Le développement urbain de Constantinople (IVe-VIIe siècles) 2701800226, 9782701800226 [PDF]


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French Pages 68 [83] Year 1985

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Table of contents :
Cover ......Page 1
Title ......Page 5
Préface ......Page 7
Introduction ......Page 9
1. L'antique Byzance ......Page 15
2. La ville de Constantin......Page 25
3. De Constance II à Marcien ......Page 39
4. Apogée et déclin ......Page 53
Abréviations utilisées ......Page 65
Index ......Page 67
Table des illustrations et plans......Page 71
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Le développement urbain de Constantinople (IVe-VIIe siècles)  
 2701800226, 9782701800226 [PDF]

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LE DÉVELOPPEMENT URBAIN DE CONSTANTINOPLE (IV' . VII· siècles)

TRAVAUX ET MEMOIRES DU CENTRE DE RECHERCHE D'HISTOIRE ET CIVILISATION DE BYZANCE COLLÈGE DE FRANCE MONOGRAPHIES 2

Cyril MANGO Professeur à l'Université d'Oxford

LE DÉVELOPPEMENT URBAIN DE CONSTANTINOPLE (Ive - VIle siècles)

Ouvrage publié avec le concours du Collège de France

DIFFUSION DE BOCCARD 11, rue de Médicis, 11 75006 PARIS

1985

ISBN 2-7018-0022-6

PREFACE

Le texte que je présente au lecteur est celui de quatre conférences données au Collège de France en avril 1983. Je n'ai fait qu'apporter de légères retouches et ajouter en notes les explications et les références bibliographiques indispensables. Il s'agit toujours d'un texte provisoire, car j'espère, d'ici quelques années, reprendre le même sujet dans un cadre plus large en utilisant une documentation graphique plus ample et en retraçant - ce que je n'ai fait ici qu'en quelques lignes - l'histoire urbaine de Constantinople durant tout le Moyen Âge, c'est-à-dire du VIle au xve siècle. Que MM. Paul Lemerle et Gilbert Dagron, qui ont bien voulu accueillir cette modeste étude dans leur nouvelle collection, trouvent ici l'expression de ma vive reconnaissance.

INTRODUCTION

De Pierre Gilles (t 1555), le premier savant européen qui ait exploré Constantinople dans un esprit scientifique, au Père Raymond Janin (t 1972) et à Rodolphe Guilland (t 1981), l'étude de la capitale byzantine a été en grande partie orientée vers la topographie. Génération après génération et surtout pendant ces cent dernières années, des spécialistes se sont penchés sur les mêmes problèmes, ont scruté les mêmes textes pour placer ou déplacer sur la carte tel monument, telle rue, tel quartier. Personne ne niera que pour connaître une ville il faut, tout d'abord,en posséder un plan exact. Comment expliquer, cependant, que dans le cas de Constantinople il ait fallu tant d'efforts pour aboutir à des résultats souvent contestables, et que l'aspect topographique ait dominé la recherche à l'exclusion d'autres voies d'approche qui auraient peut-être été plus fructueuses? Pour répondre à ces questions on pourrait invoquer les considérations suivantes : 1. Les Byzantins eux-mêmes ne se sont pas souciés de nous laisser une description détaillée et systématique de leur capitale. Ils ne nous ont légué dans ce domaine que le recueil confus et désordonné des «patriographes» l , dont l'ignotus scriptor (il vaudrait mieux dire les ignoti scriptores) meras nugas habet, comme s'en plaignait déjà Pierre Gilles 2. Si nous mettons de côté l'Anaplus Bosphori par Denys de Byzance, ouvrage rhétorique composé probablement au ne siècle de notre ère 3, donc sensiblement antérieur à la période byzantine, le seul document officiel dont nous disposons est la Notitia urbis Constantinopolitanae de 425 environ 4, texte latin d'une quinzaine de pages, de tradition manuscrite occidentale et ignoré des Grecs byzantins. 1. Pour sa composition voir Th. Preger, Beitrtïge zur Textgeschichte der ndTPia KWV07UVTtvOVlI'ÔÀEWÇ, Munich 1895, et les deux Préfaces à l'éd. des Scriptores originum. En utilisant les patriographes, il est surtout important de ne pas confondre les Parastaseis syntomoi chronikai (milieu du VIlle siècle) avec les Patria en quatre livres (de l'an 995 environ), ce dernier texte reprenant les Parastaseis soit directe-ment, soit le plus souvent par l'entremise de l'Anonyme, éd. M. Treu, Excerpta anonymi byzantini, Ohlau 1880, d'après le Paris. Suppl. gr. 607A du xe siècle. Sur l'ensemble des patriographes voir surtout G. Dagron, Constantinople imaginaire, Paris 1984. Une traduction anglaise des Parastaseis avec commentaire vient de paraître: Constantinople in the Eady Eighth Century, éd. par A. Cameron et J. Herrin, Leyde 1984. 2. P. Gilles, De topographia Constantinopoleos, Lyon 1561, p. 243. '. Pour sa date voir la Préface à l'éd. Güngerich, p. XLIII-IV. ... Pour la date (entre 423/4 et 427) voir P. Speck dans Studien zur Frühgeschichte Konstantinopels, éd. R-G. Beck= Misc. Byz. Monacensia, 14 (1973), p.144·50.

