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French Pages 132 [124] Year 2009
L’alcool, moi et les autres
Springer Paris Berlin Heidelberg New York Hong Kong Londres Milan Tokyo
Jérôme Hoessler
L’alcool, moi et les autres
Jérôme Hoessler 6, rue Claude-Chahu 75116 Paris
ISBN : 978-2-287-98829-5 Springer Paris Berlin Heidelberg New York © Springer-Verlag France, 2009 Imprimé en France Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation, la traduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voie d’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conservation des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueur n’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiement des droits. Toutes représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données par quelques procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright. L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. même sans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et la protection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun. La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modes d’emplois. Dans chaque cas il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à la littérature existante. Mise en page : AGD – Dreux Maquette de couverture : Jean-François Montmarché
Le Buveur joyeux de Judith Leyster* (1629)
Sommaire
Préface ......................................................................... Remerciements ............................................................
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Introduction...................................................
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De quoi parlons-nous ? ................................
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La dépendance à l’alcool ..............................
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Un fait de société ..........................................
61
Comment aider ? ...........................................
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Conclusion ..................................................... 109 Annexes ....................................................................... Glossaire ...................................................................... Adresses utiles ............................................................
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Préface
Ce livre écrit par Jérôme Hoessler arrive particulièrement à point. L’alcool, fléau de santé publique en France, vient de connaître un regain d’actualité avec les nouvelles formes de consommation devenues problématiques, notamment chez les jeunes. Avec son taux annuel de décès excédant régulièrement les quarante mille morts, son implication dans les accidents de la route, dans les crimes et délits et dans les retards mentaux évitables, l’alcool est à l’origine de drames personnels et familiaux insupportables. Jusqu’au début des années 2000, la seule réponse à la question de l’alcool était de nature médicosociale. Les choses ont fort heureusement changé, et une nouvelle manière d’aborder le problème a vu le jour : elle est de nature addictologique, intégrant les données les plus récentes en matière de recherche scientifique et thérapeutique. Ce mouvement a été porté par une jeune génération de cliniciens et de thérapeutes à l’approche moderne, alliant à la fois l’exigence des standards scientifiques actuels et une pratique adossée à la réalité de la clinique nécessitant une remise en question perpétuelle de son art et évitant de s’enfermer dans des dogmes inefficaces. Jérôme Hoessler fait partie de ce mouvement. C’est un psychologue clinicien inventif, intelligent et audacieux, pratiquant son art avec efficacité et originalité. Il a eu long-
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temps la responsabilité de suivi de patients au profil lourd dans un service hospitalo-universitaire de premier plan. Il a amené une série d’innovations qui ont amélioré l’efficacité de l’unité. De plus, sa simplicité et sa modestie font de ce praticien un homme très apprécié aussi bien de ses patients que de ses collègues. Nous le retrouvons aujourd’hui de l’autre côté de la page au service de tous en s’impliquant dans l’écriture de ce livre qui résume très bien les qualités de son auteur. Cet ouvrage qui s’attache à modifier le regard collectif et individuel que l’on porte sur l’« alcoolique » se structure de la manière suivante : Un premier chapitre présente l’ensemble des données statistiques, théoriques et juridiques liées à l’alcool. Un deuxième chapitre s’intéresse à la dépendance à l’alcool : risques, pathologies associées, facteurs de dépendance. Le troisième chapitre décrit la place de l’alcool dans notre société à travers différents profils : femmes, adolescents, personnes âgées. Enfin, un quatrième chapitre expose plusieurs approches thérapeutiques afin d’orienter le lecteur vers une démarche adaptée à sa situation ou à celle de ses proches. Il faut souhaiter à ce livre tout le succès qu’il mérite, car il sera utile aussi bien aux patients qui s’ignorent qu’à leurs proches qui souffrent, et également aux professionnels qui y trouveront une approche efficace. Dr Amine BENYAMINA Responsable du service d’addictologie de l’hôpital universitaire Paul-Brousse à Villejuif
Remerciements
Je remercie : Le docteur Amine Benyamina pour sa confiance et son soutien dans la construction de ce projet. Le docteur Federico Caro pour ses conseils avisés et le docteur Simone Guillermet pour son aide précieuse dans l’écriture de ce manuscrit. Madame Nathalie L’Horset-Poulain pour ses remarques pertinentes et toute l’équipe des éditions Springer pour leur travail et l’intérêt porté à cet ouvrage. Ma famille, pour leur écoute, leurs conseils et leur disponibilité. Claire Nervet-Labbé, Nicolas Fries, Pierre Mounier et Vincent Labbé pour leur soutien constant et amical. Agathe Colombier-Hochberg et Lionel Salem pour leur confiance. Mes patients : Daniel, Martine, Pascal, Sébastien, Stella, Sylvie, Thierry, Véronique et beaucoup d’autres, qui m’ont donné la force et l’envie d’écrire ce livre. Ma gratitude et mes pensées les plus chaleureuses vous accompagnent.
Introduction
« L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération. » Ce message de prévention se lit partout : dans les magazines, au restaurant, dans les bars, sur les panneaux d’affichage. Mais qu’entendons-nous par « avec modération » ? Qu’est-ce que boire modérément ? Quelle quantité d’alcool pouvons-nous consommer sans nous mettre en danger ? L’alcool est un objet de plaisir : plaisir du groupe et plaisir du palais. Il fait partie de notre vie quotidienne, s’invite à toutes les tables. Il permet d’aller vers l’autre et aide à communiquer. Ensuite seulement, il isole et enferme. Quels sont les risques attachés à l’alcool ? Peut-on devenir dépendant ? La dépendance à l’alcool est-elle une maladie ? Si l’alcool détruit, il est cependant possible de s’en détacher et d’agir en conséquence. Il est nécessaire pour cela d’être informé. Tel est le but de ce livre.
De quoi parlons-nous ?
Quelques définitions L’alcool Il existe plusieurs types d’alcool. Celui que l’on consomme s’appelle l’éthanol et est l’élément commun à toutes les boissons alcoolisées : le vin, la bière, le whisky, etc. On peut obtenir l’alcool de deux manières : soit par la fermentation* des sucres présents dans les céréales, les légumes et les fruits. C’est le cas par exemple du vin, du cidre ou de la bière dont la teneur en alcool ne dépasse pas 16°. Soit par distillation* comme pour le whisky, la vodka, la tequila, le gin et pour lesquels la teneur en alcool est généralement comprise entre 40° et 50°.
* Les mots suivis d’un astérisque figurent dans le glossaire en fin d’ouvrage.
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L’alcool, moi et les autres
La concentration en éthanol est indiquée sur chaque bouteille en pourcentage volumique : 12° (degré) pour une bouteille de vin, 40° pour une bouteille de whisky. Un verre de vin, une pression, une coupe de champagne, un verre de pastis, de cognac, de gin ou de whisky tels qu’ils vous seront servis dans les bars ou les restaurants contiennent tous la même quantité d’alcool pur : environ 10 grammes pour un verre. C’est ce qu’on appelle une unité d’alcool. Un verre standard =
= Une chope de bière à 5° (25 cl)
= Un verre de vin à 12° (10 cl)
= Un verre de whisky à 40° (3 cl)
Une flûte de champagne à 12° (10 cl)
= une unité d’alcool, soit 10 grammes d’alcool pur
Si l’on souhaite mesurer sa consommation journalière, il faut être vigilant, car les volumes d’alcool pris chez soi sont généralement plus importants que ceux servis dans les bars. Un verre de 3 cl de whisky ä 10 g d’alcool pur Une bouteille de 70 cl ä 230 g soit 23 unités
De quoi parlons-nous ?
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L’alcoolémie L’alcoolémie est le taux d’alcool dans le sang, en grammes d’alcool par litre de sang (g/l). En moyenne, chaque verre consommé fait monter le taux d’alcoolémie de 0,15 à 0,20 g/l. Ce taux dépend de nombreux facteurs : la présence d’aliments dans l’estomac et certaines caractéristiques individuelles comme le poids, le sexe ou l’état de santé. Une alcoolémie de 0,5 g/l (environ deux verres) signifie que la personne a 0,5 gramme d’alcool pur pour 1 litre de sang. Lorsque l’on consomme une boisson alcoolisée, l’alcool qu’elle contient passe en peu de temps dans le sang : de 15 à 30 minutes si l’on est à jeun et de 30 à 60 minutes au cours d’un repas. Le niveau d’alcoolémie est atteint rapidement. En revanche, le corps a besoin de plus de temps pour éliminer l’alcool. Un sujet en bonne santé élimine environ de 0,10 à 0,15 g/l d’alcool par heure. Ainsi, pour une alcoolémie de 0,6 g/l, il faudra compter de 5 à 6 heures avant que l’alcool soit totalement éliminé.
Les effets à court terme de l’alcool Les effets immédiats d’une consommation importante d’alcool sont bien connus. On distingue trois phases qui évoluent d’une légère euphorie au coma.
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L’alcool, moi et les autres
La phase d’excitation : le sujet peut être euphorique, désinhibé et détendu avec parfois une excitation psychomotrice et des comportements agressifs. La phase d’ivresse : la personne s’exprime mal et présente des troubles de l’équilibre. Il s’agit d’une phase d’incoordination et d’instabilité psychomotrice avec des troubles de la vigilance. La phase de coma : la personne nécessite une surveillance en milieu hospitalier. Les deux principaux risques sont les troubles respiratoires et les vomissements.
Et si on allait plus loin ? On sait que l’on n’est pas plus rapidement ivre en mélangeant différentes sortes de boissons alcoolisées qu’en en buvant une seule sorte. Seule compte la quantité d’alcool pur. De même, mélanger de l’alcool avec d’autres boissons (comme du jus de fruits ou des boissons énergétiques) ne change rien aux effets qu’il produit puisque la quantité d’alcool pur reste la même. Enfin, comme nous l’avons vu, un demi de bière, un verre de whisky et un verre de pastis contiennent tous les trois une unité d’alcool.
De quoi parlons-nous ?
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Pourtant, malgré les nombreux messages de prévention, on entend toujours : « Je ne bois pas d’alcool, mais que de la bière ! » ou encore « Lorsque je bois, je ne fais jamais de mélange ». Aussi, si la connaissance est nécessaire, elle ne semble pas suffisante pour modifier les comportements…
Description et quelques chiffres Les différents modes de consommation L’usage simple L’usage simple est une consommation d’alcool n’entraînant aucune complication pour la santé. Il s’agit par exemple de la consommation chez les adolescents. Beaucoup en resteront à une unique expérience ou ne présenteront qu’une consommation occasionnelle en petite quantité.
L’usage nocif Également appelé « abus », il est caractérisé par une consommation répétée entraînant des conséquences négatives dans les domaines physiques, psychologiques, sociaux ou judiciaires, pour le sujet et son environnement. On parle aussi d’usage nocif, lorsque l’on observe des infractions répétées liées à l’alcool (accidents de la route, violences, etc.), l’aggravation de problèmes personnels et
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sociaux (difficultés relationnelles, séparation, divorce) et l’incapacité à se passer pendant plusieurs jours d’alcool.
La dépendance Elle correspond à l’impossibilité répétée de pouvoir contrôler sa consommation d’alcool en dépit des conséquences physiques, psychologiques et sociales qui y sont liées. Le passage de l’usage simple à l’usage nocif et de l’usage nocif à la dépendance n’est souvent pas perçu par le consommateur qui pense « maîtriser » sa consommation.
Éléments statistiques En France, on estime à 5 millions le nombre de personnes ayant des difficultés d’ordre médical, psychologique ou social liées à leur consommation d’alcool, dont 2 millions le nombre de personnes dépendantes à l’alcool. Par an, environ 45 000 décès sont directement (cirrhoses, cancers, etc.) et indirectement (accidents de la route, suicides, etc.) liés à l’alcool. Il contribue à : • 14 % des décès chez les hommes (1 décès sur 7) ; • 3 % des décès chez les femmes (1 décès sur 33).
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En 2002 en France, une étude menée auprès des adultes de 18 à 75 ans indique que 27 % des hommes et 11 % des femmes déclarent avoir consommé de l’alcool tous les jours. En 2005, 7 % des 18-75 ans déclarent ne jamais avoir bu de boissons alcoolisées, 37 % confient en consommer occasionnellement (au moins une fois par semaine) et 15 % tous les jours. Les hommes consomment nettement plus que les femmes. Selon le baromètre santé (2005) : • 8 % des Français de 15 à 75 ans présentent une consommation chronique risquée d’alcool ; • moins de 1 % déclare boire au moins sept verres par jour ou au moins six verres dans une même occasion. En 2006, chaque Français de plus de 15 ans a consommé par an 12,9 litres d’alcool pur, soit environ l’équivalent de trois verres de boissons alcoolisées par jour.
Et si on allait plus loin ? De nos jours, il semble difficile d’accepter pour le buveur l’idée d’être en danger avec l’alcool. Le lecteur se souvient peut-être de cette publicité mettant en scène plusieurs comédiens. Chaque personnage décrit sa consommation d’alcool en la comparant à celle de l’autre : « Je bois moins
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que Marc qui d’ailleurs boit moins que François… » Et il n’a donc pas à s’inquiéter. Entre la catégorie « usage simple » et la catégorie « dépendance à l’alcool », il n’y a pas de place pour se représenter la « consommation nocive ». Dans notre société, les personnes dépendantes et celles qui abusent de l’alcool prennent la plupart du temps l’apparence de « bons vivants ». Mais pourquoi refuser l’idée d’être en danger avec l’alcool ? Nous faisons l’hypothèse que les représentations négatives (poivrot, clochard, etc.) que nous avons de celui ou de celle qui s’alcoolise trop alimentent ce raisonnement. Aujourd’hui encore, on associe souvent l’alcoolique à l’ivrogne ou au pochetron. Une femme qui boit est perçue comme une mauvaise mère, un homme comme un irresponsable et sans volonté. Ces représentations négatives sont connues et rejetées par tous par le fait que l’on privilégie pour soi l’idée d’être un « bon vivant ». Par conséquent, aux images négatives véhiculées par la société et par chacun de nous, préférons les critères objectifs de la dépendance à l’alcool. Et un « alcoolique » devient dès lors une personne en souffrance pouvant être soignée.
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Lois et recommandations La loi en France et à l’étranger La vente d’alcool dans les commerces, dans les cafés et restaurants fait l’objet d’une importante réglementation qui vise à protéger les mineurs et à prévenir les désordres liés à l’ivresse publique. La loi Évin du 10 janvier 1991 interdit la vente, la distribution et l’introduction de boissons alcoolisées dans tous les établissements d’activités physiques et sportives (l’ouverture d’une buvette peut toutefois être autorisée). Les boissons contenant de l’alcool ne peuvent pas être vendues aux jeunes de moins de 16 ans. Les boissons contenant de l’alcool de distillation (vodka, whisky, gin, etc.) demeurent interdites aux moins de 18 ans. Cette loi s’attache à limiter les publicités pour les boissons alcoolisées et à inscrire sur chaque bouteille ou affiche le message suivant : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. » En matière de sécurité routière : • les contrôles d’alcoolémie sont possibles, même en l’absence d’infraction ou d’accident (Code de la route) ; • en France, le taux légal d’alcoolémie maximal est fixé à 0,5 g/l de sang ou 0,25 mg/l d’air expiré. Entre 0,5 et 0,8 g d’alcool par litre de sang ou entre 0,25 et 0,4 mg par litre d’air expiré, la personne est
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passible d’une contravention de 135 euros et d’un retrait de six points du permis de conduire. Au-delà de 0,8 g d’alcool par litre de sang, il s’agit d’un délit entraînant un retrait de six points du permis de conduire, passible de deux ans de prison et d’une amende de 4 500 euros. La condamnation peut être assortie d’une suspension ou d’une annulation du permis de conduire (obligatoire en cas de récidive), de mesures de soins ou d’un travail d’intérêt général. Si une personne provoque un accident en conduisant sous l’emprise de l’alcool, l’amende sera portée à 30 000 euros si elle occasionne des blessures graves. Elle sera passible d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans et d’une amende pouvant atteindre 150 000 euros si elle provoque la mort d’un autre usager de la route.
