l’indicateur retenu, le Québec a fait reculer la pauvreté depuis l’an 2000, et ce, beaucoup plus que toutes les autres provinces canadiennesiii. Comme le montre bien ce chapitre, ces résultats ont été obtenus en améliorant la situation de toutes les familles, qu’elles aient ou non des revenus de travail. Cela n’allait pas de soi. La majorité des provinces et des territoires canadiens ont en effet récupéré, en tout ou en partie, le supplément de la prestation nationale pour enfants (SPNE) versé par le gouvernement fédéral aux familles qui touchent de l’aide sociale, présumant qu’une trop grande amélioration de leur condition découragerait le travailiv. Au total, ces gouvernements ont réduit les revenus d’aide sociale. Entre 1997 et 2006, le revenu d’un couple avec deux enfants recevant de l’aide sociale a diminué en Ontario, alors qu’il augmentait de 2 932 $ au Québecv. Cela n’a pas empêché les parents québécois d’intégrer le marché du travail. Entre janvier 2000 et mai 2008, le nombre de familles québécoises avec enfants recevant de l’aide sociale a diminué de près de 53 %. Durant la même période, le nombre de couples sans enfant dans la même situation a baissé moins fortement (42 %), alors que celui des personnes seules ne diminuait que de 6,6 %, même si ces ménages n’ont pas vu leurs revenus d’aide sociale augmentervi. Les données de cet ouvrage sur les familles dont les revenus de travail s’élèvent à 25 000 $ aident à comprendre cette évolution. En effet, pendant que les revenus d’aide sociale s’amélioraient, le soutien financier pour les familles ayant de faibles revenus de travail progressait encore plus, ce qui rendait l’emploi très attrayant. C’est donc sans punir les ménages avec enfants sans revenus de travail, en améliorant vraiment la situation de toutes les familles, que le Québec a réussi à la fois à favoriser l’emploi et à faire reculer la pauvreté. Quelques bémols s’imposent toutefois. D’abord, les auteurs le démontrent clairement, les personnes pauvres sans enfant n’ont pas fait l’objet de la même sollicitude de la part des gouvernements. La situation financière des personnes recevant de l’aide sociale, notamment, s’est détériorée. Ce n’est pas un hasard. En effet, à l’exception des dispositions fédérales pour la garde d’enfants, qui sont bien mal conçues, toutes les mesures recensées dans ce chapitre sont indexées annuellement pour tenir compte de l’inflation. Or, ce n’est pas le cas pour les prestations d’aide sociale pour les personnes sans contraintes sévères à l’emploi, qui ne le sont qu’à moitié. Les difficultés des personnes sans enfant sont pourtant loin 177
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
d’être marginales. Au Québec, en effet, près de la moitié des personnes à faible revenu vivent seules, et cette tendance risque d’aller en s’accentuantvii. L’évolution récente des politiques familiales québécoises nous enseigne pourtant qu’il est tout à fait possible de combattre la pauvreté sans réduire l’incitation au travail et sans ruiner les contribuables. Il faudrait s’en rappeler. Par ailleurs, quand on considère les progrès réalisés par les familles à faible revenu, il faut garder à l’esprit que celles-ci partent souvent de loin. Les familles qui reçoivent de l’aide sociale, en particulier, ont vu leur situation s’améliorer, mais leurs revenus ne les amènent pas encore au seuil de faible revenu défini par la mesure du panier de consommation. Pour la famille monoparentale avec un enfant, l’écart en 2007 représentait encore 4,7 % (863 $), alors que, pour le couple avec deux enfants, il était de 6,5 % (1 685 $). Ces écarts de revenu se comparent avantageusement à ceux qui affectent les couples sans enfant (entre 13,5 % et 39,2 %, selon le type de contraintes à l’emploi) et les personnes seules (entre 17,8 % et 44 %)viii. Mais ils posent quand même problème. Comme le notent les auteurs, vivre avec un revenu proche du seuil de la MPC demeure toujours « un haut fait ». Autour de ce seuil, en effet, les conséquences de la pauvreté se font nécessairement sentir. Et elles sont nombreuses. Pour un jeune de moins de 18 ans, vivre ainsi c’est probablement être né en moins bonne santé et courir plus de risques d’être hospitalisé, d’avoir des troubles mentaux ou même de mourir avant l’âge adulte. Grandir dans la pauvreté multiplie aussi par deux les probabilités d’éprouver des problèmes d’apprentissage et par trois ou quatre celles d’accuser des retards scolaires au primaire et au secondaire. L’estime de soi en est souvent affectée, et le tabagisme et la consommation précoce d’alcool ou de drogue sont plus proba blesix. Les politiques familiales doivent tenir compte de cet héritage. Les scénarios des auteurs, par exemple, ne calculent pas de frais de garde pour les familles sans revenu de travail. Pourtant, la fréquentation précoce des services de garde corrige puissamment les écarts de développement associés à la pauvretéx. Plus les enfants viennent de milieux pauvres, plus ils bénéficient de bons services de garde. Une société qui vieillit, comme le Québec, a besoin de former une relève éduquée et productive, équipée pour l’économie de la connaissance.
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Chapitre 9. L’évolution du soutien financier aux familles de 2000 à 2008
Personne ne devrait être laissé de côté. Ici, la justice sociale et l’efficacité économique se rejoignent pour favoriser une politique d’égalité des chancesxi. La pauvreté, en effet, réduit beaucoup les probabilités de réussite scolaire et professionnelle. Des études américaines montrent que 42 % des enfants défavorisés seront encore pauvres à l’âge adulte. Les politiques familiales doivent donc assurer un revenu adéquat à toutes les familles, et en même temps réduire les répercussions d’antécédents familiaux inégaux, notamment en offrant de bons services de garde à tous dans la petite enfancexii. Le prix à payer pour de telles mesures est fort modeste en comparaison des coûts de la pauvreté, qui se mesurent en perte de productivité, de revenu, de santé et de cohésion socialexiii. Depuis l’an 2000, le Québec a fait de grands pas dans cette direction en soutenant mieux le revenu des familles, en adoptant un meilleur régime de congé parental et en investissant dans les services de garde. Comme le notent Godbout et St-Cerny, il importe de reconnaître ces efforts et de les poursuivre. Mais il faudrait aussi les approfondir et les prolonger, en pensant notamment aux plus pauvres et aux personnes sans enfant. Les résultats obtenus jusqu’ici montrent qu’il est possible et avantageux de concilier la justice sociale et l’efficacité économique. i Statistique Canada, Le revenu au Canada, 2006, Ottawa, mai 2008, no 75-202-X, p. 99-101. ii Ministère des Ressources humaines et du Développement social du Canada, Le faible revenu au Canada de 2000 à 2004 selon la mesure du panier de consommation, Ottawa, juin 2008, SP-682-10-07F, p. 35-39. iii Ministère de la Santé et des Services sociaux et Institut national de santé publique du Québec, Troisième rapport national sur l’état de santé de la population du Québec : riches de tous nos enfants ; la pauvreté et ses répercussions sur la santé des jeunes de moins de 18 ans, Québec, 2007, p. 68-69. iv Keith G. Banting, « Dis-embedding Liberalism ? The New Social Policy Paradigm in Canada », dans David A. Green et Jonathan R. Kesselman (dir.), Dimensions of Inequality in Canada, Vancouver, UBC Press, 2006, p. 427-428 ; Conseil national du bienêtre social, Revenus de bien-être social 2006, Feuillet d’information no 1, Ottawa, 2008, p. 7. v Conseil national du bien-être social, Revenus de bien-être social 2006, p. 7. vi Calculs de l’auteur, d’après les rapports statistiques mensuels du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec. vii Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion, Le faible revenu au Québec : un état de situation, Québec, 2008, p. 10 et 17-19. viii Ibid., p. 25.
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Partie 3 La mise en valeur du soutien financier aux familles
Ministère de la Santé et des Services sociaux et Institut national de santé publique du Québec, Troisième rapport national sur l’état de santé de la population du Québec, p. 20-21. x Ibid., p. 112. xi Gøsta Esping-Andersen, Trois leçons sur l’État-providence, Paris, Seuil, 2008, p. 63 et 72. xii Ibid., p. 69 et 77-91. xiii Ibid., p. 83-85 ; Ministère de la Santé et des Services sociaux et Institut national de santé publique du Québec, Troisième rapport national sur l’état de santé de la population du Québec, p. 116. ix
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
« Avoir un enfant, c’est manifester un accord absolu avec l’homme. Si j’ai un enfant, c’est comme si je disais : je suis né, j’ai goûté à la vie et j’ai constaté qu’elle est si bonne qu’elle mérite d’être multipliée. » Milan Kundera, Extrait de La valse aux adieux
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Chapitre 10
Comment se compare le Québec ?
Après avoir pris connaissance de l’existence d’un soutien financier destiné aux familles québécoises, le temps est venu de comparer sa générosité avec le soutien financier existant dans les autres provinces ainsi que dans une sélection de pays. Pour chacune de ces comparaisons, nous analyserons tour à tour le coût net de garde des enfants, le soutien financier aux familles avec enfants et le revenu disponible après le paiement des impôts, des cotisations, des frais de garde, tout en tenant compte des prestations reçues. 10.1 Comparaisons avec les autres provinces canadiennes Dans la présente section, nous dressons une comparaison interprovinciale selon que la famille réside au Québec ou ailleurs au Canada1. Bien sûr, le revenu familial représentatif varie d’une province à l’autre mais, par souci de simplicité, pour effectuer les calculs du présent chapitre, nous utilisons le même revenu familial 1. Nous avons fait les calculs pour les provinces avec le mode de planification du logiciel Taxprep des particuliers 2007.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
dans chacune des provinces 2. L’annexe 3 présente la même analyse mais avec des calculs effectués pour des revenus médians provinciaux ; dans les deux cas, les constats restent les mêmes. Par ailleurs, étant donné que le Québec est la seule province à offrir un programme de services de garde à contribution réduite, il faut nécessairement prendre en compte le coût de garde des enfants. Pendant que les familles québécoises peuvent bénéficier d’une place de garde à 7 $ par jour, les familles des autres provinces canadiennes doivent débourser souvent beaucoup plus, parfois même plus de 40 $ par jour. On ne peut évidemment pas se contenter de comparer le soutien financier que reçoit une famille selon son lieu de résidence en restant silencieux sur le fait qu’ailleurs au Canada le coût net de la garde d’enfants est beaucoup plus élevé qu’ici. Couple avec deux enfants Comparaison des frais de garde nets Pour faire notre comparaison interprovinciale, nous supposons des frais de garde d’enfants moyens de 25 $ par jour ailleurs au Canada (« garderie à 25 $ »), même si, dans la réalité, les frais de garde d’enfants peuvent être beaucoup plus élevés3. Le tableau 27 illustre pour une famille gagnant un revenu familial de 75 000 $ le coût net des frais de garde lorsque les deux enfants fréquentent une garderie. Une fois pris en compte les
2. Statistique Canada, tableau 202-0702. On constate en fait un écart moyen de 12 % entre le revenu médian de marché des familles québécoises avec enfants comparativement au revenu médian de marché du Canada. 3. Les tarifs varient selon la province, quelquefois selon la ville et selon l’âge des enfants. Une recherche nous a permis d’établir que, si le coût pouvait énormément varier, une moyenne de 25 $ par jour semble raisonnable. Pour plus d’informations, voir : Martha Friendly, Jane Beach, Carolyn Ferns et Michelle Turiano (2007), Early childhood education and care in Canada 2006, 7e édition, CRRU publications : Childcare Resource and Research Unit. En ligne : http://www.childcarecanada.org/ECEC2006/index.html#toc (consulté le 8 septembre 2008).
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
mesures fiscales pour frais de garde4 ainsi que la prestation universelle pour garde d’enfants, on constate naturellement que c’est au Québec que le coût net de garde pour deux enfants est le moins élevé, s’élevant annuellement à 1 207 $, soit 4,83 $ par jour alors qu’il s’établit en moyenne à 7 145 $ par année dans le reste du Canada, soit 28,58 $ par jour. Le coût net des frais de garde est donc plus de cinq fois moindre au Québec. Ce faisant, la situation du Québec est relativement différente, alors que les familles des autres provinces canadiennes consacrent autour de 12 % de leur revenu disponible au paiement des frais de garde, l’effort de la famille québécoise se situe à 2 % au Québec5. Tableau 27 Comparaison interprovinciale du coût net des frais de garde pour un couple avec deux enfants et un revenu familial de 75 000 $, 2008 Prestation Frais de universelle garde bruts nette pour pour deux la garde enfants d’enfants Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
12 500 12 500 12 500 12 500 3 500 12 500 12 500 12 500 12 500 12 500
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
Moyenne canadienne excluant le Québec
12 500 $
1 723 1 789 1 681 1 797 1 715 1 895 1 744 1 776 1 800 1 914
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
1 791 $
Mesures fiscales pour frais de garde 3 415 3 609 3 499 3 640 578 3 431 3 787 3 750 3 576 3 369
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
3 564 $
Frais de Frais de Frais de garde nets garde nets garde nets par jour en % du pour deux pour deux revenu enfants enfants disponible 7 362 7 102 7 320 7 063 1 207 7 174 6 968 6 974 7 124 7 216
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
7 145 $
29,45 28,41 29,28 28,25 4,83 28,70 27,87 27,90 28,50 28,87
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
12,4 % 12,1 % 12,5 % 12,1 % 2,0 % 11,9 % 11,8 % 11,8 % 11,8 % 11,8 %
28,58 $
12,0 %
Note : Au Québec, si les enfants fréquentaient une garderie à 25 $ plutôt qu’un service de garde à contribution réduite, le coût net de garde resterait le moins élevé à 3 955 $, soit l’équivalent de 6,6 % du revenu disponible.
4. Les mesures fiscales pour frais de garde incluent la déduction fédérale pour frais de garde et les autres mesures fiscales pour frais de garde des provinces lorsqu’elles sont applicables. 5. En fait, la situation au Québec se compare davantage à celle de la Finlande et de la Suède ; voir la section suivante portant sur les comparaisons internationales.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Comparaison du soutien financier Nécessairement, pour les autres familles canadiennes, assumer des frais de garde d’enfants plus élevés prend une portion importante du revenu familial et gruge significativement, sinon complètement, le soutien financier dont elles bénéficient. Pour comparer le soutien financier, nous le déterminons, dans un premier temps, sans tenir compte des mesures relatives aux frais de garde. Si au Québec nous avons illustré au chapitre 7 qu’une famille représentative gagnant un revenu familial de 75 000 $ bénéficiait d’un soutien financier de 5 933 $, le tableau 28 illustre que, sans tenir compte des mesures relatives aux frais de garde, le soutien financier s’établit à 3 640 $ au Québec comparativement à une moyenne de 1 879 $ dans les autres provinces canadiennes. Dans un second temps, nous soustrayons les frais de garde nets du soutien financier. Le soutien financier réduit des frais de garde d’enfants s’élève à 2 433 $ au Québec. Nous pourrions dire : voilà une méthode montrant – somme toute – la modicité de la valeur du soutien financier québécois. Or, le tableau 28 montre que, dans les autres provinces canadiennes, la valeur du soutien financier reçu ne couvre pas la totalité des frais de garde que doivent payer les familles. Résultat, c’est seulement au Québec que le soutien financier déduit des frais de garde demeure positif.
