Le carnaval de Quebec : la grande fete de l'hiver
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Zitiervorschau

JEAN PROVENCHER Depuis le Moyen Âge, le carnaval est une période de

Nul n’était mieux placé que l’auteur de Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, l’historien Jean Provencher, pour décrire – avec une humanité qui fait merveille –, les 50 ans de la fête hivernale. Dans une langue simple et colorée, il invite un à un les acteurs, les témoins, à s’avancer pour nous livrer leurs souvenirs dans les pages de ce bel album où l’histoire se tisse, l’image se précise. Une image où l’on se reconnaît.

La grande fête de l’hiver

de

Carnaval Québec

À Québec, depuis 50 ans, le carnaval est devenu une véritable fête de l’hiver. Palais de glace, courses en traîneaux à chiens, sculptures sur neige, traversée du fleuve dans les glaces… sont autant de façons aussi originales que traditionnelles d’apprivoiser cette saison glaciale, de réchauffer les cœurs et les corps.

de

Le

l’année qui donne lieu à de joyeux cortèges, à des danses costumées, à des jeux de toutes sortes et à de joyeuses ripailles. On fête le carnaval en se déguisant, en se maquillant et en portant des masques. Chacun peut changer de personnalité : le jeune devient vieux, le pauvre devient riche, l’humain devient animal. On mange et on boit sans limite… avant les privations du carême qui va durer 40 longues journées, jusqu’à Pâques.

Carnaval uébec Q

Le

Fêter l’hiver

Titulaire d’une licence et d’un diplôme d’études supérieures en histoire, JEAN PROVENCHER est une figure importante de la pensée historique au Québec. Ses diverses réalisations professionnelles et ses publications en témoignent. Son ouvrage fondamental Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent constitue aujourd’hui un livre de référence unique dans le domaine. À ce jour, seul ou en collaboration, il a publié 22 ouvrages dont la plupart sont consacrés à une facette de l’histoire du Québec. Rédigés dans un style vif et concis, tous ses écrits sont accessibles au profane et destinés à un large public.

ISBN 2-89544-047-6

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Travailleur indépendant depuis de nombreuses années, Jean Provencher exerce sa profession d’historien au sein même de la vie sociale et culturelle du Québec, comme en témoigne l’éventail des travaux qu’il mène à titre d’expert auprès de nombreux organismes publics et privés. LE CARNAVAL DE QUÉBEC

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DISTRIBUTION EN LIBRAIRIE AU CANADA Diffusion Dimedia 539, boulevard Lebeau Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2 CANADA Téléphone : (514) 336-3941 Télécopie : (514) 331-3916 [email protected] DISTRIBUTION EN FRANCE Librairie du Québec 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris FRANCE Téléphone : 01 43 54 49 02 Télécopie : 01 43 54 39 15 [email protected]

DISTRIBUTION EN BELGIQUE Librairie Océan Avenue de Tervuren 139 B-1150 Bruxelles BELGIQUE Téléphone : +32 2 732.35.32 Télécopie : +32 2 732.42.74 [email protected] DISTRIBUTION EN SUISSE SERVIDIS SA Rue de l’Etraz, 2 CH-1027 LONAY SUISSE Téléphone : (021) 803 26 26 Télécopie : (021) 803 26 29 [email protected] http://www.servidis.ch

Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son aide à l’édition et à la promotion. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – gestion SODEC.

IMPRIMÉ AU CANADA / PRINTED IN CANADA

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Commission de la capitale nationale du Québec : Coordination de l’édition: Hélène Jean Direction des publications : Denis Angers Chargé de projet au Carnaval : Jocelyn Boissonneault Révision linguistique: Dominique Johnson Corrections des épreuves: Raymond Deland Conception graphique: Norman Dupuis Réalisation graphique: Lise Lapierre Photographies des couvertures : 1re de couverture : Xavier Dachez 4e de couverture : Xavier Dachez (feu d’artifice) ; Guy Couture (photo de l’auteur) Autres photographies: voir à la page 127 Impression: Litho Chic © Commission de la capitale nationale du Québec et les Éditions MultiMondes, 2003 ISBN 2-89544-047-6 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2003 Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 2003 ÉDITIONS MULTIMONDES 930, rue Pouliot Sainte-Foy (Québec) G1V 3N9 Téléphone: (418) 651-3885 Sans frais depuis l’Amérique du Nord: 1 800 840-3029 Télécopieur: (418) 651-6822 Sans frais depuis l’Amérique du Nord: 1 888 303-5931 [email protected] www.multim.com

COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE DU QUÉBEC 525, boulevard René-Lévesque Est Québec (Québec) G1R 5S9 Téléphone: (418) 528-0773 Télécopieur: (418) 528-0833 [email protected] www.capitale.gouv.qc.ca

Catalogage avant publication de la Bibliothèque nationale du Canada Provencher, Jean, 1943Le Carnaval de Québec: la grande fête de l’hiver Comprend des réf. bibliogr. Publ. en collab. avec: Commission de la capitale nationale du Québec ISBN 2-89544-047-6 1. Carnaval de Québec – Histoire. 2. Carnavals – Québec (Province) – Québec – Histoire. 3. Fêtes d’hiver – Québec (Province) – Québec – Histoire. I. Commission de la capitale nationale du Québec. II. Titre. GT4213.Q4P76 2003

394.25’09714’471 C2003-941783-2

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Tout un festival! Je suis né et j’ai grandi dans le quartier Limoilou, au cœur de la capitale. Comme des milliers de Québécois, j’ai toujours gardé en mémoire ces moments magiques de l’hiver qu’étaient ceux où le Carnaval de Québec faisait vibrer la ville «au son des tambours, des trompettes, des clairons», selon sa chanson thème. Nous étions alors tous éblouis par la magie de l’hiver, par la splendeur des chars allégoriques des grands défilés, par l’imagination des créateurs du palais de Bonhomme et par le talent des sculpteurs sur glace et sur neige. Nous aimions la fête, la joie carnavalesque et ce gros bonhomme de neige qui devenait, quelques semaines durant, le maître de la ville, celui qui savait si bien nous faire oublier les rigueurs de l’hiver… Au fil de ses 50 années, le plus célèbre carnaval d’hiver du monde a tout à la fois accueilli des visiteurs venus des quatre coins de la planète, contribué puissamment à l’économie régionale, engendré des tonnes de bons moments et de joyeux souvenirs. Aujourd’hui encore, le Carnaval demeure une escale de plaisirs au cœur de la saison froide. Et cela est possible grâce à l’engagement de ses bénévoles, à l’appui de ses commanditaires et à la complicité de ses partenaires publics, dont la Commission de la capitale nationale du Québec, qui a accepté avec empressement de s’associer à ce bel ouvrage consacré à la grande fête de l’hiver. Nous espérons que le lecteur y trouvera également, sous la plume de Jean Provencher et par le biais d’une riche collection de photos, les brins de magie, les souvenirs de jeunesse et les moments de folies qui, depuis 50 ans, font du Carnaval de Québec un événement à nul autre pareil. Bonne lecture. Pierre Boulanger Président et directeur général Commission de la capitale nationale du Québec

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Table des matières Mot de Bonhomme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .XI Remerciements

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .XIII

Fêter l’hiver autrefois

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

1955

Le premier Carnaval

1956

Quand donc neigera-t-il enfin? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

1957-1959

Puisqu’il faut bien grandir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

1960

«Le plus beau Carnaval» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

1961-1967

Les Carnavals de la Révolution tranquille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73

1968

Le Carnaval d’une duchesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .81

1969

Et vint une bien belle princesse

1970-1994

Le Carnaval par monts et par vaux

De 1995 à aujourd’hui

Le nouveau Carnaval . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .109

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93

Annexes: Rappel chronologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .117 Présidents du Carnaval de Québec de 1955 à 2004

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .120

Directeurs du Carnaval de Québec de 1955 à 2004 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .121 Duchesses et reines du Carnaval de Québec de 1955 à 1996

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Mot de Bonhomme C’est avec beaucoup d’émotion que je vous présente ce précieux livre qui relate l’histoire du Carnaval de Québec, mon Carnaval, ma vie. Je suis né dans la région de Québec, en plein hiver, il y a 50 ans. Depuis lors, tous ensemble, nous avons célébré la neige; nous avons ri, dansé et rêvé à de folles aventures en créant des hivers mémorables. Et mon Carnaval est devenu le plus grand carnaval d’hiver au monde. 50 ans, ça se célèbre, ça se souligne, ça s’écrit… Aux innombrables artistes, animateurs, collaborateurs, organisateurs et bénévoles qui ont donné et donnent encore tant d’énergie au Carnaval, Que ce livre soit un hommage reconnaissant. Aux résidents de Québec, Que ce livre soit le témoin de votre histoire, tel un trésor patrimonial que l’on partage en famille. Aux visiteurs, Que ce livre vous aide à découvrir les traditions carnavalesques qui font notre fierté. Aux futurs carnavaleux, Que ce livre vous transporte dans la magie du Carnaval et vous inspire pour les prochains hivers! À la neige, Parce que sans elle, ce livre n’existerait pas. Et que la fête continue!

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Remerciements Peut-il y avoir tâche plus agréable que celle de raconter une très grande fête populaire? De surcroît, la grande fête de l’hiver québécois, avec toutes les couleurs de sa longue existence? Nos remerciements à l’équipe de la Direction des publications de la Commission de la capitale nationale du Québec pour ce mandat attachant. À toutes ces personnes du Carnaval de Québec, du Service des archives de la Ville de Québec, de la Division des périodiques de l’Assemblée nationale, à Jacques Morin, responsable des archives iconographiques aux Archives nationales du Québec à Québec, mille mercis de votre aide, de vos suggestions même, à l’occasion, de votre collaboration toujours souriante et empressée. Je retrouvais chez vous mon intérêt pour ce projet étonnant. Merci aussi à celles et ceux qui ont volontiers accepté de me recevoir, ou simplement de faire un brin de causette au téléphone, m’ont confié un document, un texte, une image. Vos propos, vos objets sont des pierres posées dans cette histoire.

Jean Provencher

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Le Palais de glace en 1894.

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Fêter l’hiver autrefois n Nouvelle-France, au début du XVIIe siècle, on ne parle pas de carnaval; on préfère plutôt l’appellation de jours gras pour désigner cette période allant des Rois jusqu’au Mardi gras. Et tout le monde fête, même les religieux. À Québec, notamment, les jésuites reçoivent du gouverneur, des ursulines ou des augustines «force viande, quartier de veau, orignac» ou des «pièces de four» et du «vin d’Espagne»1. En 1648, aux pères demeurés à la mission de Sillery, on envoie également des bouteilles de vin espagnol. Comme cette saison connaît une relative inactivité, partout on organise des «veillées».

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1. Le Journal des Jésuites, Montréal, Laval, Éditions François-Xavier, 1973, p. 103, 36. 2. Cité par Albert Tessier, «La vie rurale vers 1800», Cahiers des Dix, no 10, 1945, p. 186 et suiv. 3. Cité dans E.A. Talbot, Cinq années de séjour au Canada, no 3, 1825, p. 72 et suiv.

Toutes les affaires et tous les travaux sont mis de côté ; chacun ne songe qu’au plaisir. Les festins, les visites, les assemblées, les parties de musique, de danse, de jeu, emploient tout le temps et fixent l ’ attention du riche comme du pauvre, des jeunes comme des vieux, en un mot des habitants de tout état, de tout âge, de tout sexe 2 . Un autre visiteur, J.M. Duncan, ayant séjourné à Montréal en 1818, tient le même discours: «Quiconque aime la bonne chère, les cartes, la danse, la musique et la joie, s’y trouvera parfaitement bien, et pourra satisfaire ses goûts3.» Et on fête aussi dans les territoires de colonisation.

Après 1760, sous le Régime anglais, il n’en va pas autrement. L’Irlandais Isaac Weld écrit que c’est le moment de l’année préféré des Canadiens.

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Carnaval :

voilà un bien vieux mot Les historiens de la langue française trouvent dans une ordonnance de 1268 des évêques de Liège, propriétaires du duché de Bouillon, là où se rencontrent la France, la Belgique et le Luxembourg, la première apparition du terme quarnivalle. À cette époque, on définit le mot comme la «période qui va du jour des Rois jusqu’au mercredi des Cendres pendant laquelle se donnent les principaux divertissements de l’hiver». Et puis, au temps de la venue de Jacques Cartier en Amérique et de la fondation de Québec par Samuel de Champlain, on emploie carneval pour désigner les «fêtes et amusements» rattachés à cette période de l’année. François Rabelais, par exemple, dans Pantagruel (1552), et son amie Marguerite d’Angoulème, duchesse d’Alençon, reine de Navarre, dans L’Heptaméron (1559), écrivent le mot ainsi. Au XVIIe siècle, la graphie moderne carnaval s’impose4.

Course des érables: au printemps, dans une forêt d’érables, l’habitant allait d’un arbre à l’autre recueillir la sève sucrée qui, bouillie, donnait le sucre du pays.

4. Nos remerciements à Christiane Loubier, linguiste, pour ces renseignements sur l’origine et l’évolution du mot. 5. C.-E. Mailhot, Les BoisFrancs, no 1, 1914, p. 139 et suiv. 6. Sophie-Laurence Lamontagne, L’hiver dans la culture québécoise (XVII e – XIX e siècles), Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1983, p. 109. 7. Ibid., p. 116.

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On commençait ordinairement à Noël et on finissait au mardi gras. Tout le temps du carnaval, ce n’était ni plus ni moins qu ’une succession de soupers, d’un voisin à l’autre… Les visiteurs – les veilleux comme on disait alors – arrivaient par charges, à travers les sentiers de bois, sur des bob-sleighs ou des swiss. À l ’ arrivée de chaque visiteur, c ’ étaient des embrassades, des poignées de main et des cris de joie. Les lits s ’ encombraient de vêtements, on entassait sur la table dressée dans l ’ unique appartement qui formait ces résidences, les rôtis de porc frais, les chaudronnées de fricot, les pâtées à la viande 5 .

On fête dans les maisons Ces fêtes se vivent entièrement à l’intérieur. On évite les grandes manifestations publiques en plein air, comme celles qui se déroulent en Europe. Le climat y est assurément pour quelque chose. On préfère fêter bien au chaud. Sous le Régime français, il semble que les divertissements extérieurs se réduisent aux courses en carriole6. Sous le Régime anglais, voilà que se développe le goût du patinage; il suffit de lames métalliques posées par un forgeron à des semelles de bois. Au XIXe siècle, la traîne sauvage, longtemps utilisée comme moyen de transport en hiver, devient jouet sur les pentes glacées ou enneigées. La raquette, chaussée auparavant pour se déplacer dans les neiges hautes lors de la traite des fourrures, de la chasse hivernale ou de la «course des érables», sert maintenant dans les randonnées joyeuses et devient l’emblème des premiers clubs d’hiver.

Dès 1840, se forme à Montréal le Montreal Snowshoe Club; en plus d ’ adopter un moyen de transport jusque-là propre aux natifs du pays, on se vêt à la canadienne, avec capot, pantalon, tuque et ceinturon de laine. Cette forme de divertissement d’abord anglais, puis citadin, ne trouve jamais d ’ écho en milieu rural; l ’ habitant, comme jadis, continue à chausser ses raquettes quand la nécessité l ’ y oblige, ce qui en réduit souvent le port au temps des sucres 7 . Le canot d’hiver, lui, le canot à glace, n’est pas un jouet; il demeure toujours l’outil des canotiers qui gagnent leur vie dans les glaces du fleuve SaintLaurent entre Québec et Lévis ou dans les îles se trouvant en aval. Et le ski, inventé par les Norvégiens à la fin du XIXe siècle, n’aura la faveur populaire qu’une trentaine d’années plus tard.

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Ces images presque bucoliques montrent bien que, dans les premiers temps, on associe tout de suite le raquetteur, même en pleine nature, à l’idée de carnaval.

Les premiers carnavals constitués de regroupements de divertissements hivernaux autour d’un palais de glace remontent au dernier quart du XIXe siècle. «C’est le Carnaval de 1880, écrit le journaliste Damase Potvin, qui marqua l’origine des grandes manifestations extérieures dans le «pays de Québec». Cette année-là, cependant, il n’y eut pas de fort de glace. On se contenta de grandes manifestations sportives: concours de glissades au «Pain de Sucre» à Montmorency, concours de courses en raquettes sur les Plaines; courses de chevaux sur la glace de la rivière Saint-Charles, même courses en canot dans les parties du fleuve dénuées de banquises. Et, dans la ville, comme attractions spéciales, à l’encoignure de certaines rues, des statues de neige colorée inspirées du sculpteur sur bois Louis Jobin,

artiste génial à qui l’on doit encore aujourd’hui nombre de statues, de monuments, de groupes historiques et religieux, aussi bien aux États-Unis qu’au Canada… Ces statues de neige colorée eurent un grand succès de curiosité. Les grandes manifestations carnavalesques extérieures furent donc lancées à Québec en cette année 18808…» En 1880 toujours, Montréal tient un carnaval encore plus spectaculaire grâce à son palais de glace. Et, contrairement à Québec, la Ville répète l’événement durant quelques années. Bientôt cependant, des hivers plus chauds, la pluie, le temps doux, ont raison du carnaval montréalais. Au nord du 45e parallèle, il faut de la neige et du temps froid pour un véritable carnaval.

Glissade: pente naturelle, enneigée ou glacée, ou structure aménagée pour glisser. La glissade fait partie des traditions hivernales des Québécois. La célèbre glissade de la terrasse Dufferin aménagée au pied du Château Frontenac est plus que centenaire; on peut y glisser depuis 1884. Fermée en 1981 pour des raisons de sécurité, elle fut rénovée et rouverte en 1992 pour marquer le début des célébrations du centenaire de la construction du Château Frontenac. Source: Les définitions et commentaires qui sont suivis du sigle OQLF sont tirés du Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française diffusé gratuitement à l’adresse Internet suivante: www.oqlf.gouv.qc.ca.

8. Damase Potvin, «En avant le carnaval!», Concorde, janvier 1955, p. 15.

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La ceinture fléchée

S’il est un objet représentatif du Carnaval, c’est bien la ceinture fléchée. Portée par Bonhomme dès 1955, année de sa naissance, elle devient l’emblème du Carnaval. Les maires de Québec, par exemple, se font un devoir de toujours l’avoir à la taille chaque année pendant le Carnaval. Les membres du personnel du Carnaval la portent et, partout, on peut se la procurer dans les boutiques. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’hiver, il était coutume pour les voyageurs de disposer d’une ceinture de coton, de laine ou de camelot pour ceindre leur capot ou se protéger contre les blessures au dos ou la formation de hernies. Mais c’est au tout début du XIXe siècle que la ceinture dite à flèches ou fléchée, tressée main, apparaît. Les ethnologues ne s’entendent pas sur son origine. Certains prétendent qu’elle vient des Écossais, des Acadiens ou des Amérindiens. D’autres disent plutôt que des artisanes canadiennes ont, les premières, imaginé la ceinture fléchée.

Camelot: étoffe grossière faite successivement de poil de chameau, de chèvre, puis de laine.

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Chose certaine, celle-ci fera partie du costume d’hiver habituel. Dans les campagnes, on la retrouvera, semble-t-il, jusqu’aux années 30, moment où l’on abandonne l’utilisation du capot. Et elle sera de deux

types. La Chénier, du nom du patriote Jean-Olivier Chénier, qui combattit les Anglais en 1838 à SaintEustache, est composée de quatre à six bandes de laine cousues ensemble. Celle de L’Assomption, plus spectaculaire, présente des motifs de flèches ou d’éclairs disposés symétriquement de chaque côté du centre rouge, appelé cœur. C’est cette dernière qu’on adopta au Carnaval. Quant au rouge, couleur officielle du Carnaval, il vient du fait que, dès 1955, Bonhomme se mit à porter une tuque rouge et une ceinture fléchée rouge. Et toujours on conservera cette couleur. Source: Association des artisans de ceinture fléchée de Lanaudière inc., Histoire et origines de la ceinture fléchée traditionnelle dite de L’Assomption, Sillery, Éditions du Septentrion, 1994.

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Un carnaval pour relancer l’économie Au début des années 1890, l’économie tourne au ralenti en Amérique du Nord. La région de Québec est particulièrement touchée avec la fermeture définitive de ses chantiers navals et le début des difficultés de l’industrie de la chaussure9. Le 19 octobre 1893, le propriétaire du Quebec Daily Telegraph, Frank Carrel, lance l’idée dans les colonnes de son journal d’un nouveau carnaval à Québec.

Nous savons bien qu ’ il peut paraître étonnant de parler de carnaval, alors que la neige n ’ est pas encore là. Mais pourquoi Québec n ’ en tiendrait pas un cet hiver ? Nous posons la question sérieusement, presque assuré que l ’ événement, bien organisé, aurait du succès. Sans compter qu’ il donnerait de l ’ emploi à nos chômeurs après l ’ été misérable qu ’ on vient de connaître… Allez, quel patriote prendra la balle au bond ? Nous lançons l ’ idée et promettons notre soutien à qui voudra tout mettre en œuvre pour la réaliser 10 . Au cours de la semaine qui suit, une vingtaine de marchands détaillants, dont Eugène Chinic, JeanBaptiste Laliberté et Zéphirin Paquet, appuient Carrel. Au début de novembre se forme un comité organisateur, présidé par Henri-Gustave Joly de Lotbinière. Et on annonce déjà que le carnaval, placé sous la présidence d’honneur du gouverneur général lord Aberdeen et de son épouse, se tiendra du lundi 29 janvier au samedi 3 février. Mais que de travail à abattre en si peu de temps! On y arrive cependant et, le 29 janvier 1894, peu avant trois heures de l’après-midi, par un temps superbe11, le maire de Québec Jules-JosephTaschereau Frémont se rend au Palais de glace, devant l’Hôtel du Parlement, inaugurer le Carnaval.

Voici l’un des monuments de glace du Carnaval de 1894, Le Loup, œuvre du sculpteur Michel Carbonneau.

Il reçoit alors les clefs du Palais des mains de l’architecte François-Xavier Berlinguet12. Durant un mois, une centaine d’ouvriers avaient élevé sur les fortifications ce palais imposant fait de blocs de glace provenant du fleuve. Après avoir souhaité la bienvenue à toute la population, le maire, accompagné des représentants du Carnaval, se rend place de la Basilique, devant l’hôtel de ville, procéder au dévoilement de trois statues de glace vive représentant Samuel de Champlain, François de Laval et Jean de Brébeuf, héros de la Nouvelle-France. Œuvres du sculpteur Louis Jobin, ces statues d’une grande beauté constitueront «une des grandes attractions de la semaine»13. Par la suite, on fait le tour de la ville en carriole pour visiter la douzaine d’arches en bois ornées de branches de sapin, d’autres monuments de glace, dont ceux de Jacques Cartier à place JacquesCartier et de Frontenac au marché Saint-Pierre, ainsi que l’igloo des Inuits devant la halle Montcalm.

9. A. Lebel et M. Jean, «Carnaval: la cuvée 1894», Cap-aux-Diamants, vol. 1, no 4, hiver 1986, p. 25. 10. Traduction libre du texte de Carrel, cité dans A short account of ye Quebec Winter Carnival, de G.M. Fairchild, publié par le Quebec Daily Telegraph en 1894. 11. G.M. Fairchild écrit: «The weather was simply delightful.» Pour un compte rendu complet du carnaval de 1894, on s’en remettra à l’ouvrage de Fairchild. 12. Le maire accepte les clefs au nom du gouverneur général qui sera là le lendemain en matinée. 13. Le Courrier du Canada, 29 janvier 1894. Cité par Mario Béland, Louis Jobin (1845-1928) et le marché de la sculpture au Québec, thèse de doctorat, Québec, Université Laval, avril 1991, p. 276.

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Le 30 janvier, le maire et les représentants du Carnaval, accompagnés de plus de 200 raquetteurs provenant de tous les clubs de la région, gagnent la gare du chemin de fer Pacifique Canadien pour accueillir le gouverneur général et sa famille. On s’y rend tôt, car le train arrivant d’Ottawa doit être là à six heures trente. Mais la tempête de neige commencée la veille en soirée permet d’en douter. Finalement, le train se pointe à onze heures. Le maire accueille le personnage en lui confiant les clefs du Palais de glace. Puis, formant cortège, tirant même la voiture, les raquetteurs accompagnent le dignitaire jusqu’au Château Frontenac, nouvel hôtel inauguré voilà seulement quelques semaines.

Raquetteur: personne qui, professionnellement ou non, pratique le sport de la raquette à neige. À la fin du XIXe siècle au Canada français, les bourgeois développent un intérêt soutenu pour la raquette qui devient un véritable sport d’hiver. Jadis un moyen de transport des Amérindiens qu’avaient repris les paysans, la raquette à neige donne lieu dans les années 1850 à 1900 à la création dans les villes de nombreux clubs de raquetteurs avec leur propre couleur, à l’organisation de fêtes, de marathons et de courses où se révèlent des champions. Ces clubs ont ensuite perdu de leur popularité au début du XXe siècle avec l’arrivée de nouveaux sports d’hiver (hockey, ski, patin). Source: OQLF Mascarade: défilé ou manifestation de foule, ayant habituellement lieu pendant le carnaval et où les participants portent des masques et des costumes. Depuis le Moyen Âge, le masque est un objet symbolique. Son aspect souvent effrayant aurait pour but de faire fuir les mauvais esprits. Source: OQLF Canot à glace: canot pour quatre à cinq rameurs spécialement conçu pour se déplacer sur les eaux encombrées de glaces du Saint-Laurent. Historiquement, le SaintLaurent qui sépare le Québec en deux a rapidement imposé aux premiers colons l’utilisation de canots spéciaux pour transporter en hiver, sur le fleuve couvert de glaces, le courrier, les vivres ou les malades. En rappel des courageux canotiers et de ce périlleux moyen de transport dans des embarcations de bois, on a institué en 1954 pour le Carnaval de Québec une épreuve sportive où des équipes font la course à travers les glaces. Progressivement, on a conçu pour ce nouveau sport des canots longs et effilés faits de matériaux légers et résistants (aluminium, fibre de verre, kevlar, etc.). Source: OQLF

14. Cité par Damase Potvin, op. cit., p. 16. 15. Cette patinoire se trouve alors près de la porte Saint-Louis, là où se dresse aujourd’hui la croix du Sacrifice.

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Les remarquables statues de glace vive, de Louis Jobin, sont installées place de la Basilique.

La ville est belle. Un journaliste de L’Union libérale écrit:

Notre vieille cité historique a un aspect de fête réellement réjouissant. Nos rues présentent un coup d ’ œil ravissant et les organisateurs du Carnaval et les généreux souscripteurs doivent être fiers de leur œuvre… Le climat rigoureux de cette partie du pays, la neige et la glace qui ne nous font pas défaut, ont permis d ’élever des travaux admirables. Le Fort de glace, les nombreux arcs de triomphe disséminés dans nos rues, les jolies statues démontrent non seulement le travail mais aussi le goût artistique de notre population 14 .

En soirée, il peut bien neiger et neiger encore, la grande mascarade sur glace à la Quebec Skating Rink attire 3000 personnes15. À un moment donné, l’affluence est telle qu’il faut fermer les portes: des chevaliers, des reines, des paysans, des princesses, des gitans, des personnages venus manifestement de Chine, d’Italie, du Mexique, des bouffons, des chefs indiens, des officiers navals et des voyous, tous prennent d’assaut la patinoire. La variété des costumes, la succession des couleurs,l’éclairage,la musique,le décor,le bruit des patins mordant la glace rendent la scène irréelle. Le mercredi, pendant la journée, place aux compétitions sportives. En soirée se tient le grand bal du Gouverneur à la salle du Conseil législatif, somptueusement décorée pour l’occasion. Le jeudi, décrété fête civique par le maire de Québec, on gagne les rives du fleuve et les hauteurs de Québec et de Lévis pour assister à la course en canots, la plus spectaculaire des manifestations sportives. Parties de Lévis à dix heures, les quatre équipes – celles du Lord Dufferin, de l’Oiseau de Neige, du Princess-Louise et du Voltigeur – mettent moins de dix minutes à toucher Québec. Le Lord Dufferin l’emporte et reçoit une bourse de 50$. En après-midi, voilà le moment tant attendu du grand défilé carnavalesque.

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L’équipe du Lord Dufferin, en tête, à quelques instants de l’arrivée.

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En 1894, le char allégorique de la fabrique de cidre et de boissons gazeuses Timmons, côte d’Abraham, est prêt pour le défilé. 8

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Le défilé de 1894 Une jeune institutrice des Cantons de l’Est, invitée par son cousin Alfred, assiste au défilé du Carnaval de 1894 qu’elle décrit ainsi. « La procession du Carnaval, qui a défilé sous nos yeux durant la majeure partie de l’après-midi à travers les rues de Québec littéralement remplies de spectateurs enthousiasmés a été, de l’avis de tous, on ne peut mieux réussie. Elle comprenait plus de deux cents chariots et équipages de tout genre et de toutes formes. Quelquesuns même de ces véhicules, nous a-t-on appris, à cause de l’énormité de leurs dimensions se sont embourbés sur l’avenue des Érables, une rue assez récemment ouverte dans la partie haute de Québec, et que l’on n’avait pu débarrasser à temps des amoncellements de neige dus à une forte tempête… «Le cousin Alfred dont j’ai toujours admiré l’esprit de décision et l’initiative avait choisi notre poste d’observation au meilleur endroit de la rue Saint-Joseph, à Saint-Roch, en face du magasin J.-B. Laliberté, important établissement consacré au commerce de la fourrure… «Il me serait impossible d’énumérer ici tous les équipages qui mériteraient d’être décrits ou tout au moins mentionnés. Le temps et la mémoire me feraient également défaut pour ce faire. Je me contenterai donc de noter sans prétendre à aucun ordre rigoureux quelques-uns de ceux dont l’aspect et la signification ont davantage frappé mes yeux et réjoui mon esprit. « Il y avait, entre autres, une gondole monumentale présentée par le club des raquetteurs de l’Union commerciale, ainsi qu’un raquetteur géant mesurant quatorze pieds [environ quatre mètres et demi] de hauteur qui était l’emblème d’un autre club dénommé Le Montagnais. On admirait peu après une locomotive de chemin de fer qui avait à la fois les dimensions et les apparences de la réalité puisqu’on la chauffait et qu’elle était munie d’une cloche et d’un sifflet que ses conducteurs vêtus de costumes appropriés activaient presque sans discontinuer pour le plaisir des spectateurs et aussi, je le suppose, pour leur propre contentement. « Puis, sur un chariot très large représentant un campement en miniature, des Indiens authentiques venus de la réserve de la Jeune Lorette, village situé à quelques milles au nord de Québec, mimaient dans leurs accoutrements traditionnels une danse guerrière tout en chantant dans

le dialecte huron et en agitant leurs redoutables haches de combat qu’on nomme des tomahawks. À la suite venait un autre char de dimensions sensiblement équivalentes sur lequel un certain nombre de membres de la brigade des pompiers de la capitale s’activaient vivement à éteindre un incendie qui achevait de consumer une maison d’apparence coquette. Cette représentation qui s’intitulait Après le Bal était destinée à inculquer dans l’esprit des milliers de spectateurs une salutaire leçon de prudence qu’on ne saurait certes trop approuver et louanger. C’était là, sans contredit, une façon on ne peut mieux appropriée de mêler adroitement l’utile à l’agréable. « Bien entendu, à travers ces chars d’inspiration patriotique ou utilitaire, il s’en trouvait un bon nombre d’autres dont l’intention évidente était tout bonnement d’amuser ou simplement de mystifier. Généralement ils atteignaient leur but et les rires ainsi que les quolibets dont leur passage était salué constituaient la meilleure récompense que pouvaient souhaiter leurs créateurs et leurs occupants. Il faut dire également ici que l’échange quasi continuel de bons mots et de facéties entre les membres du cortège et les spectateurs donnait à divers moments l’impression amusante que la foule jouait ellemême un certain rôle dans la démonstration. « Quand la dernière voiture de la quasi interminable procession défila devant nous, il était aux environs de cinq heures et la nuit hâtive d’hiver descendait déjà sur la ville. C’est alors seulement que nous nous rendîmes compte que le froid était vif et que nous avions besoin de nous retrouver bientôt dans la confortable salle du logis du cousin Alfred, devant le robuste poêle à trois ponts bourré de solides quartiers d’érable que consume en chantant une flamme claire et souverainement bienfaisante. Dans le même moment, nous sentions sans oser le dire que nos estomacs creusés par le grand air et la fatigue allaient faire honneur aux tourtières fondantes et au ragoût de pattes de porc et de boulettes que confectionne avec un art sans égal l’adroite et accueillante cousine Laura. Et j’ajoute que suivant mes prévisions, nous nous sommes réchauffés et restaurés avec une satisfaction que je ne saurais décrire ici mais que tout mon être ressent encore avec délices16. » 16. On trouvera ce texte dans l’article d’Aimé Plamondon, «Les grandes heures du Carnaval de 1894», Concorde, janvier 1955, p. 20 et suiv.

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Et ça continue de plus belle

À l’attaque

Le jeudi soir, après ce long défilé, tous les raquetteurs de la région de Québec, les véritables héros de ce carnaval, donnent un grand concert au Manège militaire devant 5000 personnes. Dirigé par le chef d’orchestre et compositeur Joseph Vézina, chacun des clubs interprète ses chants distinctifs souvent connus de tous. Par la suite, le président du carnaval, Henri-Gustave Joly de Lotbinière, remercie ceux qui ont travaillé à faire un succès remarquable de ce carnaval, en particulier les raquetteurs, la population de la région et les gens venus de loin.

L’attaque du Fort de glace [écrit-elle], construit en face de l’édifice du Parlement de la province, à proximité de la porte dite Saint-Louis et adossé au mur d’enceinte des anciennes fortifications de la ville, a été sans contredit le spectacle par excellence du Carnaval ainsi qu’on l’avait prédit et annoncé longtemps à l’avance. Le nombre quasi incroyable des participants, la magnificence des feux d’artifice qui ont embrasé le ciel pendant près de deux heures, la joie bruyante et les acclamations chaleureuses de la foule immense, massée à cet endroit, tout cela, rehaussé encore par l’ agrément d’ une température idéale, a contribué à faire de cet événement une solennité d’une splendeur inouïe dont le souvenir se perpétuera à jamais dans l’esprit et le cœur de ceux qui eurent l’insigne bonheur d’ en être les témoins enchantés. Cette fois encore, l’entregent du cousin Alfred nous a valu des places de choix sur le haut de la petite colline où est situé le Parlement, au coin nord du majestueux édifice, vis-à-vis de la porte réservée à l’Orateur de la Législature. De cet observatoire admirablement choisi, nous dominions toute la scène et notre regard ébloui embrassait à la fois la Tour et tout le terrain environnant en même temps que le spectacle de la foule compacte allant et venant en tous sens sur le vaste espace en contrebas qui s’étendait à nos pieds… Toujours est-il que sur le coup de neuf heures, une puissante colonne composée de centaines de raquetteurs, de militaires et d ’ Indiens abondamment pourvus d ’ engins pyrotechniques variés, s ’ est présentée devant le fort et a commencé à en faire l ’ investissement. Mais les défenseurs de la forteresse ont eu tôt fait de repérer l ’ ennemi symbolique et sans plus tarder se sont mis à faire pleuvoir sur lui une grêle non interrompue de projectiles lumineux de tout calibre et [de toute couleur], ceci pendant environ une demi-heure.

Mais le Carnaval n’est pas terminé. Le vendredi en matinée à la Quebec Skating Rink se tient le championnat de patinage artistique au son d’un orchestre militaire. En après-midi, au même endroit, a lieu la mascarade sur glace, pour enfants cette foisci. Et ceux-ci personnifient les héros de leur livre de contes ou ceux apparaissant dans la presse illustrée, soit des rois, des reines, des chevaliers, des princesses, des paysans de l’autre bout du monde, des marins, des militaires ou simplement des raquetteurs. À un moment donné, on compte bien trois petits chaperons rouges sur la glace en même temps, dont les deux sœurs Alyne et Annie Breakey. Mais pas de loup cependant, ni de mère-grand. En soirée, 60000 personnes, dit-on, se rassemblent devant l’Hôtel du Parlement. On espère le plus beau des spectacles: l’attaque du Palais de glace opposant les clubs de raquetteurs, aidés d’un groupe de Hurons et de Montagnais, aux soldats de la garnison. La jeune institutrice des Cantons de l’Est en visite à Québec y est venue.

