Histoire des conciles oecuméniques, Tome II : Éphèse et Chalcédoine (431 et 451)  
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Zitiervorschau

HISTOIRE

DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES

2

Publiée sous la direction de

GERVAIS DUMEIGE, S. J.

P.-TH. CAMELOT, O.P.

Profisseur aux Facultis Dominicaines

du Saulchoir

ÉPHÈSE

ET

CHALCÉDOINE

PARIS

ÉDITIONS DE L'ORANTE

v. v

Nthtl obstat

Paris, 29 avril 1961

Fr. Ch. V. Héris, 0. P.

Maître en Théologie

Fr. I. Mennessier, 0. P.

Lecteur en Théologie

Imprtmi potest Imprimatur

Paris, 29 avril 1961 Paris, 2 mai 1961

Fr. J. Kopf, O. P. J. Hottot,

Provincial vie. gén.

- 1962 bg Editions de VOrante, Paris

.:

INTRODUCTION

LES CONCILES DU Ve SIÈCLE

ET LE PROBLÈME CHRISTOLOGIQUE

Dans l'histoire du développement du dogme chrétien, le

iV siècle apparaît comme l'ère des grandes controverses trini-

taires. A l'erreur d'Arius qui, selon une vue familière à la pensée

hellénistique, faisait du Verbe (Logos) la première créature de

Dieu, intermédiaire entre le Père et le monde créé, l'Église

répond en affirmant au concile de Nicée (325) que le Verbe

est consubstantiel au Père, éternel comme lui, égal à lui en

toutes choses. Plus tard, le même problème se posant au sujet

du Saint-Esprit, le concile de Constantinople (381) condamne

les macédoniens ou « pneumatomaques » (= adversaires de

l'Esprit). Les grandes lignes du dogme trinitaire sont désormais

fixées de façon immuable. En même temps l'institution conci-

liaire, depuis longtemps traditionnelle dans l'Église, prend un

relief nouveau : à Nicée pour la première fois, se rassemblent,

sur l'ordre de l'empereur, les évêques de « toute la terre habi-

tée » ; c'est le premier concile œcuménique. Pour l'histoire, les

institutions, la théologie même de l'Église, il devait avoir une

importance décisive.

Le V siècle verra se développer aussi une longue controverse

au sujet d'un autre mystère, le mystère du Christ, Verbe fait

chair, Dieu et homme. De l'un à l'autre de ces deux mystères,

et des problèmes qu'ils posent à la conscience chrétienne, il y a

un enchaînement qui n'est pas accidentel. Le Verbe éternel,

immuable, impassible, s'est fait homme dans le temps, soumis

à toute la condition humaine, à la souffrance et à la mort. C'est

! 398

8 INTRODUCTION

là une des affirmations fondamentales de la foi chrétienne,

nettement formulée déjà à Nicée : « Un seul Seigneur, Jésus-

Christ, le Fils de Dieu... qui, pour nous les hommes et pour

notre salut, est descendu et s'est incarné, et s'est fait homme,

a souffert et est ressuscité...» (FC 2). De même que tout à

l'heure il fallait tenir à la fois la distinction entre le Père et le

Fils, et leur égalité dans l'unique nature divine, de même main-

tenant faut-il tenir l'unité du Christ en ses deux natures, affir-

mer qu'il est à la fois Fils de Dieu et Fils de Marie, et pourtant

qu'il n'y a qu'un seul Fils, confesser qu'il est un, et qu'il est

vrai Dieu et vrai homme. A ce double mystère répondront deux

erreurs, celle de Nestorius, qui compromet dangereusement

l'unité du Christ, puis, en sens inverse, celle d'Eutychès, qui

risque d'absorber l'humanité dans la divinité. Successivement,

le concile d'Éphèse (431) condamne Nestorius en enseignant

qu'il n'y a qu'une personne du Christ, et celui de Chalcédoine

(451) condamne Eutychès et définit que le Christ est un en deux

natures, Dieu parfait et homme parfait.

Cette présentation est évidemment très schématique : en fait,

les choses ont été beaucoup moins simples. Il a fallu de longs

efforts pour clarifier et unifier le vocabulaire théologique, les

mots et les concepts mêmes de nature et de personne, que les

parties en présence n'entendaient pas toujours dans le même

sens. Et de plus, — on serait tenté de dire : et surtout, — ce

labeur théologique ne s'est pas accompli dans le calme et le

silence du cabinet, mais dans l'agitation et les remous de vio-

lentes polémiques, dans un contexte historique très humain :

ambitions et rivalités personnelles, oppositions entre les grandes

métropoles ecclésiastiques, intervention de l'empereur, qui pèse

lourdement sur le concile ; séances conciliaires qui dégénèrent

en de scandaleuses bagarres, dépositions d'évêques, emprison-

nements, exils ; discussions qui tournent bientôt en schismes

menaçant l'unité de l'empire et l'unité de la foi...

Nous sommes très bien renseignés sur toute cette histoire,

beaucoup mieux que sur celle du concile de Nicée. Nous ne

INTRODUCTION 9

disposons pas seulement des récits des historiens anciens,

Socrate, Théodoret, Evagre le Scholastique, mais nous avons

conservé les Actes des conciles d'Éphèse et de Chalcédoine,

procès-verbaux des séances, qui nous donnent une image très

vivante de ces assemblées, des interventions, des discussions,

des cris même et des injures qu'échangent ces vénérables

évêques ... Ajoutons que nous possédons aussi une masse impo-

sante de lettres, de discours, de traités théologiques ou polé-

miques qui donnent à toute cette histoire si agitée son arrière-

plan et comme sa profondeur doctrinale et spirituelle. Car si

l'historien ne peut pas fermer les yeux sur les passions ou les

intérêts qui mènent les hommes, ni sur les incidents à travers

lesquels se poursuit le pèlerinage terrestre de l'Église, il doit

savoir ne pas se laisser hypnotiser par ces petits côtés de l'his-

toire, et regarder de plus haut, sous peine de n'avoir du dérou-

lement des événements qu'une vue trop étroite et partielle, pour

ne pas dire partiale. Fabrice del Dongo n'est peut-être pas le

meilleur juge de l'importance de la bataille de Waterloo.

Ainsi faudra-t-il, au cours de cette histoire, montrer les dif-

férents courants doctrinaux qui s'affrontent, marquer les étapes

successives du progrès dogmatique, et rappeler en même temps

la signification religieuse des questions soulevées, qui engagent

tout le mystère de notre salut. Il faudra indiquer les incidences

des conciles sur la vie de l'Église, le développement de l'insti-

tution conciliaire elle-même, le rôle joué par l'évêque de Rome,

et l'autorité grandissante du Siège Apostolique. Il faudra mettre

en bonne lumière les grandes figures de saint Cyrille et de

saint Léon... Il faudra enfin, et surtout, ne pas oublier la

présence invisible du Christ et de son Esprit au sein de ces

assemblées d'évêques : « Spiritus sancti testatur praesentiam

congregatio sacerdotum », écrit le pape Célestin au concile

d'Éphèse. Derrière les hommes qui s'agitent, il faut voir, comme

en filigrane, le Christ présent dans son Église jusqu'à la fin des

temps, et ne cessant, au cours de l'histoire, de la conduire et de

l'animer.

NOTES

Les notes explicatives et les références aux auteurs modernes sont en

bas de pages, appelées dans le texte par un ou plusieurs astérisques. Les

appels numériques renvoient uniquement aux sources anciennes : ces réfé-

rences ont été reportées pages 183-188.

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AAS Acta Apostolicae Sedis (Rome, 1909 sv.)

ACO Acta Concillorum Oecumenicorum (éd. E. Schwartz, Berlin,

1914 sv.).

Dans nos références à cette édition, le chiffre romain en grandes

capitales indique le Tome (I pour Éphèse, II pour Chalcédoine) ;

le chiffre romain en petites capitales (n, m) le volume ; le chiffre

arabe en italique, éventuellement, le fascicule ; le chiffre arabe

ordinaire la page : I, n, 3, 15 = Tome I, vol. II, fasc. 3, p. 15.

DTC Dictionnaire de Théologie Catholique (Paris, 1903 sv.)

DZ Enchtrtdion Symbolorum ... (de H. Denzinger).

FC La Foi Catholique ... (de G. Dumeige, Paris, 1961)

MANSI J. D. Mansi, Sacrorum Concillorum nova et ampltsstma collectto

(Florentiae, 1759 sv.)

PG Patrologla Graeca (éd. J. P. Migne, Paris, 1857-66)

PL Patrologla Latina (éd. J. P. Migne, Paris, 1878-90)

SC Sources chrétiennes (Paris, 1942 sv.)

Chalkedon Das Konzil von Chalkedon (Wurzburg, 1952-54)

ÉPHÈSE

CHAPITRE PREMIER

LES ANTÉCÉDENTS DOCTRINAUX ET

SPIRITUELS DU CONCILE

La Theotokos : Marie, Mère de Dieu

Vers la fin de l'année 428, l'Église de Constantinople, dont

Nestorius avait été le 10 avril élu patriarche, fut agitée par une

querelle dont nul ne pouvait prévoir qu'elle aurait de si lourdes

conséquences. Le nouveau patriarche, qui déployait contre les

hérétiques un zèle bruyant, s'en prit en effet aussi aux chrétiens

dont la piété aimait à vénérer Marie, la mère de Jésus, sous le

titre de Theotokos, Mère de Dieu. Il laisse prêcher et se met à

prêcher lui-même contre ce vocable : car enfin, « Dieu a-t-il une

mère ? » 1. Dans la capitale, on commence à s'émouvoir. Mais

Nestorius insiste, en se défendant assez lourdement : il accepte-

rait qu'on appelât Marie Theodokos, * celle qui a reçu Dieu »,

mais non Theotokos, « celle qui a engendré Dieu » : seul en effet

Dieu le Père a engendré Dieu 2. Ne serait-il question que d'un

mot, voire d'une seule lettre ?

Ce vocable, Theotokos, était pourtant de longue date tradi-

tionnel dans le langage chrétien. Sans parler d'un papyrus qui

nous a conservé « l'antienne mariale grecque la plus ancienne »,

où l'on entend déjà notre Sub Tuum et l'invocation à la Theo-

tokos, sancta Dei genitrix *, le mot se lit chez Origène, Ale-

* P. F. Mercenier, L'antienne mariale grecque la plus ancienne, dans

Le Muséon, 52 (1939), 229-253. Voici ce texte : « Sous la protection de ta

miséricorde nous nous réfugions, ô Mère de Dieu : ne repousse pas nos

prières dans le besoin, mais du danger délivre-nous, toi, la seule pure

et la bénie ». Le papyrus pourrait remonter au IIP siècle.

14 ËPHÈSE

xandre d'Alexandrie, saint Athanase, Eusèbe de Césarée, saint

Cyrille de Jérusalem, saint Épiphane, Didyme d'Alexandrie...

Déjà Julien l'Apostat remarquait que « les chrétiens ne cessent

pas d'appeler Marie Theotokos » 3, et saint Grégoire de Nazianze

résumait une tradition déjà longue quand il écrivait : « Si quel-

qu'un pense que sainte Marie n'est pas mère de Dieu, il est

en dehors de la divinité... » 4. Comme on le voit par les noms

que nous venons de citer, le terme semble d'origine alexandrine ;

mais il s'était répandu en dehors de l'Égypte, jusqu'à Constan-

tinople et même en Syrie : Jean, patriarche d'Antioche et ami

de Nestorius, lui écrira bientôt que ce mot a été « composé,

écrit, prononcé par de nombreux pères » B.

C'est donc à la piété et à la foi traditionnelles que s'opposait

Nestorius. Il ne s'agit pas seulement d'une question de mots

ni d'une querelle d'évêques. Comme le révèle la lecture des dis-

cours et des écrits de Nestorius, c'est toute une théologie de

l'incarnation qui est ici engagée.

Le problème avait d'ailleurs de lointains antécédents et il

importe de les rappeler brièvement pour qu'apparaisse l'impor-

tance du débat qui s'ouvre.

Le mystère de Tunité du Christ.

Jésus-Christ est Dieu et homme ; il est le fils de Marie, « issu

de la lignée de David selon la chair » ; mais aussi il a été « établi

Fils de Dieu avec puissance selon l'Esprit de sainteté » (Rm 1,

3-4) ; le Verbe s'est fait chair (Jn 1, 14) ; « étant de condition

divine ..., il a pris condition d'esclave, il est devenu semblable

aux hommes » (Phil 2, 6-7). On pourrait multiplier les textes

du Nouveau Testament, des évangiles comme des écrits apos-

toliques, qui montrent à l'envi que l'unique Fils de Dieu est

aussi, le même, homme en tout semblable à ses frères (Héb 2,

17) : le Jésus de la crèche et de la croix est le Verbe qui était

au commencement près de Dieu, le fils unique du Père, Dieu

lui-même béni éternellement (Rm 9, 5).

Tel est le donné primordial de la foi, auquel fait écho dès

ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 15

les premiers jours l'enseignement des Pères *, qui le défendent

contre toute interprétation maladroite par où serait compro-

mise la divinité du Christ. Au début du me siècle, l'auteur incon-

nu qui écrit contre Artémon, un des premiers représentants de

l'adoptianisme, rappelle les écrits de Justin, de Miltiade, de

Tatien, de Clément et de beaucoup d'autres, dans lesquels on

dit que le Christ est Dieu. Et il continue : « Quant aux livres

d'Irénée, de Méliton et des autres, qui donc les ignore ? Et

tant de psaumes et de cantiques, écrits par les frères dans la

foi depuis les premiers temps, et qui chantent le Verbe de Dieu,

le Christ, en disant qu'il est Dieu ! » e.

Aussi, après trois siècles de vie chrétienne, trois siècles de

réflexions et de controverses, le concile de Nicée (325) pouvait-

il confesser la foi « en un seul Dieu, le Père tout-puissant..., et

en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils de Dieu ..., qui pour

nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu et s'est

fait chair, s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troi-

sième jour, est monté aux cieux ...»**.

C'est le même Jésus-Christ, qui est Fils unique du Père, et

qui, s'étant incarné et fait homme, est né de la Vierge Marie,

a souffert, est mort et ressuscité. Un seul Jésus-Christ, Dieu et

homme, voilà l'essentiel de la foi chrétienne, formulée désormais

en un document solennel, écho de la profession de foi baptis-

male, auquel par la suite on ne manquera jamais de se référer

comme à la règle authentique de la foi : la « Foi de Nicée »

est la foi de l'Église ***.

* « Il n'y a qu'un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et in-

engendré, venu en chair, Dieu, dans la mort vie véritable, (né) de Marie

et (né) de Dieu, d'abord passible et maintenant impassible, Jésus-Christ

notre Seigneur » (Ignace d'Antioche, Êph. 7, 2 ; SC 10, 74-76).

** Nous citons le Credo de Nicée tel qu'il a été promulgué au Concile

(DZ 54, FC 2) : notre texte liturgique, appelé traditionnellement « Symbole

de Nicée-Constantinople », en est un remaniement ultérieur, dont l'origine

précise est encore controversée.

*** Voir notre article Symboles et Magistère, dans Divinitas, 5 (1961),

607-622.

16 ËPHÈSE

Mystère et problèmes.

Mais il est naturel que la pensée chrétienne réagisse devant

ce mystère, cherche à en « rendre raison » (cf. I P 3, 15), et

à l'exprimer intelligiblement en des formules qui le cernent du

plus près possible. Il serait intéressant de suivre en tous leurs

méandres les progrès et les développements du dogme de lin-

carnation ; nous n'en retiendrons ici que ce qui est nécessaire

pour comprendre les antécédents du concile d'Éphèse, et les

péripéties du concile lui-même.

Qui ne voit que ce mystère peut être abordé en deux sens

opposés ? Le Verbe s'est fait chair, le même Jésus-Christ est

homme et Dieu. On peut contempler d'abord l'unité du Verbe

fait chair, pour regarder ensuite la chair qu'il a assumée. On

peut aussi, dans le Christ, considérer séparément le fils de

Marie et le fils de Dieu, et se demander ensuite comment ces

deux ne font qu'un seul Christ. Christologie unitaire, christologie

dualiste ; l'une part d'en haut, comme le Prologue de saint

Jean, du Verbe qui était en Dieu et qui s'est fait chair : l'autre,

si l'on ose dire, part d'en bas, du réalisme humain de l'Évan-

gile. Toutes les deux trouvent dans le donné évangélique un

point d'appui et une justification. Toutes les deux sont légi-

times.

A une condition cependant : si elles s'expriment en formules

unilatérales, en systèmes qui excluent l'autre face du mystère,

ces théologies, légitimes au point de départ, deviennent des

erreurs. On peut ainsi distinguer en Jésus l'homme et le Dieu,

au point de les séparer, et de « diviser le Christ ». On peut

aussi, considérant avant tout l'unité du Verbe Incarné, risquer,

sinon de revenir au docétisme des premiers siècles qui ne

reconnaissait au Christ que l'apparence d'un corps humain, du

moins de méconnaître en quelque façon l'intégrité de la chair

qu'il a revêtue pour notre salut. Entre la vérité et l'erreur, la

frontière est souvent bien ténue...

ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 17

Christologie unitaire.

La christologie unitaire est, sans doute, celle de la plus an-

cienne tradition de l'Église. Ainsi saint Ignace d'Antioche parle-

t-il du « sang de Dieu », de la souffrance de Dieu », de « Dieu

qui a été porté dans le sein de Marie » 7. Ainsi saint Irénée,

en qui on entend la tradition des églises d'Asie, et, à travers

saint Polycarpe, l'écho de l'enseignement de saint Jean. Il se

réfère aux Évangiles : « Jean, dit-il, ne connaît qu'un seul et

même Verbe de Dieu, et ce Verbe est le Fils unique, et il

s'est incarné pour notre salut... Matthieu aussi ne connaît

qu'un seul et même Jésus-Christ ». Puis s'adressant aux gnos-

tiques : « Ainsi sont-ils tous en dehors de l'économie du salut,

ceux qui, sous prétexte de gnose, mettent d'un côté Jésus, et de

l'autre le Christ, et, distinct encore de celui-ci, le Verbe... Ils

divisent et mettent en pièces le Fils de Dieu ... ». Et ailleurs :

« Jean prêche un seul Dieu tout-puissant, et un seul Fils unique,

Jésus-Christ... lui qui s'est fait chair et habita parmi nous » 8.

Cette théologie unitaire deviendra cependant comme la théo-

logie propre de l'église d'Alexandrie. Sans parler d'Origène, dont

les formules, sinon la pensée elle-même, s'orientent ici en deux

sens différents, c'est la théologie de saint Athanase. La pensée

de 1 evêque d'Alexandrie est centrée sur le Verbe (Logos), pré-

sent dans son corps auquel il donne la vie. Dès son premier

ouvrage, Athanase exprime en termes vigoureux l'unité du

Christ : celui qui naît de la Vierge, qui mange et boit, qui

souffre et meurt, n'est pas un homme, mais le Dieu Verbe. Par

ses miracles, par sa mort et sa résurrection, « le Christ se fait

connaître comme Dieu et Fils de Dieu » 9. Pour Athanase, le

Christ c'est « Dieu qui porte une chair » (6eo{ aapxotpdpo;),

et non pas un « homme porteur de Dieu » (àvOpwxo; Ssocpdpoç) 10.

Unitaire encore sera la théologie de saint Cyrille : il nous

faudra y revenir.

On ne saurait trop souligner la valeur et la profondeur reli-

gieuse d'une telle théologie qui met en si vif relief l'unité du

Verbe Incarné ; car, s'agissant du cœur même du mystère du

18 EPHÈSE

Christ, il s'agit du tout de notre foi et de notre salut. On l'a

dit jadis en termes très heureux : « Il n'est pas peut-être de

dogme dont la valeur religieuse soit plus évidente que celui

de l'unité de la personne du Christ. Que le même soit à la fois

mon frère et mon Dieu, n'est-ce pas ce qui fait toute la joie et

toute la profondeur du christianisme ? Que le corps né de la

Vierge et pendu à la croix soit vraiment le corps de Dieu, n'est-

ce pas ce qui me prouve que je suis aimé d'un amour vraiment

infini ? Au contraire, s'il n'est pas Dieu, celui qui est né et

mort pour moi, « tout le divin secret disparaît » n, disait avec

raison saint Cyrille » *.

Le problème de Tâme du Christ.

Mais cette théologie unitaire se trouva affrontée à un pro-

blème délicat, qui devait être l'occasion de toute la querelle.

Saint Jean nous a enseigné que le Verbe s'est fait chair. Sans

doute, au sens biblique du mot, la « chair » c'est toute la nature

humaine, comme l'écrira saint Cyrille : « Ce que nous disons

de la chair, nous le disons de l'homme » 12. La chair, c'est

l'homme tout entier, corps et âme : là n'est pas la vraie diffi-

culté. Elle commence quand, partant de ce schéma : Verbe-

chair, on cherche à expliquer comment le Logos peut être uni à

une « chair ». Une explication pouvait se présenter spontané-

ment à l'esprit : le Verbe est uni à la chair comme l'âme l'est

au corps. Comme l'âme est pour le corps principe de vie, de

mouvement, d'action, ainsi le Verbe est pour la chair principe

de vie et d'opération. De même, dira saint Athanase, que le

Logos est dans le monde et donne la vie à tous les êtres, de

même le Verbe est dans le corps du Christ et le vivifie13. Au

point de départ de cette conception, il y a une anthropologie

d'inspiration stoïcienne : il est normal que la théologie recoure

* P. Rousselot, dans Christus, Paris, 1912, 1070. Pour notre part, nous

préférerions traduire mystère plutôt que secret.

ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 19

aux bons offices de la philosophie ; mais qu'adviendra-t-il si

cette philosophie n'est pas de tout point sûre et équilibrée ?

En effet, si le Verbe est dans le Christ seul principe de vie

et d'action, il tient la place de l'âme (de la psyché, âme végé-

tative, comme du nous, âme raisonnable) ; aussi pourra-t-on être

tenté de nier l'existence de l'âme humaine de Jésus. Assurément,

saint Athanase n'ira pas jusque-là : « ce n'est pas, dira-t-il au

synode d'Alexandrie de 362, un corps sans âme, sans sentiment,

sans intelligence, qu'a eu le Sauveur. Car il n'était pas possible

que le Sauveur s'étant fait homme pour nous, son corps soit

sans intelligence, et ce n'est pas le corps seul, mais l'âme aussi

qui a été sauvée dans le Verbe... Le Verbe ne s'est pas

seulement fait chair, il s'est fait homme » 14. S'il est donc vrai

que saint Athanase, dans sa construction théologique, ne fait

guère de place à l'âme humaine de Jésus, il est loin cependant

d'en nier l'existence.

Mais certains devaient en arriver là. Pour les ariens, le Logos

est inférieur au Père, il a été tiré du néant, créé dans le temps

pour être l'instrument de Dieu dans la création du monde. Il

se fait homme en prenant une chair, dont, selon la psychologie

que nous avons rappelée, il est le principe de mouvement et

d'activité : point n'est besoin dès lors de supposer au Christ

une âme humaine. C'est le Verbe lui-même qui en assume toutes

les fonctions, c'est lui aussi qui en éprouve toutes les passions,

qui naît, qui souffre et qui meurt ; il n'est ni immuable, ni

impassible * : il ne saurait donc être égal et consubstantiel à

Dieu. Ne concevant l'union du Logos à la « chair » que selon

le type de l'union de l'âme avec le corps, on ne peut admettre

que le Logos, qui ne fait avec la chair qu'une seule nature, soit

vraiment Dieu. A considérer ainsi les choses, l'arianisme serait

une erreur christologique tout autant que trinitaire **. Précisons

qu'une telle christologie n'est pas le fait d'Arius lui-même, mais

d'ariens comme Astérius d'Amasée ou Eunomius.

* Cf. l'anathématisme qui fait suite à la définition de foi de Nicée

(DZ 54, FC 3).

** Cf. A. Grillmeier, dans Chalkedon, I, 74-77.

20 ËPHÈSE

Et voici qu'un adversaire d'Arius, ami de saint Athanase et

défenseur convaincu de l'orthodoxie nicéenne, Apollinaire,

évêque de Laodicée en Syrie (361), va reprendre à son tour la

christologie arienne. Pour celle-ci, on vient de le voir, le Verbe

n'est pas Dieu, puisque dans le Christ il est sujet aux « passions »

humaines. Pour Apollinaire, Jésus de Nazareth est Dieu, puis-

qu'en lui c'est le Verbe lui-même qui naît, souffre, meurt. Le

Christ est vraiment Dieu, et non pas seulement « un homme

habité par Dieu » (àvôpwiroç i'vfko;). Aussi peut-il nous sau-

ver : « Ce n'est pas la mort d'un homme qui peut détruire la

mort ; il est donc évident que c'est Dieu lui-même qui est

mort » 15. Formules heureuses, et parfaitement orthodoxes. Mais

si Apollinaire retourne ainsi la thèse arienne, il en reprend les

présupposés et l'erreur intime.

Quelles sont les implications philosophiques de cette théo-

logie ? Apollinaire, comme les ariens, cherche l'unité du Christ,

Verbe fait chair, non pas au plan de la personne, de la subsis-

tance, mais au plan de la nature, principe de vie et d'activité.

Dans l'homme, composé d'un corps et d'une âme qui ne font

qu'une nature, il n'y a qu'un seul principe d'activité, l'âme, qui

se meut elle-même et meut le corps. De même, dans le Christ,

il n'y a qu'un seul principe d'activité, le Logos. Le Logos ne

pourrait être dans le Christ l'unique principe d'activité et de

vie, s'il y avait dans le Christ une âme raisonnable. Il faut donc

que le Verbe lui-même soit l'âme de la chair, pour s'unir à elle

en un seul être concret, une seule nature *. On peut donc parler

d'une seule nature, mia physis, du Verbe de Dieu incarné.

La théologie d'Apollinaire avait le grave inconvénient de

mutiler la nature humaine de Jésus. Nous l'avons rappelé, si

l'Écriture parle de chair, c'est pour désigner l'homme tout

entier, corps et âme. Donner au terme une précision et une

rigueur théologiques que ne comporte pas le langage biblique,

c'est être infidèle à l'Écriture elle-même ; et dans le cas présent,

* Cf. P.-Th. Camelot, dans Chalkedon, I, 240-241.

ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 21

c'est méconnaître tout le réalisme concret de l'Évangile, oublier

tout ce qu'il nous révèle de l'âme sainte, et du cœur humain

de Jésus.

Contre cette théologie, les Pères se sont plu à développer un

argument auquel nous ne sommes peut-être plus très sensibles

aujourd'hui. Il s'agit, ici encore, du tout de notre salut. En

prenant sur lui notre humanité, le Verbe déjà la sauve et la

divinise ; mais il faut qu'il prenne l'humanité tout entière, corps

et âme : car, comme dit saint Grégoire de Nazianze, « cela

seul est sauvé qui est assumé » 16. Il faut que le Verbe ait pris

un corps doué dame, de sensibilité, d'intelligence, car, nous a

dit saint Athanase, « ce n'est pas le corps seul, mais l'âme aussi

qui a été sauvée dans le Verbe ». Nier l'âme humaine de Jésus,

c'est compromettre tout le réalisme de notre salut.

Les Pères du rv* siècle réagirent vigoureusement contre

l'erreur d'Apollinaire : des lettres de saint Basile, de saint

Grégoire de Nazianze, un important traité de saint Grégoire

de Nysse, le frère cadet de saint Basile, mettent en bonne

lumière l'erreur fondamentale de l'évêque de Laodicée. Saint

Épiphane de Salamine lui fait place dans le catalogue d'hérésies

(le Panarion) qu'il compile vers 374-377. D'autre part, on a vu

le synode d'Alexandrie de 362 prendre position sur le problème

christologique, sans toutefois viser personnellement Apollinaire,

auquel saint Athanase restait lié. Des synodes romains tenus sous

saint Damase (377, 382) condamnèrent à plusieurs reprises « ceux

qui disent que le Verbe de Dieu a été dans la chair à la place de

l'âme raisonnable et intelligente de l'homme » (DZ 65 ; FC 292).

A son tour, le concile de Constantinople de 381 condamnera, et

cette fois expressément, « les Apollinaristes » (DZ 85).

Apollinaire et ses disciples n'en continuèrent pas moins à

propager leur doctrine en s'abritant sous des noms illustres :

des écrits apollinaristes furent ainsi mis en circulation sous les

noms de Grégoire le Thaumaturge, Athanase, le pape Jules.

Le procédé peut nous paraître malhonnête ; mais les anciens

étaient moins scrupuleux que nous en matière de pseudépigra-

phie ! La fraude ne sera décelée qu'au vr3 siècle, et saint Cyrille

22 ËPHÈSE

répétera comme venant de saint Athanase, la formule d'Apolli-

naire : « l'unique nature incarnée du Verbe de Dieu ». Nous y

reviendrons.

Christologie dualiste.

La théologie d'Apollinaire était strictement unitaire. Parmi

les plus vigoureux de ses adversaires, certains tenaient au con-

traire une théologie dualiste. Nous parlons ici des théologiens

d'Antioche, Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste.

Il est facile et banal d'opposer l'école d'Antioche et l'école

d'Alexandrie, le rationalisme et le mysticisme, l'exégèse litté-

rale et l'exégèse spirituelle, la christologie des deux natures

(dyophysite) et le monophysisme... Ces schèmes simples et

commodes risquent d'être parfois simplistes, et il conviendrait

sans doute de les nuancer. Quoi qu'il en soit, les deux évêques

que nous venons de citer, Diodore et Théodore, sont des exé-

gètes de grande valeur, érudits et pénétrants, soucieux du sens

littéral des textes et de leur portée théologique. Pour l'église

syrienne, Théodore de Mopsueste est « l'interprète » par excel-

lence. On n'oubliera pas non plus que le plus grand des Antio-

chiens, saint Jean Chrysostome, fut le disciple de Diodore de

Tarse, et l'auteur du meilleur commentaire de saint Paul qui

ait sans doute jamais été fait.

Attentive aux réalités évangéliques, la christologie antio-

chienne prend exactement le contrepied de celle d'Alexandrie.

On pourrait, très schématiquement, exprimer cette opposition

en disant qu'Alexandrie considère d'abord le Verbe fait chair,

et Antioche l'homme-Dieu. Aussi ces théologiens réagissent-ils

vigoureusement contre Apollinaire et sa négation de l'âme du

Christ : « Ce n'est donc pas un corps seulement que le Christ

devait assumer, dit Théodore de Mopsueste, mais aussi une

âme... Nécessairement donc Notre-Seigneur prit une âme pour

que celle-ci d'abord fût sauvée du péché... C'est donc une

grande démence que celle de ne reconnaître pas que le Christ

ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 23

prit une âme...» Et d'analyser de très près la nature humaine

de Jésus, toute la richesse psychologique de son âme sainte,

habitée et mue par le Saint Esprit, ornée de grâce, de vertus,

de dons. « Il est un homme parfait, celui qui fut assumé et en

qui demeure Dieu le Verbe, — lui qui fut parfait en tout selon

la nature humaine » 17. Ainsi distingue-t-il nettement les natures,

la nature divine et la nature humaine ; et c'est là assurément un

mérite de sa théologie, qui préparait ainsi les voies à la défi-

nition de Chalcédoine.

Mais à si bien distinguer, on risque de diviser et de séparer.

A souligner la consistance de la nature humaine de Jésus, on

tend à la considérer comme une personne (prosôpon) autonome.

Et le risque était d'autant plus grand que les concepts de

nature et de personne n'avaient pas encore été élaborés avec

une précision suffisante. A vrai dire, si Diodore en venait à

parler de « deux fils », le Fils de Dieu et le fils de Marie, Théo-

dore refuse des formules de ce genre, et affirme expressément

l'unité du Christ : « L'unité de la personne ne nuit pas à la diffé-

rence des natures ». « Ainsi, il n'y a ni confusion des natures, ni

perverse division des personnes. Tenons donc sans les confondre

les caractères des natures, et sachons que la personne n'est pas

divisée ». c Vous connaîtrez quelle conjonction a pu exister en

lui (le Christ), nonobstant la différence des natures ». « Il nous

faut conserver la connaissance de cette conjonction qui jamais

ne se divise... ce n'est pas, en effet, la distinction des natures

qui anéantit la conjonction parfaite, ni cette conjonction parfaite

qui détruit la distinction des natures » 18. Cependant, et le mot

même de « conjonction » le laisse entendre, cette unité du Christ

paraît bien être le résultat de l'union des deux natures. Et c'est

ici peut-être qu'apparaît au mieux l'opposition des deux chris-

tologies : Alexandrie voit d'abord l'unique personne du Verbe

qui se fait homme, assumant une nature qui n'a pas par elle-

même de subsistance propre (Verbe-chair) ; Théodore part de

deux natures complètes (homme-Dieu), voire de deux prosôpa,

dont l'union aboutira à un prosôpon commun, celui du Christ.

Ainsi lisons-nous dans les Homélies catéchétiques : « Unique

24 ËPHÊSE

est le Fils, à cause de la conjonction exacte des natures opérée

par la volonté divine... Les livres saints parlent différemment

des natures, enseignant une seule personne (prosôpon), à cause

de la conjonction exacte qui eut lieu » 19. L'unique prosôpon du

Christ semble netre que le résultat de l'union des deux natures

si soigneusement distinguées, plutôt qu'il n'est, identiquement,

l'unique Fils de Dieu, le Verbe incarné.

Il serait inexact de faire de Théodore un hérétique, puisqu'il

est mort, en 428, dans la paix de l'Église, avant que n'éclate la

crise nestorienne : le concile d'Éphèse ne fera mention ni de

lui ni de Diodore ; mais on ne saurait méconnaître les lacunes

graves et les dangers d'une théologie qui n'a pas été capable de

donner toute sa place à l'unique personne du Verbe incarné.

Tout le nestorianisme est ici en germe, et bien qu'il faille se

défier de ces formules trop faciles, il ne serait pas exagéré de

dire que Théodore a été nestorien avant Nestorius !