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
Tableau 28 Comparaison interprovinciale du soutien financier, sans prise en compte des mesures relatives aux frais de garde puis avec frais de garde nets, pour un couple avec deux enfants et un revenu familial de 75 000 $, 2008
Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
Soutien financier SANS prise en compte des mesures relatives aux frais de garde 1 685 $ 1 967 $ 1 952 $ 1 741 $ 3 640 $ 1 740 $ 2 129 $ 2 356 $ 1 602 $ 1 741 $
Moyenne canadienne excluant le Québec
1 879 $
Soutien financier AVEC prise en compte des frais de garde nets (5 567) $ (5 119) $ (5 220) $ (5 323) $ 2 433 $ (5 434) $ (4 829) $ (4 618) $ (5 473) $ (5 529) $ (5 235) $
Comparaison du revenu disponible Nous devons reconnaître que le programme de services de garde à contribution réduite diminue significativement le coût net de garde des familles québécoises, ce qui conséquemment équivaut à accroître la valeur du soutien financier net dont elles bénéficient. Toutefois, comme le programme de services de garde à contribution réduite est financé par l’imposition, confirmant que l’impôt sert à payer des dépenses publiques, il explique une facture fiscale, dans certaines situations, plus élevée au Québec qu’ailleurs au Canada. Conséquemment, une comparaison interprovinciale ne peut pas se limiter uniquement aux frais de garde nets ou encore strictement à la charge fiscale des familles ; elle doit nécessairement prendre en compte les deux éléments. 187
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Pour y parvenir, nous mesurons le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations (revenu disponible) tout en tenant compte des frais de garde d’enfants qui ont été payés. En procédant ainsi, le tableau 29 permet de constater que, parmi l’ensemble des provinces canadiennes, la famille québécoise obtient le revenu disponible le plus élevé, avec un écart favorable moyen de 6 063 $ lorsque les enfants fréquentent les services de garde à contribution réduite et de 3 246 $ lorsqu’ils fréquentent une garderie à 25 $. Ainsi, ces familles québécoises dont les enfants fréquentent une garderie jouissent, dans les deux cas, d’un revenu disponible plus élevé au Québec que dans le reste du Canada. Tableau 29 Comparaison interprovinciale du revenu disponible après frais de garde et écart avec le Québec pour un couple avec deux enfants et un revenu familial de 75 000 $, 2008 7 $ par jour au Québec Revenu disponible Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
51 957 51 506 51 510 51 241 58 330 52 864 52 040 52 022 53 253 54 006
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
Moyenne canadienne excluant le Québec
52 267 $
25 $ par jour au Québec Revenu Écart Écart disponible 6 373 $ 51 957 $ 3 555 $ 6 824 $ 51 506 $ 4 006 $ 6 820 $ 51 510 $ 4 002 $ 7 089 $ 51 241 $ 4 271 $ -$ 55 512 $ -$ 5 466 $ 52 864 $ 2 648 $ 6 290 $ 52 040 $ 3 472 $ 6 308 $ 52 022 $ 3 490 $ 5 077 $ 53 253 $ 2 259 $ 4 324 $ 54 006 $ 1 506 $
6 063 $
52 267 $
3 246 $
Si les impôts sur le revenu sont généralement plus élevés ici que dans les autres provinces canadiennes, mais qu’il en reste plus dans la poche des familles québécoises dont les enfants fréquentent une garderie, que ce soit à contribution réduite ou au tarif de 25 $, la principale explication prend sa source dans les frais de garde nets qui sont moindres ici. 188
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
Afin de savoir si c’est seulement lorsque les enfants fréquentent la garderie que les familles québécoises se comparent avantageusement bien, ajoutons maintenant deux cas à la comparaison interprovinciale. Le premier cas correspond au même ménage, mais qui cette fois n’aurait plus (ou pas) d’enfants à sa charge, tandis que le deuxième cas représente une famille dont les deux conjoints travaillent toujours, mais dont les enfants à charge sont plus âgés et, en conséquence, ne fréquentent pas de services de garde. Alors que nous avions déjà observé que les familles québécoises dont les enfants fréquentent la garderie obtiennent le revenu disponible le plus élevé de l’ensemble des provinces canadiennes, le tableau 30 révèle que la situation est diamétralement opposée en ce qui concerne les ménages sans enfant. Dans ce cas, compte tenu du barème d’imposition du revenu plus élevé au Québec et en l’absence d’utilisation de mesures compensatoires rattachées à la présence d’enfants, le revenu disponible est le plus faible de toutes les provinces canadiennes. Toutefois, alors que l’écart favorable au Québec est de 6 063 $ en présence d’enfants au service de garde à contribution réduite, en l’absence d’enfants à charge, l’écart défavorable moyen est de 1 605 $. Entre la famille dont les enfants fréquentent la garderie et le ménage sans enfant se trouve la famille avec des enfants à charge, mais qui, étant plus âgés, ne fréquentent plus la garderie. Dans ce cas, la famille québécoise se retrouve, en comparaison avec les autres familles canadiennes, avec un écart favorable de son revenu disponible après impôts, cotisations et prestations de 156 $. À revenu familial égal de 75 000 $, la comparaison interprovinciale montre que combiner le soutien financier aux frais de garde nets fait du Québec le paradis canadien des jeunes familles. Il en reste plus dans les poches de la famille québécoise que n’importe où ailleurs au Canada. Une fois que les enfants grandissent et qu’ils ne fréquentent plus les garderies, l’impôt sur le revenu plus élevé estompe la quasi-totalité de l’avantage du plus grand soutien financier aux familles, rendant similaires le revenu disponible des familles québécoises et le revenu disponible moyen des familles du reste du Canada, bien que les familles québécoises restent avantagées en regard de six provinces. 189
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Tableau 30 Comparaison interprovinciale du revenu disponible après frais de garde selon diverses situations familiales et écart avec le Québec pour un couple avec deux enfants et un revenu familial de 75 000 $, 2008 Deux enfants à la garderie*
Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique Moyenne canadienne excluant le Québec
Revenu disponible 51 957 $ 51 506 $ 51 510 $ 51 241 $ 58 330 $ 52 864 $ 52 040 $ 52 022 $ 53 253 $ 54 006 $ 52 267 $
Écart 6 373 6 824 6 820 7 089 5 466 6 290 6 308 5 077 4 324
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
Deux enfants ne fréquentant pas la garderie** Revenu Écart disponible 59 210 $ 327 $ 58 593 $ 944 $ 58 682 $ 855 $ 58 305 $ 1 232 $ 59 537 $ -$ 60 038 $ (501) $ 58 999 $ 538 $ 58 996 $ 541 $ 60 328 $ (791) $ 61 276 $ (1 739) $
6 063 $
59 381 $
156 $
Sans enfant à charge Revenu disponible 57 525 $ 56 625 $ 56 731 $ 56 564 $ 55 897 $ 58 298 $ 56 870 $ 56 640 $ 58 726 $ 59 535 $
(1 628) $ (728) $ (834) $ (667) $ -$ (2 401) $ (973) $ (743) $ (2 829) $ (3 638) $
57 502 $
(1 605) $
Écart
* Avec frais de garde et PUGE. ** Aucuns frais de garde et sans PUGE car les enfants sont plus âgés.
La comparaison interprovinciale du revenu disponible révèle que le Québec a fait le choix des familles. Il reste donc aux jeunes ménages n’ayant pas encore d’enfants à se conforter avec l’idée qu’ils en profiteront lorsqu’ils auront des enfants et aux ménages n’ayant plus d’enfants à charge à se consoler en se disant que leurs petits-enfants seront mieux soutenus financièrement. Famille monoparentale avec un enfant Le même exercice de comparaison interprovinciale est présenté ici pour la famille monoparentale avec un enfant et un revenu familial de 50 000 $.
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
Comparaison des frais de gardes nets Le tableau 31 montre le coût net des frais de garde pour une famille monoparentale lorsque leur enfant fréquente une garderie. Une fois prises en compte la déduction des frais de garde ainsi que la prestation universelle pour garde d’enfants, on constate naturellement que c’est au Québec que le coût net de garde est le moins élevé, s’élevant annuellement à 654 $, soit 2,62 $ par jour alors qu’il s’établit en moyenne à 3 184 $ par année dans le reste du Canada, soit 12,73 $ par jour. Ce faisant, la situation du Québec est relativement différente ; alors que les familles des autres provinces canadiennes consacrent 7,9 % de leur revenu disponible au paiement des frais de garde, l’effort de la famille québécoise se situe à 1,6 %. Tableau 31 Comparaison interprovinciale du coût net des frais de garde pour une famille monoparentale avec un enfant et un revenu familial de 50 000 $, 2008
Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique Moyenne canadienne excluant le Québec
Prestation Frais de Mesures Frais de universelle garde bruts fiscales pour garde nets nette pour pour un pour un frais de la garde enfant enfant garde d’enfants 6 250 $ 778 $ 2 325 $ 3 147 $ 6 250 $ 760 $ 2 352 $ 3 137 $ 6 250 $ 757 $ 2 434 $ 3 059 $ 6 250 $ 750 $ 2 467 $ 3 032 $ 1 750 $ 740 $ 356 $ 654 $ 6 250 $ 826 $ 2 222 $ 3 202 $ 6 250 $ 783 $ 2 269 $ 3 198 $ 6 250 $ 780 $ 2 312 $ 3 158 $ 6 250 $ 816 $ 2 125 $ 3 309 $ 6 250 $ 840 $ 1 999 $ 3 411 $ 6 250 $
788 $
2 278 $
3 184 $
Frais de Frais de garde nets garde nets par jour en % du revenu pour un enfant disponible 12,59 $ 7,8 % 12,55 $ 7,9 % 12,24 $ 7,7 % 12,13 $ 7,6 % 2,62 $ 1,6 % 12,81 $ 7,9 % 12,79 $ 7,9 % 12,63 $ 7,8 % 13,24 $ 7,8 % 13,64 $ 8,2 % 12,73 $
7,9 %
Note : Au Québec, même si l’enfant fréquentait une garderie à 25 $ par jour, le coût net de garde est toujours le moins élevé à 612 $, soit l’équivalent de 1,5 % du revenu disponible.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Comparaison du soutien financier Le tableau 32 illustre que, sans tenir compte des mesures relatives aux frais de garde, le soutien s’établit à 4 699 $ au Québec comparativement à une moyenne de 3 573 $ dans les autres provinces canadiennes. Une fois pris en compte, le soutien financier réduit des frais de garde d’enfants de la famille monoparentale s’élève à 4 045 $. Dans les autres provinces canadiennes, la valeur du soutien financier sans les frais de garde reste relativement moindre en regard du Québec. Tableau 32 Comparaison interprovinciale du soutien financier sans prise en compte des mesures relatives aux frais de garde puis avec frais de garde nets, pour une famille monoparentale avec un enfant et un revenu familial de 50 000 $, 2008
Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique Moyenne canadienne excluant le Québec
Soutien financier Soutien financier SANS prise en AVEC prise en compte des compte des frais de mesures relatives garde nets aux frais de garde 3 267 $ 120 $ 3 555 $ 428 $ 3 388 $ 328 $ 3 532 $ 500 $ 4 699 $ 4 045 $ 3 256 $ 54 $ 3 601 $ 431 $ 3 794 $ 637 $ 4 541 $ 1 233 $ 3 223 $ (188) $ 3 573 $
394 $
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
Comparaison du revenu disponible Le tableau 33 mesure le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations tout en tenant compte du paiement des frais de garde d’enfants. On y constate que, parmi l’ensemble des provinces canadiennes, c’est au Québec que ce revenu disponible est le plus élevé, avec un écart favorable moyen de 2 316 $ lorsque l’enfant fréquente les services de garde à contribution réduite et de 2 357 $ lorsqu’il fréquente une garderie à 25 $. Ainsi, la famille monoparentale québécoise dont l’enfant fréquente une garderie jouit, dans les deux cas, d’un revenu disponible plus élevé que dans le reste du Canada. Tableau 33 Comparaison interprovinciale du revenu disponible après frais de garde et écart avec le Québec pour une famille monoparentale avec un enfant et un revenu familial de 50 000 $, 2008 7 $ par jour au Québec Revenu disponible Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
36 954 36 732 36 497 36 654 39 658 37 587 37 222 37 105 39 023 38 305
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
Moyenne canadienne excluant le Québec
37 342 $
Écart 2 704 2 926 3 161 3 004 2 071 2 436 2 553 635 1 353
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
2 316 $
25 $ par jour au Québec Revenu Écart disponible 36 954 $ 2 745 $ 36 732 $ 2 968 $ 36 497 $ 3 203 $ 36 654 $ 3 045 $ 39 699 $ -$ 37 587 $ 2 113 $ 37 222 $ 2 478 $ 37 105 $ 2 594 $ 39 023 $ 676 $ 38 305 $ 1 394 $ 37 342 $
2 357 $
Le tableau 34 révèle que la situation est diamétralement opposée en ce qui concerne les ménages sans enfant à charge. Dans ce cas, en l’absence d’utilisation de mesures rattachées à la présence d’enfants, le revenu disponible québécois est le plus faible de toutes les provinces canadiennes ; l’écart défavorable moyen est de 1 335 $. 193
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Dans le cas de la famille monoparentale québécoise qui a un enfant à charge, plus âgé et ne fréquentant plus la garderie, la comparaison avec les autres familles canadiennes indique un écart défavorable moyen de son revenu disponible après impôts, cotisations et prestations de 210 $, bien qu’elle reste avantagée en regard de cinq provinces. Tableau 34 Comparaison interprovinciale du revenu disponible après frais de garde selon diverses situations familiales et écart avec le Québec pour une famille monoparentale avec un enfant et un revenu familial de 50 000 $, 2008 Un enfant à la garderie*
Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique Moyenne canadienne excluant le Québec
Revenu disponible 36 954 $ 36 732 $ 36 497 $ 36 654 $ 39 658 $ 37 587 $ 37 222 $ 37 105 $ 39 023 $ 38 305 $ 37 342 $
Écart 2 704 2 926 3 161 3 004 2 071 2 436 2 553 635 1 353
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
2 316 $
Un enfant ne fréquentant pas la garderie** Revenu Écart disponible 40 102 $ 210 $ 39 859 $ 453 $ 39 556 $ 756 $ 39 687 $ 625 $ 40 312 $ -$ 40 789 $ (477) $ 40 391 $ (79) $ 40 263 $ 49 $ 42 332 $ (2 020) $ 41 716 $ (1 404) $ 40 522 $
Sans enfant à charge Revenu disponible 36 834 $ 36 304 $ 36 168 $ 36 155 $ 35 613 $ 37 532 $ 36 790 $ 36 468 $ 37 790 $ 38 494 $
(1 221) $ (691) $ (555) $ (542) $ -$ (1 919) $ (1 177) $ (855) $ (2 177) $ (2 881) $
36 948 $
(1 335) $
(210) $
Écart
* Avec frais de garde et PUGE. ** Aucuns frais de garde et sans PUGE car l’enfant est plus âgé.
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
10.2 Comparaison avec une sélection de pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) Dans la présente section, nous dressons une comparaison internationale du soutien dont bénéficient les familles en regard d’une sélection de pays du G7 et des principaux pays nordiques6. Procéder à des comparaisons internationales comporte son lot de heurts. Alors que les programmes sociaux et les systèmes fiscaux peuvent être sensiblement différents, le pouvoir d’achat des familles peut aussi varier grandement d’un pays à l’autre. Dès lors, nous devons nous assurer que les comparaisons soient bien adaptées. Pour ce faire, nous utilisons une méthodologie de l’OCDE s’appuyant sur les revenus des ménages analysés en fonction du salaire moyen de chaque pays7. En effet, sans cette notion, il serait difficile d’établir des comparaisons qui tiendraient compte des écarts de revenu liés au pouvoir d’achat propre à chaque pays. Pour nos comparaisons, nous insérons les résultats du Québec obtenus en utilisant le salaire moyen au Canada, soit 42 081 $8. Couple avec deux enfants Comparaison des frais de garde nets Étant donné que les structures de garde d’enfants varient énormément d’un pays à un autre, notre analyse débute par la comparaison du coût net de garde pour les familles où les deux conjoints travaillent et gagnent 167 % du salaire moyen lorsque 6. La comparaison avec les autres provinces canadiennes ayant été réalisée à la section précédente, nous n’avons pas retenu le Canada. L’Italie a aussi été laissée de côté car les données de l’OCDE ne contenaient aucune information à l’égard des frais de garde nets. 7. OCDE (2008), Les impôts sur les salaires – édition 2006-2007. L’OCDE désigne sous l’appellation de salaire moyen le salaire brut moyen des travailleurs adultes à temps plein de certaines branches d’activité. 8. Pour plus de détails sur la méthodologie permettant d’insérer les résultats du Québec parmi ceux de l’OCDE, voir Luc Godbout et Suzie St-Cerny (2008), La charge fiscale nette des particuliers au Québec et dans les pays du G7 : le Québec est en excellente position et maintes fois champion des réductions fiscales !, cahier de recherche, Chaire en fiscalité et en finances publiques, Université de Sherbrooke, p. 3 et suivantes.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
leurs deux enfants fréquentent un service de garde. Au Québec, il s’agit d’une famille représentative avec un revenu familial de 70 135 $. Une fois prises en compte les prestations ou les réductions fiscales au titre de la garde d’enfants dont bénéficient les familles dans chaque pays, la figure 46 montre que le Québec obtient le coût de garde des enfants en pourcentage du revenu disponible le moins élevé des pays analysés, dont les pays nordiques. Figure 46 Coût net de garde pour un couple avec deux enfants et un revenu familial équivalant à 167 % du salaire moyen, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec, 2004, sauf pour le Québec (en pourcentage du revenu familial disponible) 32,7 %
19,4 % 14,2 % 11,3 % 8,4 %
7,8 % 7,7 % 7,2 % 6,2 %
20 08 ué be c
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ar k or vè ge Fi nl an de
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N
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2,1 %
Pays nordiques
Note : Les données de l’OCDE les plus récentes pour comparer les coûts nets de garde datent de 2004. Il est possible que les coûts nets de garde aient varié depuis. En 2004, la prestation universelle pour la garde d’enfants n’avait pas encore été mise en place par le gouvernement du Canada. Le résultat pour le Québec en 2004 tournait autour de 5,4 %. Source : OCDE (2007c), Prestations et salaires 2007 : les indicateurs de l’OCDE.