8

INTRODUCTION

2. A partir du VIle siècle, sinon avant, la littérature byzantine fut en grande partie écrite à Constantinople pour être lue à Constantinople. Par conséquent, elle est pleine d'allusions à divers quartiers et monuments de la ville, mais ces références ne sont presque jamais expliquées puisque le lecteur connaissait parfaitement les lieux. Dans la mesure où la recherche historique se fonde sur le commentaire des textes, il importe de préciser la situation des toponymes qui y sont mentionnés. 3. A l'époque où commença l'étude scientifique de Constantinople il ne restait de la ville byzantine qu'un petit nombre de monuments identifiés et reconnaissables. Pour citer encore une fois P. Gilles, «nunc nulla extant praeter columnam purpuream, et Arcadianam, et aedem Sophiae, et Hippodromum spoliatum, et cisternas aliquot» s. D'autre part, les habitants de la ville, même grecs, avaient oublié, à quelques exceptions près (Blachernes, Psamathia, Phanar), les anciens noms. Tels sont, je crois, les principaux facteurs qui poussèrent les érudits à étudier de préférence la topographie de Constantinople. En un siècle, bien des résultats ont été obtenus. Pour ne citer que quelques exemples, il est acquis, grâce à la démonstration de van Millingen, que l'Hebdomon se trouvait dans la banlieue européenne, à l'emplacement dit aujourd'hui Baklrkôy, et non pas sur la sixième colline de la ville, comme le croyait Gilles; nous savons, grâce à Pargoire, que le palais de SaintMarnas était à Be~ikt~ sur le Bosphore, ce que personne ne contestera plus; nous avons appris à ne pas confondre le Forum (c'est-à-dire le Forum de Constantin) avec l'Augoustéon, comme on le faisait encore au siècle dernier. Ce n'est pas dire que tout a été résolu ou puisse l'être dans l'état actuel de nos connaissances. Panni les quarante églises byzantines qui existent toujours ou qui ont été découvertes lors de fouilles, vingt-deux, soit plus de la moitié, ne sont pas identifiées. Sans nier l'importance, voire la nécessité de la recherche topographique, on pourrait se demander si elle peut à elle seule nous offrir un tableau complet de Constantinople, d'une ville qui ne fut pas seulement un assemblage de toponymes sur une carte, mais qui vécut dans l'histoire d'une vie très particulière, qui, tout en se prêtant aux exigences d'un rituel impérial, dut aussi subvenir aux besoins de ses habitants en matière d'alimentation, d'adduction d'eau, de sécurité, de commerce et d'industrie, de communications, de loisirs; ville enfin qui se développa, puis déclina, et cela à plusieurs reprises. On dira peut-être qu'une telle enquête, si souhaitable qu'elle puisse paraître, est au-dessus de nos moyens. En effet, pour parler du développement urbain de n'importe quelle ville sous tous les aspects que je viens d'évoquer, il faut disposer d'une documentation appropriée à ce genre de recherche: documentation graphique d'abord, c'est-à-dire cartes, dessins, panoramas reflétant l'aspect de la ville à différentes étapes de son existence, documentation archéologique ensuite, documentation statistique enfin, pour nous renseigner sur le nombre des habitants, leur manière de vivre, le caractère et l'ampleur des services mis à leur disposition. Une telle documentation ne manque peut-être pas entièrement pour Constantinople, mais elle est partielle, lacuneuse et de mauvaise qualité.

5. Op.

cir., p. 239.

INTRODUCTION

9

Prenons quelques exemples dans les domaines que je viens d'indiquer. La plus ancienne carte de la ville qui soit faite avec une certaine exactitude est celle dressée par les soins du comte de Choiseul-Gouffier en 1776 (fig. 1) 6, carte dont l'indication des rues est d'ailleurs assez approximative; il faut attendre le milieu du XIxe siècle pour trouver des cartes auxquelles on puisse se fier pleinement? . Or, pour toutes les grandes villes de l'Occident européen on peut utiliser un matériel cartographique de bonne qualité remontant au XVIe, et même au xve siècle. Quant aux dessins et panoramas, nous n'avons pour l'époque byzantine que le croquis de Buondelmonti de 1422 environ, dont l'original est perdu et qui est conservé en une vingtaine de copies sensiblement différentes les unes des autres 8. A cette seule exception, les vues de Constantinople ne commencent qu'à l'époque ottomane, mais comme il était à cette époque difficile, voire dangereux pour un européen de se livrer publiquement à la tâche de dessinateur, les plus anciens panoramas qui nous sont parvenus ont un caractère en partie déformé et fantaisiste. Parmi les meilleurs, il faut citer le panorama d'origine vénitienne, sans doute à dater de la fin du xye siècle, et souvent désigné sous le nom du graveur Valvassore qui en assura, paraît-il, la première impression conserVée, celle de la Bibliothèque de Nürnberg (fig. 2) 9. L'original, qu'on a voulu attribuer à Gentile Bellini, est perdu. Il convient du reste de noter qu'il s'agit d'une vue factice, puisque Constantinople ne se présente dans cette perspective' qu'à vol d'oiseau. Le dessin de l'Hippodrome publié par Onufrio Panvinio 10 et qu'on a daté sans raison valable de 1450 environ, n'est à mon avis qu'un fragment remanié du panorama de Yalvassore. Sans vouloir énumérer tous les dessins utiles, je dois nommer le grand panorama du peintre danois Melchior Lorck de 1559 11 , assez exact celui-là, mais ayant le désavantage de présenter la ville de profil, et deux dessins turcs du XVIe siècle qui, tout en négligeant les lois de la perspective, contiennent maints détails intéressants.

6. Il s'agit de la carte de F. Kauffer, publiée pour la première fois par J.-B. Lechevalier, Voyage de la Propontide et du Pont·Euxin, Paris 1800, t. Il ; reproduite avec des additions par Melling, Voyage pittoresque de Constantinople et du Bosphore, Paris 1819, Album, pl. 49; Choiseul-Gouffier, Voyage pittoresque de la Grèce. t. Il, 2, Paris 1822, pl. 68; J. von Hammer, Constantinopolis und der Bosporos, Pesth 1822, t. I. 7. En particulier celles de H. von Moltke (1 : 25.000), Berlin 1842; deC. 5tolpe (1 : 10.000), Berlin 1866 ; et le plan anonyme turc (1 : 2.000) dressé vers 1876, éd. Ekrem Hakkl Ayverdi, 19. aSlrda Istanbul haritasl, Istanbul 1958. 8. Huit versions publiées par G. Gerola, Le vedute di Costantinopoli di Cristoforo Buondelmonti, SBN 3 (1931), p. 247 et suiv., qui n'a pas utilisé tous les manuscrits connus. 9. E. Oberhummer, Konsta,ltinopel unter Sultan Suleiman dem Grossen, Munich 1902, p. 21. Il existe plusieurs versions de ce panorama: l'une des plus connues est celle publiée par Caedicius (= A.D. Mordtmann), Ancien plon de Constantinople imprimé entre 1566 et 1574, Constantinople (1889). Le dessin est postérieur à la construction des murailles du Palais de Topkapl (vers 1478/9) et probablement antérieur à 1490, si l'on admet que la grande église en contrebas de l'Hippodrome (5. Luca Evangelista : il s'agit vraisemblablement de la Néa Ekklèsia de Basile 1er ) est identique à la Güngormez kilisesi, convertie en poudrière et .détruite par la foudre cette année là. Cf. notre The Brazen Houre, Copenhague 1959, p. 180-82 ; F. Babinger, Drei 5tadtansichten von Konstantinopel... aus dem Ende des 16. Jahrhunderts, Osterr. Akad. d. Wiss., Denkschr., 77/3 (1959), p. 5. 10. De ludir circenribur, Venise 1600, p. 61, pl. R : dessin souvent reproduit. Il. Bibl. de l'Université de' Leide, 21 feuilles, longueur totale Il,52 msur 0,44 m. Ed. Oberhummer, op. cit. Malgré la date qu'il. porte, ce panorama semble avoir été achevé vers 1561 : voir E. Fischer, Melchior Lorck, Copenhague 1962, p. 24-25.