Une conséquence de cette christologie est qu'elle refuse de

dire que Marie est Mère de Dieu, Theotokos. Diodore est ici

catégorique : l'homme né de Marie est devenu le Temple du

Verbe de Dieu ; donc on ne peut dire que le Verbe de Dieu

est fils de Marie. Théodore est peut-être plus nuancé, mais il

est tout aussi net dans le fond. « Quand on nous demande si

Marie est mère d'un homme (anthrôpotokos) ou mère de Dieu

(theotokos), disons que pour nous elle est l'une et l'autre, l'une

par la nature des choses, l'autre par relation. Mère d'un homme,

elle l'est par nature, puisque c'est un homme qui était dans le

sein de Marie et qui en est sorti ; mère de Dieu (elle l'est)

puisque Dieu était dans l'homme qu'elle a enfanté ... 20. « C'est

une folie de dire que Dieu est né d'une vierge... ce qui est né

de Marie, c'est l'homme » 21.

Nestorius ne parlera pas autrement ; et nous voici ramenés au

point de départ de la querelle. Le problème était grave, et essen-

tielles les valeurs religieuses qui y étaient engagées.

CHAPITRE H

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE

Nestorius, patriarche de Constantinople.

Après la mort de Sisinnius, second successeur de saint Jean

Chrysostome sur le siège de Constantinople, l'empereur Théo-

dose II, écartant deux candidats rivaux, fit monter sur le trône

patriarcal un prêtre d'Antioche, Nestorius. Une trentaine d'an-

nées plus tôt déjà, à la mort de Nectaire (397), Chrysostome lui-

même avait été appelé de la même façon à l'évêché de la capi-

tale. On sait assez peu de choses sur les antécédents de

Nestorius. Originaire de Germanicie en Syrie Euphratésienne, il

était venu à Antioche*, où il se fit moine et fut ordonné

prêtre. « Comme il avait une belle voix et parlait bien, on le

jugea capable d'interpréter les Écritures ».

Ces mots sont de l'historien Socrate, qui écrit après 439.

Cherchant visiblement à se renseigner aux bonnes sources et

à être objectif, il est sévère pour Nestorius : léger, passionné,

vaniteux, tel est, à l'entendre, le nouveau patriarche. Et il conti-

nue : « Étant naturellement beau parleur, il passait pour savant ;

en vérité, il n'avait aucune formation, et il dédaignait d'étudier

les livres des anciens interprètes. Aveuglé par sa faconde, il

ne s'appliquait pas exactement à la lecture des anciens, mais

se croyait supérieur à tous ... » 22.

* S'il est vrai que Nestorius est né après 381, il est difficile qu'il ait

été disciple de Théodore de Mopsueste, qui fut èvêque de cette ville

en 392.

26 ËPHÊSE

Harnack, qui n'est pas suspect de parti-pris contre un héré-

tique condamné par l'Église, n'est pas moins sévère : Nestorius

était « un prédicateur assez content de soi, un grand parleur,

ennemi des hérétiques, fonçant tête baissée imprudemment, et

pourtant ce n'était pas un homme vulgaire ...»*. Bref, un

honnête homme, bon orateur et beau parleur, — un certain

nombre de discours de Nestorius n'ont pas été jugés indignes de

figurer parmi les sermons attribués à saint Jean Chrysostome ! —

mais gâté par la vanité maladroite, l'impulsivité, la légèreté im-

prudente. Socrate ajoute que « ses bavardages n'ont pas laissé

d'agiter et de troubler le monde entier » 23.

Les déficiences d'une théologie.

On l'a dit, c'est le theotokos qui fut à l'origine de toute la

querelle. Non sans humour, Socrate écrit que Nestorius « crai-

gnait ce seul mot comme un épouvantail ». Et pourtant, il

s'agissait de tout autre chose que d'une question de mots, de

bien davantage que de la seule défiance du patriarche à l'égard

d'une piété qu'il jugeait mal éclairée. Marius Mercator, qui

traduisit en latin les sermons de Nestorius, remarque à propos

du premier : « Voici son premier sermon d'impiété, adressé

au peuple dans l'église ; il y tomba dans une malheureuse erreur

au sujet de l'incarnation du Seigneur » 24. C'est bien de l'incarna-

tion qu'il s'agit en fait, et de la christologie antiochienne pous-

sée à l'extrême. La vraie piété envers Marie suppose en effet

une théologie de l'incarnation.

Il n'est peut-être pas facile de parler sans parti-pris de la

théologie de Nestorius. Après la vigoureuse campagne que mena

contre lui saint Cyrille et la victoire de celui-ci à Éphèse, le

patriarche déposé fait aux yeux de certains figure de victime,

et l'on est toujours tenté de prendre parti pour la victime, de

chercher à la réhabiliter. Sans vouloir non plus noircir l'héré-

Lehrbuch der Dogmengeschichte, II, 2e éd., Tubingen, 1920, 355.

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 27

tique, ni parler, comme ses adversaires du V siècle, de ses

« impiétés » et de ses « blasphèmes », nous essaierons d'exposer

la christologie de Nestorius telle qu'elle nous paraît objective-

ment s'exprimer dans ses sermons et ses écrits ; et tout particu-

lièrement dans ceux qui déclenchèrent la crise, puisque, pour

expliquer les origines historiques et doctrinales du concile

d'Éphèse, c'est sur ces textes-là qu'il convient de s'appuyer de

préférence. Vers la fin de sa vie, à l'approche du concile de

Chalcédoine, Nestorius, exilé, écrivit une longue apologie, Le

Livre d'Héraclide de Damas* : il y justifie sa doctrine, qu'il

croit retrouver dans celle de saint Léon. Peut-être l'ouvrage

témoigne-t-il d'une certaine évolution de la pensée, ou tout au

moins du vocabulaire, mais les tendances profondes restent les

mêmes : ainsi il y conteste encore que theotokos ait jamais été

employé par les Pères ! En tout cas, ce n'est pas ce livre qui

a été condamné vingt ans plus tôt à Éphèse.

Quand Eusèbe de Dorylée (cf. p. 31) ou Marius Mercator

font de Nestorius un disciple de Paul de Samosate, lequel ne

voyait dans le Christ qu'un homme, punis homo, adopté par

Dieu, ou élevé par ses mérites à la dignité de Fils de Dieu, on

peut craindre qu'ils ne cèdent à la tentation de ranger une

doctrine nouvelle parmi les hérésies anciennes, dûment cata-

loguées et étiquetées. Des modernes ont aussi parfois cédé à

cette tentation ! En fait, Nestorius ne dit pas que le Christ

est un parus homo ; il rappelle que saint Paul nomme le Christ

« Dieu » (cf. Rm 9, 5), et qu' « il faut prêcher aux chrétiens que

le Christ est le Dieu immuable » 25. Mais, encore avec l'Écri-

ture, Nestorius veut distinguer soigneusement les deux natures :

« Partout où la divine Écriture fait mention de l'économie du

Seigneur **, elle attribue la naissance et la mort, non à la divi-

nité, mais à l'humanité du Christ. Aussi, pour parler en toute

* Retrouvé en 1910 par le P. Bedjan dans une traduction syriaque ;

trad. fr. par F. Nau (Paris, 1910) ; angl. par G. R. Driver et L. Hodgson,

(Oxford, 1925).

** Quand les Pères grecs parlent de l'économie, ils l'entendent, comme

saint Paul, du mystère de l'incarnation.

28 EPHÈSE

rigueur de termes, il faut appeler la Vierge Christotokos, mère

du Christ, et non Theotokos, mère de Dieu...» Et après une

longue suite de citations de l'Évangile, il ajoute : « Des milliers

d'autres expressions attestent à tout le genre humain que ce

n'est pas la divinité qui est née récemment, ou qui est capable

de pâtir des souffrances corporelles, mais bien la chair jointe

à la nature de la divinité » 26. « Dieu a été uni à la chair cruci-

fiée, mais il n'a pas souffert avec elle » 2T.

Aussi Marie n'a-t-elle pas engendré la divinité ; on ne peut pas

dire que la divinité a été portée neuf mois dans le sein d'une

femme, que le Verbe de Dieu a été enveloppé de langes, ni

qu'il a souffert, qu'il est mort, qu'il a été enseveli. « Je ne peux

adorer un Dieu mort et enseveli » 28. « Marie a engendré un

homme, instrument de la divinité » 29.

En distinguant aussi nettement la divinité impassible et im-

muable, et l'humanité sujette à la souffrance et à la mort, en

refusant de les confondre ou de les mélanger, Nestorius n'entend

pas pour autant les séparer. Il ne veut pas parler de « deux

fils », ni « diviser le Christ » et voir en lui « un autre et un

autre ». « Autre n'était pas le Dieu Verbe, et autre l'homme en

qui il est né » 30. Mais comment se représente-t-il l'unité du

Christ, ou plutôt, — car telle est sa perspective, — l'union des

deux natures ?

Dans le premier sermon qu'il prononça contre le theotokos,

Nestorius disait : « A cause de celui qui le porte, je vénère celui

qui est porté, à cause de celui qui est caché, j'adore celui qui

est visible. Le Dieu invisible est inséparable de celui qui est

visible, c'est pourquoi je ne sépare pas l'honneur et la dignité

de celui qui n'est pas séparé. Je sépare les natures, mais j'unis

l'adoration ... Confessons qu'il est double, et adorons-le comme

un. Il est double quant aux natures, mais un à cause de

l'unité » 31.

Ou encore : « Nous appelons Dieu le Christ selon la chair, à

cause de la conjonction qu'il a avec le Dieu Verbe, mais nous

savons que ce qui apparaît est un homme... Écoute Paul qui

prêche les deux : Des Juifs vient le Christ selon la chair, qui

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 29

est Dieu au-dessus de tout (Rm 9, 5). Il confesse d'abord

l'homme, ensuite il appelle Dieu ce qui apparaît, à cause de sa

conjonction avec Dieu, pour qu'on n'aille pas croire que le

christianisme adore un homme. Gardons donc sans les confondre

la conjonction des deux natures, confessons Dieu dans l'homme,

vénérons l'homme adoré avec le Dieu tout puissant à cause de

la divine conjonction » 82.

A lire ces textes, et beaucoup d'autres, on ne peut échapper

à l'impression que pour Nestorius l'unité du Christ reste tout

extrinsèque : unité du temple avec la divinité qui l'habite, du

vêtement avec le personnage qui le porte, de l'instrument avec

celui qui s'en sert. Jésus est appelé Dieu parce qu'il est uni

au Verbe en dignité, en autorité. Un des critiques les moins

défavorables à Nestorius parlait d'une union purement psycho-

logique *.

Si, au-delà des formules trop abruptes auxquelles l'entraînait

peut-être un zèle intempérant, on essaie de retrouver l'inspira-

tion interne de sa théologie et de la ramener à ses lignes essen-

tielles, on verra sans peine que Nestorius aborde le problème

du Christ non du côté de l'unité, mais de celui de la dualité,

et qu'il distingue fortement les natures. Par contre il n'est pas

capable de distinguer aussi nettement nature et personne; et

entendant dire que Marie est mère de Dieu, ou que Dieu a

souffert, il comprend que Marie est mère de la divinité, ou que

la nature divine a subi mort et passion, ce qu'il ne peut évidem-

ment pas admettre. Et, autre conséquence de la même confusion,

parlant de deux natures dans le Christ, il est porté à les entendre

de deux sujets autonomes, de deux personnes. La faiblesse de la

christologie antiochienne, tout comme de celle d'Apollinaire, est

de partir de la nature considérée comme un tout indépendant,

et, puisqu'il y a deux natures, d'entendre qu'il y a aussi deux

personnes.

Au vrai, le terme de prosôpon (personne) que Nestorius em-

E. Amann, dans DTC 11, 1, 151.

30 EPHÊSE

ploie volontiers, doit se comprendre moins dans le sens méta-

physique de personne subsistante, ou hypostase, que dans celui

de « personnalité », au sens où le langage moderne parle de

personnalité psychologique ou morale. Mais quand Nestorius

affirme « la distinction des natures quant à l'humanité et à la

divinité, et leur conjonction en un seul prosôpon » (seconde lettre

à saint Cyrille), on est en droit de se demander ce qu'est au

vrai ce prosôpon auquel aboutit la conjonction des deux natures.

L'unité du Christ ne serait-elle que le terme et le résultat de

la conjonction et de l'union de deux natures existant d'abord

séparément ? Un théologien anglican a caractérisé assez heureu-

sement le point faible, ou mieux le vice radical de la christo-

logie nestorienne : « Nestorius est incapable de ramener à une

unique personnalité clairement conçue les deux natures du

Christ qu'il distinguait avec un si admirable réalisme » *.

Nestorius ne voit pas que les actions et les souffrances de la

nature humaine, ou, si l'on veut, de « l'homme Jésus » doivent

être rapportées à l'unique personne du Verbe. Sa théologie dua-

liste aboutit en fait, et, quoi qu'il en ait, à mettre en péril

l'unité du Christ. E. Amann, que nous avons déjà cité, la

juge « insuffisante » et « dangereuse », il estime qu'elle diffère

« profondément de la doctrine ecclésiastique telle qu'elle s'est

fixée dans les siècles suivants, telle que déjà Cyrille en posait

les bases, telle que Chalcédoine en a fourni la première et claire

formule ». Et il ajoute : « Trop souvent on a l'impression en

lisant Nestorius (dans les fragments surtout) de marcher sur la

corde raide. Or il ne convient pas de contraindre la foi des

simples, ni même celle des théologiens, à de trop fréquents, à

de trop violents exercices d'équilibre » **. Que Nestorius ait

été vraiment nestorien, certains ont voulu le nier : c'était aller

contre l'évidence des textes.

Cette théologie heurtait vivement le sentiment chrétien, qui

sans s'embarrasser de distinctions trop subtiles pour lui, aime

* G. L. Prestige, Fathers and Heretics, London, 1940, 143.

** DTC 11, 1, 154.

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 31

à vénérer Marie comme la Mère de Dieu, et ne peut souffrir

de séparer dans le Christ l'homme et le Dieu : pour lui comme

pour l'apôtre saint Thomas, Jésus est « mon Seigneur et mon

Dieu », tout simplement. Plus encore, cette théologie compro-

met tout le mystère de notre salut. Si la chair de Jésus n'est pas

la chair de Dieu, comment peut-elle nous donner la vie éter-

nelle ? Si la mort sur la croix n'est pas la mort d'un Dieu, com-

ment peut-elle nous sauver de la mort ? Dans la controverse

qui va s'ouvrir, Mgr Duchesne, avec trop de légèreté, ne voyait

que des « exercices métaphysiques » *. Il s'agissait du tout de

notre salut.

Remous à Constantinople, à Rome et en Egypte.

Le sentiment du peuple chrétien ne s'y trompa pas. On a

déjà dit l'étonnement, voire le scandale que provoquaient à

Constantinople les prédications de Nestorius contre le theotokos.

Bientôt ce furent le trouble et l'agitation : fidèles et moines

s'opposent au patriarche, qui les repousse brutalement. Les inci-

dents se multiplient. Un jour, on peut lire, affiché sur les portes

de Sainte-Sophie, un factum (contestatio) qui met en parallèle

les affirmations de Nestorius et les thèses de Paul de Samosate ;

il accuse ouvertement le patriarche d'hérésie, et jette l'anathème

à celui qui oserait dire : « Autre est le Fils unique engendré du

Père avant les siècles, et autre celui qui a été enfanté par la

Vierge Marie, et non pas le même et unique Seigneur Jésus-

Christ » 33. Socrate remarquait déjà que ce rapprochement était

injuste 34, mais il était commode, et traduisait bien l'impression

que pouvaient faire sur les esprits les affirmations malencon-

treuses du patriarche. On disait que l'auteur de cette affiche

était un laïc, un avocat (scholasticus), Eusèbe, qui devait devenir

évêque de Dorylée.

Un peu plus tard, un jour où Nestorius prêchait sur son

thème favori, le même Eusèbe l'interrompt en pleine église :

* Histoire ancienne de l'Église, III, 324.

32 EPHÈSE

« le Verbe éternel est né dans la chair et d'une femme » ; grand

tumulte dans l'assistance, les uns approuvent bruyamment l'in-

terrupteur, les autres l'injurient ; le patriarche lui répond en

termes acérés, et s'en prend même « aux saints Pères qui nous

ont donné la définition de la vraie foi » 35.

Nestorius cependant ne se relâchait en rien de son zèle intem-

pérant contre le theotokos. Un autre jour, Proclus, évêque de

Cyzique, qui, n'ayant pu prendre possession de son siège, rési-

dait à Constantinople, prêche « dans la grande église », en

présence du patriarche lui-même. C'était à l'occasion d'une fête

(panégyrie) de la Vierge, peut-être l'Annonciation, si l'on en

croit les allusions du sermon *. En un langage éloquent, où l'on

pouvait entendre un écho des accents de Jean Chrysostome,

l'orateur avait rappelé le mystère de l'incarnation, et exalté les

grandeurs de Marie, « la sainte Mère de Dieu » : « Dieu a

habité le sein de la Vierge », « Dieu est né d'une femme » 3e.

Et plus loin Proclus ajoutait : « Le Christ n'est pas devenu

Dieu au terme d'un progrès, mais il s'est fait homme, par misé-

ricorde, comme nous le croyons. Nous ne prêchons pas un

homme divinisé, mais un Dieu fait chair ». On ne pouvait oppo-

ser avec plus de précision les deux théologies en présence.

On comprend que ces déclarations aient déplu au patriarche,

qui prit la parole à son tour, comme c'était l'usage, et répondant

directement à Proclus, mit ses auditeurs en garde contre un

excès de dévotion qui pourrait faire injure à la dignité du

Verbe de Dieu. Dire que Dieu est né de Marie, c'est prêter

le flanc à la calomnie des païens et à l'erreur des ariens : « Je

ne peux adorer un Dieu qui est né, qui est mort et a été ense-

veli » 3T.

Quand on se rappelle ce qui s'était passé à Constantinople

du temps de saint Grégoire de Nazianze ou de saint Jean

* Et s'il était assuré que cette fête ait été instituée avant le VIe siècle.

Au reste, cet incident est difficile à dater avec certitude. Schwartz

le fixe au 25 mars 430 (ACO I, i, 6, 7) ; M. Richard le repousse jus-

qu'en 431 (Mélanges de Sciences religieuses, 2 (1945), 255-258) ; G. Jouas-

sard conteste cette dernière date (dans Maria, I, 132, n. 4).

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 33

Chrysostome, on devine à quel ton pouvait monter la querelle

dans cette ville toujours prompte à s'agiter, dans ce milieu de

clercs, de moines, de dévotes et de laïques, toujours prêts à

prendre bruyamment parti pour ou contre leur patriarche. Les

moines en particulier, tard venus dans la capitale, s'y étaient

bientôt trouvés très nombreux. On en voyait beaucoup se

montrer par les rues et les places plus qu'il n'aurait convenu

à des solitaires, et leur science théologique n'était pas toujours

au niveau de leur ascèse ostentatoire et de leur zèle tapageur !

Mais l'agitation ne devait pas rester limitée à Constantinople.

Nestorius était en relations avec Célestin, évêque de Rome

depuis le 10 septembre 422, il avait correspondu avec lui au

sujet des pélagiens Julien et Célestius ; il met le pape au

courant de la querelle qui s'est élevée à propos du theotokos.

Il stigmatise cette nouvelle erreur, « apparentée à la pourriture

d'Arius et d'Apollinaire », et expose très clairement sa propre

théologie de la Christotokos38. De son côté, Eusèbe envoie à

Rome les quatre sermons de Nestorius d'où il avait extrait les

propositions affichées dans sa contestatio. Le diacre Léon (le

futur pape) envoie ces textes et la lettre de Nestorius à son ami

Cassien, pour qu'il les examine et les réfute. L'abbé de Saint-

Victor à Marseille, qui savait le grec et avait vécu à Constan-

tinople du temps de saint Jean Chrysostome, était parfaitement

qualifié pour cette tâche 39.

Du point de vue de l'histoire générale de l'Église, il n'est

pas sans intérêt de remarquer ces allées et venues de courriers

entre Constantinople et Rome, entre Nestorius et Célestin : les

relations entre les deux capitales, entre le patriarche et le pape,

sont, et seront encore longtemps, fréquentes et étroites. Mais on

remarquera aussi, et la chose est significative, que Célestin

fait attendre sa réponse à la lettre de Nestorius ; il lui faut

d'abord la faire traduire en latin. Et Nestorius se plaint vive-

ment de ne pas recevoir de réponse 40. L'ignorance de la langue

est, parmi beaucoup d'autres, une des raisons du divorce qui

va séparer l'Orient et l'Occident.

34 EPHÈSE

Il n'est pas inutile d'observer enfin que Célestin est alerté*

par Nestorius lui-même, avant que saint Cyrille n'entre en scène.

Ce n'est pas celui-ci qui a ouvert les hostilités !

L'Égypte en effet allait à son tour être atteinte par les remous

de la querelle. Entre Alexandrie et Constantinople, les relations

étaient fréquentes aussi, mais pas toujours bienveillantes.

L'évêque d'Alexandrie, qui se voyait peu à peu supplanté par

celui de la « nouvelle Rome », auquel le concile de Constanti-

nople de 381 avait accordé une primauté d'honneur, cherchait,

on le comprend trop bien, à intervenir dans les affaires ecclésias-

tiques de la capitale. Sans remonter jusqu'à Pierre d'Alexandrie

qui soutint l'usurpateur Maxime contre saint Grégoire de Na-

zianze (379), on se rappelle le rôle odieux joué par Théophile

dans la déposition de saint Jean Chrysostome (concile du

Chêne, 403). Cyrille, neveu de Théophile et son successeur (412),

avait ses envoyés (apocrisiaires) auprès de la cour impériale,

qui l'informaient de tout ce qui se passait dans la capitale.

Par eux, le bruit que font les prédications de Nestorius parvient

jusqu'en Egypte : les évêques s'inquiètent, et les moines du

désert eux-mêmes sont troublés.

Vers la fin de 428, Cyrille, comme chaque année, écrit aux

évêques pour leur fixer les dates du carême et de Pâques de

l'année 429 ; il écrit aussi aux moines, exposant aux uns et aux

autres avec grande fermeté, sans nommer d'ailleurs Nestorius,

sa propre doctrine de l'incarnation et du theotokos a. Quelques

mois plus tard, vers la fin de l'été 429, il écrit à Nestorius lui-

même pour l'avertir des bruits fâcheux qui courent en Égypte

et jusqu'à Rome sur son enseignement, et lui demander des

explications *2 ; il ne reçoit qu'une réponse assez hautaine, l'ex-

hortant à la modération chrétienne 43. Le duel était engagé.

* Sur ce point, voir G. Jouassahd, Sur les décisions des conciles

généraux des IV et Ve siècles dans leur rapport avec la primauté romaine,

dans Istina, 1957, 485-496 ; ici 492, n. 13.

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 35

Cyrille, patriarche d'Alexandrie.

On connait déjà l'un des adversaires, Nestorius. Il n'est peut-

être pas très facile non plus de parler de saint Cyrille. Ceux qui

sont tentés de prendre parti pour la victime et de la réhabiliter,

seront portés aussi à juger sans indulgence celui en qui ils

croient voir un persécuteur. Dans ce qu'on appelle la « tragédie

de Nestorius » *, on ne donne pas le beau rôle à saint Cyrille.

Déjà Nestorius se plaignait vivement des agissements du pa-

triarche d'Alexandrie à son égard. Et il faut bien reconnaître

que certains traits du caractère de saint Cyrille peuvent donner

quelque apparence de raison à Nestorius et à ses partisans,

anciens et modernes. On ne peut nier qu'il n'ait parfois manqué

de cette « modération » que lui prêchait son adversaire. L'ini-

tiative qu'il prend d'intervenir dans les affaires de Constanti-

nople, la hâte et la précipitation dont il a fait preuve à Éphèse

peuvent nous étonner, certaines intrigues même nous scanda-

liser. On répéterait volontiers le jugement du vieux Tillemont ** :

« Saint Cyrille est saint, mais on ne peut pas dire que toutes

ses actions soient saintes ».

Une chose du moins paraît certaine. Quels qu'aient pu être les

défauts de son caractère, saint Cyrille n'a été mû que par le

souci de la vérité et le zèle de la foi. Rien dans les textes ne

semble justifier le reproche d'autoritarisme, rien ne paraît ins-

piré par la volonté de faire prévaloir Alexandrie sur Constanti-

nople, de dominer et d'écraser son adversaire. Si à Éphèse il

a montré trop de hâte, il a su ensuite faire preuve de persé-

vérance et de fermeté, et il a été emprisonné pour la foi. S'il

fut dur pour Nestorius, il est visible par contre que dans les

tractations de 433, que nous aurons à rappeler, il saura agir

* C'est le titre d'une apologie pour Nestorius, compilée par son ami le

comte Irénée. Mgr Duchesne a repris ce titre, Hist. Ane. de l'Ëgl. III,

ch. 10. — Les historiens non-catholiques réservent toute leur indulgence

pour Nestorius et sont généralement très sévères pour saint Cyrille, pour

sa théologie comme pour son caractère.

** Mémoires pour servir à l'Histoire Ecclésiastique..., XIV, Paris,

1709, 541.

36 ËPHÈSE

avec modération, renoncer pour le bien de la paix à des formules

qui lui étaient chères, mais qui pouvaient prêter à contestation,

en accepter d'autres qui lui répugnaient, et se réconcilier avec

celui qui à Éphèse avait été le principal de ses adversaires.

C'est en toute sincérité qu'il pourra se réjouir de la paix conclue.

Au demeurant, comme prédicateur et pasteur, comme exé-

gète, comme théologien, il se révèle d'une tout autre classe que

Nestorius.

Une théologie du Verbe Incarné.

Non seulement le vocabulaire où s'exprime la théologie de

saint Cyrille est différent de celui de Nestorius, mais, si l'on

peut dire, son climat spirituel et l'atmosphère qu'elle respire

sont tout autres. Cyrille ne considère pas d'abord les deux na-

tures, mais l'unique personne du Verbe, qui existe de toute éter-

nité et à la fin des temps s'est incarnée. Son point de départ,

c'est le premier chapitre de saint Jean : « Le Verbe s'est fait

chair ». Entendons bien, pour ne pas y revenir, que Cyrille

écarte fermement tout apollinarisme : cette chair, c'est une huma-

nité complète, douée d'une âme raisonnable. « De même que

le Verbe de Dieu le Père est parfait quant à la divinité, ainsi

est-il parfait quant à l'humanité : il n'a pas pris un corps sans

âme, mais bien un corps animé d'une âme raisonnable » 44. Cette

incarnation n'implique dans le Verbe aucun changement ni

transformation : il est resté ce qu'il était, immuable et impas-

sible ; elle n'est pas non plus changement d'une nature en

l'autre : la nature humaine n'est pas absorbée dans la divinité,

elle subsiste entière après cette union qui ne comporte ni mé-

lange ni confusion45 : saint Cyrille a toujours refusé de con-

fondre les natures, il n'est pas monophysite !

Comment tenter d'expliquer cette union « ineffable et inex-

primable » ?46 Ces mots reviennent souvent chez Cyrille, qui,

plus que Nestorius assurément, a le sens et le respect du mys-

tère. Il a aussi le sens de la tradition, et se réfère au concile de

Nicée, qui lui donne le fait infrangible de l'unité du Christ :

NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 37

c'est le Verbe de Dieu qui s'est fait homme, qui est né, qui a

souffert.

Cyrille refuse donc toute explication qui lui semble compro-

mettre en quelque façon cette unité ; il ne veut pas parler d une

simple habitation, ou conjonction, ou relation 4T, ni de Y « as-

somption d'un homme » : « Le Verbe s'est fait chair, il n'a pas

assumé un homme, comme pense Nestorius » 48. C'est peut-être

ici qu'on voit le mieux la différence et l'opposition des deux

christologies. De son côté Théodoret écrira : « Le Verbe de

Dieu ne s'est pas fait chair, mais il a pris une chair et il a

habité parmi nous » 49 ! Ces formules, courantes à Antioche,

paraissent à Cyrille donner à l'humanité du Christ une subsis-

tance propre, comme si elle existait à part de l'unique personne

du Verbe.

Pour Cyrille, au contraire, l'union se fait « selon l'hypostase »

(Ka8' ÛTOÎaTaaiv), ou « selon la nature» (Karà , c'est-

à-dire l'évêque du chef-lieu du diocèse civil *. Mais le canon

prévoit que ce peut être aussi l'évêque de Constantinople :

* On rappellera que le diocèse est d'abord une circonscription

administrative civile. Dans l'organisation de l'Empire telle qu'elle avait

été réglée par Dioclétien, les quatre préfectures d'Orient, de Gaule,

d'Italie, d'Illyrie, étaient subdivisées en douze (plus tard quinze) diocèses.

Ainsi la préfecture d'Orient comprenait les diocèses d'Egypte (capitale

Alexandrie), d'Orient (Antioche), du Pont (Césarée), de Thrace (Philippo-

poli), d'Asie (Ëphèse).

162 CHALCEDOINE

c'était reconnaître à celui-ci une compétence concurrente à celle

de l'exarque du diocèse. Ce privilège exceptionnel reconnu à

l'évêque de la ville impériale ne faisait que consacrer une

situation de fait, et ne souleva aucune opposition de la part de

l'épiscopat grec.

Dans le même esprit le concile prit une autre décision qui

allait, elle, provoquer de graves incidents. Le 29 octobre, au

cours d'une séance à laquelle n'assistaient ni les commissaires

impériaux ni les représentants de saint Léon *, les évêques

votèrent un texte ainsi conçu ** :

« Suivant en tout les décrets des Saints Pères, et reconnais-

sant le canon des cent cinquante évêques ... qui vient d'être lu,

nous prenons et votons les mêmes décisions au sujet des privi-

lèges de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle

Rome. Les Pères en effet ont accordé justement au siège de

l'ancienne Rome ses privilèges, parce que cette ville est la ville

impériale. Pour le même motif, les cent cinquante très pieux

évêques ont accordé des privilèges égaux au très saint siège

de la nouvelle Rome, jugeant avec raison que la ville qui est

honorée de la présence de l'empereur et du sénat, et qui jouit

des mêmes privilèges que l'ancienne ville impériale Rome, est

comme celle-ci grande dans les affaires ecclésiastiques, étant la

seconde après elle; en sorte que les seuls métropolitains des

diocèses du Pont, de l'Asie et de la Thrace, et les évêques des

parties de ces diocèses situées dans les régions barbares, seront

ordonnés par le très saint siège de la très sainte Église de

Constantinople, alors que, bien entendu, chaque métropolitain

* S'il faut en croire les explications données le lendemain par Aétius,

archidiacre de Constantinople, les légats romains, invités à cette séance,

se seraient récusés, alléguant qu'ils n'avaient pas d'instructions à ce sujet.

** On l'appelle « 28° canon » et, pour faire court, nous nous en tien-

drons à cette dénomination traditionnelle. En fait, ce canon, qui n'a pas

été approuvé par le pape, ne se trouve pas à la suite des 27 autres dans

les manuscrits des Actes de Chalcédoine. Ce n'est que beaucoup plus tard

qu'il sera considéré par les canonistes orientaux comme le 28* canon

de Chalcédoine.

LES CANONS DE CHALCEDOINE 163

des diocèses susdits ordonne, avec les évêques de l'éparchie, les

évêques de cette éparchie, comme il est prescrit par les divins

canons ; mais, comme on l'a dit, les métropolitains des diocèses

susdits sont ordonnés par l'archevêque de Constantinople, après

élection concordante faite selon la coutume, et notifiée à ce

dernier ».

Ce texte fut approuvé et signé par Anatole de Constantinople,

Maxime d'Éphèse, Juvénal de Jérusalem, et cent-quatre-vingt-

deux évêques 260.

Pour en apprécier la portée, il faut d'abord rappeler le canon

du concile de Constantinople (381) auquel il se réfère expres-

sément. Après avoir (can. 2) confirmé les droits et privilèges

des évêques d'Alexandrie et d'Antioche, et de ceux des diocèses

d'Asie, du Pont et de Thrace, le concile ajoutait (can. 3) :

« Cependant l'évêque de Constantinople a la primauté d'hon-

neur après l'évêque de Rome, parce que cette ville est la

nouvelle Rome ». Dans l'organisation de qu'on appellera plus

tard les patriarcats, — calquée sur la distribution des « dio-

cèses » civils, — les cent cinquante Pères accordaient une

« primauté d'honneur » (littéralement, un privilège d'honneur)

à l'évêque de Constantinople, « la nouvelle Rome » : c'était

consacrer la situation exceptionnelle qui était celle de Constan-

tinople, depuis que la petite ville de Byzance, dont l'évêque

était suffragant de l'exarque d'Héraclée en Thrace, avait pris

la place de Rome et était devenue capitale impériale. Cependant

si en 381 on a reconnu une certaine primauté d'honneur à

l'évêque de la nouvelle Rome, aucune atteinte n'est portée aux

droits des autres métropolitains, et la préséance de Rome n'est

pas contestée : l'évêque de Constantinople demeurait au second

rang, « après l'évêque de Rome ». Mais, — et ceci est grave

de conséquences , — il est visible que cette primauté était

reconnue à l'Église de Constantinople en raison de sa situation

politique de ville impériale, et que si la préséance de Rome

n'était pas contestée, c'était par égard à « sa dignité politique

de cité maîtresse du monde ». L'autorité des sièges épiscopaux

164 CHALCËDOINE

repose donc sur des situations politiques particulières. C'était

une conception toute nouvelle dans l'Église*.

Le concile de Chalcédoine va plus loin. Il reconnaît les

privilèges du siège de Rome, et accorde les mêmes privilèges

à celui de la nouvelle Rome, qui est la seconde cité après

l'ancienne ville impériale, honorée de la présence de l'empereur

et du sénat. Mais il souligne, plus clairement encore qu'on ne

l'avait fait en 381, que les privilèges de Rome ou de Constanti-

nople sont fondés sur la prééminence politique des deux cités

impériales.

De plus, et ceci crée en Orient une situation sans précédent,

il accorde à l'évêque de Constantinople le droit de consacrer

les métropolitains du Pont, d'Asie et de Thrace : il ne s'agit

donc plus seulement d'une primauté d'honneur, mais d'une

autorité de juridiction conférée à Constantinople sur toute une

large partie de l'Orient. Constantinople est désormais l'égale

d'Antioche et d'Alexandrie, et déjà presque la rivale de Rome.