L’Organisation mondiale de la santé Si l’on a bu au cours d’un dîner deux apéritifs, deux verres de vin et un digestif, cela représente cinq verres alcoolisés. Ce qui est trop. « Pourquoi trop ? » demanderont certains. « Avec cinq verres, je ne ressens encore aucun effet ! » Il est vrai qu’il est difficile de fixer des seuils de consommation identique pour une population dans la mesure où les effets varient en fonction du poids, du sexe ou de l’âge de la personne.
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Toutefois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé des normes de consommation maximale.
NORMES DE CONSOMMATION MAXIMALE (OMS) • pas plus de quatorze verres d’alcool par semaine pour une femme ; • pas plus de vingt et un verres d’alcool par semaine pour un homme ; • un jour sans alcool par semaine ; • pas plus de quatre verres lors d’un anniversaire, mariage ou fête ; • pas d’alcool pendant la grossesse, lorsque l’on prend des médicaments, que l’on est atteint de maladies (épilepsie, maladies du foie, etc.) et lorsque l’on conduit.
Il s’agit d’un nombre maximal d’unités. En aucun cas, les unités ne peuvent se reporter d’un jour ou d’une semaine sur l’autre.
Boire ou conduire L’alcool agit même à faible dose. Les premières perturbations sont constatées à partir de 0,3 g/l. L’alcool rétrécit le champ visuel, modifie la perception du relief et augmente le temps de réaction. Les risques commencent dès le deuxième verre consommé, donc bien avant d’avoir « la tête qui tourne ».
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En France, les chiffres en 2004 révèlent que l’alcool a eu une influence considérable sur les accidents de la route. Il est présent dans 10 % des accidents corporels et dans environ un tiers des accidents mortels. Les hommes âgés de 15 à 24 ans sont les plus exposés au risque d’accident puisque les accidents de la route représentent la première cause de mortalité pour cette tranche d’âge. En 2005, il y a eu dans l’hexagone 5 500 morts sur les routes dont un tiers dû à l’alcool, confirmant les chiffres de 2004. Si l’on consomme de l’alcool et si, au moment de prendre le volant, on ne connaît pas son taux d’alcoolémie, on peut le mesurer grâce à un éthylomètre. À défaut de l’éthylomètre, il est préférable de prendre un taxi, de marcher, d’attendre ou de dormir, car, contrairement aux idées reçues, ni le café, ni une cuillerée d’huile, ni trois grands verres d’eau, ni aucun « remède miracle » ne permettent d’éliminer l’alcool plus rapidement. L’Alcootest, petit sachet dans lequel on souffle, permet de savoir si l’alcoolémie est inférieure ou supérieure à 0,5 g/l. Inférieure, le réactif reste jaune, au-dessus, il vire au vert. C’est ce que l’on appelle communément « souffler dans le ballon ». L’éthylomètre est un appareil qui calcule la concentration d’alcool dans l’air expiré et qui peut, grâce à des équivalences, mesurer la teneur d’alcool dans le sang. Ainsi, 0,8 g par litre de sang correspond à 0,4 mg par litre d’air expiré.
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Alcool et risque d’accident Taux d’alcoolémie (en grammes par litre)
Multiplication du risque d’accident
0 g/l
x1
0,5 g/l
x2
0,7 g/l
x7
0,8 g/l
x 10
1,2 g/l
x 35
2 g/l
x 80
Si l’on suppose que le risque d’accident est de 1 pour un conducteur avec un taux d’alcoolémie de 0 g d’alcool dans le sang (le risque zéro n’existant pas), il est déjà multiplié par deux à 0,5 g. Au-delà, le risque d’accident augmente très rapidement selon la quantité d’alcool consommée.
L’alcool, d’hier à aujourd’hui L’ambivalence autour de l’alcool semble s’être nourrie au fil des siècles : dès l’ancienne Égypte, des mises en garde contre l’ivresse et des critiques portant sur la consommation d’alcool étaient formulées. La célèbre stèle d’Hammourabi (roi de Babylone, XVIIIe siècle avant Jésus-Christ) rapporte les interdictions de
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consommer de l’alcool faites aux prêtresses avant le sacrifice. Au VIIe siècle, Mahomet avait interdit à ses fidèles la consommation de vin, dont il avait pu luimême constater les effets. Aujourd’hui en France, pour plus de cinq millions de personnes, l’alcool rime avec excès ou perte de contrôle. La prise de conscience par les pouvoirs publics de l’ampleur de ce problème, le développement des centres de soins en alcoologie et la multiplication des associations indiquent un changement dans la perception des risques liés à l’alcool.
Et si on allait plus loin ? Malgré une politique de prévention mais également de répression, un accident mortel sur trois est imputable à l’alcool. On associe volontiers l’alcool à la gastronomie, aux plaisirs festifs et aux bons moments entre amis. Mais cela justifie-t-il que l’on boive tant et que l’on mette sa vie et celle de ses proches en danger ? L’alcool est une substance psychoactive qui entraîne des modifications au niveau des perceptions internes et externes. Certains individus se sentent tout-puissants et confient « mieux conduire sous l’emprise de l’alcool ». Ils insistent sur leurs nombreux trajets alcoolisés et précisent, en conséquence, qu’ils
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« maîtrisent » sous alcool. D’ailleurs, comme ils aiment le rappeler « ce n’est pas un verre qui va tout changer ! » ou bien « ne t’inquiète pas, je ne conduis jamais ivre ». On retient cependant que le point commun de toutes les personnes ayant eu un accident sous l’emprise de l’alcool est qu’elles étaient persuadées de pouvoir conduire… Mais que dire de celui ou de celle qui refuse un dernier verre sous prétexte de devoir se lever tôt le lendemain matin ? Quel regard portons-nous sur celui qui refuse de trinquer ? Pour une grande majorité d’entre nous, celui qui refuse un verre étonne. On dira : « Il ne sait pas s’amuser » ou encore « Il ne sait pas vivre ». Si cette façon de penser est partagée par tous, c’est parce qu’elle rassure. Elle s’oppose à celui qui boit « mal » ou qui boit « trop ». Comme le bon vivant « sait » boire, il semble parfois difficile de refuser un dernier verre et cela, même si l’on doit prendre la route…
Quelques références bibliographiques. HILLEMAND B (1999) L’Alcoolisme. Que sais-je ? Presses Universitaires de France, Paris Drogues et dépendance (2006) Le livre d’information. INPES
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Sites internet http://www.ofdt.fr http://www.inpes.sante.fr http://www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr http://www.drogues.gouv.fr
La dépendance à l’alcool
Vers la dépendance De l’« ivrogne » au « dépendant à l’alcool » C’est au milieu du XIXe siècle que naissent en France les premières ligues anti-alcooliques. Ces associations ont eu pour but « de combattre les progrès incessants et les effets désastreux de l’ivrognerie… ». En 1950, soit un siècle plus tard, un psychiatre américain, E. M. Jellineck, proposa le terme de « maladie alcoolique ». Ce terme tend à regrouper les conséquences psychiques, physiques et sociales d’un abus d’alcool. Depuis l’Antiquité, le buveur était traité d’ivrogne. Aujourd’hui, le terme de « malade alcoolique » indique que les personnes souffrant d’un problème avec l’alcool doivent être considérées comme des personnes malades pouvant être soignées.
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Le glissement imperceptible La dépendance à l’alcool s’installe dans la durée. Elle peut, par exemple, débuter par des périodes de consommations excessives au cours de fêtes étudiantes. Pendant cette période, certains étudiants arrivent généralement à réduire leur consommation d’alcool en raison d’expériences désagréables (« gueule de bois », accidents de la route, difficultés relationnelles, etc.). Mais, en dépit de ces expériences pénibles, d’autres ressentent des difficultés à diminuer ou à stopper durablement leur consommation. Généralement, plus tard, ces personnes refusent de voir la vérité en face. Elles se persuadent de boire « normalement » et « comme tout le monde ». L’entourage est souvent perdu devant le déni du consommateur d’alcool et ne sait pas toujours comment se comporter avec lui. Cela a parfois pour conséquence d’isoler l’individu qui, de lui-même, a tendance à se détacher des autres. Il s’alcoolise de plus en plus et fait de moins en moins attention à lui. Dans certains cas, il mange moins et n’ouvre plus son courrier. Les problèmes administratifs s’amplifient et les relations se détériorent.
La dépendance à l’alcool
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La dépendance à l’alcool Les critères Les signes d’une dépendance à l’alcool sont aujourd’hui bien connus : • la fixité des habitudes de consommation : certaines personnes confient qu’elles peuvent difficilement manquer le rendez-vous du café après le travail ; • un aveuglement des conséquences de l’alcoolisation : « Je ne bois pas plus que les autres », « Je n’ai pas de problème avec l’alcool », « Je m’arrête quand je veux » ; • une perte de contrôle : « Un verre c’est trop, dix, ce n’est pas assez ! » ; • l’envie de boire est irrésistible. On parle aussi de craving ; • la tolérance : ou accoutumance. La tolérance est le fait pour un individu d’augmenter les doses d’alcool pour retrouver les effets ressentis au début ; • les signes de manque (ou syndrome de sevrage) lorsque la personne arrête de boire : le syndrome de sevrage consiste en l’apparition, au décours d’un arrêt ou d’une grande diminution d’alcool, de manifestations ressenties
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L’alcool, moi et les autres
par le sujet au niveau de son corps. Il est le témoin de la dépendance PHYSIQUE à l’alcool. Il existe deux complications graves du syndrome de sevrage : la crise convulsive et le delirium tremens* (DT). Dans sa forme mineure, le syndrome de sevrage se manifeste par un tremblement matinal (main tremblante), des sueurs (mains moites) et de l’angoisse. Les malades alcoolodépendants physiques connaissent bien ces signes et savent qu’ils vont disparaître rapidement avec l’ingestion d’alcool. Si l’arrêt d’alcool se prolonge (sans traitement médicamenteux pris), il peut survenir une augmentation des tremblements qui se généralisent (on parle de trémulations), une sensation de malaise général, une transpiration, des nausées, des vomissements, une diarrhée, une anorexie, une insomnie, une tachycardie (le pouls qui s’accélère) et parfois même des troubles du rythme cardiaque. La pression artérielle peut augmenter ainsi que la température. Ces signes peuvent évoluer vers l’installation d’un DT qui se manifeste par des troubles de la conscience : la personne est confuse, désorientée, agitée, elle présente des troubles sensoriels qui peuvent aller jusqu’aux hallucinations (visions d’images terrifiantes). Cet état nécessite une hospitalisation. En conséquence, une personne dépendante physique de l’alcool qui décide d’arrêter son intoxication doit impérativement consulter un médecin. Le traitement et la surveillance médicale lui permettront de réaliser un sevrage confortable, en toute sécurité.
La dépendance à l’alcool
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Les points clés de la dépendance Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), 4e édition, et la Classification internationale des maladies (CIM-10), 10e édition, ont proposé une définition du syndrome de dépendance sans tenir compte volontairement du critère de quantité de verres consommés :
LA DÉPENDANCE À L’ALCOOL 1. l’alcool est souvent pris en quantité plus importante ou pendant une période plus prolongée. 2. il y a un désir persistant, ou des efforts infructueux, pour diminuer ou contrôler l’utilisation du produit. 3. beaucoup de temps est consacré à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit ou à récupérer de ses effets. 4. des activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance. 5. l’utilisation de l’alcool est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance.
Ces critères suffisent à faire le diagnostic de dépendance à l’alcool. Il est possible ensuite de définir, grâce aux entretiens médicaux, si la dépendance s’accompagne ou non de manifestations physiques.
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L’alcool, moi et les autres
La dépendance à l’alcool ne correspond en aucun cas au nombre de verres bus par jour mais plutôt à une relation dans laquelle l’alcool a une emprise sur la personne.
Comment expliquer la dépendance à l’alcool ? Il n’existe pas de cause unique, mais un ensemble de caractéristiques qui peuvent rendre un individu plus ou moins susceptible de développer une dépendance à l’alcool.
Le facteur biologique Au contact de l’alcool, les membranes des cellules nerveuses appelées neurones modifient leur perméabilité et se fluidifient. Les échanges entre la cellule nerveuse et son milieu sont alors facilités. Si les prises d’alcool sont plus régulières, ces enveloppes deviennent plus rigides et réduisent les effets de l’alcool. Le buveur devient plus résistant et supporte de mieux en mieux l’alcool. Il doit boire plus pour obtenir les mêmes effets : c’est le phénomène de tolérance. Progressivement, le piège de l’alcool se referme. L’alcool qui fut autrefois associé au plaisir est devenu un besoin.
La dépendance à l’alcool
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Chez certaines personnes qui arrêtent brutalement leurs alcoolisations, les membranes des cellules nerveuses vont se rigidifier, entraînant des perturbations au niveau des échanges entre les cellules : c’est l’origine du syndrome de sevrage (tremblements, nausées matinales, vomissements, etc.).
Généralités sur la théorie neurobiologique de l’installation d’une dépendance à l’alcool L’alcool est une substance psychoactive produisant un état modifié de conscience. Le consommateur peut y trouver un bénéfice, voire un plaisir. Cet effet de plaisir s’explique, au moins partiellement, par les interactions de l’alcool avec les neuromédiateurs*. Ces derniers sont des substances fabriquées au niveau du cerveau. Ils interviennent dans le fonctionnement du système nerveux central et dans la transmission des informations (voie dopaminergique). On appelle « effet de renforcement positif » les effets agréables de l’alcool (désinhibition, détente, visée anxiolytique). Certains consommateurs, à la recherche de ce renforcement positif, vont répéter les alcoolisations. Avec le temps, il apparaît une neuroadaptation qui conduira l’usager à augmenter les doses d’alcool pour obtenir le même renforcement positif (phénomène de tolérance). L’arrêt de l’alcoolisation peut ensuite entraîner des effets vécus comme désagréables. L’usager ressent géné-
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ralement un état de manque : c’est le renforcement négatif provoqué par l’arrêt d’alcool. Effet de renforcement positif (effets agréables de la prise d’alcool) et effet de renforcement négatif (effets désagréables du manque d’alcool) expliquent le phénomène de dépendance. Un patient illustrait ce phénomène en disant : « Au début, je buvais de l’alcool pour être bien. Puis j’ai commencé à en prendre pour être moins mal. » Pour l’OMS, la dépendance à une substance correspond à un « état psychique et parfois physique, résultant de l’interaction entre un organisme vivant et une substance, caractérisé par des réponses comportementales avec toujours une compulsion à prendre la substance de façon continue ou périodique, de façon à ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l’inconfort de son absence ».
Nous ne sommes pas tous égaux devant l’alcool Certaines personnes boivent de grandes quantités d’alcool pendant plusieurs années sans jamais ou très rarement être ivres. Mais « bien supporter l’alcool » ne veut pas dire qu’il ne nuit pas à la santé. Bien au contraire, l’organisme en souffre tout autant, même si l’on en perçoit moins les effets. En raison de ce véritable « entraînement toxique », ces personnes ont vu une augmentation de leur tolérance à
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l’alcool et leur corps s’est intoxiqué d’autant. Mais tout cela s’est déroulé à bas bruit. La distinction ci-dessus peut sembler inappropriée pour celui qui ne pense pas consommer de manière excessive. Un élément important doit toutefois être souligné : si, chez ces personnes, la perte de contrôle ou l’ivresse ne se manifeste que très rarement ou qu’à partir de fortes quantités d’alcool, il suffit en revanche au départ d’un ou de deux verres pour occasionner un premier symptôme : l’envie de boire un autre verre, qui lui-même en appellera un autre, etc.
