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LA BIBLE N’EST PAS UN LIVRE SACRÉ
MAURO BIGLINO LA BIBLE N’EST PAS UN LIVRE SACRÉ
LA RÉVÉLATION DE LA PLUS GRANDE SUPERCHERIE DE L’HISTOIRE
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Titre original : La Bibbia non è un libro sacro. Il grande inganno © 2013 Uno Editori via Italo Calvino 17 10043 Orbassano - Italie coordination éditoriale
Chiara Naccarato
traduction
Orsola Gelpi
révision couverture mise en page eBook by
Olivier Magnan Tecnichemiste srl, Bertinoro - Italie JMD srl comunicazione, Cantù (Co) - Italie ePubMATIC.com
1re édition juillet 2016 2e édition mai 2019 © 2016 Macro Éditions Ce livre est une co-édition, publié par Uno International et Macro Éditions, deux marques distribuées par le Groupe d’Édition Macro (Italie) Collection « Savoirs Anciens » www.macroeditions.com (France) www.gruppomacro.com (Italie) Via Giardino, 30 47522 Cesena - Italie ISBN ePub 978-88-2850-245-6
ISBN Mobi 978-88-2850-247-0
Table des matières Préface de Sabrina Pieragostini, journaliste Introduction : de la Bible à Pinocchio CHAPITRE 1 - Pourquoi un tel titre pour ce livre ? CHAPITRE 2 - La Bible est-elle crédible ? CHAPITRE 3 - Les discordances sur le prophète Daniel et les 11 livres officiellement disparus CHAPITRE 4 - L’histoire de David et Goliath et autres divergences : qui croire ? CHAPITRE 5 - La Bible doit être considérée pour ce qu’elle est, c’est-àdire l’un des nombreux livres écrits par l’humanité CHAPITRE 6 - Les Elohim, Yahvé et les incohérences de la thèse dogmatique CHAPITRE 7 - Qui étaient ces Elohim que l’on a fait devenir Dieu ? Quelles étaient leurs caractéristiques et comment agissaient-ils ? CHAPITRE 8 - Les Dix commandements : les incohérences entre Yahvé et Moïse CHAPITRE 9 - Toujours à propos de Yahvé, le prétendu Dieu CHAPITRE 10 - Autres entités spirituelles hypothétiques : anges, géants, Satan et machines volantes CHAPITRE 11 - Quand Abraham découvre que Dieu se fatigue, se salit, a faim
Comment une religion peut-elle naître à partir de telles CHAPITRE 12 - données ? CHAPITRE 13 - Adam et Ève n’ont pas donné naissance à l’humanité CHAPITRE 14 - Que dit la science, qui cherche le prétendu chaînon manquant ? CHAPITRE 15 - En quoi consiste et par quoi s’est concrétisé le « péché originel » ? CHAPITRE 16 - Ce qu’on nous a dit sur la Bible est-il faux ? Bibliographie essentielle
Préface de Sabrina Pieragostini, journaliste au sein du groupe de médias italien Mediaset, ufologue
I
gnorant. Présomptueux. Lâche. Et même hérétique. Il suffit de faire un tour rapide sur les forums où sont commentés les livres de Mauro Biglino pour tomber sur ces qualificatifs et d’autres tout aussi peu urbains. Pour ma part, je préfère utiliser un autre adjectif : déstabilisant. C’est l’effet que produit sur moi la lecture de ses traductions et interprétations du Livre des Livres, cette Bible que nous possédons presque tous chez nous et que presque personne n’a ouverte. La sensation que ses œuvres procure à ceux qui, comme moi, ont reçu une éducation catholique traditionnelle est identique à celle que l’on éprouve au sommet d’une montagne, face à l’abîme : peur et attirance mêlées. On sait que ce peut être dangereux, mais la curiosité est plus forte… Lire Mauro Biglino signifie éprouver constamment le vertige. C’est remettre en cause toutes nos certitudes, renforcées par des siècles de doctrine, de catéchisme, de traditions populaires, construites sur la base de l’Ancien Testament en tant que texte révélé par lequel Dieu s’est adressé aux hommes. Mais ces bases semblent s’effriter sous les coups de pioche d’une analyse textuelle, pointilleuse jusqu’à en devenir obsessionnelle, qui met en relief la moindre contradiction et élimine toute superstructure théologique. Ce qui en ressort est une autre histoire, très différente de celle que l’on nous a enseignée. Dans ses précédents ouvrages, Biglino a procédé avec la méticulosité du philologue, en traduisant littéralement des passages entiers depuis l’hébreu ou en s’arrêtant sur des mots isolés. Il confrontait les variantes et interpolations du texte massorétique, examinait les possibles et diverses interprétations. Un travail d’académicien – même s’il était en nette opposition avec la lectio dominante – qui contraint le lecteur à un supplément d’attention et de concentration pour suivre l’érudit. Mais dans ce dernier ouvrage, même s’il n’a pas renoncé à la rigueur de ses recherches, son discours se veut beaucoup
plus fluide et direct. Avec deux conséquences : la lecture en est simplifiée et l’effet déstabilisant encore amplifié. La Bible n’est pas un livre sacré. Et ce n’est pas tout : dans la Bible, il n’est pas question de création. Et plus encore : dans la Bible, on ne parle même pas de Dieu. Trois concepts déconcertants que l’auteur justifie et explique par des citations, références textuelles, exemples. Il mentionne les exégètes et enseignants d’hébreu, rabbins et biologistes qui semblent confirmer ses pistes de recherche et leurs conclusions. Il dévoile des connexions et affinités avec d’autres textes antiques (y compris Homère, sur lequel je pensais, à tort, déjà tout connaître) qu’il faut considérer – autant que la Bible – comme de simples œuvres historiques. Il dénonce les incohérences, discrédite des vérités établies, présente une réalité alternative, inconfortable et absurde. On peut également décider de ne pas y croire, mais on ne peut plus faire semblant de l’ignorer. À la fin du parcours, le lecteur se sent assommé, confus, avec ce vague sentiment de malaise qui survient souvent en haute altitude. Mais son regard, de ces hauteurs, n’a plus de limites.
Introduction : de la Bible à Pinocchio De plus en plus de gens me demandent : Mais, Mauro, la Bible est-elle vraiment une histoire inventée ?
A
u bout de nombreuses années en tant que traducteur d’hébreu massorétique, après la publication par les Edizioni San Paolo de dixsept livres de l’Ancien Testament traduits d’après la Biblia Hebraica Stuttgartensia (Codex de Leningrad), celle de trois textes sur la Bible, trois ans d’activités publiques et plus de 30 000 exemplaires de mes livres vendus, voici cet ouvrage, que je ne me sens pas de qualifier de livre, mais plutôt de « conférence faite devant un clavier » et non un micro. Un excursus sur de multiples thèmes dans le but de mettre en évidence la situation de fond de notre rapport à ce livre sur lequel je me pose cette question : les détenteurs du savoir ont-ils raconté ce qu’il contient vraiment ? La réponse, pour moi, est évidente : absolument pas. Ils ne se sont pas contentés de le raconter, ils sont allés bien au-delà et ont délibérément et sans vergogne inventé des choses qui ne s’y trouvaient pas. Voici la raison pour laquelle j’ai choisi ce titre si affirmé et apparemment provocateur. Dans cette « conférence au clavier », vous trouverez également les réponses à des critiques et observations que les représentants des diverses doctrines, souvent contradictoires, ont adressées aux hypothèses contenues dans mes œuvres précédentes, qui seront citées plus loin. Le parcours débute par le premier verset de la Genèse pour en venir à réfléchir, même si ce n’est que de manière très synthétique pour le moment, sur la supercherie ultime : en somme, d’Adam à Jésus. Une histoire que les détenteurs du savoir ont construite sur le papier,
par le recours à des textes prétendument sacrés comme pur prétexte, comme inspiration pour donner naissance à leur propre création artificielle. Puisqu’il s’agit ici d’une « conférence », j’ai délibérément choisi de réduire le plus possible le nombre de citations et de références bibliographiques, qui apparaissent en grand nombre dans mes autres livres : la bibliographie est donc essentielle et contient les textes de référence des citations. D’autre part, durant ces trois années où mes travaux ont été présentés au public, j’ai constaté que les critiques professionnels adoptaient un comportement étrange, très curieux et, c’est peu dire, bien peu cohérent : s’ils écoutent ou lisent une affirmation qui coïncide avec leurs idées, ils n’en demandent pas la source et ne prétendent pas à ce qu’elle soit contextualisée. Ils l’acceptent telle qu’elle est formulée, sans poser d’autres questions, même si cette affirmation pourrait s’avérer la plus grosse ânerie du siècle. Si, au contraire, ils écoutent ou lisent une thèse ou une hypothèse qui ne coïncide pas avec leurs idées ou, pire, qui les remet sérieusement en question, ils en réclament immédiatement la source, introduisent le concept d’allégorie ou de métaphore, usent de contextualisations justificatrices, et le tout à l’encan. Si j’écris, par exemple, que Yahvé aimait l’humanité entière (ce qui est démenti par l’Ancien Testament tout entier), les citriques se taisent. Mais si j’écris que Yahvé ordonnait de massacrer femmes, vieillards et enfants (ce qui est clairement évoqué à plusieurs reprises dans le texte et qui s’est réellement produit), ils me demandent immédiatement où se trouvent les passages, dans quel contexte et dans le cadre de quel événement l’affirmation intervient. Ils me font la morale : ce doit être interprété, compris, lu de manière allégorique ou métaphorique certainement, replacé dans le contexte historique et culturel dans lequel les faits sont survenus, qu’il faut creuser le sujet avant d’en tirer une signification profonde, ésotérique, et ainsi de suite. Je n’ai jamais entendu dire que le premier verset de la Genèse se parfumait d’une signification allégorique. Pourtant, il contient une affirmation qui n’a rien à voir avec ce qui nous a été transmis : il ne parle pas de la « création », mais de tout autre chose (j’ai analysé ce sujet de manière spécifique dans mon précédent ouvrage, Il n’y a pas de création dans la Bible1). En résumé, le comportement des doctrinaires prend cette allure : ce qui leur plaît doit être pris à la lettre, tel quel. Mais ce qui ne leur plaît pas exige curieusement des analyses approfondies et des interprétations de toutes
sortes. Cette « conférence écrite » sera donc comme un courant qui circule à mesure que les pensées font écho les unes aux autres, sans subdivisions structurelles. Je n’ai pas même rapporté les versets en hébreu – comme je l’avais fait dans mes ouvrages précédents et recommencerai à le faire pour les prochains – car j’ai choisi délibérément de laisser la place aux traductions officielles – celles qui ne sont pas sujettes à débat –, avec des références particulières aux versions de la CEI (Conferenza Episcopale Italiana – Conférence épiscopale italienne), à laquelle il faut reconnaître le mérite d’opérer avec toujours plus d’objectivité lorsqu’il s’agit de rendre compte de la signification du texte hébraïque, même dans ses passages qui peuvent sembler peu conformes ou même contraires à la doctrine. J’ai également laissé beaucoup de place aux textes des rabbins qui les étudient avec une approche libérée des conditionnements de l’ultraorthodoxie et de l’idéologie nationaliste (connue sous le nom de sionisme), dont le dogmatisme ne tolère ni doutes ni réflexions qui mèneraient potentiellement à des conclusions différentes de celles déjà préétablies. Je souhaite seulement préciser que lorsque je cite de manière générale la philologie hébraïque, je veux faire référence à ces blogs et forums dans lesquels des philologues bibliques hébreux ont analysé mes précédents travaux. Le lecteur suivra donc ce courant en en tirant des pistes d’orientation et des stimuli pour procéder à des approfondissements personnels. En naîtra une réflexion autonome, nécessaire pour appréhender la véritable consistance (je devrais dire inconsistance) des fondations de cette grande construction qui, au fil des siècles, a été bâtie et présentée comme réelle. Comme je l’écris et le dis toujours, je sais que je ne détiens pas la vérité, et je sais tout autant que je peux commettre des erreurs, comme tout un chacun. Dans le même temps, sans prétention, je suis conscient d’avoir accumulé au fil des décennies au moins ce peu de connaissances suffisant à dévoiler les supercheries évidentes des autres : les dix-sept livres de traduction que j’ai publiés aux Edizioni San Paolo en témoignent. Les doutes et questions qui surgissent dans l’esprit du lecteur sont le véritable pharmakon [remède et poison, NdT] qui stimule le déclenchement d’un processus de savoir autonome, indépendant de toute forme de conditionnement.
Je poursuis donc sur le chemin que j’ai tracé au fil de ces années : je traduis l’hébreu littéralement, j’essaie de raconter avec la plus grande clarté possible ce que j’y trouve, et si ce que j’y trouve est un conte, au même titre que Pinocchio, je raconte Pinocchio. Mais il faut savoir qu’ici, ce sont les rédacteurs de la Bible hébraïque qui ont inventé et construit ce conte.
Chapitre 1
Pourquoi un tel titre pour ce livre ?
A
u sens commun, la « Bible » se compose de l’Ancien Testament, auquel s’ajoutent d’autres livres désignés de manière synthétique par les termes « Évangiles » et « Nouveau Testament ». Dans cet ouvrage, le terme « Bible » est employé par simplicité pour faire référence au seul Ancien Testament. À propos de la signification du terme « sacré », j’ai eu recours aux définitions des dictionnaires italiens : Pour le Devoto-Oli : en lien avec la présence ou le culte d’une divinité. Pour le Garzanti : qui fait référence, qui appartient à la divinité ; qui concerne la religion. Pour le Zingarelli : qui appartient à la divinité, qui participe de la puissance divine2. La lecture de cet ouvrage et de ceux qui l’ont précédé met en évidence la manière dont la « divinité » au sens spirituel est présente dans l’Ancien Testament, et en particulier :
Dieu n’y est pas évoqué. le culte de Dieu n’y est pas évoqué. On y évoque une obéissance craintive à un individu nommé Yahvé qui appartient au groupe des Elohim, des êtres de chair et de sang qui ne sont
jamais définis comme des « dieux » au sens spirituel. L’Ecclésiaste (livre de Qohélèth) affirme en outre avec une clarté qui ne laisse pas de place au doute que l’homme n’a rien de plus (âme ou esprit) que les animaux et que, après la mort, hommes et animaux vont au même endroit (3:19-20). Voici pourquoi le titre de mon livre affirme de façon péremptoire que la « Bible n’est pas un livre sacré » : il ne l’est pas, selon la signification commune de ce terme. Le sens que beaucoup attribuent subjectivement au terme « sacré » n’a pas lieu ici d’être pris en compte. Communiquer exige le respect des sens que les mots revêtent « officiellement », de façon formellement partagée, et non suggestive et personnelle. Sinon, impossible de communiquer et de se comprendre.
Chapitre 2
La Bible est-elle crédible ?
J
e l’ai déjà évoqué, j’utilise par souci de simplicité le terme « Bible » pour faire référence à l’Ancien Testament, et j’affirme, dès le départ, que ce document est le fruit d’une supercherie colossale. Un travail d’occultation accompli au fil des siècles par ceux qui ont souhaité utiliser cet ensemble de textes à des fins étrangères à la spiritualité, même si ce mot, omniprésent, reste trompeur – ou du moins erroné, pour ceux qui l’emploient en toute bonne « foi ». Nous ne connaissons de l’Ancien Testament que ce que les puissants de chaque époque ont voulu nous transmettre, depuis les théologiens hébreux qui sont à l’origine de l’élaboration de la doctrine monothéiste, jusqu’aux structures actuelles qui opèrent à travers des systèmes de pensée théologiques et idéologiques dépourvus d’un quelconque fondement : et pour cause, seule l’interpolation (la manipulation) du texte biblique en a rendu possible la construction et la diffusion. Je commencerai par dépeindre une réalité qui n’a rien à voir avec les traductions. Les catholiques doivent considérer comme vrais, et donc inspirés du prétendu Dieu biblique, 46 livres de l’Ancien Testament. Pour le canon de la Bible hébraïque, seuls 39 livres sont reconnus. Les théologiens hébreux ne reconnaissent pas certains des livres que les chrétiens considèrent au contraire comme inspirés par Dieu : Tobie, Judith, Sagesse de Salomon, Baruch, Ecclésiastique (ou Siracide), premier et deuxième livres des Maccabées, plus certains passages d’Esther (10:4-c. 16) et Daniel (3:24-90 ; cc. 13-14). Les bibles que nous possédons s’appuient principalement sur la Biblia Hebraica Stuttgartensia (BHS), c’est-à-dire la version imprimée du Codex massorétique de Leningrad (le tout illustré dans mes deux précédents ouvrages : La Bible comme vous ne l’avez jamais lue3 et Le Dieu de la Bible
vient des étoiles4). L’Église Réformée, c’est-à-dire le protestantisme, adhère en substance au canon de la Bible hébraïque. Les Coptes considèrent comme partie du canon, c’est-à-dire des vérités inspirées par Dieu, d’autres livres que les catholiques romains et les Hébreux rejettent, tels que le Livre d’Énoch ou le Livre des Jubilés. L’Église orthodoxe grecque, de son côté, ne se fonde pas sur le Codex de Leningrad, mais sur la Septante, la Bible écrite en grec, en Égypte, au IIIe siècle av. J.-C. (voir à ce sujet les annexes des deux ouvrages précédemment mentionnés). Cette Bible grecque contient environ cinq mille variantes par rapport au texte massorétique, parmi lesquelles certaines très importantes car porteuses de différences notoires dans la signification du texte, parfois même susceptibles de dévoiler des « ajustements » (des falsifications, ou interpolations, du texte) apportés par les massorètes. Cette version en grec a servi de fondement biblique aux pères de l’Église des premiers siècles après Jésus-Christ, jusqu’à ce que l’Église romaine ne décide de recourir au canon hébraïque. Les rabbins, au contraire, refusèrent la Septante en soutenant que seuls les livres qu’ils considéraient comme conformes à la Loi étaient acceptables. Uniquement ceux écrits en Palestine et pas ailleurs. Seuls ceux écrits en hébreu. Seuls ceux écrits durant la période précédant Esdras (Ve siècle av. J.-C.). Mais ce n’est pas tout. Ceux qui naissent en Palestine, dans le territoire des Samaritains, entendront dire que la vérité ne se trouve pas dans le Codex rédigé par les massorètes, mais dans la Bible samaritaine (les Pentateuques) qui, par rapport à la massorétique, comporte pas moins de deux mille différences. La Peshitta, c’est-à-dire la bible syriaque acceptée par les maronites, nestoriens, jacobites et melchites, se différencie elle aussi de la bible massorétique. Donc, avant même que chacune ne soit traduite, nous voilà déjà riches de nombreuses bibles, mais, surtout, nous apprenons que fortes de leurs innombrables variantes, elles sont considérées chacune comme indiscutablement vraies par ceux qui vivent selon les traditions qui les reconnaissent. Voilà qui devrait suffire à nous faire comprendre que la Bible dans laquelle nous devrions croire dépend de la période historique et du lieu géographique
de notre naissance, c’est-à-dire qu’il n’existe pas « d’absolu » car il y a toujours quelqu’un qui décide pour nous, qui nous montre de façon dogmatique quelle devrait être la vérité et où la trouver. Mais la situation se complique encore. Les textes bibliques les plus anciens que nous ayons en notre possession ont été retrouvés dans les grottes de Qumran (les manuscrits de la mer Morte) : certains textes remontent au IIe siècle av. J.-C. Cependant, entre le Livre d’Isaïe (ou Ésaïe) trouvé dans ces rouleaux et celui rédigé par les massorètes, il existe plus de 250 variations, parmi lesquelles des mots entiers qui se trouvent dans l’un et pas dans l’autre. Et vice-versa.
Chapitre 3
Les discordances sur le prophète Daniel et les 11 livres officiellement disparus
C
omme si ça ne suffisait pas… Des divergences se manifestent également au sein des canons acceptés précédemment évoqués, les catholique, hébreu, protestant, copte… Par exemple, pour les chrétiens, Daniel est un prophète. À partir de ses prophéties considérées comme crédibles, on établit souvent des prévisions apocalyptiques sur lesquelles de nombreux prédicateurs bâtissent leur fortune. En revanche, les Hébreux ne reconnaissent pas Daniel en tant que prophète. Ils placent son livre parmi les simples ketouvim, c’est-à-dire les livres les moins importants de l’Ancien Testament. Mais ce n’est pas tout : les sommités rabbiniques des États-Unis écrivent que ses prophéties (par exemple celle des 70 semaines) sont le fruit d’une « manipulation » délibérée, menée pour rectifier les textes précédents (ceux de Jérémie) qui s’étaient révélés fallacieux. Donc, Daniel : – est un prophète pour Rome, – n’en est pas un pour Jérusalem, – est même un « remanieur » pour le docteur David Wolpe (grand rabbin du Sinai Temple de Los Angeles).
À ce stade, force nous est de souligner pour le moins le manque d’honnêteté intellectuelle de la part de l’auteur du Livre de Daniel. Mais j’ajoute d’autres éléments objectifs, des erreurs évidentes commises par des rédacteurs qui semblent vraiment avoir été mal informés : dans Daniel 4:30, on parle de la « folie » de Nabuchodonosor. En réalité, le déséquilibre mental semble plutôt avoir frappé son fils Nabonide (555-539) qui abandonna le trône et la ville de Babylone pour se retirer probablement dans l’oasis de Taima (un épisode également raconté dans l’un des manuscrits de la mer Morte et connu sous le nom de Prière de Nabonide : la communauté essénienne paraît donc mieux informée que le soi-disant prophète) ; dans Daniel 5:2, il est écrit que Balthazar est le fils de Nabuchodonosor. Erreur, il était le fils de Nabonide ; dans Daniel 5:30, il est écrit que Balthazar a été tué durant la conquête de Babylone. Pourtant, le roi tué cette nuit-là fut Nabonide lui-même, car Balthazar était déjà mort précédemment au cours d’une bataille menée hors de la ville ; dans Daniel 6:1, il est dit que, à la mort de Balthazar, Darius le Mède hérita du trône de Babylone. Faux. Ce fut en fait le roi perse Cyrus qui conquit la ville. Darius ne la reprit qu’en 521 avant J.-C., après avoir vaincu un rebelle qui avait pris le pouvoir en se faisant appeler Nabuchodonosor IV ; dans Daniel 10:4, on raconte une vision que le prophète vécut à Babylone. Le texte lui fait dire : « J’étais au bord du grand fleuve qui est Hiddékel [Tigre] ». L’on sait pourtant que le fleuve qui coule à Babylone est l’Euphrate (!) En somme, entre les diverses mystifications, l’ignorance des faits historiques et géographiques (qui font même souvent l’objet de notes dans les bibles catholiques), on ne peut que le constater : l’auteur de ce texte a vraiment fait piètre usage de la supposée inspiration divine. Le canon hébraïque fait preuve d’une meilleure attitude : beaucoup plus prudemment, il place le livre de Daniel parmi les simples ketouvim. Autrement dit, comme nous l’avons déjà souligné, il le range parmi les textes de moindre importance (certainement sa place idéale). On trouve d’autres erreurs semblables dans le Livre de Tobie qui, du reste, ne fait pas même partie du canon hébraïque : dans Tobie 1:2, il est écrit que la déportation évoquée dans ce passage a eu lieu au temps de Salmanazar (ou Sargon II ?), alors qu’elle date en réalité du temps de Teglath-Phalasar III (ou Tiglath-Pileser), duquel on dit dans le Deuxième Livre des Rois 15:29 qu’il a effectivement conquis le pays de Nephtali et déporté ses habitants en Assyrie
; dans Tobie 1:15, il est écrit qu’à la mort de Salmanazar, c’est son fils Sennachérib qui est monté sur le trône. Non, son successeur aura plutôt été Sargon II, auquel Sennachérib aurait à son tour succédé. Ce ne sont que quelques exemples des innombrables incohérences et erreurs que, comme nous l’avons déjà dit, vous trouverez même identifiées dans les notes des bibles que vous avez tous chez vous. Nous pouvons certes attribuer ces erreurs à des anicroches d’écriture liées aux raisons les plus diverses que j’évoquerai sous peu. Mais le fait est que la fiabilité des auteurs de ces textes (et de celui de Daniel en particulier, qui non seulement se trompe mais remanie délibérément), n’est certainement pas au rendez-vous. Et cependant, le Livre de Daniel fait partie du canon catholique. Daniel y figure même parmi les prophètes majeurs. Une évidence : nous ne possédons que « l’une » des bibles possibles. Je dis « l’une », car les bibles en question sont potentiellement plus nombreuses qu’on peut l’imaginer : à la liste déjà évoquée plus haut, s’ajoutent tous ces textes qu’on a fait disparaître au fil des siècles mais qui sont cités dans la Bible « officiellement acceptée » ; des textes connus par les anciens auteurs qui les considéraient comme valides et fiables au point de les utiliser comme source ou renvois pour les lecteurs de leur temps. Voici la liste des onze livres officiellement disparus mais mentionnés dans la Bible (entre parenthèses, les passages où ils sont cités) : Les guerres de Yahvé (Nombres 21:14) Livre du Juste ou de Jasher (Josué 10:13, Samuel 1:18) Actes de Salomon (1 Rois 11:41) Livre de Samuel, le Voyant (1 Chroniques 29:29) Livre de Gad, le Voyant (1 Chroniques 29:9) Livre de Nathan, le Prophète (1 Chroniques 29:29, 2 Chroniques 9:29) La prophétie d’Achija de Silo (2 Chroniques 9:29) La vision de Jehdo, le Voyant (2 Chroniques 9:29) Livres de Schemaeja (2 Chroniques 12:15) Livre de Jéhu (2 Chroniques 20:34) Livre de Hozaï (2 Chroniques 33:19)
Mes questions : ont-ils été détruits ou simplement rendus indisponibles ? Pourquoi ont-ils disparu ? Qui est intervenu au fil des siècles ? Pas nécessairement et exclusivement l’Église catholique romaine mais également, et je dirais même surtout, les sacerdotes et théologiens du Temple de Jérusalem… Pourquoi les ont-ils éliminés pour les rendre inaccessibles ? Que contenaient-ils de si dangereux pour les doctrines que les puissants de l’époque, de toutes les époques, devaient véhiculer ? Étaient-ils trop clairs et explicites dans leur manière de présenter Yahvé et ses agissements ? Auraient-ils mis en péril la vision monothéiste machiste que l’on avait décidé de bâtir et de transmettre ? Il existe en outre des exégètes hébreux qui interviennent encore aujourd’hui sur la version massorétique. Au mépris de l’idée que les massorètes sont considérés comme les gardiens de la Massorah, c’est-à-dire la « tradition », ils apportent des variations au texte, remplacent les sons vocaliques pour tirer/introduire de nouvelles significations, totalement différentes de celles transmises par la Massorah. Cette attitude si libre constitue la preuve qu’il existe de nombreuses « traditions ». Elle conforte surtout le titre même de cet ouvrage : ces mêmes exégètes hébreux ne considèrent de toute évidence pas l’Ancien Testament comme « sacré ». S’il l’était vraiment, ils ne pourraient pas même envisager d’intervenir pour le modifier, et pour cause : ce qui est « sacré » est par nature « intouchable ». La situation est tellement problématique qu’en 1958, au sein de l’Université hébraïque de Jérusalem, on a ressenti la nécessité de tenter de reconstruire une Bible la plus proche possible de celle qui fut composée à l’origine. Mais de laquelle s’agit-il ? Personne ne le sait. Ce « Projet Bible » (Bible Project), c’est son nom, doit s’étaler sur deux siècles : nous aurons donc dans 140 ans, peut-être, un texte biblique proche d’un hypothétique original, néanmoins inconnu. Un élément fondamental demeurera cependant un mystère pour toujours : la vocalisation. Je m’explique : tous les textes bibliques ont été rédigés par successions de consonnes exclusivement, sans aucune distinction entre les mots, c’est-à-dire sans espaces. Le travail des massorètes (les gardiens israélites de la tradition) évoqué plus
haut, qui a pris place entre le VIe et le IXe siècle après J.-C., donc relativement récemment, a justement consisté à identifier chaque mot et à y insérer les sons vocaliques indispensables pour déterminer et identifier des significations et, donc, des contenus. La Bible que nous possédons a reçu sa signification définitive (inspirée par Dieu ?) à l’époque de Charlemagne. L’un des coordinateurs du « Projet Bible », le professeur Alexander Rofe, enseignant de l’Université hébraïque, a affirmé dans une interview au Corriere della Sera (août 2011) que chaque texte biblique transcrit à la main et sous dictée différait du précédent. Les textes du Ve siècle av. J.-C. fonctionnaient comme un entonnoir inversé : pour chaque mot qui y entrait, un bien plus grand nombre en ressortait. Mais deux siècle et demi plus tard, c’est le contraire qui s’amorça : l’entonnoir se renversa. Quelque part dans le Temple, quelqu’un s’écria : c’est fait, voici le texte officiel. À partir de ce moment-là, tous les livres furent corrigés. Si l’un d’eux divergeait de beaucoup des autres, et dans l’impossibilité de le détruire, on… l’enterrait. C’est ainsi que l’on commença à réfléchir sur les Saintes Écritures. Au détriment de leur préservation.
Les castes qui détenaient le contrôle du « savoir » se chargèrent d’éliminer tout ce qui ne soutenait pas (ou pire, contredisait) la doctrine monothéiste machiste qui devait être véhiculée. L’opération essentielle consista à tenter d’obscurcir, effacer et/ou remplacer tout ce qui s’opposait à cette idée monothéiste qui devait s’imposer. Mais on fit plus. Le professeur Rafael Zer, bibliste de l’Université hébraïque de Jérusalem, affirme que lorsque des passages bibliques témoignaient clairement de l’indéniable multiplicité des Elohim (ce qui n’était pas acceptable pour le monothéisme imposé par les sacerdotes de Jérusalem et soutenu aujourd’hui encore par de nombreux exégètes dogmatiques), les rédacteurs bibliques veillaient à modifier les passages en question, les coupaient et les recopiaient en les interpolant. L’affirme le professeur Zer, ces « retouches ont été nombreuses ».
Voici deux exemples significatifs. Dans le Deutéronome 32:43, la traduction accréditée des massorètes disait ceci : « Nations, chantez les louanges de son peuple ! Car l’Éternel venge le sang de ses serviteurs, Il se venge de ses adversaires […]. Dans la bible des manuscrits de la mer Morte, voici le texte corollaire (The Dead Sea Scrolls Bible que l’on trouve également dans la English Standard Version) : “Rejoice with him, o heavens; bow down to him, all gods, for he avenges the blood of his children and takes vengeance on his adversaries…” « Réjouissez-vous avec lui, ô cieux ; inclinez-vous devant lui, tous les Elohim [dieux], car il vengera le sang de ses enfants et exercera sa vengeance sur ses adversaires […] » Les « cieux », sont devenus des « nations » et, à la place de « tous les Elohim », on évoque « son peuple ». Enfin, « ses enfants » (ceux des Elohim) sont devenus ses « serviteurs ». On le voit clairement, toutes les références à la pluralité évidente des Elohim ont été habilement effacées. Une autre variante se retrouve dans la Genèse 14:18-22, lorsqu’il y est conté que Melchisédech, gouverneur local pour le compte d’El Elyon, fit amener du pain et du vin et bénit Abraham. Dans ces versets, les massorètes ont subrepticement combiné Elyon à Yahvé, et l’ont défini comme « créateur ». Mais dans le texte des manuscrits de la mer Morte, connu sous l’appellation d’« Apocryphe de la Genèse » (XXII, 14-21) – plus vieux de plusieurs siècles –, apparaît l’expression « Béni soit Abraham par El Elyon, possédant cieux et terre, et béni soit El Elyon qui a livré tes ennemis dans ta main ! » Nulle évocation de Yahvé, et Elyon n’est jamais défini comme un « créateur » dans tout le passage cité. C’est donc un autre exemple de falsification grossière des textes les plus anciens, opérée par ceux qui écrivaient sous l’empire des exigences doctrinales monothéistes. Nous savons que les pharisiens (contrairement aux sadducéens), croyaient en la vie après la mort. Sitôt qu’ils eurent la possibilité d’intervenir sur le texte, ils firent en sorte d’y insérer subrepticement des affirmations en accord avec leurs croyances. Un exemple : les plus anciens codex du Livre des Proverbes 10:25 contiennent cette affirmation : « Le juste demeurera ferme dans son intégrité ». Les pharisiens choisissent de lui substituer : « Mais le juste a des
fondements éternels ». But : sous-entendre l’idée que le juste ne verra pas sa vie se terminer ici-bas… Or voilà qui semble en parfaite contradiction avec ce qui est écrit dans l’Ecclésiaste (3:18 et suivants), au nom d’une clarté désarmante : la race des hommes et celle des animaux sont parfaitement identiques, car l’homme n’a rien de plus que les animaux et, avec la mort, ils retournent tous deux à la terre dont ils proviennent. Je souligne que la « tradition » est souvent citée comme une garantie de vertu et donc comme un paramètre incontournable. Bien au contraire, de tels exemples nous montrent comment la « tradition » joue à l’inverse comme une garantie de manipulation. C’est justement la « tradition » qui doit donc être remise en question pour avoir artificiellement remanié la pensée des anciens auteurs bibliques, lesquels ne poursuivaient aucun but théologique : ils voulaient simplement raconter les chroniques de la fondation de leur peuple. Ce sont ces mêmes chroniques qui se virent par la suite modifiées au fil des siècles et enfouies sous de très dommageables couches d’un mystère inexistant et d’interprétations spiritualistes qui en ont volontairement détourné la signification d’origine. Sur laquelle, comme nous le savons bien, on n’aurait pas pu construite de systèmes de pouvoir d’une quelconque nature. Reste la question la plus brûlante : l’impérieuse nécessité d’ériger « leur » Yahvé en Dieu unique. D’emblée, j’annonce donner plus loin des informations qui vont compléter et enrichir le traitement analytique mené dans les ouvrages déjà mentionnés de cet Elohim appelé Yahvé, et de sa nature réelle, concrète et en aucun cas divine. J’ouvre une parenthèse pour rappeler au passage que la Bible le définit clairement, sans équivoque : ish milchamah, c’est-à-dire « l’homme de guerre » (Exode 15:3)… Et ce n’est pas un hasard si la hiérarchie vaticane a donné aux évêques et sacerdotes une forme de directive les invitant à éviter de nommer Yahvé, et de substituer au nom des périphrases de type « Seigneur », « l’Éternel », « l’Éternel des armées ». Peut-être parce qu’ils savent trop bien qui il est en réalité ? Mais bien d’autres éléments restent à exprimer sur les prétendues certitudes bibliques. Selon de nombreux chercheurs, parmi lesquels le professeur Kamal Salibi (université américaine de Beyrouth), les massorètes travaillaient sur l’hébreu écrit de nombreux siècles plus tôt, une langue qu’ils ne connaissaient pas, et
pour cause : leur langue maternelle était l’araméen. Les erreurs linguistiques se révèlent dès lors innombrables. Elles sont bien mises en évidence dans l’International Standard Bible Encyclopedia (ISBE, www.internationalstandardbible.com) : une œuvre monumentale qui recense les erreurs de tout type que les scribes et copistes ont commises en compilant les textes. L’origine de certaines de ces erreurs contraste nettement avec ce que le conscient ou l’inconscient collectif considère comme acquis : ceux qui travaillaient sur la Parole ont toujours accordé la plus grande attention à la restitution de l’inspiration dite divine. Nous découvrons qu’il n’en était rien. Les scribes se trompaient fréquemment, pour diverses raisons : ils commettaient des erreurs parce qu’ils ne comprenaient pas ou comprenaient mal le sens du texte et, donc, séparaient mal les mots tracés à l’aide des seules consonnes, mots non distincts, sans l’espacement nécessaire à leur identification. Ils se trompaient dans leur lecture du texte de référence. Ils se trompaient en insérant des répétitions, transpositions, changements de lettres. Des erreurs étaient en outre commises lorsqu’un scribe dictait à d’autres, lesquels comprenaient mal. Ils se trompaient lorsqu’ils devaient mémoriser des synonymes. Ils se trompaient par négligence avérée et par ignorance, à force de traiter des contenus qu’ils ne connaissaient pas. En somme, ils n’étaient en rien des modèles d’efficacité et de précision. L’idée même qu’ils transmettaient la parole du prétendu Dieu ne les motivait pas suffisamment. Il est fort probable qu’une telle pensée ne les effleurait pas même, à l’époque. Le professeur Menachem Cohen (Université Bar-Ilan, région de Tel Aviv) a identifié au cours des trente dernières années de son activité de bibliste pas moins de 1 500 erreurs et imprécisions plus ou moins importantes. Le professeur Rafael Zer, déjà cité, reconnaît très clairement (dans l’article du Corriere évoqué plus haut) que les chercheurs ne peuvent ignorer que ce livre a été pris en compte par des hommes et que, de transmission en transmission, des erreurs ont existé, qui se sont multipliées. Que dirions-nous d’un auteur, ou même d’un simple étudiant qui, en écrivant dans sa langue, prendrait de telles libertés en si grand nombre ? Comment jugerait-on son travail ? À quel point le considérerions-nous comme fiable ? Quel respect aurions-nous pour lui ? C’est à chacun de nous d’apporter la réponse qui s’impose à ces questions.