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Après avoir enduré stoïquement le feu nourri de la garnison, les assaillants qui avaient maintenant complété l’encerclement de la forteresse se sont mis à leur tour à la bombarder en ouvrant le feu à coups de milliers de chandelles romaines et de bombes volantes, en même temps qu’ils poussaient en chœur des cris de guerre qui faisaient retentir les airs d’une clameur assourdissante. Et pour ajouter encore s’il se peut à l’illusion d’un combat véritable, trois canons placés tout en face du fort augmentaient le charivari du fracas de leurs décharges de poudre. Ce duel frénétique d ’ artillerie dura assez longtemps, puis quand il prit fin subitement, ce fut l’instant de la ruée finale des assaillants qui, sans souci des projectiles lumineux qui les accablaient de plus belle, s’élancèrent d’un invincible élan vers l’entrée… Ce fut vraiment là l’apothéose de la fête car les feux de Bengale de toute nuance, les bombes, les fusées étoilées se confondirent durant quelques minutes avec une telle abondance que le ciel semblait véritablement embrasé par les lueurs d ’ un immense incendie, cependant que les cris stridents poussés par des milliers de voix produisaient une rumeur inimaginable. Soudain, au sommet de la Tour, on vit tout à coup s’allumer un éblouissant feu de Bengale cependant qu’une acclamation assourdissante annonçait à la foule la victoire des assiégeants et la reddition de la forteresse. À ce moment, on lança en un éblouissant bouquet les plus belles pièces du feu d ’ artifice pendant que les murs de la Tour se coloraient successivement de diverses teintes changeantes qui arrachèrent à la foule enivrée de longs cris d ’ admiration. L ’ inoubliable fête, digne en tout point de prendre place parmi les merveilles décrites dans le conte fameux des Mille et Une Nuits, venait de se terminer. Fraternisant sans rancune dans une grandiose procession aux flambeaux, vainqueurs et

vaincus commencèrent alors une parade triomphale à travers les rues illuminées de Québec avant de prendre part à des agapes somptueuses qui doivent, à ce qu ’ on dit, se prolonger jusqu ’ aux premières lueurs de l ’ aube 17 …

En 1896, l’attaque de la tour est si spectaculaire qu’elle marquera longtemps les mémoires.

17. Ibid., p. 21 et suiv.

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Souque à la corde: jeu où deux équipes opposées tirent avec force sur une grosse corde dont le centre est indiqué par un ruban de couleur, dans le but de déséquilibrer le camp adverse en le ramenant au-delà de la ligne de démarcation qui, au sol, sépare les deux équipes. La souque à la corde est un véritable combat de force. Connue et pratiquée sous le nom de lutte à la corde ou de tire à la corde dans les pays d’Europe, elle figurait même comme épreuve au programme des Jeux olympiques entre les années 1900 et 1920. L’origine de ce jeu traditionnel est très ancienne. Sa pratique remonterait même avant le Moyen Âge. La «souque à la corde» a longtemps attiré et amusé la foule du Carnaval de Québec, pendant les années 60 et 70. Le mot «souque à la corde» est d’un usage particulier au français du Québec. L’expression est formée à partir du verbe souquer, toujours usité en français dans le domaine de la marine, dont l’origine reste incertaine. L’hypothèse la plus probable est celle selon laquelle ce verbe serait issu du terme souca appartenant au vocabulaire maritime de la Gascogne et qui veut dire «serrer fortement un nœud, un amarrage», «tirer fortement sur un cordage». Source: OQLF Sculpture sur glace: art de sculpter des blocs de glace. Au Québec, on a pratiqué la sculpture sur glace dès le début des années 1880. C’est Louis Jobin, un statuaire de renom, qui, par ses réalisations pour le carnaval de Québec, est considéré comme le pionnier de la sculpture sur glace. Inspirés des techniques développées pour le carnaval, deux procédés de sculpture sur glace étaient et sont encore utilisés: la taille directe à l’aide de scies, couteaux et gouges, et le moulage. Source: OQLF

18. Georgette Lacroix, Le Carnaval de Québec: une histoire d’amour, Montréal, Éditions Quebecor, 1984, p. 29 et suiv. 19. René Vincent, «Le Carnaval de 1896», Concorde, janvier-février 1959, p. 6. 20. Ibid., p. 6-8.

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Le Carnaval se termine le lendemain, samedi après-midi, avec un match de hockey entre Québec et Montréal devant une salle comble à la Quebec Skating Rink. Québec l’emporte 3 à 2, à la grande joie de la foule. Par la suite, lady Aberdeen remet les prix et les trophées aux gagnants des compétitions sportives de la semaine: courses de raquettes, de patinage et de chevaux, et tournoi de curling et de souque à la corde. On prendra exemple de ce carnaval de 1894. Dès l’automne 1895, la même équipe d’organisateurs se range sous la présidence du nouveau maire de Québec, Simon-Napoléon Parent, et on décide de la tenue d’un carnaval du 27 janvier au 1er février 1896. Au programme: grand bal au Château Frontenac, revues militaires sur l’esplanade et les plaines d’Abraham, mascarades et défilés carnavalesques, excursions à la chute Montmorency, défilé aux flambeaux et feux d’artifice. Le sport a sa place avec le curling, la crosse, le hockey, les quilles, la souque à la corde, les glissades, le patinage, les courses de raquettes, de skis, de chiens, de chevaux et de canots. Les mélomanes, cette fois-ci, sont servis à souhait. Une compagnie française vient donner six opéras célèbres à l’Académie de musique, rue Saint-Louis: Faust, Roméo et Juliette, Rigoletto, Lucie di Lamermoor, Il Trovatore et Les Huguenots18. La grande cantatrice Emma Lajeunesse, qui fait carrière sous le nom d’Emma Albani, accompagnée d’un chœur de 250 voix et d’un orchestre de 100 musiciens, livre un somptueux concert au Manège militaire. Cela dit, on avait tant apprécié les sculptures de glace de l’artiste Louis Jobin en 1894 qu’on les a multipliées pour ce nouveau carnaval. Un monument de glace magnifique orne, par exemple, la devanture de la plupart des commerces19.

La tour, prend garde… Le Palais de glace devant l’Hôtel du Parlement prend cette fois-ci l’allure d’une tour, divisée en trois parties. L’archiviste René Vincent tient de son père la description de cette tour.

Qu ’ on se figure d ’ abord un énorme mur circulaire d ’ une cinquantaine de pieds [environ quinze mètres] de hauteur : c’est la première tour. Au-dessus s’élevait une seconde circonférence de blocs de glace de moindre diamètre soutenue par un pilotis de troncs d ’ arbres dissimulés à l ’ intérieur de la première tour, d ’ une solidité, nous dit-on, égale au roc… Plus haut encore, un troisième étage en bois recouvert de neige couronnait ce terrifiant ouvrage à une altitude de 105 pieds [plus de trente mètres] au-dessus du mur des fortifications, qui a lui-même trente pieds [quelque dix mètres] de hauteur. Sur la rampe en spirale qui enserrait le monstre comme un gigantesque serpent, on pouvait gravir commodément la triple tour, grâce aux échelettes transversales qui servaient de marchepied et à un câble continu fixé dans la maçonnerie de glace. [Et l’événement le plus spectaculaire de ce carnaval de 1896 semble avoir été l’attaque de cette tour de glace impressionnante] devant une

foule d ’ environ 75 000 personnes délirantes d ’enthousiasme. […] Du commencement à la fin du feu d’artifice, ce n’était qu’exclamations. Le coup d ’ œil était vraiment féerique. Aux myriades de chandelles romaines des assaillants formant une ligne immense au pied du rempart, les redoutes et la forteresse centrale répondaient par un feu nourri de bombes détonantes, de serpentins qui voltigeaient en tournoyant en tous sens, de fusées qui semaient dans le ciel leur pluie d ’ étoiles avec des gerbes et des ruissellements de feu 20 .

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Le Carnaval de 1896 fut tout aussi populaire que celui de 1894. Par la suite, et longtemps, on annoncera la tenue de carnavals à Québec. En 1901, 1908, 1912, 1920, 1924, 1926, 1930, 1931 et 1939. Mais, à consulter le programme des activités, on se demande si ce sont là de véritables carnavals. On remarque bien des événements de type carnavalesque – courses de

skis, de raquettes, glissades, patinage et défilés aux flambeaux –, mais rien de comparable à 1894 et 1896. À marcher dans les rues, on peut s’arrêter pour admirer des monuments magnifiques ou passer sous des arches en bois recouvertes de sapinage, mais il n’est jamais question de Palais de glace. Sont-ce bien là de véritables carnavals?

En 1896, le défilé passe devant la basilique. On reconnaît bien les raquetteurs à leur costume caractéristique.

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Pendant l’hiver 1928, au coin des rues Buade et des Jardins, le Club Automobile de Québec est fier, avec raison, de cette sculpture de glace vive devant ses bureaux.

21. Historic tales of Old Quebec, Québec, 1920, p. 190 et suiv. 22. H.E. Weyman, «Origin of Québec Bonspiel», Concorde, janvier 1956, p. 32.

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Curling et courses de chiens Chose certaine, des activités sportives s’installent à demeure à Québec. Ainsi en est-il du curling. Saiton, tout d’abord, que la ville de Québec est le berceau du curling en Amérique du Nord? Les Anglais appellent roarin’ game ce vieux sport d’origine écossaise, joué avec de lourdes pierres qui s’apparentent à de grosses bouilloires à thé. L’appellation vient du fait que celui qui lance la pierre hurle ses ordres à ses collègues balayeurs à l’autre bout de l’allée glacée. George Gale laisse entendre que, dès le début du Régime anglais, les soldats du 78e Highlanders jouent au curling à Québec sur le fleuve ou les rivières glacés de la région21. Les grosses pierres, faites de fonte plutôt que de granit, proviennent sans

doute, dit-il, des Forges du Saint-Maurice, puis de la fonderie Bissett, rue de Saint-Vallier, et de chez Lee & Montgomery. On crée le Quebec Curling Club en 1821. Au début, seuls des fils et des filles d’Écossais peuvent en devenir membres. Mais, bientôt, n’importe qui peut faire partie du club. Il n’empêche que, par tradition, ce sport plaira toujours davantage aux anglophones. En 1914, les «curlers» du club Victoria fondent le Bonspiel international de Québec. L’événement, qui dès le départ a bonne presse, accueille rapidement des joueurs provenant non seulement du Québec, mais des Maritimes, de Toronto, de l’Ouest canadien et des États-Unis22.

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En 1940, par un bel après-midi ensoleillé, tout près du Château Frontenac, un meneur de chiens exerce son attelage à la course.

Traîneau à chiens: traîneau bas tracté par un ou plusieurs chiens attelés et servant au déplacement sur la neige et sur la glace. Dans un attelage, le chien de tête impose les directives du meneur de chiens à la meute. Ce moyen de transport traditionnel des Inuits du Grand Nord canadien a été utilisé au Québec jusqu’au XXe siècle pour transporter des marchandises, des vivres, du bois de chauffage et parfois même pour effectuer la livraison du courrier. Depuis, la promenade en traîneau à chiens est devenue une activité de loisir très populaire et la course en traîneau à chiens, un sport de compétition officiel. Source: OQLF

Par ailleurs, peu avant la Première Guerre mondiale, certaines des meilleures courses d’attelages de chiens en Amérique du Nord se tiennent dans la région. Les grands meneurs de chiens aiment se donner rendez-vous à Québec, pays de neige, pour ces compétitions canines relevées23. Mais ces courses cessent au début de la guerre. Quelques années plus tard, en 1922, Arthur T. Walden, éleveur de chiens de la Nouvelle-Angleterre, arrive à convaincre la Brown Paper Company de commanditer, à Berlin, au New Hampshire, la première grande course internationale d’attelages de chiens de l’Est du continent, l’Eastern International Dog Sled Derby. En 1923, la course déménage à Québec et on la reprendra chaque année, jusqu’en 1939.

Pendant dix-sept ans, les plus grands meneurs de chiens du continent viennent courir à Québec. En 1929, le plus célèbre d’entre eux, Leonhard Seppala, d’origine norvégienne, s’amène avec ses chiens, des Huskies sibériens, et gagne la compétition longue de 123 milles [197 kilomètres] en un temps record. Émile St-Goddard, lui, francophone originaire de Le Pas, au Manitoba, remporte la course à six reprises. Prenant exemple sur ces champions, Émile Martel, meneur de chiens de Loretteville, gagne en 1934 puis en 1939. Malheureusement, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale fait s’arrêter la course.

Meneur de chiens: Personne qui conduit un attelage de traîneau à chiens. Le meneur de chiens est à la fois éleveur et entraîneur des chiens qu’il conduit. L’utilisation fréquente du terme musher en français s’explique par des faits sociohistoriques. Le mot anglais viendrait de l’expression française marche! marche!, l’ordre donné aux chiens de traîneau par les francophones du Nord canadien. Les Canadiens anglais ont par la suite déformé marche en mush, d’où le terme anglais musher qui s’est généralisé dans l’usage, mais qui est aujourd’hui à remplacer par les termes français meneur de chiens et meneuse de chiens. Source: OQLF

23. A.G. Penny, «Québec offers visitors a wealth of winter sports», Concorde, janvier 1956, p. 12.

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Le roi de la fête sur la terrasse Dufferin, surplombant la Basse-Ville.

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Le premier Carnaval 1955

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, quand arrive l’hiver à Québec, le chômage augmente et on ne voit plus guère de touristes dans les hôtels et les restaurants. Il y a bien des centres de ski dans la région, mais les skieurs américains préfèrent ceux du Vermont et du New Hampshire, plus près de chez eux et aux pentes plus prononcées. En 1950, pour accroître le nombre de visiteurs étrangers en hiver et stimuler l’économie, le directeur de l’Office municipal du tourisme, Louis Paré, propose la tenue régulière d’un carnaval à la manière de ceux d’autrefois. Son idée est bien accueillie. La Chambre de commerce de Québec accepte de mener une enquête auprès des maisons d’affaires de la capitale pour connaître leur intérêt

à ce sujet. Si L’Action catholique se montre prudente, les autres quotidiens de Québec appuient le projet. Le Soleil, par exemple, écrit:

Il semble, à première vue, que rien ne s’oppose à cette réalisation. Québec, par sa situation et par son climat, s ’ y prête admirablement bien. L ’ esprit qui anime ses habitants de même que leur goût inné du spectaculaire favorisent entièrement la tenue de manifestations populaires et de spectacles inusités. Il resterait à trouver une organisation prête à se charger de la préparation des fêtes, du montage de spectacles… et de la distribution des sites de façon à favoriser à peu près tous les milieux économiques de la ville. Ce travail incomberait sans doute aux hommes d’affaires eux-mêmes qui pourraient LE CARNAVAL DE QUÉBEC

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compter sur la collaboration attentive de l ’ autorité civique. On l ’ a déjà souligné à maintes reprises, une initiative du genre aurait des effets salutaires sur l ’ un des problèmes les plus difficiles auxquels doive faire face l ’ administration municipale pendant la morte saison : le chômage d ’ hiver… Souhaitons que revive bientôt une belle tradition dont notre ville peut tirer parti à plusieurs points de vue 1 .

1. Le Soleil, 24 février 1951. 2. Au sein de ce comité, on trouve également Damase Blais, Charles Boucher, Henri Gagnon et François Turgeon. Blais et Gagnon sont deux échevins, Boucher représente l’Association des marchands détaillants et Turgeon, la Chambre de commerce. 3. Lettre de Louis Paré à Georges Léveillé, directeur de l’Office provincial du tourisme, 17 octobre 1951. P011, Fonds du Carnaval de Québec, Archives de la Ville de Québec. À moins d’indication contraire, tous les documents que nous avons consultés sur l’histoire du Carnaval de Québec proviennent de ce fonds. À noter que, pour la toute première fois, il est question d’une reine du Carnaval.

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La première évocation d’une reine du Carnaval Le 23 août 1951, l’administration du maire Lucien Borne crée un comité du Carnaval ayant à sa tête l’échevin du quartier Saint-Roch, député de l’Union nationale dans Québec-Est et président de l’Office municipal du tourisme, Jos Matte, et le directeur de l’Office, Louis Paré2. Dès sa réunion du 1er octobre, le comité décide de la tenue d’un carnaval pour l’hiver qui vient, et il se montre ambitieux.

Nous travaillons présentement à l’organisation d ’ un carnaval qui durerait trois semaines entières. Au cours de ces trois semaines, si la population veut bien nous prêter son concours, la ville prendra son air de fête. On demandera aux gens d ’ ériger des bonhommes de neige ou des forts en glace ; les maisons d ’ affaires seront invitées à faire ériger des monuments de glace, comme la chose se pratiquait il y a une vingtaine d ’ années. Durant la même période, c ’ est également l ’ intention du Comité d ’ organiser pour chaque jour des démonstrations sportives ou autres. Par exemple, il y aura des concours de ski, des parties d’exhibition de hockey, glissades sur la terrasse, parties de curling, courses de chiens, festival du patin, parades de raquetteurs, parades aux flambeaux, mascarades, concours pour le couronnement de la Reine du Carnaval, etc… etc… Il est également question d ’ organiser de nouveau une course en canots sur le fleuve entre Québec et Lévis 3 . Pour la réalisation de l’événement, comme on ne pourra pas compter sur le soutien financier de la Ville, Louis Paré demande l’aide de l’Office provincial du tourisme.

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Il va sans dire, avoue-t-il, que l ’ organisation du Carnaval occasionnera nécessairement des déboursés assez considérables. Nous nous proposons de faire appel aux maisons d ’ affaires et de recueillir des fonds par d ’ autres moyens, telles la publication d ’ un programme-souvenir et l’organisation de quelques spectacles payants au Colisée. Toutefois, nous ne croyons pas que cela soit suffisant, loin de là, c ’ est pourquoi, au nom du Comité du Carnaval, je viens respectueusement solliciter du Gouvernement de la Province un octroi de 10 000 $. Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir étudier la chose et de me faire connaître votre réaction aussitôt que possible. Je répète ici ce que je vous ai déjà dit verbalement : nous préférons pour la première année en faire un modeste succès plutôt qu ’ un grand fiasco. C ’ est pourquoi le nombre et l ’ ampleur des démonstrations ou attractions seront proportionnés à nos ressources financières 4. Georges Léveillé, de l’Office provincial du tourisme, ne fera connaître sa réponse que plusieurs semaines plus tard, à la mi-janvier 1952, et il n’offrira que 500$. Le 19 janvier, après une rencontre avec trois représentants du Club de courses de chiens (Quebec Sled Dog Club), Louis Paré lui répond:

Nous avons eu, hier, une réunion des membres de l ’ Office municipal du Tourisme au cours de laquelle il a été décidé que vu la saison avancée, il était maintenant trop tard pour organiser un carnaval de grande envergure, mais tout de même, dans le but de partir le mouvement, il a été décidé que pour cette année le Comité du carnaval limiterait ses activités à faire revivre le Dog Derby international qui était couru chaque année à Québec avant la guerre, et qui n ’ a jamais été couru depuis. Notre Comité est d ’ avis que l ’ organisation d ’ un tel derby atti-

rera certainement des foules considérables de visiteurs à Québec à cette occasion et même si cette année, le nombre de visiteurs étrangers est plutôt restreint, le seul fait que la course aura lieu nous vaudra une certaine réclame dans les journaux étrangers et cette réclame nous portera fruit dès l ’ an prochain 5 . Le comité du Carnaval décide d’aller de l’avant. Enregistré en Cour supérieure sous le nom de Quebec International Dog Derby ou Course Internationale de Chiens de Québec, l’événement, comprenant une course de 100 milles [160 kilomètres] en trois étapes, se tiendra les 22, 23 et 24 février. Le 6 février, patatras! le roi George VI meurt à son château de Sandringham, en Angleterre. Ce décès vient sauver le comité du Carnaval qui, la journée même, devant la difficulté de récolter des fonds, avait décidé de «suspendre toute organisation pour cette année»6. Le lendemain, le comité publie le communiqué suivant:

Par respect pour la mort de Sa Majesté le Roi George VI, la Course Internationale de chiens qui devait être disputée à Ottawa aujourd ’ hui, demain et samedi a été remise indéfiniment. On croit que la course sera disputée après les funérailles du défunt souverain, probablement les 21, 22 et 23 février, dates que le Comité du Carnaval de Québec avait déjà choisies pour le Derby de Québec. Dès la fin de l ’ été 1952, le Comité se remettra de nouveau au travail et étudiera la possibilité d ’ incorporer le Dog Derby à d’autres manifestations dont l’ensemble constituera un carnaval d ’ hiver complet 7 . La déception des pionniers sans doute bien grande, on mettra plus de deux ans avant de voir renaître l’idée d’un carnaval à Québec. À l’hiver 1953, le temps d’une fin de semaine, les 31 janvier et 1er février, on observera les paroissiens du quartier Saint-Sacrement fêter leur festival d’hiver.

4. Ibid. 5. Lettre de Louis Paré à Georges Léveillé, 19 janvier 1952. 6. Extrait du compte-rendu de la réunion des membres du comité du Carnaval, tenue au bureau de l’Office municipal du tourisme le 6 février 1952. 7. Comité du Carnaval, 7 février 1952, Fonds du Carnaval, Archives de la Ville de Québec.

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Les fondateurs du Carnaval, bien emmitouflés, portent fièrement la ceinture fléchée, alors qu’il neige sur Québec. Louis-Philippe Plamondon au centre, Wilbrod Bherer à sa droite et Louis Paré à sa gauche. De toutes les images contenues dans le présent livre, assurément l’essentielle. 20

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Parmi trois candidates, une reine est élue, celle dont les loyaux sujets ont vendu le plus grand nombre de tag-day. Le samedi, tout le festival se passe sur la patinoire de l’Œuvre des terrains de jeux, où il y a courses, parties de ballon, matchs de hockey et compétitions de patinage artistique. En matinée, le jeune hockeyeur Jean Béliveau honore l’événement de sa présence. Le lendemain, dimanche après-midi, 16 attelages de chiens participent à une course de 10 milles [16 kilomètres] dans les limites de la paroisse. Le soir, après la mascarade sur la patinoire, 350 personnes assistent au banquet de clôture à la salle paroissiale. Le groupe Les Huit de Cœur, le jongleur Bob Nickel et les deux frères acrobates Boiteau amusent les convives. Cela dit, l’idée d’un carnaval à Québec n’est pas morte. Au printemps 1954, Louis-Philippe Plamondon, propriétaire du restaurant Kerhulu et du Manoir Saint-Castin, à Lac-Beauport, invite quelques hommes d’affaires «autour d’une table chez Kerhulu», côte de la Fabrique. Assistent à la rencontre l’avocat Wilbrod Bherer, président de la Gare centrale d’autobus, Roger Vézina, directeur général de la Chambre de commerce de Québec, Charles Dumais, président de Dumais ltée, et Louis Paré, de l’Office municipal du tourisme. On accepte l’idée d’un regroupement de gens d’affaires autour du thème de la promotion touristique de Québec. Les 15 et 21 juillet, une trentaine d’hommes d’affaires8, en assemblée plénière, forment un comité consultatif provisoire en vue de promouvoir le tourisme dans la région de Québec. On tombe vite d’accord pour «qu’un programme de promotion collective soit mis à exécution le plus tôt possible» et que cette promotion «soit accompagnée d’un ou deux événements annuels importants susceptibles d’attirer de nombreux visiteurs, prolonger le séjour des touristes et la saison touristique et nous valoir une profitable publicité à l’étranger»9.

Le 24 septembre, à l’occasion d’une nouvelle réunion au Cercle universitaire, rue D’Auteuil, le comité consultatif provisoire conclut «que pour l’avenir immédiat il y aurait lieu de ressusciter, sous une forme quelconque, la tenue d’un carnaval d’hiver qui pourrait s’intégrer d’une façon quelconque dans le programme du bonspiel international». Selon l’assemblée qui promet de coopérer pleinement avec l’Office municipal du tourisme pour assurer le succès de l’événement, «l’organisation d’un carnaval d’hiver constituerait l’événement le plus populaire et, à la condition d’être bien préparé et annoncé, le plus susceptible d’attirer vers Québec le tourisme d’hiver». Et, à l’unanimité, on confie la présidence du Carnaval au gérant du journal Le Soleil, A.-F. Mercier. Un mois plus tard, le 26 octobre, Louis Paré et Louis-Philippe Plamondon déposent un document d’une dizaine de pages, constituant une véritable charte du Carnaval10. En voici quelques extraits:

Un carnaval d’hiver de l’importance de ceux que Québec a connus dans le passé augmentera le commerce touristique d’hiver et animera dans une période relativement calme le commerce de détail local, tout en distrayant la population d ’ une façon saine et agréable. Pour réussir un carnaval d ’ hiver d ’ importance et lui donner un caractère de masse, il nous faut intéresser toute la population de Québec et de la banlieue par une série d’événements et de démonstrations qui permettront à la population tout entière de participer activement tant à l ’ exécution du programme qu’au financement […] Le Carnaval, pour y donner sa signification précise, est cette période de réjouissances qui s ’ étend du jour des Rois au Mardi Gras. Ainsi ce sera donc durant cette période que tous nos efforts seront concentrés […]

8. À ces rencontres présidées par Wilbrod Bherer, on trouve A.-P. Bibeault, du Canadien National, Georges Carrier, du Québec Travel Bureau, Jean Champoux, président de l’Association des marchands détaillants, J.-A. Chaumette, du Syndicat de Québec, J.-P. Clavet, de Québec Power, J.-Roland Côté, de la Brasserie Dow, H.-E. Dansereau, de Trans-Canada Air Lines, Gilles Desroches, de Desroches & Power, André-J. Dolbec, président de la Chambre de commerce de Québec, Charles Dumais, président de Dumas ltée, Eugène Gauthier, surintendant du Canadien National, George-J. Jessop, gérant du Château Frontenac, Léopold Jobin, de la Compagnie Paquet, J.-W. Kiely, de Maurice Pollack ltée, R. Leclerc, de la Porte Saint-Jean, Jos Morency, président de l’Association des hôteliers de la Province de Québec, Donald Simons, de Simons & Co., Louis Paré, directeur de l’Office municipal du tourisme, C.E. Parrot, représentant de Oscar Gilbert, président du Soleil, Louis-Philippe Plamondon, de Kerhulu et du Manoir Saint-Castin, Paul-H. Plamondon, ex-président de la Chambre de commerce et de l’Association des marchands détaillants. 9. Communiqué de presse de la Chambre de commerce de Québec, 22 juillet 1954. 10. Ce document fondateur a pour titre Un carnaval d’hiver à Québec. Janvier-février 1955. Projet d’organisation et programme.

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à donner une ambiance de fête à la ville en autant que les gens le porteront et il attirera l’attention des visiteurs. Mais Bonhomme Carnaval sera plus qu’une effigie.

Ces gens derrière les barreaux ne portaient donc pas l’effigie!

Plamondon et Paré prévoient financer le projet avec des contributions du gouvernement du Québec et des gens d’affaires, des spectacles payants, et ils ajoutent: «Le Comité se propose également de se procurer des fonds par l’organisation d’un concours de popularité pour l’élection de la reine du Carnaval et la vente d’un tag symbole.»

La naissance de Bonhomme Carnaval Dans cette charte carnavalesque, la grande nouveauté est celle de Bonhomme Carnaval. 11. On comprend qu’on emploie ici le mot symbole en lieu et place d’effigie. 12. Wilbrod Bherer affirme: «Louis-Philippe [Plamondon] était plein d’imagination. C’est lui qui a eu l’idée du Bonhomme Carnaval.» Voir Marie-Lise Gingras, Wilbrod Bherer. Un grand Québécois. 1905-1998, Sillery, Éditions du Septentrion, 2001, p. 294. Pierre Tremblay nous confirme que l’idée était bien de Plamondon.

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Nous avons pensé donner au Carnaval de Québec, comme symbole, un bonhomme de neige qu’on appellera Bonhomme Carnaval… Le symbole sera donné en échange d’un livret de bulletins de votesouscription que nous avons l’intention de vendre à 1,00 $11. Il aura une valeur pour chaque détenteur puisqu’il sera exigé à l’entrée du Colisée lors de la grande fermeture le Mardi-Gras au soir, 22 février, et donnera droit de participation au tirage d’un grand prix de présence. Il donnera en plus des privilèges d’admission à certains spectacles, courses, ou autres démonstrations. Bref, il aidera

Le Bonhomme Carnaval [ajoute-t-on] ne sera pas seulement un symbole, mais un personnage vivant qui apparaîtra à Québec le jour des Rois et qui, personnellement, tiendra la population au courant des événements qui se produiront durant la célébration du Carnaval. Il donnera ses ordres à la population, en un mot, il sera le véritable animateur du Carnaval… Il recommandera la disparition immédiate de tous les arbres de Noël dans la ville et la banlieue et suggérera de les remplacer par des bonhommes de neige ou toute autre construction carnavalesque en glace ou en neige, ce qui donnera lieu à des concours appropriés12… Et, à Québec, on aimera ce bonhomme de neige qu’on voulait dès le départ respectable; on en prendra soin. Si, en Europe, celui qui porte ce nom est un personnage grotesque fabriqué annuellement par la communauté locale, un être de paille inanimé qu’à la fin on s’empresse de brûler sur un bûcher ou de noyer dans la rivière, au nord de l’Amérique il sera plutôt une présence attachante qu’on n’imaginera jamais faire disparaître, autrement que pour quelques mois, le temps que les jours froids reviennent. Cela dit, disposant de deux prisons, de deux cages à barreaux, l’une place D’Youville, où on construit le Palais de glace, et l’autre place Jacques-Cartier, Bonhomme Carnaval pourra mettre sous arrêt, pour cinq à dix minutes, toute personne qui se promènera sans faire montre de l’esprit du Carnaval. Et le meilleur moyen d’éviter l’arrestation sera de porter l’effigie ou encore de s’habiller soit avec une casquette de ski, des bottes de ski, ceinture fléchée, une tuque…

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Le voilà donc pour la toute première fois, ce personnage attendu, Bonhomme Carnaval lui-même, saluant la foule à la porte Saint-Louis.

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Pour la première fois, comme toujours depuis, le maire de Québec remet les clefs de la ville à Bonhomme Carnaval.

Char allégorique: véhicule motorisé ou tracté conçu et décoré spécialement pour faire partie d’un défilé carnavalesque ou d’une autre fête populaire. Habituellement, les chars allégoriques représentent une thématique de fête et sont décorés d’éléments symboliques (personnages allégoriques ou historiques, animaux mythiques, représentations légendaires, etc.). Aujourd’hui, le dernier char allégorique d’un défilé du Carnaval de Québec est celui qui est le plus attendu par la foule, car c’est le char sur lequel Bonhomme apparaît pour saluer les gens. On trouve aussi les termes plus génériques char de Carnaval ou simplement char. Source: OQLF

13. Procès-verbal d’une assemblée des directeurs du comité de publicité, 17 novembre 1954. Sont présents à cette réunion Georges Côté, Thomas Fortin, Gustave Garant et Sarto Kirouac. 14. Ce sont les reines des Curlers (Estelle Côté), des Employés civils (Gisèle Poulin), des Étudiants de l’Université Laval (Roberte Dufour), des Raquetteurs (Françoise Poirier), des Skieurs (Marthe Grenier), du Jeune Commerce (Patricia Lewin) et du Junior Board of Trade (Nancy Lee Petersen). Chaque reine est nommée par l’un de ces groupes ou l’une de ces associations. 15. Le Soleil, 27 janvier 1955.

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Le 17 novembre, le comité de publicité du Carnaval se réunit au magasin le Syndicat de Québec «pour déterminer la tête du Bonhomme Carnaval, travail très important, dit-on, car c’est là le point de départ de toute l’organisation de la publicité et de la décoration […] Après discussion, tous les membres du comité sont d’accord pour un Bonhomme typiquement Québécois, habillé d’une tuque et d’une ceinture fléchée13.» Le travail continue. Au cours du mois de décembre, on couronne sept reines, dont l’une deviendra reine du Carnaval14. Le comité de décoration lance un appel aux artistes de Québec pour obtenir des croquis de chars allégoriques sur le thème de chansons et légendes canadiennes. Deux semaines plus tard, on dispose déjà de 21 esquisses. Pour stimuler la créativité des commerçants, on organise un concours de vitrines. On demande à l’héraldiste

Maurice Brodeur, créateur des nouvelles armoiries de la Cité de Québec adoptées en 1949, de concevoir la couronne et le sceptre de la reine du Carnaval. «La couronne symbolise la glorification de l’hiver, ses éléments naturels, ses paysages, de même que les sports, les monuments et les réjouissances populaires du Carnaval15…» Le sceptre, sur lequel apparaissent trois anneaux enrichis de pierres, porte à sa tête une grande étoile rayonnante, montée de deux grosses pierres, insérée dans un cercle brillant, entourée de six étoiles figurant les princesses royales. Puis vient le grand jour, tant attendu. Le dimanche 9 janvier, en après-midi, un peu passé deux heures, voici Bonhomme Carnaval lui-même à la porte Saint-Louis, monté sur un char, entouré des sept candidates au titre de reine du Carnaval. Devant des milliers de personnes, le maire Wilfrid Hamel lui remet les clefs de la ville. Alors, pour la toute

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On travaille ferme au sceptre et à la couronne de la reine du Carnaval.

première fois, on entend la voix de Bonhomme qui remercie le maire de son accueil et propose à la population des semaines de réjouissance. Par la suite, toujours sur son char, il se rend en gloire à l’hôtel de ville signer le livre d’or de la Ville, honneur généralement réservé aux personnalités de passage à Québec. «Par ce geste, les autorités municipales veulent démontrer qu’elles endossent les initiatives prises par les organisateurs du Carnaval d’hiver de Québec et qu’elles invitent toute la population à y participer activement16.» On promène ensuite Bonhomme Carnaval dans les rues du Vieux-Québec, du faubourg Saint-Jean, des quartiers Montcalm, Saint-Sacrement, Saint-Sauveur, Saint-Roch et Limoilou. Malgré le froid vif, partout il y a foule, car on veut voir cette figure nouvelle à Québec. Partout on l’applaudit, et il invite à fêter.

Trois semaines de pré-Carnaval L’arrivée à Québec de Bonhomme Carnaval marque l’ouverture du pré-Carnaval. Ces trois semaines avant le véritable carnaval servent à mettre la population dans l’ambiance de l’événement à venir. On encourage la construction de bonshommes de neige et de monuments de glace et de neige, et les gens s’en donnent à cœur joie, d’autant plus qu’il neige abondamment depuis le début de l’année. Le comité des monuments en est fort heureux. «Partout de nombreux monuments surgissent qui provoquent l’émerveillement de la population de Québec et des visiteurs. Ces monuments constituent le meilleur actif publicitaire qui soit pour Québec17.» D’ailleurs, un

16. Communiqué de presse du Carnaval d’hiver de Québec, 8 janvier 1955. 17. Le Soleil, 26 janvier 1955.

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Quelques-uns des fort beaux monuments de glace du premier Carnaval.

18. Ibid. 19. Ibid., 14 janvier 1955. 20. Ce n’est qu’en 1963 que la côte De Salaberry est entièrement ouverte à la circulation automobile en hiver.

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jury formé de l’urbaniste Édouard Fiset, du conservateur du Musée du Québec, Gérard Morisset, et du directeur de l’École des beaux-arts, JeanBaptiste Soucy, aura le mandat de se promener dans les rues des 28 municipalités du «grand Québec» pour juger de la qualité des monuments. «Pour l’attribution des points, les juges tiendront compte de l’apparence générale, du fini, de l’originalité dans la présentation et le choix des sujets et de l’éclairage des monuments, s’il y a lieu18.»

