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French Pages 257 [263] Year 1962
HISTOIRE
DES CONCILES ÅCUMÃNIQUES
2
Publiée sous la direction de
GERVAIS DUMEIGE, S. J.
P.-TH. CAMELOT, O.P.
Profisseur aux Facultis Dominicaines
du Saulchoir
ÃPHÃSE
ET
CHALCÃDOINE
PARIS
ÃDITIONS DE L'ORANTE
v. v
Nthtl obstat
Paris, 29 avril 1961
Fr. Ch. V. Héris, 0. P.
Maître en Théologie
Fr. I. Mennessier, 0. P.
Lecteur en Théologie
Imprtmi potest Imprimatur
Paris, 29 avril 1961 Paris, 2 mai 1961
Fr. J. Kopf, O. P. J. Hottot,
Provincial vie. gén.
- 1962 bg Editions de VOrante, Paris
.:
INTRODUCTION
LES CONCILES DU Ve SIÃCLE
ET LE PROBLÃME CHRISTOLOGIQUE
Dans l'histoire du développement du dogme chrétien, le
iV siècle apparaît comme l'ère des grandes controverses trini-
taires. A l'erreur d'Arius qui, selon une vue familière à la pensée
hellénistique, faisait du Verbe (Logos) la première créature de
Dieu, intermédiaire entre le Père et le monde créé, l'Ãglise
répond en affirmant au concile de Nicée (325) que le Verbe
est consubstantiel au Père, éternel comme lui, égal à lui en
toutes choses. Plus tard, le même problème se posant au sujet
du Saint-Esprit, le concile de Constantinople (381) condamne
les macédoniens ou « pneumatomaques » (= adversaires de
l'Esprit). Les grandes lignes du dogme trinitaire sont désormais
fixées de façon immuable. En même temps l'institution conci-
liaire, depuis longtemps traditionnelle dans l'Ãglise, prend un
relief nouveau : à Nicée pour la première fois, se rassemblent,
sur l'ordre de l'empereur, les évêques de « toute la terre habi-
tée » ; c'est le premier concile Åcuménique. Pour l'histoire, les
institutions, la théologie même de l'Ãglise, il devait avoir une
importance décisive.
Le V siècle verra se développer aussi une longue controverse
au sujet d'un autre mystère, le mystère du Christ, Verbe fait
chair, Dieu et homme. De l'un à l'autre de ces deux mystères,
et des problèmes qu'ils posent à la conscience chrétienne, il y a
un enchaînement qui n'est pas accidentel. Le Verbe éternel,
immuable, impassible, s'est fait homme dans le temps, soumis
à toute la condition humaine, à la souffrance et à la mort. C'est
! 398
8 INTRODUCTION
là une des affirmations fondamentales de la foi chrétienne,
nettement formulée déjà à Nicée : « Un seul Seigneur, Jésus-
Christ, le Fils de Dieu... qui, pour nous les hommes et pour
notre salut, est descendu et s'est incarné, et s'est fait homme,
a souffert et est ressuscité...» (FC 2). De même que tout Ã
l'heure il fallait tenir à la fois la distinction entre le Père et le
Fils, et leur égalité dans l'unique nature divine, de même main-
tenant faut-il tenir l'unité du Christ en ses deux natures, affir-
mer qu'il est à la fois Fils de Dieu et Fils de Marie, et pourtant
qu'il n'y a qu'un seul Fils, confesser qu'il est un, et qu'il est
vrai Dieu et vrai homme. A ce double mystère répondront deux
erreurs, celle de Nestorius, qui compromet dangereusement
l'unité du Christ, puis, en sens inverse, celle d'Eutychès, qui
risque d'absorber l'humanité dans la divinité. Successivement,
le concile d'Ãphèse (431) condamne Nestorius en enseignant
qu'il n'y a qu'une personne du Christ, et celui de Chalcédoine
(451) condamne Eutychès et définit que le Christ est un en deux
natures, Dieu parfait et homme parfait.
Cette présentation est évidemment très schématique : en fait,
les choses ont été beaucoup moins simples. Il a fallu de longs
efforts pour clarifier et unifier le vocabulaire théologique, les
mots et les concepts mêmes de nature et de personne, que les
parties en présence n'entendaient pas toujours dans le même
sens. Et de plus, â on serait tenté de dire : et surtout, â ce
labeur théologique ne s'est pas accompli dans le calme et le
silence du cabinet, mais dans l'agitation et les remous de vio-
lentes polémiques, dans un contexte historique très humain :
ambitions et rivalités personnelles, oppositions entre les grandes
métropoles ecclésiastiques, intervention de l'empereur, qui pèse
lourdement sur le concile ; séances conciliaires qui dégénèrent
en de scandaleuses bagarres, dépositions d'évêques, emprison-
nements, exils ; discussions qui tournent bientôt en schismes
menaçant l'unité de l'empire et l'unité de la foi...
Nous sommes très bien renseignés sur toute cette histoire,
beaucoup mieux que sur celle du concile de Nicée. Nous ne
INTRODUCTION 9
disposons pas seulement des récits des historiens anciens,
Socrate, Théodoret, Evagre le Scholastique, mais nous avons
conservé les Actes des conciles d'Ãphèse et de Chalcédoine,
procès-verbaux des séances, qui nous donnent une image très
vivante de ces assemblées, des interventions, des discussions,
des cris même et des injures qu'échangent ces vénérables
évêques ... Ajoutons que nous possédons aussi une masse impo-
sante de lettres, de discours, de traités théologiques ou polé-
miques qui donnent à toute cette histoire si agitée son arrière-
plan et comme sa profondeur doctrinale et spirituelle. Car si
l'historien ne peut pas fermer les yeux sur les passions ou les
intérêts qui mènent les hommes, ni sur les incidents à travers
lesquels se poursuit le pèlerinage terrestre de l'Ãglise, il doit
savoir ne pas se laisser hypnotiser par ces petits côtés de l'his-
toire, et regarder de plus haut, sous peine de n'avoir du dérou-
lement des événements qu'une vue trop étroite et partielle, pour
ne pas dire partiale. Fabrice del Dongo n'est peut-être pas le
meilleur juge de l'importance de la bataille de Waterloo.
Ainsi faudra-t-il, au cours de cette histoire, montrer les dif-
férents courants doctrinaux qui s'affrontent, marquer les étapes
successives du progrès dogmatique, et rappeler en même temps
la signification religieuse des questions soulevées, qui engagent
tout le mystère de notre salut. Il faudra indiquer les incidences
des conciles sur la vie de l'Ãglise, le développement de l'insti-
tution conciliaire elle-même, le rôle joué par l'évêque de Rome,
et l'autorité grandissante du Siège Apostolique. Il faudra mettre
en bonne lumière les grandes figures de saint Cyrille et de
saint Léon... Il faudra enfin, et surtout, ne pas oublier la
présence invisible du Christ et de son Esprit au sein de ces
assemblées d'évêques : « Spiritus sancti testatur praesentiam
congregatio sacerdotum », écrit le pape Célestin au concile
d'Ãphèse. Derrière les hommes qui s'agitent, il faut voir, comme
en filigrane, le Christ présent dans son Ãglise jusqu'à la fin des
temps, et ne cessant, au cours de l'histoire, de la conduire et de
l'animer.
NOTES
Les notes explicatives et les références aux auteurs modernes sont en
bas de pages, appelées dans le texte par un ou plusieurs astérisques. Les
appels numériques renvoient uniquement aux sources anciennes : ces réfé-
rences ont été reportées pages 183-188.
SIGLES ET ABRÃVIATIONS
AAS Acta Apostolicae Sedis (Rome, 1909 sv.)
ACO Acta Concillorum Oecumenicorum (éd. E. Schwartz, Berlin,
1914 sv.).
Dans nos références à cette édition, le chiffre romain en grandes
capitales indique le Tome (I pour Ãphèse, II pour Chalcédoine) ;
le chiffre romain en petites capitales (n, m) le volume ; le chiffre
arabe en italique, éventuellement, le fascicule ; le chiffre arabe
ordinaire la page : I, n, 3, 15 = Tome I, vol. II, fasc. 3, p. 15.
DTC Dictionnaire de Théologie Catholique (Paris, 1903 sv.)
DZ Enchtrtdion Symbolorum ... (de H. Denzinger).
FC La Foi Catholique ... (de G. Dumeige, Paris, 1961)
MANSI J. D. Mansi, Sacrorum Concillorum nova et ampltsstma collectto
(Florentiae, 1759 sv.)
PG Patrologla Graeca (éd. J. P. Migne, Paris, 1857-66)
PL Patrologla Latina (éd. J. P. Migne, Paris, 1878-90)
SC Sources chrétiennes (Paris, 1942 sv.)
Chalkedon Das Konzil von Chalkedon (Wurzburg, 1952-54)
ÃPHÃSE
CHAPITRE PREMIER
LES ANTÃCÃDENTS DOCTRINAUX ET
SPIRITUELS DU CONCILE
La Theotokos : Marie, Mère de Dieu
Vers la fin de l'année 428, l'Ãglise de Constantinople, dont
Nestorius avait été le 10 avril élu patriarche, fut agitée par une
querelle dont nul ne pouvait prévoir qu'elle aurait de si lourdes
conséquences. Le nouveau patriarche, qui déployait contre les
hérétiques un zèle bruyant, s'en prit en effet aussi aux chrétiens
dont la piété aimait à vénérer Marie, la mère de Jésus, sous le
titre de Theotokos, Mère de Dieu. Il laisse prêcher et se met Ã
prêcher lui-même contre ce vocable : car enfin, « Dieu a-t-il une
mère ? » 1. Dans la capitale, on commence à s'émouvoir. Mais
Nestorius insiste, en se défendant assez lourdement : il accepte-
rait qu'on appelât Marie Theodokos, * celle qui a reçu Dieu »,
mais non Theotokos, « celle qui a engendré Dieu » : seul en effet
Dieu le Père a engendré Dieu 2. Ne serait-il question que d'un
mot, voire d'une seule lettre ?
Ce vocable, Theotokos, était pourtant de longue date tradi-
tionnel dans le langage chrétien. Sans parler d'un papyrus qui
nous a conservé « l'antienne mariale grecque la plus ancienne »,
où l'on entend déjà notre Sub Tuum et l'invocation à la Theo-
tokos, sancta Dei genitrix *, le mot se lit chez Origène, Ale-
* P. F. Mercenier, L'antienne mariale grecque la plus ancienne, dans
Le Muséon, 52 (1939), 229-253. Voici ce texte : « Sous la protection de ta
miséricorde nous nous réfugions, ô Mère de Dieu : ne repousse pas nos
prières dans le besoin, mais du danger délivre-nous, toi, la seule pure
et la bénie ». Le papyrus pourrait remonter au IIP siècle.
14 ÃPHÃSE
xandre d'Alexandrie, saint Athanase, Eusèbe de Césarée, saint
Cyrille de Jérusalem, saint Ãpiphane, Didyme d'Alexandrie...
Déjà Julien l'Apostat remarquait que « les chrétiens ne cessent
pas d'appeler Marie Theotokos » 3, et saint Grégoire de Nazianze
résumait une tradition déjà longue quand il écrivait : « Si quel-
qu'un pense que sainte Marie n'est pas mère de Dieu, il est
en dehors de la divinité... » 4. Comme on le voit par les noms
que nous venons de citer, le terme semble d'origine alexandrine ;
mais il s'était répandu en dehors de l'Ãgypte, jusqu'à Constan-
tinople et même en Syrie : Jean, patriarche d'Antioche et ami
de Nestorius, lui écrira bientôt que ce mot a été « composé,
écrit, prononcé par de nombreux pères » B.
C'est donc à la piété et à la foi traditionnelles que s'opposait
Nestorius. Il ne s'agit pas seulement d'une question de mots
ni d'une querelle d'évêques. Comme le révèle la lecture des dis-
cours et des écrits de Nestorius, c'est toute une théologie de
l'incarnation qui est ici engagée.
Le problème avait d'ailleurs de lointains antécédents et il
importe de les rappeler brièvement pour qu'apparaisse l'impor-
tance du débat qui s'ouvre.
Le mystère de Tunité du Christ.
Jésus-Christ est Dieu et homme ; il est le fils de Marie, « issu
de la lignée de David selon la chair » ; mais aussi il a été « établi
Fils de Dieu avec puissance selon l'Esprit de sainteté » (Rm 1,
3-4) ; le Verbe s'est fait chair (Jn 1, 14) ; « étant de condition
divine ..., il a pris condition d'esclave, il est devenu semblable
aux hommes » (Phil 2, 6-7). On pourrait multiplier les textes
du Nouveau Testament, des évangiles comme des écrits apos-
toliques, qui montrent à l'envi que l'unique Fils de Dieu est
aussi, le même, homme en tout semblable à ses frères (Héb 2,
17) : le Jésus de la crèche et de la croix est le Verbe qui était
au commencement près de Dieu, le fils unique du Père, Dieu
lui-même béni éternellement (Rm 9, 5).
Tel est le donné primordial de la foi, auquel fait écho dès
ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 15
les premiers jours l'enseignement des Pères *, qui le défendent
contre toute interprétation maladroite par où serait compro-
mise la divinité du Christ. Au début du me siècle, l'auteur incon-
nu qui écrit contre Artémon, un des premiers représentants de
l'adoptianisme, rappelle les écrits de Justin, de Miltiade, de
Tatien, de Clément et de beaucoup d'autres, dans lesquels on
dit que le Christ est Dieu. Et il continue : « Quant aux livres
d'Irénée, de Méliton et des autres, qui donc les ignore ? Et
tant de psaumes et de cantiques, écrits par les frères dans la
foi depuis les premiers temps, et qui chantent le Verbe de Dieu,
le Christ, en disant qu'il est Dieu ! » e.
Aussi, après trois siècles de vie chrétienne, trois siècles de
réflexions et de controverses, le concile de Nicée (325) pouvait-
il confesser la foi « en un seul Dieu, le Père tout-puissant..., et
en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils de Dieu ..., qui pour
nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu et s'est
fait chair, s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troi-
sième jour, est monté aux cieux ...»**.
C'est le même Jésus-Christ, qui est Fils unique du Père, et
qui, s'étant incarné et fait homme, est né de la Vierge Marie,
a souffert, est mort et ressuscité. Un seul Jésus-Christ, Dieu et
homme, voilà l'essentiel de la foi chrétienne, formulée désormais
en un document solennel, écho de la profession de foi baptis-
male, auquel par la suite on ne manquera jamais de se référer
comme à la règle authentique de la foi : la « Foi de Nicée »
est la foi de l'Ãglise ***.
* « Il n'y a qu'un seul médecin, charnel et spirituel, engendré et in-
engendré, venu en chair, Dieu, dans la mort vie véritable, (né) de Marie
et (né) de Dieu, d'abord passible et maintenant impassible, Jésus-Christ
notre Seigneur » (Ignace d'Antioche, Ãph. 7, 2 ; SC 10, 74-76).
** Nous citons le Credo de Nicée tel qu'il a été promulgué au Concile
(DZ 54, FC 2) : notre texte liturgique, appelé traditionnellement « Symbole
de Nicée-Constantinople », en est un remaniement ultérieur, dont l'origine
précise est encore controversée.
*** Voir notre article Symboles et Magistère, dans Divinitas, 5 (1961),
607-622.
16 ÃPHÃSE
Mystère et problèmes.
Mais il est naturel que la pensée chrétienne réagisse devant
ce mystère, cherche à en « rendre raison » (cf. I P 3, 15), et
à l'exprimer intelligiblement en des formules qui le cernent du
plus près possible. Il serait intéressant de suivre en tous leurs
méandres les progrès et les développements du dogme de lin-
carnation ; nous n'en retiendrons ici que ce qui est nécessaire
pour comprendre les antécédents du concile d'Ãphèse, et les
péripéties du concile lui-même.
Qui ne voit que ce mystère peut être abordé en deux sens
opposés ? Le Verbe s'est fait chair, le même Jésus-Christ est
homme et Dieu. On peut contempler d'abord l'unité du Verbe
fait chair, pour regarder ensuite la chair qu'il a assumée. On
peut aussi, dans le Christ, considérer séparément le fils de
Marie et le fils de Dieu, et se demander ensuite comment ces
deux ne font qu'un seul Christ. Christologie unitaire, christologie
dualiste ; l'une part d'en haut, comme le Prologue de saint
Jean, du Verbe qui était en Dieu et qui s'est fait chair : l'autre,
si l'on ose dire, part d'en bas, du réalisme humain de l'Ãvan-
gile. Toutes les deux trouvent dans le donné évangélique un
point d'appui et une justification. Toutes les deux sont légi-
times.
A une condition cependant : si elles s'expriment en formules
unilatérales, en systèmes qui excluent l'autre face du mystère,
ces théologies, légitimes au point de départ, deviennent des
erreurs. On peut ainsi distinguer en Jésus l'homme et le Dieu,
au point de les séparer, et de « diviser le Christ ». On peut
aussi, considérant avant tout l'unité du Verbe Incarné, risquer,
sinon de revenir au docétisme des premiers siècles qui ne
reconnaissait au Christ que l'apparence d'un corps humain, du
moins de méconnaître en quelque façon l'intégrité de la chair
qu'il a revêtue pour notre salut. Entre la vérité et l'erreur, la
frontière est souvent bien ténue...
ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 17
Christologie unitaire.
La christologie unitaire est, sans doute, celle de la plus an-
cienne tradition de l'Ãglise. Ainsi saint Ignace d'Antioche parle-
t-il du « sang de Dieu », de la souffrance de Dieu », de « Dieu
qui a été porté dans le sein de Marie » 7. Ainsi saint Irénée,
en qui on entend la tradition des églises d'Asie, et, à travers
saint Polycarpe, l'écho de l'enseignement de saint Jean. Il se
réfère aux Ãvangiles : « Jean, dit-il, ne connaît qu'un seul et
même Verbe de Dieu, et ce Verbe est le Fils unique, et il
s'est incarné pour notre salut... Matthieu aussi ne connaît
qu'un seul et même Jésus-Christ ». Puis s'adressant aux gnos-
tiques : « Ainsi sont-ils tous en dehors de l'économie du salut,
ceux qui, sous prétexte de gnose, mettent d'un côté Jésus, et de
l'autre le Christ, et, distinct encore de celui-ci, le Verbe... Ils
divisent et mettent en pièces le Fils de Dieu ... ». Et ailleurs :
« Jean prêche un seul Dieu tout-puissant, et un seul Fils unique,
Jésus-Christ... lui qui s'est fait chair et habita parmi nous » 8.
Cette théologie unitaire deviendra cependant comme la théo-
logie propre de l'église d'Alexandrie. Sans parler d'Origène, dont
les formules, sinon la pensée elle-même, s'orientent ici en deux
sens différents, c'est la théologie de saint Athanase. La pensée
de 1 evêque d'Alexandrie est centrée sur le Verbe (Logos), pré-
sent dans son corps auquel il donne la vie. Dès son premier
ouvrage, Athanase exprime en termes vigoureux l'unité du
Christ : celui qui naît de la Vierge, qui mange et boit, qui
souffre et meurt, n'est pas un homme, mais le Dieu Verbe. Par
ses miracles, par sa mort et sa résurrection, « le Christ se fait
connaître comme Dieu et Fils de Dieu » 9. Pour Athanase, le
Christ c'est « Dieu qui porte une chair » (6eo{ aapxotpdpo;),
et non pas un « homme porteur de Dieu » (à vOpwxo; Ssocpdpoç) 10.
Unitaire encore sera la théologie de saint Cyrille : il nous
faudra y revenir.
On ne saurait trop souligner la valeur et la profondeur reli-
gieuse d'une telle théologie qui met en si vif relief l'unité du
Verbe Incarné ; car, s'agissant du cÅur même du mystère du
18 EPHÃSE
Christ, il s'agit du tout de notre foi et de notre salut. On l'a
dit jadis en termes très heureux : « Il n'est pas peut-être de
dogme dont la valeur religieuse soit plus évidente que celui
de l'unité de la personne du Christ. Que le même soit à la fois
mon frère et mon Dieu, n'est-ce pas ce qui fait toute la joie et
toute la profondeur du christianisme ? Que le corps né de la
Vierge et pendu à la croix soit vraiment le corps de Dieu, n'est-
ce pas ce qui me prouve que je suis aimé d'un amour vraiment
infini ? Au contraire, s'il n'est pas Dieu, celui qui est né et
mort pour moi, « tout le divin secret disparaît » n, disait avec
raison saint Cyrille » *.
Le problème de Tâme du Christ.
Mais cette théologie unitaire se trouva affrontée à un pro-
blème délicat, qui devait être l'occasion de toute la querelle.
Saint Jean nous a enseigné que le Verbe s'est fait chair. Sans
doute, au sens biblique du mot, la « chair » c'est toute la nature
humaine, comme l'écrira saint Cyrille : « Ce que nous disons
de la chair, nous le disons de l'homme » 12. La chair, c'est
l'homme tout entier, corps et âme : là n'est pas la vraie diffi-
culté. Elle commence quand, partant de ce schéma : Verbe-
chair, on cherche à expliquer comment le Logos peut être uni Ã
une « chair ». Une explication pouvait se présenter spontané-
ment à l'esprit : le Verbe est uni à la chair comme l'âme l'est
au corps. Comme l'âme est pour le corps principe de vie, de
mouvement, d'action, ainsi le Verbe est pour la chair principe
de vie et d'opération. De même, dira saint Athanase, que le
Logos est dans le monde et donne la vie à tous les êtres, de
même le Verbe est dans le corps du Christ et le vivifie13. Au
point de départ de cette conception, il y a une anthropologie
d'inspiration stoïcienne : il est normal que la théologie recoure
* P. Rousselot, dans Christus, Paris, 1912, 1070. Pour notre part, nous
préférerions traduire mystère plutôt que secret.
ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 19
aux bons offices de la philosophie ; mais qu'adviendra-t-il si
cette philosophie n'est pas de tout point sûre et équilibrée ?
En effet, si le Verbe est dans le Christ seul principe de vie
et d'action, il tient la place de l'âme (de la psyché, âme végé-
tative, comme du nous, âme raisonnable) ; aussi pourra-t-on être
tenté de nier l'existence de l'âme humaine de Jésus. Assurément,
saint Athanase n'ira pas jusque-là : « ce n'est pas, dira-t-il au
synode d'Alexandrie de 362, un corps sans âme, sans sentiment,
sans intelligence, qu'a eu le Sauveur. Car il n'était pas possible
que le Sauveur s'étant fait homme pour nous, son corps soit
sans intelligence, et ce n'est pas le corps seul, mais l'âme aussi
qui a été sauvée dans le Verbe... Le Verbe ne s'est pas
seulement fait chair, il s'est fait homme » 14. S'il est donc vrai
que saint Athanase, dans sa construction théologique, ne fait
guère de place à l'âme humaine de Jésus, il est loin cependant
d'en nier l'existence.
Mais certains devaient en arriver là . Pour les ariens, le Logos
est inférieur au Père, il a été tiré du néant, créé dans le temps
pour être l'instrument de Dieu dans la création du monde. Il
se fait homme en prenant une chair, dont, selon la psychologie
que nous avons rappelée, il est le principe de mouvement et
d'activité : point n'est besoin dès lors de supposer au Christ
une âme humaine. C'est le Verbe lui-même qui en assume toutes
les fonctions, c'est lui aussi qui en éprouve toutes les passions,
qui naît, qui souffre et qui meurt ; il n'est ni immuable, ni
impassible * : il ne saurait donc être égal et consubstantiel Ã
Dieu. Ne concevant l'union du Logos à la « chair » que selon
le type de l'union de l'âme avec le corps, on ne peut admettre
que le Logos, qui ne fait avec la chair qu'une seule nature, soit
vraiment Dieu. A considérer ainsi les choses, l'arianisme serait
une erreur christologique tout autant que trinitaire **. Précisons
qu'une telle christologie n'est pas le fait d'Arius lui-même, mais
d'ariens comme Astérius d'Amasée ou Eunomius.
* Cf. l'anathématisme qui fait suite à la définition de foi de Nicée
(DZ 54, FC 3).
** Cf. A. Grillmeier, dans Chalkedon, I, 74-77.
20 ÃPHÃSE
Et voici qu'un adversaire d'Arius, ami de saint Athanase et
défenseur convaincu de l'orthodoxie nicéenne, Apollinaire,
évêque de Laodicée en Syrie (361), va reprendre à son tour la
christologie arienne. Pour celle-ci, on vient de le voir, le Verbe
n'est pas Dieu, puisque dans le Christ il est sujet aux « passions »
humaines. Pour Apollinaire, Jésus de Nazareth est Dieu, puis-
qu'en lui c'est le Verbe lui-même qui naît, souffre, meurt. Le
Christ est vraiment Dieu, et non pas seulement « un homme
habité par Dieu » (à vôpwiroç i'vfko;). Aussi peut-il nous sau-
ver : « Ce n'est pas la mort d'un homme qui peut détruire la
mort ; il est donc évident que c'est Dieu lui-même qui est
mort » 15. Formules heureuses, et parfaitement orthodoxes. Mais
si Apollinaire retourne ainsi la thèse arienne, il en reprend les
présupposés et l'erreur intime.
Quelles sont les implications philosophiques de cette théo-
logie ? Apollinaire, comme les ariens, cherche l'unité du Christ,
Verbe fait chair, non pas au plan de la personne, de la subsis-
tance, mais au plan de la nature, principe de vie et d'activité.
Dans l'homme, composé d'un corps et d'une âme qui ne font
qu'une nature, il n'y a qu'un seul principe d'activité, l'âme, qui
se meut elle-même et meut le corps. De même, dans le Christ,
il n'y a qu'un seul principe d'activité, le Logos. Le Logos ne
pourrait être dans le Christ l'unique principe d'activité et de
vie, s'il y avait dans le Christ une âme raisonnable. Il faut donc
que le Verbe lui-même soit l'âme de la chair, pour s'unir à elle
en un seul être concret, une seule nature *. On peut donc parler
d'une seule nature, mia physis, du Verbe de Dieu incarné.
La théologie d'Apollinaire avait le grave inconvénient de
mutiler la nature humaine de Jésus. Nous l'avons rappelé, si
l'Ãcriture parle de chair, c'est pour désigner l'homme tout
entier, corps et âme. Donner au terme une précision et une
rigueur théologiques que ne comporte pas le langage biblique,
c'est être infidèle à l'Ãcriture elle-même ; et dans le cas présent,
* Cf. P.-Th. Camelot, dans Chalkedon, I, 240-241.
ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 21
c'est méconnaître tout le réalisme concret de l'Ãvangile, oublier
tout ce qu'il nous révèle de l'âme sainte, et du cÅur humain
de Jésus.
Contre cette théologie, les Pères se sont plu à développer un
argument auquel nous ne sommes peut-être plus très sensibles
aujourd'hui. Il s'agit, ici encore, du tout de notre salut. En
prenant sur lui notre humanité, le Verbe déjà la sauve et la
divinise ; mais il faut qu'il prenne l'humanité tout entière, corps
et âme : car, comme dit saint Grégoire de Nazianze, « cela
seul est sauvé qui est assumé » 16. Il faut que le Verbe ait pris
un corps doué dame, de sensibilité, d'intelligence, car, nous a
dit saint Athanase, « ce n'est pas le corps seul, mais l'âme aussi
qui a été sauvée dans le Verbe ». Nier l'âme humaine de Jésus,
c'est compromettre tout le réalisme de notre salut.
Les Pères du rv* siècle réagirent vigoureusement contre
l'erreur d'Apollinaire : des lettres de saint Basile, de saint
Grégoire de Nazianze, un important traité de saint Grégoire
de Nysse, le frère cadet de saint Basile, mettent en bonne
lumière l'erreur fondamentale de l'évêque de Laodicée. Saint
Ãpiphane de Salamine lui fait place dans le catalogue d'hérésies
(le Panarion) qu'il compile vers 374-377. D'autre part, on a vu
le synode d'Alexandrie de 362 prendre position sur le problème
christologique, sans toutefois viser personnellement Apollinaire,
auquel saint Athanase restait lié. Des synodes romains tenus sous
saint Damase (377, 382) condamnèrent à plusieurs reprises « ceux
qui disent que le Verbe de Dieu a été dans la chair à la place de
l'âme raisonnable et intelligente de l'homme » (DZ 65 ; FC 292).
A son tour, le concile de Constantinople de 381 condamnera, et
cette fois expressément, « les Apollinaristes » (DZ 85).
Apollinaire et ses disciples n'en continuèrent pas moins Ã
propager leur doctrine en s'abritant sous des noms illustres :
des écrits apollinaristes furent ainsi mis en circulation sous les
noms de Grégoire le Thaumaturge, Athanase, le pape Jules.
Le procédé peut nous paraître malhonnête ; mais les anciens
étaient moins scrupuleux que nous en matière de pseudépigra-
phie ! La fraude ne sera décelée qu'au vr3 siècle, et saint Cyrille
22 ÃPHÃSE
répétera comme venant de saint Athanase, la formule d'Apolli-
naire : « l'unique nature incarnée du Verbe de Dieu ». Nous y
reviendrons.
Christologie dualiste.
La théologie d'Apollinaire était strictement unitaire. Parmi
les plus vigoureux de ses adversaires, certains tenaient au con-
traire une théologie dualiste. Nous parlons ici des théologiens
d'Antioche, Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste.
Il est facile et banal d'opposer l'école d'Antioche et l'école
d'Alexandrie, le rationalisme et le mysticisme, l'exégèse litté-
rale et l'exégèse spirituelle, la christologie des deux natures
(dyophysite) et le monophysisme... Ces schèmes simples et
commodes risquent d'être parfois simplistes, et il conviendrait
sans doute de les nuancer. Quoi qu'il en soit, les deux évêques
que nous venons de citer, Diodore et Théodore, sont des exé-
gètes de grande valeur, érudits et pénétrants, soucieux du sens
littéral des textes et de leur portée théologique. Pour l'église
syrienne, Théodore de Mopsueste est « l'interprète » par excel-
lence. On n'oubliera pas non plus que le plus grand des Antio-
chiens, saint Jean Chrysostome, fut le disciple de Diodore de
Tarse, et l'auteur du meilleur commentaire de saint Paul qui
ait sans doute jamais été fait.
Attentive aux réalités évangéliques, la christologie antio-
chienne prend exactement le contrepied de celle d'Alexandrie.
On pourrait, très schématiquement, exprimer cette opposition
en disant qu'Alexandrie considère d'abord le Verbe fait chair,
et Antioche l'homme-Dieu. Aussi ces théologiens réagissent-ils
vigoureusement contre Apollinaire et sa négation de l'âme du
Christ : « Ce n'est donc pas un corps seulement que le Christ
devait assumer, dit Théodore de Mopsueste, mais aussi une
âme... Nécessairement donc Notre-Seigneur prit une âme pour
que celle-ci d'abord fût sauvée du péché... C'est donc une
grande démence que celle de ne reconnaître pas que le Christ
ANTECEDENTS DOCTRINAUX ET SPIRITUELS 23
prit une âme...» Et d'analyser de très près la nature humaine
de Jésus, toute la richesse psychologique de son âme sainte,
habitée et mue par le Saint Esprit, ornée de grâce, de vertus,
de dons. « Il est un homme parfait, celui qui fut assumé et en
qui demeure Dieu le Verbe, â lui qui fut parfait en tout selon
la nature humaine » 17. Ainsi distingue-t-il nettement les natures,
la nature divine et la nature humaine ; et c'est là assurément un
mérite de sa théologie, qui préparait ainsi les voies à la défi-
nition de Chalcédoine.
Mais à si bien distinguer, on risque de diviser et de séparer.
A souligner la consistance de la nature humaine de Jésus, on
tend à la considérer comme une personne (prosôpon) autonome.
Et le risque était d'autant plus grand que les concepts de
nature et de personne n'avaient pas encore été élaborés avec
une précision suffisante. A vrai dire, si Diodore en venait Ã
parler de « deux fils », le Fils de Dieu et le fils de Marie, Théo-
dore refuse des formules de ce genre, et affirme expressément
l'unité du Christ : « L'unité de la personne ne nuit pas à la diffé-
rence des natures ». « Ainsi, il n'y a ni confusion des natures, ni
perverse division des personnes. Tenons donc sans les confondre
les caractères des natures, et sachons que la personne n'est pas
divisée ». c Vous connaîtrez quelle conjonction a pu exister en
lui (le Christ), nonobstant la différence des natures ». « Il nous
faut conserver la connaissance de cette conjonction qui jamais
ne se divise... ce n'est pas, en effet, la distinction des natures
qui anéantit la conjonction parfaite, ni cette conjonction parfaite
qui détruit la distinction des natures » 18. Cependant, et le mot
même de « conjonction » le laisse entendre, cette unité du Christ
paraît bien être le résultat de l'union des deux natures. Et c'est
ici peut-être qu'apparaît au mieux l'opposition des deux chris-
tologies : Alexandrie voit d'abord l'unique personne du Verbe
qui se fait homme, assumant une nature qui n'a pas par elle-
même de subsistance propre (Verbe-chair) ; Théodore part de
deux natures complètes (homme-Dieu), voire de deux prosôpa,
dont l'union aboutira à un prosôpon commun, celui du Christ.
Ainsi lisons-nous dans les Homélies catéchétiques : « Unique
24 ÃPHÃSE
est le Fils, à cause de la conjonction exacte des natures opérée
par la volonté divine... Les livres saints parlent différemment
des natures, enseignant une seule personne (prosôpon), à cause
de la conjonction exacte qui eut lieu » 19. L'unique prosôpon du
Christ semble netre que le résultat de l'union des deux natures
si soigneusement distinguées, plutôt qu'il n'est, identiquement,
l'unique Fils de Dieu, le Verbe incarné.
Il serait inexact de faire de Théodore un hérétique, puisqu'il
est mort, en 428, dans la paix de l'Ãglise, avant que n'éclate la
crise nestorienne : le concile d'Ãphèse ne fera mention ni de
lui ni de Diodore ; mais on ne saurait méconnaître les lacunes
graves et les dangers d'une théologie qui n'a pas été capable de
donner toute sa place à l'unique personne du Verbe incarné.