Le facteur génétique Le caractère familial de l’alcoolisme est une donnée établie : les parents alcooliques ont de quatre à cinq fois plus souvent des enfants alcooliques que les parents non alcooliques. Le poids des facteurs génétiques de l’alcoolodépendance est de l’ordre de 50 %. Cette estimation est fondée non seulement sur des études de jumeaux (une douzaine d’articles publiés à ce jour), mais aussi sur les nombreuses données issues des études d’agrégation familiale et de demi-germains. Récemment, des chercheurs ont émis l’hypothèse que « le fait de bien supporter l’alcool, tant au niveau compor-
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temental que psychologique, pourrait être un état génétiquement transmis, associé à un risque plus élevé d’alcoolisme ». Des études ont ainsi montré que les enfants d’alcooliques qui ressentent peu d’effets sont plus exposés que les autres à la dépendance. En d’autres termes, les enfants qui sont sensibles à l’alcool sont moins souvent dépendants que ceux qui estiment pouvoir y résister. Partant de cette hypothèse, une étude s’est attachée à comparer la réponse à l’alcool chez 25 femmes ayant des antécédents d’alcoolisme à une population également de 25 femmes sans antécédents familiaux d’alcoolisme. Une faible dose d’alcool était administrée et les effets de l’alcool (c’est-à-dire les réponses) correspondaient au niveau d’euphorie, aux perturbations motrices et à d’autres effets. Les résultats indiquent que les femmes sans antécédents d’alcoolisme et non alcooliques étaient plus sensibles aux effets de l’alcool que celles ayant des antécédents d’alcoolisme. « Cette observation est un pas de plus vers la confirmation du fait que la résistance à l’alcool pourrait être une caractéristique clinique génétiquement transmise. » Si l’alcoolisme possède des causes génétiques, il n’est en aucun cas une maladie familiale ou héréditaire. Ce n’est pas un destin. Qu’il y ait un risque d’alcoolisme pour les enfants de parents alcooliques n’implique pas obligatoirement l’exis-
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tence d’une fatalité. Tous ceux qui savent qu’il existe ou qu’il a existé un problème d’alcool dans la famille doivent aborder le sujet avec vigilance. Il est primordial pour cela d’être informé et accompagné.
Le facteur psychologique La dépendance à l’alcool et l’usage nocif sont le produit de l’interaction entre une substance (plus ou moins addictogène), un individu (plus ou moins vulnérable psychologiquement) et un environnement (où le produit est plus ou moins accessible). Sous l’influence de facteurs sociaux, culturels ou environnementaux, une personne rencontre le produit « alcool » et expérimente pour la première fois ses effets. L’alcool modifie la façon dont on se sent et dont on se comporte. À faible dose, il permet d’être moins anxieux ou moins timide, de tromper l’ennui, la solitude et l’isolement. Il stimule et facilite la discussion et la séduction. Il rend euphorique et permet de s’évader un temps dans l’imaginaire. Enfin, anesthésiant, apaisant ou antidépresseur, il permet d’oublier pour un moment ses problèmes. Bref, chaque individu peut trouver dans l’alcool l’effet qu’il recherche. L’être humain se souvient généralement des premiers effets de l’alcool. Pour certains, cette expérience s’est
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très mal passée (bouffées de chaleur, rougeur du visage, malaise, etc.). On parle alors de « flush ». Très souvent, ces personnes ne chercheront pas à renouveler l’expérience. Pour d’autres, l’alcool a permis de lever les barrières. Par exemple, un adolescent qui expérimente l’alcool pour la première fois en boîte de nuit peut se rendre compte que ce produit lui a permis de danser ou de parler plus facilement. Le risque majeur est que les modifications vécues au niveau de sa façon de penser et d’agir soient recherchées et répétées dans d’autres situations. L’alcool ne va plus alors apparaître comme un simple produit, mais comme la solution aux diverses situations et aux difficultés personnelles, professionnelles et sociales. Le second risque est que les envies de consommer de l’alcool soient déclenchées en fonction de situations (faire la fête, aller à un dîner) ou d’émotions (colère, tristesse, plaisir) sans que la personne s’en rende compte. Des pensées « automatiques » peuvent s’ancrer dans l’esprit telles que : « Je ne peux pas m’amuser sans boire » ou bien « Je ne peux pas surmonter cette séparation ou ce deuil sans alcool ». Le verre convivial va alors progressivement remplir un autre rôle : celui d’alcool-médicament. C’est le passage de l’alcool-plaisir à l’alcool-soulagement.
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Dépression et alcoolisme Dans Le Petit Prince de Saint-Exupéry, le héros rencontre un jour un bien malheureux personnage : « La planète suivante était habitée par un buveur. Cette visite fut très courte mais elle plongea le petit prince dans une grande mélancolie : – Que fais-tu là ? Dit-il au buveur […] – Je bois, répondit le buveur, d’un air lugubre. – Pourquoi bois-tu ? lui demanda le petit prince. – Pour oublier, répondit le buveur. – Pour oublier quoi ? s’enquit le petit prince qui déjà le plaignait. – Pour oublier que j’ai honte, avoua le buveur en baissant la tête. – Honte de quoi ? s’informa le petit prince qui désirait le secourir. – Honte de boire ! acheva le buveur qui s’enferma définitivement dans le silence. » L’alcool est souvent la moins mauvaise solution aux problèmes pour des personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes. Lorsque l’on se dévalorise, l’alcool peut alors aider à échapper à la vision critique que l’on peut avoir de soi. Christophe André*, médecin psychiatre, précise que « plus on porte un regard négatif sur soi, plus on cherche à oublier nos sentiments d’échec, et plus on a tendance à boire ».
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On considère aujourd’hui que l’alcoolisme conduirait à la dépression. Pour Christophe André, « les mécanismes de cet effet dépressogène (c’est-à-dire qui vont induire une dépression) sont sans doute multiples : biologiques (perturbation des neurotransmetteurs liée à la dépendance physique), sociaux (honte et rejet social) et psychologiques (altération de l’estime de soi) ». L’alcool blesse la fierté et l’amour que l’on se porte. Le regard de l’autre et la rupture des liens sociaux intensifient la perte de l’estime de soi.
Alcool et suicide Le risque de mort par suicide s’accroît chez les personnes dépendantes à l’alcool et déprimées. Une étude a évalué la place des idées et des tentatives de suicide chez 107 alcooliques déprimés, 497 alcooliques non déprimés et 5 625 déprimés non alcooliques. Les résultats de cette recherche indiquent que les idées et les tentatives de suicide étaient plus fréquentes chez les alcooliques déprimés que chez les déprimés non alcooliques.
Anxiété et alcoolisme L’association entre anxiété et alcoolisme est une donnée clinique classique. En cas de dépression ou d’anxiété, certaines personnes peuvent rechercher les effets de l’alcool, s’« automédiquant » en quelque sorte.
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Cependant, les effets médicamenteux de l’alcool s’inversent lors d’une alcoolisation massive et régulière du fait de l’adaptation progressive du cerveau. Cela crée un véritable cercle vicieux : malgré l’impression de détente que procure l’alcool, celui-ci aggrave l’anxiété et la dépression à long terme. Sous le terme d’« anxiété », nous désignons des maladies comme la phobie simple (peur des araignées, des serpents, du sang, etc.), la phobie sociale (peur des autres), le trouble obsessionnel compulsif (TOC), l’attaque de panique, l’agoraphobie, le trouble d’anxiété généralisée et le stress posttraumatique. L’angoisse ressentie lors de ces maladies peut représenter une forte motivation pour la prise d’alcool. L’anxiété sociale est quelque chose de normal. Tout le monde vit cette anxiété. Mais, chez certaines personnes, la peur d’être vu ou entendu en société est tellement forte qu’elle altère la qualité de leur vie. Ces personnes éprouvent des difficultés à dire ce qu’elles pensent ou ce qu’elles ressentent. Elles ont peur d’être exposées ou confrontées au regard de l’autre, de donner leur avis, de lire ou de parler en public. Elles perdent leurs moyens lorsqu’elles se sentent jugées. D’autres confient qu’elles peuvent difficilement parler d’elles et, par conséquent, s’engagent peu dans des relations amicales ou amoureuses.
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Ces personnes ressentent généralement une forte détresse émotionnelle. Elles se focalisent sur elles-mêmes et en arrivent à se convaincre qu’elles ont mal expliqué les choses (par exemple, donner son point de vue lors d’une réunion de travail). Elles se sentent honteuses et se dévalorisent, persuadées qu’elles ont mal fait. En général, elles ne réitèrent pas et évitent la fois d’après la situation anxiogène, ce qui a d’ailleurs pour effet d’aggraver le trouble. Certains vivent des attaques de panique. Il s’agit d’un démarrage très violent et inattendu d’une angoisse. L’individu devient très méfiant de lui-même. Il craint d’avoir des attaques de panique et redoute de se retrouver loin de chez soi ou de se trouver dans des endroits où il est difficile de s’échapper (on parle ici d’agoraphobie). Beaucoup de situations sont donc évitées. L’individu ressent le besoin d’être accompagné ou de consommer de l’alcool pour chasser l’angoisse. D’autres personnes ont des pensées récurrentes et persistantes entraînant une anxiété massive. Afin de diminuer l’anxiété, ces personnes se sentent obligées de faire des rituels (des compulsions). Il s’agit de comportements mentaux ou non et répétitifs (laver ses mains, ranger, compter, etc.). Ces obsessions sont parfois mieux supportées par l’alcool. Enfin, certains présentent un trouble d’anxiété généralisé, ils se font du souci pour tout : la famille, les amis, le travail, la santé, la situation financière, etc.
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Ces personnes imaginent le pire et s’usent émotionnellement. Elles sont fatiguées, dorment mal, sont irritables. Pour elles, tout problème correspond à une menace. Ici aussi, l’alcool peut être une solution pour calmer l’angoisse générée par les soucis.
Le facteur social « Qu’est-ce que je te sers Pierre ? Un verre de vin ? Une bière ? – Non merci, Vincent, je prendrai plutôt un jus d’orange. – Qu’est-ce qui t’arrives, tu es malade ? » Ce dialogue qui n’est certes pas très original a tout de même le mérite d’être réaliste. Dans notre société, celui qui ne consomme pas d’alcool étonne. L’interlocuteur peut être surpris, voire même inquiet pour la santé de son compagnon ! Le fait de boire de l’alcool entre amis, en groupe ou à l’occasion de réunions professionnelles est une pratique fréquente. Ces alcoolisations favorisent les relations sociales, et il est bien difficile aujourd’hui de refuser un verre sans être confronté à des difficultés d’intégration. L’alcool orne les grandes étapes de la vie. Pourrionsnous imaginer un mariage, un baptême ou un anniversaire sans alcool ? C’est autour d’une bouteille de champagne que l’on fête la nouvelle année. C’est avec plaisir et émotion que
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l’on ouvre un vin millésimé pour une naissance ou une réussite professionnelle. L’alcool évoque des moments de plaisir partagés entre amis ou en famille. Boire de l’alcool sans excès et sans ivresse peut représenter un usage agréable de celui-ci, si cela ne conduit pas à une augmentation des doses et à une perte de contrôle. La prise d’alcool obéit en effet à certaines règles sociales. Et une consommation d’alcool en société peut ne pas se limiter à un facteur jugé utile d’intégration, mais devenir la première étape vers une conduite de dépendance. On parle aujourd’hui d’alcoolisme d’affaires ou d’alcoolisme mondain (déjeuners professionnels, réceptions, colloques, etc.). Certaines personnes justifient leur consommation d’alcool, parfois exagérée, par la difficulté et le stress de leur travail. Il n’y a pourtant pas de différence majeure entre celui qui boit seul chez lui une demi-bouteille de whisky et celui qui consomme dix verres alcoolisés lors d’une soirée mondaine. Ce terme d’« alcoolisme mondain » n’est qu’un alibi pour des personnes en danger avec l’alcool ou dépendantes à l’alcool.
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L’alcool au travail Selon une étude IPSOS : • 40 % des interrogés estiment qu’il est souvent difficile de refuser de boire de l’alcool quand on est invité ; • en France, au cours des six derniers mois, 7 salariés sur 10 déclarent avoir participé à un pot dans leur entreprise. Une nouvelle enquête IPSOS révèle que 71 % des personnes boivent de l’alcool pendant les repas d’affaires. Parmi ces 71 %, 35 % confient qu’elles ont plus bu que d’habitude. L’alcoolisme au travail touche de 1 à 15 % de l’effectif selon le type de l’entreprise. Ce sont les professions les plus pénibles physiquement (professionnels du bâtiment, agriculteurs, etc.) et celles qui sont en rapport avec le public (barmans, garçons de café, cuisiniers, artistes, etc.) qui ont le plus tendance à boire de l’alcool. Désaccords avec l’employeur, conflits entre collègues, fatigue, ennui (« mise au placard »)… le stress et le mal-être sont des facteurs qui favoriseraient la prise d’alcool. Trop souvent, les chefs hiérarchiques tolèrent au début le salarié en difficulté avec l’alcool. Ils nient l’existence du problème et, pour une « question d’image », en assument les coûts. Mais cette façon d’agir entretient et alimente les difficultés de la personne et retarde une prise en charge médicale. L’alcool est responsable de 20 % des accidents du travail. Les frais médicaux, la perte d’efficacité et l’absentéisme contribuent à une baisse de la productivité. Le salarié peut alors être sanctionné, voire licencié. Cela montre toute l’ambivalence de notre société à l’égard de l’alcool dans le travail : on interdit l’alcool, mais on autorise le vin, la bière et le cidre !
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Le milieu social ou professionnel est souvent un facteur favorisant et légitimant la consommation d’alcool. Toutefois, comme le précise Pierre Fouquet : « Que l’alcool soit, à l’occasion, bien agréable dans quantité de boissons, cela ne justifie pas que l’on en boive tant et en toutes circonstances. » Et il rajoute : « Dans notre type de société, il est normal de consommer des boissons alcoolisées dans la mesure où on peut les supporter ; il est pathologique d’être contraint d’en abuser. » Il est nécessaire de ne plus continuer à fermer les yeux sur ce problème. Il faut ouvrir le dialogue avec les salariés, proposer des groupes d’information et de prévention afin de modifier le regard collectif sur l’alcoolisme, former les médecins du travail, accompagner les personnes en demande d’aide et leur offrir un accès aux soins.
Le marketing de l’alcool Voici un exemple de ce qui peut être lu dans la presse. Un négociant en vins souffre de la concurrence des grandes surfaces (70 % des Français achètent leur alcool en grande distribution). Il constate une baisse des achats de boissons alcoolisées et souhaite donc s’adapter à cette baisse de la consommation. Aussi, pour attirer les moins de 35 ans, ce négociant a introduit dans ses rayons de la bière. Et sa dernière idée est le « bar à vins pour capter une clientèle jeune et active ».