10

INTRODUCTION

Il s'agit du dessin de Nasüb al-Matra19 dans le Récit de l'expédition du sultan Süleyman de 1537-1538 (Bibliothèque de l'Université d'Istanbul) 12 et celui du Hünernâme, du Palais de Topkapl, de 1580 environ 13. Bref, la documentation graphique, qu'il faut d'ailleurs savoir interpréter, ne nous conduit pas au-delà de l'époque de Beyazit II et de Süleyman le Magnifique, Ce n'est plus la Constantinople byzantine, mais la ville qu'a connue et décrite Pierre Gilles. Passons à l'archéologie. Les bulletins publiés par Ernest Mamboury et poursuivis quelque temps après sa mort 14 décrivent les découvertes et les travaux effectués à Istanbul depuis le siècle dernier: il ne s'agit pas de les résumer ici. Malgré bien des chances manquées, l'archéologie nous a beaucoup appris sur les monuments et la topographie de la ville. Il convient toutefois de noter que les fouilles les plus étendues se sont trouvées liées à des travaux publics, et ont été conduites à la hâte, sans surveillance scientifique suffisante. Je pense notamment à la construction du chemin de fer, en 187.1, dont seul un amateur grec, le Dr. A.G. Paspatis, nous a laissé une ~"'scription sommaire 15, aux travaux de canalisation des années 1920 et 1930, ,servés tant bien que mal par Ernest Mamboury dont les notes et croquis restent encore inédits 16, à la construction .au bulldozer des nouveaux bâtiments de l'Université dans les années 1940 17, enfin àl'installation par une compagnie japonaise d'une grosse conduite d'eau le long des murailles de la Propontide, entreprise toujours en cours (1983) qui a révélé, sans que personne à ma connaissance s'en occupe, un amas de restes byzantins sur la Pointe du Sérail. Quant aux fouilles menées dans un but scientifique, elles ont été, pour la plupart, limitées à l'exploration de tel ou tel monument. La méthode stratigraphique, la seule qui puisse nous renseigner sur l'évolution chronologique de l'habitat, n'a d'ailleurs été appliquée que tout dernièrement.. Bref, on n'a pas fouillé selon les méthodes modernes appliquées aux grands espaces urbains. Quant à la documentation statistique, nous ne possédons pour toute l'époque byzantine que la Notifia du ve siècle, qui est un dénombrement des quartiers de la ville, avec leurs domus (quelle que soit la signification exacte de ce terme), leurs rues, leurs bains, leurs boulangeries, leurs monuments principaux et le nombre des fonctionnaires préposés aux services urbains. Ce n'est qu'après la conquête ottomane que les statistiques officielles reprennent, sources sans doute précieuses, mais encore en

12. A. Gabriel, Les étapes d'une campagne dans les deux Irak, Syria 9 (1928), p. 331 et suiv. et pl. LXXV; cf. W.D. Denny, A 16th Century Architectural Plan oflstanbul, Ars Orientalis 8 (1970), p. 49-63. 13. Reproduit dans l'Eneyc1opaedia ofIslam, nouv. éd. t. IV (1978), pL V et ailleurs. 14. By: 11 (1936), p. 229-83 ; (938), p. 301-10 ; 21 (1951), p. 425-59 ; J. Lafontaine, By: 29i30 (1960), p.339-86. 15. B\)rav"vail'f~ÉTa', Constantinople 1877, p. 99-126, sans plan. 16. En dépôt à l'Institut Archéologique Allemand d'IstanbuL Indications sommaires dans By: 11 (1936), p.251·55. 17. Flfath, Découverte de trois églises byzantines à Istanbul, CA 5 (1951), p. 163·78 ; E. Mamboury, By: 21 (1951), p. 433-37 ; T.F., Mathews, The Early Churehes of Constantinople, University Park, Pennsylvania 1971, p. 67·73 ; id., The Byzantine Churehes of Istanbul: A Photographie Survey, University Park 1976, p. 28-33 ; Müller-Wiener, Bildlexikon, p. 72.

INTRODUCTION

11

partie inédites et difficiles d'accès pour les chercheurs qui ne connaissent pas les langues orientales 18 • Tout en tenant compte du genre d'informations que je viens d'indiquer, c'est aux sources écrites qu'il nous faudra surtout recourir : sources byzantines d'abord, récits de voyage ensuite. Ces sources sont connues depuis longtemps et il est superflu d'en parler. Il convient, toutefois, de mettre en garde ceux qui croient trouver un dépouillement complet dans Constantinople byzantine du Père Janin, livre indispensable, mais que l'on doit utiliser avec beaucoup de prudence. En effet, R. Janin n'a pas exploité toutes les sources disponibles, il en cite quelques-unes d'après des éditions vieillies ou des traductions inexactes (notamment les pèlerins russes), et il n'est pas suffisamment attentif à la valeur et à la date de certains textes, particulièrement dans le cas des Patria, dont il néglige souvent de distinguer les couches superposées. Est-il donc possible, avec la documentation que nous venons d'esquisser, d'entreprendre une étude du développement de la Constantinople byzantine comme ville 19 ? Sans promettre de résultats solides et irréfutables, je crois qu'une telle enquête vaut la peine d'être tentée. Les pages qui suivent en contiennent une première et partielle ébauche.