Restent en outre les contradictions, innombrables, éclatantes. Je ne m’y arrête momentanément pas ici tant elles méritent d’êtres abordées à part entière. De futures publications y pourvoiront.
Chapitre 4
L’histoire de David et Goliath et autres divergences : qui croire ?
A
nalysons à présent un événement connu même de ceux qui ne sont pas familiers de la Bible : l’histoire de David et Goliath. Dans le Premier livre de Samuel, au chapitre 17, on raconte que le jeune David abat le géant Goliath d’un coup de fronde, puis l’achève en lui coupant la tête à l’aide de son épée. En revanche, au chapitre 21 du Deuxième livre de Samuel, nous lisons avec étonnement que ce fut Elchanan qui tua Goliath, et non David. Mais ce n’est pas tout : dans le Premier livre des Chroniques (chapitre 20), il est écrit qu’Elchanan a tué Lachmi, frère de Goliath, et non Goliath. Bref, voilà un exemple de la confusion que les rédacteurs bibliques n’ont pas remarquée, probablement aussi parce que chaque livre était traité par des copistes différents qui ne relevaient donc pas les éventuelles contradictions. Et pourtant, certains affirment avec une hardiesse ingénue que la Bible est « formidable » car inspirée par Dieu, et donc sans erreur. Ingénuité ? Ou bien plutôt ruse, fondée sur la certitude majeure que les fidèles ne lisent pas la Bible, mais se contentent des explications des exégètes officiels et accrédités ? Qu’au moins il nous soit permis de constater une évidence : si Dieu fut l’inspirateur des contenus, il se sera montré un bien piètre relecteur, puisqu’il n’a pas vérifié ce qu’avaient écrit les rédacteurs qu’il avait lui-même choisis ! C’est comme s’il s’était désintéressé du produit final après avoir inspiré des dizaines d’auteurs. Un peu comme si un chef d’entreprise dictait à sa secrétaire une lettre d’une importance capitale pour son activité et le travail de ses employés, puis ne
prenait absolument pas soin de vérifier si ladite secrétaire avait rapporté fidèlement sa pensée. Mais dans le cas qui nous occupe, la situation est autrement plus sérieuse. Si jamais les affirmations théologiques devaient refléter la réalité, ce n’est rien de moins que la vie éternelle qui dépendrait de la vérité biblique, et non simplement le destin d’une entreprise ! Comment pouvons-nous donc imaginer que l’éventuel Dieu ne se soit pas le moins du monde préoccupé au fil des siècles de faire en sorte que son inspiration soit rapportée avec une clarté et une précision absolues ? Il nous faut au contraire prendre acte de la réalité : ce n’est pas le cas. Des centaines de scribes ont mis par écrit des paroles qui se révèlent souvent nettement en opposition les unes contre les autres. Pire, dans de nombreux cas, les interventions fauteuses de variantes porteuses d’incohérences diverses et variées relèvent d’un choix. Celui d’introduire dans le texte des sens étrangers à la signification originelle. Je ressens parfois une curieuse impression face à ce constat. Quand je lis des analyses et discussions interminables, qui s’étirent sur des décennies, voire des siècles, sur des éléments linguistiques isolés, il me semble assister à une consultation de médecins spécialistes qui se disputent avec agitation sur la couleur de l’ongle du pouce de leur patient : les experts ne s’accordent pas, certains affirment qu’il est plus clair que la normale, d’autres plus foncé, certains assènent qu’il s’agit de tel symptôme clairement identifié, et ça n’en finit pas. Cette consultation de grands spécialistes se montre toutefois particulière : elle se déroule sans tenir compte d’un détail, ce pouce appartient au corps de quelqu’un qui s’est fait rouler dessus par un train. Eh bien, il en va de même pour l’ensemble des livres qui composent la Bible : il s’agit d’un corpus de travaux rédigés on ne sait quand et on ne sait par qui, sans espaces entre les mots et sans les voyelles qui, en définitive, sont porteuses de sens. Des textes écrits, réécrits, amendés, ajoutés, corrigés, transformés. Des œuvres entières disparues ou occultées puis retrouvées, transformées, acceptées ou écartées. Des livres qui n’ont été fixés (vocalisés) qu’au bout de plusieurs siècles, dont la signification est établie par des théologiens et/ou idéologues qu’inspirèrent les convictions et exigences du moment. Certains font remarquer que la vocalisation a été menée selon la « tradition » et considèrent cet élément comme une garantie de vérité. En prenant en
considération le but de la tradition que j’ai mis en évidence précédemment, je dirais que cet élément constitue, au contraire, une raison valable pour considérer cette vocalisation comme peu crédible, justement parce que son but fut de transmettre des concepts qui n’appartenaient pas aux premiers rédacteurs bibliques, eux-mêmes totalement détachés de toute forme de pensée religieuse ou théologique. La théologie monothéiste a, en effet, été artificiellement insérée au fil des siècles. Une théologie à laquelle se sont pliés les massorètes, soutiens déclarés de la prétendue « tradition ». Souvenez-vous, pour confirmer davantage le manque de fiabilité de cette alléguée « tradition », des mots du professeur Zer sur les variations apportées afin de cacher délibérément la multiplicité des Elohim (au bénéfice du supposé Dieu unique de la tradition). Il s’agissait de mettre en place l’idéologie monothéiste, totalement absente des textes les plus anciens. Je ne peux m’empêcher de souligner à quel point se montrent présomptueuses les critiques développées à l’encontre de certaines études. Elles tendent à discréditer une source lorsqu’elle présente des hypothèses qui s’éloignent des vérités communément acceptées. Dans ce cas, on attaque sévèrement le chercheur afin de lui ôter toute crédibilité, au nom d’un principe : si une source n’est pas accréditée, les hypothèses qu’elle présente ne sont pas valides. Mais si cette règle revêt une valeur universelle, alors les critiques professionnels devraient prendre en compte une autre réalité : la Bible ne possède aucune source accréditée. On ne sait rien de ce texte : ni qui l’a écrit, ni quand, ni comment, ni quels sont ses sons vocaliques… Nous savons seulement que nous possédons des copies de copies de copies, et que ces copies (comme l’affirme le professeur Rofe) diffèrent toujours du texte précédent : nul ne connaît l’original.
Au vu de ces constats préalables, est-il encore nécessaire de démontrer la supercherie ? Mais, surtout, vaut-il encore la peine de s’en occuper ? La réponse est oui, dans les deux cas. Avant tout, parce qu’il s’agit quand même du livre dont sont tirées tant de prétendues vérités absolues : sur lui s’appuient des théologies entières et
diversifiées, des idéologies nationalistes, des pensées ésotériques, des courants mystiques, etc. Sur cet ensemble de textes ainsi produits, sont bâtis des mondes spirituels (Dieu, anges, démons…) qui ne sont pourtant, et je l’affirme résolument, nullement présents dans ce livre, comme nous le verrons bientôt. Sur ce livre, sont en outre construites des idéologies qui conditionnent politiquement, culturellement, socialement et humainement aussi une grande partie de l’histoire moderne et contemporaine. Les innombrables et fantaisistes constructions spiritualistes qui se sont développées au fil des siècles ont été, et sont aujourd’hui encore, souvent opposées les unes aux autres. Il n’empêche qu’elles concourent, au nom d’une sorte d’accord plus ou moins tacite, à la diffusion de la supercherie de base, synthétisée dans une affirmation qui en résume la substance : la Bible parle de Dieu et des mondes spirituels qui, comme le monde matériel, en dérivent et en dépendent.
Christianisme et judaïsme ont beau diverger grandement à bien des points de vue, ils contribuent efficacement tous deux à la diffusion de ce mensonge de fond, même s’ils agissent au nom de raisons et d’objectifs distincts. Une personne qui appartient à la communauté hébraïque romaine m’a écrit que les massorètes eux-mêmes devaient œuvrer en profondeur sur les textes bibliques pour en occulter la véritable signification, trop crue et concrète pour se montrer acceptable. Tellement crue et concrète qu’elle constitue une source de risque, un danger pour leur monde. Ils avaient compris qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort, non seulement bien sûr pour euxmêmes, mais pour le peuple hébreu entier. Durant les siècles pendant lesquels agirent les massorètes (du VIe au IXe siècles après J.-C.), le peuple d’Israël était dispersé le long des côtes méditerranéennes et en Europe, c’est-à-dire dans ces territoires où deux religions (le christianisme et l’islam) se disputaient la suprématie en se combattant avec une violence et une férocité inouïes. Des fleuves de sang étaient versés par des chrétiens et musulmans au nom de leur Dieu réciproque : dans cette situation, les sages hébreux durent
forcément rendre leur texte « compatible » avec les deux religions. Ce qu’ils firent. Ils en occultèrent, du moins en partie, la concrétude brutale pour le rendre acceptable, utilisable par les théologies victorieuses qui s’affirmaient peu à peu. Mais, même aux siècles suivants, on a continué à œuvrer pour créer des concordances acceptables. Au Moyen Âge, l’Église romaine eut l’ambition, souvent finalisée, de définir quelles étaient les vérités bibliques « correctes » et, au contraire, celles qu’il fallait amender au sein de la pensée hébraïque elle-même. La hiérarchie vaticane atteignit, du moins en partie, ses objectifs. Elle menaça de représailles ceux qui pratiquaient un judaïsme non conforme aux idées qu’elle considérait comme exactes : la construction théorique menée par les rabbins fit elle-même l’objet d’analyses et, à l’occasion, de persécutions. Même dans ce contexte socioculturel, c’est-à-dire dans cette situation historique d’extrême dangerosité, les pensées d’ordre spirituel que nous connaissons aujourd’hui ont fini par réussir à mûrir et à s’imposer. C’est ainsi que des certitudes sont nées. Lorsqu’on les examine attentivement, elles se révèlent pour ce qu’elles sont : de purs produits de l’imagination, dépourvues d’un quelconque fondement biblique. La théologie est en effet une forme de pensée singulière : elle crée et produit l’idée de Dieu, en définit les possibles attributs, puis passe des siècles à discuter de ce qu’elle a elle-même construit. Elle est, en substance, autoréférentielle : faute d’un objet d’étude concret, puisque Dieu ne peut prétendre à la concrétude, elle ne fait que s’étudier elle-même et ressasser ce qu’elle a elle-même construit. Le théologien catholique Armin Kreiner écrit que personne ne sait rien de Dieu, une évidence indéniable (op. cit. dans la bibliographie). Miguel de Unamuno – un penseur espagnol tourmenté et d’une immense perspicacité, recteur de l’université de Salamanque – fournit une analyse extrêmement pertinente et synthétique de l’origine des motivations de la pensée théologique : « […] la théologie naît de l’imagination mise au service de la vie qui souhaite être immortelle » (Le Sentiment tragique de la vie, Folio, 1997). En d’autres termes : l’homme ne veut pas s’entendre dire que tout finit avec la mort. La théologie formule donc une réponse en posant comme base l’idée de Dieu qu’elle a elle-même élaborée. Une affirmation en parfait
accord avec l’actuel dalaï-lama qui déclara que chaque forme de religion naît dans le but de donner une réponse à la mère de toutes les angoisses : la peur de la mort. Théologiens, idéologues, maîtres ésotéristes autodésignés, mystiques de natures diverses et d’extractions variées, ont opéré au cours des siècles une sorte de collaboration – parfois tacite et automatique, parfois sciemment complice – en véhiculant le même message en relation avec la Bible. Ainsi, ce qui était à l’origine un récit « normal » d’événements historiques et factuels touchant à l’humanité, je veux dire les Elohim qui sont intervenus en matière d’ingénierie génétique (dont j’ai amplement parlé dans mon ouvrage, Il n’y a pas de création dans la Bible) et le rapport unique entre l’un d’eux (Yahvé) et ce peuple, a été transformé pour constituer le fondement dogmatique d’une pensée religieuse qui, aujourd’hui encore, conditionne, directement ou indirectement, plus de deux milliards de personnes. Au-delà des multiples aspects de contenu que j’évoquerai bientôt, l’immense, colossal mensonge de base intelligemment construit et diffusé, jusqu’à le transformer en certitude profondément ancrée dans les âmes, s’exprime de cette façon : la Bible est un texte qui utilise un langage cryptique riche de vérités spirituelles profondes, occultes, mystérieuses, présentées sous forme allégorique, métaphorique, à l’aide d’un langage souvent initiatique. Il requiert des interprétations et connaissances qui ne sont pas en possession ou à la portée de tous. En somme, selon cette vision imposée artificiellement, le travail d’un exégète devrait consister à creuser le plus profondément possible le texte à la recherche des significations cachées, celles réservées à ceux en mesure de comprendre et qui, non sans raison, s’arrogent ensuite le droit de les divulguer, selon des modalités et en un temps qu’ils sont toujours seuls à choisir. Des années de traductions de l’hébreu massorétique pour les Edizioni San Paolo ont fait naître en moi une conviction diamétralement opposée. À mon avis, le véritable travail d’un exégète libre des conditionnements dogmatiques ne consiste pas à rechercher des significations cachées mais, au contraire, à libérer le texte biblique de toutes les superstructures théologiques, idéologiques, ésotériques, spiritualistes qui ont été artificiellement construites au fil des siècles. C’est donc mon hypothèse de travail, et je répète qu’il s’agit d’une hypothèse (je laisse les vérités assénées aux dogmatiques). Pour laquelle je revendique les mêmes droits que ceux accordés aux autres clés de
lecture, surtout en présence d’un fait patent : personne, dans les « traditions » alléguées, ne possède la vérité, puisque les divergences entre les unes et les autres restent ouvertes, profondes, souvent violentes et, en tout cas, irrémédiables. Toutes les doctrines « traditionnelles » partagent un seul élément de base : elles ont été bâties dans le but de cacher les évidences textuelles effectives, souvent désagréables, en rien spirituelles et donc inacceptables pour ceux qui n’ont pas pour objectif la vérité, mais la construction d’un système de contrôle des esprits de chacun et du tissu social entier. La réalité textuelle se trouve sous nos yeux, en surface et, justement pour cette raison, elle a été recouverte d’épais voiles d’inventions et de constructions, compliquées par l’attribution de valeurs mystérieuses nébuleuses. Pourquoi donc ? Parce que sur cette histoire, connue dans sa substance scripturale authentique, on n’aurait pu construire quoi que ce soit, ni religion, ni idéologie nationaliste, ni système de pouvoir.
Chapitre 5
La Bible doit être considérée pour ce qu’elle est, c’est-à-dire l’un des nombreux livres écrits par l’humanité
D
es années de traductions ont fait mûrir en moi la conviction exprimée dans le titre du chapitre. La Bible, l’un des nombreux livres écrits par les peuples du passé. L’un des nombreux livres dans lesquels sont contenus les éléments essentiels de l’histoire de l’homme : des éléments qui, comme nous le verrons prochainement, se retrouvent dans les récits des peuples de tous les continents de la terre. La Bible n’est donc pas même un cas unique et encore moins la source dont proviennent les récits des autres peuples, comme l’affirment certains idéologues qui prétendent utiliser le savoir au service de leurs convictions : c’est l’exact contraire qui est vrai, comme nous le verrons bientôt. Voici la raison pour laquelle on a ressenti le besoin de créer les superstructures adéquates, y compris la fausse conviction que la Bible contient des vérités cachées d’ordre métaphysique, des mystères afférant à la sphère du divin. Rien de tout cela ne se trouve dans ce livre : les anciens auteurs bibliques ne parlaient pas de Dieu ou de religion, mais racontaient une histoire avec les instruments linguistiques et culturels dont ils disposaient. Compte tenu des conditions dans lesquelles est née la Bible, nous devons forcément abandonner toute prétention d’en tirer des vérités indiscutables, et encore moins ces vérités absolues qui déterminent le conditionnement de la conscience de la part de structures de pouvoirs ou même des maîtres autoproclamés agissant pour leur propre compte.
Avec la Bible, nous devons prendre acte d’une réalité : nous ne pouvons que « faire semblant de croire… ». Faire semblant de croire que les auteurs aient voulu raconter une histoire dont l’intérêt, pour nous, naît de l’idée que les éléments fondateurs, ceux qui concernent l’origine de l’humanité, correspondent en substance à ce que nous racontent les autres peuples. Ces parties peuvent et doivent être examinées avec une grande attention, car elles contiennent des informations extérieures au rapport direct entre Yahvé (le prétendu Dieu) et ce peuple : elles concernent le genre humain tout entier et n’ont, à l’origine, pas d’implications théologiques. Ce sont ces parties dont le professeur Robert Wexler (président de l’université du Judaïsme de Los Angeles et conférencier éminent de la donation Irma et Lou Colen) dit qu’elles ne proviennent pas de Palestine : elles ne sont donc pas un produit originel des auteurs hébreux, mais de peuples qui écrivaient sans conditionnement d’ordre religieux. En « faisant semblant de croire que… », nous devons prendre en compte des affirmations qui se heurtent au dogmatisme régnant : ce même professeur écrit par exemple que la majeure partie des biblistes modernes de la Rabbinical Assembly5 pensent qu’Abraham n’a jamais existé. Et nombre d’entre eux mettent en doute l’existence même de Moïse. Libres des conditionnements dont nous parlions plus haut, ces chercheurs n’ont eu aucune difficulté à émettre l’hypothèse que, alors que se déroulaient les aventures bibliques d’Abraham et de Moïse (en supposant qu’ils aient existé), le peuple hébreu et la langue hébraïque n’existaient même pas. Nous ne savons pas quelle langue ils parlaient : Abraham vivait en terre de Sumer. Et Moïse, comme l’affirme la Bible elle-même, était égyptien (Exode 2:19). Le premier parlait probablement une forme d’akkadien et le second s’exprimait très certainement dans la langue égyptienne de l’époque. À ce propos, il est bon de rappeler que les chercheurs Roger et Messod Sabbah (qui appartiennent à une famille rabbinique), en analysant les Targum (Bible en araméen), parviennent à des conclusions totalement différentes de celles que l’on peut tirer de la Bible massorétique. Des conclusions décidément déconcertantes pour ceux qui détiennent et divulguent des certitudes : le récit qu’on en tire bouleverse complètement ce que l’on pense savoir sur les aventures du peuple hébreu (op. cit. dans la bibliographie). Il suffit de penser que dans ces textes (Exode 2:6-7), on trouve écrit que
Moïse était un enfant des yahoud, tandis que dans le codex massorétique, on fait dire – « on » désigne les rédacteurs soi-disant gardiens de la tradition hébraïque – à la fille du pharaon qui trouve le panier contenant l’enfant qu’il s’agit d’un enfant des Hébreux (le terme yahoud identifiait une caste particulière de sacerdotes qui officiaient à l’époque du pharaon Akhenaton : Moïse serait donc l’un des leurs). Toujours selon les frères Sabbah, le terme yahoud aurait ensuite été utilisé, par une invention aussi fantaisiste que mensongère, pour créer le mythe de la tribu de Juda. Dans Exode 5:3, c’est Moïse lui-même qui – toujours dans les Targum – affirme que c’est l’Elohim (le Dieu supposé) des yahoud (au pluriel yahudae dans le texte) qui l’a envoyé chez le pharaon tandis que, encore une fois, les massorètes écrivent que ce fut l’Elohim des ’ivrjim (Hébreux). Mais quelque chose d’encore plus déconcertant jaillit du travail mené sur la Bible araméenne : ceux qui sortirent d’Égypte avec Moïse auraient été exclusivement des Égyptiens issus de trois castes sociales (la haute classe militaire, la caste sacerdotale et le petit peuple) : et donc pas les Hébreux, qui, semble-t-il, n’existaient même pas à cette époque en tant qu’identité ethnique définie, comme le confirme également Lee I. Levine (professeur d’histoire juive au sein de l’Université hébraïque de Jérusalem). Lequel souligne que cette identification résulte d’un processus étalé sur une très longue période. Et ce sont toujours les esprits rabbiniques ouverts, non conditionnés par des théologies et idéologies de toute évidence inventées, qui n’ont pas de scrupules à reconnaître ouvertement que, même dans les canons acceptés, l’on se heurte à de nombreuses difficultés de compréhension, déjà sensibles chez les commentateurs anciens. Elles se sont prolongées au fil des siècles sans que l’on parvienne à des conclusions satisfaisantes et partagées. Le professeur Jacob Milgrom (professeur émérite des Études bibliques de l’Université de Californie à Berkeley) illustre que coexistent dans la pensée hébraïque au moins deux courants porteurs de deux positions dissemblables sur les principes et règles contenues dans la loi de Moïse : le courant minimaliste, qui soutient que Yahvé a délivré en tout et pour tout les principes généraux de la législation auquel le peuple devait se tenir. Et le courant maximaliste pour lequel, au contraire, Moïse, sur le Sinaï, a eu la révélation du corpus entier des lois dans tous leurs détails. Le même professeur se souvient que les difficultés de compréhension des différents
préceptes sont telles qu’elles réclament un travail d’interprétation et d’application apparemment vraiment étrange si l’on pense qu’ils ont été transmis directement par Dieu. Il donne pour exemple un midrash6 (Midrach sur les Psaumes 12:4 ; cf. BT Hag. 3b – Talmud de Babylone, Hagiga) dans lequel Moïse dialogue avec Yahvé. Moïse, parce qu’il ne comprend pas la signification de certaines règles, lui demande comment ils pourront arriver à la compréhension du véritable sens des lois. Yahvé lui donne une réponse vraiment surprenante : « Vous devez suivre la majorité. Lorsque la majorité déclare qu’une chose est pure, elle est pure, et lorsqu’elle déclare qu’elle est impure, elle est impure. » Nous n’attendrions certes pas une telle indication d’un Dieu duquel on espère, au contraire, obtenir une certaine clarté à propos des normes de comportement, en partie car nous savons bien comment fonctionnent les majorités. Nous savons surtout que ces majorités varient souvent, et qu’au gré d’icelles risque de changer le sens des lois que beaucoup s’obstinent à considérer comme divines et, donc, indiscutables.
Mais toute la Bible nous fait clairement comprendre que cet individu nommé Yahvé, heureusement pour nous, n’était pas Dieu. Le dogmatisme a de quoi réfléchir soigneusement. Ou plutôt, le conditionnel s’impose : il « aurait » de quoi réfléchir, car nous savons bien que les dogmatiques se refusent souvent à réfléchir, tout court. Et pourtant les éléments sur lesquels méditer sérieusement existent. Ils proviennent même des milieux culturels que nous avons des raisons de croire au-dessus de tout soupçon : l’archéologie biblique gérée par les académiciens hébreux des universités israéliennes et les travaux de cette branche du rabbinat qui étudie, approfondit et divulgue des connaissances libres de ces conditionnements théologiques et idéologico-nationalistes. Ceux-là même, au contraire, qui servirent de cadre à la construction et la diffusion séculaire de mensonges présentés comme des vérités établies et indiscutables. De ces milieux culturels libres nous parviennent des informations qui contredisent les croyances les plus communes et les plus répandues. Ceux qui ont suivi Moïse (en supposant qu’il ait existé) puis Josué ont-ils
bel et bien conquis le pays de Canaan ? L’archéologie israélite moderne soutient que le récit épique de la conquête de Jéricho relève très probablement d’une pieuse invention, absolument pas étayée par les fouilles. Et pour cause, les recherches archéologiques ont démontré qu’à l’époque de la conquête présumée, la ville de Jéricho n’était certainement pas entourée de murs. Mais aussi : les grands règnes de David et Salomon ont-ils réellement existé ? Selon les preuves archéologiques, il se serait agi de deux petits gouverneurs locaux, à peine plus que des royaumes tribaux sur lesquels fut par la suite tissée la légende que nous connaissons afin de fournir au peuple hébreu une sorte de mythe fondateur. À mettre en parallèle avec les autres royaumes d’une importance bien plus connue et démontrée. Comme il m’est arrivé de le répéter au cours de mes nombreuses conférences, ces mêmes rabbins affirment que le Déluge biblique n’a pas été universel, mais qu’il s’est agi d’un événement localisé. Il suffit de penser que, dès qu’il a atteint une terre libérée des eaux, Noé a pris un grand nombre d’animaux et les a immolés en offrande aux Elohim (Genèse 8:20 ; nous comprendrons plus tard qui étaient les Elohim et pourquoi ils appréciaient la « fumée »). Je me suis toujours demandé : il aurait brûlé les animaux qu’il s’était donné tant de mal à sauver en les amenant sur l’arche ? L’imaginer seulement échappe-t-il au ridicule ? Il va de soi que Noé a trouvé en abondance, dehors, les animaux qui n’avaient pas été frappés par ces inondations aux dimensions limitées. Ce sont encore les rabbins qui relèvent l’absence de documents égyptiens attestant d’une présence massive d’Hébreux sur leur terre et encore moins l’existence d’un état d’esclavage. Je voudrais vous faire remarquer, à ce propos, un élément : lorsqu’ils s’apprêtent à quitter le pays, ils reçoivent de Yahvé l’ordre de se faire donner tout l’or possible (Exode 11:2) : est-il crédible que des esclaves adressent une telle requête à leurs maîtres alors qu’ils sont sur le point de s’en aller ? En aucune façon. Se l’imaginer voisine le ridicule ! En outre, au cours de leur séjour dans le désert, les gens regrettent en permanence leur situation antérieure dès lors qu’ils la comparent avec celle que Moïse les oblige à vivre. En gros, ils se plaignent souvent des tristes
conditions dans lesquelles ils se trouvent et répètent qu’ils étaient indubitablement mieux avant, alors que le récit mythifié voudrait les décrire comme des esclaves auparavant lourdement exploités (Exode 13). Les prédicateurs qui affirment obstinément que la Bible ne se trompe jamais parce qu’elle est inspirée par Dieu devront se faire une raison : ils mènent avec acharnement un combat qu’ils ont déjà perdu. Il est clair que de nombreux fidèles, qu’ils soient hébreux ou chrétiens, n’acceptent pas que l’on remette en cause leurs convictions. Mais les études se poursuivent qui apportent des preuves toujours plus univoques et éloquentes. La vérité nue, l’histoire dévoilée, risquent de ne pas plaire. Mais pour autant, il ne faut pas continuer à les taire. Malgré la réaction immédiate et instinctive qui pousse bon nombre de gens à se rebeller, parfois très durement face à ce qui semble émerger, les irréductibles du dogme eux-mêmes devront inévitablement reconnaître la concrétude historique si palpable dans la Bible même. Ce dont je parle, donc, n’est pas une « découverte » mais la simple réaffirmation de ce qui est déjà clair dans la Bible : il suffit de ne pas le couvrir du voile du mystère. Si l’on veut parler de « découverte », alors utilisons le terme dans son sens le plus véritable : l’élimination des voiles qui y ont été posées artificiellement. Ce sont justement ces études conduites par des personnes libres de tracer la route à parcourir dans le futur. Des personnes au-dessus de tout soupçon : des archéologues israéliens, des professeurs d’histoire au sein des universités de Jérusalem et Tel-Aviv, des centaines de rabbins, des chercheurs « alternatifs » qui ne sont pas conditionnés par la nécessité de défendre des privilèges liés à leur position… Tous ces éléments de doute utiles et précieux, toutes ces nouvelles acquisitions à caractère historique et scientifique m’autorisent à reconfirmer ce que j’affirme depuis des années : nous n’avons qu’une seule des bibles possibles mais, puisqu’il nous a été dit qu’il s’agissait de la « vraie », « inspirée par Dieu », cherchons au moins à comprendre ce qu’elle nous raconte, en la libérant des superstructures conceptuelles et religieuses que j’ai mentionnées. Les récits des origines, partagés par les autres peuples aux récits similaires, sont l’élément qui demeure d’un intérêt fondamental : savoir que les règnes de David et Salomon n’ont pas existé sous la forme exaltante qui a été
inventée nous intéresse, au fond, peu. En revanche, les événements des premiers temps, eux, nous retiennent, car c’est d’eux qu’il faudra repartir pour réécrire l’histoire de l’humanité. Aussi extraordinaire qu’elle le fut probablement, elle s’interpénètre de manière indissoluble avec la naissance et la création des formes de pensée dont ont dérivé les grandes structures religieuses et les mouvements idéologiques. Lesquels doivent impérativement maintenir en vie leur propre vision biblique pourtant indéfendable : ce sont justement ces idéologies qui tentent de résister et de bloquer la révolution culturelle en marche. Nous verrons plus loin une reconstruction hypothétique de la manière dont cet entrelacs peut se former, aussi bien sous l’effet d’actions délibérées qu’à travers des mécanismes qui s’instaurent de manière quasi automatique. Fort de telles considérations, ce travail consacre de la place aux thèmes fondamentaux, et avant tout celui qui concerne Dieu : en parle-t-on dans la Bible ou pas ? Est-il présent ? Je précise que l’existence de Dieu en soi n’est pas le thème de mon travail. Je ne m’occupe que de la Bible, et si j’affirme que la Bible ne parle pas de Dieu, je n’entends pas par là que Dieu n’existe pas, mais simplement que ce livre n’en parle pas. L’existence de Dieu ou non ne dépend pas – ne peut pas dépendre – d’un livre : ce serait dramatique, surtout lorsqu’on apprend la manière dont ce livre s’est bâti au fil des siècles.
Chapitre 6
Les Elohim, Yahvé et les incohérences de la thèse dogmatique
J
e souhaite éviter toute équivoque, et je répète donc ici que les concepts de « vrai » et de « faux » ne renvoient pas à la vérité au sens absolu – qui ne m’appartient pas et dont je ne parle donc pas –, mais à ce qui est véritablement contenu dans le texte biblique et ce qui lui est faussement attribué. Au fil d’années de traductions et de publications, les mensonges évidents, les travestissements, les interprétations artificieuses et les analyses philologiques asservies délibérément aux exigences doctrinales, théologiques et idéologiques se sont dessinés sous mes yeux. Nous ne devons en l’occurrence pas passer sous silence une réalité : les règles grammaticales appliquées à l’hébreu biblique ont été conçues a posteriori par les grammairiens eux-mêmes, qui en débattent ensuite de façon animée. Sans tomber souvent d’accord sur leurs propres formulations et applications. On lira à ce propos les écrits de chercheurs universitaires tels que le professeur Garbini ou les diatribes auxquelles participaient James Washington Watts, O.L. Barnes, Benjamin Wills Newton et d’autres. Avant eux déjà, dès le IIe siècle après Jésus-Christ, des rabbins comme Akiva ou Ishmaël se disputaient sur les seules fonction et portée de consonnes isolées telles que VAV. Sans parvenir à un accord. L’interprétation qu’Akiva fournit de la norme contenue dans le Lévitique 21:9, en est un exemple : « Si la fille d’un sacrificateur se déshonore en se prostituant, elle déshonore son père : elle sera brûlée au feu7. » Même s’il est banal de constater que les sacerdotes possédaient femmes, fils et filles. Dans
ce système social caractérisé par une inégalité absolue de considération entre les sexes (qui persiste aujourd’hui encore de façon dramatique dans les courants ultraorthodoxes, condamnés par une grande partie de la culture hébraïque elle-même), c’était essentiellement les femmes qui étaient punies pour les éventuelles transgressions. Dans ce cas, rabbi Akiva soutenait que l’utilisation particulière de la consonne VAV dans le verset indiquait que la peine devait également s’appliquer aux femmes mariées, tandis que le Talmud limitait son application aux jeunes filles fiancées. À l’opposé, rabbi Ishmaël l’accusait d’attribuer une valeur inexistante à la lettre VAV qu’il considérait, lui, comme « superflue ». Le rabbin Joel Roth (professeur, spécialiste du Talmud et de la loi juive au sein du Theological Seminary8 de New York) rappelle que pour rabbi Akiva chaque lettre de la Torah ne possédait pas exclusivement une valeur linguistique, car le style et la disposition des lettres contenaient et dissimulaient d’autres messages plus cachés ; pour rabbi Ishmaël, au contraire, le langage de la Torah était exclusivement humain. C’est pourquoi son style, sa grammaire, son utilisation générale, ne devaient pas être interprétés comme un instrument pour transmettre des messages divins particuliers ou cachés. Cette dernière manière de considérer le texte rejoint les affirmations rapportées par le professeur Jeffrey H. Tigay (professeur d’hébreu et de langues et littératures sémites, Université de Pennsylvanie, Philadelphie) sur le constat que la Torah n’est pas métaphorique. En somme, comme on le voit, force est de noter les doutes, innombrables, les controverses incessantes à l’intérieur même de ce milieu culturel dont on attendrait, au contraire, des certitudes. Les libres penseurs accueillent le tout comme un élément fortement positif : là où existent le doute et les confrontations, les certitudes dogmatiques perdent immédiatement (ou plutôt devraient perdre pour les hommes de bon sens) toute raison d’exister, car elles sont privées d’un indispensable fondement partagé. Face à l’obscurantisme dogmatique, l’existence d’une dialectique vivace témoigne de la vitalité d’un monde ouvert. Elle illustre l’attitude mentale de chercheurs qui ne sont pas corrompus par ce dogmatisme théologique et/ou idéologique qui conditionne au contraire une grande partie de la pensée depuis de siècles sur le texte auquel nous nous intéressons. Les diatribes
philologiques doivent être vues à la lumière d’un élément aussi fondamental qu’inconnu, et passé sous silence : comme le souligne le professeur Garbini de l’Université La Sapienza de Rome, les massorètes n’ont pas opéré sur une base linguistique et grammaticale, ils n’ont donc pas écrit en tenant compte des règles préexistantes. Mais au contraire, ils se sont fondés sur des socles purement idéologiques et théologiques, et, pire, sur des intentions, entre autres pour les raisons que nous avons évoquées précédemment. Souvenonsnous qu’il pouvait s’agir d’une question de vie ou de mort pour le peuple hébreu. Qu’a donc été occulté à coup de faux-semblants théologiques, mystérieux, ésotériques, mystiques et également philologiques ? (Pour approfondir des thèmes spécifiques, je vous renvoie à mes précédents ouvrages, dans lesquels ils sont analysés en détail, avec des versets hébreux accompagnés de leurs traductions et commentaires.) Dans cette conférence au clavier, j’aligne une série d’affirmations claires et précises, conscient de leur portée. La Bible ne parle pas de Dieu. La Bible n’est pas un livre religieux : c’est ce qu’affirment publiquement les philologues hébreux qui interviennent en ligne dans les forums et les blogs, y compris ceux dont l’objectif affiché est de lutter contre la diffusion de ma clé de lecture, elle qui remet en cause toute la construction idéologique et théologique dont nous parlons et que je place en parallèle des « traditionnelles ». Tout cela offre au lecteur des axes de réflexion utiles à se construire ses propres idées, libérées des schémas dans lesquels est enfermée l’entière question biblique. La Bible nous raconte les aventures du rapport entre un colon/gouverneur du nom de Yahvé et un ensemble de gens que, à grandpeine, il a transformé en un peuple, en leur donnant une identité. La partie de la Bible qui nous raconte les événements historiquement les plus éloignés (que les rédacteurs bibliques ont tirés de récits suméro-akkadiens beaucoup plus anciens) est en substance un livre de chroniques. Elles décrivent les origines de l’humanité, la création d’un groupe ethnique spécifique et les aventures successives d’un peuple qui a établi un rapport/une alliance avec l’un des Elohim, celui connu justement sous le nom de Yahvé.