À des prix réduits, les restaurants de la région, en particulier ceux du Vieux-Québec, offrent ce qu’ils appellent le Carnaval gastronomique. On propose également à la population des événements hauts en couleur. Le soir du 13 janvier, par exemple, les sept clubs de raquetteurs de la région participent à un grand défilé dans leurs costumes pittoresques. «Parmi les particularités qui distinguent agréablement notre vie québécoise, relate un journaliste du Soleil, il y a ces régiments pacifiques et joyeux, chaussés de mocassins, coiffés de tuques et portant sur leur pèlerine d’étoffe une ceinture de laine: tout ça dans les couleurs les plus attrayantes. Ce sont les successeurs et les héritiers des porteurs de raquettes qui jadis parcouraient les bois et les campagnes en marchant sur la neige. Le costume dont ils sont aujourd’hui revêtus rappelle, dans leur fière intention, les patriotes de 3719.» Le dimanche 16 janvier, après avoir lancé un appel à la population, on rassemble sur les Plaines, en face de la terrasse Grey, tous les arbres de Noël ayant servi de décoration dans le temps des Fêtes. Sitôt la nuit tombée, on met le feu à cet immense bûcher. Le 18 janvier, voilà la fête de nuit des skieurs au club Mont-Saint-Castin, à Lac-Beauport. Le samedi 22 janvier, en après-midi, il y a concours de slalom pour jeunes et moins jeunes dans la côte De Salaberry20. Enfin, du 28 au 30 janvier, se tient le Championnat mondial de course d’attelages de chiens, course de 100 milles [160 kilomètres] remportée par le meneur de chiens Narcisse Dompierre. Cela dit, la période précarnavalesque de trois semaines permet aussi aux groupes de curlers, d’employés civils, d’étudiants de l’Université Laval, de raquetteurs, de skieurs, ceux aussi du Jeune Commerce et du Junior Board of Trade de mousser la candidature de leurs reines par la vente de billets. Celle dont l’équipe vendra le plus de billets sera proclamée reine du Carnaval de Québec. Et la première

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On se rend en gloire à l’hôtel de ville signer le livre d’or.

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dorée et argentée, Gisèle Poulin une grande valse et un joyeux quadrille canadien, et Roberte Dufour un authentique menuet de la Cour. Alors, puisque c’est là le but de la fête, on rend public le résultat de la vente de billets pour l’élection de la reine. Sans doute fortement aidés par les joueurs de curling étrangers venus participer au grand bonspiel international, on annonce que les curlers de Québec se sont montrés les plus convaincants. Et leur reine, Estelle Côté, est proclamée la première reine du Carnaval de Québec! Avec beaucoup de précaution, Bonhomme la couronne et lui remet son sceptre. Le règne durera jusqu’au Mardi gras.

La célèbre chanson du Carnaval

Bonhomme Carnaval en compagnie des sept candidates au titre de reine du Carnaval.

édition du Carnaval s’ouvre officiellement le mardi soir, 1er février, par la soirée de couronnement de cette reine à l’occasion d’un grand spectacle au Colisée de Québec. Le maître de cérémonie Magella Alain annonce l’entrée des reines sur le plateau. Bien sûr, Bonhomme Carnaval les précède à la grande joie de la foule. Puis vient chacune des jeunes femmes. Françoise Poirier, comme l’indique le programme, a préparé un mini-spectacle hivernal, Patricia Lewin fait son entrée avec de gracieuses ballerines, Marthe Grenier s’amène avec ses girls dans un boogie exotique, un bataillon écossais accompagne Estelle Côté, Nancy Lee Petersen a prévu une cour

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Place maintenant au spectacle de la reine. Un spectacle varié s’il en est. Le musicien Germain Gosselin dirige l’orchestre et le chœur. Magella Alain présente les invités, les uns après les autres. Le mime Danny Grayson, le sensationnel Randy, l’accordéoniste Fritz Tschannen, le trio Dusky et la troupe d’équilibristes Hungaria. Des voix d’ici également, le ténor Lucien Ruelland, de même que ces jeunes vedettes de variétés, spécialistes tout autant du folklore canadien que de la chansonnette française, Les Collégiens Troubadours. Puis vient la chanteuse Pierrette Roy qui fait un malheur en interprétant pour la toute première fois et avec grand entrain La Chanson du Carnaval. Ah, je vous prédis, qu’en lisant les paroles, vous commencerez à la chanter, cette Chanson du Carnaval, autrement appelée Carnaval, Mardi gras, Carnaval. Dans Internet, même les journalistes de langue anglaise, du Canada, des États-Unis, de Grande-Bretagne, venus à Québec au moment du Carnaval, ne manquent pas de rappeler que partout on entend La Chanson du Carnaval.

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La Chanson du Carnaval Arrêtons-nous à cette chanson fondatrice que tous ont toujours en tête, encore aujourd’hui, sitôt évoqué le Carnaval de Québec. Elle a pour refrain :

Carnaval, Mardi gras, Carnaval À Québec c’est tout un festival Carnaval, Mardi gras, Carnaval Chantons tous le joyeux Carnaval Et pour couplets :

À Québec ça commence royalement Par le grand et joyeux déploiement Des tambours, des trompettes, des brillants Que l’on voit dans les vrais couronnements Des hauteurs de Québec ou de Lévis En passant par Sainte-Foy ou Sillery Oubliant de la vie les soucis Chacun vote pour sa reine sans répit Nos belles filles vaillamment se disputent Le royaume de Québec et ses buttes Fin janvier on met fin à cette lutte En jouant pour l’élue de la flûte

En tous lieux dans la neige ou la glace Les parents, les enfants mettent en place Monuments et bonshommes à deux faces Qui font rire les passants jusqu’en mars

Jour de l’An, jour des Rois célébrés Un bonhomme nous arrive déguisé On lui donne de la ville toutes les clés Et on fait de son portrait un tag-day

Qu’il s’agisse de patins ou de gourets On pratique tous les sports sans arrêt Pour les uns la raquette n’a de secrets Pour les autres c’est le ski ou le balai

En l’honneur du Bonhomme Carnaval Chacun fait des tas de choses peu banales C’est ainsi que des femmes pour un bal Vieux corsets à baleines nous déballent

Courses de chiens ou de singes ouistitis Des canots dans la glace engloutis Des coursiers en cutters mal conduits À Québec, on voit tout sapristi

À Québec grandes soirées nous donnons Dans les rues en parade nous marchons Travestis dans des clubs nous dansons Fêtes de nuit sur les murs nous voyons

Championnats ou galas de Mardi gras En plein air nous prenons nos ébats Et voyons de partout le Canada Accourir pour chanter gai lon la

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Roger Vézina21, à l’époque directeur général de la Chambre de commerce de Québec, un des organisateurs de cette première édition du Carnaval de Québec, nous raconte l’histoire de La Chanson du Carnaval. « L’idée n’était venue à aucun des membres de l’Exécutif, y compris l’auteur des paroles, de créer, dès la première année, une chanson officielle et de voter les deniers nécessaires à son enregistrement et à son lancement. Avant de consacrer le Carnaval et son succès par une chanson, n’était-il pas logique que nous pensions d’abord à réussir une première expérience, ce dont nous n’étions nullement certains ? Nous en étions au stade préliminaire des couronnements individuels des candidates à la royauté du Carnaval, j’avais déjà composé quatre discours du Trône et la harangue inaugurale du Bonhomme Carnaval, lorsque la charmante et tenace Pierrette Roy me mit résolument en tête d’écrire les paroles d’une chanson pour le Carnaval. Ma première réaction fut, sinon d’hostilité, du moins de surprise amusante et amusée. Dès le premier abord, je fis comprendre à Pierrette que l’idée d’une chanson était excellente, mais pour la composition, il valait mieux pour elle de ne pas perdre son temps et s’adresser ailleurs, à un professionnel de la plume.

21. Roger Vézina est le fils du compositeur et chef d’orchestre Joseph Vézina qui, au Carnaval de 1894, dirigeait le 1er février, au Manège militaire, le grand concert des raquetteurs de la région de Québec devant 5000 personnes. 22. Roger Vézina, «L’histoire d’une chanson», Concorde, janvier 1956, p. 18.

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«Me croyant affranchi par cette réponse, je ne pouvais pas soupçonner que Pierrette reviendrait résolument à la charge quelques jours plus tard. Les discours du Trône et la harangue du Bonhomme lui avaient plu et elle me faisait un reproche de ne pas lui donner sa chanson, et un devoir de m’exécuter sans délai. Ma femme, qui porte le même prénom tenace, se mêla de la partie et l’affaire se gâta… J’en vins à la conclusion que je perdrais moins de temps à faire un louable essai qu’à me défendre indéfiniment contre une offensive concertée et très bien calculée.

«Dès le lendemain, j’accouchais donc d’une première version qui n’est jamais allée plus loin que la maison. Ce premier texte avait le défaut d’accorder une trop grande importance aux candidates et organisations qui s’affrontaient pour l’élection de la reine au détriment du Carnaval lui-même, de son ambiance et de son climat. Au bout de quelques jours sur le métier, je remettais mon ouvrage et les sept quatrains destinés à Estelle, Françoise, Patricia, Nancy Lee, Marthe, Roberte et Gisèle prenaient la direction du panier. Entre-temps, j’entreprenais des démarches auprès d’André Mathieu. Celui-ci tardant à répondre, Pierrette Roy s’offrit à entreprendre des démarches auprès de Pierre Petel en qui elle avait une grande confiance. Histoire de faire vite et sauver du temps, ma chanson reprise et terminée vers le 10 janvier, elle lui téléphona le refrain et le premier couplet. Quelques jours plus tard, des notes lui arrivaient sur un bout de papier. Il ne restait plus qu’à faire approuver, non seulement la chanson, mais surtout la dépense considérable que provoquerait son enregistrement sur disque. Pierrette mobilise une pianiste et me fredonne au téléphone la chanson. Enchanté de l’audition, j’établis le contact avec le président de l’Exécutif du Carnaval, M. Henri Béique. Même audition téléphonique, même réaction favorable de notre ami Béique qui me demande toutefois de sonder le marché. Les principaux marchands de disques ayant réagi favorablement, Henri Béique prend la responsabilité personnelle d’autoriser l’enregistrement. Aussitôt dit, aussitôt fait! Pierrette demande immédiatement à Germain Gosselin de préparer l’arrangement orchestral et le 20 janvier, sur la scène du Palais Montcalm, en présence d’une poignée d’intimes dont Saint-Georges Côté, Pierrette Roy, quatorze musiciens et une trentaine de chanteurs de la Colline sous la direction de Germain Gosselin créent, mettent au monde une chanson qui, en moins de quelques jours, deviendra le refrain le plus populaire et le plus chanté dans tout et par tout Québec… Comme le Carnaval, la Chanson traduit la saine philosophie, l’esprit français, le sens de l’humour, le bon moral et la franche jovialité d’un peuple qui, même en hiver, sait se distraire, se dérider et voir la vie en rose22.»

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Le Palais de glace en 1955.

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La course en canots renaît La reine Estelle Côté, la première des reines.

23. Le Soleil, 18 février 1955. 24. Boucher s’assure de la collaboration de l’ethnologue Madeleine Doyon, des Archives de folklore de l’Université Laval, et de Jean-Baptiste Soucy, directeur de l’École des beaux-arts.

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Quoi qu’il en soit, voilà le Carnaval lancé avec le couronnement de la reine. Le samedi soir, 5 février, la Basse-Ville accueille le défilé aux flambeaux. Plus de 2500 figurants, la plupart portant des torches enflammées ou des pièces pyrotechniques, partent du carré Parent, empruntent les rues Saint-Paul puis Saint-Joseph, tournent à la rue de la Couronne, traversent le pont Drouin, filent sur la 4e Rue et la 3e Avenue jusqu’à la 18e Rue, où se fait la dispersion. Gérard Girard, chef adjoint de la police de Québec, estime à 150000 le nombre de spectateurs présents23. Le vendredi soir, 18 février, les clubs sociaux de la région organisent au Château Frontenac le Bal des légendes canadiennes et des revenants. Celui-ci débute par la présentation des revenants à la reine du Carnaval. Suit un spectacle mettant en vedette une cinquantaine de membres de clubs sociaux, ayant pour thème sept légendes canadiennes: Les Sorciers de l’île d’Orléans, La Corriveau, Le Loup-Garou, La Gangou, La tête qui roule, La Braillard de la Madeleine et Rose Latulippe. On a confié la réalisation au comédien et metteur en scène Pierre Boucher24. Après le spectacle, Bonhomme Carnaval et la Reine ouvrent le bal proprement dit.

Le dimanche 20 février, en après-midi, après une interruption de près de 25 ans, le Carnaval de Québec remet à l’honneur la course en canots entre Québec et Lévis. Dix-huit équipes de canotiers, partis du bassin Louise, doivent traverser le fleuve, aller toucher le quai de Lévis, puis revenir à leur lieu de départ. En 22 minutes, les cinq frères Lachance l’emportent.

L ’ équipe gagnante, raconte Le Soleil, commanditée par la cité de Montmagny, est composée de cinq membres de la même famille dont Liguori Lachance, âgé de 42 ans, agissait comme pilote. Ses frères Joseph fils, 34 ans, Euchère, 31 ans, Jean-Marc, 26 ans, et Paul, 22 ans, formaient l’équipe de rameurs. Les Lachance, une famille de seize enfants dont le père Joseph a déjà participé à cette fameuse course à travers les glaces lors des derniers concours du genre en 1930 et 1931, sont les seuls habitants de l’île aux Canots. Cette île est située au nord de la Grosse-Île, vis-à-vis de la ville de Montmagny, à 30 milles en aval de la Vieille Capitale. Comme entraînement, les frères Lachance effectuent l’hiver durant, trois fois par semaine, la distance entre l ’ île aux Canots et Montmagny où ils se ravitaillent. Cette course à travers les glaces n ’ a donc rien de nouveau pour eux, qui éprouvent des difficultés sans nombre au cours de leurs nombreuses excursions vers Montmagny. [Si les Lachance ont eu la partie belle, d ’ autres en ont arraché.]

C ’ est principalement sur le chemin du retour que les rameurs ont éprouvé de grandes difficultés. Les plus rapides concurrents ont profité du passage du brise-glace N.B. McLean et du bateau-passeur Cité de Québec pour naviguer dans leur sillage. Cependant de

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gigantesques bancs de glace suivant le courant et longeant les quais de Québec ont entraîné avec eux plusieurs concurrents qui n ’ ont pu revenir de ce fait au point de départ, à l ’ intérieur du bassin Louise, et ont été disqualifiés. Seule l ’ équipe de la Cire Succès a finalement vaincu les éléments pour revenir finalement 48 minutes et 50 secondes après avoir accepté le signal du départ. C ’ est la dernière équipe à figurer sur le rapport officiel. L ’ équipe de la Brasserie Brading a abandonné en face du Restaurant Riviera lorsque leur canot a été coincé entre deux blocs de glace et a commencé à faire eau. On rapporte que l ’ équipe du populaire StGeorges Côté serait celle qui a éprouvé le plus de difficultés et, à un certain moment, on a songé à envoyer le brise-glace N. B. McLean à la rescousse 25 . À consulter le palmarès de cette course, on se rend compte que les sept premières équipes proviennent d’îles situées en aval de Québec, soit quatre de l’île aux Coudres, une de Grosse-Île, une autre de l’île aux Grues et les Lachance de l’île aux Canots. Cela s’explique. Comme pour les Lachance, les six autres équipes ont une longue expérience des canots à glace. Dans cette région du Saint-Laurent, alors que jamais ne se formait un pont de glace, il fallait bien un groupe d’hommes prêts à ce travail pour permettre aux insulaires de quitter leur île en hiver et en revenir. Originaire de Charlevoix, Jean Desgagnés a chanté ce métier de canotier à l’île aux Coudres, «où chacun des gestes de la traversée est dicté par une économie établie par une tradition de trois siècles»26. Le lisant, on reconnaît bien les canotiers du Carnaval.

Souvent, ayant en vain cherché les cours d’eau27, on doit, au prix d’efforts épuisants, haler

le canot dans le frasil. Les traverseux débarquent et, sautant de glaçon en glaçon, dans l’eau

jusqu ’ aux genoux, parfois jusqu ’ à la ceinture, s’appliquent à faire progresser le canot. La règle est de ne jamais laisser la serre, de se soutenir sur le canot en attendant quelque débris qui ne s’affaisse point, de sauter à l ’intérieur lorsqu’il ne s’en présente pas. On s’imagine difficilement la souplesse et la force exigées par cet exercice assez voisin de la danse. Lorsqu’il ne se trouve plus de glaçon où poser le pied, on procède à une manœuvre dont le but est d ’ empêcher l ’ embarcation de rester en place, de “ coller ” ; tout en avironnant, on communique un mouvement de roulis au canot, on “ roule ” parfois si fort que l ’ eau embarque. Les commandements sont simples et se succèdent rapidement : j “en haut toute !” j “un p ’ tit peu en haut !” j “en bas toute !” j “un p ’ tit peu en bas !” j “pas trop carré !” j “en roulant ensemble !” j “un p ’ tit coup sur les avirons !” Et il faut bien s ’ encourager : j “toffez ! on arrive !” j “ça s ’ coupe !” dit soudain l ’ homme d ’ avant qui constitue la vigie. Et tout le monde d’avironner. Ils ont de savoureuses expressions28. Tous les canotiers rentrés à bon port, il ne reste plus que deux jours de fête maintenant, le Lundi gras et le Mardi gras. Le lundi, alors que le jury des monuments de neige et de glace achève de parcourir les rues de la région pour faire le choix des plus beaux, la population, elle, se prépare à la grande journée du lendemain. Les autorités du Carnaval le lui ont d’ailleurs demandé.

25. Ibid. 26. Jean Desgagnés, «Traversée de l’Île-aux-Coudres en hiver», Revue de l’Université Laval, no 6, 1951-1952, p. 540. 27. Chemin d’eau claire entre les banquises. 28. Jean Desgagnés, op. cit., p. 539 et suiv.

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Mardi-gras: personne déguisée pour le carnaval. Le terme désigne aussi le dernier jour gras qui précède le carême, en l’occurrence le dernier jour du carnaval où l’on fait bombance et où l’on fête joyeusement dans plusieurs pays. Source: OQLF

29. Le Soleil, 18 février 1955.

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Costumez-vous, habillez-vous en mardi-gras pour participer à la grande parade de demain, plus imposante encore que celle du début du mois ! Ceux qui voudront prendre part à la parade en travesti sont avertis d ’ être chaussés et préparés à une marche assez longue. Ils devront se rendre au lieu de ralliement [à la croix du Sacrifice] pour deux heures et ils seront libérés après cinq heures boulevard de l ’ Entente où le démembrement de la parade aura lieu en face de l ’ École des Mines. Des mesures ont été prises pour qu ’ il n ’ y ait pas de retard dans la marche de la parade dont le départ a été fixé à 2 heures 30 précises. On s’attend qu’elle arrive place d’Youville vers trois heures 15, à la jonction St-Cyrille et Des Érables un peu après quatre heures et au boulevard de l ’ Entente vers 5 h 15 29 . Le conseil municipal de Québec a demandé aux maisons d’affaires de fermer leurs portes à midi pour permettre aux employés de participer à la fête, et les grands magasins l’écouteront. Deux des chars du défilé du Mardi gras.

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Un défi bel et bien relevé Et vient le grand jour. Un épais brouillard enveloppe la ville. En début d’après-midi, des milliers de personnes gagnent la croix du Sacrifice. Jamais Québec n’a connu de scène aussi colorée. Un peu à l’écart, patients, hochant légèrement la tête à l’occasion, se tiennent huit magnifiques chevaux de la Gendarmerie royale montés par des policiers. Ils ouvriront le défilé. Les raquetteurs sont à l’heure, on reconnaît bien chacun des clubs à ses couleurs distinctives. Sur les Plaines, on a placé à la queue leu leu les 23 chars allégoriques dans l’ordre où ils défileront. On s’étire le cou pour tenter d’apercevoir Bonhomme Carnaval, la reine et les princesses. Les enfants sont médusés devant tous ces bouffons au long cou, à la tête en carton-pâte. Les organisateurs, fébriles, passent d’un groupe à l’autre. On demande à tous les mardi-gras de se tenir pour l’instant à l’écart, car ils fermeront la marche. Tout le monde rit. Soudain, un tonnerre d’applaudissements accueille Bonhomme qui monte dans son char, le premier de tous. L’heure serait donc venue.

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On invite les cavaliers de la Gendarmerie royale à se placer sous la porte Saint-Louis. Les suivront cinq motocyclistes de la police municipale, l’annonceur Saint-Georges Côté dans une décapotable, micro en main, souhaitant la bienvenue, trois portedrapeaux avec le fleurdelisé, sept raquetteurs avec leur drapeau distinctif. À deux heures et demie pile, le signal est donné et la cavalcade se met en marche en direction du Vieux-Québec. Il faut y aller rondement, il y a long à faire et on entend respecter l’horaire. Les chars s’amènent les uns après les autres, entrecoupés de groupes de marins du D’Iberville, du Montcalm et du Champlain, de raquetteurs, de bouffons, d’acrobates. Tous y sont, même les élèves de l’École des beaux-arts en habit de circonstance. Comme le défilé a pour thème les chansons et les légendes canadiennes, les chars illustrent notamment La Fée des glaces, La Chasse-galerie, Au Clair de la lune, Le fleuve Saint-Laurent refoule ses entraves, Les Sorciers de l’île, Le Soulier mou, C’est la mère Michel, J’ai du bon tabac et Meunier tu dors. Après la diligence dite du Carnaval, viennent trois décapotables dans lesquelles ont pris place les six princesses. La reine du Carnaval, Estelle Ire, gracieuse, entièrement de blanc vêtue, les suit dans son carrosse. Enfin toute la ribambelle de mardi-gras, haut lieu de la dissemblance, mais si joyeuse, ferme la marche.

extérieurs, les balcons et même les toits des maisons furent vite pris d ’assaut. Aux fenêtres – plusieurs étaient ouvertes – des têtes nombreuses et serrées se penchaient pour tout voir. Sur toutes les figures se lisaient la joie et l’esprit du carnaval. À l’éclatement des pétards lancés sur la chaussée se mêlait le bruit des crécelles et des petites trompettes. On chantait Carnaval, Mardi gras, Carnaval. Le long des rangs pressés s ’ élevait, souvent répétée, l’exclamation enthousiaste : C’est un vrai succès ! Et de jeunes gens, enhardis par l ’ ambiance, n ’ ont pas manqué de lancer des œillades et de taquiner de charmantes filles d ’ Ève. Lorsque huit gendarmes apparurent montés sur de magnifiques chevaux, annonçant le début de la parade, ils furent vigoureusement acclamés. Puis ce fut le défilé tel que prévu… Le joyeux Bonhomme Carnaval, sur son char, saluait généreusement la foule. Des chars allégoriques, on lançait des paquets de confettis et des rubans de papier. Puis on acclama les charmantes princesses… installées dans trois luxueux convertibles. Enfin et pour la dernière fois, S. M. Estelle Ire, dans son magnifique carrosse tiré par quatre chevaux, reçut l’ovation de ses sujets. Elle portait sa couronne et son sceptre et souriait gracieusement 30 .

Partout, sur le parcours, il y a foule. Le chef adjoint de la police municipale, Gérard Girard, l’évaluera à plus de 200000 personnes. On peut lire dans le journal du lendemain:

Il est cinq heures et demie en fin de journée, boulevard de l’Entente. Le grand défilé terminé, la reine et les princesses disparaissent. Bonhomme également. «Le jovial Bonhomme Carnaval rentre dans l’ombre: comme on l’a voulu. Il a su amuser la population avec esprit, sans verser dans le burlesque. Il laissera donc le plus beau souvenir31.»

La parade fut un succès sans précédent à Québec. Et… il y avait de l’atmosphère. Bien avant le commencement, des milliers de personnes s’étaient hâtées de prendre les meilleures places derrière les câbles qu ’ on avait tendus le long des trottoirs dans les rues choisies pour le défilé… On était venu de tous les coins de la ville et même des centres éloignés. Les escaliers

30. Maurice Laperrière, «Le Carnaval d’Hiver se termine dans la joie», ibid., 23 février 1955. 31. Ibid.

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La nuit en fête Mais le Mardi gras n’est pas terminé. Ce n’est qu’à minuit, en carême entrant, qu’il n’est plus permis de fêter. Le mot se passe donc, on se rend assister à la grande fête de nuit, il y a feu d’artifice à la citadelle. Alors, dès huit heures, on gagne les plaines d’Abraham.

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De tous côtés s’élevaient des chansons, des mots d ’ esprit, des blagues et des rires. Les travestis étaient nombreux et originaux. À 9 heures précises, les murs de la Citadelle s’illuminèrent. Durant plus de trois quarts d ’ heure et sans interruption, les feux multicolores se succédèrent au grand émerveillement de tous. Le dernier feu représentait le drapeau de Québec.

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Véritable galerie de mardi-gras au Carnaval de 1955.

Il est juste de dire que de mémoire d ’ homme on n ’ a rien vu de semblable à Québec. Dans les principales rues de la ville, d ’ où l ’ on pouvait également voir le feu d ’ artifice et entendre les coups de canons et les pétards de gros calibre, l ’ animation n ’ était pas moins grande et jusque vers minuit des centaines de citoyens se promenaient en travesti, manifestant bruyamment leur joie et leur esprit carnavalesque 32 . Minuit sonnant, il faut bien se rendre à l’évidence, le Carnaval est terminé. Au cours des jours qui suivent, on couvre d’éloges les organisateurs de l’événement, qui eux s’empressent de remercier la population de la région. Le quotidien Le Soleil, dans un éditorial intitulé «Bravo Québec!», souligne la collaboration du plus grand nombre:

Aussitôt que le projet fut formulé par un petit groupe de nos concitoyens, il a suscité le plus général empressement, la plus entière collaboration. Sociétés patriotiques et culturelles, organisations commerciales, clubs sociaux et sportifs, tout le monde se donna la main pour coopérer au succès de cette entreprise. Dans

toute la population, ce fut comme une traînée de poudre et l’on vit s’élever, partout dans la ville, des monuments de neige ou de glace et de belles décorations qui donnèrent à Québec un air de fête. C’est cette généreuse collaboration que nous tenons à souligner aujourd’hui et à citer en exemple33. L’éditorialiste du Soleil parle des monuments de neige et de glace du Carnaval. On se rappelle qu’il y avait un concours à ce sujet. Le 11 mars, le jury rend son jugement. Après avoir déploré que «plusieurs concurrents, qui auraient probablement mérité des prix et certainement des mentions honorables, n’ont pas rempli une des conditions du concours qui consistait à faire parvenir une photo de leurs monuments au Comité du Concours», celui-ci ajoute qu’il a eu «le loisir d’apprécier et juger quelque 200 monuments dont [il a] reçu les photographies. […] À [son] point de vue, dit-il encore, le concours des monuments, autant par l’enthousiasme qu’il a soulevé que par les œuvres vraiment artistiques et originales auxquelles il a donné lieu, constitue une des plus belles réussites du Carnaval d’Hiver 195534.»

32. Ibid. 33. Le Soleil, 23 février 1955. 34. Communiqué de presse du Carnaval de Québec, 11 mars 1955.

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Longtemps moyen de transport, l’hiver, dans les îles du Saint-Laurent en aval de Québec, le canot à glace est devenu au Carnaval de Québec le véhicule tout désigné pour une compétition spectaculaire.

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Quand donc neigera-t-il enfin? 1956

1. L’Action catholique, 28 janvier 1956. 2. Ibid. 3. Ibid.

«À cause de l’imbécillité, du manque d’éducation et d’esprit civique de jeunes écervelés qui ont voulu faire une farce plate, la population de Québec sera privée ce soir de la première réjouissance populaire de son carnaval d’hiver1.» Nous sommes le vendredi 27 janvier 1956. Roger Vézina, un des organisateurs du Carnaval, est en furie. Voilà des jours qu’on accumulait sur les plaines d’Abraham les arbres de Noël ayant servi de décoration dans le temps des Fêtes. On avait choisi d’ouvrir le Carnaval de cette année avec l’embrasement d’un bûcher comme il ne s’en était jamais vu. «Le bûcher, formé de centaines et de centaines de sapins, avait une hauteur de près de quarante pieds [douze mètres] et un double volume de celui érigé l’an dernier au même endroit2.» Des jeunes y sont passés, la veille, 24 heures avant le temps, et y ont mis le feu.

C ’ est vers les dix heures que les flammes furent découvertes. On fit venir les pompiers, mais on se rendit rapidement compte que toute lutte était inutile. Les curieux se sont rendus nombreux sur les Plaines d ’ Abraham pour contempler le spectacle gratuit. Ajoutons que l ’ incident a provoqué toutes sortes de commentaires, car on parlait depuis longtemps du feu qui devait marquer officiellement le début des réjouissances du carnaval. Les pompiers sont demeurés sur les lieux une partie de la nuit au cas où des étincelles auraient pu être transportées par le vent… À la fin de la soirée, la haute direction du carnaval a annoncé que le bûcher ne serait pas repris 3 .

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Une autre figurine de prête.

Quel revers! La déception est d’autant plus grande qu’il n’y a pas encore de neige à Québec. On ne se croirait pas à quelques heures du début des réjouissances. On a bien érigé le Palais de glace et son cachot à place D’Youville, de même qu’un autre cachot à place Jacques-Cartier, mais on ne retrouve plus ces beaux monuments qui donnaient l’an dernier à la région un air de fête. Peut-on imaginer un carnaval sans neige? Un journaliste le déplore:

4. Ibid., 24 janvier 1956.

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Québec, situé au cœur du pays des quelques arpents de neige devra-t-il, à l ’ instar des pays européens, célébrer son carnaval d ’ hiver sans neige ? C ’ est fort probable. On le regrette, car le cachet attrayant de notre cité et de ses panoramas enneigés y perdra beaucoup aux yeux des

touristes. Cette année, plus rares seront les monuments de glace et de neige. On a bien commencé à ériger deux châteaux avec de la glace fabriquée mais il ne peut en être ainsi des monuments de neige érigés par les citadins. On en voit bien ici et là quelques-uns, mais ils sont dressés péniblement avec de la neige charroyée dans des brouettes. On devra suppléer à l ’ absence de monuments par de plus nombreuses illuminations 4 . Bien sûr, il faut annuler le concours de monuments de neige et de glace.

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La course d’attelages de chiens est retardée Faute de neige, le 26 janvier, on reporte sans fixer de date la course internationale d’attelages de chiens qui doit se tenir dans les rues de Québec-Ouest5.

Les organisateurs se sont réunis à l ’ hôtel de ville de Québec-Ouest en présence des dirigeants de cette municipalité et de tous les intéressés dans la course de 100 milles [160 kilomètres], les conducteurs et les gérants. Il y eut tirage pour les départs [des 23 attelages] et il fut convenu que dès une neige abondante, le signal de départ sera donné à midi, le jour où la course commencera. Le départ sera ainsi retardé de jour en jour mais pas après le 3 février prochain, date limite que l’on doit forcément fixer. Le derby de 1956 serait alors remis complètement 6 . Les centaines de joueurs de curling du Canada et des États-Unis, venus participer au 43e bonspiel annuel, ne sont pas touchés, eux, par le manque de neige: ils se produisent sur des patinoires intérieures dans les divers clubs de la ville. Mais allez, autant faire contre mauvaise fortune bon cœur. Le samedi soir, 28 janvier, Bonhomme Carnaval et une foule de raquetteurs, torches en main, auxquels s’est jointe la population, inaugurent le Palais de glace. On parlera d’«une soirée de joyeux ébats». Dans la nuit de samedi à dimanche, une petite neige commence à tomber. Le dimanche matin, on annonce aussitôt que le signal de départ de la première étape de la course de chiens sera donné à midi. Mais seulement 13 des 23 meneurs de chiens acceptent d’y participer. Les autres craignent que leurs chiens se blessent en courant dans si peu de neige.

On est venu de partout pour assister au défilé.

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5. Ce n’est qu’en 1966 que la municipalité de Québec-Ouest prend le nom de Vanier. 6. L’Action catholique, 27 janvier 1956.

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La foule exulte. Gentilshommes et gracieuses ballerines s’amènent à leur tour. Ils forment la cour. Et apparaît Bonhomme Carnaval qui y va d’une révérence à l’arrivée de chacune des sept princesses «pétillantes de jeunesse et de charme». On annonce que la reine des quilleurs, Gisèle Amyot, celle dont l’équipe a vendu le plus grand nombre de billets, est élue reine du Carnaval de 1956. Après le couronnement de la reine par Bonhomme,

Bonhomme couronne Gisèle Ire.

La reine Gisèle Ire

7. J.C., «Couronnement de Gisèle Ire, reine du Carnaval de Québec», L’Action catholique, 2 février 1956. 8. Ibid. 9. Ibid.

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Le premier grand événement du Carnaval de 1956 est le spectacle du couronnement de la reine au Colisée, le 1er février, devant une salle comble. «Ce fut une véritable fête pour les yeux, un enchantement pour l’oreille, un spectacle chorégraphique et théâtral remarquable7» sous la direction du comédien et metteur en scène Pierre Boucher et du chef d’orchestre Germain Gosselin. On avait prévu quatre immenses tableaux pour illustrer chacune des saisons. Pour le dernier d’entre eux, celui sur l’hiver, la scène se transforme en salle de bal. Seize colonnes soutiennent des candélabres apportés en grande pompe par des laquais. L’entrée du houx ouvre la marche de la saison. Puis la voilà enfin, cette neige tant attendue, «véritable féerie où la salle entière scintille de l’éclat d’une neige projetée par un réflecteur aux facettes multiples et brillantes»8.

chacune des princesses prend place sur la pointe d ’ une étoile, dont le cœur sert de trône à Sa Majesté ! [Les photographes en nombre imposant envahissent le parterre.] Gisèle Ire, dotée du sceptre et de la couronne par le Bonhomme Carnaval, visiblement émue, remercie en son nom et en celui de ses compagnes tous ceux qui ont participé à cette amicale et royale concurrence, et assuré le succès du carnaval par la même occasion. L ’ étoile tourne, actionnée par des gnomes carnavalesques et les spectateurs peuvent admirer sous tous ses angles ce gracieux tableau 9 .

On s’amuse ferme au premier bal dit travesti au Château Frontenac. L’année suivante, l’événement prendra le nom de bal de la Régence.

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Rue Saint-Louis, un groupe de raquetteurs défile le jour du Mardi gras.

Un défilé colossal Le samedi 4 février, il y a foule à Québec. Dès midi, impossible de se trouver une chambre à l’hôtel. Des trains rentrent en gare, des autobus bondés. «On rapporte des arrivées en groupe venant de la côte de Beaupré, du Lac Saint-Jean, de la rive sud du fleuve, de Sherbrooke, de Montréal10.» On s’amène pour le premier des deux grands défilés, celui de la BasseVille. L’après-midi est à la joie dans les rues de Québec. Mais, bientôt, il faut s’informer du parcours et gagner les lieux. Le défilé débutera dans Limoilou au coin de la 18e Rue et de la 3e Avenue, et se rendra jusqu’à la rue Marie-de-l’Incarnation. Alors, on ne se fait pas prier et on espère la meilleure place.

Le défilé fut « colossal », apprend-on. On compta 2000 figurants, dont 300 musiciens, 30 chars allégoriques et environ 250000 spectateurs tout au long, selon le chef adjoint Girard. «Les galeries et escaliers étaient bondés.» Précédé des drapeaux du Carnaval de Québec et de la fanfare du Royal 22e Régiment, Bonhomme Carnaval, monté sur un char peint de masques, ouvre la marche. Des bouffons aux têtes de carton-pâte, tous plus étonnants les uns que les autres, criant, chantant, dansant, faisant mille et une simagrées, au grand amusement de la foule, le suivent.

Au Colisée, extrait du grand spectacle du couronnement de la reine sur le thème «Dansons l’année!».

10. Ibid., 6 février 1956.

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On préparait depuis longtemps cette mascarade magnifique au Colisée.

Que dire de plus? On avait réussi à oublier la neige, toujours absente.

Grande mascarade populaire au Colisée. Ici, l’animateur de la soirée, Saint-Georges Côté, reçoit Bonhomme et sa cour.

Les chars allégoriques évoquaient des scènes légendaires, carnavalesques et historiques. Citons-en quelques-uns: La vieille sorcière, Le refuge des lutins, La vieille pompe, Jusqu’à Cendrillon, Le totem, La pêche à la morue, Le bon vieux temps, La glissade, Le violoneux, Les touristes, La boîte de surprises,

11. Ibid.

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etc. Montée sur son superbe carrosse doré, la reine Gisèle Ire arborait un large sourire et fut applaudie frénétiquement tout le long du parcours… Après le passage de sa voiture, la foule la suivit dans la rue jusqu’à la fin du défilé11.