18. Voir H. Inalcik, The Policy of Mehmed II toward the Greek Population of Istanbul, DOP 23/24 (1969/ 70), p. 241 et suiv. ; id., art. Istanbul, Encyclopaedia ofIslam, nouv. éd., t. IV, p. 244-45. Le plus ancien registre conservé serait de 1455. . 19. L'ouvrage de' R. Mayer, Byzantion, Konstantinopolis, Istanbul. Eine genetische Stadtgeographie, Osterr. Ak.. d. Wiss., Denkschr. 71 (1943), n'est que d'une très faible utilité pour l'époque byzantine.

1

L'ANTIQUE BYZANCE

La ville de Constantin, comme tout le monde le sait, fut greffée sur l'antique Byzance. Englobée dans la capitale impériale, la cité grecque en détermina partiellement la dispQsition et c'est donc par elle que nous devons commencer. Si nous laissons de côté son apport épigraphique, qui est considérable et provient surtout de sa nécropole l , nous constatons que les restes monumentaux sont infimes ; ils se limitent à une partie de l'enceinte de l'Acropole, en grand appareil, trouvée lors de la construction du chemin de fer en 1871 et disparue depuis 2, à une tour maritime, vraisemblablement de l'époque romaine, cachée derrière la muraille byzantine 3, à une mosaïque de pavement du ne siècle de notre ère 4, et à quelques autres menus débris. A cette liste il faudrait peut-être ajouter l'aqueduc attribué à l'empereur Valens, et sur lequel nous reviendrons. Bref, nos connaissances sur l'antique Byzance doivent peu à l'archéologie et s'appuient surtout sur les témoignages littéraires. Un mot de la superficie de l'ancienne ville. D'après l'opinion reçue, reproduite dans presque tous les manuels, Byzance aeu deux enceintes successives: celle que l'on l. Voir N. FlIath, Les stèles funéraires de Byzance gréco·romaine avec l'éd. des épitaphes par L. Robert, Paris 1964. On a aussi trouvé plusieurs inscriptions non funéraires, publiées par P.A. Dethier et A.D. Mordtmann, Epigraphik von Byzantion und Constantinopolis, Denkschr. Kais. Akad. d. Wiss., PhiL·hist. CI. 13 (1864) et ailleurs. Une dédicace à Septime Sévère: C.G. Curtis et S. Aristarchès, 'Avi.ôOTOt "'wypa;pat· Bvtavrwtl, KEE, 'APXatoÀO'Yt"Tr 'E"tTP07l1\, suppl. au 1. 16 (1885), nO 5. 2. Il s'agit du mur «cyclopéen», composé de blocs de plus de 2· m de long, décrit par Paspatis, BvtavTtvat' Il€Àirat, p. 103. Il est marqué sur le plan publié par le même auteur dans Tà/lvtavTtvàltv4"TOpa, Athènes 1885 ; trad. anglaise, The Great Palace of Constantinople, Londres 1893. Des blocs réutilisés dans le soutènement de la voie ferrée et portant diverses lettres grecques, y compris le koppa (ce qui indique l'époque archaïque) semblent en provenir : voir R. Demangel et E. Mamboury, Le quartier des Manganes et la première région de Constanti• nople. Paris 1939, p. 7, n. 2. 3. Demangel et Mamboury, op. cft., p. 53 ; pl. VI, 2 et IX. A tort attribuée à l'époque grecque par H. von Schônebeck, Arch. Anzeiger, 1936, p. 51 ; postérieure à.1a destruction des murailles par Sévère selon W. MüllerWiener, Zur Frage der Stadtbefestigung von Byzantion,BonnerJahrbücher 161 (1961), p. 169, n:9. 4. Découverte en 1935 dans la rue Çatalçe~me, à l'Ouest de la Citerne Basilique: E. Mamboury, Byz 11 (1936), p. 279 ; A. M; Schneider, Byzanz, Berlin 1936, p. 92 et pl. 9. Pour l'emplacement: W. Kleiss, Topogra. phisch·archliol. Plan von Istanbul, Tübingen 1965, Fundortnummer 8.

14

LE DeVELOPPEMENT URBAIN DE CONSTANTINOPLE

appelle enceinte mégarienne ou de Byzas, du nom du fondateur mythique, et celle de Septime Sévère (fig. 3). Seul parmi les érudits modernes, W. Müller-Wiener nie ['existence de la muraille de Sévère, tout en gardant celle de Byzas s. Or, l'opinion reçue est doublement fausse : l'enceinte de Byzas telle que nous la concevons appartient au domaine de la légende, et Sévère n'a pas construit de muraille à Byzance. L'existence d'une «muraille de Byzas» s'appuie uniquement sur un passage des Patria 6 provenant, précisons~le, du livre 1 de cette compilation. Ce livre commence par un décalque d'Hésychios (VIe siècle), aux paragraphes 1-36, et se poursuit par un certain nombre d'adjonctions où se trouve notre passage(§ 52). Ces adjonctions, puisées à diverses sources de mauvaise qualité, sont truffées de légendes et inspirent très peu de confiance. Pour nous faire croire à cette muraille de Byzas, décrite à l'aide de quelques points de repère (mur de l'Acropole, Tour d'Eugène, Stratègion, Bain d'Achille, etc.), il faudrait pouvoir démontrer que sa mention remonte à une source très ancienne. Or, une telle source n'existe pas. D'autre part, il est tout à fait invraisemblable que l'auteur des Patria, écrivant vers 995, ait pu voir de ses propres yeux les restes de cette prétendue muraille, dont le tracé contredit nos meilleures sources et de plus n'est pas stratégiquement très acceptable, puisqu'il situe la partie occidentale de la muraille dans la vallée séparant la première et la seconde colline, où elle aurait été dominée par le terrain extérieur. A. van Millingen avait déjà émis quelques doutes touchant la muraille de Byzas 7 : il faut aller plus loin et la rejeter tout simplement. Les bonnes sources, celles qu'on devrait utiliser à ce propos, sont Denys de Byzance, Dion Cassius et Hérodien. Comme je l'ai déjà indiqué, l'Anaplus Bosphori est probablement du ne siècle et il est, en tout cas, antérieur au siège de Byzance par Septime Sévère, siège qui dura de 193 à 195 ou 196. Dion Cassius composa la partie de son Histoire qui nous intéresse en 218 ou 219, tandis que celle d'Hérodien fut écrite vers 240 ou un peu plus tard. Dion Cassius, qui connaissait bien les lieux, dit formellement que l'enceinte de Byzance avant Septime Sévère englobait deux ports du côté de la Corne d'Or, tous deux protégés par des digues fortifiées et fermés par des chaînes qui en rendaient l'accès impossible en temps de guerre : or T€ Àf,Jl€V€C; eVTàc; T€iXOVC; àJJ.I{)OT€POt KÀ€tUToi àXVu€C1W lluav, Kai ai Xl1Àai aiJTwv 1TVP,,),OVC; el{)' €KdT€pa 1ToM 1TpoExovTac; €I{)€POV 8. Denys, de son côté, mentionne trois ports à l'intérieur de la ville, dont

