Lé Negatif, André Green [PDF]

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Zitiervorschau

G|BERTftJEUNE.

LE NEGAIIF travail et pens6e

PERSPECTIVES PSYCFIANALYTIQUES Collection dirigieparAlainJulienBrun

Andrd GREEN, BernardFAVAREL-GARzuGUES, JeanGUILLAUMIN, PierreFEDIDA, et al.

LE NEGAIIF travail et pensde

@ LEspritdu Temps,1995 ISBN2,908206-58-7

LEspritdu Temps

AVERTISSEMENT

En novembre 1993 se tenaient ) Bordeaux les xI'Journdes Occitanes de Psychanalyse.Elles avaient Pour thEme Le trauail du Nlgatif Ces journdes ont donnd lieu I Ia production de confdrences,d'interventions, de d€bats.J'ai proposd de publier cet ensemble. Au ddpart compte-rendu fidble des interventions, les textes ont dvolud dans leur forme afin qu ils satisfassentles auteurs dans la perspectived'une publication. En dernibre date, il m'est arrivd de modifier quelques aspects formels afin de parfaire la cohdrencede l'dcrit et de garder ). I'ouvrageson unitd . Ce livre est le premier volume de la collection Perspectiues Psychanalytiques.

A.J .B.

INTRODUCTION

GilbertDIATKINE Cette rdflexion est sansdoute trbs bien venue parce que nous sommes probablement ) un tournant dans I'histoire qui est ddjl longue des travaux frangais sur le ndgatif. C'est une spdcificitd de la psychanalyse franqaise d'avoir beaucoup travailld sur cette question qui nous vient de trbs loin, qui nous vient de Freud, )r partft d'Au-delh du principe deplaisir et m€me avant sans doute, et en tout cas certainement ) partir de Analyse terminde, analyse interminable. Nous avons une longue tradition de travaux sur le ndgatif, avec les travaux de Green et de Donnet sur la psychoseblanche, les travaux de Fain sur la communautd dans le ddni, ceux de Guillaumin sur I'opdrateur ndgatif, cerrxde Roussillon sur Ie pacte ddndgatif et puis toute la sdrie des travar'lxsur la psychanalyse transgdrdrationnellequi conduisent aussi ir cette question, notamment les travaux de Torok et Abraham, ceux de Faimberg sur le tdlescopagedes gdndrations,ceux de Penot, de Baranes,et encorecertainement beaucoup d'autres. Du c6td de I'APE on a aussi eu dnormdment de travar.rxsur le ndgatif. Depuis quelques anndes,nous assistonsI une mutation de tous ces travaux, I un aboutissement de ces recherches' Cette mutation se fait dans trois directions principales.

I' rr,rrri i .rc rrc n r,u n c re ddfi ni ti on de l a cl i ni que. Il y a une v rrrt.rl rl .tr:rrrs l ' rma ti o nde ce que nous connai ssonsactuel l e-

vont changer de ce c6td li. La deuxiEme direction trds importante est une direction technique. Nous avons toute une sdrie de travaux dans le numdro de la Revue Franqaise sur I'irrepry'sentablequi en donne une idde, avec les travaux de Duparc, de Catherine Couvreur, des Botella, sur une conceprion qui est en train de changer du contre-transfefter du travail psychique en double. L) aussi,nous

pour en parler pendant cesdeux journdes.

RogerDOREY Sans formalisme, je souhaite manifester I'intdr€t qui est le mien pour un thtme qui reste encore en dehors des sentiers battus de la psychanalyse, de la rdflexion analytique, et pour lequel I'essentielcommence tout iusre) seddcouvrir.