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
Comparaison du soutien financier Pour comparer le soutien financier lié aux enfants, nous conservons la même méthode basée sur l’écart entre le revenu après impôts, prestations et cotisations sociales de la famille avec enfants et celui de la famille sans enfant. Toutefois, compte tenu des données de l’OCDE, la principale particularité par rapport à la méthode utilisée dans les chapitres précédents est que les enfants sont réputés avoir plus de 5 ans et aucuns frais de garde ne leur sont rattachés. Enfin, pour ne pas avoir à tenir compte des conversions de devises, nous présentons le soutien financier en pourcentage du revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de la famille sans enfant. Ce pourcentage indique ce que la famille avec enfants a de plus dans ses poches. Le tableau 35 montre que, lorsque les conjoints gagnent respectivement 100 % et 33 % du salaire moyen (un revenu familial de 55 968 $ au Québec), le soutien financier le plus généreux est obtenu au Québec, dépassant même celui qui est offert dans les pays nordiques. Lorsque le revenu des conjoints est plutôt de 100 % et 67 % du salaire moyen (un revenu familial de 70 135 $ au Québec), le soutien financier québécois dépasse encore celui qui est offert dans les pays analysés (y compris les pays nordiques), à l’exception de l’Allemagne. Ainsi, devancé seulement par l’Allemagne, le Québec se classe encore une fois très bien parmi cette sélection de pays, même si l’on peut noter, en comparant les deux situations de revenus, que c’est au Québec que l’écart en pourcentage a le plus diminué. L’explication résiderait dans le fait qu’une bonne part de l’aide aux familles québécoises est beaucoup plus importante lorsque les revenus sont bas alors que, dans plusieurs pays européens, l’aide est en bonne partie universelle, ce qui fait que son importance relative diminue moins rapidement avec la hausse des revenus familiaux9.
9. N’oublions pas que, dans la présente comparaison, les enfants sont réputés avoir plus de 6 ans et qu’ainsi nous excluons, pour la famille québécoise, la prestation universelle pour la garde d’enfants ainsi que les frais de garde.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Tableau 35 Soutien financier en pourcentage du revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de la famille sans enfant – Couple avec deux enfants, avec un revenu égal à 133 % et 167 % du revenu moyen, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec, 2007
Allemagne États-Unis France Japon Royaume-Uni Danemark Finlande Norvège Suède Québec
100 % + 33 % du salaire moyen 11,1 % 7,9 % 7,9 % 4,7 % 6,3 %
100 % + 67 % du salaire moyen 9,5 % 6,4 % 6,9 % 3,8 % 4,3 %
8,0 % 7,4 % 5,7 % 7,9 %
6,5 % 6,0 % 3,6 % 6,4 %
11,6 %
7,4 %
Source : OCDE (2008), Impôts sur les salaires 2006-2007, Édition 2007.
Comparaison du revenu disponible Il ne reste plus maintenant qu’à combiner le coût net de garde et le soutien financier aux familles que nous venons de calculer afin de comparer le revenu disponible après le paiement des impôts, des cotisations sociales, la prise en compte des prestations reçues et des frais de garde d’enfants10. Pour une famille représentative gagnant au Québec 70 135 $ (100 % + 67 % du salaire
10. Cet exercice n’est pas parfait, notamment parce que l’OCDE calcule le coût de garde net pour des enfants de moins de 6 ans alors que les données de l’OCDE permettant de calculer le soutien financier supposent que les enfants ont plus de 6 ans. Néanmoins, les résultats demeurent significatifs et d’intérêt.
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
moyen), nous constatons que, parmi l’ensemble des pays servant à la comparaison, c’est encore au Québec que le ratio du revenu disponible en proportion du revenu de travail est le plus élevé. Même en tenant compte des prestations reçues, le paiement des impôts, des cotisations sociales et des frais de garde représente minimalement 27 % du revenu familial brut en Suède, alors que la ponction maximale atteint 48 % au Royaume-Uni. Au Québec, ce ratio se situe à 22 %, laissant ainsi 78 % du revenu gagné dans les poches de la famille québécoise. Figure 47 Portion du revenu de travail prise par les impôts, les cotisations sociales en tenant compte des prestations et des frais de garde pour un couple avec deux enfants et un revenu familial équivalant à 167 % du salaire moyen, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec, 2007 47,9 % 40,8 %
40,0 % 34,4 % 30,8 % 28,3 %
31,1 % 28,6 % 26,7 %
G7
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Ja po n Fr an ce Ét ats -U ni s A lle Ro mag ya n um e eU ni
21,5 %
Pays nordiques
Sources : OCDE (2007c), OCDE (2008). Note : Pour les pays analysés, les plus récentes données disponibles concernant le ratio des coûts nets de garde datent de 2004. Sauf pour le Québec, nous avons appliqué ce ratio au calcul du revenu disponible en tenant compte des impôts, des cotisations sociales et des prestations de 2007.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Famille monoparentale avec deux enfants Nous reprenons ici le même exercice pour la famille monoparentale. Le revenu considéré est de 67 % du salaire moyen, ce qui représente 28 054 $ au Québec. Dans les données de l’OCDE, la famille monoparentale considérée a deux enfants. Comparaison des frais de garde nets D’abord, une fois prises en compte les prestations ou les réductions fiscales au titre de la garde d’enfants dont bénéficient les familles monoparentales gagnant 67 % du salaire moyen de chaque pays, la figure 48 montre que le Québec est deuxième pour les plus bas coûts de garde des enfants en pourcentage du revenu disponible après la Norvège qui, à cette situation de revenu, a un coût net de garde négatif. Figure 48 Coût net de garde pour une famille monoparentale avec deux enfants et un revenu familial équivalant à 67 % du salaire moyen, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec, 2004, sauf pour le Québec (en pourcentage du revenu familial disponible) 14,4 % 14,0 %
8,8 %
8,5 % 6,8 %
6,2 % 4,8 %
4,1 %
G7
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Su èd e Fi nl an de N or vè ge
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1,0 %
-5,8 %
Pays nordiques
Source : OCDE (2007c). Note : En 2004, le résultat pour le Québec tournait autour de 7,5 %.
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
Comparaison du soutien financier En ce qui concerne le soutien financier offert aux familles monoparentales avec deux enfants, les résultats montrent que le Québec, à 67 % du salaire moyen, est le plus généreux parmi les territoires analysés. Tableau 36 Soutien financier en pourcentage du revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de la personne seule – Famille monoparentale avec deux enfants et 67 % du salaire moyen, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec, 2007 67 % du salaire moyen États-Unis Allemagne Royaume-Uni France Japon
28,0 % 24,4 % 22,1 % 15,3 % 8,4 %
Danemark Norvège Finlande Suède
41,6 % 21,8 % 19,1 % 15,6 %
Québec
48,5 %
Source : OCDE (2008).
Comparaison du revenu disponible En comparant le revenu disponible, nous constatons encore une fois que, parmi l’ensemble des pays servant à la comparaison, le Québec se distingue favorablement. La portion du revenu de travail servant aux paiements des impôts, des 201
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
cotisations sociales, en tenant compte des prestations et des frais de garde, représente minimalement 4,4 % du revenu de travail en Norvège alors que la ponction maximale atteint 27 % en Allemagne. Ce n’est qu’au Québec que le revenu disponible demeure supérieur au revenu de travail même après avoir payé les frais de garde. Figure 49 Portion du revenu de travail prise par les impôts, les cotisations sociales en tenant compte des prestations et des frais de garde pour une famille monoparentale de deux enfants avec un revenu familial équivalant à 67 % du salaire moyen, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec – 2007 24,0 %27,0 % 22,0 % 20,5 %
20,6 % 17,4 % 12,6 %
6,5 %
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4,4 %
Pays nordiques
-19,6 %
Note : Pour les pays analysés, les plus récentes données disponibles concernant le pourcentage du revenu consacré aux coûts nets de garde datent de 2004. Sauf pour le Québec, nous avons appliqué ce ratio au calcul du revenu disponible en tenant compte des impôts, des cotisations sociales et des prestations de 2007. Sources : OCDE (2007c), OCDE (2008).
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Chapitre 10. Comment se compare le Québec ?
En guise de conclusion Tant la comparaison avec l’ensemble des provinces canadiennes que la comparaison internationale avec une sélection de pays du G7 et de pays nordiques apportent un éclairage nouveau sur les aides gouvernementales destinées aux familles québécoises. Premièrement, même si intuitivement nous pouvions croire que le programme de services de garde à contribution réduite avait significativement diminué le coût de gardes net, nous ne pouvions pas imaginer que le Québec terminerait notre comparaison au premier rang comme étant le plus faible coût de toutes les provinces et pays comparés. À ce titre, la comparaison a montré que le revenu familial disponible consacré au paiement des frais de garde s’élève à 12 % dans le cas des familles des autres provinces canadiennes, que les familles des pays analysés y consacrent entre 6,2 % et 32,7 % alors que la famille québécoise représentative ne sacrifie qu’environ 2 % de son revenu net aux frais de garde. Deuxièmement, même si plusieurs reconnaissaient l’amélioration récente du soutien financier aux familles, qui aurait pu dire que c’est ici qu’il pouvait être le plus généreux. Or, la comparaison de la famille québécoise représentative gagnant 75 000 $ de revenu familial a montré qu’en proportion du revenu disponible d’un ménage sans enfant, le soutien financier sans égard aux frais de garde est près du double de celui des familles des autres provinces canadiennes. En comparaison avec les pays analysés, la famille québécoise représentative gagnant 167 % du salaire moyen jouit du plus généreux soutien financier, après l’Allemagne, en proportion du revenu disponible d’un ménage sans enfant, devançant même le soutien financier versé par les pays nordiques. Troisièmement, comme plusieurs se plaignent de la lourde charge fiscale au Québec, d’aucuns auraient osé affirmer que le revenu disponible des familles serait plus élevé au Québec qu’ailleurs. Pourtant, après le paiement des impôts et des cotisations sociales, mais en tenant compte des prestations et des frais de garde, le revenu disponible de la famille québécoise représentative dont 203
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les enfants fréquentent une garderie et ayant un revenu familial de 75 000 $ est de 58 330 $ au Québec, comparativement à un revenu moyen de 52 267 $ dans le reste du Canada, une différence de 6 063 $ dans la poche de la famille québécoise. Lorsque les deux enfants ne fréquentent plus la garderie, l’écart diminue, certes, autour de 150 $, mais il reste encore à l’avantage de la famille québécoise. De son côté, la comparaison avec notre sélection de pays de l’OCDE arrive au même résultat en montrant que c’est au Québec que la proportion du revenu disponible consacrée au paiement des impôts et des cotisations sociales net des prestations tout en tenant compte des frais de garde est la moins élevée. Alors que la famille québécoise ayant un revenu familial équivalant à 167 % du revenu moyen y consacrait 22 %, les familles des autres pays comparés devaient renoncer à une part entre 28 % et 48 % de leur revenu familial. De plus, les comparaisons faites pour la famille monoparentale obtiennent des résultats aussi avantageux. À la lumière des données de ce chapitre, force est de constater que la comparaison, tant interprovinciale qu’internationale, apporte un éclairage nouveau sur la situation des familles québécoises, forçant la révision des perceptions quant à la relation entre la famille et la fiscalité.
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La quantité c’est bien, mais la qualité, ça compte aussi
Point de vue de Sarah Fortin Sarah Fortin est directrice de recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP). Elle s’occupe notamment des dossiers sur la famille, le vieillissement et l’union sociale. Elle est aussi rédactrice adjointe de la revue Options politiques.
Depuis la réforme de la politique familiale proposée par le gouvernement de Lucien Bouchard en 1997, le Québec fait figure de chef de file dans ce domaine au Canada. Ce chapitre illustre parfaitement bien cette réalité et suggère en outre que c’est également vrai à l’échelle de l’OCDE. À quelques exceptions près, le Québec se classe au premier rang dans les cas de figure examinés par les auteurs. Le plus grand mérite de l’exercice réalisé ici consiste à inclure dans l’analyse tant la valeur des services offerts aux familles que les transferts en argent et les mesures fiscales des deux ordres de gouvernement. Trop souvent, les évaluations de ce genre se bornent à une seule de ces dimensions, ce qui a pour effet de tracer un portrait tronqué de la réalité. On pourrait certes analyser certains choix faits relativement aux famillestypes étudiées. Par exemple, à 50 000 $, le revenu familial retenu pour les familles monoparentales semble élevé, sachant qu’il était plutôt de 25 653 $ en 2000 chez celles ayant au moins un enfant de quatre ans ou moins (celles qui sont concernées par les services de garde à tarif réduit). On sait que l’aide publique québécoise est progressive et modulée selon le revenu. En ce sens, on peut penser que l’aide serait encore plus généreuse dans ces cas de figure. Mais c’est également vrai ailleurs, et il est donc bien possible que l’examen de la situation des familles à plus faibles revenus aurait rendu un classement provincial différent, sans doute plus homogène. En utilisant une méthodologie semblable à celle qui a été adoptée ici, Paul Kershaw (2007) a d’ailleurs montré qu’en ColombieBritannique l’aide totale reçue par une famille monoparentale à faible revenu avec un jeune enfant s’avère plus généreuse en appliquant les subventions ciblées existantes pour la garde des enfants qu’en adoptant la même politique tarifaire que le Québec. Un autre bémol à apporter concerne les frais de garde présumés assumés par les familles canadiennes à l’extérieur du Québec. L’hypothèse de 205
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frais de l’ordre de 25 $ par jour par enfant est réaliste ; c’est souvent celle qui est retenue, surtout pour les enfants de plus de 18 mois, d’où les frais annuels imputés de 6 250 $ par an, en supposant 250 jours de fréquentation. Toutefois, dans une étude à paraître prochainement, Gordon Cleveland et ses collègues montrent, en utilisant l’Enquête sur les dépenses des ménages de Statistique Canada, que les familles canadiennes (à l’exclusion du Québec) déboursaient, dans les faits, 4 483 $ en moyenne pour les frais de garde, en 2005 ; pour les familles ayant un revenu annuel entre 60 000 $ et 79 999 $, les dépenses annuelles moyennes étaient plutôt de 3 000 $. Avec ces chiffres, la comparaison interprovinciale ne serait sans doute pas aussi négative pour les autres provinces, en matière de revenu disponible, bien qu’elle demeurerait positive pour le Québec, comme on le voit bien d’ailleurs dans la deuxième colonne du tableau 30. Cela dit, l’utilisation des montants « réellement » déboursés par les familles canadiennes est une stratégie qui comporte ses propres inconvénients, dans une perspective comparée. Car une des caractéristiques de l’aide québécoise en matière de garde tient au fait qu’elle est versée au pourvoyeur du service (l’offre) plutôt qu’à l’utilisateur (la demande), comme c’est le cas dans le reste du Canada. En introduisant cette caractéristique, le portrait en matière de revenu disponible pour les familles serait probablement sensiblement le même, par contre en matière d’objectif de politique publique, en l’occurrence la disponibilité et l’accessibilité des services de garde, l’adoption d’un mode de financement plutôt qu’un autre a des répercussions importantes. En somme, la « qualité » de l’aide compte dans l’appréciation du soutien offert – un aspect peu reconnu dans la comparaison réalisée ici du fait de sa méthodologie axée sur la comptabilisation de l’aide et du revenu disponible. Au sujet de la comparaison interprovinciale, il faut souligner le déficit de données relativement à l’utilisation, à la disponibilité, aux coûts et aux dépenses ainsi qu’à la qualité des services de garde au Canada. On ne saurait le reprocher aux auteurs. C’est un véritable défi – pour demeurer laconique – de trouver de l’information sur ces questions, plus encore si on désire moduler selon le revenu des familles, la participation au marché du travail ou le revenu de la mère. Et c’est sans compter le fait que les politiques publiques destinées aux familles peuvent changer d’une année à l’autre, comme ce fut le cas au Canada au cours des cinq der-
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nières années, rendant désuètes les informations déjà amassées et les résultats obtenus. Mais pourquoi bouder notre plaisir ? Même avec un regard critique, on ne peut nier que les familles québécoises reçoivent un soutien public généreux, et ce, à des revenus assez élevés. Il vaut la peine de rappeler que le Trésor public québécois consacre plus de 4 milliards de dollars à sa politique familiale. Pour faire bonne mesure, on doit également ajouter la décision d’offrir la maternelle à temps plein (sous la responsabilité du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport), avec un taux de participation frôlant 100 % (près de 80 000 inscriptions en septembre 2007) et la mise en place de services de garde en milieu scolaire au primaire à 7 $ par jour, par enfant (touchant plus de 355 000 enfants en septembre 2006), deux mesures non incluses dans la présente analyse mais qui jouent un rôle important pour les familles ayant des enfants de 5 à 11 ans. À cela s’ajoute un congé parental, financé par les cotisations des travailleurs et des employeurs. En somme, de quoi être satisfaits ? Sans doute. Mais la politique familiale québécoise est encore toute jeune et, malgré les progrès accomplis, on ne peut passer sous silence des lacunes persistantes relativement aux objectifs poursuivis. À cet égard, au-delà de la comparaison interprovinciale, deux enjeux liés aux services de garde et au développement des enfants méritent notre attention. D’abord la qualité des services offerts. Au cours des dernières années, on s’est beaucoup inquiété du nombre de places disponibles et des listes d’attente. Non sans raison, mais malheureusement sans par ailleurs poser de manière aussi directe la question de la qualité des services. Or, les quelques études réalisées à ce sujet montrent que cette qualité est pour le moins discutable et, dans bien des cas, inquiétante (Japel et autres, 2005 ; Drouin et autres, 2004). Elles montrent également que la qualité est généralement supérieure dans les centres de la petite enfance (CPE). Pourtant, le gouvernement québécois n’a pas jugé bon de privilégier ce mode de garde au cours des dernières années dans l’octroi de nouveaux permis, de sorte qu’en juin 2008 seulement 38 % des places à tarif réduit étaient en CPE, soit sensiblement la même proportion que cinq ans plus tôt. Si le développement des enfants est véritablement un objectif de la politique familiale, on ne saurait trop insister sur l’importance de s’interro-
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ger sur cette orientation, surtout pour les clientèles les plus vulnérables. Dans la même perspective, les conséquences sur la qualité découlant de la restructuration des services de garde en milieu familial réalisée en 2006 devraient être examinées attentivement. D’une manière générale, dans toute discussion sur les services de garde et la politique familiale, les décisions et la réglementation liées aux ratios, à la formation des éducatrices, à la rétribution et à la rétention du personnel devraient être aussi centrales que celles touchant le coût des services pour les familles et les sources de financement. À ce sujet, la question de la contribution parentale mériterait d’être examinée et débattue. Depuis 1998, la contribution à taux fixe, indépendamment du revenu familial, a été tenue pour acquis et est presque devenu taboue. Mais les résultats présentés ici donnent de quoi réfléchir : à 2 % du revenu familial net, le coût des services de garde pour deux enfants pour une famille disposant d’un revenu relativement élevé (voir la figure 46) est-il équitable ? À 5 $ par jour, par enfant, la politique de 1998 frappait par sa simplicité. La comparaison à l’échelle de l’OCDE suggère qu’elle l’était peut-être un peu trop ? Si la réponse à cette question, elle, n’est pas simple et demande qu’on prenne en considération de multiples facteurs avant d’y répondre (dont le niveau d’imposition, le revenu de la mère et le revenu familial, de même que l’équité horizontale et verticale), on ne saurait en faire l’économie.