celui dü milieu était suffisamment profond et protégé par des digues de part et d'autre; ayant dépassé les ports en venant de la pointe, on rencontrait une grande tour ronde surgissant de la mer, tour qui marquait la jonction des défenses maritimes et des défenses terrestres 9 • Le désaccord entre Dion et Denys quant au nombre de ports - deux ou trois - ne me paraît pas grave et pourrait être expliqué par la division

5. Zur Frage, p. 165-75. qui remarque très justement de la muraille par Sévère. 6. P.141. 7. Walls, p. 8. 8. LXXV, 10, 5. 9. P. 5, § 11-12.

qu'au~un

.

texte ancien n'indique une reconstruction

L'ANTIQUE BYZANCE

IS

d'un de ces ports en deux' bassins 10. Quoi qu'il en soit, deux ports au moins se trouvaient à l'intérieur des murailles d'avant Septime Sévère, et ces deux ports nous sont bien connus à l'époque byzantine: ils s'appelaient le Bosphorion ou Prosphorion, sis dans la ve Région, et le Néorion ou Arsenal dans la VIe 11. On pourrait y voir un port commercial accouplé à un port militaire. Leur étendue exacte n'est pas établie, mais tous les érudits sont d'accord pour les situer entre la Pointe du Sérail et le pont actuel de Galata. Etant donné que la muraille terrestre de Byzance dépassait à l'Ouest le port du Néorion, elle ne pouvait que monter vers le sommet de la seconde colline pour descendre de l'autre côté vers la Propontide. En d'autres termes, le tracé qu'on attribue à Septime Sévère lui est en réalité antérieur, et peutêtre antérieur de beaucoup, car déjà à l'époque de Xénophon (400 av. J.-C.) le port de Byzance se trouvait à l'intérieur de la ville 12. Sévère détruisit cette muraille pour punir la ville rebelle et il est certain qu'il ne la rebâtit pas puisque Dion, écrivant sept ou huit ans après la mort de l'empereur, le critique pour avoir démoli une défense aussi considérable contre les barbares. Elle était toujours, paraît-il, en ruine quand Hérodien composa son Histoire vers 240 13, mais je crois qu'elle fut refaite peu après, sur le même tracé, pour parer aux invasions des Goths aux années 250-260, car Byzance n'a pas eu à souffrir de leur part. La thèse que je viens d'exposer se trouverait ébranlée si l'on parvenait à démontrer que la nécropole de Byzance s'étendait à l'intérieur de l'espace indiqué. Quelques stèles funéraires proviennent, en effet, des parages de l'Hippodrome et du Grand Palais, mais, sauf erreur, il s'agit de pierres errantes 14. La seule fouille pratiquée en longueur, de Sainte-Sophie à la Colonne Brûlée et au-delà (il s'agit des travaux de canalisation dans les années 1920 et 1930), n'a révélé, selon Ernest Mamboury, aucune trace de tombeaux à l'Est du Forum de Constantin; mais, dès qu'on arriva au Forum, on se trouva en plein dans une nécropole qui s'étendait à l'Ouest vers les bâtiments de l'Université actuelle, et au Nord-Ouest dans la direction de la mosquée . Süleymaniye 15 •

10. L'opinion de K. Lehmann-Hartleben, Die antiken Hafenanlagen des Mittelmeeres, Klio, Beiheft XIV (1923), p. 69·70,249, selon laquelle le texte de Denys serait postérieur à Sévère précisément parce qu'il mentionne trois ports au lieu de deux, est avec raison rejetée par Güngerich, Preface à Denys, p.XLIV. Il. Voir la scholie 16 (p. 37) du manuscrit de Denys: frEPI ~ov WV 1fT< 0't'tO/l€VOIJ Àt/l€VOÇ ~ov EV ~'i> K4ÀOIJ/l€V't' NEWpi't'. Pour l'origine des scholies, copiées du célèbre cod. Pal. Heidelb. 398, ibid., p. XVII. 12. Puisque Xénophon, qui était en dehors de la ville avec ses troupes, demanda la permission d'y entrer pour s'embarquer afin de revenir en Grèce: Anabase, VII, 1,38-39. 13. III, l, 7. Les historiens de l'Antiquité qui se sont occupés de cette question ont eu tort d'accepter la fable convenue concernant la réédification des remparts par Sévère: ainsi M. Platnauer, The Life and Reign of ... Septimius Severus, Oxford 1918, p. 98 ; F. Millar, A Study of Cassius Dio, Oxford 1964, p. 140. 14. D'un total de 232 stèles et sarcophages catalogués par FlIath, op. cif., onze seulement proviennent de l'intérieur de la ville telle que nous l'avons circonscrite. Parmi ces onze, une pièce a été réutilisée (nO 28a), quatre sont d'anciennes acquisitions du Musée d'Istanbul (nOS 40, 83, 116, 191), ce qui veut dire que les circonstances de leur trouvaille sont inconnues, et deux (nOS 194, 195) sont des petites fragments. 15. Voici ce qu'il en dit dans un article publié dans le quotidien La République (Istanbul) du 20 juin 1948 : «De la première porte de Thrace byzantine (il veut dire l'arc du Milion) à la seconde porte de Thrace romaine Guste en deçà du Forum), on ne retrouva rien en fait de tombeaux ... Mais dès qu'on arriva sur la place de Çemberlita§, qui représente l'ancien Forum Constantini, les tombes succédèrent aux tombeaux, aux sarcophages et aux hypogées». .