Mais comment le thdoriser ? C'est la tAche qui nous est proposded'aborder au cours de cette rdflexion, et dans cette

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perspectiveje me rdjouis que I'on se soit fixd comme objectif, ainsi que le disait Gilbert Diatkine, d'articuler la thdorie avecla place tenue par le ndgatif dans la pratique analytique. Ce qui ,rous .ondrrit ). mettre I'accent,outre la thdorie, sur la double dimension clinique et technique. Un regret pourtant ! Quant I la formulation m€me du thbme, j'aurais aimd que ce ndgatif que nous avonstant de mal ) cerner soit d'emblde exprimd en terme de travail, au m6me titre que l'on parle de travail du r6ve ou de travail de deuil. c'est Quelque reprdsentation qu'on s'en fasse,le ndgatif un m€me essentiellementune force ou un processus'Peut-Ctre principe, qui travaille I'appareil psychique ou mieux encore qui le met en travail. C'est pourquoi il est insdparabledes notions de mouvement, de restructuration, de ddstructuration' de mise en tension, de rdduction de tension, c'est ) dire tout ce qui de prEs ou de loin obdit )rla logique de la contradiction. A m'exprimer de Ia sorte,je fais implicitement rdferencebien sirr I la catdgorie hdgdlienne du ndgatif telle qu'elle apparait dans la dialectique phdnomdnale de I'existencehumaine, laquelle n a gdndralementpas bonne pressedans le milieu analytique, on le sait, sous le fallacieux prdtexte que Freud a refusd catdgoriquement de prendre vraiment connaissanced'une pensdephilosophique dont il n'avait que faire selon lui et pour laquelle m6me il aurait dprouvd un vdritable mdpns. Poui ma part, j'aurais tendance ) penserqu i son insu elle I'a trbs insidieusement influencde, peut-Atre mdme de fagon ddcisive. C'est un des premiers mdrites d'Andrd Green, dans un ouvrage qui fera date sur le parcours que nous suivons' que d'avoir posd ce problbme d'entrde de jeu alors qu'il est trbs rdgulibrement escamotd. Certes il insiste suffisamment sur I'inconciliabilitd des deux systEmesde pensdePour que nous ne soyonspasconvaincus,comme il le dit, que Ia comparaisonne va oasde soi. Sansaucun doute ! Mais je le cite : n Peut-on alors ldgitim€r une enqu6te qui s'efforcerait de faire apparaitre au dell des divergencesles plus nettessur les hypothbsescenrralesun ensembled'indices discrets

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dont le poids pdseraitplus lourd qu'on ne I'a supposdjusqu') prdsent. )) Ce n'est pas par hasard que Lacan a choisi le terrain de la ndgation pour dialoguer avecJean Hyppolite et se rrouver avec lui en pleine convergence face ) un de ces rejetons pas si dloignd que cela de la ndgativitd hdgdlienne. Chacun sait que sur ce terrain, entre autres,la dette ) l'dgard de Lacan estcertaineet que l'on ne sauraitconsiddrerque lesddveloppementsultdrieursde sa pensde,aussicontestablesqu'ils soient, en aient pour autant effacdles traces. On ne peut prendre vdritablement la mesure de cette ddtermination qu'en redonnant toute sa porrde ) ce que fut le sdminaire, non pas celui de Lacan, mais bien davantagecelui qui en quelque sorte I'engendra, je veux dire celui d'Alexandre Kojeve entre 1933 et 1939, introduisant sesauditeurs ) un commentaire trEs personnel de la Phinomdnologie de l'esprit. Celui-ci se situant dans la droite ligne de la rdflexion mende jusqu'alors par son maitre Alexandre Koire qui lui donna pour mission de prolonger auprbs du public franEais,auprds d'un certain nombre d'intellectuels marquants des anndes 1930,la ddcouverte vdritable d'une pensdejusqu'alors inconnue, ou presque, dans notre pays. Lacan dtait parmi eux, aux c6tds de Queneau, de Bataille, de Raymond Aron et bien d'autres. Malgrd la sourde rdticence qui demeure dans notre milieu psychanalytique frangais ) I'dgard de l'anthropologie phinomdnologique de Hegel, je suis quant ) moi persuaddque la plupart des recherchesactuelles sur le ndgatifen psychanalysese prdsentent ) nous comme l'dcho lointain, dtouffd, parfois ddformd, mais incontestablede la catdgoriehdgdliennede la ndgativitd considdrdecomme categorieontologique. C'est dire qu'il n'y a pas de pure ndgativitd, destrucrrice, rdductrice, freinatrice, rdgressive,mais que nous avons i eoncevoir le rapport essentiellement dialectique qu€ cette dimension entrerient avecla ndgativitC hdgdliennequi, selon Kojeve interpritant Hegel, serdaliseet sc manifeste en tant qu'action, (tat), qui est action ndgatrice, c'cst-i-dire crdatrice,car dit-il : < Nier le donnd sansaboutir au tr(:rnt, c'est produire quelque chose qui n'existait pas encore D.