Lequel, loin d’être le Dieu spirituel, transcendant, créateur du ciel et de la terre, était un individu de chair et d’os, appartenant à un groupe de colons/gouverneurs que la Bible connaît sous le nom d’Elohim. Je précise que lorsque dans les bibles dont nous disposons nous trouvons le terme « Dieu » (singulier), dans le texte hébreu figure le vocable (pluriel). Et que lorsque nous rencontrons les termes « Seigneur » ou « Éternel », ils correspondent en hébreu en revanche à Yahvé (j’ai déjà souligné la manière dont, non sans raison, l’Église romaine entend peu à peu en faire disparaître l’utilisation). Il faut en outre signaler que le nom « Yahvé » fait son apparition dans les événements bibliques alors que la langue hébraïque n’existait pas. Qu’il a été transposé par écrit de nombreux siècles après avoir été prononcé (environ trois siècles selon la meilleure hypothèse), et uniquement à l’aide de consonnes. Et enfin, qu’il a reçu ses sons vocaliques environ 1 700 ans plus tard. La Bible raconte l’histoire du rapport entre cet individu et un peuple qui lui a été désigné dans le Deutéronome 32:8 (et suivants), où l’on dit qu’Elyon donna leur héritage aux nations (affectation) et fixa les limites des peuples. Le verset hébraïque (Deutéronome 32:9) ne dit pas que Yahvé eut le choix, comme on le fait croire normalement, mais que la portion qui lui fut attribuée était représentée par ce peuple. Il ne devait même pas figurer parmi les personnages les plus importants et influents, à en croire cette assignation. J’illustre cet état de fait en citant la traduction de la Jewish Publication Society qui, en référence au peuple qui lui a été attribué, rapporte textuellement : « Il l’a trouvé dans une contrée déserte, dans une solitude aux effroyables hurlements. » Il trouva donc sa part, cheleq, dispersée dans le désert. La version proposée par les traducteurs hébreux eux-mêmes ne laisse pas de place au doute : Yahvé ne reçut pas une part importante d’Elyon. Ce dernier terme est un mot hébreu que l’on traduit par « le Très-Haut », mais qui signifie littéralement « Celui qui est au-dessus ». Il est utilisé, par exemple, pour indiquer la partie supérieure d’un espace habité (Genèse 16:5) ou une pièce qui se trouve dans une position élevée par rapport à d’autres (Exode 41:7). L’utilisation du qualificatif de « Très-Haut » apparaît donc comme un emploi théologique un peu tiré par les cheveux. Elyon était le commandant et, en tant que tel, il définissait les limites des
peuples en désignant les territoires que les différentes nations devraient occuper. On pense immédiatement à Platon et au dialogue entre Timée et Critias, lorsqu’il rapporte que les theoi (dieux) eurent ce qu’ils voulaient à la suite d’un partage : ils peuplèrent ensuite leurs régions et prirent soin de leurs sujets et de leurs biens comme des bergers qui gouvernent leur troupeau, selon leur désir. Platon souligne encore que les theoi étaient répartis dans des séjours divers. C’est exactement ce que nous trouvons dans la Bible à partir de Deutéronome 32:8 et suivants. Nous remarquons même une extraordinaire correspondance avec la figure du « bon pasteur », que l’on retrouve souvent dans les psaumes. Fait curieux : alors que dans le Critias on évoque une collaboration entre les theoi, dans la Bible on insiste sur l’action isolée de Yahvé, sans l’aide des autres Elohim (Deutéronome 32:129). Parce qu’il était exclusivement un ish milchamah, un « homme de guerre » (Exode 15:3), il n’était probablement pas disposé à supporter des interférences dans ses décisions. Ou bien ne pouvait-il en tout cas pas communiquer ses intentions, qui n’auraient certainement pas été partagées. Circonstance univoque pour qui lit avec l’esprit ouvert. En revanche, nous savons que les théologies et idéologies monothéistes doivent nécessairement soutenir qu’Elyon et Yahvé sont deux noms qui désignent le même Dieu (ainsi que le pluriel Elohim). Nous essayons donc de suivre les monothéistes dans leur cheminement. À la lecture des versets, nous découvrons immédiatement en Deutéronome 32:8-10 une situation pour le moins curieuse : selon la doctrine traditionnelle, Dieu (sous le nom d’Elyon), définit et divise les territoires et nations. Puis ce même Dieu (mais cette fois sous le nom de Yahvé) s’octroie une partie réduite et insignifiante de ces peuples. En résumé, selon la doctrine, ce Dieu crée l’humanité entière, mais décide de ne s’occuper que d’une partie de celle-ci. Si l’histoire s’arrêtait là, nous pourrions feindre d’accepter l’idée que ce Dieu – décidément un peu étrange et très restrictif dans ses choix –, pour des raisons insondables, se soit particulièrement intéressé à ces gens éparpillés dans un territoire désertique. Et que, aux prix d’une mystérieuse impénétrabilité de sa pensée, il ait par la même occasion décidé de se désintéresser des autres peuples.
Mais est-il encore alors le Dieu de tous ? La réponse semble aller de soi, mais je souhaite suivre encore la position théologique/idéologique de la doctrine qui respecte la « tradition », aussi invraisemblable soit-elle. Nous poursuivrons le raisonnement monothéiste, et nous constatons que toute la narration biblique repose en substance sur le récit d’un événement d’une absurdité sans précédent : ce prétendu Dieu (nommé Yahvé) noue une alliance privilégiée avec ce peuple et l’utilise comme force combattante pour conquérir, dans un bain de sang permanent, des territoires que lui-même (sous le nom d’Elyon) ne s’était pas attribués lorsqu’il définissait les limites des nations. Selon la théologie, nous voilà confrontés à cette étrangeté inexplicable : dans un premier temps, ce Dieu, en tant qu’Elyon, partage le globe, s’attribue à lui-même l’exclusivité d’un territoire et d’un peuple, puis, en tant que Yahvé, part férocement à la conquête militaire des autres territoires qu’en tant qu’Elyon il ne s’était pas attribués… Et, pour ce faire, comme nous le verrons dans les pages à venir, il n’hésite pas (sous le nom de Yahvé), à exterminer des peuples entiers dont le seul tort était d’habiter sur des territoires que lui-même (en tant qu’Elyon) leur avait attribués, et auxquels ensuite (en tant que Yahvé) il s’était intéressé. N’est-ce pas étrange de la part d’un prétendu Dieu unique, omnipotent, omniscient ? Un tel comportement n’est-il pas absolument incompréhensible ? N’apparaît-il pas, pour le moins, un peu déséquilibré ou devrais-je dire, complètement pathologique ? En tant qu’omniscient, ne pouvait-il pas y penser avant et prendre tout dès le départ, sans contraindre ensuite les siens à massacrer des centaines de milliers d’innocents pour occuper un territoire qu’il avait oublié de s’attribuer à lui-même ? S’il s’agissait d’un Dieu universel, pourquoi ferait-il combattre des hommes et les contraindrait-il à se salir par des milliers de meurtres, exterminations, viols, violences envers d’autres hommes et femmes auxquels il avait lui-même attribué cette terre qu’il a ensuite décidé de conquérir dans le sang ? Ne pouvait-il pas s’attribuer également les autres, puisque dans la
vision monothéiste il n’aurait eu personne avec qui négocier ? Les savants – selon cette logique absurde qui fait accepter à la lettre ce qui plaît et dissimuler ce qui déplaît – diront que dans ces versets se glissent des allégories, des métaphores, des valeurs mystérieuses ou ésotériques : je préfère de mon côté « faire semblant de croire que… » les auteurs bibliques nous aient raconté les événements habituels lorsque des colons se répartissent un territoire puis combattent pour accroître leur sphère d’influence. Ce « faire semblant » ne requiert aucune clé de lecture particulière et possède un autre avantage : il est absolument cohérent avec tous les événements bibliques et les récits d’autres peuples. Nous verrons en effet plus loin le concept particulier que Yahvé avait d’un assassinat mais, surtout, nous comprendrons qu’il n’a rien « créé » : ni le ciel, ni la terre, ni les hommes. Si l’on se libère du dogmatisme théologique et idéologique, la situation apparaît dans son ensemble comme claire et équilibrée : Elyon n’est pas un Dieu perturbé mentalement, mais le Seigneur de l’empire des Elohim et, en tant que tel, il répartit les nations. En ces circonstances, Yahvé, l’un des Elohim, reçoit un peuple et un territoire que ne le satisfont pas. Il met donc en œuvre toute une série d’actions destinées à conquérir un meilleur territoire et à accroître sa domination. Il a le comportement d’un colon tout à fait attendu et d’un gouverneur qui vise à augmenter sa puissance territoriale. Les incohérences monothéistes, déjà évidentes, ressortent encore davantage dans le passage qui suit immédiatement (Deutéronome 32:12) que seul l’aveuglement auquel les dogmatiques se condamnent volontairement empêche de comprendre dans sa clarté éclatante. Je l’ai déjà mentionné. Mais s’y attarder quelques instants vaut la peine tant il semble nier le prétendu monothéisme biblique. Le verset : « L’Éternel seul a conduit son peuple, Et il n’y avait avec lui aucun dieu (El) étranger. » Je précise qu’El est le singulier d’Elohim, et je me demande : mais quel autre El/Elohim pouvait-il ou devait-il y avoir avec lui dès lors que, selon les monothéistes, les termes Elyon/Yahvé/Elohim désigneraient indiscutablement un Dieu unique ? Quel sens revêt ce verset, sinon celui de mettre en évidence que l’Elohim nommé Yahvé agit seul, c’est-à-dire sans avoir recours à la collaboration de ses collègues auxquels, selon l’auteur biblique, il aurait pu demander leur aide pour s’occuper de ces gens perdus dans la désolation du désert ?
Cela dit, je reprends le fil de ma « conférence au clavier », pour rappeler que Yahvé est le nom sous lequel il s’est présenté à Moïse. Mais pour Abraham, il était El-Shaddai : l’El (singulier d’Elohim), ou « l’Élevé de la montagne », comme le traduit Howard Avruhm Addison (professeur assistant, université du Temple à Philadelphie), qui semble ne pas tenir compte de la valeur originelle des racines SHD ou SHDD, lesquelles renferment les concepts de « violence » et de « dévastation ». Les deux noms dissemblables et d’autres éléments que je n’analyserai pas ici nous amènent à douter d’avoir affaire à un même individu. Mais je veux supposer que c’était le cas. Et vous faire remarquer que, de la même manière qu’il parle face à face avec Moïse, il se présente à Abraham sous la forme d’un homme tout à fait normal qui mange, boit, marche, se fatigue, se salit, doit se reposer, se laver, etc. (Genèse 18). La même chose se produit avec Gédéon (Juges 6) : Yahvé se présente également à lui sous sa forme physique de bipède en chair et en os, mais le point intéressant de ce récit est que Gédéon ne le reconnaît pas et lui demande une preuve de son identité. Dans ce passage, l’utilisation d’un verbe nous décrit même Yahvé qui s’assoit pour attendre le retour de Gédéon, parti chercher la nourriture nécessaire à la vérification qu’il souhaitait constater. Revenu à la maison, il dépose la viande et le pain sur un rocher, les asperge du bouillon pour la cuisson (le « jus »). Alors, l’assistant de Yahvé tend un instrument semblable à un petit bâton, brûle le tout : c’est là la preuve de leur identité et, comme on le remarque, il s’agit d’une preuve exclusivement mécanique, technologique, en rien spirituelle, miraculeuse ou métaphysique10. D’autre part, c’est la philologie hébraïque elle-même qui souligne que tous les supposés miracles décrits dans la Bible ne sont autres que des opérations technologiques qui engendraient la stupeur chez les personnes présentes (consulter sur ce sujet les forums de confession juive en ligne). Rien de surnaturel, donc, comme on le déduit bien du pseudo-miracle d’Élie, analysé dans son extraordinaire singularité dans mes autres ouvrages : dans ce cas, ce furent la chimie et l’énergie thermique qui produisirent les effets désirés. Ce passage de Gédéon, contenu dans le Livre des Juges, le récit de la rencontre entre Abraham et Yahvé et deux malakim (Genèse 18) et celui de Moïse au buisson dit « ardent » (Exode 3) nous montrent clairement que Yahvé se déplaçait souvent accompagné d’un ou plusieurs « assistants », attentifs et prêts à exécuter ses ordres. Voilà qui correspond parfaitement à l’organisation hiérarchique militaire
qui prévoit même des campements tels que ceux vus par Jacob (Genèse 32) et décrits également par Rachi de Troyes, l’un des plus grands exégètes hébreux : il y voyait la présence de deux troupes de malakim chargées de défendre la frontière d’un territoire situé aux alentours de l’actuelle Cisjordanie (op. cit. en bibliographie). Comme tout commandant, Yahvé disposait donc d’aides de camp prêts à obéir immédiatement à ses ordres : j’ai personnellement un peu de mal à imaginer qu’un Dieu omnipotent puisse recourir à ce genre d’exigences. Et pour cause : l’individu que nous connaissons sous le nom de Yahvé n’était pas et n’est pas Dieu, mais un des Elohim : il l’affirme chaque fois qu’il se présente, il se définit comme l’Elohim exclusif de peuple et non des autres nations. La formule « l’Elohim d’Israël » revient sans cesse. Elle témoigne de l’obligation permanente de présenter une certification précise, une sorte de carte d’identité avant la lettre. Il ressentait à chaque fois le besoin de rappeler qu’il était l’Elohim qui avait fait venir Abraham de la terre de Sumer dans laquelle il habitait pour l’amener combattre à Canaan. Il était celui qui avait terrorisé Isaac avec la mise en scène d’un faux sacrifice afin d’évaluer jusqu’où allait la fidélité d’Abraham (en tant que Dieu ne la connaissait-il pas, sans éprouver le besoin de monter un scénario aussi terrifiant ? Dieu ne lit-il pas dans le cœur des hommes ? Mais nous l’avons déjà bien compris, il ne s’agissait pas de Dieu). C’était donc l’Elohim d’un peuple, il n’avait pas de titre pour gouverner les autres et ne le fit jamais, il se contenta de les exterminer (ou de tenter de le faire) lorsqu’ils occupaient des territoires qui l’intéressaient. Il était par conséquent « un » Elohim (pluriel), comme nous pourrions dire que Laurent le Magnifique était « un » Médicis (pluriel). Les Elohim : de multiples individus qui opéraient sous le commandement d’Elyon, terme qui, comme nous l’avons dit, signifie « Celui qui est audessus, supérieur », que l’on traduit par le qualificatif de « Très-Haut ». Sous son commandement, au temps de Péleg (Genèse 10:25), on assista à la répartition de la planète entière entre des gouvernorats (Deutéronome 32:8). Parfait exemple de l’attrait exercé par le récit palpable de la Bible et, dans le même temps, témoignage des variations, ou plutôt des ajustements, que les massorètes y ont apporté, dans leur intention de diffuser une idéologie
précise, construite sur des bases théologiques : ce qui confirme une fois de plus que la religion nous demande de croire en « une » des bibles possibles. Il existe deux passages qui, même s’ils appartiennent à des livres distincts, se font écho de manière surprenante. Dans le Livre de la Genèse, on nous dit que, au temps de Péleg, la terre fut divisée (Péleg porte justement ce nom pour cette raison, la racine PLG indique la division). Et, dans le Deutéronome, les auteurs nous rappellent que le partage fut mené par Elyon lui-même, qui répartit les territoires après avoir compté les fils d’Israël. Affirmation dont nous pouvons bien comprendre le but – exalter le peuple d’Israël. Elle apparaît cependant illogique et, surtout, se voit démentie dans la foulée : ce n’est en effet pas à eux que la terre fut confiée, mais aux Elohim ou à leurs représentants, messagers, gardiens : les malakim dont nous parlerons plus loin. On affirme qu’à l’occasion de ce partage, Yahvé se vit confier le peuple qu’il trouva dispersé dans le désert. Donc, le nombre des fils d’Israël n’est d’aucune importance pour cette attribution de territoire en particulier. Le mensonge délibéré des massorètes à l’origine de cette supercherie textuelle se trouve illustré par les codex plus anciens, moins remaniés et moins idéologisés (la Septante, par exemple), dans lesquels il est clairement écrit que la division, et les attributions qui en ont découlé, a été accomplie par Elyon sur la base du nombre de ceux que l’on nomme « anges », c’est-à-dire les malakim – les gardiens, les vigilants. Eux agissaient sur ordres des Elohim, et à partir du nombre de fils d’Israël. Cette variante se vit tout aussi bien confirmée par les manuscrits de la mer Morte, comme le souligne Niels P. Lemche (« Israël antique, l’histoire renouvelée de la société israélienne11 ») : « […] le Cantique de Moïse dans le Deutéronome (32:8-9), dans un fragment des manuscrits de Qumran, proclame que lorsqu’Elyon a “donné leur héritage aux nations,/lorsqu’il a séparé les fils des hommes,/ il a fixé les limites des peuples selon le nombre des fils d’Elohim,/ et la portion du Seigneur fut Jacob,/ Israël est sa part d’héritage”. » J’en profite pour souligner que ces mêmes massorètes (autoproclamés gardiens de la tradition) ne respectaient pas les textes les plus anciens sur lesquels ils travaillaient. Ils les modifiaient en fonction des messages à véhiculer à leur époque. Nous avons déjà vu qu’aujourd’hui encore il existe des exégètes hébreux qui, à leur tour, modifient la version massorétique.
Question : combien de « traditions » existe-t-il ? À laquelle devons-nous donner du crédit ? Comment un texte pour lequel tous se sont sentis et se sentent encore libres d’intervenir en le modifiant et en niant également la validité des versions précédentes peut-il être « sacré » ? Retour au sujet, et autre question : comment ne pas penser immédiatement aux récits suméro-akkadiens dans lesquels est évoqué le temps où le pouvoir est descendu des cieux vers la terre ? La Bible rapporte-t-elle ici le même événement ? Évoque-t-elle le moment où le chef des chefs a subdivisé et attribué le commandement à ses représentants présents sur notre planète ? Un élément intéressant ne doit pas nous échapper : le terme « Elyon » dans la Bible est porteur en substance de la même signification que le nom propre « Anu » inscrit dans les tablettes en cunéiformes. Tous deux renvoient au concept d’« être en hauteur », de personnage dit « au-dessus » (la syllabe An était représentée sous forme pictographique par une étoile). Ces deux noms désignent-ils donc le seigneur de l’« Empire » ? Les structures de commandement prévoient normalement que ce soit le commandant suprême qui décide personnellement des modalités de répartition du pouvoir. En lisant la Bible, on croit comprendre qu’en cette occasion Yahvé reçut une assignation d’une importance toute relative, certainement moins significative que celle de ses collègues qui gouvernèrent de plus grandes civilisations, de l’Égypte à la Mésopotamie, de la vallée de l’Indus à l’Amérique Centrale et du Sud, etc. Dans un flux libre de pensée, une interrogation renvoie à la suivante. L’usage d’insérer dans les noms des personnages des références précises à leurs fonctions personnelles ou à des événements qui ont accompagné leur naissance se révèle utile pour tenter de comprendre ce que, malheureusement, la Bible ne raconte pas, sans la richesse de détails que nous aimerions y trouver. Par exemple, Elyon/Anu désigne la fonction du commandant, celui qui vivait loin de la planète Terre : selon la tablette de texte cunéiforme NBC 11108 (que j’ai retranscrite et analysée dans Il n’y a pas de Création dans la Bible), il possédait une demeure céleste dans laquelle aucune végétation ne poussait. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’il ait éprouvé le besoin de
descendre sur terre plus d’une fois pour prendre directement connaissance de la situation. Et, par la suite, pour organiser le fonctionnement et la hiérarchie de son empire sur la planète. Dans le cinquième chapitre du livre de la Genèse figure une indication fort intéressante : un descendant direct d’Adam et Ève (que nous évoquerons), est appelé Yared, un nom dont la racine provient du verbe iarad, l’action de « descendre ». Une question s’impose : se serait-il produit, au temps de Yared, une « descente » si importante et significative qu’elle fut fixée dans le nom de ce patriarche ? Qui descendit à cette époque ? Peut-être justement le seigneur de l’empire ? En tout cas, quelque chose d’important a concerné la famille de Yared : son fils Hénoch (Hénoc, Énoch, Énosh), certes, est décrit dans le même chapitre comme le patriarche qui « … allait et venait parmi les Elohim », qui les fréquentait et entretenait donc avec eux un rapport très particulier. Le Livre d’Hénoch, un des textes bibliques que les chrétiens de tradition romaine rejettent mais qui font cependant partie du canon copte et sont donc reconnus par ces chrétiens, souligne comment il fut amené à accomplir « en volant » de nombreux voyages au cours desquels il se rendit dans la demeure du commandant suprême, et comment lui furent transmises des connaissances précises qui couvraient les domaines les plus divers du savoir. Cette « descente », rappelée par le nom Yared, fut donc véritablement particulière. Elle fut suivie d’un nouveau départ dans lequel fut impliqué Hénoch lui-même : la Bible nous dit en effet que ce patriarche partit avec les Elohim et ne reparut plus jamais (Genèse 5:2412). En reprenant un concept déjà évoqué, je vous adresse cette remarque : les bibles possibles, y compris celles dont on a décrété qu’elles n’étaient pas crédibles, nous relatent des histoires qui, vu sous un angle réaliste, construisent une mosaïque cohérente, en dépit de leur regrettable manque de détails, de sources d’information et de cohérence d’exposition. Malheureusement pour nous, cette exigence n’a pas été ressentie par les très nombreux et divers auteurs des textes bibliques. Surtout, nous ne saurons jamais si une grande partie des pièces manquantes étaient en réalité présentes dans ces textes éliminés au fil des siècles, car leur contenu trop explicite aurait rendu vains les efforts de ceux qui ont voulu et pu construire sur cette histoire les facettes des systèmes de pouvoir théologique et idéologique que nous connaissons : les onze livres que j’ai
cités précédemment, par exemple, en font partie. Abordons désormais quelques questions fondamentales.
Chapitre 7
Qui étaient ces Elohim que l’on a fait devenir Dieu ? Quelles étaient leurs caractéristiques et comment agissaientils ?
R
ésumons les caractéristiques fondamentales qui sont largement étudiées dans mes ouvrages déjà cités, auxquels je vous renvoie pour approfondir le sujet. Voici, en complément, de nouveaux éléments. Je précise que je ne traduis pas le vocable Elohim parce que personne ne sait ce qu’il signifie. Les courants dogmatiques n’émettent évidemment aucun doute : pour eux, il signifie « Dieu ». Mais ce mot au pluriel connaît toutes les traductions possibles justement à cause de la réelle ignorance qui l’entoure. Raison pour laquelle je considère comme plus juste de le conserver dans sa forme d’origine ou, tout au plus, de le remplacer par une expression du type « ceux-là ». L’impossibilité de donner une traduction certaine se retrouve avec le nom « Yahvé », dont on ignore également le sens. D’où ses multiples rendus, jusqu’à celui de le comprendre comme une simple interjection telle que : « C’est lui ! » C’est ce qu’écrit notamment le rabbin Howard Avruhm Addison, déjà cité, qui soutient que, selon certains biblistes, il pouvait s’agir d’une exclamation prononcée lorsqu’on le voyait arriver… L’« ouverture » mentale de ces chercheurs cités ne peut que nous faire penser aux innombrables inventions fantaisistes mystiques des 72 noms du prétendu Dieu. Je les qualifie de « fantaisistes » sans aucune intention de me montrer insultant, mais simplement pour souligner que, face à ces 72 noms établis de manières diverses et variées, dotés d’une prétendue efficacité fonctionnelle quand elle n’est pas, parfois, carrément magique, j’oppose la
réalité : nous ignorons le sens et l’origine même du premier nom. Nous ne savons pas en quelle langue il a été prononcé, nous ne savons pas quels sont ses sons vocaliques, nous ne savons pas s’il était réellement constitué à l’origine des consonnes qui ont ensuite été utilisées pour le retranscrire… Nous savons cependant de façon certaine que le peuple de Moïse ne fut pas le premier à l’entendre ni à l’utiliser. L’épigraphie moyen-orientale démontre que les peuples des régions alentour connaissaient ce nom bien avant qu’il n’apparaisse au sein de la nation qui allait devenir par la suite le peuple israélite. Les nations du Moyen-Orient du deuxième millénaire avant J.-C. savaient que ce territoire était gouverné par un individu nommé YHW ou YW ou YWH, dont ils connaissaient la compagne sous le nom d’Ashera, et que les Hébreux de la colonie d’Éléphantine en Égypte, encore plusieurs siècles plus tard, appelaient Anat-Yahu. Soulignons ici que la guerre pour le contrôle des contenus bibliques fut gagnée par les courants de la pensée hébraïque liée à la culture babylonienne d’abord, puis achéménide. Si, au contraire, le judaïsme de modèle et de tradition égyptiens s’était imposé, nous aurions peut-être abouti à une bible qui considérait la présence de la compagne de Yahvé comme « normale ». J’ai évoqué déjà les Targum dont la lecture a amené les frères Sabbah à la construction d’une histoire totalement différente et liée de manière indissoluble à l’Égypte : selon ces chercheurs issus d’une famille rabbinique, ce serait donc encore une autre Bible possible, à cent coudées de celle qui est considérée comme la base de tant de vérités spirituelles. Nous disions que les Hébreux ne furent donc pas les premiers à connaître Yahvé, mais qu’ils furent choisis par lui ou, plutôt, construits et constitués en tant que peuple, pour tenter la conquête d’un territoire qui intéressait plus ce Yahvé que celui qu’on lui avait attribué. Il les prit donc, les transforma et leur fit prendre l’identité d’Israélites par un long processus d’évolution et d’assimilation qui inclut des Sémites, des non-Sémites, des nomades et seminomades, des habitants des villes de Canaan et d’autres qui y immigrèrent, comme l’écrit Lee I. Levine (professeur d’histoire juive au sein de l’Université hébraïque de Jérusalem). Sur les personnages auxquels nous nous intéressons, voici ce qu’il convient de préciser : Les Elohim bibliques n’étaient pas un Dieu unique, comme le soutient
la théologie depuis deux millénaires, mais un groupe de plusieurs individus en chair et en os. Une multiplicité mise en évidence de manière univoque par de nombreux passages de l’Ancien Testament (Exode 3:12 et suivants, Exode 15:3 et suivants, Exode 18:11 et suivants, Deutéronome 6:14 et suivants, Deutéronome 13:7 et suivants, Deutéronome 32:17 et suivants, Jérémie 7:18). Ils dressaient même des campements dans les zones frontalières qu’ils contrôlaient avec leurs armées (Genèse 3:21 et suivants) : des campements bien connus des auteurs bibliques qui les évoquent même expressément dans les manuscrits de la mer Morte, comme dans le 4Q401 14i 8 dans lequel on affirme : « […] ils sont honorés dans tous les campements des Elohim et révérés par l’assemblée des hommes […] ». C’étaient des individus qui vivaient si longtemps qu’ils étaient considérés comme immortels alors même qu’ils ne l’étaient pas. Dans mes travaux précédents, je cite des passages dans lesquels la Bible expose clairement que les Elohim (c’est-à-dire le prétendu Dieu des théologies) meurent comme tous les hommes (Psaume 8213). L’exégèse traditionnelle de ce passage représente un exemple parfait de la soumission au dogmatisme. La philologie qui œuvre à fournir des éléments à la théologie affirme que, sans l’ombre d’un doute, le terme Elohim représente une forme particulière de pluriel qui, en réalité, renvoie à un singulier : Dieu (nous y reviendrons, car nous sommes au cœur de cette entière construction dogmatique boiteuse). Pour ceux qui soutiennent la doctrine traditionnelle, le Psaume 82 constitue le véritable « couac » : ici, le terme Elohim ne peut cacher un singulier : des pronoms, des adjectivations et, surtout, dix verbes conjugués au pluriel l’interdisent. Même les partisans les plus invétérés de la valeur singulière doivent le reconnaître. Pour surmonter cet obstacle, les irréductibles affirment que dans ce passage biblique, le vocable Elohim ne signifie pas « Dieu », mais bien « Juges ». Nous n’entrerons pas dans les détails puisque nous en avons largement débattu dans les précédents ouvrages, mais nous reportons ici ce qu’écrit à ce propos un chercheur que l’on ne peut en aucun cas accuser de soutenir des thèses fantaisistes, le professeur Mike Heiser (rédacteur en chef universitaire
de Logos Bible Software14, maîtrise ès lettres, doctorat de philosophie spécialité Bible hébraïque et langages sémites de l’université du WisconsinMadison [2004], titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne, université de Pennsylvanie). Il écrit sur son site : « Pour le dire simplement, les Elohim du conseil de Yahvé (Psaume 82) sont des êtres divins et non des monarques humains. C’est ce qui ressort encore plus clairement du passage parallèle en Psaume 89:5-815. Dans le Psaume 82:1, le pluriel Elohim désignent les « fils du TrèsHaut », au verset 6. À l’évidence, il faut entendre « fils du Dieu d’Israël » puisque la théologie biblique désigne Yahvé comme « le Très-Haut » (Psaume 83:18). Dans le Psaume 89, les fils de Yahvé sont nommés bene Elohim. Ces bene Elohim n’ont assurément rien d’humain puisque leur assemblée, ou conseil, est dit explicitement se trouver dans les nuages/les cieux, et non pas sur terre. Le contenu du Psaume 82 prouve surabondamment qu’il s’agit d’êtres divins, non humains, dans la mesure où les Elohim pluriels sont jugés pour leur gouvernance corrompue des nations. Or, la Bible hébraïque n’atteste à aucun moment que les monarques humains, qu’ils soient juifs ou gentils, n’administrent les nations. Au surplus, contrairement aux croyances populaires et aux hypothèses des exégètes, nul passage de ladite Bible n’associe les humains au vocable Elohim. Il affirme certains faits qui vont de soi : les Elohim ne sont pas des hommes. Ce sont des êtres bien distincts des « Adams ». ils vivent beaucoup plus longtemps (Le-’olam, c’est-à-dire « pour une longue durée dans le passé et le futur »), mais en partagent la nature mortelle. Selon le chercheur, l’assemblée dont parle le Psaume ne s’est pas même tenue sur terre. Ce que confirme amplement l’étude des « Manuscrits de Qumran » (I manoscritti di Qumran, Utet, Turin, 197416), dans lequel le chercheur Luigi Moraldi examine des fragments de papyrus de la communauté essénienne et souligne même la présence de plusieurs factions d’Elohim présentes dans cette assemblée. La Bible possède des termes précis pour désigner les juges : felilim (Exode 21:22) et shofetim qui, d’ailleurs, constitue le titre hébreu du Livre des Juges : elle ne les confond jamais avec les Elohim. C’étaient des individus qui voyageaient dans des machines volantes, appelées ruach, kavod, merkavah, auxquelles a été consacrée une analyse
attentive et détaillée dans de nombreux chapitres de mes précédents ouvrages. Le kavod est habituellement traduit par « Gloire de Dieu », mais nous vous rappelons au passage que le récit de l’Exode révèle que cette fameuse « Gloire de Dieu » pouvait être vue sur rendez-vous ! Elle tuait ceux qui se trouvaient devant elle. Elle décimait ceux qui se trouvaient à proximité lorsqu’elle passait. Elle pouvait cependant être vue de l’arrière après son passage, et il restait possible de toute manière de se prémunir de ses effets mortels simplement en se cachant derrière des rochers tout à fait normaux qui, donc, pouvaient contrôler ce que Dieu lui-même n’était pas capable de contrôler (Exode 3317). Le professeur Jeff A. Benner (fondateur du Centre de l’hébreu antique18 et auteur de « Lexique de l’hébreu antique de la Bible19 »), dans ses écrits sur le kavod où il met en relation le récit de l’Exode avec les psaumes 3 et 24 et le chapitre 29 de Job, le décrit comme une machine lourde qui servait d’arme d’attaque et de défense. Le révérend presbytérien Barry Downing (ministre chrétien, théologien, physicien, spécialisé dans les rapports entre science et religion), homme de confession chrétienne qui exerce son ministère, n’a aucune réticence à écrire que la religion mosaïque est le fruit d’une rencontre de ces gens avec un Ovni guidé par des intelligences de provenance extraterrestre. Je parlerai plus loin des thèses d’un théologien, le professeur Armin Kreiner. Dans les milieux juifs, catholiques et chrétiens réformés, il existe donc des esprits ouverts, capables de se poser des questions et de fournir des hypothèses de réponse qui ne requièrent pas de recourir à la notion de mystère pour traiter des thèmes auxquels la théologie ne sait pas fournir d’explications. Dans la Bible, les Elohim ne sont jamais considérés comme des « dieux » : à l’origine, on ne leur accordait respect et soumission qu’à cause de leur grand pouvoir, garanti par la technologie dont ils disposaient et qui suscitait la terreur. Ils étaient également redoutés pour leur cruauté, une caractéristique dont la Bible donne un témoignage sans équivoque. Yahvé, défini comme le « Guerrier », n’avait aucun scrupule à ordonner de véritables exterminations de personnes sans défense, en menant des opérations que
nous qualifierions aujourd’hui sans hésitation de nettoyage ethnique (se reporter aux Chroniques, Samuel, Rois, etc.) Les Elohim ne s’intéressaient pas à des sujets tels que la religion au sens moderne du terme, la spiritualité, l’au-delà. Ils avaient pour objectif fondamental de définir des structures de pouvoir réparties sur les multiples territoires, au sein desquels se sont ensuite développées les diverses civilisations. Dans ce but, ils se déplaçaient à la recherche de terres et de gens qui pouvaient les servir (Deutéronome 32:17 et suivants). Les Elohim étaient des individus qui connaissaient les lois de la nature, du cosmos, et les transmettaient à leurs seuls serviteurs fidèles, de quoi engendrer ainsi les castes des rois/gouverneurs/sacerdotes, ceux qu’on appelait justement les « initiés » à la connaissance. Ce savoir était cependant nettement scientifique, concret, matériel, et donc utile pour le quotidien de leurs gouvernorats ou leurs exigences spécifiques de voyageurs spatiaux. Rien à voir avec les prétendues connaissances d’ordre spirituel qui ont été construites au cours de l’œuvre d’occultation que nous sommes en train de mettre en évidence et de dénoncer. Yahvé, loin d’être le « Dieu » unique et transcodant, n’était que l’un d’entre eux : celui auquel on avait confié la tâche de gouverner à l’échelle d’un territoire défini. Mais, en vérité, pouvons-nous l’affirmer ? Pas même : il pourrait aussi s’être attribué lui-même le pouvoir sur un territoire et sur un peuple que personne ne lui avait confié. L’analyse de la stratégie adoptée pour conquérir la fameuse « Terre promise » met bien en évidence tout le soin qu’il déploie à ne pas attirer l’attention de ses collègues/rivaux, beaucoup plus puissants que lui, qui gouvernent les nations environnantes, telles que l’Égypte et la Mésopotamie. Il était conscient de sa situation et était littéralement obsédé par la crainte que les siens l’abandonnent pour suivre d’autres Elohim. C’est pourquoi il les menaçait constamment de mort et tuait sans pitié les traîtres (deux citations valent toutes les autres : Deutéronome 13:7 et suivants20, Nombres 25:1 et suivants21). Au sujet de la mortalité des Elohim, nous avons déjà évoqué la question du pluriel qui constitue le véritable cœur de la question. Il se résume ainsi :
– si le terme Elohim désigne le Dieu unique, transcendant, créateur du ciel et de la terre, la Bible revêt une valeur théologique et doctrinale ; – si Elohim désigne un groupe d’individus, des gouverneurs, des colons, la Bible raconte une histoire totalement différente. C’est la raison pour laquelle la lecture littérale que je mène et présente suscite autant de réactions. La philologie hébraïque, ces deux dernières années, a reconnu qu’une série d’affirmations apparemment absurdes et inacceptables avaient toujours fait partie de sa culture et se retrouvaient même dans ses sources, dans les multiples versions du Talmud ou des Midrashim (les textes de la littérature extra-biblique qui contiennent en substance l’ensemble de l’exégèse menée au fil des siècles par la pensée israélite sur les livres de l’Ancien Testament). Une lecture et traduction attentives de la Bible en hébreu révèlent qu’en réalité on les y trouve aussi, ils sont sous nos yeux : nous devons simplement procéder à l’élimination des « écrans » qui y ont été placés à dessein. Ces vérités bibliques évidentes que nous découvrirons bientôt concernent des aspects fondamentaux de la doctrine religieuse et sont afférentes au monde que l’on qualifie de spirituel : anges, chérubins, Satan, miracles, etc. La vraie question, la raison de la lutte acharnée entre positions dogmatiques et libre pensée, concerne donc les Elohim. D’où l’intérêt de formuler quelques remarques supplémentaires. Dans le contexte actuel qui veut que les textes imprimés et le réseau Internet interagissent, je signale que l’on trouve sur YouTube une courte vidéo dans laquelle j’analyse certains aspects du sujet avec des exemples utiles à une meilleure compréhension de ce dont nous parlons. Cette vidéo s’intitule « Elohim est “le pluriel d’abstraction” », et illustre la manière dont le contexte biblique résout par lui-même la question grammaticale posée par les doctrines monothéistes tenues, par dogmatisme, d’affirmer l’unicité de Dieu22. Pour étayer encore mes propos, je cite le professeur R.V. Foster (Université de Cumberland, Liban) pour lequel il ne fait aucun doute que le mot Elohim a été utilisé comme pluriel de majesté. Pour lui, nul besoin de démonstration. Le mot Elohim est hébreu mais son équivalent existait également en dehors de ce peuple où, en tant que forme inévitablement/absolument pluriel, il désignait une multiplicité d’individus. Lorsque le mot a été introduit dans la
région d’Israël, la forme plurielle a suivi et a été appliquée à l’unique vrai Dieu, mais non pour suggérer sa majesté ou sa trinité. Nous savons pertinemment que les règles grammaticales, syntaxiques et linguistiques n’étaient pas l’œuvre des massorètes, mais qu’elles ont été élaborées au cours des siècles qui ont suivi par les philologues, ceux-là mêmes qui ont mené l’étude de cette version particulière du texte biblique. Malheureusement, la philologie biblique est restée de nombreux siècles l’apanage des théologiens qui ont donc formulé et appliqué – a posteriori – des règles adaptées à la clé de lecture doctrinale. Ce fait établi, examinons un autre aspect. Pour justifier la pluralité du terme, les théologiens monothéistes introduisent d’autres éléments et soutiennent que, là où le « pluriel » est impossible à nier, Elohim ne signifie pas « Dieu » mais fait référence aux « législateurs/juges/ministres ». Cette affirmation contient une évidence indiscutable. Elle n’est qu’une confirmation supplémentaire de la pluralité de ces individus. Dans notre culture, en effet, les fonctions législative, judiciaire et exécutive sont notoirement séparées, et la « séparation des pouvoirs » représente l’une des garanties indispensables aux systèmes démocratiques. Par le passé, en revanche, les trois fonctions étaient réunies dans la personne unique du dirigeant – roi, empereur, quel que soit son titre – qui les exerçait aussi bien directement que par le biais d’individus qu’il avait choisis et nommés. Les Elohim, colons puissants et plénipotentiaires, représentent un modèle typique de cette concentration et fusion des pouvoirs. Leur manière despotique de gouverner – Yahvé en est un exemple direct des plus criants – incluait en elle-même les fonctions citées supra. Il va donc de soi pour tout le monde que les Elohim étaient à l’origine, à la fois : – des législateurs (ils dictaient les règles et normes en parfaite autonomie de décision) ; – des dirigeants, ministres qui géraient les multiples aspects du pouvoir (ils faisaient appliquer les lois directement ou à travers leurs délégués, comme Jéthro, Moïse, etc.) ; – des juges (ils contrôlaient le respect des lois, infligeaient et exécutaient – ou faisaient exécuter – peines et punitions).
