165 95 29MB
French Pages 528 Year 1873
THE LIBRARY
The Ontario for Studies in
Institute
Education
Toronto, Canada
LIBRARY SEP
?î>
197J
THE ONfARIO INSTITUTE IN i:DUCATIOM
FOR STUDIOS
,
LA PHILOSOPHIE DE
DAVID HUME PAR
Gabriel
COMPAYRÊ
ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE, AGRÉGÉ DE PHILOSOPHIE,
DOCTEUR ES LETTRES-
PARIS
ERNEST THORIN, EDITEUR LIBRAIRE DU COLLÈGE DE FRANCE 7
,
RUE DE MÉDICIS
1873
,
7
INTRODUCTION.
LA YIE ET LES ŒUVRES DE DAVID HUME.
Il
la
n'entre pas dans notre plan de raconter en détail
vie de David
Hume. Des
divers incidents qui mar-
quèrent une existence d'ailleurs peu troublée s'agit
de retenir
ici
que
il
,
les faits les plus saillants,
ne
ceux
qui influèrent sur les idées de l'auteur et sur les destinées de son esprit.
L'étude du caractère préparera
l'intelligence des doctrines.
Sans doute, par
spéciale de leurs méditations, leurs
les
œuvres, échappent plus que
à lïnfluence de leur vie
;
ils
la
nature
philosophes, dans les autres écrivains
n'y échappent cependant
pas complètement, et les événements laissent toujours
quelque empreinte dans abstraites qu'elles soient. et l'intérêt
de
la
les
pensées d'un auteur,
D'un autre côté,
si
la justice
renommée de Hume veulent qu'on
mette en regard de ses théories souvent téméraires sa noble et laborieuse existence,
sa jeunesse active et 1
uniquement ambitieuse des succès littéraires , l'irréprochable austérité de ses mœurs^ l'enjouement aimable qui animait ses conversations , la douceur qui surtout sa vieillesse
rechercher son amitié^
faisait
vraiment philosophique , tranquillement écoulée, au dans l'attente milieu des livres et de quelques amis ,
d'une mort dont
les
approches ne troublèrent point
la
constance de son âme. Ce coup d'œil, jeté en passant sur la vie de
Hume,
profitera à la réputation d'un libre
penseur, qu'on a quelquefois représenté sous des couleurs trop noires. Sachant ce
que
l'homme, on se
fut
scandalisera un peu moins de ce que pensa l'écrivain.
Hume
l'étude l'absorba tout entier, et lui
avec
maturité du jugement
la
génie et
la
De bonne heure
point de jeunesse.
n'eut
la
,
passion de la gloire.
donna avant
l'âge,
conscience de son
de
L'histoire
la phi-
losophie offre peu d'exemples d'une vocation aussi
précoce pour les spéculations abstraites.
bourg, ans
le
le 2l6 avril
1711
,
Hume
concevait à dix-huit
premier plan de son système
animé par des découvertes qui
comme un instrument
Pour
(1)
l'histoire
leurs assez courte
mois avant sa mort 1846
,
de
certain
Hume
,
;
(1).
lui
Et dès lors,
apparaissaient
de renommée,
nous avons suivi lui-môme
qu'il a écrite
,
Né à Edim-
et surtout l'excellente
,
en
la notice
avril
tome VI,
p. 107; et le travail
,
1776
ne
d'ail-
,
,
trois
biographie puyiée en
à Edimbourg, par J.-H. Burton, 2 vol. in-S".
l'étude de M. Cucheval-Clarigny
il
— "Voir aussi
Revue des Deux-Mondes
,
1856
,
de M. Campcnon (de l'Académie
française), en tête de sa traduction de V Histoire d'Angleterre, 1839.
vécut plus que pour ses pensées. Captivé par acquit, avant vingt ans,
un sentiment
il
assez vif de sa
responsabilité pour imposer à sa jeunesse
plus rigoureux stoïcisme.
elles,
la loi
du
C'est plaisir d'entendre ce
sage de seize ans déclarer, dans une lettre à son ami
Ramsay (1),
qu'il
met résolument en pratique
les règles
morales qui ordonnent de réprimer toute passion, et cherche dans l'étude, dans
qu'il
moyens
d'élever son esprit. Déjà
contemplation, les
la il
observait
»
sur Fauteur que je
))
là
))
cherche l'explication.
))
en philosophe...
encore
lis; là c'est
un
»
. .
Une
les réflexions
notait
de passion; dont je
l'esprit
Permettez-moi de vous parler pareille précocité
ne va pas sans quelque pédantisme,
que
éclair
un phénomène de
c'est
il
,
une critique
ses pensées. « Ici, » dit-il, « je recueille
et
de sagesse
Ton peut douter
psychologiques du jeune écolier
eussent toute la valeur qu'il leur attribuait. Mais ces efforts louables, cette vanité d'auteur
turée
,
le
sauvèrent au moins de
la paresse, les frivolités
et lui firent
un peu préma-
la dissipation et
de
une àme supérieure à toutes
de son âge.
Et cependant autour de
lui rien
penchant qui
contrariait plutôt, le
ne favorisait, tout le portait
philosophie. L'université d'Edimbourg
,
où
il
vers la étudia
,
ne comptait encore dans ses rangs aucun de ces maîtres éminents,
comme
la fin
du
siècle
en
vit paraître,
qui, par leclat de leur enseignement, déterminent les
vocations hésitantes.
(1)
Burton.
Tome
1, p.
A
défaut de professeurs
12, lettre du 4 juillet 1727.
illustres,.
—4— cette université avait-elle
au moins un enseignement
régulier delà philosophie?
Le formalisme presbytérien
s'y était
constamment opposé,
et avait
tenu jusqu'alors
en échec tous les efforts tentés pour organiser le pro-
gramme
même
d'un cours suivi. Les écrits de Locke lui-
ne furent guère connus à Edimbourg qu'en
1730, par les soins du professeur Stevenson, et encore dans un abrégé, œuvre de l'évêque Wynne. C'était l'époque,
il
versité de
est vrai,
où Hutcheson inaugurait, à
Glasgow, ces
l'uni-
brillantes leçons auxquelles
D. Stewart attribue l'honneur d'avoir
commencé
le
réveil
philosophique et littéraire de l'Ecosse. Mais
Hume
ne subit en aucune façon
travaux l'influence de son
ne
fut
dans ses premiers
illustre
contemporain
:
que beaucoup plus tard son correspondant
il
et
son ami, sans devenir jamais son disciple. D'autre part,
Hume
ne trouvait au foyer domestique
aucune de ces excitations journalières qui éveillent quelquefois les grands génies. famille étaient
simplement
Les traditions de sa
de gentilshommes de
celles
campagne. Sa mère, restée veuve avec
trois enfants,
contribua à former ses vertus privées
mais
;
,
simple
autant que bonne, elle ne pouvait agir sur le
vement de
ses idées.
C'est
donc à lui-même,
des méditations personnelles,
menses lectures, que
Hume
développement de son
mou-
c'est à
soutenues par d'im-
du
est surtout redevable
esprit.
Les poètes et
les philo-
sophes se partagèrent ses premières admirations tandis qu'à l'école de Locke et de Berkeley cette subtilité pénétrante qui est
un des
il
;
et
exerçait
traits
carac-
téristiques
de son talent,
apprenait, avec Virgile et
il
Cicéron, cette pureté de goût, cette admirable justesse
d'expression
qui distinguent à un
,
écrits, et qui
lui
haut point ses
si
ont acquis l'honneur de passer dans
son pays pour un maître en Fart d'écrire. Disons cependant que ses lectures philosophiques si
abondantes
plètes.
heure
eût connu Platon,
il
un point incom-
ignorait la philosophie grecque. Si de
Il
comme
et si variées, furent sur
étudiait
il
Locke
s'il
et
bonne
étudié avec ardeur,
l'eût
Berkeley, peut-être cette
influence nouvelle eût-elle modifié et corrigé les ten-
dances exclusivement empiriques de ses doctrines.
Mais à quoi bon regretter que ce libre esprit, n'acceptant qu'une seule domination
anglais, ait développé dans
Dans
théories originales?
philosophiques
,
le
d'expérimentations
mieux ,
que
celle
,
de l'empirisme
une seule
direction ses
même
l'intérêt n'est-il
des progrès
pas que ces sortes
l'on appelle
des systèmes
,
soient poursuivies jusqu'au bout par leurs auteurs? Et
ne
pas se réjouir qu'au lieu d'ajouter un
faut-il
de plus à
la liste
de ces philosophes modérés, qui doi-
vent à une éducation complète leurs doctrines.
nom
la vérité
Hume, poussant
relative
de
à outrance jusqu'à
extrêmes conséquences quelques affirmations
leurs
par l'excès
absolues,
ait,
cause de
la vérité?
même
de ses erreurs, servi
n'est pas le seul,
Il
parmi
les
la
pen-
seurs, dont l'originalité soit faite de quelque génie et
d'un peu d'ignorance
A
deux
faillit
1
reprises, la vocation philosophique de Hume
être déjouée par les événements.
La volonté de
—6— sa famille le destinait au barreau
:
Hume
accepta doci-
lement l'épreuve. Mais bientôt, incapable de surmonter la
répugnance que
lui inspirait le droit,
il
revint avec
passion à ses chères études. Par malheur l'excès
de son
travail et l'ardeur
même
de son application compro-
mirent assez gravement sa santé pour l'obliger à sus-
pendre tout
effort d'esprit.
une véritable
A
crise physique, qui troubla
son âme, jusque-là sereine Il
se crut dangereusement
force
ne
lui
vingt-trois ans,
manquât pour
vail et les espérances
et confiante
malade
de gloire dont
une maison de commerce, Mais Hume,
prendre à lonté, le
il
il
dans l'avenir.
que
craignit
de
la
tra-
s'était jusqu'alors
se résigna à entrer dans
sacrifice qui équivalait
— quelque indolent
qu'il fût
pour
la fortune,
l'unique objet de sa passion faut lire le
mémoire
:
avec une minutie naïve, et lui
les
— Hume
n'était
et sans résistance
les lettres et la philosoqu'il adressait,
à un médecin célèbre de Londres,
son mal,
ait laissé
n'ayant pas su l'exercer par sa vo-
gouvernement de sa destinée,
11
de son na-
que le plus souvent dans sa vie il
homme à abandonner facilement
phie.
profondément
un suicide moral.
turel, et bien
pas
traversa
réaliser les projets
nourri. Condamné au repos,
lui à
;
il
il
pour
en 1734,
lui décrire,
moindres symptômes de
demander, avec une anxiété touchante,
des remèdes décisifs (i).
La santé revint au bout de quelques mois, s'empressa de quitter Bristol et
tl) Burton
,
tome
I, p. 30.
le
et
Hume
commerce. Mais
les
défaillances
du tempérament une
fois
dominées,
restait encore d'autres difficultés à vaincre.
Il
il
lui
lui fallait,
malgré l'exiguité de ses ressources, assurer l'indé-
pendance de sa
un
prit
vie.
Sans protecteur, sans fortune,
parti viril, celui
aux habitudes
et
il
de s'expatrier, de s'arracher
aux douceurs du pays natal, pour dans une solitude que
vivre frugalement en France,
devait rendre plus complète encore son inexpérience
de
langue française. C'est à Reims, puis à La Flèche,
la
Hume
que
passa les trois laborieuses années de son
premier séjour en France (1734-37).
«
Une rigoureuse
« de suppléer me à ce qui me manquait du côté de la fortune, de conserver ma liberté entière et de mépriser tout
permit, »
frugalité
))
))
»
dit-il
lui-même,
,
» ce qui
n'intéressait pas directement
littéraires (1). »
))
1737,
le Traité de la
l'auteur partait
Après
trois
mes progrès
ans de réflexion,
Nature humaine
pour l'Angleterre,
était
afin
en
terminé, et
de surveiller
la
publication de son œuvre.
Hume, dont guère
les
ble-t-il,
distance
un peu
la
rencontre singulière qui, à cent ans de
l'avait
conduit auprès de ce fameux collège
des Jésuites, où Descartes avait étudié.
dant quelque intérêt à remarquer que
de
lente n'aimait
rapprochements, n'a jamais été frappé, sem-
de ,
l'imagination
Il
le
y a cepen-
même
coin
vu naître, dans leur premier germe tout au moins , deux systèmes de philosophie aussi irréconciterre a
Hume, tome I, My own life, p. xrv. sers de l'édition en quatre volumes in-8o. Edimbourg, 1854.
OEuvres philosophiques de
(1)
Je me
—8— un scepticisme résigné qui se complaît dans négations, et auquel on peut rattacher sans para-
liables
ses
doxe
:
du positivisme contemporain
l'origine
;
et ce
doute méthodique qui n'aspire qu à triompher de
même
5
idéaliste des
temps modernes.
Quelque jugement que Nature humaine^
Hume
l'on porte sur le Traité de la
on ne peut s'empêcher
d'admirer
A
vingt-sept
qui lui donna
l'effort d'esprit
ans,
lui-
grande conception
et d'oii est sortie la plus
composé
avait
le jour.
et publié
son chef-d'œuvre.
Descartes écrivit le sien à quarante. Reid et Kant entre
cinquante et soixante ans. Les poètes seuls ont d'ordinaire le privilège de ces improvisations de jeunesse,
qui prennent rang parmi les Cette fois
le
un
de réflexion
pareil
même
résultat
!
et
de travail ne suppose pas
talent d'utiliser leurs fa-
le
une sévère économie de
leurs forces.
pensée.
Peu d'hommes ont possédé, au
Hume,
degré que
cultés par
la
du génie poétique. Mais quelle
l'effervescence hâtive intensité
monuments de
génie philosophique avait éclaté avec
leurs temps et
de
était inaccessible à toute distraction,
Il
De cette concentrasur un même point, il
indifférent à tout divertissement.
tion vigoureuse de son esprit n'est pas étonnant qu'ait
un ouvrage même
pu
sortir
bien considérer surtout que
humaine
duquel saires
,
n'est les
et
en quelques années
aussi considérable,
qu'un système
le ,
si
l'on
veut
Traité de la Nature
pour
la
construction
longues expériences n'ont pas été néces-
où
il
a
rement acceptés
suffi ,
de quelques principes témérai-
pour que l'auteur, par une déduc-
—9— tion presque algébrique, déroulât sans effort
gue
une lon-
de conséquences.
série
En 1739, parurent
deux premières
les
parties
Traité, celles qui se rapportent à l'Intelligence et
La troisième
Passions.
ne
(of Morals),
vrage, »
))
n'ayant
j)
des dévots
dit-il
lui-même,
«
1740. Le succès ne l'auteur.
L'ou-
«
mourut en naissant,
même réussi à exciter les murmures (1). » Hume en conçut un vif accès de
pas
même
sérieux, le caractère abstrait et la nouveauté
du système devaient indifférent
ou
faire pressentir à
hostile
du public. Mais
écrivains inconséquents,
humain dans nent que
n'était
mouvement philosophique
théâtre d'aucun
le
aux
morale
cependant, sans compter que l'Ecosse
dépit. Et
alors
fut publiée qu'en
aux espérances de
répondit pas ))
partie, consacrée à la
du
Hume il
l'accueil
de ces
était
qui, contrecarrant le genre
ses sentiments et ses croyances
,
s'éton-
genre humain n'applaudisse pas à leurs
le
attaques, et qui, tout à la fois passionnés pour la gloire et épris les
de leurs propres systèmes, voudraient être
héros de
la foule
,
sans renoncer à en combattre
Notre philosophe ne se résigna que peu
les préjugés.
à peu à cette impopularité douloureuse, au prix
de
laquelle s'achète le plus souvent l'indépendance de la
pensée
;
tion d'un
et ce fut
amour-propre exigeant avec
conscience jeta
(1)
en partie pour concilier
dans
Hume
les devoirs
sincère, que, vers la fin de sa vie,
les
,
la satisfac-
d'une il
se
études historiques, heureux de faire enfia
3ïy
own
life
,
p. xv.
—
10
l'emploi de son talent dans
—
une science où au cœur
toute sa pensée sans blesser
il
pût dire
la foi
de l'hu-
manité, et plaire à tous sans cesser d'être lui-même
Le désir trait
fût
du succès, tel est le physionomie de Hume. Quoiqu'il
et aussi la volonté
dominant de
la
certainement de ceux qui aiment assez les
pour que
le
lettres,
par ses douceurs, les récompense
l'étude^
elle-même des dans
1
exige,
sacrifices qu'elle
commerce désintéressé de
la
apportait
il
pensée une cer-
taine âpreté d'amour-propre, qui exigeait impérieuse-
ment
la
accompli arts,
comme
gloire
prix
le
obligé
du
travail
aux
et des privations souffertes. Insensible
aux passions du cœur,
il
avait rejeté sur les
succès littéraires toutes les ardeurs de son ambition.
La passion
pour ainsi
s'était,
parties de son
âme pour ne
seul désir, auquel
il
dire, retirée des autres
surexciter en lui qu'un
s'abandonnait avec toutes les
émotions, toutes les fièvres d'un véritable amour. C'était
cependant se méprendre singulièrement sur
les conditions
atteindre
de
la gloire,
que
pour y de métaphy-
faire fonds,
du premier coup, sur un
livre
sique, originale mais téméraire, profonde mais abstruse et compliquée.
De
toutes les
œuvres de Hume,
le
Traité est à coup sûr la plus remarquable, mais elle est aussi la
donc
,
moins propre à devenir populaire. Qui
hormis
les
philosophes de profession
,
eût
pu
consentir à suivre l'auteur dans le dédale où s'engageait son scepticisme arrogant et inexorable ?
On
peut^dire du Traité de
la
Nature humaine
représente, dans l'ensemble des écrits de
qu'il
Hume, ce
le Discours de
q?est pour Descartes
résumé général de
Méthode
:
un
du philosophe. Mais
la doctrine
il
que Descartes, dans ses au-
faut noter cette différence, tres ouvrages^
la
développe fidèlement
de sa
les principes
méthode, tandis que Hume, pendant toute sa vie, semble s'être
donné pour tâche d'atténuer, de dissimuler,
à force d'habileté, les conséquences inquiétantes des théories de sa jeunesse.
Avec une témérité de
avec une hau-
chise qui accuse l'âge de l'écrivain, teur de ton qui
Hume, nous découvre, dans
des idées. écrit
,
le
sceptique du Traité
dans cet ouvrage,
«
me
))
relire (1).
tant
déplaît
conclusions
,
»
Il
«
:
))
;
il
désavoua
L'air
que je
n'ai
la
fois
amertume de ceux de
un
contre
éclat et par
dans
et
homme
le
Traité,
l'auteur,
»
un scandale,
aux adoucisse-
qui entrant, pour
la société, se serait brouillé
(1)
Lettre à Gilbert Stuart. V. Burton
(2)
Y, Avertissement des
,
tome
avec
I, p. 98.
Essais... «
L'auteur désire que les es-
comme
contenant seuls ses senti-
sais suivants soient considérés
ments
amis,
hardiesse de ses
la
ménagements
ressemblait à un
première
ses
jamais reconnu (%). » C'est ainsi qu'a-
revenait aux Il
un de
à
un ouvrage de jeunesse, que
près avoir débuté par
ments.
dogmatisme
pas le courage de le
désavoua aussi
se plaignant avec
ajoute-t-il, « n'a
Hume
le
il
de confiance qui règne
» écrivait-il
ses adversaires qui s'acharnaient
contre
ce premier
fond intime de sa pensée. Plus tard,
reconnut son imprudence
((
pyrrhonisme
contraste avec le
fait
fran-
et ses principes philosophiques. »
— tout le
monde,
de ses jours à
et qui passerait le reste
avec ceux
se réconcilier
—
12
volontairement
qu'il aurait
froissés et irrités.
Quoique Hume, dans son Traité de maine,
devancé Reid
ait
la
Nature hu-
Dugald-Stewart
et
l'observation minutieuse de quelques
pour
psycholo-
faits
giques, c'est plus particulièrement Kant qu'il annonce et qu'il
prépare
,
non-seulement par
recherches, mais
ses
aussi par
la direction
un peu
froideur
la
de
sèche d'un style qui se refuse presque tout appel à l'imagination et au
Hutcheson
sentiment.
l'aimable
,
et
A
ceux qui
séduisant
comme
,
de
professeur
Glasgow, s'étonnaient de ce qu'on pourrait appeler de
l'insensibilité
son
dans ses études sur
un anatomiste
et
style',
l'esprit
Hume humain
non un peintre «
découvrir
répondait
que
voulait
être
il
((
:
Autre chose plus
secrets
))
est,
))
principes de l'intelligence, autre chose décrire la
))
grâce et
» sible
De
))
disait-il
les
beauté de ses actions. Et
la
il
est
impos-
de concilier ces deux points de vue
(1). »
rigoureuse précision de style, qui distin-
là cette
gue
,
le Traité
entre tous les ouvrages de
Hume.
L'au-
teur y semblerait oublier complètement le public,
ne se montrait avant tout préoccupé de ses lecteurs, qui est
(1)
comme
Burton
,
s'il
d'être compris
et d'atteindre cette précieuse qualité
l'élégance des savants
tome I,
p. 112, lettre à T.
:
je
veux
Hutcheson du 17 sep-
tembre 1739. Les mômes idées sont exprimées dans de la 3e partie du traité Of morals tome II, p. 407. ,
dire la
la
conclusion
— Ajoutons,
clarté.
rigueur
13
— que
cependant,
se manifestent
la netteté
beaucoup plus dans
el
la
le détail
de chaque partie que dans l'ensemble du plan, auquel on peut reprocher quelque indécision et même quelque désordre.
Il
semble que Fauteur
n'ait
pas
embrassé d'un seul coup d'œil cette longue série de chapitres, qui se complètent sans se suivre, et qu'il les
sinon sans méthode, du moins sans faire
ait écrits,
pour ramener à une division rigoureuse, et
effort
disposer dans
un ordre logique
les différentes parties
de son œuvre. Malgré ces défauts,
ment que
l'on
juge
quelque sévère-
et
les théories qu'il
expose,
de la Nature humaine n'en laisse pas
impression d'admiration. D'autres
Hume
le Traité
moins une vive
œuvres ont rendu
célèbre parmi ses contemporains
:
celle-là sur-
tout assure sa gloire auprès de la postérité.
Après avoir quelque temps attendu à Londres un succès qui ne vintpas,
à Ninewels,
Hume se retira auprès de sa famille,
à quelques lieues d'Edimbourg.
quelques jours de découragement , à l'étude.
Il
reprit vite goût
se consola de son insuccès, en méditant
après coup les causes
qui le rendaient inévitable.
((
Ceux qui ont l'habitude de
y>
abstraits,
({
sont
le
il
Après
»
écrivait-il
réfléchir sur des sujets
à son ami
Henry Home,
plus souvent imbus de préjugés
;
et
ceux
))
qui n'ont pas de préjugés sont généralement igno-
»
rants en matière de philosophie. Or,
éloignés des opinions
»
sont
»
qu'on ne saurait
»
les idées
si
les
mes principes communément reçues,
admettre sans introduire dans
philosophiques un changement
considé-
— » rable. Et
—
14
vous savez que des révolutions sembla-
ne réussissent pas facilement
» blés
que l'amour-propre de
Hume
(1).
))
C'est ainsi
se résignait à l'indiffé-
rence du public, en l'expliquant par l'incompétence des uns, par
Mais
il
la
tira
présomption intraitable des autres.
de son échec, sinon des pensées de
modestie, du moins des leçons de prudence. fia
son système de
travail.
modi-
Il
Désormais plus soucieux
de l'approbation d'autrui, ou, pour mieux dire, plus préoccupé des moyens de
l'obtenir,
il
plus dans cette solitude intellectuelle,
ne se confina
oîi
il
s'était jus-
que-là dérobé à tout conseil, à toute inspiration du
dehors.
La composition de
la
du
troisième partie
Traité de la Nature humaine (publiée en 1740), se res-
de ce changement de méthode. Par une condes-
sentit
cendance nouvelle chez
lui,
Hume
soumit son ma-
nuscrit à l'examen d'Hutcheson, avec lequel
il
venait
d'entrer en relations. Hutcheson était alors dans tout l'éclat
de son enseignement (de 172S9 à 1747). Juge
particulièrement excellent dans les questions de rale,
il
critiqua librement les vues de
Hume.
mo-
Celui-ci
reçut ces avertissements avec une déférence marquée
mais
il
en profita peu.
Il
était trop
personnel,
absolu dans ses opinions pour céder à l'influence,
douce, teur
si
Leechman, un ami commun des deux
tre le plus puissant et le plus
(1)
si
persuasive pourtant, de celui dont le doc-
a pu dire, dans un éloge funèbre, »
;
trop
Burton, tome I,
p. 105.
moralistes,.
« qu'il était le
maî-
aimable qui eût paru
—
15
—
de son temps. » Dans le détail de l'ouvrage, Hume des observations qui tint cependant quelque compte ))
apporta quelques ménagements à
Il
lui étaient faites.
l'expression de ses idées, bien que sur ce point encore
ne partageât pas tout à fait les scrupules deHutcheson. Il se targuait de l'indépendance de sa condition
il
:
ne
lui donnait-elle
pas
le
droit
de parler avec plus
de liberté qu'un
homme
un
ou un professeur (1)? Quoi
ecclésiastique
soit,
Hume
sut inspirer
qui aurait
charge d'âmes^
en
qu'il
une assez vive estime à son
correspondant pour que celui-ci à son tour, par un
échange amical,
lui
nouvel ouvrage
:
communiquât, deux ans après, son
Philosophiœ moralis institutio compen-
en 17 4^); mais ses opinions n'en avaient
(^lana (publié
pas moins effrayé Hutcheson didature, lorsque, en 1745,
qui combattit sa can-
,
il
une chaire de
sollicita
philosophie à l'université d'Edimbourg.
Hume
avait compté sur le caractère pratique
ses spéculations morales pour
deur du public.
«
Sans
triompher de
qui s'atta-
l'intérêt particulier
me
de morale, je ne
de
la froi-
»
che aux études
))
hasardé à publier un troisième volume de métaphy-
»
sique à une époque
oii la
» cordent à transformer
exige un
))
'1)
hommes
plupart des
en amusement
» la lecture, et rejettent tout ce qui,
serais
le
pa&
s'ac-
travail
de
pour être compris,
effort considérable d'attention (%). » Mais,
Burton, tome I, correspondance de
Hume
et
de Hutcheson,
p. 114 et suiv. (2)
de
Hume,
OEuvres philosophiques
la 3^ partie.
,
tome H,
p.
216,
l''^
section
—
—
16
passionnées de
Hume,
pour trouver notre auteur
et,
en possession de quelque célébrité, au lendemain de et
aux poursuites
encore, la gloire se déroba
est nécessaire de renverser
))
pu paraître d'abord
»
en premier lieu
méritent
elles
,
attention
;
plus naturelle
la
,
il
méthode qui aurait
la
et d'étudier
,
les idées (1). »
Hume, deux manières
d'avoir des
tantôt, lorsque l'impression reparaît, elle
:
mais
dérivent le plus souvent des idées
elles
y a, d après
Il
idées
notre
garde
encore un degré considérable de sa vivacité primitive
;
tantôt
elle est
a perdu entièrement sa vivacité
elle
,
devenue une
idée parfaite
(a
perfect idea).
mémoire; dans
le
premier cas, nous avons
le
second, à Yimagination. Ces deux facultés
emploie
mot sans
le
affaire à la
:
Dans
(Hume
croire à la chose) diffèrent encore
en ce que l'imagination n'est pas astreinte à repro-
même
duire les impressions primitives dans le
sous
et
est ))
la
même
;
la
mémoire , au contraire
rigoureusement soumise à cette
tère principal
de
» server les idées »
forme
la
mémoire
loi.
entendu, pouvoir
et
I,
de con-
simples que de maintenir leur ordre
au premier abord
illimité
Tome
Le carac-
un tout au-
peut inventer ce qui n'a jamais été vu ni
pas cependant
(1)
«
n'est pas tant
et leur situation. » L'imagination remplit
tre rôle: elle
ordre
:
elle
semble jouir d'un
de conception. Qu'on ne ce pouvoir se réduit
Traité, p. 22.
«
s'y
trompe
à associer, à
— » transposer, à
—
102
augmenter, à diminuer
les
matériaux
» fournis par les sens et par l'expérience (1). »
A
de l'imagination se rattache
cette théorie
deux catégories
tinction capitale des idées en
idées complexes.
idées simples et les
impressions,
Hume
dit
le
la dis-
n'y a pas
Il
:
les
deux
formellement, qui soient
simples, qui soient absolument indivisibles. Les idées
qui leur correspondent seront par conséquent complexes elles-mêmes. Mais Timagination, usant de son
pouvoir, distinguera, séparera idées.
((
Partout
» entre les idées
oii ,
les
une différence
l'imagination saisit
elle n'a
pas de peine à opérer une
séparation (â). » Principe important
))
éléments de ces
— quoique Hume
le jette,
pour ainsi dire, négligemment
à
d'un chapitre
la fin
— car
ment que nous ayons rencontré dans la
et
en passant,
est le seul éclaircisse-
il
ses
œuvres sur
formation des idées abstraites. D'un autre côté,
l'imagination possède la faculté d'associer, d'unir les
idées de manière à former des notions
plexes encore
;
et c'est à ce
plus
com-
nouvel emploi de l'ima-
gination que sont dues les idées générales et les idées universelles.
Dans ce
chement entre
travail
les idées,
guidée par quelques
vent régulariser
la
lois
de liaison, de rappro-
l'imagination est d'ailleurs
constantes qui seules peu-
marche d'une
faculté aussi capri-
cieuse, et qui sont précisément les lois de l'association des idées. Ce
(1)
12)
que sont ces
Tome IV, Essai II, Tome I, Traité, p.
p. 17.
25.
lois et
comment
elles
—
103
—
gouvernent en général notre esprit^ restera à exposer, pour achever
Hume
de
la théorie
qui nous
c'est ce
de
faire
connaître
sur les opérations essentielles de
Fintelligence.
Mais avant d'en arriver là, reprenons, pour
mieux comprendre, La
les
premières réflexions de
résume toutes
plus grave, celle qui
c'est
que
les
les
Hume. autres,
idées, quelles qu'elles soient, corres-
les
pondent toujours à des impressions primitives. Pour
Hume
établir ce principe.
raisons. fait.
La première
Hume
n'est
ne
fait
que deux
valoir
guère que l'affirmation du
adversaires Voîîus probandi,
laisse à ses
qui n'admettent pas que toute
((
Ceux,
))
idée est copiée sur une impression semblable n'ont
))
qu'un
))
idées qui
»
dit-il,
moyen de me ,
si
c'est
:
Ce
sera alors
,
de produire des
ne dérivent pas de
pour nous une nécessité,
nous voulons maintenir notre doctrine, de
ou
» l'impression ))
réfuter
dans leur opinion
» cette source. j)
«
la
perception vive qui correspond à
cette idée(1). » Or, les adversaires
que
ne font guère, dans leurs ouvrages, que
ou
à raison
,
citer
Hume
défie
citer, à tort
des idées et des principes auxquels
ils
attribuent précisément ce caractère d'être supérieurs
à l'expérience,
et
de ne pas dériver de
La logique exigerait, ce semble quelque attention à ces
,
que
la sensation.
Hume
eût prêté
listes
de catégories, de no-
que
l'école rationaliste s'est
tions premières et innées,
toujours complu à dresser. C'est vraiment une exécu-
(l)
Tome
IV, Essai
II,
p. 18.
—
—
sommaire, que
tion par trop
Hume,
104
procédé par lequel
le
examen,
sans le moindre
rentrer ces no-
fait
tions fondamentales dans la catégorie des idées déri-
vées, calquées sur des impressions ou combinées par
Le croirait-on
l'imagination.
tendu expérimental,
une seule expérience
n'y a pas
il
directe, pour établir
dans ce système pré-
,
que
les
conceptions de
la raison
peuvent être ramenées à des sensations primitives 1
De
toutes les notions rationnelles, l'idée de Dieu est la
seule que
gnes
,
veuille bien rappeler; et en trois
prétend en faire justice
il
blement l'air
Hume
les difficultés qu'elle
de se douter de
emploie lui-même »
«
sans aborder vérita-
soulève, et sans avoir
portée des expressions qu'il
la
L'idée de Dieu, c'est-à-dire d'un
Dieu infiniment intelligent, sage
» ce
et
bon, dérive de
que nous réfléchissons sur les opérations de notre
» propre espri ))
:
,
li-
mitées ces
t
,
et
de
ce
que nous concevons comme
qualités de sagesse
de bonté
prenne dans l'âme humaine
Que
la raison
pour
ainsi dire,
buts moraux de
et
avec laquelle
elle
la divinité, c'est
liste
s'empressera d'accorder à
que
la
illi-
(1). »
l'étoffe,
façonne les
attri-
ce que tout spiritua-
Hume
;
mais
la
forme
raison donne à ces qualités, l'infinité qu'elle
leur confère, et que lui-même ne leur dispute pas, cil
donc
qui
est l'impression
ou l'ensemble d'impressions
de modèle
ces conceptions métaphysi-
sert
ques? Ne
faut-il
à
pas reconnaître qu'elles expriment
une tendance innée de notre
(1)
T. IV, p. 18.
esprit, qui reçoit sans
— doute de l'expérience
matière de ses pensées
la
qui donne de lui-même
fonds, encore plus qu'il il
—
105
,
fournit
et
de son
n'a reçu, par
la
mais
,
propre
forme dont
revêt ces éléments empiriques ?
Hume
Le second argument de
voudrait être une
contre-épreuve du premier. Après avoir affirmé, sans le
prouver, que les idées ressemblent toutes à des im-
pressions antérieures,
successeurs appellent
Hume, la
joignant à ce que ses
méthode de concordance
vérification nouvelle qui constitue
Hume
rence ,
une
la
,
ce défaut tient à une lacune corres-
pondante dans nos impressions primitives.
Hume
moins.
Un aveugle ne
un sourd imaginer
manquent
infortunés les sens qui leur
cite
Rendez à ces :
en ouvrant
vous créez pour
chacun d'eux une nouvelle source d'idées.
même
du
et
saurait concevoir
le son.
cette nouvelle source d'impressions,
de
Ici,
développe un peu sa pensée,
quelques exemples. la couleur, ni
si le
diffé-
manque
déclare que dans tout esprit où
série d'idées
cette
-^
méthode de
sens
Il
en est
quoique normalement organisé
,
n'a jamais rencontré Tobjet propre à exciter telle telle
sensation
:
du goût
l'idée
du
d'exemples aussi
dans
les
un nègre, un Lapon,
ainsi
vin.
Et
de
frappants
impressions morales
ressenti certaines passions,
incapable,
la
même
quoiqu'il
,
si
n'y
ou
n'a pas ait
pas
semblables lacunes
une âme
si elle
n'a jamais
en est tout à
observation s'applique
monde nouveau des Un homme de mœurs douces
fait
encore
avec quelque justesse à ce
senti-
ments
n'aura
intérieurs.
pas l'idée de
la
cruauté ni d'un ressentiment implaca-
— ble.
Un
l'amitié
ne comprendra pas
égoïste ,
ni les
—
106
douceurs de
la générosité.
Observations très-justes en un sens, cette vivacité d'esprit,
sublime de
le
s'il
s'agit
de
de cette finesse de cœur, qui
seules peuvent saisir toutes les nuances d'une pensée, toutes les délicatesses d'un sentiment!
L'expérience
personnelle est nécessaire
pour donner à certains
mots, qui sont sur
de tous, cette valeur ex-
les lèvres
pressive, cette signification secrète, qu'ils
ne possè-
dent que pour un petit nombre d'âmes. Avant qu'un sentiment se développe en nous,
en faisons
est
vague
l'idée
que nous nous
et incertaine; la réalité seule re-
nouvelle dans leur fraîcheur première ces notions traditionnelles. Mais autre chose est se représenter avec force,
avec toute
la
puissance de l'imagination, une
émotion du cœur, autre chose
est
en avoir
l'idée.
La
conception d'un sentiment, que nous n'éprouvons pas,
que nous n'avons pas éprouvé. Hume nous
la refu-
sera-t-il? Réduisez autant
que vous voudrez son mi-
nimum de
l'idée
représentation
nous n'avons pas
fait
moins dans notre
esprit.
Hume,
il
,
l'expérience
est vrai, pourrait
avons observé chez
nous-mêmes,
les
de ce sentiment dont n'en existe
pas
nous répondre que nous
les autres, sinon
expérimenté en
émotions dont nous avons quelque
idée. Telle est, en effet, l'origine des notions confu-
ses et obscures que
nous
nous n'avons pas
l'épreuve personnelle. Nous l'ac-
fait
laisse tout
cordons volontiers à Hume, qui la peine
sentiment dont
d'ailleurs n'a pas pris
de pousser l'analyse jusque-là. Mais ce qui
— t
vrai de
.>es,
107
—
nos sentiments, et de
de toutes
Fest-il aussi
iiumaine ? Les
faits
rapportés par
produit
,
et
la
plupart de nos
formes de
les
pas une conclusion aussi absolue. passe singulièrement
la
Hume
ne
pensée
justifient
Son affirmation dédes exemples
portée
Les conditions que
Hume
qu'il
monde de
qui sont tous empruntés au
l'expérience.
la
impose avec
raison aux conceptions qui ont leurs racines dans les faits, faut-il
les
étendre aussi aux idées qui passent
généralement pour se développer à priori possible, mais
Hume
?
Cela est
ne prouve aucunement que cela
y a là tout au moins un défaut de méthode à signaler. La démonstration notoirement insuffisante soit.
du
Il
Traité de la Nature humaine n'est
nous
détourner de considérer
pas
l'esprit
faite
pour
comme une
puissance active et indépendante, qui non-seulement
soumet l'expérience à ses
lois,
mais qui encore est
capable de s'élever par elle-même plus haut et plus loin Si
que l'expérience.
Hume
s'était
contenté de dire que pour nous
représenter un objet
dans
les
choses
nous avons besoin de trouver
sensibles
un point d'appui ou
symbole, nous pourrions être d'accord avec
nous paraît
être,
en effet,
la loi
de
l'esprit
que nous sommes incapables de penser, concevons en
même
si
lui.
un
Telle
humain, nous ne
temps, ou une représentation
Imaginative (souvenir d'impression morale, ou image sensible),
ou tout au moins un mot, un signe con-
venu qui tombe sous nos sens ou frappe notre imagination.
—
108
—
Ce dernier point ^ l'intervention du d'ailleurs trop négligé par
Hume.
C'est
signe, a été
une des gran-
des lacunes de sa psychologie que l'omission de toute
étude sur prit qu'un
le
langage. S'obstinant à ne voir dans
ensemble
de phénomènes,
l'es-
il
n'a cher-
de notre pensée avec
le
cerveau,
ni les liens qui l'unissent avec les signes.
Il
a dédai-
ché
ni les rapports
isolé
gné de marcher dans des voies que Locke ley lui avaient cependant ouvertes
engagé avec une imprudence qui
et
où Condillac
;
l'a
mené
foule d'observations utiles.