Ce n'était pas pour autant nier ni méconnaître la prééminence

du Siège Apostolique, — ni les légats de saint Léon, ni le pape

lui-même, ne le comprendront ainsi, mais c'était la fonder sur

le prestige de la ville impériale, et non sur l'autorité donnée

par Jésus au Prince des apôtres. Au principe « pétrinien »

affirmé par les évêques de Rome, s'oppose le principe purement

politique de la « nouvelle Rome » **.

* P. Batiffol, Le Siège Apostologique, 134-136, à qui nous empruntons

la phrase citée ci-dessus.

** G. Jouassard a bien montré les conséquences qui allaient découler

de cette décision : « L'évêque de Rome n'aurait plus d'autres droits

désormais dans l'Eglise que ceux qui sont attribués à l'évêque de Constan-

tinople, il les aurait pour le même motif que celui-ci, c'est-à-dire en vertu

d'une prééminence politique de sa ville épiscopale, il garde toutefois une

certaine préséance par rapport à son collègue, mais préséance plutôt

accidentelle dans le fond ; s il arrivait, de fait, que Constantinople devînt

la seule et unique capitale, Rome, en vertu du principe énoncé, ne serait

sans doute plus rien, la préséance passerait de droit à la capitale en titre

de l'Empire constitué sur de nouvelles bases ...» (Sur les décisions des

conciles généraux des TV' et V siècles dans leur rapport avec la primauté

romaine, dans Istina, 1957, 485-496, ici 495-496).

LES CANONS DE CHALCEDOINE 165

La protestation des légats.

Le lendemain 30 octobre, séance plénière : les légats romains

sont là cette fois, et les commissaires impériaux. Dès le début,

Paschasinus prend la parole : il a appris que la veille, après

le départ des commissaires et des légats, le concile a pris cer-

taines décisions qui lui paraissent en opposition avec les canons

et la discipline ecclésiastique. Il demande qu'on en fasse lecture.

Avant cette lecture, Aétius, archidiacre de Constantinople, fait

observer qu'il est d'usage dans les conciles, après qu'on a réglé

les matières capitales, de traiter encore des questions néces-

saires. L'Église de Constantinople ayant en effet des questions

de ce genre à poser, on avait demandé aux légats d'assister à

cette délibération : ils s'en étaient excusés, disant qu'ils n'avaient

pas d'instructions à ce sujet. Mais sur l'invitation des commis-

saires, les évêques avaient traité cette question : rien donc ne

s'était fait en cachette ni subrepticement, tout était régulier et

conforme aux canons.

Alors Beronicianus lut le canon dont le texte a été cité plus

haut, avec les signatures de cent-quatre-vingt-cinq évêques.

Lucentius insinuant que ces signatures avaient pu être extor-

quées, les évêques se récrièrent : personne n'avait été forcé.

Lucentius reprit en s'étonnant qu'on ait passé outre à la consti-

tution de Nicée pour se référer à un texte qui n'est pas dans les

canons des conciles et qui n'a été décrété que depuis quatre-

vingt ans ! — A une question d'Aétius, Boniface répond qu'il a

sur ce point des instructions du pape Léon : « Vous ne per-

mettrez pas, leur a enjoint le pape, que soient violées témé-

rairement les constitutions des Saints Pères ; vous protégerez

de toutes façons en vos personnes notre dignité ; si quelques-uns,

se confiant en l'éclat de leurs villes, tentaient d'usurper quelque

droit, vous vous y opposerez avec toute la fermeté voulue ».

Les commissaires demandèrent que chaque partie lût les canons

sur lesquels elle s'appuyait. Paschasinus lut le canon 6 de Nicée,

dans sa rédaction romaine : « Ecclesia Romana semper habuit

primatum ... ». Constantin, secrétaire du Divin Consistoire, lut,

186 CHALCËDOINE

sur l'ordre d'Aétius, les canons de Constantinople. Enfin, à la

demande des commissaires, les évêques d'Asie et du Pont, que

ce 28° canon soumettait à Constantinople, déclarèrent qu'ils

avaient voté en toute liberté ce décret qui ne faisait que sanc-

tionner une situation déjà existante : depuis longtemps déjà

en effet les évêques de Constantinople procédaient à des ordi-

nations dans leurs provinces. Eusèbe de Dorylée ajouta que, se

trouvant à Rome pour en appeler auprès de saint Léon du

brigandage d'Éphèse, il avait lu devant le pape, en présence

de quelques clercs de Constantinople, le canon de 381, et que

le pape l'avait accepté *. Deux évêques qui n'avaient pas voulu

signer donnèrent de leur refus des explications qui ne touchaient

pas au fond de la question, et sur lesquelles il n'y a pas lieu

d'insister.

Alors les commissaires reprirent : « Après ce qui s'est passé

et ce qui a été dit de part et d'autre, nous reconnaissons avant

tout que sont sauvegardés selon les canons la primauté

(Ta irpoTEta) et les privilèges exceptionnels de l'archevêque de

l'ancienne Rome ; mais aussi qu'il faut que l'archevêque de

la ville impériale, Constantinople, la nouvelle Rome, jouisse des

mêmes privilèges d'honneur, et qu'il ait l'autorité et le pouvoir

d'ordonner les métropolitains dans les diocèses d'Asie, du Pont

et de Thrace...» L'élection faite selon les formes serait sou-

mise à l'archevêque de Constantinople, qui pourrait à son gré

appeler l'élu à Constantinople et l'y ordonner, ou le faire ordon-

ner par les évêques de 1 eparchie. Quant aux évêques de chaque

ville, ils seront ordonnés par les évêques de l'éparchie, avec

l'autorisation du métropolitain, comme le veulent les canons des

Pères, sans que l'archevêque de Constantinople prenne part à

cette ordination.

Les évêques acclamèrent unanimement cette conclusion, et

demandèrent la dissolution de l'assemblée. Mais Lucentius in-

* On voit mal comment ce récit s'accorde avec l'affirmation réitérée

de saint Léon, que les canons de Constantinople n'auraient jamais été

portés à la connaissance du Siège Apostolique.

LES CANONS DE CHALCEDOINE 167

tervint encore : « Le Siège Apostolique ne doit pas être humilié

en notre présence ; c'est pourquoi tout ce qui a été fait hier en

notre absence et au préjudice des canons, nous demandons

à Votre Grandeur de l'annuler ; sinon, que notre protestation

soit jointe aux Actes, pour que nous sachions ce que nous

devons référer à l'évêque apostolique, le pape de l'Église univer-

selle, pour qu'il puisse juger de l'injure faite à son siège, et de

la violation des canons ».

L'évêque de Sébaste répliqua, s'adressant aux commissaires :

« Nous sommes tous d'accord avec vous ». Et ils répondirent :

« Ce que nous avons décidé, le concile l'a approuvé » 261.

Ainsi se terminait, après trois semaines de débats, le concile

de Chalcédoine.

La lettre du concile au Pape.

Les évêques cependant, avant de se séparer, avaient adressé

à Léon une longue lettre262. « Notre bouche s'est remplie de

joie, et notre langue de jubilation » (Ps 125, 2). La vraie foi

a été confirmée, cette foi que Léon, l'interprète de la voix de

Pierre, a reçue du Seigneur comme par une chaîne d'or, et qu'il

a conservée pour la faire parvenir jusqu'à nous. Conduits par

toi, nous avons montré aux fils de l'Église l'héritage de la vérité.

Nous étions comme à un festin royal, faisant nos délices de ce

repas spirituel qu'avait été ta lettre, et il nous semblait que

l'Époux céleste était au milieu de nous. « Par tes représentants

tu nous conduisais comme la tête conduit les membres ...» La

lettre rappelle ensuite longuement l'erreur d'Eutychès et l'im-

piété de Dioscore, et comment celui-ci a été justement puni par

le concile, « C'est Dieu qui agissait parmi nous, et la glorieuse

Euphémie, qui couronnait l'assemblée réunie dans sa chambre

nuptiale (le martyrium !), et qui, ayant reçu de nous comme

une chose qui était sienne notre profession de foi, la présente

à son Époux par la main du très pieux empereur et de l'impéra-

trice amie du Christ...»

168 CHALCEDOINE

« Voilà ce que nous avons fait avec toi, présent en esprit parmi

nous par la sagesse de tes vicaires ... Nous t'apprenons en outre

que nous avons pris aussi quelques autres décrets en vue du

bon ordre et pour la confirmation des statuts ecclésiastiques,

persuadés que quand Ta Sainteté en sera informée, elle les

recevra et les approuvera. Nous avons par un vote du concile

confirmé la coutume en vigueur depuis longtemps selon laquelle

l'Église de Constantinople ordonne les métropolitains des dio-

cèses d'Asie, du Pont et de Thrace, et cela non pas tant pour

accorder quelque chose au siège de Constantinople que pour

assurer le bon ordre des Églises métropolitaines : il arrive sou-

vent qu'à la mort de l'évêque des désordres éclatent, quand les

clercs et le peuple sont sans chef et qu'ils troublent l'ordre de

l'Église. Votre Sainteté ne l'ignore pas, et cela surtout à propos

des éphésiens, qui vous ont souvent importuné. Nous avons

aussi confirmé le canon des cent-cinquante Pères, qui assure

les privilèges (presbeia) du Siège de Constantinople, qui tient

le second rang après votre saint Siège Apostolique ...

« Puisses-tu accueillir ce décret comme le tien propre, Très

Saint Père. Les représentants de Votre Sainteté ... ont tenté de

s'opposer vivement à ce décret : ils pensaient sans doute que

comme la définition de foi, ce décret disciplinaire devait t'être

soumis. Quant à nous, nous étions d'avis qu'il convenait à un

concile œcuménique de confirmer, comme l'empereur le désirait,

ces privilèges de Constantinople, sachant que tout le bien que

font les fils est un honneur pour les pères. Nous t'en prions

donc, honore nos décrets de ton approbation... Cela plaira

aux empereurs, qui ont sanctionné comme loi ton jugement sur

la foi, et le siège de Constantinople recevra une récompense

méritée pour le zèle dont il a fait preuve en s'unissant à toi

dans l'intérêt de la piété. Pour que tu saches que nous n'avons

pas agi par partialité en faveur de quelqu'un, ni par opposition

contre qui que ce soit, nous te faisons connaître tout ce que

nous avons fait, afin que tu le confirmes et y donnes ton

assentiment ».

Cette lettre était très habile : elle prodigue au pape les for-

LES CANONS DE CHALCËDOINE 169

mules de révérence et de dévotion ; elle vénère en lui « l'inter-

prète de la voix du Bienheureux Pierre », la tête de toute

l'assemblée des évêques ; elle va jusqu'à solliciter de lui la

confirmation des décrets du concile. Le siège de Rome est le

Siège Apostolique, et si Constantinople vient au second rang,

ce n'est nullement en vertu de la situation politique de la

« nouvelle Rome », mais en raison de son zèle pour la foi et

l'unité. Ceci dit, rien n'est retranché des exigences formulées

par le 28e canon, qui n'a été voté que pour assurer le bon ordre

des Églises, et dont on attend la confirmation par le pape.

Les légats romains emportèrent ce document à Rome avec

les actes du concile. Quelques semaines plus tard, l'empereur

Marcien et l'évêque de Constantinople Anatole, écrivaient à

leur tour au pape. Marcien se félicite du triomphe de la vraie

foi, que les évêques ont assuré en conformité avec la lettre de

Léon ; il prie le pape de confirmer le 28e canon263. Anatole,

dans une lettre beaucoup plus longue, annonce qu'il envoie à

Rome l'évêque Lucien et le diacre Basile, qui remettront à

Léon un complément d'information sur les décisions particu-

lières du concile. Il rappelle comment Dioscore fut condamné

et la foi définie en conformité avec la lettre du pape. Il ajoute

que le concile eut aussi à régler d'autres affaires, et que sur le

désir du souverain, on confirma les décisions du concile de

Constantinople en accordant quelques honneurs au très saint

siège de la ville impériale. Le concile ne doutait pas que l'évê-

que de Rome ne regardât l'honneur du siège de Constantinople

comme le sien propre. Aussi confirma-t-il le décret des cent

cinquante Pères statuant que l'évêque de Constantinople aurait

le privilège et l'honneur du second rang après l'évêque de Rome,

puisque Constantinople est la nouvelle Rome. On a donc décrété

que l'évêque de Constantinople ordonnerait les métropolitains

des diocèses du Pont, d'Asie et de Thrace, et que ceux-ci ordon-

neraient les évêques de leurs diocèses, « par quoi on enlevait

à l'évêque de Constantinople l'ordination de plusieurs évêques,

ordination qu'il avait l'habitude de faire depuis soixante et

soixante-dix ans ».

170 CHALCEDOINE

Anatole se plaint ensuite de l'opposition des légats : ils avaient

pourtant été bien informés par lui ; mais ils ignoraient les dispo-

sitions du pape à l'égard de l'Église de Constantinople. Ils ont

mis le trouble dans le synode, fait injure aussi bien à l'évêque

qu'à la très sainte Église de Constantinople, alors qu'Anatole

avait tout fait pour l'honneur de Léon lui-même et de ses légats.

Par respect pour le pape, le concile et Anatole lui avaient

communiqué ce décret, voté à la suggestion de l'empereur et

approuvé par ses commissaires. Ils ne doutaient pas que Léon

lui-même ne daignât l'approuver et le confirmer, puisque le

siège de Constantinople a pour père le Siège Apostolique264.

Saint Léon et le concile.

Saint Léon tarda longtemps à répondre à ces lettres. Ce n'est

qu'après six mois, le 22 mai 452, qu'il se décida à écrire à

Marcien, à Pulchérie, à Anatole265. Le contenu et le ton de ces

trois missives sont identiques, avec toutefois une sévérité plus

marquée à l'endroit de l'évêque de Constantinople. Le pape se

félicite de l'heureuse issue du concile qui a unanimement con-

damné l'erreur. Mais il s'inquiète de l'ambition d'Anatole, qui,

non content d'avoir reçu de la faveur de l'empereur et de la

bienveillance du pape le siège de Constantinople, veut main-

tenant s'élever au-dessus de ceux qui sont avant lui dans la

hiérarchie. C'est une prétention exorbitante de vouloir ordon-

ner les métropolitains, après avoir eu l'audace d'ordonner

l'évêque d'Antioche au mépris des canons *. Ne suffit-il donc

pas à son ambition d'être l'évêque de Constantinople ? La

magnificence et la gloire d'une si grande ville ne le contentent-

elles pas ? Qu'il lui suffise donc d'être l'évêque de la ville

impériale, sans prétendre en faire un siège apostolique. Par ces

mots, Léon fait allusion aux privilèges des évêchés fondés par

* Quand Domnus d'Antioche eut été déposé lors du Brigandage

d'Ephèse, on lui donna comme successeur Maxime ; c'est Anatole, lui-

même récemment élevé sur le siège de Constantinople, qui le consacra,

usurpant un pouvoir que ne lui reconnaissaient pas les canons de Nicée.

LES CANONS DE CHALCËDOINE 171

des apôtres, et spécialement par saint Pierre : Antioche, Alexan-

drie (fondée par saint Marc, disciple de saint Pierre), Rome,

privilèges qui ont été reconnus et confirmés par le concile de

Nicée. Les canons de Nicée doivent demeurer jusqu'à la fin

du monde, et ce n'est pas un concile de quelques évêques (le

concile de Constantinople de 381 !), dont les décrets n'ont jamais

été portés à la connaissance du Siège Apostolique, qui peut

les infirmer. Le concile de Chalcédoine n'a été convoqué par

l'empereur très chrétien que pour éteindre l'hérésie et confir-

mer la foi catholique : c'est une audace inouïe d'en profiter

pour priver les Églises d'Antioche et d'Alexandrie de leur place

dans la hiérarchie (la deuxième et la troisième après Rome), et

pour frustrer les métropolitains de l'honneur qui leur est dû.

En tout ceci, Léon n'a d'autre souci que l'intérêt commun de

l'Église universelle. Il ne pense pas à la primauté du Siège

Apostolique, qui pourrait être compromise par les prétentions

de l'évêque de Constantinople. Une phrase seulement de la

lettre à Marcien peut paraître une allusion à un conflit pos-

sible : « Que Constantinople ait la gloire qui lui appartient, et

que grâce à la protection de la droite de Dieu, elle jouisse long-

temps du gouvernement de Ta Clémence ; mais autre est la

condition des affaires politiques, autre celle des choses de Dieu

(alia ratio est rerum saecularium, alia divinarum). Il n'y a pas

de construction solide en dehors de la pierre que le Seigneur a

posée comme fondement ». Mais, visiblement, le principal grief

de Léon à l'égard d'Anatole et du concile est d'avoir, par ambi-

tion, méconnu l'autorité des canons de Nicée et les privilèges

antiques, qui doivent demeurer inviolés.

Aussi, conclut la lettre à Pulchérie, « quant aux décrets ren-

dus par les évêques au mépris des règles établies par les saints

canons de Nicée, en union avec la piété de votre foi, nous les

annulons, et, par l'autorité du Bienheureux Apôtre Pierre, nous

les cassons définitivement (in irritum mittimus et per auctorita-

tem beati Petri apostoli, generali prorsus definitione cassamus) ».

Le concile n'était donc pas confirmé et la situation restait

tendue. Le même jour en effet, Léon écrivait à Julien de Kios,

172 CHALCËDOINE

qui restait son apocrisiaire à Constantinople : il s'étonne vive-

ment que 1 evêque ait cru pouvoir lui suggérer de transiger et

de consentir de quelque façon aux ambitions d'Anatole. Ce

serait fouler aux pieds les constitutions des Pères et compro-

mettre la situation de l'Église universelle266.

Confirmation du concile par le Pape.

Quinze mois après la clôture du concile, Léon n'avait pas

encore répondu à la lettre que lui avaient adressée les évêques.

Le 15 février 453, Marcien lui en écrit son étonnement267. Les

partisans d'Eutychès profitent de ce silence, et insinuent que

le pape n'a pas confirmé les décrets du concile. Que Léon écrive

donc une lettre qui fasse connaître aux Églises et à tous les

peuples que le pape confirme tout ce qui s'est fait à Chalcé-

doine, et qui déclare que le concile a été fidèle à la foi catho-

lique. D'autre part, le pape a bien fait, comme il convenait à

l'évêque du Siège Apostolique, de ne rien laisser innover contre

les canons, et contre les usages anciens, inviolablement observés

jusqu'ici. Marcien a donc la sagesse de séparer la définition de

foi du canon litigieux.

C'est dans ce même sens que, le 21 mars de la même année

453, le pape se décide enfin à répondre à la lettre du concile z68.

Comme dans les lettres précédentes, il donne son total accord

aux décisions du concile, mais seulement en matière de foi,

in sola fidei causa. Les partisans impénitents de Nestorius, ou

d'Eutychès et de Dioscore demeurent excommuniés : on ne

peut participer au corps du Christ si on nie la vérité de ce corps,

nec habeat ejus corporis participationem, cujus abnegat veri-

tatem ... Comme jadis saint Ignace d'Antioche, saint Léon voit

un lien indissoluble entre la participation à l'eucharistie et la

foi à la vérité du corps du Christ.

Dans cette lettre cependant, et dans d'autres adressées le

même jour à Marcien et à Pulchérie, le pape se plaint des

réticences d'Anatole, qui a tardé à faire connaître aux évêques

la lettre qu'il avait reçue de lui, et qui semble montrer de la

LES CANONS DE CHALCËDOINE 173

mauvaise humeur de ce que Léon ait blâmé ses ambitions et

les entreprises coupables du concile 269. Écrivant encore à Julien

de Kios, il lui annonce son intention de ne plus écrire à Anatole,

qui persiste dans son attitude de présomption téméraire 270.

A la fin de l'année 453, Marcien s'entremit auprès du pape

en faveur d'Anatole. Léon répondit qu'il était prêt à rendre

son amitié à l'évêque si celui-ci se soumettait aux canons et

promettait par écrit de respecter humblement les privilèges

(gratiam) de tous les évêques : il n'y a de vraie paix et de cha-

rité ferme que si le pape et l'empereur s'emploient à conserver

la foi catholique et les canons de Nicée 271. Sur l'intervention de

Marcien, Anatole se décida enfin à écrire au pape : il pro-

teste humblement de son désir d'union et de paix. Quant aux

décrets qui ont été pris à Chalcédoine en faveur de l'Église

de Constantinople, Anatole affirme qu'il n'y est pour rien, en

homme depuis toujours ami de la tranquillité et de l'humilité.

C'est le clergé de Constantinople qui a désiré ces mesures, les

évêques d'Orient y ont consenti ; mais la confirmation de ces

décrets a été réservée à l'autorité du pape : gestorum vis omnis

et confirmatio auctoritati Vestrae Beatitudinis fuerit reser-

vata 272.

Léon se tint pour content de ces explications, et en écrivit

sa satisfaction à Anatole, en l'exhortant toutefois à ne pas

dépasser les bornes posées par les Pères, et à respecter les an-

ciens privilèges des évêques : qu'il garde les décrets de Nicée,

qui maintiennent la paix de l'Église universelle. La charité

demeurera inviolable entre les prêtres du Seigneur, s'ils ob-

servent d'un même zèle ce qui a été établi par les Saints

Pères. 2"

L'affaire devait en rester là. L'unité était rétablie entre Rome

et Constantinople. Mais pour combien de temps ?

CONCLUSION

DOGME ET VIE DANS L'ÉGLISE

ROME ET CONSTANTINOPLE

Peut-on, au terme de cette étude, dresser le bilan des vingt

années qui s'écoulèrent entre le concile d'Éphèse (431) et celui

de Chalcédoine (451) ? Années agitées, remplies d'événements

divers, — en 451 Attila envahit la Gaule et à l'automne de 452

saint Léon se porta à sa rencontre près de Mantoue, — mais

années fécondes en résultats durables pour le développement du

dogme chrétien comme aussi des institutions ecclésiastiques.

Au début du v8 siècle le dogme christologique était arrivé au

terme d'une longue maturation : la poussée interne de la foi

chrétienne, l'effort des théologiens qui tentaient de rendre raison

de cette foi et de l'exprimer avec des concepts ou des vocables

encore mal épurés, en des formules dont certaines étaient parfois

insuffisantes, maladroites, voire dangereuses, tout cela avait pré-

paré la crise de 429-431, et celle qui devait comme par contre-

coup lui faire suite en 449-451. Dans ce progrès a compté pour

beaucoup l'influence des grands docteurs, un Athanase, un

Cyrille d'Alexandrie, — et en Occident, de façon plus diffuse

peut-être, un Augustin : on se réfère à eux moins comme à des

maîtres particuliers, — ne fut-ce pas l'erreur d'Eutychès que de

se réclamer obstinément de Cyrille et de son « unique nature ? »

— que comme à des témoins de la foi et de la tradition. A ce

titre, significative est l'autorité que l'on reconnaît aux conciles,

et avant tout à celui des « trois-cent dix-huit Pères réunis à

Nicée avec le Saint-Esprit ».

176 CONCLUSION

Nous sommes pour notre part plus sensibles à ces facteurs

d'ordre théologique et ecclésiastique, qu'à d'autres influences

qui, sans aucun doute, contribuèrent aussi à ce développement :

ambitions et rivalités personnelles, incidences politiques, inter-

ventions des empereurs, dont le rôle fut à certains moments déci-

sif, et, pourquoi ne pas le dire ?, providentiel ; on a vu le rôle

déterminant des fonctionnaires impériaux, et de Marcien lui-

même, dans l'élaboration et le vote par le concile de la défini-

tion dogmatique de Chalcédoine.

Quant au progrès du dogme christologique, il ne se réduit

pas au jeu d'une politique, voire d'une « police » (Duchesne)

ecclésiastique ou impériale, condamnant d'abord Nestorius sous

l'influence de Cyrille et de la théologie alexandrine, puis, par

une sorte de réaction, condamnant Eutychès et Dioscore sous

les influences conjuguées d'Antioche, de Constantinople et de

Rome, — avant d'aboutir à un compromis gros de querelles

nouvelles et de schismes qui durent encore. Nous y voyons

plutôt comme la pression de la foi cherchant l'équilibre entre

les deux pôles du mystère du Christ, vrai Dieu et vrai homme,

Verbe fait chair, un en deux natures. En vingt ans, au milieu

de tous les remous qui agitent cette histoire, la foi de l'Église

a réussi à s'exprimer en des formules décisives, où se rencontrent

et s'unissent les différents courants dont nous avons suivi le

mouvement, et qui seront désormais la norme de toute réflexion

chrétienne sur le mystère de l'incarnation. En 451, l'essentiel est

acquis, définitivement.

Toutefois, si les Pères de Chalcédoine ont eu l'espoir de

mettre un terme à toute discussion et à toute querelle, si saint

Léon a pu penser que l'unité et la paix étaient désormais réta-

blies, l'événement n'a pas répondu à leurs vœux. Le concile de

Chalcédoine fut au contraire le point de départ d'une longue

et pénible période de dissensions et de troubles. Il restait à

faire comprendre et accepter des milieux cyrilliens les formules

de Chalcédoine, à réprimer les résurgences du monophysisme

qui se manifesteront jusqu'à la fin du vn6 siècle : ce fut l'œuvre

de théologiens comme Léonce de Byzance ou saint Maxime le

CONCLUSION 177

Confesseur, et des conciles des VIe et vrr3 siècles dont d'autres

volumes de cette collection raconteront l'histoire. En même

temps devaient se dessiner, à travers les discussions théologi-

ques, les jeux de la politique impériale, et la réaction des Églises

orientales, égyptienne, syrienne, perse, à l'autorité grandissante

de Constantinople et à l'unité de l'empire. Ces troubles, qui

seront d'abord l'occasion de nouvelles et importantes définitions

dogmatiques venant confirmer et préciser l'œuvre d'Éphèse et

de Chalcédoine, aboutirent finalement à la rupture de l'unité

religieuse de l'Orient, à la ruine de l'Église perse, au schisme des

Églises de Syrie et d'Égypte. Tout dans cette histoire n'est

pas également lumineux.

Si l'on voulait maintenant s'interroger sur l'apport de nos

conciles au développement des institutions ecclésiastiques et

de la vie interne de l'Église, il y aurait sans doute beaucoup à

dire sur les canons de Chalcédoine, et sur leur importance dans

l'histoire de la législation canonique, non seulement en Orient,

mais aussi en Occident, puisque un certain nombre de ses

dispositions passèrent dans les collections canoniques latines

et dans le Décret de Gratien. Bornons-nous à quelques réflexions

sur l'institution conciliaire elle-même, sur la place qu'elle tient

dans la vie de l'Église et dans sa théologie, sans traiter pour eux-

mêmes certains aspects de cette institution que nous avons

déjà rencontrés : ainsi l'initiative impériale qui convoque le

concile de sa propre autorité, la composition des assemblées et

leur universalité réelle ou « morale », la présidence des conciles

et la place qu'y tiennent respectivement les représentants de

l'empereur et ceux de l'évêque de Rome, le protocole des

séances, l'intervention du pouvoir séculier jusque dans le vote

des définitions dogmatiques *.

Rassemblés de tous les points de l'oikouménè par l'empereur,

qui a conscience de tenir son rôle de prince chrétien, respon-

* Voir Le Concile et les Conciles, ch. III, 45-73, où l'on trouvera

textes et références.

178 CONCLUSION

sable de la paix et de l'unité de l'Église comme de l'Empire, les

évêques entendent bien représenter la catholicité de l'Église.

En fait, ce sont à peu près uniquement des Orientaux qui se

rencontrent à Éphèse et à Chalcédoine, mais il est significatif

que la présence des vicaires de Célestin et de Léon, représentant

l'évêque de Rome et le concile qu'il a tenu lui-même en Occi-

dent, suffise à elle seule à témoigner de l'œcuménicité du con-

cile, et de l'union de l'Orient et de l'Occident.

Ainsi, sous la présidence lointaine mais effective du Siège

Apostolique, qui les conduit « comme la tête conduit les mem-

bres », les évêques ont conscience de représenter toute l'Église,

rassemblée dans l'Esprit-Saint, — Spiritus Sancti testatur prae-

sentiam congregatio sacerdotum », écrit saint Célestin, — au-

tour du Christ présent au milieu d'eux : le livre des Évangiles,

posé sur un trône au milieu de la basilique, en est le signe

manifeste. Ils représentent l'Église, sa foi et sa tradition : dans

les controverses qui se déroulent autour du mystère du Christ,

on se réfère toujours, comme à un point fixe, non seulement à

l'Écriture, aux enseignements des Évangiles et des Apôtres, mais

aussi à la tradition et à la foi définie à Nicée. Les conciles

entendent bien ne rien innover, même en matière purement dis-

ciplinaire, mais affirmer tout simplement la foi de l'Église,

conformément à l'Écriture et à l'enseignement unanime des

Pères, et avec l'assistance, voire sous l'inspiration du Saint-

Esprit : « Tous les évêques du Seigneur, instruits par l'Esprit-

Saint, Sancto Spiritu docente, se sont trouvés d'accord pour

émettre un avis unanime ...» 274.

Un autre point, central dans la vie de l'Église, que les deux

conciles œcuméniques du v* siècle ont contribué à mettre en

pleine lumière, c'est celui de l'autorité de l'évêque de Rome,

l'évêque de la Sedes Apostolica. Dès que se pose un problème

dogmatique important, les parties intéressées en réfèrent à

Rome : Nestorius puis Cyrille s'adressent à Célestin, non seule-

ment pour l'informer, mais pour lui demander d'arbitrer avec

autorité le débat qui les oppose ; ainsi feront encore Eutychès,

CONCLUSION 179

puis Flavien. Les victimes du brigandage d'Éphèse, Flavien,

Théodoret, Eusèbe de Dorylée, en appellent également à saint

Léon *. — De leur côté les papes, une fois les conciles convo-

qués, tiennent à y envoyer des légats qui y représenteront leur

personne ; munis des pouvoirs les plus étendus, ils agiront avec

toute l'autorité du successeur de saint Pierre. Et si on met à

part les scandaleux incidents d'Éphèse en 449, on remarquera

l'empressement avec lequel les évêques accueillent les légats

romains, et tiennent à exprimer, même bruyamment, leur accord

avec eux et avec le pape lui-même : « Célestin d'accord avec

le concile !... Léon parle comme Cyrille ! Pierre a parlé par

Léon ! »

Les légats à leur tour parlent et décident avec une pleine

autorité, qui est celle « du bienheureux et apostolique évêque

de Rome, qui est le chef de toute l'Église », qui est celle de

Pierre lui-même, le chef des apôtres : les déclarations du prêtre

Philippe à Éphèse, de Paschasinus à Chalcédoine, ne laissent

aucun doute sur la pleine conscience qu'ont les légats de l'auto-

rité du pontife qui les a envoyés. Ces déclarations d'autre part

ne soulèvent aucune protestation de la part des évêques, même

si en d'autres moments, par exemple à la « 17e session » de

Chalcédoine, ils refusent plus ou moins ouvertement de se ran-

ger à l'avis des romains. Et, chose significative, ils se justifient

auprès de Léon de cette résistance en lui expliquant que cer-

tainement ses légats n'avaient pas compris ses instructions !

Enfin c'est aussi avec une pleine autorité que les papes

approuvent les décrets conciliaires, ou que saint Léon casse le

« 28e canon » de Chalcédoine, parce qu'il l'estime contraire aux

canons de Nicée qui doivent rester inviolables. Significative est

la lettre par laquelle saint Léon annonçait aux évêques de

Gaule la condamnation de Nestorius et d'Eutychès par le con-

cile : « Le saint synode, exprimant avec une religieuse unani-

mité son accord avec les lettres de mon humble personne, con-

* Nous avons dit, pp. 91-92 et 112, qu'il ne faut pas majorer indûment

la portée de ces appels.

180 CONCLUSION

firmées par l'autorité et le mérite de mon Seigneur le Bien-

heureux Apôtre Pierre, a rejeté avec horreur les monstrueuses

inventions de l'esprit diabolique et écarté de l'Église de Dieu cet

opprobre...» 27S.

Le concile de Chalcédoine fut vraiment une étape importante

dans le développement de la primauté romaine, aussi bien dans

les idées que dans les faits. Un historien comme E. Caspar,

jugeant des choses du seul point de vue historique, a montré

comment l'autorité de 1 evêque de Rome s'affirme progressive-

ment durant cette première moitié du v* siècle, d'Innocent Ier

à saint Léon. Celui-ci intervient et tranche, dans les débats dog-

matiques comme en matière disciplinaire, avec plus de décision

et de fermeté que Célestin. Et Marcien aussi bien que Flavien

reconnaissent cette autorité. Compte tenu des circonstances, et

du besoin que le patriarche comme l'empereur pouvaient avoir

de l'appui du pape, les expressions dont ils se servent sont signi-

ficatives. Marcien par exemple, annonce son avènement à « Ta

Sainteté, qui possède la primauté (principatum) dans l'épiscopat

de la divine foi » 278. C'était des mêmes mots que s'étaient ser-

vis quelques mois auparavant Valentinien et Galla Placidia écri-

vant à Théodose : principatum sacerdotii, principatum episco-

patus277. En face de la conception d'une « Église d'Empire »,

qui était déjà celle de Constantin, et qui sera celle de l'Église

Byzantine, s'affirme la doctrine de la primauté du Siège de

Pierre *. Mais ce serait ne regarder l'histoire de l'Église que par

ses aspects les plus extérieurs que de vouloir expliquer ce déve-

loppement par les seules circonstances politiques, ou par la

seule personnalité de saint Léon, qui sut allier à l'autorité la

plus ferme la souplesse et la sacerdotalis moderatio : la crois-

sance de l'Église est celle d'un germe vivant, présent dès les

origines, et grandissant sous la poussée interne de l'Esprit de vie

qui l'anime. C'est d'ailleurs à bien d'autres titres encore que le

* E. Caspar, Geschichte des Papsttums, I, 522.

CONCLUSION 181

pontificat de saint Léon a pu être considérée comme « l'époque

la plus éclatante de la primauté romaine » *.