Tout le nestorianisme est ici en germe, et bien qu'il faille se
défier de ces formules trop faciles, il ne serait pas exagéré de
dire que Théodore a été nestorien avant Nestorius !
Une conséquence de cette christologie est qu'elle refuse de
dire que Marie est Mère de Dieu, Theotokos. Diodore est ici
catégorique : l'homme né de Marie est devenu le Temple du
Verbe de Dieu ; donc on ne peut dire que le Verbe de Dieu
est fils de Marie. Théodore est peut-être plus nuancé, mais il
est tout aussi net dans le fond. « Quand on nous demande si
Marie est mère d'un homme (anthrôpotokos) ou mère de Dieu
(theotokos), disons que pour nous elle est l'une et l'autre, l'une
par la nature des choses, l'autre par relation. Mère d'un homme,
elle l'est par nature, puisque c'est un homme qui était dans le
sein de Marie et qui en est sorti ; mère de Dieu (elle l'est)
puisque Dieu était dans l'homme qu'elle a enfanté ... 20. « C'est
une folie de dire que Dieu est né d'une vierge... ce qui est né
de Marie, c'est l'homme » 21.
Nestorius ne parlera pas autrement ; et nous voici ramenés au
point de départ de la querelle. Le problème était grave, et essen-
tielles les valeurs religieuses qui y étaient engagées.
CHAPITRE H
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE
Nestorius, patriarche de Constantinople.
Après la mort de Sisinnius, second successeur de saint Jean
Chrysostome sur le siège de Constantinople, l'empereur Théo-
dose II, écartant deux candidats rivaux, fit monter sur le trône
patriarcal un prêtre d'Antioche, Nestorius. Une trentaine d'an-
nées plus tôt déjà , à la mort de Nectaire (397), Chrysostome lui-
même avait été appelé de la même façon à l'évêché de la capi-
tale. On sait assez peu de choses sur les antécédents de
Nestorius. Originaire de Germanicie en Syrie Euphratésienne, il
était venu à Antioche*, où il se fit moine et fut ordonné
prêtre. « Comme il avait une belle voix et parlait bien, on le
jugea capable d'interpréter les Ãcritures ».
Ces mots sont de l'historien Socrate, qui écrit après 439.
Cherchant visiblement à se renseigner aux bonnes sources et
à être objectif, il est sévère pour Nestorius : léger, passionné,
vaniteux, tel est, Ã l'entendre, le nouveau patriarche. Et il conti-
nue : « Ãtant naturellement beau parleur, il passait pour savant ;
en vérité, il n'avait aucune formation, et il dédaignait d'étudier
les livres des anciens interprètes. Aveuglé par sa faconde, il
ne s'appliquait pas exactement à la lecture des anciens, mais
se croyait supérieur à tous ... » 22.
* S'il est vrai que Nestorius est né après 381, il est difficile qu'il ait
été disciple de Théodore de Mopsueste, qui fut èvêque de cette ville
en 392.
26 ÃPHÃSE
Harnack, qui n'est pas suspect de parti-pris contre un héré-
tique condamné par l'Ãglise, n'est pas moins sévère : Nestorius
était « un prédicateur assez content de soi, un grand parleur,
ennemi des hérétiques, fonçant tête baissée imprudemment, et
pourtant ce n'était pas un homme vulgaire ...»*. Bref, un
honnête homme, bon orateur et beau parleur, â un certain
nombre de discours de Nestorius n'ont pas été jugés indignes de
figurer parmi les sermons attribués à saint Jean Chrysostome ! â
mais gâté par la vanité maladroite, l'impulsivité, la légèreté im-
prudente. Socrate ajoute que « ses bavardages n'ont pas laissé
d'agiter et de troubler le monde entier » 23.
Les déficiences d'une théologie.
On l'a dit, c'est le theotokos qui fut à l'origine de toute la
querelle. Non sans humour, Socrate écrit que Nestorius « crai-
gnait ce seul mot comme un épouvantail ». Et pourtant, il
s'agissait de tout autre chose que d'une question de mots, de
bien davantage que de la seule défiance du patriarche à l'égard
d'une piété qu'il jugeait mal éclairée. Marius Mercator, qui
traduisit en latin les sermons de Nestorius, remarque à propos
du premier : « Voici son premier sermon d'impiété, adressé
au peuple dans l'église ; il y tomba dans une malheureuse erreur
au sujet de l'incarnation du Seigneur » 24. C'est bien de l'incarna-
tion qu'il s'agit en fait, et de la christologie antiochienne pous-
sée à l'extrême. La vraie piété envers Marie suppose en effet
une théologie de l'incarnation.
Il n'est peut-être pas facile de parler sans parti-pris de la
théologie de Nestorius. Après la vigoureuse campagne que mena
contre lui saint Cyrille et la victoire de celui-ci à Ãphèse, le
patriarche déposé fait aux yeux de certains figure de victime,
et l'on est toujours tenté de prendre parti pour la victime, de
chercher à la réhabiliter. Sans vouloir non plus noircir l'héré-
Lehrbuch der Dogmengeschichte, II, 2e éd., Tubingen, 1920, 355.
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 27
tique, ni parler, comme ses adversaires du V siècle, de ses
« impiétés » et de ses « blasphèmes », nous essaierons d'exposer
la christologie de Nestorius telle qu'elle nous paraît objective-
ment s'exprimer dans ses sermons et ses écrits ; et tout particu-
lièrement dans ceux qui déclenchèrent la crise, puisque, pour
expliquer les origines historiques et doctrinales du concile
d'Ãphèse, c'est sur ces textes-là qu'il convient de s'appuyer de
préférence. Vers la fin de sa vie, à l'approche du concile de
Chalcédoine, Nestorius, exilé, écrivit une longue apologie, Le
Livre d'Héraclide de Damas* : il y justifie sa doctrine, qu'il
croit retrouver dans celle de saint Léon. Peut-être l'ouvrage
témoigne-t-il d'une certaine évolution de la pensée, ou tout au
moins du vocabulaire, mais les tendances profondes restent les
mêmes : ainsi il y conteste encore que theotokos ait jamais été
employé par les Pères ! En tout cas, ce n'est pas ce livre qui
a été condamné vingt ans plus tôt à Ãphèse.
Quand Eusèbe de Dorylée (cf. p. 31) ou Marius Mercator
font de Nestorius un disciple de Paul de Samosate, lequel ne
voyait dans le Christ qu'un homme, punis homo, adopté par
Dieu, ou élevé par ses mérites à la dignité de Fils de Dieu, on
peut craindre qu'ils ne cèdent à la tentation de ranger une
doctrine nouvelle parmi les hérésies anciennes, dûment cata-
loguées et étiquetées. Des modernes ont aussi parfois cédé Ã
cette tentation ! En fait, Nestorius ne dit pas que le Christ
est un parus homo ; il rappelle que saint Paul nomme le Christ
« Dieu » (cf. Rm 9, 5), et qu' « il faut prêcher aux chrétiens que
le Christ est le Dieu immuable » 25. Mais, encore avec l'Ãcri-
ture, Nestorius veut distinguer soigneusement les deux natures :
« Partout où la divine Ãcriture fait mention de l'économie du
Seigneur **, elle attribue la naissance et la mort, non à la divi-
nité, mais à l'humanité du Christ. Aussi, pour parler en toute
* Retrouvé en 1910 par le P. Bedjan dans une traduction syriaque ;
trad. fr. par F. Nau (Paris, 1910) ; angl. par G. R. Driver et L. Hodgson,
(Oxford, 1925).
** Quand les Pères grecs parlent de l'économie, ils l'entendent, comme
saint Paul, du mystère de l'incarnation.
28 EPHÃSE
rigueur de termes, il faut appeler la Vierge Christotokos, mère
du Christ, et non Theotokos, mère de Dieu...» Et après une
longue suite de citations de l'Ãvangile, il ajoute : « Des milliers
d'autres expressions attestent à tout le genre humain que ce
n'est pas la divinité qui est née récemment, ou qui est capable
de pâtir des souffrances corporelles, mais bien la chair jointe
à la nature de la divinité » 26. « Dieu a été uni à la chair cruci-
fiée, mais il n'a pas souffert avec elle » 2T.
Aussi Marie n'a-t-elle pas engendré la divinité ; on ne peut pas
dire que la divinité a été portée neuf mois dans le sein d'une
femme, que le Verbe de Dieu a été enveloppé de langes, ni
qu'il a souffert, qu'il est mort, qu'il a été enseveli. « Je ne peux
adorer un Dieu mort et enseveli » 28. « Marie a engendré un
homme, instrument de la divinité » 29.
En distinguant aussi nettement la divinité impassible et im-
muable, et l'humanité sujette à la souffrance et à la mort, en
refusant de les confondre ou de les mélanger, Nestorius n'entend
pas pour autant les séparer. Il ne veut pas parler de « deux
fils », ni « diviser le Christ » et voir en lui « un autre et un
autre ». « Autre n'était pas le Dieu Verbe, et autre l'homme en
qui il est né » 30. Mais comment se représente-t-il l'unité du
Christ, ou plutôt, â car telle est sa perspective, â l'union des
deux natures ?
Dans le premier sermon qu'il prononça contre le theotokos,
Nestorius disait : « A cause de celui qui le porte, je vénère celui
qui est porté, à cause de celui qui est caché, j'adore celui qui
est visible. Le Dieu invisible est inséparable de celui qui est
visible, c'est pourquoi je ne sépare pas l'honneur et la dignité
de celui qui n'est pas séparé. Je sépare les natures, mais j'unis
l'adoration ... Confessons qu'il est double, et adorons-le comme
un. Il est double quant aux natures, mais un à cause de
l'unité » 31.
Ou encore : « Nous appelons Dieu le Christ selon la chair, Ã
cause de la conjonction qu'il a avec le Dieu Verbe, mais nous
savons que ce qui apparaît est un homme... Ãcoute Paul qui
prêche les deux : Des Juifs vient le Christ selon la chair, qui
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 29
est Dieu au-dessus de tout (Rm 9, 5). Il confesse d'abord
l'homme, ensuite il appelle Dieu ce qui apparaît, à cause de sa
conjonction avec Dieu, pour qu'on n'aille pas croire que le
christianisme adore un homme. Gardons donc sans les confondre
la conjonction des deux natures, confessons Dieu dans l'homme,
vénérons l'homme adoré avec le Dieu tout puissant à cause de
la divine conjonction » 82.
A lire ces textes, et beaucoup d'autres, on ne peut échapper
à l'impression que pour Nestorius l'unité du Christ reste tout
extrinsèque : unité du temple avec la divinité qui l'habite, du
vêtement avec le personnage qui le porte, de l'instrument avec
celui qui s'en sert. Jésus est appelé Dieu parce qu'il est uni
au Verbe en dignité, en autorité. Un des critiques les moins
défavorables à Nestorius parlait d'une union purement psycho-
logique *.
Si, au-delà des formules trop abruptes auxquelles l'entraînait
peut-être un zèle intempérant, on essaie de retrouver l'inspira-
tion interne de sa théologie et de la ramener à ses lignes essen-
tielles, on verra sans peine que Nestorius aborde le problème
du Christ non du côté de l'unité, mais de celui de la dualité,
et qu'il distingue fortement les natures. Par contre il n'est pas
capable de distinguer aussi nettement nature et personne; et
entendant dire que Marie est mère de Dieu, ou que Dieu a
souffert, il comprend que Marie est mère de la divinité, ou que
la nature divine a subi mort et passion, ce qu'il ne peut évidem-
ment pas admettre. Et, autre conséquence de la même confusion,
parlant de deux natures dans le Christ, il est porté à les entendre
de deux sujets autonomes, de deux personnes. La faiblesse de la
christologie antiochienne, tout comme de celle d'Apollinaire, est
de partir de la nature considérée comme un tout indépendant,
et, puisqu'il y a deux natures, d'entendre qu'il y a aussi deux
personnes.
Au vrai, le terme de prosôpon (personne) que Nestorius em-
E. Amann, dans DTC 11, 1, 151.
30 EPHÃSE
ploie volontiers, doit se comprendre moins dans le sens méta-
physique de personne subsistante, ou hypostase, que dans celui
de « personnalité », au sens où le langage moderne parle de
personnalité psychologique ou morale. Mais quand Nestorius
affirme « la distinction des natures quant à l'humanité et à la
divinité, et leur conjonction en un seul prosôpon » (seconde lettre
à saint Cyrille), on est en droit de se demander ce qu'est au
vrai ce prosôpon auquel aboutit la conjonction des deux natures.
L'unité du Christ ne serait-elle que le terme et le résultat de
la conjonction et de l'union de deux natures existant d'abord
séparément ? Un théologien anglican a caractérisé assez heureu-
sement le point faible, ou mieux le vice radical de la christo-
logie nestorienne : « Nestorius est incapable de ramener à une
unique personnalité clairement conçue les deux natures du
Christ qu'il distinguait avec un si admirable réalisme » *.
Nestorius ne voit pas que les actions et les souffrances de la
nature humaine, ou, si l'on veut, de « l'homme Jésus » doivent
être rapportées à l'unique personne du Verbe. Sa théologie dua-
liste aboutit en fait, et, quoi qu'il en ait, à mettre en péril
l'unité du Christ. E. Amann, que nous avons déjà cité, la
juge « insuffisante » et « dangereuse », il estime qu'elle diffère
« profondément de la doctrine ecclésiastique telle qu'elle s'est
fixée dans les siècles suivants, telle que déjà Cyrille en posait
les bases, telle que Chalcédoine en a fourni la première et claire
formule ». Et il ajoute : « Trop souvent on a l'impression en
lisant Nestorius (dans les fragments surtout) de marcher sur la
corde raide. Or il ne convient pas de contraindre la foi des
simples, ni même celle des théologiens, à de trop fréquents, Ã
de trop violents exercices d'équilibre » **. Que Nestorius ait
été vraiment nestorien, certains ont voulu le nier : c'était aller
contre l'évidence des textes.
Cette théologie heurtait vivement le sentiment chrétien, qui
sans s'embarrasser de distinctions trop subtiles pour lui, aime
* G. L. Prestige, Fathers and Heretics, London, 1940, 143.
** DTC 11, 1, 154.
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 31
à vénérer Marie comme la Mère de Dieu, et ne peut souffrir
de séparer dans le Christ l'homme et le Dieu : pour lui comme
pour l'apôtre saint Thomas, Jésus est « mon Seigneur et mon
Dieu », tout simplement. Plus encore, cette théologie compro-
met tout le mystère de notre salut. Si la chair de Jésus n'est pas
la chair de Dieu, comment peut-elle nous donner la vie éter-
nelle ? Si la mort sur la croix n'est pas la mort d'un Dieu, com-
ment peut-elle nous sauver de la mort ? Dans la controverse
qui va s'ouvrir, Mgr Duchesne, avec trop de légèreté, ne voyait
que des « exercices métaphysiques » *. Il s'agissait du tout de
notre salut.
Remous à Constantinople, à Rome et en Egypte.
Le sentiment du peuple chrétien ne s'y trompa pas. On a
déjà dit l'étonnement, voire le scandale que provoquaient Ã
Constantinople les prédications de Nestorius contre le theotokos.
Bientôt ce furent le trouble et l'agitation : fidèles et moines
s'opposent au patriarche, qui les repousse brutalement. Les inci-
dents se multiplient. Un jour, on peut lire, affiché sur les portes
de Sainte-Sophie, un factum (contestatio) qui met en parallèle
les affirmations de Nestorius et les thèses de Paul de Samosate ;
il accuse ouvertement le patriarche d'hérésie, et jette l'anathème
à celui qui oserait dire : « Autre est le Fils unique engendré du
Père avant les siècles, et autre celui qui a été enfanté par la
Vierge Marie, et non pas le même et unique Seigneur Jésus-
Christ » 33. Socrate remarquait déjà que ce rapprochement était
injuste 34, mais il était commode, et traduisait bien l'impression
que pouvaient faire sur les esprits les affirmations malencon-
treuses du patriarche. On disait que l'auteur de cette affiche
était un laïc, un avocat (scholasticus), Eusèbe, qui devait devenir
évêque de Dorylée.
Un peu plus tard, un jour où Nestorius prêchait sur son
thème favori, le même Eusèbe l'interrompt en pleine église :
* Histoire ancienne de l'Ãglise, III, 324.
32 EPHÃSE
« le Verbe éternel est né dans la chair et d'une femme » ; grand
tumulte dans l'assistance, les uns approuvent bruyamment l'in-
terrupteur, les autres l'injurient ; le patriarche lui répond en
termes acérés, et s'en prend même « aux saints Pères qui nous
ont donné la définition de la vraie foi » 35.
Nestorius cependant ne se relâchait en rien de son zèle intem-
pérant contre le theotokos. Un autre jour, Proclus, évêque de
Cyzique, qui, n'ayant pu prendre possession de son siège, rési-
dait à Constantinople, prêche « dans la grande église », en
présence du patriarche lui-même. C'était à l'occasion d'une fête
(panégyrie) de la Vierge, peut-être l'Annonciation, si l'on en
croit les allusions du sermon *. En un langage éloquent, où l'on
pouvait entendre un écho des accents de Jean Chrysostome,
l'orateur avait rappelé le mystère de l'incarnation, et exalté les
grandeurs de Marie, « la sainte Mère de Dieu » : « Dieu a
habité le sein de la Vierge », « Dieu est né d'une femme » 3e.