Ce qui ne signifie pas qu’ils étaient des « Adams » particulièrement évolués – comme doivent nécessairement chercher à le soutenir les théologiens/idéologues monothéistes. Au contraire, même, la Bible de tout un chacun (sans aucun besoin de traduction particulière) nous fournit clairement des éléments utiles à les en distinguer nettement. Voyons-en quelques-uns : 1) Les Elohim « créèrent » les « Adams » (Genèse 1, analysé plus loin). Question : si les Elohim avaient été des « hommes normaux », aurait-il été nécessaire de préciser cette évidence banale ? N’aurait-il pas été ridicule de l’affirmer, en lui attribuant une importance fondamentale dans l’histoire ? La Bible n’a donc pas dit que nous avons été créés par des « législateurs/juges/ministres » (qui à leur tour auraient nécessairement été des hommes), mais par des êtres « autres ». 2) Les Elohim se sont « unis » avec les femmes « Adams » (Genèse 6). S’ils avaient été des hommes tout à fait normaux avec des fonctions de « législateurs/juges/ministres », aurait-il, une fois de plus, été utile de préciser une telle banalité ? Avec qui d’autre que des femmes « Adams » des hommes normaux auraient-ils dû s’unir ? Et puis, pourquoi ces unions sexuelles n’ont-elles pas donné naissance à un groupe particulier, celui des ghibborim, c’est-à-dire « sang-mêlé » qui, non sans raison, étaient définis comme « des hommes puissants, célèbres23 » ? Rappelons-nous que, dans l’histoire de l’humanité, les fondateurs des grandes civilisations étaient toujours définis comme des demi-dieux, c’est-à-dire fils d’un humain et d’un être appartenant à la race de ceux venus d’en haut : de Gilgamesh à Énée, en passant par les premiers dirigeants en Égypte ou la dynastie japonaise, etc. Il est facile de trouver de très nombreux exemples. 3) Les Elohim « meurent comme tous les “Adams” » (Psaume 82). Je l’ai déjà évoqué, j’ajoute ceci, au nom du bon sens : s’il s’était agi d’« hommes normaux », exerçant les fonctions de « législateurs/juges/ministres », aurait-il été nécessaire de rappeler
l’évidence qu’ils meurent… aussi ? Comment aurait-il pu en être autrement ? 4) Yahvé craignait constamment que son peuple ne se tournât vers d’autres Elohim (on peut le constater dans d’innombrables passages de la Bible). Question : le prétendu « Dieu véritable » avait-il aussi peur de « législateurs/juges/ministres » on ne peut plus normaux, infiniment moins puissants de lui ? La peur l’aveuglait-elle au point qu’il tuait impitoyablement ceux qui l’abandonnaient pour se mettre au service d’hommes quelconques ? Les Hébreux qui avaient eu un rapport direct constant, quotidien, personnel avec lui, étaient-ils stupides au point d’abandonner le « véritable Dieu tout-puissant » pour des « législateurs/juges/ministres », c’est-à-dire des « hommes normaux » qui exerçaient un pouvoir local et limité ? Il semble tout bonnement impossible de formuler une hypothèse de ce genre tant elle est ridicule. Je dirais même profondément insultante pour ces gens qui, dans un tel cas, se seraient montrés incapables de distinguer et de choisir entre le Dieu universel et des hommes tout ce qu’il y a de plus « normaux ». 5) La Bible dit clairement que le peuple pouvait « choisir » entre Yahvé et d’autres Elohim (Josué 24 et de nombreux autres passages) Ceux qui soutiennent la doctrine affirment que, dans ces cas, les « autres Elohim » désignaient des divinités païennes représentées par les idoles. Question : les Hébreux de l’époque, après des siècles (au moins à partir d’Abraham) de rapport direct, constant, quotidien, personnel, avec Yahvé – celui qu’on présente comme le « Dieu unique, vivant et opérationnel dans l’histoire » – étaient-ils naïfs au point de lui préférer des tas de pierre ou de bois inertes, des idoles sans vie ? L’abyssale et inimaginable différence entre Dieu et idoles n’était-elle pas plus que flagrante ? Les dogmatiques, contraints par leurs préjugés fidéistes à maintenir de telles affirmations, ne se rendent-ils pas compte qu’elles constituent une insulte à l’intelligence humaine ou même au bon sens de base, et s’avère fortement offensante envers ce peuple ou, du moins, ses ancêtres ? Impossible de l’imaginer : il se fût agi d’un comportement absolument
incompréhensible, typique d’individus dépourvus de la moindre capacité de discernement. Si j’appartenais à cette nation, je me sentirais profondément insulté à l’idée que l’intelligence de mes ancêtres soit discréditée de manière aussi ridicule. Je suis au contraire porté à penser que le peuple des origines – libre de tous les dogmes théologiques qui conditionnent beaucoup d’esprits actuels – était bien conscient de la situation qu’il vivait. La Bible nous montre en permanence que ce peuple savait bien que : 1) les Elohim n’étaient absolument pas des hommes « normaux » qui exerçaient les fonctions de « législateurs/juges/ministres », et qu’ils étaient encore moins des idoles inertes et ridicules ; 2) les Elohim, dans les fonctions et pouvoirs qu’ils exerçaient, revendiquaient les mêmes prérogatives et caractéristiques que Yahvé, parce qu’ils appartenaient au même « groupe » d’origine ; 3) Yahvé n’était que l’un d’entre eux et ne constituait donc qu’un des choix possibles. Les autres Elohim étaient pour « lui » des rivaux réels, redoutables et très dangereux. Il semble que ce concept soit encore bien présent au temps de Paul de Tarse (l’apôtre des gentils, dont les contributions théoriques ont constitué le socle premier de la doctrine chrétienne : j’en ai proposé une analyse dans un précédent ouvrage, « Résurrection, Réincarnation24 »). Dans la Première épître aux Corinthiens (8:5-6), il est écrit textuellement : « Car s’il est des êtres qui sont appelés theoi, soit dans le ciel, soit sur la terre, il y a de la sorte beaucoup de theoi et beaucoup de seigneurs, pour nous néanmoins, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes. » L’affirmation est claire : pour cet Israélite de la tribu de Benjamin, il existait de nombreux theoi (il existait en effet beaucoup d’Elohim pour les Hébreux) mais, pour les croyants de cette nouvelle foi, il n’y avait qu’un Dieu auquel s’adresser (exactement comme les Hébreux ne devaient s’adresser qu’à Yahvé). Les Elohim étaient donc nombreux, et il s’agissait de colons qui, en tant que tels, devaient nécessairement établir un système de règles, de normes, de lois à imposer aux peuples qu’ils dirigeaient.
Cette nécessité était particulièrement ressentie par Yahvé, lui qui avait à gouverner un peuple… inexistant : il devait le construire. Je me souviens de ce qu’affirmaient les professeurs Wexler et Levine sur l’inexistence de l’identité israélite, voire de la langue hébraïque au temps où Moïse agissait « pour le compte » de Yahvé. « Ils » durent rassembler un peuple qui n’existait pas, lui donner une identité et, surtout, en tirer une structure combattante avec laquelle tenter de conquérir un territoire que nous connaissons sous le nom de la fameuse Terre promise. Je fais immédiatement remarquer qu’il n’est jamais parvenu à la conquête totale : l’archéologie israélite contemporaine met toujours plus en évidence à quel point l’entière épopée de l’occupation du pays de Canaan et la naissance des royaumes de David et Salomon fut mitigée : sa réalité reste largement moindre que celle que décrivent les reconstructions théologiques et idéologiques fantaisistes. Yahvé devait donc construire ce qui n’existait pas : un peuple et une armée. Pour ce faire, force lui fut d’établir et mettre en œuvre des règles qui sont connues dans leur ensemble, comme les 613 mitsvot. Elles représentent le cœur du judaïsme : 248 d’entre elles sont les mitsvot aseh, les « tu feras », c’est-à-dire des commandements exprimés à la forme positive – ils obligent à accomplir une action déterminée ; 365 sont au contraire les mitsvot la ta’aseh, les « tu ne feras pas », des commandements à la forme négative qui interdisent donc certaines actions. Nous connaissons surtout les Dix commandements, ceux qui constituent le fondement du code moral de comportement à adopter envers son prochain (même si nous verrons qu’il ne s’agit en réalité pas du tout de ça). Le professeur Ben Zion Bergman (professeur émérite de littérature rabbinique, université du judaïsme, Los Angeles) souligne que les deux listes (Ézéchiel 20 et Deutéronome 5) présentent des différences sur certains points. Il affirme, en outre, que les règles exprimées dans la Bible reflètent l’évolution entraînée par des changements qui ont eu lieu au fil des siècles, et dans les conceptions éthiques des peuples qui les ont formulés. Nous ne sommes donc pas face à un système éthique absolu et immuable : nous avons affaire au contraire à un relativisme moral déclaré dont les contenus changent en fonction des bouleversements civils, sociaux et
culturels. On a envie de dire que le Dieu biblique s’adapte aux situations et aux époques : nous verrons bientôt à quel point tout ceci est vrai et significatif. Mais, avant de nous intéresser au contenu réel des commandements et surtout au but – absolument contingent – dans lequel ils ont été formulés, je dois faire remarquer que dans Exode 34:27 s’est glissée une déclaration claire. Yahvé liste explicitement les commandements sur lesquels il a bâti l’alliance avec Moïse et le peuple : « Ne pas conclure d’alliance avec les habitants du pays », « Détruire leurs autels, stèles, images et ne pas adorer leurs dieux », « Ne pas prendre les femmes du pays pour les fils d’Israël », « Ne pas construire des divinités en métal fondu », « Observer la fête des azymes durant le mois d’Abib », « Lui réserver tous les premiers-nés mâles ; racheter tous les premiers-nés des humains par des dons », « Respecter le sabbat après avoir travaillé durant six jours », « Célébrer la fête des semaines » (moisson, récolte en fin d’année…), « Faire présenter chaque garçon devant l’Elohim trois fois par an », « Ne pas offrir le sang de la victime sur le pain levé, et le sacrifice de la Pâque ne devra pas rester jusqu’au matin », « Offrir au Seigneur les primeurs de la terre », « Ne pas faire bouillir le chevreau dans le lait de sa mère25 ». On le voit bien, ces commandements ne sont pas ceux qui nous ont été enseignés. Ils n’ont même rien à voir avec des normes comportementales de nature purement morale : ce sont des indications fonctionnelles précises, aux conséquences souvent dramatiques. L’analyse parallèle des deux listes fait l’objet d’un chapitre dans l’un de mes précédents ouvrages, mais voici quelques réflexions supplémentaires sur le sujet. L’ordre concernant le don des premiers-nés avait pour but leur utilisation lors de sacrifices : Yahvé se les faisait amener lorsqu’ils étaient âgés de huit jours – exactement comme pour ceux des animaux (Exode 22:28-29) – et il voulait qu’ils soient brûlés pour lui, comme il l’affirme lui-même dans Ézéchiel 20:25 et suivants.
C’est l’un des passages pour lesquels la Conférence épiscopale italienne – CEI – montre son courage en rendant la signification exacte du verbe hébreu. Voici la traduction publiée par elle des versets 24-26 du chapitre 20 d’Ézéchiel : […] parce qu’ils ne mirent pas en pratique mes ordonnances, parce qu’ils rejetèrent mes préceptes, profanèrent mes sabbats, et tournèrent leurs yeux vers les idoles de leurs pères. Je leur donnai aussi des préceptes qui n’étaient pas bons, et des ordonnances par lesquelles ils ne pouvaient vivre. Je les souillai par leurs offrandes, quand ils faisaient passer par le feu tous leurs premiers-nés ; je voulus ainsi les punir, et leur faire connaître que je suis le Seigneur (Yahvé) […]. « Quand ils faisaient passer par le feu tous leurs premiers-nés » : des mots crus, tellement dévastateurs et inacceptables pour la doctrine que, souvent, dans les bibles traditionnelles, ils ont été habilement occultés et remplacés par le terme « consacrer », qui n’a rien à voir avec la littéralité du texte hébreu et, surtout, avec les fins de l’acte. Le but de la production de cette « fumée », engendrée par les graisses qui brûlent selon les modalités précises décrites dans le Lévitique 3:3-5, a été analysé en détail dans mes ouvrages précédents. J’ai publié l’étude médicale qui illustre l’effet neurophysiologique de l’acte de humer cette fumée qui « apaisait » les Elohim. Je n’y reviendrai pas ici, mais je veux souligner certains faits sur ce point : les peuples de divers continents nous parlent de cette même exigence étrange que les prétendues divinités manifestaient partout. Même des œuvres qui sont, de ce point de vue, considérées comme très éloignées et inattendues dans ce contexte, nous apportent des confirmations. Dans l’Iliade (Chants I, II, IV, VI, VIII, XXII, XXIII) et dans l’Odyssée (Chants III, VII, IX, XII, XIII, XVII, XIX), par exemple, les « dieux » demandent qu’on leur prépare et brûle entièrement certaines parties de chair et de graisse des animaux, exactement comme l’exigeaient le Yahvé biblique et ses collègues Elohim. Ils humaient ce parfum pour se détendre, dit clairement la Bible, mais cela n’est évidemment pas accepté par la doctrine. Par conséquent, la philologie qui œuvre à son service cherche à nier de toutes les façons possibles cette signification du terme hébreu nichoach, qui est cependant clair, univoque et également unique, comme le révèlent les
dictionnaires rédigés par les chercheurs israélites. Si, comme on voudrait nous le faire croire, il s’agit d’une allégorie, nous devrons reconnaître que les auteurs bibliques et Homère, ou les auteurs des textes que l’on confond avec le seul Homère, auraient étrangement choisi justement le même outil littéraire, la même représentation allégorique avec des contenus possédant une extraordinaire similitude, même dans leur substance ! Il est en revanche beaucoup plus spontané et nettement moins fantaisiste de penser que, dans les deux cas, il s’agit de récits qui renvoient à des situations concrètes et bien connues. Je comprends bien que pour les personnes de foi, l’idée que leur Dieu puisse s’apaiser à l’aide de graisse brûlée est inacceptable (et nous revenons alors ici à notre exemple de consultation médicale sur la couleur des ongles…). Tandis que les philologues chirurgiens utilisent des bistouris et des pincettes pour tenter d’atteindre et réaffirmer leurs théories idéologiques et théologiques, moi, je pose quelques questions. Si cette fumée – comme on cherche à l’affirmer – devait représenter symboliquement l’ascension de l’esprit qui « aspire » à rejoindre Dieu : – Était-il nécessaire d’entraîner pour cela de véritables hécatombes d’êtres vivants ? – Était-il nécessaire de générer tant de souffrances ? – Ne pouvait-on pas brûler du bois ou de la paille ? – S’il fallait vraiment un élément d’origine animale, n’aurait-il pas suffi de brûler la laine des moutons plutôt que de tuer les agneaux ? – Pourquoi les Elohim (le prétendu Dieu unique) appréciaient-ils les agneaux d’Abel et pas les végétaux de Caïn ? N’étaient-ils pas en mesure de comprendre que l’intention était la même ? Chacun des deux n’offrait-il pas ce dont il disposait ? – Pourquoi Yahvé faisait-il brûler « la graisse qui couvre les entrailles et toute celle qui y est attachée, les deux rognons, et la graisse qui les entoure, qui couvre les flancs, et le grand lobe du foie, qu’il détachera près des rognons » (Lévitique 3:3-5) ? – Pourquoi les Elohim voulaient-ils uniquement cette graisse et pas autre
chose ? – Pourquoi cette graisse était-elle si importante et si précieuse que Yahvé ordonna de mettre à mort tous ceux qui étaient surpris en train d’en faire un usage personnel (Lévitique 7:25) ? Le souci est que cette graisse appartenait aux bébés des hommes, que Yahvé se faisait remettre âgés de huit jours. Nous ne pouvons certainement pas imaginer qu’il les élevait personnellement après les avoir soustraits à leurs mères (Exode 22:28-2926). Les sacrifices humains ont continué au moins jusqu’en 622 av. J.-C., époque à laquelle la réforme du roi Josias les fit remplacer par des agneaux, en cherchant en outre à en effacer le souvenir (voir à ce sujet les recherches du professeur Giovanni Garbini, citées en bibliographie). Nous savons bien que la pratique des sacrifices humains était répandue parmi les peuples de la terre entière. Tous nous parlent de « divinités » qui réclamaient expressément ce type d’offrandes cruelles et inhumaines. La culture judéo-chrétienne adopte une attitude ambivalente face à ce comportement : elle considère comme absolument réels, bien que barbares et païens, les rites accomplis par les multiples peuples, et tend en revanche à lire et à interpréter de manière allégorique ou métaphorique les sacrifices humains dont on dit clairement dans la Bible qu’ils étaient expressément demandés par Yahvé. On a même tenté au fil des siècles, et on tente encore, d’en nier l’évidente réalité historique. On a essayé de répandre l’idée que cette pratique barbare était l’apanage des peuples dits « païens ». Qu’il s’agisse d’une barbarie, personne n’en doute. Mais elle était pratiquée aussi par le peuple de Yahvé, et la requête d’origine provenait directement de lui : il n’était pas possible de s’y soustraire, comme nous le savons bien. Il est probable que lorsque les raisons pour lesquelles il l’avait ordonnée – qu’il explique lui-même dans Ézéchiel 20:21 et suivants27 – se firent moins pressantes, cette règle fut adoucie et remplacée par un rachat pécuniaire (lequel, d’ailleurs, s’avérait bien plus utile à la caste qui l’encaissait). Le passage de l’assassinat au paiement d’une contre-valeur monétaire illustre l’une des nombreuses situations dans lesquelles on perçoit cette évolution progressive de la morale et des coutumes, survenue au fil du temps, dont
parle le professeur Ben Zion Bergman déjà évoqué, et qui a déterminé des innovations et changements dans les règles elles-mêmes. Nous prenons donc acte ici aussi que, en se montrant constamment modifiables, les règles dictées par le prétendu Dieu relevaient d’une valeur relative, comme l’a déjà mis en évidence le midrash dans lequel Yahvé autorise à procéder selon la majorité. Pour le moment, je prends un peu d’avance sur un concept qui sera mieux compris après l’examen des Dix commandements traditionnels : on reconnaît aux grands systèmes religieux fondés sur l’Ancien Testament la capacité d’avoir construit un corpus de règles éthiques positives « en dépit de » et non « grâce à » ce qui est écrit dans ce livre. Cet aspect a lui aussi joué un rôle dans la construction de la structure spiritualiste, mais il aura, au moins dans ce cadre, conduit à la construction de valeurs positives. On trouve un premier exemple de l’amoralité (pour ne pas dire l’immoralité) du comportement de Yahvé lorsqu’on examine la manière dont a été appliqué dans les faits ce précepte-ci : « Ne pas prendre les femmes du pays pour les fils d’Israël ».
Chapitre 8
Les Dix commandements : les incohérences entre Yahvé et Moïse
L
a Bible nous apprend que Moïse, au mépris de la règle que nous venons d’évoquer, était marié à une compagne madianite et épousa même une femme koushite, c’est-à-dire éthiopienne. Je précise au passage que si la descendance hébraïque se transmet par les mères, nous devons admettre que les enfants de Moïse n’étaient pas hébreux, même si l’on veut bien croire que lui l’était. En outre, dans ces conditions, Éphraïm et Manassé, fondateurs des deux tribus éponymes, se retrouvaient dans la même situation puisque leur mère était l’égyptienne Asnath, fille de Poti-Phéra (Genèse 41:45) et compagne de leur père Joseph : mais il ne s’agit là que d’une remarque pour la curiosité d’esprit car, comme nous l’avons déjà vu, au temps de Moïse, ce peuple n’existait pas. Il existait donc encore moins à l’époque de Joseph, qui l’a précédé de quelques siècles. Et que dire de Ruth, arrière-grand-mère du roi David ? C’était une moabite. Ainsi, son fils Obed, père de Jessé et grand-père de David, n’était pas nominalement un Hébreu. Ces généalogies relevées, revenons au sujet des femmes non hébraïques de Moïse. Aaron ne pouvait que remarquer l’incohérence de ces couples : le chef du peuple était le premier à violer l’un des préceptes fondamentaux, celui-là même sur lequel Yahvé avait déclaré explicitement que se fondait l’Alliance entière. Dans Nombres 12:1 et suivants, l’auteur biblique raconte qu’Aaron et sa sœur Marie (Myriam, soi-disant prophétesse) « parlèrent contre Moïse au sujet de la femme éthiopienne qu’il avait prise […] ». Informé de cette plainte – que le sens de la justice nous pousse à approuver –, Yahvé convoque les
trois personnages chez lui, descend de son char volant, se place à l’entrée de sa tente et, s’adressant à Aaron et Marie, affirme que Moïse bénéficie d’une position privilégiée parce qu’il entretient un rapport direct avec lui. Il conclut par une réprimande sévère, il leur reproche d’avoir dit du mal de son protégé. Le verset 9 nous dit qu’il se met en colère et s’en va sur son char volant, mais laisse un signe de son courroux : Marie (et uniquement Marie) est frappée sur l’instant d’une maladie de peau. Nous sommes donc en présence d’un fait curieux que nous résumerons ainsi : Yahvé (Dieu ?) dicte des règles que lui-même définit comme fondamentales ; son principal représentant et assistant est le premier à les violer ; celui qu’on dit être le plus haut sacerdote, Aaron, avec sa sœur la prophétesse Marie, soulignent à juste titre cette contradiction évidente et inacceptable ; Yahvé, au lieu d’appeler Moïse à respecter les règles, se courrouce contre ceux qui ont fait remarquer la faute et – comble de l’injustice – punit finalement uniquement la femme. Voici une courte digression intéressante. La maladie de peau qui frappe Marie est habituellement définie comme la lèpre, mais elle rappelle étrangement les effets d’une arme que Yahvé a utilisée au moins en trois occasions. Dans le Deutéronome 7:20, l’Exode 23:28 et Josué 24:12, Yahvé utilise un instrument (ou un ensemble d’instruments ?) appelé tzir’ah (terme féminin singulier collectif), qui entraîne de graves effets sur la peau de ceux qui en sont frappés. Le terme est au singulier, mais est généralement traduit par « frelons », pour rappeler les effets produits par les piqûres de ces insectes : les dictionnaires Brown-Driver-Briggs et Gesenius (cités en bibliographie), évoquent les concepts de plaie, prostration, perforer et frapper. La lecture du contexte, auquel je renvoie les lecteurs qui s’y intéressent, rend ridicule la simple idée de valider cette hypothèse : comment des frelons pourraient-ils frapper de manière sélective seulement les ennemis, jusqu’à les rendre inoffensifs et les jeter entre les mains des Israélites ? Il semble clair qu’il s’agissait de « quelque chose » qui pouvait être dirigé de manière
sélective sur la peau des adversaires et produisait des effets plutôt sérieux. Qui sait si une description de la tzir’ah se trouvait dans l’un des onze livres officiellement disparus, intitulé Les guerres de Yahvé ? Peut-être ce texte était-il trop explicite dans sa description des systèmes qu’il utilisait au combat ? Raison pour laquelle on l’aurait rendu indisponible ? Néanmoins – quel que soit le système utilisé –, seule la peau de Marie a été frappée. Le sens de la justice de cet individu qui veut se présenter comme le Dieu omniscient et juste dans son jugement des hommes est vraiment curieux. Nous souhaitons plutôt souligner une certitude : à cette époque comme maintenant, ceux qui détiennent le pouvoir se placent toujours au-dessus des lois : rien n’a changé, c’était déjà le cas lorsque le prétendu Dieu était sur terre et cherchait à se faire obéir des hommes en dépit de mille contradictions. Chacun pourra en tirer par lui-même les conclusions sur l’amoralité ou immoralité de cet individu (Yahvé) qu’on veut faire passer pour Dieu luimême, c’est-à-dire le législateur suprême qui, à la fin des temps, disposera de nous avec justice. « Dieu nous en garde ! » si vous me passez cette ironie.
Heureusement pour nous, Yahvé n’est pas Dieu : autrement, notre vie et surtout notre prétendue éternité seraient vraiment en de mauvaises mains. La chercheuse juive Lia bat Adam, qui s’est intéressée aux événements de l’Exode, définit ainsi la personnalité de Yahvé : « Agressive, austère, bilieuse, inhumaine, exclusiviste, exigeante, féroce, jalouse, inclémente, infantile, inflexible, ingénue, intolérante, intraitable, colérique, irascible, revêche, susceptible, tatillonne, prévisible, puérile, punitive, répressive, rigide, impitoyable, tyrannique, terrible, vindicative […] » (op. cit. en bibliographie). Je ne peux qu’exprimer a posteriori toute ma compassion pour Moïse qui ne devait pas avoir la vie facile : il lui fallait d’un côté satisfaire les requêtes et les ordres de cet « individu » et, d’un autre, convaincre un ensemble de nomades et semi-nomades que le meilleur choix pour eux était de se ranger au service d’un tel personnage. Mais on peut tirer bien davantage de l’analyse des Dix commandements que
la doctrine a choisis comme socle pour construire son code éthique. Commandements que nous connaissons tous (Exode 20 et Deutéronome 5) : « Je suis Yahvé, ton Dieu […] Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. » « Tu ne prendras point le nom de Yahvé, ton Dieu, en vain. » « Observe le jour du sabbat, pour le sanctifier. » « Honore ton père et ta mère. » « Tu ne tueras point. » « Tu ne commettras point d’adultère. » « Tu ne déroberas point. » « Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain. » « Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain. » « Tu ne désireras […] rien de ce qui appartient à ton prochain. » Une petite précision : le premier commandement a été opportunément transformé par la tradition pour le faire coïncider avec la vision monothéiste, mais il est bon de savoir qu’en hébreu il sonne différemment (Deutéronome 5:6-7) : la version qui nous est parvenue s’énonce ainsi : « Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. » Tandis que le texte biblique exprimait plutôt ceci : « Je suis Yeh(o)wah ton Elohim qui t’ai fait sortir d’Égypte, de la maison de servitude, tu n’auras point d’autre Elohim devant ma face. » On a ici de façon évidente une situation récurrente : chaque fois que Yahvé se présente, il semble devoir donner son curriculum, rappeler ses mérites pour ce peuple qui ne doit donc pas le confondre avec ses collègues/rivaux. Ce passage suffirait à comprendre que Yahvé était bien conscient de l’existence « d’autres Elohim » et du risque par conséquent de se voir abandonné par son peuple au profit de l’un d’eux, comme nous l’avons déjà souligné. L’analyse que je souhaite mener ici concerne les seuls commandements.