La semaine qui vient se passe en activités diverses. Dès le dimanche soir se tient un festival d’art dramatique à l’Institut canadien pour les amateurs de théâtre. Lundi et mardi, Bonhomme Carnaval, la reine et les princesses visitent les restaurants et les clubs de nuit de Québec. À compter du mercredi, 9 février, attention, gare à celui qui, faute de le montrer par ses vêtements ou le port de l’effigie, ne manifeste pas l’esprit du Carnaval! Bonhomme Carnaval et sa suite formée de raquetteurs peuvent le jeter, pour quelques instants, dans un des deux cachots, place D’Youville ou place Jacques-Cartier. Le vendredi soir, un grand bal travesti est organisé au Château Frontenac. Des cavaliers à chapeaux garnis de plumes accompagnés de leurs belles, des rois, des reines et des chefs indiens se coudoient au milieu de nombre de personnages des légendes canadiennes. Et le Samedi gras au soir, voilà la grande mascarade populaire au Colisée, avec pour invités d’honneur les comédiens de l’attachant téléroman de l’écrivain québécois Roger Lemelin, La Famille Plouffe. On peut y venir simplement pour jouir du spectacle, mais seules les personnes costumées descendront sur la

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vaste piste pour danser et participer au concours des travestis. Les orchestres de Guy Boucher et de Will Brodrigue assureront la musique. «Les porteurs de costumes les plus grotesques, les plus originaux et les plus drôles pourront se partager des prix substantiels dépassant les cinq cents dollars. Un jury de douze membres a été formé parmi les hommes d’affaires de Québec pour choisir les gagnants de la mascarade12.» On a particulièrement aimé cette mascarade populaire, les participants costumés en étant les vedettes.

Une tempête de neige se lève…

Le Samedi gras, veille de la grande tempête, il y a quand même assez de neige pour les compétitions de slalom dans la côte De Salaberry.

Le lendemain matin à quatre heures, à deux jours de la fin, alors que tout le monde dort, poussée par un fort vent du nord-est, commence une formidable tempête qui durera bien jusqu’au lundi. On se lève ébahi. Voilà donc la neige. Furieuse même. Ceux qui avaient pensé venir finir la fête à Québec doivent se résigner. 12. Ibid., 4 février 1956.

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À la porte Saint-Louis, une pleine diligence de mardi-gras. 46

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On trouva remarquables les chars allégoriques de ce deuxième Carnaval.

Au début de l ’ avant-midi, rapporte le journal, la circulation était déjà très difficile dans les rues de Québec et toutes les routes de la région. Les bancs de neige et la mauvaise visibilité constituaient les deux principaux obstacles. Les grandes artères n’ont pas été fermées, mais sont devenues quasi impraticables. Beaucoup de ceux qui projetaient un petit voyage en auto, le dimanche gras, ont dû modifier leur programme… Tous les services de transport ont eu à souffrir de la tempête. Trois convois de passagers du Québec-Central, deux réguliers et un spécial, ont été immobilisés pendant 12 heures à Joffre, près de Charny 13 … Et l’article du journal se poursuit ainsi; on dirait une litanie. Mais, diable, il y a une course en canots au programme! Et on la tient. Les cinq frères Lachance la gagnent, bien sûr. Mais ce ne fut pas facile. Ils l’emportent en 52 minutes cette fois-ci, 30 minutes de plus que l’an dernier.

En plus des champs de glace et des courants rapides qui rendent toujours périlleuse cette épreuve d ’ habileté et d ’ endurance, les concurrents ont dû avancer au milieu d ’ une forte tempête de neige poussée par des vents de plus de 40 milles [environ 65 kilomètres] à l ’ heure. Des 24 équipes qui ont pris le départ, 16 seulement ont réussi à terminer l ’ épreuve. Les huit qui ont abandonné étaient toutes des équipes amateurs. La plupart des hommes ont été recueillis à bord du brise-glace Ernest-Lapointe14 . Honneur à ces braves.

Le Carnaval de 1956 se terminera avec le grand défilé de la Haute-Ville, le Mardi gras, en début de soirée. On répétera alors le succès de la Basse-Ville, sans la foule aussi grande cependant. Mais qu’importe, ce carnaval aura vraiment été une histoire de neige espérée, venue seulement à quelques heures de la fin.

13. Ibid., 13 février 1956. 14. Ibid.

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Même fort imposant, Bonhomme arrive aussi à laisser toute la place aux carnavaleux.

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Puisqu’il faut bien grandir 1957-1959 1. Dès son entrée en fonction, il fait valoir à ses collègues que la préparation d’un carnaval s’étend sur toute une année et qu’il est nécessaire maintenant de compter sur quelqu’un qui assurera l’intendance. Aussi Pierre Tremblay, spécialiste des collectes de fonds, devient le premier employé permanent du Carnaval de Québec, avec le titre de secrétaire exécutif. 2. Document non signé, Carnaval d’hiver 1957. Présentation du thème, 18 juin 1956.

En mai 1956, l’avocat et administrateur Wilbrod Bherer succède à Henri W. Joly et J.-Albert Towner à titre de président du Carnaval de Québec1. Et dès le mois de juin, les dirigeants fixent le thème du prochain carnaval: «La chanson».

Dans ce domaine, dit le communiqué, il n’y a pas de limitation ; on verra la chanson française, la chanson de folklore, celle qui s ’ inspire des joies comme des peines, celle que les jeunes chantent avec espoir et que les vieux se rappellent avec regret […] pour traduire le plaisir de tous et chacun à sa manière de participer au carnaval […] Évidemment il faut noter qu’il s’agit de la présentation d ’ un carnaval et que les

chansons seront choisies en fonction de leur popularité et de leur adaptation à la caricature, à la gaieté et aux fins d ’ un carnaval. Toutes les démonstrations du carnaval s ’ inspireront donc de La chanson, chaque char allégorique présentera une chanson 2 … Pendant l’été, l’organisme lance un concours d’esquisses de chars allégoriques ayant pour thème une chanson. L’École des beaux-arts de Québec fait parvenir au secrétaire exécutif la liste d’une centaine d’adresses de ses élèves actuels et de quelques anciens de son École. Invités par le Carnaval, certains élèves jouent le jeu. On retiendra l’esquisse d’Antoine Dumas, Cerisier rose et pommier blanc, celle de JeanLuc Grondin également, Un p’tit train, et d’autres encore. «J’ai même travaillé à la construction du char

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duchés est l’organisation des réjouissances sur le plan local5.» Et, pendant une activité, chaque billet vendu au coût de 25 cents est un vote en faveur de l’élection de sa duchesse comme reine du carnaval, étant entendu que 20% des sommes provenant de la vente de billets est remis au duché pour couvrir les dépenses d’organisation et de publicité de chaque candidat6. En bref, le duché le plus «vivant», le plus dynamique, sera celui dont la duchesse sera couronnée reine du Carnaval. Puis vient Bonhomme Carnaval, qui annonce trois semaines à l’avance le Carnaval. En après-midi, le dimanche 13 janvier 1957, 10000 personnes, rapportent les journaux, gagnent la porte Saint-Louis,

Le char allégorique de l’artiste peintre Antoine Dumas, alors étudiant à l’École des beaux-arts de Québec.

3. Entrevue téléphonique avec Antoine Dumas, le 2 mai 2003. 4. Marcel Laurin, du magasin Paquet, sera responsable de l’organisation des petits couronnements. 5. L’Événement, 12 février 1957. 6. Bien sûr, dès le départ, pour éviter la contrefaçon, on prévoit sur les billets et leur talon un numéro de série, l’image de Bonhomme Carnaval et un fac-similé de la signature du trésorier du Carnaval de Québec. Tous les talons, ainsi que l’argent provenant de la vente des billets, sont déposés dans un compte au Trust général du Canada.

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allégorique, nous confie l’artiste peintre Antoine Dumas, souriant, enjoué, à la peinture en particulier; ça se passait au Syndicat de Québec à l’époque3.»

Naissance des duchés Après cet appel aux créateurs, on réforme aussi tout le processus se rapportant à l’élection de la reine. On divise d’abord la grande région de Québec en sept duchés, auxquels on donne les noms de Cartier, Champlain, Frontenac, Laval, Lévis, Montcalm et Montmorency. Chaque duché aura à sa tête une duchesse, véritable reine chez elle. D’ailleurs, rapidement, on parlera du petit couronnement pour celui d’une duchesse dans son duché4. Le duché jouira d’une pleine autonomie et pourra organiser toute manifestation de nature à promouvoir l’élection de sa candidate à titre de reine du Carnaval, dans la mesure où l’activité respecte le thème retenu pour l’année en cours. Selon Wilbrod Bherer, «un des premiers avantages de la division du grand Québec en

bravant l ’ un des froids les plus humides qu ’ on puisse supporter. Mais le soleil était radieux. D’ailleurs, le Québécois, habitué aux rigueurs de l ’ hiver, n ’ est pas homme à rester auprès du feu un jour de carnaval. [Soudain, à deux heures et demie précises, il se montre, ce personnage aimé, à travers les créneaux des fortifications.] Ses

grands yeux qui brillaient de joie ont regardé la foule immense massée aux abords des murailles… Coiffé de sa tuque canadienne et vêtu à la manière que nous connaissons bien, jouissant d ’ un embonpoint qui trahit son goût marqué pour les plaisirs de la table – digne fils de Rabelais – le joyeux personnage descendit l ’ escalier de pierre que gravissaient autrefois les défenseurs de la Nouvelle-France pour surveiller l ’ approche des assaillants : il était en pleine forme, prêt à se rendre à l’Hôtel de Ville pour recevoir des mains de S. H. le maire, l ’ hon. Wilfrid Hamel, les clefs de la ville… “ Citoyens de ma joyeuse région de Québec, les émissaires de mon mystérieux royaume, les froides giboulées de l ’ hiver, vous avaient déjà annoncé ma venue. Me voilà ! Vous le savez sans doute, je viens remplir ici une mission bien

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Course à obstacles pour les raquetteurs sur les terrains de l’Exposition.

définie : celle d ’ établir dans ma région le règne de la gaieté, du rire et des chansons. Cette mission, j’entends la remplir à la perfection. Mes ministres vous ont fait connaître à l’avance le programme que vous aurez à suivre pendant mon séjour parmi vous. J’entends que vous vous y conformiez. Prochainement, j ’ établirai ma demeure dans mon Palais de Glace, et vous serez tous invités à m ’ y rendre visite. Il n ’ y aura pour entrer qu ’ un seul mot de passe : la joie, encore de la joie, toujours de la joie. D ’ ici là, préparez-vous à fêter le Carnaval avec l ’ esprit que je veux y voir régner ; bannissez tout souci ; faites provision de rires et de chansons. C ’ est là mon unique mot d ’ ordre. À bientôt, mes amis 7 . Là-dessus il part, les sept duchesses ouvrant la voie, suivies des raquetteurs, toujours dans leur habit si coloré, faisant les frais de la musique. Le maire les attendait sur le parvis de l’hôtel de ville. Bonhomme est de retour, la foule est heureuse, le Carnaval commencera bientôt.

1957

Congrès et derby internationaux Le pré-Carnaval bat son plein: on assiste à l’ouverture du Palais de glace, place D’Youville, le mardi soir 22 janvier, en présence de milliers de personnes, au congrès international des raquetteurs pendant la grande fin de semaine du 25, 26 et 27 janvier, puis, la fin de semaine suivante, au Derby international d’attelages de chiens. Émile Martel, avec ses belles bêtes, l’emporte en un temps record. Après la course, il se dit très heureux: «J’avais de très bons chiens et j’avais hâte de démontrer aux amateurs ce qu’il y a moyen de faire avec une bonne équipe.» Cinq bêtes sibériennes et quatre canadiennes l’ont mené à la victoire. Devant les journalistes, Martel s’attarde à vanter son chien de tête, Jess, «un chien très intelligent et qui ne lui a pas coûté cher puisqu’il a dit lui-même après la course que ce chien lui avait coûté “seulement 1,00$ et deux pigeons”8.» Martel file par la suite avec son attelage au grand Derby international de Le Pas, au Manitoba. Citant Keith Bryar,

7. Maurice Laperrière, «Règne du Bonhomme Carnaval», L’Événement, 14 janvier 1957. 8. Léonce Jacques, «Victoire d’Émile Martel dans un temps record», L’Événement, 4 février 1957.

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Le 16 février, dans un Colisée plein à craquer, on lance le Carnaval avec le couronnement de la reine. En première partie, on annonce que l’idée de diviser la région de Québec en sept duchés et de permettre à chacun d’eux d’organiser ses propres activités s’est révélée excellente. Non seulement on a remarqué une plus grande participation aux activités pré-carnavalesques, mais cela a permis au Carnaval de Québec de recueillir près de 200000$, somme quatre fois supérieure à celle de l’année précédente avec le système des reines. Et, de tous les duchés, celui de Champlain s’est montré le plus généreux, ayant récolté plus de 45000$. En vertu de cela, la duchesse de Champlain, Michelle Lacroix, devient ainsi reine du Carnaval de 1957.

Un calcul comptable fort contesté L’émulation entre les duchés durant plusieurs semaines, combinée au fait que soudainement la nomination de la reine du Carnaval paraît venir d’un simple calcul comptable, mécontentera une partie de la foule, et le couronnement de Michelle Ire se déroulera dans un brouhaha indescriptible.

Dans l’ordre, la duchesse de Montcalm, Jacqueline Morin, la duchesse de Lévis, Lise Lemelin, la duchesse de Montmorency, Denise Parent, la reine Michelle Lacroix, la duchesse de Laval, Pierrette Morency, la duchesse de Frontenac, Ghislaine Lemay et la duchesse de Cartier, Liliane Grantham.

9. Roland Sabourin, «Émile Martel est encore capable», ibid., 2 février 1957. 10. C.-J. Gauvin, «La duchesse de Champlain élue reine du Carnaval d’hiver de Québec», ibid., 18 février 1957.

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«ce sportsman de Putney, Vermont», le chroniqueur sportif Roland Sabourin affirme au sujet d’Émile Martel: «Il n’y en a pas comme lui pour sortir tout le meilleur d’un attelage9.» Le samedi soir 9 février, toujours à l’occasion du pré-Carnaval, on se retrouve au Colisée pour la soirée canadienne et la danse des Valentins. Au début, les organisateurs avaient pensé permettre seulement les costumes liés aux thèmes de la fête d’autrefois et de la Saint-Valentin, mais, dans la crainte d’éliminer trop de monde, on se ravise et on décide d’admettre tous les genres de costumes.

Le clou du spectacle qui devait être le couronnement de la reine a été partiellement manqué. Pendant qu ’ une partie de la foule huait la reine qu ’ on venait de couronner, une trentaine de photographes se précipitèrent sur la scène, cachant la cérémonie du couronnement à toute la foule sur le parquet de l ’ enceinte et aux personnes se trouvant dans les gradins inférieurs… Très émue et ne croyant pas encore à la victoire, mais déçue de l ’ accueil peu favorable que lui faisait une partie de l ’ assistance, la gracieuse souveraine d’une voix forte, un peu tremblante, a lu une proclamation décrétant une série d ’ événements et de réjouissances qui attireront à Québec au cours des trois prochaines semaines, des centaines de milliers de personnes10.

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Un grand spectacle de music-hall intitulé Carnavalade 57 suit le couronnement de la reine. Mais déjà, pour beaucoup, le cœur n’y est plus.

Au goût de plusieurs, la gaieté qui doit régner durant le Carnaval fut absente d ’ une bonne partie du programme… L ’ ampleur qu ’ on a voulu donner au spectacle aurait peut-être été atteinte grâce à un excellent orchestre qui aurait pu sans doute grandement assister les artistes qui ont tour à tour eu d ’ énormes difficultés à communiquer quelque enthousiasme à la foule. Malgré des efforts visibles, nos quelques chanteuses locales n ’ ont pu atteindre le calibre désiré par la foule et ne se sont pas attiré des applaudissements exagérés. Bientôt, la salle commence à se vider, « une bonne partie de la foule se retirant pendant l ’ hymne national et le God Save the Queen11 .

L’organisation du Carnaval apprendra rapidement à mettre des formes à l’élection de sa reine, en particulier en évitant de réduire l’exercice à une simple question d’argent et en y introduisant une part de hasard.

Des prix pour les meilleurs costumes La reine couronnée, le Carnaval de 1957 filera son train comme les deux précédents. Le 28 février, on rend publique la liste des gagnants du concours des monuments de glace et de neige. Le samedi soir, 2 mars, se tient au Colisée le grand bal travesti des jours gras. Quelques milliers de personnes s’y amènent. Et on a été prévenu: seul un costume de circonstance permet d’accéder au parquet de danse. Des orchestres de Québec jouent de la musique. On remet des prix aux costumes les plus originaux, les plus grotesques ou les plus drôles. Dans les gradins, les spectateurs n’ont pas les yeux assez grands pour tout voir.

11. Ibid. Pendant le grand bal travesti du Samedi gras au Colisée, trois âmes en peine espèrent les faveurs des demoiselles.

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De hardis canotiers au bal travesti du Samedi gras.

À la Basse-Ville comme à la Haute-Ville, plusieurs milliers de personnes apprécieront les défilés de chars allégoriques portant à chanter.

12. Ibid., 20 février 1957.

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Il y aura des chansons pour tous les goûts : des chansons très vieilles comme Sur le pont d’Avignon, En roulant ma boule et Marianne s’en va au moulin ; des rondes enfantines comme Frère Jacques, dormez-vous ? Et Savez-vous planter des choux ? ; et des chansons modernes et populaires comme Moi, mes souliers et À qui le p’tit cœur après neuf heures ? ; on plumera même la Gentille alouette et on plaindra ce pauvre Jonas dans la baleine. Toutes ces chansons seront animées par des personnages typiques et les chars seront abondamment illuminés, afin qu ’ aucun détail ne reste dans l’ombre. Le clou du spectacle sera sans contredit le carrosse de la Reine, qui cette année a subi une rénovation complète… À la couleur blanche qui reste dominante, on a ajouté des couleurs vives pour faire contraste, on a mis des arlequins joueurs de flûte pour donner une gaieté conforme au thème du défilé, et le baldaquin qui forme la toiture a été orné de 350 lumières. Le carrosse sera tiré par six chevaux que précéderont six hérauts jouant de la trompette 12 .

Voilà la gagnante du grand prix du bal travesti au Colisée.

Le dimanche après-midi, 3 mars, les «cinq fameux frères» Lachance, devant une foule qu’on évalue à près de 100000 personnes, remportent en moins de 19 minutes la course en canots. Le mardi soir, après un bal costumé devant le Palais de glace à place D’Youville, Bonhomme Carnaval, la reine et les duchesses font leurs adieux à la population, puis disparaissent, perdus dans le noir, sur les hauteurs des fortifications. Alors éclate au-dessus de Québec un grand feu d’artifice. Il faut rentrer maintenant, minuit sonnera bientôt. Voici venu le temps du carême.

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On fait appel à un grand décorateur Au printemps 1957, les organisateurs du Carnaval de Québec savent qu’ils doivent maintenant prendre en main la conception et la fabrication des chars allégoriques. Auparavant, pour les trois premiers défilés, les grands magasins de la rue Saint-Joseph– Laliberté, Paquet, Pollack et le Syndicat de Québec– s’acquittaient de cette tâche. Après s’être entendus sur un thème général, chacun d’eux mettait son équipe de décorateurs à l’œuvre. Il faut savoir qu’on valorisait alors le métier de décorateur et que ces magasins, disposant de vitrines impressionnantes, devaient recourir aux décorateurs les plus inventifs pour séduire le passant qui déambulait rue SaintJoseph. Et ces artistes pouvaient tout aussi bien s’attaquer à un char allégorique qu’à une vitrine.Toutefois, après le Carnaval de 1957, les grands magasins se désengagent. Les autorités du Carnaval ne sont pas prises de court pour autant. Depuis novembre 1956 travaille pour elles le décorateur Gaston Robert. Originaire de Beauport et bien qu’il soit âgé de seulement 32 ans, celui-ci dispose déjà d’une solide expérience. Dès l’âge de 16 ans, il confectionne les chars allégoriques du défilé de la Saint-Jean, à Beauport. Bientôt au service de la Compagnie Paquet, non seulement il décore les vitrines du grand magasin, mais il conçoit et assure la fabrication de la douzaine de chars de la parade du père Noël, alors le grand défilé de décembre à Québec, là où tout parent emmène ses enfants. «Quand je suis arrivé au Carnaval, nous confie-t-il, je savais les défis qui m’attendaient, mais j’étais certain de pouvoir remplir la commande13.» À l’été 1957, le comité des défilés du Carnaval de Québec décide de consacrer le prochain aux jeux et aux sports en vogue au Québec. Gaston Robert produit nombre d’esquisses de chars allégoriques

illustrant ce thème; on en retient une vingtaine. Encore faut-il maintenant les «vendre», trouver des commanditaires qui accepteront d’en payer les coûts de fabrication. Robert est présent aux négociations.

Au début, ce ne fut pas facile. Chaque grande compagnie voulait bêtement voir son produit apparaître sur une plate-forme, ce qui bien sûr n ’ était pas l ’ objet du défilé. Une compagnie de bière voulait une bouteille de bière, une compagnie de tabac, un paquet de cigarettes, une compagnie d ’ automobile, la voiture de l ’ année. Mais, par bonheur, le thème choisi nous permettait de leur faire comprendre que le défilé en était un carnavalesque et non publicitaire. Il fallait leur dire aussi que nous étions tenus à la variété. Un alignement particulier de lumières sur un premier char étonne et émerveille, mais, répété 20 ou 25 fois, devient banal. Un personnage coloré, toujours le même, apparaissant tout au long du parcours dans chacun des chars, finirait par ennuyer. De même une succession de produits commerciaux. Non, il nous fallait aller de surprise en surprise 14 .

Le char de Bonhomme, boulevard Charest, au défilé de la Basse-Ville.

13. Entrevue avec Gaston Robert, le 9 mai 2003. 14. Ibid.

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Des chars allégoriques réussis

1958 15. «La gaieté populaire a triomphé du froid vif», Le Soleil, 10 février 1958. Les fameux frères Lachance, grands héros des courses en canots des premiers temps du Carnaval.

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Finalement, les deux défilés du Carnaval de 1958 plaisent beaucoup à la foule, en particulier celui de la Basse-Ville, qui a lieu le dimanche 9 février. Le journaliste Maurice Laperrière écrit:

La Vieille Capitale a vécu hier après-midi des minutes exaltantes. À ce moment, le Carnaval d ’ hiver de Québec 1958 portait l’effervescence populaire à un point culminant : sa première grande parade avait attiré plus de 225 000 personnes dans la vallée de la SaintCharles et offrait à cette foule enthousiaste un spectacle carnavalesque et typiquement québécois. Même le froid vif qui par moment nous

figeait littéralement sur place et nous faisait rêver d’une bonne place au chaud était ce qu ’il y a de plus local. Mais on se disait après tout qu’il valait bien la peine de risquer quelques engelures pour une fête populaire peut-être unique au monde. [Et le journaliste de souligner le travail de Gaston Robert]. Il faut rendre un témoignage particulier à M. Gaston Robert, artiste décorateur de Québec, qui, depuis juillet, a étudié, avec l ’aide des organisateurs, plus de 200 esquisses de chars allégoriques […] en a fait un tri, s ’ est inspiré de quelques-unes pour en créer d ’ autres et a dirigé le montage de la plupart des quelque vingt voitures que l ’ on a vu défiler hier 15 .

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Puis viendra la course en canots. Et qu’on se le tienne pour dit, Gaudiose Mailloux, de l’île aux Coudres, «57 ans, tout en muscles, le teint hâlé sous l’effet continuel du vent glacial et la bourrasque»16 , y sera avec ses deux fils, Maurice et Paul, et ses cousins Henri et Euchariste.

Je comprends que pour les milliers de gens qui se seront déplacés comme à l’habitude pour assister aux péripéties de cette classique il serait à souhaiter un temps beau et doux, mais pour nous ceci amènerait de la glace molle qui devient comme de la neige et colle au canot et retarde considérablement notre élan. Nous avons pratiqué durement cette semaine et un peu par tous les temps et je vous assure que si le temps se maintient comme il l ’ est actuellement, ça va chauffer parmi les amateurs comme les professionnels, car j ’ ai eu l ’ occasion d ’ observer la plupart d ’ entre eux et je connais la plupart surtout depuis que je suis venu ici il y a deux ans et ça va barder… Mes hommes sont solides et ont l ’ habitude de l ’ ouvrage et du maniement du canot par les pires tempêtes 17 . Le dimanche 16 février, à 15 heures, par des vents de plus de 80 kilomètres à l’heure et une très forte houle, voilà les 21 équipes sur l’eau. Seulement quatre d’entre elles reviendront à bon port, les autres étant déportées. Les Lachance, encore une fois, terminent premiers en moins de 50 minutes. L’équipe de Gaudiose Mailloux les suit, avec près de 45 minutes de retard. Dans l’histoire du Carnaval de Québec, jamais peut-être cette course ne fut aussi difficile. Le Mardi gras, en début de soirée à place D’Youville, la troupe folklorique Les Villageois de Québec, dirigée par Jean-Marie Lachance, anime le «Petit bal des enfants».

Dès 7 heures, une horde d ’ enfants avait envahi la place sur l ’ invitation pressante du Bonhomme Carnaval qui n ’ avait pas voulu oublier la gent enfantine et leur avait voué une heure de manifestations populaires. Les uns venus comme à la classe, les autres dans tous les costumes que leur avait dictés leur imagination, remplissaient à déborder l ’ enceinte du Palais de glace… Ce fut une invitation fort goûtée que ce Bal des Enfants. À répéter, semblaient dire les mines réjouies qui rentraient au foyer dès 8 heures 18 .

La course en canots de 1958, par temps froid et venteux, fut l’une des plus difficiles de toute l’histoire du Carnaval, la plupart des équipes étant déportées. On en aperçoit plusieurs d’ailleurs, perdues au loin.

16. Roland Sabourin, «Advienne un temps froid et sec et ça va chauffer…», Le Soleil, 15 février 1958. 17. Ibid. 18. Denis Masse, «Bonhomme Carnaval s’en va: il a fait son devoir», ibid., 19 février 1958.

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Maintenir la qualité existante tout en innovant Au printemps 1958, le président sortant du Carnaval de Québec, Charles Dumais, après avoir souligné l’apport très important des médias au succès de la fête, lance un appel à tous devant les membres du club Rotary. Il parle d’abord du défi d’une pareille organisation.

Ayant à présenter un événement annuel, nous devons chercher à maintenir et à améliorer la qualité et l’originalité des fêtes tout en essayant d ’ innover le plus possible. [Et il note un certain essoufflement.] Après quatre années, le plus grand problème que nous affrontons consiste à pouvoir continuer de trouver en nombre suffisant les hommes et les groupements nécessaires à la réalisation d ’ un programme aussi vaste. Le cinquième Carnaval ne sera possible que si nous trouvons ces collaborations 21 . Les comédiens du populaire téléroman La Famille Plouffe ont participé à quelques reprises aux grands bals populaires du Carnaval. On reconnaît Émile Genest, Amanda Alarie, Denise Pelletier, Paul Guèvremont, Thérèse Cadorette et Roland Bédard. De chaque côté de maman Plouffe se trouvent l’animateur Saint-Georges Côté et le maire Wilfrid Hamel.

19. Ibid. 20. Ibid. 21. Ibid.

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Deux semaines plus tard, devant le club Kiwanis, Dumais revient à la charge. Les enfants couchés, place à la danse des adultes. Et Bonhomme Carnaval passe la veillée en compagnie de ses hôtes, «une foule qui avait balancé pardessus bord tous les soucis quotidiens pour fêter le Mardi-Gras»19. À 11 heures cependant, tout s’achève.

Ce fut au moment des adieux que l ’ on comprit que le Carnaval prenait fin. Une singulière émotion gagna tous les fêtards lorsque la lumière baissa, que la musique entama une dernière fois l ’ hymne du Carnaval et qu ’ on entendit S. M. Brigitte Ire entourée des six duchesses adresser au Bonhomme Carnaval son message de la fin… Un large salut, l ’ adieu de Brigitte Ire, Reine du Carnaval, un geste amical de la main et le Bonhomme s ’ effaça dans la nuit. La foule lentement se dispersa aux quatre coins de la cité 20 .

Selon que nous pourrons trouver chaque année un groupe d ’ hommes dévoués et désintéressés dépend l’avenir du Carnaval. La tâche est difficile, mais par ailleurs elle fournit une occasion sans pareille de bien servir nos concitoyens. C ’ est parce qu ’ il nous semblait de plus en plus difficile d ’ obtenir les concours nécessaires en hommes et en associations que nous avons entrepris dernièrement un sondage. Nous voulons savoir si l’on tient au Carnaval, si l ’ on est prêt à y collaborer plus activement encore, si l’ on croit que nous nous sommes éloignés de la formule originale. Lors des débuts l ’ enthousiasme était général et spontané alors qu ’ au cours des dernières années, nous avons malheureusement constaté trop de désintéressement et une certaine lenteur à entrer

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dans l ’ esprit et la gaieté du Carnaval. [Dumais évoque aussi un problème de financement, à tout le moins de liquidités.]

Les principales sources actuelles de revenu du Carnaval se trouvent dans la souscription des maisons d ’ affaires et dans la contribution du public pour le choix de la reine. Ces deux modes de revenus présentent des difficultés particulières qui rendent difficile le financement du Carnaval. Dans le premier cas, soit celui de la souscription, il faut regretter qu ’ il soit si difficile d ’ obtenir une contribution équitable et proportionnelle de tous ceux qui bénéficient du Carnaval. Si tel n’était pas le cas, nous recueillerions probablement 50 000 dollars par année au lieu des montants bien insuffisants de 23 000 dollars en 1958 et 28 000 dollars en 1957… Il nous faudra faire un effort très spécial en ce domaine pour assurer la permanence du Carnaval, puisque l ’ autre source de revenus que constitue le concours de la reine est quelque chose de bien plus incertain. En effet, ce concours qui jusqu’à date a été notre source de revenu la plus importante a le sérieux inconvénient de se terminer lorsque le Carnaval est commencé et aussi, à cause du secret qui l ’ entoure, de tenir les officiers dans l ’ incertitude. Nous devons décider la majorité des dépenses au moment où nous ignorons tout des résultats qu’obtiendra ce concours… Heureusement que nous avons accumulé des surplus au cours des trois premières années, sans quoi le déficit de cette année aurait pu nous être fatal… Il faudra donc à l ’ avenir tendre à diminuer l ’ importance relative de la somme recueillie par ce concours par rapport au budget total 22 .

Appel aux gens d’affaires Louis Paré, le directeur de l’Office municipal du tourisme et un des membres fondateurs du Carnaval, déplore lui aussi que plusieurs gens d’affaires «limitent leur souscription à un geste d’encouragement presque symbolique».

Le jour où tous les hommes d’affaires de Québec auront compris le rôle que joue le Carnaval comme facteur de propagande économique et touristique, et qu ’ ils l ’ aideront dans la mesure de leurs moyens, les administrateurs du Carnaval seront débarrassés de bien des soucis, et ils pourront non seulement donner plus d ’ envergure à des célébrations qui déjà amènent chez nous des milliers de visiteurs, mais encore faire du Carnaval l ’ événement le plus sensationnel de la saison d ’ hiver en Amérique du Nord et attirer à Québec tous ceux, et ils sont légion, qui recherchent les fêtes inédites et pittoresques, surtout celles qui se déroulent dans un décor aussi prestigieux que la vieille capitale sous son manteau de neige 23 .

1959

Au fil des mois, le Carnaval de Québec doit imaginer une nouvelle source de revenus plus importante que les contributions des gens d’affaires. Alors, on décide de faire du Carnaval un événement de lumière. Jamais les rues commerçantes de Québec n’auront été aussi illuminées.

La ville de Québec prendra un visage féerique à l’occasion du Carnaval sous l’effet d’une abondante illumination qui l’éclairera le soir comme en une journée radieuse… Les places publiques, les rues et les établissements commerciaux brilleront de mille feux. Le plan prévoit l ’ installation de 75 pièces décoratives qui pareront le boulevard Charest, la côte d ’ Abraham, la rue St-Jean et la côte de la Fabrique. Les lampes multicolores pendant la période des fêtes se

22. Conférence donnée par Charles Dumais au club Kiwanis, le 24 avril 1958. 23. Louis Paré, «Le cinquième Carnaval d’hiver de Québec», Concorde, janvier-février 1959, p. 19.

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Lumière du Carnaval Le samedi soir, 17 janvier 1959, naît la soirée de la Bougie, sous la présidence de Roland Morneau, considéré comme le père de la bougie. De six heures et demie à dix heures, 3 500 bénévoles parcourent les rues de la région de Québec pour offrir la bougie. On parle aussi de la « lumière du Carnaval ». Et on a prévenu la population : « Seules les maisons où les lumières de porte seront allumées recevront la visite des solliciteurs24. » La bougie se vend 1$ l’unité. Une vingtaine d’entre elles, des bougies « truquées », dit-on, permettent de gagner des prix en argent, sans compter que chaque dollar souscrit pour l’achat d’une bougie augmente les chances de l’une ou l’autre des duchesses de devenir reine. On amasse enfin ainsi 35 388$25.

24. Ibid. 25. Au fil des ans, on a vendu plus de neuf millions de bougies, ce qui a rapporté au-delà de 18 millions de dollars au Carnaval. Devenue une tradition pour la population de la région de Québec, la bougie est toujours la seule activité de financement du genre au Québec. 26. «Un décor de féerie à Québec», Le Soleil, 9 janvier 1959. 27. Raymond Gagné, «La vraie formule a été trouvée», Le Soleil, 30 janvier 1959.

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transformeront en un plafond lumineux blanc à l ’ approche du Carnaval. Des séries de lumières, retenues par des fils d’acier et distantes de 18 pouces, projetteront leurs feux des deux côtés des rues. Des Bonhommes Carnavals, des festons et des drapeaux agrémenteront ce décor 26 .

Pour orner les maisons, pour amener la population à participer à cet effort de lumière, on distribuera des bougies portant l’effigie de Bonhomme Carnaval. Le 27 janvier, au Palais de glace érigé maintenant devant l’Hôtel du Parlement, Bonhomme Carnaval, les duchesses et le maire de la ville, Wilfrid Hamel, inaugurent le Carnaval en invitant la population à deux semaines de fête. Deux jours plus tard, au Colisée, se tient le grand spectacle du couronnement de la reine. En première partie, on présente quatre tableaux sur le thème de la joie au temps jadis chez les Indiens, au siècle dernier et au tournant de l’an 1900. Chanteurs, danseurs et comédiens se succèdent. Le journaliste Raymond Gagné a beaucoup apprécié.

Bravo ! Mille fois bravo, messieurs du Carnaval ! Non seulement vous avez accepté de prendre le risque très grand nous l’avouons d’utiliser exclusivement les services d’artistes et de figurants québécois, mais vous avez fait mieux : vous avez prouvé que Québec pouvait produire quelque chose et quelque chose de très bien pardessus le marché… Le spectacle d’hier soir a bel et bien été une réussite… pour plusieurs raisons. La première, celle qui nous tient peut-être le plus à cœur, pour cette année du moins, réside dans le fait qu’il était entièrement québécois… La deuxième raison, non moins importante que la première, c’est qu’il s’agissait là vraiment d’un spectacle de carnaval. L’an dernier, nous nous étions élevé contre le music hall importé qu ’ on nous avait présenté. Nous avions donné nos raisons cette fois-là en soulignant qu’il n’avait rien de carnavalesque… Les autres raisons, nous les trouvons dans la préparation soignée, la soutenance du rythme, le choix judicieux des couleurs, le souci de la ponctualité, la performance plus que honnête des figurants, etc., etc. Il y en aurait tellement à dire27 !

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En seconde partie, invitées par Bonhomme Carnaval, les duchesses s’amènent et, pour la première fois, l’élection de la reine du Carnaval se fait par tirage au sort. Impossible désormais de trouver à redire. La duchesse de Montmorency, Maryse Gaudette, est élue. Après son couronnement, elle invite le public à prendre d’assaut la piste de danse. Le journal Le Soleil titre le lendemain: «La vraie formule a été trouvée28.» Du vendredi 30 janvier au dimanche 1er février, se tient le 24e Dog Derby international, «l’un des plus pittoresques spectacles de nos fêtes sportives hivernales»29. Avant la course, le journaliste Marcel Bourassa salue les meneurs de chiens,

de fameux athlètes, peut-être les plus oubliés comme les plus modestes de tout le domaine sportif national et international : ces mushers de chez nous comme de l’étranger, des gars aux poumons remplis de l’air pur et vivifiant de nos plaines et de nos montagnes et qui ne demandent pas autre chose à qui que ce soit que de leur faire plaisir et de faire de notre Carnaval quelque chose de réussi et dont on parle avec fierté. De bons hommes, de sympathiques athlètes, de robustes gaillards que je suis heureux de saluer en votre nom et à qui nous souhaitons bonne chance 30 . L’attelage de l’Américain de l’Iowa Arthur Allen a remporté la course. Au nombre des autres attractions du Carnaval de Québec de 1959, on note, bien sûr, les deux défilés, le Bal des travestis, celui de la Régence, les danses populaires au Palais de glace et un festival d’art dramatique. Pour la première fois, on organise aussi des courses de tacots. Mais il faut s’y prendre à deux reprises. Le lundi soir, 2 février, dans la côte d’Abraham, une foule exubérante, «impatiente à goûter l’inédit apporté au Carnaval par le Jeune

Conception de Gaston Robert, le char de la reine Maryse Gaudette au défilé de la Haute-Ville.