Références : Cleveland, Gordon, Barry Forer, Douglas Hyatt, Christa Japel et Michael Krashinsky, « The Genie is out : Unpacking Long Term Trends in Nonparental Childcare in Canada », IRPP Choice, à paraître en 2008. Drouin, C., N. Bigras, C. Fournier, H. Desrosiers et S. Bernard, Grandir en qualité 2003. Enquête québécoise sur la qualité des services de garde éducatifs, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2004. Japel, Christa , Richard E. Tremblay et Sylvana Côté, « La qualité, ça compte ! », Choix IRPP, vol. 11, no 4, octobre 2005. Kershaw, Paul, « Measuring up : Family Benefits in British Columbia and Alberta in International Perspective », IRPP Choice, vol. 13, no 2, mars 2007.
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Chapitre 11
Nos axes de réflexion
À la lumière des informations transmises tout au long du livre, il ressort abondamment de matière à réflexion. Ces réflexions se diviseront en deux axes : celles concernant les dépenses sociales destinées aux familles et celles visant le soutien financier dont elles bénéficient. 11.1 Axes de réflexion touchant les dépenses sociales destinées aux familles Les réflexions touchant les dépenses sociales destinées aux familles s’articulent d’abord autour de leur reconnaissance, avant d’aborder les retombées positives des services de garde à contribution réduite et les bienfaits du nouveau Régime québécois d’assurance parentale. Conjuguées au vieillissement de la population québécoise, les réflexions concernent, par la suite, la manière de concilier le développement social à la prospérité économique et la nécessité d’allier la natalité et la population.
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Réflexion à l’égard de la reconnaissance des dépenses sociales destinées à la famille D’entrée de jeu, nous nous sentons obligés, en abordant une réflexion sur le coût de l’ensemble des dépenses sociales destinées à la famille, d’indiquer que notre intention n’est pas de voir réduire la valeur de l’aide à la famille. Au Québec, l’évolution récente des dépenses sociales destinées à la famille a été particulièrement marquée par la mise en place de nouveaux programmes tels les services de garde à contribution réduite et le Régime québécois d’assurance parentale. De son côté, le soutien financier aux familles n’est pas en reste car, au cours de la même période, deux nouvelles prestations voyaient le jour : le crédit de soutien aux enfants du gouvernement du Québec et la prestation universelle pour garde d’enfants du gouvernement fédéral. Avant de vouloir mettre en place de nouveaux programmes, il faut tenir compte de l’évolution récente des dépenses sociales destinées à la famille. Étrangement, le coût des dépenses sociales destinées à la famille au Québec est trop peu souvent présenté par nos gouvernements. En visitant les sites Internet des gouvernements fédéral et québécois touchant à la famille et en analysant les documents gouvernementaux, force est de constater l’absence d’une telle donnée, malgré son importance. Cela s’explique sans doute par le fait que les gouvernements fédéral et québécois interviennent chacun de leur côté auprès des familles québécoises. Ils semblent davantage enclins à exposer l’aide qu’ils offrent individuellement, mais aucun d’entre eux n’expose le coût de l’ensemble des dépenses sociales destinées à la famille dont bénéficient les familles québécoises. Afin d’y voir plus clair, nous avons appliqué la méthode de l’OCDE pour la détermination des dépenses sociales au titre de la famille1. Le calcul de l’ensemble des dépenses sociales destinées 1. OCDE (2007b), Dépenses sociales 1980-2003 – Guide d’interprétation SOCX.
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à la famille prend en compte les prestations offertes aux familles, qu’elles soient en espèces tels les allocations familiales, les avantages fiscaux aux familles, les congés parentaux ou qu’elles soient en nature comme les services de garde et l’enseignement préscolaire. Malgré des difficultés certaines, nous avons tenté de compiler les dépenses sociales destinées aux familles québécoises2. Le résultat expose toute leur importance. La figure 50 montre que le cumul des diverses mesures fédérales et québécoises atteint près de 10 milliards de dollars en 2007. Mesuré en pourcentage de notre richesse collective, c’est plus 3,3 % du PIB que nous consacrons aux dépenses sociales destinées à la famille. Figure 50 Coût des dépenses sociales pour les familles en milliards de dollars et en pourcentage du PIB
Aides à la famille et aux frais de gardes, assurance parentale et effort en matière de soutien financier (9,9 milliards $ ou 3,3 % du PIB) Aides à la famille et aux frais de gardes et assurance parentale (4,1 milliards $ ou 1,4 % du PIB) Aides à la famille et aux frais de gardes (2,6 milliards $ ou 0,9 % du PIB)
Notes : Nos calculs à partir de documents de divers ministères des gouvernements fédéral et du Québec. L’enseignement préscolaire est exclu du calcul.
2. Des hypothèses doivent être posées pour isoler la partie québécoise des dépenses fédérales et aussi isoler la partie « famille » de certaines dépenses liées à des mesures non exclusives aux familles avec enfants.
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S’il est important de pouvoir comparer notre économie avec d’autres territoires sur le plan de la croissance économique, de la productivité, de la fiscalité, etc., nul doute qu’il l’est tout autant en matière de dépenses sociales destinées à la famille. L’utilisation de la méthode de l’OCDE rend comparables les dépenses sociales destinées à la famille offerte au Québec avec celles des pays de l’OCDE. Même si les années comparées ne sont pas les mêmes, la figure 51 révèle que le coût des dépenses sociales destinées à la famille au Québec en pourcentage du PIB est comparable à celui de plusieurs pays de notre sélection et supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE.
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Figure 51 Coût des dépenses sociales, sélection de pays du G7, de pays nordiques et Québec, 2003, sauf pour le Québec (en pourcentage du PIB)
Note : Parmi les pays du G7, les résultats du Canada et des États-Unis ne sont pas présentés, car ils ne portent que sur les données fédérales sans égard aux dépenses sociales des provinces et des États. Source : OCDE (2007b).
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Inutile de souligner que, s’il est difficile de connaître le coût de l’ensemble des dépenses sociales à la famille en sol québécois, il est alors bien difficile de les valoriser et de défendre les choix sociaux qui les sous-tendent. Sous cet angle, une reddition de comptes périodique s’impose donc. Le gouvernement doit toujours être en mesure de garantir la bonne utilisation des fonds publics. Pour cela, il doit évaluer si les programmes atteignent les objectifs qu’il s’était fixés. À cet égard, le point de vue complémentaire de Michel Venne à la fin du présent chapitre insiste sur la nécessité de bien établir les buts et les objectifs de la politique familiale. Au fil du temps, il se peut même que les objectifs aient changé. Il faut donc une approche souple permettant de mesurer l’atteinte des objectifs initiaux ou d’autres objectifs actuellement pertinents. Or, de son côté, le point de vue de Philip Merrigan remet en question les orientations en se demandant s’il ne serait pas possible de faire de meilleurs choix publics en allouant différemment le budget consacré au soutien financier. En conséquence nous en sommes venus à la réflexion que : • Le gouvernement du Québec doit prendre l’initiative de colliger et de rendre facilement accessible le coût de l’ensemble des dépenses sociales destinées à la famille pour les programmes offerts sur son territoire, travaillant du même coup à les mettre en valeur auprès de ses citoyens. • Jumelée au coût de l’ensemble des dépenses sociales destinées à la famille, une reddition de comptes périodique s’impose également dans le but d’évaluer les résultats par rapport aux objectifs initiaux et à l’évolution des besoins dans le temps.
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Réflexions à l’égard des retombées positives des services de garde à contribution réduite L’OCDE associe souvent la politique familiale, le coût de garde des enfants et la participation des parents au marché au travail. Dans un chapitre ironiquement intitulé « Les parents peuventils se permettre de travailler ? » l’OCDE souligne que : Le fait que les parents parviennent ou non à élever leurs enfants tout en étant actifs sur le marché du travail a des implications majeures pour la conception et le succès des politiques sociales3.
À la lumière des données contenues dans ce texte, l’OCDE indiquait en éditorial que : Les indications disponibles donnent à penser que les frais de garde d’enfants sont élevés et que ce coût a un impact négatif sur l’incitation à travailler, les comportements en matière de procréation et les perspectives de carrière à long terme, en particulier pour les femmes4.
En établissant un programme de services de garde à contribution réduite, le gouvernement du Québec a donc levé un important obstacle à l’emploi et favorisé le maintien ou le retour des parents sur le marché du travail. Au prix d’un effort budgétaire important, les coûts de garde des enfants au Québec sont, en proportion du revenu net des parents, les plus faibles tant au Canada qu’en regard des pays comparés ici, dont les pays nordiques. On ne peut donc passer sous silence les retombées positives sur le marché du travail de la généralisation des services de garde à contribution réduite. On note particulièrement une hausse du taux d’emploi des femmes de 25 à 44 ans. Ces femmes, les plus nombreuses à avoir de jeunes enfants, on vu leur taux d’emploi passer de 70,3 % en 1998 à 79,3 % en 2007. Une hausse de neuf points de pourcentage en moins de dix ans, c’est considérable. D’autant que cette hausse est plus de deux fois supérieure à l’augmentation 3. OCDE (2007c), Prestations et salaires 2007 : les indicateurs de l’OCDE, p. 136. 4. Ibid., p. 9.
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du taux d’emploi des femmes ontariennes du même groupe d’âge. Résultat : pour la première fois, le taux d’emploi des Québécoises entre 25 et 44 ans dépasse le taux d’emploi des Ontariennes. Toujours à l’égard du taux d’emploi des Québécoises entre 25 et 44 ans, la figure 52 révèle qu’en 2007 il était supérieur à ceux de tous les pays du G7 et qu’il dépassait même celui de la Finlande. Alors qu’en 1998 le taux d’emploi des Québécoises entre 25 et 44 ans accusait un retard entre 7 et 11 points de pourcentage en comparaison avec le Danemark, la Norvège et la Suède, le Québec a réussi un solide rattrapage en réduisant l’écart à 3 points de pourcentage en 2007.
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Figure 52 Taux d’emploi des femmes de 25 à 44 ans au sein du G7, d’une sélection de pays nordiques et au Québec, 2007
Pays nordiques
Sources : Nos calculs à partir de données de l’OCDE sur le marché du travail. ISQ pour le Québec.
L’OCDE souligne également le lien évident entre le travail et la pauvreté des enfants, où la pauvreté infantile est environ trois fois plus probable dans les familles monoparentales sans emploi 215
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que parmi celles où le parent travaille, ainsi que dans une famille biparentale où un seul parent travaille en comparaison avec une famille à deux revenus5. La généralisation des services de garde a contribué, ce faisant, à favoriser l’emploi et à faire reculer la pauvreté des familles avec enfants. Le point de vue d’Alain Noël indique d’ailleurs un recul des indicateurs de pauvreté infantile au Québec. Or, malgré ces retombées positives, force est de constater que l’image projetée par le programme de services de garde à contribution réduite n’est pas aussi positive qu’elle le devrait. Il est assez troublant d’entendre que l’essentiel de la discussion concernant le réseau de services de garde à contribution réduite porte, malgré ses plus de 200 000 places existantes, sur le manque de places, les listes d’attente et le passage de 5 $ à 7 $ des frais journaliers. Il semble que de se retrouver sur une liste d’attente et de vivre l’angoisse de ne pas trouver de place pour son enfant ternisse fortement l’image du programme de services de garde à contribution réduite. Évidemment, nous ne voulons pas minimiser les conséquences sur les familles causées par le manque de places ; il est facile de comprendre que les parents qui n’y ont pas accès se sentent exclus, divisant ainsi la population entre ceux qui ont accès à une place dans un service de garde à contribution réduite et ceux qui n’en ont pas. Mais, pour ces derniers, n’oublions pas qu’en envoyant leurs enfants dans une garderie à tarif régulier, ils ont droit au Québec à un crédit remboursable pour frais de garde relativement généreux, laissant pratiquement indifférente une famille représentative de la classe moyenne gagnant un revenu familial de 75 000 $ entre les deux types de services de garde. Quoi qu’il en soit, nous croyons pouvoir dire que l’existence du programme de services de garde à contribution réduite reste essentielle, malgré certaines modifications nécessaires afin de continuer à améliorer son fonctionnement. Outre la quantité de places, le point de vue complémentaire de Sarah Fortin nous force aussi à évaluer la qualité des services. 5. OCDE (2007a), Bébés et employeurs. Comment réconcilier travail et vie de famille, p. 128.