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Dans les bars, le prix de certaines boissons alcoolisées est moins cher que celui des jus de fruits ou des sodas. Est-ce normal ? Il est bien difficile de donner une réponse définitive à cette question dans la mesure où, comme le précise une mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), « la tâche est ardue dans un pays où le poids du lobby des producteurs et la tradition culturelle sont si forts ». Le rapport de cette mission ajoutait : « Il faut que nous réfléchissions à des mesures qui baisseraient l’accessibilité à l’alcool pour les jeunes, en renforçant par exemple la lutte contre le sponsoring dans les soirées étudiantes. » La dernière campagne de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) stipulait : « Zéro alcool pendant la grossesse. » Ce message a pour but de prévenir le syndrome d’alcoolisation fœtal, première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. Et pour le directeur de l’Agence française d’information sur le vin (AFIVIN), les femmes « représentent un gisement que chacun espère capter […] d’autant que leur comportement a évolué et qu’elles commencent à entrer dans une relation plus décomplexée par rapport au vin ». (Les Échos, 22/09/2004.) Des viticulteurs de Bordeaux ont dénoncé « une photographie qui associe un verre de vin rouge, un sablier contenant un liquide couleur sang et un message : “Jour après jour votre corps enregistre chaque verre que vous buvez” ». Pour ces
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viticulteurs, cette campagne « tend à vouloir détruire un secteur économique qui depuis l’époque romaine a été fondateur de la civilisation occidentale ». (AFP, 23/11/2004.) L’Académie du vin de France se révolte face aux campagnes antialcooliques qui « diabolisent le vin de France en oubliant sa dimension culturelle ». Les viticulteurs, qui souffrent de la concurrence des vins du Nouveau Monde et de la baisse de la consommation, sont excédés par la campagne de prévention du ministère de la Santé « suggérant que le vin pouvait entraîner le cancer ». (AFP, 9/12/2004). De leur côté, de nombreux professionnels de santé déplorent que les députés aient « privilégié les intérêts économiques de la filière vitinicole au détriment des impératifs sanitaires ». (Le Monde, 15/10/2004.) L’État a sévèrement légiféré sur la cigarette. La même logique devrait donc s’appliquer à ce qui nuit à la santé publique…
Les pathologies L’alcool présente une toxicité pour l’organisme. Il est responsable de nombreuses pathologies (alcoolopathies) et intervient comme facteur aggravant dans d’autres. Nous allons citer les principales d’entre elles, la liste n’étant pas exhaustive.
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Les pathologies digestives. L’œsophage La fréquence du cancer de l’œsophage augmente avec l’ancienneté de l’usage excessif d’alcool et l’association avec le tabac.
L’estomac L’alcool est un facteur prédisposant ou aggravant dans la survenue de gastrite*, d’ulcère et de reflux gastroœsophagien*. Il n’est pas impliqué dans la survenue du cancer de l’estomac.
L’intestin grêle et le côlon L’alcool modifie la vitesse du transit intestinal (diarrhée), les sécrétions et l’absorption digestive. Par exemple, la vitamine B1 est moins bien absorbée dans les alcoolisations pathologiques chroniques.
Le foie Dans l’ordre de gravité croissante, voici les lésions du foie que l’alcool peut engendrer : - la stéatose* ; - l’hépatite alcoolique* ; - la cirrhose*.
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En cas de cirrhose, le risque d’apparition d’un cancer du foie est augmenté, ce qui implique un suivi médical régulier. Il existe des variations individuelles, certains usagers étant plus vulnérables que d’autres.
Le pancréas Les lésions du pancréas sont moins fréquentes que celles du foie, mais elles sont plus douloureuses. L’une des fonctions du pancréas est de sécréter une hormone : l’insuline, dont le rôle est de contrôler le taux de sucre dans le sang. L’atteinte du pancréas par l’alcool peut, par voie de conséquence, entraîner une maladie, le diabète.
Les pathologies neurologiques Les pathologies centrales L’alcool a une toxicité directe : • sur le cerveau : perturbation des fonctions supérieures, cognitives (raisonnement, concentration), pouvant aller jusqu’à la démence ; • sur le cervelet : troubles de l’équilibre persistants même si la personne est à jeun. Ces troubles se corrigeront par l’arrêt prolongé de l’alcool et un apport en vitamine B1. L’alimentation souvent déséquilibrée et insuffisante ainsi que la malabsorption intestinale décrite plus haut
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peuvent être la source de pathologies neurologiques par carence (en particulier, carence en vitamine B1) : • l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke : confusion,
troubles de l’équilibre et troubles oculaires ; • le syndrome de Korsakoff : désorientation dans le temps et dans l’espace, fabulations et amnésie (perte de la mémoire) principalement des faits récents entraînant un handicap majeur.
Les pathologies périphériques • Polynévrites : atteintes des nerfs des membres inférieurs. • Névrite optique : atteinte des nerfs optiques, pouvant aller jusqu’à la cécité. • Accidents vasculaires cérébraux (AVC) dont la fréquence est significativement augmentée chez les usagers pathologiques d’alcool.
Les pathologies cardiovasculaires L’hypertension artérielle (HTA) : une consommation excessive d’alcool est un facteur causal ou aggravant d’une HTA. Une atteinte myocardique (atteinte du muscle cardiaque) : l’alcool a une toxicité directe sur le cœur, pouvant entraîner une myocardiopathie*.
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Lors d’ivresses, l’alcool peut provoquer des troubles du rythme cardiaque.
Les pathologies ostéoarticulaires L’alcool est un facteur prédisposant dans la survenue d’une ostéoporose* et d’une ostéonécrose* de la tête fémorale. L’ostéoporose et le risque de chute majoré par les ébriétés augmentent le pourcentage de fractures dans la population alcoolodépendante.
Les pathologies oto-rhino-laryngologiques (ORL) L’alcool et le tabac sont les principaux facteurs de risque dans la survenue d’un cancer ORL. Celui-ci reste longtemps indolore. Le diagnostic est donc souvent fait à un stade avancé nécessitant généralement une intervention chirurgicale mutilante. De ce fait, toute personne fumeuse et a fortiori consommant de l’alcool devrait consulter un médecin ORL.
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Les pathologies gynéco-obstétriques Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) C’est la première cause de retard mental non génétique en Europe. (Voir aussi chapitre « La grossesse ».) Il existe des formes complètes associant un retard de croissance avant la naissance qui se poursuit après celleci, un faciès caractéristique, un retard du développement intellectuel et psychomoteur, des anomalies neurologiques, et dans 30 % des cas s’associent des malformations cardiaques, rénales et musculo-squelettiques. Dans les formes incomplètes ou modérées on décrit des troubles de l’apprentissage et des troubles du comportement. Les effets de l’exposition du fœtus à l’alcool sont d’une grande variabilité. Ils dépendent de la quantité d’alcool consommée, du moment de l’exposition au cours de la grossesse, de la durée de l’exposition, de la capacité du foie de la mère à transformer l’alcool et de la vulnérabilité génétique du fœtus. En conséquence, toute femme enceinte ou ayant décidé d’un projet de conception ne doit plus consommer d’alcool, jusqu’à la fin de la période de l’allaitement. Si l’arrêt paraît difficile ou impossible, il est très souhaitable de se faire accompagner par un alcoologue.
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Le cancer du sein L’alcool augmente le risque de cancer du sein chez la femme. Ce risque est d’autant plus élevé que la quantité d’alcool consommée est importante.
L’alcool et la sexualité Chez l’homme, lorsque la consommation d’alcool devient plus importante et régulière, elle peut s’accompagner de troubles de l’érection et de l’éjaculation sans trouble de la libido. Dans un second temps peuvent survenir une baisse de la libido et une atrophie testiculaire. Chez la femme, une alcoolisation nocive s’accompagne fréquemment de troubles de la menstruation. Enfin, chez l’homme comme chez la femme, l’alcool peut diminuer la fertilité.
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Exemple d’un « bilan biologique » Perturbations possibles lors d’une alcoolisation nocive • Numération formule sanguine (NFS). La taille des globules rouges peut être augmentée : le VGM (volume globulaire moyen). Il peut exister une anémie (baisse du taux d’hémoglobine*) et une baisse des plaquettes. • Le bilan hépatique peut être perturbé. La GGT (gamma GT) et les transaminases (ASAT et ALAT) peuvent être augmentées. Le taux de prothrombine (TP) peut être, quant à lui, abaissé. • Perturbation du bilan lipidique. On peut observer une modification possible du taux de cholestérol ainsi qu’une augmentation possible du taux des triglycérides*. Il y a une augmentation possible de l’acide urique (produit lié à la dégradation des protéines essentiellement alimentaires) et de la glycémie (taux de sucre dans le sang). Il est important de retenir qu’aucun examen biologique ne peut affirmer à lui seul un problème d’alcool, y compris l’augmentation de gamma GT, et que la normalité des résultats ne peut en aucun cas affirmer l’absence d’une alcoolisation pathologique. Par exemple, on peut avoir un taux de gamma GT élevé sans problème d’alcool, mais on peut également avoir un grave problème d’alcool avec un taux normal de gamma GT. En conclusion, c’est l’entretien clinique, avec un personnel de santé compétent en alcoologie, qui permet le meilleur repérage d’un problème d’alcool.
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Quelques références bibliographiques ANDRÉ C, LELORD F (2002) L’Estime de soi. S’aimer pour mieux vivre avec les autres. Odile Jacob, Paris ANDRÉ C, LEGERON P (2004) La Peur des autres. Trac, timidité et phobie sociale. Odile Jacob, Paris GAIGNARD JY, KIRITZE-TOPOR P (1992) L’Alcoologie en pratique quotidienne. Lipha Santé LEJOYEUX M. Revue bibliographique en alcoologie (2005), n° 4. Merck Lipha Santé GORWOOD P, LANFUMEY L, HAMON M (2004) Polymorphismes géniques de marqueurs sérotoninergiques et alcoolodépendance. M/S Médecine Sciences. 20, (12) : 1132-8
Un fait de société
L’alcool et les femmes Tant au niveau professionnel que personnel, le statut des femmes dans notre société a évolué. Ces dernières se trouvent plus facilement exposées aux risques du chômage et de la précarité de l’emploi. Aussi, les femmes comme les hommes lèvent leur verre pour trinquer à la nouvelle année, à une réussite professionnelle ou à un anniversaire. L’alcool possède ainsi une valeur symbolique dont les femmes ne sont pas exclues. Il est aisé de voir et d’entendre l’alcoolisme masculin. Certains s’alcoolisent dans les bars ou dans la rue. Et les femmes, où sont-elles ? Cette interrogation révèle la relation relativement complexe des femmes à l’alcool. Chez la femme plus encore que chez l’homme, l’alcool est un sujet tabou et peu d’entre elles osent en parler.
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Les spécificités de l’alcoolisme féminin Facteurs de risques • • • • • • •
le chômage ; la précarité de l’emploi ; l’isolement ; la présence d’un conjoint dépendant à l’alcool ; la présence pendant l’enfance de carences affectives ; l’abus sexuel ; les troubles dépressifs et/ou anxieux.
Des études ont montré que la dépendance à l’alcool pouvait se développer plus rapidement chez la femme que chez l’homme. Les femmes passent en effet plus rapidement d’une consommation nocive à une dépendance psychique et physique. Les raisons de cette évolution sont multiples. Une des hypothèses est que les femmes sont plus vulnérables que les hommes aux effets toxiques de l’alcool.
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On constate que pour une même quantité d’alcool, à âge et à poids égal, l’alcoolémie est supérieure chez la femme. Même si l’on ne connaît pas encore toutes les raisons, plusieurs explications sont avancées. Chez la femme, l’enzyme responsable de la dégradation de l’alcool n’est pas aussi active que chez l’homme. L’alcool est donc éliminé moins rapidement. L’alcool se répand plus facilement dans les muscles que dans la graisse. Celle-ci étant plus importante chez la femme, la concentration d’alcool sera plus grande dans l’organisme. On pense également que la quantité d’eau présente dans l’organisme peut influencer l’alcoolémie. La quantité d’eau étant inférieure chez la femme, la concentration d’alcool dans les tissus et dans le sang est donc accélérée. Enfin, les changements d’hormones durant le cycle menstruel, la ménopause et la prise de contraceptifs peuvent influencer le métabolisme de l’alcool.
« Dis moi comment tu bois, je te dirai qui tu es » Les alcoolisations des femmes sont le plus souvent vécues dans la honte et la culpabilité. À l’exception de certaines alcoolisations festives et conviviales, les femmes boivent seules, chez elles, à l’abri des regards. Une femme me confiait que, même seule chez elle, elle ressentait le besoin de boire en cachette.
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Les femmes utilisent habituellement l’alcool comme un psychotrope, recherchant des états de somnolence ou de perte de conscience. Certaines mélangent l’alcool à des médicaments (par exemple, les benzodiazépines*). L’effet attendu est le même : sommeil, oubli. Rapidement, l’alcool va aggraver la situation conjugale, familiale et professionnelle. Il peut entraîner des séparations avec les enfants, le divorce, des licenciements. Les sentiments de dévalorisation, d’échec, d’abandon ou de découragement ne seront alors apaisés que par le retour de l’alcool.
Alcoolisme féminin et dépression Les alcoolisations chez les femmes sont souvent déclenchées par des états dépressifs. La fréquence des dépressions chez les femmes alcooliques est trois fois plus élevée qu’elle ne l’est chez les femmes non alcooliques. Une étude menée au Canada s’est intéressée au lien entre alcoolisme et dépression. Elle a comparé des sujets ne présentant ni anxiété, dépression et alcoolisme à des femmes anxieuses, déprimées ou alcooliques. Les résultats de cette recherche indiquent que les femmes sans trouble étaient moins souvent alcooliques que les femmes anxieuses ou déprimées. Le risque d’être dépendante à l’alcool pour une femme déprimée est multiplié par 4,3 et pour une femme anxieuse, il est multiplié par 3,3. Le risque de devenir
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dépendante est multiplié par 7,6 chez celles présentant un trouble anxieux et dépressif.
Les conséquences sexuelles et familiales Chez la femme, des difficultés d’ordre sexuel peuvent favoriser la consommation d’alcool. De nombreuses femmes dépendantes à l’alcool présentent des troubles de la sexualité. Lorsqu’il est consommé à faible dose, l’alcool vient lever certains interdits et notamment ceux liés à la sexualité. Il permet de parler de soi, d’aller au contact et de s’abandonner plus facilement à l’autre. Une consommation excessive d’alcool perturbe la qualité de la vie, tant au niveau professionnel que familial. L’abus d’alcool est souvent la cause de séparation et de divorce, mais également de conduite de maltraitance.
La violence conjugale Dans les services d’urgences, on a pu constater que le nombre de femmes victimes de maltraitance est quatre fois plus important chez les couples où l’homme boit. Une recherche nord-américaine a étudié la maltraitance physique et sexuelle auprès de 600 personnes venues consulter dans les services d’urgences. Sur ces
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600 patients, 344 avaient subi des violences conjugales. Il ressort de cette étude que les femmes ayant subi ces violences étaient plus souvent dépendantes à l’alcool que les hommes et qu’elles consommaient davantage de drogues illicites. Cette étude indique également que le conjoint était très souvent alcoolisé. Le fait de vivre avec un homme dépendant à l’alcool apparaît comme un facteur de risque de violence conjugale. Toutes ces études confirment le poids de l’alcool et ses conséquences au sein de la famille. Cette violence constitue un drame humain dont on ne parle pas encore assez. Au risque de se répéter, il faut savoir que, quelles que soient les circonstances dans lesquelles l’acte de violence se produit ou quelles que soient les raisons données par l’auteur des actes, la solution est la même pour tous et pour toutes : parler, le dire et donc se faire aider pour agir.
La grossesse L’alcool expose à des enfants prématurés et à des risques de fausses couches. La principale complication liée à une consommation excessive d’alcool pendant une grossesse est le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Il pourrait représenter aujourd’hui la première cause de retard mental évitable dans les pays occidentaux.
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Chaque année, en France, naissent de 700 à 2 000 enfants victimes du SAF. Quand la mère boit, le fœtus boit. Comme l’alcool traverse le placenta, les taux d’alcool chez le fœtus et chez la mère sont habituellement équivalents. Mais, à la différence de la mère, le fœtus ne possède pas encore les enzymes qui lui permettent de dégrader l’alcool. Il est donc confronté de manière prolongée à l’alcool et il lui faudra deux fois plus de temps que sa mère pour l’éliminer. En période d’allaitement, l’alcool est également dangereux. Il passe dans le lait maternel et est ensuite absorbé par le nouveau-né. Les dangers de l’alcool sur le fœtus sont confirmés. Les femmes enceintes qui consomment de l’alcool de manière excessive ont un taux de mortalité infantile multiplié par deux. Principaux facteurs de risque • • • • •
une consommation importante d’alcool ; un bas niveau socio-économique ; une malnutrition ; un tabagisme ; un âge élevé de la mère.