Il
ou sensible
fait
recueillir
nous semble, quant
à nous, que lorsque l'image, lorsque ral
s'est
trop loin,
mais où une sage psychologie trouverait à
une
Berke-
souvenir mo-
le
entièrement défaut, un mot est
indispensable pour que notre pensée abstraite se dé-
veloppe. Par exemple, je ne puis penser Vinfini sans
que
présentent à
mon
infini
esprit, soit sur le papier
est
il
Si
le
ne se présente pas lui-même, ce seront, du
moins, d'autres signes équivalents fait.
où
une vague apparition mentale.
écrit, soit par
mot
dont ce mot se compose se re-
les trois syllabes
Que chacun
Dieu,
:
s'interroge sur ce point
fermement que tout
effort
:
l'être
par-
nous croyons
de pensée abstraite
,
si
haut
qu'il place
tion
nécessaire d'une représentation sensible, quelle
son objet, est soumis à cette condi-
qu'elle soit d'ailleurs
;
et
que notre
esprit,
pour ainsi
dire, ne peut prendre son vol dans les régions méta-
physiques qu'en restant par une partie de lui-même
appuyé sur
les réalités
empiriques.
Mais autre chose est considérer
la
présence de ces
—
109
—
représentations sensibles (lobjet lui-même, ou le
qui en est le substitut),
comme une des conditions de comme le fait Hume,
la
pensée; autre chose soutenir,
qu
elles constituent à elles seules tous les
Pour nous,
la pensée.
s'aide,
intellectuels,
ne sau-
sans doute, des images, des souve-
mais qui reste distincte de ces conditions
nirs, des mots,
seule représentation matérielle de
mot
sible, c'est le
infini
sation, ni impression
exemple,
Par
supérieure.
leur est
et
sensibles,
en
une puissance interne de pen-
raient s'expliquer sans ser, qui
éléments de
premières, et
les notions
phénomènes
général tous les
mot
qui soit pos-
l'infini
lui-même.
Ici
il
la
n'y a ni sen-
d'aucune sorte, qui nous aide à
concevoir, en tant qu'il est infini,
l'être
que désigne
y a en dehors du mot qui se présente à l'imagination, un acte intellectuel par lequel nous
ce mot. Mais
il
interprétons ce
mot
et
concevons à son occasion
l'at-
tribut divin qu'il exprime.
A quoi Hume
bon
insister d'ailleurs sur
une question que
a éludée et non résolue? Ces notions que Kant
rattache à la constitution native de l'esprit, que d'autres philosophes considèrent
comme
rectes d'essences suprasensibles
admises dans un système où l'esprit est
clamée
rigoureusement niée,
comme
Les idées a
,
les intuitions di-
ne pouvaient être
l'activité
propre
de
et la sensation pro-
l'unique source de nos connaissances.
priori, si elles existent réellement, seraient,
dans l'ordre spéculatif, ce que nos volontés semblent être dans l'ordre pratique
:
des actes absolument
ir-
réductibles de l'esprit, qui surgiraient spontanément
— dans
de nos phénomènes de conscience,
la série
dépendants de tout ce qui
Hume
que
—
110
les
précède.
Il
ne peut leur donner place ni parmi
impressions primitives, qui sont toutes a
parmi
ni
les idées qui
in-
est évident les
posteriori,
dérivent directement des im-
pressions.
dans cette question, toujours controversée
Si
toujours obscure, de la
Hume
priori,
raison et des conceptions a
a évité de s'expliquer,
de
la
n'est
il
guère plus
veut rendre compte
satisfaisant ni plus clair, lorsqu'il
il
et
formation des idées abstraites. Ici, cependant,
pouvait, en un sens, justifier et maintenir son prin-
cipe
que
:
idées résultent des impressions. C'est
les
l'expérience en effet qui fournit la matière avec laquelle l'esprit
encore parer
faut-il
les
notions abstraites. Mais
fabrique les
que
l'esprit existe; qu'il
tuelle seule est capable.
dont une force
Or,
ainsi. L'idée abstraite n'est
nue souvenir
;
Hume
pour
primitive, affaiblie, amincie,
compter
pour sé-
ait
éléments des impressions primitives,
travail intérieur d'attention,
tant de
y
si
morceaux
que
et
de
là
sensation
la
je puis dire,
deve-
d'elle-même en au-
de parties. Sans
qu'elle contenait
qu'il résulterait
seraient vagues,
ne l'entend pas
lui
et enfin se divisant
un
intellec-
que
les idées abstraites
dépourvues de toute vivacité (ce
qui est contraire à l'expérience et ce qu'un
mathéma-
ticien n'admettrait jamais),
il
est impossible
prendre comment
si
délicat
ce travail
qui néglige certaines qualités des
de com-
de l'abstraction,
choses,
pour ne
mettre en lumière que celles qu'il importe d'étudier,
m—
—
pourrait s'accomplir mécaniquement, sans le concours
d'une raison active. Cette nécessité d'une activité rai-
sonnable est
si
évidente qu'elle s'impose à
lorsque, se démentant jusqu'à
même;
lui-même,
un
invoque pour expliquer
il
traites, rinfluence
Hume
lui-
certain point
abs-
les idées
de l'imagination, qui,
comme nous
peut opérer une séparation partout
lavons déjà
dit
où
une différence. N'est-ce pas reconnaître,
elle saisit
,
après lavoir niée, l'existence des facultés et des pouvoirs de l'esprit?
Comment je
d'ailleurs, si l'esprit n'agit pas,
ne dis pas seulement l'abstraction, ou
de
mais aussi ces impressions primitives^ dont
la raison,
Hume
expliquer
les idées
nous
dit qu'il n'y
complexes? Or,
comment
se
si
en a pas deux qui ne soient
elles sont
complexes en
quelles apparaissent
fait-il
réalité,
comme
sim-
ples? Cette simplicité apparente n'exige-t-elle pas déjà l'intervention d'un esprit réelle des la
éléments de
qui
soumette
la
diversité
l'objet à l'unité subjective
de
perception?
Hume n'a pas
ne
s'est
pas préoccupé de ces difficultés.
H
songé à rendre compte de l'origine de ces
impressions primitives qu'il considère
comme
le
point
de départ de toute connaissance. Elles existent par
une sorte de création miraculeuse: voilà tout ce en
sait. C'est là,
vice fondamental
même ,
que
qu'il
au point de vue logique, un les
empiriques 'modernes ont
en général tenu à éviter. L'école contemporaine anglaise, si elle
n'admet pas plus que
originelles, s'efforce
Hume
des facultés
au moins de chercher,
soit
dans
—
112
1
—
rorganisation du cerveau, soit dans l'hérédité, dans les impressions
ces,
accumulées des individus
et des
ra-
dans ce que M. Spencer appelle ïévolutiouy des
raisons qui puissent expliquer la production des phé-
nomènes Si
de
primitifs
Hume
grand
effort
conscience.
même
n'a pas
tions élémentaires
la
^e
tenté d'expliquer les percep-
l'esprit,
a
il
du moins un
fait
pour déterminer l'origine des idées déri-
vées, c'est-à-dire des idées générales; origine dont les lois
de l'association des idées contiennent, d'après
lui, le secret.
Nous touchons
ici
à un des points les
plus importants de la philosophie de
Hume
mais
;
avant d'exposer ses propres idées sur ce sujet, quel-
ques explications générales sont nécessaires pour
comprendre dans
le rôle
l'histoire
de
la
que sa théorie
est appelée à
faire
jouer
psychologie.
II
Une des
plus grosses difficultés que soulève le sen-
sualisme, particulièrement celui de Condillac, l'impossibilité
de transformation, qui d'un élément unique, sation, et
de
fait sortir
la
tiplient
cipe.
tous les
série
de
la
sen-
pensée est alors
de miracles qui renouvellent
sous toutes les formes un seul et
Hume
la
phénomènes du sentiment
pensée. L'histoire
comme une
c'est
de comprendre ce merveilleux pouvoir
et les sensualistes anglais,
et
même
mulprin-
qui se sont
condamnés, eux aussi, à prouver que quelques impressions primitives suffisent à la génération de tou-
tes
nos idées
j
113 -.
du moins
ôiît
suivi
une méthode plus
ingénieuse et en apparence plus satisfaisante. Ce n'est poiht par d'inexplicables métamorphoses de la sensa-
compte de nos pensées
tion qu'ils rendent
sociation des idées
c'est
,
au mélange ou à
nombre d'éléments
naison d'un certain
l'explication
à Dîeti.
se passer
de l'âme
et
de
du monde, quand on écarte
Deux
:
ils
ses faeui-
comme de la
croyance
ce sont précisément celles qu'avaierit
premiers
philosophes
grecs,
se représentaient le monde,' tantôt
comme
rencontrées
quand
in-
solutions seulement s'offrent au choix
des philosophes déjà
combi-
priiuitifs qu'tte
en est de l'explication de l'esprit
il
l'as-
ou sensibles.
Quand on veut tés,
la
à
phénomènes
attribuent la production de tous les tellectuels
c'est
;
les
varié d'un élément unique , qui, dans sesévo-
l'effet
Wiotis perperttielles
comme
tà'tjtôt
,
se prête à toutes les formes;
l'assemblage complexe d'une multitude
de principes qui, s'associant entre eux de mille manières, réalisent l'infinie variété des choses. C'est
même dans
façon
que
l'es
l'esprit tantôt les
sensation
,
sensualistes
de
M:
modernes voient
transformations multiples de la
tantôt les associations diverses
de quelques
impressions élémentaires. L'école anglaise contemporaine s'est ralliée à cette
dernière hypothèse. L'association est devenue pour elle
comme un mot magique
tères
du cœur
tes, les
et
de
l'esprit.
qui éclaire tous les mys-
Les idées
les plus
hau-
conceptions les plus générales, que l'école ra-
tionaliste
considère
comme données
a priori , 8
l'école
—
—
114
expérimentale les explique par l'association des idées.
Les substances ne sont plus alors que des groupes de
phénomènes simultanés
,
associés par l'habitude. Les i
causes et les effets ne sont pas autre chose que des successions invariables de phénomènes, associés en-
core par l'habitude. Et de
même,
les
sentiments les
plus élevés ne sont probablement que des associations d'idées et de sentiments plus simples; mais
expérimentale hésite encore, et malgré récentes de M. Bain sur les émotions
,
ici l'école
les
analyses
elle n'est
pas
arrivée sur ce point à se satisfaire elle-même (i). Il
serait à
Hume
,
faire
remonter à
l'honneur d'avoir provoqué, par ses ré-
seul
flexions
coup sûr exagéré de
les
analyses ingénieuses ou profondes où se
complaît de notre temps la psychologie anglaise. La
comme la faculté humain ou plutôt comme la loi
théorie de l'association, considérée
maîtresse de l'esprit
,
unique des phénomènes de l'âme, ne en un jour. Elle a son histoire;
En
diverses vicissitudes.
son livre sur dérait
les
18210,
progrès de
comme abandonnée,
la
et
s'est
pas fondée
elle est
passée par
Dugald Stewart, dans philosophie, la consi-
en proclamait
« Cette théorie, » disait-il, « est à ))
dans
» joui
l'oubli;
est certain, » dit
logues de
» tioii les
»
chute
:
peu près tombée
éphémère dont
elle
a
en Angleterre a cessé, en grande partie, de
(l) « Il
»
la popularité
la
l'associai ion,
phénomènes de
de succès,
n
M.
Mill, «
que
les- efforts
des psycho-
ayant pour but d'expliquer par l'associala sensibilité, n'oiit
guère été couronnés
Revue des Cours littéraires, sixième année, p. 604.
—
115
—
))
puis la mort de son infatigable apôtre, le docteur
)>
Priestley (1). » Cette théorie, dont
annonçait prématurément
la
Dugald Stewart
ruine, c'est la
même qui,
dès cette époque, prenait, dans les méditations et les écrits
de Thomas Brown
veaux développements,
une école
(2!).
de James Mill, de nou-
et qui devait,
devenir
nées plus tard, toute
et
le
signe
M. Stuart
C'est Hartley qu'il est d'usage,
sidérer
comme
le
amis accep-
Mill et ses
nom nouveau
tent volontiers le
quelques an-
de ralliement de
d'Associationnistes.
en Angleterre, de con-
fondateur de la théorie de l'associa-
tion des idées. Et, à vrai dire, cette théorie lui doit
beaucoup. C'est tinction,
qui a imaginé l'ingénieuse dis-
lui
sans cesse reproduite par M. Stuart Mill,
entre ces associations d'idées, qui ne sont que des mélanges, et ces associations plus intimes, qui
deviennent
de véritables combinaisons, analogues aux combinaisons chimiques. Tantôt l'idée complexe, l'idée d'une rose
,
par exemple
avec un
,
est telle qu'on peut
y retrouver,
peu de réflexion, tous les éléments primitifs
qui la composent
:
certaines idées simples de forme,
de couleur, de parfum; de
poudre bleue
et
même
qu'en mêlant une
une poudre jaune , on obtient une
masse qui, à distance, paraît verte, mais dans
la-
quelle on distingue de près les grains bleus et
les
(1)
Le docteur Priestley avait publié, en 1790, une seconde du livre de Hartley :« r/ieor
c'est
»
nous pensons une idée générale, qu'une tendance
»
nommer un nom... Ce nom
une tendance
» priété
finale...
Il
n'y a en nous, quant
a pour caractère la pro
d'évoquer en nous les images des individus
» d'une classe,
et
de cette classe seulement
(1)... n
(1) M. Taine, De l'Intelligence, 1" volume. Dans cette question des idées générales Hume reconnaît
inspii^ de Berkeley. «
Un
,
s'êti
grand philosophe a affirmé que
toute!
nos idées générales ne sont pas autre chose que des idées
parti-»
un mot qui leur donne une signification plua qui leur permet de rappeler, à l'occasion, d'autres idées
culiôres, unies à
étendue, et
particulières semblables à elle.
»
Tome
I,
p. 33.
Principes de la Connaissance humaine. Introduction.
Voir Berkeley,
— ne sont pas
Enfin, ce
Hume
;it
alion et
125
—
les idées générales
explique l'origine par
de
Et
dans son système,
lui
il
n'y a
aucune
mettre cette nouvelle conclusion
croyance ne sont pour
plus vives
que
:
l'ima-
jugements,
même
paraissent issus de la
LOS
(a
concours de
le
l'association des idées. Les
croyances
seulement
source.
difficulté à
car le jugement et
Hume que
des impressions
les autres. Or, l'imagination peut,
certains cas, assurer
ad-
dans
aux images, qui en elles-mêmes
ne sont que des impressions affaiblies, ce degré supérieur
de vivacité, nécessaire pour déterminer l'affirma-
tion.
Nous étudierons plus au long
et
en détail
ce
nouvel et ingénieux emploi des principes de l'association
idées ; mais, sans anticiper sur ces théories,
des
nous pouvons dès à présent juger
le rôle
que
Hume
attribue à ces principes dans la formation de nos con*
naissances.
Que Hume
qu'ils l'ont fait, la riche variété
sent nos pensées, si
méconnu, autant
el ses disciples aient
c'est ce
des rapports qui unis-
dont on s'étonnera moins,
considère que les philosophes anglais enten-
l'on
dent l'association des idées tout autrement que nous. C'est
une différence de points de vue Pour
saisir.
n*est
les
qu'une
certain ordre,
l'Imagination,
pensée. t
relies
loi
importe de
psychologues français, l'association qui
les
gouverne, qui range dans un
phénomènes de
la
mémoire
et
de
mais qui ne produit directement aucune
Pour Hume,
de
qu'il
l'esprit
,
elle est
une des
ou du moins,
si
ce
facultés essen-
mot répugne à
des théories positivistes, le principe presqtie unique
— de notre développement
donc ne voir dans rapports qui lient
—
126
un souvenir
une image à une autre image écarte de la
Autre chose
intellectuel.
un autre souvenir,
à
un enchaînement
:
est
qu'un ensemble de
l'association
qui
trame de nos pensées toute conception
qui ne s'y rattacherait pas par un lien ou par un autre
autre chose croire que l'association, en éveillant
;
semblables ou contiguës, les groupe
les idées
nieusement, ou
les unit si
intimement,
si
ingé-
qu'elle nous
prendre ces assemblages d'idées pour des idées
fait
nouvelles. L'association des idées n'est plus alors confinée au
seul
rôle
que nous
lui attribuions
ductrice perpétuelle, qui après tre
une autre sur
une puissance
l'esprit
effective, la source
nos idées générales. Sur ce point
devancé
;
ni
Hobbes
ni
l'association autre chose
d'être
une idée en
scène de
la
,
:
fait
de production
Hume
la loi
par
dévie
elle
n'a
guère été
Aristote n'avaient
que
l'intr
vu dans
ru.qui règle le renou
Tellement de nos souvenirs, ou qui ordonne les tions
fi
de notre imagination. Locke, par sa théorie d
)
idées complexes, et Berkeley, par quelques aperçu
semblent seuls avoir préparé les voies aux doctrines
beaucoup plus hardies de
Dans
Hume
de Hartley.
et
l'étude des principes sur lesquels repose l'as-
sociation,
l'école
expérimentale anglaise
s'est
donc
contentée de rechercher les rapports véritablement
ceux qui
d'après
sont capables
de
produire de nouvelles conceptions. Interrogée sur
les
féconds
,
,
elle
,
rapports quels qu'ils soient qui peuvent lier nos sou-
à
I
— airs
,
je crois qu'elle
la multiplicité.
ter le
c'est
nous en accorderait volontiers
qu'elles ,
augmen-
effet, à
ces relations (on ne
objets de nos idées soit enfin
—
Ce qui contribue, en
nombre de
marqué)
127
pas assez re-
l'a
peuvent exister
soit entre les
soit entre les idées elles
mêmes
entre les mots qui les expriment. L'incohé-
rence des idées n'est souvent qu'une liaison superfientre les mots.
cielle
peut suffire d'une syllabe,
Il
pour jeter notre
d'une lettre quelquefois,
pensée
dans une direction nouvelle. Le mot et l'idée sont si
de
intimement unis dans
servie
langage
au
l'esprit
que
mouvement de
l'un entraîne le
pensée
la
le
mouvement
l'autre;
subit
le
et qu'as-
joug
associations fortuites, qui surviennent entre les
des
sym-
boles matériels qu'elle a créés pour se rendre sensible. Et
objets
de
même
l'association peut exister entre les
mêmes que
cisément
notre esprit conçoit
;
ce sont pré-
les liaisons les plus philosophiques.
Quant
à donner une classification exacte de nos principes d'association entre les mots, les objets et les idées
elles-mêmes,
c'est
ce qu'il serait présomptueux de
tenter. Il
ne faut pas oublier, d'ailleurs
,
que
le
progrès et
l'enchaînement de nos pensées tient à d'autres causes qu'à l'association et à
ses principes. Les puissances
actives de l'esprit, soit par la perception, soit par la
réflexion, interviennent
pensées pour en changer tés intellectuelles,
à chaque instant dans nos le
courant. Le jeu des facul-
des sens et de
du raisonnement sont
la
conscience,
l'effort
les causes principales qui
mo.
—
—
128
difient sans cesse la suite
de nos pensées, et qui
nouvellent constamment, pour ainsi dire, nôtre esprit. Et enfin, jest,
sï l'on
le
re-
décor de
voulait épuiser le
sti*
faudrait aussi tenir compte, pôtir expliquer
il
là
succession de nos idées, de l'influence fnystérieasé
que peuvent exercer sur nos pensées le travail physiologique du cerveau
et les modifications qui s'accomplis-
sent d'instant en iùstant dans sa substance. Tous les
psychologues ont remarqué que, dans nos l'éveriès, des idées tious échappe souvent
lé lien
des ponits invisibles
îl
y a
comme
lesquels passe nôtre imagina-
pâ!r
Ces rapports,
tion.
:
n'apparaissent
qtiî
ni
entre les
idées, ni entre les objets, ni entre les mots, doivenÇ être cherchés dans le travail inconscieiit cultes
,
où dans
Mai^ Ruriie
l'action
sonrde
fte l'eiitend
pas ainsi
idées rétnpîace, à ses yeux, tuaîistes attribuent à l'esprit
accordent
rialistes
le?s ,
:
de ùos
du
et tatetifé
1
Fassociâtioti âës
facultés (jue fôs spirt-
les forces
que
au système nerveux.
admettre cependant que
fk
c'ei'veôtti
l'attraction
les maté-
Comment
et l'affinité deé
idées suffisent, par elles seules, à produire les idée^
complexes? Quand Hartley nous représente une idée générale
que
le
comme une
combinaison, analogue à
chimiste détermine, lorsque, par
étincelle électrique,
il
l'effet
celle
d'une
transforme certains volumes
d'hydrogène et d'oxygène en une substance ùouvélte qui n'a aucun rapport avec ses éléments constitutif^, la
comparaison nous semble ingénieuse
;
Mais
ti
demandons précisémeût qù^f est!,
datis l'esprit, le pot
vôif, la fa
cette dernière observation, relative à l'unité
comme dans
les
précédentes, Kant a été de-
vers ne nous donne pas plus divine que l'idée de
,
absolue, de
le spectacle
la certitude
l'infinité et
de
de de
l'uni-
l'unité
la perfection.
deux philosophes
Seu-
cette
grande
que Kant n'entend parler que de
l'unité
y a entre les
il
différence
en
grandeur du
la
toute-puissance
vancé par Hume. Selon Philon,
lement
de
de l'unité du monde à (1).
concept... »
que quelqu'un se
Je ne puis croire
»
tel
la simplicité infinie
effet difficile d'inférer
que Hume, prenant
le
de
mot
la
de Dieu,
qu'il serait
seule expérience, tandis
d'unité dans
un sens plus
modeste, soutient, contre toute vraisemblance, que la
considération des choses physiques favoriserait plu-
tôt
des conclusions polythéistes que
(l)
p.
Kant
,
209,310.
la
croyance à un
Critique de la raison pure, traduction Barni,
tome
II
,
— 340 — seul Dieu.
Ici
évidemment
c'est l'esprit
che sans cesse à
faire
de sophisme
Hume^
qui parle, c'est ce génie tentateur de
qui cher-
échec à son bon sens
qui y réussit quelquefois, mais qu'il désavoue le plus sou-
vent après réflexion. Pour rétablir
la vérité
,
dans cette
question, nous n'avons, en effet, qu'à invoquer le pro-
Hume. Dans son
pre témoignage de
Histoire naturelle
de la religion, après avoir fait allusion à ces philosophes
d'un tour d'esprit particulier qui ne voient pas qu'il soit si
absurde d'imaginer que plusieurs êtres sages
et puissants se sont concertés il
écarte fermement une
puyant précisément sur physique
:
«
pour produire
le
pareille hypothèse,
monde, en s'ap-
caractères de l'univers
les
Dans toute l'étendue du monde,
» dit-il,
«
on ne voit qu un modèle. Tous
les êtres sont
»
tement ajustés
même
» partout. Cette »
l'un à l'autre; le
uniformité nous oblige à reconnaître
un auteur unique
» pies,
:
la
supposition de causes multi-
douées des mêmes attributs
»
mêmes
»
sans contenter l'entendement (1).
Ce que
effets,
Hume
ne
ferait
produisant
et
n'a jamais
»
désavoué, par
et
onzième Essai
à cette vérité
,
loppements,
et sur ce point
le
(1) Ili.Hoire
«
,
Il
a consacré
de longs déve-
nous sommes,
Kant, entièrement de son avis.
pense M. StuartMill,
avec raison,
voie empirique
la
seule, à la conception d'un Dieu infini.
dans
les
qu'embarrasser l'imagination
c'est l'impossibilité d'arriver,
le
exac-
dessein règne
S'il était
vrai,
comme comme
que tout ce qui se rapporte à
naturelle de la religion
,
chap.
"VI.
I
-- 341
—
Dieu est matière d'inférence , et d'inférence a poste-
»
» riori, »
ception de
comme
faudrait rejeter
il
illusoire toute
con-
divine (1).
l'infinité
Mais, après avoir finement analysé les lacunes de la théologie physique,
Hume
ses observations.
n'a pas
Il
n'a pas su tirer profit
voulu reconnaître
clusion qui s'en dégageait naturellement la
je
:
de
con-
la
veux
dire
nécessité de recourir à des principes a priori qui,
que de notre raison
seuls, peuvent expliquer
même
fond
de notre esprit s'échappe de
l'infinité et
la
et
du
conception de
la perfection divines. C'est
a admirablement compris. Si l'on nie, en
ce que Kant effet,
que
la
raison ait par elle-même le pouvoir d'enfanter de paidées,
reilles
il
faut se résigner à cette
absurde que Dieu c'est à cette
scrupule.
que
Il
est
être fini.
Hume
conclusion que
Qui
conséquence le croirait?
se laisse aller sans
déclare, par l'intermédiaire de Cléanthe,
Dieu est parfait,
si
un
il
ne
relative (finitely perfect).
d invoquer Dieu
l'est
comme un
que d'une perfection
faut, dit-il, se contenter
Il
être admirable, excellent,
extrêmement sage, extrêmement grand. Là doit pour
rêter
humain
l'esprit
la
s'ar-
détermination de la
nature divine. Aller plus loin^ c'est s'exposer à des
conséquences contradictoires, à un verbiage dépourvu de sens.
Il
faut avant tout
que Dieu reste pour l'homme
un objet de compréhension (1) (2)
l'idée
M.
Mill
,
Hamilton
,
(2i).
p. 44.
Clarke disait que l'observation du
que d'un être assez sage
Clarke
,
qu'il cite quelquefois.
monde ne nous donne
et assez puissant.
Hume
avait lu
— Sans doute, qu'il la
a
il
Hume
faut savoir gré à
pour maintenir
faits
—
342
conception de Dieu à
la
portée de l'intelligence humaine.
Dialogues sur
la religion naturelle
vent par
finesse
la
de
,
Dans tous ses
remarquables sou-
si
pensée
la
comme
,
par Tam-
noblesse du style, ce que nous aimons le
pleur et
la
mieux,
c'est
encore
la
vigoureuse polémique
dirige contre les théologiens mystiques
en système
qu'il
qui érigent
,
absolue de Dieu, et qui
l'inintelligibilité
l'existence
rejettent
des efforts
suprême dans
je ne sais quelle
région mystérieuse, où, enveloppée de nuages et de impénétrables, elle se dérobe à toute pensée
voiles
humaine. Nous ne connaissons rien, quant à nous, d aussi antireligieux qu'une pareille théorie. C'est, à
coup sûr, de son les
le
respect de Dieu et la conviction profonde
infinité qui
1
inspire à ses partisans. Mais
Epicuriens voulaient détruire
temps, c'est
ils
tiques à outrance des lui, le
humaine, pour
Hume
hommes ,
,
ne
si
j'ose dire,
cimes ardues de
que supprimer
un sens
la
les analogies
primer aussi toute religion, ser
est,
le
en élevant Dieu relègue pas dans
où l'extase seule pourrait
conduire les pas de l'humanité.
les
Il
défenseur convaincu d'une théologie
un isolement inaccessible
gieuse puisse,
mys-
appelle ces
athées sans le savoir.
ainsi dire, qui, tout
bien au-dessus des
douce
religion de leur
n'employaient pas un autre procédé. Aussi
avec quelque raison que
quant à
la
quand
11
veut que l'âme
nature divine.
humaines, ce et
à l'adoration des
que,
si
hommes
l'on ,
reli-
une pente
gravir par
il
Il
pense
serait sup-
veut
lais-
faut con-
— rver à Dieu les
décernés
la piété,
—
343
noms que lui a de tout temps les noms de Bonté, de Puissance,
de Sagesse suprême.
Nous louons donc pleinement
Hume
le zèle
avec lequel
ne cesse de combattre cette théologie qui
de rincompréhensibilité divine toute foi religieuse.
Déméa
fait
premier article de
le
représente imaginairement
ce mystique excessif, dans les Dialogues sur la religion naturelle.
Combien de théologiens
lement dans
la
habituel de M. Stuart
M. Mansel, Mill.
Limites de la pensée religieuse,
dicée les principes
de
M. Mansel refuse à
la
quoiqu'il lui fasse en
tions en
Dans un
où
il
sur les
le
même
la
faculté
de
moindre attribut divin,
temps une
loi
de croire à
Théorie contradictoire, qui, à des spécula-
quelque sorte athées, veut
un
,
et
Ou
allier les bénéfi-
qui nous
être sur la nature duquel
de rien savoir. ,
livre
applique à la théo-
de subordonner toutes nos pensées
existe
contradicteur
le
pensée humaine
ces pratiques de la religion
tions à
On pour-
philosophie de Hamilton,
la
concevoir et de connaître
(1).
représentent réel-
philosophie contemporaine ?
rait, entre autres, citer
Dieu
le
commande
et toutes il
nos ac-
est impossible
bien Dieu n'existe pas, ou,
nous concevons quelque chose de
lui
;
s'il
et c'est,
en définitive, par ce quelque chose que nous
affir-
mons, que nous prouvons son existence. L'incompréhensibilité le
absolue de Dieu n'aurait pas seulement
grave inconvénient pratique de
(l)
M. de Rémusat
,
faire
Philosophie religieuse.
de toute ado-
—
344
—
une cérémonie vide de sens;
ration religieuse
même
nous semble compromettre,
ce sujet,
spéculativeraent,
de l'existence divine.
la certitude
Hume comme sur
C'est ce
elle
que
a le mérite d'avoir compris. Sur tant d'autres,
il
rencontré
s'est
avec M. Mill, qui, dans un chapitre de son livre sur Hamilton la
(1), attaque, lui aussi,
doctrine de M. Mansel
la possibilité
,
avec quelque vivacité
de tous ceux qui nient
et
de concevoir humainement
par quelque côté
la
et
de
saisir
nature divine. Mais cette tendance
excellente qui nous porte à ne pas rejeter Dieu hors
de notre horizon,
nous-mêmes des duire dans
dans
et à chercher
attributs
le
monde ou en
que nous puissions intro-
substance divine, ne doit pas faire ou-
la
blier les droits
de
la raison
si
;
,
d'un côté
,
la
piété
tend, par de perpétuels envahissements, à rapprocher d'elle l'objet
de son adoration, parce que tout amour est
porté à supprimer les distances et à établir peu à peu l'égalité,
cesse
mot,
raison doit, d'autre part, relever sans
notion divine et la tenir à son rang.
la il
la
faut compléter la théologie physique par
sage théologie a
Que
la
théologie a priori,
Hume
théologie
le
une
priori. si elle
seule capable de nous donner divins,
En un
sait;
mais
il
est possible, soit
l'infinité
des attributs
n'admet pas que cette
soit possible. C'est ce qu'il essaie d'établir
en examinant un argument, qui n'est autre que
la
preuve cosmologique, compliquée du raisonnement
(1)
M.
Mill,
HamUton, chap. VIL
— de
Anselme,
saitit
imaginé par
dans
et qui lui paraît le plus
grand
effort
philosophie pour s'élever jusqu'à Dieu
la
voie de
la
—
345
Kant répète souvent que
l'a priori.
la
preuve cosmologique n'est qu'une preuve ontologique déguisée.
S'il
avait cru nécessaire de justifier son affir-
mation autrement que d'une façon abstraite,
pu invoquer l'exemple de
Hume. la
Il
est
,
en
effet,
nature des choses, que
la
preuve cosmologique, qui débute par un appel à
change
l'expérience,
passe à
l'a
coup
à
tout
priori pur. Cette
pensée de Hume.
de caractère,
démarches de
les
est, d'ailleurs,
Il
et
manifeste
se
nécessité
avec une irrésistible évidence dans la
aurait
confusion commise par
la
dans
il
facile
de s'en
rendre compte théoriquement. L'argument cosmologi-
comme
que ne procède plus par analogie, des causes finales.
non, mais une
:
un certain temps,
la
coupe brusquement sortir
preuve
ne se contente pas de dire, ce
Il
qui serait expérimental
tence
la
la
,
qu'il
fois qu'il
série
y a toujours de nous a
fait
l'exis-
remonter,
des causes secondes,
il
chaîne des phénomènes, pour
de cette succession des choses contingentes. La d'un
raison,
coup
dehors de toutes
les
d'aile,
nous transporte alors, en
existences relatives, jusqu'à une
existence transcendantale,
comme
dit
Kant, ou, plus
simplement, jusqu'à une cause première, un être nécessaire.
La preuve cosmologique n'est donc pas con-
forme au type ordinaire des preuves de l'existence de Dieu, puisque sité, est
traire
la
cause, dont elle proclame
précisément conçue
aux
effets qui
comme
la
néces-
radicalement con-
servent de 'point de départ à
— rargumentation. ainsi
Or,
346
—
nous autorise à conclure
qui
qu'une cause existe, non
pas
mais
analogue,
contraire à toute expérience connue? C'est uniquement la
raison, qui
prétend ne se tenir pour satisfaite que
a trouvé un être nécessaire; et c'est cette pré-
si elle
tention de la raison qui est^ au fond, le seul principe
quand on
solide de la preuve ontologique,
de
l'appareil
blée.
le
La preuve cosraologique
choses qui existe. l'être
pédantesque dont
existent,
il
faut
La preuve ontologique
dépouille
la
moyen âge
dit
:
affu-
l'a
y a des
puisqu'il
qu'un être nécessaire dit:
puisque
de
l'idée
nécessaire est conçue, l'être nécessaire est réel.
En apparence,
second argument semble
le
pas de plus que
le
premier
mais, en réalité,
;
La preuve cosmologique, quand
est rien.
un
faire
elle
il
n'en
pose sa
conclusion,
ne s'appuie nullement sur l'expérience,
dont
fait
elle
a
mention dans sa mineure
:
elle
tire
toute sa force de la nécessité rationnelle de croire à
un être premier
et absolu. Et,
de même,
la
preuve
ontologique, quelque effort qu'elle fasse, ne peut aller
au delà de cette
même
loi
rationnelle, qui veut
que
nous admettions, en quelque sorte, sans démonstration, la
l'existence d'un être nécessaire.
même
preuve,
Au
fond, c'est
présentée d'abord sous une .forme
expérimentale, et ensuite sous une forme géométrique.
Ce qui peut contribuer à entretenir simuler
le vrai
l'illusion et
à dis-
caractère de la preuve a contingentia
mundi, c'est que cette preuve
demande une cause du
monde, comme toute raison demande une cause qui existe.
Au
premier abord,
il
semble
qu'il
à ce
y
ait
— encore analogie
—
347
on oublie
:
ne
qu'il
s'agit plus ici
d'une cause semblable à celles que l'expérience nous
montre, et qui ne sont toutes que des effets antérieurs; il
s'agit
d'une cause qui elle-même n'a point de cause.
pourquoi
C'est
une
à nous fournir la
lanalogie est tout à
impuissante
fait
pareille conception
ïa priori seul,
:
preuve ontologique peut compléter
ici l'effort
de
notre dialectique. Reste^ maintenant la question de savoir
de
la
Hume, naturellement, ne
le
point
les prétentions
,
toute preuve a priori, par
raison
si
,
sur ce
sont légitimes.
pense pas,
et
il
écarte
une application rigoureuse
de ses principes philosophiques. L'existence de Dieu, dit-il, est faits
un
fait
nécessaires.
le contraire
(matter of fact)
On ne la
qu'il
quant à nous, qu'en un sens, :
de
;
et
il
n'y a pas
possible.
de nier ce qui est
se retranche derrière son système, et
ne prouve nullement ce
saires
,
définitive, se contente Il
n'y a pas
il
non-existence ne puisse être con-
çue, et ne soit, par conséquent
en question.
or,
implique contradiction
d existence dont
Hume, en
;
peut démontrer que ce dont
avance.
Il
nous semble,
y a des
il
faits
néces-
tous ceux qui sont les conséquences légitimes
d'un principe préalablement admis, les effets naturels
d'une cause connue. Or, dans qui nous occupe,
il
est
la
question particulière
de toute évidence que
la rai-
même, réclame
l'exis-
son, en vertu de sa constitution
tence de quelque chose de nécessaire.
Nous ne disons
pas qu'elle pose immédiatement l'existence de Dieu l'intuition
immédiate de
la
Divinité nous paraît
;
une
— chimère
348
qu'il faut écarter
—
sans hésitation, n'y eût-il
à cela d'autre raison que le témoignage de ceux qui, interrogeant loyalement leur conscience, n'y ont pas
trouvé trace de cette illumination soudaine et spon-
que nous tenons pour
tanée. Mais ce
humaine qui
toute
raison
de
conception
la
dun
certain, c'est
être nécessaire,
soit, d'ailleurs, la nature
que
du monde. Infailliblement,
ainsi
devant toute intelligence développée
question se pose
la
:
choses existent par elles-mêmes, et alors
sité est
étant
dans
les choses,
contingents
être indépendant alternative,
il
la
,
cet être
elle-même, ou un Dieu dis-
tinct
les
que
ne peut se passer
réfléchit
ou bien,
les êtres
ou bieÉ la
néces-
de ce monde
est l'attribut d'un
nécessité
du monde. Et pour résoudre
cette
faut recourir à d'autres considérations,
précisément aux causes finales, qui nous prouvent
que
l'être
nécessaire, étant en
ne peut être
même
monde lui-même.
le
de l'expérience,
ces analogies
les clartés
s'agit
est
il
incontestable
brille,
comme un
seulement de projeter
sur un point ou sur un autre, l'idée de l'être
nécessaire, et
ment de
il
intelligent,
Mais, en dehors de
qu'au fond de toute raison humaine foyer de lumière dont
temps
que
cette idée est le principe, le fonde-
toute philosophie religieuse.
Hume, avec
^
l'incertitude oii
sa perspicacité habituelle, a compris
nous
de
l'être nécessaire.
ne
serait-il
laisse par
elle-même
Pourquoi, dit Cléanthe,
cette idée le
monde
pas cet être? Et, en effet, rien, dans
preuve cosmologique ou dans
la
la
preuve ontologique,
ne nous permet de nous prononcer contre une pareille
Hume
hypothèse.
s'est ici
encore rencontré avec Kant,
qui, dans ses remarques sur la thèse de la quatrième
antinomie, reconnaît que
Fargument cosmologique
«
»
pur ne peut prouver l'existence d'un être nécessaire
))
qu'en laissant indécise
))
être est le
»
rent. »
monde lui-même, ou
s'il
en est
qu'aux yeux de Kant
est vrai
Il
question de savoir
la
tion transcendantale de
si
cet
diffé-
concep-
la
nécessaire excluait toute
l'être
hypothèse naturaliste. Nous avouons ne pas être de cet avis,
nous ne voyons pas que
et
nous obliger à et
un Dieu
nait
que
l'idée
donne aussi et ces
faire
distinct
de
elle
si
Mais
l'être nécessaire.
l'idée d'un être parfait,
ne nous donla raison
nous
d'un être infini,
conceptions excluent toute possibilité de conet,
de l'expérience nous révèlent
l'Intelligence
alliance à
raison pût
un choix entre un monde éternel
du monde,
fondre Dieu et l'univers. Déplus gies
la
divines
;
de l'expérience
et
,
surtout, les analo-
la
Bonté,
grâce à
heureuse
cette
et (}^ la raison
,
Sagesse,
la
nous arrivons
une idée de Dieu aussi complète, aussi satisfaisante
que
l'esprit
humain
La théodicée de elle
est capable
Hume
découronne Dieu, en
nité.
faible
de
offre lui
la
former
1
de grandes lacunes
ôtant l'attribut de
;
l'infi-
Mais, malgré ce défaut capital, nous avons un
pour cette métaphysique sage, timide
même,
qui redoute, avant tout, les écarts aventureux de la
pensée. Si les résultais ne sont pas toujours exacts, la
méthode au moins
est excellente. C'est celle qui a
inspiré la critique de Kant.