Commerce», rompt les cordons de sécurité, envahit la piste, ce qui oblige les organisateurs à suspendre l’événement. Le samedi suivant, par un froid sibérien, devant une foule de 30000 personnes, estiment les autorités policières, on reprend les courses, cette fois-ci avec succès. Les frères Lachance, eux, gagnent à nouveau la course en canots, mais avec seulement huit secondes d’avance sur l’équipe de Gaudiose Mailloux. «Pas trop de misère», déclarera quand même le capitaine Joseph Lachance.

Une des grandes nouveautés du Carnaval de 1959 est la course de tacots pour enfants, événement tout de suite populaire.

28. Ibid. 29. Marcel Bourassa, «Dog-derby international», Le Soleil, 27 janvier 1959. 30. Ibid., «La Ronde des heures», ibid., 29 janvier 1959.

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Depuis 2001, le grand spectacle d’ouverture du Carnaval à place D’Youville rassemble toujours une foule incroyable.

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«Le plus beau Carnaval » 1960

1. Cité par Buddy O’Connor, «Un précurseur dans la construction des canots», Concorde, janvier-février 1960, p. 33. 2. Ibid.

Le mois de décembre 1959 n’est pas encore terminé que déjà, à Québec, on commence à parler du prochain Carnaval qu’on prévoit spectaculaire. Mais, le 2 janvier 1960, les Québécois apprennent avec stupeur le décès subit du premier ministre Paul Sauvé, dont l’arrivée en poste promettait beaucoup. Le Carnaval de Québec, qui avait prévu une conférence de presse le lendemain des Rois, doit la reporter, car l’heure est au deuil. Il sera toujours temps d’annoncer qu’on a choisi pour thème «Québec s’amuse». Dans son atelier de la rue Champlain, au Cap-Blanc, Lauréat Fortier, 81 ans, met la dernière main à un nouveau canot. «Mes fils voulaient avoir un canot plus long, et j’y ai consenti. Le nouveau navire a, en effet, 25 pieds [7,5 mètres]1 !» L’artisan affirme que toute

sa vie a passé à construire des «vaisseaux». Ce dernier canot, fait de chêne et d’orme, pesant plus de 400 livres [180 kilogrammes], lui a demandé près de deux mois de travail. Le vieil homme en est fier, avec raison, mais, bien humble, il dit partir toujours «de rien» et invente à mesure ses propres spécifications2. Quoi qu’il en soit, ça bourdonne un peu partout en janvier dans la région, en particulier dans les duchés du Carnaval. C’est qu’on prépare la Soirée de la bougie. Dans la soirée du samedi 6 février, 85000 bougies sont vendues! Le journal L’Événement parle d’une «splendide réussite»:

La population de Québec mérite d ’ être chaudement félicitée pour le geste d ’ esprit civique qu’ elle vient de poser en prenant une part active

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La rue Sainte-Thérèse au cœur du Carnaval

Lauréat Fortier met la dernière main à son nouveau canot. Derrière lui, on voit l’échevin Paul Mecteau, le commanditaire. À sa gauche, dans l’ordre, deux de ses fils, Henri et Laurent, et Alphonse Huron.

3. L’Événement, 9 février 1960. 4. Ibid., 10 février 1960. Si ce journal parle ici de l’avenue du Carnaval, on dira plutôt au fil du temps la rue du Carnaval. 5. Cité dans «La rue du Carnaval. L’esprit civique et l’entraide sont à la source de cette attraction qui est nécessaire au Carnaval», Le Soleil, 20 février 1965. Parmi les premiers constructeurs de monuments de neige sur la rue SainteThérèse, mentionnons également les noms de Ti-Paulo Gignac, Jacques Giguère, Jos. Langlois et Raymond St-Laurent. 6. Élyette Curvalle, «Les Gariépy, ou 25 ans de sculpture sur neige», Le Soleil, 31 janvier 1979.

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à l ’ une des premières manifestations du Carnaval d’ Hiver, à savoir la bougie du carnaval… Les citoyens de la ville et des municipalités de la banlieue ont contribué au succès dans le meilleur esprit d ’ entente et de coopération ; la ville de Lévis est à l’honneur puisqu’une citoyenne du duché de la rive-sud a remporté le gros lot de la bougie du carnaval3 .

Durant plus de 30 ans, il y aura descente aux flambeaux à Lac-Beauport.

On s’active aussi chez les faiseurs de monuments de neige ou de glace, rue Saint-Luc, rue SaintSauveur, avenue des Oblats, avenue de la Tour, avenue des Braves, avenue Chouinard, là où l’on crée de véritables rues carnavalesques. Mais la plus remarquable semble la rue Sainte-Thérèse. Et, pour la première fois, le 10 février 1960, L’Événement, avec photographie à la une, parle de cette rue comme de l’«avenue du Carnaval»: «Le cœur du Carnaval bat cette année dans une rue de la paroisse St-Malo, la rue Ste-Thérèse. Les résidents ont réalisé que la période carnavalesque appelait la fantaisie et la décoration extérieure. Dans un geste collectif admirable, ils ont créé l’avenue du Carnaval. Plusieurs visiteurs se rendent chaque soir vivre la joie de cette rue. Hier encore, les raquetteurs allaient se tremper dans l’ambiance réjouissante du Carnaval dans la rue4.» Fernand Picard raconte, dans Le Soleil:

C’ est MM. Lionel Faucher, Paul Frenette et Raymond Gariépy qui, les premiers, eurent l’ idée de construire des monuments de neige sur la rue Sainte-Thérèse. Les autorités du Carnaval avaient demandé aux résidents de la rue des Braves de faire des monuments en glace, et nous nous sommes demandés, sur la rue SainteThérèse, pourquoi nous n’en ferions pas en neige. Et nous nous sommes adonnés à la tâche5. On était toujours en fête, [dit Claire Gariépy, épouse du sculpteur Raymond Gariépy.] Il y avait un esprit spécial. On commençait un mois à l’avance. Tout en travaillant, on passait prendre un coup dans chaque maison… Quand les enfants étaient couchés, on allait aider les sculpteurs. On passait la nuit à charrier la neige, l ’ eau à la chaudière, avec des visites chez l ’ un et chez l ’ autre 6 .

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En 1960, voici que naît la rue du Carnaval.

Mais, ô malheur! la rue Sainte-Thérèse sitôt annoncée dans le journal pour la première fois, la pluie abondante se met à tomber. Le journaliste Jean O’Neil s’y rend le lendemain.

La rue du Carnaval, si typique encore hier, offrait ce matin un aspect tout à fait “dégoûtant” : si la température se maintient trop longtemps à ce niveau, les artisans se verront obligés de recommencer leurs chefs-d’œuvre. Il n’est pas un monument qui n’ait subi d’avaries. Les plus massifs se ressentent moins des intempéries, mais ceux qui avaient longuement fignolé des visages, des chevelures ou d ’ autres détails auront été grandement désappointés ce matin de revoir leurs pièces devenues des blocs de glace sans physionomie… Sur la rue Sainte-Thérèse, Champlain brandissait fièrement une épée de glace mais, depuis que l ’ orage est passé, le vaillant fondateur ne brandit plus qu ’ un vulgaire manche à balai. Ceux qui n ’ ont pas encore construit leur monument et qui veulent apprendre les trucs du métier trouveront profit

à visiter la rue Sainte-Thérèse. On voit entre autres choses l’ ingénieux système de baguettes qu’ un sculpteur en herbe a assemblé pour faire un cygne au cou élégant. Malheureusement, le même cygne a bien failli perdre le cou ce matin. Le sculpteur y a vu à temps cependant et il a pourvu l’oiseau d’une béquille provisoire. Parmi les autres curiosités, notons une poule qui a perdu sa crête, un pingouin qui a perdu son bec, un artilleur qui n’a plus de mitrailleuse, etc. Tous les monuments dégouttent, qui du bec, qui du nez, qui du ventre, qui d ’ ailleurs 7 … Le revers de fortune est tout de même temporaire. En soirée, la pluie se transforme en neige, le temps s’est refroidi et les sculpteurs de la rue SainteThérèse se remettent à l’ouvrage. On dira que, loin de les avoir découragés, la grande pluie les avait stimulés, si bien que, deux jours plus tard, on ne voit plus trace de l’affront et, durant une trentaine d’années, cette rue courant dans les paroisses Saint-Malo et Saint-Sauveur sera une visite obligée quand vient le temps du Carnaval.

7. Jean O’Neil, «L’Avenue du Carnaval subit un dur coup», ibid., 11 février 1960.

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pourquoi ne pas imaginer un véritable répertoire carnavalesque? On passe la commande. L’artiste Gemma Barra raconte: «Le Carnaval de Québec a redémarré en 1954. Autour de 1959, on a demandé à des auteurs-compositeurs d’écrire des chansons sur le Carnaval. Plusieurs camarades en ont proposé8…» Nous en ignorons le nombre exact, mais on en trouve facilement une trentaine écrites en quelques années. Des compositions de Geneviève Aubin Bertrand, Paul Bédard, Céline Bouchard, Jos Bouchard, Hervé Brousseau, Marius Delisle, Henri Drolet, Jean Duchêne, la famille Lebrun, Gérard Lajoie, Georgette Lefrançois, Omer Létourneau, les Mégatones, Gaston Rochon et Jean Royer, des chansons qu’on confie à l’occasion à d’autres comme Les Collégiens Troubadours, Gigi Desrosiers, Madeleine Lachance et Guy Lepage. Le folkloriste Jacques Labrecque est du nombre également. À l’automne 1959, il lance un microsillon sur lequel il chante trois compositions carnavalesques de Gilles Vigneault, aidé à l’occasion d’Herbert Ruff: Le temps du Carnaval, La bastringue du Carnaval et J’sus v’nu au Carnaval. Le folkloriste Jacques Labrecque, à son arrivée à Québec. À sa droite, le président Paul A. Chaput; à sa gauche, Roger Bernier.

8. «Gemma Barra. Sous le ciel des années 50… à aujourd’hui», entrevue avec Richard Baillargeon, Rendez-vous 94, Québec, 1994, p. 25.

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Auteurs-compositeurs mis à contribution Puis, place à la musique. À la fin des années 50 à Québec, le monde de la chanson est fort riche. Paroliers, musiciens, interprètes abondent. À la radio comme à la télé, la chanson de Québec s’impose. Comme chant de ralliement, le Carnaval de Québec dispose bien depuis 1955 de la fameuse Chanson du Carnaval de Pierrette Roy, composition de Roger Vézina et Pierre Petel. Entraînante, décrivant l’événement avec justesse, la ritournelle connue de tous réjouit dès ses premières notes entendues. Voilà donc un solide acquis. Mais, fort des créateurs de Québec,

Quelques semaines plus tard, Labrecque choisit de s’engager davantage dans le Carnaval de Québec. Au début de février 1960, après avoir rencontré le maire de Montréal, Sarto Fournier, qui lui remet un message souhaitant grand succès au Carnaval de Québec, le folkloriste, aux commandes d’une carriole tirée par deux juments, Bourrasque et Tempête, prend la route pour Québec. Voyageant au pas lent de ses deux magnifiques bêtes, il s’arrête de place en place, se rend saluer le maire de l’endroit et donne un spectacle chaque soir. Bien sûr, partout, il invite tout le monde à le suivre, à gagner Québec pour venir faire la fête. Enfin, le samedi 13 février, en avant-midi, le voilà dans la capitale, le visage buriné, l’œil coquin. Les juments ont bien mérité de se reposer maintenant. Labrecque, lui, gagne l’hôtel de ville où on le reçoit avec beaucoup d’estime.

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La contribution de Jacques Labrecque au 6e Carnaval d’ Hiver de Québec fut vivement appréciée des Québécois, écrit le journaliste de L’Événement. Il fut accueilli à l ’ hôtel de ville par le maire Hamel… Les sept jolies duchesses étaient aussi de la fête, qui s ’ est déroulée dans le grand salon de l’ hôtel de ville. “Votre caravane originale est celle du bon goût et nous apprécions grandement votre coopération au succès de notre Carnaval” dit le maire Hamel… Dans son allocution, le folkloriste Labrecque mit l’accent sur le pittoresque de notre belle province, dont le visage ne se découvre qu ’ en voyageant lentement, “ avec des yeux pour voir ”. Il faut, ajouta-t-il, que les Québécois deviennent d’ ardents propagandistes de leur ville, s’ ils veulent la voir grandir et prospérer. C’est à ce souci que répond votre Carnaval annuel, conclut-il 9. Dans les années 60, Jacques Labrecque reprendra à nouveau la route, à quelques reprises et de manière aussi colorée, pour inviter la population des diverses régions à venir fêter l’hiver à Québec.

Diable! ce n’est pas encore gagné!

Approchez. Bientôt, on donnera le signal de départ de la course des serveuses de table.

Le samedi 13 février, on a rendez-vous à un tout nouvel événement, le festival de la Basse-Ville, dans le quartier Champlain, bordant le fleuve. À la grande joie de milliers de spectateurs, que les journaux estiment à 12000 ou même 15000, 36 équipes de souque à la corde s’affrontent, dont les plus costauds de la ville et de la région, les cinq frères Baillargeon et les cinq frères Jeffrey, tous des «boulés»10. Les Baillargeon, du Faisan d’or, sortent grands vainqueurs contre l’équipe du Café Pierrot. Et quoi de plus drôle que les courses qui suivent, celles des garçons de café et des serveuses portant plateau chargé de vaisselle. La foule est bon enfant, on s’amuse ferme. Jacques Boivin, du Baril d’huîtres, l’emporte, ainsi que mademoiselle Guay, du Buffet de la Gare centrale d’autobus.

1960 9. Raymond Brançon, «Premières réjouissances carnavalesques», L’Événement, 15 février 1960. 10. De l’anglais bully, «homme fort».

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Et vint un premier ministre québécois

11. L’Événement, 15 février 1960. 12. Raymond Brançon, «Premières réjouissances carnavalesques», ibid.

Gagnons place D’Youville maintenant. À huit heures ce soir, devant le Palais de glace, c’est l’ouverture officielle du Carnaval. Et pour la première fois, le premier ministre du Québec, Antonio Barrette, s’y amène. L’heure n’est pas à remuer des cendres, mais il faut bien constater que Maurice Duplessis n’avait jamais daigné venir. Chaudement emmitouflé dans sa pelisse de chat sauvage, portant ceinture fléchée, le premier ministre exprime sa joie d’inaugurer ce sixième Carnaval «qui a maintenant droit de cité et qui est en sorte l’affaire de tous les Québécois, car un carnaval ne vaut que par l’esprit collectif qui l’anime»11. Après l’invitation du maire Hamel de profiter largement de cette grande fête,

ce fut l’ arrivée folichonne et tonitruante du Bonhomme Carnaval – le seul personnage du genre parlant au monde – salué par les cris délirants de l’ immense foule envahissant la Place d’Youville et les rues adjacentes… Un grand remous se fit dans la foule des spectateurs quand le Bonhomme Carnaval déclara, d’ une voix de stentor, les danses ouvertes. On vit alors le premier ministre du Québec, Son Honneur le maire de Québec, le président du Carnaval, et ses collaborateurs, les gracieuses duchesses, leurs intendants et les invités d’ honneur danser, sur des rythmes entraînants, au même diapason que la jeunesse québécoise. L’animateur obtint à grandpeine d’agrandir les cercles des danseurs trop pressés par la foule. On s’ amusa follement… Il y eut des danses carrées du bon vieux temps, des quadrilles, des “ Paul Jones”, des valses et, bien entendu, du rock n’roll. Le Bonhomme Carnaval sautillait comme un cabri malgré sa carapace grotesque, entouré des raquetteurs qui le protégeaient de la bousculade, la foule voulant le voir de près12.

Les grandes compétitions de courses de chiens

Au Palais de glace, le soir de l’ouverture, le premier ministre Antonio Barrette danse avec une des duchesses. On reconnaît également le folkloriste Jacques Labrecque et le président Paul A. Chaput, qui font de même.

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Le lendemain, dimanche 14 février, en début d’aprèsmidi, pourquoi ne pas se retrouver à la piste de courses du terrain de l’Exposition? Les meilleurs meneurs de chiens, courant dans les campagnes environnantes avec leur équipage, se disputent depuis l’avant-veille le 25e Derby international d’attelages de chiens. On sait maintenant qu’Émile Martel et ses fidèles compagnons ont remporté l’étape de la veille. Et il fallait arriver tôt, on le voit bien, les gradins sont combles. Difficile d’y trouver place. La foule est impatiente. Soudain, l’annonceur maison d’y aller: «Mesdames et Messieurs, vous le verrez entrer sous peu à l’autre bout de la piste. Aux trois

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Émile Martel, meneur de chiens quarts de la course, il était bon premier avec 15 minutes d’avance. Voici Émile Martel, Mesdames et Messieurs, de Loretteville! Ne ménagez pas vos applaudissements!» Et Martel entre, avec ses huit valeureuses bêtes. Ils ont parcouru 33 milles [53 kilomètres] aujourd’hui, 100 milles [160 kilomètres] depuis trois jours. Le bonheur pour ses enfants présents. «Quand nous entendions son nom au micro, nous quittions vitement notre place, nous faufilant à travers la foule, pour gagner le bord de la piste»13, nous confie sa fille. Et Martel de franchir la ligne d’arrivée après 8 heures, 2 minutes et 25 secondes.

Après être demeuré quelques minutes à l’écart pour prendre son souffle, Émile Martel, le grand vainqueur du 25e dog-derby international de Québec, s’est approché d’un groupe de journalistes pour leur déclarer : “C ’est fini ! Je ne disputerai jamais plus de courses de ma vie. Je suis fier et heureux d ’avoir gagné et de quitter ainsi la scène sportive sur une grande victoire. Mes 54 ans m ’ interdisent de prolonger plus longtemps ma longue carrière de conducteur de chiens qui a débuté voici plus de trente ans. Il faut savoir s ’ arrêter et, cette fois-ci, je dételle mes braves bêtes et j ’ occuperai uniquement mes loisirs désormais dans l ’ élevage et le dressage. Je voulais prouver que j ’ étais encore capable de réussir un exploit. Je crois que personne n’en doute plus maintenant.” Le visage marqué par la fatigue, mais les yeux toujours brillants et vifs comme un renard, le vétéran des dog-derby de la province, et sans doute de l ’ Amérique du Nord, se rendit peu après dans le bureau du Club de courses où il confirma sa décision de prendre sa retraite devant les organisateurs14. 13. Entrevue avec Thérèse Martel Gignac et Charles Martel, 13 mai 2003. 14. Jacques Revelin, «Émile Martel remporte une 5e fois le dog-derby», L’Action catholique, 16 février 1960.

Le coureur de Loretteville et ses chiens s’amènent pour la victoire à la piste du terrain de l’Exposition.

Homme de condition modeste, Émile Martel travaillait comme ouvrier pour la Municipalité de Loretteville. Son amour des chiens lui vient du temps où il n’avait pas encore 20 ans. Pour son métier de garde-feu en forêt, il s’accompagnait toujours d’un chien. Et à l’âge de 23 ans, en 1928, il participait pour la première fois à un derby international d’attelages de chiens, celui de Québec, remporté cette année-là par Émile St-Goddard, de Le Pas, au Manitoba. Pendant 35 ans, Émile Martel courra, gagnant à plusieurs reprises les grandes compétitions de Québec, Ottawa, Le Pas et Laconia, au New Hampshire. Et jamais il n’utilisera de fouet. Son ascendant sur les bêtes lui venait plutôt d’une patiente fréquentation de chacune d’elles. «Ses chiens l’aimaient», nous disent Thérèse et Charles, ses enfants. Souvent d’ailleurs, il recueillait les chiens délaissés par d’autres meneurs et savait les réunir, trouver la place exacte que chacun pouvait occuper dans un attelage et les mener à la victoire. Le grand livre américain sur l’histoire des chiens de traîneaux dit de lui : « Émile Martel, de Québec, pouvait former des équipes avec n’importe quel chien et gagner des courses15.» Avec Émile St-Goddard, Martel est le seul Canadien à avoir été intronisé au Temple de la renommée des meneurs de chiens de Knif, en Alaska.

Le champion meneur de chiens Émile Martel et Jess, son chien de tête.

15. Traduction libre de Lorna Coppinger, en collaboration avec l’International Sled Dog Racing Association, The world of sled dogs, from Siberia to sport racing, New York, Howell Book House, 1977, p. 216.

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Pee-wee, pee-wee, pee-wee… Après le 25e Derby international d’attelages de chiens, outre le couronnement de la reine du Carnaval au Colisée – le sort favorisera Micheline Bédard, duchesse de Montmorency – le grand événement attendu est le premier Tournoi international de hockey pee-wee à l’aréna de l’Œuvre des terrains de jeux, au parc Victoria. On espère la venue de plus de 300 jeunes joueurs de moins de 13 ans, formant 28 équipes, la plupart arrivant par train ou par autobus, mais d’autres par bateau ou par avion. L’hébergement de ces jeunes se fera dans les familles, et le Carnaval de Québec a accepté de l’inscrire à sa programmation. Le refrain de La Chanson des peewee, composition d’André de Chavigny, le confirme bien d’ailleurs: 1-2-3-Go! Pee-wee, pee-wee, pee-wee, pee-wee, pee-wee. Vive les Pee-wee du Carnaval! Quelques joueurs de l’une des 28 équipes, celle-ci de Terre-Neuve, venues au premier tournoi de hockey pee-wee.

Autre nouveauté au Carnaval de 1960: la course de barils, boulevard Charest.

Gérard Bolduc, l’organisateur du tournoi, veut rehausser de cette manière le prestige de la ville de Québec sur la carte sportive du monde et donner l’occasion aux tout jeunes joueurs de hockey de connaître les émotions d’une bonne compétition. Sans compter que, à l’occasion du Carnaval de Québec, voilà une activité pour les jeunes. L’événement débute le samedi après-midi, 20 février, à deux heures, dans un amphithéâtre plein à craquer, avec un match opposant les équipes de Saint-Joseph et de Saint-Pascal, cette dernière l’emportant en période supplémentaire grâce à un lancer de Pierre Leclerc dévié par André Martineau, «le joueur le plus spectaculaire de la fin de semaine». Le tournoi durera huit jours. Après deux jours, le chroniqueur sportif Roland Sabourin est renversé.

Comme nous l’ont répété bien des gens au cours des dernières quarante heures, cette classique est tout simplement la “ révélation” du Carnaval d ’ Hiver de Québec… C ’ est l ’ atmosphère qui

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règne à ces joutes qui nous a frappé le plus et qui nous a fait réaliser toute l ’ importance que ce tournoi peut avoir dans le cadre du Carnaval d ’ Hiver de Québec. Les gens s ’ amusent et essayez de nous trouver une personne qui est allée à l ’ Aréna O.T.J., samedi et dimanche, qui n ’ a pas aimé le spectacle auquel elle a participé… Il est certain que l’Aréna O.T.J. sera trop petit dès le milieu de la semaine. Tous ceux qui y sont allés veulent y retourner et nous sommes certain que des centaines d’autres s’ajouteront à eux. Il y a de la vie dans les gradins et ces petits bouts d ’ hommes vous donnent des performances qui feraient rougir certains professionnels 16 . L’enthousiasme ne se dément pas et, deux jours plus tard, Sabourin écrit: «Par mesures de sécurité, nous croyons que la grande finale devrait être présentée au Colisée. Après tout, il serait de mise de présenter dans notre plus bel édifice la finale du plus beau tournoi de hockey jamais vu dans notre ville17.» Et on l’écoutera. Le samedi après-midi, 29 février, on présente au Colisée la grande finale du tournoi devant 7500 personnes. Plus jamais le Tournoi international de hockey pee-wee ne quittera le Colisée. De futurs grands joueurs professionnels viendront s’y produire, même si on ne pouvait le deviner alors. En 1974, par exemple, un enfant de Brantford, en Ontario, du nom de Wayne Gretzky, amasse 13 buts et 13 aides en 4 parties18. Le tournoi pee-wee terminé, nous avons oublié qu’il y eut défilé à la Basse-Ville, courses de tacots côte Saint-Sacrement, festival d’art dramatique à l’Institut canadien, courses de barils, boulevard Charest, suivies de danses au clair de lune, grand bal de la Régence au Château Frontenac, puis concours de slalom, côte De Salaberry. Enfin, le samedi 27 février, le défilé de la Haute-Ville.

Le pouls de Québec s ’ était arrêté de battre : toute circulation automobile est devenue impossible ; les demeures se sont vidées car chacun n’avait qu’une destination : le parcours du dernier défilé du carnaval […] Les trottoirs étaient noirs de monde et les fenêtres des demeures bouchées par des têtes et des têtes 19 . On n’en finirait plus. Et le lendemain aprèsmidi, le dimanche de la course en canots, tout au bord du fleuve, parmi les milliers de personnes toujours à la fête, se trouve notre Lauréat Fortier, qui n’a d’œil que pour ses garçons. Bien sûr, les frères Lachance, l’«équipe invincible», d’après le journal, gagnent à nouveau. Mais, chez les amateurs, les fils Fortier l’emportent, avec moins de deux minutes de retard sur les Lachance, avec le canot de leur père. Que dire de plus? Dans les journaux, on titrera, sitôt fini: «Le plus beau Carnaval».

Les deux défilés du Carnaval de 1960 attirent de grandes foules.

16. Roland Sabourin, «Le tournoi pee-wee déjà un succès», L’Événement, 22 février 1960. 17. «L’enthousiasme pee-wee se continue. Le Colisée est une nécessité», L’Événement, 24 février 1960. 18. Sur l’histoire du Tournoi international de hockey pee-wee, on s’en remettra à l’ouvrage d’Alex Légaré et Jacques Dion, La petite histoire d’un grand tournoi, 1991. 19. Lucien Quinty, «Un soir de joie carnavalesque», L’Événement, 29 février 1960.

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En 1996, on remet au programme la course de chiens disparue depuis plusieurs années. Plutôt que de derby, on parle désormais de Grande Virée.

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Les carnavals de la Révolution tranquille 1961-1967

Il est assurément fort satisfaisant de se faire consacrer «Le plus beau Carnaval», mais combien exigeant pour la suite. Chose certaine, après six ans, le Carnaval de Québec repose sur des fondements assurés. Le décor est placé, on a appris à organiser l’événement et les gens y viennent en grand nombre. Et les années fileront. On répétera bien sûr les activités importantes qui particularisent déjà le Carnaval de Québec. On en échappera d’autres aussi, faute d’argent à l’occasion, par manque de participants, ou simplement par perte d’intérêt. Un jour, par exemple, on ne sait précisément en quelle année, on constate la disparition des raquetteurs, les clubs eux-mêmes s’étant dissous à défaut de membres. Dans les défilés, on les remplacera par des majorettes,

qui elles aussi lentement se feront plus rares. Et, surtout, on ne cessera de proposer de nouveaux événements. Dans les programmes officiels du Carnaval, nous recensons 571 activités différentes de 1955 à 2003, et la plupart ont été organisées après 1960. Il nous serait impossible de parler ici de chacune. Mais tournons les pages, attardons-nous encore. La photographie nous aidera d’ailleurs à l’occasion. En 1961, le nouveau premier ministre du Québec, Jean Lesage, inaugure le Carnaval. L’affaire n’est pas banale. Après Antonio Barrette, présent l’année précédente, c’est là la franche reconnaissance de l’événement par les pouvoirs publics. Comme l’affirmait M. Barrette, le Carnaval «a maintenant droit de cité et […] est en sorte l’affaire de tous les Québécois». Barbara Ann Miller, duchesse de Champlain, sera

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La reine Barbara Ann Miller, le soir de son couronnement au Colisée.

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élue reine. Madame Miller est la mère de Patrick Roy, participant au Tournoi international de hockey peewee en 1977 et 1978 qui connaîtra comme gardien de but une brillante carrière dans la Ligue nationale de hockey. Et pour la première fois, au Colisée, on se livrera à une compétition de sauts de barils. En 1962, au couronnement de la reine Gigi Bédard, duchesse de Montcalm, on entend pour la première fois la chanson Salut Bonhomme, composition de Cécile Bouchard et d’Omer Létourneau interprétée par le baryton Guy Lepage.

En 1961, le festival de la Basse-Ville, dans le quartier Champlain, attire à nouveau de très grandes foules. Le premier ministre Jean Lesage et son épouse ouvrent la danse à l’inauguration du Carnaval.

En 1961, la reine et les duchesses s’apprêtent à dévaler la glissade du Château. On reconnaît la reine Barbara Ann Miller (deuxième à droite).

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En 1962, le Palais a des allures futuristes. Son concepteur, l’architecte André Robitaille, s’est inspiré, dit-on, d’une photographie d’iceberg prise en 1908 par le capitaine Joseph-Elzéar Bernier au cours d’une de ses expéditions dans le Grand Nord.

Un record d’affluence Le Carnaval de 1963 est une histoire d’affluence. Le grand succès de la Soirée de la bougie l’annonce d’ailleurs; en 3 heures, on en vend 140000. Et jamais il n’y eut autant de monde à Québec. Jamais ne s’était dégagé un esprit de réjouissance si général. On s’en plaint presque. Impossibilité de trouver une chambre, nombre insuffisant de taxis, restaurants pleins à craquer, qui finissent d’ailleurs par manquer de nourriture. On couche au patro Saint-Vincentde-Paul, à la salle paroissiale de Limoilou, au Manège militaire que les Forces armées acceptent d’ouvrir pour l’occasion, même dans des trains de la cour de triage de la gare du Palais1. On rapporte que plus de 200000 personnes assistent à la course en canots. Le journal Le Soleil dira: «Il est malheureux de le constater, mais Québec n’est pas dotée de l’organisation nécessaire pour recevoir autant de visiteurs d’un seul coup2.» Parlant du Carnaval, l’éditorialiste du journal ajoute: «C’est devenu une sorte d’enfant

prodige, qui nous étonne constamment3.» Quelques semaines plus tard, le secrétaire-trésorier J.-Arthur Bédard conclut dans son rapport que les recettes ont permis de payer complètement les coûts de l’entrepôt de la rue Joly et l’«immeuble de la rue d’Auteuil qui sert maintenant de quartiers généraux au Carnaval».

En 1963, décor impressionnant pour le couronnement de la reine à l’hippodrome de Québec.

Le saut de barils pratiqué au Carnaval jusqu’à la fin des années 80 est un sport aujourd’hui disparu. La plupart des champions canadiens à compter de 1940 étaient des Québécois.

1. «Quelques ennuis causés par le défilé», Le Soleil, 25 février 1963. 2. Ibid. 3. Ibid., 27 février 1963.

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Gaston Robert, concepteur des chars du Carnaval durant près de 30 ans, affirme que les dragons lumineux, surtout animés, furent toujours les chars préférés du public.

1963 1964

Caribou: boisson traditionnelle au Canada, constituée d’un mélange de vin rouge type «Porto» et d’alcool, dont la consommation est aujourd’hui souvent associée aux festivités de l’hiver (carnaval, temps des fêtes, des sucres, etc.). On note plusieurs variantes de caribou. D’après certaines recettes anciennes, on y ajoutait parfois du thé chaud ou des clous de girofle. Il existait même une sorte de caribou appelé caribou de cabane que l’on coupait avec de l’eau d’érable tirée de la bouilleuse (évaporateur). Le caribou, encore très populaire pendant le carnaval, est commercialisé comme apéritif depuis 1976 par la Société des alcools du Québec. Le terme caribou est d’origine algonquienne. Source: OQLF

4. Carnaval d’Hiver de Québec, rapport du trésorier, non daté.

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Mais ce qui doit surtout être pour chacun de nous un motif de fierté, ajoute-t-il, c’est la valeur économique de cette manifestation, valeur que le Centre de recherches de la Faculté de Commerce a estimée à plus de 7 000 000 $, et réparti sur un mois seulement… Le Carnaval d’Hiver de Québec est devenu sans aucun doute une des grosses entreprises de la région et, fait à noter […] cette grosse entreprise opère avec seulement 4 employés permanents, un contrôleur, une secrétaire, un gérant d ’ atelier et son assistant. Bien sûr il faut des ouvriers additionnels pour la période de construction des chars allégoriques, matériel de décoration, etc., mais tout le reste est accompli par des centaines de citoyens qui apportent leur compétence, leur énergie, leur temps et leur argent bénévolement. Je crois qu ’ il est bon que cette vérité soit rappelée de temps à autre 4 …

Lors du Carnaval de 1964, celui du 10e anniversaire, il pleut à quelques reprises, ce qui oblige les résidants des rues Sainte-Thérèse et Saint-Sauveur à recommencer les monuments de neige trois fois. D’ailleurs, il faut tant travailler à ces créations éphémères que, rue Sainte-Thérèse, les enfants d’un des résidants, Lionel Faucher, mécanicien au service de la Ville de Québec, le convainquent de transformer le sous-sol de la maison en une halte, un endroit où les sculpteurs peuvent se réunir et se réchauffer entre deux sessions de travail. Faucher accepte et y place un comptoir, un bar, quelques fauteuils et de longs bancs de bois contre les murs. Ainsi naissent les Voûtes Chez Ti-Père qui, 25 ans durant, accueilleront les plus humbles comme certains des grands de ce monde, à qui on proposera un petit verre de caribou.

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Les Voûtes Chez Ti-Père

Les Voûtes Chez Ti-Père deviennent une véritable institution et on considère Lionel Faucher comme l’un des hôtes les plus pittoresques du Carnaval de Québec. Plusieurs de ses visiteurs sont intronisés à titre de membres de l’Ordre de Ti-Père. D’ailleurs, la participation des habitants des rues Sainte-Thérèse et Saint-Sauveur est de plus en plus importante.

La rue Sainte-Thérèse, visite obligée pour les carnavaleux.

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En 1966, une équipe féminine participe pour la première fois à la course en canots du Carnaval.

1965

5. «La rue du Carnaval. L’esprit civique et l’entraide sont à la source de cette attraction qui est nécessaire au Carnaval», Le Soleil, 20 février 1965.

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Le Carnaval de 1965 n’est pas autrement. Le 24 février, en plein tournoi pee-wee, des milliers de spectateurs commencent à rouspéter devant le Colisée plein à craquer et fermé, faute de places. Plus de 19000 partisans occupent déjà l’amphithéâtre. Voyant les nombreux policiers incapables de maîtriser la foule, on décide de laisser entrer les protestataires. Le lendemain, L’Action catholique rapporte que le Colisée est trop petit pour le tournoi de hockey.

L ’ an passé, dit le président des rues du Carnaval, Fernand Picard, nous avons construit 167 monuments et cette année il y en a […] environ 195. Il règne sur les rues SainteThérèse et Saint-Sauveur un esprit d’entraide formidable. Évidemment, tous ne sont pas capables de faire les têtes de monuments qui constituent souvent la partie la plus difficile à sculpter. C ’ est alors qu ’ un spécialiste de la rue dans le domaine ira donner un coup de main à son voisin moins habile 5 .

En 1967, il n’y a pas de meilleure place qu’à bord des traversiers pour suivre la course en canots. On a même refusé du monde.