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Inversement u On Or c'estprdcisdmentce que I'on appellecrder' ne peut vraiment crderqu'en niant le rdel donnd' ' ^Ch".rr., de nous songe bien dvidemment ici ) Ia notion dire ce que d'AuJbebungquipar elle-m6mecristallisepourrait-on Objet dlectif de I'dchangeentre Lacan et 1. t.rrt.ll d"ereaitiver. JeanHyppolite. I'a fait On est bien sCrren droit de se demander' comme mouvetrois des Laplanche,si Freud etrt une certaineconscience tui spdcific1g sa de r6pondent qui ments fondamentaux 1 FREUD' Ily donnent toute sa Portde. On '"it qttt dans Thaduire est en qu'on cependant rdpond par la ndgative. Je soutiendrai ignorant' d-it d. p..tr., q,i. Freud n en dtait pas vdritablement Son "ignorance quand ii.r, fit ftrr"g. que I'on salt' e-n1925'

ir!frir"".." selonI'.*ptt"iot

de Laplanche') I'dgardde

m€me plut6t l'obr.rrr. philosophie de Htgtl, me parait quand susPecte. j'6mets fin I cette courte rdflexion introductive' Por'r, sur le que dans les diffdrentes approches analytiques le voeu, -.a,r. soit ne ndgatrice I'action ,reg"ti[-..tt. dimension dialectique de pas ddlib€rdment absente.

Jeon PICARD

pas ll la magie du ndgatif !

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DU NEGATIF INSTANCES TEMPS TIERCE|TE, TRANSFERT, Andr6GREEN

Loioupe

le silencele plus absolu sur ce qui vient de sePasseren leur faisant Voili qu') son exhortation )rjurer fait dcho-la pr€ter ,.r-.tr. Le-. demande impirieuse de la part du spectre,prisonnier des enfers, exhortant son fils de dessousla terre' Hamlet, maintenant que I'ombre de son pbre n'est plus devant lui, le traite avecfami"mon brave" liaritd, renversantlesr6les,l'appelant "mon gargon", et m€me "le bonhomme i la cave" ; aurait-il affaire ) un ivrogne ?

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ccrre intervention annonce l'cuvre de ddmolition d'un ddmon. Je seraisenclin ) voir dans cette dtrangemdtaphore une image du travail du ndgatif. Le spectredu pEreavait quittd l.,oya,rme d.s morrs pour apparaitre ) Hamlet et lui adresserle discours qui confirme les pressentimentsde son Ame prophetique. Mais le ndgatif proprement dit s'illustrera mieux dans ce travail souterrain du spectres'emparantde I'Ame d'Hamlet.

['6coule onqlytiqueet son inlerpr6folion Le trdsor de I'analysen'aurait jamais pu 6tre ddcouvert sans

tlon apparemment positive mais est aussi en fait ndgative. Derridre Ie "dites tout", il y a le "n'omettez rien', et surt;ut, ce "n'ometrezrien" vise ) consentir ) un travail de ddliaison : renon_ cer ) la censure,certes,mais aussisuspendrele jugement logique : acceprerle saugrenu,dit-on. A cet encouragementi relAcherle contr6le, s'assorritune obligation impliciie : ,,bornez-vous) dire". Lobservance de la rdgle esr une condition ndcessaire) la

ddliaison, mdme quand celle-ci parait riavoir pas lieu. Alors' lcs liens internes qu'on peut 6tablir entre les termes du discotrrs