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L'étendue de la ville antique ainsi délimitée, nous devons aborder un autre problème qui n'est pas sans importance pour le développement ultérieur de la capitale. Il est, en effet, certain que la configuration du terrain et surtout des côtes a beaucoup changé depuis l'Antiquité. Dans une certaine mesure tout le monde l'admet, mais on ne s'est pas rendu compte de l'ampleur de la transformation. Aujourd'hui Istanbul se présente comme un promontoire à peu près triangulaire, ainsi qu'il l'était déjà au Moyen Âge; dans l'Antiquité, pourtant, la ville occupait une péninsule reliée à la terre ferme par un isthme ou col. Le témoignage fondamental, qui a suscité bon nombre de difficultés, est fourni par Denys de Byzance qui s'exprime ainsi: «La ville est entourée par la mer, sauf l'isthme qui la relie à la terre ferme (7rÀ?iv TOÛ aVVâ7rTOVTOÇ aVT?iv 7rPOÇ T?iv 1111'€tPOV 1081J0û). La longueur du pourtour est de 35 stades, tandis que celle du col qui empêche qu'elle ne soit une île est de 5 stades (IJ€-Y€Oo 16. Les érudits qui se sont penchés surcetexte n'ont pu lui donner une explication satisfaisante 17. Trente cinq stades correspondent à 6,500 km : or, le périmètre de Byzance, tel que nous l'avons défini (pour ne pas parler de la muraille de Byzas), ne pouvait dépasser de beaucoup 5 km. Quant à la largeur de l'isthme (5 stades = 925 m), elle paraît à première vue également inexplicable. Laissons ces chiffres de côté, tout en notant que les dimensions qu'on trouve chez Denys pour la longueur et la largeur du Bosphore sont à peu près justes, à l'exception de la longueur de la Corne d'Or qu'il évalue à 60 stades, soit un peu plus de Il km, alors que la longueur actuelle est d'environ 8 km. Or, ce même chiffre de 60 stades se retrouve chez Strabon 18, tandis que Procope (De aed., Lv. 13) est plus près de la vérité en donnant à la Corne d'Or un peu plus de 40 stades de longueur. Même si l'on admet une certaine altération des chiffres de Denys - ceux qui concernent le périmètre de la péninsule et la largeur de l'isthme - dans la tradition manuscrite, on ne peut nier qu'il soit question d'une presqu'île. Denys reprend la même expression plus bas quand il parle de «la plaine du col qui empêche que la ville ne soit une île (1I'€ôiov TOÛ ÔtEiP-YOVTO> 19. Qui plus est, son témoignage n'est pas isolé. Une Vie de Constantin, celle du Codex Angelicus, qui puise largemènt dans l'Histoire ecclésiastique de Philostorge (dont le texte intégral est perdu), déclare que l'empereur «prit par le milieu le col de la péninsule - car l'endroit est bien une péninsule - et le ferma par un mur allant d'une mer à l'autre en y englobant les faubourgs et les collines environnantes (Tdv avxÉva Til'fOOf ... 1'Ù 'l'''t' 'Yfvéo8a, ov /l>.'t' 'l'ci> 1rapa8a>.aooi", K",vo'l'av'I'tvOU7rO>'f"'~),mais il est surprenant que le patriuche Germain 1er , en évoquant le siège de 626, dise qu'il n'y avait pas à cette époque de muraille côtière (wç 1\'I'f 'l'fixouç 7rapa"!W>u XfJPfVouoav) : V. Grumel, Homélie de S. Germain sur la délivrance de Constantinople, REB 16 (1958), p. 195, § 16. La solution proposée pu Grumel, La défense muitime de Constantinople, BSL 25 (1964), p. 217 et suiv., à savoir que la muraille de 439 n'atteignait que le mur constantinien, est loin d'être certaine. L'épigramme de l'Anthol. Pal. IX, 689 fait aussi difficulté. S'il s'agit de l'empereur Julien et si l'inscription était bien sur la pqrte d'Eugène, à une faible distance à l'Ouest de la pointe de l'Acropole, on peut bien se demander contre quel ennemi il aurait construit une muraille (>'ao1717oa TfiXfa 7rT\Eaç) à cet endroit. La prétendue inscription du Préfet Constantin à Yeni Kapl (Langa), mentionnée pu Millingen, Walls, p. 180, n'est qu'un doublet de celle de Yeni Mevlevi Kaplsl (muraille terrestre). La faute en est due' au Patriuche Konstantinos, K",v17'1'av'l'w,à~ 1ra>'a.ta 'l'f Kal vf"''I'épa, 2e éd., Constantinople 1844, p. 30, qui a sans doute confondu deux portes portant le même nom turc. En fait, aucune inscription de la muraille maritime, soit du côté de la Propontide, soit du côté de la Corne d'Or, ne semble être antérieure au règne de Théophile. . 13. Sur cette colonne cf. nos remarques dans Constantinopolitana,JDJ 80 (1965), p. 306-13. 14. Chrono Pasch., p. 528 (la date n'est pas sûre) ; Théophane, AM 5821, p. 28. 15. En effet, la tête de la statue était ceinte d'une couronne radiée, ce qui est affirmé pu de nombreux auteurs. La tentative de J. Kuayannopoulos, pour donner une explication moins païenne de ce monument, Konstantin der Grosse und der Kaiserkult, Historill 5 (1956), p. 341-57, a été repoussée à juste titre par S.P. Kyriakidès, '[17'1'OptKà OfJllftwlla'l'a,'E>'>'fJV'Ka 17 (1960), p. 219-46. 16. Zosime, Il, 30, 4. Les deux arcs sont aussi mentionnés par Hésychios, p. 17, § 41. Sur l'uc oriental se dressait, parait-il, une statue de la Fortune ainsi qu'une croix plaquée d'argent: Patria, p. 205, § § 101-2. L'uc occidental portait l'épigramme conservée dans Anthol. Pal.. IX, 785.