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En conséquence nous en sommes venus à la réflexion que : • En matière de services de garde à contribution réduite, le gouvernement du Québec doit concentrer ses efforts à élaborer un plan clair pour compléter sa mise en œuvre en quantité et en qualité. Réflexions à l’égard des bienfaits du Régime québécois d’assurance parentale Le nouveau régime d’assurance parentale mis en place au Québec en 2006 cherche à compenser partiellement la perte de revenu de travail lors de la période entourant la naissance d’un enfant. Il offre clairement une meilleure couverture que le programme fédéral d’assurance emploi existant jusque-là, qui ne couvrait que les salariés alors que le marché du travail actuel comprend un nombre croissant de travailleurs autonomes. De plus, il offre plus de souplesse dans le versement de prestations financières des congés de maternité, parental, de paternité ou d’adoption, en permettant de choisir différents scénarios de durée de couverture et de remplacement de revenu. Le régime d’assurance parentale a eu droit une critique initiale assez élogieuse, associant la hausse récente de la natalité avec la mise en place du régime. Même si le nombre de naissances en 2006 et 2007 a été marqué par un accroissement important, il faut être prudent avant d’en attribuer l’entièreté au nouveau régime d’assurance parentale tout comme y voir de nouvelles tendances de long terme. Comme ce fut le cas pour les services de garde à contribution réduite, le nouveau régime d’assurance parentale est victime de son succès, où l’augmentation des naissances conduit à une augmentation du nombre de prestations, créant des déficits d’exploitation au régime et forçant du coup une hausse des taux de cotisations pour assurer sa pérennité. Il ne faut pas laisser aller les choses et que cet élément change la perception qu’a la population du régime et porte atteinte à son image. 217
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De plus, il ne faut pas tout confondre. Les coûts du régime d’assurance parentale ne sont pas appelés à exploser, comme ce fut le cas avec d’autres programmes, pensons au régime d’assurance médicaments. Pourquoi ? Même si la natalité devait augmenter et se maintenir à un niveau plus élevé, ce que l’on souhaite, il ne faut pas perdre de vue que le nombre de femmes en âge de procréer continuera d’être en diminution au cours des prochaines décennies, réduisant ainsi les pressions à la hausse sur le coût du régime. Nous croyons pouvoir dire que l’existence du Régime québécois d’assurance parentale s’avère un pilier important de la politique familiale québécoise. En conséquence nous en sommes venus à la réflexion que : • En matière de régime d’assurance parentale, le gouvernement du Québec doit assurer son financement stable en établissant adéquatement le plus rapidement possible le taux de cotisation de long terme plutôt que d’égrainer (péniblement) ses hausses chaque année. Réflexion à l’égard de la conciliation du développement social et de la prospérité économique Prise dans son ensemble, la dernière décennie fut une période de bonne croissance économique. Avec le recul, nous constatons que cet enrichissement collectif a permis la bonification des dépenses sociales au Québec, que l’on pense notamment à la mise en place du programme de services de garde à contribution réduite, du régime d’assurance parentale ou du crédit de soutien aux enfants. On constate donc que c’est en période de croissance économique que le gouvernement se dégage une marge de manœuvre lui permettant de bonifier ses dépenses sociales. Bien conçues, les dépenses sociales peuvent aussi contribuer à la prospérité économique. Dans le contexte du vieillissement démographique de la population québécoise, cette interaction est plus que jamais cruciale.
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
La politique familiale québécoise a su s’adapter à la nouvelle réalité québécoise. D’une part, afin de favoriser la sécurité financière des familles, le régime d’assurance parentale assure un remplacement de revenu adéquat pour les parents au cours du congé entourant la venue d’un enfant. D’autre part, une fois le congé parental terminé, les services de garde à contribution réduite favorisent la reprise de l’emploi ; la rapide augmentation du taux d’emploi des femmes en âge de procréer est là pour en témoigner. Tant le régime d’assurance parentale que le programme de services de garde à contribution réduite concilie le développement social et la prospérité économique. Ces deux programmes appuient la décision des ménages d’avoir des enfants tout en tenant compte de la nécessaire adaptation de l’économie québécoise aux réalités actuelles du marché du travail de façon à atténuer les potentielles pénuries de main-d’œuvre. Outre ces programmes qui, indirectement, la favorisent déjà, si une politique de conciliation du travail et de la famille devait voir le jour, elle devrait également s’intégrer dans cette mouvance. Les mesures actuelles forment un tout cohérent, en facilitant par l’assurance parentale le retrait temporaire d’un parent du marché du travail dans la première année de vie d’un enfant et son retour par la suite par l’accès aux services de garde à contribution réduite. Dans tous les cas, il s’agit d’un libre choix. Un parent peut légitimement choisir de rester à la maison pour s’occuper de son enfant en bas âge. Évidemment, ce parent qui n’est pas sur le marché du travail ne bénéficiera pas de l’assurance parentale tout comme par la suite, si un parent demeure à la maison, l’enfant n’ira probablement pas dans un service de garde à contribution réduite. En échange, comme le soutien financier est établi en fonction du revenu familial, lorsqu’un parent fait le choix de rester à la maison pour s’occuper d’un enfant, le soutien financier est automatiquement majoré par la réduction du revenu familial causé par le retrait d’un des conjoints du marché du travail. 219
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
En conséquence nous en sommes venus à la réflexion suivante : • Avant d’élaborer de nouveaux programmes tous azimuts, il faut bien s’assurer que les nouvelles propositions s’intègrent de manière cohérente à la politique familiale actuelle. • À ce titre, la naissance d’une politique de conciliation travail-famille devrait non seulement s’intégrer correctement à la politique familiale actuelle, mais également concilier le développement social et la prospérité économique. Réflexion à l’égard de la nécessité de conjuguer la natalité et la population Nous entendons souvent dire que le Québec va connaître bientôt un important choc démographique. Et c’est exact. Une façon de l’atténuer consiste à favoriser la natalité. Non seulement la population québécoise vieillit, mais l’accroissement naturel de la population deviendra rapidement négatif. L’Institut de la statistique du Québec prévoit qu’en 2031 le nombre de décès devrait excéder le nombre de naissances de 21 300. Alors que la politique familiale vise avant tout à tenir compte des charges associées aux enfants, une politique nataliste vise de son côté à influer l’arrivée de naissances additionnelles. Par contre, il reste difficile de mesurer les effets d’une politique gouvernementale sur la natalité. Le point de vue de Daniel Parent souligne d’ailleurs qu’au bout de compte ce genre de politique a souvent bien plus un effet temporel en devançant la décision d’avoir un enfant qu’une influence sur le nombre d’enfants par ménage.
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
Quoi qu’il en soit, un consensus semble clair : une politique familiale est nécessaire. Même s’il est souhaitable de corriger d’abord les différences de niveaux de vie entre les familles avec ou sans enfant, il est évidemment possible d’insérer le volet nataliste comme un élément stratégique de la politique familiale, même s’il ne saurait être suffisant devant le rapide vieillissement de la population du Québec. Or, actuellement, il n’est pas explicite dans la politique familiale québécoise. L’augmentation récente du nombre de naissances, de 76 300 en 2005 à 84 200 en 2007, est encourageante, pourvu que le redressement se maintienne. Pourtant, il ne faut pas se faire d’illusion. Il faut simultanément prendre acte du fait que le nombre de femmes en âge de procréer est en décroissance, réduisant ainsi l’effet net d’une fécondité plus grande. Ainsi, même en maintenant l’indice de fécondité à son niveau de 2007 (1,65), le nombre de naissances se maintiendrait autour de son niveau actuel jusqu’en 2021 avant de commencer à décroître pour retomber sous la barre des 80 000 naissances annuelles vers 2031. Pour cette raison, si l’augmentation de la natalité reste clairement souhaitable et nécessaire à long terme, elle ne doit pas être considérée comme la panacée devant le choc démographique attendue. Au fur et à mesure que l’accroissement naturel négatif de la population s’accentuera, il faudrait, pour maintenir la croissance de la population, une augmentation de plus en plus forte de la natalité, ce qui n’est guère réaliste. En ce sens, une politique de la population, tel qu’elle est avancée dans le point de vue de Jacques Légaré, aurait une portée beaucoup plus large qu’une politique familiale en englobant, en plus de la natalité, une autre composante de l’évolution démographique, soit l’immigration. Une telle politique offrirait également l’occasion d’exposer que l’immigration possède de nombreux avantages, dont la possibilité de combler des besoins précis pour le marché du travail.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
En conséquence nous en sommes venus à la réflexion que : • Le gouvernement du Québec doit non seulement chercher à compenser partiellement les charges inhérentes à avoir des enfants, mais également favoriser la natalité. • De manière à favoriser les adaptations aux changements démographiques, la politique familiale devrait s’imbriquer dans une politique plus large de la population. 11.2 Axes de réflexion touchant le soutien financier destiné aux familles Les réflexions touchant le soutien financier destiné aux familles porteront sur son manque de visibilité, sur sa contribution au mieux-être des enfants et sur la pertinence d’en unifier les paiements. Réflexion à l’égard de la visibilité du soutien financier accordé aux familles Nos résultats ont maintes fois montré qu’il existe non seulement un soutien financier destiné aux familles québécoises, mais qu’il s’avère bien souvent fort généreux. À ce titre, le point de vue complémentaire de Pierre Fortin indique que c’est par l’importance de son système de transferts gouvernementaux que le Québec se distingue de l’Ontario en réussissant à procurer aux familles avec enfants un pouvoir d’achat avant impôt supérieur malgré un revenu autonome réellement inférieur. Malgré cela, lorsqu’on les interroge sur le soutien financier, les familles québécoises ayant de jeunes enfants sous-estiment fréquemment la valeur monétaire de ce qu’elles reçoivent. Doit-on leur en vouloir de ne pas apprécier à sa juste valeur ce qu’elles reçoivent ? Évidemment, non. Encore une fois, l’explication réside dans le fait que deux gouvernements offrent un grand nombre de mesures destinées aux familles, rendant du coup difficile, voire impossible, pour la plupart 222
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
des ménages de déterminer la valeur monétaire du soutien financier des gouvernements dont ils bénéficient. Cette difficulté à estimer la valeur du soutien financier est d’autant plus vraie pour les ménages sans enfant qui s’interrogent sur les conséquences financières de l’arrivée d’un enfant. Il en va de même pour les familles des autres provinces canadiennes qui se questionnent sur les conséquences fiscales de s’établir au Québec. Tant pour les familles existantes que pour celles en devenir ou encore pour celles voulant s’établir ici, il n’existe aucun endroit, site Internet ou autres, permettant de déterminer facilement le soutien financier offert par les gouvernements selon le nombre d’enfants, leur âge et leur revenu familial. Pour y arriver, il faut décortiquer plusieurs mesures fiscales, certaines offertes par le gouvernement canadien, d’autres par le gouvernement du Québec, qui se chevauchent et qui varient selon la situation familiale et le revenu de la famille. Or, le soutien financier que reçoit une famille québécoise avec deux enfants de moins de 5 ans atteint 14 610 $ lorsque le revenu familial de travail se situe à 25 000 $. Le soutien dont dispose la famille représentative de la classe moyenne est plutôt de 5 934 $ lorsque le revenu de travail atteint 75 000 $. Évidemment, lorsqu’une famille ne connaît pas le soutien financier offert par l’État, il lui est bien difficile de l’apprécier à sa juste valeur. Il devient encore plus difficile de croire alors qu’il puisse entrer dans la décision d’avoir on non un enfant. Enfin, à force de répéter que le fardeau fiscal est plus élevé au Québec qu’ailleurs, les contribuables québécois en sont venus à se sentir fiscalement étouffés. Or, en combinant les prestations reçues par une famille représentative de la classe moyenne, gagnant un revenu familial de 75 000 $, aux impôts qu’elle paie, il peut en résulter une réalité fort différente, où la charge fiscale n’est pas plus élevée ici qu’ailleurs.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Depuis juillet 2008, un premier outil a été mis en ligne sur le site Internet du ministère des Finances du Québec6. Il s’agit d’un calculateur de revenu disponible. Il n’a pas été conçu dans le but d’évaluer précisément le soutien financier aux familles, même s’il donne des indications intéressantes. En outre, certains paramètres devraient être modifiés si l’on souhaite faciliter diverses comparaisons pour le calcul du soutien financier. Enfin, il serait souhaitable qu’il soit accessible à partir de différents sites Internet, dont celui du ministère de la Famille. En conséquence, nous en sommes venus à cette réflexion : • Il faut sortir de la logique actuelle où chaque gouvernement fait ses petites affaires et n’expose que ses propres mesures. En fait, même s’il y a deux gouvernements, il ne faut jamais perdre de vue qu’il n’existe qu’une seule et même famille. On doit lui expliquer la résultante de la juxtaposition des divers mécanismes de transferts existants. • Le gouvernement du Québec a le devoir de rendre facilement accessible aux familles québécoises la valeur du soutien financier dont elles bénéficient. • L’accessibilité passe minimalement par l’élaboration d’une page Web qui indiquerait le soutien financier global offert par les deux ordres de gouvernement sur la base de quelques informations fiscales : le revenu des conjoints, le nombre d’enfants, leur âge, les frais de garde. Réflexion à l’égard de l’importance de la contribution de l’État au mieux-être des enfants Clairement, l’analyse a permis de révéler l’importance du soutien financier, donc la contribution significative de l’État au mieux-être des enfants. Comme le souligne le point de vue de Marc 6. Gouvernement du Québec, ministère des Finances, Calculateur mis en ligne le 15 juillet 2008. En ligne : http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2008-2009/fr/ calcul2.asp (consulté le 16 juillet 2008).
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
Van Audenrode, la question de la politique familiale reste relativement simple : d’un côté les familles ont besoin d’aide et, de l’autre, l’État veut les aider et y consacre des sommes considérables. Pourtant, il demeure une impression d’insuffisance compte tenu des besoins (quasi) illimités des familles. Quoi qu’il en soit, en 2008, il faut reconnaître qu’au Québec les familles sont appuyées par l’État, particulièrement celles qui sont les plus dans le besoin. On sait évidemment que le programme d’aide sociale bénéficie au couple avec enfants sans revenu. Mais la manière d’offrir le soutien financier de l’État a évolué au fil des années et bon nombre de mesures viennent compléter le revenu dont dispose la famille. À cet égard, le point de vue complémentaire de Ruth Rose révèle que l’évolution des politiques de soutien financier ne s’est pas faite en ligne droite mais au gré de tensions et de mouvements importants. Quoi qu’il en soit, pour un couple sans revenu, le soutien financier pour les deux enfants de moins de 5 ans représente plus de 13 500 $ en 2008. Ainsi, au total, cette famille aura reçu 24 775 $ en 2008 dans ses poches, soit plus de 2 000 $ par mois. Une chose est donc certaine, la contribution de l’État est significative, mais vivre avec ce montant pour un couple avec deux enfants demeure un haut fait. Pour discuter correctement, il faut les bonnes données. Dans ce contexte, l’objectif ici n’est autre que d’informer, nous n’avons nullement l’intention d’indiquer que le soutien financier aux familles est trop ou pas assez généreux. Dans son point de vue complémentaire, Jean-Yves Duclos s’interroge toutefois sur le fait que le soutien aux familles est peut-être excessif. Le soutien financier cible aussi les couples avec enfants gagnant de faibles revenus de travail. Pour un revenu de 25 000 $, la présente analyse révèle que la combinaison des impôts et des prestations fait en sorte qu’après avoir payé ses impôts sur le revenu aux gouvernements canadien et québécois, et pris en compte ses principales prestations, le couple avec deux enfants disposera d’un revenu significativement plus élevé que les salaires reçus. 225
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
En effet, en tenant compte du soutien financier destiné à cette famille, l’intervention de l’État fait passer le revenu familial du 25 000 $ de salaires initialement gagnés à un revenu après impôts, cotisations sociales et prestations de 38 648 $. Pour cette famille, le soutien financier équivaut à 14 610 $. Projetée de la naissance à la majorité de leurs deux enfants, l’application du régime actuel d’impôt et de prestations à ce couple disposant d’un revenu annuel de 25 000 $ indique que le soutien financier équivaudrait à plus de 230 000 $ au bout de 18 ans. Évidemment, si l’État soutient les familles, c’est parce qu’un enfant entraîne des coûts directs à ses parents. À ce titre, le point de vue complémentaire de Jacques Henripin attribue une valeur de 10 000 $ pour l’enfant de rang moyen, d’âge moyen et d’une famille à revenu moyen. Donc, sachant que les enfants entraînent des charges additionnelles, le soutien financier reçu par une famille à faible revenu couvrirait 85 % du coût de leurs enfants, si l’on considère que ce dernier équivaut, pour les 18 premières années de vie, à 270 000 $. Il y a clairement là un souci de lutter contre la pauvreté. Et ça marche, comme en témoigne le point de vue d’Alain Noël ; quel que soit l’indice retenu, la mesure de la pauvreté montre qu’elle a reculé beaucoup plus au Québec que dans les autres provinces canadiennes. Qui plus est, la comparaison interprovinciale a permis de montrer que le coût de garde net était cinq fois moindre au Québec que dans le reste du Canada. Ce faisant, en tenant compte du soutien financier et des frais de garde payés par une famille représentative de la classe moyenne gagnant un revenu familial de 75 000 $, c’est au Québec qu’on obtient le revenu disponible le plus élevé au Canada. Le Québec fait clairement le choix des familles. La comparaison internationale a même illustré que le Québec a le coût net de garde le plus faible parmi une sélection de pays du G7 et de pays nordiques alors que le soutien financier au Québec pouvait même excéder celui qui est offert par le modèle social des pays nordiques ! 226
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
En effet, en appliquant la méthodologie de l’OCDE, lorsqu’une famille avec deux enfants gagne l’équivalent de 167 % du salaire moyen, soit un peu plus de 70 000 $ au Québec, le soutien financier serait plus avantageux ici qu’au Danemark, qu’en Finlande, qu’en France, qu’en Norvège et même qu’en Suède. Ce faisant, c’est aussi au Québec que la portion de revenu de travail utilisée pour le paiement des impôts et des cotisations sociales, en tenant compte des prestations et des frais de garde, est la plus faible. Tous ces résultats sont évidemment possibles parce que les gouvernements ont fait le choix d’offrir plus à ceux qui ont le plus besoin. Ce geste tout à fait légitime découle du fait que la plupart des mesures varient selon le revenu familial. En conséquence nous en sommes venus à cette réflexion : • À l’instar de l’invisibilité du soutien financier, le gouvernement du Québec a le devoir de rendre facilement accessible aux familles québécoises la contribution de l’État au mieux-être de leurs enfants. • En simultané, le gouvernement doit diffuser ses progrès en matière de lutte contre la pauvreté. Réflexion à l’égard des recompositions familiales Une fois les enfants nés, il faut reconnaître qu’ils grandiront et qu’ils devront s’adapter à divers parcours familiaux. À cet égard, le point de vue complémentaire de Marie Rhéaume, présidente du Conseil de la famille et de l’enfance, nous a sensibilisés à certaines transitions de la vie, comme la recomposition familiale. Si notre analyse a montré que le soutien financier est bonifié pour tenir compte de la situation des familles monoparentales, corollairement, au moment de la recomposition familiale, après douze mois de vie commune, le soutien financier est significativement réduit, étant donné qu’il est établi en fonction du revenu des deux conjoints plutôt que basé sur le seul revenu du conjoint parent.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Alors qu’il n’est pas acquis qu’un nouveau conjoint partage les coûts associés à l’enfant du conjoint parent, le passage d’un statut de famille monoparentale avec un enfant et ayant un revenu de 30 000 $, à celui de famille recomposée avec un revenu familial de 75 000 $, réduit le soutien financier rattaché à l’enfant de plus de 5 500 $. En conséquence nous en sommes venus à la réflexion que : • Le gouvernement doit réussir un difficile équilibre, c’està-dire conserver l’établissement du soutien financier en fonction du revenu familial, car cela reste la meilleure façon de l’orienter vers les familles en fonction de leurs besoins, et tenir compte de la situation relativement usuelle de la recomposition familiale, tout en conservant la cohérence du régime fiscal en matière d’incitation au travail. Réflexion à l’égard de l’unification des aides aux familles Précédemment, nous avons indiqué que les familles ont beaucoup de difficulté à déterminer la valeur du soutien financier qu’elles reçoivent, compte tenu du fait que les deux gouvernements interviennent en matière de soutien financier aux familles et des nombreuses mesures existantes. Même si, en 2005, le gouvernement du Québec a fait des efforts en réduisant le nombre de ses programmes, depuis ce moment, le gouvernement fédéral a ajouté une série de mesures destinées aux familles. Selon le niveau de revenu, le tableau 37 illustre qu’une famille québécoise peut être concernée par une dizaine de mesures de l’un ou de l’autre des gouvernements.