Nous n'insisterons pas sur
autres parties delà théodicée de
Hume, sur
les
la distinc-
—
350
—
tion qu'il établit entre les attributs naturels (intelligence) et les attributs
moraux de
la divinité
(bonté, justice),
engage
ni sur la discussion légèrement pessimiste qu'il
à propos des misères de l'humanité, ni
,
enfin
conception d'une Providence générale
,
à laquelle se
,
sur sa
rattachait sa négation décidée de toute espèce de mi-
Nous en avons assez
pour
faire saisir,
dans
son ensemble, cette théodicée raisonnable, cette
reli-
racles.
dit
gion modérée, qu'admirait un Schopenhauer
avancé sur
rien n'est
la
,
où
et
nature divine qui ne puisse
être rigoureusement prouvé. Par les objections qu'il
placées dans
la
bouche du sceptique Philon,
Hume
laissé peu à faire au naturalisme moderne, dont
semble avoir prévu toutes
les objections.
Mais
a pas moins maintenu, malgré toutes les
il
i
i
n'ei
difficultés
qui surgissaient dans son esprit, sa conclusion déiste conclusion très-religieuse, et particulièrement hostil
au panthéisme, dont
les
chimères révoltaient son boi
sens, conclusion très-analogue, enfin, à celles
d'ui
Socrate ou d'un Reid.
Les Dialogues sur d'ailleurs le seul
la
ne sont
religion naturelle
ouvrage dnns lequel
explicitement profession
Hume
il
ait fai
de déisme. Les question!
religieuses l'attiraient et le captivaient. Si
Dialogues,
pai
,
dans
sef
a discuté théoriquement la légitimité dei
raisonnements métaphysiques, dans un autre écrit qu faitsurtout
origines
a recherché
\ei
développement
d\
honneur à son érudition,
historiques
et suivi le
il
sentiment religieux. L'Histoire naturelle de
quoique en maint passage
Hume
y
la
religion^
justifie l'opinion d(
—
IIP de
—
351
d'aimer
ses adversaires qui laccusaient
iix
radoxe,
—
de tous
est peut-être,
le
travaux de notre
les
auteur, le plus remarquable par l'abondance des faits intéressants, des observations fines ou profondes, des
vues pénétrantes ou hardies talent
de premier ordre pour
Hume
(1).
y révèle un
l'histoire critique, celle
qui exige surtout que l'on raisonne et que l'on dis-
proprement
cute.
Pour
sait,
manquait de certaines qualités.
l'histoire
nation qui invente, non qui anime
la sensibilité
celle qui
les
le
avait l'imagi-
Il
voit
mais dans
;
Hume, on
dite.
vivement écrits
de
et
cri-
tique historique, on peut dire qu'il excelle.
Dans son
Hume
fait
Histoire de
religion
,
comme
ailleurs
de l'existence de Dieu une vérité certaine,
dont aucun
homme
de bon sens ne peut douter. Cette
néanmoins,
croyance,
perception immédiate jours de l'humanité.
comme
la
le
,
n'est
pas, à ses yeux, une
contemporaine des premiers
Il
la
considère,
au contraire,
résultat d'opérations compliquées, dont
est difficile
d'analyser le progrès. Pour lui,
pour nous,
la
sion
perception directe de
il
comme
l'infini est l'illu-
respectable de quelques esprits
profondément
religieux, qui, à force de croire à Dieu, s'imaginent qu'ils le
connaissent immédiatement. Elle est, dans
raison des philosophes, ce qu'est l'extase dans
des illuminés. Cette chimère écartée.
Hume
\J Histoire naturelle de la religion parut
en 1757
(i)
temps que
trois autres traités
sur la Hègledugoùt.
Tome
:
Sur
les
IV, p. 419.
Passions, sur
la
la foi
suit pas
,
en nriômc
la Tragédie,
—
352
—
à pas la marche progressive de
la
struction des croyances divines.
Il
raison dans la conétablit
avec force,
avec une grande richesse d'arguments, que théisme a été et a dû être
hommes. Soutenir que un
les
la
hommes
seul Dieu, alors qu'à des
poly-
le
première religion des primitifs ont cru à
époques plus rappro-
chées de nous on les trouve encore en proie aux superstitions polythéistes, ce serait dire « qu'on a con» struit des palais »
avant de bâtir des huttes
et fait
delà géométrie avant de pratiquer l'agriculture (1).
Dira-t-on que les l'instinct qui
hommes
Hume se
cause unique
la
répond à merveille que,
dans cette recherche des causes intelligente naissante
à bon compte, et
de quelques degrés leur ignorance.
ler
âmes,
et
ciel
même l'unité
Il
était
donc
polythéisme régnât d'abord sur
que l'humanité commençante
les
dans
installât
une peuplade de dieux. D'autant plus qu'à
époque
cette
une
et des principes,
satisfait
des peuples enfants de recu-
qu'il suffit à la curiosité
naturel que le
»
ont tout de suite obéi à
nous pousse à chercher
de toutes choses?
le
,
et
;
l'homme, préoccupé avant
de ses
affaires
,
du monde que de
tout
de
lui-
devait être frappé moins de la multiplicité
de ses propres
désirs et de ses propres besoins, de l'agitation de sa
vie, des innombrables hasards qui en
troublaient le
cours. Seule la contemplation scientifique nous l'idée
(1)
de l'ordre, de
Tome IV,
p.
de
la
na-
polythéisme a été
la
pre-
la sérénité universelle
420, sect.
mière religion de l'humanité.
I.
Que
le
donne
—
—
353
lure; et l'humanité naissante n'avait pas le loisir s'y livrer. C'est
avec
même pénétration,
la
et
de
avec une
Hume
grande abondance de détails piquants, que
nous expose quelques-unes des conséquences du polythéisme
d'une part, l'intolérance aveugle et cruelle
:
qui frappait un Socrate, qui combattait tout effort pour épurer, pour relever la religion
rance bizarre qui supportait les
plaisanteries
plus
les
d autre part,
;
la tolé-
qui acceptait
les impiétés,
vives dirigées contre les
dieux de FOlympe, qui applaudissait enfin aux comédies d'Aristophane. C'est qu'Aristophane, en peignant les vices
des dieux
avec leurs
ne
,
rituel païen.
que
faisait
dans
traits officiels, et
La psychologie humaine se
le ciel d'alors
représenter
les
la vérité
même du dans
reflétait
avec toutes ses passions, et
l'on voyait
des prêtres ordonner pieusement qu'on représentât plusieurs fois de suite la comédie d'Amphitryon, afin d'être agréable à Jupiter vieilli,
amours C'est
en
lui
rappelant ses
de jeunesse.
et ses succès
avec beaucoup moins de justesse que
Hume
du théisme
para-
analyse les origines
:
ici
l'esprit
doxal reparaît. Quoiqu'il en reconnaisse l'antiquité,
ne veut pas admettre que seurs aient pu, par
les
il
philosophes et les pen-
un élan de
leur raison
ou par un
progrès de réflexion, découvrir d'assez bonne heure le
Dieu unique et
infini.
Il
à sa théorie de l'habitude tes le résultat
une nation
il
recours encore une fois fait
des croyances théis-
d'un instinct machinal qui
siblement développé »
;
a
:
idolâtre,
« Il
peut arriver,
que parmi
s'est
insen-
» dit-il, «
chez
les divinités qu'elle
23
—
une pour en
» adore, elle en choisisse
Que ce dieu
» d'un culte privilégié. » considéré »
comme
comme
ou
» porte;
—
354
faire l'objet
particulier soit
protecteur national du
le
pays
maître souverain des cieux, peu im-
le
dans tous les cas, les dévots qui le révèrent
moyens
» s'efforceront, par tous les
possibles, de s'in-
))
sinuer dans sa faveur. Supposant qu'il prend plaisir,
))
comme eux-mêmes,
»
aura pas de louange, quelque exagérée qu'elle
))
qu'ils
ne croient devoir
» les craintes
et les
les
))
grandes
»
ancêtres dans
fidèles
adresser.
lui
A
mesure que
plus
l'homme qui aura dépassé ses
flatteries, et
l'art d'enfler les titres
de
la
divinité
sera lui-même dépassé à son tour par les générations nouvelles, qui
))
des
»
que se comporteront
»
dans leurs prières,
»
Tout sera bien,
épithètes
» avoir voulu
ne manqueront pas d'imaginer
pompeuses encore.
plus
hommes, jusqu'àce qu'enfin,
les ils
s'ils
C'est ainsi
invoquent
l'infini
lui-même
s'en tiennent là, et si,
» simplicité absolue,
ils
»
gence de Dieu
»
ment sur
en détruisant ainsi
lequel puisse être établi
» d'un Etre parfait. Créateur
» et
de
par hasard la
avec
fonde-
un culte raison-
du monde,
les
l'intelli-
le seul
» nable. Tant qu'ils savent se contenter
trent
pour
ne s'exposent pas à tomber
dans d'inexplicables mystères, en niant et
!
plus loin et se représenter une
aller
»
»
n'y
soit,
misères humaines s'accroîtront,
))
»
il
inventeront de nouvelles et de
»
))
à l'éloge et à la flatterie,
de
ils
la
notion
se rencon-
principes de
la
raisoi
vraie philosophie, quoiqu'ils aient été con-
duits à cette conception,
non par
la
raison, maiî
—
—
355
»
par l'adulatioa et par les
»
plus vulgaire superstition (1)... »
La métaphysique ne outrée
î
psychologiques de
immédiats
pes
serait
Paradoxe ingénieux,
une part de
tient
et qui,
Hume
flatterie
expliquent, non
les théories les princi-
progrès réfléchis de
les
la
en un sens, con-
De même que
gence, mais seulement
l'intelli-
développement machinal
le
de notre âme; de
même
venons de
peut rendre
citer
donc qu'une
vérité.
ou
de
frayeurs vaines
l'explication bizarre
compte,
que nous de
sinon
la
croyance fondamentale à Dieu, au moins de ce travail
de transformation qui, dans gion,
fait
le sein
même
reli-
passer une divinité inférieure à un rang de
plus en plus élevé, et peu à peu tout à côté
De
d'une
du Dieu suprême
en vient à l'asseoir
!
Hume
toutes les parties de la philosophie de
et
dans l'ensemble de ses ouvrages, ce que nous serions
de préférer
tentés
et
de mettre
ce qu'il a pensé et écrit sur
Sur ce points
il
rante, qui se défie
un peu de
vons pas besoin de redire,
se
foi
à
la
Il
fait.
d'ailleurs, qu'en
Nous
n'a-
maintenant
Hume
intelligent,
contradiction avec ses propres
princi-
n'y a, selon nous, d'autres preuves solides
l'existence de Dieu
que
cipe de causalité, et
(l)
Religion.
métaphysique, mais
un Être suprême, à un Dieu
mettait en
pes.
la
a professé une philosophie sage, tolé-
qui ne voudrait pas la supprimer tout à
sa
de tout
au-dessus
le reste, c'est
Tome
celles qui reposent sur le prin-
Hume
IV, p. 447, 448.
de
nie ce
principe.
Y
eût-il
— d'autres preuves
,
356
elles seraient
tradiction avec le système
de
soleil
— encore plus en con-
de Hume. Quand un rayon
pénètre jusqu'à nous, dans l'obscurité d'une
chambre de tous
côtés fermée au jour, nous
remon-
tons, par induction, jusqu'au soleil d'où part ce rayon.
De même, du fond de
notre
monde
terrestre, la
pen-
sée humaine s'élève, des effets qu'elle contemple, jusqu'à
la
cause qu'elle ne peut saisir directement. Tout
raisonnement de ce genre
est interdit à la philosophie
empirique. Elle ne saurait croire à Dieu que par une pieuse pas
le
inconséquence droit de
;
à plus forte raison, elle n'a
nous parler de
l'infinité,
pouvons nous étonner assez que Hume,
cemment, M.
et
et
,
nous ne plus ré-
Mill, persistent à conserver ces
mots
dans leur vocabulaire. Quand nous parlons de bonté, d'intelligence infinie,
nous n'avons sans
de CCS objets une idée adéquate néanmoins, car
c'est la loi
nous
;
commune de
gence, et nous n'avons pas non plus,
une idée adéquate des choses
le
notre intelliplus souvent,
représente
nous pensons au rivage, nous imaginons vagues, et
pensons
Lorsque, par
finies.
exemple, notre imagination se
doute pas les
les
la
mer,
premières
nous faisons aussitôt une enjambée jusqu'à
l'autre rive.
Il
en est de
même
de
l'idée
de Dieu,
sauf qu'ici nous croyons qu'il n'y a pas d'autre rive, et
que l'immensité de Dieu
n'a pas
de
limites. N'est-il
pas évident qu'une pareille conception dérive raison et qu'elle
est
l'expression
supérieure à l'expérience
d'une
de
la
tendance
?
Mais ne reprochons pas aux empiriques des contra-
— dictions qui tournent
au
—
357
profit
de leurs croyances^,
qui attestent l'élévation de leurs âmes, en qu'elles rendent
même
un nouveau témoignage de
tude de l'existence de Dieu. Toute s'oppose à l'existence divine piriques y croient encore
î
;
et
la
et
temps
la certi-
logique empirique
cependant,
les
em-
Quelle confirmation meil-
leure pourrions-nous désirer de cette tendance naturelle qui
pousse
les
hommes
à croire à Dieu ?
CHAPITRE
X,
LES PASSIONS.
Hume
n'a pas accordé
aux passions moins
tion qu'aux phénomènes de
pements
qu'il
leur
a
d'atten-
pensée. Les dévelop-
la
réservés dans le Imité de la
Nature humaine sont matériellement presque aussi considérables que les longues et minutieuses études conà l'intelligence
sacrées
qu'ils aient la
même
(1).
valeur et
la
ques pages nous suffiront pour
faut
s'en
Il
même
les
cependant
portée. Quel-
résumer,
et
pour
au milieu de descriptions ingénieuses qui ne
saisir,
dépareraient pas les écrits d'un Labruyère, un essai
de
classification et d'explication des
sibles
oii
5
phénomènes sen-
se retrouve la pénétration de notre auteur,
mais qui ne saurait prétendre à constituer définitive-
ment
la
psychologie des sentiments (%).
La pauvreté relative des réflexions de ce sujet tient d'ailleurs à plusieurs causes
(1)
ron
,
Voir Traité de
tome
II
,
la
Nature humaine,
liv.
II
:
:
Hume
sur
et d'abord,
200 pages envi-
p. 3.
(2) Hume a recueilli lui-même le meilleur de ses pensées dans un cent assez court intitulé Dissertation sur les passions, et publié en 1757 tome IV, p. 189. :
,
—
I
l'insuffisance
-
359
de sa méthode. Malgré
rapports
les
manifestes de l'organisme et des émotions sensibles
Hume E
se maintient encore
dans
ici
jde l'observation psychologique.
es lumières
i
que
la
Il
les strictes limites
écarte de parti pris
physiologie eût répandues sur ses
echerches; et ce vice de méthode est d'autant plus re-
marquable chez Hume^
le
physique
dont
il
et le
qu'il
avouait lui-même qu'entre
moral existe une étroite dépendance,
n'a pas eu
cependant souci de déterminer
la
nature. Des deux séries d'impressions sensibles qu'il distingue, les unes primitives, les autres secondaires et dérivées,
il
déclare que les premières
))
de causes physiques
))
men de
;
mais
,
«
dépendent
» ajoute-t-il
,
« l'exa-
ces impressions et de leurs causes m'en-
de
mon
dans des études
»
traînerait, trop loin
))
d'anatomie et de philosophie naturelle
sujet
,
(1). »
Et
il
passe outre, laissant de côté ces impressions primiti-
ves et instinctives, dont les principes se cachent dans les
profondeurs de notre être, pour n'étudier que les
impressions
«
de réflexion.
»
Il
est impossible
de vio-
du déterminisme
ler plus
ouvertement
tifique,
qui ne saurait admettre que l'on se restreigne
à l'étude superficielle daires Si
,
les règles
scien-
de quelques phénomènes secon-
sans en scruter l'origine et le point de départ.
Hume
son sujet
,
est resté
en quelque sorte à
ce n'est pas seulement le
gnance habituelle à entrer dans
le
fait
la surface
de
de sa répu-
domaine de
la
physiologie; c'est aussi que, considérant toujours la
(l)
Hume, tome
II
,
p. 4.
— comme
d'association
loi
nes psychologiques, faire
360
unique des phénomè-
la loi
pu, malgré ses
n'a
il
— efforts,
pénétrer bien avant un système d'analyse qui
rend compte tout au plus de l'ordre de développe-
ment des passions, mais qui duction ni
la diversité.
l'intelligence, recèle
La
n'en explique ni
sensibilité,
la
pro-
non moins que
un fonds d'énergies naturelles
et
de principes irréductibles que ne saurait entamer, malgré
en
qu'il
les présenter
l'empirisme excessif qui voudrait
ait,
comme
les
transformations d'un élément
unique. Ces tendances innées et diverses
mieux aimé
les ignorer,
que s'exposer, en
vant, à compromettre sa théorie générale
de méthode
,
trop familier
aux
qui omettent volontiers les
faiseurs
a
les obser-
sophisme
:
de systèmes,
recherches
sentent pour leurs préjugés une
Hume
oii
ils
contradiction
preset
un
échec.
Qu'avec ces procédés incomplets et systématiques
Hume
que d'assez médiocres
n'ait atteint
résultats,
il
n'y a pas lieu de s'en étonner, particulièrement dans
une question aussi compliquée n'est pas le seul, la
parmi
les
et
aussi délicate.
Il
philosophes, chez lequel
psychologie des sentiments soit notablement infé-
rieure à la psychologie des idées.
contemporaine
humain
,
,
si
fière
de ses analyses de
avoue modestement elle-même
longtemps encore
tre tous les
est
il
en sera
le
plus complexe.
la sensibi-
ainsi. C'est qu'en-
phénomènes psychologiques,
de beaucoup
l'esprit
qu'elle n'est
pas arrivée à se satisfaire dans l'étude de lité; et
anglaise
L'école
le
Toute
sentiment la
nature
— humaine, physique
—
361
morale, concourt à
et
pro-
le
duire.
Toutes les facultés de l'âme conspirent à en
former
les
en
éléments. L'amitié, l'amour, que sont-ils,
sinon un ensemble de phénomènes, parmi
effet,
compter
faut
outre
lesquels
il
cause
la
présence de l'objet aimé
série
d'idées joyeuses
,
même
cette
pensée? Et
quel qu'il soit, la ,
que suggère
les volontés
et
la
qu'excite
plaisir, qui est l'élément
si le
de ce tout complexe
essentiel
,
ou tendres
pensée de ce qu'on aime,
que
plaisir spécial
le
et
hétérogène
,
se tra-
duit dans l'intelligence, selon son caractère propre,
par
tel
ou
mouvement
tel
d'idées, l'intelligence, à
son tour, par ses conceptions, réagit en mille façons sur les
le plaisir primitif, et
nuances
si
ner, par suite
variées
du sentiment. Comment
qu'il soit difficile
,
ment d'analyser des physiques, un
contribue à multiplier encore
si
s'éton-
de classer ou seule-
où, sans parler des causes
faits
grand nombre d'éléments moraux se
mêlent et s'entrecroisent? Combien sont plus simples les
phénomènes
même un effet,
raisonnement!
même
faits,
nature
idée,
un jugement,
raisonner suppose,
Si
une succession de
sont tous de
une
intellectuels,
:
ces faits,
c'est
simple dont toutes les molécules
en
du moins,
comme un
corps
sont semblables.
Aimer, au contraire, ou haïr, comprennent une série d'états
intellectuels,
affectifs,
volontaires,
qui,
agissant et réagissant les uns sur les autres, produisent
une
infinité
fier et
Mais
d'émotions
,
que viennent encore modi-
varier les causes physiologiques. c'est assez insister
sur les difficultés du sujet.
—
362
—
Voyons maintenant jusqu'à quel point Hume
les
a
résolues Il
s'occupe d'abord de classer les
phénomènes
qu'il
essaiera ensuite d'analyser. L'âme^ pour lui, se réduit,
on s'en souvient, à des impressions
des idées. Les
et à
idées constituent ce que la philosophie du sens
mun
appelle les facultés intellectuelles.
Quant aux
impressions, elles se divisent en deux classes impressions de sensation
,
a
qui
com1° les
:
se développent dans
»
l'âme sous l'influence de l'organisation physique,
»
par
»
des organes des sens aux objets extérieurs
l'effet
des esprits animaux, ou par l'application
impressions de réflexion
des
la
distinction classique des
sentiments
les
:
proviennent immédiatement du corps qui supposent pression
comme
» %^ les
issues des impressions primi-
,
peu près
C'est à
tives.
sensations et
;
premières, qui ;
autres,
les
antécédent nécessaire une im-
antérieure, ou une représentation intellec-
tuelle.
De
ces
deux catégories d'impressions. Hume, comme
nous l'avons déjà dit, néglige complètement mière
;
et nulle part ne se montre
la
pre-
mieux l'impuissance
d'un système qui, arbitrairement, arrête et interrompt
où
il
l'enchaînement des phénomènes, et
plaît
lui
coupe cours tout d'un coup à l'explication des élémentaires de l'âme
:
« Il est
certain, » dit-il, «
dans ses perceptions
doit
faits
que
commencer
»
l'esprit
»
quelque part
»
toujours les idéqs qui leur correspondent,
))
avoir quelques iàipressions qui font leur apparition
,
;
et
puisque
les
,
impressions précèdent il
doit
y
—
363
—
dans l'âme sans aucun antécédent (1).
»
^^^vent moqué des
spiritualistes qui
,
»
On
s'est
à bout d'expli-
^ffions, invoquent, pour rendre compte des phénones,
comme un Deus
trgie
secrète
ex machina
à laquelle
,
,
une
attribuent tout ce qu'il
ils
leur a été impossible
de déterminer dans
mais, sans rentrer
dans
que
rer
les
ici
le
une
force,
débat,
les
faits
;
ne considé-
et à
apparences, ne voit-on pas combien est
Hume
plus étrange le procédé de
,
qui admet
au
,
début des phénomènes psychologiques, un commen-
cement inexpliqué, une sorte de création ex nihilo? Les impressions dérivées ou de réflexion sont donc les
seules que
Hume
mine toute une
étudie. Mais
ici
encore,
il
classe de sentiments. Les impressions
dérivées, en effet, sont ou calmes ou violentes.
première forme
Hume
passions proprement dites (3)
(l)
Hume tome
(-2)
Voir, plus loin, cliap. XIII.
(3)
Rcid critique avec raison l'abus que
,
II
passion. «Il l'applique vol.
,
p.
:
et ce
haine,
p. 4.
,
,
» dit-il, «
La volonté
94.
qu'une passion
la
les
l'orgueil et l'humilité. Et enfin,
la tristesse et la joie,
6"
l'amour et
:
:
idées sur ce
seconde catégorie se rangent
la
la
dans quelques
faut chercher ses
Essais détachés, qu'il
Dans
ailleurs,
c'est
;
A
du beau
appartient le sentiment
n'en parle pas
sujet (%).
éli-
que
,
en
Hume
a
fait
du mot
k tous les principes d'action, » effet
,
pour
Hume
,
n'est guère
les moralistes appellent la raison (dans
son sens pratique) n'est encore que l'ensemble de nos passions les plus calmes.
théories de tés actives.
Reid n'a
Hume
d'ailleurs accordé
aucune attention aux
sur les passions. Voir l'Essai III sur les Facul-
—
^
—
364
ces passions elles-mêmes, les plus violentes de nos
émotions,
sont tantôt directes,
tantôt
Les
indirectes.
unes dérivent immédiatement du bien et du mal, du
ou de
plaisir
peine. « Ce sont le désir, laversion,
la
»
la tristesse, la
»
espoir, la sécurité. »
joindre
joie, l'espérance,
volonté (1).
la
A «
mes
»
qualités, » c'est-à-dire qu'elles
principes, mais paf
sont:
mal
le
,
l'adjonction de nouvelles
))
l'amour,
»
malveillance. »
dans
conçue,
tesse.
la
comme
la
intellectuelle,
(1)
simile
C'est dans la 3® partie
que
Hume
pas
comme un
même,
immédiat du
même
plaisir et
de
renferme
est tout à la
livre II (of the will
complètement aux passions efifet
même temps
probabilité que le
s'explique sur la volonté.
directes sont dans le »
du
la jus-
'passions
les
sensibilité, la
bien désiré arrivera. L'amour, de
sions)
admettre
l'espérance, nous
L'espérance, en
une émotion de
une conception
Hume
que
telle
compliquées que
aussi
comme l'amour.
qu'elle est
vanité,
la
soit cette dernière dis-
est assez difficile d'en
il
tout
indirectes,
l'ambition,
théorie des passions
Les passions directes,
paraissent
le
haine, la pitié, l'envie, la générosité, la
la
Quelque fondamentale que
l'a
ont pour principe
mais indirectement. Et ces passions
«l'orgueil, l'humilité,
tinction,
dés-
Les autres dérivent des mê-
»
bien et
la crainte, le
énumération on peut
cette
A
:
la
and
direct pas-
vrai dire,
mais
il
il
ne
l'as-
considère
la
peine et les passions ;
cas. Il la définit d'ailleurs
:
«
L'im-
pression intérieure que nous sentons et dont nous avons con-
donnons sciemment naissance à un nou-
»
science, lorsque nous
»
veau mouvement de notre corps
»
de notre esprit.
»
Tome
,
ou à une nouvelle perception
II, p. 148.
I
de
fois l'idée
365
-
personne aimée,
la
la
représentation des
mouve-
qualités pcoir lesquelles nous l'aimons, et le
ment de cœur qui en
est la suite.
Sous ce rapport
donc, au point de vue du degré de complexité dans le
on ne voit pas en quoi diffèrent l'une
sentiment,
de l'autre par
deux catégories de passions distinguées
les
Hume. Bien
plus,
y a quelque différence,
s'il
si
quelques-unes de nos émotions paraissent plus complexes que les autres, ce sont précisément celles que
Hume effet,
appelle passions directes.
que
la tristesse et la joie,
et le désespoir,
l'amour
A
et la
sont
en
ou encore l'espérance
des passions plus simples que
défaut de valeur réelle,
la
Hume
division de
a
Le bien
précis dans son système.
mal, qui sont les principes de toute passion, peu-
vent être considérés de diverses manières:
en eux-mêmes, directes
certain
;
la crainte,
gueil
l'idée
1
;
;
le désir, l'aver-
l'idée
d'un bien ou
non
la
les per-
autres.
:
l'or-
simple considération du bien,
des qualités que nous possédons
même
fondé de
abord
d'un mal incertain
et alors naissent les passions indirectes
;
par les
passions
les
— ou bien dans leur rapport avec
;
qu'excite,
,
mais
se produisent
supposent simplement
d'un mal
sonnes
et alors
— ou bien
l'espérance, qui est le résultat d'un bien in-
:
sion, qui
près
croire,
haine, dont elles sont les effets ?
du moins un sens et le
Comment
;
l'amour,
sur la notion des qualités possédées Distinction
séduisante
au premier
mais combien précaire, Car
qu'il soit,
il
n'y a pas
qui
si l'on y regarde de de sentiment, quelque simple
n'implique
un rapport entre
l'objet
— 366 — aimé
nous-mêmes. Le bien en
et
soi, le
mal en soi,
sont des mots vides de sens, des absolus imaginaires,
quand
il
de
s'agit
sensibilité, oii tout est relatif. L'es-
pérance, par exemple, pourrait-elle s'expliquer,
bien
incertain
si
entrevoit était considéré
qu'elle
le
en
dehors de tout rapport avec nous-mêmes ou avec
ceux que nous aimons
Hume
?
a donc échoué dans sa tentative de
cation des phénomènes
classifi-
sensibles. Véritablement, cette
encore possible qu'au point de vue
classification n'est
objectif, c'est-à-dire par la détermination des catégories
que nos inclinations
d'objets
poursuivent.
Au
point de vue subjectif, trop d'obscurités entravent en-
core
la
marche du philosophe, pour
qu'il soit possible
d'espérer un résultat solide et définitif. Si l'on consi-
dère l'origine des phénomènes sensibles, on rencontre aussitôt les difficultés
de l'âme
que soulèvent
du corps. Sans doute, on
et
distinguer le sentiment de la sensation
exemple, que sort
de
l'idée,
aussitôt,
;
rapports
a le droit de
de dire, par
sentiment est une émotion morale qui
pour
replonger et s'y perdre presque
s'y
jetée qu'elle
l'objet senti
plaisir
le
les
et la suite
développe
;
est
entre la
conception
de pensées agréables que
tandis que
la
de e l
sensation est un
émotion physique, qui, issue d'un mouvement organique, produit aussitôt d'autres
ques. Mais cependant, sensation, n'est
ni
\
mouvements organi
l'âme n'est absente de
pour grossière qu'elle soit,
ni
le
la
corps
absolument étranger au sentiment, à quelque
degré de raffinement
qu'il s'élève.
Et
si, laissant
de
ié
—
367
question d'origine, on considère
la
isèque des phénomènes sensibles,
la
nature in-
difficulté
la
classer apparaît plus grande encore.
Il
de
ne sert de
n de dire, en effet, qu'ils sont tous des modifica-
tions d'un
même
qui se retrouve
comme élément
essentiel
au fond de tout sentiment,
et qui est l'im-
fait,
pression de plaisir ou de peine. La métaphysique peut
avoir
raison
d'avancer que
persévérer dans et
que
l'être est le
même
développement de
moins vrai que cette
une multitude
l'être
à
principe de la sensibilité;
accompagne toute extension de notre
le plaisir
existence, de la tout
tendance de
la
façon que la conscience suit
pensée. Mais
la
il
unique domine
loi
de phénomènes
n'en est pas
et
comprend
que, combiné avec
;
d'autres éléments, placé dans des conditions diverses, le plaisir primitif se
un très-grand s'agirait
transforme, de façon à produire
nombre d'émotions
distinctes
qu'il
,
précisément de distribuer en catégories.
Mais une pareille classification supposerait achevée des phénomènes
l'analyse
Hume,
aperçus remarquables.
meuré bien en deçà du
ici
cœur de
vérifier l'exactitude
semblables chaîne
,
,
Hume
est
de-
s'associent;
a eu surtout
de quelques
peuvent se résumer ainsi
rales, qui
encore,
but.
Dans son analyse des passions à
Or, malgré des
affectifs.
elles
:
1^
forment
lois
géné-
Les passions
comme une
dont on ne peut remuer un anneau sans que
les autres
ne s'ébranlent.
«
Le chagrin que nous cause
))
un dessein manqué produit
»
traîne l'envie à sa suite; l'envie fait naître la haine,
la
colère;
la
colère
— » et
haine reproduit
la
— De même, une
chagrin.
le
change naturellement en amour,
» joie excessive se
en générosité, en
»
368
courage,
deux
2^ Lorsqu'il y a entre
en
objets
orgueil
»
(1).
ou deux idées un
rapport (de contiguïté, de causalité ou de ressemblance), les passions qui dérivent de chacun de ce
un
objets, quoiqu'elles ne se ressemblent pas, ont
tendance à s'associer, mêler,
soit
que (2). En
en se succédant sans
soit
s
en se fondant dans une passion uni d'autres termes
,
ce qui détermine
la
pro
duction des sentiments, c'est, ou bien l'associatio
émotions
directe des
,
d'après le
rapport
seul
qu
puisse exister entre elles, le rapport de ressemblance
ou bien
1
association des idées qui donnent naissanc
qu'enfin, toute trace de joie effacée, elle se trans-
»
forme
»
lange (1)...
la
probabilité
crainte
parce que bable;
du mal,
et
Augmentez en-
par suite
la peine, et
dominera de plus en plus, jusqu'à ce
une
en
le
la teindre sensi-
la crainte.
»
douleur
Un peu
complète
plus de
et
sans
peine que de joie,
mal redouté, quoique incertain,
voilà
donc
la définition
crainte n'est pas seulement
mé-
de
la
est pro-
crainte.
Et
la
un mot, imaginé pour dé-
signer une succession d'états de tristesse en plus grand
nombre, entrecoupée de quelques moments joyeux, en présence du mal qui menace: Non,
la
crainte est
bien un sentiment particulier, spécial, composé de sentiments élémentaires, qui se sont mêlés et confondus jusqu'à former
(l)
Tome
un tout
distinct et
nouveau. Les
II, p. 199.
24
lois
de
— qu
Fassociation veulent
que
les
—
370
il
sentiments simples
en ,
soit ainsi toutes les fois
qui entrent dans
la
com-
position d'un sentiment complexe, ont pour principe
même
un
objet, considéré successivement sous différents
aspects. Lorsque la joie et la tristesse, se succédant
dans l'âme, ont, au contraire
un
objet différent,
cient.
,
pour cause
homme
n'est pas possible qu'elles s'asso-
il
et tristesse les
de
affligé
naissance d'un
la
chacune
Le rapport des idées peut seul servir de fonde-
ment à une combinaison de passions un
,
,
différentes. Ainsi
perte d'un procès, et réjoui de
la
ressentira successivement joie
fils,
sans que ces deux émotions s'unissent,
événements qui
les excitent n'ayant entre
eux au-
cun rapport. Mais un père, qui prévoit que son va mourir, considérant tour à tour de
et la possibilité
guérison
la
,
gravité
la
fils
du mal
verra sa douleur tra-
versée de quelques lueurs de joie; et ces deux séries d'impressions, ayant pour origine
cette analyse
intéressantes.
bien ou
nos espérances tions
soit la ,
était
il
fait
s'il
en général
,
la probabilité
du
source de nos craintes ou de
remarquer que ces deux émo-
exemple, un mal qui
n'est
est terrible, excite la crainte, tout
probable
:
ici la
défaut de probabilité.
un
,
peuvent naître dans des circonstances un peu
différentes. Par ble,
:
Quoique
du mal
cause, se
même effet la crainte. Hume a joint quelques observations
confondront dans un
A
même
la
mal impossible
doute, mais au
que possi-
comme
grandeur du mal compense
Hume
va jusqu'à dire que
peut inspirer
moment où nous
le
la
s'il
le
même
peur. Oui sans
craignons, notre
—
-
371
imagination frappée nous le représente comme possible,
quoique notre raison nous dise
remarque, la
ne
qu'il
pas. Autre
qu'un mal qui est certain, mais dont
c'est
nature est inconnue, produit non
la
douleur, mais
par exemple, l'émotion d'une mère qui
la crainte;
apprend qu'elle a perdu son
comment
l'est
il
A
est mort.
Hume
langage que
fils
,
vrai dire
,
conserve
ici
mais qui ignore c'est
le
mot de
L'émotion qu'une mère éprouverait en
ressembler à
la crainte
:
crainte.
pareil cas peut
tous les sentiments agités et
désordonnés se ressemblent peler de ce
par abus de
;
nom. Hume n'en
mais a pas
ne saurait
elle
s'ap-
moins raison d'ob-
server que les émotions qui dépendent de quelque incertitude d'esprit ont toutes quelque rapport avec la
peur, et d'expliquer ainsi que l'apparition d'un objet
nouveau,
le spectacle
éveillant dans l'âme
d'une œuvre d'art inconnue,
une certaine agitation d'impres-
sions qui l'empêche de se fixer, produise
ment de surprise
,
d'admiration
,
un
senti-
assez rapproché de
la crainte.
Sans le
aller plus loin,
il
est déjà possible d'apprécier
système d'explication auquel
sions. Rien n'est plus juste
rance et
Hume
la
crainte
expose
ici
comme
Hume soumet
que de considérer
les pas-
l'espé-
des passions composées.
des vues qui ont été reprises par
nos contemporains, et en particulier par un éminent physiologiste,
(1)
p.
Gratiolet (1). C'est aussi avec raison
Gratiolet, cité par
116), subdivise
les
M. Laugel (voir
les
Problèmes de l'âme
passions en homogènes et hétérogènes.
,
Il
— qu'il
372
—
des relations d'idées
fait
le
taines associations de sentiments.
fondement de cera compris que
Il
sensibilité reposait sur l'intelligence.
la
Pourquoi notre
amour-propre, sortant de lui-même, se répand-il sur toutes les choses qui nous appartiennent, sinon parce
que
a saisi un rapport entre
l'esprit
nous-mêmes
et
que nous possédons? Pourquoi notre amitié
les objets
se communique-t-elle
de proche en proche à tous
ceux qui touchent de près à nos amis, sinon parce
que
a saisi de
l'esprit
entrevu
même
une vérité qui
ici
cette relation ?
fera
un jour
théorie définitive de la sensibilité
;
l'association des sentiments a cette
sur
la
Hume
a
partie de la
et sa doctrine
de
grande supériorité
doctrine de l'association des idées, qu'on sait
au moins pourquoi
un antécédent produit.
les
sentiments s'associent.
existe et supporte le
phénomène qui
se
Les relations des idées, au contraire, ne
sont guère, à ses yeux, que
Par suite ^ la liaison
Ici
est vrai, le
il
l'effet
de
la
coutume.
fondement sur lequel repose
des sentiments est précaire lui-même,
cette liaison participe à
son principe
;
mais, enfin, dans
portait son système,
miner, par
et
ce qu'il y a de fortuit dans
Hume
a
la
fait
mesure que comeffort
des conditions précises,
la
pour déterproduction
de nos passions complexes. Ce
compte
qu'il faut
la
peur
lui
reprocher,
et la confiance
parmi
c'est
les
de prendre
la
passions homogènes.
L'orgueil et rhmnilité font aussi partie des trente-deux passions
de cette espèce.
comme
crainte^
373
—
l'espérance, pour
pour un composé
distinct
,
et
nouveau,
tout
série
unité dans l'âme
d'états divers qui retrouvent leur
leur source
un
non pour une
commune. Son système
lui
,
imposait en-
core cette conséquence de ne voir dans la conscience,
fondamentale étant détruite, que des atomes
l'identité
indivisibles,
ou des composés indépendants
en quelque sorte. Les passions
comme
,
et isolés
les autres
phénomènes de l'âme, nous paraissent inexplicables, si
n'admet pas l'existence d'une force unique
l'on
capable de se modifier en mille manières.
Que sup-
pose, par exemple, l'espérance? L'intelligence y joue le principal rôle. L'espérance est une imagination vive
du
plaisir
connu, une représentation animée de
jet
aimé
accompagnée de
,
cette
l'ob-
croyance que nous
posséderons de nouveau cet objet, que notre plaisir se renouvellera
;
et notre nature est ainsi faite
que ces
imaginations sont suivies d'une certaine émotion et d'un
commencement de
plaisir.