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aujourd'hui au Musée d'Istanbul, appartenait, peut-être, à cet aménagement 17 • Sur le côté Nord du Forum s'élevait le Palais du Sénat, précédé d'un portique de quatre grandes colonnes de porphyre, devant lesquelles se dressaient les statues gigantesques d'Athéna et de Thétis 18. Faisant face au Sénat, du côté Sud, il y avait, semble-t-il, un nymphée 19 . Nous ne dirons que quelques mots concernant le complexe constitué par l'Hippodrome, les theI1l1es de Zeuxippe et le Palais impérial, S'il est vrai, comme l'affirment les auteurs byzantins, que l'Hippodrome fut commencé par Sévère et complété par Constantin, qui l'étendit vers la mer en construisant sur des so~bassements puissants la partie incurvée appelée Sphendonè 20, c'est l'Hippodrome qui déteI1l1ina l'emplacement du Palais. L'existence des theI1l1es de Zeuxippe, ensemble certainement plus vaste, qu'on ne le représente sur les reconstructions hypothétiques du Grand Palais 21 , était aussi un élément gênant qui rendait difficile une ordonnance claire et logique de la demeure impériale, Pourtant, on ne les supprima pas, Il est impossible d'expliquer comment les architectes de Constantin résolurent le problème et assurèrent au Palais la protection et l'isolement nécessaires, puisque de ce palais primitif aucun vestige n'a été retrouvé, Au moins pouvons-nous affirmer qu'il possédait une partie privée, qui comprenait les appartements réservés à la famille impériale, et une partie à demi publique, où se trouvaient les casernes de la garde et le Tribunal, grande cour dans laquelle se déroulaient les audiences et l'investiture des dignitaires. On y accédait, semble-t-il, à partir de l'antique place du Tétrastoon, rétrécie pour fOI1l1er une voie processionnelle menant au vestibule du Palais 22, près duquel se dressait un second bâtiment du Sénat, dont la fonction exacte nous échappe 23. Du côté opposé du Tétrastoon, à l'angle Nord-Ouest, se trouvait la Basilique, vaste cour à portiques dont l'emplacement et l'étendue sont indiqués par la citerne que Justinien fit creuser sous la partie découverte de la cour 24. La Basilique existait déjà dans les années 340, quand le jeune Julien y fréquentait les écoles 25. A côté de la Basilique, un arc monumental ou tétrapyle marquait le

17. D'après Curtis, Broken Bits, Il, nO 31, le bloc en question fut trouvé en 1869 dans les fondements d'une maison au Sud de la colonne de Constantin. Un médaillon circulaire à tête de Méduse proviendrait aussi, semble-t-il, du Forum : G. Mendel, Catal. des sculptures grecques, romaines et byzantines, l, Constantinople 1912, nO 145. 18. Sur le Sénat l'essentiel a été dit par Th. Reinach, Commentaire archéologique de Constantin le Rhodien, p. 55-{j0, qui se trompe cependant en affirmant que l'édifice était «pourvu d'un dôme gigantesque». Sur les statues: R. Jenkins, The Bronze Athena at Byzantium, J. of Hell. Studies 67 (1947), p. 31-33 ; Further Evidence Regarding the Bronze Athena at Byzantium,Ann. Brit. School at Athens 46 (1951), p. 72·74. 19. Mentionné uniquement par Kédrènos, 1, p. 610. 20. Pàtria, p. 145, § 61. Voir aussi supra, ch. J, n. 36. 21. Par exemple celles de J. Ebersolt, Le Grand Palais de Constantinople, Paris 1910, et de l'abbé A. Vogt, t. J du Commentaire de son éd. du Livre des Cérémonies, Paris 1935. S. Miranda, Étude de topographie du Palais Sacré de Byzance, nouv. éd., 1976, a donné aux thermes de Zeuxippe des dimensions plus réalistes. 22. Voir notre The Brazen House, p. 42 ct suiv. 23. Ibid., p. 56 et suiv. avec la suggestion que le Palais du Sénat survécut sous le nom de la Magnaure. 24. Voir ibid., p. 48-51 et P. Speck, Die kaiser/iche Università't von Konstantinopel, Byz. Archiv 14, Munich 1974, p. 92-107. Ces deux travaux sont maintenant à corriger d'après A. Cameron, Theodorus TPw OV Tti Kaptll' "aTÉ"EOEv. L'église fut sans doute aussitôt rebâtie, puisqu'elle figure dans la Notitia (Xe Région).

HI DE CONSTANCE II A MARCIEN

Vers l'an 360, c'est-à-dire à la fin du règne de Constance II, on perçoit à Constantinople les signes d'une croissance urbaine considérable que l'on pourrait envisager sous les aspects suivants : augmentation de la capacité portuaire et de stockage des vivres, augmentation analogue de l'approvisionnement d'eau, nouveaux ensemblesl monumentaux, extension du périmètre fortifié de la ville. On a beaucoup parlé de l'approvisionnement de Constantinople et de l'annone civique 1. Dès le règne de Constantin la production de l'Egypte, autrefois destinée à Rome, se trouve détournée vers la nouvelle capitale. Il s'agit d'une très grande quantité de blé, dont le volume exact est cependant difficile à déterminer. L'historien ecclésiastique Socrate parle de 80 000 pains quotidiens sous Constantin 2, tandis qu'une loi de Justinien, deux siècles plus tard, donne le chiffre de 8 000 000 d'une mesure qui n'est pas nommée 3. Les commentateurs sont d'accord sur le fait qu'il s'agit d'artabes, mais ces artabes étaient-elles de 3 modii chacune ou de 4 1/2 ? D'après les papyrologues, la mesure communément employée à cette époque était la giande artabe de 4 1/2 modii 4. En calculant sur la base de 4 1/2 modii, on obtient un total de 36 000000 modii, soit 310 000 000 litres, par an bien entendu.