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
25 000 $
50 000 $
75 000 $
100 000 $
125 000 $
Tableau 37 Mesures d’aide selon le revenu
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
x
Prestation universelle pour la garde d’enfants
x
x
x
x
x
Déduction pour frais de garde
x
x
x
x
x
Crédit d’impôt pour enfant
x
x
x
x
x
Montant pour personne à charge adm. (monoparentale seulement)
x
x
x
x
x
Crédit pour la TPS
x
Québec Crédit de soutien aux enfants Prime au travail
x
Crédit remboursable pour frais de garde
x
Crédit pour la TVQ
x
Allocation-logement
x
Fédéral Prestation fiscale pour enfants (base et supplément)
Note : Le crédit remboursable pour frais de garde du Québec suppose bien sûr l’utilisation d’une garderie à tarif régulier.
Bien sûr, il serait plus facile d’y voir clair si un seul gouvernement intervenait dans les dépenses sociales destinées aux familles, comme le propose le point de vue complémentaire de Marcelin Joanis en suggérant à ce sujet l’application d’un droit de retrait avec compensation aux provinces qui le souhaitent. En l’absence de tel droit de retrait avec compensation qui assurerait de réduire le nombre de programmes, n’y aurait-il pas lieu d’évaluer la possibilité d’en unifier le nombre de paiements ? La figure 53 expose les versements mensuels qu’une famille peut, dans certaines situations de revenus, recevoir en plus des économies d’impôts lors de la production de ses déclarations fiscales. 229
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Août
Légende : a : versement anticipé AL : Allocation-logement CFGE : Crédit pour frais de garde d’enfant PAT : Prime au travail PFCE : Prestation fiscale canadienne pour enfants
Octobre
PFRT : Prestation fiscale pour le revenu de travail PUGE : Prestation universelle pour la garde d’enfants CSAE : Crédit de soutien aux enfants TPS : Crédit pour la TPS TVQ : Crédit pour la TVQ
Note : Le crédit de soutien aux enfants peut aussi être versé mensuellement.
PFE
1
12 12
15
PFE
PUGE
TVQ
PFE
20 20
AL
Juin
Novembre
Décembre
PUGE
AL
PFE
20 20
PUGE
1 AL
TPS PFRTa
20 20 PUGE
AL CSAE
Septembre
15 15
1
Mai
PFE
3 3
PATa CFGEa
1 1
20 20 PUGE
AL
TPS PFRTa
1
PFE
AL CSAE
20 20 PFE
1
18 18
Avril
PUGE
20 20
AL
Mars
15 15
PUGE
4 4
PATa CFGEa
1 1
PFE
20 20 PUGE
AL
PFE 15
PFE
1
TVQ
TPS PFRTa
Juillet
18 18
AL
AL
15 15
PFE
4 4
1
Février
PUGE
2
PATa CFGEa
1
CSAE
Janvier
20 20 PUGE
1
PUGE
TPS PFRTa
18 18
AL
AL
CSAE
15 15
PFE
7 7
PUGE
3
PATa CFGEa
1
Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
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Figure 53 Dates de versement des prestations, Québec, 2008
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
Dans le cas d’une unification des paiements, il ne s’agit pas de fusionner les programmes ; ceux-ci continueraient d’exister de manière autonome avec leurs caractéristiques propres, seul le paiement en serait unifié. Chacun des gouvernements pourrait unifier ses paiements et il serait même possible d’imaginer l’unification des paiements des deux ordres de gouvernement en prenant soin d’indiquer qui verse quoi. L’approche mérite réflexion, considérant qu’une telle collaboration a déjà été négociée entre les gouvernements du Québec et du Canada lorsque le Québec est devenu l’administrateur de la TPS et de la TVQ sur son territoire. S’il ne devait y avoir qu’une seule entité, nous pouvons penser que la Régie des rentes du Québec, qui gère déjà le crédit de soutien aux enfants, fasse un paiement unique mensuellement. La figure 54 illustre à quoi pourrait ressembler le paiement unifié des diverses mesures de soutien financier aux familles.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Figure 54 Exemple d’un bordereau de paiement unifié versé par la Régie des rentes du Québec à un couple avec deux enfants gagnant un revenu de 25 000 $, avril 2008
Bénéficiaire
M ou Mme XYZ xx, Rue Ville, Québec Code postal
Date
15 avril 2008
Payez
Deux milles trois cent cinquante dollars………………………… 2 350 $ État des prestations – avril 2008 Québec Allocation logement (mensuel) Crédit pour frais de garde d’enfants (trimestriel) Crédit pour la TVQ (deux fois par année) Prime au travail (trimestriel) Crédit soutien aux enfants (trimestriel) Sous-total Québec Fédéral Crédit pour la TPS (trimestriel) Prestation fiscale pour enfants (mensuel) Prestation fiscale pour revenu de travail (trimestriel) Prestation universelle pour garde d’enfants (mensuel) Sous-total fédéral TOTAL
Montant 50 $ 0$ 87 $ 504 $ 794 $ 1 435 $ Montant 185 $ 530 $ 0$ 200 $ 915 $ 2 350 $
En conséquence nous en sommes venus à la réflexion que : • Le paiement unifié des diverses mesures de soutien financier aux familles, indiquant la valeur monétaire de chacune des mesures et le gouvernement qui la verse, permettrait de valoriser le soutien financier dont bénéficie chaque famille québécoise. 232
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
• La transmission d’un relevé annuel, indiquant la valeur monétaire du soutien financier et récapitulant les diverses mesures, permettrait aux familles de mieux cerner le soutien financier direct dont elles bénéficient des gouvernements. Répétons-le, le Québec sera touché par un vieillissement marqué de sa population. Même si elle ne peut, à elle seule, suffire, une augmentation de la natalité s’avère nécessaire pour faciliter la transition démographique. Devant un tel défi, il est donc important que la politique familiale contribue à augmenter la natalité sans pour autant décourager le travail. Son orientation est donc cruciale pour aller dans ce sens. Force est de constater qu’au cours des dix dernières années le Québec a nettement bonifié ses dépenses sociales tout en réussissant à concilier le développement social et la prospérité économique. L’État a structuré l’émergence d’un réseau de garderie à contribution réduite, créé un régime d’assurance parentale et mis au point un solide soutien financier destiné aux familles. Ainsi, même si tout n’est pas parfait, avec ces avancés, le Québec se retrouve aujourd’hui avec plusieurs atouts entre ses mains. Nos axes de réflexions visent à susciter des débats dans le but de bonifier ces atouts, ce qui permettra ensuite au Québec de mieux les mettre en valeur.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
Pour juger d’une politique familiale, il faut revenir à l’essentiel : les buts qu’elle poursuit Point de vue de Michel Venne Michel Venne est directeur général de l’Institut du Nouveau Monde. Il est aussi codirecteur de L’Annuaire du Québec, un ouvrage de référence publié annuellement sur la société québécoise aux éditions Fides. Sous sa direction a paru en 2003 aux éditions Québec Amérique : Justice, prospérité et démocratie. L’avenir du modèle québécois.
Il est bien difficile de débattre de politiques familiales lorsque les finalités de celles-ci n’ont pas été clarifiées. En principe, on évalue une politique en examinant les résultats qu’elle provoque en fonction des buts que l’on s’était fixés. Or les objectifs de nos politiques familiales ne sont pas clairs.
Un chevauchement contreproductif La première source de confusion tient dans le fait que deux ordres de gouvernement interviennent dans ce champ de compétence sans harmoniser leurs efforts. Au contraire, même à l’heure actuelle, ils tirent dans des directions opposées. Certains trouvent leur compte dans le chèque de 100 $ par mois que leur envoie Stephen Harper. D’autres auraient sans doute préféré, cependant, que cet argent soit investi dans l’ouverture de nouvelles places dans les centres de la petite enfance créés par le Québec il y a maintenant une décennie. Tant que le Québec sera une province du Canada, cette source de confusion va demeurer. Nous vivrons des périodes où les politiques des deux ordres de gouvernement seront mieux harmonisées. Et d’autres où elles seront contradictoires. Mais toujours deux politiques se chevaucheront parce que les politiciens de tous les horizons et de toutes les allégeances veulent montrer à leurs électeurs que la famille leur tient à cœur. La vraie question n’est pas là, toutefois. Le principal problème ne vient pas de ce chevauchement agaçant et contreproductif. Mieux informer la population sur la contribution de chacun des ordres de gouvernement aux politiques familiales serait une bonne chose. Mais ça ne réglera rien si l’on se contente de comparer, en deux colonnes de chiffres, les montants d’argent versés aux familles par l’un ou l’autre des gouvernements, 234
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
directement ou par voie fiscale. Car plusieurs dépenses publiques (autant en santé, en loisir, en éducation, en transport...) ont un effet positif sur les familles mais ne figurent pas dans la comptabilité comparée des aides fiscales et des dépenses sociales. Non, la vraie question est celle-ci : quels buts devrions-nous poursuivre avec nos politiques familiales et quelles sont les dépenses ou quels sont les programmes gouvernementaux qui contribuent le mieux à l’atteinte de ces buts ?
Les enfants d’aujourd’hui ou les enfants de demain ? Lorsque l’Institut du Nouveau Monde a organisé un rendez-vous stratégique sur l’économie, en 2006, les participants ont été invités à réfléchir aux changements démographiques. Ils ont soupesé les avantages et les inconvénients d’une politique nataliste et d’une politique d’immigration dynamique. Or il est intéressant de constater que les participants appuyaient davantage des politiques qui favorisent un meilleur développement des enfants que nous avons plutôt que celles qui auraient pour but de pousser à la hausse la natalité. De même, ils ont insisté bien davantage sur l’importance de politiques d’intégration des immigrants que nous recevons plutôt que de politiques qui auraient pour conséquence d’en augmenter rapidement le nombre. J’en rappelle les résultats simplement pour illustrer le genre de dilemme auquel un gouvernement fait face lorsqu’il adopte une politique publique. Dans le cas des politiques familiales, les gouvernements ont le choix entre plusieurs objectifs, bien que plusieurs puissent être concurrents. Que veut-on d’abord ? 1) Aider les parents à boucler le budget à la fin du mois ? 2) Investir dans le développement des enfants ? 3) Favoriser l’accession des femmes au marché du travail ? 4) Pousser à la hausse le nombre de naissances ? 5) Libérer du temps pour la vie familiale ? Toutes ces réponses sont bonnes, bien sûr. Mais, comme les fonds publics ne sont pas inépuisables, les gouvernements doivent faire des choix. Examinons brièvement trois options centrales.
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
L’équité fiscale D’aucuns présentent les politiques familiales comme des politiques de soutien au revenu des familles, en supposant qu’il est normal, dans une société qui veut des enfants, que l’État compense le coût que représente la progéniture pour un foyer. Les données présentées dans ce livre montrent que l’aide financière donnée aux familles du Québec est comparable à celle qui est accordée dans d’autres pays. Cela m’amène à conclure que, cet objectif étant atteint, cette voie ne devrait plus être priorisée par les gouvernements.
La natalité La motivation la plus souvent évoquée pour justifier les politiques familiales est d’augmenter le taux de natalité. L’objectif est certes noble. Mais sait-on ce qui aurait le plus d’influence à cet égard ? Pour le découvrir, il faut d’abord analyser les causes de la baisse de la natalité. De grands phénomènes difficiles à renverser expliquent cette situation. C’est entre autres pour cette raison que la baisse de la natalité se vérifie dans toutes les sociétés occidentales. Au nombre de ces grandes explications, on trouve l’industrialisation, l’urbanisation, le féminisme, la laïcisation de la société. Les jeunes d’aujourd’hui forment moins spontanément des couples qu’autrefois et, lorsqu’ils le font, ils le font plus tardivement et ces couples sont moins durables. De même, l’émancipation des femmes et la hausse de leur scolarisation expliquent entre autres que le désir d’enfant est repoussé plus tard vers la trentaine. On sait que des politiques familiales bien comprises peuvent contribuer à réconcilier le désir d’autonomie avec le désir d’enfant. Dès l’entrée en vigueur du nouveau programme de congé parental, la natalité à fait un saut au Québec. Ce congé parental, également offert aux pères, facilite la vie des couples en permettant de partager entre les conjoints la charge du nouveau-né. Ce congé donne aussi quelque chose qui est parfois plus précieux que l’argent : du temps en famille. L’insécurité économique est également un facteur déterminant de la décision d’avoir ou non des enfants. Certes, la situation de l’emploi s’est améliorée au Québec mais moins que celle des revenus. En outre, nos politiques de soutien au revenu découpées par clientèles sont devenues 236
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Chapitre 11. Nos axes de réflexion
désuètes. Une politique bien comprise de soutien au revenu tout au long de la vie, prenant en compte l’aide aux études, l’assurance emploi et les prestations de retraite, aurait peut-être plus d’effet sur la natalité que des allocations familiales directes. Le principe est simple : faciliter la vie.
Le développement des enfants On peut aussi considérer différemment le rôle des politiques familiales. Il n’y aura pas de hausses spectaculaires de la natalité au cours des prochaines années. D’aucuns pourraient dire : à quoi bon s’acharner ! Privilégions plutôt des politiques favorables à l’amélioration des conditions et de la qualité de la vie des enfants que nous avons déjà et de ceux que nous amène l’immigration. À cet égard, investir dans le développement des enfants paraît être une politique visionnaire que les gouvernements devraient s’empresser de poursuivre. C’est en partie l’option qui était privilégiée par la décision du gouvernement Bouchard de consacrer des efforts financiers importants à la création d’un réseau de centres de la petite enfance. Certes, les CPE ont la vocation de faciliter la conciliation famille-travail. Ils ont eu pour effet une hausse de l’activité des femmes sur le marché du travail. Ils ont permis de réduire le travail au noir et d’améliorer les conditions de travail des éducatrices. Ils ont aussi l’avantage de favoriser la consolidation des liens entre les citoyens d’une même communauté ainsi que l’intégration des familles immigrantes. Ils sont un lieu de socialisation et un lieu d’engagement citoyen pour les parents siégeant aux conseils d’administration. Mais, d’abord et avant tout, les CPE constituent un réseau d’éducation pré-scolaire absolument essentiel au développement des enfants. D’aucuns arguent que les CPE auraient dû, pour les enfants de trois ans et plus, être carrément intégrés à l’école. C’est une option. L’option actuelle demeure valable. On se demande pourquoi ce programme n’est pas encore devenu universel. Les parents le réclament d’ailleurs. Toutes les études sérieuses convergent : plus tôt un enfant est socialisé et participe à des activités éducatives, mieux il réussira dans la vie. Cela paraît si clair. Sauf que le débat n’a pas été tranché entre les tenants de la thèse voulant que les politiques familiales donnent priorité aux enfants et ceux qui veulent que l’on vise d’abord le bien-être des parents. Vous 237
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Partie 4 Comparaisons, réflexions et conclusion
direz que l’un ne va pas sans l’autre. C’est sans doute vrai. Mais les limites financières forcent à faire des choix.