D’autres situations plus classiques peuvent augmenter les risques de développer un syndrome d’alcoolisation
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fœtale. Par exemple, boire le week-end sans obligatoirement être ivre. Même en petite quantité, la consommation d’alcool n’est jamais sans danger pendant la grossesse. Il est donc fortement recommandé aux femmes de ne pas consommer d’alcool durant toute la durée de la grossesse. Les risques varient également en fonction des périodes au cours desquelles ont lieu les alcoolisations. Les alcoolisations pendant les trois premiers mois de la grossesse peuvent s’accompagner de malformations des organes, des muscles et du squelette du fœtus. Les alcoolisations pendant les deuxième et troisième trimestres vont, quant à elles, développer plus tard chez les enfants et les adolescents des troubles de la croissance (la vitesse de croissance est diminuée, le poids restant insuffisant par rapport à la taille), des troubles intellectuels (trouble de l’attention, difficultés à pouvoir se fixer sur une activité, troubles du langage) et des troubles du comportement (perturbation au niveau de la scolarité, troubles du comportement sexuel, etc.). Les malformations physiques du SAF sont multiples. On trouve des malformations au niveau des oreilles, des paupières, du nez, de la bouche et du menton. Les axes de fixation des yeux ne sont pas parallèles (strabisme). D’autres malformations sont observées : déformation de la colonne vertébrale (scoliose), réduction de la mobilité des articulations et des modifications de la peau.
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Et si on allait plus loin ? L’alcool perturbe la sexualité et la vie conjugale, augmente le risque de dépression et de malformations du fœtus. Certaines femmes continuent à boire, seules chez elles, mettant en danger leur santé et celle de leur fœtus. Et si certaines ont conscience d’avoir un problème avec l’alcool, la plupart ressentent encore des difficultés à ouvrir le dialogue avec leur médecin et avec leur conjoint. Quelles représentations avons-nous d’une femme qui s’alcoolise ? Une mauvaise mère ? Une irresponsable ? Une femme me confiait : « Je ne suis pas alcoolique, je suis malheureuse. » Pour cette femme, il était difficile d’accepter l’idée d’être dépendante à l’alcool. Elle acceptait en revanche l’idée d’être malheureuse, car il n’existe pas de représentation négative du malheur. Au contraire, on écoute celui qui souffre, on le comprend et on le plaint. Nous pouvons lire aujourd’hui le message de sensibilisation portant le slogan : « Alcool zéro pendant la grossesse. » Interrogeons-nous sur les conséquences de cette phrase auprès de femmes dépendantes à l’alcool. Comment une femme face à un problème d’alcool peutelle intégrer et accepter ce message ? Nous savons qu’arrêter l’alcool peut être un réel sacrifice et qu’accepter l’idée d’être en danger avec ce produit est loin d’être évident. Dès lors, l’injonction « Alcool zéro pendant la grossesse » ne nierait-elle pas l’existence de l’alcoolisme
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féminin ? Cette injonction semblerait tenir pour acquis qu’une femme dépendante à l’alcool puisse arrêter son alcoolisation quand elle le souhaite. « Alcool zéro pendant la grossesse » est une information capitale, mais qui enferme peut-être une femme dépendante à l’alcool dans une voie sans issue. Il convient donc de changer le regard que l’on peut porter sur une femme « qui boit ».
L’alcool et les jeunes L’alcool précoce Voici un fait qui est édifiant : Pour redynamiser la consommation d’une boisson sous forme de cocktail dans les boîtes de nuit, une entreprise a lancé une bouteille, au design soigné et fluorescent, remplie aux 4/5e afin de pouvoir y ajouter une autre boisson. Après l’Italie et la Belgique, cette nouvelle bouteille doit être vendue dans environ 400 discothèques françaises. L’objectif clairement affiché est d’« augmenter de 10 % les ventes dans le monde de la nuit ». Le directeur de la communication assure : « Notre but n’est pas de favoriser la consommation d’alcool, le consommateur peut aussi rajouter du sirop de fraise » (sic).
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Il est évident que presque tous les jeunes feront, d’une façon ou d’une autre, l’expérience de l’alcool. Une recherche menée au Canada s’est attachée à demander à environ 6 000 personnes l’âge à partir duquel elles avaient bu pour la première fois un verre de bière, de vin ou d’alcool fort. Parmi ces personnes, environ 8 % étaient dépendantes à l’alcool depuis, en moyenne, l’âge de 20 ans. Les résultats indiquent que les individus qui avaient commencé à boire de l’alcool entre 11 et 14 ans étaient les plus à risque d’alcoolisme. Seize pour cent de ceux qui avaient commencé à boire à 11 ou 12 ans sont dépendants à l’alcool dix ans plus tard. L’alcoolisation précoce doit être recherchée et prévenue. Retarder le premier verre jusqu’à 15 ou 16 ans pourrait éviter chez certains plus tard une conduite de dépendance. L’adolescence confirme un certain nombre de caractéristiques : faible consommation de vin (la bière est le produit préféré des garçons) et consommation plus forte chez les garçons que chez les filles (ces dernières consommant davantage d’alcool fort). Le phénomène de la précocité est général : aux États-Unis, 84 % des lycéens âgés de 16 ans boivent de l’alcool. Quinze pour cent ont bu cinq verres ou plus dans les deux semaines précédant l’enquête. Ce pourcentage passe à 31 % chez les étudiants âgés de plus de 18 ans.
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Récemment, à l’occasion de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) avec le soutien de la direction du Service national a interrogé, entre mars et juin 2005, des jeunes Français sur leur consommation de substances psychoactives. Les premiers résultats de cette Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense (ESCAPAD) menée auprès de 30 000 garçons et filles âgés de 17 ans indiquent que les jeunes boivent moins d’alcool et fument moins de cigarettes. La consommation de cannabis est restée, quant à elle, stable. Les résultats attestant de cette diminution sont les suivants : 18 % des garçons boivent de l’alcool (contre 21 % en 2003), et 6 % des filles (contre 7 % en 2003). En revanche, les ivresses régulières sont plus fréquentes chez les garçons. Dix pour cent d’entre eux sont dans ce cas, contre 7 % en 2003. Enquête journée d’appel à la défense année 2005 (Informations complémentaires) Près de la moitié des jeunes disent avoir bu plus de cinq verres en au moins une occasion au cours des trente derniers jours. 2,2 % déclarent avoir bu plus de cinq verres à dix occasions au cours du dernier mois. Ce comportement d’alcoolisation est plutôt masculin : 55,7 % des garçons contre 35,5 % des filles ont bu au moins une fois plus de cinq verres.
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« La cuite du samedi soir » Les alcoolisations massives du week-end sont aujourd’hui des expériences très fréquentes chez les adolescents. Il y a de plus en plus de jeunes qui ont des ivresses régulières : un jeune sur dix est ivre plus de dix fois dans l’année. L’ivresse est une expérience courante puisque plus de 50 % des jeunes de 17 ans ont déjà été ivres au moins une fois dans leur vie. Les boissons alcoolisées préférées des jeunes sont les bières, les « premix » et les alcools forts.
Les « premix » sont des boissons mélangeant des sodas ou des jus de fruits avec des alcools forts (vodka, gin). Ces boissons sont faciles à consommer, car le goût en alcool est masqué par des ajouts de sucre et d’arômes. La stratégie marketing est bien évidemment centrée sur les jeunes plus habitués aux sodas et aux jus de fruits qu’aux alcools forts.
Ce qui caractérise aujourd’hui le rapport des jeunes à l’alcool est le mode de consommation extrême (on parle de « binge drinking » ou beuverie). Cette prise d’alcool paroxystique est le plus souvent programmée en fin de semaine (de préférence le samedi soir) et marquée par le désir de faire la fête. Le but clairement affiché est d’atteindre l’euphorie, l’ivresse et pour certains la « défonce ».
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Ce type d’ivresse se rencontre souvent au cours des fêtes étudiantes, où la prise d’alcool peut être favorisée par la générosité des sponsors. Souvent, les adolescents ont tendance à surévaluer la consommation d’alcool qu’ils pensent être celle de leurs amis lors des fêtes et par conséquent, par imitation, ils boivent plus qu’ils ne l’auraient fait spontanément. Le danger physique peut être immédiat, allant de l’ivresse aiguë au coma éthylique*, en passant par la conduite en état d’ivresse. Au-delà de ces risques, on observe également des troubles du comportement : violence en groupe, consommation de plusieurs substances (cannabis, cocaïne, etc.) et comportements à risques (rapports sexuels non protégés). Le risque tient aussi à la répétition des ivresses et à leur caractère considéré par les pratiquants comme obligatoire : « À quoi bon sortir si l’on ne peut pas boire ! » ou encore « Je ne m’amuse que si je suis ivre ».
Chez les adolescentes Les adolescentes consomment des quantités d’alcool de plus en plus importantes. À l’âge de 15 ans, trois filles sur quatre consomment de l’alcool au cours de soirées. Le type de boisson consommée ne ressemble pas à celui des adultes. Il s’agit d’un mélange d’alcools forts avec du sirop ou de la bière (les « premix »). Pour rappel, la quantité d’alcool pur est toujours la même, quel que soit le mélange.
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L’adolescence est une période complexe et souvent mouvementée. Certaines jeunes filles peuvent être plus fragiles que d’autres et peuvent ressentir des difficultés à parler d’elles, de leur sexualité et de leur relation avec leur entourage. Lorsque l’on a du mal à dire ce que l’on ressent, l’alcool peut apparaître comme la moins mauvaise des solutions.
Des risques graves Une consommation régulière d’alcool s’accompagne souvent d’une consommation de tabac et de cannabis. En France, durant l’année 2000, environ 20 % des 1844 ans déclarent avoir consommé en même temps deux substances entraînant des modifications au niveau du cerveau. Dans 90 % des cas, il s’agissait du mélange alcoolcannabis. Plus récemment (chiffres de 2004) : • 35 % des jeunes de 17 ans affirment avoir consommé simultanément au cours de leur vie du cannabis et de l’alcool ; • 10 % de l’alcool et des médicaments.
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Alcool et suicide La tentative de suicide chez l’adolescent indique un malaise, un cri de souffrance, mais également un appel à l’aide. Au niveau de la famille, les facteurs de risque sont la séparation des parents, le décès et/ou une pathologie d’un des parents. Chez l’adolescent, les signes sont les comportements violents, l’échec scolaire et la consommation plus régulière et excessive d’alcool, de tabac et de drogues. L’association d’alcool et les tentatives de suicide ne sont pas rares chez les jeunes et semblent en augmentation. Certains auteurs parlent d’« équivalents suicidaires » à propos des ivresses aigües. Il a été montré que les adolescents âgés de 16 à 19 ans ayant une consommation nocive d’alcool avaient deux fois plus de risques de présenter des idées suicidaires.
Et si on allait plus loin ? Ce sont surtout les habitudes de consommation qui se sont modifiées, se traduisant notamment par un abaissement de l’âge de la première ivresse et par la recherche de « défonce » au cours du week-end. Même si l’on peut concevoir que les vertus de l’alcool, notamment anxiolytiques et désinhibitrices, font qu’on
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lui confère un rôle majeur dans la réussite d’une fête, comment comprendre que certains adolescents et jeunes majeurs recherchent exclusivement l’ivresse ? Quelle est la signification de ce comportement ? De la colère ? Un mal-être ? Sous prétexte qu’ils sont jeunes et qu’ils découvrent la vie, certains parents sembleraient légitimer les alcoolisations massives de leurs enfants. On peut entendre : « C’est de leur âge ! » ou bien « Il faut bien qu’ils s’amusent » ou encore « C’est la crise d’adolescence »… Sans nier le bien-fondé de ces expressions, il faut être vigilant. La société dédramatise l’alcoolisation des jeunes, sous prétexte « que cela passera ». Il est indispensable d’objectiver la consommation : l’OMS insiste sur la nécessité de ne pas dépasser quatre verres d’alcool lors de consommations exceptionnelles. C’est en effet au cours de soirées, anniversaires ou autres événements que leur consommation est excessive. Il est rare que la règle des quatre verres soit respectée…
L’alcool et les personnes âgées La dépendance à l’alcool chez les personnes âgées est souvent méconnue par les proches et par le personnel soignant. Il est donc essentiel d’informer dans la mesure où l’alcoolisme chez ces personnes pourrait rapidement devenir, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie, un réel problème de santé publique.
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Des conséquences plus douloureuses À partir de la cinquantaine, la quantité d’eau présente dans le corps humain diminue. L’alcool est donc dilué dans moins de liquide, l’alcoolémie est alors plus élevée et les effets plus importants. Le risque de voir apparaître des accidents et des chutes augmente d’autant.
Principaux problèmes liés à la consommation excessive d’alcool chez les personnes âgées • une altération du système immunitaire, avec une diminution des capacités à réagir contre les infections et les cancers ; • une augmentation de cancers ; • de l’hypertension et des troubles du rythme cardiaque ; • des accidents vasculaires cérébraux ; • la cirrhose et autres maladies du foie ; • une malnutrition.
Une longue pratique Environ deux tiers des personnes âgées qui souffrent d’un problème d’alcool avaient ce problème bien avant 65 ans. Un tiers de ces personnes développent un problème d’alcool une fois à la retraite et/ou la plupart du temps à la suite d’événements difficiles (perte du conjoint,
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maladie, isolement, etc.). Le glissement d’une consommation « normale » d’alcool à l’abus, puis à la dépendance se fait progressivement. Même si la consommation d’alcool tend à diminuer avec l’âge, en raison de la baisse du seuil de tolérance, ce sont les personnes âgées qui ont le pourcentage le plus élevé de consommations quotidiennes d’alcool.
Une dépendance forte Les personnes âgées ne boivent pas sensiblement davantage que le reste de la population. Mais la dépendance à l’alcool chez les sujets âgés est plus forte que pour les autres tranches de la population.
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Étude menée en 2005 dans les services d’urgences de Clermont-Ferrand Les auteurs se sont appuyés sur l’ensemble des dossiers des patients de plus de 60 ans examinés aux urgences. Sur une période de trois mois, 2 405 patients de plus de 60 ans ont été examinés. 5,3 % de ces personnes présentaient un problème d’alcool. Parmi elles, 45 % étaient dépendantes à l’alcool. Dans 67 % des cas, les conduites d’alcoolisation étaient déterminées par des difficultés sociales. Les circonstances d’hospitalisation sont le plus souvent des chutes ou des états confusionnels (gestes maladroits, désorganisation dans l’espace et dans le temps, etc.). Les résultats de cette étude et d’autres recherches sur le même thème incitent à évaluer de manière systématique la consommation d’alcool chez les sujets âgés suivis en urgence. Cela dans le but de mieux prévenir pour mieux soigner.
Un diagnostic difficile Les signes avant-coureurs sont une perte de la coordination et des chutes. La personne âgée prend moins soin d’elle et de l’environnement dans lequel elle se trouve (elle ne se lave plus, mange moins, accumule les détritus, etc.) et ne s’occupe plus de ses problèmes de santé. Elle peut présenter des troubles du sommeil, une irritabilité, une douleur morale et une perte d’intérêt. Progressivement, elle s’éloigne et s’isole de ses proches et de sa famille.