entendu comme le ndgatif du prdcddent.Un discoursanalltique iddal devrait €tre constitud de la rdunion et du couplage de ce qui s'dnoncedans cesdeux lieux de parole rdunis ) I'dtat potentiel, sourcede l'dlaboration, ou de la perlaboration bilatdrale.Mais ) cet iddal lh, nous devonsrenoncer et accepterau contraire qu'aucune pensdene peut rdaliser le fantasme de cette conjonction' Seul sera possible, chez I'analyste dcoutant, de Iaisserrdsonner I'dcoute du discours de I'analysantdu moment avec le souvenir du discours de I'analysant qu'il fut lui-m€me autrefois, pour le mettre en Persp€ctiveavecI'endophasiequi l'habite au moment de la sdance.En somme, il y a aussiun tdmoignaged'une ddliaison temporelle. Mais il y a plus. Ce n'est pas seulementla double localisation et la dualitd temporelle du discours analytique qui caractdrisece qui se passedans une analyse'il faut encore considdrer le rdgime sous lequel cesdiscours se placent. En principe, les deux discours, celui de l'analysant comme celui de I'analyste, dtant fondds sur I'ordre du langage, ne cessentpas d'obdir i la

un analysant : mais aujourd'hui c'esr en tant qu,analyste qu'il parle, c'est-)-diredepuis la placede celui qui dcoute.Ce discours, il le regoit ) traversI'attention flortanie qui estla forme que prend la ddliaison de son c6td. celle-ci est cheminemenr oblioue l l" recherched'une reliaison potentielle. En somme, le discours de I'analysanrs'entendpar rapporr ) la perte d'une parole de la pure Iiaison, accepranren son lieu et place un discoursmarqud par la

processusprimaires sansy parvenir complbtement' J'ai tentd de comment I'invention du cadre psychanalytique par -o.ttr., Freud trouvait sa iustification thdorique - justification que Freud lui-m€me ne fournit jamais- dansla tentative de crderdesconditions pratiques qui s'efforceraientde se rapprocher du modEle mdtapsychologique exposd dans le chapitre VII de L'interprita' tion desr\ues.Inuoduire ici le r€ve, c'est souligner ) quel point au ddbut de la psychanalysele couple r€ve-ricit du r6ve, ou encore' r€ve rdvd et r€ve remdmord, sont dans une tension dialectique

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t* l 4 l rl ttd Fl r,tt i l ttr ,,,ttl t.ttl i tti 0n. Le f€ve remi mOfd C herC he ) r' l i ,t{ .E r,l r11 ' l q 1l rt(' ce qui est ddsormai s i naccessi bl e, l e r \P()s s i [)l c rrrr r' \,= .,l ,,trti l n < i trl l -t l e sdparera touj ours.N ous yretrouvons rrt rr='|l r,. l t r.n l :rrnilidre, le rdcit du r€verenvoyant aux reprdsenr,rr.,l ts.l c rrro t,e t l e r6 v e aux reprdsentati onsde chose.Or l e lx )lnr ,\lr' lcquel il convient d'insister,estcelui-ci : quand la parole lr.rr'lcclLrreve,er quand bien m€me elle ne fait que le parler,elle se c harged'un poids qui I'excddeet I'oblige souvent ) I'adoption d'un langage indirect qu'on appelle non sansraison mdtaphorique. On saisitlI I'aporie qui habite I'dchangedu sensdansl'analyse.Ecouter avecI'oreille libre qui vise ) ddlier la parole de l'analysant, celle-ci invitant ) entendre une communication primaire ) travers le prisme du lier-parler de la langue secondaire er renvoyer au moyen de cette m€me langue un messagequi est supposd atteindre I'organisation psychique primaire cachdeet seulement perceprible I travers sesrdfractions dans la langue secondaire.Tels sont les paradoxesde la communication analytique. Ce qu'il convient de comprendre est que cetre dualitd n'a pasle sensd'une pure opposition mais que sesdeux rdgimessont l'un comme l'ombre de l'autre et renvoient donc ) une probldmatique du ndgatif : le monde des reprdsentarionsde chose conscientespouvanr sendgativerpar la doublure inconscientede ces m€mes reprdsentationser le monde des reprdsentationsde mot dans son rapporr si singulier ) la prdsenceet ) l'absence, dvoquant indvitablement derridre la perception des sons roure I'absencequi lesfait rayonner dans d'autresmots et dans d'autres choses,Ioin de leur foyer. Il n'est pas de langagequi fassel'dconomie du symbole de la ndgation ; un langagequi prdtendrair s'en passerdeviendrait rigoureusemenr incomprdhensible. Le r6le catdgorisareurde la ndgation avecles deux aspectsque Freud lui reconnait (jugement d'attribution, jugement d'existence)structure ) la fois le langage et la pensdesecondaire.Il en va autrement, qui ne s'en souvienl. pour l'inconscient et les processusprimaires supposis ignorer le non et qui pourtant disent quelque chose qui n'est pas insensd rnaisddguisd.Mutation de la ndgation. Enfin, il est des discours rl'analysantsqui ne cessentde parler pour affirmer aussit6tque ce