Faire des choix par un dialogue citoyen Je n’ai évoqué dans ce texte qu’une partie des options possibles. Le débat est loin d’être clos. Et il serait urgent de le relancer. Pour ce faire, les querelles d’experts ne suffisent pas et les options simplistes, construites pour plaire à un électorat pressé et mal informé, ne sont pas une solution. Les politiques familiales touchent les gens dans ce qu’ils ont de plus précieux. Pour déterminer la bonne politique, il faut les interpeller. Les options sont connues. Leurs effets ont généralement été mesurés dans d’autres pays. Une démarche citoyenne permettant d’évaluer publiquement nos politiques actuelles et de soupeser, en toute connaissance de cause, les options qui s’offrent serait la meilleure façon de favoriser l’adoption des meilleures politiques. Les décideurs sortiraient de cette démarche informés d’une sagesse populaire que les urnes ne peuvent exprimer.
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Conclusion
Le titre évocateur du présent ouvrage soulevait une interrogation : se peut-il que le Québec soit un paradis pour les familles ? Pour l’ensemble des familles dont les enfants fréquentent un service de garde, la réponse est clairement oui. Lorsque les enfants sont plus âgés et qu’ils ne fréquentent plus un service de garde, le Québec se compare encore bien pour les familles à faible et moyen revenu. Cela dit, notre réponse reste oui, même s’il est difficile d’y voir clair ! La complexité des systèmes fiscaux et ses inextricables interactions font en sorte que, même en sachant le revenu d’une famille et le nombre d’enfants qui la composent, il reste bien difficile de déterminer avec précision la valeur du soutien financier auquel elle a droit, ne serait-ce même qu’une approximation ! Quoi qu’il en soit, nos calculs révèlent clairement que le soutien financier est important, qu’il a récemment augmenté, qu’il compense une part significative des coûts directs associés aux enfants, faisant en sorte que le Québec se compare avantageusement bien. Le soutien financier aux familles est significativement important. • D’un maximum annuel de 15 000 $ en 2008 pour un couple avec deux enfants de moins de 5 ans, la valeur du soutien financier diminue avec l’accroissement du revenu familial jusqu’à un minimum dépassant 3 700 $ par an. 239
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Les années récentes sont clairement marquées par une amélioration du soutien financier pour l’ensemble des familles avec enfants, riches comme pauvres. • Avec un revenu familial de 75 000 $, une famille avec enfants représentative de la classe moyenne a vu son soutien financier en dollars constants doubler entre 2000 et 2008. Le soutien financier aux familles compense une part significative des charges inhérentes aux enfants. • En tenant compte du coût direct moyen des enfants de leur naissance à leur majorité, le soutien financier couvre jusqu’à 85 % du coût moyen des enfants d’une famille à faible revenu pour les 18 premières années de vie, alors qu’il équivaut à près du tiers de ce coût pour la famille représentative de la classe moyenne dont le revenu familial est 75 000 $. Le Québec se compare avantageusement bien. • Les familles québécoises avec enfants bénéficient des coûts nets de garde les plus faibles jumelés au plus généreux soutien financier de tout le Canada. • Malgré le fait que les impôts sur le revenu peuvent être plus élevés au Québec qu’ailleurs au Canada, les familles québécoises dont les enfants fréquentent la garderie ont quand même, après avoir payé leurs impôts, leurs cotisations sociales et leurs frais de garde et pris en compte leurs prestations, le revenu disponible le plus élevé au Canada. Pour une famille québécoise représentative de la classe moyenne gagnant un revenu familial de 75 000 $, il reste en moyenne autour de 6 000 $ de plus dans ses poches. • Sous la même base, les familles québécoises se comparent également avantageusement à l’international. Encore une 240
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Conclusion
fois c’est au Québec que la proportion du revenu de travail qui reste disponible à la famille, une fois considérés les prestations, les impôts, les cotisations sociales et les frais de garde, est la plus élevée, et ce, en regard d’une sélection de pays du G7 et de pays nordiques. Avouons-le, ces résultats ont de quoi surprendre. Alors, peut-être êtes-vous, comme nous, rendus à vous dire qu’il est temps de faire changer les perceptions. Même si d’autres améliorations peuvent encore être apportées, ce ne sont pas les bonnes nouvelles qui manquent ; en commençant par dire que le Québec a fait clairement le choix des familles !
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Bibliographie
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Godbout, Luc et autres, Oser choisir maintenant. Des pistes de solution pour protéger les services publics et assurer l’équité entre les générations, Québec, PUL, 2007. Godbout, Luc et Suzie St-Cerny, La charge fiscale nette des particuliers au Québec et dans les pays du G7 : le Québec est en excellente position et maintes fois champion des réductions fiscales !, Cahier de recherche, Chaire en fiscalité et en finances publiques, Université de Sherbrooke, 2008. Godbout, Luc et Suzie St-Cerny, « Impôts sur le revenu : une ligne de conduite pour corriger la problématique des taux marginaux implicites de taxation », Revue de planification fiscale et successorale de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), vol. 27, no 2, 2006. Godet, Michel et Évelyne Sullerot, La famille, une affaire publique. Rapport, Paris, Conseil d’analyse économique, 2005. Gouvernement du Canada, Ministère de la Justice, « Mesures des dépenses attribuables aux enfants au Canada : guide pratique, Partie I. Sommaire », Rapport technique, 1991. Gouvernement du Québec, Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre, Concilier travail et famille : un défi pour les milieux de travail. Plan d’action. Résumé, Montréal, 2001. Gouvernement du Québec, Conseil de gestion de l’assurance parentale, Faits saillants. Statistiques officielles, Régime québécois d’assurance parentale, 2008. Gouvernement du Québec, Conseil de gestion de l’assurance parentale, Rapport annuel de gestion 2007, 2008. Gouvernement du Québec, Conseil de la famille et de l’enfance, La politique familiale au Québec : visée, portée, durée et rayonnement, Québec, 2008. Gouvernement du Québec, Conseil de la famille et de l’enfance, Transitions familiales : le rapport 2005-2006 sur la situation et les besoins des familles et des enfants, Québec, 2007. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille et des Aînés, Famille : nouvelles places en services de garde, le gouvernement atteindra son objectif deux ans plus tôt que prévu, communiqué, 23 juillet 2008. Gouvernement du Québec, ministère de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, Pour que l’égalité de droit devienne une égalité de fait, Québec, décembre 2006. Gouvernement du Québec, ministère de la Justice, Le modèle québécois de fixation des pensions alimentaires pour enfants, 2008. 244
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Bibliographie
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Annexe 1 Brève évolution des éléments de politiques familiales touchant les familles québécoises1 Date
Gouv.
Mesures et justifications
1918
Fédéral
Le gouvernement reconnaît que la charge d’enfants réduit la capacité des contribuables à payer de l’impôt sur le revenu en créant une exonération fiscale pour enfants.
1945
Fédéral
Création des premières allocations familiales universelles pour les enfants de moins de 16 ans afin de fournir une aide financière aux familles ayant des enfants à charge.
1961
Québec
La première intervention provinciale de portée générale est une allocation scolaire à l’égard des enfants de 16 et 17 ans qui fréquentent l’école.
1967
Québec
Création des allocations familiales québécoises pour les enfants de moins de 16 ans, elles sont universelles et structurées en fonction du rang et de l’âge des enfants.
1971
Fédéral
Introduction du congé de maternité offert par l’assurance chômage, il est d’une durée maximale de 15 semaines, mais précédé d’un délai de carence de deux semaines.
1972
Fédéral Québec
Introduction d’une déduction fiscale pour frais de garde.
1. Source principale : Québec, ministère de la Famille et des Aînés, en ligne : http:// www.mfa.gouv.qc.ca/famille/politique-familiale/historique/ (consulté en septembre 2008).
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Date
Gouv.
Mesures et justifications
1973
Fédéral
Les allocations familiales sont triplées et indexées annuellement. Elles couvrent désormais les enfants de moins de 18 ans et deviennent imposables.
1974
Québec
Les allocations familiales québécoises s’appliquent aussi aux enfants de moins de 18 ans ; leur montant ne varie plus qu’en fonction du rang de l’enfant. L’allocation scolaire est abolie.
1978
Fédéral
Introduction d’un crédit d’impôt remboursable pour enfant à charge. Ce crédit vise les familles à faible revenu.
1978
Québec
Création d’une allocation de maternité afin de compenser l’absence de revenu pendant le délai de carence du congé de maternité de l’assurance chômage.
1979
Québec
Création du Supplément au revenu du travail (SUPRET) dont l’objectif est d’offrir principalement aux bénéficiaires de l’aide sociale, désireux d’intégrer le marché du travail, une compensation pour tenir compte de la réduction de la prestation d’aide sociale. Ce programme est plus généreux pour les familles avec enfants.
1982
Québec
Création d’une allocation universelle de disponibilité pour les parents d’enfants de moins de 6 ans. Elle vise à compenser soit les frais de garde encourus par les parents en emploi, soit le manque à gagner du parent au foyer. Cette allocation ne peut être cumulée avec la déduction pour frais de garde.
1986
Québec
Une exemption pour enfants à charge est introduite dans l’impôt sur le revenu.
1987
Québec
Le gouvernement adopte, pour la première fois, un énoncé de politique familiale et crée le Conseil de la famille.
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Annexe 1. Brève évolution des éléments de politiques familiales...
Date
Gouv.
Mesures et justifications
1988
Québec
Le budget de 1988-1989 énonce différentes mesures de politique familiale : – les allocations familiales universelles deviennent non imposables ; – l’allocation universelle de disponibilité pour les enfants de moins de 6 ans est rebaptisée allocation pour jeune enfant, elle demeure universelle, tandis que les mensualités sont restructurées et qu’elle peut être maintenant cumulée avec la déduction pour frais de garde ; – l’exemption fiscale pour enfants est remplacée par un crédit d’impôt non remboursable pour enfants d’une valeur uniforme pour tous les parents ; – les familles à revenu faible ou moyen bénéficieront d’une réduction d’impôt à l’égard des familles ; – le gouvernement introduit une mesure très populaire, une allocation à la naissance universelle qui se chiffre à 500 $ pour un enfant de rang 1 ou 2 et à 3 000 $ pour un enfant de rang 3 ou supérieur. En 1989, l’allocation pour le deuxième enfant sera portée à 1 000 $. L’allocation pour le troisième enfant et chaque enfant suivant sera augmentée de 1989 à 1992, pour atteindre 8 000 $ en 1992.
1988
Québec
Remplacement du SUPRET par le programme d’Aide aux parents pour leur revenu de travail (APPORT). Il s’agit une aide financière aux travailleurs à faible revenu avec au moins un enfant à charge. Elle incluait une aide mensuelle et une aide relative aux frais de garde.
1990
Fédéral
Ajout d’un congé parental de 10 semaines (partageable entre les deux conjoints) au congé de maternité.
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Date
Gouv.
Mesures et justifications
1993
Fédéral
Remplacement des allocations familiales et des crédits d’impôt pour enfants à charge par une prestation fiscale pour enfants, entièrement réductible selon le revenu familial, destinée principalement aux familles à faible revenu.
1994
Québec
Remplacement de la déduction fiscale pour frais de garde par un crédit d’impôt remboursable pour frais de garde, plus généreux, dont le taux varie de 75 % à 26 % des frais en fonction du revenu familial.
1997
Québec
À la suite du sommet socioéconomique de 1996, les nouvelles dispositions de la politique familiale sont les suivantes : – Remplacement des allocations (familiales universelles, pour jeune enfant et à la naissance) et de la partie de l’aide sociale associée aux enfants par une allocation familiale réductible selon le revenu familial. – Les enfants de 5 ans ont accès à la maternelle à plein temps plutôt qu’à demi-temps. – Implantation graduelle des services de garde à contribution réduite de 5 $ par jour. – Annonce de l’intention de créer son propre régime d’assurance parentale, régime qui couvrira également les travailleurs autonomes.
1998
Fédéral
Création d’un supplément qui s’ajoute à la prestation fiscale pour enfants, variant selon le revenu familial et destiné aux familles à faible revenu.
2001
Fédéral
Augmentation de la durée maximale du congé parental de l’assurance emploi de 10 à 35 semaines.
2004
Québec
La contribution réduite pour la garde d’enfants passe de 5 $ à 7 $ par jour.
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Annexe 1. Brève évolution des éléments de politiques familiales...
Date
Gouv.
Mesures et justifications
2005
Québec
Remplacement de l’allocation familiale, du crédit d’impôt pour enfant à charge, de la réduction d’impôt à l’égard de la famille et du programme APPORT par l’introduction de deux nouveaux crédits d’impôt remboursables pour les familles : le crédit de soutien aux enfants et la Prime au travail.
2006
Québec
Implantation du Régime québécois d’assurance parentale.
2006
Fédéral
Introduction de la prestation universelle pour la garde d’enfant de 100 $ par mois par enfant de moins de 6 ans
2007
Fédéral
Introduction d’un crédit d’impôt non remboursable pour enfant de 2 000 $ par enfant de moins de 18 ans.
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Annexe 2 Résultats détaillés – 20081 Couple sans enfant 2008 Gouvernement du Québec
Revenu de travail 0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 90 000 100 000 110 000 120 000 130 000 140 000 150 000 160 000 170 000 180 000
Aide sociale 10 284 3 884 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
PAT 348 348 348 348 96 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Crédit TVQ 0 448 425 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Impôt Québec 0 0 0 -439 -2 000 -3 594 -5 194 -6 934 -8 774 -10 614 -12 514 -14 514 -16 514 -18 594 -20 834 -23 074 -25 314 -27 554 -29 794
Total Québec 10 632 4 680 773 -91 -1 904 -3 594 -5 194 -6 934 -8 774 -10 614 -12 514 -14 514 -16 514 -18 594 -20 834 -23 074 -25 314 -27 554 -29 794
Gouvernement du Canada
PFRT 0 512 116 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Crédit Impôt Total TPS fédéral fédéral 484 0 484 484 0 996 484 0 600 484 -886 -402 60 -2 053 -1 993 0 -3 221 -3 221 0 -4 388 -4 388 0 -5 798 -5 798 0 -7 345 -7 345 0 -8 911 -8 911 0 -10 601 -10 601 0 -12 408 -12 408 0 -14 238 -14 238 0 -16 147 -16 147 0 -18 182 -18 182 0 -20 217 -20 217 0 -22 254 -22 254 0 -24 292 -24 292 0 -26 329 -26 329
Revenu après impôts et prestations 11 116 15 676 21 373 29 507 36 103 43 185 50 418 57 268 63 881 70 475 76 885 83 078 89 248 95 259 100 984 106 709 112 432 118 154 123 877
RRQ+ RQAP +AE 0 -333 -1 012 -1 691 -2 370 -3 049 -3 728 -4 394 -4 836 -5 135 -5 433 -5 667 -5 729 -5 747 -5 765 -5 783 -5 786 -5 786 -5 786
Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations 11 116 15 344 20 362 27 817 33 733 40 137 46 690 52 874 59 044 65 340 71 452 77 411 83 519 89 512 95 219 100 925 106 646 112 369 118 091
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1. Dans les tableaux les acronymes suivants désignent : AE : Assurance-emploi, PAT : Prime au travail, PFCE : Prestation fiscale canadienne pour enfants, PFRT : Prestation fiscale pour le revenu de travail, PUGE : Prestation universelle pour la garde d’enfants, RQAP : Régime québécois d’assurance parentale, RRQ : Régime de rentes du Québec.