Tous ces phénomè-
nes, liés ensemble pour se confondre dans un senti-
ment commun que
le
langage désigne par un seul
mot, n'exigent-ils pas une âme vivante, passant par différents états ? S'ils
ne sont que des moments sépa-
rés de notre conscience,
où se
refait
donc,
oii
Hume ne saurait le dire. de Hume font encore mieux
se
reconstitue leur unité ?
Les
analyses ingénieuses
res-
sortir
la
nécessité
d'un
principe
substantiel,
dans
lequel s'accomplisse la synthèse des parties qu'il dis-
tingue lui-même dans l'âme.
Mais revenons à
la
théorie de notre
auteur. La
—
—
374
crainte et l'espérance sont les seules passions directes
d'analyser
ait tenté
qu'il
rattache les autres à la
il
:
constitution naturelle de l'esprit. Ce sont les passions
de soumettre à un
indirectes surtout qu'il a essayé
mécanisme régulier
mécanisme dont
,
nées que
les lois
pour-
les lois
aussi exactement détermi-
raient être, d'après lui,
de l'optique ou de
la
mécanique. Les
passions se réduisent à deux couples d'affections originelles et contraires, d'où dérivent
bre de passions secondaires milité (pride
and humility)
En
être assez mal choisis.
d'une part, l'autre,
toutes
la
nom-
haine {love
a adoptés sont
réalité,
affections
les
certain
l'amour et
^
Hume
andhatred). Les mots que
un
ce sont l'orgueil et l'hu-
:
il
peut-
veut désigner,
personnelles
;
de
bienveillantes. Sa divi-
toutes les affections
sion est celle qu'acceptent encore les positivistes
mo-
dernes (Auguste Comte, par exemple), qui distinguent
deux
classes de passions
l'égoïsme et l'altruisme.
:
Analysons d'abord l'orgueil, ou plutôt,
l'orgueil
étant une passion simple, les conditions qui le pré-
cèdent et
guer
le
produisent (1).
l'objet et
la
cause de
l'orgueil, c'est la qualité
choses se passent
agit d'abord plaisir
(1)
;
:
la
elle excite
distinct
faut, dit
Hume,
la passion.
distin-
La cause de
dont nous nous enorgueil-
nous-mêmes. Or,
lissons; l'objet, c'est les
II
cause
,
voici
comment
c'est-à dire la qualité,
une impression agréable, un
et indépendant;
puis
une
relation
The passion of pricle and humility helng simple and uniform
impression.
..
Tome
II, p. 5.
I— 'idées se présente
(
-
375
la qualité
;
d'une façon ou d'une
,
autre, se rapporte à nous; notre imagination passe
insi
de
l'idée
de
la qualité
détourne pour ainsi dire sur nous
t
l'effet
pression agréable qui a été produite.
même
de l'amour
:
même,
à l'idée de nous
de
en
Il
l'im-
est
de
encore une qualité produit une
ici
impression de plaisir; cette qualité se rapporte à une autre personne; l'imagination, par suite de cette re-
personne,
lation d'idées, se porte sur cette
mouvements
traîne dans ses
En
en-
et elle
elle-même.
la sensibilité
d'autres termes, les différentes qualités qui peu-
vent exciter, soit l'orgueil, soit l'amour (et ces qualités sont les
mêmes), sont
vertus
les
les talents
,
tout ce qui compose le mérite personnel la
richesse, la
renommée,
core. Ces qualités excitent
direct, indépendant;
remarquons que à
une
et
beauté
avantages en-
et d'autres
immédiatement un
fois
la qualité
la
,
,
plaisir
ce plaisir produit, nous
doù
il
émane
nous-mêmes ou aux autres; dans
nous éprouvons de l'orgueil,
le
dans
le
se rapporte
premier cas,
second
de
l'amour. Le plaisir resterait, pour ainsi dire, suspendu
dans
le
vide
si
ne
l'association des idées
le
nous ou sur autrui. La relation qui rattache à
nous-même ou aux autres peut
relation de contiguïté, Il
être
,
dans un système
considérée
sur
la qualité
d'ailleurs
,
une
de ressemblance ou de causalité.
ne peut être question de possession
réelle
fixait
comme une
oii le
moi
,
,
oii la
de propriété personne est
chimère. Les qualités que nous
appelons nôtres ne sont, en définitive, que des qualités
qui se rapportent à nous, selon l'un ou l'autre
—
—
376
des trois principes d'association. Bien entendu la relation est étroite,
Pour
et
causes de l'orgueil
montre
il
qu'elles ont
,
Hume
(1).
La vertu, de quelque
façon qu'on l'entende, répond,
thèse
:
Hume), ou
l'essence (ce qui est l'opinion de
moins reconnaît-on que cause de
la
vertu
sais quoi qui plaît?
soit
sir n'est il
pas seulement
en est
par
un la
si
l'effet
l'orgueil et l'amour,
conséquence de
le plaisir,
l'in-
les
la
beauté,
Hume,
passant
causes qui engendrent
un
prouver que
plaisir particulier, plaisir
qui, interposé entre deux idées, qui cause
par
de notre organisa-
n'a pas de peine à
toutes excitent en nous
soit
plaisir à l'âme, et ce plai-
longuement en revue toutes
lité
ce n'est un je ne
véritable essence (2). Et
la
au
n'est pas la
s'il
La beauté, de même,
tion naturelle, procure
tout
inséparable. L'esprit
l'effet
les définir,
mode,
fluence de la
plaisir,
le
en est
,
Vhumour, comment
mon hypocomme
à
dit-il,
en est considéré
plaisir
le
passe en revue
toutes celles de l'amour,
pour caractère d'être toutes
immédiatement agréables
ou bien
plus
plus la passion sera vive.
justifier ces assertions,
toutes les
,
de
l'idée
quelle se rapporte cette qualité
,
l'idée la
de
la
qua-
personne à
la-
constitue ou l'orgueil
ou l'amour. Telle est la décomposition arbitraire et artificielle
selon
nous
,
que
Hume
a cru devoir appliquer
sentiments égoïstes et bienveillants qui sont
(1)
Tome
(2)
Ibid.
II, p. ,
26 à 65 pour l'orgueil
p. 31.
;
p.
le
aux fond
66 à 145 pour l'amour.
—
ft
e
la
—
nature humaine. Avec une abondance qui prouve
qu'il attachait
beaucoup d'importance à sa théorie
arguments
multiplie les
d une multitude de
dans
377
le
et
les
faits qu'il
exemples.
,
il
s'empare
11
explique ingénieusement
sens de son système.
apparence au moins, à toutes
en
s'astreint enfin,
Il
de
les lenteurs
la
mé-
thode expérimentale.
Au premier abord on a quelque envie de penser que Hume met beaucoup trop de temps à prouver ces ,
vérités banales
mable dans
la
:
que Famour suppose une qualité
personne que nous aimons,
ai-
l'orgueil
des qualités agréables en nous mêmes. Ce serait mal apprécier
une théorie incontestablement originale,
et qui est
remarquable tout au moins par sa simpli-
cité
systématique.
Elle et
n'est,
d'ailleurs,
qu'une
forme particulière
une application aux passions de
rale
de Hume, un
effort
la
doctrine géné-
pour expliquer, par
vements de l'imagination,
les
considère en général, ou bien facultés innées et irréductibles,
d'une réflexion gouvernée par
les
mou-
phénomènes que
comme ou bien la
le
l'on
résultat
de
comme l'effet Hume s'est
raison.
attaché lui-même à faire ressortir cette ressemblance et ce rapport
:
«
Pour confirmer
mon hypothèse, nous
»
pouvons
»
relativement aux jugements qui se fondent sur la
la
comparer à
celle
que
j'ai
déjà exposée
»
causalité.
Dans
))
a toujours
une impression présente
))
et
»
cause). L'impression présente suscite dans l'imagi-
une idée qui
tout
jugement de
cette espèce, (le fait
il
y
observé),
est relative à cette impression (la
— mouvement
378
—
»
nation un
»
entre l'idée et l'impression
»
de l'impression à
))
l'attention
»
tentiôn resterait toujours sur le
»
s'arrêterait là (i). »
l'idée.
De même, dans agréable, et
qualité et logie, prit
fait
passer cette vivacité
Sans l'impression actuelle,
ne serait pas fixée; sans
le rapport, l'at-
même
objet, et tout
sentiment de l'orgueil,
le
une impression présente lité
vif, et la relation qui existe
,
le plaisir
que cause
il
la
y a qua-
y a aussi un rapport entre cette
il
nous-mêmes.
Hume
triomphe de cette ana-
qui ne prouve cependant qu'une chose
:
l'es-
systématique de notre auteur.
L'association peut
,
sans doute, expliquer quelques-
uns de nos sentiments dérivés
;
mais
nous paraît
il
impossible qu'elle rende compte d'affections aussi fon-
damentales que l'amour de nous-même, ou l'amour des autres.
Hume,
qui accorde, lui aussi, qu'il y a
des impressions primitives qui dérivent de et qu'il serait
dû
la
nature
chimérique de vouloir analyser, aurait
faire place,
parmi
elles, à l'amour, à l'orgueil,
pour mieux dire, à l'amour de
soi. «
A
ou,
moins que
la
))
nature n'ait donné à l'âme des qualités originelles
))
il
»
ne saurait y en avoir de secondaires car, si les premiers principes de toute activité manquaient, ;
ne pourrait jamais, de lui-même, se mettre
»
l'esprit
»
en mouvement
(21).
»
Or, quoi de plus primitif que
l'amour qui attache un être à lui-même et aux êtres
(1)
Tome
(2)
Ibid.
,
II, p. 20. p. 9.
I
—
—
379
que Hume ne voit dans
qui lui ressemblent? Je sais bien le
comme dans
moi,
tités fictives,
ne saurait,
produit
les autres artificiel
personnes, que des en-
de l'imagination;
conséquent, se faire un scrupule
par
de fonder encore sur l'imagination
les affections qui se
rapportent à des êtres imaginaires. Mais,
du système de
et qu'il
Hume
pour rentrer dans
l'on sort
si
la réalité
ne
,
voit-on pas qu'il est impossible de rendre compte de toutes les formes
de l'amour de
une
autres sans admettre
soi
ou de l'amour des
produit
,
fois
nous avons con-
et
quand nous avons éprouvé
science de cet amour,
plusieurs fois le plaisir qui
accompagne
ment de nos
le plaisir
pas,
terait
une
plaisir,
avive sans doute et précise nos inclinations.
Nous nous aimons davantage,
à telle
une
inclination naturelle,
tendance innée vers ces objets? Le
ou
Mais
facultés.
s'il
Le
développe-
lui-même n'exis-
une force prédestinée
n'y avait en nous
telle activité.
le
plaisir
dont
Hume
fait le
principe de l'inclination n'en est, au contraire, que la
conséquence
et le signe.
Malgré ses efforts.
bien obligé de reconnaître ductibles
,
le plaisir
comme phénomènes
qualités
pas allé un peu plus loin
reconnu
l'innéité
de
Pourquoi? parce que
contraires.
Hume
irré-
;
pourquoi
l'affection, le plaisir est
Pourquoi n'a-t-il
un
fait, et le ;
scep-
l'affec-
au contraire, suppose une force, une faculté ne veut pas d'une théorie qui exigerait des
cultés et des forces.
pas
source du plaisir?
ticisme ne peut contester l'existence des faits tion,
est
qui naît de certaines qualités, la
peine qui dérive des n'est-il
,
Hume
;
et fa-
— Les tion
sont
faits, d'ailleurs,
—
380
eux-mêmes en
contradic-
avec son hypothèse. Combien de qualités agréa-
bles chez les autres, qui ne nous inspirent pas d'amour
pour eux il
î
Un homme
est passionné
entend chaque jour un
art
,
artiste
,
pour
il
;
distingué dans son
méprisable dans sa vie? L'aime-t-il?
plutôt, mais
musique
la
Il
méprise
le
ne jouit pas moins délicieusement des
impressions esthétiques que Tartiste D'après les principes de
Hume,
éprouver.
lui fait
la qualité étant aussi
agréable que possible, et ayant d'ailleurs un rapport
avec
très-étroit
musicien qui
le
possède
la
l'amour
,
devrait s'ensuivre. Et cependant l'auditeur continue à
aimer
l'art,
c'est qu'ici
à côté de la qualité agréable
,
odieuse qui
qualité
mouvement et
sans aimer lartiste. Mais, dira
Hume, y a une
détourne l'imagination de son
primitif. Soit,
supposons que
il
,
l'artiste,
mais modifions l'hypothèse, par lui-même, par sa vie
privée, ne nous inspire aucune aversion. L'aimerons-
nous par cela seul
Evidemment non;
qu'il
nous plaira par ses talents
rien ne nous
y
force.
Le plus sou-
vent nous resterons indifférents pour lui, passionnés que nous soyons pour son théorie de
Hume
était vraie
,
si
notre
terminé par l'impulsion mécanique faudrait le cas
que
oii
l'occasion,
art.
amour
quelque Or,
le
non
était déil
Dans
produirait, d'ailleurs, n'est-il pas
talent la
si la
qu'il a décrite,
l'affection se produisît fatalement.
elle se
évident que
?
du musicien
serait
seulement
cause de notre amour? Les qualités
agréables que nous rencontrons chez les autres appellent,
en
effet,
sur
ceux qui
les
possèdent
les
p
— mais
ne créent pas
élans
de notre affection
elles
n'engendrent pas une puissance
existe naturellement diriger le cours
;
elles
en nous. Elles ne peuvent qu'en
en particulariser
,
d'aimer qui
mouvement dans
le
an sens ou dans un autre.
Ce
pas une des moindres singularités de la
n'est
philosophie de
phénomènes jectives
de
Hume, que
intellectuels
par contre à réduire
mouvements d'imagination,
sentiments à des Jire à
à faire des
de pures impressions sub-
sensibilité, et
la
sa tendance
les
c'est-à-
des phénomènes intellectuels. Ces phénomènes
llectuels d'ailleurs,
ne l'oublions pas, n'expriment
ucune façon des rapports
réels
objectifs
et
:
e consistent qu'en associations fortuites et superles.
De
sorte que,
comme
Hume
le dit
sentiments ne sont qu'un jeu de
lui-même,
nature. « Je
la
de contradiction à ce que
nature
»)
ne vois pas
»)
eût uni à l'amour un désir de malveillance
»
l'objet
moment
de cet amour.
»
Nos
affections sont
réglées d'une certaine manière
pourraient l'être
la
tout autrement.
A
,
relatif
dans
la
sensibilité
humaine
,
pas. Dépendrait-il,
néanmoins, de
lance ces
pour
la
le
comportent
volonté de la
la
,
lopper? Sans doute, le
de
tout
des
bienveil-
personne qui donne à ces instincts
inclinations l'occasion
ne
ni vouloir cher-
éprouvât autre chose que de
la
il
y a de
nature, de faire qu'un être qui a des instincts inclinations,
le
elles
coup sûr,
dans des choses qui ne
cher l'absolu
pour
mais
pas hésiter à reconnaître tout ce qu'il
faut
pour
et à
s'éveiller et
de se déve-
de l'homme
est relatif;
— mais une
—
nature humaine et ses conditions
la
fois
382
données, tout ce qui en dépend est, en un sens, né-
nous ménager d'autres amours;
cessaire. Dieu pouvait
mais pouvait-il
faire
que l'amour ne
pas uni au
fût
plaisir ?
La réponse
quand on prend
n'est pas douteuse,
moi pour une
pour des
réalité, et
du moi. Mais
objets sur lesquels se porte l'affection
dans
monde
le
Hume,
il
imaginaire, où se
en est tout autrement
meut
pensée de
la
Hume
;
le
réalités aussi les
qui a nié
le
caractère raisonnable des actes de la pensée ne saurait être tenté sibilité.
qui
fait
de
le rétablir
pour
les actes
la se
Voici une explication, empruntée à ses
bien comprendre
le
même
de ce que
la
famille à
laquelle
écriti tr
sens et la portée de sa
Théorie des Passions, Pourquoi, dit-il
,
s'enorgueillit-on
propriété a été transmise dans
fils
,
par une succession ininte
I
Le bon sens répondrait q vanité d'un pareil fait c'est que les préju u-
d'héritiers mâles.
si l'on tire
la
on appartient, de génération en
génération, de père en
rompue
de
,
gés nous font attacher un grand prix à notre race, à
transmission de
la
parce qu'un pareil
fait
l'antiquité
la richesse; et
prouve une
vitalité,
de
au
i
une éne
gie de tempérament, où la réflexion peut trouver un
légitime motif de fierté.
réponse de
Hume
!
Que nous sommes
C'est par des
mécaniques que s'explique pour
Le passage, ancêtre à
la
transition
la richesse
à l'imagination
,
si
de
la
du second,
lui
loin de la
phénomènes un
pareil orgueil.
du premi#j
richesse offre plus
la richesse a été
tout
de
facilités
précisément
I
— 383 —
même (un même château, nn même
en outre,
fief), et,
lagination a plus de propension à descendre ou à lonter la série des héritiers, :e
s'ils
sont tous du
même
et, par suite, d'une plus haute importance. Les
)lications
|me sur îlure
semblables abondent dans les
l'action
lyance à une
Passions. Là encore.
de
âme
la
raison,
et
la
théorie de
Hume
a voulu
rendre inutile
la
qui s'émeut diversement selon
rapports réels qui l'unissent
aux
objets.
CHAPITRE XL
LA LIBERTE ET LA NÉCESSITÉ.
Si
anglaise contemporaine a de beaucoup
l'école
Hume
dépassé
veauté et pas de
dans Fétude des Passions, par
profondeur de ses recherches,
la
même
dans
peut dire qu'elle
ment
théorie de la
la
s'est
il
la
nou-
n'en est
liberté,
oii l'on
contentée de reproduire fidèle
ses idées. Quelques nuances à peine séparent la
doctrine de M. Stuart Mill de celle de notre auteur, et,
même
sur ce point, M. Bain, M. Spencer, sont du
avis que
M.
Cette unanimité d'opinions, cette
Mill.
absence de modifications sérieuses dans seraient-elles le signe
que
Hume
la
théorie,
a rencontré la vérité
définitive? C'est ce qu'il s'agit de rechercher (1).
Pour Hume,
comme
pour tous
temps qui s'inspirent de arbitre, très claire
Voir
Hume
part. III, p. 148
'philosophiques
,
,
:
Traité de
De
penseurs de notr
spiritualistes, •soit
compris
il
ces sentiments primitifs, devant lesquels
«
:
Le
du vrai: quand nous obéis-
juste est de la nature
»
sons à
))
très-semblables à celles que nous inspire la vue de
»
la vérité.
))
mandé:
là,
»
voir (1).
))
nous obéissons à des convictions
la justice,
Des deux il
Mais
l'assentiment est
côtés,
s'appelle
Hume
démonstration;
n'est,
(1)
avec raison
ici,
de-
repousse absolument cette
géométrie morale, d'après laquelle être définie
com-
la
vertu pourrait
la vérité réalisée.
Sa morale
au contraire, qu'une sorte d'esthétique qui ré-
Revue positive
,
1870
:
Origine de
l'idée
de justice.
duit le bien
goût.
comme
—
—
412
le
beau à une pure
que pour arriver à voir dans
C'est
Texpression des rapports nécessaires que établis entre les êtres il
Thomme,
ou
comparer à
et
actions particulières dont
la
final
,
nature a être,
nature et
la
de
vertu
la
même
d'un
les facultés
dans leur but
faut envisager,
vie de
affaire
la
cette destinée idéale les
l'homme
est capable. Si ce
terme de comparaison manque, toute appréciation mo-
Hume
rale devient impossible. Or,
qu'on spéculât sur
les
jamais admis
n'a
causes finales:
«
De semblables
me
»
considérations, «écrivait-il à Hutcheson,
»
blent tout à
»
Car,
»
l'homme
))
vertu ?
pour cette vie, ou pour une vie future
)>
pour
même, ou pour son auteur? Questions
fait
vous
je
lui
sera
incertaines et antiphilosophiques
demande, quelle
le
? Est-il
«
né pour
le
est
la
fin
bonheur, ou pour
d la^
?
tout
à fait insolubles (1)... » Questions obscures, dirons*
nous, mais dans lesquelles
prendre un parti
donner riable
et fixer
,
faut savoir, cependant,
son choix
humaine une
à la conduite
,
si
ne
l'a
pas
vaut se résoudre,
sensibilité.
fait; et
Il
et objective,
règle fixe et inva-
voilà pourquoi, ne poU'
,
il
en
fait
une impression de U
a retiré aux actions toute moralité réelle
pour attribuer
la distinction
du mal à une émotion subjective de notre
tome
veu
d'un autre côté, à supprimer tou
du bien
fait l'idée
(l)
l'on
!
Hume à
il
Lettre à Hutcheson
du
17 septembre 1739.
du bien
et
sensibilité.
Voir Burton
I, p. 113.
1
~ De même idéales
les
ramené
a
qu'il
—
413
de pures
à
impressions
principes de toute science, illusoirement
projetés au dehors par
sens
le
avec plus de netteté encore,
il
comme une
de toute morale
sentiment (1). C'est
la
commun, de même,
considère les principes création
,
du
intérieure
seule,
sensibilité
faculté productrice, dit-il
et
cette
c'est
qui, recouvrant les objets
de couleurs sombres ou riantes, d'apparences agréables ou désagréables, enfante le
beauté et de
la
la
que
est vrai
Il
Hume
est l'œuvre à
vice.
mou-
les effets nécessaires
de notre organisation
,
qui elle-même
jamais réglée d'une volonté suprême; et
essaie de rendre ainsi à la morale, au
il
du
se hâte d'ajouter que les
vements de notre sensibilité sont et invariables
monde nouveau de
bonté, de la laideur et
nom de
cette
nécessité subjective des lois de la sensibilité, la fixité et la
permanence
nature
même
lui interdit
qu'il
flexion, consentirait à
admettre cette prétendue
Hume
des sentiments humains ?
observé
les
de puiser dans
la
des choses. Mais qui donc, après ré-
hommes,
qu'il
stabilité
donc
avait-il
si
peu
ignorât que mille causes
détournent leur sensibilité de son cours naturel, dé-
pravent leurs instincts, et rendent agréable aux uns
(l)
Hume
com^^i'enait kii-méino tout ce qu'il y a de hardi
de pareilles affirmations. Ainsi s'il
convenait de publier
» vice et la vertu »
au chaud et au
n lités
ton
,
dans
tome
le
il
écrivait à
passage suivant de son Traité
peuvent être comparés aux sons froid qui, selon la philosophie,
les objets
I, p. 119.
,
dans
Hutchcson pour savoir
,
:
«
Le
aux couleurs
ne sont pas qua-
mais perceptions dans l'àme.
»
Voir Bur-
—
En
ce qui reste odieux pour les autres?
l'hypothèse de
Hume
1
—
414
est juste et
fondée
vérité,
on ne s'ex-
,
monde un homme
plique pas qu'il y ait au
si
vicieux
Car, le seul principe d'action étant la sensibilité, et
vice affectant toujours désagréablement notre
même, on ne
raison de notre constitution quelle mystérieuse influence luite
âme
voit
et
paî
quelle perversité gra
,
pourrait l'entraîner à accomplir malgré lui de
,
actes qui répugnent à sa sensibilité.
Hume
morale pour une société d'automates
,
où
a conçu
ceux de
l'abeille,
par une
loi fatale et
pas connu la société humaine troublée, où
,
naturelle
société
comme :
n'a
il
mouvante
l'éducation et la libre spontanéité de
et
l'in-
dividu déplacent sans cesse les sentiments, et où est nécessaire,
de
sensibilité la
la
digue in-
la raison.
D'ailleurs, à
supposer que
Hume
que
il
par conséquent, d'opposer aux im-
pressions changeantes de flexible
s;
les instincts
de chaque être seraient invariablement réglés,
fixité
1
le
lui
le
sentiment possédât
la
attribue, la pratique de la loi
morale pourrait bien être assurée en
fait
;
mais
la
que nous examinons n'en demeurerait pas
théorie
moins une erreur considérable au point de vue spécuQuoi de plus faux, en
latif (1).
(1)
et
il
Hume
effet,
que d'enlever aux
voyait parfaitement les conséquences de son système
les considérait
comme
très-importantes {very
mo mentons)
.
«
Si
moralité, conformément à votre opinion aussi bien qu'à la
»
la
»
mienne
»
cheson), elle ne concerne que
»
maine... Si
,
n'est déterminée
la
moralité
que par
était,
la
le
sentiment
(
écrit-il à
nature humaine et
Hut-
la vie
au contraire, déterminée par
hu-
la rai-
choses en elles-mêmes tout caractère moral ? Secourir ses semblables
,
mourir pour son pays
science de l'humanité,
garder
,
un mot, qu'honore
jurée, toutes les actions, en
la foi
la con-
par elles-mêmes
n'ont-elles
aucun mérite? Faut-il se réduire à leur accorder
la
valeur fictive, que, par une habitude invétérée, nous
accordons par exemple à des monnaies d'or ou d'argent; ou, pour mieux dire, leur moralité n'est-elle
qu'une apparence, semblable à celle que nos sens nous présentent quand
parent
ils
toutes ses couleurs?
Non;
la
nature extérieure de
est
il
évident que toute
elle-même
en
action
vertueuse
même,
par suite de sa conformité à l'ordre naturel
des choses à
tester
;
l'est
par
et
elle-
personne aujourd'hui ne songe à con-
et
l'intelligence
le
pouvoir d'apprécier cette
conformité.
Ce
que nous ignorions tout ce que nous
n'est pas
mettons de nous-mêmes,
beau,
soit
dans
le
soit
dans
sentiment du bien.
le
sentiment du
A
nos yeux,
il
y a quelque chose de relatif et de subjectif dans l'une
dans
et
l'autre
de ces deux impressions
;
et
nous ne
disons là qu'une chose toute simple, puisqu'il s'agit
de sentiments, nature
,
et
que
les
sentiments, en vertu de leur
sont toujours des
phénomènes
traduisent intérieurement des
dont
ils
ne sont pas
phénomènes extérieurs
»
son, elle serait la ,
tome
même
I, p. 119.
Les
les représentations exactes.
philosophes ne l'ont pas toujours compris, et
ton
qui
affectifs
pour tous
si
les êtres raisonnables. »
on
Bur-
—
reproché souvent, avec raison, d'introduire
leur a
dans
—
416
notion de
la
et trop
d'elle,
humaine,
il
divinité des qualités indignes
la
légèrement empruntées à l'expérience
faut aussi les
blâmer d'avoir mêlé à des
notions humaines, et par conséquent relatives caractères absolus qui n'ont rien à y voir.
que
soutenir, par exemple,
beauté
la
des
,
Comment
soit
quelque
chose d'absolu? Prenons, soit une beauté physique, soit
une beauté morale
un arbre dont
,
verdure séduit nos yeux
;
la
une pensée dont
forme la
la
,
profon-
deur ou l'énergie touche notre cœur ou étonne notre esprit.
Dans
les
deux cas,
est incontestable
il
que
beauté conçue ou sentie est une beauté relative lative à nos sens
dont
,
portée limitée nous
la
fait
;
structure particulière et
aimer certaines couleurs
âme dont
certaines formes
;
tution s'adapte
à telle combinaison d'idées, à
relative à notre
la
rela
et
la constitelle
espèce de sentiments et non à d'autres. Supposez que
nos yeux soient construits autrement sont
:
le
l'heure,
même
arbre
ne
le
dans sa grandeur mesurée, nous paraîtra
difforme. Mettez au tions domestiques, et la
qu'ils
que nous admirions tout à
réponse du
vieil
lieu d'être sublime. l'intelligence
cœur humain un peu
plus d affec-
un peu moins de patriotisme,
et
Horace vous paraîtra odieuse au
Donnez un peu plus d'étendue
humaine,
et les plus
à
profondes observa-
tions de Descartes vous paraîtront des longueurs inutiles^
au
lieu d'être des traits
quoique à un moindre degré relatif
dans
les
,
de génie. Et de il
même,
y a quelque chose de
notions morales. Dans une société, par
I
— exemple, où tous
les
417
—
hommes
seraient égaux, où la
richesse surabonderait, la charité serait une superfluité, et
qui
non
la
plus grande des vertus. Chez un être
du premier coup
,
et sans effort
connaîtrait tout
,
ce qu'il voudrait connaître, le travail intellectuel ces-
un devoir.
serait d'être
que
le
tution
bien,
comme
le
Il
semble donc, en définitive,
beau,
soit relatif à la consti-
humaine. Les devoirs que
sont les
que l'humanité elle-même
bles
la
morale enseigne
d'un être libre et borné;
lois
:
lois aussi
dura-
mais absolues^ non
pas! Et, de plus,
comme dans
le
y a dans
il
la
connaissance du bien,
sentiment du beau, quelque chose que
l'intelligence seule, c'est-à-dire la
che de ce qui est, ne
suffit
pas à nous procurer, et
qui dérive de la seule sensibilité.
devoirs nous apparaissent
représentation sè-
En eux-mêmes
comme une
les
,
série d'actions
conformes à l'ordre moral ;Jes vertus représentent
les
relations naturelles, réalisées par la volonté d'un être libre, et la réflexion seule est capable
comprendre tout
de nous
faire
Mais, parla réflexion seule,
cela.
pouvons- nous connaître véritablement tout ce que renferme ple
mot
:
en entend cette
le
mot fondamental de
le
bien? Ne semble- 1
le
sens
,
qui
,
toute morale, ce sim-
il
pas que celui
au moins une
émotion caractéristique, ce
fois
,
là seul
a éprouvé
plaisir intérieur
que
ressent l'homme de bien en accomplissant tour à tour les
que
devoirs qu'il rencontre le long de la vie? le
beau, quand on veut
plus, à proprement parler,
De même
le saisir tout entier, n'est
un objet de pure 27
intelli-
— gence lui
que
et
,
dont
418
—
beauté se découvre seulement à ce-
la
sentiment a été délicieusement remué par
le
une œuvre conforme aux
lois
de
l'art;
même
de
bien est aussi en partie un objet de sensibilité,
Texpérience interne de
la satisfaction
conforme à
Mais
que
il
la
l'ordre naturel,
déterminent,
,
les actions
Hume, en
critiques
peut seule achever et
n'en est pas moins certain que la raison
l'ordre naturel plir, et
est
elle
notion du bien.
réflexion
la
et
qui accompa-
gne l'accomplissement d'une action, quand compléter
le
le
comme conformes
,
à
que l'homme doit accom-
niant, s'est exposé à toutes les
que Ton adresse d'ordinaire aux moralistes
du sentiment. Il
est
cependant une partie de
admet que
morale
la
Hume
oii
l'intelligence intervient, et oii la réflexion
devient, bien qu'indirectement,
il
est vrai
,
le
prin-
cipe de l'approbation morale. C'est pour la justice
que
l'auteur fait cette exception à la règle générale qu'i établit
:
seule, entre toutes les vertus, la justice n
dérive pas d'un sentiment immédiatement formé dan
cœur humain.
le
nements que n'est pas
Hume
le
C'est à la suite
une vertu s'est
(1) a
justic
expliqué longuement sur l'origine de la
la propriété (1).
ment en
la
naturelle.
justice, qui se réduit d'ailleurs,
de
de quelques raison
sentiment se produit, et
pour
L'utilité est ici,
lui,
au respect
non pas seule-
partie, mais pour le tout, la source, le fon-
Property ivhich
is
the ohjcct of justice. »
—
419
—
dément du mérite qu'on accorde à
hommes
que
priété, et
dépendait.
le
maintien inviolable de
le
bonheur de
société
la
la justice n'est
et voilà
;
vrai dire,
il
pas une vertu naturelle.
de
la justice
nous semble, en
effet,
principe le plus solide est encore
remarquons-le, sur
là,
il
se
que
les
que, de toutes il
l'intérêt
donne
la justice.
fonde directement sur
la seule qu'il
et,
lui
Hume
là
soient arbitraires; et, à
vertus qu'il reconnaît, celle à laquelle
peu près
pro-
pourquoi on peut dire
défend, d'ailleurs, d'avoir voulu dire par prescriptions
la
humaine en
ont alors déterminé artificiellement les
Ils
règles de la justice
les
Les
justice.
ont de bonne heure compris que l'intérêt
général réclamait
que
la
le
C'est à
l'intérêt,
général, social. Par
accorde un caractère objectif que n'ont pas faut,
tant s'en
les
vertus qui ne dérivent que d'un
sentiment immédiat de plaisir éprouvé par notre âme.
Tandis que
la
plupart des vertus nous sont immédia-
tement agréables à
nous-mêmes
mêmes fice
,
,
soit
soit
parce qu'elles nous sont utiles
parce qu'elles affectent d'elles-
notre sensibilité, la justice qui exige
de nos passions égoïstes au bien
sacrifice
justice
de
l'intérêt
personnel à
même
décisions de la
de tous
l'intérêt
ne peut agir sur nos volontés
le sacri,
le
général, la
et influencer
nos
façon que nos autres devoirs.
Ici, c'est la
raison qui devance le sentiment, qui, pour
ainsi dire
lui
,
ouvre
les
yeux
,
qui le détourne de
céder à des impulsions personnelles la violation
des
lois
de
d'oii résulterait
la justice.
Ou comprend que Hume
soit
embarrassé pour con-
— cilier
avec
de son système sentimen-
les autres parties
tal l'explication utilitaire
—
420
de
la justice.
Il
est obligé
de
confesser lui-même qu'il n'y a pas de sensation particulière de plaisir attachée à la justice (1). Or, si la
nature ne nous a pas directement intéressés
que nous y trouverions
plaisir spécial
justice, et est
il
si
de comprendre
à pratiquer la
que nous puissions
jamais nous décider à reconnaître ,
par le
toute moralité est fondée sur le plaisir,
difficile
une vertu
,
,
la justice
comme
parvenir à en accomplir les
et surtout
prescriptions.
Dira-t-on que
Hume
est
devenu tout d'un coup
compte, pour recommander
litaire, et qu'il
aux hommes, sur
les réflexions
uti-
la justice
que ne peut manquer
de leur inspirer leur intérêt personnel, engagé dans par suite,
l'intérêt social, et,
de
la
et l'honnête.
taire
,
Hume
à l'accomplissement
ne confond nullement
l'utile
a critiqué lui-même la morale
utili-
justice? Mais Il
lié
en montrant qu'elle ne rend pas compte de
l'approbation que nous ne refusons jamais aux actions
vertueuses, quoiqu'elles se soient accomplies loin de
nous,
et
sans que
nous puissions en profiter; en
insistant surtout sur la
homme
familière à tout
saurait confondre,
(1)
sur »
La
de ces deux choses qu'on ne
,
l'honnêteté.
l'utilité et
contradiction est évidente
la sensibilité
fondamentale et
distinction
:
«
La
justice est fondée nonj
mais sur rentendcment
,
dont les jugements]
régularisent ce qu'il y a de désordonné dans les affections.
Tome
II, p. 284.
*
— Où donc,
donne à
dans
C'est
Hume
enfin,
—
trouve-t-il le principe qui
son autorité
la justice
sympathie, dans
la
relle à tout
421
homme.
valeur morale?
et sa
bienveillance natu-
la
Hobbes a
L'influence de
été
moins
que Tinfluence de Hutcheson,
puissante sur
lui
affirme qu'il
n'y a guère
d'homme chez
et
il
lequel les
bienveillantes ne balancent au moins les
affections
Hume
affections égoïstes.
pages charmantes
a écrit sur la sympathie des
qu'Adam Smith
,
n'eût pas désa-
vouées. C'est cette sympathie qui, nous intéressant au
bonheur des autres parce que Il
nous entraîne à aimer
,
la justice,
assure ce bonheur.
la justice
n'en est pas moins vrai que la justice, dans les
idées de
Hume,
repose uniquement sur
de
est sorti sur ce point
l'intérêt. S'il
la sensibilité subjective,
il
n'a pas su aller jusqu'aux rapports objectifs, jusqu'aux
relations naturelles
,
qui sont le vrai fondement des
vertus, et, en particulier, des vertus sociales. résulte
que
que
pas de fondement solide
la justice n'a
les garanties qui
même
tout utile
qu'un lui
,
la justice est utile,
est
bonne
aux autres;
et
comment obtiendrez-vous
en reconnaisse
passions
bienveillantes
si
;
égoïstes
;
mais
elle est sur-
la nécessité,
dominent
cette fleur délicate
de
développée dans son de l'humanité dans
:
il
âme? Hume
a vécu loin des
l'intimité
chez
affections
les la
si,
sympathie,
que tant de causes conspirent à briser, ne
instincts,
et
temps qu'elle
homme les
,
en déterminent l'exécution sont
entièrement précaires. Sans doute,
en
en
Il
s'est
pas
a 'trop bien auguré
hommes
et
de leurs
de quelques grands esprits.
— doux
et bienveillants
image eux,
qu'il
422
pour
— les autres
non pour l'humanité
et
à leur
c'est
;
hommes;
a conçu les autres
pouf
c'est
partagée entre
réelle,
sentiments élevés et les tendances égoïstes,
les
a construit sa morale. s'est
donc trompé
tive, variable,
que
âmes ingrates
les
les tromperies, difficiles
la
qu'il
Hume
nature ne développe pas chez
que
,
vie épuise et dissipe in-
la
les meilleurs
par
les
déceptions et
l'accomplissement des devoirs les plus
quoique
,
point de vue pratique,
en confiant à une sympathie fugi-
,
sensiblement chez
Au
les plus nécessaires
,
de
les devoirs
justice. C'est, d'ailleurs, le défaut général
de toute
la
morale de Hume. Combien peu de vertus seraient pratiquées sur
la terre
,
fallait
s'il
attendre que l'édu-
cation morale eût développé chez tous les plaisirs
que seules
l'exercice
Hume Il
les
âmes bien
de leurs devoirs
s'est
faites
hommes
les
trouvent dans
!
donc trompé au point de vue pratique.
a cru que le plaisir de bien faire pouvait remplacer
pour
les
la raison
hommes
l'obligation stricte et rigoureuse
peut seule leur imposer. Son tort est d'ailleurs
de n'avoir pas considéré en elles-mêmes, de leur rapport avec notre sensibilité morales. Alors
même que
stituerait pas l'action.
vaise,
encore
le
,
et
en dehors
les distinctions
le plaisir serait
cause qui nous déterminerait à agir,
de
que
toujours
le plaisir
la
ne con-
caractère intrinsèque et objectif
En elle-même
l'action est
bonne ou mau-
conforme ou non aux rapports naturels des
choses Enfin, et ce sera notre dernière critique,
Hume,
~
—
423
our ainsi parler^ généralise trop
é
ent moral
n'a rien
tel qu'il le
,
de particulier
le
Le
senti-
réduit à Tagréable
,
de caractéristique. On ne voit
et
pas, dans le système de
conçoit
la vertu.
Hume,
le
moyen de
distinguer
bien d'une sensation voluptueuse ou d'un plaisir
esthétique.
Que de choses
utiles
ou agréables en un
sens qui ne sont pas moralement bonnes
devient alors une vertu
dont se compose
le
procurent tous un rales.
On voit
La vertu
loi
ensemble
acquises
l'éloquence
y
La politesse
tous les talents
mérite personnel, puisqu'ils nous
plaisir,
deviennent des qualités mo-
conséquences de
la
théorie de
Hume.
n'est plus l'action libre et réfléchie d'un être
soumis à une qu'un
les
;
î
,
et
rationnelle
de
:
elle n'est
pas autre chose
qualités naturelles,
où notre volonté
n'a point
de
fatalement part.