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En 1966, après onze ans, on se demande pourquoi une première équipe féminine ne participerait pas à la course en canots. L’animateur Saint-Georges Côté lance un appel à la population; la firme de communication Pierre Tremblay & Associés promet de commanditer l’équipe éventuelle. Rapidement, cinq femmes se proposent6, dont trois membres de la célèbre famille Lachance. Chacune connaît le maniement du canot à glace. «Toutefois, ce sera semble-t-il la première fois qu’elles effectueront une traversée sans l’assistance d’aucun homme7.» Et toutes s’en disent ravies: «Cela fait des années que nous rêvons de participer à cette course et c’est avec plaisir que nous acceptons votre invitation.» Comme l’indique le communiqué de presse:

Maintenant que l ’ équipe est dûment enregistrée et que tout est prêt pour la course, la grande question que l ’ on se pose dans le public est de savoir si oui ou non les dames réussiront, dans ce domaine comme dans tant d ’ autres, à faire ce qui jusqu ’ à maintenant était exclusivement réservé aux hommes, soit la traversée du fleuve en canot à glace 8. Les cinq femmes gagneront le pari. Et puis, pour le Carnaval de 1967, nous retenons une seule image, magnifique, celle de la reine Gaétane Lépine et des duchesses.

6. Ce sont Aima, Lorraine et Pierrette Lachance, Lucie Pruneau et Lise Vézina. Une sixième, Anna Vézina, la sœur de Lise, sera substitut. 7. «Du nouveau dans la Course en canots», communiqué de presse de Pierre Tremblay & Associés, 11 février 1966. 8. Ibid.

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Dans l’imagerie du Carnaval depuis 50 ans, la présence d’une des portes de la vieille ville ajoute tellement au charme de l’événement.

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Le Carnaval d’une duchesse 1968

En octobre 1967, 350 jeunes filles de la région de Québec, habitant l’un des sept duchés du Carnaval, reçoivent une semblable lettre. CARNAVAL D’HIVER DE QUÉBEC INC.

Québec, le 19 octobre 1967 Mademoiselle, Le comité du choix des Duchesses et le Carnaval de Québec vous remercient sincèrement d’avoir posé votre candidature au poste de Duchesse de Lévy. Nous vous convoquons donc à l ’ Institut Coopératif Desjardins, Lévis, le jeudi 26 octobre, à 7.55 hres p.m., où les membres du jury préliminaire procéderont à une entrevue à huis-clos.

Afin de conserver l’anonymat de toutes les candidates, vous serez alors identifiée par un numéro, à savoir dans votre cas le numéro 12. L’identité des candidates choisies pour la finale ne sera dévoilée qu ’ aux membres du jury lors de la grande finale qui aura lieu au Quebec Winter Club le 10 novembre. Il est très important que vous n’oubliiez pas le numéro qui vous a été assigné. Espérant qu’il vous sera possible d’assister à cette entrevue préliminaire, nous vous remercions de votre collaboration au Carnaval et vous prions d ’ agréer nos meilleurs vœux de succès. Votre tout dévoué, Marcel Rochette Directeur Général

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À cette réunion du 26 octobre, Francine Kirouac, réceptionniste à l’Hôtel-Dieu de Lévis, impressionne favorablement le jury, puisqu’on la convoque à la grande finale du Quebec Winter Club, au Bal du choix des duchesses. Là, devant une foule de quelque 1500 personnes, elle apprend qu’elle est la nouvelle duchesse de Lévy. En novembre et décembre, comme les six autres duchesses, elle suit un cours de perfectionnement et participe aux premières activités de représentation. Après les Fêtes, le travail de duchesse s’accélère. Suivons-la dans quelques-unes des pages du journal qu’elle tient alors.

Journal de Francine, duchesse de Lévy 6 janvier

La duchesse de Lévy, Francine Kirouac, sur le traversier devant Québec.

Avec mon président, M. Turgeon, mes parents et les organisateurs de mon duché, allons à LaurierStation faire une visite à la salle Le Bon Vent pour stimuler la vente de la bougie. Nous nous rendons ensuite à Saint-Louis-de-Pintendre au Petit Vallon où le propriétaire, M. Tremblay, fait l’ouverture de son auberge. 12 janvier

Visite au maire Drapeau. Signature du livre d’or de la ville de Montréal. On annonce officiellement qu ’ il y aura une journée spéciale du maire Drapeau durant la période intensive du Carnaval. Retour à Québec par avion. Quittons l’aéroport de L’Ancienne-Lorette à 8 h 00 pour se rendre au poste de Télé 4 faire l’enregistrement de l’émission de la présentation des duchesses à la télé de Québec.

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13 janvier

Nous rendons à la place de l ’ hôtel de ville de Québec pour l ’ arrivée officielle du Bonhomme qui apparaît pour la première fois à Québec en sortant d’une immense bougie sous les yeux émerveillés de plusieurs milliers de Québécois. Une réception suit à l ’ hôtel de ville, pendant qu ’ à l ’ extérieur on offre au public un gigantesque feu d ’ artifice. En fin de soirée, allons à la Brasserie Dow aux Voûtes Jean-Talon où se tient une soirée. 17 janvier

Avec mon président de duché et M.G. Veilleux, organisateur de la Soirée de la bougie, je vais à Sainte-Marie de Beauce et ValléeJonction promouvoir la vente de la bougie. 20 janvier

Duché de Lévy

Grand jour de blitz de la bougie

À 1 h 30 P. M., grande parade débutant à la rue Langelier, de Lauzon, passant par la Plaza, Bienville, Lévis, Christ-Roi, Saint-David, SaintRomuald. Le démembrement se fait après avoir parcouru les rues principales de Saint-Romuald. 4 h 30 P. M. Émission de la bougie à Télé 4. Retour à Lévis où je commence la visite des clubs, restaurants, etc., avec mon président et papa. La vente est un succès inespéré. Avec nos 32 164 bougies vendues, nous établissons un record pour la rive-sud, soit 8 000 de plus que l ’ an dernier, une augmentation de 31,2 %. À minuit 15, allons à Télé 4 pour le tirage des prix de la bougie… J ’ ai la main heureuse en choisissant une capsule de mon duché, celle de M. Bernard Landry qui se mérite 150 $. Une Lévisienne, Mlle Louise Laliberté, tient bon pour arriver en finale avec un monsieur du duché de Laval, soit 3 000 $ ou 10 000 $. Miss Canada qui fait la dernière pige sort son nom pour 3 000 $.

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Visite avec Bonhomme à l’Institut Saint-Joseph, à Lévis.

22 janvier 2h00 P. M. Visite à l’hôpital Saint-Augustin de Loretteville

Le soir, de 9 à 11, M. Rudy Bleau, propriétaire du restaurant La Duchesse de Lévy, offre un cocktail en mon honneur. Outre un nombre imposant de parents et d ’ amis, plusieurs personnalités sont présentes dont l ’ honorable ministre Loubier, son épouse, les maires de Lévis, Lauzon, SaintRomuald, Saint-David et leurs épouses… Mme McNeil, en plus d’ offrir un bouquet de corsage à chaque duchesse, une fleur de corsage à toutes les dames présentes, m ’ offre une magnifique gerbe de roses. Grosse surprise de la soirée ! M. L. Gosselin lui-même dévoile une splendide photo en couleur, dans un encadrement de grande valeur, qu ’ il a faite de moi, et me l ’ offre gentiment à la condition que je la laisse exposée durant une année au restaurant La Duchesse de Lévis. Tout l’exécutif du Carnaval, les présidents de duché, leurs épouses, sans oublier le Bonhomme Carnaval, étaient de la fête.

24 janvier

Pendant ma séance de coiffure chez Carlin, une nouvelle des plus bouleversantes m’est transmise par mon président de duché : mon Bonhomme Carnaval ne pourra assister à mon couronnement demain soir car il s’envole pour Paris en fin de soirée pour ne revenir que vendredi. Il doit être présent à l’inauguration d’une exposition canadienne, à Paris, et faire en même temps de la publicité pour le grand Carnaval de Québec. Impossible de maîtriser mon émotion. Au début de l’après-midi, nous nous rendons au Parlement rencontrer le premier ministre Johnson qui nous offre à chacune un petit drapeau de la Province. Il y a petit caucus avec M. Audet, président du Carnaval, qui se rend compte à quel point ma déception est grande d ’ être privée de la présence du Bonhomme à mon couronnement. À mon arrivée à la maison, autre catastrophe, mon cher papa est terrassé par la grippe asiatique, mal qui sévit dans la région à l ’ état épidémique. Au restaurant Lafayette, assistons au couronnement de Francine Delisle, duchesse de Frontenac.

Ce déguisement, à l’origine de la conception d’êtres mythiques mi-chevaux, mi-hommes, s’apparentant à la figure du centaure, est l’un des plus anciens dans l’histoire de l’humanité. On le retrouve aussi loin que dans le théâtre antique et, depuis lors, ce cheval-jupon réapparaît régulièrement dans les carnavals. Le voici ici dans le défilé du Carnaval de Québec en 1968.

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On vient tout juste de couronner la duchesse de Lévy.

25 janvier

La duchesse de Lévy, pendant la présentation de la garde-robe.

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Le médecin, revenu rendre visite à papa, lui interdit de quitter le lit… Il ne pourra donc pas assister à mon couronnement, ce qui me chagrine beaucoup. Après les préparatifs d ’ usage avec mon président, je me rends au Casino Variétés à Lauzon pour la grande soirée tant attendue. Un nombre imposant d ’ amis sont venus assister à cette grande fête. Plusieurs médecins et gardemalades sont aussi dans l ’ assistance. Denis Lacombe de CFLS est le maître de cérémonie. À 10 h 00 P. M., le cortège s ’ ébranle : le porte-couronne la gentille petite bouquetière, Lyne Graves la première demoiselle d ’ honneur, Ginette Guay, une des finalistes la seconde demoiselle d ’ honneur, Francine Lamontagne le premier garçon d’honneur, Bruno Turcotte le second garçon d ’ honneur, Gilles Carignan la dame d ’ honneur, Maryelle Kirouac le président du duché, Jean-Paul Turgeon moi-même.

Je m’efforce de sourire à tous ces parents et amis venus m ’ acclamer, mais l ’ absence de mon papa et du Bonhomme m ’ attriste beaucoup. Se déroule ensuite la cérémonie très impressionnante et grandiose du couronnement par mon président aidé de ma dame de compagnie. Présentation de fleurs. Discours d’usage. Discours du trône. Après quoi, le président du Carnaval, M. Audet, prend la parole et déclare qu’une surprise tout à fait spéciale a été réservée au duché de Lévy. Et, au même moment, il nous fait entendre une conversation téléphonique du Bonhomme Carnaval directement de Paris dans laquelle il parle un peu de l’accueil chaleureux qu ’il a reçu là-bas, s’adresse au duché de Lévy, puis plus spécialement à moi, me remercie en termes très chaleureux de lui avoir permis de faire ce voyage, me fait ses meilleurs vœux et me dit que des arrangements spéciaux sont faits pour que cet appel soit enregistré et que cet enregistrement me soit remis. M. Audet m’annonce aussi une autre surprise, pour moi seule cette fois… C’est un gentil Bonhomme Carnaval en peluche que Mme Vallée, de la boutique Renée, vient m’offrir au nom du Carnaval. Vraiment c’est trop d’émotions à la fois. Impossible de retenir mes larmes… On m’a rapporté que l’émotion a gagné toute l ’assistance… J’ai été profondément touchée de ces gestes posés par le Carnaval… Ce sont des moments inoubliables. L ’ heure des discours étant terminée, le maître de cérémonie me demande tout en faisant les présentations d ’ accepter les hommages de l ’ exécutif du Carnaval, des présidents de duché, chacun avec leur épouse, des membres du cortège, en terminant par l’annonce de papa retenu au lit… Suit une période de séance de photos et de film. Après quoi, on me prie d ’ ouvrir la danse avec mon président. La soirée devient très enjouée, chacun s’amuse à qui mieux mieux et tous garderont sûrement un souvenir enchanté de cette merveilleuse soirée.

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26 janvier Ouverture de la Plaza du Carnaval à Lauzon

Le tout débute par une parade formée à l’hôtel de ville de Lauzon. Arrêtons au palais de glace où s’ouvre officiellement la Plaza. Le Bonhomme, me tenant par le cou, s’avance pour parler à la foule. On me fait ensuite parler à mon tour à la demande de la foule qui a ce soir un enthousiasme délirant. Après les discours du maire et du président, un feu d’artifice réjouit tous les spectateurs, pendant que le cortège se reforme pour continuer la parade. En passant dans la rue Botrel, cris, sirène, flash sont de la partie, pour que papa vienne à la fenêtre. Mais, ne le voyant pas apparaître, j ’entre avec le Bonhomme dans notre maison et nous montons le saluer dans sa chambre. Papa ne semblait pas croire à la réalité de cette visite inattendue. Il lui fut tout à fait impossible d’extérioriser ses sentiments… Les autres duchesses pendant ce temps se réchauffent dans notre salon. Après cette visite impromptue […] dans notre foyer, la parade continue pour se démembrer à l ’ Institut technique où la Ville de Lauzon nous reçoit. Discours du maire, du président du Carnaval, M. Audet, du président du duché, M. J.P. Turgeon, de M. Maurice Proulx, directeur de l ’ École. Je remercie au micro et la réception se poursuit joyeusement. La fête continue ainsi jusqu’à la fin du mois de février. Les duchesses sont partout, en particulier du 14 au 27 février, période proprement dite du Carnaval. Dans un document officiel du Carnaval de Québec ayant pour titre «Sorties des duchesses», nous dénombrons 125 activités. Chaque collège, chaque hôpital, chaque club social, chaque association, chaque poste de radio ou de télé souhaite la venue de celles-ci. Avec Bonhomme, partout elles sont le sourire du Carnaval.

Duchesse par excellence Dans son album, la duchesse de Lévy n’a plus le temps de raconter ses jours. Des coupures de presse et des photographies nous disent la suite. Avec ses consœurs, on la retrouve au Colisée avant un match de hockey ou à l’ouverture de la rue du Carnaval. Elle se rend saluer la foule venue aux courses de chiens, de tacots ou de motos sur glace, au tournoi de souque à la corde ou de curling. Quatre étudiants de la Faculté de nursing de l’Université de Montréal, en plein festival, l’enlèvent même pour 24 heures, l’obligeant gentiment à gagner Montréal avec eux. Francine Kirouac ne sera pas élue reine du Carnaval le 14 février au Colisée. Le tirage au sort favorisera plutôt la duchesse de Montcalm, Colette Pilote. Toutefois, le mardi soir, 27 février, à quelques minutes du départ de Bonhomme Carnaval et de la fin de cette grande fête, la duchesse de Lévy est proclamée «Duchesse par excellence». Le lendemain, Maurice Laperrière,journaliste au quotidien montréalais La Presse, écrit:

Le Carnaval d ’ hiver de Québec s ’ est terminé hier soir, au Palais de glace du Bonhomme, Place d ’ Youville, par le triomphe incontestable et incontesté de la Rive-Sud, en présence de milliers et de milliers de Québécois qui avaient repris avec enthousiasme possession de leur vieux Québec et fêtaient avec une joie presque délirante cette reprise en main de célébrations qu’ils considèrent comme bien à eux. Francine, duchesse de Lévy, blondinette de 19 ans, a été proclamée “ Duchesse par excellence”… La foule était heureuse du choix de Francine comme Duchesse par excellence non seulement parce que cette charmante duchesse a conquis tous les cœurs des Québécois dès le début du Carnaval, mais aussi parce que le duché de Lévy a toujours été, dès le début du Carnaval, l’un des plus enthousiastes et des plus actifs durant les festivités1.

Le comédien et chanteur français Fernandel, de passage à Québec en 1968. Il converse ici avec la duchesse de Cartier, Ginette Vallée, et, à sa gauche, la duchesse de Lévy.

1968

1. La Presse, 28 février 1968.

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À Monaco, la princesse Grace avait choisi avec soin la robe qu’elle porterait le soir du bal de la Régence au Château Frontenac, le 7 février 1969.

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Et vint une bien belle princesse 1969 1. Micheline Drouin, «Le Carnaval réunit Grace et Mary», Le Soleil, 5 février 1969. Mary Lamontagne raconte que Grace Kelly n’a jamais connu d’âge ingrat et qu’au couvent, dans les saynètes, les religieuses lui ont toujours confié le rôle de la Vierge, même si la coutume voulait qu’on prenne invariablement une finissante.

Sitôt le Carnaval 1968 terminé, les organisateurs espèrent un coup d’éclat pour l’année suivante: la venue du prince Rainier, de Monaco, et de son épouse. À l’été, sachant que la princesse Grace de Monaco et l’épouse du maire de Québec, Mary Schaefer, avaient passé ensemble huit ans au couvent des Sœurs de l’Assomption, la Raven Hill Academy, à Philadelphie1, et qu’elles sont toujours de bonnes amies, le comité exécutif du Carnaval demande d’abord à cette dernière de tâter le terrain. Pendant une visite chez les Grimaldi, Mme Lamontagne apprend que l’invitation sourit à la princesse. Alors, par l’intermédiaire du consulat général de Monaco à Montréal et du secrétaire particulier de la principauté, M. Diter, le président du Carnaval, Gilles Richard, transmet une invitation officielle au prince

Rainier et à son épouse. Se pourrait-il que le couple princier vienne à Québec pour le prochain Carnaval? Le 23 septembre, le prince Rainier lui répond:

Cher Monsieur Richard, La Princesse et moi-même sommes fort sensibles à la délicate attention que vous avez eue en nous invitant si aimablement à présider les activités du prochain Carnaval d ’ Hiver de Québec qui aura lieu du cinq au dix-huit février 1969. Nous nous réjouissons vivement d’être les hôtes de votre charmante ville et serons ravis de retrouver le Québec dont nous avons gardé un souvenir inoubliable. Toutefois, en ce qui me concerne personnellement, je ne puis, à mon grand regret, vous confirmer ma participation avant de savoir si les dates LE CARNAVAL DE QUÉBEC

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du Festival de Télévision, que je dois présider à Monaco, me permettront d ’ envisager un déplacement en février. Je me ferai un plaisir de vous communiquer tous renseignements à ce sujet dès que je serai en mesure de le faire mais, d’ores et déjà, je tiens à vous dire combien votre gracieuse invitation nous a touchés. Rainier Prince de Monaco

Viendra, viendra pas… Au cours de l’automne, impossible de savoir si le prince sera à Québec en février, mais, par l’intermédiaire de l’épouse du maire Gilles Lamontagne, la venue de la princesse Grace se confirme. Déjà le comité exécutif du Carnaval jubile. Pour mener la princesse de Montréal à Québec, puis, par la suite, aller la reconduire à Philadelphie, le Carnaval de Québec pourra disposer de l’avion du gouvernement du Québec, un DH 125. Le 6 janvier 1969, le consul général de Monaco à Montréal, Michel Pasquin, écrit au président du Carnaval:

Cher Monsieur Richard, Je m ’ empresse de vous informer que j ’ ai reçu ce soir un câblogramme de Monaco me faisant part de l’impossibilité dans laquelle se trouvera S. A. S. le Prince de Monaco d ’ accompagner à Québec S. A. S. la Princesse Grace à l ’ occasion du Carnaval. J ’ ai pris connaissance avec beaucoup d ’ intérêt de la lettre que vous avez adressée à M. Diter en date du 17 décembre dernier. Elle répondait dans tous les détails à certaines précisions que celui-ci m ’ avait lui-même demandées par une lettre reçue quelques jours auparavant. La jolie princesse parée de ses plus beaux atours.

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Maintenant qu ’ il est officiel que S. A. S. le Prince ne pourra venir à Québec, il restera à déterminer si S. A. S. la Princesse arrivera le 5 février au lieu du 6 comme il avait d’abord été prévu. Selon les usages, je me porterai à la rencontre de S. A. S. la Princesse à l ’ aéroport international de Dorval à Son arrivée. Il y a lieu de prévoir que ma femme et moi prendrons place à bord du même avion qui quittera Dorval pour Québec environ une heure après l ’ arrivée de la Princesse et de sa Suite. Je me propose de me rendre prochainement à Québec et je me mettrai préalablement en rapport avec vous afin que nous puissions nous rencontrer une dernière fois et passer en revue le programme détaillé du séjour à Québec de S. A. S. la Princesse de Monaco. Le Prince n’y sera donc pas, mais Grace s’amènera. Et on en est si content. Le 20 janvier, le Carnaval tient une conférence de presse pour annoncer la nouvelle. Son Altesse, dit-on, la princesse Grace de Monaco séjournera quatre jours en notre ville. Elle sera là le mercredi 5 février. Cependant, «à cause du décalage d’heures entre Monaco et Québec», elle ne pourra rencontrer les membres de la presse avant le lendemain, 16 heures. Mais attention! Le consul général de Monaco demande au directeur général du Carnaval de faire suivre la note suivante au Château Frontenac:

Objet : Mets et boissons (Château Frontenac). j Pas de crustacés. j Pas de whisky ou alcools forts. j Son Altesse aime un verre de vin avec ses repas. j Elle affectionne plus particulièrement un doigt de Champagne de temps à autre 2 .

Le mercredi 5 février, par un froid glacial, descendant de l’avion à Québec, Grace de Monaco cherche un visage, celui de son amie américaine. Les photographes et cinéastes y sont, mais, comme il a été entendu, la princesse à cette occasion n’accorde aucune entrevue. Le lendemain après-midi, au Château Frontenac, elle rencontre les journalistes. Radieuse et détendue, elle porte une robe-tunique de ligne droite, de lainage noir, ornée d’une broche en or qui emprunte la forme d’une orchidée et soulignée à la taille d’une chaîne dorée. La journaliste du Soleil s’y trouve et remarque que le noir avive encore l’éclat de sa beauté. «C’est la toute première fois que je participe à un carnaval», déclare la princesse d’entrée de jeu. «Tout au long de la conférence de presse, elle s’est tenue très droite sur son fauteuil, accueillant avec un sourire gracieux le flot habituel de questions. Sans bouger, recourant rarement à ses mains pour ponctuer une déclaration, elle s’est exprimée dans un français exquis, lorsqu’on l’interrogeait dans cette langue. On la dit réservée, et son attitude le prouve. De fait, son visage, qu’on ne se lasse de regarder, ne trahit pas ses pensées. Sans être secrète, la blonde princesse ne se laisse pas aisément deviner. Lorsqu’elle parle de ses enfants, son visage s’anime, rayonne. Elle avoue que le fait d’être princesse complique sa tâche d’éducatrice. Les considère-t-elle comme européens ou américains? «Ils sont d’abord monégasques», dit-elle, précisant qu’ils parlent français à l’école, mais qu’elle s’adresse toujours à eux en anglais.» Et la journaliste d’ajouter:

S’il était fort agréable de rencontrer cette femme dont la grande beauté s ’ allie à un tact de bon aloi, il était cependant moins agréable de lutter contre le déclic des caméras pour percevoir sa voix. On avait tout simplement négligé d’installer un système d ’ amplification, ou, si l ’ on y avait songé, des difficultés d’ordre technique l’ont rendu absolument inefficace 3 .

2. Réponse à la note de Marcel Rochette transmise à Michel Pasquin, consul de Monaco, 24 janvier 1969. 3. Micheline Drouin, «Premier Carnaval de la princesse Grace de Monaco», Le Soleil, 7 février 1969.

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Après avoir ouvert le défilé qui parcourut les corridors du Château, bondés de spectateurs, la princesse Grace arriva dans le grand hall, au moment où le Chœur V ’ la le Bon Vent, fort de 90 voix, entame « Mon pays, c ’ est l ’ Hiver » ; cette chanson de Gilles Vigneault se répercuta d ’ une salle à l ’ autre et c ’ est en suivant son rythme que la princesse gravit le grand escalier qui devait la mener au Salon Verchère, où lui furent présentés les trois cents invités du bal, avant d ’ entrer dans la salle de bal. La princesse Grace ne dansera guère. Elle ouvrira le bal au bras du président du Carnaval, Gilles Richard. Quand l’orchestre entamera un air entraînant des années 40, I could have danced all night, elle acceptera volontiers de danser avec le maire de la ville, Gilles Lamontagne, puis regagnera son fauteuil. Mais qu’importe, seulement de sa présence Québec était comblée.

La princesse Grace de Monaco, le maire de Québec, Gilles Lamontagne, et Mary, l’épouse du maire et amie de Grace.

4. Entrevue téléphonique avec madame Mary Lamontagne, le 22 avril 2003. 5. Monique Brunelle, «Ils auraient dansé toute la nuit», Le Soleil, 8 février 1969. 6. Ibid., 10 février 1969.

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Un bal dont on se souviendra On promènera la princesse partout: réceptions à l’Hôtel du Parlement et à l’hôtel de ville, mise au jeu d’une partie de hockey entre deux équipes peewee au Colisée, départ d’une course de motos à la piste de courses, visite de la rue du Carnaval et des Voûtes Chez Ti-Père, défilé de nuit à la Basse-Ville, grand-messe le dimanche matin à la basilique. Partout la princesse jouera le jeu. Mais ce qui marquera Québec est sa présence au bal de la Régence le vendredi soir, 7 février. «Cela lui souriait d’autant plus, nous dit Mary Lamontagne, que, comédienne, elle adorait incarner des rôles. À Monaco, elle avait choisi avec soin la robe qu’elle porterait le soir du bal au Château Frontenac et avait demandé à sa coiffeuse de l’accompagner à Québec4.»

Il aurait fallu que toutes les petites filles de la ville, toutes nos futures duchesses voient cette véritable princesse, qui semblait sortir de sa légende. Dans une robe d ’ organza jonquille ouverte sur un corsage miel à nœuds plats, un ruban lui tenant lieu de collier, orné de roses de dentelle, deux roses thé et miel dans son chignon torsadé. À la main, elle tenait une bourse assortie à sa robe, et les brillants de son annulaire gauche scintillaient de mille feux lorsqu’elle jouait de son éventail d ’ or. À ses oreilles pendaient de lourdes larmes de perle 5 . Grace de Monaco s’envolera pour Philadelphie le lundi midi, 10 février. Sa venue à Québec n’aura pas manqué d’attirer un nombre impressionnant de visiteurs et de journalistes étrangers, aussi bien américains qu’européens. «Dorénavant, le Carnaval de Québec sera d’autant plus connu qu’il a réussi à attirer dans nos murs une des princesses les plus populaires du monde6.»

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Le Palais de glace en 1969.

Le premier ministre du Canada est de la fête La princesse Grace partie, une autre vedette de l’heure, le premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, s’amène passer deux jours au Carnaval.

Quand Pierre se déplace, écrit le journaliste Pierre Champagne, la presse se déplace. Moins connu et moins joli que Grace, n ’ en déplaise à certaines femmes, notre premier ministre attirera certainement à Québec une bonne partie de la presse nationale et, encore une fois, le Carnaval de Québec fera la “ une ” de tous les journaux du Canada… surtout quand il embrassera la Reine du Carnaval ou une des jolies duchesses 7 . Bien sûr, le journaliste badine, mais il faut rappeler que l’on vit ce qu’on appelle alors la trudeaumanie.

Et lui aussi, le premier ministre, on le promènera et il jouera le jeu: réception à l’hôtel de ville, participation au bal de la Reine, mise au jeu de la finale du Tournoi international de hockey pee-wee au Colisée, présence au défilé de nuit à la HauteVille et au départ de la course en canots. Rue du Carnaval, se rendant visiter les monuments de glace et les Voûtes Chez Ti-Père, il amusera particulièrement la foule lorsqu’il empruntera la motocyclette d’un policier municipal, proposant à ce dernier de prendre place dans la nacelle latérale8. En manteau de chat et chemise rouge du Carnaval, le premier ministre canadien, c’est certain, attirera les foules. Mais la venue d’une bien belle princesse étrangère, quelques jours auparavant, semble avoir marqué les mémoires. Tant de gens rappellent encore le passage de Grace de Monaco sitôt qu’on évoque l’histoire du Carnaval de Québec.

7. «Pour ses 15 ans, le Carnaval de Québec revêt un caractère international», ibid., supplément du Carnaval 1969. 8. Pierre Champagne, «Trudeau a charmé les carnavaleux», ibid., 17 février 1969.

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En 1999, à la 27 e édition de l’International de sculpture sur neige, sur le thème «Qu’importe qui tu es, ce qui compte est ce que tu portes», l’équipe de quatre sculpteurs ontariens propose ces pingouins magnifiques.

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Le Carnaval par monts et par vaux 1970-1994 1. Jean Garon, «T’es pas tanné?… Au contraire!», Le Soleil, 6 février 1970. Pour le texte du spectacle reconstitué par Guy Thauvette, voir Le Grand Cirque Ordinaire, T’es pas tannée, Jeanne d’Arc?, Les Herbes Rouges, 1991. 2. Carnaval de Québec, rapport annuel 1971.

En 1970, il est fort intéressant de voir dans la programmation du Carnaval de Québec la troupe du Grand Cirque Ordinaire, à l’affiche pour trois soirs à l’amphithéâtre de la Faculté de commerce de l’Université Laval. Six jeunes comédiens, frais sortis de l’École nationale de théâtre ou du Conservatoire, Paule Baillargeon, Suzanne Garceau, Jocelyn Bérubé, Raymond Cloutier, Claude La Roche et Guy Thauvette, proposent leur premier spectacle, T’es pas tannée, Jeanne d’Arc?, tout à fait de mise à l’occasion d’un carnaval. Depuis le 13 novembre qu’ils courent les routes du Québec avec leur création collective qui tient du cirque et mêle le procès de la pucelle d’Orléans à l’examen satirique de la société québécoise. Partout l’accueil est chaleureux. Et les voilà au Carnaval de Québec, et le public prend beaucoup plaisir à cette production1.

Un an plus tard, la grande nouveauté du Carnaval est le bal des Citoyens, qui se déroule le samedi soir 6 février. À cette occasion, 57 organismes tiennent une soirée carnavalesque dans de nombreux endroits de la région de Québec, notamment au Centre Mgr-Marcoux, au Château Bonne-Entente et au Manoir du Lac-Delage. Les journaux rapportent que plus de 30000 personnes se rendent danser et sauter au son d’une musique carnavalesque. Mais ce carnaval est durement éprouvé par d’abondantes chutes de neige, au point où le président Marc Fortier le qualifiera de «Carnaval des Tempêtes»2. En effet, de violentes rafales accompagnées de neige, soufflées par un vent du nord-est, frappent la région les soirs de la bougie, de l’élection et du couronnement de la reine, du grand bingo au Colisée et des deux défilés, si bien que les foules

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attendues ne se présentent pas. Le trésorier parlera de pertes de revenus «d’au moins 50000$ par suite du mauvais temps»3. Cela dit, malgré ce temps de tempêtes, on craint reconnaître une certaine désaffection. L’éditorialiste Raymond Dubé, grand défenseur du Carnaval depuis au moins onze ans, écrit, contraint dirait-on:

Le Palais de glace de 1971. Cette année-là, le Carnaval est éprouvé par de nombreuses tempêtes de neige.

3. Ibid. 4. Raymond Dubé, «Déclin du Carnaval», Le Soleil, 25 février 1971. À partir de cette année-là, les organisateurs du Carnaval prennent l’habitude, sitôt l’événement terminé, de convoquer les journalistes ayant couvert les festivités pour en dresser un bilan.

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Au bal des Citoyens, le voilà à nouveau ce déguisement mi-cheval, mi-homme, œuvre cette fois-ci non plus des ateliers du Carnaval, mais bien d’un carnavaleux.

La seule note un peu réjouissante fut la dernière fin de semaine, alors que la température se montrant plus clémente et la tempête moins féroce, Québec retrouva un véritable climat carnavalesque. Et encore faut-il dire qu ’ il n ’ atteignit pas le climat habituel. Si l ’ on peut expliquer le succès mitigé du 17 e Carnaval par la rigueur d’un hiver, comme on n’en a pas vécu depuis nombre d ’ années, ce serait s ’ illusionner que ce fut la seule cause… La part des choses étant faite, il reste à se demander ce qui ne va plus avec le Carnaval. A-t-il perdu son pouvoir d’attraction sur la population locale, dont la participation est essentielle ? C ’ est non seulement probable, mais plus que possible… Ce bilan plutôt sombre qu’il faut analyser dans son contexte, c’est-à-dire en tenant compte des handicaps posés par les conditions atmosphériques et la période d ’ argent rare que traversent des milliers de Québécois touchés par le chômage le plus aigu que nous ayons connu depuis de nombreuses années, n ’ a rien qui doive cependant décourager ceux qui depuis des mois ont travaillé d ’ arrache-pied à l ’ organisation du Carnaval. Ce n ’ est pas la première fois que le résultat ne répond pas à l ’ effort déployé. Il y eut même une ou deux circonstances où fut mise en doute la permanence de ces réjouissances annuelles. Chaque fois ce fut l’occasion de nouvelles études, de nouvelles initiatives, qui les ont relancées plus colorées et plus attrayantes que jamais 4 .

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Et chaque fois, peut-on ajouter, la population montrait qu’elle tenait au Carnaval. Ce ne sera pas différent en 1972, alors que l’événement se déroule cette fois-ci par une température idéale, ni trop froide, ni trop douce, sans aucune tempête. «On aurait quasiment dit que la neige avait attendu hier soir, juste à la fin du carnaval, pour recommencer ses sautes d’humeur5.» Ce sera le carnaval du président Théo Genest qu’on verra partout. Rondouillard, personnalité déjà connue pour son engagement social, visage en face de lune à larges lunettes noires, au sourire irrésistible et d’un abord si facile, il arrachera l’adhésion. Et le journaliste Benoît Lavoie de se rendre à l’évidence:

Malgré toutes les belles affaires qu’il y eut, en fin de semaine, ce que j’ai trouvé pour ma part de plus beau, c’est l’ovation que la foule a réservée très spontanément, hier soir, au président Théo, lors de la clôture du Carnaval. Théo (tout l’monde l’appelle comme ça maintenant) a vraiment été un personnage du Carnaval de cette année, j’oserais même dire, et je sais que Bonhomme est d’accord, aussi caractéristique d’entrain et de joie que Bonhomme lui-même. Les Québécois le savent, égaler la popularité du rondouillard personnage de neige n’est pas facile. C’est pourquoi Bonhomme, avant de quitter hier soir l’hospitalité des Québécois, n ’ a pas été sans donner une accolade sentie à son président6.

Du nouveau: le Concours international de sculpture sur neige Puis vient 1973. D’abord on change l’appellation officielle. Le Carnaval d’Hiver de Québec devient plus simplement le Carnaval de Québec. Avec raison, puisque, dans la langue française, dès le départ, on attachait ce mot à la période qui va depuis la fête des Rois jusqu’au carême. À l’hiver en fait. On n’imaginerait pas un carnaval au printemps, à l’été ou à l’automne. Et, pour cette 19e édition, les organisateurs créent la place du Carnaval, lieu de rassemblement devant l’Hôtel du Parlement. Le Palais de glace quitte donc définitivement place D’Youville pour l’esplanade. À proximité, on trouve une cabane à sucre, une glissade, une petite patinoire et, surtout, les blocs de neige des sculpteurs, car 1973 marque le début du Concours international de sculpture sur neige. Pour la première fois, des sculpteurs de Québec se mesurent à d’autres des États-Unis, de la France et du Japon.

En 1973 se tient pour la première fois le Concours international de sculpture sur neige. Les Québécois se mesurent aux Français, aux Américains et aux Japonais.

5. Benoît Lavoie, «Un temps idéal et une foule joyeuse», Le Soleil, 14 février 1972. 6. Ibid. Il faut noter que, pour la première fois, en 1972, on ne tient plus compte du calendrier grégorien pour fixer les dates de tenue du Carnaval. Désormais, par exemple, il se terminera un dimanche soir et non plus le soir du Mardi gras.

Le président, Théo Genest. LE CARNAVAL DE QUÉBEC

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Aux carnavals de 1973 et 1974, Bobino (Guy Sanche) et Bobinette, personnages de l’émission de télévision tant aimée des enfants, s’amènent à Québec pour donner quatre spectacles au Manège militaire. Bobinette a pris soin de se déguiser en Bonhomme Carnaval, avec tuque rouge et ceinture fléchée, et sans doute fait-elle ici reproche à son Bobino de ne pas être en habit de carnaval. On imagine bien la réponse de ce dernier: «Voyons, Bobinette, je ne peux être à la fois Bobino et le Bonhomme Carnaval. Les tout-petits ne me reconnaîtraient pas!» Catastrophe! En 1974, à deux semaines de l’événement, le toit des ateliers du Carnaval s’effondre sous le poids de la neige et de la glace.

7. Jean-Claude Rivard, «Le Palais de glace, abîmé par la pluie», Le Soleil, 1er février 1974. 8. «Record de 345,879 bougies vendues», ibid., 4 février 1974.

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En 1974, les enfants se pressent pour glisser place du Carnaval, devant le Palais du 20e anniversaire.