Nous pourrions la formuler de la sorte : ces normes n’étaient pas un code de comportement éthique conçu pour l’humanité, mais un ensemble de règles dictées pour rendre la cohabitation dans ce camp d’entraînement que Moïse avait institué dans le désert du Sinaï ordonnée et vivable. Un camp dans lequel il installa ces gens – nous devrions peut-être dire « séquestra » – pour constituer un peuple qui n’existait pas et se doter de la force combattante nécessaire pour conquérir la terre sur laquelle Yahvé avait déclaré vouloir régner à n’importe quel prix, y compris celui d’une grande quantité de sang versé. L’un des systèmes par lesquels il lia à lui ces gens fut la réquisition de l’or et de tous les métaux de valeur. Et pour cause, ce n’est que grâce à ces richesses qu’il était possible d’accéder à l’eau et aux pâtures qui appartenaient aux populations locales. Privés de la marchandise d’échange qui leur aurait permis de se déplacer de façon autonome, ces pauvres gens devaient dépendre de Moïse et Yahvé pour accéder aux biens vitaux. Mais j’ai détaillé le tout dans Il n’y a pas de création dans la Bible, et je ne m’attarderai donc pas dessus. Pour en revenir aux commandements, il est bon de clarifier dès le départ que les théologies qui s’en sont emparées ont volontairement diffusé un concept que, par euphémisme, je qualifierai d’« erroné », même si, spontanément, c’est de « faux » que j’aimerais le taxer. Lorsque, dans les versets hébreux, on définit l’identité ou la typologie de ceux envers lesquels on ne doit pas accomplir d’actes interdits, le terme formé par la racine resh ayn est utilisé. Il signifie « ami », « compagnon », « camarade », « membre de la même guilde », « compatriote ». Mais – comme pour toute autre clé de lecture présentée dans cet ouvrage et mes autres travaux – la véritable signification est tirée du contexte et de l’ensemble de l’épisode, plus que de la chirurgie philologique. Toute la narration biblique nous démontre en effet sans l’ombre d’un doute que le concept élargi de « prochain » est le fruit d’une construction ultérieure. Nous sommes encore plus éloignés de la conviction que, dans ce passage, Yahvé fait référence au genre humain dans son ensemble. Ces ordres et ces interdits valaient exclusivement à l’intérieur du peuple, au sein de ce groupe de nomades et semi-nomades que Moïse essayait péniblement de transformer en un peuple doté de règles acceptables de coexistence civile. Il n’y a là aucun « prochain », au sens actuel du terme, dont il faille
s’occuper, se préoccuper ou qu’il convienne de respecter. C’était exclusivement « entre eux » qu’ils ne devaient pas se tuer. C’était « entre eux » qu’ils ne devaient pas se voler d’objets ou d’animaux. C’était « entre eux » qu’ils ne devaient pas se voler leurs femmes, considérées comme à peine plus qu’une possession masculine. C’était « entre eux » qu’ils ne devaient pas pratiquer le prêt usuraire, etc. Face aux autres communautés, tout était légal et même conseillé, lorsque ce n’était pas expressément ordonné. Voyons à titre d’exemple le commandement qui se réfère à un sujet de première importance, je dirai la base, dans l’absolu, de toute cohabitation, j’ai nommé le respect de la vie d’autrui, exprimé par un commandement clair et apparemment sans équivoque : « Tu ne tueras point. » J’ai écrit « apparemment sans équivoque » car, de façon parfaitement cohérente avec ce que j’essaie de mettre en évidence, le rabbin Dovid Bendory (directeur rabbin du JPFO, Organisation des Juifs pour la défense de la propriété individuelle des armes à feu28) a révélé une erreur dans la traduction de ce commandement. Il remarque à juste titre que l’expression lo tirtzach ne veut pas dire de manière générique qu’il ne faut « pas tuer », mais signifie exactement qu’il ne faut « pas assassiner », c’est-à-dire accomplir un acte impliquant de tuer une personne particulière de manière intentionnelle et préméditée. Le rabbin écrit qu’il existe un abysse entre le concept de tuer et celui d’assassiner. Et il soutient que, à cause de cette confusion née d’une erreur de traduction, les juifs et chrétiens ont été tourmentés par un sentiment de culpabilité et des remords injustifiés pour les morts provoquées par les guerres, au cours d’accidents ou par autodéfense. En conséquence directe de cette erreur d’interprétation, il se demande même combien de vies ont été perdues à cause d’un « pacifisme idiot » (sic !) qui a empêché de défendre correctement sa vie, au lieu de se protéger de manière justifiée face au mal. Bien évidemment, on peut ne pas être d’accord avec cette dernière considération. Ce qui compte est de souligner que la traduction correcte de ce commandement renvoie à tout autre chose. S’il avait en effet possédé la valeur universelle qu’on lui a attribuée lorsque la théologie monothéiste spiritualiste a pris le contrôle de la signification de la Bible, nous serions forcés de dire que Yahvé lui-même a été le premier à ne pas respecter les règles qu’il avait personnellement fixées. Il est patent que l’on ne peut pratiquement pas compter les ennemis morts, tués sur ordre explicite de
Yahvé, mais il faut aussi préciser qu’il en allait de même à l’intérieur du groupe : il suffisait de montrer des signes de désapprobation ou de s’adresser aux autres Elohim pour être tué sans pitié. Je vous invite à lire ne serait-ce que ces passages pour comprendre de quoi nous parlons : Exode 32, Nombres 11, Nombres 14, Nombres 16 et Nombres 25… Mais l’attitude belliqueuse de Yahvé qui, dans la Bible, est appelé non sans raison ish milchamah, c’est-à-dire « homme de guerre », est illustrée par de nombreux passages dans lesquels il ordonne et/ou autorise les siens de tuer des êtres humains avec une férocité dont ont fait preuve peu de nos dictateurs contemporains ou de l’histoire récente. Cet ordre péremptoire de ne pas assassiner – sans parler des autres exigences – valait exclusivement à l’intérieur du camp et du groupe. L’assassinat, le vol, les enlèvements ou le viol de la femme d’un autre homme – un membre de la même tribu, peut-être un voisin de tente – risquaient bien sûr d’entraîner des réactions dangereuses, des querelles interminables, des conflits néfastes entre les clans familiaux, suivis d’actes potentiellement très violents et incontrôlables. Yahvé ne pouvait laisser l’anarchie et la justice personnelle régner dans ce campement dans le désert : c’était trop dangereux pour l’objectif auquel il tendait, qui était de forger un esprit d’unité indispensable pour agir dans un but commun et combattre avec la détermination nécessaire. Les Commandements étaient donc des règles internes conçues dans un objectif précis : instaurer l’ordre. En dehors du groupe, tout était permis, voire suggéré, sollicité ou, même, ordonné expressément, y compris les actions les plus honteuses et horribles. Parmi les nombreux passages qui l’illustrent, référez-vous à ceux-ci : Deutéronome 2:33-35 : « L’Éternel (Yahvé), notre Dieu (Elohim), nous le livra [Sihon, roi des Amoréens, NdT], et nous le battîmes, lui et ses fils, et tout son peuple. Nous prîmes alors toutes ses villes, et nous les dévouâmes par interdit29, hommes, femmes et petits enfants, sans en laisser échapper un seul. Seulement, nous pillâmes pour nous le bétail et le butin des villes que nous avions prises. » Josué 8:24-25 : « Lorsqu’Israël eut achevé de tuer tous les habitants d’Aï dans la
campagne, dans le désert, où ils l’avaient poursuivi, et que tous furent entièrement passés au fil de l’épée, tout Israël revint vers Aï et la frappa du tranchant de l’épée. Il y eut au total douze mille personnes tuées ce jour-là, hommes et femmes, tous gens d’Aï. » Juges 21:10-12 : « Alors l’assemblée envoya contre eux douze mille soldats, en leur donnant cet ordre : Allez, et frappez du tranchant de l’épée les habitants de Jabès en Galaad, avec les femmes et les enfants. Voici ce que vous ferez : vous dévouerez par interdit tout mâle et toute femme qui a connu la couche d’un homme. Ils trouvèrent parmi les habitants de Jabès en Galaad quatre cents jeunes filles vierges qui n’avaient point connu d’homme en couchant avec lui, et ils les amenèrent dans le camp à Silo, qui est au pays de Canaan. » 1 Samuel 15:3 : « Va maintenant, frappe Amalek, et dévouez par interdit tout ce qui lui appartient ; tu ne l’épargneras point, et tu feras mourir hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et brebis, chameaux et ânes. » Je vous invite enfin à lire le chapitre 10 de Josué en entier. On y évoque la conquête du sud de la Palestine par un système que nous qualifierons de véritable nettoyage ethnique : les habitants de Macéda, Lebna, Lachis, Gaser, Eglon, Hébron et Dabir sont massacrés après la conquête, au moment donc où il n’est plus besoin de les tuer au combat. Le verset 40 est sans équivoque : « Josué battit tout le pays, la montagne, le midi, la plaine et les coteaux, et il en battit tous les rois ; il ne laissa échapper personne, et il dévoua par interdit tout ce qui respirait, comme l’avait ordonné l’Éternel (Yahvé), le Dieu (Elohim) d’Israël. » C’était donc lui qui ordonnait les exterminations qui n’épargnaient ni femmes, ni personnes âgées, ni enfants : je le répète, il n’existait aucun « prochain » au sens actuel du terme dont il convenait de s’occuper ou de se préoccuper, ou de respecter. Nous devons prendre acte d’une réalité évidente : Yahvé était l’un des Elohim et combattait férocement pour élargir son territoire. Il éliminait
sans pitié les malheureux dont la seule faute était de résider dans les lieux qui l’intéressaient, et qui devaient donc être exterminés pour laisser de la place à l’installation des siens. Aujourd’hui, à la lumière de nos principes moraux, nous considérerions comme absolument inacceptable d’honorer, prier, aimer un tel être. Mais, en réalité, nous n’avons même pas à le faire, car même lui ne nous l’a pas demandé. Ce n’est pas lui le Dieu universel, il n’était pas et n’est pas le Dieu de tous : l’humanité, au sens général, ne faisait pas partie de ses intérêts. Il dirigeait un peuple, et c’est pour eux, et uniquement pour eux, qu’il a agi. C’est eux qu’il a rencontrés. C’est avec eux qu’il a établi des liens, même si ce fut souvent par des méthodes qui, aujourd’hui, nous paraissent inacceptables. Certains des commandements et certaines règles faisaient sens dans ce contexte, à cette époque, avec cette multitude de personnes qu’il fallait enrégimenter ou, comme le dit la chercheuse juive Lia bat Adam, qu’il fallait former et modeler dans une sorte de « camp d’entraînement paramilitaire », comme le fut le campement dans le désert de l’Exode. À la lumière des faits et de l’histoire, la véritable, colossale erreur, qui a entraîné une série d’événements paradoxaux par leur violence et leur aspect insensé, c’est que ce livre a été adapté de force à d’autres croyances, avec des intentions totalement détachées du but original pour lequel il a été écrit et transmis. La connaissance des vérités possibles devrait apaiser les esprits et faire tenir la Bible pour ce qu’elle est : l’histoire plus ou moins véritable d’un peuple et de son dirigeant. Une histoire sur laquelle il est donc inutile que l’humanité continue à se diviser. Revenons aux « Commandements » : je remarque que le dirigeant en question a dû penser à tout. Il en est même venu à réguler le comportement à observer dans le cadre des besoins physiques élémentaires, sur lesquels il a jugé bon d’intervenir pour éviter des situations désagréables et pénibles pour lui. Examinons ainsi cette autre curiosité très particulière des mitsvot, une intervention qu’on n’attendrait certainement pas d’un Dieu spirituel. Pour s’éviter des désagréments, Yahvé considère comme nécessaire de donner cette directive (Deutéronome 23:12 et suivants) : « Tu auras un lieu hors du camp, et c’est là dehors que tu iras. Tu auras parmi ton bagage un instrument,
dont tu te serviras pour faire un creux et recouvrir tes excréments, quand tu voudras aller dehors. Car l’Éternel (Yahvé), ton Dieu (Elohim), marche au milieu de ton camp […] » Il poursuit en expliquant que cette règle sert à éviter qu’il voie quoi que ce soit de malséant des hommes. En résumé : lorsqu’il marchait entre les tentes, Dieu ne voulait pas mettre le pied dans des excréments ou être incommodé par les mauvaises odeurs ! Depuis l’ordre de ne pas assassiner, en passant par celui de perpétrer d’impitoyables massacres, jusqu’à l’attention portée aux besoins corporels, nous héritons d’un ensemble de règles qui illustrent indubitablement le statut matériel des intentions et exigences personnelles de cet individu. On nous dira peut-être encore qu’il s’agit exclusivement de métaphores ou d’allégories ? Mais en pareil cas, il n’y aurait qu’un destin possible pour la Bible : la corbeille à papier, car elle serait alors l’œuvre de fous qui, pour présenter leur Dieu, le transforment métaphoriquement en l’un des personnages les plus « imprésentables » de l’histoire de l’humanité. Pourtant, c’est ce qu’affirment ceux qui soutiennent la thèse spiritualiste dont la conviction n’aboutit qu’à démontrer le manque de crédibilité du texte. Ils ne s’en rendent pas compte. Obstinés à diffuser des vérités inventées, ils ne comprennent pas que l’éventuel Dieu – qui existe pour les hommes de foi – n’a nul besoin de livre pour se renforcer, et encore moins d’un livre comme l’Ancien Testament, lequel, si on y regarde de plus près, ne parle jamais de Dieu. Je pense au contraire que la Bible n’est pas l’œuvre de fous, qu’elle doit donc être connue et étudiée, car, notamment dans les passages qui parlent des origines, elle contient des informations importantes propres à réécrire l’histoire de l’humanité. Tâche à laquelle les chercheurs académiques devront tôt ou tard s’atteler. Parmi les nombreux doutes qui constellent mes recherches perpétuelles, je nourris une certitude : l’histoire qui nous a été racontée se révèle, selon la meilleure des hypothèses, erronée. Dans la pire et la plus triste des éventualités, elle se veut délibérément fausse, autrement dit inventée de toutes pièces et soutenue pour nous cacher la vérité, construire des systèmes de pouvoir théologiques et idéologiques qui s’écrouleraient immédiatement si
l’humanité en prenait conscience… C’est ce que l’on tire d’une lecture de la Bible à propos de ces individus transformés en « Dieu ». C’est là l’invention de base à laquelle je faisais référence lorsque j’ai écrit précédemment que les bâtisseurs des théologies ne s’étaient pas contentés de raconter ce qui était écrit, mais étaient allés bien plus loin : ils y ont ajouté ce qui ne s’y trouvait pas.
Chapitre 9
Toujours à propos de Yahvé, le prétendu Dieu
J
’ai souligné que la Bible nous présente Yahvé comme l’un des Elohim les moins importants, et que c’est pour cette raison qu’il a hérité en partage d’un territoire assez dérisoire, si insignifiant du point de vue démographique et géographique qu’il chercha à agrandir sa sphère d’influence par la conquête militaire : ce qui, d’ailleurs, ne fut pas une immense réussite. Je répète – comme je l’ai déjà affirmé en examinant les versets du Deutéronome 32:8 et suivants – que la thèse monothéiste selon laquelle Yahvé « choisit de manière autonome » ce peuple reste indéfendable : la Bible entière serait dans ce cas le récit dément de la manière dont un « Dieu » tout aussi fou se serait attribué un peuple, pour procéder ensuite à la conquête militaire sanglante des autres peuples que lui-même – en tant que « Dieu » – n’avait pas choisis. Nous verrons bientôt ce que dit la Bible à propos de ce choix, mais nous devons tout d’abord examiner un point curieux qui concerne les tout premiers chapitres. Lorsqu’on lit objectivement les chapitres 4 et 5 du livre de la Genèse, on est peut-être amené à formuler l’hypothèse que Yahvé (le prétendu Dieu de la théologie) ne joue aucun rôle dans la fabrication d’Adam et Ève. Après les célèbres événements qui ont impliqué ses deux premiers fils, Abel et Caïn, Adam, à l’âge de 130 ans, engendre Seth qui, âgé de 105 ans, accueille à son tour un fils, Hénoch. La Bible nous apprend (Genèse 4:26) que ce n’est qu’au temps d’Hénoch
que l’on « commence à invoquer le nom de Yahvé », soit 235 ans après la création d’Adam par les Elohim. Ce qui signifie qu’Adam, Ève, Caïn, Abel et Seth ne s’adressaient pas à lui, Yahvé, mais à d’autres Elohim. Les auteurs bibliques ont cependant fait nommer Yahvé par Ève, au verset 4:1 : ce qui a dû survenir lorsque la théologie des sacerdotes de Jérusalem a commencé à transformer Yahvé en Dieu unique pour poser les bases du monothéisme. Il s’agit très probablement de l’une des nombreuses interventions visant à célébrer la grandeur de cet Elohim par l’attribution à son bénéfice des prérogatives que l’on ne rencontre pas dans le personnage que le texte biblique entier dépeint en toute clarté : que Yahvé n’ait pas participé à l’intervention qui a engendré Adam et Ève répond en effet à une logique que la Bible elle-même confirme. Les deux ancêtres de cette race spéciale ont été créés par ce que nous appellerions des « ingénieurs biomoléculaires », alors que Yahvé était un ish milchamah (Exode 15:3), c’est-à-dire un « homme de guerre » : l’Ancien Testament dans son ensemble illustre la manière dont il ne faisait rien d’autre que combattre. Il ne possédait donc pas les compétences nécessaires pour œuvrer dans le domaine biomédical ou génétique (voir à ce sujet l’analyse que j’en ai proposée dans mes précédents ouvrages). Comme m’a écrit une personne de la communauté juive de Rome, Yahvé pouvait être le jeune fils de l’un des chefs, et devait donc faire ses preuves en montrant ce dont il était capable. Pour confirmer cette hypothèse, je cite l’inscription ougaritique rapportée par le professeur Garbini (op. cit. en bibliographie) dans laquelle un El (singulier d’Elohim) affirme : « Le nom de mon fils est Yaw » (VI AB, IV, 13-14). La culture ougaritique était visiblement elle aussi « au courant ». Nous ne devons donc pas nous étonner que ce Yahvé – outre qu’il n’ait pas créé le ciel ni la terre – ne soit apparu dans l’histoire des hommes que dans un second temps, et se soit très probablement vu confier ces gens et ce territoire par Elyon (le commandant des Elohim, Deutéronome 32:8) aux temps de Péleg lorsque – comme le dit la Bible (Genèse 10:25) – la terre fut divisée. L’ancien codex de la Bible grecque (la Septante) transcrit très bien le concept de la division, en utilisant le verbe diamerizo qui désigne justement l’acte de « répartir et distribuer ». Et la Bible n’éprouve aucune difficulté à
rappeler comment d’autres Elohim reçurent d’autres terres et d’autres peuples. Un exemple ? Dans Juges 11:24, Jephté parle avec le roi d’Ammon et lui dit : « Ce que ton dieu (Elohim) Kemosch te donne à posséder, ne le posséderaistu pas ? Et tout ce que l’Éternel (Yahvé), notre Dieu (Elohim), a mis en notre possession devant nous, nous ne le posséderions pas ! » Aucun commentaire n’est nécessaire tant ce verset se montre clair : pour Jephté, et pour l’auteur biblique, l’Elohim nommé Kemosch n’est pas une idole inerte, mais un digne collègue/adversaire de Yahvé. Kemosch et Yahvé sont explicitement placés sur le même plan, ils détiennent le même pouvoir de confier des terres, aucun d’eux n’est déclaré supérieur à l’autre… En somme, ils sont égaux. Pour en revenir à Adam, si l’hypothèse selon laquelle Yahvé n’a pas participé à sa « fabrication » est fondée, nous pouvons dire que le prétendu Dieu de la théologie a trouvé les « Adams » déjà prêts et confectionnés, produits par ses collègues. Venons-en alors au fameux « choix » du peuple. Dans les chapitres 10 et 11 de la Genèse, sont listées les généalogies des descendants de Noé. Nous voyons immédiatement que les noms des grands peuples du passé moyen-oriental sont hors de la sphère de contrôle du prétendu « Dieu » : Égypte, Assyrie, Babylonie… Mais à propos des Hébreux, que découvrons-nous ? Sem – que l’on définit dans Genèse 10:21 comme l’ancêtre de tous les fils d’Eber (Heber), c’est-à-dire les Hébreux – engendre Arpakshad (Arpacschad, Arphaxad) qui (outre d’autres fils et filles), engendre Shélah (Schélach) qui (outre d’autres fils et filles) engendre justement Eber, le patriarche dont provient le nom « Hébreux ». Eber engendre Péleg et Yoktan (Jokthan). Péleg (outre d’autres fils et filles) engendre Réou (Rehu) qui (outre d’autres fils et filles) engendre Seroug (Serug) qui (outre d’autres fils et filles) engendre Nahor (Nachor) qui (outre d’autres fils et filles) engendre Terah (Téra, Térach) qui engendre Abram (Abraham), Nahor et Haran. À ce moment de l’histoire intervient Yahvé qui choisit Abraham : et donc une « seule » des milliers de familles d’Hébreux, c’est-à-dire de descendants d’Eber. Le père et les deux frères d’Abraham n’entrent même pas dans sa sphère d’influence. En somme, la réalité du texte biblique est claire : Yahvé se vit (peut-être)
confier ou choisit seul l’une des centaines, voire milliers de familles « hébraïques » (descendantes d’Eber) qui, de leur côté, n’entendirent jamais parler de lui parce qu’elles étaient gouvernées par d’autres Elohim, comme le dit explicitement la Bible, au sujet de la famille d’Abraham elle-même (lire par exemple Genèse 24:2 et suivants). En réalité, nombre de ces familles (Moabites, Édomites, Amalécites, Madianites, etc.) qui descendaient également d’Eber – voire d’Abraham luimême – entendirent plus tard parler de Yahvé dans des conditions dramatiques, lorsqu’elles furent l’objet des massacres que ce Yahvé ordonna pour libérer de leur présence ces territoires qu’en tant que prétendu « Dieu » il ne s’était pas attribués à l’origine, mais qui suscitèrent son intérêt par la suite. Je me souviens de ce qu’a affirmé le professeur Lee I. Levine (professeur d’histoire juive au sein de l’université hébraïque de Jérusalem) : l’identité israélite fut le fruit d’un long processus d’évolution et d’assimilation qui impliqua des Sémites, des non Sémites, des nomades et semi-nomades, des habitants de Canaan et d’autres qui y immigrèrent. Fort de cette considération et en supposant que, comme le soutiennent de nombreux rabbins, Abraham n’ait jamais existé, je me demande : à qui Yahvé s’est-il adressé à l’origine ? Et aussi : qui étaient ceux qu’il a amenés hors d’Égypte avec l’aide de Moïse ? J’ai envie de redire que face à la Bible, nous devons vraiment « faire semblant de croire que… ». Lire les études des rabbins libérés des dogmatismes dominants (théologiques et idéologiques) est de nature à nous éclairer vraiment.
Chapitre 10
Autres entités spirituelles hypothétiques : anges, géants, Satan et machines volantes
L
a Bible nous parle en outre d’une quantité d’autres présences distinctes des Adams – des individus connus sous de multiples appellations et regroupés en hiérarchies. En fonction de leur rôle et de leurs caractéristiques physiques, ils sont désignés dans la Bible aussi bien par des noms génériques que par des noms propres. Rappel de quelques-uns : Nephilim (les géants, également appelés rephaïm, anakim, émim, zamzummim), malakim, shedim, pour ce qui concerne les noms de groupes. Baal, Baal-Zephon, Baal-Zebub, Baal-Péor, Milkom, Melkart, Nibaz, Tartaq, Adramelech, Anammelech, dans le registre des noms propres. Des groupes et des individus qui étaient également connus par d’autres cultures sous les noms : ANUNNAKI, IGIGI, IGIGU, DINGIR, IRSIRRA, ILU, ILANU, chez les
Sumériens et Akkadiens. Neteru, Shamsu-Hor pour les Égyptiens. Viracocha, Quetzalcoatl pour les cultures d’Amérique Centrale et du Sud. Tuatha de Danann et Ases dans certaines parties du nord de l’Europe et
de la tradition germanique. Deva pour la culture hindouiste, etc. Ces correspondances confirment ce que j’affirmais précédemment : la Bible n’est pas un cas unique dans l’histoire de l’humanité, mais l’un des nombreux livres qui racontent les aventures de « ceux-là », des individus très probablement venus d’ailleurs, arrivés sur la planète Terre où ils ont mené des opérations typiques des colons de tout temps. Ironie du sort, nous devrions dire que les parties les plus fiables de la Bible sont justement celles qu’elle partage avec le reste de l’humanité. En particulier, les récits suméro-akkadiens non conditionnés par une tradition idéologique, laquelle, comme ce fut le cas avec le texte auquel nous nous intéressons, en a altéré la signification et les objectifs. Parmi les groupes susmentionnés, revenons aux êtres gigantesques, les nephilim, dotés de six doigts à chaque membre (hexadactyles) : la Bible en parle en termes d’absolue normalité, le texte raconte la manière dont ils combattirent dans les rangs des Philistins et se montrèrent donc hostiles à Yahvé et à son peuple (2S 21. J’ai analysé en détail ces personnages dans mes précédents ouvrages, avec une hypothèse sur leurs origines). Il existe cependant deux catégories d’êtres qui méritent une mention à part (pour un traitement complet de ce sujet, je vous renvoie à mes précédents ouvrages). Les malakim, les supposés « anges », étaient des individus de chair et de sang, souvent dangereux, qui avaient besoin de manger, de dormir, de se reposer, de se laver. Ils étaient même susceptibles de se voir agressés et devaient se défendre. Ils appartenaient aux grades intermédiaires de la hiérarchie et jouaient les rôles de messagers (émissaires) et miliciens. Ils correspondaient probablement aux IGIGI, IGIGU de la culture suméroakkadienne : rien à voir donc avec les entités spirituelles dont nous parle la tradition doctrinale. Nous avons vu précédemment que certains d’entre eux accompagnaient constamment Yahvé en qualité d’« assistants » et disposaient même de campements. Même pour les malakim, la philologie hébraïque a fourni une confirmation
de mes hypothèses en écrivant que le terme « hébreux » désigne quiconque accomplit un devoir : ce sont donc des individus biologiques et non les entités spirituelles élaborées aux temps de la théologie – au passage, elle n’a commencé à les doter d’ailes qu’à partir des IV-Ves siècle après J.-C., environ. Mais au sujet de l’aspect matériel et de la dangerosité des malakim, rappelons-nous que durant les premiers siècles de l’Église l’on recommandait aux femmes qui participaient aux assemblées où ces individus étaient présents de venir voilées. Don Pierangelo Gramaglia (professeur de patrologie, d’hébreu biblique et de grec biblique, faculté de théologie d’Italie du nord, Turin) écrit à ce sujet : « L’exigence pour les femmes de se couvrir la tête pouvait également être motivée par la peur d’éveiller des envies sexuelles chez les anges, facilement excités par les jeunes femmes vierges à la tête découverte. […] L’exégète Annie Jaubert se réfère à certains textes des manuscrits de la mer Morte où l’on affirme que les anges sont présents parmi les groupes de fidèles et que l’assemblée entre en communion avec eux durant le culte, si bien qu’il fallait veiller à éviter toute contamination sexuelle » (Tertulliano, De virginibus velandis, Ed. Borla, sous la direction de don Pierangelo Gramaglia). Dans le traité sur les Berakot (Bénédictions), en outre, il est écrit : « Les cheveux d’une femme représentent une excitation sexuelle » (Annie Jaubert, Le voile des femmes, in New Testament Studies, Cambridge University Press). Et voici que cette précaution se retrouve peut-être aussi dans la Première épître aux Corinthiens de saint Paul : au chapitre 11, nous lisons que les femmes doivent porter sur leur tête une marque de l’autorité (soumission) à cause des anges et donc pas à cause de Dieu. La physicalité de ces individus et leur grande ressemblance avec des êtres humains normaux est également illustrée dans l’épître aux Hébreux (13:2), où l’on rappelle aux fidèles de la nouvelle foi chrétienne de ne pas oublier la pratique de l’hospitalité, car « en l’exerçant, quelques-uns ont logé des anges, sans le savoir ». En somme, l’apôtre semble vouloir rappeler à ses lecteurs que, parfois, les étrangers qui demandaient l’hospitalité faisaient en réalité partie du groupe des dirigeants, et qu’il était donc bon de ne pas courir le risque de les chasser. Je ne peux conclure ce paragraphe sur les malakim sans évoquer le prince des anges déchus : Satan ou Lucifer, si vous préférez. J’ai consacré un chapitre entier à démontrer son inexistence dans l’Ancien
Testament dans l’un de mes précédents ouvrages. Le nom de « satan » ne désignait pas le Prince des démons, mais une simple fonction qui était endossée par les personnages les plus divers, et parfois même sur indication précise de Yahvé : c’était la fonction typique de l’accusateur, du ministère public. Il agissait en somme comme un opposant. Rien de plus : rien à voir avec les entités démoniaques inventées successivement. C’est là encore l’une des nombreuses vérités reconnues comme manifestes et évidentes par la philologie hébraïque. La seconde catégorie de prétendues entités spirituelles est représentée par les chérubins auxquels – puisque c’est un sujet très spécifique – j’ai consacré des chapitres entiers dans mes précédents ouvrages. Loin des entités angéliques que sont les malakim, les chérubins n’étaient pas même des créatures vivantes, mais des objets mécaniques ou des machines, divisibles en deux catégories, dotées d’aspects et de fonctions distincts : ceux mentionnés par Ézéchiel étaient des machines volantes de l’Ancien Testament, décrites très précisément dans leurs déplacements aussi bien autonomes qu’en association au moyen de transport de Yahvé (kavod, ruach, merkavah). La seconde catégorie renvoie aux chérubins de l’Arche d’Alliance. Pour résumer ce que j’ai largement expliqué et illustré, disons : les chérubins sont combinés à des cercles scintillants/flamboyants qui tournent rapidement ; lorsqu’ils ne se déplacent pas de manière autonome, ils sont transportés (ou doivent l’être ?) par un char conçu à cette fin selon un projet précis ; ils sont pourvus de roues pour des déplacements dans toutes les directions, sans devoir tourner ; ils possèdent une « partie centrale circulaire » qui tourne/turbine rapidement ; ils se déplacent en zigzaguant, en montrant des mouvements similaires à ceux des très nombreuses descriptions modernes d’objets volants non identifiés ;
ils présentent une « base plate » sur laquelle se poser ; lorsqu’ils sont en action, leur fonctionnement a de quoi évoquer divers animaux ; lorsqu’ils sont liés au char de Yahvé, ils ménagent sous eux un espace dans lequel au moins une personne se tient pour diriger les opérations ; ils sont dotés de structures qui les couvrent et les protègent lorsqu’elles sont fermées, et qui leur servent à voler lorsqu’elles sont ouvertes ; lorsqu’ils se déplacent, ils produisent un bruit audible à distance, même de ceux qui ne les voient pas quand ils sont cachés par des remparts ; lorsqu’ils se déplacent, ils sont accompagnés par toutes les manifestations attendues d’un moyen mécanique doté de système de propulsion et, peutêtre aussi, de caractéristiques typiques d’une technologie supérieure à celle que nous possédons actuellement : bruit assourdissant, émission d’énergie et halos autour de l’objet ; ils sont un moyen de transport sur lequel l’Elohim se pose, stationne, s’assoit comme à cheval et vole par des déplacements agiles et rapides ; ils se déplacent de conserve avec le moyen de transport principal de l’Elohim, mais également de manière autonome, comme il apparaît dans la succession de déplacements décrits dans Ézéchiel 8-10-11. On trouve la confirmation de l’aspect mécanique des chérubins dans l’analyse conduite par le philologue Luigi Moraldi, déjà cité, sur le texte 4Q Sl 40 « Fragment B » des manuscrits de la mer Morte. Il révèle certains éléments très clairs : lorsque les textes parlent de « brise divine », ils font référence au bruit qui accompagne le char de Yahvé. Lorsqu’il est dit que les chérubins « bénissent », on fait référence au Targum des Prophètes selon lequel cette expression indique que les chérubins produisaient des « sons », c’est-à-dire des bruits comme ceux décrits par Ézéchiel. Lorsque les chérubins cessent de se déplacer, le bruit s’interrompt immédiatement. Le second type, représenté par les chérubins de l’Arche d’Alliance, était au contraire composé d’éléments propres à un système de communication de type radio qui disposait même d’instruments portatifs tels que l’éphod (terme qui n’est jamais traduit dans la Bible mais dont nous avons largement parlé dans Il n’y a pas de création dans la Bible). Il autorisait des communications
à distance lorsqu’on se trouvait éloigné de l’instrument principal, l’Arche d’Alliance. C’est par exemple ce qui arrive à David (1S 23) lequel, alors qu’il se trouve en difficulté au combat, se fait amener l’éphod. Ce n’est que lorsqu’il l’a à disposition qu’il va entrer en contact avec Yahvé pour lui demander des indications sur la conduite à tenir. Pourquoi le terme « chérubin » désigne-t-il deux types de structures si différentes en termes de structure autant que de fonction ? Parce que la racine KRV s’applique à tout ce qui, d’une quelconque manière, renvoie à l’action de « couvrir » : les machines volantes étaient dotées d’ailes qui, en se refermant, couvraient le véhicule, tandis que les chérubins de l’Arche étaient en eux-mêmes des éléments couvrants, puisqu’ils étaient situés au-dessus de son couvercle. La philologie hébraïque nous apporte, là encore, une confirmation : elle écrit que les Hébreux savent depuis toujours par le Talmud que les chérubins étaient des robots utilisés pour protéger l’Arche d’Alliance, ainsi que son précieux et très dangereux contenu. Et pour cause, l’Arche était un instrument technologique construit selon un modèle technique précis, fourni directement par Yahvé à Moïse. Elle était utilisée comme moyen de communication et comme arme. Seul un personnel expert, spécialement entraîné, était habilité à la toucher et la manipuler. Elle s’avérait dangereuse : ceux qui entraient en contact avec elle sans les précautions nécessaires mouraient foudroyés sur l’instant (1S 6 et 2S 6). Ce sont les Elohim qui disposaient de cette technologie et l’utilisaient, ainsi que ceux que nous pourrions définir comme leurs subalternes officiels, les malakim : ce sujet a été approfondi dans l’ouvrage cité plus haut, il consacre plusieurs chapitres spécifiques à la technologie présente dans l’Ancien Testament.
Chapitre 11
Quand Abraham découvre que Dieu se fatigue, se salit, a faim…
J
’ouvre ce chapitre par des événements racontés dans les chapitres 18 et 19 de la Genèse. Le récit établit un parallèle aussi éclairant qu’inattendu entre Yahvé et les malakim, en unissant étrangement divers aspects qui caractérisaient de manière significative ces individus : le passage en question illustre effectivement qu’ils étaient des bipèdes tout à fait normaux, de chair et d’os, et qu’ils se montraient capables d’utiliser des technologies, avancées, certes, mais aussi très dangereuses par leur existence même. Nous trouvons Abraham assis, aux alentours de midi, en train de profiter de l’ombre projetée par sa tente. Il voit arriver au loin trois anashim, comme les définit le texte hébreu, c’est-à-dire trois hommes ou, pour être plus précis, trois individus de sexe masculin (anashim est le pluriel d’ish, un terme qui indique, justement, les êtres mâles). Abraham comprend immédiatement que ces trois anashim ne sont pas des hommes ordinaires, mais qu’ils appartiennent au groupe des dirigeants. Il remarque également la situation personnelle et physique dans laquelle ils se présentent. De toute évidence, ils lui semblent sales, couverts de poussière, affamés, assoiffés, fatigués, car il les invite immédiatement à s’arrêter chez lui pour se reposer et se restaurer. Il leur prépare de l’eau pour se laver les pieds. Acte fort concret qui nous amène à penser qu’ils sont arrivés en marchant et qu’ils ont donc besoin de se rafraîchir, tout particulièrement cette partie du corps, les pieds, que le terrain aride a échauffés et salis. Il les invite à s’installer à l’ombre d’un arbre et leur fait préparer de la nourriture : il ordonne à son serviteur de cuire de la viande qu’il a lui-même choisie, demande à sa femme Sarah de préparer des fougasses avec de la fleur de farine et leur offre le tout, en l’accompagnant de lait fermenté et de lait frais.
Au verset 13, nous éprouvons une première surprise : nous découvrons qu’un des trois (individus masculins) arrivés fatigués, sales, affamés et assoiffés n’est autre que Yahvé. Donc, selon la théologie, Dieu en personne. Nous en déduisons que Dieu marche, se fatigue, se salit, doit se laver les pieds, mange, boit, se repose à l’ombre… tout comme nous. Ce n’est pas un hasard si la Bible le définit comme un ish, un individu masculin, et nul hasard non plus si les auteurs bibliques n’ont jamais considéré Dieu dans l’acception que la théologie attribue à ce terme. D’autre part, les définitions d’« homme » que nous trouvons dans nos dictionnaires se résument ainsi : mammifère caractérisé par la position debout, un langage articulé, l’important développement de son cerveau, la capacité de transmettre de manière élaborée des expériences et des connaissances acquises. Yahvé, que la Bible – comme nous l’avons déjà vu – définit comme ish milchamah, un « homme de guerre », et qui est ici présenté dans ce trio avec deux autres anashim (pluriel d’ish), offrait justement ces caractéristiques. Ses collègues Elohim tout autant, puisqu’ils se montraient si semblables aux Adams qu’ils pouvaient s’unir sexuellement aux femmes terrestres et même engendrer une progéniture (Genèse 6). Tellement semblables qu’ils partageaient même la caractéristique d’être mortels (comme nous l’avons déjà vu, se référer en outre au Psaume 82). Mais je parlerai davantage des Adams dans le prochain chapitre. Pour l’heure, revenons à notre récit qui nous réserve une seconde surprise. L’anashim dont nous avons vu qu’il s’agissait de Yahvé s’arrête pour parler avec Abraham, tandis que les deux autres reprennent la route pour accomplir leur mission : se rendre à Sodome pour prévenir Loth, le neveu du patriarche, de ce qui est sur le point de survenir. Dans les luttes, ou devrions-nous plutôt dire dans les véritables guerres territoriales, menées par les Elohim, les villes de Sodome, Gomorrhe, Adama, Seboïm et Tsoar étaient en train de changer d’allégeance. Et il avait donc été décidé de les anéantir, en commençant justement par Sodome et Gomorrhe. Au passage, je souligne que le chapitre 14 de la Genèse raconte que, dans ces guerres auquel Abraham participait pour le compte de Yahvé, étaient également impliqués les rois de Shin’ar, terme biblique pour désigner Sumer : un lien non négligeable entre les deux mondes. Loth, en tant que neveu d’Abraham, appartenait à l’alliance yahviste que les
cinq villes étaient en train d’abandonner : c’est pour cette raison qu’elles seraient dès le lendemain attaquées et détruites. Il était donc nécessaire que le fidèle Loth s’éloigne immédiatement de sa maison et se mette en sécurité avec toute sa famille. Les deux anashim avaient pour tâche de l’avertir. Ils laissent donc Yahvé et Abraham dans la tente et repartent. Dès qu’ils se sont éloignés, ils prennent le rôle de messagers. À ce moment précis, la Bible les définit à juste titre comme des malakim (Genèse 19:1), c’est-à-dire messagers, émissaires, porteparole. Rappel : le terme « malakim » est traduit par « anges ». C’est au nom de cette définition qu’ils ont acquis dans la théologie leurs caractéristiques d’entités spirituelles, en réalité inexistantes. La suite du récit met en évidence, de manière encore plus significative, cette véritable invention opérée par les exégètes. Ils reprennent leur route et atteignent le soir venu les portes de la ville. Ils sont reconnus de loin : Loth les identifie, ainsi que des Anciens qui se trouvaient avec lui. Le neveu d’Abraham les fait entrer chez lui, leur offre de quoi se restaurer : prenons note ici que ces anges en titre, après avoir déjeuné chez Abraham, dînent avec Loth. Les autres habitants qui les ont vus arriver et imaginent les raisons de leur visite (verset 9), veulent les capturer. Loth les défend, il va jusqu’à proposer en échange ses filles vierges, mais les assaillants ne veulent pas entendre raison. Nous assistons alors à une scène si réaliste que c’en est presque désarmant, tant elle est claire et sans équivoque : Loth essaie de freiner l’impétuosité des assaillants et les deux malakim qui se trouvent chez lui, de nouveau définis comme des anashim (versets 10-11, traduction Louis Segond, « les hommes »), « étendirent la main, firent rentrer Loth vers eux dans la maison, et fermèrent la porte. Et ils frappèrent d’aveuglement les gens qui étaient à l’entrée de la maison, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, de sorte qu’ils se donnèrent une peine inutile pour trouver la porte ». Ces individus – dont la présence est si matérielle que la foule les agressent – évitent la capture en utilisant un stratagème technologique. Rien de surnaturel. Je rappelle au passage à ce propos que les philologues hébreux qui ont commenté le chapitre que j’ai consacré au miracle « chimique » d’Élie dans
l’un de mes précédents ouvrages, ont écrit que « Tous les miracles bibliques sont d’origine technologique ». Ils s’accordent ainsi sur la négation de la moindre intervention surnaturelle. Le matin suivant, les deux êtres tirent littéralement Loth et sa famille hors de leur maison. Peu après, survient ce que les Elohim avaient décidé : les villes sont détruites par un feu provenant du ciel. Les versets 26-27 précisent que, à cette occasion, les villes et toute la vallée avec les habitants et les plantes ont été détruits : de la fumée s’élève de la terre comme d’une fournaise. Qu’est-il arrivé ? Quels systèmes ou quelles armes ont-ils utilisés ? La découverte de sable radioactif dans le territoire du Sinaï et les récits suméro-akkadiens des descriptions des batailles menées par de puissants dirigeants locaux, les équivalents des Elohim bibliques, laissent échafauder des hypothèses de dispositifs atomiques. Je préfère toutefois rester fidèle au texte biblique, auquel je m’en tiens pour cette analyse. Elle nous fournit, quoi qu’il en soit, des éléments très intéressants, si « matériels » qu’ils ont peutêtre été volontairement ignorés par les exégètes. Je me permets une courte digression historico-géographique : les faits en question se situent avec vraisemblance entre le XXe et le XVIIIe siècle av. J.C. : c’est à cette époque que l’on place les récits où interviennent Abraham et sa famille. Contrairement à la tradition, l’archéologie moderne qui analyse la description biblique des événements en rapport au lieu où se trouvait Abraham et aux temps de déplacement des deux malakim, tend à localiser Sodome et Gomorrhe le long de la vallée du Jourdain, au nord de la mer Morte. À la droite orographique se trouvait également la ville de Jéricho. C’est dans ce territoire que l’on place les événements vécus par Élisée et racontés dans le second livre des Rois (environ 850 av. J.-C.) : au chapitre 2, on lit qu’à cet endroit la terre était stérile et l’eau pas encore bonne. Si la localisation correspond, on pourrait dire que, environ mille ans après les événements de destruction de Sodome et Gomorrhe, on ressentait encore sur ce territoire les conséquences dramatiques de l’intervention destructrice des Elohim. En revanche, l’affirmation contenue dans le chapitre 10 du Livre de la Sagesse30 est bien plus certaine. Aux versets 6-7, il est écrit que, dans le
territoire de la Pentapole de Palestine (les cinq villes détruites), « les arbres portent leurs fruits hors de saison ». Si nous considérons que ce livre fut écrit au Ier siècle av. J.-C., nous devons prendre acte de ce que la Bible affirme : environ 1700-1800 ans après les événements, la terre n’a pas encore retrouvé sa fertilité naturelle. Dans le Deutéronome 32:32, on utilise une comparaison intéressante : pour dénigrer les destinataires d’une invective (on ignore de qui il s’agit réellement), on dit que leur raisin est vénéneux, comme le vin produit par leurs grappes amères, puisqu’ils proviennent de Sodome et Gomorrhe. Le prophète Sophonie (VIIe siècle av. J.-C.) décrit ce territoire comme « Un lieu couvert de ronces, une mine de sel, un désert pour toujours » (2:9). Je souligne que, dans l’histoire connue, aucun incendie classique n’a jamais entraîné des conséquences telles que celles décrites ici, et l’on sait même que les incendies fertilisent la terre qui, en quelques années à peine, devient plus productive qu’avant : chacun sera donc libre de mener ses propres réflexions sur ce qui a pu survenir dans cette vallée. Conclusion : les Elohim et les malakim bibliques étaient un ensemble d’êtres en chair et en os qui mangeaient, buvaient, marchaient, se salissaient, se fatiguaient, devaient se laver, se reposer… Enfin, ils mouraient comme les Adams. Ceux qui veulent les considérer respectivement comme Dieu et les anges sont naturellement libres de le faire, à condition d’oublier ce que la Bible nous dit d’eux ou, plutôt, de « dissimuler » le sens du texte en lui attribuant une valeur qu’il ne possède pas : c’est bien ce qu’a accompli la « tradition » ou, plutôt, « les traditions ». Mais le but déclaré de cet ouvrage et de ses prédécesseurs est justement de tenter d’ôter les couvertures et ce voile de mystère qui a été étendu au fil des siècles pour occulter ce qui n’était pas, et n’est toujours pas, considéré comme acceptable par les doctrines.