Et plus loin Proclus ajoutait : « Le Christ n'est pas devenu
Dieu au terme d'un progrès, mais il s'est fait homme, par misé-
ricorde, comme nous le croyons. Nous ne prêchons pas un
homme divinisé, mais un Dieu fait chair ». On ne pouvait oppo-
ser avec plus de précision les deux théologies en présence.
On comprend que ces déclarations aient déplu au patriarche,
qui prit la parole à son tour, comme c'était l'usage, et répondant
directement à Proclus, mit ses auditeurs en garde contre un
excès de dévotion qui pourrait faire injure à la dignité du
Verbe de Dieu. Dire que Dieu est né de Marie, c'est prêter
le flanc à la calomnie des païens et à l'erreur des ariens : « Je
ne peux adorer un Dieu qui est né, qui est mort et a été ense-
veli » 3T.
Quand on se rappelle ce qui s'était passé à Constantinople
du temps de saint Grégoire de Nazianze ou de saint Jean
* Et s'il était assuré que cette fête ait été instituée avant le VIe siècle.
Au reste, cet incident est difficile à dater avec certitude. Schwartz
le fixe au 25 mars 430 (ACO I, i, 6, 7) ; M. Richard le repousse jus-
qu'en 431 (Mélanges de Sciences religieuses, 2 (1945), 255-258) ; G. Jouas-
sard conteste cette dernière date (dans Maria, I, 132, n. 4).
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 33
Chrysostome, on devine à quel ton pouvait monter la querelle
dans cette ville toujours prompte à s'agiter, dans ce milieu de
clercs, de moines, de dévotes et de laïques, toujours prêts Ã
prendre bruyamment parti pour ou contre leur patriarche. Les
moines en particulier, tard venus dans la capitale, s'y étaient
bientôt trouvés très nombreux. On en voyait beaucoup se
montrer par les rues et les places plus qu'il n'aurait convenu
à des solitaires, et leur science théologique n'était pas toujours
au niveau de leur ascèse ostentatoire et de leur zèle tapageur !
Mais l'agitation ne devait pas rester limitée à Constantinople.
Nestorius était en relations avec Célestin, évêque de Rome
depuis le 10 septembre 422, il avait correspondu avec lui au
sujet des pélagiens Julien et Célestius ; il met le pape au
courant de la querelle qui s'est élevée à propos du theotokos.
Il stigmatise cette nouvelle erreur, « apparentée à la pourriture
d'Arius et d'Apollinaire », et expose très clairement sa propre
théologie de la Christotokos38. De son côté, Eusèbe envoie Ã
Rome les quatre sermons de Nestorius d'où il avait extrait les
propositions affichées dans sa contestatio. Le diacre Léon (le
futur pape) envoie ces textes et la lettre de Nestorius à son ami
Cassien, pour qu'il les examine et les réfute. L'abbé de Saint-
Victor à Marseille, qui savait le grec et avait vécu à Constan-
tinople du temps de saint Jean Chrysostome, était parfaitement
qualifié pour cette tâche 39.
Du point de vue de l'histoire générale de l'Ãglise, il n'est
pas sans intérêt de remarquer ces allées et venues de courriers
entre Constantinople et Rome, entre Nestorius et Célestin : les
relations entre les deux capitales, entre le patriarche et le pape,
sont, et seront encore longtemps, fréquentes et étroites. Mais on
remarquera aussi, et la chose est significative, que Célestin
fait attendre sa réponse à la lettre de Nestorius ; il lui faut
d'abord la faire traduire en latin. Et Nestorius se plaint vive-
ment de ne pas recevoir de réponse 40. L'ignorance de la langue
est, parmi beaucoup d'autres, une des raisons du divorce qui
va séparer l'Orient et l'Occident.
34 EPHÃSE
Il n'est pas inutile d'observer enfin que Célestin est alerté*
par Nestorius lui-même, avant que saint Cyrille n'entre en scène.
Ce n'est pas celui-ci qui a ouvert les hostilités !
L'Ãgypte en effet allait à son tour être atteinte par les remous
de la querelle. Entre Alexandrie et Constantinople, les relations
étaient fréquentes aussi, mais pas toujours bienveillantes.
L'évêque d'Alexandrie, qui se voyait peu à peu supplanté par
celui de la « nouvelle Rome », auquel le concile de Constanti-
nople de 381 avait accordé une primauté d'honneur, cherchait,
on le comprend trop bien, à intervenir dans les affaires ecclésias-
tiques de la capitale. Sans remonter jusqu'Ã Pierre d'Alexandrie
qui soutint l'usurpateur Maxime contre saint Grégoire de Na-
zianze (379), on se rappelle le rôle odieux joué par Théophile
dans la déposition de saint Jean Chrysostome (concile du
Chêne, 403). Cyrille, neveu de Théophile et son successeur (412),
avait ses envoyés (apocrisiaires) auprès de la cour impériale,
qui l'informaient de tout ce qui se passait dans la capitale.
Par eux, le bruit que font les prédications de Nestorius parvient
jusqu'en Egypte : les évêques s'inquiètent, et les moines du
désert eux-mêmes sont troublés.
Vers la fin de 428, Cyrille, comme chaque année, écrit aux
évêques pour leur fixer les dates du carême et de Pâques de
l'année 429 ; il écrit aussi aux moines, exposant aux uns et aux
autres avec grande fermeté, sans nommer d'ailleurs Nestorius,
sa propre doctrine de l'incarnation et du theotokos a. Quelques
mois plus tard, vers la fin de l'été 429, il écrit à Nestorius lui-
même pour l'avertir des bruits fâcheux qui courent en Ãgypte
et jusqu'Ã Rome sur son enseignement, et lui demander des
explications *2 ; il ne reçoit qu'une réponse assez hautaine, l'ex-
hortant à la modération chrétienne 43. Le duel était engagé.
* Sur ce point, voir G. Jouassahd, Sur les décisions des conciles
généraux des IV et Ve siècles dans leur rapport avec la primauté romaine,
dans Istina, 1957, 485-496 ; ici 492, n. 13.
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 35
Cyrille, patriarche d'Alexandrie.
On connait déjà l'un des adversaires, Nestorius. Il n'est peut-
être pas très facile non plus de parler de saint Cyrille. Ceux qui
sont tentés de prendre parti pour la victime et de la réhabiliter,
seront portés aussi à juger sans indulgence celui en qui ils
croient voir un persécuteur. Dans ce qu'on appelle la « tragédie
de Nestorius » *, on ne donne pas le beau rôle à saint Cyrille.
Déjà Nestorius se plaignait vivement des agissements du pa-
triarche d'Alexandrie à son égard. Et il faut bien reconnaître
que certains traits du caractère de saint Cyrille peuvent donner
quelque apparence de raison à Nestorius et à ses partisans,
anciens et modernes. On ne peut nier qu'il n'ait parfois manqué
de cette « modération » que lui prêchait son adversaire. L'ini-
tiative qu'il prend d'intervenir dans les affaires de Constanti-
nople, la hâte et la précipitation dont il a fait preuve à Ãphèse
peuvent nous étonner, certaines intrigues même nous scanda-
liser. On répéterait volontiers le jugement du vieux Tillemont ** :
« Saint Cyrille est saint, mais on ne peut pas dire que toutes
ses actions soient saintes ».
Une chose du moins paraît certaine. Quels qu'aient pu être les
défauts de son caractère, saint Cyrille n'a été mû que par le
souci de la vérité et le zèle de la foi. Rien dans les textes ne
semble justifier le reproche d'autoritarisme, rien ne paraît ins-
piré par la volonté de faire prévaloir Alexandrie sur Constanti-
nople, de dominer et d'écraser son adversaire. Si à Ãphèse il
a montré trop de hâte, il a su ensuite faire preuve de persé-
vérance et de fermeté, et il a été emprisonné pour la foi. S'il
fut dur pour Nestorius, il est visible par contre que dans les
tractations de 433, que nous aurons à rappeler, il saura agir
* C'est le titre d'une apologie pour Nestorius, compilée par son ami le
comte Irénée. Mgr Duchesne a repris ce titre, Hist. Ane. de l'Ãgl. III,
ch. 10. â Les historiens non-catholiques réservent toute leur indulgence
pour Nestorius et sont généralement très sévères pour saint Cyrille, pour
sa théologie comme pour son caractère.
** Mémoires pour servir à l'Histoire Ecclésiastique..., XIV, Paris,
1709, 541.
36 ÃPHÃSE
avec modération, renoncer pour le bien de la paix à des formules
qui lui étaient chères, mais qui pouvaient prêter à contestation,
en accepter d'autres qui lui répugnaient, et se réconcilier avec
celui qui à Ãphèse avait été le principal de ses adversaires.
C'est en toute sincérité qu'il pourra se réjouir de la paix conclue.
Au demeurant, comme prédicateur et pasteur, comme exé-
gète, comme théologien, il se révèle d'une tout autre classe que
Nestorius.
Une théologie du Verbe Incarné.
Non seulement le vocabulaire où s'exprime la théologie de
saint Cyrille est différent de celui de Nestorius, mais, si l'on
peut dire, son climat spirituel et l'atmosphère qu'elle respire
sont tout autres. Cyrille ne considère pas d'abord les deux na-
tures, mais l'unique personne du Verbe, qui existe de toute éter-
nité et à la fin des temps s'est incarnée. Son point de départ,
c'est le premier chapitre de saint Jean : « Le Verbe s'est fait
chair ». Entendons bien, pour ne pas y revenir, que Cyrille
écarte fermement tout apollinarisme : cette chair, c'est une huma-
nité complète, douée d'une âme raisonnable. « De même que
le Verbe de Dieu le Père est parfait quant à la divinité, ainsi
est-il parfait quant à l'humanité : il n'a pas pris un corps sans
âme, mais bien un corps animé d'une âme raisonnable » 44. Cette
incarnation n'implique dans le Verbe aucun changement ni
transformation : il est resté ce qu'il était, immuable et impas-
sible ; elle n'est pas non plus changement d'une nature en
l'autre : la nature humaine n'est pas absorbée dans la divinité,
elle subsiste entière après cette union qui ne comporte ni mé-
lange ni confusion45 : saint Cyrille a toujours refusé de con-
fondre les natures, il n'est pas monophysite !
Comment tenter d'expliquer cette union « ineffable et inex-
primable » ?46 Ces mots reviennent souvent chez Cyrille, qui,
plus que Nestorius assurément, a le sens et le respect du mys-
tère. Il a aussi le sens de la tradition, et se réfère au concile de
Nicée, qui lui donne le fait infrangible de l'unité du Christ :
NESTORIUS ET SAINT CYRILLE 37
c'est le Verbe de Dieu qui s'est fait homme, qui est né, qui a
souffert.
Cyrille refuse donc toute explication qui lui semble compro-
mettre en quelque façon cette unité ; il ne veut pas parler d une
simple habitation, ou conjonction, ou relation 4T, ni de Y « as-
somption d'un homme » : « Le Verbe s'est fait chair, il n'a pas
assumé un homme, comme pense Nestorius » 48. C'est peut-être
ici qu'on voit le mieux la différence et l'opposition des deux
christologies. De son côté Théodoret écrira : « Le Verbe de
Dieu ne s'est pas fait chair, mais il a pris une chair et il a
habité parmi nous » 49 ! Ces formules, courantes à Antioche,
paraissent à Cyrille donner à l'humanité du Christ une subsis-
tance propre, comme si elle existait à part de l'unique personne
du Verbe.
Pour Cyrille, au contraire, l'union se fait « selon l'hypostase »
(Ka8' ÃTOÃaTaaiv), ou « selon la nature» (Karà , c'est-
à -dire l'évêque du chef-lieu du diocèse civil *. Mais le canon
prévoit que ce peut être aussi l'évêque de Constantinople :
* On rappellera que le diocèse est d'abord une circonscription
administrative civile. Dans l'organisation de l'Empire telle qu'elle avait
été réglée par Dioclétien, les quatre préfectures d'Orient, de Gaule,
d'Italie, d'Illyrie, étaient subdivisées en douze (plus tard quinze) diocèses.
Ainsi la préfecture d'Orient comprenait les diocèses d'Egypte (capitale
Alexandrie), d'Orient (Antioche), du Pont (Césarée), de Thrace (Philippo-
poli), d'Asie (Ãphèse).
162 CHALCEDOINE
c'était reconnaître à celui-ci une compétence concurrente à celle
de l'exarque du diocèse. Ce privilège exceptionnel reconnu Ã
l'évêque de la ville impériale ne faisait que consacrer une
situation de fait, et ne souleva aucune opposition de la part de
l'épiscopat grec.
Dans le même esprit le concile prit une autre décision qui
allait, elle, provoquer de graves incidents. Le 29 octobre, au
cours d'une séance à laquelle n'assistaient ni les commissaires
impériaux ni les représentants de saint Léon *, les évêques
votèrent un texte ainsi conçu ** :
« Suivant en tout les décrets des Saints Pères, et reconnais-
sant le canon des cent cinquante évêques ... qui vient d'être lu,
nous prenons et votons les mêmes décisions au sujet des privi-
lèges de la très sainte Ãglise de Constantinople, la nouvelle
Rome. Les Pères en effet ont accordé justement au siège de
l'ancienne Rome ses privilèges, parce que cette ville est la ville
impériale. Pour le même motif, les cent cinquante très pieux
évêques ont accordé des privilèges égaux au très saint siège
de la nouvelle Rome, jugeant avec raison que la ville qui est
honorée de la présence de l'empereur et du sénat, et qui jouit
des mêmes privilèges que l'ancienne ville impériale Rome, est
comme celle-ci grande dans les affaires ecclésiastiques, étant la
seconde après elle; en sorte que les seuls métropolitains des
diocèses du Pont, de l'Asie et de la Thrace, et les évêques des
parties de ces diocèses situées dans les régions barbares, seront
ordonnés par le très saint siège de la très sainte Ãglise de
Constantinople, alors que, bien entendu, chaque métropolitain
* S'il faut en croire les explications données le lendemain par Aétius,
archidiacre de Constantinople, les légats romains, invités à cette séance,
se seraient récusés, alléguant qu'ils n'avaient pas d'instructions à ce sujet.
** On l'appelle « 28° canon » et, pour faire court, nous nous en tien-
drons à cette dénomination traditionnelle. En fait, ce canon, qui n'a pas
été approuvé par le pape, ne se trouve pas à la suite des 27 autres dans
les manuscrits des Actes de Chalcédoine. Ce n'est que beaucoup plus tard
qu'il sera considéré par les canonistes orientaux comme le 28* canon
de Chalcédoine.
LES CANONS DE CHALCEDOINE 163
des diocèses susdits ordonne, avec les évêques de l'éparchie, les
évêques de cette éparchie, comme il est prescrit par les divins
canons ; mais, comme on l'a dit, les métropolitains des diocèses
susdits sont ordonnés par l'archevêque de Constantinople, après
élection concordante faite selon la coutume, et notifiée à ce
dernier ».
Ce texte fut approuvé et signé par Anatole de Constantinople,
Maxime d'Ãphèse, Juvénal de Jérusalem, et cent-quatre-vingt-
deux évêques 260.
Pour en apprécier la portée, il faut d'abord rappeler le canon
du concile de Constantinople (381) auquel il se réfère expres-
sément. Après avoir (can. 2) confirmé les droits et privilèges
des évêques d'Alexandrie et d'Antioche, et de ceux des diocèses
d'Asie, du Pont et de Thrace, le concile ajoutait (can. 3) :
« Cependant l'évêque de Constantinople a la primauté d'hon-
neur après l'évêque de Rome, parce que cette ville est la
nouvelle Rome ». Dans l'organisation de qu'on appellera plus
tard les patriarcats, â calquée sur la distribution des « dio-
cèses » civils, â les cent cinquante Pères accordaient une
« primauté d'honneur » (littéralement, un privilège d'honneur)
à l'évêque de Constantinople, « la nouvelle Rome » : c'était
consacrer la situation exceptionnelle qui était celle de Constan-
tinople, depuis que la petite ville de Byzance, dont l'évêque
était suffragant de l'exarque d'Héraclée en Thrace, avait pris
la place de Rome et était devenue capitale impériale. Cependant
si en 381 on a reconnu une certaine primauté d'honneur Ã
l'évêque de la nouvelle Rome, aucune atteinte n'est portée aux
droits des autres métropolitains, et la préséance de Rome n'est
pas contestée : l'évêque de Constantinople demeurait au second
rang, « après l'évêque de Rome ». Mais, â et ceci est grave
de conséquences , â il est visible que cette primauté était
reconnue à l'Ãglise de Constantinople en raison de sa situation
politique de ville impériale, et que si la préséance de Rome
n'était pas contestée, c'était par égard à « sa dignité politique
de cité maîtresse du monde ». L'autorité des sièges épiscopaux
164 CHALCÃDOINE
repose donc sur des situations politiques particulières. C'était
une conception toute nouvelle dans l'Ãglise*.