CHAPITRE
XIII.
THÉORIES POLITIQUES, ÉCONOMIQUES, LITTÉRAIRES. LES ESSAIS
Si
en quittant
,
lecteur aborde politiques,
il
MORAUX ET
le
Traité de la Nature humaine
,
le
sans transition les Essais moraux
et
aura tout d abord quelque peine à croire
encore affaire au
qu'il ait
POLITIQUES.
cussions subtiles, dont
le
même
auteur. Après les dis-
nihilisme paraît être
la
con-
clusion rigoureuse, c'est une véritable surprise de lire
chez
même
le
pratiques,
oii
philosophe des études substantielles et sont exposées les
lois
générales qui, en
réglant les destinées littéraires et politiques des nations, déterminent la
Essais
,
marche de l'humanité. Dans ces
qui s'étendent sur tant de sujets
une justesse
et
une
,
et oii,
liberté d'esprit admirable, l'auteur,
émancipé de son système, esquisse à grands linéaments de et
de
la
la
politique, de la science
critique littéraire
,
il
au service de
et pénétrante qui les
la vérité,
s'était
traits les
économique
n'y a guère plus qu'à
louer; et l'on ressent presque partout enfin,
avec
une
la joie
de voir
intelligence déliée
trop longtemps égarée dans
paradoxes. Rien, dans ces observations judicieuses,
habilement interprétées par un emploi modéré du rai-
— 425 — sonnement^ rien ne rappelle cette dialectique raffinée qui, pour ainsi dire, enlaçait dans ses
et tortueuse,
replis toutes les réalités
,
et les réduisait à n'être plus
que des ombres vaines. Les hommes ont cessé maintenant d'être ces fantômes qui rêvaient et passaient, au-
tomates sans consistance. et
il
semble qu'au
Hume
les
prend au sérieux,
d'une région de ténèbres,
sortir
oii
choses perdaient leur contour, leur forme précise,
les
nous soyons tout d'un coup rejetés en pleine lumière, devant
nature
la
telle qu'elle est
,
avec ses forces phy-
siques et ses forces morales, avec les êtres vivants qui la peuplent
,
avec
le soleil réel
Que parlions-nous de
qui l'éclairé.
l'impuissance de la raison, du
néant de toute cause et de toute substance fluence souveraine de l'habitude! Voici que
même
,
de
l'in-
Hume
lui-
recherche les causes les plus lointaines des faits
économiques,
et
que, par exemple,
il
spécule a priori,
pendant plus de cinquante pages, sur ont pu assurer à
la
les raisons qui
population, dans les sociétés anti-
ques, un développement plus ou moins considérable
que dans
les sociétés
modernes!
que l'éloignement historique de ou
la
yeux
Il
ne semble nullement
l'objet
longueur de ses raisonnements la
de ses études
affaiblisse à ses
valeur de ses conclusions. Voici encore
qu'il
parle de réformes, de progrès, de perfectionnement, et qu'il attribue à l'esprit
humain
la faculté
de conce-
voir un idéal, de rêver quelque chose de plus parfait
que
la
réalité
de l'habitude la
le
observée! Et cependant, pour qui
fait
principe dominateur de l'intelligence,
routine devrait ê^^e
le
dernier
mot de
la
politique
— et
de
-
426
la vie sociale. Voici enfin qu'il décrit les
rapports
nécessaires qui rattachent à des causes morales, plutôt qu'à
des causes physiques, les caractères généraux
des peuples et les développements de
la civilisation
Et pour justifier de pareilles affirmations, cessaire, ce semble
choses,
des
ficielle
la
et,
par delà faits,
de pénétrer dans
;
la
dans
de chercher dans
nature des effets
la
nature des causes.
la
être tenté de croire, en poursuivant,
richement nourrie d'idées
si
d'un livre à l'autre les opinions de
que
l'intimité des
longue série des Essais, cette lecture atta-
la
chante,
scepticisme
;
nouveau un
que
Hume
hommes
et des
faits,
failli
vivifié à
au contact des
qu'enfin,
la foi
,
,
sincère à la raison, a repris place dans son
de surprendre
matisme, on
Butler
le ,
cédant à
et
il
justifier.
et solitaire
Il
un de ceux
qui,
Hume
dans sa
Si jamais,
d'Edimbourg , un de ses
malgré
n'avaient jamais cessé d'aimer le
âme?
tentation
la
n'eût pas été difficile à
de se
docteur Blair par exemple, ou
pour réfuter
foi
avisé de lui reprocher cette con-
tradiction apparente,
maison studieuse
;
,
une
sceptique en flagrant délit de dog-
le
s'était
de se défendre
et si
;
guéri de son
l'a
se dessécher dans
réalités historiques
n'en est rien pourtant
que
ont changé
pour ainsi dire
l'histoire a
esprit qui avait
les spéculations abstraites;
de
et
l'étude consciencieuse des faits
amis,
1
est né-
succession apparente et super-
détermination a priori de
Comment ne pas
il
le
docteur
leur zèle religieux
Hume,
s'était
philosophe par lui-même, de
ser ses théories sociales et politiques
,
il
imaginé, lui
me
oppo-
semble
— 427 — que, sans se fâcher, avec ce calme, avec cette gravité
douce qui
le caractérisaient,
Comprenez donc
Hume
((
»
distinction
»
spéculation et
»
philosophiques, je suis, dans
»
comme
))
Qu'importe
que
tout le
»
mes propres Mes
la
»
même
»
aimer
de
la vie,
monde, un dogmatique
:
me
et
celles
d'autrui?
une
loi
de nier
cela m'empêche-t-il
de vous
faire
vous répondre en
ce
moment? Mes
personne humaine
»
avec un sentiment énergique de
»
de m'attribuer mes échecs d'autrefois,
»
de
»
:
cela
ma
miner
le
courant plus fort de
la
il
faut encore
que tout
»
semblent à un de ces mythes que
» saient.
est réalité.
que
C'est
nature et de
Les choses de ce
il
les
Grâces
,
res-
Grecs chérisfables
n'y a rien ou presque rien de réel
imaginations
subjuguer
l'in-
monde
La critique a beau prouver que sous ces
et ces fictions
» des
malheurs
en revenir à croire
))
»
les
qu'après s'être convaincu soi-même que
et
» tout est illusion,
» les
responsabilité,
mes quelques succès?
vie, et aussi
la
m'empêche-t-il de vivre
analyses des philosophes sont impuissantes à do-
» stinct;
))
un croyant, de régler
))
ma
écrits
vous,
tendent encore à ôter toute réalité à
» théories
» les
mes
s'agit
il
ou de juger
semblent
votre existence ,
la
comme
pratique. Sceptique dans
actions,
théories
pensée et
:
je n'ai jamais cessé d'établir entre la
mon système, quand
»
ma
enfin le fond de
»
répondu
aurait
lui
se
et l'on
comme
laissent
toujours
séduire
:
et
continue à parler des Muses et
si elles
existaient.
Quand
le
phi-
»
losophe sceptique parle des causes et des substances,
»
il
ressemble encore à un poëte chrétien qui intro-
— » duit
dans ses rimes
—
428
noms de Vénus ou de Jupiter.
les
y a cependant une différence
que
poëte
»
Il
»
ne conserve ces mots démodés que par habitude
et
»
convention; tandis que
se
»
dérobe à son scepticisme savant, pour se replonger
»
dans
donc
allier,
))
une nécessité de
comme
flexion suggère
» j'écris
pour
» pies politiques
et
» principes
que
:
la
doute que
le
la ré-
je prends
si
avant
parti
discute les uto-
YOcéanie de
politique est
la
moi-même
si,
de
nature commande. Si
pays,
prouve que
essentiels;
loi
toujours fait, le doute
les tories; si je
si j'essaie
il
nature. Laissez-moi
la
comme, par exemple,
,
» Harrington; si je ,
l'ai
mon
de
whigs ou
les
je
la foi
,
l'histoire
» science
philosophe, quand
le
et la foi pratique
» spéculatif ))
le
croyances vulgaires, obéit à une
les
» l'instinct, à
»
c'est
:
une
d'en indiquer les
Adam
ami
notre
))
Smith, qui depuis m'a bien dépassé sur ce terrain, je
))
publie quelques idées nouvelles sur l'économie poli-
» tique
»
ma
;
croyez-moi, je puis faire tout cela sans renier
philosophie. Dans
comme vous
» à rester,
dangereux
»
mes jugements sur
» passer
dites,
les actions
homme
pour un
je persiste
homme comme dans
un monstre, un
mais dans mes actions
»
;
mes spéculations,
,
des autres, je tiens à
de bon sens
»
Telle était la situation intellectuelle de
Hume. Re-
levant d'une main ce qu'il abattait de l'autre
,
il
ac-
ceptait, à titre d'illusions nécessaires, les vérités qu'il
repoussait
comme
l'impuissance de pratique.
Il
a
la
des erreurs avérées
,
et opposait à
raison pure l'autorité de la raison
donc pu écrire ses Essais moraux avec
^a
—
-. 429
[^
même
que ses Essais philosophiques. On
sincérité
serait aussi injuste
de
,
le
considérer
,
dans un cas
comme un courtisan du sens commun, que, dans l'autre, comme un fanfaron de scepticisme à la faveur ;
de son double point de vue,
il
a cru pouvoir ôter
toute valeur au raisonnement^ en
comme
raisonner lui-même
même
temps que
plus dogmatique des
le
philosophes. Mais avait-il le droit de le faire qu'il
De
une contradiction
à
,
toutes les critiques
où
il
est
,
que sa philosophie soulève,
de l'abandonner lui-même, quand
veut rendre compte des
Dans
la
faits
préface légèrement enthousiaste
Nature humaine,
il
sidérait
comme
toute
le
du
de
toute esthétique,
entend
,
les théories
nouvelle, avec la confiance d'un ces nouveautés qu'il s
comme
empresse de
qu'il s'agit
;
la
il
con-
principe et la condition nécessaire
politique,
les
Traité de
célébrait les destinées magnifi-
science morale. Et cependant, après
comme il
il
historiques et sociaux ?
ques d'une sage psychologie expérimentale
de
pas à
parce qu'on
plus redoutable n'est-elle pas précisément la né-
cessité
la
ce
en système.
l'érigé
la
On n'échappe
impossible d'admettre.
est
une inconséquence
? C'est
de
toute
avoir exposé,
de cette psychologie
homme
qui regarde
des vérités définitives, voilà
les oublier,
de
les écarter, lors-
d'expliquer les événements de l'histoire
î
Qu'est-ce donc que cette psychologie abstraite qui se dit
en mesure de rendre compte de tous
mènes de
l'esprit et qui
mière rencontre avec
les
phéno-
s'avoue impuissante à sa pre-
les faits ?
Il
n'y
a^,
il
ne peut y
—
430
—
avoir de bonnes théories psychologiques, que celles qui subissent avec succès l'épreuve d'une application
immédiate aux événements politiques, religieux
dont se compose
,
condamner
C'est se
avec
tation
Ne
ou
de l'humanité.
soi-même, que sous-
et se réfuter
traire la psychologie
vie
la
littéraires
aux exigences de
cette confron-
les faits.
nous plaignons pas, cependant, d'une inconsé-
quence à laquelle nous devons une multitude de vues pénétrantes et de raisonnements ou fins ou profonds,
que la
l'influence des théories spéculatives
du
Traité de
Nature humaine eût certainement étouffés dans leur
germe
si elle
avait pesé sur les Essais moraux.
C'est à la politique
nombre de
que se rattachent
le
plus grand
Hume, dont
ces petits écrits de
les plus
longs ne dépassent pas les dimensions d'un article de
Revue, dont quelques-uns sont aussi courts qu'un article
de Journal. Primitivement destinés, en
à des écrits périodiques,
ils
effet,
parurent en volume, sous
forme d'Essais détachés, que Bacon avait
cette
,
de-
puis longtemps, rendue populaire en Angleterre.
La constitution anglaise
est
études dans lesquelles se révèle
Hume « oii
pour
les lois
esprit
prudent ;
et
de plusieurs
vive admiration de
la
de son pays,
règne une extrême
gements
le sujet
«
liberté. »
ce pays, » dit-il,
On y retrouve son
conservateur, qui redoute les chan-
sa modération impartiale, qui
donne à
ses
opinions politiques un air d'indécision, mais qui ne
l'empêche pas de manifester un grand zèle pour libertés publiques
;
sa haine des partis violents
,
les
sa
¥
—
sympathie pour
le
croit,
néanmoins,
terre
mais qui
,
431
—
gouvernement républicain, impossible de réaliser en
lui paraît
ne
marqué
suffisent-ils
entre
,
le
Angle-
en lui-même un idéal bien
supérieur aux formes monarchiques. traits
qu'il
Ces quelques
pas déjà à établir un contraste
politique conciliant et sage
,
et le
philosophe intolérant et absolu, qui ne se complaisait
que dans Mais le
terrain
Hume
extrêmes
les
?
contraste s'accentue encore , lorsque quittant
le
de
politique particulière
la
de son pays.
s'élève à des questions plus générales, et expose
les principes
de
politique est
une
la politique universelle.
Pour
lui
science, science à laquelle trop
,
la
peu
d'expériences ont encore concouru pour qu'il soit possible d'en
science
déterminer
solide
toutes les lois,
et positive,
déjà
riche
mais
enfin,
maximes
en
générales. La vie des peuples n'est pas livrée au ha-
sard
;
il
y a des
lois
qui veulent qu'à chaque forme
de gouvernement correspondent des conséquences né-
que chaque situation sociale dépende de
cessaires, et
causes certaines.
«
Les
))
pondent toujours aux causes
»
correspond
to causes).
laisse aller à
dire
que
»
Hume,
«
corres-
(Effects ivill
allways
effets, » dit
Par endroits même.
des excès de dogmatisme.
les lois politiques
Il
Hume se
va jusqu'à
peuvent être déduites avec
autant d'exactitude et de rigueur que les conclusions qui dérivent des principes mathématiques. Et ailleurs, il
affirme qu'on peut prédire
a priori
les
résultats
nécessaires de telle ou telle forme de gouvernement. Il
oubliait
ici
un peu
trop la part qu'il convient de
— faire à la liberté
—
432
humaine, à
à la diversité des caractères.
événements
plexité des
l'initiative individuelle,
méconnaissait
Il
la
com-
politiques, la multiplicité des
influences qui les produisent et qui viennent à chaque instant contredire les
maximes
les
Mais nous pardonnons volontiers à ration, à laquelle
Hume
établies.
Hume une
exagé-
nous a peu habitués, puisqu'elle
il
consiste à avoir trop de D'ailleurs,
mieux
dans
foi
humaine.
la raison
reconnaît lui-même, dans d'autres
passages, qu'il serait téméraire de vouloir faire de politique
une sorte de géométrie morale
(1).
la
Les ex-
périences faites ne permettent encore d'établir qu'un petit
nombre d'axiomes,
quelque
universels
et,
qu'ils
de plus, ces axiomes,
paraissent,
n'échappent
jamais absolument à des contradictions, à des exceptions graves (%).
M.
Mill a
Hume
entrevoit
ici
les
raisons que
admirablement développées dans
le
dernier
chapitre de sa Logique, et qui rendent l'application de l'induction si
sible. » »
aux événements de
malaisée, ((
traite
part
et,
par suite,
La grande
la
l'histoire si délicate et
déduction presque impos»
difficulté,
des affaires humaines,
du hasard
et la
dit-il,
c'est
«
quand on
de distinguer
part des causes connues.
»
la
Et
par ce mot en apparence peu philosophique de hasard (chance),
il
entend tout ce qui tient aux individus.
La réflexion
serait banale
des grands
hommes
(1)
Essai
XIV,
(2)
Essai
X
,
i^° partie.
2^ partie.
dans notre pays,
a été
si
considérable
oii le ;
elle
rôle
ne
— 433 — l'est
peut-être pas en Angleterre, ou, malgré quelques
secousses, l'ordre profond, le développement régulier
des institutions, amoindrissent et effacent l'influence des individus, et où d'ailleurs le calme et la froideur ordinaire des tempéraments tendent à supprimer les ébranrévolutions, mul-
lements soudains; tandis que ces
tipliées chez d'autres peuples par la vivacité ardente
des caractères, rendent plus
difficile
encore, pour ces na-
tions, l'établissement d'une politique générale et d'une
philosophie de l'histoi re.
Malgré
les
concessions que
semble avoir
dans sa politique, aux partisans de
tes,
reste
ici
,
comme
une lacune
partout
il
applique
au fond de ses doctrines
,
déduction ne sont que des
la
absente et c'est, à coup sûr, une politi-
que incomplète
;
et fausse
dans la région des
faits,
que ne
supérieure et naturelle
commandements
hommes,
il
,
L'idée d'un droit primitif, d'une jus-
faits généralisés.
tice idéale, est
l'a priori
fai-
pas souci de combler. Les princi-
qu'il n'a
pes auxquels
loi
Hume
:
celle qui
sait
dont
,
qui
cette loi
,
se maintenant
pas faire appel à cette la raison ,
analyse les
excitant parmi les
selon la diversité des intelligences, tantôt
des convictions solides, tantôt des enthousiasmes passionnés, pousse le
monde en avant,
des sentiers battus pour l'avenir.
Hume, au
le jeter
En
réalité,
dans
les voies
de
contraire, se contente de com-
pulser froidement les faits acquis.
et le fait sortir
il
,
de constater
ne sort jamais de
politique sage, prudente,
manque
ture sur les destinées des nations.
les résultats
l'ornière.
Sa
d'élan et d'ouverIl
n'a
aucune idée 28
— 434 — des progrès que
concevoir et désirer l'analyse
fait
des droits primordiaux de l'homme. Sans doute
Hume, en observant que
peut excuser
expériences modernes
d'Amérique
et la
grandes
les
fondation des Etats-Unis
la
,
on
,
Révolution française
lui
,
deux
eût été le témoin de ces
man-
ont
qué.
S'il
yeux
se seraient ouverts, son esprit se serait agrandi
à l'école
des événements
mais je doute
;
faits
,
qu'ils
ses
eus-
sent suffi pour guérir le vice radical de son esprit,
défaut d'imagination,
le
le
positivisme incurable d'une
intelligence qui est aussi incapable
hardi
l'idéal, qu'elle est
les faits, et,
avec
la
homme
commenter
Quand
fait.
morale
paraît avoir confondu
différents
l'histoire,
cupe que de
d'un vol
question de l'origine du
la
Hume nous
vue bien
question de
empires,
habile à annoter, à
que, dans
gouvernement,
la
saisir
pour ainsi dire, à souligner l'expérience.
C'est ainsi
points de
de
on
il
s'agit
le sait, est
et la philosophie.
l'histoire. C'est
de mérite
qu'il
deux
question de droit et
la
:
de
fondation des
la
rarement d'accord
Hume
ne se préoc-
par l'ascendant primitif d'un
explique l'institution originelle
du gouvernement. Un conquérant, un
législateur s'est
particulièrement distingué par son intelligence, au mi^ lieu
de ses semblables
encore
faibles
et grossiers,
Ceux-ci, dominés ou contraints, lui ont obéi; puis l'im-l
pression de cette obéissance est restée
venue,
jours. Par
,
une explication de ce genre,
évidemment,
l'habitude est]
gouvernements ont été fondés pour
et les
soit la thèse qui,
par les tories,
fait
Hume
tou-
écarte
soutenue en Angleterre
du pouvoir une
institution divine
,|
—
de l'obéisssance passive un devoir
et
systèmes,
du
Dans l'examen
Hume
comme
Quant à
la
qu'il
consacre à ces deux préjugé
le
Le pouvoir dérive de Dieu,
n dit-il,
toutes choses dérivent de lui (1). »
du contrat
doctrine
avait soutenue,
Hume
,
témoignages de
que Locke
primitif
que Rousseau devait reprendre
et
avec tant d'éclat les
et d'après la-
de peine à écarter
n'a pas
droit divin. «
mais
soit la doctrine
du gouvernement dépend d'un con-
quelle l'autorité trat primitif.
;
whigs défendaient,
contraire, que les
«
-
435
a raison de dire que
l'histoire
dans
,
rien ne la justifie. Tous
,
les
gouvernements ont été fondés par l'usurpation
ou
la
comme le
conquête.
Si
contrat social est
vue de
la
;
est
Hume
dans
;
ne
l'a
longue série des siècles
est
mais
chimère est
elle
présenté
contrat social
une chimère
la justice, cette
jamais été réalisée
dans
le
une thèse historique.
,
vrai,
le
au point de
la vérité. Elle n'a
été qu'une fois
ou deux
Qu'importe
n'en est
!
!
Il
pas moins certain qu'elle aurait dû l'être, et qu'avec le
progrès
prochain,
des temps
l'idéal
mes deviendra ce que
Hume
,
dans un avenir éloigné ou
conçu par
le
fait
la raison
de quelques hom-
réalisé par l'expérience.
ne se décide pas à comprendre. Obsti-
nément attaché
à son point
veut pas en démordre
,
et
de vue historique attaquant
contrat social dans ses parties faibles,
la il
,
il
théorie
ne
du
ne veut pas
reconnaître où elle est vraie, où elle est forte
(1)
C'est
:
quand
Essai XII, 2e partie, Of the original contract; Essai XIII, Of
the passive obédience.
— elle
nous enseigne
436
— a de gouvernement légi-
qu'il n'y
time et de pouvoir sacré que celui qui se fonde sur le
consentement
dont et
monde
autre défaut de
même
n'a pas la
hommes. les
,
et
dont
le
serait finie.
la politique
importance
qui le caractérise
dans
de ceux
ne pourrait être complète que
la politique
jour où l'histoire du
Un
est
conclusions ne devancent jamais l'expérience,
les
dont
Hume
libre d'un peuple.
,
Hume
de
de défiance
c'est l'esprit
il
est
mais qui
,
animé à l'égard des
Je conviens qu'il est dangereux d'apporter
choses de
gouvernement un
la politique et
dans
la
pratique
esprit trop chevaleresque
du
trop
et
optimiste. Mais, enfin, n'est-ce pas pousser l'humeur
soupçonneuse un
maxime
«
:
Tout
que
» fripon
peu
loin
homme
qu'ériger
hommes
,
loi
cette
comme un
doit être regardé
L'historien qui
l'intérêt seul dirige? »
apprécierait les
en
qui les gouver-
le politique
nerait d'après ce principe, ne s'exposeraient-ils pas, l'un à des
graves?
jugements injustes
N'est-il
politique aussi
sur
,
pas plus vrai, au contraire, et plus
de compter sur
la générosité,
Hume
se montre
l'autre à des fautes
,
sur
la
mieux
bons sentiments
les
bonté naturelle des inspiré
quand, expliquant
motifs qui inspirent les partis politiques
,
il
que par des raisons
ajoute-t-il finement,
«
d'intérêt.
gouverne
les
avoue que
presque aussi souvent par
les partis sont guidés
cipes
hommes ?
les prin-
« Si l'intérêt, »
surtout les chefs
;)
ce sont les principes qui, le plus souvent, entrai,
»
nent
))
compose
les
membres subalternes le parti.
»
et
la
foule dont se
—
437
—
Malgré ses imperfections et ses erreurs,
Hume
que de
la politi-
ne se recommande pas moins par de
modé-
très-grandes qualités de sagesse pratique et de ration conciliante. Sans vouloir rien enlever
pect des autorités légitimes,
au res-
s'élève avec énergie
il
contre la doctrine de l'obéissance passive. Dans les
un peuple,
cas extrêmes,
Hume
lésé dans ses droits, peut
est juste sur ce point,
par lequel
y arrive n'étant fondée que sur il
est
mais
quand
ils
;
les anciens se
:
»
:
«
Hume commet comme
pas distincte de l'intérêt général, et
que,
que
lorsque
l'intérêt
secouer
rection n'est
,
la
ments
il
c'est
n'a rien
même Il
d'un
général
tyrannie qui l'opprime
,
l'insur-
philosophes
la
que l'accomplissement.
eût été absolutiste ,
De
peuple
du révolutionnaire. Les gouverne-
la politique absolutiste
semblablement Les
pour cela
yeux, un
établis ont, sur tous les autres, à ses
l'attirer.
n'est
la justice s'accomplisse.
grand avantage, celui précisément d'être fois
le dit,
en aucune façon , un attentat contre
justice, elle n'en est
Hume
dois,
une confusion
ici
qu'il faut
que
Fais ce
manifeste. La justice sociale,
sorte
à
trom-
disaient Fiatjustitia, ruât cœlum, cette
advienne que pourra.
l'oblige à
dit-il,
l'intérêt social, elle doit être,
autre forme du proverbe français
précisément
raisonnement
le
mauvais. La justice,
l'occasion, sacrifiée à cet intérêt
paient
La conclusion de
à l'insurrection.
doit recourir
et
s'il
de Hobbes semble
comme
avait vécu à la
empiriques
établis. Par-
lui
,
très- vrai-
même
subissent
époque.
volontiers
dans leurs doctrines sociales, l'influence du milieu où
— s'écoule leur vie.
—
438
sont les miroirs des
Ils
pas de principes par lesquels
Hume
l'expérience. Mais
tre
ils
faits
n'ayant
,
puissent réagir con-
vivant au milieu d'une
,
société libre, a été conduit naturellement à considérer
comme
la liberté
essentielle
un passage curieux
,
nion bizarre, que
le
au bonheur public. Dans
exprime cependant
il
cette opi-
gouvernement de l'Angleterre
deviendra de plus en plus monarchique, et
ha-
il
sarde cette prédiction que le despotisme absolu sera dernière forme de la monarchie anglaise.
la
core
était influencé
il
de
les prérogatives
grandiraient
les
couronne;
république.
la
mort
la
» pays. »
«
les
pen-
l'Angleterre,
rêver pour
Combien de
fois,
ont
,
même
fait le
prêche
un peu
» partisan » liberté,
comment
ami de de
comme
froids,
raisonnement que
lui
!
Hume
dit ailleurs.
ni tout à fait
dans
et
un tory
la
il
définissait les
monarchie
la famille
,
whigs
et les tories
sans renoncer à
des Stuarts.
—
la liberté
Un whig
est
sans renoncer à la monarchie, et un partisan de
» protestante. »
Tome
IV,
p. 72.
(1).
com-
conciliation à ses compatriotes, et
la
Voici
» tory est
de son
constitution
la
est la
Euthanasie que
dans d'autres temps
un w^hig,
n'était ni tout à fait
pour
efforts impuissants
Personnellement, nous l'avons
(1)
en concluait qu'el-
le véritable
d'autres pays, des libéraux
Il
en-
Ici
voyait grandir
La monarchie absolue
plus douce,
» l'Anglais doit
Hume
il
Et cette perspective ne
toujours.
convulsions violentes et
»
il
:
l'apaisement d'une monarchie absolue, que les
sait-il,
fonder
faits
Mieux vaut pour
pas.
l'effrayait
la
par les
:
,
«
Un
et
un
ami de la
la
dynastie
— mence par whig,
))
Parfois,
disait-il,
—
lui-même.
pratiquer
la
»
439
Je suis
«
mais un whig sceptique.
«
un »
semble pencher assez fortement du côté
il
des tories, toujours en vertu de la tendance de son à
esprit
comme ment^
du
s'incliner la
côté des
opinion celle
meilleure
est la plus forte, et qui a
même
rence à celle qui,
cause
la
qui,
historique-
elle, l'autorité
à ses
de
de préfé-
yeux, représente
la
plus juste et la plus raisonnable. « Les maxi-
»
mes des
))
surdes pour choquer
»
ou d'un Hottentot
Hume
pour
considérer
à
^
de l'ancienneté,
tradition, le prestige
la
faits
lui-même,
tories, » dit-il
(i).
«
sont assez ab-
bon sens d'un Samoyède
le )>
n'apporte donc nullement , dans ses opinions
politiques
,
l'intempérance de ses opinions philosophi-
ques. C'est un monarchiste sage et libéral, qui consi-
dère l'autorité sociétés,
comme
et la liberté,
la
garantie de l'existence des
comme
la
condition de leur
perfection; mais qui n'est pas assez hardi pour croire
que
l'exercice et le
tés tendra à
tien
de
rendre de plus en plus inutile
l'autorité.
ture humaine, notre
avec
le
sens
Na-
autant
il
s'efforce,
dans ses Es-
de se rapprocher de l'opinion générale.
Quelle autorité,
» dit-il,
«
peut avoir un raisonne-
ment moral,
))
rentes de la croyance générale
Essai IX.
la
auteur se souciait peu d'être d'accord
»
(1)
liber-
main-
le
Autant, dans son Traité de
commun,
sais politiques, ((
développement régulier des
s'il
nous conduit à des opinions
diffé-
du genre humain?
)^
— 440 — Hume,
Cette timidité politique de
modération
cette
constamment observée n'excluait pas une certaine vacité de sentiment.
Il
vi-
condamnait sévèrement Tin-
différence en matière politique.
Il
ne pensait pas non
plus qu'il fallût se contenter de n'importe quelles institutions sans chercher à les améliorer. Tout en tant
que
le
admet-
caractère des gouvernants peut tempérer
adoucir les défauts inhérents au régime politique
et
d'un pays,
nement
et la nature des lois sont
tantes,
et
qualités
même du
croyait que la forme
il
extrêmement impor-
qu'au lieu de compter sur
pour corriger
individuelles
institution générale,
hasard des
le
les vices
d'une
au contraire, par des
fallait,
il
gouver-
réformes et des améliorations incessantes, chercher,
dans de bonnes
et solides lois, le
moyen de
neutrali-
ser les ambitions personnelles et les vices des gou-
vernants. Malgré son indolence naturelle,
au besoin
,
un
critique assez
des choses de
la
il
eut été,
mordant des hommes
politique, et
il
et
est arrivé quel-
lui
quefois d'exprimer assez vivement ses sentiments sur les
puissants
du jour
Walpole, dont
il
;
avait
témoin un portrait de Robert fait
un des Essais de
sa pre-
mière édition (1).
M. Yillemain, dans une considéré
comme
patriotisme
(l)
Ce
» l'aime;
:
« Je
brillante leçon sur
historien, l'accuse de
voudrais,
» dit-il
portrait se termine ainsi
comme homme
:
«
,
En »
manquer de
« le voir assister,
qualité
de lettres (a scolar)
Anglais, je désire avec calme sa chute.
Hume
,
d'homme
je le hais;
Voir tome
,
je
comme
III, p. 26-27.
— » tantôt »
—
441
avec tristesse, tantôt avec orgueil, avec joie^
de
à la fortune de l'Angleterre, au développement
» cette
grande
» cela, je
ne
et
le vois
mais bien des
Hume. sais
Il
imposante souveraine. J'aurais voulu pas (1).
»
M. Villemain a raison;
motifs expliquent
ne faut pas oublier
froideur de
cette
avant tout Ecos-
qu'il est
qu'à part quelques brefs séjours à Londres et à
;
Paris, c'est en Ecosse qu'il a vécu. Aussi est-ce sur l'Ecosse
Et
ici
que se sont portées ses
on ne peut
lui
affections patriotiques.
reprocher qu'une chose, d'avoir
poussé jusqu'au fanatisme l'amour de son pays natal.
Le moindre poëte écossais
lui
qu'Homère. Toute sa correspondance
grand
aussi
paraît
est pleine
moignages de tendresse pour ses compatriotes
de téet
de
sollicitude pour la gloire de la littérature nationale.
Quant à l'Angleterre elle-même,
ne
il
lui
pardonnait
pas son indifférence pour la philosophie, et l'insuccès
de ses premiers ouvrages. L'intolérance des dévots anglais
et l'insensibilité générale
travaux de
l'esprit n'étaient
des
furent toujours
lettres.
Le
:
tres était et
dont
pensée
et
les
mode,
oii le
deux
le culte
contraste de la société française,
où
goût des
une préoccupation dominante, avec
les let-
la froide
sèche société anglaise, accrut encore son antipathie
pour ceux »
homme
la libre
déistes étaient presque à la
les
pas faites pour inspirer
beaucoup de patriotisme à un passions
du public pour
bords de
(l)
qu'il appelle « les turbulents la
Villemain
,
Tamise.
»
Littérature
du dix-huitième
siècle.
barbares des
—
442 -^
Aussi son jugement général sur
le
caractère national
anglais n'est pas précisément entaché de complaisance. Il
en admire
les fortes et saines qualités;
mais
il
refuse
à ses compatriotes les parties poétiques de l'âme (musical parts). Il se plaint
que leurs poètes comiques des-
cendent trop vite aux grossièretés obscènes
aux
tragiques,
pas de dictionnaire , à peine une grammaire vestigia ruris. »
Il
:
«
manent
leur accorde cependant cette supé-
riorité d'avoir produit
de plus grands philosophes que
peuples de l'Europe. Pour
les autres
leurs
;
assassinats. Les Anglais, dit-il, n'ont
général, pour le théâtre et pour
l'art,
les lettres il
en
leur préfère,
et de beaucoup, les Italiens et les Français. Rien n'est d'ailleurs plus intéressant
de
Hume
que
les fines
observations
sur les caractères des différents peuples. Ce
que nous y aimons surtout, c'est que dans ses vues générales sur le développement de ces caractères
Hume
n'est
nullement porté à exagérer l'influence et
l'action des causes physiques.
presque entièrement
comme »
Il
rejette,
au contraire,
les explications naturalistes qui
le dit Ritter, «
envahissaient de plus en plus,
à cette époque, le domaine du moraliste. »
mine particulièrement
l'influence
Il
exa-
du climat (question
étrange, remarquons-le en passant, chez un philoso-
phe qui nie ment,
et lui
le
monde
extérieur), la discute longue-
accorde beaucoup moins que Montesquieu,
qui, sans doute, par allusion à cet Essai, le
19 mai 1749
» belle
» plus
:
«
J'aime
dissertation oii
mieux
lui écrivait
vous parler
d'une
vous donnez une beaucoup
grande influence aux causes morales qu'aux
—
—
443
m'a paru, autant que je suis
))
causes physiques; et
»
capable d'en juger, que ce sujet est traité à fond
de main de maître,
» qu'il est écrit » et
de réflexions neuves. cependant moins
C'est et la
il
»
nouveauté que
la
Hume.
économiques (1),
son originalité est entière.
oii
Discours politiques de Ils
les écrits
en est autrement de ses Essais
Il
» serait difficile, » dit lord
» geurs.
sagesse
la
modération qui nous paraît distinguer
politiques de
))
rempli d'idées
et
Brougham,
Hume
« Il
de parler des
«
en termes trop louan-
unissent toutes les qualités qui peuvent
»
appartenir à un ouvrage de ce genre. Le raisonne-
))
ment
))
mots ou d'exemples
»
quer
»
profonde, non pas seulement pour les systèmes de
))
philosophie, mais aussi pour l'histoire ancienne ou
))
moderne. Les sujets sont heureusement
» le
est clair
:
il
la doctrine.
style,
n'est
pas surchargé de plus de
La science
vigoureux,
élégant,
étendue, exacte,
est
précis...
»
grand mérite pourtant de ces discours
))
leur originalité, le
»
d'économie politique
» à n'en »
,
choisis
:
Le plus
c'est
encore
nouveau système de politique
et
Hume
est,
pas douter, l'inventeur de ces doctrines
mo-
qu'ils contiennent.
dernes, qui maintenant sont les règles de la science,
» qui dirigent »
pour expli-
qu'il n'est nécessaire
mes
(1)
en grande partie
les actions
des hom-
d'Etat, et qui seraient appliquées dans toute
Publiés pour
cours politiques politiques.
,
la
première
fois
,
en 1752
,
sous
le titre
de Bis-
ces Essais ont été réunis aux Essais moraux
et
—
—
au gouvernement des peuples , sans
» leur extension ))
444
les intérêts égoïstes et les préjugés
» taines classes
puissantes (1).
Que pourrions-nous
aveugles de cer-
»
un éloge
ajouter à
aussi
com-
plet? Ce qui nous frappe surtout dans les Discours politiques, c'est d'y
un
voir
idéaliste,
un sceptique, aussi
visiblement préoccupé des conditions matérielles du
bonheur humain de
la vie.
aux choses
aussi attentif
,
V Essai sur
le
positives
Commerce, V Essai sur
Luxe,
le
nous montrent un esprit pénétré des nécessités modernes et des besoins nouveaux des sociétés. sur
le
V Essai
Luxe, particulièrement, pourrait être considéré
comme une
excellente réfutation de J.-J. Rousseau,
et des
paradoxes violents du Discours sur
sur
Arts (%). Tout en indiquant les dangers d'un
les
les
Lettres et
luxe excessif, et sans tomber dans une admiration outrée des progrès de l'humanité
avec calme civilisation.
et sagesse,
,
l'auteur
un hymne en l'honneur de
Son optimisme n'exclut pas
sentiment assez vif des plaies sociales
prend
la
de
richesse
la
inégalités excessives. «
dans
))
particulier devrait
» fruits
(1)
»
de son
et
la
un
Hume com-
une meilleure
remède de quelques
le
trop grande disproportion
,
tendance à engendrer
hommes
de lettres, p. 204.
les plaisirs et la
jouir des
en joignant aux nécessités de
Vie des
Le progrès dans
moyens de
avoir les
travail,
Lord Brougham
(2) «
Une
d'ailleurs
fortune des citoyens affaiblit les Etats. Tout
»
la
,
nécessité de chercher dans
distribution
y célèbre,
corruption.
»
dans
Tome
les arts n'a III, p. 302.
pas de
— ))
la
vie quelques-unes des commodités qui
nature humaine; elle diminuerait beaucoup moins
» le ))
charment
Cette espèce d'égalité est conforme à la
» l'existence.
»
—
445
bonheur du riche
du pauvre
un peuple
L'idéal social
i)
(1).
qu'elle n'ajouterait
actif ^ industrieux,
le travail qu'il
Hume
commerçant.
le
taux de f intérêt, sur
ne sont pas moins remarquables
quelques erreurs
exprimés sur
dans
C'est
du bonheur moral.
Les Essais sur F argent, sur ,
donc
serait
place la source de la richesse matérielle
et aussi l'origine
l'impôt
de
au bonheur
comme
,
l'utilité
,
par exemple,
(%). les
A
part
doutes
des banques publiques et des
papiers de crédit, ses réflexions sur des sujets aussi
nouveaux
et aussi
devenus
être
tique.
spéciaux ont assez de justesse pour
les lieux
communs de
monnaies jouent activement dans dustrie
un
les signes
de
la
rôle analogue à celui
le
que
monde de les
mots
les l'in-
,
que
algébriques remplissent dans le domaine
pensée et de
grande netteté
les
la science.
Il
détermine avec une
causes qui maintiennent ou altè-
rent le taux de l'intérêt. Enfin, tice
l'économie poli-
y montre, avec une clarté parfaite, que
Il
de l'impôt en général
,
il
expose sur
la jus-
sur la nature et le choix
des impôts particuliers, les principes les plus justes et les plus sains.
Dans ces études
si
diverses, et où nous ne pou-
vons pas plus longtemps suivre
(1)
Tome m.