Chapitre 12
Comment une religion peut-elle naître à partir de telles données ?
D
ans mes ouvrages précédents, j’ai illustré le phénomène connu sous le nom de « culte du cargo », en démontrant comment était né, sous les yeux des anthropologues, un système culturel et rituel engendré par la rencontre des populations primitives des îles du Pacifique avec les navires cargos occidentaux. Je voudrais pour le moment vous donner un exemple de la manière dont il est possible, par une programmation intelligente, de tirer parti d’une situation donnée : c’est bien ce qui s’est produit avec les événements bibliques Imaginons que je parvienne – volontairement ou par la force des choses – sur une planète, ou bien dans une zone inconnue et sauvage de ma propre planète. Je sais que je devrai probablement y demeurer pour le restant de ma vie. J’y arrive en possession d’une partie, même réduite, des technologies dont dispose la civilisation dont je viens. Et, à l’aide de ces moyens comptés, je dois trouver une solution aux contingences matérielles liées aux besoins primaires de la survie. La planète/zone sur laquelle j’arrive est habitée : des cultures et des civilisations nettement moins évoluées. Je suis donc un individu très largement supérieur, autant par les moyens dont je dispose que par mes connaissances : je leur semblerais dans le même temps sage, puissant, terrifiant, doté d’un savoir dont la mise en œuvre se traduit de façon presque magique sur les individus et l’environnement. Dans certaines circonstances, je me montrerais capable de prévoir des événements tels que les éclipses et, peut-être, pourrais-je même faire croire que c’est moi qui les ai provoquées,
puisque j’ai pu en déjouer les terribles conséquences en ramenant les choses à la normale. Voilà qui me placera dans une position de supériorité indubitable et incontestable : cette supériorité typique que la connaissance offre sur l’ignorance. Supposons que ce moi colonisateur soit un impénitent matérialise, ne croie en rien et affiche pour objectif principal et même unique de passer le restant de sa vie de la manière la plus confortable possible. Pour vivre au mieux les années que m’accorde la biologie, j’ai besoin d’accumuler des biens matériels : je devrais pouvoir en disposer à loisir, aussi bien sur le plan quantitatif que temporel. Mon but sera donc de posséder beaucoup et de savoir que je peux en disposer pour toujours : le-’olam, dirais-je bibliquement, c’est-à-dire « pour une longue durée », au moins pour toute la durée de ma vie qui, par le plus grand des hasards, s’avère bien supérieure à celle des autochtones que j’ai trouvés sur la planète et/ou le territoire atteint. Cette particularité me donnera le moyen en outre de laisser croire aux habitants du lieu que je suis éternel : ils s’en convaincront seuls puisqu’ils voient leurs générations se succéder tandis que je demeure. Les ressources et les biens matériels de la planète/région sont nécessairement limités. C’est pourquoi, pour parvenir à mes objectifs exclusivement concrets et matériels, je dois avancer dans deux directions : dans l’immédiat, j’ai le besoin de trouver des collaborateurs, car je ne peux pas tout faire seul. Et, pour le futur, je dois penser à réduire autant que possible le nombre de mes rivaux qui voudraient eux aussi s’emparer de ce qu’on qualifiera de manière générique de richesses, c’est-à-dire l’ensemble de ces biens matériels qui incluent également les sources d’énergie dont j’ai besoin pour produire ce qui m’est utile et pour augmenter mon pouvoir et les bénéfices qui en découlent. Pour mon premier objectif (les collaborateurs), j’établirai des rapports privilégiés avec un nombre très réduit d’individus soigneusement sélectionnés. Fort des connaissances nécessaires, je pourrai également mener à bien des interventions biomédicales sur certains d’entre eux pour les rendre plus réceptifs, et donc plus efficaces dans la compréhension et l’exécution des ordres. Je leur transmettrai une partie de mes connaissances. Je le ferai progressivement, en fonction des besoins d’établir un rapport toujours plus
étroit avec eux, et je les doterai également d’une certaine autonomie décisionnelle, inévitable. Avec de rares – très rares – individus, mon rapport sera même ouvert, clair et explicite : ils connaîtront la « vérité » et partageront mes objectifs. Ils en tireront des privilèges, même si ce ne sera qu’en moindre mesure par rapport à moi. Je les nommerai les « initiés ». Pour mon second objectif (réduire le risque représenté par les rivaux éventuels qui apparaîtront nécessairement au fil du temps), mes collaborateurs les plus proches et moi commencerons à agir par la force, puis passerons ensuite à l’utilisation de systèmes plus subtils et efficaces : nous opérerons en groupe social d’influence sur le plan culturel, en agissant donc sur les esprits de mes sujets. Mes complices seront au courant et largement récompensés par le pouvoir et la richesse que je leur accorderai en fonction de leur implication et de leurs résultats et à due proportion. Ils élaboreront ensuite eux-mêmes un cadre théorique articulé qui se développera surtout quand je ne serai plus : ils l’utiliseront pour perpétuer à leur avantage le système de pouvoir basé sur des structures très hiérarchisées à l’intérieur desquelles on avance sur la base de décisions prises au sommet (les Églises). Ainsi, il se créera et se fixera dans le temps une série de convictions qui devront se transmettre de génération en génération. Mes collaborateurs et leurs successeurs, même en mon absence, bâtiront et diffuseront un « credo » : une série de vérités qui seront justifiées par leur origine. Elles proviendront d’une entité supérieure, avec laquelle j’aurai peutêtre prétendu être en contact et qui m’aura conféré mes pouvoirs. Ce corpus doctrinal comprendra des indications et des connaissances qui visent à diriger les esprits et les consciences des sujets/fidèles vers des objectifs qui ne diffèrent pas de ceux partagés par les quelques élus. Les sujets/fidèles devront penser que la vie offre des buts et des significations différentes et, surtout, supérieures à la simple survie et aux besoins matériels. Dans ce but, on leur enseignera que la possession de biens terrestres ne doit pas être une fin mais uniquement un instrument. On affirmera que ces biens entravent l’homme et le conditionnent, l’empêchent de parvenir à son véritable objectif : rien de moins que d’obtenir une réalisation « spirituelle » identifiée, « transcendante », « immatérielle ». Cet objectif demeurera vague, tout d’abord à cause de l’impossibilité criante de le
définir avec précision (personne n’en sait rien), mais également pour l’attrait et la fascination qu’exerce le mystère sur l’esprit des autochtones, maintenus à l’écart des connaissances. On promettra des récompenses et on menacera de punitions. Il y aura de la violence mais aussi de la compassion et de la compréhension, dans une alternance de comportements qui déconcerteront et intimideront, capables de faire naître chez les sujets/fidèles un sentiment de dépendance totale face aux arrêts imprévisibles décrétés en haut lieu. On enseignera qu’il faut œuvrer et travailler sur soi-même pour acquérir la capacité de se détacher du diabolique esclavage des possessions matérielles, en faveur d’un but nettement plus élevé et méritoire : celui-là même que désire l’entité/la loi supérieure (bien évidemment inventée) dont tout découle et dépend. La souffrance, les tourments, la douleur sereinement acceptée et que l’on voit peut-être comme une « pénitence », le renoncement volontaire, le détachement, l’esprit de sacrifice, seront le chemin à emprunter pour atteindre le véritable objectif, c’est-à-dire le statut de créature réalisée spirituellement : un objectif que l’on n’atteint pas nécessairement aux cours de cette vie et qui, pour cette raison, n’est ni observable ni vécu par le plus grand nombre. On inventera un « lieu » ou une « situation » dans laquelle le processus trouve sa conclusion et la bonne attitude sa récompense : un paradis, un nirvana, un non-monde, un lieu qui n’est pas circonscrit de façon spatiale, mais défini de multiples manières, doté de toutes sortes de caractéristiques positives et alléchantes. La juste récompense, finale, éternelle, infinie, pour les renoncements et les « bons » choix opérés. Tandis que la majorité du peuple s’adaptera – à divers degrés – et tentera de suivre la voie indiquée, les rares individus instruits de la « véritable » connaissance et qui collaboreront consciemment à la diffusion de l’illusion profiteront sans attendre de tous les avantages des seuls et uniques biens qu’ils considéreront comme réels et concrets, les possessions matérielles, remis par les sujets/fidèles dociles et convaincus. Remis volontairement, à moins qu’ils ne s’en emparent à coups de supercheries supplémentaires que, par la suite, mes « sacerdotes » (je les appellerai ainsi) et moi-même mettront en place. Les certitudes qu’ils nourriront spontanément les empêcheront même de
voir les innombrables incohérences présentes dans le théorème mis en place. Ces incohérences seront ignorées ou bien l’on veillera à les placer dans le cadre du mystère insondable qui entoure ce qu’on ne peut pas connaître. Tous les irréductibles obstinés qui pourraient constituer un sérieux obstacle aux « vérités » inventées et transformées en dogmes intouchables seront bien évidemment éliminés ou réduits au silence. L’élimination physique, la dérision, le dénigrement, la destruction et la démolition non seulement des idées contraires, mais aussi des personnalités qui auront osé les exprimer, seront mises en œuvre avec les instruments que la civilisation mettra à disposition au fil du temps : des bûchers au pilori médiatique… Une des conséquences positives – et très utiles – prendra l’allure d’un fait presque naturel : nombre des sujets/fidèles, de manière absolument spontanée, deviendront à leur tour, sans le savoir, des collaborateurs, car ils se convaincront de la « vérité » contenue dans le système doctrinal et s’en feront d’eux-mêmes les porte-parole et les avocats. En résumé, ils œuvreront pour ma cause, sans même demander de compensation immédiate, convaincus d’agir dans le but de cette fin ultra-terrestre qu’ils considéreront comme le seul et unique objectif de la vie. Apparaîtront en outre des individus certains d’avoir « vu » les réalités ultimes : ils seront vénérés et considérés comme des témoins de la vérité. Ces collaborateurs agiront en totale et absolue bonne foi, fruit d’un choix absolument personnel. Voilà, en conclusion, ce que je ferais si je me trouvais dans cette situation et si j’étais mû par ces objectifs. Comme toujours, moi qui suis un rationaliste et matérialiste froid, austère et rébarbatif, j’ai « fait semblant de croire que »… mais, en observant le passé et le présent, j’ai l’impression que ceux qui ont construit les religions en général – et la judéo-chrétienne en particulier – n’ont pas « fait semblant ». Mais je ne vais pas m’intéresser à ce point. Revenons immédiatement à la Bible pour démontrer que, faute de s’occuper de Dieu, elle ne parle pas non plus de création, ni de création de l’homme ni de péché originel, avec tout ce qui en découle.
Chapitre 13
Adam et Ève n’ont pas donné naissance à l’humanité
D
ans Il n’y a pas de création dans la Bible, j’ai analysé le premier chapitre de la Genèse pour démontrer qu’il ne parle jamais de la création, et encore moins de la création à partir de rien, pas même dans son premier verset, celui que la tradition doctrinale traduit par cette expression que nous connaissons tous : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre […] » Je précise immédiatement que la signification hébraïque n’est pas celle-ci. Avant d’étudier ce récit dans les grandes lignes, je désire dissiper toute équivoque : j’ignore comment est né l’Univers, j’ignore s’il a été créé par un Dieu en un acte unique et instantané, si le Big Bang a existé ou s’il est plus juste de parler de théorie des cordes, comme le fait la science ces dernières années. J’ignore ce qu’il y avait au commencement. J’ignore même s’il est correct de parler d’un « commencement », ce pourrait ne ressembler qu’à un besoin dicté par notre système neurophysiologique qui doit se représenter et décrire la réalité selon des concepts qui la lui rendent compréhensible. Chacun sait que personne ne sait… en réalité comment est né l’Univers. Pour les hommes de foi, il est le résultat indubitable d’un acte créateur divin, mais en parallèle la science élabore des doctrines et hypothèses qui varient au fil du temps avec la progression des connaissances en matière de physique et d’astrophysique. Je ne porte de jugement ni sur l’une de ces positions ni sur l’autre : elles sont au-delà de ma compétence. Face à ce non-savoir, et dans l’attente de réponses certaines et démontrées, je me limiterai à affirmer clairement que la
Bible ne parle pas de « création », ne s’occupe pas de cet événement. Je dirais presque que les Elohim eux-mêmes n’en savaient rien, ne serait-ce que parce qu’ils n’étaient pas et ne sont pas des dieux, comme on le voit clairement en filigrane dans tout l’Ancien Testament, mais un groupe d’individus qui se sont partagé la Terre. Ils provenaient d’un quelque part que, bien évidemment, je ne connais et n’imagine même pas, puisque la Bible n’en parle pas. Dans l’ouvrage que j’ai cité précédemment, j’ai cependant choisi de mentionner une tablette cunéiforme (NBC 11.108), traduite par quatre sumérologues universitaires, où il est écrit que lorsqu’ils n’étaient pas sur terre, les ANUNNA suméro-akkadiens (les Elohim bibliques) disposaient d’une demeure céleste dépourvue de végétation. Parvenus sur notre planète, ils se sont choisi un site dans lequel s’installer. Et c’est à ce moment que débute le récit du livre de la Genèse : un récit que les Elohim eux-mêmes doivent avoir transmis aux « rois/sacerdotes » qu’ils choisirent tour à tour comme représentants, et auxquels ils déléguèrent une partie de leurs pouvoirs, selon l’hypothèse que nous avons élaborée précédemment. Je résume ici près de 80 pages d’analyse consacrées à ce thème dans mon ouvrage précédent (auquel je vous renvoie pour tout approfondissement textuel à partir des documents philologiques) : les Elohim (le prétendu Dieu) n’ont rien créé. Le verbe hébreu bara ne signifie jamais « créer », à aucune des occurrences auquel il apparaît dans l’Ancien Testament. Il signifie en réalité « intervenir pour modifier une situation » selon ses propres exigences et, parmi ses significations multiples, on citera « couper », « modeler », « séparer » et, même, « engraisser ». Contrairement à ce qu’affirme la palette de prédicateurs, le verbe bara n’a le plus souvent pas même comme sujet le prétendu Dieu. Les Elohim, à l’endroit qu’ils avaient choisi, ont accompli toutes les opérations que n’importe quel colon est contraint de mettre en œuvre pour garantir sa survie dans un nouveau territoire. La Genèse nous raconte qu’ils se sont tout d’abord construit une réserve d’eau, un grand ouvrage hydraulique. Qu’ils ont tiré parti du territoire en le consacrant à des cultures expérimentales de végétaux comestibles et à l’élevage d’animaux dont se nourrir. J’ai déjà évoqué les nombreuses incohérences de la Bible. À propos des fameux sept jours qu’aurait duré la Création, avec un C majuscule, j’en souligne une particulièrement évidente, qui fera l’objet de recherches plus
approfondies dans mes futurs travaux. Au verset 3 du premier chapitre, Dieu (les Elohim) dit : « Que la lumière soit ! », puis il la sépare des ténèbres et appelle la lumière « jour » et les ténèbres « nuit » (premier jour). Au verset 6 (deuxième jour), on raconte la réalisation de l’ouvrage hydraulique qui, dans la Bible, est même défini par le terme qu’on utilise aujourd’hui encore, par exemple pour le haut barrage d’Assouan : raqia. Qui n’a rien à voir avec l’image poétique du firmament, habilement introduite pour occulter la nature concrète, à la fois crue et formidable, du récit (vous trouverez la description complète de cette intervention dans le livre cité en début de chapitre). Au verset 11, le prétendu Dieu ordonne à la terre de faire germer toutes sortes de végétaux (troisième jour). Ce n’est qu’aux versets 14-17 (quatrième jour) que Dieu place dans le ciel le soleil et la lune pour séparer la lumière des ténèbres, le jour de la nuit. Mais cette séparation n’avait-elle pas été accomplie au premier jour ? Mes questions : Comment distinguait-il le jour de la nuit avant l’existence du soleil et de la lune ? Comment les plantes vertes pouvaient-elles naître (troisième jour), grandir et germer en l’absence de la lumière solaire, apparue seulement au quatrième jour ? Au cinquième jour, arrivent les animaux. Enfin, le jour d’après, survient le récit de la supposée création de l’Adam, dont je parlerai bientôt. Les incohérences sont frappantes, mais, en mettant de côté d’éventuelles erreurs et confusions de la part des copistes, nous devons noter que les Elohim ont réalisé et mis en œuvre une véritable installation qui devait à la fois remplir les fonctions de centre de commande et de sorte de laboratoire expérimental pour commencer à produire la nourriture indispensable aux êtres de chair et de sang qu’ils étaient. Je traiterai en détail dans un prochain ouvrage la question des « luminaires » qui apportaient la lumière et, dans le même temps, marquaient la succession temporelle des événements dans ce laboratoire expérimental (un éventuel système d’éclairage artificiel avec minuterie ?) pour passer immédiatement à l’analyse de la « fabrication » d’Adam et Ève.
Ce n’est pas par hasard si j’ai utilisé le terme « fabrication » : de la même manière que la Bible ne parle pas de création du ciel et de la terre, il est tout aussi visible qu’elle ne parle jamais de « création » de l’homme. Je voudrais établir un fait de manière claire et univoque : le texte biblique contient la synthèse de plusieurs interventions d’ingénierie génétique. Cette affirmation, apparemment déconcertante, se trouve confirmée par la philologie hébraïque déjà citée à plusieurs reprises, et qui établit que les Hébreux ont toujours su que ces textes faisaient référence à des interventions de biologie moléculaire menées sur le patrimoine génétique des hominidés via l’utilisation de fragments de l’ADN des Elohim. Pour être précis, force m’est de dire que la philologie hébraïque soutient que les ingénieurs génétiques n’étaient pas les Elohim mais les Rofim, en substance les médecins appartenant au peuple hébreu lui-même. Ces philologues tirent cette information de la littérature talmudique, mais la Bible ne parle pas de ces Rofim (appelés en revanche Rephaïm, mais qui ne sont cependant pas liés à la fabrication de l’homme) et, sans aucune équivoque possible, elle attribue aux Elohim la paternité de ces expérimentations dans le domaine biomoléculaire. Je souligne donc que le Talmud hébreu et la Bible hébraïque ne concordent pas sur ce point. Il s’agit en l’occurrence d’une question qui n’est pas de mon ressort et sur laquelle je ne m’attarderai pas. La tâche de trouver une éventuelle conciliation revient plutôt aux exégètes israélites. Je m’occupe dans mes ouvrages de ce qui est écrit dans le texte biblique et de ce que je souhaite souligner, quitte à négliger les contradictions que les philologues eux-mêmes mettent en évidence dans les textes traditionnels. Entre dans ce cadre un fait indubitable : dans un lointain passé, sur la planète Terre, on menait des interventions d’ingénierie génétique pour accélérer le processus évolutif des hominidés. L’on a ainsi engendré une espèce dotée de caractéristiques susceptibles de la rendre compatible, sous divers aspects, avec celle des soi-disant créateurs. Dans mes ouvrages précédents, j’ai consacré des chapitres entiers à l’analyse de chaque passage dans lequel ces interventions étaient décrites. Je me contenterai donc ici de résumer l’événement qui a fait de nous (Homo sapiens et Homo sapiens sapiens), de véritables organismes génétiquement modifiés (OGM).
Je voudrais tout particulièrement faire référence à l’intervention génétique qui a conduit à la fabrication d’Adam et d’Ève. C’est essentiellement à ce processus que s’intéresse l’Ancien Testament. J’annonce ce que je vais évoquer : les deux entités de ce célèbre couple ne sont pas les ancêtres de l’humanité, mais les fondateurs d’un groupe d’humains particulier, créé expressément pour travailler dans ce laboratoire expérimental dont je parlais précédemment, le gan-eden, c’est-à-dire « le jardin clos et protégé installé à eden », ce qu’on nous présente habituellement comme le « paradis terrestre ». Voici, de manière extrêmement résumée, l’action menée à bien (je renvoie ceux qui souhaiteraient obtenir des approfondissements à mes livres). Les Elohim décident de concevoir l’Adam en utilisant leur tzelem, terme dont la signification littérale se rend par « quelque chose de matériel qui contient l’image (des Elohim, dans ce cas) ». Sa racine verbale tzalam (couper), contient en elle cette information précise : il a été « découpé à partir de ». Ce tzelem a été inséré dans l’afar qui se trouvait déjà sur terre, c’est-àdire l’ADN des hominidés (Genèse 1:26-27).
Nous apprenons donc que l’Adam contient une portion du patrimoine génétique des Elohim et, par conséquent, qu’il est véritablement fabriqué Autre information tirée de la Bible : à l’origine, les Elohim conçurent seulement le mâle de ce groupe spécial. Dans Genèse 2:15, on nous apprend que l’Adam (mâle) a été « pris et placé » dans le gan-eden. De quoi laisser penser qu’il n’a pas été fabriqué là, mais bien ailleurs. Ce choix dicté par la nécessité de produire un travailleur qui agirait pour eux les a fait opter pour une structure physique masculine, naturellement plus adaptée. Je remarque un détail qui pourrait prêter à sourire, mais en soi totalement significatif des comportements et des objectifs réels de ces colons/dirigeants qu’on souhaite nous faire passer pour le Dieu unique : ce n’est qu’avec le temps que les Elohim – dans leur grande bonté – se sont aperçus que, pour cet homme, l’aide/la présence/l’accompagnement des animaux n’étaient pas suffisants. Ils décidèrent de le doter d’une compagne, la femelle que nous connaissons sous le nom d’Ève (Genèse 2:20).
Comment s’y sont-ils pris pour la fabriquer ? C’est à ce point du récit qu’apparaît le terme tzela, traditionnellement traduit par « côte ». C’est cette partie de l’Adam que les Elohim ont utilisée pour susciter Ève (Genèse 2:21-22). Clarifions les choses. Tzelem est un élément du patrimoine génétique des Elohim, tandis que tzela est un élément anatomique des Adams : celui qu’on identifie traditionnellement par le mot « côte ». Pour mieux comprendre, je précise que tzela apparaît plusieurs fois dans la Bible où il désigne « une partie latérale » (Exode 25:12 ; Exode 26:20 ; 1 Rois 6:5 ; 1 Rois 6:15 ; 1 Rois 7:3 ; Ézéchiel 41:5 ; Ézéchiel 41:26). Dans le récit de la fabrication d’Ève, la Bible nous dit que l’Elohim Yahvé a pris sur le mâle « l’une des parties latérales », et non pas « la » partie latérale, ou une moitié, ou une quelconque côte. Nous sommes donc face au prélèvement de quelque chose qui n’est pas mieux identifiable : c’est tiré de parties latérales qui ne sont pas davantage définies. Mais surgit un élément qu’il ne faut pas négliger : le texte biblique (Genèse 2:21) affirme qu’auparavant, Yahvé plonge Adam dans « un profond sommeil ». Enfin, nous apprenons qu’après le prélèvement, Yahvé « referma la chair à sa place » (Genèse 2:21). Le récit est clair : les Elohim anesthésient l’Adam mâle, interviennent sur une partie latérale arrondie, prélèvent quelque chose, suturent la plaie et, à partir de ce quelque chose qu’ils ont prélevé, fabriquent une femelle. Toutes ces actions accomplies à la suite font donc penser à une opération sanglante avec anesthésie et suture. À partir de ces données, je pense que la tzela peut désigner la « partie latérale incurvée », c’est-à-dire la crête iliaque, ou peut-être une côte, dont on prélève les cellules souches – multipotentes et donc adaptées pour le clonage – par une petite intervention chirurgicale qui a néanmoins demandé une anesthésie (locale ou générale, comme on le fait encore aujourd’hui). Si la description de cette intervention se trouvait dans une revue de vulgarisation scientifique, personne ne douterait de la signification de son contenu. Le souci est qu’elle se trouve dans la Bible, et la nécessité de soutenir la doctrine dogmatique « traditionnelle » contraint à affirmer qu’elle doit être lue à l’aide d’une clé allégorique : encore une fois, la prétendue « tradition » cherche à cacher le sens explicite du texte.
Je place au contraire les événements dans cette grande mosaïque totalement réaliste qui prend forme sous les yeux du lecteur libre de tout conditionnement et capable d’accueillir avec l’esprit ouvert même l’inattendu. Les Elohim décident de se fabriquer un travailleur doté de l’intelligence et des capacités nécessaires pour œuvrer en contact étroit avec eux dans ces conditions spécifiques. D’ailleurs, nous ne pouvons pas même nous dire certains que l’intervention a été menée dans ce que la tradition théologique appelle « paradis terrestre », c’est-à-dire le gan-eden. Je répète ce qui est écrit en Genèse 2:15 : « L’Éternel Dieu [Yahvé Elohim] prit l’homme et le plaça dans le gan-eden pour le cultiver et pour le garder. » Nous lisons clairement qu’il le « prend » et le « place » dans un lieu que nous devons nécessairement imaginer comme distinct de celui dans lequel il le prend, sans quoi la phrase n’aurait aucun sens. Il ne semble donc pas qu’il l’ait conçu à cet endroit mais ailleurs, tandis qu’Ève – qui a été conçue plus tard (Genèse 2:18) – pourrait avoir été produite justement dans le gan-eden. Impossible d’approfondir ici la question dans son ensemble. Je me contenterai de souligner qu’environ 200 000 à 250 000 ans avant, les Elohim avaient déjà commencé les expériences d’hybridation desquelles était ensuite « née » l’espèce Homo sapiens. La datation reprend les hypothèses élaborées par les scientifiques généticiens qui situent à cette période la naissance de celle qu’ils nomment eux-mêmes conventionnellement l’« Ève mitochondriale », la femelle dont proviennent les mitochondries aujourd’hui dans les cellules de l’espèce Homo sapiens, et qui sont transmises uniquement par les ovules féminins car trop grandes pour que les contiennent les spermatozoïdes masculins. Dans le grand tableau de l’évolution qui nous a menés à l’homme tel que nous le connaissons, les Elohim ont donc fourni un apport spécifique en accomplissant des interventions génétiques destinées à imprimer des accélérations notables au processus qui, des primates, a conduit jusqu’à nous, Homo sapiens sapiens. Il suffit de penser que nos cousins – c’est-à-dire les primates qui sont les plus proches de nous, comme certains chimpanzés ou les gorilles – n’ont quasiment pas changé sur le plan évolutif depuis environ 3 ou 4 millions d’années, tandis que le genre Homo a accompli des bonds en avant soudains, rapides et surtout extraordinaires.
La Bible rend donc compte des effets de ces expérimentations répétées, et le Talmud confirme l’existence de ces connaissances au cours des millénaires passés.
Chapitre 14
Que dit la science, qui cherche le prétendu chaînon manquant ?
L
e docteur Pietro Buffa (chercheur associé en biologie moléculaire, King’s College de Londres), dans une analyse rétrospective des théories consacrées à l’évolution humaine, relève certaines données intéressantes que je résume ici, mais dont je conseille la lecture dans leur intégralité, malheureusement pour l’heure en italien seulement (www.scienzaeconoscenza.it/articolo/che-cos-e-il-neodarwinismo.php). En parfaite opposition avec la doctrine religieuse créationniste – qui, d’ailleurs, connaît en ce moment une renaissance anachronique dans certains courants de pensée religieuse réformés –, Darwin a descendu l’homme de son piédestal et l’a placé sur les traces rationnelles de son identité biologique. Force est de constater cependant que la théorie darwinienne comporte indubitablement des éléments troubles ou, au moins, contradictoires, qu’elle laisse de nombreux aspects de l’évolution sans réelle explication et demande donc des révisions et des approfondissements. Grâce à des domaines de recherche tels que la génomique, la biologie moléculaire, la bio-informatique, la paléoanthropologie, l’évolutionnisme se voit de nos jours enrichi de nouvelles connaissances. Elles poussent les chercheurs vers des directions inédites. La théorie de Darwin a donc lentement laissé la place à un programme de recherche multidisciplinaire, connu généralement sous le nom de néodarwinisme, la théorie bioévolutionniste la plus reconnue par la science universitaire internationale, et l’Église catholique elle-même a redéfini ses positions sur les processus évolutifs de la vie, rapproché les enseignements théologiques des plus récentes découvertes scientifiques. Comme je l’ai exprimé plus haut, de
nombreuses Églises protestantes, au contraire, poursuivent leur combat antiévolutionniste désespéré pour soutenir une hypothèse créationniste toujours moins défendable, sans laquelle elles verraient s’effondrer l’infaillibilité des textes sacrés. Je ne peux m’empêcher de souligner une véritable absurdité : la prétendue infaillibilité des textes bibliques est attribuée à des contenus erronés, j’ose même écrire faux, présentés et soutenus par la doctrine qui les a inventés : on veut donc soutenir que la création a existé, car la Bible le dit ! Mais, en réalité, la Bible ne parle jamais de création et, donc, la prétendue infaillibilité devrait être attribuée au véritable contenu qui est celui auquel nous nous intéressons : de la non-création à l’ingénierie génétique. Le docteur Buffa rappelle la manière dont le théologien et professeur Waltke a perdu sa chaire à la Reformed Theological Seminary31 pour avoir soutenu que diverses données en faveur de l’évolution biologique sont désormais incontestables, et que continuer à en nier la réalité ferait de l’Église protestante un groupe étrange incapable d’interagir avec le monde. La théorie évolutionniste n’est certes pas exempte de critiques. La plus manifeste est celle qui met en évidence l’incomplétude des preuves fossiles : pour le dire vite, de nombreux chaînons manquent. La chaîne est donc incomplète. Nous ne disposons pas des preuves matérielles pour toutes les étapes. De nombreuses formes intermédiaires n’ont pas été retrouvées, à commencer par celles qui sont censées illustrer le passage des primates à l’homme. Mais le darwinisme classique qui a toujours proposé une évolution progressive des espèces vivantes a été dépassé par la recherche. Il survit aujourd’hui exclusivement dans les débats parascientifiques, dans la culture populaire et dans les critiques anti-évolutionnistes soutenues par des profanes. Les preuves fossiles démontrent en réalité que les espèces vivantes tendent à conserver leurs caractéristiques presque inaltérées durant de très longues périodes de temps (stase), pour ensuite changer soudainement, sous l’influence de « moteurs de l’évolution », qui agissent conjointement à l’évolution naturelle mise en évidence par Darwin. Les changements qui mènent à la formation de nouvelles espèces sont généralement rapides et brusques, et les formes intermédiaires se révèlent destinées à une existence relativement courte. Pour cette raison, elles sont difficiles à retrouver dans les
preuves fossiles. Comment tout cela se rencontre-t-il dans l’examen du texte biblique et les interventions des Elohim ? Comment les nouvelles découvertes scientifiques s’accordent-elles avec la donnée que l’homme semble le fruit d’interventions génétiques ? Nous allons examiner la question en relation avec l’organe physioanatomique qui nous identifie, caractéristique de notre spécificité : le cerveau. Le docteur Buffa a mis en évidence que les dimensions du cerveau et sa sophistication se manifestent par le passage des 440 cm3 de l’Australopithèque aux 1 230 cm3 de l’Homo sapiens. Dans l’analyse des travaux de ce biologiste moléculaire, je voudrais souligner l’élément qui, selon moi, est le plus marquant. Il concerne le lien immédiat possible avec ce que révèle la lecture de la Bible : les chercheurs de l’Institut médical Howard Hughes de Chicago ont publié les résultats d’une étude qui affirme que l’évolution extraordinaire que subit le cerveau humain fut le résultat d’un « événement spécial ». Docteur Buffa : « Il ne s’agit pas d’une amélioration de ce qui existait avant, mais bien d’un tournant radical dans la biologie humaine dont la cause doit être recherchée dans notre ADN. La formation du cerveau est guidée chez l’homme par l’expression de multiples gènes, mais il existe une séquence d’à peine 118 bases, à l’intérieur du chromosome 20, dont nous savons aujourd’hui qu’elle joue un rôle déterminant durant le développement embryonnaire, produisant une migration neuronale massive, indispensable à la formation d’un cerveau véritablement humain. En comparant cette région avec son équivalent chez les primates non humains, les biologistes s’aperçurent, en 2005, qu’ils se trouvaient face à l’un des sites génomiques dans lesquels se déroulèrent le plus grand nombre de changements moléculaires (mutations) jamais rencontré chez l’homme. Chez les singes, la même région n’a que peu changé depuis l’époque des plus anciens vertébrés, ce qui démontre que l’importante quantité de modifications est survenue exclusivement chez les hommes, activant en un temps rapide un gigantesque mécanisme moléculaire dont nous savons aujourd’hui qu’il est à la base du développement cérébral. Cette petite séquence a été nommée Human Accelerated Region 1 (HAR1) et fut cataloguée comme la première d’une série de régions génomiques spécifiquement humaines, ainsi que déterminantes dans le processus évolutif
d’hominisation. » C’est ce qu’écrit et démontre en citant ses sources le biologiste moléculaire dont je recommande les travaux aux lecteurs que le sujet intéresse. Le docteur Katherine S. Pollard (Le Scienze, août 2009) l’a à son tour illustré. Le docteur Buffa a en outre eu la gentillesse de nous expliquer, en privé, que les zones HAR sont très nombreuses et sont toutes des séquences qui, « étrangement », ont subi dans notre espèce un taux extrêmement élevé de mutations par rapport à celles rencontrées chez les singes (ces informations sont développées dans le livre intitulé La terza via [la troisième voie] sur lequel travaille actuellement le chercheur et qui n’est donc pas encore disponible à l’heure où j’écris : le lecteur pourra facilement se le procurer par la suite). Nous sommes donc face à des caractéristiques biomoléculaires spécifiques à notre espèce, qui nous différencient des primates et qui nous autorisent à considérer de manière plausible et concrète l’hypothèse de fond : la Bible et le Talmud affirment que nous sommes le produit de modifications génétiques apportées par des individus il y a plusieurs milliers d’années. De telles modifications ont rendu possible le développement du cerveau et la fabrication d’une espèce d’êtres vivants que les ingénieurs génétiques utilisèrent ensuite à leurs fins. L’évolutionnisme darwinien n’est pas et ne peut être considéré comme un dogme indiscutable. C’est encore moins le cas du créationnisme qui n’a pas non plus de fondement dans la Bible. Mais il s’appuie sur une invention théologique qui a utilisé le texte dit sacré comme prétexte. Le darwinisme requiert des vérifications constantes. Je puis affirmer, au nom d’une conviction personnelle toujours plus marquée, que les stimuli bibliques sont d’autant plus intéressants qu’on est disposé à accepter qu’ils ne soient pas même issus d’une œuvre unique, comme a voulu le faire croire la culture judéo-chrétienne aux cours des millénaires. Sur ce point, je remarque que des peuples du monde entier – de l’Asie au nord de l’Europe, en passant par le sud de l’Afrique ou les pays d’Amérique du Nord et du Sud – nous racontent une histoire : celle des enfants des étoiles qui sont arrivés ici, ont « fait » l’homme, lui ont transmis certaines de leurs connaissances, ont donné naissance aux civilisations, etc. La Bible n’est que l’un des nombreux textes qui retranscrivent globalement
le même contenu, le même récit de nos origines. Lorsque la culture officielle se libérera des constructions théologiques dépourvues de fondements textuels et cessera de considérer comme des mythes et des fables les récits qui nous été légués par les peuples anciens, elle accomplira un grand pas en avant sur le chemin de la connaissance. Heureusement, les chercheurs officiels sont toujours plus nombreux à examiner des hypothèses susceptibles d’apporter des réponses aux questions auxquelles la science traditionnelle, parfois aussi dogmatique que la religion, ne sait pas donner d’explications valides et convaincantes. Revenons-en à Adam et Ève pour parler de la manière dont la pensée théologique a œuvré à déformer totalement le texte : non seulement ils n’ont pas été créés, mais ils ne sont pas non plus les ancêtres de l’humanité. Cette déformation a été rendue possible par la non-lecture de la Bible de la part de la majorité du peuple des fidèles. Le texte biblique se veut clair sur les faits que voici. L’histoire d’Abel et Caïn est connue de tous. Dans mes précédents ouvrages, j’ai expliqué pourquoi les Elohim appréciaient l’offrande d’Abel et méprisaient celle de Caïn, et je me contenterai donc ici d’illustrer l’affirmation soutenue plus haut : Adam et Ève ne sont pas les ancêtres de l’humanité. Après avoir assassiné Abel (Genèse 4), Caïn n’est pas puni, mais simplement exilé. En ces circonstances, il s’exclame, terrorisé : « Quiconque me trouvera me tuera » (4:13). Mais qui pouvait donc être ce « quiconque » ? Sur terre, si je ne m’abuse, n’existaient que ses parents, Adam et Ève… Et le récit biblique se poursuit par des informations : Caïn rencontra une femme, eut un fils, bâtit une ville… Mais, s’il n’y a pas d’autres hommes, pour qui construit-il rien de moins qu’une ville ? Il va de soi que, en dehors du clan familial, la terre était peuplée d’autres hommes. Que Caïn avait des raisons de craindre. Sa famille avait pour ainsi dire été « cultivée » et civilisée par le contact direct avec les Elohim, pour le compte desquels elle travaillait dans le gan-eden. Elle jouissait donc d’un degré de civilisation nettement supérieur à celui des autres individus qui n’avaient pas eu cette chance d’avoir été choisis pour vivre dans ce lieu
indubitablement privilégié. Quelle crainte ou terreur aurions-nous si nous étions soudainement parachutés, seuls, au milieu d’une des tribus de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui vivent aujourd’hui encore comme au temps du néolithique ? C’est le sentiment que doit avoir éprouvé Caïn en se retrouvant seul au milieu d’individus qui, par rapport à lui, étaient nettement des « barbares ». À propos de la division du globe en zones d’influence, j’ai mis en évidence la manière dont ceux qui soutiennent à outrance la tradition doctrinale sont souvent contraints de fabriquer des explications qui défient le bon sens. Cet épisode ne fait pas exception. Les défenseurs de la pensée traditionnelle soutiennent qu’Adam et Ève sont les ancêtres du genre humain, et que les individus que Caïn rencontre à l’extérieur sont en réalité d’autres fils et filles de ce même couple originel. La Bible confirme effectivement qu’ils eurent d’autres enfants, mais seulement après le renvoi de Caïn. Dans tous les cas, si nous considérons la thèse doctrinale comme exacte, nous devons imaginer que Caïn a peur d’être tué par ses frères et sœurs plus jeunes qui sont déjà hors du groupe et qui, nés après lui, devaient de toute manière le connaître. Mais les incohérences qui surgissent lorsqu’on tente de fournir une explication qui préserve l’idée qu’Adam et Ève sont les ancêtres de l’humanité ne s’arrêtent pas là. L’éloignement de Caïn s’avère la conséquence d’un crime. Sa réaction montre sa douleur face à cette punition considérée comme sérieuse. D’où question : si les plus jeunes frères et sœurs étaient déjà « dehors », avaient-ils commis des crimes ? Étaient-ils punis aussi pour des actes que la Bible ne mentionne pas ? Étaient-ils partis volontairement ? S’ils étaient déjà « dehors », pourquoi Caïn aurait-il dû redouter des représailles ou éprouver de la crainte à l’idée de se joindre à eux ? En somme, l’explication fournie par la tradition ne résiste pas à l’examen le plus superficiel, fondé sur la simple lecture du texte biblique : des traductions particulières ne sont pas même nécessaires. Adam et Ève n’ont pas été les ancêtres de l’humanité, mais les fondateurs d’un groupe ethnique particulier. Cette « conférence au clavier » me donne le moyen d’ouvrir une petite parenthèse intéressante. Je vous invite à lire attentivement le verset 26 du chapitre 4 de la Genèse pour constater que, comme nous l’avons déjà mis en évidence précédemment, Abel et Caïn n’ont jamais connu Yahvé32.