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t;rr'ilsdisent ne veut rien dire. C'est le mot, ils ne ueulentrien dire . Mais ils le disent malgrd eux. Et ce "malgrd" est plus important (lr.lcce qu'ils ont ) dire, tant ils redoutent I'installation d'un rrrpport de forces avec I'analyste que rien ne les force ) dtablir, rrraisqui constitue la toile de fond de leur dchangeanalytique. ( lar celui-ci cherchemoins i seservir des rdvdlationsd'une vdritd c:rrchde qu') Iesassurerqu'aucun usageagressifne pourra €tre fait tlc ce qui sortira d'eux. Voih donc I'inddpassablecontradiction clr-rtravail analytique oi nous cherchons ) faire communiquer dcux rdgimes,I'un qui suppose,fut-ce avecrdsistance,qu'une communication lesrelie, l'autre qui I'ignore absolument et qui ne connait que celui qui est dnoncd.Si processusprimaires et secondairesn dtaient pas sdpards,I'ensembleserait noyd dans la confusion. Ndcessitdd'une barriEre,d'une censure,d'une sdlection, pour limiter les nuisancesd'une interpdndtration risquant de compromettre Ia part la plus organisdede la psychd.Je nomme ici le refoulement qui s'ignorecomme ndgation, mais qui soulagele psychismed'avoir a subir les coups du ddplaisir.Avec le refoul6 inconscient,le ndgatif faisait son entrde dans la psychanalyse. Ddbut d'une longue carriere riche en pdripdties, car chemin faisant, Freud avait rencontrd des varidtds du prototype initial' diffdrentes du refoulement et cependant relides I lui de fagon suffisamment claire pour €tre comprisesdans la m€me catdgorie, ayant ) accomplir des tAchescommunes mais s'y prenant differemment pour atteindre sesbuts.

N6gotionef obsence du n6gotif Nul ne contestera,mdme les plus rdsolusdes adversairesdes thdoriesdu ndgatifen psychanalyse,que Ie travail de Freud sur Ia ndgation ne secontente pas de ddcrire les modalitds des rapports entre refoulement et ndgation, mais traite bien du trauail du ndgatif.Mais, diront-ils, c'estque Freud aborde ici la question du langage.Se limiter ) ce rappel serait faire bon marchd d'un autre travail de Freud, contestdpar les linguistes Iesplus dminents. Je veux parler de I'article sur le Sezsopposl des motsprimitifs qui

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parait s'affranchir des limites imposdespar la ndgation. Nous ne nous y attarderons pas dans cet exposi en rappelant seulement qu'il a pu €tre difendu rdcemment par deslinguistesrdceptifs) la psychanalyseau delh desobjections,pourtant fort sdrieuses, de E. Benveniste.Le mdrite de Freud dansI'article de 1925 sur la ndgation est justement de rapprocher sur ce point les deux systEmes secondaireset primaires au sein du langage. Par ailleurs on le voit affirmer dans la Verneinung que la ndgation estIe substitut intellectuel du refoulement. Or le.refoulement n'appartient pas au systEmesecondaire.Il y a donc une ndgation non langagiEre, psychique cependant, qui dit non ir I'inconscienr, oir le non est lui-m€me ignord. On voit comment s'agencele systtme : une ndgation au sein de la secondaritdqui ddfinit celle-ci puisqu elle obdit au principe de non contradiction ; un refoulemenr qui est psychique mais constitue une barridre refoulante-niante qui ddfend I'accds). la conscienceet qui ne saurait €tre classdni parmi Ies processussecondaires,ni parmi les processusprimaires, un inconscient enfin constitud par les processusprimaires qui ignoreraient le non, formd de reprdsentations et d'afFects.Au fin fond de la psychd- nous sommes en 1925, ne l'oublions pas - le Qa formd de pulsions et, parmi celles-ci,les plus anciennespulsions orales (dgalementengagiesdans le langage)qui voient s'opposer les verbes manger-incorporer et cracher-excorporeroil se repbrent les actions de l'Eros et des pulsions de destruction. Les contradictions prdcddentes prennent un tour radical, hors psychisme, par le conflit opposant fondamentalement des pulsions constitutivesde la psychd,fondements de la n6gation et de I'affirmation autant qu'expressiondes forcespulsionnellesde vie et d'amour opposdesaux pulsions destructrices.Ddsormaisle modble r€ve-rdcit du rdve est coiffd par celui qui relie motions pulsionnelleset reprdsentations. Il y a des fictions qui imaginent une psychd sansndgatif elles sont plus cauchemardesques qu'idylliques. Bdni soit, en comparaison, I'hystdrique qui souffre de rdminiscences.Borges nous clCcritIe pitoyable dtat de celui qui ignore l'oubli. PauvreIrdndo Iirrnesdvoqud par le narrateur, il a la perception totalisanteer la rrr{rnoire absolue,comme on dit l'oreille absolue: car Funes ne