Le concile de Chalcédoine va plus loin. Il reconnaît les
privilèges du siège de Rome, et accorde les mêmes privilèges
à celui de la nouvelle Rome, qui est la seconde cité après
l'ancienne ville impériale, honorée de la présence de l'empereur
et du sénat. Mais il souligne, plus clairement encore qu'on ne
l'avait fait en 381, que les privilèges de Rome ou de Constanti-
nople sont fondés sur la prééminence politique des deux cités
impériales.
De plus, et ceci crée en Orient une situation sans précédent,
il accorde à l'évêque de Constantinople le droit de consacrer
les métropolitains du Pont, d'Asie et de Thrace : il ne s'agit
donc plus seulement d'une primauté d'honneur, mais d'une
autorité de juridiction conférée à Constantinople sur toute une
large partie de l'Orient. Constantinople est désormais l'égale
d'Antioche et d'Alexandrie, et déjà presque la rivale de Rome.
Ce n'était pas pour autant nier ni méconnaître la prééminence
du Siège Apostolique, â ni les légats de saint Léon, ni le pape
lui-même, ne le comprendront ainsi, mais c'était la fonder sur
le prestige de la ville impériale, et non sur l'autorité donnée
par Jésus au Prince des apôtres. Au principe « pétrinien »
affirmé par les évêques de Rome, s'oppose le principe purement
politique de la « nouvelle Rome » **.
* P. Batiffol, Le Siège Apostologique, 134-136, à qui nous empruntons
la phrase citée ci-dessus.
** G. Jouassard a bien montré les conséquences qui allaient découler
de cette décision : « L'évêque de Rome n'aurait plus d'autres droits
désormais dans l'Eglise que ceux qui sont attribués à l'évêque de Constan-
tinople, il les aurait pour le même motif que celui-ci, c'est-à -dire en vertu
d'une prééminence politique de sa ville épiscopale, il garde toutefois une
certaine préséance par rapport à son collègue, mais préséance plutôt
accidentelle dans le fond ; s il arrivait, de fait, que Constantinople devînt
la seule et unique capitale, Rome, en vertu du principe énoncé, ne serait
sans doute plus rien, la préséance passerait de droit à la capitale en titre
de l'Empire constitué sur de nouvelles bases ...» (Sur les décisions des
conciles généraux des TV' et V siècles dans leur rapport avec la primauté
romaine, dans Istina, 1957, 485-496, ici 495-496).
LES CANONS DE CHALCEDOINE 165
La protestation des légats.
Le lendemain 30 octobre, séance plénière : les légats romains
sont là cette fois, et les commissaires impériaux. Dès le début,
Paschasinus prend la parole : il a appris que la veille, après
le départ des commissaires et des légats, le concile a pris cer-
taines décisions qui lui paraissent en opposition avec les canons
et la discipline ecclésiastique. Il demande qu'on en fasse lecture.
Avant cette lecture, Aétius, archidiacre de Constantinople, fait
observer qu'il est d'usage dans les conciles, après qu'on a réglé
les matières capitales, de traiter encore des questions néces-
saires. L'Ãglise de Constantinople ayant en effet des questions
de ce genre à poser, on avait demandé aux légats d'assister Ã
cette délibération : ils s'en étaient excusés, disant qu'ils n'avaient
pas d'instructions à ce sujet. Mais sur l'invitation des commis-
saires, les évêques avaient traité cette question : rien donc ne
s'était fait en cachette ni subrepticement, tout était régulier et
conforme aux canons.
Alors Beronicianus lut le canon dont le texte a été cité plus
haut, avec les signatures de cent-quatre-vingt-cinq évêques.
Lucentius insinuant que ces signatures avaient pu être extor-
quées, les évêques se récrièrent : personne n'avait été forcé.
Lucentius reprit en s'étonnant qu'on ait passé outre à la consti-
tution de Nicée pour se référer à un texte qui n'est pas dans les
canons des conciles et qui n'a été décrété que depuis quatre-
vingt ans ! â A une question d'Aétius, Boniface répond qu'il a
sur ce point des instructions du pape Léon : « Vous ne per-
mettrez pas, leur a enjoint le pape, que soient violées témé-
rairement les constitutions des Saints Pères ; vous protégerez
de toutes façons en vos personnes notre dignité ; si quelques-uns,
se confiant en l'éclat de leurs villes, tentaient d'usurper quelque
droit, vous vous y opposerez avec toute la fermeté voulue ».
Les commissaires demandèrent que chaque partie lût les canons
sur lesquels elle s'appuyait. Paschasinus lut le canon 6 de Nicée,
dans sa rédaction romaine : « Ecclesia Romana semper habuit
primatum ... ». Constantin, secrétaire du Divin Consistoire, lut,
186 CHALCÃDOINE
sur l'ordre d'Aétius, les canons de Constantinople. Enfin, à la
demande des commissaires, les évêques d'Asie et du Pont, que
ce 28° canon soumettait à Constantinople, déclarèrent qu'ils
avaient voté en toute liberté ce décret qui ne faisait que sanc-
tionner une situation déjà existante : depuis longtemps déjÃ
en effet les évêques de Constantinople procédaient à des ordi-
nations dans leurs provinces. Eusèbe de Dorylée ajouta que, se
trouvant à Rome pour en appeler auprès de saint Léon du
brigandage d'Ãphèse, il avait lu devant le pape, en présence
de quelques clercs de Constantinople, le canon de 381, et que
le pape l'avait accepté *. Deux évêques qui n'avaient pas voulu
signer donnèrent de leur refus des explications qui ne touchaient
pas au fond de la question, et sur lesquelles il n'y a pas lieu
d'insister.
Alors les commissaires reprirent : « Après ce qui s'est passé
et ce qui a été dit de part et d'autre, nous reconnaissons avant
tout que sont sauvegardés selon les canons la primauté
(Ta irpoTEta) et les privilèges exceptionnels de l'archevêque de
l'ancienne Rome ; mais aussi qu'il faut que l'archevêque de
la ville impériale, Constantinople, la nouvelle Rome, jouisse des
mêmes privilèges d'honneur, et qu'il ait l'autorité et le pouvoir
d'ordonner les métropolitains dans les diocèses d'Asie, du Pont
et de Thrace...» L'élection faite selon les formes serait sou-
mise à l'archevêque de Constantinople, qui pourrait à son gré
appeler l'élu à Constantinople et l'y ordonner, ou le faire ordon-
ner par les évêques de 1 eparchie. Quant aux évêques de chaque
ville, ils seront ordonnés par les évêques de l'éparchie, avec
l'autorisation du métropolitain, comme le veulent les canons des
Pères, sans que l'archevêque de Constantinople prenne part Ã
cette ordination.
Les évêques acclamèrent unanimement cette conclusion, et
demandèrent la dissolution de l'assemblée. Mais Lucentius in-
* On voit mal comment ce récit s'accorde avec l'affirmation réitérée
de saint Léon, que les canons de Constantinople n'auraient jamais été
portés à la connaissance du Siège Apostolique.
LES CANONS DE CHALCEDOINE 167
tervint encore : « Le Siège Apostolique ne doit pas être humilié
en notre présence ; c'est pourquoi tout ce qui a été fait hier en
notre absence et au préjudice des canons, nous demandons
à Votre Grandeur de l'annuler ; sinon, que notre protestation
soit jointe aux Actes, pour que nous sachions ce que nous
devons référer à l'évêque apostolique, le pape de l'Ãglise univer-
selle, pour qu'il puisse juger de l'injure faite à son siège, et de
la violation des canons ».
L'évêque de Sébaste répliqua, s'adressant aux commissaires :
« Nous sommes tous d'accord avec vous ». Et ils répondirent :
« Ce que nous avons décidé, le concile l'a approuvé » 261.
Ainsi se terminait, après trois semaines de débats, le concile
de Chalcédoine.
La lettre du concile au Pape.
Les évêques cependant, avant de se séparer, avaient adressé
à Léon une longue lettre262. « Notre bouche s'est remplie de
joie, et notre langue de jubilation » (Ps 125, 2). La vraie foi
a été confirmée, cette foi que Léon, l'interprète de la voix de
Pierre, a reçue du Seigneur comme par une chaîne d'or, et qu'il
a conservée pour la faire parvenir jusqu'à nous. Conduits par
toi, nous avons montré aux fils de l'Ãglise l'héritage de la vérité.
Nous étions comme à un festin royal, faisant nos délices de ce
repas spirituel qu'avait été ta lettre, et il nous semblait que
l'Ãpoux céleste était au milieu de nous. « Par tes représentants
tu nous conduisais comme la tête conduit les membres ...» La
lettre rappelle ensuite longuement l'erreur d'Eutychès et l'im-
piété de Dioscore, et comment celui-ci a été justement puni par
le concile, « C'est Dieu qui agissait parmi nous, et la glorieuse
Euphémie, qui couronnait l'assemblée réunie dans sa chambre
nuptiale (le martyrium !), et qui, ayant reçu de nous comme
une chose qui était sienne notre profession de foi, la présente
à son Ãpoux par la main du très pieux empereur et de l'impéra-
trice amie du Christ...»
168 CHALCEDOINE
« Voilà ce que nous avons fait avec toi, présent en esprit parmi
nous par la sagesse de tes vicaires ... Nous t'apprenons en outre
que nous avons pris aussi quelques autres décrets en vue du
bon ordre et pour la confirmation des statuts ecclésiastiques,
persuadés que quand Ta Sainteté en sera informée, elle les
recevra et les approuvera. Nous avons par un vote du concile
confirmé la coutume en vigueur depuis longtemps selon laquelle
l'Ãglise de Constantinople ordonne les métropolitains des dio-
cèses d'Asie, du Pont et de Thrace, et cela non pas tant pour
accorder quelque chose au siège de Constantinople que pour
assurer le bon ordre des Ãglises métropolitaines : il arrive sou-
vent qu'à la mort de l'évêque des désordres éclatent, quand les
clercs et le peuple sont sans chef et qu'ils troublent l'ordre de
l'Ãglise. Votre Sainteté ne l'ignore pas, et cela surtout à propos
des éphésiens, qui vous ont souvent importuné. Nous avons
aussi confirmé le canon des cent-cinquante Pères, qui assure
les privilèges (presbeia) du Siège de Constantinople, qui tient
le second rang après votre saint Siège Apostolique ...
« Puisses-tu accueillir ce décret comme le tien propre, Très
Saint Père. Les représentants de Votre Sainteté ... ont tenté de
s'opposer vivement à ce décret : ils pensaient sans doute que
comme la définition de foi, ce décret disciplinaire devait t'être
soumis. Quant à nous, nous étions d'avis qu'il convenait à un
concile Åcuménique de confirmer, comme l'empereur le désirait,
ces privilèges de Constantinople, sachant que tout le bien que
font les fils est un honneur pour les pères. Nous t'en prions
donc, honore nos décrets de ton approbation... Cela plaira
aux empereurs, qui ont sanctionné comme loi ton jugement sur
la foi, et le siège de Constantinople recevra une récompense
méritée pour le zèle dont il a fait preuve en s'unissant à toi
dans l'intérêt de la piété. Pour que tu saches que nous n'avons
pas agi par partialité en faveur de quelqu'un, ni par opposition
contre qui que ce soit, nous te faisons connaître tout ce que
nous avons fait, afin que tu le confirmes et y donnes ton
assentiment ».
Cette lettre était très habile : elle prodigue au pape les for-
LES CANONS DE CHALCÃDOINE 169
mules de révérence et de dévotion ; elle vénère en lui « l'inter-
prète de la voix du Bienheureux Pierre », la tête de toute
l'assemblée des évêques ; elle va jusqu'à solliciter de lui la
confirmation des décrets du concile. Le siège de Rome est le
Siège Apostolique, et si Constantinople vient au second rang,
ce n'est nullement en vertu de la situation politique de la
« nouvelle Rome », mais en raison de son zèle pour la foi et
l'unité. Ceci dit, rien n'est retranché des exigences formulées
par le 28e canon, qui n'a été voté que pour assurer le bon ordre
des Ãglises, et dont on attend la confirmation par le pape.
Les légats romains emportèrent ce document à Rome avec
les actes du concile. Quelques semaines plus tard, l'empereur
Marcien et l'évêque de Constantinople Anatole, écrivaient Ã
leur tour au pape. Marcien se félicite du triomphe de la vraie
foi, que les évêques ont assuré en conformité avec la lettre de
Léon ; il prie le pape de confirmer le 28e canon263. Anatole,
dans une lettre beaucoup plus longue, annonce qu'il envoie Ã
Rome l'évêque Lucien et le diacre Basile, qui remettront Ã
Léon un complément d'information sur les décisions particu-
lières du concile. Il rappelle comment Dioscore fut condamné
et la foi définie en conformité avec la lettre du pape. Il ajoute
que le concile eut aussi à régler d'autres affaires, et que sur le
désir du souverain, on confirma les décisions du concile de
Constantinople en accordant quelques honneurs au très saint
siège de la ville impériale. Le concile ne doutait pas que l'évê-
que de Rome ne regardât l'honneur du siège de Constantinople
comme le sien propre. Aussi confirma-t-il le décret des cent
cinquante Pères statuant que l'évêque de Constantinople aurait
le privilège et l'honneur du second rang après l'évêque de Rome,
puisque Constantinople est la nouvelle Rome. On a donc décrété
que l'évêque de Constantinople ordonnerait les métropolitains
des diocèses du Pont, d'Asie et de Thrace, et que ceux-ci ordon-
neraient les évêques de leurs diocèses, « par quoi on enlevait
à l'évêque de Constantinople l'ordination de plusieurs évêques,
ordination qu'il avait l'habitude de faire depuis soixante et
soixante-dix ans ».
170 CHALCEDOINE
Anatole se plaint ensuite de l'opposition des légats : ils avaient
pourtant été bien informés par lui ; mais ils ignoraient les dispo-
sitions du pape à l'égard de l'Ãglise de Constantinople. Ils ont
mis le trouble dans le synode, fait injure aussi bien à l'évêque
qu'à la très sainte Ãglise de Constantinople, alors qu'Anatole
avait tout fait pour l'honneur de Léon lui-même et de ses légats.
Par respect pour le pape, le concile et Anatole lui avaient
communiqué ce décret, voté à la suggestion de l'empereur et
approuvé par ses commissaires. Ils ne doutaient pas que Léon
lui-même ne daignât l'approuver et le confirmer, puisque le
siège de Constantinople a pour père le Siège Apostolique264.
Saint Léon et le concile.
Saint Léon tarda longtemps à répondre à ces lettres. Ce n'est
qu'après six mois, le 22 mai 452, qu'il se décida à écrire Ã
Marcien, à Pulchérie, à Anatole265. Le contenu et le ton de ces
trois missives sont identiques, avec toutefois une sévérité plus
marquée à l'endroit de l'évêque de Constantinople. Le pape se
félicite de l'heureuse issue du concile qui a unanimement con-
damné l'erreur. Mais il s'inquiète de l'ambition d'Anatole, qui,
non content d'avoir reçu de la faveur de l'empereur et de la
bienveillance du pape le siège de Constantinople, veut main-
tenant s'élever au-dessus de ceux qui sont avant lui dans la
hiérarchie. C'est une prétention exorbitante de vouloir ordon-
ner les métropolitains, après avoir eu l'audace d'ordonner
l'évêque d'Antioche au mépris des canons *. Ne suffit-il donc
pas à son ambition d'être l'évêque de Constantinople ? La
magnificence et la gloire d'une si grande ville ne le contentent-
elles pas ? Qu'il lui suffise donc d'être l'évêque de la ville
impériale, sans prétendre en faire un siège apostolique. Par ces
mots, Léon fait allusion aux privilèges des évêchés fondés par
* Quand Domnus d'Antioche eut été déposé lors du Brigandage
d'Ephèse, on lui donna comme successeur Maxime ; c'est Anatole, lui-
même récemment élevé sur le siège de Constantinople, qui le consacra,
usurpant un pouvoir que ne lui reconnaissaient pas les canons de Nicée.
LES CANONS DE CHALCÃDOINE 171
des apôtres, et spécialement par saint Pierre : Antioche, Alexan-
drie (fondée par saint Marc, disciple de saint Pierre), Rome,
privilèges qui ont été reconnus et confirmés par le concile de
Nicée. Les canons de Nicée doivent demeurer jusqu'à la fin
du monde, et ce n'est pas un concile de quelques évêques (le
concile de Constantinople de 381 !), dont les décrets n'ont jamais
été portés à la connaissance du Siège Apostolique, qui peut
les infirmer. Le concile de Chalcédoine n'a été convoqué par
l'empereur très chrétien que pour éteindre l'hérésie et confir-
mer la foi catholique : c'est une audace inouïe d'en profiter
pour priver les Ãglises d'Antioche et d'Alexandrie de leur place
dans la hiérarchie (la deuxième et la troisième après Rome), et
pour frustrer les métropolitains de l'honneur qui leur est dû.