Ce nom apparaît en effet uniquement au temps d’Hénoch (Énosh) petit-fils d’Adam et Ève, c’est-à-dire après la mort d’Abel et bien après le renvoi de ce clan tribal de Caïn, qui avait déjà eu, entre-temps, une nombreuse descendance. Dans quelle langue est donc prononcé ce nom dont nous ne savons absolument rien ? Quelle langue parlaient-ils ? La seule chose dont nous puissions être certains est qu’il ne s’agissait pas de l’hébreu, apparu plusieurs millénaires plus tard. Dès lors, d’autres questions surgissent : – auquel des autres Elohim s’adressaient les membres de ce clan familial avant de commencer à invoquer le nom de Yahvé, le Dieu unique proclamé du monothéisme ? En d’autres termes, comment le verset 26 peut-il se concilier avec les versets 3 et 433 ? Qui est responsable de cette « boulette » dans le texte ? L’un des multiples copistes distraits qui a placé les versets 25 et 26 à la mauvaise position ou les massorètes (gardiens de la « tradition ») qui, dans leur volonté d’introduire partout « leur Yahvé » ne se sont pas aperçus qu’ils l’avaient nommé dans quelques passages en trop ? Je vous renvoie à ce que nous avons dit précédemment sur les origines des très nombreuses erreurs et étourderies colossales présentes dans le texte biblique. Ouvrons une courte parenthèse sur une question déjà analysée précédemment : Yahvé a-t-il participé à la fabrication de l’Adam ? Si l’on se fie au verset 26, je répète la thèse déjà avancée : le prétendu Dieu n’a eu aucun rapport avec l’intervention d’ingénierie génétique qui a produit ce groupe de mâles et de femelles désignés dans la Bible sous les noms génériques d’Adam et Hawwah (Hawwa) [non hébreu d’Ève, NdT]. Dans la Septante – écrite en Grec au IIIe siècle av. J.-C. – nous trouvons bel et bien une autre formulation qui éveille quelque peu la curiosité. Le texte grec, plus ancien, affirme qu’Hénoch « Pensa, retint – elpizen – d’invoquer, surnommer – epicaleistai – le nom de Yahvé », tandis que le texte hébreu massorétique plus récent traduit généralement le passage par « On commença à avoir affaire avec (à invoquer) le nom de Yahvé ». Si Hénoch « retient », c’est-à-dire pense à appeler ou introduire ce nom, la première question posée
est légitime. J’ajoute que l’appel à respecter la « tradition » perd tout sens si nous émettons l’hypothèse qu’elle fut élaborée dans le but précis de cacher la vérité. Je le confirme une fois de plus, les bibles possibles sont vraiment nombreuses, et je ferme la parenthèse sur ce thème. Comme pour les questions d’évolution ou de génétique, il existe aussi des preuves sous les angles archéologique et anthropologique que la science officielle n’explique pas. On lit partout que la civilisation sumérienne est apparue sur la scène de l’histoire déjà en grande partie constituée, organisée sur le plan social, dotée d’une écriture, d’une culture, de technologies, de capacités techniques dans le domaine de la construction, de connaissances agronomiques, mathématiques et astronomiques… Comme pour l’évolution de l’Homo sapiens, nous sommes en présence, avec les Sumériens, d’un élément, ou d’un chaînon, manquant : d’où sont-ils venus ? Où, quand et comment ont-ils acquis des connaissances grâce auxquelles ils ont rapidement été projetés sous les feux de la rampe ? Qui pouvait bien détenir ce savoir ? Certainement pas ces barbares que craignait Caïn. On dit d’ailleurs que Caïn et sa nombreuse progéniture furent porteurs de connaissances que nous pourrions qualifier de « pluridisciplinaires » à notre époque. Au chapitre 4 de la Genèse, il est écrit qu’après avoir engendré Hénoch, Caïn devint constructeur de villes. On se doute bien qu’il ne s’agit pas d’une activité dans laquelle on va s’improviser architecte : elle demandait, et demande encore, des capacités manuelles et, surtout, des connaissances théorico-pratiques, un savoir-faire, qui couvre plusieurs domaines. Le récit biblique nous fournit d’autres éléments susceptibles d’étayer l’hypothèse de l’origine de la civilisation sumérienne : les descendants de la famille d’Adam étaient caractérisés par leur connaissance de concepts qui couvraient des domaines parfois inattendus. Parmi les descendants directs de Caïn, nous trouvons Jabal, père de « ceux qui habitent sous les tentes » : nous pouvons donc l’imaginer comme celui qui donne naissance à un système organisé d’élevage de bétail, selon les principes de la vie nomade.
Caïn constructeur de villes, disons-nous. Donc, dans un même clan tribal, nous avons affaire à des connaissances utiles à mettre en place des types d’organisation sociale et économique variés, du nomade au sédentaire, avec, en général, sa structure sociale complexe, articulée, dotée de systèmes d’administration plus ou moins élaborés en fonction des dimensions, des installations et du nombre d’habitants. Mais ce n’est pas tout. Nous lisons également que Jubal, frère de Jabal, fut à l’origine de tous les joueurs de lyre et de flûte : voilà un témoignage d’une forme d’activité artistique à l’aide d’instruments dont la fabrication n’est possible que par la grâce de connaissances élaborées. La capacité de réaliser des instruments de musique d’une certaine complexité ne fait certainement pas partie des attributs instinctifs d’hommes qu’on qualifie de primitifs. Travailler les métaux encore moins : analyse des caractéristiques du territoire, extraction, purification, forgeage, modelage, etc., sont des processus complexes qui demandent un ensemble de connaissances théoriques et des capacités manuelles qui sortent du commun. Et pourtant, ces capacités se retrouvent dans le clan tribal descendant d’Adam et Ève. TubalCaïn fut l’instructeur de tous ceux qui travaillent le fer et le cuivre. Nous pouvons donc lui attribuer l’acquisition et la diffusion des technologies voulues. Remarquez bien que les deux noms cités, Jabal et Jubal, dérivent de la même racine, YBL, qui renvoie à l’idée de « conduire » : nous sommes donc en présence de personnages qui ont diffusé ces connaissances en « conduisant » les autres vers leur acquisition et leur application. Le vocable Tubal, lui aussi, provient de la même racine, et son association avec Caïn, (de qayin), revêt une valeur explicative : cette racine signifie « forgeron ». TubalCaïn est donc celui qui a « conduit », c’est-à-dire lancé, suivi, transmis, enseigné l’activité d’extraction et de travail des métaux. Nous sommes face à une situation intéressante, caractérisée par des éléments précis que je vais tenter de résumer : les chercheurs universitaires mettent en évidence l’apparition soudaine de la civilisation sumérienne ; dans la Bible, nous retrouvons l’histoire d’un clan tribal qui devient un peuple étendu ; ce peuple possède des connaissances propres aux domaines qui
caractérisent les civilisations humaines ; ce peuple tire ses origines d’une ou plusieurs interventions de génie génétique réalisées par des individus dotés de savoirs et de technologies inimaginables pour l’époque à laquelle nous faisons référence ; ce peuple a vécu longtemps dans le voisinage de ces êtres, dans des conditions absolument privilégiées sous divers aspects ; ce peuple a été instruit par ses « formateurs » justement pour se montrer capable d’établir un rapport direct avec eux, fondé sur les capacités indispensables à la collaboration efficace dont avaient besoin les Elohim. En tenant compte de ces données factuelles, est-il si irréaliste de penser que les Sumériens ne sont autres que les descendants directs de cette race spéciale que les Elohim ont volontairement fabriquée ? Ce serait l’explication de leur apparition soudaine, et jusqu’à nos jours mystérieuse, sur la scène de l’histoire : Abraham, s’il a existé, pourrait bien plus facilement revendiquer des origines sumériennes, au vu de la région dont il provenait (Sumer, justement), où d’ailleurs est restée sa famille d’origine qui n’a pas suivi Yahvé. Là encore, je le répète, il n’est nul besoin de traductions particulières ou d’analyses philologiques spécifiques : c’est l’ensemble des éléments textuels, historiques et culturels qui autorise la formulation de cette hypothèse ou, au moins, l’expression de la question. J’espère que les chercheurs voudront s’y intéresser car, comme celle de l’ingénierie génétique, elle a de quoi fournir des réponses éventuelles à des questions qui en sont pour le moment dépourvues. Une hypothèse écartée par le dogmatisme régnant, car éloignée des conditionnements de la « tradition » et basée sur une lecture laïque d’un texte qui, au moins dans ses parties fondatrices, semble mener, par ses indications, sur le chemin de la connaissance. Et justifier une éventuelle reconstruction réaliste de l’histoire de l’humanité. Je comprends bien que la culture occidentale soit conditionnée par des siècles de pensée religieuse qui a présenté une certaine vision trompeuse de la Bible. Que cette vision a déterminé l’apparition de prétendues certitudes dont
il est difficile de se défaire : l’autoproclamée « tradition », construite délibérément et présentée encore aujourd’hui comme le réceptacle sacré et inviolable de la vérité. Pour le moment, je répète le concept essentiel que la Bible nous autorise à formuler : ce couple (Adam et Ève) n’a pas donné naissance à l’humanité. Une découverte aux conséquences très lourdes sur le développement de la pensée religieuse qui a mené au Nouveau Testament que nous abordons plus loin. Non sans avoir cependant examiné un autre aspect des événements qui se sont déroulés dans ce qu’on nomme le paradis terrestre : le gan-eden, probable centre de commandement ainsi que laboratoire des Elohim. Le gan-eden biblique était un jardin clos et protégé (le Lexique hébreuanglais de Brown-Driver-Briggs donne la traduction garden as enclosure, jardin enclos) situé à eden, où les Elohim cultivaient toutes sortes de plantes. Le terme gan correspond à l’iranien pairidaeza, venu du grec paradeisos, terme par lequel l’historien athénien Xénophon désignait les jardins clos des dirigeants babyloniens. C’est du grec paradeisos que provient le mot latin paradisum, d’où découle enfin notre « paradis ». Sa signification est restée la même, c’est-à-dire un lieu délimité par une clôture, naturelle ou artificielle, qui le protège. Le gan-eden devait ressembler à jardin expérimental dans lequel étaient cultivées des espèces comestibles : pour ne pas trop diluer le propos, je ne m’étendrai pas ici sur les découvertes des paléobotanistes sur la rapidité inexplicable avec laquelle certaines variétés de céréales et de vignes sont apparues dans le territoire compris entre l’Azerbaïdjan et l’Irak (ceux qui s’intéressent à ce sujet trouveront davantage d’informations dans mes précédents ouvrages). Ici, je souhaiterais au contraire mettre en évidence un parallélisme vraiment intéressant, et en appeler sous forme digressive aux textes d’Homère mentionnés plus haut : ils m’ont donné la conviction que les récits des Anciens, quelle que soit la forme littéraire qu’ils aient pris, contiennent un fond de vérité, que, très souvent, ils sont porteurs d’éléments qui se font écho et se confirment mutuellement. Dans l’Odyssée, Chant VII, on décrit l’étrange jardin d’Alkinoos, roi des Phéaciens, descendant direct de Poséidon, le dieu des eaux, équivalent grec du dieu suméro-akkadien Enki. En lisant attentivement le texte grec, on remarque qu’il s’agit d’un endroit pour le moins spécial. À partir du verset 110, on raconte qu’un megas orkatos, un « grand jardin », entourait sa demeure, d’une superficie de 4 iugero (un peu plus de 10 000 m2), fermé et
protégé par une clôture, erkos, qui l’entourait intégralement. On y cultivait des arbres d’espèces variées, tels que des poiriers, grenadiers, pommiers, figuiers, oliviers, etc. Mais, surtout, on dit que ces arbres n’étaient jamais sans fruit : ils en portaient toute l’année, keimatos thereus, c’est-à-dire « en hiver et en été ». Le texte dit que « La poire vieillit auprès de la poire, la pomme auprès de la pomme, le raisin auprès du raisin et la figue auprès de la figue. Là est aussi plantée une vigne dont les grappes sèchent aux rayons du soleil, dans une plaine unie et découverte. D’autres sont cueillies par le laboureur, ou pressées dans la cuve, et à quelque distance on aperçoit encore de jeunes grappes : les unes sont en fleur, les autres commencent à noircir. » De chaque côté du jardin coulaient deux sources, pour l’arrosage et pour les hommes. Tous ces éléments structurels et productifs sont appelés dans le texte d’Homère aglaa dora, c’est-à-dire « de beaux dons, admirables », de la part des Theoi, des individus qui semblent l’équivalent grec des Elohim, Ilanu, Anunna… Ces merveilles me font penser à une serre dans laquelle se serait pratiquée la culture forcée, capable de garantir une production continue. Un jardin dans lequel on appliquait des techniques avancées, une sorte de terrain expérimental où l’on cultivait un peu de tout, comme dans le gan-eden. Question : est-ce que les Anunna-Elohim-Theoi amenaient avec eux ces techniques agraires dans les lieux divers et variés de la planète où ils s’installaient directement, ou bien y plaçaient-ils leurs protégés, par exemple les sangs-mêlés qui étaient leurs descendants tels qu’Alkinoos, Gilgamesh, les Gibborim bibliques nés de l’union entre mâles Elohim et femmes Adams (Genèse 6) ? Un esprit ouvert se demandera : « Les écrits d’Homère étaient-ils de pures compositions poétiques ? » Car comment ne pas remarquer d’autres coïncidences très étranges entre les récits bibliques et les poèmes homériques ? Dans l’Iliade, Chant XIII, le Theos Poséidon prend l’apparence du devin Calchas. Ainsi déguisé, il incite les Grecs à combattre, mais Ajax, fils d’Oïlée, découvre la supercherie. Lorsque Poséidon s’éloigne en marchant (versets 70-72), le héros affirme qu’il ne s’agit pas de Calchas : il l’a identifié à ses empreintes de pieds et à ses jambes. Il conclut par cette affirmation : « les Theoi sont aisément reconnaissables. » Comme dans la Bible, donc, ces individus ressemblent à des hommes, mais possèdent certaines caractéristiques physiques qui les trahissent facilement
(souvenons-nous de la rencontre entre Abraham et les trois anashim). Autre fait extraordinaire : dans le Chant XVIII (417-420), Héphaïstos, le Theos qui s’occupe du travail des métaux, est boiteux. Il se fait accompagner par deux servantes, lesquelles sont décrites sous des traits qui ont de quoi étonner : Homère dit qu’elles possédaient l’intelligence, la force et la voix – il nous semble aller de soi que des servantes sont capables de réfléchir et de parler… Il dit également que leur peau montrait l’aspect de l’or – elle devait renvoyer des reflets métalliques –, mais, surtout, la description se conclut par cette phrase : statues d’or, elles sont semblables à de jeunes filles vivantes. Qu’étaient donc ces êtres à l’aspect métallique qui, sans être « vivants », montraient la faculté de penser et de parler ? Il n’est jamais donné de détail de ce genre pour les autres servantes qui apparaissent pourtant en grand nombre dans le poème d’Homère. Les conclusions de ces références à l’œuvre homérique prennent l’allure d’un rappel de ce qui précède : les Theoi étaient des individus qui nous semblent les équivalents grecs des Elohim, Ilanu, Anunna. Miguel de Unamuno, déjà mentionné, écrivit (op.cit en bibliographie) que le terme theos « était au sens propre un adjectif, une qualité prêchée » de ces individus, et que ce n’est que plus tard qu’il fut transformé en substantif – ajout de l’article – par la pensée rationaliste. Dans les récits suméro-akkadiens, et dans l’Antiquité en général, on parle souvent des « vigilants », des « observateurs », en référence à ces seigneurs venus d’en haut : dans la langue grecque, le verbe theaomai désigne l’acte d’observer et le vocable theria décrit un ensemble d’individus envoyés en observation. Le terme theoi, lu selon sa valeur adjectivale, renvoyait-il donc à une catégorie d’êtres qui « observaient, contrôlaient » et donc gouvernaient les peuples qu’on leur avait désignés, comme on le lit dans l’extrait de Critias de Platon déjà cité ? S’agit-il donc ici encore d’un renvoi aux « vigilants venus d’en haut » qu’évoquent les récits des peuples de tous les continents ? Héraclite affirmait : « Si tu ne guettes pas l’inattendu, tu ne découvriras jamais la vérité. » Faisons toujours semblant de penser que les peuples de tous les continents nous aient raconté l’histoire de « ceux-là », et peut-être découvrirons-nous des choses intéressantes. Faire semblant ne coûte rien et pourrait se révéler productif pour la compréhension de notre histoire. À tout
le moins, c’est une façon de réfléchir à ce qui nous a toujours été livré comme vérité scientifique, historique, littéraire ou religieuse digne de foi. En attendant de « savoir », continuons à « étudier ». C’est totalement fascinant. Je ne cache pas qu’une réflexion m’habite, lourde d’implications, je m’en rends compte : je pense parfois puiser plus de vérité dans les poèmes d’Homère que dans les textes théologiques. Les premiers évoquent des peuples et des individus (les Theoi, ceux qu’on qualifie de « dieux ») très concrets. Dans les textes théologiques, on évoque une « entité » dont l’essence et les caractéristiques naissent dans les esprits de ceux qui la construisent. J’ai déjà souligné la manière dont le professeur Armin Kreiner, théologien et enseignant catholique sur lequel je reviendrai plus loin, écrit à juste titre qu’on ne sait rien de Dieu. Je vous invite à examiner à présent le deuxième aspect fondamental de la pensée théologique : le péché originel. J’ai étudié dans d’autres livres les incohérences bibliques frappantes dans la description des deux « arbres » (celui de la vie et celui de la connaissance du bien et du mal), dans leur positionnement et surtout dans la confusion qui entoure la consommation du fruit. Voici résumé, pour éviter la répétition, le récit biblique, en rappelant au passage un fait curieux déjà évoqué : les Elohim, à l’origine, avaient créé uniquement un être mâle, pour le faire travailler dans leur gan-eden. L’être femelle a été conçu dans un second temps. Il est patent qu’« ils » ne jugeaient pas nécessaire de laisser grandir dans leur centre de commandement un groupe qui se reproduirait de manière autonome. Mais le récit de la tentation qui met en scène le serpent met en évidence les luttes existantes entre les commandants de ce territoire/laboratoire expérimental. Les auteurs suméro-akkadiens, à l’abri du conditionnement de la pensée théologique, n’eurent aucune difficulté à représenter les conflits de deux frères qui se partageaient le pouvoir : Enki et Enlil. Le récit de la Genèse auquel nous nous intéressons est une réécriture de ces récits bien plus anciens (j’ai déjà cité à ce sujet ce qu’écrit le professeur Wexler de l’université Américano-Juive de Los Angeles). Les auteurs bibliques ont probablement représenté dans le serpent (Enki) l’adversaire du dirigeant (Enlil) : le premier était responsable des activités biomédicales et, en tant que tel, était le véritable « père » d’Adam, celui qui
l’avait fait naître et qui, donc, d’une certaine manière, l’aimait en tant que sa créature. Le second, au contraire, considérait l’Adam avec davantage de détachement, le voyait comme un simple travailleur auquel il fallait accorder le moins de prérogatives possible. Nous avons déjà vu qu’on lui avait gentiment « accordé » une femme. Mais, pour Enlil, ce couple ne devait pas se reproduire. Pas question de développement démographique de ces créatures dans le gan-eden. Il est utile, arrivé à ce stade, de résumer les événements. Malheureusement pour nous, je le redis, les rédacteurs de la Bible n’ont pas accordé suffisamment d’attention à leur travail, ne serait-ce que pour clarifier des aspects d’une importance capitale. La lecture des passages du livre de la Genèse (1:27, 2:15, 2:18, 2:2) qui racontent la formation de l’homme par le biais du génie génétique révèle des incohérences palpables sur la base desquelles nous devons nous contenter de cette reconstitution hypothétique des faits : les Elohim ont généré l’Homo sapiens, hommes et femmes, capables de et incités à se reproduire ; les Elohim ont pris un Adam (uniquement le mâle d’un groupe spécial) et l’ont placé dans le gan-eden avec le devoir de travailler et de garder ce territoire ; puisqu’il n’existait que des individus mâles, pas de reproduction possible (je vous rappelle que le terme « Adam » est souvent utilisé avec un article indiquant qu’il ne s’agissait probablement pas d’un individu mais d’un groupe, d’un type) ; après avoir placé dans le gan-eden toutes sortes d’animaux, les Elohim se rendent compte que cette compagnie ne suffit pas au mâle Adam et décide de le doter d’une femelle ; contrairement au mâle, cependant, ils ne la « placent » pas dans le ganeden à partir d’un autre lieu, mais la « font » sur place, par le biais de quelque chose qu’ils prélèvent directement sur le mâle (pour les détails de cette intervention chirurgicale, consultez le chapitre intitulé La technologie des Elohim et l’Adam dans le livre Il n’y a pas de création dans la Bible).
On peut donc déduire que la reproduction n’était certainement pas un objectif premier de ce groupe spécial : l’ajout de la femme ne survient que pour des nécessités d’un autre ordre. Sinon, il semble certain que sa présence aurait été prévue dès le départ. Vu les modalités selon lesquelles la femme a été produite, il est même probable que les Adams aient été stériles : c’est ce qu’on croit comprendre lorsque l’Adam et la Hawwah ont leur premier fils (Caïn). La Bible nous dit en effet qu’ils l’ont « formé avec l’aide » d’un Elohim, que les rédacteurs du texte ont identifié comme Yahvé lui-même (Genèse 4:1). N’auraient-ils pu y parvenir seuls ? Est-ce là l’acte qu’ils n’auraient pas dû accomplir selon le dirigeant du ganeden et qu’un Elohim adverse a rendu possible ? On introduit ici une différence entre les divers chefs (identifiés comme l’Elohim et le serpent) dans la manière de traiter ce groupe particulier d’Adam et les possibilités de développement autonome qu’il fallait leur accorder ou non. Un des Elohim (le serpent biblique, l’Enki suméro-akkadien ?) décida de leur donner de l’autonomie. Dès qu’ils « connurent », c’est-à-dire firent l’expérience de cette nouvelle possibilité, ils en eurent peur. Ils prirent conscience de la gravité de leur acte et se cachèrent. Je souligne que le concept de « connaissance » contenu dans la Bible n’a rien à voir avec la signification qu’il possède dans la culture moderne : la « connaissance » biblique est l’acte de l’expérience concrète, le toucher du doigt, dirions-nous. Ils acquièrent donc à ce moment la capacité d’« expérimenter » dans les faits les aspects positifs (le bien) et négatifs (le mal) de la nouvelle situation qui s’offrait à eux. Le professeur Amos Luzzato, lors d’une conférence qui eut lieu en décembre 2009 à l’Ateneo Veneto de Venise, souligna que le terme hébreu qui désigne « le mal » dans ce passage de la Genèse fait clairement référence à la physiopathologie du corps humain. Rien à voir donc avec le concept éthique, rien à voir avec l’acquisition de la capacité de distinguer ce qui est juste ou injuste. Il s’agit au contraire d’une expérience matérielle, tangible, des conséquences de cette nouvelle situation. Le couple le comprend et accomplit un acte très significatif (Genèse 3:8) : chacun d’eux couvre ses organes génitaux et se dissimule aux yeux/à la vue de l’Elohim.
Il va pourtant de soi qu’il ne serait pas perturbé de les voir nus. Où se situait donc le drame ? Ils étaient ainsi depuis qu’ils avaient été faits ! L’élément intéressant, le voilà : ils ne se cachent pas l’un de l’autre, mais ensemble de l’Elohim. Ils ne veulent pas que le dirigeant découvre que désormais ils « savent », puisqu’ils ont fait l’« expérience ». Les Elohim comprennent cependant ce qu’il s’est passé, comprennent qu’ils perdent le contrôle et, de fait, affirment ceci (Genèse 3:22) : « L’Adam est devenu comme l’un de nous. » Ils ressentent alors immédiatement le besoin d’empêcher le couple d’avoir accès à l’Arbre de vie, car l’Adam aurait alors pu bénéficier de la même longévité que les Elohim. Il faut préciser immédiatement qu’il ne s’agit pas d’immortalité mais d’une vie prolongée le-’olam, « pour une longue durée ». La signification de l’expression hébraïque : le concept d’éternité n’est pas issu de la Bible, c’est une invention ultérieure. Les Elohim vivaient très longtemps, mais ils n’étaient pas éternels. Dans mes précédents ouvrages, j’ai analysé des passages dans lesquels les auteurs bibliques affirment avec une clarté absolue que les Elohim meurent exactement comme les Adams. Que pouvait donc représenter l’Arbre de vie ? En quoi aurait-il pu influer sur l’Adam après qu’il avait déjà fait l’expérience de l’Arbre de la connaissance ? N’oublions pas que le site sur lequel ils se trouvent, le gan-eden, était un territoire/laboratoire dans lequel on agissait sur l’ADN des espèces vivantes. L’ADN se trouve dans la partie la plus interne de chaque être vivant : dans le noyau de ses cellules. Et comment une culture qui ne connaissait pas l’ADN pouvait-elle le représenter ? Quelle meilleure image pouvait-on en donner que celle d’un arbre dont dépend la vie ? Et où pouvait se trouver cette représentation graphique et littéraire si ce n’est au centre du « jardin » dans lequel on agissait sur les éléments fondamentaux de la vie pour mener les expérimentations utiles aux Elohim ? On peut même imaginer que la plus importante structure, celle dans laquelle on menait les activités d’ingénierie génétique, se trouvait effectivement au centre de ce lieu clos et protégé : il s’agirait au fond d’un choix dont les
aspects pratiques et stratégiques sont immédiatement compréhensibles. N’oublions pas que ces individus se sont longtemps combattus en utilisant des armes destructrices et efficaces. Les structures consacrées aux activités stratégiques et sensibles devaient donc être situées dans des enceintes particulièrement protégées (souvenons-nous de ce qui arriva à Sodome et Gomorrhe). L’Arbre de vie représentait la possibilité d’agir sur l’ADN afin d’allonger la durée de vie elle-même. En soutenant cette vision des choses, je ne révèle rien de nouveau : la génétique que nous utilisons de nos jours y réussit dans diverses régions du monde. Les expériences qui visent à agir sur le patrimoine génétique pour allonger la durée de vie font des progrès toujours plus rapides. Que la même situation ait prévalu en ces temps lointains s’illustre par une hypothèse de traduction avancée par le professeur Kamal S. Salibi (université Américaine de Beyrouth) pour le verset 3 du chapitre 6 de la Genèse. C’est l’Elohim appelé Yahvé qui parle. Voici la version traditionnelle : « Mon esprit ne restera pas à toujours dans l’homme, car l’homme n’est que chair, et ses jours seront de cent vingt ans » [version Louis Segond, NdT]. Le professeur Salibi souligne que cette traduction est corrompue par la vocalisation voulue par les massorètes qui auraient dissimulé le véritable sens des mots : nous ignorons s’ils s’y sont livrés volontairement ou en raison d’une mauvaise compréhension des contenus. Le professeur se réfère aux plus anciennes racines sémitiques et donne une autre signification à ce verset : « Je n’enrichirai plus l’Adam en versant mon liquide (sperme), il est chair, et sa vie sera de cent vingt ans. » Je ne retranscris pas ici l’analyse philologique que le lecteur pourra consulter dans l’ouvrage cité en bibliographie. Je souligne cependant que cette traduction a l’avantage de se montrer absolument cohérente avec le reste du chapitre 6 et, en particulier, avec l’affirmation des versets 1 et 2 dans lesquels il est expliqué que les mâles Elohim trouvaient les femelles Adam attirantes et en prirent autant qu’ils en voulurent pour compagnes, et ils engendrèrent des enfants.
La Bible affirme donc, au-delà de tout doute raisonnable, que le sperme des Elohim était
effectivement éjaculé dans les femelles Adam. Ce qui semble confirmer la traduction du professeur Salibi. Sa clé de lecture contient un autre élément intéressant, cohérent avec le texte biblique : si nous comparons les durées de vie de ceux qu’on nomme les patriarches, nous remarquons un élément irréfutable. Avant la décision que le professeur libanais nous présente au verset 6, la vie des descendants de l’Adam atteignait jusqu’à 800-900 ans. Mais après le choix des Elohim de ne plus mettre leur sperme à disposition, nous voyons que cette durée chute progressivement et inexorablement : c’est un fait des plus tangible dans le récit biblique. Je vous suggère de lire attentivement ce récit jusqu’à l’histoire d’Abraham, qui ne vécut que 175 ans et de Moïse, réputé vivant seulement 120 ans (je vous rappelle que je fais toujours semblant de croire qu’ils aient existé). L’ADN des Elohim garantissait donc une vie le-’olam, comme je l’ai qualifiée, c’est-à-dire très étendue dans le temps. Voici ce que l’Elohim en chef devait et voulait empêcher : Adam et Hawwah, modifiés génétiquement pour le service et demeurés sous contrôle, après avoir découvert la possibilité de se reproduire avec l’aide d’un collègue rival, ne devaient pas avoir en plus accès aux pratiques génétiques capables de leur procurer une vie aussi longue que celle des Elohim. Lequel décide donc de les éloigner : il ne se sent bien évidemment pas de les tuer. Au fond, il s’agissait d’êtres vivants qui ont travaillé avec lui. Mais il ne peut pas courir de risques supplémentaires. Je fais remarquer au passage que la racine etz ne signifie pas seulement « arbre » mais aussi « bois », au sens spécifique de matériau de construction. Dans la polysémie normale qui caractérise de nombreux termes hébreux, on pourrait penser que l’etz – l’arbre de vie, selon la tradition – renvoyait d’une certaine manière au « matériau de construction » de la vie. Mais est-il possible que l’ADN, toujours semblable dans ses composantes biologiques, puisse engendrer des durées de vie aussi différentes ? La réponse est oui, et la confirmation se trouve juste sous nos yeux, sans devoir fournir trop d’efforts d’imagination. Observons la réalité de la vie sur terre. La durée de vie moyenne de nombreux papillons est d’environ quinze jours. Celle d’une tortue est de 120 ans (au moins 43 800 jours).