1. Voir surtout G.I. Brlltianu, Études byzantines d'histoire économique et sociale, Paris 1938, p. 129 et suiv. ; J .L. Teall, The Grain Supply of the Byzantine Empire, DOP 13 (1959), p. 89-139 ; Dagron, Naissance. p. 530-541 ; J.-M. Carrié, Les distributions alimentaires dans les cités de l'Empire romain tardif, MEFR 87/2 (1975), p.l071·1073. 2. Il,13. 3. Ed. XIII, 8. Cf. E. Stein, Histoire du Bas·Empire. Il, Paris· Bruxelles - Amsterdam 1949, p. 842 ; A.H.M. Jones, The Later Roman Empire, Oxford 1964, Il, p.698 et n. 23. 4. R.P. Duncan,Jones. The Choenix, the Artaba and the Modius, Zeitschr. f. Papyr. u. Epigr. 21 (1976), p. 43 et suiv. Cf. G. Rickman, The Corn Supply ofAncient Rome, Oxford 1980, p. 233.

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De leur côté, les spécialistes de Constantinople se sont occupés des ports de la ville. Van Millingen 5, Schneider 6, le Père Janin 7, Rodolphe Guilland 8 ont longuement disserté là-dessus, toujours d'un point de vue topographique. Partant des mêmes textes, ils sont parvenus à des résultats différents pour la simple raison que le nombre des ports reconnaissables sur le terrain est de beaucoup inférieur au nombre de ceux dont on trouve le nom dans les textes byzantins. Cela veut dire que le même port a porté au cours des siècles des noms différents. Mais lesquels? Si l'on s'accorde à reconnaître que le port de Théodose est identique au port du quartier d'Eleuthère, son identification avec le port de Kaisarios est toujours discutée, et l'on n'est pas sûr que le port de Julien - autrement appelé «de Sophie» - ne fasse qu'un avec le Kontoskalion à une époque plus tardive, et qu'il faille distinguer le Kontoskalion du Kontoskélion. Tels sont les problèmes qui ont préoccupé les topographes. Les savants que nous venons de nommer, sauf van Millingen,se sont d'ailleurs peu souciés d'examiner soigneusement les vestiges des murailles maritimes de Constantinople (qui sont, hélas, en train de disparaître) et aucun d'entre eux n'a pris en considération le problème de l'annone. Pourtant cette annone, pour ne pas parler des autres importations et produits du commerce maritime, devait être déchargée et entreposée dans des locaux facilement accessibles aux portefaix qui en étaient chargés. Faisons un petit calcul tout à fait approximatif: les vaisseaux qui transportaient le blé étaient de tonnages différents et pouvaient atteindre une capacité de 50000 modii. Il semble, cependant, qu'à l'époque qui nous concerne ils étaient normalement plus petits, disons de 10 000 modii en moyenne 9. Le volume total de la livraison étant de 36 000 000 modii au Vie siècle, il faut supposer que 3 600 vaisseaux devaient aborder à Constantinople. Ils ne le faisaient certainement pas en même temps, quoiqu'ils naviguassent en convois quittant, en principe, Alexandrie vers le 10 septembre. Supposons que 500 vaisseaux abordaient à la fois et que chacun exigeait un espace de 8 m, largeur moyenne des épaves retrouvées 10 : il nous faut donc une longueur de quais de 4 km. Ce résultat, si approximatif qu'il soit, n'a rien d'exagéré comparé aux dimensions des ports romains qui nous sont connus d'un bout à l'autre de la Méditerranée. A Leptis Magna, une bien petite ville à côté de Constantinople, il y avait 1 200 m de quais et 155 points d'amarrage Il. A Rome, ou plutôt à Portus, le port intérieur

5. Walls, p. 268 et suiv. 6. Mauern und Tore am Goldenen Horn zu Konstantinopel, Nachr. Akad. Gott. 1950, p. 82-84 ; BZ 45 (1952), p. 87. 7. Le port Sophien, REB 1 (1943), p. 117-122. Les ports de Constantinople sur la Propontide, Byz 20 (1950), p. 73-79; CP byz., p. 224-236. 8. Les ports de Byzance sur la Propontide, Byz 23 (1953), p. 181·238 =Études de topographie de Constan· tinople byzantine, Il, Berlin 1969, p. 80-120. 9. Voir 1. Rougé, Recherches sur l'organisation du commerce maritime en Méditerranée sous l'Empire romain, Paris 1966, p. 66 et suiv. ; E. Tengstrôm, Bread for the People, Stockholm 1974, p. 37. 10. Rougé, op. cit., p. 69. 11. R. Bartoccini, Il porto romano di Leptis Magna, Rome 1958, p. 12-13.

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de Trajan avait près de 2 km de quais 12, et il faut supposer que le port Claudien, qui était presque trois fois plus grand que celui de Trajan, en avait au moins le double, ce qui nous donne un total de 6 km pour les deux. A Constantinople, la première mesure pour augmenter la capacité portuaire fut prise par Julien en 362. Avant cette date la ville ne disposait que des deux ports antiques sur la Corne d'Or, dont la largeur combinée ne semble pas avoir dépassé 700 m. Leurs forme et profondeur étant inconnues, il est malaisé de calculer la longueur des quais, qui ne dépassait probablement pas 1 500 m. Cela veut dire que la ville de Constantin avait à peu près les mêmes moyens de débarquement que Leptis Magna, moyens qui s'avérèrent bientôt insuffisants. C'est donc Julien qui décida d'améliorer la situation en construisant le port qui devait porter son nom et qui, plus tard, fut appelé Port Sophien d'après l'épouse de Justin II. C'est le portus novus de la Notitia. Tout le monde admet que le Port de Julien se trouvait sur la Propontide à une faible distance à l'Ouest du Palais impérial et de l'Hippodrome. Aujourd'hui on peut toujours constater que la muraille maritime s'infléchit dans ces parages pour former une petite courbe devant laquelle les vieilles cartes indiquent les'débris d'un môle 13. Juste à côté, en direction de l'Est, se trouve un grand espace plat qui porte encore le nom de Kadlfgalimam, c'est-à-dire «Port des Galères». Sur le panorama de Valvassore (fig. 5) il est représenté entouré de murs avec une porte à grillage regardant vers l'Ouest. Il semble avoir servi de dock, car on y voit un vaisseau, peut~tre en réparation. On s'est demandé si le Kadlrgalimam ou l'inflexion adjacente de la muraille correspondaient au Port Julien. Pour notre part, nous croyons qu'il faut réunir les deux, puisque le Port Julien était très grand, un P.èYWTO