En tout ceci, Léon n'a d'autre souci que l'intérêt commun de
l'Ãglise universelle. Il ne pense pas à la primauté du Siège
Apostolique, qui pourrait être compromise par les prétentions
de l'évêque de Constantinople. Une phrase seulement de la
lettre à Marcien peut paraître une allusion à un conflit pos-
sible : « Que Constantinople ait la gloire qui lui appartient, et
que grâce à la protection de la droite de Dieu, elle jouisse long-
temps du gouvernement de Ta Clémence ; mais autre est la
condition des affaires politiques, autre celle des choses de Dieu
(alia ratio est rerum saecularium, alia divinarum). Il n'y a pas
de construction solide en dehors de la pierre que le Seigneur a
posée comme fondement ». Mais, visiblement, le principal grief
de Léon à l'égard d'Anatole et du concile est d'avoir, par ambi-
tion, méconnu l'autorité des canons de Nicée et les privilèges
antiques, qui doivent demeurer inviolés.
Aussi, conclut la lettre à Pulchérie, « quant aux décrets ren-
dus par les évêques au mépris des règles établies par les saints
canons de Nicée, en union avec la piété de votre foi, nous les
annulons, et, par l'autorité du Bienheureux Apôtre Pierre, nous
les cassons définitivement (in irritum mittimus et per auctorita-
tem beati Petri apostoli, generali prorsus definitione cassamus) ».
Le concile n'était donc pas confirmé et la situation restait
tendue. Le même jour en effet, Léon écrivait à Julien de Kios,
172 CHALCÃDOINE
qui restait son apocrisiaire à Constantinople : il s'étonne vive-
ment que 1 evêque ait cru pouvoir lui suggérer de transiger et
de consentir de quelque façon aux ambitions d'Anatole. Ce
serait fouler aux pieds les constitutions des Pères et compro-
mettre la situation de l'Ãglise universelle266.
Confirmation du concile par le Pape.
Quinze mois après la clôture du concile, Léon n'avait pas
encore répondu à la lettre que lui avaient adressée les évêques.
Le 15 février 453, Marcien lui en écrit son étonnement267. Les
partisans d'Eutychès profitent de ce silence, et insinuent que
le pape n'a pas confirmé les décrets du concile. Que Léon écrive
donc une lettre qui fasse connaître aux Ãglises et à tous les
peuples que le pape confirme tout ce qui s'est fait à Chalcé-
doine, et qui déclare que le concile a été fidèle à la foi catho-
lique. D'autre part, le pape a bien fait, comme il convenait Ã
l'évêque du Siège Apostolique, de ne rien laisser innover contre
les canons, et contre les usages anciens, inviolablement observés
jusqu'ici. Marcien a donc la sagesse de séparer la définition de
foi du canon litigieux.
C'est dans ce même sens que, le 21 mars de la même année
453, le pape se décide enfin à répondre à la lettre du concile z68.
Comme dans les lettres précédentes, il donne son total accord
aux décisions du concile, mais seulement en matière de foi,
in sola fidei causa. Les partisans impénitents de Nestorius, ou
d'Eutychès et de Dioscore demeurent excommuniés : on ne
peut participer au corps du Christ si on nie la vérité de ce corps,
nec habeat ejus corporis participationem, cujus abnegat veri-
tatem ... Comme jadis saint Ignace d'Antioche, saint Léon voit
un lien indissoluble entre la participation à l'eucharistie et la
foi à la vérité du corps du Christ.
Dans cette lettre cependant, et dans d'autres adressées le
même jour à Marcien et à Pulchérie, le pape se plaint des
réticences d'Anatole, qui a tardé à faire connaître aux évêques
la lettre qu'il avait reçue de lui, et qui semble montrer de la
LES CANONS DE CHALCÃDOINE 173
mauvaise humeur de ce que Léon ait blâmé ses ambitions et
les entreprises coupables du concile 269. Ãcrivant encore à Julien
de Kios, il lui annonce son intention de ne plus écrire à Anatole,
qui persiste dans son attitude de présomption téméraire 270.
A la fin de l'année 453, Marcien s'entremit auprès du pape
en faveur d'Anatole. Léon répondit qu'il était prêt à rendre
son amitié à l'évêque si celui-ci se soumettait aux canons et
promettait par écrit de respecter humblement les privilèges
(gratiam) de tous les évêques : il n'y a de vraie paix et de cha-
rité ferme que si le pape et l'empereur s'emploient à conserver
la foi catholique et les canons de Nicée 271. Sur l'intervention de
Marcien, Anatole se décida enfin à écrire au pape : il pro-
teste humblement de son désir d'union et de paix. Quant aux
décrets qui ont été pris à Chalcédoine en faveur de l'Ãglise
de Constantinople, Anatole affirme qu'il n'y est pour rien, en
homme depuis toujours ami de la tranquillité et de l'humilité.
C'est le clergé de Constantinople qui a désiré ces mesures, les
évêques d'Orient y ont consenti ; mais la confirmation de ces
décrets a été réservée à l'autorité du pape : gestorum vis omnis
et confirmatio auctoritati Vestrae Beatitudinis fuerit reser-
vata 272.
Léon se tint pour content de ces explications, et en écrivit
sa satisfaction à Anatole, en l'exhortant toutefois à ne pas
dépasser les bornes posées par les Pères, et à respecter les an-
ciens privilèges des évêques : qu'il garde les décrets de Nicée,
qui maintiennent la paix de l'Ãglise universelle. La charité
demeurera inviolable entre les prêtres du Seigneur, s'ils ob-
servent d'un même zèle ce qui a été établi par les Saints
Pères. 2"
L'affaire devait en rester là . L'unité était rétablie entre Rome
et Constantinople. Mais pour combien de temps ?
CONCLUSION
DOGME ET VIE DANS L'ÃGLISE
ROME ET CONSTANTINOPLE
Peut-on, au terme de cette étude, dresser le bilan des vingt
années qui s'écoulèrent entre le concile d'Ãphèse (431) et celui
de Chalcédoine (451) ? Années agitées, remplies d'événements
divers, â en 451 Attila envahit la Gaule et à l'automne de 452
saint Léon se porta à sa rencontre près de Mantoue, â mais
années fécondes en résultats durables pour le développement du
dogme chrétien comme aussi des institutions ecclésiastiques.
Au début du v8 siècle le dogme christologique était arrivé au
terme d'une longue maturation : la poussée interne de la foi
chrétienne, l'effort des théologiens qui tentaient de rendre raison
de cette foi et de l'exprimer avec des concepts ou des vocables
encore mal épurés, en des formules dont certaines étaient parfois
insuffisantes, maladroites, voire dangereuses, tout cela avait pré-
paré la crise de 429-431, et celle qui devait comme par contre-
coup lui faire suite en 449-451. Dans ce progrès a compté pour
beaucoup l'influence des grands docteurs, un Athanase, un
Cyrille d'Alexandrie, â et en Occident, de façon plus diffuse
peut-être, un Augustin : on se réfère à eux moins comme à des
maîtres particuliers, â ne fut-ce pas l'erreur d'Eutychès que de
se réclamer obstinément de Cyrille et de son « unique nature ? »
â que comme à des témoins de la foi et de la tradition. A ce
titre, significative est l'autorité que l'on reconnaît aux conciles,
et avant tout à celui des « trois-cent dix-huit Pères réunis Ã
Nicée avec le Saint-Esprit ».
176 CONCLUSION
Nous sommes pour notre part plus sensibles à ces facteurs
d'ordre théologique et ecclésiastique, qu'à d'autres influences
qui, sans aucun doute, contribuèrent aussi à ce développement :
ambitions et rivalités personnelles, incidences politiques, inter-
ventions des empereurs, dont le rôle fut à certains moments déci-
sif, et, pourquoi ne pas le dire ?, providentiel ; on a vu le rôle
déterminant des fonctionnaires impériaux, et de Marcien lui-
même, dans l'élaboration et le vote par le concile de la défini-
tion dogmatique de Chalcédoine.
Quant au progrès du dogme christologique, il ne se réduit
pas au jeu d'une politique, voire d'une « police » (Duchesne)
ecclésiastique ou impériale, condamnant d'abord Nestorius sous
l'influence de Cyrille et de la théologie alexandrine, puis, par
une sorte de réaction, condamnant Eutychès et Dioscore sous
les influences conjuguées d'Antioche, de Constantinople et de
Rome, â avant d'aboutir à un compromis gros de querelles
nouvelles et de schismes qui durent encore. Nous y voyons
plutôt comme la pression de la foi cherchant l'équilibre entre
les deux pôles du mystère du Christ, vrai Dieu et vrai homme,
Verbe fait chair, un en deux natures. En vingt ans, au milieu
de tous les remous qui agitent cette histoire, la foi de l'Ãglise
a réussi à s'exprimer en des formules décisives, où se rencontrent
et s'unissent les différents courants dont nous avons suivi le
mouvement, et qui seront désormais la norme de toute réflexion
chrétienne sur le mystère de l'incarnation. En 451, l'essentiel est
acquis, définitivement.
Toutefois, si les Pères de Chalcédoine ont eu l'espoir de
mettre un terme à toute discussion et à toute querelle, si saint
Léon a pu penser que l'unité et la paix étaient désormais réta-
blies, l'événement n'a pas répondu à leurs vÅux. Le concile de
Chalcédoine fut au contraire le point de départ d'une longue
et pénible période de dissensions et de troubles. Il restait Ã
faire comprendre et accepter des milieux cyrilliens les formules
de Chalcédoine, à réprimer les résurgences du monophysisme
qui se manifesteront jusqu'à la fin du vn6 siècle : ce fut l'Åuvre
de théologiens comme Léonce de Byzance ou saint Maxime le
CONCLUSION 177
Confesseur, et des conciles des VIe et vrr3 siècles dont d'autres
volumes de cette collection raconteront l'histoire. En même
temps devaient se dessiner, à travers les discussions théologi-
ques, les jeux de la politique impériale, et la réaction des Ãglises
orientales, égyptienne, syrienne, perse, à l'autorité grandissante
de Constantinople et à l'unité de l'empire. Ces troubles, qui
seront d'abord l'occasion de nouvelles et importantes définitions
dogmatiques venant confirmer et préciser l'Åuvre d'Ãphèse et
de Chalcédoine, aboutirent finalement à la rupture de l'unité
religieuse de l'Orient, Ã la ruine de l'Ãglise perse, au schisme des
Ãglises de Syrie et d'Ãgypte. Tout dans cette histoire n'est
pas également lumineux.
Si l'on voulait maintenant s'interroger sur l'apport de nos
conciles au développement des institutions ecclésiastiques et
de la vie interne de l'Ãglise, il y aurait sans doute beaucoup Ã
dire sur les canons de Chalcédoine, et sur leur importance dans
l'histoire de la législation canonique, non seulement en Orient,
mais aussi en Occident, puisque un certain nombre de ses
dispositions passèrent dans les collections canoniques latines
et dans le Décret de Gratien. Bornons-nous à quelques réflexions
sur l'institution conciliaire elle-même, sur la place qu'elle tient
dans la vie de l'Ãglise et dans sa théologie, sans traiter pour eux-
mêmes certains aspects de cette institution que nous avons
déjà rencontrés : ainsi l'initiative impériale qui convoque le
concile de sa propre autorité, la composition des assemblées et
leur universalité réelle ou « morale », la présidence des conciles
et la place qu'y tiennent respectivement les représentants de
l'empereur et ceux de l'évêque de Rome, le protocole des
séances, l'intervention du pouvoir séculier jusque dans le vote
des définitions dogmatiques *.
Rassemblés de tous les points de l'oikouménè par l'empereur,
qui a conscience de tenir son rôle de prince chrétien, respon-
* Voir Le Concile et les Conciles, ch. III, 45-73, où l'on trouvera
textes et références.
178 CONCLUSION
sable de la paix et de l'unité de l'Ãglise comme de l'Empire, les
évêques entendent bien représenter la catholicité de l'Ãglise.
En fait, ce sont à peu près uniquement des Orientaux qui se
rencontrent à Ãphèse et à Chalcédoine, mais il est significatif
que la présence des vicaires de Célestin et de Léon, représentant
l'évêque de Rome et le concile qu'il a tenu lui-même en Occi-
dent, suffise à elle seule à témoigner de l'Åcuménicité du con-
cile, et de l'union de l'Orient et de l'Occident.
Ainsi, sous la présidence lointaine mais effective du Siège
Apostolique, qui les conduit « comme la tête conduit les mem-
bres », les évêques ont conscience de représenter toute l'Ãglise,
rassemblée dans l'Esprit-Saint, â Spiritus Sancti testatur prae-
sentiam congregatio sacerdotum », écrit saint Célestin, â au-
tour du Christ présent au milieu d'eux : le livre des Ãvangiles,
posé sur un trône au milieu de la basilique, en est le signe
manifeste. Ils représentent l'Ãglise, sa foi et sa tradition : dans
les controverses qui se déroulent autour du mystère du Christ,
on se réfère toujours, comme à un point fixe, non seulement Ã
l'Ãcriture, aux enseignements des Ãvangiles et des Apôtres, mais
aussi à la tradition et à la foi définie à Nicée. Les conciles
entendent bien ne rien innover, même en matière purement dis-
ciplinaire, mais affirmer tout simplement la foi de l'Ãglise,
conformément à l'Ãcriture et à l'enseignement unanime des
Pères, et avec l'assistance, voire sous l'inspiration du Saint-
Esprit : « Tous les évêques du Seigneur, instruits par l'Esprit-
Saint, Sancto Spiritu docente, se sont trouvés d'accord pour
émettre un avis unanime ...» 274.
Un autre point, central dans la vie de l'Ãglise, que les deux
conciles Åcuméniques du v* siècle ont contribué à mettre en
pleine lumière, c'est celui de l'autorité de l'évêque de Rome,
l'évêque de la Sedes Apostolica. Dès que se pose un problème
dogmatique important, les parties intéressées en réfèrent Ã
Rome : Nestorius puis Cyrille s'adressent à Célestin, non seule-
ment pour l'informer, mais pour lui demander d'arbitrer avec
autorité le débat qui les oppose ; ainsi feront encore Eutychès,
CONCLUSION 179
puis Flavien. Les victimes du brigandage d'Ãphèse, Flavien,
Théodoret, Eusèbe de Dorylée, en appellent également à saint
Léon *. â De leur côté les papes, une fois les conciles convo-
qués, tiennent à y envoyer des légats qui y représenteront leur
personne ; munis des pouvoirs les plus étendus, ils agiront avec
toute l'autorité du successeur de saint Pierre. Et si on met Ã
part les scandaleux incidents d'Ãphèse en 449, on remarquera
l'empressement avec lequel les évêques accueillent les légats
romains, et tiennent à exprimer, même bruyamment, leur accord
avec eux et avec le pape lui-même : « Célestin d'accord avec
le concile !... Léon parle comme Cyrille ! Pierre a parlé par
Léon ! »
Les légats à leur tour parlent et décident avec une pleine
autorité, qui est celle « du bienheureux et apostolique évêque
de Rome, qui est le chef de toute l'Ãglise », qui est celle de
Pierre lui-même, le chef des apôtres : les déclarations du prêtre
Philippe à Ãphèse, de Paschasinus à Chalcédoine, ne laissent
aucun doute sur la pleine conscience qu'ont les légats de l'auto-
rité du pontife qui les a envoyés. Ces déclarations d'autre part
ne soulèvent aucune protestation de la part des évêques, même
si en d'autres moments, par exemple à la « 17e session » de
Chalcédoine, ils refusent plus ou moins ouvertement de se ran-
ger à l'avis des romains. Et, chose significative, ils se justifient
auprès de Léon de cette résistance en lui expliquant que cer-
tainement ses légats n'avaient pas compris ses instructions !
Enfin c'est aussi avec une pleine autorité que les papes
approuvent les décrets conciliaires, ou que saint Léon casse le
« 28e canon » de Chalcédoine, parce qu'il l'estime contraire aux
canons de Nicée qui doivent rester inviolables. Significative est
la lettre par laquelle saint Léon annonçait aux évêques de
Gaule la condamnation de Nestorius et d'Eutychès par le con-
cile : « Le saint synode, exprimant avec une religieuse unani-
mité son accord avec les lettres de mon humble personne, con-
* Nous avons dit, pp. 91-92 et 112, qu'il ne faut pas majorer indûment
la portée de ces appels.
180 CONCLUSION
firmées par l'autorité et le mérite de mon Seigneur le Bien-
heureux Apôtre Pierre, a rejeté avec horreur les monstrueuses
inventions de l'esprit diabolique et écarté de l'Ãglise de Dieu cet
opprobre...» 27S.