Plus de quatre siècles après Chalcédoine, en un moment

grave de l'histoire de l'Église, le pape Nicolas Ier, dans une

lettre à l'empereur Michel III concernant l'affaire de Photius,

rappelait une suite impressionnante de faits qui témoignaient de

l'autorité du Siège Apostolique. Il ne pouvait manquer d'évoquer

les conciles du V siècle ni son prédécesseur Léon et, appliquant

à celui-ci le mot de l'Apocalypse (5, 5), il écrivait : Vicit Leo de

tribu Juda**.

Un dernier problème est encore à mentionner, celui des rap-

ports entre l'Orient et l'Occident, entre Constantinople et Rome.

Les deux conciles œcuméniques du Ve siècle témoignent, plus

que d'un désir sincère d'union, d'une véritable unité des deux

parties de la Catholica : unité dans la foi, concorde dans l'au-

torité reconnue du Siège Apostolique.

Nous avons noté cependant de dangereux symptômes de

F « état d'ignorance réciproque » ***, qui va creuser entre

l'Orient et l'Occident un fossé de plus en plus profond : l'éloigne-

ment et la difficulté des communications, aggravée par les

invasions barbares, l'ignorance des langues, la différence des

mentalités et des théologies, la divergence dans la conception

même de l'Église et de la primauté de Rome. La prétention de

l'évêque de Constantinople à justifier son autorité en arguant de

sa qualité d'évêque de la ville impériale, n'est pas le moins grave

de ces facteurs de division. Jusqu'à présent, Anatole n'invoque ce

titre que pour revendiquer une certaine suprématie sur l'Orient

**

Y. Congar, Neuf cents ans après, Chevetogne, 1954, 67.

E. Caspar a donné cette épigraphe au second des deux chapitres

qu'il consacre à saint Léon dans sa Gesch. des Papsttums, I, xn, 462-564.

*** Le mot est du P. Jugie, Le schisme byzantin, 188, cité par le

P. Congar, op. cit., 7. Le P. Congar aime à employer le mot anglais

d' « estrangement », ib., 8. Voir, sur ces questions, P. Batiffol, Cathedra

Pétri, 75-78.

182 CONCLUSION

aux dépens d'Antioche. Mais, rivale heureuse d'Antioche et

d'Alexandrie, Constantinople le sera bientôt de Rome... Et

bientôt aussi l'empereur mettra en question l'autorité du concile

de Chalcédoine lui-même. Au lendemain de ces jours qui furent

glorieux, c'est une douloureuse histoire qui va commencer.

REFERENCES

1. ACO I, v, 1, 29. loofs, Nesto-

riana, 253.

2. Ib. 31. Nestoriana, 278.

3. Dans cyr. d'alex., Adv. lui. 1,

8 ; PG 76, 901.

4. Ep. 101 ; PG 37, 177.

5. PG 77, 1456 ; ACO I, i, 1, 95.

6. Dans eusèbe, H. E. V, 28, 4-5

(SC, 41, 75).

7. Eph. 1, 1 ; Rom. 6, 3 ; Eph. 18,

2, (SC 10, 66, 134, 86).

8. Adv. Haer, III, xvi, 2, 3, 5, 8 ;

xvii, 4 (SC 34, 278, 282, 294-

296, 308) ; I, ix, 2 (PG 7, 540).

9. De Incarn. 18-19 (SC 18, 239-

243).

10. Cf. De Incarn. et c. Arian. 8 ;

PG 26, 996 c.

11. Cf. s. Cyrille, Quod unus sit

Christus, PG, 75, 1265.

12. Ep. 46 ; PG 77, 240 ; ACO I,

i, 6, 158.

13. De Incarn. 17 (SC 18, 237-238).

14. Tome aux Antiochiens, 7 ; P.G.

26, 804-805.

15. Fragm. 14 et 95, dans lietz-

mann, Apollinaris von Laodicea,

208, 229.

16. Ep. 107 ; PG 37, 181.

17. théod. de mops., Homélies caté-

chétiques, v, 11, 14, 15, 17 ;

éd. R. Tonneau, 117, 114, 121,

123.

18. De incarn. vin ; v ; PG 66, 981 ;

970. éd. Swete, 299; 292. —

Comm. sur S. lean, xra, 14 ; éd.

J. Vosté, 193-194. — Hom. Cat.

vin, 13 ; éd. R. Tonneau, 205.

19. Hom. Cat. in, 10 ; vi, 3 ; éd.

R. Tonneau, 67, 135.

20. De Incarn. xv ; PG 66, 992 ; éd.

Swete, 310.

21. C. Apollin. ; PG 66, 993-994 ;

éd. Swete, 313-314.

22. socrate, H. E. VIII, 29, 32 ;

PG 67, 804, 809.

23. Ib. 812.

24. ACO i, v, 1, 29.

25. Ib. 32 ; Nestoriana, 254.

26. 2e lettre à S. Cyrille (été 430),

PG 77, 53 ; ACO, I, i, 1, 30-31 ;

Nestoriana, 177-178.

27. ACO, ib. 58 ; Nestoriana, 262.

28. ACO, ib. 38 ; Nestoriana, 337-

338.

29. ACO, ib. 30 ; Nestoriana, 252.

30. Nestoriana, 224.

31. ACO, ib. 35, 37 ; Nestoriana,

262, 276.

32. Dans S. Cyrille, C. Nest. II, 14 ;

PG 76, 109 ; ACO I, i, 6, 52.

33. ACO I, i, 1, 101-102.

34. H. E. VII, 32 ; PG 57, 809.

35. D'après Cyrille, C. Nest. I, 5 ;

PG 76, 109 ; ACO I, i, 6, 52.

26 ; evagre, H. E. I, 9 ; PG 86,

2, 2445.

36. PG 65, 680 ; ACO I, i, 1, 103.

37. ACO I, v, 1, 37 ; Nestoriana,

184

REFERENCES 39-82

39. Cf. cassien, De Incarn. pré-

face ; PL 50, 9.

40. Célestin, Ep. 7 et 13, 2 ; PL 50,

442, 471 ; ACO I, h, 7 et 14.

41. Ep. 1 (aux moines) ; PG 77, 9-

40 ; ACO I, i, 1, 10-23. Ep. pas-

cale 17; PG 77, 768-769.

42. Ep. 3 ; PG 77, 40-44 ; ACO,

ib., 23-25.

43. Dans S. Cyrille, Ep. 3 ; PG 77,

44 ; ACO, ib., 25.

44. Ad Reginas, 13 ; PG 76, 1221 ;

ACO I, i, 5, 70.

45. Ep. 46, 2 ; PG 77, 241 ; ACO I,

i, 6, 159-160. Quod unus sit

Christus, PG 75, 1289. Ep. 45,

PG 77, 232 ; ACO, ib., 153.

46. Ep. 4 ; PG 77, 45 ; ACO I, l,

1, 26. Ep. 46; PG 77, 241;

ACO I, i, 6, 160.

47. Ep. 17 ; PG 77, 112 ; ACO, ib.,

36.

48. Ep. 48 ; PG 77, 236 ; ACO I,

i, 6, 155.

49. Dans Cyrille, Apol. c. Theod.

1 ; PG 76, 392 ; ACO I, i, 6,

109.

50. Ep. 17 ; PG 77, 115 b, et anaih.

4 ; ACO I, i, 1, 38, 41 ; DZ 116,

FC 298.

51. Ep. 4 ; PG 77, 45-48 ; ACO, ib.

26-28 ; DZ 111 a fin, FC 294.

Cf. Ep. 17, PG 77, 113, et

anath. 12 ; ACO, ib. 37 ; DZ

124 ; FC 306.

52. Ep. 17 ; PG 77, 116, et anath.

4 ; ACO, ib. 38 ; DZ 116 ; FC

298.

53. Ep. 17 ; PG 77, 113, et anath.

11; ACO, ib., 37; DZ 123;

FC 305.

54. Ep. 1 (aux moines d'Egypte) ;

PG 77, 13-16 ; ACO, ib., 11-12.

Lettre pascale 17 ; PG 77, 775.

— Ep. 17; PG 77, 119-120;

ACO, ib., 40 ; DZ 113 ; FC 295.

55. Hom. div. 17 ; PG 77, 1093 ;

cf. o. jouassard, dans Maria, I,

132 et n. 47.

56.

57.

58.

59.

60.

61.

62.

63.

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65.

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68.

69.

70.

71.

72.

73.

74.

REFERENCES 83-142

185

83. PG 77, 49-57 ; ACO I, i, 1,

29-32.

84. ACO ib., 31-36.

85. PG 77, 105-112 ; ACO I, i, 1,

35-42.

86. ACO ib., 36-38.

87. Ib., 39-54.

88. Ib. 54-64.

89. cyrille, Ep. 24 ; PG 77, 237 ;

ACO ib. 117-118.

90. ACO I, i, 5, 13-15.

91. ACO I, iv, 33.

92. 43 dans les Actes grecs, 53

dans la traduction latine de

Rusticus. ACO I, i, 5, 119-124.

93. Ib., 124-127.

94. ACO I, i, 3, 9-10.

95. Ib., 53-57.

96. Ib., 58.

97. Ib., 60-63.

98. ACO I, n, 64.

99. ACO I, i, 3, 24-25.

100. ACO I, i, 1, 27-30.

101. Ib., I, i, 3, 5-9.

102. ACO I, i, 7, 95-100. Cf. Cy-

rille, Ep. 72, à Proclus ; PG

77, 345; ACO I, v, 315.

103. ACO, I, i, 5, 107-106.

104. ACO I, i, 3, 31-32.

105. ACO I, iv, 53-54.

106. ACO I, iv, 222-225.

107. ACO I, i, 7, 70.

108. ACO I, iv, 68-69.

109 ACO I, i, 7, 81.

110. Ib., 85.

111. ACO I, i, 3, 5-9.

112. PL 50, 583-589 ; ACO I, i, 7,

143-145.

113. s. léon, Ep. 93 ; PL 54, 939 ;

ACO II, iv, 52.

114. Définition de Chalcédoine,

ACO II, i, 2, 127.

115. ACO I, i, 3, 61-62.

116. ACO I, i, 7, 142.

117. PG 77, 44-49 ; ACO I, i, 1,

25-28.

118. ACO I, i, 2, 36.

119. Mansi, ix, 327.

120. Ep. 39, à Jean d'Antioche (de

433) ; PG 77, 177 ; ACO I, i,

4, 18.

121. ACO I, il, 13 ; I, v, 182.

122. cf. PG 77, 44-49 ; ACO I, i, 1,

25-28.

123. ACO I, i, 7, 70.

124. Ep. 38 dans la correspondance

de S. Cyrille, PG 77, 172-173 ;

ACO I, i, 4, 7-9 ; DZ 5002.

125. Ep. 39 ; PG 77, 173-181 ; ACO

ib., 15-20.

126. Ep. 51-52, dans la correspon-

dance de S. Cyrille, PG 77,

277-286; ACO I, n, 107-110.

127. 5 et 6 ; PL 50, 602-610 ; ACO.

I, il, 107-108, 108-110.

128. Mt 28, 19-20.

129. PG 77, 172-181 ; ACO I, i, 1,

7-9, 15-20.

186

RÉFERENCES 143-183

143.

144.

149.

150.

Synodicon 203 (293) ; PG 84,

828 ; ACO I, iv, 223.

Le livre d'Héraclide, trad. F.

nau, 294-295.

145. s. léon, Ep. 20 (1" juin 448) ;

PL 54, 713; ACO II, IV, 3.

La lettre d'Eutychès ne nous

a pas été conservée.

146. s. léon, Epp. 28, 29, 35 ; PL

54, 755-757, 781-783, 805;

ACO II, iv, 6-8, 9-10.

147. Ainsi parlait Flavien lui-même,

ACO II, i, I, 131.

148. Les Actes du Synode de 448

se trouvent insérés dans les

Actes du concile de Chalcé-

doine, ACO II, i, 1, 124-144.

Parmi les lettres de s. léon,

Ep. 21 ; PL 54, 714-717 ; ACO

II, iv, 143-144.

Parmi les lettres de s. léon,

Ep. 22 ; PL 54, 724-728 ; ACO

ib., 36-37. — La lettre de Fla-

vien coïncide pour le fond

avec celle d'Eutychès, qui

exprime le point de vue de

l'accusé.

151. ACO II, i, J, 35.

152. Epp. 23 et 24, du 18 février

449; PL 54, 731-736; ACO

II, iv, 3-5.

153. Ep. 27, du 21 mai 449 ; PL

54, 751 ; ACO ib., 9.

154. Cf. liberatus de Carthage,

Breviarium causae nestoriano-

rum et eutychinianorum, 12,

ACO II, v, 117, et l'allusion

d'Eutychès lui-même dans le

mémoire qu'il adresse au sy-

node de 449, ACO II, i, 1,

16 : il a prié l'empereur de

faire les évêques juges de la

condamnation portée contre

lui.

155. Parmi les lettres de s. léon,

Ep. 54, 747 ; ACO II, i, 1, 40.

156. ACO ib., 68-69.

157. Ib., 71.

158. Cf. s. léon, Ep. 29, PL 54,

781-783 ; ACO II, iv, 9.

159. Ep. 9 ; PL 54, 624.

160. Ep. 29 ; PL 54, 781-783 ; ACO

II, iv, 9-10.

161. Ep. 31 ; PL 54, 789-795 ; ACO

ib. 12-15.

162. Epp. 32, 33, 34 ; PL 54, 795-

802 ; ACO ib. 11-12, 15-17.

163. Ep. 28 ; PL 54, 755-779 ; ACO

II, il, 24-33.

164. P. ex. Epp. 23, 69 ; PL 54, 733,

891 ; ACO II, iv, 5, 31, etc.

165. Ado. Prax. 27 : « Salva est

utriusque proprietas substan-

tiae ».

REFERENCES 184-240

187

184. Ep. 95 à Pulchérie ; PL 54,

943 ; ACO ib., 51. Cf. Ep. 86,

1.

185. Dans S. Léon, Ep. 46 ; PL 54,

837 ; ACO ib., 27.

186. e. diehl, Inscriptiones chris-

tianae veteres, 980.

187. ACO II, n, 77-79.

188. Ib., 79-81.

189. théodoret, Ep. 113 ; PG 83,

1312-1317; ACO II, m, 358.

190. Hilaire à Pulchérie, dans S.

Léon, Ep. 46; PL 54, 837-

839 ; ACO II, iv, 28.

191. Epp. 44, 45, 50, 51 ; PL 54,

827-835; ACO ib., 19-23, 29,

25.

192. Epp. 47, 48, 49 ; PL 54, 839-

842 ; ACO ib., 22-23.

193. Ep. 54, PL. 54, 855-856 ; ACO

ib., 11.

194. Dans les lettres de s. léon,

Ep. 55; PL 54, 857-859.

195. Ib., Ep. 56 ; PL 54, 859-861.

196. Ib., Ep. 62 ; PL 54, 875.

197. Ep. 69 ; PL 54, 890-892 ; ACO

ib., 30.

198. V. p. ex. la lettre de Léon à

Ravennius d'Arles, Ep. 67 ;

PL 54, 886-887.

199. Dans s. léon, Ep. 73 ; PL 54,

899 ; ACO II, i, 1, 10 (la trad.

lat. ib. III, 1, 27).

200. Dans s. léon, Ep. 76 ; PL 54,

903-904; ACO ib. n, 1, 8.

Marcien fait allusion au Tome

à Flavien.

201. Ib., Ep. 77 ; PL 54, 905-908 ;

ACO ib., 9.

202. théodoret, Ep. 138, 139, 140 ;

PG 83, 1360-1365 ; evagre,

Hist. Eccl. II, 2 ; PG 86, 2489-

2492.

203. Epp'. 78, 79, 80, 81 ; PL 54,

907-916, ACO ib., 37-41.

204. Ep. 82 ; PL 54, 917-918 ; ACO

ib., 37-41.

205. Epp. 83, 84, 85, 86 ; PL 54,

919-925; ACO ib., 42-45.

206. ACO ib., 27.

207. Epp. 89 et 90 ; PL 54, 930-

934 ; ACO II, iv, 47, 49. Cf.

encore Ep. 94 à Marcien, du

20 juillet ; PL 54, 941 ; ACO

ib., 49.

208. Ep. 92 ; PL 54, 936, ACO ib.,

49.

209. Ep. 93 ; PL 54, 937-940 ; ACO

ib., 51-52.

210. Ep. 95 ; PL 54, 943 ; ACO ib.,

51.

211. ACO II, m, 1, 19.

212. Ib., i, 1, 29-30 (22 sept.).

213. Ib., i, 1, 65.

214. Ib., 66-70.

215. PG 77, 44-49 ; ACO I, i, 1,

25-28.

216. PG 77, 159-173 ; ACO I, i,

188

REFERENCES 241-277

241.

242.

243.

244.

245.

246.

247.

248.

249.

250.

251.

252.

253.

254.

255.

256.

257.

258.

259.

260.

261.

PG 77, 45 ; ACO I, i, 1, 27.

PL 54, 745 ; ACO II, i, 1, 39.

Ib., 725 ; Ib., 37.

Ep. 51 ; PG 83, 1124.

Ep. 39 ; PG 77 ; ACO I, i, 4,

17.

ACO II, i, 2, 81-82.

Ep. 93, 2; PL 54, 937-939;

ACO II, iv, 52.

Ep. 31 (à Pulchérie, 13 juin

449), 2 ; PL 54, 792 ; ACO ib.,

15.

Ep. 33 (au concile, 13 juin

449), 1 ; PL 54, 797 ; ACO ib.,

15.

Serai. 96, 2 ; PL 54, 469.

s. léon, Serm. 21, 2, 25, 5 ;

27, 2 ; PL 54, 192, 211, 217 ;

SC 22, 72, 120, 138-140.

cm Ep. 56 ; PC 77, 320.

ACO II, n, 3, 5-7.

Cf. s. léon, Epp. 44, 45 ; PL

54, 827-835 ; ACO II, iv, 23-

25.

ACO II, i, 69.

Sur toute cette séance, ACO

II, i, 3, 7-11.

ACO II, i, 3, 88-94; III, 3,

102-108.

ACO, II, i, 2, 158-163.

ACO II, i, 2, 116.

ACO II, i, 3, 89-94.

Ib., 87-88, 95-99 ; in, 3, 108-

110.

Ib., 116-118. Le texte latin

Ep. 100; PL 54, 972-974;

ACO II, iv, 167-168. Le texte

grec ib., i, 2, 55-56.

264. Pas de date. Dans s. léon,

Ep. 101 ; ib., 976-984. Le texte

grec ib., 52-54.

265. Epp. 104, 105, 106 ; PL 54,

991-1009; ACO II, iv, 55-62.

266. Ep. 107 ; PL 54, 1009-1010 ;

ACO ib., 62.

267. Dans S. Léon, Ep. 110 ; PL 54,

1017-1019 ; ACO II, i, 2, 61.

TEXTE

SECONDE LETTRE DE SAINT CYRILLE

A NESTORIUS *

(janvier — février 430).

Cyrille au Très Révérend et Très Religieux

Nestorius, son Collègue, salut dans le

Seigneur.

J'apprends que certains calomnient les sentiments que j'ai à

l'égard de Ta Piété ; ils le font fréquemment, surtout à l'occasion

d'assemblées de hauts personnages. Peut-être pensent-ils par là

flatter tes oreilles. Ils lancent des rumeurs sans fondement. On ne

leur a pas fait tort, mais ils ont été condamnés à juste titre : celui-ci

pour avoir fait tort à des aveugles et à des pauvres, celui-là pour

avoir tiré l'épée contre sa mère, un autre pour avoir, avec l'aide

d'une servante, volé l'or d'autrui, et pour avoir eu toujours une

réputation que personne ne souhaiterait à son pire ennemi. Mais

ce que disent ces gens-là n'a pas beaucoup d'importance pour

moi, et je ne veux pas dépasser la mesure de ma petitesse auprès

de celui qui est mon Seigneur et mon Maître, ni auprès de mes

Pères. Car quelle que soit la vie qu'on mène, on ne peut échapper

aux attaques des méchants ; mais eux, dont la bouche est pleine

de malice et d'amertume [cf. Rm 3, 14], auront à répondre devant

le juge de tous. Pour moi, je retournerai à ce qui me convient

davantage, et je te rappellerai, comme à un frère dans le Christ,

qu'il faut présenter aux peuples les paroles de l'enseignement et

les pensées sur la foi avec une entière sécurité ; il faut considérer

que scandaliser un seul de ces petits qui croient dans le Christ

[cf. Mt 18, 6] provoque l'indignation intolérable (de Dieu). Et si

* Le texte dans PG 77, 44-49; ACO I, i, 1, 25-28. Une traduction

française partielle dans E. Amann, Le dogme catholique dans les Pères de

l'Église, Paris, 1922, 335-338. Nous nous inspirons ici de cette tra-

duction, en la rectifiant ou la complétant ici ou là. Un fragment dans

FC 294.

192 TEXTES

le nombre de ceux qui ont été troublés est si grand, comment ne

nous faut-il pas user de beaucoup d'habileté, pour écarter avec

prudence les scandales, et pour présenter à ceux qui cherchent la

vérité, la saine parole de la foi ? Et cela se fera très bien si nous

lisons les écrits des Saints Pères et nous efforçons d'en faire grand

cas, et si, comme il est écrit, nous nous examinons pour voir si nous

sommes dans la foi [II Cor 13, 5] et conformons nos pensées à

leurs opinions droites et irréprochables.

Le grand et saint concile [de Nicée] a donc dit que c'est le

même Fils unique, engendré de Dieu le Père selon la nature, vrai

Dieu de vrai Dieu, lumière de lumière, par qui le Père a tout fait,

qui est descendu, s'est fait chair, s'est fait homme, a souffert, est

ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux. C'est à ces paroles

et à ces enseignements qu'il faut nous attacher, considérant ce que

veut dire : le Verbe de Dieu s'est incarné et s'est fait homme.

Nous ne disons pas que la nature du Verbe s'est transformée pour

devenir chair, ni non plus qu'elle s'est transformée en un homme

complet [composé] d'âme et de corps, mais plutôt ceci : le Verbe

s'unissant selon l'hypostase une chair animée d'une âme raison-

nable, est devenu homme d'une façon indicible et incompréhensible,

et s'est appelé Fils de l'homme, non pas seulement par volonté ni

par complaisance, ni non plus en en prenant seulement le person-

nage (prosôpon). Différentes sont les natures qui se sont rencontrées

dans une unité véritable, mais des deux [résulte] un seul Christ et

Fils : la différence des natures n'est pas supprimée par l'union, mais

au contraire la divinité et l'humanité forment pour nous un seul

Seigneur et Fils et Christ, par leur rencontre indicible et ineffable

en l'unité.

Ainsi, bien qu'il subsiste avant les siècles et qu'il ait été engendré

par le Père, il est dit aussi avoir été engendré selon la chair par

une femme, non point que sa nature divine ait commencé à être

en la sainte Vierge, ni qu'elle ait eu nécessairement besoin d'une

seconde naissance par elle après celle qu'il avait reçue du Père, —

car c'est légèreté et ignorance de dire que celui qui existe avant les

siècles et est coéternel au Père a besoin d'une seconde génération

pour exister, — mais puisque c'est pour nous et pour notre salut

qu'il s'est uni selon l'hypostase l'humanité (to anthrôpinon), et qu'il

est né de la femme, on dit qu'il a été engendré d'elle selon la

chair. Car ce n'est pas un homme ordinaire qui a été d'abord

engendré de la sainte Vierge, et sur lequel ensuite serait venu se

reposer le Verbe, mais le Verbe s'étant uni [à l'humanité] dès le

CYRILLE A NESTORIUS 193

sein de Marie, est dit avoir accepté une naissance charnelle, ayant

revendiqué pour lui la naissance de sa propre chair.

C'est ainsi que nous disons qu'il a souffert et qu'il est ressuscité,

non pas que le Dieu Verbe ait souffert en sa propre nature les

coups, les trous des clous et las autres blessures (car la divinité est

impassible, puisqu'elle est incorporelle) ; mais puisque le corps qui

est devenu le sien propre, a souffert tout cela, on dit encore une

fois que c'est lui (le Verbe) qui a souttert pour nous : l'Impassible

était dans le corps qui souffrait. Et c'est d& la même façon que nous

pensons au sujet de sa mort. Car le \ srbe de Dieu est par nature

immortel, incorruptible, vie et vivifiant. Mais encore une fois puis-

que son propre corps a, par la grâce de Dieu, goûté la mort pour

tout homme, comme dit Paul [Héb 2, 9], on dit qu'il a souffert

la mort pour nous : non qu'il ait fait l'expérience de la mort en ce

qui regarde sa propre nature (ce serait folie de dire cela ou de

le penser), mais parce que, comme je l'ai dit à l'instant, sa chair

a goûté la mort. Ainsi, sa chair étant ressuscitée, on parle de la

résurrection du Verbe, non point que le Verbe soit tombé dans la

corruption, non certes, mais encore une fois parce que son corps

est ressuscité.

Ainsi nous confesserons un seul Christ et un seul Seigneur, non

pas en adorant un homme avec le Verbe, pour ne pas introduire

l'imagination d'une division en disant avec ; mais nous adorons un

seul et même (Christ), car le corps du Verbe ne lui est pas étranger,

c'est avec lui qu'il siège maintenant avec son Père : ce ne sont pas

deux Fils qui siègent avec le Père, mais un seul, à cause de l'union,

avec sa propre chair. Mais si nous écartons comme incompréhen-

sible ou indécente l'union selon l'hypostase, nous en arrivons à

parler de deux Fils : car de toute nécessité il faut séparer et dire à

part l'homme qui a été honoré de l'appellation de Fils, et à part

encore le Verbe de Dieu qui possède naturellement le nom et la

réalité de la filiation. Il ne faut donc pas séparer en deux fils

l'unique Seigneur Jésus-Christ. Cela ne servirait en rien à la foi

orthodoxe d'en arriver là, même si certains parlaient d'union des

prosôpa. Car l'Écriture ne dit pas que le Verbe s'est uni le prosôpon

d'un homme, mais qu'il s'est fait chair.

Et dire que le Verbe s'est fait chair, cela ne veut pas dire autre

chose que ceci : il a participé comme nous à la chair et au sang

[Héb 2, 14] ; il a fait sien notre corps et il a été mis au monde

comme un homme né de la femme ; il n'a pas rejeté son être divin

ni sa génération de Dieu le Père, mais en prenant une chair il est

resté ce qu'il était.

194 TEXTES

Voilà ce qu'enseigne partout la foi orthodoxe ; voilà ce que nous

trouverons dans l'enseignement des Saints Pères. C'est pourquoi ils

ont osé appeler theotokos la Sainte Vierge, non pas que la nature

du Verbe ou sa divinité ait pris de la sainte Vierge le principe de

son existence, mais puisqu'est né d'elle ce saint corps animé d'une

âme raisonnable auquel le Verbe s'est uni selon l'hypostase, on dit

que le Verbe a été engendré selon la chair.

Voilà ce que la charité du Christ me pousse à t'écrire ; je t'exhorte

comme un frère et je te conjure en face du Christ et des anges élus

de penser et d'enseigner cela avec nous, afin que la paix des Églises

soit sauvée, et que le lien de la concorde et de la charité demeure

infrangible entre les prêtres de Dieu.

Salue les frères qui sont près de toi. Ceux qui sont avec nous te

saluent dans le Christ.

II

LETTRE DE NESTORIUS A SAINT CYRILLE *

(15 juin 430)

A notre Très Religieux et Très Pieux

collègue Cyrille, Nestorius, salut dans le

Seigneur.

Je passe sur les injures envers nous de ton étonnante lettre : elles

réclament la patience d'un médecin, et les faits eux-mêmes leur

répondront en temps voulu. Mais ce qu'on ne saurait taire sans un

grand péril, je tâcherai de le dire brièvement, autant que je le puis,

et sans m'étendre dans des longueurs, pour ne pas te donner la

nausée d'un long discours obscur et indigeste. Je commencerai donc

par citer en propres termes les paroles très sages de Ta Charité.

Quelle est donc la teneur de la doctrine admirable de ta lettre ?

« Le saint et grand concile dit que c'est le même Fils unique,

engendré de Dieu le Père selon la nature, vrai Dieu de vrai Dieu,

lumière de lumière, par qui le Père a tout fait, qui est descendu,

s'est fait chair, s'est fait homme, a souffert, est ressuscité...»

Voilà les paroles de Ta Piété ; tu reconnais peut-être ton bien.

* Ep. 5 dans la correspondance de saint Cyrille ; PG 77, 49-57 ; ACO

I, i, 1, 29-30. Cf. ci-dessus p. 40.

NESTORIUS A CYRILLE 195

Écoute aussi les nôtres ; c'est une exhortation fraternelle sur la vraie

religion, celle dont le grand Paul adjurait son cher Timothée :

« Applique-toi à la lecture, à l'exhortation, à l'enseignement. En

faisant cela, tu te sauveras toi-même et tes auditeurs » [I Tim 4, 13].

Que veut dire : Applique-toi ? Ceci : ayant lu superficiellement la

tradition des saints, tu es tombé dans une ignorance pardonnable :

tu as cru qu'ils disaient que le Verbe coéternel au Père est passible.

S'il te plaît, penche-toi avec plus d'exactitude sur leurs paroles, et

tu trouveras que le divin chœur des Pères n'a pas dit que la divinité

consubstantielle est passible, ni que (cette divinité) coéternelle au

Père est née récemment, ni que celle qui a ressuscité son Temple

détruit a été ressuscitée. Si tu prêtes l'oreille aux conseils d'un

médecin fraternel, je t'apporterai les paroles des Saints Pères, et

grâce à elles, je te débarrasserai de toutes les erreurs mensongères

que tu profères contre elles-mêmes et contre les divines Écritures.

Je crois donc, disent-ils, en un seul Seigneur, Jésus-Christ, son

Fils unique. — Remarque comment les Pères posent d'abord comme

un fondement ces mots : Jésus, Christ, unique engendré, Fils, noms

qui sont communs à la divinité et à l'humanité, et comment ils

élèvent ensuite l'édifice de la tradition concernant l'incarnation, la

passion et la résurrection, pour que, ayant d'abord posé les noms

qui signifient les (propriétés) communes à l'une et à l'autre nature,

on ne sépare pas ceux qui appartiennent à la nature du Fils et du

Seigneur, et qu'on ne risque pas non plus de faire disparaître les

propriétés des natures en les absorbant dans l'unique filiation. C'est

ce que Paul leur avait appris : rappelant la divine incarnation, et

devant ajouter la passion, il a d'abord posé le mot Christ, terme

commun aux deux natures, comme je l'ai dit un peu plus haut, et

il continue par des mots qui conviennent aux deux natures. Que

dit-il donc ? « Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ

Jésus, qui étant en forme de Dieu, ne retint pas jalousement son

égalité avec Dieu, mais (pour ne pas citer chaque mot du texte) il

s'est fait obéissant jusqu'à la mort, la mort de la croix » [Phil 2, 5-6].

Voulant faire mention de la mort, et pour ne pas laisser supposer

que le Dieu Verbe est passible, il pose le mot Christ, comme une

appellation qui signifie en un unique prosôpon la substance (ousia)

impassible et la substance passible, afin que l'on puisse sans danger

appeler le Christ impassible et passible, impassible en sa divinité,

passible dans la nature de son corps.

Je pourrais dire beaucoup de choses sur ce sujet, et d'abord que

les Saints Pères ne parlent pas, à propos de l'économie, de nais-

sance, mais d'incarnation ; mais je sens que la brièveté que j'ai

198 TEXTES

promise en mon exorde réfrène mon discours, et m'amène au second

chapitre de Ta Charité. J'y louais la séparation des natures en raison

de l'humanité et de la divinité, et leur conjonction (sunaphéia) en

un seul prosôpon, et aussi ce que tu dis, que le Verbe n'a pas

eu besoin d'une seconde naissance de la femme, et que tu confesses

que la divinité est impassible. Vraiment tout cela est orthodoxe et

contraire aux opinions fausses des hérésies sur les deux natures

du Seigneur.

Si ce qui suit enseigne une sagesse cachée incompréhensible aux

oreilles du lecteur, à ton habileté de le savoir ; à moi, cela m'a paru

contredire ce qui précède. Car celui qui d'abord avait été proclamé

impassible et incapable d'une seconde naissance, tu dis ensuite, je

ne sais comment, qu'il est passible et créé récemment, comme si les

propriétés qui conviennent par nature au Dieu Verbe avaient été

détruites par leur conjonction avec le Temple, ou que ce fût peu

de chose aux yeux des hommes que ce Temple sans péché et insépa-

rable de la nature divine, ait subi pour les pécheurs la naissance

et la mort, ou qu'il ne fallût pas croire à la voix du Seigneur qui

crie aux Juifs : « Détruisez ce Temple, et je le relèverai en trois

jours » [Jn 2, 19], et non point : « Détruisez ma divinité, et elle se

relèvera en trois jours ».

Je voudrais encore m'étendre sur ce point, mais je suis retenu

par le souvenir de ma promesse ; il faut cependant parler, mais

avec brièveté. Partout où les divines Écritures font mention de

l'économie du Seigneur, elles attribuent la naissance et la souffrance

non à la divinité, mais à l'humanité du Christ, de sorte que, à parler

très exactement, il faut appeler la sainte Vierge mère du Christ

(christotokos) et non mère de Dieu (theotokos). Écoute l'Évangile

qui crie : « Livre de la génération de Jésus Christ, fils de David, fils

d'Abraham » [Mt 1, 1]. Il est évident que le Dieu Verbe n'était pas

fils de David. Écoute encore, si tu le veux, un autre témoignage :

« Jacob engendra Joseph, époux de Marie, de qui est né Jésus qu'on

appelle Christ» [ib. 1, 6]. Fais attention encore à une autre voix

qui nous atteste : « Voici la génération de Jésus Christ. Comme

Marie sa mère était fiancée à Joseph, elle se trouva enceinte du fait

du Saint-Esprit » [ib. 1, 18]. Qui supposerait que la divinité du Fils

unique est une créature du Saint-Esprit ? Et que veut dire ceci :

« La mère de Jésus était là » [Jn 2, 1] ? et encore « avec Marie la

mère de Jésus » [Act 1, 14] ? et : « Ce qui est né en elle est du

Saint-Esprit» [Mt 1, 20], et : «Prends l'enfant et sa mère et fuis

en Egypte » [ib. 2, 13] ? Et : « Au sujet de son fils qui est né de

la race de David selon la chair » [Pan 1, 3], et au sujet de sa

NESTORIUS A CYRILLE 197

passion encore : « Dieu envoya son Fils dans la ressemblance d'une

chair de péché, et à cause du péché il a condamné le péché dans

sa chair» [ib. 8. 3], et encore : «Le Christ est mort pour nos

péchés » [I Cor 15, 3], et « Le Christ a souffert en sa chair »

[I P 4, 1], et « ceci est mon corps, rompu pour vous » [I Cor 11, 24].