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pouvait s'effacerde sa mimoire. Et voilir qu'il en meurt accabld' .,", p.,r.-orr rrivresansgdndraliseret donc sansoublier, supprimer' )' la pensde? Borges dira toutes oPdrationsndcessaires ,,[-,straire, (lue ce rdcit dtait pour lui une mdtaphore de l'insomnie : car .i.rrmir c,ests'abandonner) I'oubli. Miracle, I'dcriture de ce rdcit ,rida Borges ) gudrir de son impossibilitd i s'endormir. Il est nicessaired'oublier Ie monde pour sereconnaitre).traversce que

voil) dclairds.Laccrochage i Ia vie diurne, c'est le positif qui emp€che le sommeil et le travail du ndgatif qui s'y installera le rn-tt..r, venu : le r€ve. Le harcblement du positif qui se refuse )r

Roseet la ddchirure du voile ,2. Borgbsvoulait-il nous signifier que la Rosedoit 6tre pur dclat er que le voile protbge notre regard ?

Letronsfertet le conire-lronsfert

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rnernele transferrn'aurair pas lieu, ce non-lieu lui-m€me ne peut 0tre inrerprdtd que par rapporr ) un transferrpotenriel. Le transfert serait comme l'effet de la reliaison succddant ) la ddliaison produite conjointemenr par I'associationlibre et I'attention flottante. Toutefois le transfert n'esrpercepribleque du point de vue de l'analyste, lequel degageson existence) partir d'un effet de contre-transfeft. On sait ce que l'on doit ) Michel Neyraut pour avoir soulignd Ia prdcessiondu contre-transfert ,ru l. t."rrrf.rt. Comment pourrait-il en 6tre autremenr alors que l'analystes'attend au transfert et l'espbre, comme on dirait en espagnol, comme preuve m€me de l'efficacitd de sa mdthode et de son action en tant qu'analyste.Mais comment comprendre le contretransfert dans certe perspecrivedlargie qui ne satisfaitni de son identification comme obstacleau ddroulemenr du transfert, ni comme ddrivation utilisde par le patient pour communiquer ) l'analystece qu'il ne peut transfererdirecrementsur lui. En vdritd, contre-transfertdoit ici €tre entendu d'une manidre autre. D'une part dans une perspecrivespatiale ou de contiguitd, comme ce qui se produit ) la proximitd du transferr lorsque I'analyste est "tout contre" Ie transfert de son analysantet qu'il en reflbte I'envers, symdtriquement. D'autre part, dans un rapport de similitude, comme ce qui seddroule chezI'analystequi soit comparable ) ce qui a lieu chezl'analysant.Comparable mais non identique, celava de soi. Comparable aussien ce que ce seraitI'analystequi serait chargd de donner sa place ) ce dont I'analysantne peur apprdcierle sensde ce qui se manifeste en lui. Envisagdssous l'angle du cadreaccueillantlesdetx partiesdu dialogue,transfert et contre-transfert seraient) comprendre comme le positif et le ndgatif d'une photographie, aurremenr dit d'une projection. Ce tte comparaison est d'autanr plus justifide que la production du discours de I'analysant du fait mdme du refoulemenr er des ddfenses,laissefiltrer l'inconscienr sanspour auranr permertre clue celui-ci soit directement reconnaissable.C'est donc dans I'icoute de I'analysteque le positif du discoursdu patient, animd l)rlr .soninvestissement,permet de repdrer ce qui fait obstacle) I'r'xprcssionen pleine lumibre de ce qu'il ddsiresouvent de fagon :rrnbivulcnre.C'est ce qui laissepenserque I'analystenon seule-