Le concile de Chalcédoine fut vraiment une étape importante
dans le développement de la primauté romaine, aussi bien dans
les idées que dans les faits. Un historien comme E. Caspar,
jugeant des choses du seul point de vue historique, a montré
comment l'autorité de 1 evêque de Rome s'affirme progressive-
ment durant cette première moitié du v* siècle, d'Innocent Ier
à saint Léon. Celui-ci intervient et tranche, dans les débats dog-
matiques comme en matière disciplinaire, avec plus de décision
et de fermeté que Célestin. Et Marcien aussi bien que Flavien
reconnaissent cette autorité. Compte tenu des circonstances, et
du besoin que le patriarche comme l'empereur pouvaient avoir
de l'appui du pape, les expressions dont ils se servent sont signi-
ficatives. Marcien par exemple, annonce son avènement à « Ta
Sainteté, qui possède la primauté (principatum) dans l'épiscopat
de la divine foi » 278. C'était des mêmes mots que s'étaient ser-
vis quelques mois auparavant Valentinien et Galla Placidia écri-
vant à Théodose : principatum sacerdotii, principatum episco-
patus277. En face de la conception d'une « Ãglise d'Empire »,
qui était déjà celle de Constantin, et qui sera celle de l'Ãglise
Byzantine, s'affirme la doctrine de la primauté du Siège de
Pierre *. Mais ce serait ne regarder l'histoire de l'Ãglise que par
ses aspects les plus extérieurs que de vouloir expliquer ce déve-
loppement par les seules circonstances politiques, ou par la
seule personnalité de saint Léon, qui sut allier à l'autorité la
plus ferme la souplesse et la sacerdotalis moderatio : la crois-
sance de l'Ãglise est celle d'un germe vivant, présent dès les
origines, et grandissant sous la poussée interne de l'Esprit de vie
qui l'anime. C'est d'ailleurs à bien d'autres titres encore que le
* E. Caspar, Geschichte des Papsttums, I, 522.
CONCLUSION 181
pontificat de saint Léon a pu être considérée comme « l'époque
la plus éclatante de la primauté romaine » *.
Plus de quatre siècles après Chalcédoine, en un moment
grave de l'histoire de l'Ãglise, le pape Nicolas Ier, dans une
lettre à l'empereur Michel III concernant l'affaire de Photius,
rappelait une suite impressionnante de faits qui témoignaient de
l'autorité du Siège Apostolique. Il ne pouvait manquer d'évoquer
les conciles du V siècle ni son prédécesseur Léon et, appliquant
à celui-ci le mot de l'Apocalypse (5, 5), il écrivait : Vicit Leo de
tribu Juda**.
Un dernier problème est encore à mentionner, celui des rap-
ports entre l'Orient et l'Occident, entre Constantinople et Rome.
Les deux conciles Åcuméniques du Ve siècle témoignent, plus
que d'un désir sincère d'union, d'une véritable unité des deux
parties de la Catholica : unité dans la foi, concorde dans l'au-
torité reconnue du Siège Apostolique.
Nous avons noté cependant de dangereux symptômes de
F « état d'ignorance réciproque » ***, qui va creuser entre
l'Orient et l'Occident un fossé de plus en plus profond : l'éloigne-
ment et la difficulté des communications, aggravée par les
invasions barbares, l'ignorance des langues, la différence des
mentalités et des théologies, la divergence dans la conception
même de l'Ãglise et de la primauté de Rome. La prétention de
l'évêque de Constantinople à justifier son autorité en arguant de
sa qualité d'évêque de la ville impériale, n'est pas le moins grave
de ces facteurs de division. Jusqu'à présent, Anatole n'invoque ce
titre que pour revendiquer une certaine suprématie sur l'Orient
**
Y. Congar, Neuf cents ans après, Chevetogne, 1954, 67.
E. Caspar a donné cette épigraphe au second des deux chapitres
qu'il consacre à saint Léon dans sa Gesch. des Papsttums, I, xn, 462-564.
*** Le mot est du P. Jugie, Le schisme byzantin, 188, cité par le
P. Congar, op. cit., 7. Le P. Congar aime à employer le mot anglais
d' « estrangement », ib., 8. Voir, sur ces questions, P. Batiffol, Cathedra
Pétri, 75-78.
182 CONCLUSION
aux dépens d'Antioche. Mais, rivale heureuse d'Antioche et
d'Alexandrie, Constantinople le sera bientôt de Rome... Et
bientôt aussi l'empereur mettra en question l'autorité du concile
de Chalcédoine lui-même. Au lendemain de ces jours qui furent
glorieux, c'est une douloureuse histoire qui va commencer.
REFERENCES
1. ACO I, v, 1, 29. loofs, Nesto-
riana, 253.
2. Ib. 31. Nestoriana, 278.
3. Dans cyr. d'alex., Adv. lui. 1,
8 ; PG 76, 901.
4. Ep. 101 ; PG 37, 177.
5. PG 77, 1456 ; ACO I, i, 1, 95.
6. Dans eusèbe, H. E. V, 28, 4-5
(SC, 41, 75).
7. Eph. 1, 1 ; Rom. 6, 3 ; Eph. 18,
2, (SC 10, 66, 134, 86).
8. Adv. Haer, III, xvi, 2, 3, 5, 8 ;
xvii, 4 (SC 34, 278, 282, 294-
296, 308) ; I, ix, 2 (PG 7, 540).
9. De Incarn. 18-19 (SC 18, 239-
243).
10. Cf. De Incarn. et c. Arian. 8 ;
PG 26, 996 c.
11. Cf. s. Cyrille, Quod unus sit
Christus, PG, 75, 1265.
12. Ep. 46 ; PG 77, 240 ; ACO I,
i, 6, 158.
13. De Incarn. 17 (SC 18, 237-238).
14. Tome aux Antiochiens, 7 ; P.G.
26, 804-805.
15. Fragm. 14 et 95, dans lietz-
mann, Apollinaris von Laodicea,
208, 229.
16. Ep. 107 ; PG 37, 181.
17. théod. de mops., Homélies caté-
chétiques, v, 11, 14, 15, 17 ;
éd. R. Tonneau, 117, 114, 121,
123.
18. De incarn. vin ; v ; PG 66, 981 ;
970. éd. Swete, 299; 292. â
Comm. sur S. lean, xra, 14 ; éd.
J. Vosté, 193-194. â Hom. Cat.
vin, 13 ; éd. R. Tonneau, 205.
19. Hom. Cat. in, 10 ; vi, 3 ; éd.
R. Tonneau, 67, 135.
20. De Incarn. xv ; PG 66, 992 ; éd.
Swete, 310.
21. C. Apollin. ; PG 66, 993-994 ;
éd. Swete, 313-314.
22. socrate, H. E. VIII, 29, 32 ;
PG 67, 804, 809.
23. Ib. 812.
24. ACO i, v, 1, 29.
25. Ib. 32 ; Nestoriana, 254.
26. 2e lettre à S. Cyrille (été 430),
PG 77, 53 ; ACO, I, i, 1, 30-31 ;
Nestoriana, 177-178.
27. ACO, ib. 58 ; Nestoriana, 262.
28. ACO, ib. 38 ; Nestoriana, 337-
338.
29. ACO, ib. 30 ; Nestoriana, 252.
30. Nestoriana, 224.
31. ACO, ib. 35, 37 ; Nestoriana,
262, 276.
32. Dans S. Cyrille, C. Nest. II, 14 ;
PG 76, 109 ; ACO I, i, 6, 52.
33. ACO I, i, 1, 101-102.
34. H. E. VII, 32 ; PG 57, 809.
35. D'après Cyrille, C. Nest. I, 5 ;
PG 76, 109 ; ACO I, i, 6, 52.
26 ; evagre, H. E. I, 9 ; PG 86,
2, 2445.
36. PG 65, 680 ; ACO I, i, 1, 103.
37. ACO I, v, 1, 37 ; Nestoriana,
184
REFERENCES 39-82
39. Cf. cassien, De Incarn. pré-
face ; PL 50, 9.
40. Célestin, Ep. 7 et 13, 2 ; PL 50,
442, 471 ; ACO I, h, 7 et 14.
41. Ep. 1 (aux moines) ; PG 77, 9-
40 ; ACO I, i, 1, 10-23. Ep. pas-
cale 17; PG 77, 768-769.
42. Ep. 3 ; PG 77, 40-44 ; ACO,
ib., 23-25.
43. Dans S. Cyrille, Ep. 3 ; PG 77,
44 ; ACO, ib., 25.
44. Ad Reginas, 13 ; PG 76, 1221 ;
ACO I, i, 5, 70.
45. Ep. 46, 2 ; PG 77, 241 ; ACO I,
i, 6, 159-160. Quod unus sit
Christus, PG 75, 1289. Ep. 45,
PG 77, 232 ; ACO, ib., 153.
46. Ep. 4 ; PG 77, 45 ; ACO I, l,
1, 26. Ep. 46; PG 77, 241;
ACO I, i, 6, 160.
47. Ep. 17 ; PG 77, 112 ; ACO, ib.,
36.
48. Ep. 48 ; PG 77, 236 ; ACO I,
i, 6, 155.
49. Dans Cyrille, Apol. c. Theod.
1 ; PG 76, 392 ; ACO I, i, 6,
109.
50. Ep. 17 ; PG 77, 115 b, et anaih.
4 ; ACO I, i, 1, 38, 41 ; DZ 116,
FC 298.
51. Ep. 4 ; PG 77, 45-48 ; ACO, ib.
26-28 ; DZ 111 a fin, FC 294.
Cf. Ep. 17, PG 77, 113, et
anath. 12 ; ACO, ib. 37 ; DZ
124 ; FC 306.
52. Ep. 17 ; PG 77, 116, et anath.
4 ; ACO, ib. 38 ; DZ 116 ; FC
298.
53. Ep. 17 ; PG 77, 113, et anath.
11; ACO, ib., 37; DZ 123;
FC 305.
54. Ep. 1 (aux moines d'Egypte) ;
PG 77, 13-16 ; ACO, ib., 11-12.
Lettre pascale 17 ; PG 77, 775.
â Ep. 17; PG 77, 119-120;
ACO, ib., 40 ; DZ 113 ; FC 295.
55. Hom. div. 17 ; PG 77, 1093 ;
cf. o. jouassard, dans Maria, I,
132 et n. 47.
56.
57.
58.
59.
60.
61.
62.
63.
64.
65.
66.
67.
68.
69.
70.
71.
72.
73.
74.
REFERENCES 83-142
185
83. PG 77, 49-57 ; ACO I, i, 1,
29-32.
84. ACO ib., 31-36.
85. PG 77, 105-112 ; ACO I, i, 1,
35-42.
86. ACO ib., 36-38.
87. Ib., 39-54.
88. Ib. 54-64.
89. cyrille, Ep. 24 ; PG 77, 237 ;
ACO ib. 117-118.
90. ACO I, i, 5, 13-15.
91. ACO I, iv, 33.
92. 43 dans les Actes grecs, 53
dans la traduction latine de
Rusticus. ACO I, i, 5, 119-124.
93. Ib., 124-127.
94. ACO I, i, 3, 9-10.
95. Ib., 53-57.
96. Ib., 58.
97. Ib., 60-63.
98. ACO I, n, 64.
99. ACO I, i, 3, 24-25.
100. ACO I, i, 1, 27-30.
101. Ib., I, i, 3, 5-9.
102. ACO I, i, 7, 95-100. Cf. Cy-
rille, Ep. 72, Ã Proclus ; PG
77, 345; ACO I, v, 315.
103. ACO, I, i, 5, 107-106.
104. ACO I, i, 3, 31-32.
105. ACO I, iv, 53-54.
106. ACO I, iv, 222-225.
107. ACO I, i, 7, 70.
108. ACO I, iv, 68-69.
109 ACO I, i, 7, 81.
110. Ib., 85.
111. ACO I, i, 3, 5-9.
112. PL 50, 583-589 ; ACO I, i, 7,
143-145.
113. s. léon, Ep. 93 ; PL 54, 939 ;
ACO II, iv, 52.
114. Définition de Chalcédoine,
ACO II, i, 2, 127.
115. ACO I, i, 3, 61-62.
116. ACO I, i, 7, 142.
117. PG 77, 44-49 ; ACO I, i, 1,
25-28.
118. ACO I, i, 2, 36.
119. Mansi, ix, 327.
120. Ep. 39, Ã Jean d'Antioche (de
433) ; PG 77, 177 ; ACO I, i,
4, 18.
121. ACO I, il, 13 ; I, v, 182.
122. cf. PG 77, 44-49 ; ACO I, i, 1,
25-28.
123. ACO I, i, 7, 70.
124. Ep. 38 dans la correspondance
de S. Cyrille, PG 77, 172-173 ;
ACO I, i, 4, 7-9 ; DZ 5002.
125. Ep. 39 ; PG 77, 173-181 ; ACO
ib., 15-20.
126. Ep. 51-52, dans la correspon-
dance de S. Cyrille, PG 77,
277-286; ACO I, n, 107-110.
127. 5 et 6 ; PL 50, 602-610 ; ACO.
I, il, 107-108, 108-110.
128. Mt 28, 19-20.
129. PG 77, 172-181 ; ACO I, i, 1,
7-9, 15-20.
186
RÃFERENCES 143-183
143.
144.
149.
150.
Synodicon 203 (293) ; PG 84,
828 ; ACO I, iv, 223.
Le livre d'Héraclide, trad. F.
nau, 294-295.
145. s. léon, Ep. 20 (1" juin 448) ;
PL 54, 713; ACO II, IV, 3.
La lettre d'Eutychès ne nous
a pas été conservée.
146. s. léon, Epp. 28, 29, 35 ; PL
54, 755-757, 781-783, 805;
ACO II, iv, 6-8, 9-10.
147. Ainsi parlait Flavien lui-même,
ACO II, i, I, 131.
148. Les Actes du Synode de 448
se trouvent insérés dans les
Actes du concile de Chalcé-
doine, ACO II, i, 1, 124-144.
Parmi les lettres de s. léon,
Ep. 21 ; PL 54, 714-717 ; ACO
II, iv, 143-144.
Parmi les lettres de s. léon,
Ep. 22 ; PL 54, 724-728 ; ACO
ib., 36-37. â La lettre de Fla-
vien coïncide pour le fond
avec celle d'Eutychès, qui
exprime le point de vue de
l'accusé.
151. ACO II, i, J, 35.
152. Epp. 23 et 24, du 18 février
449; PL 54, 731-736; ACO
II, iv, 3-5.
153. Ep. 27, du 21 mai 449 ; PL
54, 751 ; ACO ib., 9.
154. Cf. liberatus de Carthage,
Breviarium causae nestoriano-
rum et eutychinianorum, 12,
ACO II, v, 117, et l'allusion
d'Eutychès lui-même dans le
mémoire qu'il adresse au sy-
node de 449, ACO II, i, 1,
16 : il a prié l'empereur de
faire les évêques juges de la
condamnation portée contre
lui.
155. Parmi les lettres de s. léon,
Ep. 54, 747 ; ACO II, i, 1, 40.
156. ACO ib., 68-69.
157. Ib., 71.
158. Cf. s. léon, Ep. 29, PL 54,
781-783 ; ACO II, iv, 9.
159. Ep. 9 ; PL 54, 624.
160. Ep. 29 ; PL 54, 781-783 ; ACO
II, iv, 9-10.
161. Ep. 31 ; PL 54, 789-795 ; ACO
ib. 12-15.
162. Epp. 32, 33, 34 ; PL 54, 795-
802 ; ACO ib. 11-12, 15-17.
163. Ep. 28 ; PL 54, 755-779 ; ACO
II, il, 24-33.
164. P. ex. Epp. 23, 69 ; PL 54, 733,
891 ; ACO II, iv, 5, 31, etc.
165. Ado. Prax. 27 : « Salva est
utriusque proprietas substan-
tiae ».
REFERENCES 184-240
187
184. Ep. 95 à Pulchérie ; PL 54,
943 ; ACO ib., 51. Cf. Ep. 86,
1.
185. Dans S. Léon, Ep. 46 ; PL 54,
837 ; ACO ib., 27.
186. e. diehl, Inscriptiones chris-
tianae veteres, 980.
187. ACO II, n, 77-79.
188. Ib., 79-81.
189. théodoret, Ep. 113 ; PG 83,
1312-1317; ACO II, m, 358.
190. Hilaire à Pulchérie, dans S.
Léon, Ep. 46; PL 54, 837-
839 ; ACO II, iv, 28.
191. Epp. 44, 45, 50, 51 ; PL 54,
827-835; ACO ib., 19-23, 29,
25.
192. Epp. 47, 48, 49 ; PL 54, 839-
842 ; ACO ib., 22-23.
193. Ep. 54, PL. 54, 855-856 ; ACO
ib., 11.
194. Dans les lettres de s. léon,
Ep. 55; PL 54, 857-859.
195. Ib., Ep. 56 ; PL 54, 859-861.
196. Ib., Ep. 62 ; PL 54, 875.
197. Ep. 69 ; PL 54, 890-892 ; ACO
ib., 30.
198. V. p. ex. la lettre de Léon Ã
Ravennius d'Arles, Ep. 67 ;
PL 54, 886-887.
199. Dans s. léon, Ep. 73 ; PL 54,
899 ; ACO II, i, 1, 10 (la trad.
lat. ib. III, 1, 27).
200. Dans s. léon, Ep. 76 ; PL 54,
903-904; ACO ib. n, 1, 8.
Marcien fait allusion au Tome
à Flavien.
201. Ib., Ep. 77 ; PL 54, 905-908 ;
ACO ib., 9.
202. théodoret, Ep. 138, 139, 140 ;
PG 83, 1360-1365 ; evagre,
Hist. Eccl. II, 2 ; PG 86, 2489-
2492.
203. Epp'. 78, 79, 80, 81 ; PL 54,
907-916, ACO ib., 37-41.
204. Ep. 82 ; PL 54, 917-918 ; ACO
ib., 37-41.
205. Epp. 83, 84, 85, 86 ; PL 54,
919-925; ACO ib., 42-45.