Et mille autres paroles qui témoignent au genre humain qu'il ne

faut pas penser que la divinité du Fils est née récemment, ou qu'elle

est capable de souffrances corporelles, mais bien la chair unie à la

nature de la divinité (c'est pourquoi le Christ se nomme lui-même

Seigneur de David et son fils : « Que vous semble-t-il du Christ,

dit-il ? de qui est-il le Fils ? Ils lui disent : De David. Jésus leur

répondit : Comment donc David parlant dans l'Esprit l'appelle-t-il

Seigneur, en disant : le Seigneur a dit à mon Seigneur : assieds-toi

à ma droite ? » [Mt 22, 42-44]. C'est qu'il est Fils de David selon

la chair et son Seigneur selon la divinité). Il est bon et conforme à

la tradition évangélique de confesser que le corps est le temple de

la divinité du Fils, temple qui lui est uni par une suprême et divine

conjonction, au point que la nature de la divinité s'approprie ce

qui appartient à ce temple. Mais sous prétexte de cette appropria-

tion, attribuer (au Verbe) les propriétés de la chair qui lui est unie,

je veux dire la naissance, la souffrance et la mort, c'est, mon frère,

le fait d'un esprit égaré par les erreurs des Grecs, ou malade de

la folie d'Apollinaire, d'Arius ou d'autres hérésies, ou de quelque

maladie plus grave encore. Car de toute nécessité ceux qui se

laissent attirer par ce mot d'appropriation, devront dire que le Dieu

Verbe a, par appropriation, été allaité, qu'il a grandi un peu à la

fois, et qu'au moment de la passion il a eu peur et qu'il a eu

besoin du secours d'un ange. Et je passe sous silence la circoncision,

le sacrifice, la sueur, la faim ; tout ce qu'il a subi pour nous dans

la chair qui lui est unie est adorable, mais l'attribuer à la divinité

est un mensonge et nous ferait justement accuser de calomnie.

Telles sont les traditions des Saints Pères, tels sont les enseigne-

ments des divines Écritures ; c'est ainsi que la théologie parle de

la philanthropie de Dieu et de son autorité : « Médite cela, sois-y-

tout entier, pour que tes progrès soient manifestes à tous », dit Paul

[I Tim 4, 15]. Quant à ceux qui ont été scandalisés, tu fais bien

d'en avoir le souci, et je rends grâce à ton âme qui prend soin

des choses de Dieu et a souci de nos intérêts. Sache cependant que

tu t'es laissé tromper par des gens qui ont été condamnés ici par

le saint Synode comme manichéens , ou par des clercs qui par-

* Allusion à un certain Philippe, prêtre de Constantinople, accusé de

manichéisme par le pélagien Célestius, et condamné par un synode de

198 TEXTES

tagent tes opinions. Car les choses de l'Église s'accroissent de jour

en jour, et par la grâce du Christ les peuples progressent tellement

que ceux qui voient leur multitude s'écrient avec le prophète : « La

terre est remplie par la connaissance du Seigneur comme la mer

est recouverte par les grandes eaux» [Is 11, 9]. Les empereurs se

réjouissent d'une joie extrême en voyant l'éclat que reçoivent les

dogmes. Et pour tout dire en un mot, on trouvera que s'est accompli

chez nous, à propos de toutes les hérésies ennemies de Dieu, ce

mot de l'Écriture : « La maison de Saûl allait s'affaiblissant, et la

maison de David allait se fortifiant» [II R 3, 1].

Voilà les conseils d'un frère à son frère. Si quelqu'un veut discu-

ter, Paul lui criera par notre bouche : « Nous n'avons pas cette

habitude, ni les Églises de Dieu» [I Cor 11, 16]. Avec tous ceux

qui sont avec moi je salue vivement toute la fraternité qui est avec

toi dans le Christ. Porte-toi bien et veuille prier pour nous, Seigneur

très honoré et très pieux.

III

TROISIÈME LETTRE DE SAINT CYRILLE

A NESTORIUS*

(novembre 430)

A notre Collègue Très Religieux et très aimé

de Dieu, Nestorius, Cyrille et le synode du

diocèse d'Egypte rassemblé à Alexandrie,

salut dans le Seigneur.

Comme notre Sauveur dit clairement : « Celui qui aime son père

ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et celui qui aime

son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi » [Mt 10, 37],

qu'en sera-t-il de nous à qui Ta Piété demande que nous l'aimions

plus que notre Sauveur à tous le Christ ? Qui pourra nous aider

au jour du jugement ? quelle défense trouverons-nous, après avoir

si longtemps gardé le silence sur tes blasphèmes contre lui ? Si

Constantinople. Cf. le commonitorium adressé par Cyrille à Célestin,

n. 5 (PG 77, 88-89 ; ACO I, i, 7, 171-172).

* PG 77, 105-112; ACO I, i, 1, 33-42; FC 295-306; cf. ci-dessus,

p. 41. — Dans notre traduction, nous avons donné, aux endroits voulus,

la référence aux anathématismes dont la lettre développe la doctrine.

CYRILLE A NESTORIUS 199

par ces sentiments et ces doctrines tu ne faisais tort qu'à toi-même,

notre souci serait moins grand. Mais puisque tu as scandalisé toute

l'Église, et que tu as semé parmi les peuples le ferment d'une

hérésie inouïe et étrange, — et cela non seulement là-bas (à Constan-

tinople), mais partout, car les livres où tu expliques ta pensée

circulent par le monde, — quelle raison trouver encore à notre

silence, et comment ne pas nécessairement nous souvenir du Christ

qui dit : « Ne pensez pas que je suis venu apporter la paix, mais

le glaive. Je suis venu séparer l'homme contre son père et la fille

contre sa mère » [Mt 10, 34-35] ? Quand la foi est lésée, que s'en

aille le respect des parents, vain et dangereux, que soit abandon-

née la loi d'affection pour les enfants et les frères, et pour les vrais

croyants, la mort est préférable à la vie, « pour qu'ils obtiennent une

meilleure résurrection» comme le dit l'Écriture [Heb 11, 35].

Voici donc qu'avec le saint synode qui s'est rassemblé dans la

grande Rome sous la présidence de notre très saint et très religieux

collègue l'évêque Célestin, nous t'adjurons par cette troisième lettre,

et te conseillons de renoncer aux doctrines si perverses et aberrantes

que tu professes et enseignes, et d'embrasser au contraire la vraie

foi, qui a été dès le commencement transmise aux Églises par les

saints apôtres et évangélistes, qui ont été témoins oculaires et

serviteurs de la Parole [Le 1, 2]. Et si Ta Révérence ne le fait pas

dans le délai fixé dans les lettres du très saint et très religieux

évêque susnommé, notre collègue de Rome Célestin, sache que tu

n'as plus aucune part avec nous, ni aucun lieu ni rang parmi les

prêtres de Dieu et les évêques. Car nous ne pouvons pas voir avec

indifférence les Églises ainsi troublées, les peuples scandalisés, la

vraie foi réduite à rien, les troupeaux dispersés par toi qui aurais

dû les sauver, si tu avais été comme nous un amant de l'orthodoxie,

marchant sur les traces de la foi des Saints Pères. Nous sommes en

communion avec tous ceux, prêtres ou laïcs, que Ta Révérence a

excommuniés ou déposés pour la foi. Car il n'est pas juste que

ceux qui ont décidé de rester orthodoxes soient lésés par tes sen-

tences, parce qu'ils ont bien fait en s'opposant à toi. Tu as fait

allusion à ceci dans la lettre que tu as écrite à notre très saint

collègue Célestin, l'évêque de la grande Rome *.

Il ne suffira pas à Ta Révérence de confesser avec nous le symbole

de foi exposé en son temps sous l'inspiration du Saint-Esprit par le

grand et saint synode réuni alors à Nicée, car tu ne le comprends

ni ne l'interprètes droitement, mais plutôt de travers, même si tu

en confesses de voix le texte. Mais il convient que par écrit et sous

* ACO I, ii, 12-14.

200 TEXTES

la foi du serment tu confesses que tu anathématises tes doctrines

criminelles et profanes, et que tu penses et enseignes ce que tous

nous pensons et enseignons, nous les évêques, docteurs et chefs des

peuples, en Occident et en Orient. De plus le saint synode de

Rome et nous tous avons donné notre accord, comme à des textes

orthodoxes et irréprochables, aux lettres qui ont été écrites à Ta

Révérence par l'Eglise d'Alexandrie. Et dans la lettre présente

nous ajoutons ce qu'il convient que tu penses et enseignes et ce

dont il faut t'abstenir. Voici donc la foi de l'Église catholique et

apostolique, que professent unanimement tous les évêques ortho-

doxes, en Occident et en Orient :

Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, le créateur

de toutes choses, visibles et invisibles, et en un seul Seigneur, Jésus-

Christ le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c'est-à-dire de la

substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de Dieu, vrai Dieu de

vrai Dieu ; engendré, non point fait, consubstantiel au Père, par qui

tout a été fait, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, qui pour

nous et pour notre salut est descendu, s'est fait chair et s'est fait

homme, qui a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté

aux cieux, viendra juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit.

Quant à ceux qui disent : il fut un temps où il n'était pas ; et :

avant d'être engendré il n'était pas ; et : il a été fait du néant ; ou qui

disent que le Fils de Dieu est d'une autre hypostase ou substance

(ousia), ou qu'il est changeant ou muable, ceux-là l'Église catholique

et apostolique leur dit anathème.

Nous attachant donc en tout à la confession des Saints Pères,

qu'ils ont formulée avec le Saint-Esprit qui parlait en eux, suivant

le sens de leur pensée, et marchant comme sur une voie royale,

nous affirmons ceci :

C'est le même, le Verbe Fils unique de Dieu, engendré de la

substance du Père, vrai Dieu de vrai Dieu, lumière de lumière, par

qui tout a été fait au ciel et sur la terre, c'est le même qui pour

notre salut, est descendu, s'est abaissé jusqu'à l'anéantissement, s'est

incarné et s'est fait homme, c'est-à-dire que prenant une chair de la

sainte Vierge, et la faisant sienne, il a été comme nous engendré du

sein maternel, et il est apparu homme né de la femme, sans rejeter ce

qu'il était, bien qu'il soit né en assumant la chair et le sang, et

restant ce qu'il était, c'est-à-dire par nature et en vérité. Nous

ne disons pas que la chair s'est changée en la nature de la divinité,

ni que la nature ineffable du Dieu Verbe s'est transformée dans la

nature de la chair, car il est immuable et inaltérable, et demeure

absolument toujours le même, selon les Écritures [Mal 3, 6]. Mais

CYRILLE A NESTORIUS 201

quand on le voyait comme un nourrisson dans les langes, et même

quand il était encore dans le sein de la vierge mère, il remplissait

tout la création, comme Dieu, et trônait en égal avec le Père qui l'a

engendré : car la divinité est sans qualités ni dimensions et ne

connaît pas de limites.

En confessant donc le Verbe uni à la chair selon l'hypostase

(anath. 2), nous adorons un seul Fils et Seigneur Jésus-Christ

(anath. 5), sans mettre à part ni séparer l'homme et le Dieu, comme

s'ils étaient attachés l'un à l'autre par une unité de dignité ou d'au-

torité : cela ne serait qu'une parole vide (anath. 3) ; et nous n'appe-

lons pas Christ séparément le Verbe de Dieu, ni séparément aussi

un autre Christ né de la femme, mais nous ne connaissons qu'un

seul Christ, le Verbe du Dieu Père avec sa propre chair. Alors comme

nous, il a été oint (fait Christ), bien qu'à ceux qui sont dignes de le

recevoir, il donne lui-même l'Esprit, et non pas avec mesure, comme

dit le bienheureux évangéliste Jean [Jn 3, 34]. Mais nous ne disons

pas non plus que le Verbe de Dieu a habité comme en un homme

ordinaire en celui qui est né de la sainte Vierge (anath. 11), pour

qu'on n'aille pas croire que le Christ est un homme théophore

(porteur de Dieu) (anath. 15). Mais si le Verbe a habité parmi nous

[Jn 1, 14], et si l'on dit que dans le Christ habite eorporellement

toute la plénitude de la divinité [Col 2, 9], considérons donc que

s'il s'est fait chair, ce n'est pas de la même manière qu'on dit qu'il

a habité dans les saints (anath. 11), et distinguons de la même

façon l'habitation qui s'est faite en lui : uni selon la nature (anath. 3),

non pas changé en chair, il a réalisé l'habitation telle que pourrait

être celle de l'âme humaine en son propre corps.

Il n'y a donc qu'un seul Christ et Fils et Seigneur, mais ce n'est

pas un homme qui aurait avec Dieu une conjonction simplement

dans l'unité de dignité ou d'autorité (anath. 3) ; car l'égalité d'hon-

neur (isotimia) n'unit pas les natures. Car Pierre et Jean sont égaux

en honneur comme les autres apôtres ou disciples, mais pourtant les

deux ne sont pas un. Ainsi nous ne pensons pas à un mode de

conjonction par juxtaposition (cela en effet ne suffit pas à l'union

physique), ni à une participation par relation, comme nous-mêmes,

quand nous adhérons au Seigneur, nous ne faisons avec lui, comme

il est écrit, qu'un seul Esprit [I Cor 6, 17], — et nous écartons le

mot de conjonction (sunaphéia), comme insuffisant pour signifier

l'union. Mais nous n'appelons pas non plus le Verbe de Dieu Père,

Dieu ou Maître du Christ, pour ne pas encore une fois manifeste-

ment couper en deux l'unique Christ et Fils et Seigneur, et nous

202 TEXTES

exposer au reproche de blasphème, en le faisant Dieu et maître de

lui-même (anath. 6). En effet, le Verbe de Dieu, uni à la chair,

comme nous l'avons dit, selon l'hypostase, est le Dieu de tous les

êtres, le Maître de toutes choses, mais il n'est pas lui-même ni

l'esclave ni le maître de lui-même. Ce serait sottise, ou plutôt impiété,

de penser cela ou de le dire. Il a dit en effet que son Père était

son Dieu [Jn 20, 17], bien qu'il soit Dieu lui-même par nature et

de la substance de Dieu ; mais nous n'ignorons pas qu'étant Dieu

il s'est fait homme, soumis à Dieu selon le mode qui convient à

la nature de l'humanité. Mais lui-même comment pourrait-il être

Dieu et maître de lui-même ? C'est donc comme homme, et en ce

qui convient aux limites de son « anéantissement », qu'il se dit,

comme nous, soumis à Dieu. C'est de la même façon qu'il a été

sous la loi [Gai 4, 4], bien que lui-même, comme Dieu, disait la

loi et était législateur.

Nous refusons donc de dire à propos du Christ ; « A cause de

celui qui porte j'adore celui qui est porté ; à cause de l'invisible

j'adore celui qui est visible » *. Il serait effroyable de dire encore

ceci : « Celui qui est assumé est appelé Dieu avec celui qui l'as-

sume » (anath. 8). Parler ainsi, c'est encore une fois diviser le Christ

en deux Christs, et mettre à part d'un côté l'homme et de l'autre

le Dieu. C'est, en confessant l'unité, la nier, cette unité en vertu

de laquelle le Christ n'est pas adoré ou appelé Dieu comme un

autre avec un autre (anath. 8), mais il est compris comme un seul

Christ Jésus, Fils unique, adoré, avec sa propre chair, d'une seule

adoration. Nous confessons aussi que le même Fils de Dieu, Fils

unique, engendré du Père, bien que selon sa nature propre il fût

impassible, a souffert pour nous dans sa chair, selon les Écritures

[I P 4, 1], et qu'il était dans le corps crucifié, s'appropriant sans

souffrir les souffrances de sa propre chair (anath. 12). Car par la

grâce de Dieu et pour tout homme, il a goûté la mort [Héb 2, 9],

livrant à la mort son propre corps, bien que par nature il fût lui-

même la vie et la résurrection [Jn 11, 25]. Il devait, par une puis-

sance ineffable, fouler aux pieds la mort, et être d'abord dans sa

propre chair le premier-né des morts, et les prémices de ceux qui

se sont endormis [Col 1, 18 ; I Cor 15, 20], et par là ouvrir à la

nature de l'homme le chemin du retour vers l'incorruptibilité. C'est

pourquoi par la grâce de Dieu, comme nous venons de le dire, il a

goûté la mort, et est ressuscité le troisième jour en dépouillant

l'Enfer. Aussi, bien qu'on dise que c'est par un homme qu'est venue

* Sur ces formules de Nestorius, cf. page 28.

CYRILLE A NESTORIUS 203

la résurrection des morts [I Cor 15, 21], cependant nous compre-

nons que le Verbe de Dieu s'est fait homme et que par lui a été

détruite la puissance de la mort. Et il viendra au temps marqué

comme seul Fils et Seigneur dans la gloire du Père, pour juger la

terre entière dans la justice, comme il est écrit [Act 17, 31].

Il est nécessaire d'ajouter encore ceci. Quand nous annonçons la

mort selon la chair du Fils unique de Dieu, c'est-à-dire Jésus-Christ,

et que nous confessons sa résurrection des morts et sa montée au

ciel, nous célébrons dans l'Église le culte non sanglant, et nous

approchons ainsi des eulogies mystiques *, et nous nous sanctifions

en participant à la chair sainte et au sang précieux de notre Sauveur

à tous Jésus-Christ (anath. 11), en la recevant, non comme une chair

commune (ce qu'à Dieu ne plaise !), ni comme celle d'un homme

sanctifié et uni au Verbe par une unité de dignité, ou ayant reçu

l'habitation divine, mais comme une chair vraiment vivifiante, et

comme la chair propre du Verbe lui-même. Car étant vie par

nature en tant que Dieu, puisqu'il est devenu un avec sa propre

chair, il a rendu cette chair vivifiante ; en sorte que quand il nous

dit : « Je vous le dis en vérité, si vous ne mangez la chair du

Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang...» [Jn 6, 53], nous

devons la comprendre non pas comme la chair d'un homme comme

nous (comment la chair d'un homme pourrait-elle être vivifiante

en sa nature propre ?), mais comme étant vraiment la propre chair

de celui qui pour nous s'est fait et s'est fait appeler Fils de l'homme.

Quant aux paroles de notre Sauveur dans l'Évangile, nous ne les

partageons pas en deux hypostases ou prosôpa (anath. 4). Car le

seul et unique Christ n'est pas double, même si l'on comprend que

de deux réalités différentes il a été rassemblé en une unité insépa-

rable, exactement comme l'homme l'est d'une âme et d'un corps, et

pourtant n'est pas double, mais un (fait) de deux. Mais nous pen-

sons avec justesse que les expressions divines et aussi les humaines

sont dites par un seul et même. Quand le Christ, parlant en Dieu,

dit de lui-même : « Celui qui m'a vu a vu mon Père », et « le Père

et moi nous sommes un » [Jn 14, 19 ; 10, 30], nous comprenons sa

nature divine et ineffable, selon laquelle il est un avec son Père à

cause de l'identité de substance, image, empreinte et rayonnement

de sa gloire [Heb 1, 3]. Mais quand, sans juger indignes de lui

les limites de l'humanité, il dit aux Juifs : « Maintenant vous cher-

chez à me tuer, moi qui vous ai dit la vérité» [Jn 8, 40],

Expression familière à Cyrille pour désigner le pain eucharistique.

204 TEXTES

nous reconnaissons néanmoins dans les limites de son humanité le

Dieu Verbe le même en égalité et ressemblance avec son Père. Car

s'il est nécessaire de croire qu'étant Dieu par nature, il s'est fait

chair, ou plus précisément homme animé d'une âme raisonnable,

quelle raison aurait-on de rougir de ses paroles si elles conviennent

à l'homme ? Celui qui s'est abaissé pour nous jusqu'à un anéantis-

sement volontaire, pourquoi refuserait-il les paroles qui conviennent

à cet anéantissement ? Il faut donc attribuer toutes les expressions

de l'Évangile à un seul prosôpon, à l'unique hypostase incarnée du

Dieu Verbe. Car selon les Écritures, il n'y a qu'un seul Seigneur,

Jésus-Christ [I Cor 8, 6].

Et si on l'appelle apôtre et grand-prêtre de notre confession

[Héb 3, 1], en tant qu'il présente à Dieu le Père la confession de

notre foi qui est offerte pour nous à lui et par lui à Dieu le Père,

et aussi au Saint-Esprit, nous disons cependant qu'il est le Fils

seul engendré de Dieu selon la nature, et nous n'attribuons pas à

un homme autre que lui le nom et la réalité même du sacerdoce.

Car il s'est fait le médiateur entre Dieu et les hommes, et leur

réconciliateur pour la paix, s'offrant lui-même à Dieu le Père en

parfum de bonne odeur. C'est pourquoi il a dit : « Tu n'as pas

voulu de sacrifice ni d'offrande, mais tu m'as préparé un corps.

Les holocaustes et les sacrifices pour le péché ne t'ont pas été

agréables. Alors j'ai dit : me voici ; il est écrit de moi en tête du

livre : pour faire, ô Dieu, ta volonté» [Héb 10, 5-7]. Il a offert son

propre corps en parfum de bonne odeur pour nous, et non pas plutôt

pour lui-même. De quelle offrande, de quel sacrifice aurait-il eu

besoin pour lui-même, étant, comme Dieu, au-dessus de tout péché ?

Car si tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu [Rm 3, 23],

— puisque nous sommes tous disposés au péché, et que la nature

humaine a renforcé le péché, — pour lui il n'en était pas ainsi

et nous avons été pour cela privés de sa gloire, comment pourrait-on

encore douter que l'agneau véritable a été immolé à cause de nous

et pour nous ? et dire qu'il s'est offert et pour lui-même et pour

nous, serait s'exposer au reproche d'impiété. Il n'a commis aucune

faute et n'a pas fait de péché : comment aurait-il besoin de présenter

une offrande, puisqu'il n'y a pas de péché pour lequel il aurait à

l'offrir (anath. 10)?

Et quand il dit du Saint-Esprit : « Lui me glorifiera » [Jn 16, 14],

si nous pensons juste, nous ne disons pas que l'unique Christ et

Fils, ayant besoin de la gloire qui vient d'un autre, reçoit du

Saint-Esprit la gloire, car son Esprit n'est pas supérieur à lui-même

CYRILLE A NESTORIUS 205

ni au dessus de lui (anath. 9). Mais puisque, pour manifester sa

divinité, il se servait de son propre Esprit pour opérer de grandes

choses, il dit qu'il a été glorifié par lui, comme l'un de nous pour-

rait dire de la force qui est en lui, ou de sa science en quelque

domaine : elles me glorifient. Car si l'Esprit existe en une hypostase

séparée, nous le considérons en lui-même, en tant qu'il est Esprit

et non Fils, mais il n'est pas pourtant étranger au Père. Il est appelé

Esprit de vérité [Jn 16, 13], et le Christ est la Vérité

[Jn 14, 6], et l'Esprit s'écoule de lui, tout comme de Dieu

le Père. Donc, après que Notre-Seigneur Jésus-Christ fut re-

monté au ciel, l'Esprit, opérant des prodiges par la main des saints

Apôtres, le glorifie. On fut persuadé que le Christ est Dieu par

nature, puisqu'il agit encore par son propre Esprit. C'est pourquoi

il a dit aussi : « Il prendra de ce qui est à moi et vous l'annoncera »

[Jn 16, 14]. Et nous ne disons pas que l'Esprit est sage et puissant

par participation, car il est parfait et n'est privé d'aucun bien. Et

puisqu'il est l'Esprit de la puissance et de la sagesse du Père, c'est-à-

dire du Fils [cf. I Cor 1, 24], par le fait même il est sagesse et

puissance.

Et puisque la Sainte Vierge a engendré dans la chair Dieu uni

à la chair selon l'hypostase, pour cette raison nous disons qu'elle

est theotokos (anath. 1) : nous ne voulons pas dire que la nature

du Verbe tient de la chair le principe de son existence, car il était

au commencement, et le Verbe était Dieu, et le Verbe était auprès

de Dieu [Jn 1, 1], et c'est lui qui est le créateur des siècles, co-

éternel au Père et démiurge de l'univers ; mais, comme nous l'avons

déjà dit, puisqu'il s'est uni selon l'hypostase l'humanité, et qu'il a

subi une génération charnelle du sein de sa mère, non qu'il ait

besoin nécessairement et à cause de sa nature propre d'une naissance

dans le temps aux derniers moments du siècle, mais c'était pour

bénir le principe même de notre existence, et s'étant uni à la chair

et ayant été ainsi enfanté par une femme, il ferait cesser désormais

la malédiction portée contre tout le genre humain, qui envoyait à

la mort nos corps nés de la terre ; il rendait vaine cette parole :

«Tu enfanteras des enfants dans la souffrance» [Gn 3, 16], et

manifesterait la vérité de ces mots du prophète : « La mort l'a

englouti après l'avoir emporté sur lui » [Os 13, 14] et « Dieu a

essuyé toute larme sur tout visage » [Is 25, 8]. C'est pour la même

raison que nous disons que par son économie il a aussi béni le

mariage et qu'il est allé à Cana en Galilée où il avait été invité avec

ses saints apôtres.

206 TEXTES

Voilà ce que nous avons appris auprès des saints Apôtres et

Évangélistes, et de toute l'Écriture inspirée de Dieu et de la confes-

sion véritable des saints Pères ; il faut que Ta Piété soit d'accord

avec eux tous, et exprime cet accord sans feinte. Et ce que Ta Piété

doit nécessairement anathématiser, a été ajouté ci-dessous à notre

lettre.

LES DOUZE ANATHÉMATISMES.

1. Si quelqu'un ne confesse pas que l'Emmanuel est Dieu en

vérité, et qu'à cause de cela la Sainte Vierge est mère de Dieu

(theotokos), car elle a engendré dans la chair le Verbe de Dieu fait

chair, qu'il soit anathème.

2. Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe de Dieu le Père

s'est uni à la chair selon l'hypostase, et qu'il est un seul Christ avec

sa propre chair, à savoir le même qui est à la fois Dieu et homme,

qu'il soit anathème.

3. Si quelqu'un divise les deux hypostases dans le Christ après

l'union, les associant par une simple association de dignité, c'est-à-

dire d'autorité ou de puissance, et non pas plutôt par un rapproche-

ment selon l'union physique, qu'il soit anathème.

4. Si quelqu'un distribue entre deux personnes ou hypostases les

expressions des écrits évangéliques ou apostoliques, ou celles qui

ont été dites du Christ par les saints, ou par le Christ lui-même de

lui-même, et qu'il attribue les unes à l'homme considéré à part du

Verbe de Dieu, les autres comme dignes de Dieu au seul Verbe de

Dieu le Père, qu'il soit anathème.

5. Si quelqu'un ose dire que le Christ est un homme théophore,

et non plutôt un Dieu en vérité, comme étant Fils un et par nature,

— en tant que le Verbe s'est fait chair et qu'il a participé de la

même façon que nous au sang et à la chair, qu'il soit anathème.

6. Si quelqu'un ose dire que le Verbe de Dieu le Père est Dieu

ou Seigneur du Christ, et ne confesse pas plutôt que le même est

en même temps Dieu et homme, le Verbe s'étant fait chair selon

l'Écriture, qu'il soit anathème.

7. Si quelqu'un dit que Jésus est mû comme un homme par le

LES DOUZE ANATHËMATISMES 207

Dieu Verbe, et que la gloire du Fils unique lui a été appliquée

comme à un autre distinct de lui, qu'il soit anathème.

8. Si quelqu'un ose dire que l'homme assumé doit être coadoré

avec le Dieu Verbe, et conglorifié et connommé Dieu, comme un

autre avec un autre (car la particule sun, avec, ainsi toujours ajoutée

oblige à penser ainsi), — et n'honore pas plutôt l'Emmanuel d'une

seule adoration, et ne lui adresse pas une seule glorification, en tant

que le Verbe s'est fait chair, qu'il soit anathème.

9. Si quelqu'un dit que l'unique Seigneur Jésus-Christ a été

glorifié par l'Esprit, qu'il se sert comme d'une puissance étrangère

à lui de celle qui lui vient (de l'Esprit), et qu'il a reçu de celui-ci

de pouvoir agir sur les esprits impurs et d'opérer en faveur des

hommes les signes divins, — et ne dit pas plutôt que l'Esprit par

lequel il a opéré ces signes divins est le sien propre, qu'il soit

anathème.

10. La divine Écriture dit que le Christ est devenu le pontife

et l'apôtre de notre confession [Héb 3, 1], et qu'il s'est offert pour

nous en parfum de bonne odeur à Dieu et au Père [Eph 5, 2]. Si

donc quelqu'un dit que notre pontife et notre apôtre ce n'est

pas le Verbe de Dieu lui-même quand il s'est fait chair et homme

semblable à nous, — mais (considéré) comme un autre à part distinct

de lui, homme né de la femme, — ou si quelqu'un dit qu'il a offert

un sacrifice pour lui aussi, et non plutôt pour nous seuls (car il

n'aurait pas besoin de sacrifice celui qui ne connaît pas le péché),

qu'il soit anathème.

11. Si quelqu'un ne confesse pas que la chair du Seigneur est

vivifiante et (qu'elle est) la chair propre du Verbe de Dieu le Père

lui-même, mais (prétend) qu'elle est celle de quelqu'un d'autre

distinct de lui, uni à lui par la dignité, c'est-à-dire comme ayant

reçu seulement l'habitation divine, — et qu'il ne dit pas plutôt

qu'elle est vivifiante, parce qu'elle est devenue la chair propre du

Verbe capable de tout vivifier, qu'il soit anathème.

12. Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe de Dieu a souf-

fert en sa chair et qu'il a été crucifié en sa chair, et qu'il a goûté

la mort en sa chair, et qu'il est devenu le premier-né d'entre les

morts, en tant que, comme Dieu, il est vie et vivifiant, qu'il soit

anathème.

208 TEXTES

IV

SENTENCE DE DÉPOSITION DE NESTORIUS *

(22 juin 431)

Puisque le Très Révérend Nestorius n'a pas voulu se rendre à

notre convocation, et qu'il n'a pas reçu les très saints et très pieux

évêques que nous lui avions envoyés, nous avons été forcés d'en

venir à examiner ses impiétés. D'après ses lettres et ses écrits qui

nous ont été lus, et d'après les paroles qu'il a prononcées récemment

dans cette métropole et dont nous avons eu le témoignage, nous

avons constaté qu'il pense et enseigne des impiétés. Forcés par les

canons et selon la lettre de notre Très Saint Père et Collègue

Célestin, évêque de l'Église de Rome, et avec beaucoup de larmes,

nous en sommes venus à porter contre lui cette sentence sévère :

« Notre Seigneur Jésus-Christ, qu'il a blasphémé, décrète par le

Saint Synode ici présent, que Nestorius est exclu de la dignité

épiscopale et de toute assemblée épiscopale ».

DÉCRETS DU CONCILE D'ÉPHÊSE**

(22 juillet 431)

Après lecture de ces documents, le Saint Synode a décrété qu'il

n'est permis à personne de proposer, de rédiger ou de composer

une autre foi que celle qui a été définie par les Saints Pères réunis

à Nicée avec le Saint-Esprit ; quant à ceux qui oseraient composer

une autre foi, ou la présenter, ou la proposer à ceux qui veulent

se convertir à la connaissance de la vérité, en venant de l'hellénisme,

du judaïsme ou d'une hérésie quelconque, ceux-là, s'ils sont évêques

ou clercs, ils sont écartés, les évêques de l'épiscopat, les clercs du

clergé ; s'ils sont laïques, ils sont anathèmes.

De la même façon, ceux qui, évêques, clercs ou laïques, seraient

pris à penser ou à enseigner sur l'incarnation du Fils unique de

Dieu les doctrines contenues dans l'exposé qui nous a été présenté

* ACO I, i, 2, 54 ; ci-dessus, 53.

** ACO I, i, 7, 105-106 ; ci-dessus, 57.

JEAN D'ANTIOCHE A CYRILLE 209

par le prêtre Charisius, ou les dogmes impies et pervers de Nestorius

qui nous ont été soumis, ceux-là sont frappés par la sentence de ce

saint Synode œcuménique, c'est-à-dire qu'un évêque serait écarté

de l'épiscopat et déposé ; un clerc serait pareillement déposé du

clergé ; si c'est un laïque, qu'il soit anathème, comme il a été dit

ci-dessus.

VI

LETTRE DE JEAN D'ANTIOCHE A SAINT CYRILLE *

(début de 433)

A Monseigneur, mon Très Pieux et Très

Saint Collègue, Cyrille, Jean, salut dans le

Seigneur.

Récemment un édit de nos très religieux empereurs a ordonné

que se réunisse dans la métropole d'Éphèse un concile de très pieux

évêques, pour les affaires de l'Église et pour la vraie foi. Nous

nous sommes rendus dans cette ville et nous en sommes repartis

sans avoir pu nous rencontrer (il est inutile en ces temps de paix

de rappeler les causes de ce dissentiment). Mais cela produisit dans

les Églises de graves dissentions, aussi tous devaient s'employer

avant tout à écarter toute discorde et à se réconcilier. Les très

religieux et christophiles empereurs décidèrent qu'il devait en être

ainsi, pour que s'unissent les Églises du Christ. Et c'est pourquoi ils

envoyèrent Monseigneur le très illustre et très honorable tribun

et notaire Aristolaûs, porteur d'une pieuse lettre nous exhortant à

nous mettre d'accord désormais, à écarter les scandales, et à apaiser

tout trouble et toute offense.

Obéissant à cette pieuse lettre, nous avons aussitôt et immédiate-

ment envoyé Monseigneur le très pieux et très saint évêque Paul ** ;

cela plut à notre très saint et très vénérable Père l'évêque Acace

et aux très pieux évêques qui sont avec nous : nous avons agi ainsi

* Dans la correspondance de Cyrille, Ep. 78 ; PG 77, 169-173 ; ACO

I, i, 4, 7-9 ; ci-dessus, 71.