{l)
ma.
,
p. 290.
p. 309, 324, 381.
Hume
,
la
méthode
— est
446
—
presque partout excellente. C'est un judicieux mé-
lange de
faits
Hume
rés.
historiques et de raisonnements
avait
sociétés antiques
,
beaucoup et
il
habilement à
la
qu'il
faits
fait
servir
construction de ses théories. Les côtés
économiques de
des sociétés
l'histoire
l'attiraient
préférence. Dans son Histoire d'Angleterre statistiques occupent
ne dédaigne pas
des
l'état
avait retenu de ses vastes lec-
une multitude de menus
tures
sur
réfléchi
modé-
,
de
les détails
,
toujours une certaine place.
par exemple
,
Il
de nous apprendre
d'après les comédies de Shakspeare
,
combien coûtait
sous Elisabeth un pourpoint de velours.
était
11
donc
admirablement préparé aux recherches de l'économie politique
,
et
il
les
a pratiquées avec
prudence
la
d'un observateur qui s'appuie sur l'expérience et non sur des hypothèses.
qu'on
lui
Il
ne mérite pas
ici le
reproche
a adressé d'employer une méthode toute
déductive, et d'appartenir à l'école métaphysique (1).
Hume Mais
a, sans doute, souvent recours à la déduction.
n'est-il
quelque a-t-il
pas nécessaire d'en user,
profit
veut
tirer
des généralisations de l'expérience ?
une seule science qui ne
tive? Ce qui, néanmoins ciation
si l'on
,
soit
justifie
Y
en partie déducen partie l'appré-
que nous venons de relever,
c'est
se laisse entraîner quelquefois à prédire
,
que
Hume
par des con-
M. A. Maury, Bévue des Cours littéraires La civilisation en que M. Maury exprime cette opinion à propos de V Histoire naturelle de la religion. Mais la méthode est la même dans les deux ouvrages beaucoup d'érudition et un peu de rai:
(1)
Ecosse. Il est vrai
:
sonnement.
—
—
447
tures hardies, l'avenir des sociétés et des nations.
Nous en avons déjà donné un exemple à propos de
En
constitution future de l'Angleterre.
non moins curieux
et qui a trait à
,
Hume
de notre pays
que
aussi désespéré
))
taire
»
Chambre des communes
quoique
;
fonciers
» priétaires
»
seconde pour
»
conséquent,
celui d'une
uns
))
est pas
pour
»
engagements de
»
mis de l'extérieur
»
comprendre que notre
les
que
les
fonds publics,
de
la
il
les
l'Etat... ,
désir d'être fidèles
le
,
la
par
n'en
pro-
aux
Mais peut-être nos enne-
ayant eu assez de finesse pour salut
dépend de
le
danger,
et
pour ne nous
lorsqu'il sera inévitable.
Comme
cette
ré-
le
décou-
nos aïeux,
nos pères, nous avons toujours pensé que
du pouvoir, en Europe
Mais lutte
il
,
ne pouvait être
,
maintenu sans notre intervention
» tance.
quoique
,
désespérée, seront assez politiques pour
» l'équilibre
»
dans
fortifier
nous cacher
comme
la
de ces fonds seront toujours assez étroites
» priétaires ))
»
;
moins vrai que leurs relations avec
» solution
et
et les autres soient personnelle-
ment peu. intéressés dans
»
lords
soient composées de pro-
))
» vrir
un expédient
première entièrement
la
:
pour un mi-
banqueroute volon-
Chambre des
la
plus grande partie
la
les
,
,
d'en venir à
,
»
et,
Grande-Bre-
conclut ainsi
sera toujours difficile et dangereux
» nistre
»
la
examiné plusieurs chances vrai-
tagne. Après avoir
semblables de banqueroute, Il
un autre
l'accroissement
formidable de la dette publique dans
«
voici
la
et
notre assis-
peut arriver que nos enfants, fatigués
accablés de difficultés
,
s'abandonnent
— » à
une sécurité
—
448
fatale, qu'ils laissent
opprimer
et con-
))
quérir nos voisins, jusqu'à ce qu'enfin, en compa-
»
gnie de leurs créanciers
ils
y
se trouvent
eux-mêmes
» à la
merci du vainqueur; et ce malheur,
» duit
jamais, pourra être appelé
»
notre crédit public (1).
de
la
question
Nous sommes faisait
»
la
se pro-
mort violente de
Laissons de côté le fond
et
ne considérons que
loin,
évidemment, de
,
s'il
la
la
méthode.
théorie qui
de l'induction une association d'idées garantie
par Ihabitude.
de se jeter plus réso-
serait difficile
Il
lument dans l'hypothèse.
Un des
mérites des Essais moraux
et politiques,
c est
qu'à côté d'études économiques brille dans tout son éclat la délicatesse naturelle
Pour être un
du goût
que
est pas
moins passionné pour il
de Hume.
temps modernes ont créées,
trielles
justesse
littéraire
appréciateur intelligent des sociétés indusles
parle
il
n'en
Avec quelle
les lettres.
du goût, du sentiment du beau dans
quelques-uns de ces Essais moraux, qui sont peut-être les meilleurs
du
recueil
:
Sur
la
sur la règle du goût , sur l'origine sur l'éloquence (%)
1
Le goût
tesse de sentiments telle
de beau,
ni
raît la plus
de
laid,
qu'il
délicatesse et les
progrès des arts
définit
que l'âme ne
du goût,
:
une délica-
laisse rien passer
sans en être émue, le goût
précieuse des facultés de
lui
pa-
l'esprit, celle
qui
est la source des joies les plus fines et les plus pures.
Hume sait, d'ailleurs, combien est rare cette exquise déli
(1)
{1)
Tome
III. p. 399.
Ibid., p. 1,
248, 119, 104.
— 449 — catesse de jugement, et qu'il faut, pour la développer,
de longues études
de profondes
et
-réflexions.
impossible d'analyser plus finement qu'il ne
Il
est
fait les
conditions de la critique littéraire (1).
Eu égard aux principes généraux de la philosophie de Hume, on serait tenté de supposer qu'il n'y a pas à ses yeux de règles universelles qui permettent de distinguer le beau du laid; et que le goût est
timent relatif, capricieux rien.
Hume
comme
mode.
la
Il
un senn'en est
repousse avec vivacité cette esthétique
par trop large
et
proclame que
qui
éclectique,
les
goûts sont indifférents, et que toute appréciation est juste par cela seul
déterminer (bien
même) de
qu'elle existe.
qu'il
quelles conditions
beauté d'une œuvre.
Il
croit possible
ne s'aventure pas à
«
Il
y
dépend a,
»
la
dit-il
,
de
le faire lui-
laideur ou la «
malgré
les
»
caprices et les diversités des goûts,
))
généraux d'approbation
))
littéraire...
»
doivent nécessairement nous plaire où nous déplaire,
))
par suite de la constitution originelle de notre esprit
Tome
(1)
» le
Certaines
III, p.
253 et
et
formes,
siiiv. «
La
des principes
de blâme en matière certaines
qualités
sérénité parfaite de l'esprit
rccuoillement de la pensée, une attention sérieuse pour
» qu'il s'agit d'apprécier, voilà les conditions nécessaires
sommes
»
quelles nous
»
{of the cathoUc
» à
une
« les
incapables de juger sur l'universelle beauté
and universal
sensibilité délicate
,
heauty)...
Un
solide
bon sens, uni
cultivé par la pratique, développé par
comparaisons, et affranchi de tout préjugé, voilà
» qui seules
l'olDJet
sans les-
les qualités
peuvent assurer à un critique son véritable carac-
w tère. »
29
— 450 — » (Jrom the original structure of internai fabric)(\
hommes^
les
leurs
si
goûteraient avec les tés.
Il
âmes
ques lumières
»
Tous
étaient également cultivées,
mêmes
ne faut pas, enfin, se
impressions de
).
mêmes beau-
délices les
laisser guider
la sensibilité
intellectuelles.
faut y mêler quel-
il
;
aux seules
La beauté
une
n'est pas
chose relative, variable au gré des opinions individuelles, et
aux ordres du premier ignorant venu.
Il
y a des principes de goût universels, et qui sont pres-
que
les
mêmes
chez tous les
hommes
il
;
y
a
une
critique littéraire.
La beauté
d'ailleurs,
quoique
fixes et invariables, n'est,
en elle-même, qu'un sen-
timent de notre âme, quelque chose
Ce qui
est vrai des sens et
matériel,
l'est
accordé à
Il
comme
la
intellectuel.
Hume
n'accorde pas plus à
la vertu.
«
couleur.
du goût au point de vue
aussi de la sensibilité morale,
au point de vue principes.
des conditions
liée à
La beauté
du goût
est ici fidèle à ses la
beauté
n'est pas
qu'il n'a
une qualité
»
qui existe dans les objets eux-mêmes, elle réside
»
dans
))
l'esprit
la laideur
qui les contemple... »
ne sont pas plus que
» des qualités dans les objets (^). certaines théories de Kant
dans
les choses,
,
m,
Tome
Essai XXIII, Sur
comme dans
,
y a
d'objectif,
mais de
p. 256. la règle
et
doux ou l'amer
» Ici,
qu'il
dépend non des objets eux-mêmes ture de l'esprit humain.
(2)
La beauté
ce qu'il y a d'invariable
en un mot, ce
(1)
le
«
du goût; passim.
la struc-
—
—
451
Quelques questions particulières ont aussi regards de
Hume
,
entre autres les causes de la déca-
dence de l'éloquence
de
pour
la
bue
lettres
l'antiquité
puissance et
le
fougue de l'éloquence.
et
par suite
du barreau
3^ la régularité
;
partant
il
nels
et
de dire
des orateurs
les orateurs
:
il
n'y a plus de
serait-il plus juste
;
il
;
la froideur, la
grande des mœurs publiques dit-il,
Il
:
attri1^ la
qui n'est bonne tout au
raison
lois,
aux modernes
relle
connaît et qu'il admire
qu'il
pins que pour l'éloquence
du bon sens,
des sciences. Les
des modernes à trois causes
l'infériorité
complexité des
et
au-dessus de tous leurs rivaux
bien
paraissent
lui
auxquelles se
et les conditions
rattache le progrès des
orateurs
attiré les
:
il
y
2° les progrès
rigueur natu-
de plus en plus
n'y a plus de Verres,
Gicérons.
Peut-être
a encore des
crimi-
y a encore des Verres, mais
emploient leur éloquence à les excuser
Quant aux
lettres et
aux
arts
en général
,
leur dé-
veloppement suppose, d'après Hume, une longue boration
,
un milieu favorable
l'apparition
grande
,
en
même
éla-
temps que
de quelques génies privilégiés, doués d'une
initiative
personnelle. Quatre lois lui parais-
sent résumer la philosophie de l'histoire des arts 1°
Les peuples libres seuls peuvent pour
fois
la
première
produire de grandes œuvres intellectuelles. Ces no-
bles plantes ne fleurissent pas d'abord sur
un
sol esclave.
Le despotisme tue tout élan, toute ardeur. Mais une développées sous l'influence bienfaisante de les lettres
et
:
y
fois
la liberté,
peuvent être transplantées dans d'au très pays,
refleurir sous d'autres
gouvernements. Par imita-
— 452 — tion. par reflet,
deront alors
grands siècles
les
même
littéraires coïnci-
avec des royautés despotiques.
^^
Le voisinage, Funion de plusieurs peuples
le
commerce, par des
une condition là
,
les
du progrès
essentielle
grandeurs de
par
liés
relations amicales, est encore
la
De
intellectuel.
Grèce antique. De
là aussi
l'avancement rapide des sciences dans l'Europe occidentale,
influences des grands pays civilisés
oii les
se fécondent, se complètent, se corrigent les unes les
non moins que les
autres. %^ Les lettres peuvent,
réussir à vivre et à fleurir sous
d'une cour brillante passer des
mœurs
mais
;
et
ne peuvent se
les sciences
des institutions d'une société ré-
publicaine, car elles reposent sur
la liberté
de penser,
principe incompatible le plus souvent avec l'esprit
narchique.
le
même
délicats, elles réclament
pays.
un
Comme
quelques arbres
terrain frais et vierge (1).
peut, d'après ces quelques indications, juger
de l'ampleur
de
et
vent néanmoins définitive d'une
servir
,
ces esquisses peu-
à préparer
philosophie de
au moins compris
quait guère, pour
des vues littéraires
la justesse
de Hume. Quoique incomplètes
tout
mo-
Enfin, 4° les lettres et les arts refleurissent
rarement dans
On
arts,
une monarchie, auprès
dont
l'art,
la possibilité.
mener plus
construction
la
ne
11
loin ses
Hume lui
travaux sur
ce sujet, que la connaissance des arts plastiques,
goût
de
et la
connaissance des œuvres de
l'architecture.
1)
Essai
Il
XXIV, tome
la
le
peinture et
resta toujours insensible,
III, p. 123 et suiv.
a
man-
on
le
— sait, à
en
—
453
ces impressions d'un autre genre, et son séjour
ne
Italie,
le guérit
Mais, en revanche, lettres; et,
si
pas de son indifférence.
Hume
aimait passionnément les
nous voulions en chercher
nous nous contenterions de
une question intéressante que
preuves,
nous en donne
celles qu'il
indirectement dans un Essai sur
les
Tragédie (1). C'est
la
de savoir pour-
celle
quoi, au théâtre ou dans les romans, nous éprouvons
un
vif plaisir
Pourquoi y
d'autrui. ser, des
au spectacle ou au a-t-il
récit
des malheurs
des larmes douces à ver-
émotions de terreur et de
sentir? Pourquoi est-il vrai
,
pitié agréables à res-
comme on
une variante ingénieuse du poëte
latin,
l'a
que
dit
,
par
:
Medio de fonte dolorum Surgit
amœni
aliquid luctu quod
qu'au plus
Serait-ce parce
amamus
fort
in ipso?
de notre illusion,
nous conservons encore secrètement
l'idée
que tous
Hume juge même quand il
ces malheurs sont faux et imaginaires?
avec raison l'explication insuffisante s'agit
des choses réelles
une description bien
hommes
ces des les
:
,
faite
:
nous trouvons du
plaisir à
des crimes ou des souffran-
nous aimons à
lire,
par exemple^
passages pathétiques de Cicéron. Quel est donc
enfin,
le#
motif de ce plaisir mystérieux que l'âme
ressent en présence des plus tristes tableaux? C'est
qu'en pareil cas, nous éprouvons à et
deux émotions
Essai
XXII tome El,
ments
(1)
,
:
la fois
deux
senti-
une impression douloureuse
p. 237.
de compassion ou le
d'effroi
langue savante
une impression agréable
;
que causent de beaux vers
plaisir littéraire
et
,
une
harmonieuse. L'impression agréable
et
emporte dans son mouvement l'impression douloureuse
douleur s'efface sous l'action plus forte
et la
,
du sentiment de
beauté. Théorie ingénieuse, peut-
la
être vraie, mais dont nous ne voulons tirer
conclusion
que pour
c'est
:
être un ami
qu'une fallait
il
très-sensible des
!
La lecture des Essais moraux temps
imaginée,
l'avoir
un appréciateur
délicat,
plaisirs littéraires
ici
et politiques,
même
en
grand nombre de
qu'elle enrichit l'esprit d'un
mieux
réflexions justes, procure aussi cet avantage de
pénétrer
le caractère
notre estime pour
même mais
de
lui.
Hume,
et grandit par suite
Un auteur découvre peu de
lui-
dans des théories purement philosophiques; écrit sur des
s'il
littéraires,
il
sujets politiques,
moraux ou
ouvre nécessairement de perpétuelles
échappées sur son cœur pas de passions
;
et
sur son âme.
son caractère
Si l'on avait à choisir, dit-il
Hume
était froid
et
n'avait
calme.
quelque part, entre un tem-
pérament ardent, passionné, capable de grandes mais aussi de peines plus vives,
modéré
paisible et
,
et
joies,
un tempérament
entièrement maître de lui-même,
quel est donc l'homme qui hésiterait à porter ses préférences sur ce dernier caractère? C'était précisément le sien.
Mais
la passion,
périence,
il
la
ment doux
et
s'il
lui
manquait
la
flamme plus vive de
avait, à n'en pas douter, connu, par ex-
douce chaleur du sentiment, mesuré.
Il
du
senti-
possédait cette délicatesse de
— rame, dont
il
parle
si
nous précipiter dans dans
les
bien dans un de ses Essais, qui
de nos
élargit le cercle
—
455
entraînements désordonnés
les
ardeurs troublantes de qui
catesse,
fait
de nos peines, sans
plaisirs et
la
passion
aimer davantage
aime, parce quelle réduit
,
cette déli-
:
choses qu'on
les
nombre des choses qu'on
le
peut aimer, et aussi parce qu'elle nous découvre plus
nettement
les qualités
de
Hume
Les autres œuvres de
combat, où
la
que
celles
aime
l'on
sont des œuvres de
polémique philosophique
sans cesse des armes,
et
sont mêlées d'erreurs
la
et
moment
philosophie. Mais elles
graves, et l'auteur y expose
peu durables.
des hypothèses
avec arrogance Essais politiques
chercher
ira
qui marquent un
considérable de Fhistoire de
!
moraux
sont,
Les
au contraire, une œu-
vre classique, où, dans un style excellent, se font jour des pensées solides
des réflexions judicieuses
,
Par ces mérites,
des sentiments délicats.
gnes de figurer au premier rang parmi littéraires
sont di-
ils
les
œuvres
de l'Angleterre.
Pour résumer nos impressions, nous ne saurions, d'ailleurs,
même
les
mieux
faire
termes dont
il
Hume
qu'emprunter à s'est servi
lui-
pour caractériser
ce genre tempéré de philosophie morale et pratique,
où Ion se préoccupe moins de rechercher rigoureu-
sement
la
vérité pour
soi-même
,
que de persua-
der doucement au lecteur des opinions rend accessibles
,
en se rapprochant de
cissant la pente par laquelle
vous
:
{(
il
qu'on
,
lui
,
lui
en adou-
doit s'élever jusqu'à
La philosophie morale, ou
la
science de la
—
—
456
» nattfre humaine, peut être
traitée,
de deux manières différentes
((
:
»
Hume,
dit
chacune
d'elles
a
» son mérite particulier, et peut contribuer au diver» tissement, à l'instruction, à
la
réformation du genre
comme né
»
humain. L'une considère l'homme
))
cipalement pour l'action,
))
décisions par le goût et par le sentiment;
comme
prin-
guidé dans ses
comme
» déterminé à rechercher ou à éviter les objets par
leur valeur apparente^ par la forme qu'ils revêlent
))
Comme
» à ses yeux.
monde,
estimable au
))
» parlons, pour
la
y a de plus philosophes dont nous
vertu est ce
la
les
qu'il
peindre des plus belles couleurs,
empruntent tous leurs charmes à
»
la
» l'éloquence; et traitant leur sujet sur »
poésie et à
un ton
aisé et
de séduire notre ima-
facile, ils s'efforcent surtout
» gination et d'engager nos sentiments. Les philoso»
phes de
» plutôt
seconde espèce considèrent l'homme
la
comme un
» être actif...
» abstraites
être raisonnable
que comme un
Quoique leurs spéculations paraissent
même
et
inintelligibles
à
la
foule des
visent à l'approbation des savants et
»
lecteurs,
»
des sages, et se croient suffisamment récompensés
ils
» des peines
de toute leur vie
,
s'ils
ont découvert
» quelques vérités cachées qui puissent servir à l'in» struction
de
» losophie
dont
»
la postérité. le
est certain
Il
que
la
phi-
ton est facile et populaire obtien-
dra toujours, auprès de
la
majorité des
hommes,
» la préférence sur la philosophie abstraite et rigou»
reuse;
»
comme
elle sera toujours
considérée, non-seulement
plus agréable, mais
comme
plus utile.
Il
— 457 — que
celte philosophie est celle
))
faut aussi reconnaître
»
qui a valu à ses disciples la gloire
en
même
temps
la
plus durable
plus juste... Les raisonneurs
la
))
et
»
abstraits s'égarent facilement
»
leurs
»
dans leurs systèmes, une série d'autres erreurs,
))
s'ils
))
aucune conclusion ne
))
veauté, ni par sa contradiction avec
dans
subtilité
la
de
raisonnements; une seule erreur engendre,
s'obstinent à en
chercher les conséquences
;
par sa nou-
effraie, ni
les
les
opinions
))
communes. Au
))
propose seulement d'exprimer
»
nés de l'humanité sous des couleurs plus belles et
))
plus séduisantes, s'arrête,
»
quelque méprise; et,
» sens
commun
,
contraire
un philosophe qui se
,
si
les
opinions
par hasard
»
garde contre de dangereuses illusions
rentre dans le droit chemin, et se
précisément
politiques.
Hume
la
a
fait effort
parfois
si
lui-même, ce
n'est pas
sion au sens
commun,
se
il
,
il
un désaveu:
s'y
et
séparer
met lui-même en nous en avertit c'est
une conces-
naturelle dans des écrits qui
sont faits pour plaire aux
!«''
(1)... » Telle
pour ne pas
contradiction avec ses principes
(l)
met en
philosophie des Essais moraux
du sens commun. Et
tomG IV,
commet
renouvelant son appel au
âme,
est
il
aux sentiments naturels de son
»
il
commu-
hommes.
Essai philosophique, Des différentes espèces de philosophie,. p. 1 et suiv.
CHAPITRE XIV.
CONCLUSION. II.
Il
I.
LE SCEPTICISME DE DAVID HUME.
SON INFLUENCE SUR LA PHILOSOPHIE MODERNE.
est
maintenant possible de jeter un coup d'œil
d'ensemble sur
la
philosophie que nous venons d'étu-
dier en détail dans toutes ses parties, et de la déter-
miner par quelques
traits
généraux. Nous voudrions
surtout montrer dans quel sens
que, et dans quel sens lieu,
caractériser
il
ne
Hume
l'est
l'influence
qu'il
est
un
scepti-
pas, et, en second
exercée sur
a
la
philosophie moderne.
I
La plus grave erreur que droit
l'on
du scepticisme de Hume
comme un pyrrhonisme de vaise
foi. 11 n'a
jamais eu
la
pût commettre à l'en-
serait
de
parti pris
pensée de
le
considérer
ou de mau-
faire
de
la dia-
lectique un jeu, et son doute doit être pris au sérieux. Si,
au point de vue intellectuel,
que dangereux
et
Hume
est
un
condamnable, moralement,
scepti-
c'est
un
sceptique estimable et dont les opinions méritent le respect.
Il
a
pu
être sophiste
dans
les détails
de son
— 459 ^ système, et faire quelquefois violence à
tout ramener à ses conclusions générales
évidemment sincère dans l'ensemble de et ce qui le
prouve par dessus
mélancolie où
la
caractère
non plus de lité
la
Son
et digne,
n'a
rien
légèreté de Montaigne, de la tranquil-
de ce pyrrhonien
satisfait, qui se
conclusions sceptiques. le
ses opinions,
qui rappelle Pascal
calme
rigide,
cieusement dans son doute.
où
est
il
émotions de ce sceptique malgré
âme
mais son
mais
jettent parfois ses doctrines.
le
et les dramatiques lui;
;
tout, c'est la tristesse,
rien, sans doute,
n'a
pour
la vérité
Hume
repose
si déli-
a souffert de ses
a plusieurs fois senti le vide
Il
plongeait son système, et
fait
d'amères réflexions
sur son délaissement intellectuel.
S'il
n'a pas réagi
contre ses conclusions, c'est qu'en lui, l'intelligence était toute-puissante
;
c'est
que
pas
la sensibilité n'était
assez forte pour dominer, par ses élans, les négations
qui s'imposaient à son esprit. Ce n'était point ce scep-
Gœthe en pensant
ticisme actif, dont parle tes,
ce
n'est
ses réflexions, renonce sans regret lutaires auxquelles
Par moments,
Hume, triomphe du d'avoir,
je
il
dit
la
aux croyances sa-
il
semble entendre, en
sais quel accent
raisonneur,
qui
joyeux,
s'applaudit
le cri
de
lui-même
par de nouvelles observations, confirmé la
vérité de ses conclusions. Mais cette joie est lide et
pente de
un irrévocable adieu.
cependant,
ne
lui-
pas non plus un scepticisme
entièrement résigné, qui, s'abandonnant à
lisant
de
sans relâche à triompher
qui s'efforce
même; mais
à Descar-
peu durable. Elle
est
le
fait
peu so-
d'un philosophe
— qui
460
—
condamné au scepticisme par son éducation,
,
d'appuyer sur de nouvelles preuves des théories
félicite
auxquelles toute
il
se sait fatalement voué, et qui, sentant
gravité du parti qu'il a pris, éprouve quelque
la
contentement à penser
qu'il a
mis une nouvelle
fois
de son côté. Aussi, lorsque arrivé au bout de
la raison
ses raisonnements
en recueille
il
,
que son scepticisme
vpit bien
sincèrement des ruines
fraie
se
les résultats
lui pèse,
on
,
et qu'il s'ef-
lui-même amon-
qu'il a
celées autour de lui.
Au
terme de
la
première partie du Traité de
Nature humaine, Y o'ici comment
Hume
que je
«
» avoir
suis
échoué plusieurs
fois
un
traversant
»
témérité de se remettre en
» seau, qui fait si
pour
contre des bancs de
détroit
mer sur
eau de toutes parts
et
même
le
que
souvent... Le souvenir de
l'avenir.
La misérable condition,
la
la
vais-
tempête
mes erreurs la
défiance
la faiblesse,
désordre des facultés que je dois employer dans
» le »
Il
de mes perplexités m'inspire de
» passées,
»
«
dangereux, aurait encore
»
battu
:
échappé miraculeusement au naufrage en
» sable, et
» a
s'exprime, avant
me semble,» comme un homme qui, après
d'aborder l'étude des Passions (1) dit-il,
la
mes recherches,
» L'impossibilité » tés
me
accroît
encore mes inquiétudes.
de corriger ou d'amender ces facul-
réduit
absolument au désespoir, rocher stérile où
et
me
mainte-
))
décide à périr sur
))
nant abordé, plutôt que de m'aventurer sur cet
(1)
Tome
I
,
le
p. 325 et suiv.
j'ai
— Océan sans
»
qui roule ses
linaites,
les
de mélancolie
remplit
dansTimmen-
flots
soudaine sur
» site. Cette réflexion
me
—
461
dangers que je
comme
»
cours
»
passion, plus que toute autre encore, a l'habitude de
))
se complaire à elle-même, je ne puis éviter de nour-
mon
» rir »
» Je suis
le sujet
me
fournit avec abondance.
tude et de ce délaissement
»
Sophie; je
))
monstre étrange
me
ma philomoi-même comme un
représente à
odieux qui
et
humaine
a
,
été
me
oii
,
jette
jugé indigne de
,
sans conso-
autres à se joindre à moi, pour
» lation... J'excite les
bande à part
mais personne ne m'écoute.
,
chacun a peur de
))
Chacun se
))
tempête qui fond sur moi de toutes parts. Je
tient à distance
exposé de moi-même à
» suis
;
la
siciens, des logiciens, des mathématiciens, et
»
des théologiens
»
dont
))
vais leurs systèmes
ils
» tour ils » et »
pour
moi
,
comment
m'abreuvent?
que
Hume la
déclaré que je désapprous'étonner qu'à leur
Lorsque je regarde autour de
je ne vois de toutes parts que dispute
je
même
être surpris des injures
comment
ma personne?
me
calomnie et diffamation;
considère
» certitude et
de
J'ai
me
expriment leur aversion pour mes doctrines
» tradiction, colère, »
:
la
haine des métaphy-
))
:
la
de tout commerce
exclu
avec ses semblables, et demeure seul
» faire
cette
d'abord effrayé et consterné de cette soli-
»
))
et
désespoir de toutes les réflexions découra-
géantes que
» société
;
moi-même
ignorance.
,
je
,
con-
et lors-
ne trouve qu'in-
»
s'exprimait ainsi à vingt-sept ans, au terme
première partie du Traité de
la
Nature humaine.
— mêmes
Les
—
462
sentiments l'accablaient encore dix ans
après, lorsqu'il composa ses Essais philosophiques. Dans
un passage remarquable
où
;,
oppose
il
la
philosophie
réellement scientifique, qui n'aspire qu'à
la
vérité,
à la philosophie morale, qui recherche le succès et
qui veut complaire au sens
commun
les traits les plus sévères, l'état
ceux qui se livrent à prête à
nature
la
hommes, ))
))
))
«
la
iVbandonnez-vous
votre science reste humaine
;
la
dépeint, sous
première plonge langage
voici le
et
;
où
votre passion pour
« à
» dit-elle
,
qu'il
aux
science; mais que
qu'elle soit telle qu'on
immédiatement l'appliquer à
» puisse ))
:
elle
il
,
l'action et à la
société. J'interdis toute
pensée abstruse, toute spé-
culation trop profonde.
Ceux qui me désobéiront,
je les punirai rigoureusement par la mélancolie pen-
où ces méditations
» sive
» certitude ))
enfin
))
des
))
ils
sans
voudront
Hume tesse
dont
fin
auront jetés, par
elles
les
l'in-
envelopperont
;
par l'accueil glacé que rencontreront auprès
,
hommes
aveux,
les
était
il
que
leurs prétendues découvertes, les
mettre au jour (1)... »
de ceux-là
est impossible lui
quand
,
et je crois qu'après
de
de douter de l'incurable
tels
tris-
avaient inspirée ses méditations philo-
sophiques. Peut-être
même
faut-il voir,
dans ces im-
pressions de découragement et de chagrin, la cause
qui l'éloigna peu à peu de
son esprit
et ses goûts
moins troublantes de
(l)
Tome IV,
p. 5.
la
philosophie, pour diriger
vers les études plus sereines et l'histoire.
Il
ne faudrait pas,
— sans doute
que
la
pousser au tragique une situation morale
,
Hume
froideur naturelle de
tolérable. tes
—
463
rendit
toujours
ne connut jamais ces angoisses poignan-
Il
que des âmes plus passionnées ressentent, quand
elles se
séparent des croyances de l'humanité, quand
commun. Et
tout lien avec le sens
elles brisent
donc, pour flegmatique
ne
soit,
qu'il
qui
trouverait
pas dans son expérience personnelle de quoi com-
prendre tout ce
communion
y a d'amer à n'être plus en
qu'il
d'idées avec ses semblables? Si
pour une seule opinion,
en coûte de rompre avec
il
conscience de l'humanité, combien
la
même
la
souffrance
doit-elle être plus vive, lorsque, sur tous les points,
on se trouve en contradiction avec elle? Ce seulement per
:
la foi religieuse
c'était aussi la foi
'écroulait autour
de
lui.
que
Un
sent largement à remplir positiviste
sentait lui
pas
échap-
philosophique. Toute réalité idéaliste
de consolation
n'a pas besoin
Un
Hume
n'est
,
:
comme
Berkeley
l'âme et Dieu suffi-
à occuper ses croyances.
comme Auguste Comte
se passe,
au
moins quelque temps, des croyances surnaturelles il
:
a pour exercer son activité, pour étouffer ses tris-
tesses, le
monde
Mais, je
le
sensible, le
demande, que
monde
restait-il
à
entier à explorer.
Hume
pour com-
bler le vide des croyances perdues? Autour de fui,
en lui-même, aucune
réalité
n'en sait rien. Ce qu'il est, ((
De
>)
ma
))
quelles causes dérive
destinée?
De qui
De qui
il
certaine.
ne
mon
le sait
Oii est-il?
Il
pas davantage.
existence? Quelle est
dois-je courtiser la faveur?
dois-je craindre la colère? Quels sont les
))
me
êtres qui m'entourent?... Toutes ces questions
commence
comprendre que
))
confondent
»
suis dans la plus misérable condition qu'on puisse
»
imaginer, environné des plus épaisses ténèbres, et
»
entièrement privé de l'usage de mes organes et de
))
,
et je
mes facultés (1)... En vain l'abus de
à
je
»
de
la dialectique et l'ivresse
la
déduction font-ils quelque temps illusion. L'esprit en agissant, en pensant, bien qu'il n'agisse et ne pense
que pour se prouver à lui-même son propre néant trompe
et se satisfait
,
se
pour quelques moments. Mais,
lorsque l'heure de conclure arrive, on hésite, on est
épouvanté.
Si,
du moins, on pouvait gagner des
adhérents, recruter des disciples? Mais non! il
faut traverser le
monde, silencieux
une propagande dangereuse
avec
son secret; ou bien,
si l'on
bien
et prudent, sans
essayer soi
Ou
,
emporter
et
se hasarde à dire
sa pensée, à quelles attaques, à quels anathèmes ne s'expose-t-on pas
!
Mais ce n'est pas seulement de sa rupture avec les
hommes que le sceptique même, du fond de ses
doit souffrir. Rentré en lui-
pensées
solitaires
veaux motifs de douleur surgissent.
11
est à
de nou-
peu près
impossible que la confiance absolue règne dans prit d'un sceptique.
Hume lui-même
cette impassibilité.
a
Il
beau
n'a pas atteint
s'attacher de plus en plus
fermement à ses motifs de doute,
il
ne peut échapper
à des retours involontaires de dogmatisme
(1)
ïomel,
p. 331.
l'es-
,
et
,
pour
— de
ainsi dire, à des accès
du penseur,
soit lorgueil
lible. L'incertitude livre
les plus
—
465
il
ne peut se croire
sonnements
!
Si
il
la
quiétude à laquelle
trompé dans ses
s'était
autres
les
infailli-
des assauts à ses conclusions
décidées, et trouble
aspire. Si, par hasard,
de croyance. Quel que
foi et
hommes
Hume
il
rai-
avaient raison
1
qu'en renon-
((
Puis-je être sûr,
))
çan4^
»
vérité? Par quel signe puis-je distinguer la vérité,
»
à
»
avoir raisonné avec toute la rigueur et le soin dont
))
je suis capable
s'écrie
»
aux opinions
supposer que
la
,
établies, je suis la route
fortune
je
me
mon
assentiment à
forte
tendance qui
»
dans un sens ou dans un autre
telle
me
ou
telle
opinion, que
pousse à considérer
sans exagération, le
agitations intérieures auxquelles
Une âme moins
la
ne puis donner d'autre raison de
))
per.
de
guide vers elle? Après
»
Tel est,
«
,
(1).
»
tableau fidèle des
Hume
ne put échap-
succombé sous
forte eût
la
les objets
le
poids
d'un scepticisme aussi désespérant. Montaigne acceptait,
au moins en apparence, passé de
cal est
exaltée; Auguste sa vie
,
sous
la
la
le
négation à
Comte
est
joug de la
la foi;
dévotion
retombé, vers
la
Pasplus
la fin
domination des croyances aimables
de et
des douces espérances. Peu d'hommes ont maintenu
comme Hume,
,
jusqu'à leur dernier jour, l'inflexible
rigueur de leur scepticisme obstiné.
Une
pareille constance,
une
fidélité aussi inaltérable
à des principes entièrement négatifs, serait un pro-
(1)
Tome
I, p. 326.
30
—
—
466
dige étrange, si, à côté de son nihilisme spéculatif
Hume
n'avait reconstitué
de
instincts
la
et
les fic-
qui lui a permis de réconcilier ses doctrines avec
tif,
sens. On se rappelle comment, monde extérieur, ou dans celle personnelle. Hume, après avoir montré
les affirmations
dans
de
la
du bon
question du
l'identité
néant et
le
turelle. C'est là, la
de
la fausseté
explique cependant
de
sur les tendances
nature, un dogmatisme apparent et
,
la
croyance générale, en
la
nécessité et la production na-
en définitive,
philosophie de
Hume,
revenir une dernière
et
l'originalité principale
on nous pardonnera d'y
fois.
Deux puissances, selon Hume se disputent humain l'imagination et l'entendement. ,
l'esprit
:
L'entendement, qui
n'est d'ailleurs
que l'ensemble
des propriétés les plus générales de l'imagination, se
rend compte de lui
de nos croyances.
l'inanité
obéissons, nous tombons dans
solu. Mais
tion
nous ne pouvons pas
nous retient sous sa
loi.
intérieur
comme
nous
scepticisme ab-
obéir
:
l'imagina-
Grâce à l'association des
idées, elle nous représente le
monde
lui
le
Si
monde
extérieur, le
réels et distincts.
Elle n'est,
à vrai dire, qu'une ouvrière d'erreur et d'illusion; et
hommes qui s'abandonnent à elle sont, dit Hume, comme les anges dont parle l'Ecriture qui se coules
,
vrent les yeux de leurs propres ailes pour ne pas voir la vérité.
Mais enfin nous sommes forcés de subir
joug de l'imagination, parce elle;
elle
est l'expression
qu'elle a la nature
le
pour
des instincts primitifs de
l'homme. Nous n'avons donc pas à craindre que
les
—
467 --
raisonnements raffinés de l'entendement soient victorieux et emportent toutes nos croyances. La nature,
dans sa prévoyance, a confié la garde de ces croyances à un instinct plus fort, plus efficace que tous les argu-
ments des sceptiques.
C
est
donc
la
nature elle-même qui
chargée de
s'est
du sceptique,
dissiper les incertitudes
et au-des-
nature nous détermine à
»
sus de tout contrôle,
»
juger, aussi bien qu'à respirer et à sentir (1).
«
Il
la
que
n'y a pas à craindre
» puisse
la
»
commune
))
primer
»
La nature maintient toujours ses droits,
»
phe, en
pousser
et
l'action,
fin
elle
supprime
de compte, de tous
» abstraits (2).
»
les
au nom de
C'est
la
))
))
l'impuissance
de
mon
» guérit »
Par bonheur,
«
que,
oii est
esprit
ma
de
,
la
et triom-
Hume se croit commun des
raison de dissiper les nuages
nature
suffit
mélancolie, de
en faisant cesser
soit
spéculation.
arrive, » dit-il, a que dans
il
ma
vie
cette inclination
autorisé à vivre, à agir ainsi que le
hommes.
la
raisonnements
dominatrice, suggérée par la nature, que ))
—
doute assez loin pour sup-
le
comme
)>
philosophie vsceptique
jamais détruire les raisonnements de ,
con-
et qui le
Par une nécessité absolue
traint à croire. «
la
à cette tâche
mon
,
et
me
délire philosophi-
tension de
mon
esprit,
par quelque distraction, par quelque impression
))
soit
)•'
vive de mes sens qui
»
mères. Je dîne, je joue au trictrac, je cause avec
(1; (•2)
Tome Tome
I
,
p. 233.