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ril('r)t entend lespropos du patient, mais lesfait apparaitresouslc

.linique contemporaine s'esttrouvde mobilisde par les questions s.rulevdespar les dchecset Ia rdaction thdrapeutique ndgative l'riquemment rencontrde, Prenant troP souvent I'analysteau tlipourvu face aux structuresque j'appelle, de fagon volontairenlcnt vague, non ndvrotiques. Ici, la ndgativitd change de sens, clle ne se rifbre plus seulement) cette latencedu positif qui fait rrpparaitrece dernier sous un jour nouveau, elle concerne des cxpressionsobstindment rebellesau changement, c'est-I-dire srdrilisantesdu transfert. Lorsque les limites de l'analyste sont atteintes,un contre-transfert ndgatif prend une ampleur regrettable. Ici nous ne sommesplus dans le systbmefinement travailld par le refoulement qui Permet d'utiliser les aphorismes qui ont Faitflorbs,comme u la ndvroseestle ndgatif de la perversion ', ou cncore qui illustrent le refoulement par la formule lumineuse : u ce qui est ddplaisir pour un systemeest plaisir pour I'autre systeme,, donnant des rapports du conscient et du refould de l'inconscient, I'image inversdeque le symbole de la ndgation suffit ) rendre intelligible. Tout le problbme devient ddsormais, de comprendre lesrapports de cesdeux typesde fonctionnement' C'est ce qui impose la thdorisation du travail du ndgatif.

De Hegeloutrovoildu n6goiif Pourquoi m€ler Hegel ) tout cela ? A causede l'emprunt d'une expressionou m€me d'un concept ? Cela ne suffirait pas ) persuaderde la validitd du rapprochement. Quelques prdcisions peuvent tenter d'dclairer la ddmarche. Hegel et Freud ont en commun I'idde que nous ne pouvons partir que de la conscience mais qu'une telle approche ne suffit pas i apprdhender Ia vie mentale. Tous deux croient ) Ia perspective processuellede la conscience.C'est ce qui justifie chez Hegel la rdfdtence) l'Esprit

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comme accession) une consciencedlargiepar le mouvement avec Iequel elle s'identifie et chez Freud l'idde d'une consciencedonr l'espacese serait dtendu grAce) la prise de consciencequi rend l'inconscient conscient.Evidemment rien n'autorisepour autant ) invoquer un quelconque "esprit" psychanalytique parce que Freud est ddji en accord avanr Ia lertre avec I'idde moderne de contingence li or) Hegel ne peur concevoir le procds que soustendu par une finalitd. Peut-€tre le ddbat sera-r-il dclaird par le retour ) la PremibrePhilosophie de I'Esprit ?La ddmarcheanalytique peut €tre dvoqudequand on pense) la perspective foncidrement dynamique de la consciencedont nous apprdhendonsselon Hegel les moments? Que la consciencehdgdlienneexistecomme my'moireet comme langagenous rapproche de I'entreprise de Ia psychanalyse.Surtout si la conscienceexisrecomme singularitd absolueou comme moi et comme concept ddtermind, c'est dire comme multiplicitd en lui-m€me er comme extdrioritd ; c'esrla synthesede cesperspectivesqui la constitue comme unitd de la singularitd - "unitd ndgative" et de la multiplicitd. Rapport du sujet ) sesassociations- ou, si I'on suit Lacan, ). sessignifiants dans une perspectivemdmorielle, nous ne sommes pas loin de Freud. Il y a l) une autre manidrede poserle problEmede la reprdsentation de mot comme strucrure spdculative abstraite, consciencethiorique face au problEme de la reprdsentation de chosecomme multiplicitd ddterminde. La lecture de la premi8re Philosophie de l'Esprit 6clairedans lestAtonnementsde Hegel une visdequi peur ) cerrainsmomenrs rejoindre - fht-ce de loin - ce que la pensdepsychanalytique arricule. On peut y lire ceci : n Dans cette unitd de l'opposition, l'dtant-conscientde soi est I'un des c6tdsde l'opposition et ce dont cet dtant lui estlui-m€me conscienrestI'aurrec6td. > Lun et I'autre sont essentiellementk m\me chose:ils forment une unitd immddiate de la singularitd et de I'universalitd. Mais cet itant conscientet ce dont il est conscientne sonr cette unitd de Ia c o n s c i e n c eq u e p o u r u n ti ers (ou pour nous) non pour l a t:orrscience elle-m€me. > 3.Doit-on s'dtonnerque l'on puissevoir ici rrrrefigure du transfert ) traversla relation d'objet qui certes 1l