** Paul d'Emèse, envoyé par Jean à Alexandrie ; ci-dessus, 71.

210 TEXTES

pour plus de rapidité, puisqu'il n'était pas possible de nous réunir

pour exécuter face à face les ordres de nos très religieux empereurs.

Nous lui avons donc commandé (à Paul) d'agir à notre place, pour

nous et en notre nom, et de décider tout ce qu'il fallait pour la

paix, ce qui est notre premier objet ; — et aussi de remettre à

Votre Religion l'exposé que nous avons fait d'un commun accord

sur l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous l'avons en-

voyé à Votre Religion par cet homme très pieux susdit. Le voici :

Ce que nous pensons et disons au sujet de la Vierge Mère de

Dieu (Theotokos) et du mode de l'incarnation du Fils unique de

Dieu, nous le dirons brièvement et autant qu'il est nécessaire, non

pour ajouter quelque chose, mais pour vous en assurer pleinement,

comme nous le tenons depuis le commencement, pour l'avoir reçu

des divines Écritures et de la tradition des Saints Pères, sans rien

ajouter à la foi qui a été exposée par les Saints Pères de Nicée.

Comme nous l'avons déjà dit, elle suffit à la connaissance de la

vraie foi et à la réfutation de toute erreur hérétique. Nous parle-

rons donc sans avoir l'audace d'aborder ce qui est inaccessible, mais,

en confessant notre propre faiblesse, nous fermerons la bouche à

ceux qui veulent nous attaquer parce que nous scrutons ce qui est

au-dessus de l'homme.

Nous confessons donc Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique

de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, (fait) d'une âme raisonnable

et d'un corps, engendré du Père avant les siècles en sa divinité,

et à la fin des jours le même pour nous et pour notre salut, (né)

de la Vierge Marie en son humanité ; le même consubstantiel au

Père en sa divinité et consubstantiel à nous en son humanité. Car

des deux natures l'union s'est faite ; c'est pourquoi nous confessons

un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur. Et à cause de cette

notion d'une union sans mélange, nous confessons que la Sainte

Vierge est mère de Dieu (Theotokos), parce que le Verbe de Dieu

s'est fait chair et s'est fait homme, et que dès la conception il

s'est uni le Temple qu'il a pris d'elle. Quant aux expressions des

évangiles et des apôtres au sujet du Seigneur, nous savons que les

théologiens appliquent les unes indifféremment (aux deux natures)

parce qu'elles visent l'unique personne, mais qu'ils distinguent les

autres parce qu'elles visent les deux natures, et qu'ils attribuent à

la divinité du Christ celles qui conviennent à Dieu, et à son huma-

nité celles qui marquent son abaissement.

Ayant accepté cette profession de foi, il nous a plu, pour mettre

CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE 211

fin à toute querelle, affermir la paix générale des saintes Églises

de Dieu, écarter tous les scandales qui s'étaient élevés, de tenir

pour déposé Nestorius qui avait été évêque de Constantinople, et

nous anathématisons ses doctrines vaines et impies, parce que nos

Églises tiennent la foi droite et saine, la gardent et la transmettent

aux peuples, comme le fait aussi Votre Sainteté. Nous approuvons

aussi l'ordination du très saint et religieux Maxime, évêque de la

très sainte Église de Dieu de Constantinople, et nous sommes en

communion avec tous les religieux évêques de toute l'oikouménè,

qui tiennent et gardent la foi droite et irréprochable.

Porte-toi bien et prie pour nous, Seigneur très religieux et très

saint, et mon très véritable frère.

VII

LETTRE DE SAINT CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE *

(printemps 433)

A Monseigneur, mon frère très cher et mon

collègue, Jean, Cyrille, salut dans le Sei-

gneur.

« Que les deux se réjouissent et que la terre exulte » [Ps 95, 11] :

la barrière de séparation est détruite, ce qui nous attristait a cessé,

toute forme de dissentiment a été écartée ; notre Sauveur à tous

le Christ a accordé la paix à son Église ; les très pieux et très

religieux empereurs nous y invitaient ; excellents imitateurs de la

piété de leurs ancêtres, ils gardent en leurs âmes la vraie foi sûre

et inébranlée, et ils dépensent un zèle singulier pour les saintes

Églises, pour qu'elles aient une gloire très illustre pour l'éternité,

et qu'elles fassent connaître leur empire très glorieux, eux à qui le

Seigneur des Puissances distribue les richesses de sa main, leur

donne de l'emporter sur leurs adversaires, et leur accorde la victoire.

* Ep. 39 ; PG 77, 173-181 ; ACO I, i, 4, 15-20.

212 TEXTES

Il ne ment pas en disant : « Je suis vivant, dit le Seigneur, et je

glorifie ceux qui me glorifient » [I R 2, 30].

Quand arriva à Alexandrie Monseigneur très religieux, mon frère

et collègue Paul, nous avons été remplis de joie, et à très juste

titre, de voir qu'un homme de cette valeur venait en médiateur,

qu'il acceptait de rencontrer des difficultés très lourdes, pour vaincre

la jalousie du diable, rapprocher ce qui était séparé, écarter les

pierres d'achoppement qui avaient été semées parmi nous, et donner

à nos Églises et aux vôtres la couronne de la concorde et la paix.

Comment elles avaient été séparées, inutile de le dire ; je crois qu'il

faut plutôt penser et dire ce qui convient à ces jours de paix. Nous

nous sommes donc réjouis de la rencontre de cet homme très pieux

que j'ai nommé, qui sans doute se doutait qu'il aurait à livrer de

lourds combats pour nous persuader de réunir dans la paix nos

Églises, de mettre un terme aux moqueries des hérétiques, et en

outre d'émousser l'aiguillon de la méchanceté du diable. Mais il

nous trouva si bien disposés à cela qu'il n'eut à supporter absolument

aucune peine. Nous nous sommes souvenus en effet du Seigneur

qui disait : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix »

[Jn 14, 27] ; nous avons aussi appris à dire dans nos prières :

« Seigneur notre Dieu, donne-nous la paix, puisque tu nous as tout

donné » [Is 26, 12]. Aussi celui qui a part à la paix donnée par

Dieu ne manquera d'aucun bien. Que ce dissentiment entre les

Églises ait été absolument vain et sans aucune raison, nous en som-

mes convaincus, maintenant surtout que Monseigneur le très reli-

gieux évêque Paul nous a apporté une lettre contenant une profession

de foi irréprochable, en nous assurant qu'elle avait été composée

par Votre Sainteté et par les très religieux évêques de là-bas. En

voici la teneur ; nous l'insérons en termes propres dans cette lettre :

« Ce que nous pensons et disons au sujet de la Vierge Theotokos

et du mode de l'incarnation du Fils unique de Dieu, nous le dirons

brièvement et autant qu'il est nécessaire, non pour ajouter quel-

que chose, mais pour vous en assurer pleinement, comme nous le

tenons dès le commencement, pour l'avoir reçu des divines Écri-

tures et de la tradition des saints Pères, sans rien ajouter à la foi

qui a été exposée par les Saints Pères de Nicée. Comme nous

l'avons déjà dit, elle suffit à la connaissance de la vraie foi et à

la réfutation de toute erreur hérétique. Nous parlerons donc sans

avoir l'audace d'aborder ce qui est inaccessible, mais en confes-

sant notre propre faiblesse, nous fermerons la bouche à ceux qui

veulent nous attaquer parce que nous scrutons ce qui est au-dessus

de l'homme.

CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE 213

« Nous confessons donc Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique

de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, (fait) d'une âme raison-

nable et d'un corps, engendré du Père avant les siècles en sa divi-

nité, et à la fin des jours, le même, pour nous et pour notre salut,

(né) de la Vierge Marie en son humanité ; le même consubstantiel

au Père en sa divinité et consubstantiel à nous en son humanité.

Car des deux natures l'union s'est faite ; c'est pourquoi nous

confessons un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur. Et à

cause de cette notion d'une union sans mélange, nous confessons

que la Sainte Vierge est mère de Dieu (theotokos), parce que le

Verbe de Dieu s'est fait chair et s'est fait homme, et que dès la

conception il s'est uni le Temple qu'il a pris d'elle. Quant aux

expressions des évangiles et des apôtres au sujet du Seigneur, nous

savons que les théologiens appliquent les unes indifféremment

(aux deux natures) parce qu'elles visent l'unique personne, mais

qu'ils distinguent les autres parce qu'elles visent les deux natures,

et qu'ils attribuent à la divinité du Christ celles qui conviennent

à Dieu, et à son humanité celles qui marquent son abaissement »

Ayant donc lu ces saintes paroles, et trouvant que nous-mêmes

nous pensons ainsi, car il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi,

un seul baptême [Ëph 4, 5], nous avons glorifié le Dieu Sauveur

de tous, nous félicitant mutuellement de ce que nos Églises et les

vôtres ont une foi conforme aux Saintes Écritures et à la tradition

des Saints Pères. Ayant appris en effet que des gens habitués à

critiquer bourdonnaient comme des guêpes et vomissaient contre

moi des paroles méchantes, comme si je disais que le saint corps

du Christ avait été apporté du ciel et n'était pas né de la Sainte

Vierge, j'ai cru devoir leur en dire quelque chose. O gens insensés

et ne sachant que calomnier, comment en êtes-vous venus à penser

cela, et comment êtes-vous malades d'une telle folie ? Il fallait, oui,

il fallait évidemment considérer que tout ce combat pour la foi

s'est élevé contre nous presque uniquement parce que nous affir-

mions que la Sainte Vierge est theotokos. Mais si nous disons que

le saint corps de notre Sauveur à tous le Christ est descendu du

ciel et n'a pas été engendré par elle, comment pourrait-on encore

penser qu'elle est theotokos P Qui donc en un mot a-t-elle mis au

monde, s'il n'est pas vrai qu'elle a engendré la chair de l'Emmanuel ?

Ils font rire d'eux ceux qui disent contre moi de telles sottises.

Le bienheureux prophète Isaïe ne ment pas quand il dit : « Voici

que la vierge concevra en son sein, et elle enfantera un fils, et

214 TEXTES

elle l'appellera Emmanuel, ce qui veut dire Dieu avec nous »

[Is 7, 11 ; Mt 1, 23]. Et saint Gabriel dit absolument la vérité quand

il dit à la bienheureuse vierge : « Ne crains pas, Marie, tu as trouvé

grâce auprès de Dieu ; voici que tu concevras en ton sein, et tu

enfanteras un fils, et tu l'appelleras Jésus : car c'est lui qui sauvera

son peuple de leurs péchés » [Luc 1, 30-31 ; Mt 1, 21]. Quand nous

disons que Notre-Seigneur Jésus-Christ (vient) du ciel et d'en haut,

nous ne disons pas cela comme si sa chair sainte avait été apportée

d'en haut et du ciel, mais nous suivons plutôt l'admirable Paul qui

crie : « Le premier homme est de la terre et terrestre, le second

homme, le Seigneur, est du ciel» [I Cor 15, 47]. Nous nous sou-

venons aussi du Seigneur lui-même disant : « Personne n'est monté

au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de

l'Homme » [Jn 3, 13], bien qu'il ait été engendré selon la chair,

comme je viens de le dire, de la Sainte Vierge. Mais puisque le Dieu

Verbe descendant d'en haut et du ciel s'est anéanti « prenant la

forme d'esclave » [Phil 2, 7] et s'est appelé fils de l'homme tout en

restant ce qu'il était, c'est-à-dire Dieu (car il est par nature immobile

et immuable), considéré déjà comme un seul être avec sa propre

chair, on dit qu'il est descendu du ciel. On l'appelle aussi « homme

venu du ciel », étant parfait en divinité et le même parfait en huma-

nité, et considéré comme en un seul prosôpon. Car il n'y a qu'un seul

Seigneur Jésus-Christ, même si on ne méconnaît pas la différence

des natures, dont nous disons que s'est faite l'union indicible. Quant

à ceux qui disent que s'est fait un mélange, une confusion, une

mixture du Dieu Verbe avec la chair, que Ta Sainteté daigne leur

fermer la bouche. Peut-être en effet certains diront-ils de moi que

j'ai dit ou pensé cela. Mais je suis si éloigné de penser chose pareille,

que j'estime insensés ceux qui pensent qu'il a pu y avoir l'ombre

d'un changement dans la nature divine du Verbe. Elle reste ce

qu'elle est, toujours elle est immuable, jamais elle ne pourrait varier,

et elle n'est pas susceptible de transformation. En outre nous confes-

sons tous que le Verbe de Dieu est impassible, même si dispensant

le mystère en toute sagesse, il fait voir qu'il s'attribue les souf-

frances survenues à sa propre chair. C'est pour cela que le très sage

Pierre dit : « le Christ ayant souffert pour nous dans sa chair »

[I P 4, 1], et non dans la nature de sa divinité indicible. Et pour

qu'on croie qu'il est le Sauveur de tous, il s'attribue à lui-même,

comme je l'ai dit, par une appropriation économique, les souffrances

de sa propre chair : c'est ce qui avait été prédit par la voix du

prophète, parlant en son nom : « J'ai livré mon dos aux coups, mes

joues aux soufflets, et je n'ai pas détourné mon visage de l'outrage

des crachats » [Is 50, 6].

CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE 215

Que Ta Sainteté en soit bien persuadée, et que personne d'autre

n'en doute, nous suivons en tout les sentiments des saints Pères,

et surtout de notre bienheureux et très célèbre Père Athanase, et

nous refusons de nous en écarter en quoi que ce soit. J'en aurais

apporté ici beaucoup de témoignages, pour donner par là crédit à

mes paroles, si je n'avais craint de t'ennuyer par la longueur de

cette lettre. Nous ne supportons absolument pas que personne

n'ébranle la foi qui a été définie ni le symbole de foi de nos saints

Pères réunis à Nicée en leur temps ; nous ne nous permettons à

nous-mêmes ni à personne d'en changer un mot ni d'en transgresser

une syllabe, nous souvenant de ce qui est dit : « Ne déplace pas

les bornes éternelles qu'ont posées tes pères» [Prov 22, 28]. Car

ce n'étaient pas eux qui parlaient, mais l'Esprit de Dieu et du Père,

qui procède de lui, mais qui n'est pas étranger au Fils sous le rapport

de l'essence. Et de cela aussi nous assurent les paroles des saints

mystagogues. Il est écrit en effet dans les Actes des Apôtres :

« Venant en Mysie ils tentaient de passer en Bithynie, et l'Esprit

de Jésus ne le leur permit pas » [Act 16, 7]. Et le divin Paul écrit :

« Ceux qui sont dans la chair ne peuvent pas plaire à Dieu ; mais

vous vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, puisque

l'Esprit de Dieu habite en vous ; si quelqu'un n'a pas l'Esprit du

Christ, il n'est pas à lui» [Rom 8, 8].

Si quelques-uns de ceux qui ont l'habitude de tordre ce qui

est droit, détournent à leur gré mes paroles, que Ta Sainteté ne s'en

étonne pas, sachant que les tenants de n'importe quelle hérésie

trouvent dans l'Écriture divinement inspirée le prétexte de leur

erreur, et corromptent par leur méchanceté la rectitude de ce qui a

été dit par le Saint-Esprit ; ainsi ils accumulent sur leur tête une

flamme inextinguible.

Et puisque nous avons appris que certains ont édité un texte

corrompu de la lettre très orthodoxe de notre très célèbre Père

Athanase au bienheureux Épictète, au point que beaucoup en ont

souffert, nous avons pensé que ce serait utile et nécessaire pour

les frères d'envoyer à Ta Sainteté une copie prise sur l'exemplaire

ancien et correct que nous en avons.

216 TEXTES

VIII

LETTRE DE SAINT LEON

A FLAVIEN DE CONSTANTINOPLE *

(13 juin 449)

Léon, évêque, à son très cher Flavien,

évêque de Constantinople.

1. Après avoir lu la lettre de Ta Dilection, en nous étonnant

qu'elle ait tant tardé, et passé en revue la suite des actes épisco-

paux, nous avons enfin compris le scandale qui s'est produit chez

vous contre l'intégrité de la foi. Ce qui auparavant semblait caché

s'est maintenant révélé et manifesté à nous. Eutychès, que son

titre de prêtre semblait recommander, nous apparaît très imprudent

et très incapable, en sorte qu'on peut lui appliquer la parole du

prophète : « Il n'a pas voulu comprendre pour faire le bien, il a

médité l'iniquité sur sa couche » [Ps 35, 5]. Quoi de plus inique

en effet que de penser des impiétés, et ne pas céder à plus sage

et plus savant que soi ? C'est dans cette folie que tombent ceux

qui, empêchés par quelque obscurité de reconnaître la vérité, ne

recourent ni aux paroles des prophètes, ni aux lettres des apôtres,

ni aux autorités de l'Évangile, mais à eux-mêmes. Ils sont ainsi

maîtres d'erreur, pour n'avoir pas été disciples de la vérité. Quelle

connaissance peut-il avoir des pages sacrées du Nouveau et de

l'Ancien Testament, celui qui ne comprend même pas le commence-

ment du Symbole ? Ce que dans le monde entier proclame la voix

des candidats à la régénération (du baptême) n'est pas encore

compris par le cœur de ce vieillard.

2. Puisqu'il ne savait pas ce qu'il devait penser de l'incarnation

du Verbe de Dieu, et qu'il ne voulait pas pour mériter la lumière

de l'intelligence travailler dans le vaste champ des Saintes Écritures,

il aurait pu au moins écouter d'une oreille attentive la confession

* Le texte dans PL 54, 755-781 ; ACO II., n, 1, 24-33 ; C. Silva-

Tarouca, S. Leonis Magni Tomus ad Flavianum... Romae, 1932. Tra-

duction française de E. Amann, Le dogme catholique dans les Pères de

l'Église, 344-355 ; ou du P. B. Lavaud, dans Rev. Thomiste, 51 (1951),

612-624. Nous nous inspirons de l'une et de l'autre. Fragments dans

FC 308-312,

LEON A FLAVIEN 217

commune et unanime de l'universalité des fidèles, qui professe sa

foi « en Dieu le Père tout-puissant, et en le Christ Jésus son Fils

unique notre Seigneur, qui est né de l'Esprit-Saint et de la Vierge

Marie ». Ces trois propositions détruisent les échafaudages de pres-

que tous les hérétiques. En effet quand on croit en Dieu le Père tout-

puissant, on voit par là que son Fils lui est coéternel, ne différant

en rien du Père, puisqu'il est Dieu de Dieu, tout-puissant de tout-

puissant, né coéternel de l'éternel ; il n'est ni postérieur dans le

temps, ni inférieur en puissance, ni dissemblable en gloire, ni séparé

quant à l'essence. Et ce même Fils unique éternel du Père éternel,

est né de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie. Cette naissance tem-

porelle n'a rien retranché ni rien ajouté à cette naissance divine et

éternelle, mais se dépense toute à réparer l'homme égaré : il devait

par sa puissance vaincre la mort et détruire le diable qui avait

l'empire de la mort. Nous ne pourrions pas en effet triompher de

l'auteur du péché et de la mort, si celui que le péché ne pouvait

souiller ni la mort retenir ne prenait notre nature et ne la faisait

sienne. Car il a été conçu du Saint-Esprit dans le sein de la vierge

mère, qui l'enfanta sans perdre sa virginité, comme elle l'avait conçu

sans perdre sa virginité.

Mais si Eutychès ne pouvait pas puiser à cette source très pure

de la foi chrétienne l'intelligence exacte de la vérité, puisque son

propre aveuglement avait enténébré pour lui la splendeur de la

claire vérité, il aurait dû se soumettre à la doctrine de l'Évangile.

Matthieu dit : « Livre de la généalogie de Jésus-Christ, fils de David,

fils d'Abraham » [Mt 1, 1]. Il aurait dû demander aussi à la prédi-

cation de l'Apôtre de l'instruire, et il aurait lu dans l'épître aux

Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l'apostolat, mis

à part pour l'Évangile de Dieu, qu'il avait promis autrefois par ses

prophètes dans les saintes Écritures, touchant son Fils, qui lui est

né selon la chair de la race de David » [Rm 1, 1-4]. Il aurait tourné

sa pieuse sollicitude vers les pages des prophètes, et il aurait trouvé

la promesse de Dieu disant à Abraham : « Dans ta race seront bénies

toutes les nations » [Gn 12, 3]. Et pour ne pas douter du caractère

propre de cette race, il aurait suivi l'Apôtre qui dit : « Les promesses

ont été faites à Abraham et à sa race. Il ne dit pas : et à ses descen-

dants, comme s'il y en avait plusieurs, mais comme à un seul :

et à ta race, c'est le Christ» [Gai 3, 16-17]. Il aurait aussi compris

par l'oreille du cœur la prophétie d'Isaïe qui dit : « Voici qu'une

vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel, ce

qui se comprend : Dieu avec nous » [Is 7, 14]. Et il aurait lu avec

foi les paroles du même prophète : « Un enfant nous est né et un

fils nous a été donné ; la puissance est sur ses épaules, et on

218 TEXTES

l'appellera Ange du grand conseil, Dieu fort, Père de la paix, Père

du siècle futur» [Is 9, 6]. Et il n'aurait pas parlé à la légère en

disant que le Verbe s'est fait chair en ce sens que le Verbe né du

sein de la vierge aurait la forme d'un homme, et non la vérité du

corps de sa mère. Peut-être a-t-il pensé que Notre-Seigneur Jésus-

Christ n'est pas de la même nature que nous parce que l'ange

envoyé à la bienheureuse Marie lui dit : « L'Esprit-Saint viendra sur

toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c'est pour-

quoi le saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » [Le 1, 35].

Comme si, puisque la conception virginale était l'œuvre de Dieu,

la chair de l'enfant conçu n'était pas prise de la nature de celle

qui le concevait. Mais il ne faut pas entendre cette génération

singulièrement admirable et admirablement singulière comme si la

nouveauté de cette création avait supprimé le caractère propre de

la race (humaine). Car le Saint-Esprit a donné la fécondité à la

vierge, mais la vérité du corps a été prise du corps, et, « la Sagesse

se bâtissant une maison » [Prov 9, 1], « le Verbe s'est fait chair et

a habité parmi nous » [Jn 1, 14], c'est-à-dire dans cette chair qu'il

a prise de l'homme et qu'a animée un souffle de vie raisonnable.

3. Les propriétés de chacune des deux natures étant donc sauves,

et se réunissant en une seule personne, la majesté a assumé l'humi-

lité, la force la faiblesse, l'éternité la mortalité, et pour payer la

dette de notre condition, la nature inviolable s'est unie à la nature

passible, afin que, comme il convenait pour nous guérir, le même et

unique médiateur de Dieu et des hommes, l'homme Jésus-Christ,

d'une part pût mourir, et de l'autre part ne pût pas mourir. C'est

donc dans une nature parfaite et intègre d'homme véritable qu'est

né le vrai Dieu, tout entier dans ce qui est sien, tout entier dans

ce qui est nôtre. Nous disons nôtre ce que le Créateur a mis en

nous dès le commencement, et qu'il a assumé pour le restaurer.

Car ce que le Séducteur a mis en nous et que l'homme séduit a reçu,

n'a laissé aucune trace dans le Sauveur, et ce n'est pas parce qu'il

a souffert la communion des faiblesses humaines, qu'il a participé

à nos fautes. Il a assumé la forme de l'esclave sans la souillure du

péché, enrichissant l'humanité, sans diminuer la divinité. Car l'anéan-

tissement par lequel l'invisible s'est fait visible et par lequel le

Créateur et Seigneur de toutes choses voulut être un des mortels,

fut condescendance de la miséricorde, et non pas éclipse de sa

puissance.

Ainsi celui qui existant en forme de Dieu a fait l'homme, s'est

fait homme en forme d'esclave. Chaque nature en effet tient sans

défaut ce qui lui est propre, et comme la forme de Dieu ne supprime

LEON A FLAVIEN 219

pas la forme d'esclave, la forme d'esclave ne diminue pas la forme

de Dieu. Le diable se glorifiait de ce que l'homme, trompé par

sa fraude, fût privé des biens divins, et, dépouillé du don d'immor-

talité, fût soumis à la dure sentence de la mort, et de ce que lui-

même en ses maux, eût trouvé quelque consolation en un compagnon

de prévarication, et de ce que Dieu, comme l'exigeait la justice,

eût changé sa propre sentence envers l'homme qu'il avait créé dans

une si grande dignité. Il fallait donc l'économie du dessein secret de

Dieu : que le Dieu immuable, dont la volonté ne peut être privée

de sa bonté, achevât par un mystère plus caché la première dispo-

sition de sa miséricorde, et que l'homme, poussé à la faute par la

ruse de l'iniquité du diable, ne pérît pas contre le dessein de Dieu.

4. Le Fils de Dieu entre donc dans ce bas monde, descendant

de son trône céleste sans abandonner la gloire de son Père, engendré

dans un nouvel ordre, par une nouvelle naissance. Nouvel ordre,

parce qu'invisible en ce qui lui est propre, il s'est fait visible en

ce qui est nôtre ; incompréhensible, il a voulu être compris ; subsis-

tant avant les temps, il a commencé d'être dans le temps ; Seigneur

de l'univers, il a pris la forme d'esclave, voilant d'ombre l'immen-

sité de sa majesté. Dieu impassible, il n'a pas dédaigné d'être homme

passible, et, immortel, de se soumettre aux lois de la mort. Mais

aussi, engendré par une nouvelle naissance, parce que la virginité

inviolée, ignorant le désir, a fourni la matière de sa chair ; de

la mère du Seigneur, il a assumé la nature, et non pas la faute ; et

dans le Seigneur Jésus-Christ, né du sein de la vierge, la merveille

de la naissance ne fait pas une dissemblance de nature. Celui qui

est vrai Dieu est aussi, le même, vrai homme, et il n'y a aucun

mensonge en cette unité, où se réunissent l'humilité de l'homme et

la sublimité de la divinité. De même que Dieu n'est pas changé du

fait de sa miséricorde, l'homme n'est pas consumé par la dignité

divine. Chaque nature fait en communion avec l'autre ce qui lui est

propre, le Verbe opérant ce qui est du Verbe, et la chair exécutant

ce qui est de la chair. L'un brille par l'éclat de ses miracles, l'autre

succombe aux injures. Et de même que le Verbe ne s'éloigne pas de

l'égalité avec la gloire de son Père, la chair non plus n'abandonne

pas la nature de notre race. C'est en effet un seul et le même qui

est vraiment Fils de Dieu et vraiment fils de l'homme : Dieu, parce

qu' « au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de

Dieu et le Verbe était Dieu » [Jn 1, 1] ; homme, parce que « le

Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous » [ib., 14]. Dieu, parce

que « tout a été fait par lui et sans lui rien n'a été fait » [ib., 3] ;

homme, parce que « il a été fait de la femme, fait sous la loi »

220 TEXTES

[Gai 4, 4]. La naissance de la chair est la manifestation de la nature

humaine, l'enfantement virginal est l'indice de la puissance divine.

L'enfance du tout petit se montre dans l'humilité du berceau, la

grandeur du Très-Haut est proclamée par la voix des anges. Il

ressemble aux commencements des hommes, celui qu'Hérode avec

impiété médite de tuer, mais c'est le Seigneur de toutes choses,

celui que les mages se réjouissent d'adorer en suppliants. Déjà quand

il vint se faire baptiser par Jean son précurseur, pour ne pas laisser

cachée la divinité que couvrait le voile de la chair, la voix du

Père, retentissant du haut du ciel, disait : « Celui-ci est mon Fils

bien-aimé, en qui je me suis complu» [Mt 3, 17]. Ainsi celui que

l'astuce du diable tente comme homme, les anges lui apportent leurs

services comme à un Dieu. Avoir faim, avoir soif, être fatigué et

dormir, est évidemment de l'homme ; mais avec cinq pains nourrir

cinq mille hommes, donner à la Samaritaine l'eau vive qui permet

à celui qui en boit de n'avoir plus jamais soif, marcher sur le dos

de la mer sans que les pieds ne s'enfoncent, réprimander la tempête

et rabattre l'orgueil de la mer, sans aucun doute, cela est de Dieu.

Passons encore beaucoup de choses ; mais de même qu'il n'appartient

pas à la même nature de pleurer par un sentiment de compassion

un ami mort, et, une fois écartée la pierre qui ferme depuis quatre

jours son tombeau, de réveiller au commandement de la voix cet ami

rendu à la vie ; de pendre au bois, et de changer la lumière en nuit

et faire trembler tous les éléments ; d'être percé de clous et d'ouvrir

à la foi du larron les portes du paradis ; de même aussi il n'appar-

tient pas à la même nature de dire : « Le Père et moi nous sommes

un » [Jn 10, 30], et : « Le Père est plus grand que moi » [ib. 14, 28].

En effet, quoique dans le Seigneur Jésus il n'y ait qu'une

seule personne de Dieu et de l'homme, autre pourtant est le principe

par où il subit l'outrage commun à Dieu et à l'homme, autre le

principe de la gloire commune à Dieu et à l'homme. De nous en

effet il tient l'humanité, inférieure au Père ; du Père la divinité,

égale au Père.

5. En raison donc de cette unité de personne qu'il faut com-

prendre dans les deux natures, on lit que le Fils de l'homme est

descendu du ciel, alors que le Fils de Dieu a assumé une chair de

la vierge dont il est né ; et d'autre part on dit que le Fils de Dieu

a été crucifié et a été enseveli, alors qu'il a souffert cela non

dans la divinité selon laquelle il est le Fils unique coétemel et

consubstantiel au Père, mais dans l'infirmité de la nature humaine.

C'est pourquoi nous confessons tous dans le Symbole que le Fils de

Dieu a été crucifié et enseveli, selon le mot de l'Apôtre : « S'ils

LËON A FLAVIEN 221

avaient su, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire »

[I Cor 2, 8]. Et lorsque notre Seigneur et Sauveur lui-même

instruisait la foi de ses disciples en les interrogeant : « Qui les

hommes disent-ils que je suis, moi le fils de l'homme ? », ils lui

rapportèrent les diverses opinions des autres. « Mais vous, dit-il,

qui dites-vous que je suis ? », moi, qui suis le fils de l'homme et

que vous voyez en forme d'esclave et dans la vérité de la chair, qui

dites-vous que je suis ? alors le bienheureux Pierre, divinement

inspiré, et pour être utile à toutes les nations par sa confession, lui

dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » [Mt 16, 12-16]. Et

ce n'est pas sans raison qu'il fut proclamé bienheureux par le

Seigneur, et que de la Pierre principale il tira la solidité de son

pouvoir et de son nom, lui qui, par révélation du Père, a confessé

que le même est Fils de Dieu et Christ. Car recevoir l'un des deux

sans l'autre ne pouvait servir à notre salut, et il y avait un égal

péril à croire que le Seigneur Jésus-Christ était seulement Dieu sans

être homme, ou seulement homme sans être Dieu.

De plus, après la résurrection du Seigneur, — qui fut certes

celle d'un corps véritable, car le ressuscité n'est pas autre que celui

qui avait été crucifié et enseveli, — que fit-il d'autre pendant ce

délai de quarante jours, que de purifier de toute obscurité l'intégrité

de notre foi ? Parlant en effet avec ses disciples, habitant et man-

geant avec eux, se laissant palper et toucher par la curiosité appli-

quée de ceux que le doute étreignait, il entrait, portes closes, auprès

de ses disciples, et en soufflant sur eux, il leur donnait l'Esprit-Saint ;

leur donnant la lumière de l'intelligence, il leur ouvrait les secrets

des saintes Écritures. Et de nouveau, lui encore, il leur montrait la

blessure de son côté, les trous des clous et toutes les marques de

sa passion toute récente, en leur disant : « Voyez mes mains et mes

pieds, c'est moi, touchez et voyez : un esprit n'a pas une chair et

des os comme vous voyez que j'en ai» [Le 24, 39], pour que l'on

reconnût que les propriétés de la nature divine et de la nature

humaine demeuraient indivises en lui, et que nous comprenions que

le Verbe n'est pas ce qu'est la chair, tout en confessant que l'unique

Fils de Dieu est Verbe et chair.

De ce mystère de la foi Eutychès, il faut le croire, est resté

complètement éloigné : dans le Fils unique de Dieu il n'a pas

reconnu notre nature, ni dans l'humilité de la mortalité ni dans la

gloire de la résurrection ; il n'a pas craint la sentence du bienheureux

apôtre et évangéliste Jean qui dit : « Tout esprit qui confesse que

Jésus-Christ est venu dans la chair est Dieu ; et tout esprit qui divise

Jésus n'est pas de Dieu, et c'est lui l'antichrist » [I Jn 4, 2-3]. Or

222 TEXTES

qu'est-ce que diviser Jésus, sinon séparer de lui la nature humaine,

et évacuer par de très impudentes fictions le mystère par lequel

seul nous sommes sauvés ? Quant à celui qui s'aveugle sur la nature

du corps du Christ, il doit nécessairement déraisonner avec le même

aveuglement au sujet de sa passion. S'il ne pense pas que la croix

du Seigneur est fausse, et s'il ne doute pas que le supplice qu'il a

enduré pour le salut du monde soit vrai, qu'il reconnaisse aussi la

chair de celui dont il croit la mort, et qu'il ne refuse pas de croire

que c'était un homme avec un corps comme le nôtre, celui qu'il

reconnaît avoir été passible, puisque nier qu'il ait eu une chair

véritable c'est nier aussi qu'il ait souffert en son corps.

Si donc il accepte la foi chrétienne et ne détourne pas son oreille

de la prédication de l'Évangile, qu'il voie quelle est la nature qui

a été percée de clous et pendue au bois de la croix, et, quand le

côté du Crucifié a été ouvert par la lance du soldat, qu'il comprenne

d'où ont coulé le sang et l'eau qui devaient arroser l'Église par le

bain (du baptême) et par la boisson (de l'eucharistie). Qu'il écoute

le bienheureux apôtre Pierre prêchant que la sanctification de l'esprit

se fait par l'aspersion du sang du Christ, et qu'il ne lise pas en

passant les paroles du même apôtre : « Sachez que ce n'est par des

biens périssables, de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés

de la vaine manière de vivre reçue de vos pères, mais par le sang

précieux de l'agneau sans défaut et sans tache, Jésus-Christ »

[I P 1, 19]. Qu'il ne résiste pas non plus au témoignage du bien-

heureux apôtre Jean : « Le sang de Jésus, Fils de Dieu, nous purifie

de tout péché » [I Jn 1, 7]. Et encore : « La victoire qui a vaincu

le monde, c'est notre foi. Qui est vainqueur du monde, sinon celui

qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C'est lui qui est venu par

l'eau et le sang, Jésus-Christ, non par l'eau seulement, mais par

l'eau et le sang, et c'est l'Esprit qui témoigne, car l'Esprit est vérité.