IV, p. 48.
fait
disparaître toutes
mes
chi-
—
468
— ou quatre heures
))
mes amis
))
de divertissement, je reprends mes réflexions,
et lorsque, après trois
;
»
me
»
décider mon cœur
paraissent
C'est par
si
ridicules,
que
ne puis
Hume
expédient bizarre que
cet
je
à s'y attacher de nouveau (1).
pyrrhonisme
A
pen-
en grâce avec
et rentrer
,
le
sens com-
faveur de ce nouveau point de vue, son
la
scepticisme spéculatif lui paraît une chose tout à indifférente,
vc
Suis-je
un de ces hommes
})
aucune certitude? La question :
moi
ni
qui n'accordent à nos jugements est tout à fait super-
personne n'avons jamais été con-
ni
))
stamment d'une
»
prend
»
cisme absolu
»
adversaire
la
Quiconque
semblable opinion...
peine de réfuter les subtilités d'un sceptiet total
discute en réalité contre
qui n'existe pas
,
et s'efforce
»
ment de démontrer par des arguments
))
d'une faculté que
la
un
inutile-
l'existence
nature a implantée dans
dont l'autorité ne peut être éludée
» et
fait
un sceptique? demandera-t-on,
))
» flue
)>
dérober lui-même aux conséquences de son
sait se
mun.
froides,
si
elles
(%).
l'esprit, >>
Cette
faculté c'est limagination. L'intérêt des recherches sceptiques est
dérablement diminué par
cette
sommes
comme
nous
gination,
mieux
(1)
(2)
tous,
les
savants
incliner devant l'autorité
ou de
la
coutume.
de
donc consi-
nécessité
la
les
II, p. 331, I. p. 233.
nous
ignorants, de
nature, de l'ima-
Hume
ne pouvait pas
critiquer son système, qu'en avouant
Tome Tome
oti
lui-même
— dans
qu'il faut agir^
tème
n'existait pas
la
—
469
vie pratique,
bien plus,
;
comme
qu'il
si
ce sys-
absolument
est
impossible de s'en tenir aux négations que ce système
grande notre propension
pose en vérités, tant est naturelle
à croire et à affirmer.
A
quoi servent des
analyses qui seront nécessairement démenties par les
de
instincts les plus puissants
prouver que
la
nature?
A
quoi bon
opinions humaines sont fausses, puis-
les
que non-seulement
il
utile, puisqu'il
est
est
même
nécessaire de les croire vraies ?
Comment
s'expliquer, d'ailleurs, cette lutte entre les
différents principes
a leurrés,
si elle
de notre être
nous a entourés
donc bien peu habile,
qu'elle ait
fléchi l'intelligence nécessaire
apparences sont trompeuses nos instincts
nous
d'illusions, elle est
donné à l'homme ré-
pour comprendre que
les
et qu'il faut se défier
de
Le mécanisme
î
? Si la nature
qu'elle a
imaginé pour
nous induire en erreur est mal combiné, puisqu'elle
y a placé, par mégarde sans doute, l'entendement qui nous avertit nous-mêmes de nos illusions Si elle î
voulait nous tromper, pourquoi ne nous a>t-elle pas
aveuglés complètement! Qu'est-ce donc que cet esprit
humain, qu'une pente invincible pousse à se duper lui-même par son imagination, à se précipiter dans des abîmes d'erreur, qu'il a cependant reconnaître ouverts devant ses
que l'homme,
tel
incompréhensible.
encore l'homme
qu'il
le
concevait, est
de
s'écriait
un monstre
incompréhensible
rêvé par
d'ailleurs,
faculté
pas? Pascal
Combien plus
tel qu'il est
Ne soyons pas^
la
Hume
1
dupes des mots;
et
ne
— nous figurons pas que croyant, parce
qu'il
—
470
Hume
redevenu réellement
soit
accorde une autorité irrésistible
aux
fictions
de l'imagination.
lui,
que
suggestions de l'imagination sont entière-
les
ment dénuées de
Il
est bien
Nous sommes
vérité.
entendu, pour
les jouets
d'une
hallucination perpétuelle, qui partout nous crée des
fantômes
fantôme de
le
:
la
cause ou de
la
force
active, que nous imaginons derrière les successions
de
fantôme de
faits; le
la
matière, que nous présen-
tent quelques-unes de nos perceptions
rame
enfin,
;
fantôme de
le
dont l'apparition mensongère dépend de
quelques autres de nos perceptions. Et fantômes
si
nous voulons
nous retombons dans
repousser
ces
néant
Hume, nous n'avons le choix qu entre raison et pas de raison du tout, c'est-à-dire
,
le
car, dit
:
une fausse
entre les illusions de l'imagination et le nihilisme le plus
complet
(loe
and none at
reason,
hâve no
clioice,
tirer
d'une pareille doc-
la philosophie, c'est-à-dire la réflexion,
que l'entendement engage contre l'imagina-
la lutte
tion, loin
fléau
que
betwixt a false
ail).
La conclusion rigoureuse à trine, c'est
but
le
de rendre des services à Thumanité, est plus
pernicieux que l'on puisse
le
inventer.
L'homme qui pense, selon Hume, est presque nécessairement un sceptique, et plus il réfléchit, plus l'incertitude le »
gagne
première décision, être corrigée par
:
Dans
«
tirée
de
la
tout
jugement, notre
nature de
une seconde,
tirée
de
l'objet, doit
la
mon
juge-
moins de confiance en
mon
j)
notre entendement... Si je réfléchis que
»
ment
est faillible, j'ai
nature de
—
me
» opinion que lorsque je » choses qui
—
471
en sont Tobjet,
borne à considérer les
i)
examen, j'envisage, Tune après
mon
continuant
et lorsque,
l'autre,
chacune des
))
appréciations successives que je suis obligé de faire
i)
de mes facultés
))
nent l'évidence, et, par conséquent,
))
à un affaiblissement progressif qui aboutit à une
))
destruction complète (1).
les règles
,
»
de
la
logique condam-
ma
Pour échapper à
négation d'ellle-même, à ce suicide qui est
mot des recherches a qu'un moyen dans
bilité,
croyance,
))
la »
et des efforts
c'est
:
» partie sensitive
de
le
que de
il
est
«
le
fait
n'y
la sensi-
dans l'imagination.
Hume,
cette
dernier
la raison,
de se retrancher dans
coutume, dit
croyance,
«
La
plutôt de la
la partie cogitative
de notre
nature. »
))
On
le voit,
c'est le scepticisme, le
scepticisme ab-
solu qui semble, en définitive, l'emporter, dans les pen-
sées de
Hume. Et cependant,
ce sceptique qui en vient
à dire que plus on examine une opinion, plus souvent
on
la
démontre ou on
probable
et
douteuse,
intellectuelle apporte
d'erreur
:
la vérifie,
plus on la rend im-
— car chaque nouvelle opération avec
elle sa
— ce sceptique qui
sophie toute raison d'être, à
chance particulière
semble ôter à
la
la
philo-
science toute valeur et
toute autorité; ce sceptique ne renonce pourtant pas à la spéculation et à la
» espérer d'établir ))
pensée.
Nous ne devons pas dés-
un système qui
moins satisfaisant^ pour
(1)
«
l'esprit
soit,
sinon vrai, au
humain,
et qui puisse
Traité de la nature humaine, cité par llcyd, toii^e
V,
p.
239.
— l'examen de
—
472
•
la critique la plus rigoureuse.
))
résister à
»
Pour
»
progrès delà connaissance, en donnant, sur quelques
))
points particuliers,
ma
la
))
un tour
différent
aux spécu-
en leur désignant
et
ils
ne
contre
le
il
vrai
dire,
Hume
sous ces attaques
le
était
moins sceptique
pensait lui-même. Sous ces négations mul-
sens
si
ardentes contre
Il
nettement
saisi la
valeur et
d'un seul mot appeler les noumènes; mais
il
pouvons croit
aux
l'enceinte des impressions subjec-
croit à des lois fixes, à des tendances, à des
instincts naturels. C'est
tout
il
carac-
le
nie absolument ce que nous
phénomènes. Dans tives,
la raison,
commun, il y a un courant de dogmatisme,
n'a pas
tère spécial.
dans
les questions
morales sur-
que se révèle ce positivisme dogmatique de Hume.
faut voir
Il
les
peuvent rencontrer
certitude et la conviction (1). »
tipliées,
dont
.
de contribuer un peu au
l'espoir
dans lesquels
sujets
C'est qu'à qu'il
j'ai
des philosophes,
» lations » seuls
part,
comme
il
malmène
les sceptiques qui nient'
toute distinction primordiale entre le bien et le mal.
n'admet pas qu'on puisse soutenir ce scepticisme
Il
moral, sans être de mauvaise s'en souvient,
dans
la
foi.
Et de
même, on
question religieuse,
il
pouvoir, sans contredire ses principes, affirmer
croit l'exis-
tence divine!
Ce dogmatisme de Hume, nous n'avons pas besoin de
le répéter,
qu'il
(1)
repose sur des bases trop fragiles pour
soit possible d'en être
Tome
I, p. 336.
dupe. Mais, quel
qu'il
— 473 — que
soit, quelle
lui-niême,
nos jours
Nous
positivistes.
les
philosophie de
la
Hume
fut la défiance qu'il inspirait à
ressemble à celui dont se contentent de
il
Hume
définirions volontiers
un système
:
positiviste,
ou
phénoméniste, exposé par un sceptique. Cest ainsi
que s'expliquent
Hume
qu'on a faites à
deux réputations
et se concilient les
uns
les
:
le
considérant
comme
un pur sceptique, un vrai sceptique, qui doute de
comme
son propre doute, qui,
il
lui-même, ne
le dit
doute pas seulement de ses croyances scientifiques
mais de ses doutes (1); le
les
autres
saluant
le
comme
premier ancêtre de cette école dogmatique moderne
qui s'intitule elle-même l'école positiviste.
Hume
a contrecarré sur tous les points la vieille
philosophie, la vieille métaphysique, trop ardente et trop vive,
il
et,
dans sa lutte
a dépassé le but.
Il
sem-
ble n'avoir pas seulement ruiné telle ou telle philoso-
phie, mais toute philosophie, et avoir rendu impossible,
non pas seulement
la
métaphysique, mais
Dans son entrain à détruire,
science.
non pas seulement
a compromis,
les théories existantes
aussi qui voudraient à leur
venu à douter de
il
tout.
la
,
tour exister.
mais celles Il
en est
Mais surpris dans ce doute
universel, où l'avaient précipité, sans parti pris, les vivacités de la polémique et l'enthousiasme de la pri-
(1)
la
dit
Ce qui donne, en
philosophie de
lui-même,
phique est tendement
,
«
effet,
Hume,
un tour nouveau
de ses doutes sceptiques.
intitulé
et le 5®
:
»
Doutes sceptiques touchant :
et extraordinaire
à.
comme
il
c'est « la solution sceptique, w
Le les
4«
Essai philoso-
opérations de
Solution sceptique de ces doutes.
l'en-^
— 474 — tique,
il
a cherché à se sauver lui-même des consé-
quences de son œuvre;
a imaginé, sans y croire
un expédient plus
et par
que solide au fond
l'association entre les
idées.
ainsi dire, le tour
principes
les
avait
Il
Il
qui n'a
,
de
naturels
même,
lui
fait
de sa création.
faiblesse et l'insuffisance. Mais ce
,
en apparence
satisfaisant
un dogmatisme nouveau
,
fondements que
d'autres
pour
il
en savait
la
dogmatisme, auquel
ne se trompait pas, d'autres s'en sont emparés, qui
il
ont prétendu
,
après l'avoir modifié et amélioré
en
,
faire la science définitive, la science qui, seule, se-
l'homme. De
rait accessible à
mérite d'être considéré
telle
comme un
façon que
positiviste,
Hume
mais non
comme un positiviste naïf, satisfait de ses affirmations. Hume a substitué à la métaphysique le phénoménisme, mais un phénoménisme qui doute de lui-même, qui se chancelant et mal assuré, et qui, par conséquent,
sait
devait provoquer efforts
de
,
nouveaux pour
la part
des rationalistes
ressaisir,
en dehors
,
des
au-des-
et
sus des phénomènes, la réalité substantielle, la vérité objective, qui seules peuvent donner au et à la science
un fondement
solides (1).
explications, citons tout
un passage de
objet et
Pour compléter ces
(1)
M.
un
au moins en partie
Mill qui confirme,
dogmatisme
,
notre opinion sur
caractère relativement dogmatique des spéculations «
Au
»
et
sujet
du but
» phie
de
Hume,
,
une opinion fausse.
Hume comme le d'après lui
,
,
Il
regarde
scepticisme à son vrai sens
la :
le
Hume.
du plan général des spéculations de Hamilton avance une opinion
et
de l'esprit qui y règne
» n'hésite pas à le dire
»
de
Hume ,
et je
pbiloso-
l'objet
de
étant de prouver l'incertitude de toute con-.
—
—
475
II
Au
milieu des contradictions passionnées que sou-
Hume, il y a, du le monde est d'ac-
lève l'appréciation des doctrines de
moins, un point sur lequel tout
» naissance.
Dans
» prémisses
« qu'il
» tées
seulement
cette intention,
le
il
montre raisonnant sur des
n'a pas établies lui-même,
comme
mais
qu'il a
»
dans les écoles de philosophie qui l'avaient précédé.
»
faisait voir (d'après
» à
des conclusions en contradiction avec
»
que
philosophes
les
non que
la
et
Hume
témoignage de
le
la
conscience trompe, mais
prémisses généralement acceptées sur ,
»
Hamilton) que ces prétentions conduisaient
» conscience, ce qui prouvait
»
accep-
des principes universellement accordés
des
l'autorité
qui conduisent à ces conclusions, doivent être
» fausses. (Dlscussiuns, pp. 87-88, et ailleurs.) ))
C'est là certainement l'usage
de
» versaires
» validité »
»
comme
prouvant
» ab
Hume
les
fait
que R,eidet plusieurs autres ad-
de ses arguments. Admettant leur
non comme comme une reductio Cei)endant il me semble extrê-
arguments, Reid
les
Hume
conclusions de
ahsurdum de ses prémisses.
mement improbable que Hume
» à cet usage, soit »
ont
ait
,
considérait
mais
prévu qu'on
dans un but dogmatique,
soit
les ferait servir
dans un but pu-
rement sceptique. Si nous formons notre opinion en
Hume
des essais métaphysiques de
lisant la
au
lieu
de
»
juger sur quelques expressions détachées d'un seul Essai
(la
»
philosophie académique ou sceptique), notre conclusion sera, je
»
crois,
» série tout entière
Hume
que
acceptait sincèrement les
» conclusions. Il serait difficile
sans doute de
me
prémisses le
et les
prouver par un
»
témoignage
décisif, et je
ne
»
manière absolue. Quand
il
»
seurs du dernier siècle
r>
complètement de ce qu'étaient réellement leurs opinions
» connaître »
,
il
hasarderai pas à l'affirmer d'une
s'agit
des philosophes libres pen-
est souvent impossible de s'assurer ,
de
jusqu'à quel point leurs réserves exprimaient leurs
convictions réelles ou étaient des concessions aux prétendues
— cord
c'est
:
l'imporlance de son rôle historique. La
philosophie de
Hume
dent sans valeur
ne saurait passer pour un acci-
sans portée, pour un épisode in-
et
de rhistoire de
différent
—
476
pensée. L'auteur du Traité
la
un
faiseur
de paradoxes qu'une érudition curieuse doit
tenir à
de la Nature humaine n'est pas seulement
» nécessités
du moment. Hume,
est certain
il
a
,
fait
largement
»
des concessions de cette nature; on ne peut pas dire qu'elles
»
ne soient pas sincères, elles sont évidemment comprises
au moins
» çovy-evfa,
» scepticisme «
de
comme
Hume
cuveToïo-i.
était
me
Il
semble
un déguisement de
fort
comme que
le
cette espèce,
adopté plutôt pour esquiver une attaque que jiour cacher son
mieux recevoir
)>
opinion
o
qu'une autre plus odieuse
;
il
aimait
»
clusions dans lesquelles
»"
part
il
;
de sceptique
la qualification
comme
et
avait à tirer des con-
il
savait qu'on verrait la négation, d'une
»
du témoignage du sens commun, d'autre part des doctrinés de la religion, il ne voulut pas les donner pour des convicet crut plus
à propos de les donner^pour les
»
tiens positives,
»
résultats auxquels
»
tière confiance à la véracité de la raison.
» n'ait 1)
on pourrait arriver,
eu lui-mémo cette confiance
voir pnrtagerà ses lecteurs.
et
si l'on
accordait une en-
Je ne doute pas
qu'il n'ait
qu'il
souhaité de
la
Il n'y a certainement pas trace d'un
»
sentiment différent dans ses spéculations sur les autres sujets
»
importants traités dans ses œuvres
»
sens général de ses écrits indique une tendance, et des passa-
:
et
même
sur ce sujet,
donc plus
le
»
ges isolés seuls en indiquent une autre;
»
sonnable d'interpréter les derniers de manière à ne pas con-
» tredire l'état d'esprit »
premier.
»
ton a mal compris
»
honore à
»
est
rai-
habituel de l'auteur qui se révèle dans le
Par conséquent je ne peux m'empécher de croire que Hamilla fois
le
caractère essentiel de
Hamilton
jour
comme
Hume
w
c'est qu'il professe
w
a loyalement réclamé pour lui
M.
il
Mill, Hamilton, p. 611.
Hume
philosophe
et
;
mais ce qui
comme homme,
une ardente admiration le
titre
de penseur.
»
et qu'il
—
Voir
— remettre en lumière critique dans
le vif
477
sa
des questions modernes^ et dont
encore vivante dans
l'inspiration se retrouve les les plus
un penseur qui a porté
c'est
:
—
opposées. Dans
les
éco-
chaîne des systèmes
la
philosophiques, sa doctrine est un anneau particuliè-
rement solide
nombre
et saillant,
A
d'autres anneaux.
qu'on se place pour
un de
auquel se soudent un grand
le
juger,
il
faut reconnaître en lui
ces esprits dominateurs qui subjuguent
leurs adversaires, et qui, tion,
quelque point de vue
s'ils
provoquent
s'ils
même
excitent la contradic-
les récriminations violentes,
ne
permettent pas du moins l'indifférence. Aucun grand philosophe moderne ne
s'est soustrait à l'influence
Hume. La plupart
combattu
l'ont
et réfuté
hommes qui considérés comme
passé sous silence. Trois divers, peuvent être
de
la
,
;
de
nul ne Fa
à des degrés trois maîtres
pensée moderne, Reid, Kant, Auguste Comte,
ont particulièrement subi l'action de son génie. C'est ce que nous allons montrer en peu de mots.
Nous
dirons ensuite, en dehors de l'histoire et des faits, quelle est la part légitime d'influence et doit exercer sur les destinées
de
que la
Hume
peut
philosophie
;
quelle est, en d'autres termes, la mesure de vérité
que contient son système.
§ Parlons d'abord
1-
de Reid
et
de l'Ecole écossaise.
Reid est d'un an à peine plus jeune que Hume. Mais tandis
que
Hume
publiait à vingt-huit ans son Traité ^
—
—
478
Reid attendait sa cinquante -quatrième année pour mettre au jour son premier Essai(\). Aussi trouve-t-on, d'un côté
témérité juvénile qui se hasarde sans
la
,
scrupule dans une voie nouvelle et périlleuse l'autre^ la
prudence réfléchie d'un esprit mûr
qui se confie surtout au sens
suprême
bition
commun
,
;
de
et solide
dont l'am-
et
de mettre au service des croyances
est
générales l'appoint de ses réflexions personnelles.
Quelque jugement que
sur la philosophie
l'on porte
de Reid, on ne saurait contester qu'elle a été presque
Revendiquer tions
du
les droits
de
la
raison contre les néga-
Traité de la Nature humaine y relever les véri-
que l'impitoyable sceptique avait reléguées au
tés
rang des chimères, et l'enthousiasme
tel est le
du simple
Machar. Reid nous
dans son calme
de trouble
;
plirent toute
n y
l'a
elle
lui-même
détermina
une longue
l'histoire doit
En 1764 parut human mind.
(l)
,
la lecture
des
méditations qui rem-
les
;,
garder
du docteur
à l'examen
dans sa solitude,
entre Reid et Hume, des relacommencement de correspondance
eut d'ailleurs
l'intermédiaire
:
et studieuse existence.
le
au public ses Recherches sur
livre
bon pasteur de New-
apporta des éléments d'agitation et
tions directes et un
dont
dit
but qui anima les efforts et
paix évangélique
et sa
œuvres de Hume
the
de Hume.
par la philosophie
tout entière suscitée
F esprit
Blair
de celui
le
souvenir. Avant de livrer
,
humain, Reid, par
voulut soumettre son
dont
il
s'était
premier ouvrage de Reid
:
constitué
Inqulry into
— 479 -^ Mais, entre deux nobles
l'irréconciliable adversaire.
esprits
l'opposition
,
des
l'aménité
des
On
rapports.
(il
y
félicité
les
il
lettres
deux philosophes.
la
vue),
obscurités de détail
termine en déclarant que, loin d'être mortifié
de son contradicteur,
les critiques
prétend
,
dit-il
,
mêmes, par
erreurs
mon
» naître
qu'il croit,
mettre sur
le
Reid répondit par une
crivons presque en entier
dans
s'en
honore
;
par ses
leur rigoureuse liaison tout au
moins, avoir contribué à la vérité.
il
à une part des louanges que méri-
travaux de Reid, parce
tent les
))
pas
Reid sur l'ensemble de l'ouvrage
après avoir signalé quelques
par
les
question des perceptions de
était surtout
Hume
conservé
a
qu'échangèrent à cette époque
Après avoir
n'empêche
doctrines
:
«
. . .
lettre
Que
le
chemin de
que nous trans-
j'ai
ou non réussi
entreprise, je n'en dois pas moins recon-
que je
suis votre disciple
en métaphysique.
plus appris dans vos écrits sur ce sujet que dans
))
J'ai
»
tous les autres écrits des philosophes. Je ne regarde
»
pas seulement votre système
))
sèment
lié
comme
très-rigoureu-
dans toutes ses parties, mais déduit
des
comme
que
vous
y)
très-exactement
))
acceptez, et qui sont généralement admis par les
))
philosophes
»
jamais douté,
»
ne m'avaient inspiré de
»
étaient vrais, votre système le serait aussi. Et sur
» la question est
:
principes
principes dont je n'aurais si les
moi-même
conséquences que vous en
de savoir
la
s'ils
tirez
défiance. Si ces principes
sont vrais, oui ou non,
évidemment beaucoup
plus facile de répondre,
»
il
))
maintenant que vous avez mis au jour toutes les
— »
»
—
conséquences qui en procèdent,
» Ja ))
480
qu'il
ne
l'était
quand
était
encoie
majeure partie de ces conséquences
dans
ombre.
donc ces conséquences doivent être repoussées, vous méritez une part de leloge 1
Si
))
qui reviendra aux adversaires et aux contradicteurs
))
d'un pareil système
))
indiqué
»
but
le
;
car vous leur avez à la fois
armes
qu'il fallait viser et fourni les
pour y atteindre (1)... » Reid voulait dire qu'en dévoilant
les
conséquences
des prémisses empiriques on idéalistes de ses devanciers,
Hume
avait montré à ses successeurs de quel
côté surtout leurs coups devaient être dirigés; et
même
temps
quen
par l'absurdité de son scepticisme
,
,
il
avait discrédité lui-même et réfuté à l'avance les principes sur lesquels Il
il
serait trop long
s était
de suivre dans
polémique de Reid contre points,
la
lutte
appuyé.
Hume
est déclarée et
le détail la
(2).
longue
Sur tous
les
vivement soutenue.
Disons cependant que, dans ces critiques poursuivies sans relâche, Reid se montre plus ferme de croyance
Hume
que puissant en argumentation. Sa réfutation de est plus éloquente
clamations,
que
solide. Elle contient plus
que de bonnes
et solides raisons.
Sa tactique consiste
presque partout à retourner contre
(1)
d ex-
plus de cris de révolte et d'impatience
Voir Burton
,
tome
II, p. 154.
—
Hume
Yoir aussi
la
les
consé-
Dédicace de
Reid, dans les Recherches sur l'entendement humain. (2)
On
Cousin.
peut consufter, sur ce sujet,
la
Philosophie écossaise de
—
—
481
Hume s'em-
quences de soq système, conséquences que pressait
du
avouer.
(1
Il
était trop facile
de mettre Fauteur
Traité de la Nature humaine en opposition avec le
sens
commun
et
;
Reid a mieux réussi à établir que
Hume
doctrines de
les
sont dangereuses qu'à prouver
quelles étaient fausses.
Sur plusieurs points on peut affirmer que Reid n'a pas tout à
fait
compris Hume. Nous avons déjà
quelle illusion
dans
la théorie
il
des idées-images
Hume
cisme de
avait été victime, le
quand
il
principe
dit
de
a cru voir
du
scepti-
du monde extérieur. De
à l'endroit
même, quand il reproche a Hume d'avoir employé le mot impression d'un façon vague, sans qu'on puisse savoir, dit-il, si
ce mot désigne l'acte de voir, ou bien l'objet
qu'on voit;
il
est clair qu'en
posant une semblable
question, Reid n'a pas eu une conception nette du systè-
me
de Hume, puisque ce système consiste précisément
à supprimer tout objet, à considérer les impressions uni-
quement au non plus
point de
réfuter
vue
subjectif (1).
Hume que
lui faire
Ce
n'est pas
remarquer qu'on
arrive par ses principes à détruire toute distinction
entre les opérations de l'âme et les objets de ces opérations (%).
Hume
distinction.
En résumé, Reid
n'a jamais
prétendu maintenir cette s'est trop
souvent con-
tenté contre son adversaire d'une réfutation par l'ab-
surde. Les appels au sens
dans son
(1)
Reid
livre
,
que
les
trad. Jouffroy,
commun
sont plus fréquents
recherches positives, dérivées
tome
III, p. 36 et suiv.
(2) Ibid.. p. 29.
31
— 482 — de l'observation, ou interprétées par
le
raisonnement.
Les Essais de Reid n'en sont pas moins une œuvre considérable
,
un
effort
vigoureusement tenté pour
systématiser les croyances générales. Quelques partie»
aux
entre autres les observations relatives
surtout,
sens, et la longue discussion sur les notions morales,
sur l'origine de à
la
la justice,
sur
la nécessité
de donner
morale un fondement rationnel, sont dignes du
grand nom que Reid
s'est
Hume
philosophie moderne.
que
celui
acquis dans l'histoire de la n'eût-il
d'avoir forcé Reid,
conclusions qu'une vait accepter, à
d'autre mérite
pour échapper à des
âme dogmatique
ne pou-
et pieuse
examiner avec sa bonne
foi
son
et
ardeur naturelle les principales questions de la philosophie, qu'il faudrait faire déjà très-grande la part de
Hume a déterminé la réaction de comme autrefois les sophistes d'Athè-
du sceptique.
gloire
l'Ecole écossaise,
nes avaient provoqué
Mais l'influence de
les efforts
Hume
ne s'arrête point
peut sans hésitation affirmer que
ment sur TEcole
un goût
écossaise.
Il
fait le
on
:
a agi directe-
exclusif pour les recherches psychologiques
humain, dont Reid
le
cette philosophie
de prudence
et
;
de
loue avec raison d avoir
centre de toutes les sciences (1).
cet esprit
Il
lui a
transmis
de timidité métaphysique
dont elle ne s'est guère départie.
(1)
Hume
là
a contribué à lui inspirer
une prédilection marquée pour l'esprit
de Socrate.
Il
a enfin
été
son
Reid, Préface des Essais sur l'entendement humain, trad.
Jouffroy, tome III.
— modèle, dans toutes de
rales
les applications pratiques et
psychologie où
la
—
483
pas jusqu'au principe fondamental de
Reid
de ses successeurs,
et
mun, dont Hume
n'ait
pour son compte
comme
la
Il
mo-
n'y a
la
philosophie de
l'autorité
du sens com-
quelque droit à revendiquer
Hume
primitive inspiration.
Reid, parle d'instincts naturels, de croyances
invincibles;
y a cette seule différence que
il
devant laquelle
ils
soire et fictive
pour l'un, légitime
yeux de relles
complu.
elle s'est
l'autre
;
l'autorité,
s'inclinent l'un et l'autre, est illu-
que, pour
Hume,
et infaillible
les
aux
croyances natu-
ne sont que des nécessités subjectives pour Reid, ;
au contraire,
elles sont d'incontestables
Hume
L'action directe de
vérités (1).
sur l'Ecole écossaise s'ac-
centue encore et se précise davantage chez les successeurs de Reid.
Dugald
semble
Stewart
déjà
moins de rigueur. Sur quelque points, s'entendre avec
l'esprit perçoit-il
des choses?
—
Sur
lui.
les
la
Hume
juger
avec
est près
il
question fondamentale:
directement l'essence,
la
de
—
substance
deux philosophes professent la même
conclusion négative, et réduisent la portée directe de l'esprit
à
la
perception des phénomènes
matière ou
))
pas
»
par les sens
» la
(1)
la
couleur
;
:
c'est
le
corps dont
j'ai la
uniquement l'étendue,
toutes choses
Cette remarque a déjà été
Hume
:
que
faite. «
d'accord avec
»
tence des choses repose sur une foi
il
dit
Ce
,
n'est
perception figure,
la
constitution natu-
Reid,
)i
dit Ritter, « est
que notre croyance à
»
(juand
ma
«
sur un instinct.
»
l'exis-
—
484
—
me fait rapporter à quelque chose d'extérieur. de même pour l'esprit. Nous n'avons pas immé-
))
relie
»
Et
»
diatement conscience de son existence
»
avons conscience de nos sensations, de nos pensées,
))
des actes de notre volonté. Ces opérations suppo-
))
sent l'existence d'an être qui sent
y.
la
de ce qui constitue l'essence de l'âme
matière (1).
Y
»
a-t-il
un
les qualités perçues,
de
bien loin de cette constitu-
être substantiel et identique,
naturel qui, selon
l'instinct
et celle
qui nous détermine à concevoir, derrière
tion naturelle
à
pense et
qui
,
Nous sommes dans une ignorance abso-
» qui veut... » lue
mais nous
;
Hume,
maintient
nos
.croyances malgré les raisonnements du scepticisme?
Pour Stewart, comme pour Hume, seuls sont
tence de
1
immédiatement
par
saisis
ame, l'existence de
les
phénomènes
l'esprit
l'exis-
;
matière relèvent non
la
d'une perception directe, mais d'une croyance suggérée par la nature.
Stewart
a
beaucoup
pour
insisté
certain point de vue, la théorie de lité.
Dans ses notes,
trer
que l'opinion de
nomènes
comme dans
au
n'est pas,
Reid
de
la
,
les textes
;
un
pour mondes phécroire et
un paradoxe nouveau
philosophie
à
sur la causa-
Hume sur les relations comme on pourrait le
le pensait
l'histoire
accumule
il
justifier,
Hume
qu'elle a
et isolé
pour
elle,
contraire, les témoignages de Butler, de Berkeley
(dans son ouvragé
(l)
intitulé Siris,
ou Recherches
Eléments de la philosophie de l'entendement humain
philoso-
,
tome
I
,
— phiques sur
de Locke,
vertus de l'eau de goudron),
les
avant eux, de Hobbes, de Malebranche lui-même.
et
est vrai
Il
,
que Dugald Stewart ne se range à
Hume que ble. Comme
dans
de
de
la
l'avis
de l'observation sensi-
les limites
dit
le
il
»
—
485
lui-même,
«
dans cette question
causalité, ses prémisses sont vraies, sa con-
» clusion
fausse
est
ses prémisses,
»
;
c'est-à-dire
de percevoir immédiatement par
l'impossibilité
les
sens une cause, une force réelle; sa conclusion, c'est-
du principe de
à-dire la négation
Stewart ne
s'est
jamais caché de
profonde pour Hume.
pour se convaincre II
le cite
Il
de
suffit
qu'il l'avait
son admiration
il
lui fait
qu'à Locke ou à Kant. ticisme, mais
Il
aux progrès de
le
détail
les
progrès
combat, sans doute, son scep-
l'envisage
il
les
une place aussi importante
la
comme une
crise
utile et
philosophie.
Nous ne voulons pas pousser plus dans
ses ouvrages
lire
assidûment pratiqué.
sans cesse. Dans sa Dissertation sur
de la pjhilosophie,
salutaire
causalité.
rapports de
écossaise. Disons seulement
que
mier des grands philosophes
loin
et suivre
et
de l'Ecole
Hume
l'influence
écossais,
encore dans les écrits de Hamilton,
du pre-
se retrouve
dernier repré-
le
sentant de cette école. Sans y insister, nous citerons le
jugement que
Hume ))
la
•(1)
tome
Hamilton
dans ses leçons sur
la
lui-même a porté sur métaphysique (1):
Hume
philosophie sensualiste de Locke,
Voir Hamilton II, p. 395.
,
Lectures on
métaphysks
,
édition
«
A
opposa
Mansel
— » la difficulté » est ))
))
de rendre compte de
un des caractères de
la nécessité,
la liaison
même
qui pût servir
une
tenter
à
pareille
explication; quant au principe de la coutume,
» a
montré
qui
de causalité. Le
de Locke ne présentait pas de prin-
sensualisme
» cipe
—
486
donner une nécessité
ne pouvait
qu'il
donc
Hume
ou bien
doctrine
du
))
réelle. L'alternative est
»
sensualisme est fausse, ou notre nature est un en-
»
semble
»
déterminés par
ment
»
Locke.
» tout
»
Hume
a été ainsi
un plus
solide fondesuperficiel
l'édifice
de
cause ou l'occasion de
la
ce qui a de la valeur dans nos récents travaux
more
philosophie deKant,
»
Sophie allemande
:
en Ecosse,
» Ste^vart
that
(o/* ail
il
soit
,
de
la
la philo-
de Reid, de
de tout ce qui se distingue soit
,
la
dans
la
philosophie
Hamilton exagère peut-être un peu évident
est le père
est le père aussi
et
dans
of principal value in
par Kant, de toute
et,
par un mérite éminent
» française,
is
Hume
récent metaphysics).
))
))
que
à la philosophie,
de métaphysique
» our
à chercher
là
la
Les profonds penseurs ont été
d'illusions...
))
:
par son témoignage,
qu'il
;
philosophie
italienne.
mais
ne
il
»
est bien
croit pas avoir
échappé lui-même à l'influence de Hume, puisqu'il fait
de cette influence
le
principe de tout ce que les
travaux récents de métaphysique ont produit de distingué dans les contrées philosophiques de l'Europe.
§
On
2.
connaît la phrase célèbre de Kant
:
« C'est
Hume
— qui m'a réveillé de faut
Il
ques,
ajouter que
la nécessité
lui a parfois aussi
€ontre
—
mon sommeil dogmatique (1). » Hume lui a révélé, par ses atta-
si
de renouveler suggéré
scepticisme. «
le
487
métaphysique
la
moyens de
les
Hume,
M. Cousin,
» dit
))
phe allemand
»
dans l'ancienne route,
est tenté
de
« est
le philoso-
un pas en arrière
faire
Hume
il
se défendre
fantôme perpétuel de Kant. Dès que
» le
,
apparaît et l'en dé-
lui
de Kant est de placer
0)
tourne
»
philosophie entre l'ancien dogmatisme et le sensua-
de Locke et de Condillac, à
» lisme »
tout l'effort
et
;
du scepticisme de
Nous
Hume
l'abri
la
des attaques
(%). »
allons rapidement préciser sur quels points
a principalement porté
l'influence
du philosophe écos-
sais.
Mais disons d'abord que cette influence est sur-
tout
indirecte,
qu'elle se manifeste par l'opposition
presque constante du disciple.
ment étudié pour mieux parfois
la la
philosophie de
combattre.
ou des personnes
Kant a passionné-
Hume,
ce n'a été que
lui est arrivé
Il
aux enfants, vdont
une réaction contre
Si
le
ce qui arrive
caractère est en partie
les caractères
qu'ils ont le plus
de leurs parents familièrement fré-
quentées. Néanmoins, Kant a eu quelque peine à se
défendre contre l'obsession des idées de
remèdes fait
qu'il a
Hume
imaginés pour guérir
le
Hume
,
et les
mal qu'avait
ressemblent quelquefois d'assez près à ce
mal lui-même.
(l)Kant (2)
,
Prolégomènes de toute tnétaphysiqiie future
Cousin, Philosophie de Kant
,
p. 18.
,
Préface.
—
.
Ce qui
—
d'épithète
élogieuse
Hume
pour
est
lui
que
le
ment à Hume, la portée
de
graphes de
n'y a pas
un
et judicieux philosophe...,
un homme
si
habile et
si esti-
Cette admiration a surtout pour principe
»
le mérite
H
accorde. L'illustre
lui
plus ingénieux des scepti-
le
«
pénétrant...,
mable!
ne
qu'il
un grave
» ques..., » esprit
Tadmi-
est tout d'abord incontestable, c'est
profonde de Kant pour Hume.
ration
»
488
philosophe allemand attribue juste-
d'avoir voulu déterminer exactement
l'intelligence
la
,
et d'avoir été
un des géo-
Hume
qui, le pre-
raison humaine. C'est
mier, a réellement inauguré
les
attaques contre les
prétentions, justifiées ou non, de ce que Kant appelle la raison pure. Et peut-être,
malgré
nous allons relever,
permis de dire
est-il
que s'arroge
droit
les
qu'ici
deux philosophes sont à peu près du même Le
que
les différences
avis.
raison de sortir des limites de
la
l'expérience possible, pour concevoir des vérités trans-
cendantales, Kant
le
conteste aussi bien que
Sur un point au moins, l'entente
est
damnation de l'ancien dogmatisme. le
scepticisme de
comme
Hume
complète Si
:
Hume. con-
la
Kant condamne
en lui-même,
il
l'approuve
négation de la vieille métaphysique,
qu'il
im-
porte de renverser, ou tout au moins de réformer.
Hume son
a donc entrepris une
tort a été
de ne pas
la
œuvre louable; mais
pousser jusqu'au bout
de ne pas l'embrasser dans son ensemble.
Kant,
trois
moments à
pensée philosophique le
scepticisme;
Il
y
,
et
selon
a,
distinguer dans le travail de la :
enfin,
le la
dogmatisme d'abord critique.
,
puis
Le scepticisme
—
—
489
s'insurge justement contre les vaines tentatives d'un
dogmatisme imprudent de rien accorder à existence et
cisément à
mais
:
raison
la
se trompe, en refusant
il
et
,
de reconnaître son
son rôle spécial. La critique consiste pré-
du sceptique,
rectifier les erreurs
par
et,
une détermination complète des principes de l'enten-
dement
de
et
la raison, elle rétablit le
dogmatisme sur
des fondements inébranlables. Mais c'est le scepticisme qui a préparé l'œuvre de
critique,
la
qui rend
et
possible la saine appréciation des facultés de
gence. Or,
Hume
Le
tique.
la
:
méthode
nature humaine nie
en ce sens
mais
il
est
qu'il
laquelle nous
il
est
nous inspire une défiance
dans
marque pas exactement
-cri-
toute ex-
raison en dehors de l'expérience, et
le vrai,
générale
la
l'intelli-
méthode sceptique,
le soin d'instituer la
Traité de
tension de
dans
en
Kant
et a laissé à
est resté à la
faux, en ce
le
qu'il
bornes de l'ignorance à
les
sommes condamnés. Après
avoir con-
testé légitimement certaines applications
de
Hume
préalable,
se trompe, lorsque, sans
dénie à
l'esprit tout
ne
examen
pouvoir de s'étendre a
critique est négative, celle de
la raison,
priori.
il
Sa
Kant positive. Et, pour
reprendre une comparaison qui revient souvent dans la Critique
de
la raison
pure,
Hume
géographe qui se contenterait de dire mitée
;
ressemble à un :
la terre est
li-
tandis que Kant prétend aller plus loin et déter-
miner exactement précises d'un
la
forme sphérique
monde dont
il
et les limites
a fait le tour.