pour qu elle rricessitequ'on en rePrenneautrement lescaractEres La siparadon de la conscience 1rr.,irr.seloi. ) ce rapprochement. qu'au prix d'une ndgatis'institue ne .[. .. don, elle a conscience

osbtination ? Pour une raison €t une seule : Hegel me Parait avoir pens€Ie ndgatif plus loin qu aucun autre penseur'comme constituant de l" Jorrr.i.n... Cett. thdorie me parait devoir susciterla rdflexion

6tre rendu ddpendant ni €tre tenu pour rien ; il peut ddtacherde soi toute ddterminitd par laquelle il doit 6tre saisiet il peut rdaliser dans la mort son inddpendanceet sa libertd absolueset se a rdalisercomme conscienceabsolument ndgative' Mais Ia mort

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diachronique ou synchronique manque d'une dimension qui permette de penser le passaged'un systbme ) un autre (du primaire au secondairepar exemple) ou d'un phase) une autre (dans les dtapesde la libido, dans celle de la relation d'objet ou danslesfigures du ddveloppementinteractif), autrement que par une gradation insensible qui opdre i la fois ) ciel ouvert et de fagon autopropulsde.Or je tiens que la discontinuitd psychanalytique supposedans Ie passaged'un ensemble) un autre qu'il s'agissedu foncdonnement associatif,ou de celui d'un type de processus) un autre - primaire secondaire- d'un stade) un autre ou d'une prdvalenceinstantielle I une autre, l'intervention d'une "dvanescencendgativante",source de remaniement et potentialitd de passageI I'inexistence, sollicitant une pensdedu ndgatif qui ne seborne pas aux modblesotr j'ai signaldson intervention. Je rappelle que j'ai appeld travail du ndgatif l'ensemble des ddfensesprimaires (refoulement, ddsaveu,forclusion, ndgation) qui ont en commun leur obligation de statuerpar oui ou par un non sur un quelconque dldment de I'activitd psychique,pulsion, reprdsentation de chose ou de mot, perception, qui sont les instruments et les processuspar lesquelsIe jugement psychique est prononcd. Cette obligation de juger, c'est-i-dire de choisir et de ddcider a ndcessairementpour corollaire un sacrifice.Celui de ce qui est abandonnd. Or la libertd de choix apparent qui fait apparaitrele renoncement comme sacrificielentraine I'idde faussequ'il pourrait €tre conservd et le sacrifice 6pargn4..Grave erreur, car ce qui spdcifie la pensdepsychanalytique, c'est bien que ce qui se rapporte ici ) I'idde d'un "en moins" renvoie en fait ) celle d'un "en trop". Il y a trop de tout : trop de besoin, trop de ddsir, trop de manque. Deux coordonndesdiront pourquoi en ddpit du gdnie de Hegel, il manque la ndcessitddu ndgatif, Ia double ddpendancede la conscience) I'excdsde son ddsir et ) I'aldatoire d c c e l u i d e s o n o b j e t. C ' e st ce que Freud, l ui , a compri s en nrcttant au fondement de I'activitd psychiquelespulsions insensi[rlcs) toute limitation, ) toute idde de sauvegarde,sourdesi l'itl1'c clr.rdanger que fait courir ) l'organisation psychique leur s;rt isf:rcti