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Il est difficile de diagnostiquer l’alcoolisme chez la personne âgée. Les raisons sont multiples : le déni du patient ou de l’entourage, les troubles de la mémoire qui rendent difficile l’évaluation de la quantité d’alcool consommée et le fait d’attribuer uniquement à la vieillesse du patient des signes d’anxiété et de dépression. Souffrir d’une dépendance à l’alcool diminue la qualité de vie à tout âge. Il est donc tout à fait nécessaire d’informer les personnes âgées des risques liés à une consommation excessive d’alcool. Quelques références bibliographiques CRAPLET M (2000) Passion alcool. Odile Jacob, Paris MAISONDIEU J (2004) Les Femmes, les hommes, l’alcool. Une histoire d’amour. Payot, Paris ADES J, LEJOYEUX M (2003) Alcoolisme et psychiatrie. Données actuelles et perspectives. Masson, Paris
Comment aider ?
Peut-on prévenir la dépendance à l’alcool ? Éléments actuels de connaissances Un trait de personnalité actuellement étudié est la « recherche de sensations fortes et de nouveauté ». Il s’agit d’un trait susceptible de pouvoir favoriser les premiers contacts avec des substances comme l’alcool et de faciliter la recherche de danger et d’aventure, d’expériences nouvelles (illégales ou non), de désinhibition (fêtes, rapports sexuels, etc.) et une intolérance à l’ennui (redouter la monotonie et la routine). Des travaux sur ce sujet « ont permis de conclure à la fréquence particulièrement importante de cette constellation de traits chez les individus alcoolodépendants les plus impulsifs, ainsi que chez les patients présentant d’autres conduites de dépendance ».
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Des études menées auprès de lycéens indiquent que la quantité d’alcool consommée par les garçons est corrélée aux facteurs « recherche de danger et d’aventure » et « désinhibition » et, chez les filles, au facteur « désinhibition ».
Une approche psychanalytique de l’alcoolisme Les descriptions d’une personnalité « pré-alcoolique » proviennent principalement de travaux psychanalytiques. Sigmund Freud, fondateur de la psychanalyse, a élaboré plusieurs stades de développement de la sexualité. Le premier est le stade oral et se situe de la naissance à 12 mois. À ce stade, tous les plaisirs du nourrisson sont apportés essentiellement par la bouche et la succion. Pour Freud, le sein ou le biberon procure une excitation au niveau de la bouche et des lèvres, source de plaisir. Freud a souligné l’importance, dans l’origine de l’alcoolisme, des fixations au stade oral. La dimension orale de l’alcoolisme implique qu’il s’agirait d’une conduite fortement régressive. Ce serait comme un retour à l’enfance. D’ailleurs, ne dit-on pas de celui qui boit trop qu’il « biberonne » ? Les personnes dépendantes à l’alcool adopteraient généralement une immaturité affective et relationnelle. Par conséquent, si l’alcool est aussi important ou vital chez une personne dépendante, au même titre que le lait
Comment aider ?
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pour le nourrisson, on peut comprendre qu’un arrêt total de l’alcool puisse être un facteur de déséquilibre psychologique. Le lien entre alcoolisme et personnalité narcissique a également été évoqué. Pour un certain nombre d’auteurs, l’alcool exercerait une fonction de « restauration narcissique ». L’alcool viendrait combler un manque d’amour et d’affection. Ces personnes, plus fragiles ou plus vulnérables psychiquement que d’autres, trouveraient dans l’alcool et dans l’ivresse un mode d’accès à une « toutepuissance narcissique ». Ces recherches, non exhaustives, ne peuvent bien entendu pas affirmer l’existence d’une personnalité « pré-alcoolique » qui serait retrouvée chez toutes les personnes dépendantes à l’alcool.
Une transmission héréditaire ? Depuis une trentaine d’années, des études se sont attachées à montrer que le fœtus est capable de répondre aux excitations ou aux stimulations venant de l’intérieur et également de l’extérieur du ventre de sa mère.
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Pier-Luigi Righetti, docteur en psychologie, pose la question suivante : « Si le fœtus est doué de compétences physiologiques, possède-t-il également des compétences psychologiques ? » Il avance que « les résultats néonatals [lorsque le bébé est né] sont très intéressants quand on utilise comme stimulation acoustique les battements cardiaques de la mère, enregistrés pendant des séances expérimentales prénatales ». Les résultats montrent que « l’écoute des battements cardiaques de la mère (en activité ou au repos) produit une variation des mouvements du nouveau-né ; la réponse du nouveau-né augmente ou diminue selon que celui-ci perçoit sa mère agitée ou détendue. Ces résultats nous montrent la relation entre la vie émotionnelle prénatale et néonatale : une relation émotionnelle mère-fœtus et mère-nouveau-né ». Cette recherche indique que « l’état émotionnel de la mère retentit sur le fœtus et que le nouveau-né reconnaît le battement cardiaque de sa mère quand, après la naissance, on lui fait écouter le signal enregistré (pendant la grossesse) en état d’activité ou de repos ». Ainsi, si l’état émotionnel de la mère est agréable, le fœtus en reçoit des bénéfices. Au contraire, si l’état émotionnel est anxiogène, le fœtus n’en tire aucun bénéfice. « Le stress maternel peut induire des effets négatifs sur le comportement moteur, composante principale du développement physiologique et psychologique du fœtus. Et un bébé continuellement “attaqué” par l’anxiété de sa mère pendant la grossesse peut devenir un sujet du type anxieux. »
Comment aider ?
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Pourquoi citer ce texte ? Imaginons une femme enceinte prenant la décision d’arrêter de boire pendant sa grossesse. Son mari, quant à lui, continue à s’alcooliser. Sa consommation est devenue régulière et, depuis quelque temps, il rentre ivre chez lui. Il parle de plus en plus fort, injurie sa femme et la menace physiquement. D’après le texte de Pier-Luigi Righetti, le fœtus ressent l’angoisse de sa mère, tel un marquage corporel. Un enfant ayant « subi » lors de sa gestation l’anxiété de sa mère pourrait devenir lui-même un sujet anxieux. Rappelons que le lien entre anxiété et alcoolisme est aujourd’hui une donnée confirmée. À partir de cette transmission d’anxiété, l’enfant pourrait-il courir le risque de développer, plus tard, une consommation nocive d’alcool ?
Aider le buveur Qui demande l’aide ? Généralement, la demande du consommateur d’alcool se situe « par rapport à la crise qu’il vit » : « Il faut que j’arrête de boire, sinon c’est le divorce assuré », ou encore « Si je n’arrête pas, mon employeur va me mettre à la porte ».
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À travers ses illustrations de plaintes, le patient ne parle pas de lui. Il formule certes une demande, mais une demande qui le déresponsabilise. Il est difficile d’accompagner des personnes dépendantes à l’alcool si celles-ci ne se sentent en aucun cas responsables des difficultés qui affectent leur existence. Tant que la personne croit que ses problèmes viennent d’une force extérieure, il n’existe presque aucun moyen d’action. Une prise de conscience est donc à la base de tout changement thérapeutique.
Les demandes d’aide se font le plus souvent au cours de rencontres. Toutefois, il ne faut pas négliger les situations de crise ou d’urgence : de sérieuses craintes quant à l’état de santé du consommateur, par suite d’une alcoolisation massive doit amener la personne (conjoint(e), amis, etc.) à composer le numéro du médecin traitant et le « 15 » (urgence médicale) si celui-ci est injoignable. En cas de violences physiques mettant en danger l’entourage, il faut composer le « 17 » (police). Il ne faut pas hésiter à joindre un service d’urgences lorsque la situation l’exige et cela encore plus lorsque la personne alcoolisée est un adolescent (voir chapitre « L’alcool et les jeunes : “la cuite du samedi soir” »). Dans ces situations extrêmes (mais de plus en plus fréquentes), une telle décision est certainement ce qu’il y a de mieux à faire.
Comment aider ?
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Quelle aide pour quel buveur ? Chaque personne entretenant de près ou de loin un rapport à l’alcool doit avoir la possibilité d’être informée, conseillée et aidée.
Chez les abstinents et l’usage simple La prévention est primaire. Il s’agit de les avertir du risque attaché à certaines situations, comme le fait de s’alcooliser lorsque l’on est enceinte, lorsque l’on conduit, etc.
L’usage nocif (ou abus) La prévention est secondaire. Il s’agit ici, d’une part, de repérer les personnes exposées au risque et, d’autre part, de tenter de prévenir l’aggravation des conséquences néfastes. Pour pouvoir aider les personnes présentant un usage nocif, encore faut-il pouvoir les repérer. En France, environ 20 % des personnes qui consultent en médecine de ville ont une consommation d’alcool qui dépasse les niveaux de risque définis par l’OMS. Les médecins généralistes ont donc une place clé dans ce repérage. Aujourd’hui, des interventions dites « brèves » ont été mises au point. Utilisées d’abord dans la prise en charge de fumeurs, ces interventions se sont ensuite intéressées aux consommateurs d’alcool. L’intervention brève
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comprend des éléments simples tels qu’évaluer avec le patient sa consommation d’alcool, lui donner des repères de consommation à faible risque, lui expliquer la notion d’unité d’alcool et lui donner des conseils pour réduire sa consommation. Il a été montré qu’une intervention comportant un conseil bref est plus efficace pour réduire un abus d’alcool que l’absence d’intervention. Le Dr Huas, médecin généraliste, ajoute que « lorsque l’on commence à observer quelque chose, cette chose, en général, se modifie. Il en va de même pour la consommation d’alcool, sans que le mécanisme psychologique soit vraiment connu. En posant simplement la question du nombre de verres consommés, on fait passer quelque chose à son patient et on provoque une prise de conscience ». L’alcool est impliqué dans 10 % des cas d’hypertension artérielle et dans une bonne part des cas de fatigue, d’insomnie et de ronflement ; d’autre part, c’est un phénomène largement socioculturel. Ces deux constatations doivent inciter à améliorer le dialogue entre le patient et son médecin concernant les problèmes liés à l’alcool.
Comment aider ?
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Un sondage réalisé par l’institut IPSOS pour l’assurance maladie a montré que plus de 50 % des Français placent les seuils de consommation dangereuse au-dessus de leurs valeurs réelles. Un autre sondage a été réalisé dans quatre villes d’Îlede-France. À la question : « À partir de quelle consommation régulière d’alcool un homme court-il un risque ? », il y a eu 55 % de bonnes réponses et 41 % de mauvaises. Lorsque l’on pose la même question pour une consommation féminine, le nombre d’erreurs est plus important : seulement 42 % des personnes interrogées donnent les bons seuils.
Les médecins peuvent aider leurs patients à s’interroger sur leur consommation d’alcool en leur faisant passer le questionnaire DETA et le questionnaire AUDIT, présentés en annexe (p. 115-118). Vous observerez que ces questionnaires sont simples, pratiques et aident à repérer ses difficultés avec l’alcool. Ils permettent de faire le point et de réfléchir à sa consommation d’alcool, mais ils ne remplacent en aucun cas un entretien avec son médecin traitant.
Les personnes dépendantes à l’alcool Si une personne s’aperçoit que toutes ses tentatives de boire moins ou de ne plus boire du tout se soldent par un échec, elle peut prendre la décision de faire un sevrage complet, c’est-à-dire d’arrêter totalement l’alcool.
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Cette expérience peut déstabiliser les relations sociales ou l’équilibre familial. Des femmes et des mères de patients me confiaient : « Depuis qu’il ne boit plus, c’est pire qu’avant » ou encore « Il était bien plus marrant lorsqu’il buvait ». Le sevrage (l’arrêt de l’alcool) n’implique pas obligatoirement une hospitalisation. Il peut être proposé en consultation par le médecin généraliste ou par des professionnels spécialisés en alcoologie ou en addictologie. Un sevrage brutal peut entraîner chez certaines personnes de graves complications médicales (par exemple un delirium tremens). Il ne faut donc pas prendre à la légère le choix du lieu du sevrage. Le sevrage est dit « ambulatoire » lorsqu’il ne se fait pas au cours d’une hospitalisation. Cela permet de ne pas quitter le cadre familial et de ne pas interrompre l’activité professionnelle lorsqu’il y en a une. Le sevrage en milieu hospitalier permet, quant à lui, une surveillance continue. Le patient étant soustrait à son environnement, cela garantit l’arrêt de l’alcool pendant le temps de son hospitalisation.
Comment aider ?
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Il existe des indications à une hospitalisation. Le plus souvent le patient présente : • des complications médicales graves : cirrhose, hépatite, pancréatite, etc. ; • une pathologie psychiatrique grave (syndrome dépressif, trouble anxieux massif, dépendance à d’autres produits psychoactifs, etc.) ; • une désocialisation et une précarité sociale massive ; • une dépendance physique sévère ; • des échecs des sevrages ambulatoires ; • une polydépendance.
« J’arrête l’alcool ! » « J’ai décidé d’arrêter l’alcool. » Stopper totalement l’alcool est nécessaire pour aller mieux, mais cela n’est pas suffisant. Il faut maintenant apprendre à vivre sans alcool. L’ancien buveur va (re)découvrir un monde et une réalité sans alcool. Un monde qui, au début, n’aura pas autant changé qu’il l’aurait souhaité. Les problèmes administratifs, les mauvaises nouvelles, les séparations et les deuils seront là, car ils font tout simplement partie de la vie. Il y aura des hauts et des bas et, au fond, c’est normal que tout ne soit pas parfait, normal qu’il y ait des difficultés. Il est difficile de tout faire soi-même. Un patient, aujourd’hui abstinent, disait : « On boit seul, mais on ne s’en sort pas seul. »
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Il convient donc de s’appuyer sur des structures d’aide. On peut citer quatre grandes catégories (aujourd’hui regroupées sous l’acronyme CSAPA projet 2007-2011) : • les réunions d’anciens buveurs : des bénévoles aident toutes les personnes qui les rejoignent à arrêter de boire et/ou à renforcer leur abstinence ; • les centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA) :
il s’agit de structures d’écoute, d’accueil et d’urgence pour des personnes en difficulté avec l’alcool. Les consultations sont gratuites. Les équipes sont pluridisciplinaires : secrétaire médicale, travailleurs sociaux, médecins alcoologues, psychiatres, psychologues, infirmiers ; • les hôpitaux publics : ils peuvent accueillir des patients pour des sevrages hospitaliers et des consultations ; • les centres de cures et de postcures : ils accueillent
dans un milieu protégé et pour une durée en général de trois semaines minimum à six mois maximum des personnes nécessitant une aide psychologique, médicale et sociale. L’indication de séjour dans de telles structures ne se pose pas en début de traitement, mais peut être une bonne suggestion lorsque la personne rechute de manière répétitive ou encore quand elle souhaite consolider son abstinence. Cette démarche n’a de sens que dans le cadre
Comment aider ?
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d’un projet construit, prévoyant une fois à l’extérieur un suivi médical et psychologique prolongé.
« (Re)boire comme tout le monde » Il existe chez d’anciens dépendants à l’alcool désormais rétablis le souhait de retrouver un jour une consommation modérée et contrôlée d’alcool. Des patients qui décident de rentrer en cure ou en postcure pour la deuxième ou la troisième fois (parfois plus) revendiquent encore l’idée qu’ils seront un jour capables de contrôler leur consommation d’alcool. Ils insistent sur les mois d’abstinence qui ont suivi leur cure ou leur postcure et précisent qu’ils s’arrêtent, en conséquence, comme ils veulent ! Des personnes qui ont eu la capacité de s’arrêter considèrent qu’elles peuvent sans gravité majeure rechuter puisqu’elles savent qu’elles auront la faculté de stopper leur consommation d’alcool. Pour elles, la rechute n’est pas grave. Elles s’appuient d’ailleurs sur leur séjour dans le lieu de soins et pensent que connaître les mesures à prendre en cas de réalcoolisation évite tout risque de rechute. D’où une poursuite de cette consommation et une alimentation du cercle vicieux. L’ancien buveur ne peut reprendre d’alcool sous quelque forme que ce soit : vin, apéritifs, bière sans alcool, cidre. L’expérience montre que la rechute, brutale
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L’alcool, moi et les autres
ou progressive, survenait chez tous ceux qui avaient cru qu’ils pouvaient un jour reboire « comme tout le monde ». Il faut savoir que pour la grande majorité des personnes dépendantes à l’alcool, la guérison passe par une abstinence totale.