Car ils sont trois qui rendent témoignage, l'esprit, l'eau et le sang,

et ces trois ne sont qu'un » [ib. 5, 4-8] : c'est-à-dire l'esprit de

sanctification, le sang de la rédemption et l'eau du baptême, car

ces trois sont un et demeurent indivisés, et nul n'est séparé des

autres. Car l'Église catholique vit de cette foi, grandit en elle, que

dans le Christ Jésus il n'y a pas d'humanité sans vraie divinité, ni

de divinité sans vraie humanité.

6. Examiné et interrogé par vous, Eutychès a répondu : « Je

confesse que Notre-Seigneur a été de deux natures avant l'union,

mais après l'union je confesse une seule nature ». Je m'étonne qu'au-

cun des juges n'ait repris ni blâmé une profession aussi absurde et

aussi perverse, et qu'on ait laissé passer un discours aussi insensé,

LEON A FLAVIEN 223

comme si on n'avait entendu rien de choquant, alors qu'il est aussi

impie de dire que le Fils unique de Dieu est de deux natures avant

l'incarnation qu'il est néfaste d'affirmer en lui une nature unique

après que le Verbe s'est fait chair.

Afin qu'Eutychès ne croie pas avoir dit là une chose correcte ou

tolérable, puisqu'elle n'a été réfutée par aucune condamnation de

votre part, nous avertissons Votre Dilection diligente, frère très cher,

afin que si par l'inspiration de la miséricorde de Dieu, il en vient à

donner satisfaction, vous guérissiez cet homme imprudent et in-

capable de la peste de cette pensée. Comme le montrent les actes

synodaux, il a lui-même commencé à renoncer à ses sentiments,

lorsque pressé par votre condamnation il a affirmé qu'il disait ce

qu'il n'avait pas dit auparavant, et qu'il acquiesçait à la foi à laquelle

d'abord il était étranger. Mais quand il refusa de consentir à

anathématiser son dogme impie, votre fraternité a compris qu'il

persistait dans son erreur contre la foi, et qu'il méritait un jugement

de condamnation. S'il en éprouve une douleur sincère et bienfaisante,

et s'il reconnaît même tardivement combien l'autorité épiscopale a

eu raison de s'émouvoir, s'il condamne ses erreurs de vive voix et

en signant la présente lettre, la miséricorde ne sera pas répréhen-

sible, si grande soit-elle, envers un homme qui s'est amendé : car

Notre-Seigneur, le vrai et bon pasteur, qui a donné sa vie pour ses

brebis, et qui est venu sauver les âmes des hommes et non les

perdre, veut que nous soyons les imitateurs de sa bonté : que la

justice réprime les pécheurs, mais que la miséricorde ne repousse

pas ceux qui se sont convertis. C'est alors précisément que la vraie

foi est défendue de la façon la plus fructueuse, quand une opinion

fausse est condamnée par ceux-là mêmes qui la soutenaient.

Pour suivre pieusement et fidèlement toute l'affaire, nous avons

envoyé à notre place nos frères l'évêque Jules et le prêtre René, et

mon fils le diacre Hilaire, auxquels nous avons joint notre notaire

Dulcitius, dont la fidélité est éprouvée. Nous avons confiance dans

l'aide du secours divin, pour que celui qui avait erré condamne la

malice de ses pensées et soit sauvé.

Que Dieu te garde en bonne santé, frère très cher.

Donné les ides de juin, sous le consulat des clarissimes Asturius

et Protogène.

224 TEXTES

IX

DÉFINITION DOGMATIQUE DE CHALCÉDOINE

Le saint et grand concile œcuménique, réuni par la grâce de

Dieu et l'ordre des très pieux et très chrétiens empereurs Valentinien

et Marcien Augustes, à Chalcédoine, métropole de l'éparchie de

Bithynie, dans le martyrium de la sainte et victorieuse martyre

Euphémie, a défini ce qui suit :

Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, affermissant en ses dis-

ciples la connaissance de la foi, leur a dit : « Je vous donne ma

paix, je vous laisse ma paix» [Jn 14, 27], pour que nul ne diffère

de son prochain dans les dogmes de la piété, mais que soit mani-

festement identique la prédication de la vérité. Mais puisque le

Malin ne cesse de faire croître l'ivraie parmi les semences de la

piété, et qu'il trouve toujours quelque nouveauté contraire à la

vérité, le Maître, dans sa prévoyance pour le genre humain, a

suscité le zèle de cet empereur pieux et très croyant, et de partout

a appelé à lui les chefs du sacerdoce, pour qu'avec l'aide de la

grâce du Christ ils écartent des brebis du Christ la peste des men-

songes, et les nourrissent des plantes de la vérité.

C'est ce que nous avons fait, en repoussant d'un vote unanime

les dogmes de l'erreur, et en renouvelant la foi infaillible des Pères,

en prêchant à tous le symbole des trois-cent-dix-huit Pères,

et en accueillant comme nôtres les Pères qui ont reçu ce symbole

de la foi, c'est-à-dire les cent cinquante qui s'étaient réunis dans la

grande Constantinople, et qui avaient souscrit à la même foi. Nous

gardons donc nous aussi l'ordonnance et toutes les formules de foi

du saint synode qui s'est tenu jadis à Éphèse, sous l'autorité de

Célestin de Rome et de Cyrille d'Alexandrie, tous deux de sainte

mémoire, et nous décidons de faire briller l'exposé de la foi ortho-

doxe et irréprochable des trois-cent-dix-huit saints et bienheureux

Pères réunis à Nicée sous l'empereur Constantin de pieuse mémoire,

et de maintenir ce qui a été défini à Constantinople par les cent

cinquante saints Pères, pour supprimer les erreurs qui s'étaient

élevées alors, et pour affermir la même foi catholique et apostolique

qui est la nôtre.

ACO II, i, 2, 126-130, la fin du texte dans FC 313.

DEFINITION DE CHALCEDOINE 225

LE SYMBOLE DES TROIS CENT DIX-HUIT PERES DE NICÉE

Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de

toutes choses, visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-

Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c'est-à-dire de

l'essence du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière *, vrai Dieu

de vrai Dieu, engendré, non point fait, consubstantiel au Père, par

qui tout a été fait, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre,

qui pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu et s'est

incarné et s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième

jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts.

Et au Saint-Esprit.

Quant à ceux qui disent : « Il fut un temps où il n'était pas, et

avant d'être engendré il n'était pas », et « il a été tiré du néant »,

ou qui prétendent que le Fils de Dieu est d'une autre hypostase ou

essence, ou qu'il est créé, ou changeant, ou variable, ceux-là

l'Église catholique et apostolique les frappe d'anathème.

ET LE MÊME DES CENT CINQUANTE PERES

RÉUNIS A CONSTANTINOPLE

Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du

ciel et de la terre, de toutes choses, visibles et invisibles ; et en

un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du

Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai

Dieu, engendré, non point fait, consubstantiel au Père, par qui tout

a été fait, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu

des cieux, et s'est incamé de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie

et s'est fait homme, a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate et

a été enseveli, et est ressuscité le troisième jour selon les Écritures

et est monté aux cieux et est assis à la droite du Père, et viendra

dans la gloire juger les vivants et les morts ; son royaume n'aura

pas de fin.

* Au lieu des mots « engendré ... lumière de lumière », les deux ma-

nuscrits qu'a suivis Ed. Schwartz portent seulement « engendré du Père

avant tous les siècles » (ACO VI, i, 3, 127). Nous reproduisons ici le

texte donné par les autres manuscrits et les versions anciennes, qui pa-

raît bien être le texte original de la foi de Nicée. Sur cette question,

voir en dernier lieu I. Ortiz de Urbina, Il Simbolo Niceno, Madrid 1947.

226 TEXTES

Et à l'Esprit Saint, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père,

qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les

prophètes. Et en une Église sainte, catholique et apostolique. Nous

confessons un seul baptême pour la rémission des péchés. Nous

attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen.

Ce sage et salutaire symbole suffisait par la grâce de Dieu à

faire connaître parfaitement et à affermir la vraie foi : il donne en

effet un enseignement parfait sur le Père, le Fils et le Saint-Esprit,

et à ceux qui le reçoivent avec foi il présente l'incarnation du

Seigneur. Mais puisque ceux qui entreprennent de ruiner l'enseigne-

ment de la vérité ont, par leurs hérésies particulières, mis au jour

des doctrines vaines, les uns osant défigurer le mystère de l'incar-

nation (économie) du Seigneur pour nous, et refusant à la Vierge

le nom de Theotokos, — les autres introduisant mélange et confu-

sion, imaginant follement que la chair et la divinité ne sont qu'une

seule nature, et supposant monstrueusement qu'à cause de ce mé-

lange, la nature divine du Fils unique est capable de souffrir, —

pour cela, voulant fermer la porte à toutes leurs machinations contre

la vérité, le saint et grand Concile œcuménique ici présent, en-

seignant la doctrine inébranlable prêchée depuis le commencement,

a décidé avant tout que la foi des trois-cent-dix-huit Pères doit rester

en dehors de toute atteinte. Et il confirme aussi l'enseignement

donné plus tard sur l'essence de l'Esprit par les cent cinquante

Pères réunis dans la ville impériale à cause des Pneumotomaques :

ils faisaient connaître à tous qu'ils ne voulaient rien ajouter à l'en-

seignement de leurs prédécesseurs, comme s'il y manquait quelque

chose, mais ils exposaient clairement leur pensée sur l'Esprit-Saint,

par les témoignages de rEcriture, contre ceux qui tentaient de

rejeter sa Seigneurie.

Mais à cause de ceux qui entreprennent de défigurer le mystère

de l'économie, et qui ont la sottise impudente de prétendre que

celui qui est né de la Vierge Marie n'est qu'un homme, le concile

a reçu les lettres synodiques à Nestorius et aux Orientaux du bien-

heureux Cyrille, qui fut pasteur de l'Église d'Alexandrie, comme

étant propres à réfuter les insanités de Nestorius et à expliquer le

sens du symbole salutaire à ceux dont le zèle pieux désire le con-

naître. II y a joint aussi la lettre du très bienheureux et très saint

archevêque Léon, prélat de la très grande et ancienne Rome,

adressée à l'archevêque Flavien de sainte mémoire, pour réfuter

l'erreur d'Eutychès ; elle est en effet conforme à l'enseignement

du grand Pierre, et elle est une colonne contre les hétérodoxes,

DEFINITION DE CHALCËDOINE 227

et elle est parfaitement adaptée à la confirmation des dogmes

orthodoxes.

Le concile s'oppose à ceux qui entreprennent de diviser le mystère

de l'économie en une dualité de fils, il exclut de l'assemblée des

prêtres ceux qui osent dire passible la divinité du Fils unique, il

résiste à ceux qui imaginent une confusion ou un mélange des deux

natures du Christ, il repousse ceux qui ont la folie de penser que

la forme d'esclave que le Christ nous a empruntée est de nature

céleste ou de quelque substance autre que la nôtre, il anathématise

ceux qui forgent ce mythe de deux natures avant l'union et d'une

seule nature après l'union.

Suivant donc les Saints Pères, nous enseignons tous d'une seule

voix un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même

parfait en divinité, le même parfait en humanité, le même Dieu

vraiment et homme vraiment, (fait) d'une âme raisonnable et d'un

corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à

nous selon l'humanité, semblable à nous en tout hors le péché,

engendré du Père avant les siècles quant à sa divinité, mais aux

derniers jours, pour nous et pour notre salut, (engendré) de Marie

la Vierge la Theotokos quant à son humanité, un seul et même

Christ, Fils, Seigneur, Fils unique, que nous reconnaissons être en

deux natures *, sans confusion ni changement, sans division ni sépa-

ration ; la différence des natures n'est nullement supprimée par

l'union, mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures

restent sauves, et se rencontrent en une seule personne (prosôpon)

ou hypostase ; (nous confessons) non pas (un fils) partagé ou divisé

en deux personnes, mais un seul et même Fils, Fils unique, Dieu,

Verbe, Seigneur, Jésus-Christ, comme autrefois les prophètes l'ont

dit de lui, comme le Seigneur Jésus-Christ lui-même nous en a

instruits, et comme le Symbole des Pères nous l'a transmis.

Tout ceci ayant été fixé et formulé par nous avec toutes les

* Les anciennes éditions des Conciles (Labbe-Cossart, Hardouin, Mansi)

portaient ek duo phuseôn, « de deux natures ». Cette leçon n'est attestée

que par deux manuscrits grecs. L'autre leçon, en duo phusesin, « en deux

natures », retenue par Schwartz, est celle du meilleur manuscrit grec (M),

suivi par une dizaine d'autres, et de l'ancienne version latine (in duabus

naturis). Elle est appuyée par les témoignages anciens, Euthyme de Pales-

tine, Sévère d'Antioche, Evagre le Scholastique, l'auteur du De Sertis,

etc. Son authenticité ne fait pas de doute. Elle est d'ailleurs confirmée

par tout le contexte des discussions de Chalcédoine (ci-dessus, 133) : « de

deux natures » pouvait s'entendre dans un sens eutychien ; au contraire,

« en deux natures » fait écho à la doctrine de S. Léon, et exclut toute

équivoque. Voir I. Obtiz de Urbina, Chalkedon, I, 391, n. 4.

228 TEXTES

précisions et l'attention possible, le saint et oecuménique Synode

a décidé qu'il n'est permis à personne de professer, de rédiger, de

composer une autre formule de foi, ou de l'enseigner à d'autres.

Quant à ceux qui oseraient composer une autre foi, ou proposer,

enseigner ou transmettre un autre symbole à ceux qui désirent se

convertir de l'hellénisme, du judaïsme ou d'une hérésie quelconque

à la connaissance de la vérité, ceux-là, s'ils sont évêques ou clercs,

ils sont exclus, les évêques de l'épiscopat, les clercs de la clérica-

ture ; s'ils sont moines ou laïcs, ils sont anathèmes.

X

CANONS DE CHALCÉDOINE *

1. Nous avons décidé que les canons décrétés jusqu'à présent

par les Saints Pères dans chaque synode, doivent garder force de

loi.

2. Si un évêque fait une ordination pour de l'argent, s'il vend

la grâce qui ne doit pas être vendue, et s'il ordonne un évêque ou

un chorévêque ou un prêtre ou un diacre ou un clerc quelconque,

ou si par un bas sentiment d'avarice il installe pour de l'argent

un économe, un avoué, un mansionaire, ou un serviteur quelconque

de l'Église, il s'expose, si la chose est prouvée, à perdre sa propre

place ; quant à celui qui a été ordonné de cette manière, l'ordi-

nation ou la place qu'il a achetée ne lui servira de rien, car il

perdra la dignité ou la situation acquise ainsi à prix d'argent. Si

quelqu'un s'est entremis pour ce commerce honteux et illicite, il

devra, s'il est clerc, perdre sa place, s'il est laïque ou moine, il sera

frappé d'anathème.

3. Il est venu à la connaissance du saint concile que quelques

membres du clergé, par un bas sentiment d'avarice, louent des biens

étrangers, et se chargent d'affaires temporelles, et méprisant le

* Le texte dans ACO II, i, 2, 158-163. — Traduction d'après H. Le-

clercq, dans Hefele-Leclercq, Histoire des Conciles, II B, 770-818. —

Nous ne donnons pas le texte du « 28e Canon », qui n'a pas été retenu

dans les anciennes collections conciliaires ; on a pu le lire ci-dessus, 162.

CANONS DE CHALCËDOINE 229

service de Dieu, fréquentent les maisons des séculiers, et par amour

de l'argent, se chargent de la gestion de biens. Aussi le saint et

grand concile a-t-il décidé qu'à l'avenir aucun évêque ou clerc ou

moine ne devait louer des biens ou se mêler d'affaires ou entre-

prendre l'administration de biens séculiers ; excepté le cas où on

se trouve obligé par la loi d'accepter la tutelle de mineurs, ou

bien lorsque l'évêque de la ville, pour l'amour de Dieu, charge

quelqu'un du soin des affaires des orphelins ou des veuves sans

défense, ou des personnes qui ont plus particulièrement besoin des

secours de l'Église. Si à l'avenir quelqu'un transgresse cette ordon-

nance, il doit être soumis aux peines ecclésiastiques.

4. Ceux qui mènent vraiment et sincèrement la vie monastique

doivent être estimés comme il convient. Mais comme certains pren-

nent prétexte de leur état monastique pour troubler les affaires de

l'Église et de l'État, circulent indiscrètement dans les villes, et

prétendent même se bâtir pour eux seuls des monastères, le concile

a décidé que personne ne pourrait nulle part construire ou installer

un monastère ou une maison de prière sans l'assentiment de l'évêque

de la ville ; en outre que les moines de chaque ville et de chaque

pays soient soumis à l'évêque, qu'ils aiment le recueillement, ne

s'appliquent qu'au jeûne et à la prière, et demeurent dans les lieux

qui leur ont été fixés ; qu'ils ne s'embarrassent ni ne s'occupent

d'affaires ecclésiastiques ou séculières, en quittant leur monastère,

sauf quand l'évêque de la ville les en charge pour une affaire de

nécessité. Que dans les monastères on n'accepte aucun esclave pour

devenir moine sans l'assentiment de son maître. Quiconque trans-

gressera notre ordonnance, nous décidons qu'il sera excommunié,

afin que le nom de Dieu ne soit pas blasphémé. Et que l'évêque

exerce la surveillance convenable sur les monastères.

5. Au sujet des évêques et des clercs qui passent d'une ville

à une autre, on a décidé que les canons qui ont été portés à leur

sujet par les saints Pères doivent garder force de loi.

6. Nul ne doit être ordonné de façon absolue ni évêque, ni

diacre, ni en général pour aucune fonction ecclésiastique, s'il n'est

assigné en particulier à une église de ville ou de village, à une

chapelle de martyr, ou à un monastère. Le saint concile a décidé

que pour ceux qui seraient ordonnés de façon absolue, cette ordi-

nation serait sans effet, et que pour la honte de celui qui les aurait

ordonnés, ils ne pourraient exercer nulle part (leurs fonctions).

7. Ceux qui ont été une fois admis dans le clergé ou qui se sont

faits moines, ne doivent pas prendre le service militaire ni aucune

230 TEXTES

dignité civile ; ceux qui ont osé le faire et qui ne s'en repentent

pas, et qui ont ainsi abandonné l'état qu'ils avaient choisi pour

Dieu, doivent être anathématisés.

8. Les clercs des maisons de pauvres, des monastères et des cha-

pelles de martyrs, doivent rester sous l'autorité de l'évêque de

chaque ville, conformément à la tradition des Saints Pères, et ne

pas avoir l'arrogance de résister à leur évêque. Ceux qui oseraient

d'une manière quelconque enfreindre la présente ordonnance et

ne pas se soumettre à leur évêque, seront, s'ils sont clercs, punis

des peines canoniques, et s'ils sont moines ou laïques, ils seront

excommuniés.

9. Lorsqu'un clerc a une affaire contre un clerc, il ne doit pas

abandonner son propre évêque pour recourir aux tribunaux sécu-

liers ; mais il doit d'abord soumettre l'affaire à son propre évêque,

ou bien, avec l'assentiment de celui-ci, à ceux à qui les deux parties

veulent s'en remettre. Si quelqu'un agit contre cette prescription,

qu'il soit soumis aux peines canoniques. Si un clerc a un procès

contre son propre évêque ou avec un autre (évêque), il doit être

jugé par le concile de l'éparchie. Si un évêque ou un clerc a un

procès contre le métropolitain de son éparchie, il doit en saisir

ou l'exarque du diocèse, ou le siège de la ville impériale, Constan-

tinople, et être jugé là.

10. Il n'est pas permis à un clerc d'être inscrit à la fois dans

deux villes, c'est-à-dire dans celle pour laquelle il a été ordonné

au principe, et dans celle où il s'est ensuite rendu par esprit

d'orgueil et parce qu'elle était plus grande. Ceux qui agissent ainsi

doivent être ramenés dans l'église pour laquelle ils ont été ordonnés

au principe, et c'est là seulement qu'ils doivent exercer leurs fonc-

tions. Mais si quelqu'un a déjà été transféré d'une église dans une

autre, il ne doit plus s'occuper en rien des affaires de la première

église, ni des chapelles de martyrs ni des maisons de pauvres ou des

hospices qui dépendent de cette église. Quiconque, après le décret

de ce grand et saint concile, osera faire quelque chose de ce qui y est

défendu, le concile a décidé qu'il perdrait sa place.

11. Tous les pauvres et ceux qui ont besoin d'être secourus,

doivent, après enquête, être munis pour voyager de lettres ecclésias-

tiques ou de lettres de paix, mais non de lettres de recommandation

seulement, parce que ces dernières ne doivent être accordées qu'aux

personnes de bonne réputation.

12. Il est venu à notre connaissance que quelques uns, contraire-

CANONS DE CHALCEDOINE 231

ment aux lois de l'Église, recourent aux souverains, pour faire

diviser en deux, par des pragmatiques impériales, une éparchie,

pour que dès lors il y ait deux métropolitains dans la même éparchie.

Le saint concile a donc décidé qu'à l'avenir nul évêque n'ose agir

ainsi, et celui qui entreprendrait de le faire sera démis de sa

charge. Quant aux villes qui ont déjà été honorées du titre de

métropole par des lettres impériales, elles doivent se contenter

d'un titre honorifique, comme l'évêque qui les administre, les droits

proprement dits étant réservés à la véritable métropole.

13. Les clercs et lecteurs étrangers ne doivent absolument pas

exercer leurs fonctions dans une autre ville (que la leur) sans lettres

de recommandation de leur propre évêque.

14. Comme dans quelques éparchies on a permis aux lecteurs

et aux chantres de se marier, le saint concile a décidé qu'il n'était

permis à aucun d'eux de prendre une femme hérétique ; ceux qui

ont déjà eu des enfants d'un pareil mariage, s'ils ont déjà fait

baptiser ces enfants par les hérétiques, doivent les faire admettre

à la communion de l'Église catholique. Si ces enfants ne sont pas

baptisés, ils ne doivent pas les faire baptiser chez les hérétiques ;

ils ne doivent pas non plus les donner en mariage à un hérétique, à

un juif ou à un grec (païen), à moins que la personne qui s'unit

à la partie orthodoxe ne promette de passer à la foi catholique. Si

quelqu'un transgresse cette ordonnance du saint concile, il sera

frappé des peines canoniques.

15. On ne doit pas ordonner une diaconesse avant quarante ans,

et cela après une enquête soigneuse. Si après avoir reçu l'ordination

et avoir exercé ses fonctions durant quelque temps, elle méprise la

grâce de Dieu et se marie, qu'elle soit anathème, elle et celui qui

s'est uni à elle.

16. Une vierge qui s'est consacrée au Seigneur Dieu, et de même

un moine, il ne leur est pas permis de se marier. S'ils le font, qu'ils

soient excommuniés. Mais nous décidons que l'évêque du lieu a

pouvoir pour exercer la miséricorde à leur égard.

17. Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une

Église doivent rester sans discussion aux évêques qui les possèdent,

surtout s'ils les ont administrées sans contexte depuis trente ans.

Si pendant ces trente ans il s'est élevé ou s'il s'élève un différend,

ceux qui se disent lésés peuvent porter l'affaire devant le concile

de l'éparchie. Si quelqu'un a été lésé par son propre métropolitain,

qu'il recoure à l'éparque du diocèse, ou au siège de Constantinople,

comme il a été dit plus haut. Si une ville a été fondée ou est fondée

232 TEXTES

par autorité impériale, la distribution des paroisses ecclésiastiques

doit suivre les divisions politiques et publiques.

18. Les conjurations ou phratries sont interdites par la loi civile ;

à plus forte raison il convient de les interdire dans l'Église de Dieu.

Si donc il est prouvé que des clercs ou des moines se sont unis par

serment dans des associations de ce genre, ou ont machiné des

intrigues contre leurs évêques ou contre leurs collègues dans le

clergé, ils doivent être démis de leur charge.

19. Il est venu à nos oreilles que dans les éparchies les synodes

des évêques prévus par les canons ne se réunissent pas, et que pour

cela beaucoup d'affaires ecclésiastiques qui ont besoin de réformes

sont négligées. Aussi le saint concile a-t-il décidé que, selon les

canons des saints Pères, les évêques de chaque éparchie se réuniront

deux fois par an, là où l'évêque de la métropole le trouvera bon,

et réformeront toutes les affaires qui le demandent. Les évêques qui

ne s'y rendront pas, quoique se trouvant dans leur ville et étant en

bonne santé, et libres de tout empêchement urgent et nécessaire,

seront repris fraternellement.

20. Ainsi que nous l'avons décidé plus haut, les clercs qui rem-

plissent une fonction dans une Église ne doivent pas être transférés

dans l'Église d'une autre ville, mais doivent rester attachés à celle

au service de laquelle ils ont été affectés au commencement, à

l'exception de ceux qui ayant quitté leur patrie, ont dû par néces-

sité passer dans une autre Église. Si après cette décision un évêque

reçoit un clerc attaché à un autre évêque, celui qui reçoit et celui

qui est reçu doivent être excommuniés, jusqu'à ce que le clerc ainsi

déplacé soit retourné à sa propre Église.

21. Les clercs ou les laïques qui portent plainte contre des

évêques ou des clercs ne doivent pas être admis purement et simple-

ment et sans enquête à porter cette plainte ; on doit auparavant

examiner leur réputation.

22. Il n'est pas permis aux clercs, après la mort de leur évêque,

de s'emparer des biens qui lui appartenaient personnellement, comme

cela a déjà été défendu par les anciens canons. Ceux qui agissent

ainsi risquent de perdre leur place.

23. Il est venu aux oreilles du saint concile que quelques clercs

ou moines, sans mission de leur évêque, parfois même excommuniés

par lui, se rendent à la ville impériale de Constantinople pour y faire

un long séjour, provoquant des troubles, mettant le désordre dans

les affaires de l'Eglise, et bouleversant les maisons de quelques uns.

CANONS DE CHALCËDOINE 233

Aussi le saint concile a-t-il décidé que ces gens-là devaient d'abord

être avertis par le syndic de la très sainte Eglise de Constantinople

d'avoir à quitter la ville impériale ; s'ils n'ont pas honte d'y rester

dans les mêmes conditions, le syndic devra les expulser, même

malgré eux, et leur faire regagner leur pays.

24. Les monastères une fois consacrés avec l'autorisation de

l'évêque doivent rester toujours monastères, et les biens qui leur

appartiennent doivent être gardés au monastère ; ils ne peuvent

plus devenir des habitations séculières. Quiconque permettrait qu'ils

le deviennent, serait soumis aux peines canoniques.

25. Puisque certains métropolitains, comme nous l'avons appris,

négligent le troupeau qui leur a été confié, et diffèrent les ordi-

nations d'évêques, le saint concile a décidé que les ordinations

d'évêques doivent se faire dans les trois mois, à moins qu'une

nécessité absolue n'oblige à prolonger ce délai. Si le métropolitain

n'agit pas ainsi, qu'il soit soumis aux peines ecclésiastiques. Les

revenus de l'Église veuve (de son pasteur) doivent être conservés

intégralement par l'économe de cette Église.

26. Puisque dans certaines Églises, comme nous l'avons appris,

les évêques administrent sans aucun économe les biens ecclésias-

tiques, nous décidons que toute Église qui a un évêque doit avoir

aussi un économe pris dans son clergé, pour administrer les biens

de l'Église selon l'avis de son propre évêque. Ainsi l'administration

de l'Église ne sera pas sans contrôle, les biens de l'Église ne seront

pas dissipés, et le sacerdoce sera à l'abri de tout reproche. Si l'évêque

n'agit pas ainsi, il sera soumis aux divins canons.

27. Ceux qui ravissent des femmes, même sous prétexte de ma-

riage, ceux qui aident ou approuvent ces ravisseurs, le saint synode

a décidé que, s'ils sont clercs, ils perdront leur place ; s'ils sont laïcs,

ils seront anathématisés.

234 TEXTES

XI

LETTRE DE SAINT LÉON AU CONCILE

DE CHALCÉDOINE *

(21 mars 453)

Léon, évêque, au Saint Synode qui s'est

tenu à Chalcédoine.

Je ne doute pas que Votre Sainteté sait que j'ai accueilli de

tout cœur les décisions du saint Synode qui s'est tenu à Chalcé-

doine pour confirmer la foi ; après m'être attristé de voir l'unité de

la foi catholique troublée par les hérétiques, aucune raison ne

m'empêchait de me réjouir vivement de la voir rétablie. Vous auriez

pu l'apprendre non seulement par le fait même de l'adhésion de

mes légats, mais aussi par la lettre qu'après le retour de ceux-ci

j'ai adressée à l'évêque de Constantinople, si celui-ci avait bien

voulu vous faire connaître la réponse du Siège Apostolique.

Mais puisqu'une interprétation malveillante met en doute que

j'approuve ce que vous avez unanimement décidé en matière de foi

au synode de Chalcédoine, j'adresse à tous mes frères et collègues

dans l'épiscopat qui ont assisté au susdit concile la lettre présente,

que, sur ma demande, le très glorieux et très clément Empereur

daignera, pour l'amour de la foi catholique, faire porter à votre

connaissance. Aussi toute Votre Fraternité et les cœurs de tous les

fidèles apprendront que j'ai uni ma sentence à la vôtre, non seule-

ment par les frères qui ont tenu ma place, mais aussi par mon

approbation des actes synodaux. Mais cela, — il faut le redire

souvent, — seulement en matière de foi, pour laquelle le concile

général a été réuni sur l'ordre des princes chrétiens, et avec le

consentement du Siège Apostolique, afin qu'une fois condamnés

les hérétiques qui refusaient de se corriger, il ne subsistât aucun

doute sur la vérité de l'incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Par conséquent, frères très chers, si quelqu'un ose jamais sou-

tenir la perfidie de Nestorius ou défend le dogme impie d'Eutychès,

qu'il soit retranché de la communion catholique, et qu'il n'ait aucune

participation au corps dont il nie la vérité.

* Ep. 114, ci-dessus 172. PL 54, 1027-1031 ; ACO II, iv, 70-71 ; texte

grec ib. II, i, 2, 61-62.

LEON AUX PÈRES DE CHALCËDOINE 235

Mais il faut aussi garder les statuts des saints Pères, qui ont

été fixés à Nicée par des décrets inviolables ; je rappelle donc à

l'attention de Votre Sainteté que les droits des Églises doivent

demeurer tels qu'ils ont été réglés par les trois-cent-dix-huit Pères

inspirés de Dieu. Qu'une ambition coupable ne désire pas ce qui

ne lui appartient pas, et ne cherche pas à s'accroître en diminuant

les autres. L'orgueil et la vanité peuvent s'appuyer sur des votes

extorqués, et prétendre assurer leurs appétits du nom d'un concile ;

nul et sans effet sera tout ce qui s'écarte des canons des Pères

susdits. En lisant la lettre par laquelle j'ai repoussé les prétentions

de l'évêque de Constantinople, Votre Sainteté pourra apprendre de

quel respect le Siège Apostolique entoure ces canons, et qu'avec

le secours de Dieu je suis le gardien de la foi catholique et des

constitutions de nos Pères.

Donné le douze des calendes d'avril, sous le consulat du claris-

sime Opilion.

CHRONOLOGIE *

107

li sept.

408

410

25 août

412

419 ou

420

422

10 sept.

423

425

428

10 avril

fin

429

mai

fin de l'été

430

janv. ou fév,

15 Juin

11 août

28 août

début nov.

19 nov.

Mort de saint Jean Chrysostome.

Théodose II, empereur d'Orient.

Prise de Rome par Alaric.

Cyrille, patriarche d'Alexandrie.

Mort de saint Jérôme.

Célestln, pape.

Mort d'Honorius, empereur d'Occident.

Usurpation de Jean, primicier des no-

taires.

Valentlnien III, empereur d'Occident.

Mort de Théodore de Mopsueste.

Nestorius, patriarche de Constantinople.

Prédications de Nestorius contre le théotokos. Lettre

pascale (17) de Cyrille d'Alexandrie et lettre aux

moines d'Egypte contre Nestorius.

Genséric et les Vandales débarquent en

Afrique.

Lettre de Cyrille à Nestorius (Ep. 2) et réponse de

celui-ci (Inter Cgr. Ep. 3).

Seconde lettre de Cyrille à Nestorius (Ep. 4).

Réponse de Nestorius à Cyrille (Inter Cyr. Ep. 5).

Apparition des Huns sur le Rhin.

Siège d'Hippone par les Vandales.

Un synode romain exige de Nestorius qu'il se rétracte

dans les dix jours (Célestln, Epp. 11-14).

Mort de saint Augustin.

Synode d'Alexandrie. Une délégation porte à Cons-

tantinople la lettre 17 de Cyrille avec les douze

anathéniatismes.

Théodose II convoque un concile à Éphèse pour le

7 juin 431.

* Ce tableau chronologique s'inspire étroitement de celui, très complet, qu'a

dressé le P. A. Schonmetzer dans Chalkedon II, 946-967. On trouvera là toutes

les justifications nécessaires que nous omettons ici.

CHRONOLOGIE

237

431 février

7-15 mal

22 juin

26 juin

10 juillet

16-17 juillet

22 juillet

début août

S sept.

432

15 mars

SI juillet

fin

433

23 avril

431

435

436

Janv.-août ?

438

439

410

19 août

441

29 sept.

441 ou

442

444

27 juin

446

12 juillet

417

Capitulation d'Hlppone.

Célestin envole ses représentants au concile (Epp.

16-19)

Cyrille, arrivé à Éphèse avant le 7, ouvre le concile

malgré les protestations des Orientaux. lr* session :

Condamnation de Nestorius.