Le 24 janvier 1974, deux semaines avant l’ouverture du 20e Carnaval de Québec, le toit des ateliers, rue Joly, s’effondre sous le poids de la neige et de la glace. Six chars allégoriques sont détruits, dont ceux de Bonhomme Carnaval et des duchesses, de même que 174 têtes de bouffons, 2 sirènes et 1 dauphin. On évalue les dégâts à 170000$. Pour reconstruire les chars, on obtient rapidement la collaboration d’entreprises de Québec; ainsi, le char de Bonhomme sera fabriqué dans les ateliers du Grand Théâtre7. Dans les deux défilés, on n’arrivera pas à reconnaître les méfaits de l’effondrement. Et, «à la faveur d’un courant de sympathie populaire»8, la vente de la bougie du Carnaval connaît une augmentation record. Près de 346000 bougies trouvent preneur. Même dans des villes relativement éloignées de Québec, la bougie se vend bien: 2700 à Plessisville, 3900 à Saint-Georges de Beauce, 2200 à Rimouski et 1500 à La Malbaie.

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En 1975, Bonhomme couronne la reine Carole Théberge.

Janvier 1975. On respire la joie au Colisée. Bonhomme s’avance pour la mise au jeu. Le Carnaval commence dans quelques jours. Les Nordiques viennent tout juste d’acquérir le joueur-étoile Marc Tardif (no 8). À sa droite, Jean-Claude Garneau. À sa gauche, le défenseur Pierre Roy et le gardien de but Serge Aubry. Derrière Bonhomme, masqué par son épaule, le défenseur Mario Marois.

En 1975, on assiste à la première participation des Inuits au Concours national de monuments de neige, rue du Carnaval. L’activité a pour but de choisir les membres de l’équipe du Canada qui participeront au grand concours international, place du Carnaval. Les Inuits «n’avaient jamais sculpté la neige auparavant (au sens esthétique et artistique) et leur style leur a valu un certain succès au Québec, au Canada, de même qu’en Europe et au Japon. C’est une nouvelle dimension culturelle et artistique qu’ils ont apportée à l’activité de sculpture sur neige à Québec9.» Toutefois, quand vient le temps de dresser le bilan de la 21e édition du Carnaval, on déplore que le défilé soit devenu trop commercial.

Parmi les événements à repenser, il y a certes le défilé de nuit. Pour quiconque a suivi, de la rue, la majorité de ces défilés depuis 1954, il est facile de constater une diminution sensible de l’enthousiasme… Les applaudissements nourris sont disparus, sauf lorsqu ’ apparaissent le Bonhomme, la reine et les duchesses. Les commentaires sont souvent acerbes… Le défilé de nuit manque énormément d ’ originalité et il

devient d’année en année plus commercial. Des chars allégoriques comme “L ’ abathèque”, “Moi j ’ marche plus”, “Bouge, bougeons, bougies”, “La maison du colonel Sanders” et quelques autres d’allure strictement commerciale ne sont pas de nature à emporter la foule dans un enthousiasme délirant 10 . On relève aussi que les salles d’urgence des hôpitaux de Québec ont traité 250 carnavaleux. «Les personnes admises […] souffraient principalement d’intoxication par l’alcool, de coupures, de blessures légères, etc. La plupart ont pu quitter les établissements peu après ou quelques heures plus tard11.» Mais on note de bons coups. Après plusieurs années sans bal populaire costumé, le succès du Bal-AFré, alors qu’on invitait la population à s’habiller à la manière des années 20, «a démontré le besoin d’avoir dans un carnaval, comme celui de Québec, une mascarade accessible à un grand nombre de personnes»12. Quant à la relâche du vendredi après-midi pour rendre hommage aux femmes d’affaires et aux secrétaires, on voit là «le premier jalon posé vers la création d’un congé civique du Carnaval»13.

9. Chantal Bouchard, L’institutionnalisation de la sculpture sur neige au Québec: l’activité et la discipline, mémoire de maîtrise, Département de sociologie, Faculté des sciences sociales, Québec, Université Laval, 1998, p. 61. 10. Claude Masson, «Un défilé à repenser», Le Soleil, 17 février 1975. 11. «250 carnavaleux aux salles d’urgence», ibid., 17 février 1975. 12. Louis Tanguay, «Autopsie du Carnaval», ibid., 18 février 1975. 13. Ibid. Carnavaleux: personne qui participe à un carnaval. Même si les mots carnavaleux et canarvaleuse sont absents des dictionnaires courants, ils sont implantés dans l’usage du français, non seulement au Québec, mais aussi en Europe où le terme carnavaliste est aussi parfois utilisé dans le même sens. Carnavaler signifie faire la fête, plus spécialement durant le carnaval. Source: OQLF

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Période de réflexion Et les années passent. 1976, 1977, 1978. Après le Carnaval de 1978, qui se déroule du 2 au 12 février, voilà venue l’heure d’une grande réflexion. Tout d’abord, constatant qu’on met de moins en moins de soin aux monuments de la rue Sainte-Thérèse, mais notant qu’on ne peut rejeter d’emblée le travail accompli depuis dix-neuf ans, les organisateurs du Carnaval demandent à un comité composé d’une dizaine de membres de rencontrer les résidants de la rue. Ces derniers se disent prêts à travailler à l’amélioration des monuments et à l’embellissement de la rue elle-même. Aussi le comité du Carnaval propose-t-il qu’on continue d’inscrire dans la programmation la rue Sainte-Thérèse comme

En 1977, verre de caribou à la main, le premier ministre René Lévesque et Ti-Père se saluent.

une des places carnavalesques. Toutefois, si jamais au cours des prochains carnavals «l’intérêt de la population et l’amélioration de la rue ne sont pas acquis», il suggère de déménager au parc CartierBrébeuf les activités qui s’y tiennent, soit le déjeuner western, le feu de joie du parc Dollard, le concours de sculptures sur neige pour enfants et le Concours national de monuments de neige. Le comité recommande également la création d’un réseau de places formé de la place du Carnaval, de la rue du Carnaval, de la place du Monde (au parc Cartier-Brébeuf ), de la place des Sports (à la marina de la rivière Saint-Charles) et de la place des Arts (à Place-Royale).

Galerie d’enfants du Carnaval.

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Durant les années 70, on fait toute la place aux enfants. Ils prendront même part aux défilés.

Toujours au printemps 1978, le Carnaval de Québec confie au bureau de consultants Cossette et Associés «l’étude évaluative du Carnaval de Québec 1978». Après enquête auprès de la population, la firme conclut:

Le Carnaval de Québec c ’ est d ’ abord une ambiance, un encadrement, une manifestation hivernale. On y participe pour avoir du fun, pour prendre un coup, pour faire relâche… Étant donné que le Carnaval c ’est d’abord une atmosphère de fête et une occasion de fêter, il y a très peu de remise en question du contenu du Carnaval… On le juge actuellement québécois et familial mais on le souhaite aussi plus typiquement québécois et plus intensément familial 14 . Et on fait grief aux organisateurs «de ne pas créer suffisamment d’esprit de fête».

Il y manque de la musique, des décorations dans les rues, de l ’ animation. Le reproche principal qui revient dans tous les commentaires faits par les interviewés est l ’ absence de capacité du Carnaval de susciter la participation des gens et d ’ intégrer activement ces derniers dans les diverses manifestations… La population interviewée souhaite faire quelque chose, participer à différentes compétitions, poser des gestes. On dit que le Carnaval possède des temps creux et laisse place, surtout en après-midi ou encore quand on attend durant de longues heures le défilé, à un tel désœuvrement qu ’ on finit trop souvent par remplir en prenant un coup. Le Carnaval devient, aux dires de certains, une “beuverie” alors qu ’il aurait pu être l’occasion, par exemple, de courses ou de marches en raquettes ou en skis de fond sur les Plaines ou ailleurs 15 .

14. Cossette et Associés. Étude évaluative du Carnaval de Québec 1978, Fonds du Carnaval, Archives de la Ville de Québec. 15. Ibid.

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De la glace à la neige

En 1979, en dépit de la pluie et de la grande grève des transports en commun, il y a foule pour le 25e Carnaval. Malgré de pareils revers, on tient au Carnaval.

16. Roch Desgagné, « Le 25e Carnaval essaie de retrouver son sens populaire», ibid., 13 janvier 1979. 17. Élyette Curvalle, «Il fond, mais il résiste», ibid., 27 janvier 1979.

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Le Carnaval de Québec tiendra compte des recommandations de son comité et du bureau de consultants pour la 25e édition. La participation des résidants de la rue du Carnaval allant en s’amenuisant, on raccourcira la rue pour permettre une concentration de monuments de qualité. Et, à cet endroit, on conservera seulement le Concours national de monuments de neige. On créera aussi le réseau de places; à la place du Monde et à celle des Sports, comme souhaité, on trouvera des glissades, des concours de monuments de neige et de fortins, des compétitions sportives, des promenades en raquettes ou en skis de fond. «Nous avons voulu redonner à la célébration tout son sens populaire, affirme le président Jacques Paradis. Les activités à caractère sportif ont été doublées et orientées vers la plus grande participation possible des Québécois16.»

À l’automne 1978, on apprend que le seul fournisseur de glace à Québec ferme ses portes et qu’il en coûterait trop cher de s’approvisionner en glace à Montréal pour l’érection du Palais. Qu’à cela ne tienne, on le construira désormais en neige. Et vient janvier. Les organisateurs ne savent pas encore que le ciel leur tombera sur la tête. Le jeudi 25 janvier, une semaine avant l’ouverture du Carnaval et l’inauguration du Palais de neige, il commence à pleuvoir. En deux jours, le palais fond de quatre pouces [dix centimètres], dit-on. «Il n’y a aucun danger qu’il s’écroule, mais il subit des altérations. La bâtisse n’est pas encore levée et il faut déjà penser à la restaurer»17, raconte le maître d’œuvre. Le samedi soir, 27 janvier, on vend près de 60000 bougies de moins que l’année précédente. Le dimanche, à la suite des employés de transport de la compagnie Voyageur, les 504 chauffeurs de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec (CTCUQ) déclenchent la grève. Les autobus ne circulent donc plus à Québec, comme dans l’ensemble du Québec. Le Carnaval ne peut vivre pire situation.

Ce sont des milliers de personnes qui vont devoir trouver un moyen de transport autre que l’autobus pour se rendre à Québec et, ensuite, pour se déplacer dans la capitale où il ne restera plus que les taxis, les voitures individuelles et… la marche. Selon les premiers chiffres approximatifs donnés hier par un porte-parole de la compagnie Voyageur, on peut évaluer à quelque 150 le nombre d’autobus supplémentaires habituellement mis en service pendant le Carnaval sur le trajet de Québec. À ce nombre s’ajoutent une cinquantaine d’autobus nolisés au départ de Montréal. On peut estimer qu’une quarantaine d’autres partent d’Ottawa. Ces chiffres seraient valables pour les deux fins de semaine du Carnaval. Ces passagers qui utilisaient les services

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Le Palais de neige de 1981.

de Voyageur vont devoir emprunter l’avion, le train ou leurs voitures. Déjà, selon un employé du CN contacté à Montréal, les trains au départ de Montréal sont bondés les fins de semaine… “Même les trains de Sherbrooke sont à leur maximum depuis le début de la grève”, ajoutait M. Lalonde. À l’arrivée à Sainte-Foy, nouveau problème : il n’y aura pas d’autobus pour amener les nouveaux arrivés à Québec. Pas de service non plus pour amener les habitants de l’agglomération de Québec aux places où doivent se dérouler les événements carnavalesques. Cette grève des transports publics survient l’année où le Carnaval avait choisi de décentraliser ses activités, comptant sur un projet de circuit organisé par la CTCUQ … Un service que Jacques Paradis espérait voir maintenu malgré la grève. La réponse négative du syndicat des chauffeurs incite l ’ exécutif du Carnaval à trouver des solutions de remplacement 18 . Le lundi, il pleut toujours et le président du Carnaval évoque la possibilité que les travaux de construction du Palais de neige se terminent sous

une immense couverture. Et, à cause de la grève des chauffeurs d’autobus, on décide de concentrer au parc Victoria toutes les activités qui devaient se tenir à la place du Monde et à celle des Sports. On surnommera le «Carnaval de la malchance» cette 25e édition du Carnaval de Québec. Et les années filent. 1980, 1981. La 27e édition du Carnaval de Québec est celle du plus beau des Palais de neige. L’entrepreneur Gaston Fortier sait de quoi il parle puisqu’il en est à son 24e palais, longtemps de glace, maintenant de neige. Un palais fort imposant cette fois-ci.

Avec de la neige, beaucoup de neige, encore de la neige. Quatre cents voyages de 10 tonnes chacun. Ça veut dire huit millions de livres de neige. L’ancien record avait été de 275 voyages de 10 tonnes. Et pas n ’ importe quelle sorte de neige ! De la neige blanche, prise dans un champ. Et c ’ est peut-être un peu pour ça que Québec n ’ a pas peur de s ’ afficher comme capitale de la neige, que les carnavaleux osent dire que l ’ hiver se sculpte à Québec 19 …

18. Élyette Curvalle, «Pas de circuit spécial d’autobus au Carnaval», ibid., 30 janvier 1979. 19. Guy Dubé, «Pour M. Gaston Fortier, son 24e palais est le plus beau», ibid., 3 février 1981.

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L’homme des 46 palais

Gaston Fortier à l’avant-plan d’une autre de ses réalisations.

Aujourd’hui âgé de 72 ans, Gaston Fortier s’apprête à construire un autre palais, celui de 2004, pour la 50e édition du Carnaval de Québec. Il en aura alors bâti 46, 32 en glace, et 14 en neige. D’abord simple menuisier, celui qui taille les blocs de glace à la scie mécanique devient rapidement contremaître, puis, à compter de 1978, entrepreneur. «La glace nous est toujours venue de fabricants comme Glace Frontenac, à Québec, ou Arctic Glacier, à Montréal. La neige, elle, on la prenait dans de vastes espaces comme les plaines d’Abraham20.» Pour élever un palais, l’artisan aime mieux la glace que la neige. «On travaille la neige de la même manière que le béton, au moyen de coffrages, qu’on enlève sitôt bien comblés. Il ne faut pas imaginer d’armatures, de structures cachées dans la neige, non plus que dans la glace d’ailleurs. La glace, elle, s’empile comme les blocs de ciment ou la brique, et on lie les blocs avec de la neige mouillée. On met passablement moins de temps à élever un palais de glace qu’un palais de neige. Du temps de la neige, il nous est arrivé de ramasser nos outils – les haches, les niveaux, les scies mécaniques et les pelles – alors que les duchesses s’amenaient pour l’élection de la Reine.» Et gare au doux temps, le pire ennemi, surtout pour un palais de neige. «À la fin de la construction, une petite pluie embellit le palais de glace. Mais la température qui s’élève par un temps ensoleillé est le pire ennemi d’un constructeur de palais. Le soleil, entre autres, fait cristalliser la glace et noircir la neige.» Le froid, lui, ne dérange guère les constructeurs de palais, sauf si le mercure descend au-dessous de –30°C. Gaston Fortier raconte en riant: «Je me souviens d’une fois où un journaliste est venu m’interviewer. Il faisait si froid que plutôt que de lui répondre en français, je lui répondais en anglais21.»

Magnifique dessin du 32e Palais, celui de 1986, conception de Gaston Robert.

20. Entrevue avec Gaston Fortier, le 7 mai 2003. 21. Claude André, «Gaston Fortier “Comment je construis le palais du Carnaval”», Dernière Heure, 3 février 1996.

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Le Carnaval de 1982 se termine avec un déficit de 100000$. Il a mauvaise presse et montre des signes d’essoufflement. On s’interroge sur son avenir, car il ne semble plus répondre aux désirs de la population. Alors, au printemps, la Communauté urbaine de Québec (CUQ) met sur pied un groupe d’étude sur l’événement et lui confie le mandat de recevoir opinions et mémoires et de tenir des audiences publiques. Jean-Marie Cloutier préside le comité; Charlotte Fortin-Leclerc, Benoît Payeur et Gaétan Sirois l’assistent. Et l’heure est grave, car, dans les journaux, la CUQ lance ainsi son appel: «LE CARNAVAL DE QUÉBEC DOIT-IL CESSER D’EXISTER, OU CONTINUER À VIVRE ? Vous avez des commentaires, des critiques, des idées, des suggestions sur le sujet? Le Comité d’étude sur l’avenir du Carnaval de Québec formé par la Communauté urbaine de Québec est intéressé à les connaître22.» On reçoit finalement 45 mémoires et communications provenant d’autant d’individus, d’associations ou de groupes formés pour la circonstance. Le rapport du comité, qui a pour titre Pour une revalorisation du sens de la fête hivernale, s’empresse d’abord de dissiper tout doute sur l’existence même du Carnaval:

Si les raisons peuvent être différentes pour chacun des intervenants, la totalité de ceux-ci ont exprimé le désir que le Carnaval de Québec continue d ’ exister. S ’ il existe une contestation larvée, le comité n ’ a pu l ’ identifier et, en conséquence, le grenouillage constaté au terme du Carnaval 1982 apparaît comme l ’ expression d ’ une morosité engendrée beaucoup plus par l’essoufflement de 28 années d’existence que par l ’ antagonisme d ’ une strate importante de la population locale 23 .

Le comité reconnaît tout de même une « absence de renouveau » et « une anémie du contenu participatif et du contenu culturel», et il y va de dix-sept recommandations pour revivifier le Carnaval. On souhaite d’abord que l’événement continue de se tenir à ce temps de l’année «afin d’introduire la gaieté et la féerie dans le long hiver québécois» et que Bonhomme Carnaval serve davantage à mousser la fête, en particulier auprès du public visiteur. Par ailleurs, si les membres du comité, du moins au début de leurs travaux, croyaient que la reine et les duchesses étaient contestées, force leur est de constater qu’ «une seule intervention provenant de deux citoyens est venue exprimer clairement ce sentiment». Aussi recommande-t-on non seulement de maintenir, mais même d’amplifier «le rôle d’ambassadrices de la joie et de la gaieté… de ces jeunes filles représentatives de notre société». On propose aussi d’encourager la participation active du public par l’organisation de concours de costumes «individuels et collectifs» répondant à des critères exigeants quant à l’esthétique et à la créativité. De plus, tout en se refusant «à accréditer la rumeur qui veut que le Carnaval soit une orgie institutionnalisée», étant entendu que «tout rassemblement de masse suscite des cas isolés de vandalisme, d’ivresse et, occasionnellement, de violence», le comité suggère «une campagne d’éducation et d’information faisant appel à la modération et au sens civique des citoyens» et la mise sur pied de programmes incitatifs à la création d’une atmosphère carnavalesque typique et de bon goût, avec accent mis sur la décoration et le port d’un costume carnavalesque renouvelé et varié. On avance aussi l’idée d’un palais carnavalesque permanent «dans un site stratégique», attrait touristique important, rappel à longueur d’année que Québec est la capitale de la neige, lieu proposant un musée, des expositions, des boutiques.

22. Le Soleil, 24 avril 1982. 23. Pour une revalorisation du sens de la fête hivernale, rapport du Groupe d’études sur le Carnaval de Québec, 13 juillet 1982, 29 pages.

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la tâche sera de susciter une nouvelle créativité non seulement dans la rue Ste-Thérèse, mais dans d’autres secteurs du Québec métropolitain en ce qui a trait à l’érection de monuments de neige et de glace».

À l’occasion d’une grande tempête, pour qui a déjà eu l’obligation de dégager sa voiture enlisée dans la neige, peut-il y avoir pour l’évoquer sculpture plus spectaculaire? Celle-ci, réalisée pendant le Concours national de sculpture sur neige dans la rue Sainte-Thérèse en 1983, est tout simplement somptueuse.

Mais que faire de la rue du Carnaval? Depuis quelques années maintenant, plusieurs résidants s’en plaignent. On écrit au Service de la voirie de la Ville de Québec, au maire même, pour dénoncer les problèmes de circulation, de bruit jusqu’à tard le soir, de propreté et d’assurance contre le feu.

Le sujet le plus litigieux auquel notre comité a été confronté est sans nul doute celui de l’existence de la renommée rue Ste-Thérèse. Des citoyens de cette rue sont venus souhaiter publiquement la disparition de la Rue du Carnaval tandis que d ’ autres sont venus affirmer le contraire. D’autre part, le sondage de l’Institut québécois d ’ opinion publique ( IQOP) vient démontrer que cette activité annuelle constitue l’événement carnavalesque le plus apprécié immédiatement après les défilés 24 .

24. Ibid. 25. Roch Desgagné, «Le défilé de Charlesbourg, une trouvaille», Le Soleil, 7 février 1983.

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Affirmant que «la présence de monuments de neige et de glace est une activité carnavalesque typique, participative et qui mérite d’être fortement encouragée non seulement auprès des citoyens de la rue Ste-Thérèse, mais dans d’autres secteurs», le groupe d’étude sur le Carnaval de Québec refuse la disparition de la rue du Carnaval. Bien plus, il avance l’idée d’un comité de coordination dynamique «dont

Avant de tirer la ligne, le comité rappelle: «Le Carnaval de Québec a des lacunes, mais il n’a pas que ça. Il doit continuer de remplir la double fonction pour laquelle il a été conçu: susciter une activité commerciale au creux de l’hiver et apporter une certaine féerie à la population confrontée par une rude réalité climatique… Une constatation s’impose. Le Carnaval conserve toujours une place dans le cœur des Québécois par son passé glorieux et sans doute par son avenir prometteur.»

1983: Le carnaval de la pluie Le Carnaval de 1983 n’est pas différent des précédents, du moins de celui de 1979. Un sort, dirait-on, lui a été jeté. La pluie, la pluie, la pluie. La rivière Saint-Charles déborde, les monuments de la rue du Carnaval font pitié, le Palais de neige doit être solidifié, on reporte le Concours international de sculpture sur neige. Il pleut tant le 3 février (55 millimètres) qu’on tient les cérémonies d’ouverture du Carnaval et l’élection et le couronnement de la reine au Manège militaire plutôt qu’au Palais de neige. Jamais cela ne s’était vu: pour la première fois en 29 ans, on couronne la reine Claude Dombrowski à l’intérieur, sans décor carnavalesque, sans palais comme arrière-scène. Et les cols bleus de la Ville, les employés du gouvernement aussi, qui bientôt se mettent en grève.Tout de même, l’idée de faire partir de Charlesbourg le premier défilé de nuit et de le mener vers Québec sera considérée comme une «trouvaille». «Le Carnaval s’est ainsi déplacé vers un important bassin de population, et les grappes de carnavaleux très denses le long du trajet dans le secteur de Charlesbourg en étaient l’évidence25.» Quel Carnaval quand même!

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La pluie, le manque de neige et les températures douces n ’ ont certes pas aidé… Puis le contexte : les grèves dans les secteurs public et parapublic, les manifestations sur la colline parlementaire, les coupures salariales, le chômage, la crise sociale et économique. Aucun Carnaval précédent n’aura été aussi solidement éprouvé. Pourtant, personne n’a publiquement contesté le Carnaval, cette année ; bien plus, la vente de la bougie s ’ est avérée un record à tous les points de vue 26 . [Cette fête de l ’hiver est tant aimée.]

Et le Carnaval filera son train. Souvent pareil à lui-même. Le dimanche après-midi, 12 février 1984, le brouillard si dense sur le fleuve oblige pour la première fois en 30 ans l’annulation de la course en canots. Deux ans plus tard, le tirage des prix attachés à la vente de la bougie est reporté en raison d’abondantes chutes de neige. Bientôt les organisateurs du Carnaval, perplexes, demandent aux météorologues d’Environnement Canada quel serait le moment idéal pour tenir le Carnaval. Et on leur

répond que celui qui débuterait à la fin de janvier ou au début de février pourrait, selon les statistiques, bénéficier de la température la plus convenable27. Mais allez-y voir.Toute la chronique depuis Jacques Cartier, le premier, confirme la variabilité du climat québécois, l’impossibilité de prévoir. Ce pays est d’excès climatiques. Et le directeur général Jean Pelletier de nous rappeler, sans aucune forme de reproche, que, quelque part à la fin des années 80 ou au début de la décennie suivante, à cause de la pluie, il a fallu recouvrir les sculptures de neige, qu’en 1995, toujours à cause de la pluie, on a dû refaire la moitié du Palais de glace avant le Carnaval, qu’en 1996 le chantier du palais s’arrêtait durant quelques jours pour les mêmes raisons et qu’en 2002, faute de neige, on devait louer des canons pour fabriquer la neige de la place de la Famille, y compris celle bien sûr du Concours international de sculpture. C’est d’ailleurs à ce moment qu’on découvre que la neige ainsi produite par des machines est de meilleure qualité, franchement plus belle, plus pure, que celle ramassée çà et là.

Bain de neige: activité hivernale consistant à se rouler dans la neige en maillot de bain, après avoir fait augmenter sa chaleur corporelle dans un sauna. Dans les pays scandinaves cette activité existe depuis plus de deux mille ans et elle fait partie intégrante de la routine du sauna, lorsqu’il n’est plus possible de se baigner dans l’eau froide des rivières et des lacs. C’est en s’inspirant du traditionnel bain scandinave que le Carnaval de Québec, dans son édition de 1987, a ajouté le bain de neige à la liste de ses festivités. On peut assister à un véritable bain de carnaval où les participants prennent plaisir à rire, danser et jouer dans la neige, souvent à une température audessous de zéro. Source: OQLF

26. Guy Dubé, «Drôle de Carnaval ou Carnaval drôle?», ibid., 14 février 1983. 27. Entrevue avec Jean Pelletier, directeur général, 17 avril 2003.

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La rue du Carnaval disparaît Au tournant des années 90, la rue du Carnaval disparaît. De désaffection, dirait-on, et non pas parce que les organisateurs du Carnaval en souhaitaient la fin. Depuis longtemps, les résidants se plaignaient des inconvénients à habiter l’endroit en temps de carnaval. «Durant les années 80, les gens de la place se sentent pris en otages, pourrait-on dire. Ils ont fait leur bout de chemin pour la rue Sainte-Thérèse et sont passés à autre chose. Et souvent, maintenant, les sculpteurs viennent d’ailleurs. Faute de sel, les trottoirs sont glissants. Les fins de semaine, la circulation automobile est interdite. Et il y a de moins en moins de sculptures, les années passant28.» À l’été 1990, le décès de Lionel Faucher, un de ses principaux animateurs, annonce la fin. En 1991, avec la fermeture des Voûtes Chez Ti-Père29, toute activité carnavalesque cesse rue Sainte-Thérèse.

28. Ibid. 29. Durant quelques années, on retrouvera les Voûtes Chez Ti-Père ailleurs à Québec, en particulier à la place de Paris. 30. En 1996, il prend le nom d’International de sculpture sur neige. 31. Chantal Bouchard, op. cit., p. 72. 32. L’International de sculpture sur neige du Carnaval de Québec est le seul événement international de sculpture sur neige qui n’attache à ses prix aucune somme d’argent. Les meilleurs repartent avec un trophée et le grand plaisir d’y être venus. 33. Michel Corbeil, «Le “biggest” pour les Russes», Le Soleil, 5 février 1996.

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Cela dit, si certaines activités se perdent, d’autres prennent de plus en plus d’importance. Ainsi en estil du Concours international de sculpture sur neige30. À l’exemple de Québec, Sapporo, au Japon, inaugure en 1979 un concours semblable. Puis l’Europe développe à son tour ce secteur d’activité près des pentes de ski. À compter de 1984, par exemple, se tient à Valloire, dans les Alpes françaises, un premier symposium de sculpture sur neige inspiré de celui de Québec.

1991

La direction prise par le concours de sculpture sur neige du Carnaval de Québec a apporté non seulement le prestige aux sculpteurs qui ont su s ’ y démarquer, mais surtout l ’ institutionnalisation des concours de sculpture sur neige à travers le monde sur le modèle de l ’ organisation du Carnaval de Québec 31 . Depuis plusieurs années maintenant, la notoriété de l’événement et la chaleur de l’accueil réservé aux sculpteurs font de l’International de sculpture sur neige du Carnaval de Québec le nec plus ultra dans le monde de la sculpture sur neige32. On rêve d’y être invité. Des équipes veulent revenir d’année en année. En 1996, Rudolf Pylaiev et les frères Dimitry et Vladislav Vorobiev, sculpteurs russes venus d’Ékatérinbourg, la capitale de l’Oural, sont fort heureux d’être à Québec. Le journaliste Michel Corbeil écrit:

L’an passé, ils se sont rendus aux États-Unis pour mesurer leurs talents de sculpteurs sur neige à des concurrents étrangers. Tous leur ont dit, en substance, le “biggest” est à Québec. Nos visiteurs russes voulaient concourir “ au plus haut niveau”, ajoute Dimitry, en levant le bras… George Farbotko, capitaine du trio américain qui a remporté la mention d ’ excellence au Québec – après avoir décroché un premier prix, en Italie… – confirme lui aussi l’envergure de l’épreuve et du Carnaval. “ Nous sommes bien au courant que c’est le meilleur” souligne cet Américain de l’Illinois33. La course en canots, elle, demeure l’une des activités les plus populaires du Carnaval. Et, en 1984, après la famille Lachance, les frères Fortier et le canotier lévisien Paul Bégin, tous gagnants en leur temps, voici les frères Anderson, Jean, Jacques, Pierre et Paul, de Charlesbourg.

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Une des équipes féminines de la course en canots de 1997. En avant, à bâbord, Julie Lafleur; à tribord, Dominique Grenier; en arrière, à bâbord, Suzie Ketene; à tribord, Nathalie Dufour. Capitaine: Stéphanie Drouin.

Ils pourraient être la figure de proue d ’ une nouvelle génération de coureurs en canots à glace, écrit alors la journaliste Andrée Roy. Abandonnant les lourdes bottes cuissardes et l’habillement traditionnel des insulaires de l’archipel de Montmagny, ils n ’ ont sur la peau qu ’ un maillot de skieur de fond dont les fibres synthétiques ont volé à la laine du pays les vertus protectrices ! Au court canot de bois, ils préfèrent plutôt le long fuseau, plus léger, fabriqué d ’ une seule coulée de fibre de verre. Ce que les vieux routiers du fleuve ont appris à force de scruter les glaces bleues ou pourries, après des années à traverser cette masse capricieuse et traîtresse du fleuve en hiver, ces jeunes universitaires-là tentent de l’arracher à un ordinateur qu ’ ils nourrissent de statistiques sur la hauteur des marées, la force des courants, la direction des vents, la température 34 .

Les bélugas, épaulards, sardines, côtoient, un temps, les lourdes nacelles traditionnelles en bois désormais obligées à la retraite… C ’ est la recherche de l’efficacité poussée à l’extrême et beaucoup ont de la difficulté à emboîter le pas. Cette agitation engendre un tollé qui incite, en 1989, les autorités de la course en canots du carnaval de Québec, à réglementer le poids des embarcations, ce qui permit de remettre les athlètes au cœur de la performance. De nos jours, les trois types en usage sont les épaulard, sardine et un dernier-né, à l ’ hiver 2000, le capelan. Ils mesurent entre 25 et 28 pieds [7,5 à 8,4 m] et doivent obligatoirement peser un minimum de 265 lb [112,5 kg] pour les équipes masculines et de 200 lb [90 kg] pour les femmes. La coque de ces embarcations fait à peine 1/4 de pouce [0,64 cm] d ’ épaisseur si bien qu ’ elle est flexible et se déforme au contact des glaces 36 .

Pour leur canot d’une seule venue, les Anderson s’inspirent du béluga, l’embarcation mise au point en 1983 par les canotiers Guy et Yves Gilbert, qui ont participé à la course du Carnaval. L’ethnologue Richard Lavoie écrit que «cette révolution génère un foisonnement des types de canots qui sont de plus en plus profilés, mais aussi de plus en plus chers»35.

Cela dit, la journaliste Andrée Roy avait vu juste en se demandant si les frères Anderson pouvaient être la figure de proue d’une nouvelle génération de coureurs en canots à glace. Depuis 1988, Jean Anderson, ingénieur en électronique, a remporté, avec ses frères ou d’autres équipiers, 14 victoires au Carnaval de Québec. Et on répète que, de toutes les courses nord-américaines en canots à glace, celle du Carnaval est maintenant la plus prestigieuse.

1994

34. Andrée Roy, «Une autre fameuse famille en course?», ibid., 6 février 1984. 35. Richard Lavoie, «Le canot à glace», Cap-aux-Diamants, no 64, hiver 2001, p. 34. 36. Ibid.

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Des enfants fort heureux de la présence de Bonhomme Carnaval dans une glissade à la place de la Famille, sur les plaines d’Abraham.

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Le nouveau Carnaval De 1995

Au début des années 90, le Carnaval traverse une autre période difficile. Emprisonné dans une lourde structure de fonctionnement1 et délaissé par une population locale qui n’y trouve plus son compte, il devient «une fête vidée de son sens, une attraction touristique au cœur affaibli»2. La vente de la bougie connaît un véritable déclin. Des commerçants admettent que la fête engendre des profits, mais déplorent qu’elle tourne trop souvent à la beuverie. Des boutiques du Vieux-Québec ferment même leurs portes le soir du défilé à la Haute-Ville pour échapper au vandalisme. En 1994, pendant un de ces défilés, des fêtards mitraillent de balles de neige Bonhomme Carnaval, et un spectateur est blessé.

à aujourd’hui 1. Le conseil d’administration, par exemple, compte 30 membres. 2. Geneviève Tellier, Le Carnaval de Québec, 50 ans d’histoire, Carnaval de Québec, Département de la programmation, 9 septembre 2002, p. 18.

En 1995, pour sortir de l’ornière, on imagine la venue des souris Mickey Mouse et Minnie Mouse, accompagnés de Goofy et Pluto. On construit alors un palais de glace inspiré de ceux de Walt Disney World, en Floride, sorte de chef-d’œuvre d’architecture et de complexité. «Ce fut un immense défi, dit Jean Massé, l’ingénieur qui dirigeait les travaux. On n’avait jamais construit un palais de glace aussi raffiné, avec des murs si minces et des tours si élancées.» Mais la visite des souris américaines n’ira pas de soi. Dès la nouvelle annoncée, des commentateurs radio se demandent pourquoi. Le journaliste Louis-Guy Lemieux, lui, constate: «À lire le programme des festivités et à écouter les organisateurs, j’ai l’impression agaçante que ce sera le carnaval de

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On multiplie les sites Mais tout n’est pas négatif. On salue bien haut la décision prise dès 1990 de séparer la place du Carnaval en deux lieux distincts.

Traditionnellement, le grand concours international de sculptures avait lieu sur l ’ emplacement même du Palais de glace. Là où les fêtards de tous poils se faisaient joyeusement aller le coude et la flûte, dans un tumulte qui est loin d ’ être au goût de tous les Carnavaleux. Depuis quelques années, tous les concours de sculpture ont été regroupés à l’entrée des Plaines d ’ Abraham, de l ’ autre côté du chemin SaintLouis, et sont flanqués d’ une nouvelle Place de la famille particulièrement grouillante et fort originale qui contribue à l’heureuse émergence d’un grand carrefour enchanteur. “Ce fut une formidable décision d’aller sur les Plaines… Tout est plus aéré. Les sculptures ont plus de place. Et la perspective générale est beaucoup meilleure, en raison même du vallonnement du lieu” 5 .

L’un des mandats d’un fin caricaturiste est de désamorcer en proposant le sourire. Le samedi 14 février 1995, jour de défilé à la Haute-Ville, alors qu’on cause de souris américaines dans les chaumières, Berthio propose aux lecteurs du Soleil cette image sympathique.

3. Louis-Guy Lemieux, «Vive le Carnaval!», Le Soleil, 3 février 1995. 4. Voir l’article d’Alain Bouchard, «Des petits “Bonhomme” à la place des duchesses», ibid., 6 février 1995. 5. Alain Bouchard, «Bravo au choix des Plaines!», ibid., 6 février 1995. 6. Entrevue avec Jean Pelletier, directeur général, 3 avril 2003.

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Disney World. Mickey Mouse à la rescousse de Bonhomme… Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Nous sommes aussi de culture nord-américaine. Mais nous sommes d’abord et avant tout du septentrion, le nord du nord3.» Une ethnologue qualifie la venue des souris de «comble du ridicule», et un historien, lui, parle d’«un terrible manque d’imagination»4.