À l’écoute des jeunes Annoncer brutalement à un adolescent qu’il ne pourra plus jamais boire est totalement irréaliste. Il est donc préférable d’établir des projets réalisables avec le jeune consommateur. Par exemple, lui proposer des tentatives d’abstinence de courte durée. Cet apprentissage repose tout d’abord sur un temps d’information concernant la quantité d’alcool pur des différentes boissons, les effets sur le corps, les modifications au niveau du comportement et les seuils de recommandation à ne pas dépasser. De nombreux parents se sentent perdus quand leurs enfants sortent de plus en plus tard et rentrent très alcoolisés. Quand ça ne va pas, se parle-t-on ? Est-il encouragé dans ses projets et dans ses réussites ? Comme le souligne le Dr Philippe Jeammet : « Si un jeune n’arrive pas à être grand dans les réussites, il voudra être grand dans l’échec et dans les prises de risques. »
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Et si on allait plus loin ? Il est difficile pour le conjoint et pour l’intéressé(e) de parler d’alcool. Les tabous, la peur d’être jugé(e) ou encore l’illusion de pouvoir contrôler sa consommation restent de « bonnes excuses » pour ne pas en parler. Parfois, le médecin tente d’aider le consommateur à prendre conscience de sa responsabilité dans la situation qui est la sienne. Mais, malgré l’existence de complications objectives (maladie du foie par exemple), la reconnaissance du problème est niée. En d’autres termes, ce n’est pas parce que l’on est malade que l’on se fait soigner. On se rend compte que, malgré l’évolution de la conceptualisation concernant la dépendance à l’alcool et le développement de lieux de soins, les représentations négatives concernant l’alcoolisme et plus encore « l’alcoolique » sont toujours un frein puissant à l’accès aux soins. Nous émettons l’hypothèse que le conseil minimal est aidant, dans la mesure où il sait multiplier les actions de prévention pour modifier le regard collectif et individuel sur la problématique alcool.
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L’alcool, moi et les autres
L’entourage La souffrance de l’entourage L’alcool a pu détruire des couples, des familles et des amitiés. Il a pu entraîner des séparations temporaires, des divorces et des licenciements. Mensonges, honte, culpabilité, conflits, doutes, espoirs, désespoirs, échecs, etc., voici une liste non exhaustive des sentiments et des réalités vécus tout au long de la maladie par l’entourage. La famille est le premier témoin du nouveau mode de vie de l’ancien buveur. Mais comment être et quoi dire pour ne pas involontairement le pousser à reprendre un verre d’alcool ?
Conseils à l’entourage Peut-être le lecteur se demande-t-il combien de temps l’abstinence de son conjoint va-t-elle durer. Quelques jours ? Quelques semaines ? Peut-être a-t-on envie de lui rappeler toutes les souffrances vécues et ce passé douloureux et ineffaçable. Les allusions aux fautes que l’ancien buveur a pu commettre ne l’aideront pas. Le rôle de l’entourage est autre. Par exemple, lorsque l’ancien buveur revient de son séjour à l’hôpital, il n’est pas nécessaire de cacher les bouteilles d’alcool, car cela peut
Comment aider ?
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être vexant pour lui. Si l’ancien consommateur est gêné par la présence des bouteilles, il pourra tout simplement le dire lui-même. Il peut être angoissant pour l’entourage de voir l’ancien consommateur sortir sans prévenir ou revenir plus tard que l’heure convenue. On pensera immédiatement : « Il a rebu » ou bien « C’est reparti, tous ces efforts, tous ces sacrifices pour rien ». Lorsqu’il rentrera, il est important de ne pas montrer trop d’inquiétude en raison de son retard. Il sera en revanche bon d’exprimer ses sentiments. Par exemple, lui dire : « Je suis heureux(se) que tu t’investisses autant dans toutes ces activités et je comprends que tu en aies besoin. Je voulais aussi te dire que ce changement est difficile actuellement à vivre pour moi. En tous les cas, je veux que tu saches que je suis très fier(e) de toi et je souhaite que tu réussisses. » Par manque d’information et souvent désemparé par une maladie qu’il ne connaît pas et qu’il ne comprend pas, l’entourage ne sait pas toujours où chercher de l’aide. C’est auprès de son médecin généraliste ou de structures de soins en alcoologie et addictologie que l’entourage peut confier sans crainte ses doutes et son mal-être.
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L’alcool, moi et les autres
Les traitements psychothérapeutiques Beaucoup d’auteurs soulignent l’intérêt d’une prise en charge psychothérapeutique. Le soutien psychologique peut avoir lieu pendant le suivi ambulatoire ou pendant l’hospitalisation. Les stratégies thérapeutiques principales sont présentées ci-dessous.
Les thérapies cognitives et comportementales D’une manière générale, on considère que les émotions, les comportements et les cognitions sont trois éléments en interaction permanente. Le comportement est ce que l’on fait (courir, manger, boire, etc.). La cognition renvoie à ce que l’on pense intérieurement, à ce que l’on dit ou à l’image mentale que l’on produit. Enfin, l’émotion est ce que l’on ressent physiologiquement et/ou psychologiquement (plaisir, déplaisir). COMPORTEMENT
ÉMOTION
COGNITION
Comment aider ?
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Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) considèrent qu’un trouble, par exemple le fait de consommer de manière excessive de l’alcool, est un comportement qui a été appris à un moment donné et qui subsiste en raison d’un certain nombre de paramètres. Les TCC utilisent des techniques visant à désapprendre le comportement inadapté par des comportements adaptés. Ces thérapies permettent par exemple de se préparer à affronter des situations à risque (apprendre à refuser un verre, gérer les envies de consommer, gérer les critiques liées à l’alcool, etc.). En analysant les composantes relationnelles, émotionnelles et rationnelles, l’ancien buveur va progressivement apprendre à gérer ces situations pour éviter le piège de la réalcoolisation.
Les groupes de parole Les groupes de parole peuvent être animés par des anciens buveurs ou par des thérapeutes professionnels. Les groupes généralement animés par des anciens buveurs (Alcooliques anonymes, Vie libre, Croix bleue, etc.) permettent à des personnes de partager librement, sans honte et sans crainte d’être jugées, leurs expériences avec l’alcool. Une femme, abstinente depuis de longues années, ressentait à nouveau le besoin d’assister à des réunions
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d’anciens buveurs. Elle me confiait qu’elle en avait besoin pour ne pas oublier son histoire avec l’alcool et ajouta avant de partir : « être vigilant n’empêche surtout pas d’être heureux ». Ces groupes permettent également de découvrir et de comprendre un peu plus le phénomène de dépendance. Le fait de se rendre compte que l’alcool s’immisce dans la vie de beaucoup de personnes et ce sans distinction de classe sociale, de sexe et d’âge, favorise le dialogue, l’écoute et la compréhension. La parole circule et le dialogue se fait sur un pied d’égalité. « On n’est pas seul », disait une personne. Les groupes de parole animés par des thérapeutes sont le plus souvent créés au sein de structures de soins en alcoologie et en addictologie.
Comment aider ?
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Illustration pratique : groupe d’« expression libre » Centre de postcure en région parisienne Les patients arrivent les uns après les autres dans la pièce. Ils s’assoient, discutent entre eux, rigolent. Puis, les regards se tournent vers l’équipe soignante. Plus un mot. Ils attendent que l’équipe prenne la parole. Nous accueillons dans un premier temps les nouveaux patients et nous les informons du fonctionnement et du déroulement de ce groupe. Rapidement, le silence prend place. Les patients ne souhaitent pas parler, ou plus exactement c’est à travers le silence qu’ils s’expriment. Sont-ils contrariés ? En colère quant au fonctionnement du centre ? Un patient prend la parole. Il parle de sa sortie définitive et confie d’une voix tremblante ses doutes et ses interrogations : « Que vais-je faire dehors ? », « J’ai deux semaines de congés maladie, comment vais-je les occuper ? » Silence… Un autre patient prend la parole : « Moi aussi, je suis comme toi. Quand je vais rentrer chez moi, je vais retrouver un appartement vide, sans femme, sans enfant. Qu’est-ce que je vais faire de mes journées ? » Les autres patients l’écoutent de façon attentive et empathique : « Je comprends ce que tu vis », disent-ils. Ils l’apaisent et lui rappellent qu’il n’est pas seul.
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L’alcool, moi et les autres
Lors d’un autre groupe, un patient confie sa crainte face au regard des autres. Il dit : « Quand on est alcoolique, c’est pour la vie ! […] On est comme catalogué […] on nous regardera toujours comme des ivrognes. » Les patients l’écoutent et semblent acquiescer. Un autre patient ajoute : « Tout le monde boit, c’est comme ça […] si l’on ne boit pas, on est comme mis à l’écart […] exclu du groupe […] c’est comme si l’on était hors cadre. » Un patient reprend : « C’est peut-être vrai mais sous alcool, on n’était pas dans la réalité […] on était dans notre univers et donc à l’écart […] on pensait se rapprocher des autres […] mais en fait on s’isolait. »
La psychanalyse Le symptôme, c’est-à-dire l’alcool, est mis à distance. Le psychothérapeute accompagne la personne avec ce qu’elle dit, uniquement ce qu’elle dit. Le thérapeute travaille également avec ce qu’il est en train de représenter pour le patient. C’est ce qu’on appelle le transfert*. Le thérapeute peut par exemple détecter quelle est la personne qui est représentée lorsque le patient dit une parole. Le thérapeute travaille avec lui-même, avec son histoire et sa construction identitaire. Le contre-transfert
Comment aider ?
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du thérapeute, on parle aussi de contre-attitudes (rejet, dégoût, fascination, etc. à l’égard du patient), fait partie intégrante du travail thérapeutique. Le patient parle ; le thérapeute écoute. À cela s’ajoute un autre élément : le cadre, qui n’appartient ni totalement au patient ni au thérapeute. La fonction tierce du cadre permet d’instaurer des règles (lieu, disposition des chaises ou du divan, paiement, etc.) au sein desquelles la parole prend place. Lorsque l’on parle de psychanalyse, on pense souvent à des thérapies longues. Il est difficile de fixer des critères à partir desquels il convient d’arrêter la thérapie. Peutêtre pourrait-on imaginer que ce jour arrive lorsque le thérapeute laisse entrevoir à son patient que celui-ci n’a plus besoin de lui…
Les thérapies conjugales et familiales L’alcool affecte l’usager mais aussi la famille. Les thérapies conjugales et familiales sont de bonnes indications, car elles s’intéressent aux interactions entre les personnes. Ces thérapies prennent en compte le système, c’est-à-dire la famille dans sa globalité (enfants, parents et parfois même grands-parents). L’objectif est de réintroduire un niveau de communication qui soit suffisamment sécurisé pour que l’une des personnes puisse s’adresser à l’autre.
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L’alcool, moi et les autres
La consommation d’alcool chez l’enfant et l’adolescent peut s’inscrire dans un contexte familial perturbé (violence au sein du couple par exemple). Les enfants et les adolescents sont souvent les premiers témoins des mouvements d’humeur de leurs parents. Maurice Corcos précise qu’« une des façons de contenir ou illusoirement de “réparer” ces troubles parentaux qui se manifestent parfois dans l’alcoolisme, c’est de verser euxmêmes dans l’alcoolisme, pour rester fidèle, pour ne pas trahir ». Beaucoup d’auteurs insistent donc sur l’intérêt d’une prise en charge globale (enfants et parents), en plus de thérapies individuelles, pour rétablir l’équilibre familial. Il n’existe pas de traitement type des difficultés avec l’alcool. Les approches psychothérapeutiques citées cidessus peuvent s’intégrer dans de multiples projets thérapeutiques en fonction des objectifs et des moyens de chacun. Tout dépend de ce que la personne recherche. Les psychothérapies sont complémentaires et utiles à tous les stades du traitement. Par exemple, les réunions d’anciens buveurs peuvent consolider l’abstinence d’une personne ou lui donner l’envie d’entreprendre une première démarche vers le médecin. Les thérapies cognitives et comportementales apportent par exemple aux patients des outils concrets afin de gérer les situations à risque, telles que les pensées en relation avec le produit, les états émotionnels négatifs ou
Comment aider ?
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positifs, les idées et essais d’auto-contrôle de la consommation ; puis les situations interpersonnelles telles que les conflits et la pression sociale. Une consommation nocive d’alcool est la mise en acte d’un malaise et d’une souffrance intérieure. Même s’il n’est pas forcément nécessaire de comprendre pour aller mieux, certaines personnes pourront s’engager dans une psychothérapie psychanalytique et elles y découvriront peut-être les origines inconscientes de leur besoin de boire…
Conclusion
Symbole de fête, de partage et de réussite, l’alcool est un véritable phénomène socioculturel. Très souvent, il accompagne les événements les plus marquants de notre vie, comme une naissance ou un mariage. Voilà pourquoi il est bien compliqué de considérer l’alcool comme nocif et source de souffrance. Pour le meilleur et pour le pire, lui aussi fait partie de notre vie ! La dimension symbolique de l’alcool représente un obstacle à l’acceptation des risques liés à une consommation nocive. Face au doute, il est nécessaire d’accepter de réduire sa consommation : boire moins pour que l’alcool soit un plaisir et non une souffrance. Peut-être connaissez-vous des personnes ayant fait l’expérience de centres de soins en alcoologie, ou peutêtre bien en avez-vous déjà fait l’expérience. Le résultat n’a pas été à la hauteur de vos espérances. Les « coups de blues », les angoisses ou encore la certitude de pouvoir contrôler votre consommation vous ont amené à reprendre un verre. Ce premier verre en a appelé un deuxième, puis un troisième… Aujourd’hui, vous avez
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L’alcool, moi et les autres
l’impression que rien n’a changé et que vos efforts ont été stériles. Si tel est le cas, permettez-moi de vous raconter une petite histoire : « Dans une prairie était posée une cage et dans cette cage se trouvait un oiseau. Il était là, seul, enfermé dans sa cage au beau milieu de cette vaste étendue. Comme un ours passait par là, l’oiseau lui demanda s’il pouvait le libérer. L’ours accepta sans hésiter et ouvrit la cage du petit oiseau. Ce dernier le remercia mais ne bougea pas, il resta dans la cage à présent ouverte. L’ours étonné lui demanda pourquoi il ne s’envolait pas pour retrouver sa liberté […] et le petit oiseau lui répondit : “Mais je suis libre”. » Être libre, c’est avoir le choix. En prenant la décision de vous inscrire dans une démarche de soins, vous gagnez la possibilité de choisir entre continuer ou arrêter l’alcool. En d’autres termes, vous gagnez la possibilité d’être à nouveau libre…
Conclusion
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Quelques références bibliographiques. ARCHAMBAULT JC (1992) Comprendre et traiter les alcooliques. Frison-Roche, Paris DESCOMBEY JP (2003) Précis d’alcoologie clinique. Dunod, Paris LEJOYEUX M (2004) Alcoolo-dépendance, tempérament et personnalité. M/S Médecine Sciences. 20 (12) : 1140-4 MONJAUZE M (2001) Comprendre et accompagner le patient alcoolique. Éditions In Press, Paris SAMUEL-LAJEUNESSE B (2004) Manuel de thérapie comportementale et cognitive. Dunod, Paris UEHLINGER C, MONTI P (2001) Abstinence. Manuel du praticien pour l’aide à la prévention des rechutes alcooliques. Médecine et hygiène, Paris
Et si on allait plus loin ?
Annexes
Les questionnaires : Le questionnaire DETA Il permet de détecter ses difficultés avec l’alcool. Ce questionnaire est la traduction française du questionnaire CAGE (cut-off, annoyed, guilty, eye-opener), développé et validé aux États-Unis. Un score DETA supérieur ou égal à 2, c’est-à-dire au moins deux réponses positives au test, témoigne de l’existence de problèmes liés à votre consommation d’alcool. 1. Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées ? 2. Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation ? 3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ? 4. Avez-vous déjà eu des besoins d’alcool dès le matin pour vous sentir en forme ?