Cyrille et Memnon

« Concile » des Orientaux

d'Éphèse sont déposés.

Arrivée des légats romains. 2« et 3* sessions : Lecture

et approbation de la lettre de Célestin.

4* et 5* sessions : Annulation de la condamnation

de Cyrille et Memnon. Jean d'Antioche, cité à com-

paraître, refuse de venir. Lettres à l'empereur et au

pape.

6" session : Lecture du symbole de Nicée, approuvé

à l'exclusion de tout autre.

Théodose II dissout le concile.

Nestorius relégué dans un monastère à Antioche.

Mort de Paulin de Noie.

Patrick en Irlande.

Mort de Célestin.

Xyste III, pape.

Négociations entre les Orientaux et Cyrille.

Mort de Jean Cassien.

Lettre de Cyrille à Jean d'Antioche (Ep. 39).

Avènement d'Attila. Razzias des Huns

dans les Balkans : Constantinople est

menacée.

Activité des partisans de Nestorius en Arménie.

« Tome » de Proclus aux Arméniens.

Nestorius est exilé à Pétra (Arabie) puis plus tard en

Egypte (Grande Oasis).

Code théodosien.

Prise de Carthage par Genséric.

Mort de Xyste III.

238

CHRONOLOGIE

448 débat

avril

1" Juin

octobre

8-22 nov.

fin nov.

449 Janv.-fiv.

18 fév.

30 mars

13 mat

13 Juin

6 août

8-22 août

août-sept.

29 sept.-13 oct.

449-450

450 28 Juillet

24-25 août

22 novembre

451

Eutychès écrit à Léon contre l'activité des partisans

de Nestorius.

Mesures prises contre Théodoret de Cyr.

Réponse de Léon à Eutychès (Ep. 20)

Procès d'Ibas d'Edesse, à Béryte.

A Constantlnople, le synode endémousa juge et con-

damne Eutychès.

Euychès déposé en appelle à Léon, à Pierre Chry-

sologue et a plusieurs Églises. (Inter Léon. Ep. 21).

Flavien écrit à Léon (Inter Léon. Ep. 22).

Léon écrit à Eutychès et à Théodose (Epp. 23-24).

Théodose II convoque un concile à Éphèse pour le

1" août 449.

Théodose invite Léon au concile.

Lettre dogmatique de Léon à Flavien (Ep. 28)

Théodose confie à Dioscore la présidence du concile.

Synode (« Brigandage ») d'Éphèse : rejet de la doc-

trine des deux natures. Eutychès réhabilité. Flavien

déposé et banni.

Flavien, Théodoret et Eusèbe de Dorylée en appellent

à Léon.

Synode de Rome, qui annule les décisions d'Éphèse

et réclame la convocation d'un concile général en

Italie.

Lettres de Léon réclamant un concile en Italie (Epp.

54, 55-58, 69-71).

Mort de Théodose II. Pulchérie prend le pouvoir.

Eutychès interné a Constantlnople.

Pulchérie épouse Marcien et l'associe à l'empire. Pour

la première fois un empereur d'Orient est sacré par

l'Église.

Marcien et Pulchérie invitent Léon à un nouveau

concile (Inter Léon. Epp. 76-77).

Attila envahit les Gaules.

23 mai

2k Juin

22 sept.

Marcien convoque un concile à Nicée pour le 1" sep-

tembre.

Léon charge Paschasinus de Lilybée de présider le

concile à sa place (Epp. 88 sq.).

Attila battu par Aetius aux Champs

Catalauniques.

Le concile, prévu à Nicée, se tiendra à Chalcédoine.

CHRONOLOGIE

8 octobre

10 octobre

13 octobre

17 octobre

22 octobre

25 octobre

26-30 octobre

30-31 octobre

début nov.

18 décembre

451 ?

452 27 janvier

printemps

22 mai

Juillet

453 15 février

21 mars

Ouverture du concile de Chalcédolne. 1™ session :

Lecture des Actes du synode d'Éphèse. Flavlen réha-

bilité.

2e session (actio 3 a) : Lecture du symbole « de Nicée-

Constantinople », des lettres de Cyrille et Léon.

3* session (actio 2 a) : Déposition de Dioscore.

4* session : Approbation de la lettre de Léon. Admis-

sion au concile des évêques déposés par Dioscore.

5* session : Discussion sur le projet de formule dog-

matique ; une nouvelle formule est adoptée.

6* session : Confirmation solennelle de la formule

dogmatique, en présence de Marcien et de Pulchérie.

7* session : promulgation de vingt cinq canons.

8'-15* sessions : Discussion et règlement des cas de

Théodoret, Ibas, Domnus d'Antloche . .. Discussions

sur le « 28* canon ».

16* et 17* sessions : Suite de la discussion sur le

« 28* canon » ; lecture de la lettre de Léon au concile

(Ep. 93).

Lettre synodale à Léon (Inter Léon. Ep. 98).

Lettres de Marcien et d'Anatolius de Constantinople

à Léon (Inter Léon. Epp. 99, 100). Elles informent

le pape des décisions prises par le concile et se

plaignent de la résistance des légats au < 28* canon ».

Mort de Nestorius.

Lettre de Léon aux évéques de Gaule sur le concile

de Chalcédolne (Ep. 110).

Attila envahit l'Italie.

Lettres de Léon à Marcien, Pulchérie, Anatolius, Ju-

lien de Kios contre le « 28* canon » (Epp. 104-107).

Léon I" traite, près de Mantoue, avec

Attila. Celui-ci promet d'évacuer l'Italie.

Marcien demande à Léon la confirmation du concile

de Chalcédolne (Inter Léon. Ep. 110).

Léon écrit aux évéques qui ont siégé à Chalcédolne,

à Marcien, à Julien de Kios, pour confirmer le concile

k l'exception du « 28* canon »

Mort de Pulchérie,

457

Mort de Marcien.

461

10 novembre

Mort de Léon I".

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

EPHÈSE

SOURCES ANCIENNES ET ÉDITIONS.

Il n'y a pas eu de publication officielle des Actes du Concile d'Ephèse,

mais des collections de documents divers, rassemblés à titre privé, soit

à Alexandrie, dans l'entourage de saint Cyrille, soit dans les milieux

favorables à Nestorius (voir un exposé d'ensemble dans B. Altaner,

Patrologie, § 50, 17, ou dans G. Bardy, Histoire de FÊglise [Fliche et

Martin] IV, 163-164).

Des compilations alexandrines, nous avons conservé trois témoins grecs,

la Vaticana, la Segueriana, l'Atheniensis, dont le contenu se recoupe en

partie.

Ces documents ont été traduits en latin à plusieurs reprises au cours

du vi* siècle. Le diacre romain Rusticus fit, en 564-565, une traduction

conservée dans la Collectio Casinensis et connue sous le nom de Synodicon

adversus tragoediam Irenaei : sa source principale est en effet la Tragédie

du comte Irénée, un ami de Nestorius, qui avait conservé nombre de

documents originaux. La Collectio Veronensis fut sans doute compilée

à Rome ; elle conserve beaucoup de lettres du pape Célestin. La Collectio

Palatina, qui utilisa les écrits de Marius Mercator ainsi que de nombreux

documents originaux, a peut-être été rassemblée à Constantinople ou en

Thrace par un moine scythe.

Les anciennes collections conciliaires (par exemple Labbe-Cossart, III,

Hardouin, I, Mansi, IV-V) reproduisent la Vaticana, en y insérant à leur

place chronologique les documents qu'elle ne contient pas. Le Synodicon

de Rusticus a été réimprimé, d'après l'édition de Mansi, à la suite des

œuvres de Théodoret, dans la Patrologie Grecque, 84.

Ces anciennes éditions sont maintenant remplacées par l'entreprise

monumentale d'ED. Schwartz, qui a édité séparément chaque collection,

en donnant toutes les indications désirables sur l'origine, le contenu, le

texte, les tendances de chacune. C'est donc aux Acta Conciliorum Oecume-

nicorum, deux tomes en onze volumes (Berlin 1921-1938), qu'il faut désor-

242 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

mais recourir, bien que le maniement de ces volumes soit assez difficile :

les différentes collections ayant été éditées séparément en des fascicules

distincts, il faut sans cesse se reporter de l'un à l'autre ; il n'y a pas

toujours de pagination uniforme, les index, qui ne sont pas non plus faits

de façon uniforme, ne sont pas aisés à consulter... mais on est payé

de sa peine !

Le Tome II, en cinq volumes, contient les Actes d'Ephèse (1921-1929) :

Vol. I, fasc. 1-6, Coll. Vaticana ; 7, Coll. Segueriana, Atheniensis, etc. —

Vol. II, Coll. Veronensis (trad. Lat.) — Vol. III-IV, Coll. Casinensis

(Synodicon de Rusticus). — Vol. V, Coll. Palatina, etc.

Aux documents conciliaires on ajoutera, comme sources anciennes, les

historiens comme Socrate, Histoire Ecclésiastique, VII, 29-34 ; Evagre,

Histoire Ecclésiastique, I, 2-7 ; Liberatus, Breviarium causae Nestoria-

norum et Eutychianorum, composé vers 560 contre la politique religieuse

de Justinien (PL 68, 969-1052 ; ACO II, v).

OUVRAGES GÉNÉRAUX.

L'Histoire des Conciles de Hefele (1855 et suiv.), traduite en français

et complétée par Dom H. Leclercq (Paris, 1907 et suiv.), reste un recueil

utile, bien qu'assez unilatéral, et dépassé en bien des points particuliers

(T. II pour le concile d'Ephèse).

On se reportera aux histoires générales de l'Eglise, p. ex. à celle de

Mgr L. Duchesne, Histoire ancienne de TÊglise, t. III, Paris, 1911, remar-

quable par la maîtrise d'une matière vaste et complexe comme par l'aisance

et la vivacité du récit, mais malheureusement gâtée par un parti pris anti-

cyrillien, et une regrettable désinvolture à l'égard des problèmes doctri-

naux. On ne peut l'utiliser qu'avec précaution (à l'Index).

On verra aussi dans l'Histoire de VÊglise (A. Fliche et V. Martin),

t. IV (Paris, 1935), les chapitres de G. Bardt, qui suit d'assez près le récit

de Duchesne, sans partager pourtant tous ses jugements.

Outre les ouvrages généraux d'histoire des dogmes (J. Tixeront, t. III,

G. L. Prestige, Fathers and Heretics, London, 1940, ch. VI et VII,

J. N. D. Kelly, Early Christian Doctrines, London, 1958), on lira dans

le recueil Dos Konzil von Chalkedon (voir p. 245) l'étude considérable

du P. A. Grillmeier sur le développement de la doctrine christologique

jusqu'au v* siècle : Die theologische und sprachliche Vorbereitung der

christologischen Formel von Chalkedon, I, 5-202.

Le volume de Mgr P. Batiffol, Le Siège Apostolique, Paris, 1924,

consacre trois importants chapitres (ch. VI, VII, VIII) à la période que

nous étudions, considérée du point de vue de l'histoire de la primauté

romaine et de ses rapports avec l'Orient. D'un point de vue analogue,

mais d'un esprit différent, le grand ouvrage d'E. Caspar, Geschichte des

Papsttums, t. I, Berlin, 1930.

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 243

On trouvera enfin quelques indications sur l'histoire et la théologie

des conciles de l'antiquité dans notre contribution à l'ouvrage collectif,

Le Concile et les Conciles, Chevetogne-Paris, 1960, ch. III, Les

conciles œcuméniques des iv* et v* siècles, 45-74.

ÉTUDES PARTICULIÈRES.

Les fragments de Nestorius ont été rassemblés par F. Loofs, Nestoriana,

Halle, 1905. Sur la doctrine de Nestorius, on pourra lire, de deux points

de vue tout différents, M. Jugie, Nestorius et la controverse nestorienne,

Paris, 1912, et F. Loofs, Nestorius and his place in the history of Christian

doctrine, Cambridge, 1914. L'art. d'E. Amann, Nestorius, dans le DTC

11, 1, 76-157, bien informé, nous paraît très équilibré, sans partialité ni

pour ni contre Nestorius. — Voir aussi P.-Th. Camelot, De Nestorius

à Eutychès : l'opposition de deux christologies, dans Chalkedon, I, 213-242.

Ce volume était achevé quand nous avons pris connaissance d'un im-

portant article du P. A. Grillmeier, Dos Scandalutn oecumenicum des

Nestorius in kirchlich-dogmatischer und theologiegeschichtlicher Sicht,

dans Scholastik 36 (1961), 321-336. Tout en accordant que Nestorius, dans

son effort pour écarter l'arianisme et l'apollinarisme, n'a pas su rester

fidèle à la tradition, le P. Grillmeier, s'appuyant surtout sur Le livre

iï'Héraclide, reconnaît au patriarche de Constantinople, plus qu'on ne le

fait d'ordinaire, une véritable valeur spéculative, où il décèle l'influence

des Cappadociens. Il faudra sans doute nuancer désormais l'appréciation

que l'on portera sur la théologie de Nestorius. Toutefois, comme Le livre

d'Héraclide est postérieur de vingt ans aux événements qui font l'objet

de ce volume, nous n'avons pas cru devoir modifier essentiellement ce

que nous y écrivons de Nestorius.

Voir encore L. I. Scipioni, Ricerche sulla Cristologia del « Libro di

Eraclide » di Nestorio. La formulazione e il suo contesta jilosojico,

Fribourg, Suisse, 1956.

Sur la théologie de Saint Cyrille, voir, outre les ouvrages généraux et

les articles de dictionnaires : H. du Manoir, Dogme et Spiritualité chez

saint Cyrille d'Alexandrie, Paris, 1944, exposé complet, qui fait le point

de tous les travaux antérieurs. Voir encore J. Liébaert, La doctrine christo-

logique de saint Cyrille d'Alexandrie avant la querelle nestorienne, Lille,

1951 et H. Diepen, Aux origines de Vanthropologie de saint Cyrille

d'Alexandrie, Bruges, 1957.

Le centenaire du Concile d'Ephèse (1931), solennellement commémoré

par une encyclique du Pape Pie XI, Lux veritatis (25 décembre 1931, dans

AAS 23 (1931), 493-517), a provoqué de nombreux travaux, dont nous

ne pouvons citer ici que quelques-uns :

R. Devreesse, Les Actes du Concile d'Ephèse, dans Rev. des Se. Phil.

et Théol. 18 (1929), 223-242, 408-431 ; P. Galtier, Le centenaire d'Éphèse.

244 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

Rome et le Concile, dans Rech. de Se. Rel. 21 (1931), 169-199, 269-298 ;

J. Lebon, Autour de la définition de la foi au Concile d'Êphèse, dans

Ephem. Theol. Lov. 8 (1931), 393-492.

Le livre du P. Ad. d'Alês, Le dogme d'Ëphèse, Paris, 1931, est un

« ouvrage de vulgarisation écrit par un théologien des plus avertis »

(G. Bardy).

Plus récemment, Mgr G. Jouassard a donné dans Maria, I (Paris, 1949),

122-136, un récit extrêmement précis et exact de la suite des événements.

D'un point de vue opposé, les articles d'E. Amann, L'affaire Nestorius

vue de Rome, dans Rev. des Se. Rel. 23 (1949), 5-37, 207-244 ; 24 (1950),

28-52, 235-265.

Sur les rapports entre le concile et le pape, outre le livre de P. Batiffol

et l'article du P. Galtier, cités ci-dessus, voir encore V. Grumel, Le

Concile d'Êphèse. Le pape et le Concile, dans Échos d'Orient, 34 (1931),

293-313 ; M. Jugie, Le Décret du Concile sur la formule de foi et la

polémique en Orient, ib., 257-270.

CHALCËDOINE.

SOURCES ANCIENNES ET ÉDITIONS.

Du concile de Chalcédoine nous avons conservé en grec les procès-

verbaux, extrêmement détaillés, des dix-sept sessions, publiés, avec des

documents annexes, peu après le concile ; — nous avons aussi trois

collections de lettres (de saint Léon, des empereurs, d'évêques, etc.).

On notera que, concernant l'ordre des séances, les manuscrits inter-

vertissent la 3e (13 oct.) et la 2" session (10 oct.). De plus les manuscrits

donnent aux sessions le titre de Praxis (dans les trad. lat. Actio : Actio

prima, secundo) : il est bon de faire remarquer que ces dénominations

ne correspondent pas toujours à la suite chronologique des séances, de

même que certaines de celles-ci ne sont pas rangées sous la rubrique

d'Actio.

Plusieurs collections latines ont conservé soit la traduction des Actes

grecs, soit les originaux des lettres de saint Léon : Collectio Novariensis

de re Eutychis, documents rassemblés dès 450 peut-être sur l'ordre de

saint Léon ; — Collectio Vaticana, qui en son état actuel date du premier

quart du vi" siècle ; — la traduction des Actes du concile faite par

Rusticus (cf. page 241) ; plusieurs collections de lettres de saint Léon.

Comme pour les Actes d'Ephèse on trouve ces documents rassemblés

dans les anciennes éditions des conciles (Labbe-Cossart, IV ; Hardouin,

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 245

II ; Mansi, VI), mais surtout dans Ed. Schwartz, Acta Conciliorum

Oecumenicorum, tome II en six volumes (Berlin 1932-1938). (Vol. i, lettres

et Actes grecs ; Vol. n, 1, Coll. Novariensis ; 2, Vaticana ; Vol. ni, trad.

lat. des Actes grecs (Rusticus) ; vol. iv, Lettres de S. Léon). Pour la suite

des séances, les ACO gardent l'ordre, fautif, des manuscrits.

Comme autres sources anciennes, on citera, avec Evagre et Liberatus,

déjà cités, les Geste de nomine Acacii vel breviculum historiae Eutychia-

nistarum, rédigés vers 486 par le futur pape Gélase (PL 59, 928-934.

CSEL, 35, 440-453), et surtout les Lettres de saint Léon, qui sont un

document capital pour cette histoire (PL 54, d'après l'édition des Ballerini).

Les lettres relatives à l'affaire d'Eutychès et au concile de Chalcédoine

ont été éditées par le P. C. Silva-Tarouca, S. Leonis Magni epistulae

contra Eutychis haeresim (Textus et Documenta, 15 et 20), Rome, 1934-

1935, et par Ed. Schwartz, ACO II, rv (ci-dessus).

OUVRAGES GÉNÉRAUX.

Ils ont été indiqués à propos d'Ephèse (voir page 242). Chalcédoine

est traité dans Hefele-Leclercq au tome II B.

ÉTUDES PARTICULIÈRES.

Sur théodoret, voir les art. de M. Richard, L'activité littéraire de

Théodoret avant le concile d'Ephèse, dans Rev. des Se. Phil. et Théol.

24 (1935), 83-106 ; Notes sur révolution doctrinale de Théodoret, ib.,

25 (1936), 459-481. J. Montalverne, Theodoreti Cyrensis doctrina antiquior

de Verbo « inhumanato », Rome, 1948. H. Diepen, Théodoret et le dogme

d'Ephèse, dans Rech. de Se. Rel. 44 (1956), 243-248.

Sur saint léon, outre les chapitres que lui consacrent P. Batiffol,

E. Caspar, H. Rahner dans les volumes ou recueils déjà cités, on lira, de

P. Batiffol encore, l'art. Saint Léon dans le DTC 9, 1 (1926), 218-301.

T. Jalland, The Times and Life on St. Leo the Creat, London, 1941.

A. Lauras, Saint Léon le Grand et la Tradition, dans Rech. de Se. Rel.

48 (1960), 166-184. Sur les sources du Tome à Flavien, voir J. Gaidioz,

Saint Prosper d'Aquitaine et le Tome à Flavien, dans Rech. de Se. Rel.,

23 (1949), 270-301. — Enfin, le quinzième centenaire de la mort de

S. Léon a été l'occasion d'une encyclique de S. S. Jean XXIII, Aeterna

Dei Sapientia (11 nov. 1961), AAS 53 (1961), 785-803.

Le centenaire du concile de Chalcédoine (1951) a aussi été l'occasion

d'importantes publications, et d'abord d'une encyclique du pape Pie XII,

Sempiternus Rex (8 sept. 1951), dans AAS 33 (1951), 625-644.

Les PP. A. Grili.meier et H. Bacht ont dirigé la publication d'un re-

246 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

cueil considérable en trois volumes, Dos Konzil von Chalkedon, Wurzburg,

1952-1954 : le premier volume est consacré aux préliminaires historiques

et théologiques du concile, et à ses résultats doctrinaux ; le second aux

controverses autour de Chalcédoine et aux résultats du concile pour la

vie de l'Eglise et l'histoire de la théologie ; le troisième à ses répercussions

dans la théologie moderne et dans le dialogue œcuménique. Le vol. 2

comporte une table chronologique détaillée (A. Schônmetzer), et le 3*

une bibliographie très complète (id.).

Dans le l" volume nous relèverons les chapitres suivants, qui intéres-

sent plus directement notre sujet, et qui nous ont été plus particulièrement

utiles :

A. Grillmeier, Die theologische und sprachliche Vorbereitung der

christologischen Formel von Chalkedon (la formule de Chalcédoine au

terme du développement du dogme christologique), 5-202.

P.-Th. Camelot, De Nestorius à Eutychès : Vopposition de deux christo-

logies, 213-242.

M. Goemans, Chalkedon als « Allgemeines Konzil » (un concile « uni-

versel»), 251-289.

A. M. Schneider, Sankt Euphemia und dos Konzil von Chalkedon

(Sainte Euphémie, son culte, son sanctuaire ; la basilique du concile),

291-302.

P. Goubert, Le rôle de Sainte Pulchérie et de l'eunuque Chrysaphios,

303-321.

H. Rahner, Leo der Grosse, der Papst des Konzils (portrait de S. Léon,

sa sacerdotalis moderatio), 323-339.

P. Gautier, Saint Cyrille d'Alexandrie et saint Léon le Grand à Chal-

cédoine (diversité de points de vue et de langage, accord dans la foi),

345-387.

I. Ortiz de Urbina, Dos Glaubenssymbol von Chalkedon — sein Text,

sein Werden, seine dogmatische Bedeutung (l'élaboration de la formule

de Chalcédoine, sa portée dogmatique), 389-418.

On peut citer aussi le livre juste et équilibré de R. V. Sellers, The

Council of Chalcedon, London, 1953.

Parmi les innombrables articles traitant de la question doctrinale

et publiés autour de 1951, nous retiendrons surtout celui du P. M.-J.

Nicolas, La doctrine christologique de S. Léon le Grand, dans Rev. Thom.

51 (1951), 609-662 ; et ceux du P. H. du Manoir, Le quinzième centenaire

du Concile de Chalcédoine, dans Nouvelle Revue Théologique, 73

(1951), 785-803 ; Saint Léon et la définition dogmatique de Chalcédoine,

dans L'Année Théologique, 1951, 291-304. — Pour l'histoire des théologies

en présence, on pourra lire P.-Th. Camelot, Théologies grecques et

théologie latine à Chalcédoine, dans Rev. des Se. Phil. et Théol. 35

(1951), 401-412.

ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 247

Les Douze Dialogues de Christologie ancienne de Dom H. Diepen,

Rome, 1960, reprennent divers articles dont plusieurs touchent au concile

de Chalcédoine. Du même, Les Trois Chapitres au Concile de Chalcé-

doine. Une étude de la Christologie de FAnatolie ancienne, Oosterhout,

1953.

INDEX '

Acace de Bérée, 40, 71, 79.

Acace de Mélitène, 48, 52, 80.

Alexandre de Hiérapolis (Mab-

boug), 79.

Alexandrie : théologie, 17-19.

Anathématismes (v. Cyrille), 41-

42, 52, 67-68, 72 ; au brigandage

d'Èphèse, 111 ; à Chalcédoine,

127 ; texte, 206-207.

Anatole de Constantinople, 114,

116-117, 121, 127, 130-133, 169

173.

Antioche : théologie, 22, 24 ; pa-

triarcat, 151-152.

Apollinaire de Laodicée, 20-22.

Arcadius, empereur, 42.

Arcadius, légat de Célestin, 47, 57.

Arius, 7, 19.

Athanase d'Alexandrie, 17, 37.

Arncus de Nicopolis, 127.

Augustin, 46, 99, 143.

Bar Sauma, 92, 104, 131, 158, 160.

Basile de Séleucie, 124.

Boniface, prêtre, 119, 136.

Candidien, comte, 50, 54.

Capréolus de Carthage, 46, 56.

Cassien, 33, 96.

Célestin, pape, 10, 33, 40-41, 46,

47, 63, 146.

Chalcédoine, 121 ; la basilique,

121, 127.

Charisius, 57.

Chrysaphe, 89, 90, 105, 113.

Constantinople : symbole, 126, 138,

225; patriarcat, 161-167.

Cyrille d'Alexandrie, son carac-

tère, 35-36 ; sa théologie, 17, 18,

36-39, 80-82, 103 ; anathéma-

tismes, 41-42, 57, 67-68, 72. C.

à Ephèse, 47-54, 57, 58, 59, 62 ;

C. et Jean d'Antioche, 71-72 ;

mort, 85 ; C. à Chalcédoine, 124-

127, 140, 142-144; lettres à

Nestorius, 191-194, 198-207 ;

lettre à Jean d'Antioche, 211-215.

Diodore de Tarse, 22-24.

Dioscore d'Alexandrie, 87, 89, 91 ;

au brigandage d'Èphèse, 106-

111; 115; à Chalcédoine, 126,

142-144.

Domnus d'Antioche, 85, 87, 89,

106, 111.

Dulcitius, 106, 107, 111.

Elpidius, comte, 106, 107.

Êphèse, 44 ; la basilique, 50.

Eranistes, 87-88.

Eudocie, 40, 42, 89, 115.

Eulogius, tribun, 106.

Eusèbe de Dorylée, 27, 31, 90, 107,

122, 166.

Eustathe de Béryte, 85, 124, 154.

* Sans prétendre être complet, cet index relève les noms de tous les

personnages de quelque importance, ainsi que les « mots-clés », historiques

ou doctrinaux.

252

INDEX

Eutyches, 8, 88-93, 104-108, 115,

138, 175-176, 178, 179.

Ëvagre le Scholastique, 9.

Flavien de Constantinople, 90, 92,

93, 106-110, 124-125.

Calla Placidia, 113.

Grégoire de Nazianze, 14, 21.

Hilaire, diacre, 97, 106, 107, 109-

112.

Hypostase, 30, 37-38, 66, 81, 83,

84, 103, 148 (v. personne).

Ibas d'Ëdesse, 84-85, 111, 154-155,

158.

Ignace d'Antioche, 15, 17, 172.

Jean d'Antioche, 14, 48, 54 ; ex-

communié à Ephèse, 56 ; 62 ;

lettre à Cyrille, 71, 209 ; 85, 139.

Jean Chrysostome, 22, 25.

Jean, comte, 58.

Jérusalem : patriarcat, 151-152.

Jules de Pouzzoles, 97, 106, 107.

Julien d'Hypaïpè, 128.

Julien de Kios, 98, 113, 119.

Juvenal de Jérusalem, 40, 47, 50,

51, 57, 107-108, 121, 123. 130,

151-152.

Léon Ier, pape, 33, 89, 91, 92, 95-

97 ; lettre à Flavien, 98-100, 216-

223 ; sa théologie, 100-105 ; 110,

112-114, 116-120, 126, 129, 170-

173 ; lettre aux Pères de Chal-

cédoine, 234-235.

Lucentius d'Ascoli, 119, 122, 136,

165, 166.

Marcien, empereur, 115-118, 120,

134, 136-137, 151, 169, 172-173.

Maris, 84.

Marius Mercator, 26, 27.

Maxime d'Antioche, 128, 151-152.

Maximien de Constantinople, 60,

82.

Memnon d'Ephèse, 47, 50, 56, 58.

Mia physis, 20, 22, 38, 79-81, 142.

Nature, 23-24, 99, 102, 147-150

(v. Physis).

Nestorius, 8, 13 ; son caractère,

25-26 ; sa théologie, 26-31 ; à

Ephèse, 48 ; condamnation, 53,

58 ; exil, 63, 64 ; 138, 146 ; lettre

à Cyrille, 194-196 ; sentence de

déposition, 208.

Nicée : concile, 7, 15, 65, 126, 138,

151, 175, 225.

Origène, 13.

Palladius d'Amasée, 52.

Paschasinus de Lilybée, 119, 122,

127-129, 130, 132-136, 154-155,

165.

Paul d'Emèse, 71.

Personne, 102, 148 (v. hypostase,

prosôpon).

Philippe, prêtre romain, 47, 56, 57,

64.

Photius de Tyr, 132, 154.

Physis, 37-39, 66, 80-81, 103, 148

(v. nature).

Pierre Chrysologue, 91.

Proclus de Constantinople, 32, 82-

INDEX

253

Théodoret de Cyr, 9, 37 ; excom-

munié à Ephèse, 57, 59 ; 71, 85-

88, 94, 111, 130, 141, 147 ; réha-

bilité, 152-154.

Théodose II, empereur, 25, 40, 42,

44-45, 55, 93, 97, 112-114.

Théodote d'Ancyre, 48, 52.

Théotokos, 13-14, 24, 28, 39, 59,

61 ; définition à Ephèse, 66-70 ;

71, 72, 86, 138, 146.

Tome à Flavien, 96, 98-100, 104,

139, 140, 143; texte, 216-223.

Tome aux Arméniens, 83-84.

Valentinien III, empereur, 113.

Xyste III, pape, 63, 70, 72, 95.

TABLE

Introduction. Les Conciles du Ve siècle et le problème

christologique 7

ÉPHESE

Chapitre premier. Les antécédents doctrinaux et spirituels

du concile 13

La Theotokos : Marie, Mère de Dieu, 13. Le mystère de l'unité

du Christ, 14. Mystère et problèmes, 16. Christologie unitaire,

17. Le problème de l'âme du Christ, 18. Christologie dualiste, 22.

Chapitre II. Nestorius et saint Cyrille 25

Nestorius, patriarche de Constantinople, 25. Les déficiences

d'une théologie, 26. Remous à Constantinople, à Rome et en

Egypte, 31. Cyrille, patriarche d'Alexandrie, 35. Une théologie

du Verbe Incarné, 36. Nature et hypostase, 37. Cyrille, Nestorius

et le pape Célestin, 39.

Chapitre III. Le concile d'Éphèse 44

La convocation du concile, 44. L'arrivée à Éphèse, 46. L'ouver-

ture du concile, 48. Première session : déposition de Nestorius,

50. L'arrivée de Jean d'Antioche et le synode des Orientaux, 54.

L'arrivée des légats romains et la reprise du concile, 55. L'ar-

rivée du comte Jean et l'arrestation de Cyrille, Memnon et

Nestorius, 57. Dernières tractations théologiques et dissolution

du concile, 58.

Chapitre IV. Le dogme d'Éphèse « 61

Le vrai concile d'Éphèse ? 61. La condamnation de Nestorius,

63. Une définition dogmatique ? 65. Marie, « Mère de Dieu »,

68. L'union de 433 : la foi commune de l'Église, 70.

256 TABLE

CHALCEDOINE

Chapitre premier. D'Éphèse à Éphèse : Eutychès 79

Opposition des Orientaux à saint Cyrille, 79. Inquiétude des

Cyrilliens, 80. Le < Tome » de Proclus, 82. Ibas d'Edesse, 84.

Théodoret de Cyr, 85. La théologie de Théodoret : l'Eranistes,

87. Le moine Eutychès, 88. Le synode de Constantinople et la

condamnation d'Eutychès, 90. Les protestations d'Eutychès, 91.

La convocation du second concile d'Éphèse, 93.

Chapitre II. Saint Léon et le « Tome » à Flavien. Le bri-

gandage d'Éphèse 95

Le pape et l'erreur d'Eutychès, 95. Le « Tome » à Flavien, 98.

La théologie de saint Léon, 100. Un concile de brigands : Éphèse,

août 449, 105. L'appel à Rome, 111. La réaction de saint Léon,

112.

Chapitre III. Le concile de Chalcédoine 115

Vers un nouveau concile, 115. La convocation du concile à Nicée,

117. Le transfert du concile de Nicée à Chalcédoine, 120. Première

session : Réhabilitation de Flavien, 121. Deuxième session :

Vers une formule de foi, 126. Troisième session : Déposition de

Dloscore, 127. Quatrième session : Questions de personnes, 130.

Cinquième session : La définition dogmatique, 132. Sixième

session : L'approbation impériale, 136.

Chapitre IV. La définition de Chalcédoine 138

Analyse et sources de la formule de fol, 138. La théologie de

Chalcédoine, 142. Le dogme de Chalcédoine, 146.

Chapitre V. Les dernières sessions du concile. Les canons

de Chalcédoine. Le pape et le concile 151

Juridictions rivales. Les débuts du patriarcat de Jérusalem, 151.

La réhabilitation de Théodoret, 152. L'affaire d'Ibas, 154. Les

canons de Chalcédoine, 155. Esprit de la législation de Chalcé-

doine, 158. Le recours à l'évèque de Constantinople et le « 28*

canon » de Chalcédoine, 161. La protestation des légats, 165. La

lettre du concile au pape, 167. Saint Léon et le concile, 170.

Confirmation du concile par le pape, 172.

Conclusion. Dogme et vie dans l'Église. Rome et Constan-

tinople 175

Références 183

TABLE 257

TEXTES

I. Seconde lettre de saint Cyrille à Nestorius 191

II. Lettre de Nestorius à saint Cyrille 194

III. Troisième lettre de saint Cyrille à Nestorius .... 198

IV. Sentence de déposition de Nestorius 208

V. Décrets du concile d'Éphèse 208

VI. Lettre de Jean d'Antioche à saint Cyrille 209

VII. Lettre de saint Cyrille à Jean d'Antioche 211

VIII. Lettre de saint Léon à Flavien de Constantinople 216

IX. Définition dogmatique de Chalcédoine 224

X. Canons de Chalcédoine 228

XI. Lettre de saint Léon au concile de Chalcédoine 234

Chronologie 236

Orientations bibliographiques 241

Carte 248

Index 251

Ce volume a été achevé d'imprimer

le 15 novembre 1962 sur les presses

de l'Imprimerie Savernoise et relié

dans ses ateliers.

Dépôt légal 4* trimestre 1962.