Cela signifie que, sur cette planète, il existe des êtres vivants (tortues) qui font montre d’une durée de vie environ 2 900 fois plus longue que celle des autres (papillons). Si nous pensons qu’en dix heures se sont reproduites quelque vingt générations de bactéries, alors le rapport entre les durées de vie se multiplie jusqu’à atteindre le nombre astronomique de 70 000 fois. Ces différences se manifestent chez des êtres vivants qui sont le produit d’un ADN dont la structure fondamentale est la même pour tous. Le fait indéniable, le voici : la même structure, composée des mêmes éléments chimiques et des mêmes molécules, produit sur la même planète des êtres vivants qui vivent 2 900, voire 70 000 fois plus longtemps que les autres. Nouvelle question. Pourquoi, face à une telle évidence, indiscutable, des « savants » snobent-ils d’un air suffisant les durées de vie des patriarches bibliques en les qualifiant d’allégories et de métaphores ? Pourquoi rencontre-t-on des « savants » qui tournent en dérision avec la même arrogance les durées de vie rapportées par Manéthon de Sebennytos (sacerdote égyptien du IIIe siècle av. J.-C.) et Bérose (sacerdote et astronome babylonien du IV-IIIe siècle av. J.-C.) à propos des âges des plus anciens dirigeants de la terre ? Avec une moyenne de 43 000 ans, au fond, les vies de ces êtres antiques équivalaient (seulement) à six cents fois celle de l’homme : un rien si on le compare aux 2 900 et 70 000 fois des exemples cités. C’est pourquoi, si l’on tient à affirmer que la différence de durée de vie entre ces individus et l’homme (600 fois) est un mythe ou une fable, que devrions-nous dire de l’écart entre la tortue et le papillon (2 900 fois) ou entre la tortue et les bactéries (70 000 fois) ? Que diraient les papillons ou les bactéries s’ils entendaient dire que, sur leur planète, existent des êtres dont la vie est 2 900 ou 70 000 fois plus longue que la leur, bien qu’ils soient constitués exactement du même élément structurel de base, l’ADN ? Souriraient-ils comme ces « savants » ? Pouvons-nous exclure avec une certitude absolue que « ceux » dont nous parlaient les deux sacerdotes astronomes de l’Antiquité provenaient de mondes dans lesquels cette durée de vie représentait la normalité ? Et si l’ADN de ces êtres était « alien » par rapport à l’humain, l’hypothèse devient encore plus vraisemblable (je précise que le terme alien, en anglais,
signifie « étranger à un milieu, qui apparaît dans un milieu qui n’est pas le sien »). La durée de vie de Yahvé, un des Elohim, était peut-être de cet ordre ? Nous ne pouvons l’affirmer, mais non plus l’exclure avec une certitude suffisante. À ce propos, le docteur Buffa, déjà mentionné, m’a écrit : « Il existe des organismes qui disposent d’une demi-vie totalement différente, même s’ils possèdent tous la même structure polynucléotidique d’ADN. La structure est la même (en termes chimiques), mais l’information biologique nécessaire au développement d’un organisme, à son maintien en vie et à sa reproduction, est très dissemblable. Ce n’est que depuis quelques années que les scientifiques commencent à la déchiffrer. L’homme est “étrange” même sur ce point : il possède des gènes spécifiques capables de prolonger la durée de vie car strictement impliqués dans le contrôle des processus de vieillissement (beaucoup d’entre eux interviennent dans la prévention du raccourcissement des télomères), etc. Si l’on émet l’hypothèse que les entités biologiques extraterrestres évoluées aient su à la perfection manipuler/ajouter/activer des zones spécifiques de l’ADN chez l’homme, nous pouvons même penser que ce fut possible (même l’homme a déjà, en moindre mesure, prolongé la vie de plusieurs organismes, par le biais d’interventions génétiques). Si, au contraire, on se base sur les processus évolutifs naturels, la chose semble quelque peu forcée et inexplicable. L’homme découvre aujourd’hui que de nombreux gènes jouent un rôle direct dans la régulation du vieillissement et bien d’autres un rôle indirect […] » À la lumière de ces explications, je pense qu’un esprit libéré des schémas dogmatiques (qu’ils soient religieux ou scientifiques) devrait accepter facilement (compte tenu des réalités terrestres indéniables présentées précédemment) que tout est au moins théoriquement possible et qu’il serait donc bien de ne pas écarter a priori les hypothèses qui ne plaisent pas, mais de les garder en suspens avec l’esprit ouvert. Voici donc, selon toute probabilité et selon les évidences textuelles du récit biblique, ce qui s’est sans doute déroulé au gan-eden : les Elohim ont fait l’Adam (qui n’est pas l’ancêtre de l’humanité) quelque part sur la planète, puis l’ont placé dans leur centre/laboratoire. Au bout d’une certaine durée, ils ont produit une femelle pour lui. Les Elohim généticiens, au mépris des ordres des grands dirigeants, ont donné au couple la possibilité de se reproduire. Les chefs, de peur que le couple puisse également avoir accès aux
pratiques génétiques qui garantissaient une longue vie, ont veillé à parer ce risque, en éloignant tout simplement l’Adam et l’Hawwah de ce lieu clos et protégé. Dans la foulée de ce résumé des faits, une question surgit forcément : « En quoi consiste et par quoi s’est concrétisé le “péché originel” » ? La réponse au prochain chapitre.
Chapitre 15
En quoi consiste et par quoi s’est concrétisé le « péché originel » ?
L
a réponse semble claire comme de l’eau de roche : aucun péché n’a été commis. Le couple a simplement connu l’expérience d’une nouvelle situation déterminée par ces Elohim (représentés par le tristement célèbre serpent biblique) qui les a mis en mesure de découvrir et d’utiliser l’une des fonctions les plus naturelles et innées de l’être vivant : la capacité de se reproduire. Surpassée en importance par celle de se nourrir pour rester en vie. Le bannissement du gan-eden ne fut donc nullement une condamnation dont l’humanité doit porter la marque. Il s’est agi d’une sentence appliquée par la suite, c’est-à-dire l’enregistrement et l’application des conséquences d’une décision prise librement. Adam et Ève n’ont pas été condamnés à devenir mortels à cause de cette décision. Ils l’étaient déjà avant, tout comme les Elohim. Je vous rappelle que la Bible elle-même fait dire aux Elohim qu’à partir de ce moment, les Adams sont devenus comme eux (Genèse 3:22), et l’acte n’a donc pas introduit un élément aussi dramatique et négatif que la mort. Il a au contraire rendu les Adams plus proches des Elohim. Si la capacité de concevoir une progéniture avait impliqué une prétendue connaissance du bien et du mal, les Elohim n’auraient pu que se réjouir du développement moral de leurs créatures. Je me demande même comment ils n’ont pas eux-mêmes pensé à favoriser cette connaissance si positive et utile pour la coexistence. « Dieu » n’aurait-il pas dû compter parmi ses principaux objectifs l’encouragement au développement moral de ses « images » ?
Et n’aurait-il d’ailleurs pas même dû les doter de cette connaissance dès les premiers instants ? La connaissance du bien et du mal n’est-elle pas la condition indispensable pour opérer des choix libres et responsables ? Les Elohim (le prétendu Dieu de la « tradition ») auraient donc dû l’encourager. Nous constatons au contraire une réaction exactement inverse à l’attendue : loin de se satisfaire de l’hypothétique croissance morale de leurs sujets, les Elohim s’en inquiètent profondément. Ils la voient comme un risque, un élément négatif, porteur de conséquences et de développements qu’il faut absolument éviter. Mais comprenons bien qu’il ne s’agit pas de bien et de mal : « croquer la pomme » ne représente pas un progrès des normes éthiques, mais bien l’acquisition de capacités matérielles qu’une partie des Elohim n’était pas disposée à autoriser. Les travailleurs adams acquéraient une indépendance qui n’était pas appréciée. Elle paraissait même dangereuse… En somme, nous prenons acte de ce que le prétendu Dieu montre qu’il a peur de sa créature : il redoute son développement intérieur et, surtout, craint qu’elle ne parvienne à vivre aussi longtemps que lui. Les incohérences de la vision théologique et des constructions spiritualistes apparaissent de plus en plus flagrantes et… indéfendables. On nous dit que Dieu, dans cette situation, aurait tout fait pour éviter qu’Adam n’obtienne la vie éternelle, mais on nous enseigne ensuite que la vie éternelle est l’apogée de la promesse divine. N’est-ce pas, en effet, ce que Dieu nous promet, selon la théologie ? Eh bien, la Bible nous enseigne au contraire qu’à partir du moment où tout a débuté, le prétendu Dieu de la théologie a redouté que l’homme puisse obtenir une vie aussi longue que la sienne. Ne s’agit-il pas d’une incohérence monumentale ? D’une contradiction dépourvue de toute logique ? C’est bien le cas. À l’image de nombreuses autres pseudo-vérités que la théologie judéo-chrétienne, rejointe par les courants ésotériques et gnostiques qui en sont les descendants dociles, attribuent au Dieu qu’ils ont eux-mêmes inventé en partant de ce livre pour lui faire dire constamment ce qu’il ne dit
pas. Les Elohim n’ont pas créé l’homme au sens que l’on veut nous faire croire. Adam et Ève ne sont pas les ancêtres de l’humanité. Les Elohim n’ont jamais craint que l’Adam puisse obtenir une hypothétique vie éternelle, puisqu’ils ne la connaissaient eux-mêmes pas. Ils vivaient certes très longtemps à échelle humaine, mais ils étaient cependant destinés à mourir, exactement comme nous. L’Adam fut éloigné du gan-eden parce que, à partir d’un certain moment, il aurait pu constituer un réel danger ou, au moins, créer de nombreux tracas d’encadrement, surtout si, avec l’aide de la partie des Elohim la plus liée aux nouvelles créatures, il avait pu avoir accès aux pratiques de laboratoire qui devaient au contraire rester entre les mains de la race dominante. Il n’existe donc aucun « péché originel ». Le concept a été introduit par saint Augustin pour justifier sa critique de Pélage sur l’origine du mal. Il a présenté la théorie de la « faute originelle » commise par Adam. Avant lui, nous n’avons connaissance d’aucun autre patristique qui soutienne l’idée de péché originel. En outre, si l’on veut vraiment parler de « faute », on doit prendre acte que ses conséquences ne sauraient entacher l’humanité entière, puisqu’Adam et Ève n’en sont pas les ancêtres. Mais si le péché originel n’existe pas et n’a pas entaché l’humanité (pour la raison susdite), alors y aurait-il un sens à ce qu’un Dieu (et à ce stade, je ne sais pas lequel, puisque la Bible ne parle pas de « Dieu »), envoie son fils se faire massacrer pour libérer l’humanité d’une faute qui n’existe pas ? D’où cette nouvelle question : parmi tous les Elohim, lequel l’aurait envoyé ? Certainement pas Yahvé, car nous savons que nombreux sont ceux qui l’ont vu au fil des siècles, tandis que Jésus dit de son « père » que personne ne l’a jamais vu (Jean 1:18) : Jésus avait-il oublié ce détail ou bien faisait-il référence à un autre « père » ? Qui est donc l’El pour le compte duquel Marie a été « visitée » (justement par un Gavri-El, un « homme puissant d’El ») ? Elle est tombée enceinte sans avoir connu de rapport sexuel avec un homme (plus de détails dans mon livre Il n’y a pas de création dans la Bible) ? Il s’agit peut-être du même El auquel Jésus fait appel sur la croix lorsqu’il prononce cette célèbre invocation : «Elì, Elì, lemà sabachtani » (Matthieu 27:46) ou : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc
15:34). Les études du professeur Garbini (université La Sapienza, Rome) semblent illustrer la manière dont cette exclamation a été habilement manipulée par les rédacteurs des évangiles (en substituant un terme hébreu à un mot araméen) : ils auraient transformé une espèce de résignation paisible en un cri de rage, un hurlement contre l’injustice de ce qui se produisait. Ce cri était peut-être lancé contre un El qui n’avait pas respecté le pacte conclu ? Si c’est le cas, la supercherie des textes ou, si l’on préfère, le « pieux mensonge » allégué souvent mis en place par les pères de l’Église, serait présent du début à la fin, c’est-à-dire de la non-création de la Genèse 1:1, jusqu’au dernier mot prononcé sur la croix. C’est cependant une autre histoire et, pour en revenir au sujet, je retourne vers l’Ancien Testament. S’il n’y a pas de péché originel, on dira que l’homme est tout de même entaché des péchés qu’il commet quotidiennement en désobéissant aux commandements que Dieu lui-même nous transmit. Nous avons cependant démontré que la Bible ne parle pas de Dieu, mais d’un colon/gouverneur local qui a dicté des règles exclusivement valables au sein du peuple qu’on lui avait attribué et dont il devait se préoccuper. Il n’y a rien d’universel dans ses mots, et nous avons même vu que, souvent, ces règles n’étaient pas claires, même pour ceux qui les avaient reçues directement de lui. La relativité historique, sociale et culturelle des normes dictées par cet Elohim est tellement patente que le rabbin Benjamin Edidin Scolnic (du temple Beth Shalom, Hamden, Connecticut, et « éducateur » au sein du Jewish Theological Seminary de New York) écrit que l’interprétation et l’adaptation de ce texte constituent une nécessité incontournable pour chaque génération. Il affirme en outre que, lorsque dans le Livre on renconre des erreurs et contradictions, le devoir des exégètes est de les retravailler et de les harmoniser. Comme nous l’avons constaté ne serait-ce qu’à travers les quelques exemples passés en revue, les erreurs et les contradictions abondent de façon inacceptable si l’on veut affirmer que ce livre est le produit d’une inspiration divine directe. Et pourtant, certains soutiennent que la Bible est merveilleuse et ne se trompe jamais, justement parce qu’elle provient de Dieu.
Au final, Yahvé n’a pas parlé en général, mais seulement pour ces gens qu’il a utilisés pour conquérir par les armes des territoires qui ne lui avaient pas été confiés par ses chefs. Tout ce qui en a découlé en termes de vérités spirituelles relève de la construction d’hommes qui ont bâti sur ce livre des systèmes de pouvoir, des structures théologiques et idéologiques à des fins purement terrestres. Je répète que j’ignore tout de Dieu et des mondes spirituels, et j’ai donc le bon sens de ne pas en parler. Je me contente d’affirmer avec clarté que la Bible non plus n’en parle pas. Ce que je tire des traductions est un récit qui renvoie au nom d’un réalisme certain à des individus venus d’ailleurs – « D’une demeure céleste dépourvue de végétation », comme le dit la tablette cunéiforme NBC11.108 déjà mentionnée – et qui se sont comportés de la manière habituelle des colons. Cette question est indubitablement épineuse, au point que les théologiens universitaires se la posent avec un grand sérieux. Je ne répéterai pas ici ce que j’ai approfondi dans mes précédents ouvrages à propos des déclarations d’éminents hommes d’Église jésuites sur ce que l’on appelle les aliens. Je cite, cependant, encore une fois, le professeur Armin Kreinen (professeur de théologie à la faculté catholique de l’université de Munich). Il montre certains points qu’il considère à juste titre comme impossibles à éluder pour l’Église en général et pour la christologie en particulier. Les affirmations fondamentales du théologien catholique sont, en substance, celles-ci : si l’on dit qu’il ne faut pas parler des extraterrestres parce que nous ne les connaissons pas et ne les avons pas couchés sur une table comme objet d’étude, alors il faut également cesser de parler de Dieu, car nous ne savons rien de lui non plus et nous ne pouvons l’étudier ; les témoins du Christ ne peuvent plus faire l’objet d’études ou de vérifications, tandis que ceux qui prétendent avoir observé ou rencontré des extraterrestres de nos jours font l’objet d’examens ; le salut apporté par le Christ a été défini par la théologie comme « unique et universel », ce qui signifie qu’il n’a eu lieu qu’une fois et vaut pour toute l’histoire de l’humanité.
Le chercheur écrit que lorsque cette doctrine a été élaborée, on pensait que la Terre était au centre de l’Univers et que l’homme était la seule créature intelligente créée à l’image de Dieu. Mais si d’autres êtres existent, il faut se poser ces questions : avant d’intervenir sur terre, le Christ est-il allé sur d’autres planètes ? les habitants des autres planètes ont-ils commis un péché originel ou pas ? si oui, le Christ est-il allé se faire tuer là-bas ? si un péché originel est commis dans le futur sur d’autres planètes, le Christ devra-t-il aller se faire tuer à nouveau là-bas aussi ? C’est pour ces raisons que le théologien affirme que cette question ne peut plus s’éluder. La hiérarchie ecclésiastique et ceux qui défendent les thèses traditionnelles (théologiques, idéologiques, esotérico-initiatiques) devront ouvrir leur esprit à ces nouveaux défis. L’édifice dogmatique construit et soutenu depuis deux mille ans doit se voir entièrement revu.
Chapitre 16
Ce qu’on nous a dit sur la Bible est-il faux ?
C
omme je le répète au cours de mes conférences, je « fais semblant de croire que » les auteurs bibliques n’aient pas inventé des fables, mais se soient employés à coucher par écrit les événements vécus par le passé. Après des années de traductions de l’hébreu massorétique, je puis proclamer avec l’esprit libre que les affirmations que je liste ici sont suffisamment fondées pour être formulées telles quelles. Il n’est pas vrai que la Bible est un livre religieux. Il n’est pas vrai que la Bible parle de Dieu : elle nous raconte l’histoire des Elohim et les événements selon le pacte que l’un d’entre eux (Yahvé) a conclu avec un peuple. Il n’est pas vrai que la Bible parle de création : dès le premier verset, elle nous raconte l’histoire de ce qu’ont accompli « ceux-là » (les Elohim) pour préparer leur vie sur terre. Il n’est pas vrai que la Bible parle de la création de l’homme entendue comme un acte spécifique de l’omnipotence divine : elle évoque des interventions d’ingénierie génétique (Homo sapiens, Adam et Ève, Noé). Il n’est pas vrai qu’Adam et Ève sont les ancêtres de l’humanité. Il n’est pas vrai que Yahvé, le prétendu Dieu, a participé à la « fabrication » d’Adam. Il n’est pas vrai que les arbres du gan-eden faisaient référence à la connaissance de la signification du bien et du mal et à la vie éternelle.
Il n’est pas vrai qu’Adam et Ève ont commis un « péché originel », inventé. Il n’est pas vrai que Yahvé, le prétendu Dieu, s’occupait de l’humanité dans son intégralité. Il n’est pas vrai que la Bible parle des anges en tant qu’entités spirituelles, elle décrit au contraire les chérubins comme des robots (pour utiliser le terme employé par la philologie hébraïque qui connaît cette vérité depuis toujours à travers le Talmud). Il n’est pas vrai que la Bible parle de Satan/Lucifer comme du prince des démons. Il n’est pas vrai que la Bible décrit des miracles dans le sens d’actes surnaturels. Il n’est pas vrai que les Hébreux et leur langue existaient en tant que tels au temps d’Abraham (qui n’a d’ailleurs lui-même peut-être pas existé). Et ce n’était très probablement toujours pas le cas au temps de Moïse. Il n’est pas vrai que Yahvé a dicté un code éthique valable pour l’humanité entière. Il n’est pas vrai que Jésus-Christ désignait comme « son père » le soidisant Dieu biblique, c’est-à-dire Yahvé. Il n’est pas vrai qu’il existe « une » tradition reconnue et universellement acceptée. Il n’est pas vrai que les traditions sont garantes de vérité, car elles se contredisent souvent mutuellement. Il ne s’agit pas de vérités absolues, mais de constatations qui surgissent de la lecture du texte. Donc, en résumé, ceux qui souhaitent connaître la vérité sur Dieu et sur les mondes spirituels doivent la chercher. Voilà, parmi d’autres, les contenus inacceptables que j’ai relevés au cours d’années de travail. Voilà, parmi d’autres, les contenus que j’illustre dans mes livres. Voilà, parmi d’autres, les contenus que, comme je l’ai écrit précédemment, les théologiens massorètes hébreux ont probablement voulu ou peut-être dû occulter pour ne pas courir le risque de voir leur peuple
anéanti. Épisode qui s’est tenu entre les VIe et IXe siècles ap. J.-C. Au cours des siècles suivants, le mysticisme exprimé dans divers courants a continué à recouvrir d’un épais brouillard ces vérités inacceptables et dangereuses. Vu le contexte historique, je peux le comprendre. Cependant, au XXIe siècle, les conditions culturelles et sociales ont profondément évolué : ceux qui « savent » ont le devoir de commencer à parler. J’ai pu constater avec plaisir que – entre autres suite à mes précédents ouvrages – certains se mettaient à s’y résoudre, même sur des sujets épineux. La voie a été ouverte. Il ne reste qu’à la suivre, armé des recherches et des vérifications indispensables.
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Notes 1 Non c’è creazione nella Bibbia, Uno Editori, 2012, traduction française, Il n’y a pas de création dans la Bible, Macro Éditions. NdT. 2 Respectivement : Di quanto è connesso alla presenza o al culto della divinità ; che si riferisce, che appartiene alla divinità ; che riguarda la religione ; che appartiene alla divinità, che partecipa della potenza divina. NdT. 3 Les éditions Atlantes, 2014. 4 Nouvelle Terre, 2014. 5 Association internationale des « Conservative rabbis », mouvement confessionnel majeur du judaïsme (massorète). L’association RA a été fondée en 1901 dans l’intention de formuler l’idéologie, les programmes et les pratiques du « mouvement conservateur ». NdT. 6 Méthode d’exégèse herméneutique parmi les quatre dites Pardès et commentaire proprement dit. NdT. 7 Sauf mention contraire, la traduction des citations bibliques est celle de la Bible de Louis Segond. NdT. 8 JTS, établissement privé d’enseignement supérieur religieux, parmi les centres universitaires majeurs du mouvement massorti. NdT. 9 L’auteur le cite un peu plus loin. NdT. 10 L’ange de l’Éternel avança l’extrémité du bâton qu’il avait à la main, et toucha la chair et les pains sans levain. Alors il s’éleva du rocher un feu qui consuma la chair et les pains sans levain. Et l’ange de l’Éternel disparut à ses yeux. Gédéon, voyant que c’était l’ange de l’Éternel, dit : Malheur à moi, Seigneur Éternel ! car j’ai vu l’ange de l’Éternel face à face… (Juges 6:21-22). NdT. 11 Ancient Israel. A New History of Israelite Society, Sheffield Academic Press, 1988. Format Kindle chez Bloomsbury T&T Clark, 2015. Ouvrage non traduit en français. NdT. 12 « Hénoc marcha avec Dieu ; puis il ne fut plus, parce que Dieu le prit ». NdT. 13 « J’avais dit : Vous êtes des dieux, Vous êtes tous des fils du Très-Haut. Cependant vous mourrez comme des hommes. » (82:6-7). 14 Bibliothèque numérique en ligne dédiée à l’étude de la Bible (www.logos.com). Une
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mauvaise adaptation en français existe sous le nom mal traduit de « Blogue (sic) français de logos » (https://francais.logos.com). NdT. Ce que la Bible de Louis Segond rend par : « Les cieux célèbrent tes merveilles, ô Éternel ! Et ta fidélité dans l’assemblée des saints. Car qui, dans le ciel, peut se comparer à l’Éternel ? Qui est semblable à toi parmi les fils de Dieu ? (c’est nous qui soulignons). NdT. www.utetlibri.it/ebooks/i-manoscritti-di-qumran-aa-vv-9788841892688. « Et l’Éternel dit à Moïse : Dis aux enfants d’Israël : Vous êtes un peuple au cou roide ; si je montais un seul instant au milieu de toi, je te consumerais. ». NdT. www.ancient-hebrew.org. Virtualbookworm.com Publishing, 2005. Ouvrage non traduit en français. NdT. « Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme qui repose sur ton sein, ou ton ami que tu aimes comme toi-même, t’incite secrètement en disant : Allons, et servons d’autres dieux ! – des dieux que ni toi ni tes pères n’avez connus, d’entre les dieux des peuples qui vous entourent, près de toi ou loin de toi, d’une extrémité de la terre à l’autre – tu n’y consentiras pas, et tu ne l’écouteras pas ; tu ne jetteras pas sur lui un regard de pitié, tu ne l’épargneras pas, et tu ne le couvriras pas… ». NdT. Israël s’attacha à Baal-Peor, et la colère de l’Éternel s’enflamma contre Israël. L’Éternel dit à Moïse : Assemble tous les chefs du peuple, et fais pendre les coupables devant l’Éternel en face du soleil, afin que la colère ardente de l’Éternel se détourne d’Israël… NdT. www.youtube.com/watch?v=2w-ueOLC7rI, pour lecteurs italophones. Qu’exprime la Bible de Louis Segond en ces termes : « Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité. » (Genèse 6:4). NdT. Resurrezione reincarnazione. Favole consolatorie o realtà? Una ricerca per liberi pensatori (Fables consolatoires ou réalité ? Une recherche pour penseurs libres), Uno Editori, 2009. « Garde-toi de faire alliance avec les habitants du pays, de peur que, se prostituant à leurs dieux et leur offrant des sacrifices, ils ne t’invitent, et que tu ne manges de leurs victimes; 16 de peur que tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et que leurs filles, se prostituant à leurs dieux, n’entraînent tes fils à se prostituer à leurs dieux. 17 Tu ne te feras point de dieu en fonte. Tu observeras la fête des pains sans levain ; pendant sept jours, au temps fixé dans le mois des épis, tu mangeras des pains sans levain, comme je t’en ai donné l’ordre, car c’est dans le mois des épis que tu es sorti d’Égypte. Tout premier-né m’appartient, même tout mâle premier-né dans les troupeaux de gros et de menu bétail. 20 Tu rachèteras avec un agneau le premier-né de l’âne ; et si tu ne le rachètes pas, tu lui briseras la nuque. Tu rachèteras tout premier-né de tes fils ; et l’on ne se présentera point à vide devant ma face. 21 Tu travailleras six jours, et tu te
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reposeras le septième jour ; tu te reposeras, même au temps du labourage et de la moisson. Tu célébreras la fête des semaines, des prémices de la moisson du froment, et la fête de la récolte, à la fin de l’année. 23 Trois fois par an, tous les mâles se présenteront devant le Seigneur, l’Éternel, Dieu d’Israël » (Bible de Louis Segond). NdT. « Tu me donneras le premier-né de tes fils. » « Sanctifiez mes sabbats, et qu’ils soient entre moi et vous un signe auquel on connaisse que je suis l’Éternel, votre Dieu. 21 Et les fils se révoltèrent contre moi. Ils ne suivirent point mes préceptes, ils n’observèrent point et n’exécutèrent point mes ordonnances, que l’homme doit mettre en pratique, afin de vivre par elles, et ils profanèrent mes sabbats. J’eus la pensée de répandre sur eux ma fureur, d’épuiser contre eux ma colère dans le désert. » NdT. Jews for the Preservation of Firearms Ownership. Cette organisation états-unienne défend, au nom du deuxième amendement de la constitution des États-Unis, la reconnaissance du « droit naturel » de détenir et de porter une arme. Son logo prend la forme d’une étoile de David aux couleurs de l’Union Jack, encadrée par un fusil. NdT. Comprendre : détruisîmes tout ce qui s’y trouve. NdT. Sagesse de Salomon en version grecque, livre de l’Ancien Testament, reconnu par les catholiques et les orthodoxes, mais ni par l’Église protestante ni par le judaïsme. Ce « Séminaire théologique reformé » a été fondé en 1966 par des forces conservatrices de l’Église presbytérienne des États-Unis. Il compte des campus à travers le pays. NdT. « Adam connut encore sa femme ; elle enfanta un fils, et l’appela du nom de Seth, car, dit-elle, Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel, que Caïn a tué. Seth eut aussi un fils, et il l’appela du nom d’Hénoch (Enosch). C’est alors que l’on commença à invoquer le nom de l’Éternel » (Gn 4:25-26). NdT. Au bout de quelque temps, Caïn fit à l’Éternel une offrande des fruits de la terre ; et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L’Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande » NdT.
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COLLECTION
AUTEUR & TITRE
SCIENCE ET CONNAISSANCE ITALO PENTIMALLI ET J.L. MARSHALL, Le pouvoir du cerveau quantique : comment faire exploser le potentiel caché de votre cerveau MASSIMO TEODORANI, Synchronicité : le rapport entre physique et psyché de Pauli et Jung à Chopra RICHARD BARTLETT, Matrice énergétique : la science et l’art de la transformation SAVOIRS ANCIENS
MAURO BIGLINO, Il n’y a pas de création dans la Bible. La Genèse nous raconte une autre histoire ENSITIV, Le manuel de survie après la mort. Expériences d’un voyageur astral ZECHARIA SITCHIN, Guerres des dieux, guerres des hommes : les surprenantes origines de l’humanité et des « dieux » qui détruisirent la première civilisation ZECHARIA SITCHIN, CosmoGenèse : les preuves scientifiques de l’existence de la planète cachée à l’origine de l’humanité ZECHARIA SITCHIN, Le livre perdu du dieu Enki. Mémoires et prophéties d’un dieu extraterrestre ZECHARIA SITCHIN, Rencontres avec le divin. Une explication des visions, des anges et autres émissaires ZECHARIA SITCHIN, Quand les géants dominaient sur Terre. Dieux, demi-dieux, et ancêtres de l’Homme : la preuve de notre ADN extraterrestre
VÉRITÉS CACHÉES
MARCO DELLA LUNA ET PAOLO CIONI, NeuroEsclaves DAVID ICKE, Le Guide David Icke de la conspiration
mondiale DAVID ICKE, Race humaine, lève-toi ! Le lion s’est réveillé DAVID ICKE, L’illusion de la réalité. Les révélations les plus complètes jamais écrites sur l’humanité
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Du même auteur MAURO BIGLINO Il n’y a pas de création dans la Bible La Genèse nous raconte une autre histoire La Bible parle-t-elle vraiment de la création du Ciel et de la Terre, ou, dès le premier verset de la Genèse, nous raconte-t-elle une autre histoire ? La Bible parle-t-elle de génie génétique ? Pour créer Ève, les Elohim ont-ils pratiqué une intervention chirurgicale ? A-t-on vraiment pris une côte à Adam ? Adam et Ève sont-ils vraiment les ancêtres de l’humanité ? Comment l’El dénommé Yahweh se déplaçait-il ? Le kevod et le ruach étaient-ils réellement la « gloire » et « l’esprit », ou s’agissait-il plutôt de moyens technologiques ? L’Arche d’alliance était-elle un simple coffre ou bien une arme et un moyen de communication radio ? Les Elohim géraient-ils des campements ? Pourquoi l’or des Juifs intéressait-il Yahvé et Moïse ? © 2016 Macro Éditions
Dans la même collection ENSITIV Manuel de survie après la mort Expériences d’un voyageur astral Un livre qui parle des études et des expériences faites par l’auteur lors de ses voyages dans la dimension astrale. La mort réunit tout le monde, mais le type de mort divise et dirige les âmes, et il est opportun de savoir, tant que nous sommes incarnés, ce que nous rencontrerons à l’instant fatidique qui marque la fin de la vie terrestre. Un livre simple et plein de conseils pratiques, où la philosophie complexe des doctrines spirituelles est mise de côté, pour donner à quiconque la possibilité de découvrir le processus de transformation qui suit la mort. © 2016 Macro Éditions
Dans la même collection ZECHARIA SITCHIN La Fin des Temps « Reviendront-ils ? Et si oui, quand ? » Les deux questions – et leurs réponses – qu’attendaient depuis 27 ans les millions de lecteurs des Chroniques terriennes de Zecharia Sitchin de par le monde. « Ils », les Anunnaki. Les dieux créateurs de l’homme. À l’issue de sa vie sur la planète Terre qu’il connaissait si bien pour l’avoir explorée en tout sens, ce chercheur iconoclaste disparu à 90 ans signe son treizième et ultime livre depuis La douzième planète, tous consacrés à une seule thèse, obsédante, passionnante, révoltante, inouïe : sommes-nous, en tant qu’êtres humains, le fruit d’une manipulation génétique, orchestrée il y a près de 300 000 ans par les « dieux » qui vivent sur la « douzième planète », géante et excentrée, du système solaire, Nibiru ? « Reviendront-ils ? Et si oui, quand ? » Sitchin répond à ces deux questions dans l’ultime chapitre de ce livre synthèse qui rassemble tout le savoir qu’il a accumulé pendant tant d’années, en journaliste et en scientifique. Il a voulu faire de La Fin des Temps le point d’orgue de sa quête dont l’establishment scientifique et les pouvoirs politiques ne veulent pas entendre parler. © 2011 Macro Éditions
Dans la même collection ZECHARIA SITCHIN Le Livre perdu du dieu Enki Mémoires et prophéties d’un dieu extraterrestre Les Chroniques terriennes, série à succès de Zecharia Sitchin, nous ont dévoilé la genèse de l’humanité manipulée génétiquement par les Anunnaki, « ceux qui des cieux sont venus sur la Terre », telle qu’elle fut rapportée sur d’anciennes tablettes d’argile et autres objets sumériens. Dans Le Livre perdu du dieu Enki, nous découvrons cette saga sous un angle différent à travers le récit autobiographique très élaboré du seigneur Enki, un dieu anunnaki, qui relate l’arrivée sur Terre de ces extraterrestres depuis Nibiru, la douzième planète. Le but de leur colonisation : l’or qui permettrait de régénérer l’atmosphère mourante de leur planète d’origine. La découverte de ce métal précieux se solde par la création de l’Homo sapiens (la race humaine) par les Anunnaki pour extraire cette importante ressource. Dans ses précédents travaux, Sitchin a rédigé l’histoire complète de l’impact des Anunnaki sur la civilisation humaine en temps de paix comme en temps de guerre à partir de fragments dispersés dans des sources sumériennes, akkadiennes, babyloniennes, assyriennes, hittites, égyptiennes, cananéennes et israélites : les « mythes » de tous les peuples de l’Antiquité dans le Vieux Monde comme dans le Nouveau. Mais ces comptes rendus ne nous livraient pas la perspective des Anunnaki. Comment était la vie sur leur planète ? Quels motifs les ont poussés à s’établir sur Terre, et qu’est-ce qui les a éloignés de leur terre d’adoption ? © 2011 Macro Éditions
Dans la même collection ZECHARIA SITCHIN CosmoGenèse Les preuves scientifiques de l’existence de la douzième planète ! Il existe un douzième corps céleste au-delà de Pluton dans le système solaire (en comptant le Soleil et la Lune), et cette planète est habitée. Zecharia Sitchin, dès 1976, reconstitue la « genèse » véritable des hommes. Avec CosmoGenèse, il entreprend d’en rapporter les preuves scientifiques. • Les Sumériens décrivent l’existence d’une douzième planète en plus des dix autres (avec le Soleil et la Lune), habitée par les Anunnaki venus coloniser la Terre dans un très lointain passé. Ils décomptaient déjà neuf planètes, quand l’astronomie moderne n’a « découvert » qu’en 1930 la neuvième, Pluton (déclassée en planète naine en 2006). • Les théories modernes de la formation de la Terre et de sa « Lune » valident le « scénario » des collisions multiples décrites par les scribes sumériens. • L’astronomie sumérienne décrit Neptune comme une géante « vert-bleu », aquatique : Voyager 2 en a rapporté la preuve en 1989 ! • Les étapes bibliques de l’apparition de la vie sur Terre, illogiques jusqu’alors, trouvent leur confirmation dans la réévaluation scientifique actuelle des biologistes. • Les deux « genèses » expliquent la création de « l’Adam » (l’homme) et le décryptage récent de l’ADN la corrobore : l’homme est apparu « soudain » sur terre ! La science officielle sait qu’elle ne fait que redécouvrir un savoir légué par nos créateurs. Mais elle le nie farouchement, par peur des consequences d’une telle révélation. Et vous, êtes-vous prêt, au moment où, en 2016, des astrophysiciens américains confirment l’existence, dans le système solaire, d’une planète géante, la planète X ? © 2012 Macro Éditions
Aux lecteurs de MACRO ÉDITIONS
Ce livre est publié dans la collection « SAVOIRS ANCIENS » de Macro Éditions. Il est également disponible en version e-book sur le site www.macroeditions.com
À vous tous qui recherchez de nouvelles techniques pour mieux vivre et ressentir un bien-être plus profond… À vous tous qui désirez réaliser vos rêves… À vous tous qui êtes ouverts à l’innovation, prêts à remettre en question vos convictions et à changer vos habitudes les plus ancrées… … Macro Éditions dédie ses livres. Macro Éditions traite sans tabous les sujets au cœur de l’actualité, tous ceux qui correspondent à vos attentes : spiritualité ; métamorphose du « soi » ; santé du corps, de l’âme et de l’esprit ; nouvelle science et sagesse antique. Vous trouverez l’art de guérir et sa multiplicité de moyens. Et cela grâce à l’enseignement des plus grands maîtres dont notre maison d’édition se fait le porte-parole. Venez découvrir notre catalogue complet sur notre site
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Notice bibliographique La Bible n’est pas un livre sacré / Cesena - Italie : Macro Éditions et Uno International, 2016 176 p. ; 20,5 cm (Savoirs Anciens) Titre original : La Bibbia non è un libro sacro. Il grande inganno, Mauro Biglino Traduction d’Orsola Gelpi ISBN 978-88-9319-088-6