La préparation de l’édition de 1996 du Carnaval n’est pas facile. Les commanditaires importants désertent. Jean Pelletier, alors chargé de la commandite, nous confie: «C’était un job de missionnaire que d’essayer de convaincre des commanditaires, tant l’image du Carnaval et sa situation financière étaient mauvaises6.» On hérite aussi d’un déficit de 239000$ de l’année précédente. Aussi, par souci d’économie, on annule le défilé de la BasseVille et on réduit à une douzaine de chars allégoriques, souvent de bien petites dimensions, le défilé de la Haute-Ville. On ne retrouve plus les grandes foules d’autrefois. Le couronnement de la reine à la place du Carnaval attire à peine 2500 personnes, alors que, deux semaines plus tard, un peu plus de 3000 assistent à la cérémonie de clôture. On se pose des questions sur la fête elle-même, Bonhomme

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Place de la Famille, cet immense terrain de jeux durant le Carnaval.

1996

Réflexion et consultation

Carnaval, la reine et les duchesses. «Comment harmoniser l’idée d’une fête populaire, dont l’emblème est un bon gros bonhomme de neige, avec la constante image de monarchie et de couronne royale qu’incarnent les duchesses7?» Mais on remarque tout de même le grand succès de la place de la Famille, cet immense terrain de jeu sur les plaines d’Abraham. Dès la première semaine du Carnaval, plus de 200000 personnes s’amènent sur le site, ce qui confirme que le choix du «virage familial» est le bon8.

Le Carnaval de 1996 se termine avec un surplus de 263000$; après le déficit de 1995, on comprend alors la nécessité d’avoir organisé cette fois-ci un Carnaval «austère». Quoi qu’il en soit, le dimanche soir, 11 février, immédiatement après le spectacle de clôture, le président Marc Robert annonce la tenue imminente d’états généraux. «Nous voulons, dit-il, que les gens se prononcent sur la forme que doit prendre le Carnaval de Québec dans les prochaines années9.» Et on se dit prêt à tout entendre, pourvu que le discours soit constructif. Les organisateurs du Carnaval interrogent les bénévoles, la population en général et les gens d’affaires. Le discours est le même: il faut donner un sérieux coup de barre à l’événement. Selon la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy, «l’image du Carnaval est à son plus bas niveau […] ses retombées sont fortement en baisse et […] la lenteur même à transformer l’événement met sa survie en péril»10. Partout on répète aux organisateurs de redonner la fête à la population, à celle de la région de Québec d’abord. Par ailleurs, on se montre divisé sur l’avenir de la reine et des duchesses. Mais Bonhomme Carnaval, lui, fait l’unanimité: il doit demeurer le premier ambassadeur de la fête11.

7. Alain Bouchard, «Les archiduchesses sont-elles sèches?», Le Soleil, 12 février 1996. 8. Caty Bérubé, «Un virage familial réussi», Le Soleil, 6 février 1996. 9. Ibid., 12 février 1996. 10. Marie Caouette, «Zigouiller Bonhomme?», ibid., 28 mars 1996. 11. Diane Tremblay, «Le Bonhomme fait encore l’unanimité», Journal de Québec, 29 mars 1996.

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Place à la famille! Et le Carnaval de 1997 est un grand succès. Bonhomme est partout, taquin, jamais aussi près du monde13. La région s’est décorée de monuments de glace. La place de la Famille fourmille. Les manchettes des journaux s’exclament: «Bonhomme a gagné!», «Une résurrection!», «200000 contents!»… Dans son rapport annuel, Sylvio Rancourt, président, conclut:

Le Carnaval a vécu des années difficiles. Le changement, ça ne s’opère pas tout seul. Ça oblige à des remises en question qui dérangent et qui, parfois, font mal. Ça oblige aussi à prendre des risques et à tester l ’ inconnu avec tout ce que cela représente d ’ angoisse et d ’ incertitude. Ça oblige à supporter des critiques et, parfois, des propos méprisants. Mais l ’ organisation du Carnaval, bénévoles et permanents, s ’ est tenue debout à travers toute cette turbulence, solidaire 14 . Bien sûr, on peut aussi se sucrer le bec à la place de la Famille. Bonhommerie: subdivision territoriale de la grande région de Québec qui résulte d’un découpage géographique du royaume fictif du Bonhomme Carnaval en cinq territoires et où l’on participe activement à l’organisation et à la célébration des festivités carnavalesques. Le terme bonhommerie est formé du mot bonhomme et du suffixe -rie, sur le modèle de seigneurie. Source: OQLF Note: La graphie du terme varie entre bonhomrie (utilisée par le Carnaval de Québec) et bonhommerie (recommandée par l’Office québécois de la langue française).

12. Entrevue téléphonique avec Serge Gaboury, 3 juin 2003. 13. L’année suivante, on l’accompagnera de Knuks, de petits êtres moqueurs venus du Nord. 14. Carnaval de Québec, rapport annuel du président, 1997.

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Forts de cette réflexion, les organisateurs vont proposer en quelques étapes, en quelques années, un nouveau Carnaval. De manière immédiate, on choisit de rendre Bonhomme Carnaval encore plus vivant, d’en faire le véritable roi de la fête, l’invitant à s’amuser avec les enfants, à taquiner un peu tout le monde, à jouer des tours. On abolit aussi la reine et les duchesses et on transforme les sept duchés en cinq Bonhomries, à l’intérieur desquelles on retrouvera des activités qui leur sont propres. On remet en place le défilé de la Basse-Ville, appelé désormais le défilé de Charlesbourg. Et on fait appel au caricaturiste Serge Gaboury pour concevoir les chars allégoriques des trois années à venir. «Bien sûr, ce fut tout un défi, dit-il, mais j’ai beaucoup aimé. Il fallait marier mon travail de caricaturiste à l’organisation d’une grande fête populaire12.»

Depuis 2003, même les tout-petits peuvent participer à des courses de tacots sur glace.

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La course de chiens, longtemps une épreuve d’endurance menée dans les campagnes, est maintenant une course de vitesse sur petite distance au cœur de la ville.

Bonhomme rend visite aux patineurs de la place D’Youville.

«Le sauvetage du Carnaval, écrit l’éditorialiste J.-Jacques Samson, est l’une des belles réussites de la fin du siècle à Québec15…» Mais il y a plus qu’un sauvetage, les organisateurs assoient sur des bases solides cette grande fête de l’hiver québécois. La mission de l’équipe est désormais d’«organiser annuellement une fête populaire hivernale dans le but de générer dans la région de Québec une activité économique, touristique et sociale de première qualité dont les gens de la région seront fiers». On se donne pour préoccupation de hausser la qualité de l’ensemble des activités. On recentre l’événement sur la clientèle première, soit la population de la région de Québec. Le sommet annuel tenu en avril 1998 rappelle à chacun: «Le grand défi qui nous

Depuis 1997, la vieille ville se fait toujours très belle pour les courses de tacots.

15. «Bonhomme a le cœur sensible», Le Soleil, 27 janvier 2000.

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l’axe des plaines d’Abraham et de l’esplanade, soit celui de la place D’Youville, qui par sa proximité a l’avantage d’éviter certains coûts et déplacements. On allège aussi le fonctionnement de l’organisme, réduisant le conseil d’administration de 30 membres à 17. On fournit aux bénévoles un meilleur encadrement, ce qui leur permet d’être encore plus efficaces et de présenter une image claire de l’événement. On instaure chez les permanents une culture d’entreprise et on leur confie davantage de responsabilités. Auparavant, à l’exception du directeur général, ceux-ci étaient peu associés au processus de prise de décision. En 2001, Année internationale du bénévolat, les bénévoles du Carnaval participent aux deux défilés et remercient la population du grand nombre de bougies vendues.

attend est de garder à l’esprit l’importance de cet axe et de résister aux pressions qui chercheront à considérer avant tout le développement touristique. Ce développement touristique est certes majeur pour le Carnaval, mais il ne pourra se faire sans une base solide de participation populaire16.» On choisit aussi de manière définitive de faire du Carnaval une fête pour la famille, comptant franchement avec l’hiver, dont la plupart des activités se dérouleront à l’extérieur.

Trop souvent l’on critique l’hiver pour ses inconvénients mais peu d’organisations se concentrent sur les avantages de cette saison. La région de Québec possède ici un atout majeur qui a un fort potentiel de développement… L ’ expertise exceptionnelle du Carnaval nous place en position de tête pour mettre en valeur le plaisir de jouer dehors l ’ hiver 17 . 16. Carnaval de Québec, Sommet annuel, 17 et 18 avril 1998, «Les axes majeurs», p. 1. 17. Ibid., p. 2. 18. Entrevue avec Jean Pelletier.

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Conformément à un plan stratégique de cinq ans, on revoit la période d’activités pour la prolonger de onze à dix-sept jours, ce qui comprend donc trois fins de semaine. On se donne un commanditaire en titre et d’autres principaux. Pour mieux répondre à tous les besoins, on crée en 2001 un troisième site dans

Avec l’expertise qu’il a développée depuis 50 ans, étant la première des grandes fêtes populaires québécoises contemporaines, le Carnaval de Québec souhaite désormais devenir la référence touristique hivernale festive en Amérique du Nord, tant pour la qualité du produit offert que pour le dynamisme de l’organisation et l’excellence de ses relations avec ses partenaires. Cela dit, Jean Pelletier rappelle que la pérennité de cette grande fête sera assurée seulement si l’on sait d’abord répondre aux attentes des gens de la région de Québec, proposer des activités nouvelles et surprendre année après année. Et le directeur général ajoute que, de toute manière, on peut bien parler d’avenir, mais qu’il faudra toujours de précieux bénévoles pour aller plus loin.

Il y a 25 ans, dans le cadre d’un emploi d’été, je suis arrivé au Carnaval pour faire des têtes de bouffon en papier mâché. J ’ai vécu depuis toute son histoire. J’ai pu constater la grande passion qui, à chaque époque, animait les bénévoles. Seulement un exemple : en 1996, au moment où nous étions au plus creux, je les revois encore, tenaces, acharnés, avec la même foi que ceux qui les avaient précédés. Bien sûr, le Carnaval fut pour beaucoup d’entre eux une école de formation, mais il leur doit tellement aussi18 !

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Chacune des effigies de 1955 à 2003, petit objet que tous les vrais carnavaleux portent au moment de la fête.

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Rappel chronologique 1954

Création de la Corporation du Carnaval d’hiver de Québec.

1955

Première édition du Carnaval de Québec contemporain. Création de l’effigie. Bonhomme Carnaval fait son apparition, entouré de reines ; celle qui vendra le plus de billets sera proclamée reine du Carnaval.

19 6 0

Les résidents de la rue Sainte-Thérèse élèvent de nombreux monuments de neige ou de glace, ce qui fait de l’endroit la rue du Carnaval. On inscrit à la programmation du Carnaval le nouveau Tournoi international de hockey pee-wee.

Jusqu’en 1972, on érigera le Palais de glace place D’Youville.

1956

Parmi les candidates au titre de reine du Carnaval se trouve la chanteuse Pierrette Roy, l’interprète de La chanson du Carnaval.

1957

La région de Québec est divisée en sept duchés. Chaque duché aura à sa tête une duchesse. Celui dans lequel on vendra le plus de billets en faveur de sa duchesse permettra à celle-ci de devenir reine du Carnaval. Jusqu’en 1996, on tiendra à 31 reprises la descente aux flambeaux à Lac-Beauport.

1958

La course en canots se déroule dans les pires conditions de l’histoire de cette classique. Seulement 4 des 21 équipes reviennent à bon port.

1959

Pour remplacer les billets de tirage, création d’un nouveau concept de financement : la Bougie du Carnaval. Pour la première fois, l’élection de la reine se fait par tirage au sort de capsules.

Pour la première fois, le premier ministre du Québec inaugure le Carnaval.

Jusqu’en 1999, à peu près chaque année, on exposera les chars allégoriques pour permettre à la population de les voir de près.

19 61

Premières compétitions de sauts de barils. Jusqu’en 1997 se tiennent de manière irrégulière des courses de motos sur glace.

19 62

Construction des ateliers, rue Joly.

19 63

Pour la première fois, le couronnement de la reine du Carnaval a lieu à l’extérieur, soit à la piste de courses du terrain de l’Exposition. Jamais le Carnaval n’aura attiré autant de monde à Québec.

19 6 4

L’appellation de Bonhomme Carnaval et l’image du personnage deviennent des marques de commerce déposées. Ouverture des Voûtes Chez Ti-Père, rue Sainte-Thérèse.

La course de tacots fait maintenant partie de la programmation.

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Création de place Carnaval, lieu d’activités carnavalesques au parc Victoria, en Basse-Ville.

1973

Cette même année voit le jour à cet endroit, appelé place du Carnaval, le Concours international de sculpture sur neige, devenu en 1996 l’International de sculpture sur neige.

Un Grand Prix automobile a lieu jusqu’en 1978, puis de 1984 à 1994. Jusqu’en 1995, on tient un tournoi d’échecs à 18 reprises. Création de l’ordre de Bonhomme.

19 6 6

Participation d’une première équipe féminine à la course en canots. À l’été, première consultation populaire sur le Carnaval; des milliers de familles reçoivent un questionnaire leur permettant de donner leur opinion. On renouvelle l’expérience l’année suivante.

On modifie aussi le nom officiel de l’événement; le Carnaval d’hiver de Québec devient plus simplement le Carnaval de Québec.

1974

Création de l’ordre des Duchesses.

19 67

À la suite des consultations populaires, le couronnement de la reine est de nouveau présenté au Colisée de Québec.

Deux semaines avant l’ouverture du 20e Carnaval, le toit des ateliers, rue Joly, s’effondre sous le poids de la neige et de la glace. Six chars, dont ceux de Bonhomme Carnaval et des duchesses, de même que 174 têtes de bouffons, 2 sirènes et 1 dauphin, y passent. À la faveur d’un courant de sympathie populaire, la vente de la bougie du Carnaval touche un record absolu. Près de 346 000 bougies trouvent preneur. Commence à se tenir un déjeuner western.

Bonhomme augmente le nombre de ses sorties et le Palais devient plus vivant grâce aux jeux de lumière.

118

On construit le Palais de glace sur l’esplanade, devant l’Hôtel du Parlement, et non plus place D’Youville.

Jusqu’en 1985, on organise aussi un concours de moustaches.

1975

Création d’une nouvelle activité, dite La Relâche, le vendredi, de midi à minuit. Beaucoup d’employeurs donnent congé à leurs employés pour leur permettre d’aller danser au Centre des congrès de Québec. On répétera l’événement jusqu’en 1986, parfois jusque tard dans la nuit.

19 6 8

Dans le rapport annuel, on qualifie cette édition de « Carnaval des innovations ». Création de jeux interduchés, retour d’anciennes activités comme le bal de la Régence, le défilé des chars allégoriques fabriqués par des enfants et le feu de joie sur les plaines d’Abraham.

19 6 9

Visite de la princesse Grace de Monaco.

1970

On prend l’habitude de clôturer l’événement avec un feu d’artifice.

1976

Jusqu’en 1993 se tiennent sporadiquement des courses de motoneiges.

Jusqu’en 1992 a lieu un championnat de patinage de vitesse.

1977

Bonhomme Carnaval devient un ambassadeur et commence à voyager pour promouvoir le Carnaval de Québec.

Jusqu’en 1991, on tient un concours de sculpture pour les enfants.

1978

Bonhomme se rend jusqu’à Poste-de-la-Baleine (devenu en 1980 Kuujjuarapik), sur les rives de la baie d’Hudson, faire une visite aux Inuits qui ont gagné le Concours international de sculpture sur neige.

1979

Jusqu’en 1992, faute de fournisseur de glace dans la région, on construit le Palais en neige.

1971

En direct du Grand Théâtre, qui ouvre ses portes, on télédiffuse pour la première fois l’élection et le couronnement de la reine.

1972

Désormais, on ne tiendra plus compte du calendrier grégorien pour fixer les dates de tenue du Carnaval. Celui-ci se terminera, par exemple, un dimanche soir et non plus le soir du Mardi gras.

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Première participation des Inuits au Concours national de sculpture sur neige.

On célèbre le 25e anniversaire du Carnaval.

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Création de deux nouvelles places : place des Enfants (1 er terrain de jeux d’hiver dédié aux enfants) et place du Manège (lieu de rencontres carnavalesques où l’on organise des soirées à caractère social et populaire).

19 92

L’International de sculpture sur neige déménage sur les plaines d’Abraham.

19 93

On revient à la construction d’un Palais en glace plutôt qu’en neige.

L’effigie de Bonhomme Carnaval est mise en vente partout au Québec.

19 9 4

Le Carnaval célèbre son 40 e anniversaire.

Jusqu’en 1991, concours de coiffures et de maquillages excentriques.

19 95

Retour à la bougie de cire.

19 9 6

Les dirigeants du Carnaval font le choix d’une fête hivernale, populaire, à caractère familial d’abord. On regroupe l’ensemble des activités sur deux sites majeurs : l’esplanade de l’Hôtel du Parlement et les plaines d’Abraham.

19 97

Le virage familial est amorcé.

Jusqu’en 2000, déjeuner beauceron.

19 82

19 83

Bonhomme se rend jusqu’à Acapulco, au Mexique, pour représenter le Carnaval et la Ville de Québec, à l’occasion d’un congrès de l’industrie touristique.

Premier défilé de nuit à partir de Charlesbourg.

19 84

Disparition des duchés, des duchesses et de la reine. On remplace les duchés par les bonhomries.

Jusqu’en 1994, on remplace la bougie de cire par une « bougie-gratouille », s’apparentant à un billet de loterie.

19 9 8

On souligne le 30 e anniversaire du Carnaval. En raison du brouillard si dense sur le fleuve, on doit annuler la course en canots.

19 85

Commence à se tenir le déjeuner des chefs d’entreprise.

19 86

Pour la première fois, en raison d’abondantes chutes de neige, on doit reporter le tirage de la Bougie du Carnaval. Désormais, des équipes féminines participent à la course en canots.

19 87

On inscrit le bain de neige à la programmation.

19 8 8

Le Carnaval reçoit la visite de quelques célébrités d’Hollywood : la couverture médiatique internationale s’accroît.

19 8 9

Pour la première fois, une femme est à la tête de la présidence du Carnaval.

Arrivée d’un commanditaire en titre.

19 9 9

Vu l’importance de la participation des bénévoles, on crée le Service des ressources humaines pour améliorer l’encadrement (recrutement, formation, activités de reconnaissance).

20 0 0

Ouverture d’un troisième site permanent à la place D’Youville. Le Carnaval décide de faire lui-même la gestion de ses produits dérivés. L’expertise des Ateliers du Carnaval permet de réaliser des contrats externes.

20 01

Le Carnaval veut devenir la référence touristique festive hivernale en Amérique du Nord.

20 02

On axe davantage la programmation sur des activités interactives (jeu de soccer géant, pêche sur glace, ateliers de sculpture sur neige).

Première tenue du Symposium de peinture qui permet au public de voir des artistes à l’œuvre sur le thème du Carnaval.

19 9 0

19 91

Les Knuks, petits êtres moqueurs venus du Nord, font leur apparition. Taquins et espiègles, ils possèdent des talents de magiciens, de danseurs et de joueurs de tours.

Création de la Confrérie des bretelliers de la bougie.

La place des Enfants, se trouvant au parc CartierBrébeuf, déménage sur les plaines d’Abraham et prend le nom de place de la Famille.

20 03

Bien que l’hiver ait battu des records de froid depuis les dix dernières années, l’édition 2003 remporte un grand succès.

Toute activité carnavalesque cesse rue Sainte-Thérèse.

20 0 4

Le Carnaval fête son 50 e anniversaire.

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Présidents du Carnaval de Québec de 1955 à 2004 ANNÉE

NOMS

ANNÉE

NOMS

ANNÉE

NOMS

1955

A.F. Mercier

1970

Roger Bernier

1987

Pierre Barbeau

Henri F. Beique

1971

Marc Fortier

1988

Jean Beaupré

Henri W. Joly

1972

Théo Genest

1989

Hélène Turcotte

J.A. Towner

1973

Jean Pelletier

1990

Marcel Veilleux

1957

Wilbrod Bherer

1974

Paul Mercier

1991

Jean Maheux

1958

Charles L. Dumais

1975

Pierre Villa

1992

Jean Pelletier

1959

Roland Morneau

1976

Denis Harrington

1993

André Drolet

1960

Paul. A Chaput

1977

André Tranchemontagne

1994

Yvan Cloutier

1961

Maurice D’Amours

1978

Yvan Caron

1995

Sylvie Tremblay

Charles A. Blais

1979

Jacques Paradis

1996

1962

Marc Robert

1997

Sylvio Rancourt

1963

Pierre Tremblay

1980

Gilles Nadeau

1998

Carole Théberge

1964

Guillaume Piette

1981

Gaétan Gagné

1999

Guy Dufresne

1965

Maurice Beaudet

1982

Yves Patenaude

2000

Jean-Paul Desjardins

1966

J. Arthur Bédard

1983

Benoit Desrosiers

2001

Élaine Lefrançois

1967

Jean-Claude Beaudoin

1984

Claude Feuiltault

2002

Sylvain Harvey

1968

Fernand Audet

1985

Léopold Fournier

2003

Simon Théberge

1969

Gilles Richard

1986

Gilles Savard

2004

Danielle Chamberland

1956

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Directeurs du Carnaval de Québec de 1955 à 2004 1955-1960

Pas de directeurs permanents

1961-1971

Marcel Rochette*

1972-1975

Claude Croteau

1976-1980

Jean J. Frenette

1981

Gaétan Couture

1982-1994

Michel Proulx

1995-1997

Denis Rhéaume

1998-2001

Luc Fournier

2002-2004

Jean Pelletier

* De 1961 à 1963, le directeur est appelé contrôleur.

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Duchesses et reines du Carnaval de Québec de 1955 à 1996 ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

STATUT

ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

STATUT

1955 Estelle

CÔTÉ DUFOUR GRENIER PETERSON

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse

Patricia

LEWIN

GRANTHAM LACROIX LEMAY MORENCY LEMELIN MORIN PARENT

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

Françoise

POIRIER

Reine des Curlers Reine des Étudiants Reine des Skieurs Reine du Junior Board of Trade Reine du Jeune Commerce Reine des Raquetteurs Reine des Employés Civils Fédéraux

1957 Liliane

Roberte Marthe Nancy Lee

Cartier Champlain Frontenac

Duchesse Duchesse Duchesse

Reine des Quilleurs Reine des Employés Civiques Reine des Employés Civils Fédéraux Reine des Travailleurs Reine des Vétérans – Forces Armées Reine des Loisirs Reine des Artistes

Duchesse et reine Duchesse

VIEN DÉSY DIONNE TRUDEL LAGACÉ BEAULIEU DESROCHERS

Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine

SERAIOCCO MARIER LATERREUR RACINE LAGACÉ GAGNON GAUDET

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine

Gisèle 1956 Gisèle

122

POULIN

Margo

AMYOT CLERMONT

Gabrielle

LACHANCE

Nicole

LESSARD

Maureen

O’REILLY

Louisette Pierrette

PAQUET ROY

LE CARNAVAL DE QUÉBEC

Duchesse Duchesse Duchesse

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

Michèle Ghislaine Pierrette Lise Jacqueline Denise 1958 Micheline

Denise Monique Jocelyne Raymonde Nicole Brigitte 1959 Sonia

Huguette Lisette Suzanne Normande Élise Maryse

08-Carnaval de Québec 62-fin

ANNÉE PRÉNOM

20/10/03

10:40

NOM

DUCHÉ

Page 123

STATUT

ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

1965 Carolle

STATUT

JOBIDON

Cartier

Duchesse

BELLEAU

Cartier

Duchesse et reine

Éthel

BLONDIN

Champlain

Duchesse

Lise

VÉZINA

Champlain

Duchesse

Denise

LABRECQUE

Frontenac

Duchesse

Louise

PEARSON

Frontenac

Duchesse

Lise

MÉTIVIER

Laval

Duchesse

Nicole

VERREAULT

Laval

Duchesse

1960 Raymonde

Raymonde

MORISSETTE Montcalm

Duchesse

Denise

TANGUAY

Lévy

Duchesse

Micheline

BÉDARD

Montmorency

Duchesse et reine

Suzanne

PAQUET

Lévy

Duchesse

Renée Laurence

FORGUES GUILLOT

Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse

BOISSINOT

1961 Louise

1966 Carolle

Cartier

Duchesse

Barbara Ann MILLER

Champlain

Duchesse et reine

Diane

Jeanne-D’Arc DUBÉ

Frontenac

OUELLET

Cartier

Duchesse

DUFOUR

Champlain

Duchesse

Duchesse

Louise

MATTE

Frontenac

Duchesse et reine

Barbara

LAMONTAGNE Laval

Duchesse

Ghislaine

LAMB

Laval

Duchesse

Renée

LEMELIN

Lévy

Duchesse

Irène

LAFLAMME

Lévy

Duchesse

Monique

LAROCHE

Montcalm

Duchesse

Françoise

LAVOIE

Montmorency

Duchesse

Carole Priscilla

CLOUTIER WELCH

Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse

Guay

Cartier

Duchesse

1967 Thérèse

POTVIN

Cartier

Duchesse

Carole

TURCOTTE

Champlain

Duchesse

Hélène

BRETON

Champlain

Duchesse

Ghislaine

LEMELIN

Frontenac

Duchesse

Gaétane

LÉPINE

Frontenac

Duchesse et reine

Marie-Josée ROY

Laval

Duchesse

Monique

TROTTIER

Laval

Duchesse

Rita

BOUFFARD

Lévy

Duchesse

Francine

JONCAS

Lévy

Duchesse

Gigi

BÉDARD

Montcalm

Duchesse et reine

Claudette

GIRARD

Montmorency

Duchesse

Andrée Nicole

BOISVERT POULIN

Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse

GAGNON

Cartier

Duchesse

1968 Ginette

VALLÉE

Cartier

Duchesse

Rosanne

BERGERON

Champlain

Duchesse

Micheline

LAVOIE

Champlain

Duchesse

Marielle

ARSENAULT

Frontenac

Duchesse

Francine

DELISLE

Frontenac

Duchesse

Lise

MERCIER

Laval

Duchesse et reine

Danielle

BROCHU

Laval

Duchesse

Ghislaine

DOUVILLE

Lévy

Duchesse

Francine

KIROUAC

Lévy

Duchesse

Louise

LACHANCE

Montcalm

Duchesse

Huguette

LATOUCHE

Montmorency

Duchesse

Jocelyne Colette

PLANTE PILOTTE

Montmorency Montcalm

Duchesse Duchesse et reine

BÉGIN

Cartier

Duchesse et reine

BRÛLOTTE

Champlain

Duchesse

LÉGARÉ

Frontenac

Duchesse

1962 Nicole

1963 Nicole

1964 Pierrette

1969 Nicole

Nancy

MUNRO

Champlain

Duchesse

Claudette

Louise

L’HEUREUX

Frontenac

Duchesse

Diane

DUQUET

Laval

Duchesse

DAIGLE

Montcalm

Duchesse

BLOUIN

Laval

Duchesse

Ginette

Édith

DESROSIERS

Lévy

Duchesse

Jocelyne

LEGENDRE

Montmorency

Duchesse

Lisette

ST-GELAIS

Montcalm

Duchesse

Nicole

VACHON

Montmorency

Duchesse

Diane Ginette

PERRON GUAY

Cartier Lévy

Duchesse Duchesse et reine

Michèle

LE CARNAVAL DE QUÉBEC

123

08-Carnaval de Québec 62-fin

20/10/03

10:40

Page 124

ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

STATUT

ANNÉE PRÉNOM

1970 Danielle

GUY GODBOUT BLANCHET DEBLOIS ROBERGE THÉBERGE DROLET

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

1975 Lise

CÔTÉ POIRIER

Cartier

Duchesse et reine

Denise Dyanne Nicole Suzanne Nicole Diane

MARCOUX DUBÉ DAIGLE PICHETTE ROBITAILLE

Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

Colette Lucette Louise Ginette Claudette Louise 1971 Lorraine

1972 Lise

Lise Diane Danielle DanielleMaude Christiane Carole 1973 Carole

Diane Christiane Isabelle Lynda Louise MarieClaude 1974 France

Lucie Hélène Louise Jeanne d’Arc Suzanne Lyne

124

CHAPDELAINE Cartier LECLERC Champlain ROBITAILLE Frontenac CHOUINARD Laval

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

GOSSELIN POELMANS OUELLET

Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse et reine Duchesse Duchesse

BLANCHARD FOISY CÔTÉ DELAGE TREMBLAY

Cartier Champlain Frontenac Laval

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

LÉGARÉ

Lévy Montcalm

Duchesse Duchesse

SIMONEAU

Montmorency

Duchesse et reine

PROULX SAUCIER MARCOTTE BOLDUC DUMAS LALIBERTÉ MERCIER

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

LE CARNAVAL DE QUÉBEC

NOM

DUCHÉ

STATUT

Cartier Champlain Frontenac Lévy Montcalm Montmorency Laval

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse

DOUVILLE CÔTÉ AMPLEMAN CÔTÉ SAMSON GRENIER MATHIEU

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

Cartier

Duchesse et reine

Linda

MORNEAU FRENETTE

Sylvie Josette Claudette Lucille Carole

LEFRANÇOIS HACHEY NOËL WATTERS GAGNON

Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

DION LEBRUN DION DUBUC RODRIGUE ST-PIERRE PICHETTE

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine

TURCOTTE HAMEL POIRIER CANTIN JEFFREY DOMINIQUE BÉDARD

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse

GIGUÈRE Dominique TREMBLAY Hélène LAPOINTE Carole THÉBERGE Danielle GAGNON Johanne HARVEY Lise DION

1976 Francine

Michelle Louise Élizabeth Claudine Sylvie Nicole 1977 Renée

1978 Sylvie

Andrée Céline Danielle Danielle Danielle Diane 1979 Hélène

Maryse Isabelle Christine Ann Cloutier Claire

08-Carnaval de Québec 62-fin

20/10/03

10:40

Page 125

ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

STATUT

ANNÉE PRÉNOM

1980 Sylvie

BILODEAU LORRAIN LANGLOIS DUPLAIN FOURNIER TURCOTTE OUELLET

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

1985 Lise

LACHANCE LEMAY TREMBLAY PETITCLERC TANGUAY RONDY LEFRANÇOIS

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse

1986 Marie-

GRENIER CORDEAU VILLENEUVE AUBUT RICHARD LAMARCHE FILTEAU

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse

CHARLAND LEROUX OUELLET LEMIEUX JACQUES

Cartier Champlain Frontenac Laval

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

Renée Marthe Sylvie Louise Andrée Linda 1981 Johanne

Liliane Sylvie France Suzanne Mireille Marlène 1982 France

Louise Claire Danielle Johanne Danielle Céline 1983 Sonia

Martine Johanne Elaine Sylvie Claude Danielle 1984 Monique

MarieClaude Guylaine Nicole Lyne Line Monique

Lévy DOMBROWSKI Montcalm FILION Montmorency

Duchesse Duchesse et reine Duchesse

PAQUET

Duchesse

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

DUCHÉ

STATUT

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse

Champlain Frontenac Laval Lévy Montmorency

Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse

CARON Montmorency THOMASSIN Cartier TRÉPANIER Lévy

Duchesse et reine Duchesse Duchesse

ISABEL Lise ALAIN Mari-France PAQUET Jo-Ann VACHON Danielle DESBIENS Isabelle DROUIN Brigitte GUILLOT

Hélène Édith Martine Brigitte Diane 1987 Suzie

Chantale Louise MarieClaude Lucie Isabelle Josée 1988 Isabelle

Isabelle Marie-Josée Diane Valerie MarieClaude Danielle 1989 Diane

BERNIER CRÊTE ROBITAILLE ROBIDOUX GENOIS DROLET

NOM

Danye Sylvie Sylvie Nancy Lucie Caroline

LÉVESQUE TANGUAY DEMERS LANDRY LACHANCE

VACHON CANTIN DEMERS VALLÉE

Champlain Frontenac Laval Montcalm

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

BOUTIN DUFOUR GAGNON GAUTHIER LEMIEUX

Montmorency Champlain Lévy Cartier Frontenac

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

LEPAGE ROBERGE

Montcalm Laval

Duchesse Duchesse

GAGNON LANGLOIS BOLDUC CÔTÉ OLIVIER BÉGIN GÉLINAS

Montmorency Champlain Cartier Frontenac Laval Lévy Montcalm

Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

LE CARNAVAL DE QUÉBEC

125

08-Carnaval de Québec 62-fin

20/10/03

10:40

Page 126

ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

STATUT

ANNÉE PRÉNOM

NOM

DUCHÉ

STATUT

1990 Caroline

BARBER BEAULÉ

Cartier Montcalm

Duchesse et reine Duchesse

1994 Nathalie

GILBERT TURMEL LE BLOCH CAOUETTE VERRET

Laval Frontenac Champlain Lévy Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

CASAVANT DAIGLE DEMERS NÉRON PARENT POULIOT ROBERGE

Montmorency Champlain Montcalm Cartier Laval Lévy Frontenac

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

ROBITAILLE LACASSE TREMBLAY SHEINK LECLERC HAMELIN DOIRON

Cartier Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse

BÉRUBÉ COLLETTE GUAY LEBLANC ROY SANSFACON PILON

Montmorency Champlain Lévy Cartier Laval Frontenac Montcalm

Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

BERGERON

Montmorency

Duchesse

FILTEAU FOSTER

Laval Frontenac

Duchesse Duchesse

JACQUES JARJOUR ROUSSEAU ALARIE

Cartier Champlain Lévy Montcalm

Duchesse Duchesse Duchesse et reine Duchesse

Christyne MarieAndrée Josée Réjeanne Marleyne Line 1991 Julie-Ann

Nancy Suzanne Manon Caroline Pascale Chantale 1992 Claudie

Manon Caroline Gina Anne Suzanne Chantale 1993 Chantal

MarieClaude Nathalie MarieClaude Sabria Brigitte Michelle

126

LE CARNAVAL DE QUÉBEC

Élisabeth Catherine Caroline Valérie Isabelle Christine

1995 Dominique GINGRAS

Cartier

Duchesse

SAUVÉ VACHON MICHAUD HAMEL CASLARIU

Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency

Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

BERTHIAUME TARDIF FERLAND FOREST ROY GUILLOT BOURGET

Champlain Frontenac Laval Lévy Montcalm Montmorency Cartier

Duchesse Duchesse et reine Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse Duchesse

Luce

GOSSELIN

Kathleen Dody Christine Suzanne Cosmina 1996 Véronique

Pascale Claudia Myriam Annabelle Valérie Manon

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22/10/03

08:17

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Provenance des photographies Archives de la Ville de Québec: 29, 42a; Fonds du Carnaval de Québec: 8, 14, 26c, 41a, 42c. Archives nationales du Canada: 13. Archives nationales du Québec, Montréal, Fonds Roland-Berthiaume: 110b. Archives nationales du Québec, Québec: 3, 25, 28, 32, 79, 83a, 83b, 84a, 86, 88, 90, 95b; Neuville Bazin (photographe): 24, 26a, 26b, 34, 36, 37a, 65, 66, 67a, 74a, 74b; André Readman (photographe): 71; Neuville Bazin et André Readman (photographes): 51a, 52, 54a, 54b, 68. Bibliothèque nationale du Québec: 11. Carnaval de Québec: 2e de couverture, XII, 4, 5, 6, 7, 15, 18, 19, 22, 23, 27, 30, 31, 35, 37b, 38, 40, 41b, 42b, 43, 44, 45, 46, 47, 50, 51b, 53, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61b, 64a, 64b, 67b, 67c, 69b, 70, 74c, 74d, 75a, 75b, 75c, 76b, 76c, 77a, 77b, 78b, 78c, 78d, 80, 85a, 85b, 91a, 91b, 94a, 94b, 95a, 96, 97a, 97b, 98a, 98b, 99, 100, 101a, 101b, 103, 104, 105a, 106, 107b, 109, 111a, 111b, 112b, 113b, 113c, 114, 115, 116, 3e de couverture. Merci particulièrement aux photographes du Carnaval: Pierre-Paul Beaumont, David Cannon, Frédéric Lavoie, Mathieu Plante. Collections privées : 20; Stéphanie Drouin : 107a ; Gaston Fortier : 102a ; Charles Martel : 69a ; Marie-Claude Pageau: 82, 84b; Gaston Robert: 61a, 76a, 102b; Pierre Tremblay: 78a. Couture, Guy (photographe): 4e de couverture (photo de l’auteur). Dachez, Xavier (photographe): 1re et 4e de couverture, 16, 48, 62, 72, 92, 105b, 108, 110b, 111c, 112a, 113a.

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