Gouvernement du Québec
Revenu de travail 0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 90 000 100 000 110 000 120 000 130 000 140 000 150 000 160 000 170 000 180 000
Aide Crédit sociale PAT TVQ 11 688 0 348 5 288 1 600 348 0 2 485 348 0 1 537 348 0 561 96 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Soutien aux enfants 3 174 3 174 3 174 3 174 3 174 3 000 2 600 2 200 1 800 1 400 1 142 1 142 1 142 1 142 1 142 1 142 1 142 1 142 1 142
Impôt Québec 0 0 0 -823 -2 384 -3 978 -5 578 -7 318 -9 158 -10 998 -12 994 -14 994 -16 994 -19 074 -21 314 -23 554 -25 794 -28 034 -30 274
Gouvernement du Canada
Total Québec 15 210 10 410 6 007 4 237 1 447 -978 -2 978 -5 118 -7 358 -9 598 -11 852 -13 852 -15 852 -17 932 -20 172 -22 412 -24 652 -26 892 -29 132
PFCE PUGE PFRT 6 431 2 400 0 6 431 2 400 512 6 431 2 400 816 5 232 2 400 0 2 932 2 400 0 2 269 2 400 0 1 869 2 400 0 1 469 2 400 0 1 069 2 400 0 669 2 400 0 269 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0 0 2 400 0
Crédit Impôt TPS fédéral 738 0 738 0 738 0 738 -283 489 -1 405 0 -2 572 0 -3 740 0 -5 149 0 -6 697 0 -8 263 0 -9 888 0 -11 696 0 -13 525 0 -15 434 0 -17 469 0 -19 505 0 -21 542 0 -23 579 0 -25 616
Total fédéral 9 569 10 081 10 385 8 087 4 416 2 097 530 -1 280 -3 228 -5 194 -7 219 -9 296 -11 125 -13 034 -15 069 -17 105 -19 142 -21 179 -23 216
Revenu après impôts et prestations 24 779 30 491 36 392 42 324 45 863 51 119 57 552 63 602 69 414 75 209 80 929 86 852 93 023 99 034 104 759 110 483 116 206 121 929 127 652
RRQ+ RQAP +AE 0 -333 -1 012 -1 691 -2 370 -3 049 -3 728 -4 394 -4 836 -5 135 -5 433 -5 667 -5 729 -5 747 -5 765 -5 783 -5 786 -5 786 -5 786
Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations 24 779 30 159 35 381 40 634 43 494 48 071 53 824 59 208 64 578 70 074 75 496 81 185 87 294 93 286 98 993 104 700 110 421 116 143 121 866
Soutien financier lié aux enfants 13 663 14 815 15 019 12 817 9 761 7 934 7 134 6 334 5 534 4 734 4 044 3 775 3 775 3 775 3 775 3 775 3 775 3 775 3 775
Notes : Sont inclus dans les calculs des impôts : le crédit d’impôt fédéral pour enfants, la déduction fédérale pour frais de garde et les impôts à payer sur la PUGE. Le soutien financier du couple avec enfants est la différence entre la colonne « Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations » du couple avec enfants et celle du couple sans enfant.
Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
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Couple avec deux enfants 2008
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Personne vivant seule 2008 Gouvernement du Québec
Aide Crédit Impôt Total sociale PAT TVQ Québec Québec 6 636 0 292 0 6 928 0 518 292 0 810 0 0 292 -758 -466 0 0 292 -2 358 -2 066 0 0 11 -4 257 -4 246 0 0 0 -6 257 -6 257 0 0 0 -8 257 -8 257 0 0 0 -10 257 -10 257 0 0 0 -12 417 -12 417 0 0 0 -14 817 -14 817 0 0 0 -17 217 -17 217 0 0 0 -19 617 -19 617 0 0 0 -22 017 -22 017 0 0 0 -24 417 -24 417 0 0 0 -26 817 -26 817 0 0 0 -29 217 -29 217 0 0 0 -31 617 -31 617 0 0 0 -34 017 -34 017 0 0 0 -36 417 -36 417
PFRT 0 887 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Crédit Impôt Total TPS fédéral fédéral 242 0 242 285 0 1 172 369 -1 027 -658 369 -2 194 -1 825 0 -3 485 -3 485 0 -5 284 -5 284 0 -7 116 -7 116 0 -8 952 -8 952 0 -10 931 -10 931 0 -13 102 -13 102 0 -15 273 -15 273 0 -17 444 -17 444 0 -19 615 -19 615 0 -21 956 -21 956 0 -24 378 -24 378 0 -26 799 -26 799 0 -29 221 -29 221 0 -31 642 -31 642 0 -34 064 -34 064
Revenu après impôts et prestations 7 170 11 982 18 876 26 109 32 269 38 459 44 627 50 791 56 652 62 081 67 510 72 939 78 368 83 627 88 805 93 984 99 162 104 341 109 519
RRQ+ RQAP +AE 0 -506 -1 185 -1 864 -2 543 -2 846 -2 891 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893
Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations 7 170 11 476 17 692 24 245 29 726 35 613 41 737 47 898 53 760 59 189 64 618 70 047 75 476 80 734 85 912 91 091 96 269 101 448 106 626
Annexe 2. Résultats détaillés – 2008
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Revenu de travail 0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 90 000 100 000 110 000 120 000 130 000 140 000 150 000 160 000 170 000 180 000
Gouvernement du Canada
Gouvernement du Québec
Revenu de travail 0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 90 000 100 000 110 000 120 000 130 000 140 000 150 000 160 000 170 000 180 000
Aide sociale 8 040 440 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
PAT 0 2 219 1 298 298 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Crédit TVQ 292 292 292 292 11 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Soutien aux enfants 2 857 2 857 2 857 2 857 2 576 2 176 1 776 1 376 976 891 891 891 891 891 891 891 891 891 891
Impôt Québec 0 0 -950 -2 550 -4 497 -6 497 -8 497 -10 497 -12 705 -15 105 -17 505 -19 905 -22 305 -24 705 -27 105 -29 505 -31 905 -34 305 -36 705
Gouvernement du Canada
Total Québec 11 189 5 808 3 497 897 -1 909 -4 321 -6 721 -9 121 -11 729 -14 214 -16 614 -19 014 -21 414 -23 814 -26 214 -28 614 -31 014 -33 414 -35 814
PFCE PUGE PFRT 3 332 1 200 0 3 332 1 200 887 3 332 1 200 0 2 483 1 200 0 1 300 1 200 0 1 100 1 200 0 900 1 200 0 700 1 200 0 500 1 200 0 300 1 200 0 100 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0 0 1 200 0
Crédit TPS 611 611 611 611 275 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Impôt fédéral 0 0 0 -667 -1 926 -3 725 -5 557 -7 394 -9 354 -11 525 -13 696 -15 867 -18 038 -20 365 -22 787 -25 208 -27 630 -30 051 -32 473
Total fédéral 5 143 6 030 5 143 3 626 848 -1 426 -3 457 -5 494 -7 654 -10 025 -12 396 -14 667 -16 838 -19 165 -21 587 -24 008 -26 430 -28 851 -31 273
Revenu après impôts et prestations 16 332 21 838 28 640 34 523 38 939 44 254 49 822 55 385 60 618 65 761 70 990 76 319 81 748 87 021 92 199 97 378 102 556 107 735 112 913
RRQ+ RQAP +AE 0 -506 -1 185 -1 864 -2 543 -2 846 -2 891 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893 -2 893
Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations 16 332 21 332 27 456 32 660 36 396 41 408 46 932 52 493 57 725 62 868 68 097 73 427 78 856 84 128 89 306 94 485 99 663 104 842 110 020
Soutien financier lié à l’enfant 9 162 9 856 9 764 8 414 6 669 5 795 5 195 4 595 3 965 3 680 3 480 3 380 3 380 3 394 3 394 3 394 3 394 3 394 3 394
Notes : Sont inclus dans les calculs des impôts : le crédit d’impôt fédéral pour enfants, la déduction fédérale pour frais de garde, le montant pour personne à charge admissible et les impôts à payer sur la PUGE. Le soutien financier de la famille monoparentale est la différence entre la colonne « Revenu après impôts, cotisations sociales et prestations » de la famille monoparentale et celle de la personne seule.
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Famille monoparentale avec un enfant 2008
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Annexe 3 Comparaison avec les autres provinces canadiennes – couple avec deux enfants et un revenu familial égal au salaire médian Dans la présente annexe, nous dressons une comparaison interprovinciale selon que la famille réside au Québec ou ailleurs au Canada pour un couple avec deux enfants. Contrairement à ce qui a été fait au chapitre 10, les calculs sont effectués pour des revenus dits « comparables » d’une province à l’autre. Les revenus que nous utilisons sont les revenus de marché médians dans chacune des provinces pour 2006, soit la dernière année disponible. Le tableau A3-1 présente les revenus de marché médians. Tableau A3-1 Revenu de marché médian par province pour les familles biparentales avec enfants, 2006 Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
56 600 58 700 69 300 60 600 66 900 79 000 68 100 73 600 88 400 76 400
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
Source : Statistique Canada, Tableau 202-0702.
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Comparaison des frais de garde nets Le tableau A3-2 illustre, pour une famille biparentale gagnant un revenu familial égal au revenu médian de sa province, le coût net des frais de garde lorsque leurs deux enfants fréquentent une garderie. Nous gardons les mêmes hypothèses pour les frais de garde qu’au chapitre 10, soit 25 $ par jour par enfant dans toutes les provinces, sauf au Québec (7 $ par jour par enfant). Comme au chapitre 10, c’est au Québec que le coût net de garde pour deux enfants est le moins élevé, s’élevant annuellement à 1 207 $ ou 2,2 % de son revenu net, alors qu’il s’établit en moyenne à 7 155 $ par année dans le reste du Canada, soit 12,7 % du revenu net. Tableau A3-2 Comparaison interprovinciale du coût net des frais de garde pour un couple avec deux enfants et un revenu familial égal au revenu médian, 2008
Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique Moyenne canadienne excluant le Québec
Prestation Frais de universelle garde bruts nette pour la pour deux garde enfants d’enfants 12 500 $ 1 843 $ 12 500 $ 1 805 $ 12 500 $ 1 796 $ 12 500 $ 1 797 $ 3 500 $ 1 715 $ 12 500 $ 1 895 $ 12 500 $ 1 778 $ 12 500 $ 1 776 $ 12 500 $ 1 800 $ 12 500 $ 1 914 $ 12 500 $
1 823 $
Mesures fiscales pour frais de garde 3 237 3 398 3 474 3 591 578 3 431 3 815 3 750 3 625 3 375
$ $ $ $ $ $ $ $ $ $
3 522 $
Frais de Frais de Frais de garde nets garde nets garde nets par jour en % du pour deux pour deux revenu net enfants enfants 7 420 $ 29,68 $ 15,6 % 7 297 $ 29,19 $ 15,0 % 7 230 $ 28,92 $ 13,1 % 7 112 $ 28,45 $ 14,3 % 1 207 $ 4,83 $ 2,2 % 7 174 $ 28,70 $ 11,4 % 6 907 $ 27,63 $ 12,6 % 6 974 $ 27,90 $ 12,0 % 7 075 $ 28,30 $ 10,3 % 7 210 $ 28,84 $ 11,6 % 7 155 $
28,62 $
12,7 %
Note : Au Québec, si les enfants fréquentaient une garderie à 25 $ par jour plutôt qu’un service de garde à contribution réduite, le coût net de garde resterait le moins élevé à 3 344 $, soit l’équivalent de 6,0 % du revenu net.
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Annexe 3. Comparaison avec les autres provinces canadiennes
Comparaison du soutien financier Dans un premier temps, nous déterminons le soutien financier sans tenir compte des mesures relatives aux frais de garde (déduction fédérale et prestation universelle pour la garde d’enfants, PUGE). Puis, comme nous utilisons des revenus médians, donc différents d’une province à l’autre, nous présentons les résultats en pourcentage du revenu médian brut. Le tableau A3-3 illustre que, sans tenir compte des mesures relatives aux frais de garde, c’est au Québec que le soutien en pourcentage du revenu médian brut est le plus élevé. Si l’on tient compte des mesures relatives aux frais de garde, le résultat reste similaire. Rappelons qu’à ce titre les résultats du chapitre 10, lorsque les familles ont un revenu de 75 000 $, étaient qualitativement les mêmes. Tableau A3-3 Comparaison interprovinciale du soutien financier, sans prise en compte des mesures relatives aux frais de garde puis avec frais de garde nets, pour un couple avec deux enfants et un revenu familial égal au revenu médian, 2008 Soutien financier SANS Soutien financier AVEC prise en compte des prise en compte des frais mesures relatives aux frais de garde nets de garde % du % du $ $ revenu brut revenu brut Terre-Neuve-et-Labrador 2 477 $ (4 671) $ 4,4 % -8,3 % Île-du-Prince-Édouard 2 628 $ (4 463) $ 4,5 % -7,6 % Nouvelle-Écosse 2 180 $ (5 017) $ 3,1 % -7,2 % Nouveau-Brunswick 2 317 $ (4 746) $ 3,8 % -7,8 % Québec 4 288 $ 3 082 $ 6,4 % 4,6 % Ontario 1 581 $ (5 683) $ 2,0 % -7,2 % Manitoba 2 446 $ (4 484) $ 3,6 % -6,6 % Saskatchewan 2 413 $ (4 561) $ 3,3 % -6,2 % Alberta 981 $ (6 094) $ 1,1 % -6,9 % Colombie-Britannique 1 685 $ (5 602) $ 2,2 % -7,3 % Moyenne canadienne excluant le Québec
2 079 $
3,0 %
(5 036) $
-7,2 %
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Comparaison du revenu disponible Pour comparer le revenu disponible, nous mesurons le revenu après impôts, cotisations sociales et prestations tout en tenant compte des frais de garde d’enfants payés en pourcentage du revenu médian brut. Donc, nous mesurons la portion du revenu médian brut qui reste après avoir payé les impôts, cotisations sociales et frais de garde. En procédant ainsi, le tableau A3-4 permet de constater que, parmi l’ensemble des provinces canadiennes, c’est au Québec que le revenu disponible en pourcentage du revenu médian brut est le plus élevé. Ces résultats sont encore une fois comparables aux calculs du chapitre 10 lorsque le revenu familial comparé était de 75 000 $. Tableau A3-4 Comparaison interprovinciale du revenu disponible après frais de garde en pourcentage du revenu brut pour un couple avec deux enfants et un revenu familial égal au revenu médian, 2008 Terre-Neuve-et-Labrador Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Québec Ontario Manitoba Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique
71,4 % 70,8 % 69,4 % 70,4 % 80,9 % 70,2 % 70,4 % 69,5 % 70,0 % 71,9 %
Moyenne canadienne excluant le Québec
70,4 %
Note : Lorsque les enfants fréquentent une garderie à 25 $ au Québec, le ratio est plutôt de 77,7 %.
Les familles québécoises dont les enfants fréquentent la garderie obtiennent le revenu disponible le plus élevé de l’ensemble des provinces canadiennes. Par contre, comme au chapitre 10, 262
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Annexe 3. Comparaison avec les autres provinces canadiennes
le tableau A3-5 révèle que la situation est très différente en ce qui concerne les ménages sans enfant. Dans ce cas, le Québec arrive avant-dernier, après la Saskatchewan. Ainsi, la portion du revenu brut qui reste après le paiement des impôts, cotisations et frais de garde, tout en tenant compte des prestations, est de 76,3 %, la moyenne canadienne sans le Québec étant à 77,7 %. Du côté de la famille avec des enfants à charge, mais qui, étant plus âgés, ne fréquentent pas la garderie, la famille québécoise se retrouve au troisième rang. Au chapitre 10, avec des revenus de 75 000 $, le résultat était similaire. Tableau A3-5 Comparaison interprovinciale du revenu disponible en pourcentage du revenu brut selon diverses situations familiales pour un couple avec un revenu familial égal au revenu médian, 2008 Revenu disponible en % du revenu brut Deux Deux enfants ne Sans enfants à la fréquentant pas enfant garderie* la garderie** Terre-Neuve-et-Labrador 71,4 % 84,0 % 79,6 % Île-du-Prince-Édouard 70,8 % 82,9 % 78,4 % Nouvelle-Écosse 69,4 % 79,8 % 76,6 % Nouveau-Brunswick 70,4 % 82,1 % 78,2 % Québec 80,9 % 82,7 % 76,3 % Ontario 70,2 % 79,4 % 77,4 % Manitoba 70,4 % 80,6 % 77,0 % Saskatchewan 69,5 % 79,0 % 75,7 % Alberta 70,0 % 78,0 % 76,9 % Colombie-Britannique 71,9 % 81,4 % 79,2 % Moyenne canadienne excluant le Québec
70,4 %
80,8 %
77,7 %
* Avec frais de garde et PUGE. ** Aucuns frais de garde et sans PUGE.
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Le Québec, un paradis pour les familles ? Regards sur la famille et la fiscalité
Comme avec le revenu familial égal de 75 000 $, la comparaison interprovinciale avec le revenu familial égal au revenu médian montre que combiner le soutien financier aux frais de garde nets fait du Québec le paradis canadien des jeunes familles.
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