Disons-le tout de suite, Kant nous paraît trop in-
dulgent pour Hume.
Que
les
négations absolues de
— Hume
au
aient tourné
Kant en
de
profit
des
tiré
ait
—
490
inspirations
salutaires
pour
rétablissement du dogmatisme, on ne saurait tester; mais, pris le
ment à
laisser
connaissances, le
le
con-
le
dans ses intentions
et
Hume
ne tend pas
seule-
indécise et confuse la limite de nos il
dçtermine très-nettement cette limite
sens le plus étroit de l'empirisme, sans auto-
riser la raison
tenter de nouvelles entreprises oii
à
moindre espoir d'un meilleur
puisse avoir le
elle
lettre
la
scepticisme de
réelles,
dans
à
que
philosophie, et
la
succès.
Kant a, d
compris que
parfaitement
ailleurs,
la
discussion du principe de causalité est le point capital
de
philosophie de
la
examinant
Hume.
Il
valeur de ce
la
le
d'avoir, en
loue
principe,
soulevé une
question de laquelle dépend le salut ou la ruine de la
métaphysique
:
la
question de
ments synthétiques a circonscrit son
tique de
la
priori.
examen
l'effet
» erreurs vinrent surtout, » lui ))
est
qu'il
commun
» les espèces » car »
il
pas
Il
de
«
:
Ses
d'un défaut qui
dogmatiques
:
c'est
toutes
de synthèses a priori de l'entendement
aurait trouvé
» lui-là), est,
les
«
systématiquement
que
comme
celui
de
ici
;
permanence,
le principe de la
par exemple (pour ne faire
» pation
des juge-
blâme d'avoir
avec sa cause
» dit-il,
avec tous
ne considérait
le
il
à la seule proposition synthé-
de
liaison
la possibilité
Mais
mention que de ce-
la causalité,
une
antici-
de l'expérience. »
est certain,
le répéter,
et
qu'en
nous avons eu souvent l'occasion fait
d'analyses,
Hume
se satisfait
I
~
—
491
trop vite, et le défaut fondamental de sa
méthode a
été très-justement mis en lumière par Kant. Mais
semble un peu exces-
critique est fondée, l'éloge nous
songé à
la
inventifs,
Hume
autres.
est
Il
même
texte
» ))
un
lisent
que l'auteur leur
expliqué là-dessus
et
tous les esprits
aux
livre plutôt
inspire,
dans
que dans
le
sous les yeux. Kant, d'ailleurs,
qu'ils ont
Hume
reconnaît lui-même que « ))
Comme
prête souvent ses propres idées
de ceux qui
les méditations
n'a jamais
jugements synthétiques
distinction des
jugements analytiques.
des
Hume
nous persistons à penser que
sif, et
si la
:
ne
s'est
jamais bien
pensait peut-être bien qu'il
il
y a certains jugements où nous sortons du concept de lobjet... » La question ne s'est jamais posée pour Hume.
ainsi
Il
distinguait,
connaissances qui résultaient de
on s'en souvient, la
comparaison
les
même
des idées, et les probabilités qui dérivaient de l'expérience.
Il
ver dans
faut la
beaucoup de bonne volonté pour retrou-
première catégorie
ques, et dans
Mais
la facilité
ver dans tales
la
seconde
les
les
jugements analyti-
jugements synthétiques.
avec laquelle Kant se décidait à retrou-
Hume
l'origine d'une des distinctions capi-
de sa philosophie,
sur d'autres points,
il
est
elle-même une preuve que,
lui était
réellement redevable
de quelques inspirations. Il
est certain, par
Hume les
est la raison
catégories
formes
exemple, que
scepticisme de
qui a déterminé Kant à imaginer
de l'entendement
subjectives, quelque
d'ailleurs,
le
par lesquelles
il
nom
et
l'ensemble des
qu'il
leur
donne
croit rétablir l'autorité
de
— nos jugements
—
492
compromise par Hume. Hume
si
avait,
en quelque sorte, abouti à une dissolution totale de l'entendement;
nombre
il
avait
décomposé
aucun
d'éléments, sans
indéfini
unis seulement par l'habitude.
Au
en un
l'intelligence
lieu
réel,
lien
de ces relations
précaires et entièrement a posteriori, Kant admet des
principes premiers, qui sont les fondements de l'expé-
comme
rience,
qui
même
de l'entendement, ou
les catégories
tendent à nous faire sortir des limites de
l'expérience, les lois de la raison. Mais,
Kant ne va pas chercher dans dans un rapport direct de
de
principe
la
lui,
Pour
;
de l'expérience
et
de
la
le
lui,
des
mais ces rapports
a priori^ de la constitution
tandis qu'ils ne sont pour
l'esprit,
avec son objet,
les relations, les rapports
entièrement subjectifs
idées sont
dérivent pour
choses elles-mêmes,
l'esprit
science et de la certitude.
comme pour Hume,
sultats
les
comme Hume,
même
Hume que
de
les ré-
coutume.
L'existence des jugements synthétiques a priori, qu'ils
dérivent de l'entendement ou de
Kant reproche surtout à
comme Hume ne causalité
Kant
c'est
,
insiste
s'est
Hume
la raison, voilà
d'avoir
ce que
méconnu
;
et
guère occupé que du jugement de
sur ce point particulièrement
dans sa critique.
Il
y a
,
dans
la
que
Critique
de la raison pure, d'admirables chapitres destinés à rétablir l'autorité primitive et
causalité.
prend
Avec une
Hume
culière
de
innée du principe de
perspicacité parfaite, Kant re-
d'avoir confondu la détermination partitelle
ou
telle
cause, qui n'est possible
qu'après expérience, avec l'affirmation générale de
—
d'une cause , affirmation qui s'impose a
la nécessité
Que
priori.
—
493
le soleil
durcisse largile et fonde la neige,
ce que nous ne pouvons savoir qu'après obser-
c'est
vations préalables
;
mais que ces deux phénomènes
que tout
aient une cause, c'est ce
même, en
vertu des conditions
esprit sait par lui-
mêmes de
son déve-
loppement.
Ce
n'est peut-être pas
Hume que Kant forme de
mais
;
la
La
les
la sensibilité
première
la
pour
sensibilité est
de connaître, non pas
les
on
lui,
choses en
Pour Hume,
phénomènes.
tion est le principe tuel
de
fait
l'intelligence.
le sait, la faculté
soi,
a
non plus sans se souvenir de
la
de tout développement
sensa-
intellec-
croyance n'est qu'une sensation, ou une idée
avivée par son rapport avec une sensation. Enfin
,
de ne pas être frappé du
est impossible
il
rapport qui existe entre le dogmatisme de
fondé sur les instincts de
de Kant, appuyé sur philosophes
de
la
,
les notions
ont senti
,
,
morales. Les deux
la
quoique différemment, au nécessité
de reconstruire
l'édifice qu'ils
avaient détruit. Mais chez
allemand,
croyances de
les
la
sit le
;
et c'est
n'a
supérieur à ,
l'esprit sai-
dans ce monde idéal que nos
croyances sont réalisées.
Hume
monde
au-dessus des phénomènes
noumène,
philosophe
le
raison pratique trou-
vent leur point d'appui dans un l'expérience
Hume,
dogmatisme
et le
après avoir critiqué l'usage spéculatif
raison, et abouti,
scepticisme
nature
la
Il
est inutile
de dire que
conçu avec netteté rien de semblable
que, soutenues seulement par
1
instinct, les
,
et
croyances
—
494
—
qu'il
combat ne sont sauvées qu'en apparence
pour
le
besoin de
Son
la vie pratique.
et
,
esprit n'a pas
eu assez d'essor pour échapper au scepticisme autre-
ment que par un dogmatisme précaire qui ,
expédient sans valeur. Mais
lui-même dans a
gloire
la
la
^
il
est
permis
que, par sa distinction de il
marcher
n'a pas su
voie hardie où s'est jeté celui qu'il
d avoir compté parmi ses admirateurs
ses disciples
tique,
s'il
qu'un
n'est
la
du moins
,
et
de penser
,
spéculation et de
pra-
la
a déterminé, dans la pensée de Kant, des
réflexions fécondes
;
il
lui
a donné l'idée d'écarter le
pyrrhonisme par un idéalisme étrange, dont loriginalité est incontestable
,
mais qui n'en
moins
est pas
fondé sur une distinction analogue à celle de Hume.
En enfermant
l'esprit
humain dans ce
l'empirisme sceptique, d'où sortir
que par
la
il
porte du sens
ne
permettait de
commun,
il
a forcé le
génie de Kant à se frayer une voie nouvelle élargir les horizons
d'un
de
la
de
cercle étroit
lui
et
,
à
philosophie par lïnvention
monde nouménal, que nous ne pouvons nous
représenter, mais que nous pouvons concevoir, et dont l'existence est certaine.
§3. Si
Hume, par
ses négations, a
provoqué un rajeu-
nissement du dogmatisme spiritualiste
Kant à inventer, par delà presque raison à tés
Hume
,
les
;
s'il
phénomènes où
a il
un monde nouveau de
que nous pouvons penser
et
forcé
donne réali-
non connaître,
afin
— un refuge
d'y chercher
ver,
même,
—
et d'y
emporter, pour
croyances humaines;
trésor des
le
495
sau-
le
a, de
s'il
contraint les Ecossais à s'appuyer de plus en
plus sur le sens
commun, par
individuelle et par
défiance de la raison
un sentiment
des preuves philosophiques
;
il
secret de la faiblesse
a aussi
,
par ses ana-
lyses, directement inspiré les philosophes qui, à des
degrés divers
se rattachent de notre temps à FEcole
,
il
a agi sur la pensée
moderne, non pas
seulement par
les réactions qu'il a
soulevées
positiviste
:
contradictions qu'il a rendues nécessaires
tendances
les
qu'il
des
qu'il
a léguées
lui
chefs
lui ;
il
a transmises est l'un
de cette école qui
,
,
par les
,
mais par
,
par
idées
les
des maîtres et l'un
en France
relève
,
d'Auguste Comte, en Angleterre, de M. Stuart Mill
;
maître ignoré par les uns, avoué par les autres, mais
dont
l'esprit se
retrouve sans cesse
,
et
dont
nom
le
revient souvent, dans des travaux qui, par la puis-
sance de leurs déductions, par doctrines
,
sinon pour
la vérité
la
hardiesse de leurs
de leurs conclusions
méritent de prendre rang parmi les œuvres les plus considérables de notre temps. Citons d'abord le témoignage d'Auguste
même
:
((
Sous
))
principaux
))
cieux
l'aspect
purement mental
membres de FEcole
Hume
,
Comte
lui-
l'un
des
,
écossaise
,
le
judi-
par une élaboration plus originale sur
théorie de la causalité,
entreprend avec har-
))
la
))
diesse, mais avec les inconvénients inséparables
))
la scission
jj
générale entre la science et
la
de
philoso-
phie, d'ébaucher directement le vrai caractère des
— »
—
496
conceptions positives... Malgré toutes ces graves
»
imperfections, ce travail constitue, à
»
seul pas capital qu'ait fait l'esprit
»
juste appréciation
mon
gré, le
humain vers
directe de la nature
la
purement
))
relative, propre à la saine philosophie, depuis la
»
grande controverse entre
»
nalistes,
»
historique de cette détermination fondamentale.
»
doit aussi noter, à cet égard, le concours spontané
»
des ingénieux aperçus de son immortel ami
»
Smith, sur
»
tout
))
encore davantage du vrai sentiment de
où
j'ai
de
nomi-
ci-dessus indiqué le premier
germe
l'histoire
me
ma
,
On
Adam
générale des sciences, et sur-
où
de l'astronomie,
» rationnelle. Je ))
les réalistes et les
il
s'approche
plais à consigner
peut-être
la positivité
l'expression
ici
reconnaissance spéciale pour ces deux émi-
dont Tinfluence
ma
»
nents penseurs
»
première éducation philosophique, avant que j'eusse
»
découvert
»
la
,
grande
loi
fut très-utile à
qui en a nécessairement
dirigé tout le cours ultérieur (1). »
Après Reid, après Kant, voici donc Auguste Comte qui reconnaît,
aussi,
lui
ses premières réflexions.
dans
Y
Hume,
a-t-il
l'inspirateur
de
donc beaucoup de
penseurs, anciens ou modernes, qui aient eu
la
bonne
fortune d'appeler à la vie philosophique, en présidant
au premier
renom
éveil
de leur
esprit, trois
philosophes d'un
aussi éminent?
Auguste Comte, nous a témoigné encore l'estime
(l)
Auguste Comte
tome VI,
p. 259.
,
Cours de philosophie positive
,
qu'il
édition Littré,
— 497 — de
faisait
Hume
par
Dans ce calendrier, résumé de
Calendrier positiviste. l'histoire
de tous
place qu'il lui a donnée dans son
la
les
temps
de tous
et
nom
à chaque jour de l'année correspond un
par l'action ou par
la
nes ont leur mois
:
patron. Les
noms
pensée, le
les
à côté de Pascal
Hobbes y
:
célèbre
même
places
Kant
et
que Locke
les autres
:
et c'est pré-
Hume
est
Bacon
,
Montesquieu
,
comme
,
compté, et Leib-
Cabanis
Hegel eux-mêmes sont relégués aux rangs plus
obscurs des jours de
a
inscrit
est
aux philosophes que
d'honneur,
temps que saint Thomas
tandis
:
le
Joseph de Maistre, à côté de Fréret.
;
cisément parmi ces privilégiés que
en
où
plus glorieux figurent dans la
les
Comte met au-dessus de tous
nitz
et
philosophes moder-
Les quatre dimanches du mois ont été réservés, autant de
,
onzième. Descartes en est
sans acception de parti
liste,
pays
les
la
semaine
(1).
De même, Hume com-
trouvé place dans la Bibliothèque positiviste
posée par Auguste Comte pour guider ses disciples, et
les
où ne figurent cependant
,
études de
ni les
œuvres
de Locke ou de Condillac, ni celles de Voltaire ou de Rousseau. Après
la Bible et
cours sur la Méthode, ei selle,
prennent
rang
«
i)
double Dissertation sur
(1)
précédés (ainsi
,
le Dis-
philosophiques
le
demande Comte) de
les
sourds
Ce calendrier se compose de
-chacun
Essais
les
Hume,
Coran, après
Discours sur F Histoire univer-
le
»
le
treize
et
les
aveugles
de la
de
mois de vingt-huit jours
qui ne laissent qu'un jom' complémentaire dans les an-
nées ordinaires et deux dans
les
années bissextiles.
32
— nomie, par
Adam
—
de VEssai sur
» Diderot, et suivis »
498
Smith.
Hume
L'opinioQ de Comte sur
Vhistoire de VAstro-
»
n'est pas restée sans
écho parmi ses disciples ou ses adhérents » tation
de
Hume
du
» stitution
sur
la causalité
relatif à l'absolu
un pas
unabréviateur du système de Comte » positiviste, » dit »
pour
»
ne
première
la
Hume,
» par
fait
M.
qui
Mill, « fut
:
La disser-
faire à la
sub-
décisif,
écrit
))
La doctrine
(1). «
probablement conçue
dans son entière généralité,
fois,
même
fit
la
mena un peu
plus loin
que
Comle, soutenant non pas simplement que
» les seules causes des
phénomènes susceptibles
d'être
»
connues de nous sont d'autres phénomènes, leurs
))
antécédents invariables, mais qu'il n'y a pas d'au-
espèce de causes,
» tre
la cause,
telle
qu'il Tinter-
» prête, signifiant l'antécédent invariable (%). »
C'est la
ressemblance des doctrines qui révèle
cendant d'un maître mieux encore que des disciples. Or l'Ecole
positiviste
il
suffit
pour remarquer sur combien de
C'est surtout la négation
de toute substance, qui, a
de toute
Hume.
force, et, par suite,
attiré sur
Hume
les
sympa-
d Auguste Comte. En niant toute cause réelle,
thies
Hume
ouvrait les voies à l'affirmation fondamentale
du positivisme
:
qu'il n'y
a que des connaissances re-
C. de Blignicres, Exposition abrégée
sophie positive (2)
l'as-
hommages
de jeter un coup d'œil sur
points essentiels elle se rencontre avec
(1)
les
,
M. Stuart
et
populaire de la philo-
p. 446. Mill,
Comte
et le
positivisme, trad.
Clemenceau,
p. 8»
—
—
499
latives, et qu'en toute'chose l'essence réelle^ la vérité
absolue nous échappe. Pour A. Comte,
science se
la
réduit à déterminer les phénomènes dans leurs rapports de similitude et de succession.
aux causes
efficientes et
ment que
recherche
la
Hume ou M.
primant
la
chose,
du mot cause
:
il
,
et,
finales,
Quant aux causes
en proscrit entière-
plus conséquent avec lui-même
Mill, qui
conservent
le
nom
en sup-
rigoureusement l'emploi
s'interdit
il
il
ne parle que des
lois
de succession.
Qui ne reconnaîtrait, dans ces principes, l'expression
même Comte,
des pensées de il
n'y a
Hume? Pour
de certains que
nomènes, ce qui
est
comme pour
lui,
les faits positifs, les
donné par l'expérence.
Il
phé-
y a seu-
lement cette différence que Hume, nourri dans
l'idéa-
lisme de Berkeley, considère les choses au point de
vue
subjectif;
que Comte, au contraire, élevé à
des sciences mathématiques et physiques point de vue
objectif.
Mais
sont pas autre chose au fond que les
se place
,
les impressions
l'école
de
les
faits,
au
Hume ne phéno-
mènes de Comte.
Un même mépris de
la
logique anime auss4 les
philosophes. Ce mépris nous turel et
deux
un préjugé na-
paraît
presque inévitable pour des penseurs qui nient
tout a priori. « La
méthode,
»
dit
Comte,
« n'est
pas
en dehors des recherches
))
susceptible d'être étudiée
»
où
employée, ou du moins ce
n'est là
qu'une
))
étude morte, incapable de féconder
l'esprit
qui s'y
))
livre (1).
(l)
elle est
En elle-même
))
A. Comte
,
la
logique ne peut ensei-
Cours de philosophie positive
,
tome
I
,
p. 33.
— 500 — gner que des généralités vagues. Elle ne se précise
que dans
ses applications,
c'est là qu'il faut l'ap-
et
prendre. C'est par l'étude des sciences que l'on par-
viendra à acquérir de bonnes habitudes intellectuelles. Il
n'y a pas d'opinion sur laquelle
fréquemment dans
Hume
n'ait
sion et le la
la
série
Comte revienne plus
de ces leçons. Bien que
pas traité la question avec
même
développement,
déci-
condamnation de
la
logique était manifestement au bout de ses doctrines.
Nous n'avons pas besoin de redire (voir combien sont et
même
la
combien
elles
,
chap. VI)
le
insuffisantes les règles de son
malgré leur faiblesse
Organum,
et leur brièveté
dépassent par leurs prétentions
légitime portée
la
d'une logique empirique. Fondée exclusivement sur les faits, sur les résultats
de l'expérience, vide de tout
principe a priori, la logique empirique ou positiviste n'est
que
le
résumé de
la
science
faite.
progrès, les nouvelles applications de
vent à tout
de
la
moment
dont
la
science peu-
modifier, transformer les règles
méthode; de sorte que, variable
la science
Les nouveaux
elle n'est
que
et
mobile
comme
forme abstraite
la
,
la
logique n'a pas de valeur en elle-même; surtout elle
ne peut être déterminée avec l'avance.
se
Le savant qui
mettre à l'œuvre
profit
et
formulée à
méthode avant de
établit sa
ressemble à un voyageur qui
voudrait a priori fixer l'itinéraire d'un voyage de découverte. Si les points
communs entre Hume
et
Auguste Comte
ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait l'attendre
de philosophes qui professent
les
mêmes
principes
—
501
ont poussé leurs investigations dans des
c'est qu'ils
voies tout à
fait
vent répété
est
,
différentes.
»
,
l'avons sou:
ramène
il
une aberration singulière
peu digne d'un aussi grand contraire
Hume, nous
avant tout un psychologue
tout à la psychologie. Par
arrêt de
—
A. Comte,
esprit,
et
au
prononce contre Tobservation intérieure un
mort absolu. «L'esprit humain peut observer
directement tous les phénomènes
excepté
,
les siens
L'individu pensant ne saurait se partager
» propres...
que
»
en deux, dont
))
regarderait
»
psychologique est donc radicalement nulle dans son
l'un raisonnerait, tandis
raisonner.
Cette
» principe (1). » L'écart est aussi
entre les deux philosophies
d'une
même
;
l'autre
prétendue méthode
grand que possible
et à voir
deux adhérents
école se contredire aussi absolument sur
un point aussi
essentiel,
on a quelque envie de déses-
pérer du progrès philosophique, et de s'effrayer sur les
destinées d'un science où les opinions
les
plus
contraires peuvent être aussi résolument affirmées.
Auguste Comte, bien qu
Si
a su apprécier D.
Hume,
il
hostile à la psychologie, n'est pas
étonnant que
notre auteur ait excité l'admiration de ceux d'entre les positivistes qui,
mieux
inspirés, reconnaissent les
droits et l'importance des études psychologiques.
l'avons montré bien souvent dans ce livre
:
les philo-
sophes de l'Ecole anglaise contemporaine sont ciples
ment
(1)
de Hume. les
Ils
lui
,
les dis-
ont emprunté non pas seule-
tendances positivistes qui
A. Comte
Nous
les
Cours de philosophie positive
;
déterminent à
passim.
— sacrifier
comme
lui toute
au delà des phénomènes
commencements des de résoudre
502
~
recherche, toute spéculation ,
mais aussi
les
germes ,
théories par lesquelles
les
essaient
ils
problèmes de l'âme. Nous ne dirons
les
pas que M. Stuart Mill, par exemple, soit seulement
un Hume
diffus,
mais
c'est
Hume
un
perfectionné, qui
a su développer avec une admirable clarté les principes
que Fauteur du
Traité de la Nature humaine avait négli-
gemment jetés dans peu obscure
avec
et
Hume, Ihypothèse :
peu
trop
elle est
une forme un
d'éclaircissements.
supprime
expérimentale anglaise
L'Ecole
tique
ses ouvrages sous
comme
,
d'une âme, d'une substance iden-
donc bien forcée
comme Hume
,
chercher dans l'association des idées
,
dans
la
,
de
combi-
naison de quelques impressions primitives, l'explication des
phénomènes
tions les plus
compliqués, des opéra-
les plus
élevées de l'esprit.
Nous pouvons donc conclure que Hume philosophes modernes qui ont
le
est
un des
plus agi sur la pen-
sée de ses contemporains et de ses successeurs. Après cent ans, son influence n'est pas éteinte. lui tous les
cupent et
S'il
a contre
philosophes métaphysiciens qui se préoc-
avant
des
tout
suprasensibles
,
il
questions
transcendantes
a pour lui, au contiaire, tous
ceux qui, à quelque école
qu'ils
tachent de préférence aux
appartiennent,
s'at-
recherches positives, et
excluent, les uns absolument, les autres le plus possible, ces entités, ces facultés
dont
la
cienne a tant abusé. Hegel a pu dire » possible de descendre plus bas,
philosophie an:
«
Il
comme
n'est pas
penseur,
» qu'en faiSSnP%le l'habilude et de » source ))
élevées. » Mais,
M. Huxley,
l'illustre
il
et les plus
a quelques années à peine,
y
savant anglais, écrivait, peut-être
avec une exagération contraire, par
rimagination la
des notions les plus générales
et
pour mieux écraser,
comparaison avec un génie supérieur,
la
le
mérite
Comte, à propos de qui ce passage a été com-
d'A.
posé
:
((
Les pages lourdes et verbeuses d'A. Comte
» rappellent
peu
» leuse précision
la
vigueur de pensée
et la
de style de l'homme que
» pas à appeler le plus
merveil-
je n'hésite
penseur du dix-huitième
fin
» siècle, bien que ce siècle ait produit Kant (1), »
III
De
tout ce
que nous avons
a posé, sinon résolu,
que puissent questions
résulte
il
que
Hume
questions les plus graves
les
débattre
dit,
les
philosophes
redoutables qui seront
modernes
:
longtemps agitées
avant d'aboutir à une conclusion définitive, questions qui se réduisent à deux 1**
L'esprit
humain
:
peut-il sortir
de lui-même,
et,
franchissant les limites des impressions subjectives, peut-il connaître les objets ?
^° L'esprit lui,
humain, en lui-même ou au dehors de
réduit à des connaissances subjectives, ou capa-
ble de déterminer des vérités
objectives, connaît-il
autre chose que des phénomènes;
(l)
Revue des cours scientifiques
,
saisit-il, soit
17 janvier 1869.
direc-
— 504 — tement cédés
et
une vue immédiate,
par
inductifs,
substances,
les
soit
les
par des pro-
principes,
les
essences des choses?
Sommes-nous seulement un ensemble d'affections et de conceptions subjectives, une série d'états de conscience, qui prennent successivement possession d'eux-
n'ont aucune prise sur les objets
mêmes, mais qui
sur les réalités distinctes
extérieurs,
ouverture sur
sur eux-mêmes,
de nous; sans
dehors, et rigoureusement fermés^
le
comme
Et quel que soit
monades de Leibnitz?
les
le résultat
de nos recherches sur ce
premier point, que nous soyons disposés à admettre l'idéalisme
ou à
le
repousser, les connaissances que
nous ne pouvons refuser à dtiire, ont-elles
l'esprit le
pouvoir de pro-
une portée phénoménale, ou une portée
transcendante ? Sommes-nous emprisonnés relatif, ou,
dans
le
par quelques côtés, avons -nous accès sur
l'absolu ?
Nous venons devoir comment
les
systèmes moder-
nes (ceux du moins qui ont été attentifs aux travaux
de Hume), ont répondu à ces deux grandes questions.
Les uns, acceptant l'idéalisme et
comprenant, cependant,
le
et
lephénoménisme
y
besoin de satisfaire aux
croyances de l'humanité, admettent l'existence vague d'un
monde
inaccessible à nos pensées.
retranchent dans leurs lois; et
si
objective de ces ils
la
Mais
ils
se
recherche des phénomènes et de
on leur demande quelle
est la valeur
connaissances, d'ailleurs
relatives,
reconnaissent volontiers qu'elles n'en ont aucune
;
— que
l'esprit
ne peut^ quelque
preuve d'une
la
—
505
effort qu'il fasse,
existence distincte de
sont les vrais disciples de
Hume
;
lui.
M. Stuart
trouver
Ceux-là Mill
en
est le plus illustre représentant.
Les autres, dont Kant est soulevées par
le chef, font,
aux questions
Hume, des réponses beaucoup
plus com-
pliquées. Mais en négligeant les détails et d'une façon
générale, on peut dire qu'ils sont, eux aussi, convain-
cus qu'au point de vue spéculatif nous ne pouvons saisir autre
chose que nos idées, ni, par delà l'expé-
rience, connaître directement des objets transcendants.
Mais ce monde des réalités substantielles et nouménales;
que
regret, et dont
comme à que vaguement, comme
ne font qu'indiquer
les positivistes
ne parlent
ils
on parle d'une région lointaine qu'on ne visitera jamais,
philosophes de l'école critique prétendent
les
l'aborder, l'explorer, grâce à
un guide nouveau,
la
conscience morale.
combat catégoriquement la
Enfin, la troisième école
philosophie idéaliste et phénoménale de
Hume
:
elle
affirme que nous connaissons les objets distincts de
nous aussi certainement que nous-mêmes de conscience,
subjectifs
au sens intime, intérieure
;
grâce à
avec vérité,
même
la
A vrai
saisir le
les
et
moi
et
nos états
que nous pouvons, grâce ,
la raison,
c'est-à-dire la substance
concevoir, et concevoir
substances autres que
la
nôtre, et
substance divine. dire, la vérité
entière dans
ne nous semble contenue tout
aucun de ces
Le renouvellement de
trois
la
systèmes.
philosophie qu'a provoqué
— le
scepticisme de
Hume
506
—
n'est pas
encore arrivé à son
terme, et n'a pas produit tous les résultats qu'on doit
en attendre. Les positivistes se trompent,
comme
pent gravement, en réservant,
et se
trom-
insolubles, des
questions que la curiosité humaine ne se lassera pas d'agiter,
que
et
d'éclaircir. Ils se
humaine
l'intelligence
trompent encore quand
connaissance objective
:
la
nous paraît contenue dans qu'il existe autre
est
ils
capable
nient toute
connaissance du non-moi
celle
chose que lui,
du moi. L'homme le
jour où
il
sait
a acquis la
connaissance de sa propre existence. Sans doute, cette notion du non-moi n'est pas encore la
du monde extérieur
;
progressivement par l'existence d'une
dans
la
celle-ci
sens. Mais la certitude de
les
faits.
positivistes se
Nous
fonde, l'esprit intuition, c'est-à-dire
la
trompent enfin
ne
donnée
humain
est incapable soit
Dieu.
Si
cette la
de ces objets transcendants
que nous ne
comme le
intuition,
était possi-
contradictions
les
et
hu-
les connaissions
,
elle
si
Dieu par intuition,
prétendent les positivistes, pas autrement.
l'Ecole critique, elle
fiance en la raison
ils
représen-
diversité des opinions sur ce sujet. Mais
s'ensuit pas,
Quant à
quand
de connaître, par
connaissance immédiate,
on ne s'expliquerait pas la
,
toute affirmation supérieure
nous ne connaissons pas l'âme il
est
disons avec une conviction pro-
le
soit l'âme,
tation directe
maines,
nous
réalité extérieure
veulent nous interdire
ble,
ne nous est donnée que
première conscience que nous avons de nous-
même. Les aux
connaissance
a trop
a trop de
foi
peu de condans
la
con-
— production de nos
l'accès des
—
En exagérant
science morale. la
507
la part
objectives
réalités
nécessités subjectives
elle
;
rieures
résultats
dans
ferme
dans des
la
communicachoses exté-
que peu à peu l'expérience
accumule. Et, pour accorder trop peu à est forcée
se
les
méconnaît
de notre esprit avec
les
priori
l'a
elle
elle s'isole
;
tion incessante et
de
connaissances,
de tout attribuer à
la raison, elle
conscience morale, et
la
d'investir la raisoa pratique d'une autorité qu'elle
ne
saurait avoir.
Enfin, l'Ecole écossaise et ses adhérents simplifient
par trop
les
questions auxquelles
ils
veulent satisfaire.
La connaissance que nous acquérons des pas aussi aisée qu'ils le croient;
aussi
,
immédiate
et les objets,
une
,
objets n'est
aussi fois
intuitive
connus, ne
sont peut-être pas aussi absolus qu'ils semblent le
supposer. Selon nous, grâce à l'expérience, qui nous met
réellement en rapport avec des objets indépendants
de notre être, grâce à lois
mêmes
et
la
raison aussi, c'est-à-dire
aux
aux conditions subjectives du dévelop-
pement de notre pensée, nous acquérons insensiblement, non pas du premier coup connaissance de nous-même,
la
et
en une
fois,
connaissance du
extérieur, enfin la connaissance de Dieu.
Il
la
monde
faut, sans
doute, à l'enfant une série assez longue de perceptions et d'émotions il
saisisse et
,
pour que
,
conçoive l'unité et
aidé de sa mémoire l'identité
du moi. Une
seule impression ne suffirait pas à développer pareille idée.
Il
faut
un
travail
de comparaison, de réflexion,
^ pour que
508
—
parvienne à formuler nettement
l'esprit
clairement l'affirmation
:
«
donc
Je pense,
et
je suis. »
Mais de ce que cette connaissance s'acquiert lente-
ment
insensiblement
et
,
s'ensuit-il
qu'elle
une valeur sérieuse? Nous sommes
loin
Nous croyons fermement à
de
l'identité
nous croyons que, du berceau à et
même
développe
force se
;
la
de
n'ait
l'être
pas
penser.
le
humain ;|j
tombe, une seule
mais
il
nous semble
qu'une force,
telle
que l'âme humaine, qui se mani-
feste par des
faits
successifs, ne peut prendre con
une
science en
que
la
fois
que de chacun de ces
faits
,
e
conscience générale qu'elle a delle-même es
nécessairement
le
résultat d'une
série
de ces acte
particuliers.
De même,
connaissance du
la
monde
extérieur
quoique implicitement contenue dans l'affirmation d notre propre existence, ne se précise et ne se déve
loppe qu'au fur et à mesure que nos sens agissent e
que nous comparons nos différentes perceptions. Et ce qui est vrai du moi et du plus de l'existence divine. tuition directe
:
il
prême
:
monde
l'est
encore
n'y a pas encore d'in-
induction,
de réflexion en ré-
nous conduit jusqu'à cette affirmation suDieu
Sans doute, rons de
il
n'y a qu'un travail lent et pénible,
qui, d'induction en flexion,
Ici,
le
est.
la raison
—
c'est-à-dire,
répéter, la condition de
la
nous ne cessepensée,
dance à chercher une cause, par exemple,
la
la
ten-
tendance
à chercher cette cause toujours plus haut et plus loin,
ou, encore,
la
nécessité
de ne pas affirmer deux
— ^^oses en même temps
^Bssances
^Kice
^Bt
509
—
sur nos con-
déterminer. Mais l'expé-
source
la
nous puisons sur-
oii
lui-même
L'esprit n'est par
ces connaissances.
^p'une
la raison agit
et contribue à les
est cependant
—
force capable de connaître
lobjet soit mis en rapport avec lui
à condition que
,
:
force impuissante
par elle-même à produire des connaissances positives; objet réel, et que l'esprit se représente, mais, il
est vrai
selon les lois de
,
sa constitution natu-
relle.
nous semble qu'on ne peut pas douter sérieuse-
Il
ment aujourd'hui de naissances,
la
valeur objective de nos con-
que l'idéalisme
et
plus
n'a
de raison
detre. Nous serions moins affirmatif sur le point, sur la question de savoir
dépassent
le
phénomène
si
second
nos connaissances
La raison
et le relatif.
est
surtout
un
rences
mais, dans la sphère où la nature nous a en-
;
effort
fermés, nous ne le
pour s'élever au-dessus des appa-
sommes réellement en
dehors des choses, avec
que
Teffort
puissant. lues,
de
la
les
si
bien
raison pour aller au delà reste im-
Nous pouvons concevoir
nous ne
rapport qu'avec
phénomènes;
les
choses abso-
pouvons pas les connaître.
Qu'elles
existent, nous avons le droit de l'affirmer. Quelles elles sont,
Si
nous ne
Hume, dans
le
saurons jamais.
sa réaction contre Tancien
dogma-
tisme, n'avait pas dépassé les limites que nous ve-
nons d'indiquer,
il
n'eût rendu
que des services à
la
philosophie. Mais les réactions sont toujours intolérantes et excessives, et la philosophie, oscillant d'un
— excès à un autre bre.
Hume
valeur
—
a de la peine à trouver son équili-
^
a le double tort d'avoir nié à la fois la
de l'expérience,
objective
l'esprit et
510
de ses
nécessaires.
lois
et l'existence
de
Nous n'avons pas
besoin de redire combien est inadmissible l'ensemble d'hypothèses qu'il a proposé pour expliquer les
opérations intellectuelles
,
sans admettre le rapport
de l'intelligence et de
réel
l'objet,
sans admettre,
d'un autre côté, ni facultés, ni force initiale et unique. Son système est incontestablement faux
y
a
,
dans quelques parties de son système
dances précieuses à C'est
de
lui
exemple, à
que
faire
,
;
mais
il
des ten-
recueillir.
la
philosophie peut apprendre, par
de plus en plus de
la
psychologie le
centre de ses recherches et de ses préoccupations. C'est
de
lui qu'elle
empruntera avec
tous ses disciples anglais, la
nisme psychologique, faits
la
profit, à l'exemple
tendance à voir dans les
qui se succèdent en nous des causes et des effets
unis par les liens d'une mutuelle dépendance ler
de
méthode du détermi-
cependant jusqu'à supprimer avec
;
sans al-
lui la force
une et
multiple sans laquelle on ne peut rien expliquer dans l'âme. C'est à lui qu'il faudra revenir toujours pour
trouver
la
première application sérieuse de cette
de l'association des idées abusent, sans doute,
,
loi
dont nos contemporains
comme on
abuse de toute dé-
couverte nouvelle, promptement transformée en sys-
tème exclusif par
les
intempérances de
la
logique,
mais dont on doit cependant tenir grand compte dans l'explication des
phénomènes psychologiques.
C'est lui
—
511
—
qui nous enseignera encore à ne pas être dupe de ces
mots de
facultés^
divisent l'âme en
mériques. C'est
de pouvoirs, qui, mal interprétés,
un
Hume,
nombre d entités chiqui, un des premiers,
certain
enfin,
a compris que la psychologie doit, selon le
physique.
mot de Newton,
Non que
la
impossible; mais dans l'esprit
humain,
ble
,
;
et
,
surtout
elle est ,
il
comme
la
physique
se défier de la méta-
métaphysique nous paraisse l'état
actuel de la science de
encore difficilement aborda-
ne faut pas que
le
souci d'une
métaphysique presque inaccessible fasse négliger une science aussi positive, aussi praticable que la psychologie.
FIN.
TABLE DES MATIÈRES.
INTRODUCTION. La vie
et les
œuvres de David
Hume
1
CHAPITRE PREMIER. Les origines de
la
philosophie de D.
Hume. Les
caractères princi-
paux de sa méthode
55
CHAPITRE Les éléments de
la
IL
connaissance. Les lois de
l'association
des
idées
94
CHAPITRE Des
III.
vérités certaines et de la démonstration.
Hume
et l'esthétique
transcendantale de Kant
135
CHAPITRE
IV.
Les probabilités de l'expérience. La causalité
CHAPITRE De
l'induction.
La logique de Hume
161
V.
et la logique
de M.
Stuart
Mill
196
CHAPITRE VL La croyance en général
222
CHAPITRE La croyance à la M. Stuart Mill
VII.
matière. L'idéalisme de
Hume
et l'idéalisme
de 244
—
—
514
CHAPITRE
VIII.
La croyance
à l'âme ou au moi. L'identité personnelle
La croyance
à Dieu. Les
CHAPITRE l'histoire
dialogues
282
IX.
sur la religion
naturelle de la religion
naturelle, et
318
•
CHAPITRE
X.
Les passions
358
CHAPITRE La
XI. 384
liberté et la nécessité
CHAPITRE
XII. 403
Théories morales
CHAPITRE Théories politiques
,
économiques,
XIII.
littéraires.
Les Essais moraux 424
et politiques
CHAPITRE XIV. Conclusion.
—
l.
Le scepticisme de David Hume.
fluence sur la philosophie
moderne
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
5365 -^J
—
II.
Son in458
192H921 C737C.1
Compayre # La philosophie de David Hume. --.
3 0005 02081435 9
192 H921 C737
Compayre La philosophie de David Hume
1Ô2 H921 C737 ^ Compayre La philosophie de David Hume
The R.W.B. Jackson Library
OISE