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L’alcool, moi et les autres
Le questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) Ce questionnaire a été développé sous l’égide de l’OMS. Il s’agit de dix questions en rapport avec les difficultés qui peuvent survenir du fait de sa consommation d’alcool (perte de contrôle, sentiments de culpabilité ou de remords, effets négatifs de l’alcool sur la santé et sur les relations sociales). Selon les réponses, un score est attribué entre 0 et 4 pour chaque question. Un score compris entre 0 et 8 signifie que vous n’êtes probablement pas en danger avec l’alcool. Un score entre 9 et 13 indique une consommation nocive d’alcool. Enfin, un score AUDIT supérieur à 13 évoque une dépendance à l’alcool.
0
1
1) Quelle est la fréquence de votre consommation d’alcool ?
Jamais
Une fois par mois ou moins
2) Combien de verres contenant de l’alcool consommez-vous un jour typique où vous buvez ?
1 ou 2
3 ou 4
2
3
4
De 2 à 4 fois par mois
De 2 à 3 fois par semaine
Au moins 4 fois par semaine
5 ou 6
7 ou 8
10 ou plus
Score de la ligne
Annexes
0
1
2
3
4
3) Avec quelle fréquence buvezvous six verres ou davantage lors d’une occasion particulière ?
Jamais
Moins d’une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par semaine
Tous les jours ou presque
4) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous constaté que vous n’étiez plus capable de vous arrêter de boire une fois que vous aviez commencé ?
Jamais
Moins d’une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par semaine
Tous les jours ou presque
5) Au cours de l’année écoulée, combien de fois votre consommation d’alcool vous a-t-elle empêché de faire ce qui était normalement attendu de vous ?
Jamais
Moins d’une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par semaine
Tous les jours ou presque
6) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu besoin d’un premier verre pour pouvoir démarrer après avoir beaucoup bu la veille ?
Jamais
Moins d’une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par semaine
Tous les jours ou presque
7) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous eu un sentiment de culpabilité ou des remords après avoir bu ?
Jamais
Moins d’une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par semaine
Tous les jours ou presque
117
Score de la ligne
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L’alcool, moi et les autres
0
1
2
3
4
8) Au cours de l’année écoulée, combien de fois avez-vous été incapable de vous rappeler ce qui s’était passé la soirée précédente parce que vous aviez bu ?
Jamais
Moins d’une fois par mois
Une fois par mois
Une fois par semaine
Tous les jours ou presque
9) Avez-vous été blessé ou quelqu’un d’autre a-t-il été blessé parce que vous aviez bu ?
Non
Oui, mais pas au cours de l’année écoulée
Oui, au cours de l’année
10) Un parent, un ami, un médecin ou un autre soignant s’est-il inquiété de votre consommation d’alcool ou a-t-il suggéré que vous la réduisiez ?
Non
Oui, mais pas au cours de l’année écoulée
Oui, au cours de l’année
Score de la ligne
TOTAL
Ref. : Saunders JB, Aasland OG, Babor TF et al. (1993), Development of the Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT): WHO Collaborative Project on Early Detection of Persons with Harmful Alcohol Consumption--II. Addiction Jun; 88(6): 791-804.
Annexes
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Vrai ou Faux ? Les préjugés et les fausses idées sur l’alcool font partie du problème de consommation des jeunes et des adultes. Il faut donc être particulièrement attentif à ce que l’on dit et à ce que l’on entend sur les effets de l’alcool. Alors, vrai ou faux ? 1) Même si l’on boit rapidement de grandes quantités d’alcool, le corps élimine l’alcool à un rythme fixe et régulier. 2) L’effet de l’alcool varie d’un individu à un autre. 3) Il est très dangereux de mélanger l’alcool et les médicaments (somnifères, calmants, antidépresseurs, etc.) 4) L’alcool influence le comportement dès qu’il passe dans le sang. 5) Lorsque l’on s’alcoolise, il est plus facile de dire ou de faire des choses. 6) L’alcool n’est pas une drogue. 7) On élimine plus rapidement l’alcool en dansant. 8) Il n’est jamais ivre, ce n’est donc pas un « alcoolique ».
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L’alcool, moi et les autres
9) Une bonne manière de se dessoûler, c’est de boire du café. 10) L’alcool réveille et stimule. 11) L’alcool fait grossir. 12) L’alcool réchauffe. 13) Boire de l’alcool pendant la grossesse est dangereux. 14) L’alcool désaltère.
Réponses : 1) Vrai. On peut comparer le corps à un entonnoir : le liquide s’écoule lentement et toujours à la même vitesse, quelle qu’en soit la quantité. 2) Vrai. Le poids, le sexe, le fait d’avoir mangé ou pas peuvent contribuer à faire augmenter ou diminuer le taux d’alcoolémie. Les effets de l’alcool dépendent également de la capacité chez un individu à tolérer l’alcool. 3) Vrai. La combinaison alcool et médicaments peut entraîner la perte de connaissance, le coma ou la mort. Une trop grande consommation d’alcool peut en effet empêcher le cerveau de contrôler la respiration d’un individu.
Annexes
121
4) Vrai. L’alcool n’étant pas digéré, il affecte le système nerveux central et perturbe les mouvements et la coordination des membres. Il altère la qualité de l’attention et augmente le temps de réaction. 5) Vrai. Certains individus ont peur d’être exposés aux jugements des autres. C’est pour ces raisons, en partie, qu’ils s’alcoolisent. Ils se sentent plus à l’aise en société et ont plus de facilité à discuter avec d’autres personnes. Malheureusement, il est possible de perdre rapidement le contrôle de sa consommation, ce qui peut favoriser des comportements violents ou à risques. 6) Faux. L’alcool, étant légal, est rarement considéré comme une drogue. Pourtant, comment nommer un produit qui peut entraîner une dépendance, coûter la vie à 45 000 personnes chaque année et constituer l’un des problèmes les plus sérieux de notre société ? 7) Faux. Il n’y a que le temps qui permet d’éliminer totalement l’alcool du corps. 8) Faux. Il ne faut pas confondre ivresse temporaire et dépendance à l’alcool. On peut être dépendant à l’alcool sans jamais avoir été ivre. 9) Faux. Plus de 90 % de l’alcool est absorbé et éliminé par le foie. Le reste est excrété par l’haleine (de 1,4 % à 5,6 %), l’urine (de 0,6 % à 2,4 %) et la sueur (de 0,2 % à 0,8 %). Donc les méthodes traditionnelles, l’exercice
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L’alcool, moi et les autres
physique, la douche froide, le café noir ou l’air frais, sont futiles. 10) Faux. Au contraire, l’alcool engourdit le cerveau. 11) Vrai. L’alcool apporte sept calories par gramme d’alcool. Ce qui fait soixante-dix calories par verre de vin (pour rappel, un verre alcoolisé contient environ 10 g d’alcool pur). 12) Faux. La sensation de chaleur due à la dilatation des vaisseaux est trompeuse. Les vaisseaux sanguins dilatés laissent fuir la chaleur par les pores de la peau, mais la température globale du corps diminue. Sous l’effet de l’alcool, le cerveau s’anesthésie et on peut subir de graves gelures par temps froid sans s’en rendre compte. 13) Vrai. L’alcool augmente le risque de naissances avant terme, de fausses couches et le risque de développer un « syndrome d’alcoolisation fœtal ». 14) Faux. L’alcool au contraire déshydrate, notamment en faisant uriner davantage. C’est d’ailleurs cette déshydratation qui provoque les maux de tête (la « gueule de bois ») le lendemain d’excès.
Glossaire
Christophe André exerce comme médecin psychiatre dans le service hospitalo-universitaire de l’hôpital SainteAnne (Paris) où il dirige une unité spécialisée dans le traitement des troubles anxieux et phobiques. Il enseigne également à l’université Paris-X. Judith Leyster est une artiste hollandaise, née à Haarlem en 1609, morte à Heemstede en 1660. Elle a axé son art sur de paisibles scènes domestiques, sur des scènes de tavernes ou de divertissements. Benzodiazépines : médicaments utilisés principalement contre l’anxiété. Cirrhose : atteinte diffuse du foie par un processus associant fibrose*, nodule de régénération et modification de l’architecture vasculaire. Cet état correspond à l’évolution naturelle de la plupart des maladies chroniques du foie, dont la plus fréquente est due à l’intoxication alcoolique chronique.
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L’alcool, moi et les autres
Coma éthylique : on parle de coma éthylique lorsque, après avoir absorbé une quantité importante d’alcool, une personne devient inconsciente et ne peut plus être réveillée. Le risque le plus important est que la personne s’étouffe elle-même : soit avec ses vomissements, soit parce que sa langue chute dans l’arrière-gorge lorsqu’elle est sur le dos. Delirium tremens : chez une personne alcoolodépendante, le delirium tremens est un syndrome provoqué par un arrêt total et brutal d’alcool, qui nécessite une hospitalisation. Il se manifeste par des troubles de la conscience : le sujet est confus, désorienté et présente des troubles sensoriels qui peuvent aller jusqu’aux hallucinations (visions d’images terrifiantes). Distillation alcoolique : permet de faire évaporer l’alcool, puis de le condenser afin d’augmenter sa proportion dans le produit final. Fermentation alcoolique : transformation en éthanol des sucres contenus dans les fruits, le miel, les céréales, les tubercules, sous l’influence des levures. Fibrose : stade terminal pathologique et non réversible du processus de l’inflammation aboutissant au remplacement du tissu initial par un tissu cicatriciel non fonctionnel. Gastrite : inflammation de la muqueuse gastrique.
Glossaire
125
Hémoglobine : protéine transporteuse de l’oxygène dans le sang. Hépatite alcoolique : inflammation hépatique due à une intoxication alcoolique aigüe importante chez un patient alcoolique chronique. Les formes mineures, plus fréquentes, n’entraînent en général pas de symptôme. Les formes majeures peuvent conduire à la mort. Les poussées d’hépatite alcoolique, même mineures mais répétées, aboutissent à la constitution d’une cirrhose. Inflammation : ensemble des phénomènes se produisant au sein d’un tissu conjonctif irrité par un agent pathogène (agents infectieux, agents physiques et chimiques, etc.). L’inflammation peut être aiguë ou chronique. Myocardiopathie : terme général désignant les affections qui lèsent le myocarde (muscle cardiaque). La majorité d’entre elles sont d’origine inconnue, mais quelques-unes sont secondaires à une cause connue comme les myocardiopathies dues à l’alcool. Nécrose : mort d’une cellule ou d’un tissu, à l’intérieur d’un organisme resté vivant. Neuromédiateurs : substances chimiques produites par une cellule nerveuse pour activer une cellule voisine qui présente au point de contact des récepteurs spécifiques. Exemple de neuromédiateurs : dopamine, sérotonine.
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L’alcool, moi et les autres
Ostéonécrose : mort du tissu osseux. L’ostéonécrose concerne le plus souvent la tête du fémur au niveau de la hanche : c’est l’ostéonécrose de la tête fémorale. C’est donc une affection de la hanche largement favorisée par l’intoxication alcoolique chronique qui se traduit par des douleurs à la hanche. L’évolution peut se faire dans certains cas vers une destruction totale de la hanche. Ostéoporose : anomalie quantitative osseuse par opposition aux anomalies qualitatives. Elle conduit essentiellement à un risque de fractures osseuses des vertèbres (tassement vertébral) et de la hanche. On distingue les ostéoporoses primitives dues à l’âge (les plus fréquentes) des ostéoporoses secondaires pouvant compliquer, par exemple, la cirrhose hépatique due à l’alcool. Reflux gastro-œsophagien (RGO) : reflux acide du contenu gastrique vers l’œsophage. Il est un phénomène physiologique qui survient chez tous les individus. Le RGO est pathologique lorsque les épisodes de reflux acide de l’estomac vers l’œsophage sont anormalement fréquents et prolongés. Ils entraînent alors des symptômes cliniques et/ou des lésions de la muqueuse de l’œsophage. Stéatose hépatique : accumulation de triglycérides dans le cytoplasme des cellules du foie (la cellule est composée de sa membrane plasmique, du cytoplasme et de son noyau). La stéatose hépatique est un stigmate histologique (c’est-à-dire révélée uniquement lors de
Glossaire
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l’étude du tissu), fréquent au cours des intoxications alcooliques même modérées. Elle n’entraîne généralement aucun symptôme. La stéatose disparaît si l’intoxication est arrêtée. Transfert : processus par lequel le patient rejoue avec son thérapeute les affects qui étaient à l’origine destinés aux objets parentaux ou à toute personne ayant eu de l’importance dans l’enfance du patient. Triglycérides : graisses qui servent de carburant aux divers tissus de l’organisme. On parle d’hypertriglycéridémie lorsqu’il y a une élévation du taux de triglycérides dans le sang du fait d’une anomalie héréditaire, d’une consommation excessive d’alcool ou d’aliments sucrés.
Adresses utiles
Sièges nationaux des principaux mouvements d’anciens buveurs Alcool assistance la Croix d’or 10, rue des Messageries 75010 Paris Tél. : 01 47 70 34 18 / Fax : 01 42 46 31 34 / Numéro vert : 08 21 00 25 26 Lien adresse Internet : www.alcoolassistance.net Contact par mail : [email protected]
Alcooliques anonymes 29, rue Campo Formio 75 013 Paris Tél. : 01 48 06 43 68 permanence téléphonique : 08 20 32 68 83 Lien adresse Internet : www.alcooliques-anonymes.fr Contact par mail : [email protected]
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L’alcool, moi et les autres
Vie libre 8, impasse Dumur 92110 Clichy Tél. : 01 47 39 40 80 / Fax : 01 47 30 45 37 Lien adresse Internet : www.vielibre.org
Associations intervenant en alcoologie Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) 20, rue Saint-Fiacre 75002 Paris Tél. : 01 42 33 51 04 Lien adresse Internet : www.anpaa.asso.fr Contact par mail : [email protected]
Fédération des acteurs de l’alcoologie et de l’addictologie (F3A) 154, rue Legendre 75017 Paris Tél. : 01 42 28 65 02 / Fax : 01 46 27 77 51 Lien adresse Internet : www.alcoologie.org
Société française d’alcoologie (SFA) Princeps Editions 64, avenue du Général-de-Gaulle 92130 Issy-les-Moulineaux Tél. : 01 46 38 24 14 / Fax : 01 40 95 72 15 Lien adresse Internet : www.sfalcoologie.asso.fr
Adresses utiles
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Organismes nationaux susceptibles de fournir des informations dans le domaine de l’alcoologie Drogues Alcool Tabac Info Service Pour en savoir plus sur les dangers et les effets de tous les produits : alcool, tabac, cannabis, cocaïne, héroïne, etc. Lien adresse Internet : www.drogues.gouv.fr
Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) 42, boulevard de la Libération 93203 Saint-Denis Cedex Tél. : 01 49 33 22 22 / Fax : 01 49 33 23 90 Lien adresse Internet : www.inpes.sante.fr Contact par mail : [email protected] Ce site présente les programmes de prévention (alcool, tabac, drogues, etc.), les actions de communication, les publications, etc.
Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) 7, rue Saint-Georges 75009 Paris Tél. : 01 44 63 20 50 Lien adresse Internet : http://mildt.systalium.org
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L’alcool, moi et les autres
Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) 3, avenue du Stade-de-France 93218 Saint-Denis-la-Plaine Cedex Tél. : 01 41 62 77 16 / Fax : 01 41 62 77 00 Lien adresse Internet : www.ofdt.fr Contact par mail : [email protected] Comprendre les actions des différentes drogues : http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/ pdf/354.pdf