206. ACO ib., 27.
207. Epp. 89 et 90 ; PL 54, 930-
934 ; ACO II, iv, 47, 49. Cf.
encore Ep. 94 Ã Marcien, du
20 juillet ; PL 54, 941 ; ACO
ib., 49.
208. Ep. 92 ; PL 54, 936, ACO ib.,
49.
209. Ep. 93 ; PL 54, 937-940 ; ACO
ib., 51-52.
210. Ep. 95 ; PL 54, 943 ; ACO ib.,
51.
211. ACO II, m, 1, 19.
212. Ib., i, 1, 29-30 (22 sept.).
213. Ib., i, 1, 65.
214. Ib., 66-70.
215. PG 77, 44-49 ; ACO I, i, 1,
25-28.
216. PG 77, 159-173 ; ACO I, i,
188
REFERENCES 241-277
241.
242.
243.
244.
245.
246.
247.
248.
249.
250.
251.
252.
253.
254.
255.
256.
257.
258.
259.
260.
261.
PG 77, 45 ; ACO I, i, 1, 27.
PL 54, 745 ; ACO II, i, 1, 39.
Ib., 725 ; Ib., 37.
Ep. 51 ; PG 83, 1124.
Ep. 39 ; PG 77 ; ACO I, i, 4,
17.
ACO II, i, 2, 81-82.
Ep. 93, 2; PL 54, 937-939;
ACO II, iv, 52.
Ep. 31 (à Pulchérie, 13 juin
449), 2 ; PL 54, 792 ; ACO ib.,
15.
Ep. 33 (au concile, 13 juin
449), 1 ; PL 54, 797 ; ACO ib.,
15.
Serai. 96, 2 ; PL 54, 469.
s. léon, Serm. 21, 2, 25, 5 ;
27, 2 ; PL 54, 192, 211, 217 ;
SC 22, 72, 120, 138-140.
cm Ep. 56 ; PC 77, 320.
ACO II, n, 3, 5-7.
Cf. s. léon, Epp. 44, 45 ; PL
54, 827-835 ; ACO II, iv, 23-
25.
ACO II, i, 69.
Sur toute cette séance, ACO
II, i, 3, 7-11.
ACO II, i, 3, 88-94; III, 3,
102-108.
ACO, II, i, 2, 158-163.
ACO II, i, 2, 116.
ACO II, i, 3, 89-94.
Ib., 87-88, 95-99 ; in, 3, 108-
110.
Ib., 116-118. Le texte latin
Ep. 100; PL 54, 972-974;
ACO II, iv, 167-168. Le texte
grec ib., i, 2, 55-56.
264. Pas de date. Dans s. léon,
Ep. 101 ; ib., 976-984. Le texte
grec ib., 52-54.
265. Epp. 104, 105, 106 ; PL 54,
991-1009; ACO II, iv, 55-62.
266. Ep. 107 ; PL 54, 1009-1010 ;
ACO ib., 62.
267. Dans S. Léon, Ep. 110 ; PL 54,
1017-1019 ; ACO II, i, 2, 61.
TEXTE
SECONDE LETTRE DE SAINT CYRILLE
A NESTORIUS *
(janvier â février 430).
Cyrille au Très Révérend et Très Religieux
Nestorius, son Collègue, salut dans le
Seigneur.
J'apprends que certains calomnient les sentiments que j'ai Ã
l'égard de Ta Piété ; ils le font fréquemment, surtout à l'occasion
d'assemblées de hauts personnages. Peut-être pensent-ils par lÃ
flatter tes oreilles. Ils lancent des rumeurs sans fondement. On ne
leur a pas fait tort, mais ils ont été condamnés à juste titre : celui-ci
pour avoir fait tort à des aveugles et à des pauvres, celui-là pour
avoir tiré l'épée contre sa mère, un autre pour avoir, avec l'aide
d'une servante, volé l'or d'autrui, et pour avoir eu toujours une
réputation que personne ne souhaiterait à son pire ennemi. Mais
ce que disent ces gens-là n'a pas beaucoup d'importance pour
moi, et je ne veux pas dépasser la mesure de ma petitesse auprès
de celui qui est mon Seigneur et mon Maître, ni auprès de mes
Pères. Car quelle que soit la vie qu'on mène, on ne peut échapper
aux attaques des méchants ; mais eux, dont la bouche est pleine
de malice et d'amertume [cf. Rm 3, 14], auront à répondre devant
le juge de tous. Pour moi, je retournerai à ce qui me convient
davantage, et je te rappellerai, comme à un frère dans le Christ,
qu'il faut présenter aux peuples les paroles de l'enseignement et
les pensées sur la foi avec une entière sécurité ; il faut considérer
que scandaliser un seul de ces petits qui croient dans le Christ
[cf. Mt 18, 6] provoque l'indignation intolérable (de Dieu). Et si
* Le texte dans PG 77, 44-49; ACO I, i, 1, 25-28. Une traduction
française partielle dans E. Amann, Le dogme catholique dans les Pères de
l'Ãglise, Paris, 1922, 335-338. Nous nous inspirons ici de cette tra-
duction, en la rectifiant ou la complétant ici ou là . Un fragment dans
FC 294.
192 TEXTES
le nombre de ceux qui ont été troublés est si grand, comment ne
nous faut-il pas user de beaucoup d'habileté, pour écarter avec
prudence les scandales, et pour présenter à ceux qui cherchent la
vérité, la saine parole de la foi ? Et cela se fera très bien si nous
lisons les écrits des Saints Pères et nous efforçons d'en faire grand
cas, et si, comme il est écrit, nous nous examinons pour voir si nous
sommes dans la foi [II Cor 13, 5] et conformons nos pensées Ã
leurs opinions droites et irréprochables.
Le grand et saint concile [de Nicée] a donc dit que c'est le
même Fils unique, engendré de Dieu le Père selon la nature, vrai
Dieu de vrai Dieu, lumière de lumière, par qui le Père a tout fait,
qui est descendu, s'est fait chair, s'est fait homme, a souffert, est
ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux. C'est à ces paroles
et à ces enseignements qu'il faut nous attacher, considérant ce que
veut dire : le Verbe de Dieu s'est incarné et s'est fait homme.
Nous ne disons pas que la nature du Verbe s'est transformée pour
devenir chair, ni non plus qu'elle s'est transformée en un homme
complet [composé] d'âme et de corps, mais plutôt ceci : le Verbe
s'unissant selon l'hypostase une chair animée d'une âme raison-
nable, est devenu homme d'une façon indicible et incompréhensible,
et s'est appelé Fils de l'homme, non pas seulement par volonté ni
par complaisance, ni non plus en en prenant seulement le person-
nage (prosôpon). Différentes sont les natures qui se sont rencontrées
dans une unité véritable, mais des deux [résulte] un seul Christ et
Fils : la différence des natures n'est pas supprimée par l'union, mais
au contraire la divinité et l'humanité forment pour nous un seul
Seigneur et Fils et Christ, par leur rencontre indicible et ineffable
en l'unité.
Ainsi, bien qu'il subsiste avant les siècles et qu'il ait été engendré
par le Père, il est dit aussi avoir été engendré selon la chair par
une femme, non point que sa nature divine ait commencé à être
en la sainte Vierge, ni qu'elle ait eu nécessairement besoin d'une
seconde naissance par elle après celle qu'il avait reçue du Père, â
car c'est légèreté et ignorance de dire que celui qui existe avant les
siècles et est coéternel au Père a besoin d'une seconde génération
pour exister, â mais puisque c'est pour nous et pour notre salut
qu'il s'est uni selon l'hypostase l'humanité (to anthrôpinon), et qu'il
est né de la femme, on dit qu'il a été engendré d'elle selon la
chair. Car ce n'est pas un homme ordinaire qui a été d'abord
engendré de la sainte Vierge, et sur lequel ensuite serait venu se
reposer le Verbe, mais le Verbe s'étant uni [à l'humanité] dès le
CYRILLE A NESTORIUS 193
sein de Marie, est dit avoir accepté une naissance charnelle, ayant
revendiqué pour lui la naissance de sa propre chair.
C'est ainsi que nous disons qu'il a souffert et qu'il est ressuscité,
non pas que le Dieu Verbe ait souffert en sa propre nature les
coups, les trous des clous et las autres blessures (car la divinité est
impassible, puisqu'elle est incorporelle) ; mais puisque le corps qui
est devenu le sien propre, a souffert tout cela, on dit encore une
fois que c'est lui (le Verbe) qui a souttert pour nous : l'Impassible
était dans le corps qui souffrait. Et c'est d& la même façon que nous
pensons au sujet de sa mort. Car le \ srbe de Dieu est par nature
immortel, incorruptible, vie et vivifiant. Mais encore une fois puis-
que son propre corps a, par la grâce de Dieu, goûté la mort pour
tout homme, comme dit Paul [Héb 2, 9], on dit qu'il a souffert
la mort pour nous : non qu'il ait fait l'expérience de la mort en ce
qui regarde sa propre nature (ce serait folie de dire cela ou de
le penser), mais parce que, comme je l'ai dit à l'instant, sa chair
a goûté la mort. Ainsi, sa chair étant ressuscitée, on parle de la
résurrection du Verbe, non point que le Verbe soit tombé dans la
corruption, non certes, mais encore une fois parce que son corps
est ressuscité.
Ainsi nous confesserons un seul Christ et un seul Seigneur, non
pas en adorant un homme avec le Verbe, pour ne pas introduire
l'imagination d'une division en disant avec ; mais nous adorons un
seul et même (Christ), car le corps du Verbe ne lui est pas étranger,
c'est avec lui qu'il siège maintenant avec son Père : ce ne sont pas
deux Fils qui siègent avec le Père, mais un seul, à cause de l'union,
avec sa propre chair. Mais si nous écartons comme incompréhen-
sible ou indécente l'union selon l'hypostase, nous en arrivons Ã
parler de deux Fils : car de toute nécessité il faut séparer et dire Ã
part l'homme qui a été honoré de l'appellation de Fils, et à part
encore le Verbe de Dieu qui possède naturellement le nom et la
réalité de la filiation. Il ne faut donc pas séparer en deux fils
l'unique Seigneur Jésus-Christ. Cela ne servirait en rien à la foi
orthodoxe d'en arriver là , même si certains parlaient d'union des
prosôpa. Car l'Ãcriture ne dit pas que le Verbe s'est uni le prosôpon
d'un homme, mais qu'il s'est fait chair.
Et dire que le Verbe s'est fait chair, cela ne veut pas dire autre
chose que ceci : il a participé comme nous à la chair et au sang
[Héb 2, 14] ; il a fait sien notre corps et il a été mis au monde
comme un homme né de la femme ; il n'a pas rejeté son être divin
ni sa génération de Dieu le Père, mais en prenant une chair il est
resté ce qu'il était.
194 TEXTES
Voilà ce qu'enseigne partout la foi orthodoxe ; voilà ce que nous
trouverons dans l'enseignement des Saints Pères. C'est pourquoi ils
ont osé appeler theotokos la Sainte Vierge, non pas que la nature
du Verbe ou sa divinité ait pris de la sainte Vierge le principe de
son existence, mais puisqu'est né d'elle ce saint corps animé d'une
âme raisonnable auquel le Verbe s'est uni selon l'hypostase, on dit
que le Verbe a été engendré selon la chair.
Voilà ce que la charité du Christ me pousse à t'écrire ; je t'exhorte
comme un frère et je te conjure en face du Christ et des anges élus
de penser et d'enseigner cela avec nous, afin que la paix des Ãglises
soit sauvée, et que le lien de la concorde et de la charité demeure
infrangible entre les prêtres de Dieu.
Salue les frères qui sont près de toi. Ceux qui sont avec nous te
saluent dans le Christ.
II
LETTRE DE NESTORIUS A SAINT CYRILLE *
(15 juin 430)
A notre Très Religieux et Très Pieux
collègue Cyrille, Nestorius, salut dans le
Seigneur.
Je passe sur les injures envers nous de ton étonnante lettre : elles
réclament la patience d'un médecin, et les faits eux-mêmes leur
répondront en temps voulu. Mais ce qu'on ne saurait taire sans un
grand péril, je tâcherai de le dire brièvement, autant que je le puis,
et sans m'étendre dans des longueurs, pour ne pas te donner la
nausée d'un long discours obscur et indigeste. Je commencerai donc
par citer en propres termes les paroles très sages de Ta Charité.
Quelle est donc la teneur de la doctrine admirable de ta lettre ?
« Le saint et grand concile dit que c'est le même Fils unique,
engendré de Dieu le Père selon la nature, vrai Dieu de vrai Dieu,
lumière de lumière, par qui le Père a tout fait, qui est descendu,
s'est fait chair, s'est fait homme, a souffert, est ressuscité...»
Voilà les paroles de Ta Piété ; tu reconnais peut-être ton bien.
* Ep. 5 dans la correspondance de saint Cyrille ; PG 77, 49-57 ; ACO
I, i, 1, 29-30. Cf. ci-dessus p. 40.
NESTORIUS A CYRILLE 195
Ãcoute aussi les nôtres ; c'est une exhortation fraternelle sur la vraie
religion, celle dont le grand Paul adjurait son cher Timothée :
« Applique-toi à la lecture, à l'exhortation, à l'enseignement. En
faisant cela, tu te sauveras toi-même et tes auditeurs » [I Tim 4, 13].
Que veut dire : Applique-toi ? Ceci : ayant lu superficiellement la
tradition des saints, tu es tombé dans une ignorance pardonnable :
tu as cru qu'ils disaient que le Verbe coéternel au Père est passible.
S'il te plaît, penche-toi avec plus d'exactitude sur leurs paroles, et
tu trouveras que le divin chÅur des Pères n'a pas dit que la divinité
consubstantielle est passible, ni que (cette divinité) coéternelle au
Père est née récemment, ni que celle qui a ressuscité son Temple
détruit a été ressuscitée. Si tu prêtes l'oreille aux conseils d'un
médecin fraternel, je t'apporterai les paroles des Saints Pères, et
grâce à elles, je te débarrasserai de toutes les erreurs mensongères
que tu profères contre elles-mêmes et contre les divines Ãcritures.
Je crois donc, disent-ils, en un seul Seigneur, Jésus-Christ, son
Fils unique. â Remarque comment les Pères posent d'abord comme
un fondement ces mots : Jésus, Christ, unique engendré, Fils, noms
qui sont communs à la divinité et à l'humanité, et comment ils
élèvent ensuite l'édifice de la tradition concernant l'incarnation, la
passion et la résurrection, pour que, ayant d'abord posé les noms
qui signifient les (propriétés) communes à l'une et à l'autre nature,
on ne sépare pas ceux qui appartiennent à la nature du Fils et du
Seigneur, et qu'on ne risque pas non plus de faire disparaître les
propriétés des natures en les absorbant dans l'unique filiation. C'est
ce que Paul leur avait appris : rappelant la divine incarnation, et
devant ajouter la passion, il a d'abord posé le mot Christ, terme
commun aux deux natures, comme je l'ai dit un peu plus haut, et
il continue par des mots qui conviennent aux deux natures. Que
dit-il donc ? « Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ
Jésus, qui étant en forme de Dieu, ne retint pas jalousement son
égalité avec Dieu, mais (pour ne pas citer chaque mot du texte) il
s'est fait obéissant jusqu'à la mort, la mort de la croix » [Phil 2, 5-6].
Voulant faire mention de la mort, et pour ne pas laisser supposer
que le Dieu Verbe est passible, il pose le mot Christ, comme une
appellation qui signifie en un unique prosôpon la substance (ousia)
impassible et la substance passible, afin que l'on puisse sans danger
appeler le Christ impassible et passible, impassible en sa divinité,
passible dans la nature de son corps.
Je pourrais dire beaucoup de choses sur ce sujet, et d'abord que
les Saints Pères ne parlent pas, à propos de l'économie, de nais-
sance, mais d'incarnation ; mais je sens que la brièveté que j'ai
198 TEXTES
promise en mon exorde réfrène mon discours, et m'amène au second
chapitre de Ta Charité. J'y louais la séparation des natures en raison
de l'humanité et de la divinité, et leur conjonction (sunaphéia) en
un seul prosôpon, et aussi ce que tu dis, que le Verbe n'a pas
eu besoin d'une seconde naissance de la femme, et que tu confesses
que la divinité est impassible. Vraiment tout cela est orthodoxe et
contraire aux opinions fausses des hérésies sur les deux natures
du Seigneur.
Si ce qui suit enseigne une sagesse cachée incompréhensible aux
oreilles du lecteur, à ton habileté de le savoir ; à moi, cela m'a paru
contredire ce qui précède. Car celui qui d'abord avait été proclamé
impassible et incapable d'une seconde naissance, tu dis ensuite, je
ne sais comment, qu'il est passible et créé récemment, comme si les
propriétés qui conviennent par nature au Dieu Verbe avaient été
détruites par leur conjonction avec le Temple, ou que ce fût peu
de chose aux yeux des hommes que ce Temple sans péché et insépa-
rable de la nature divine, ait subi pour les pécheurs la naissance
et la mort, ou qu'il ne fallût pas croire à la voix du Seigneur qui
crie aux Juifs : « Détruisez ce Temple, et je le relèverai en trois
jours » [Jn 2, 19], et non point : « Détruisez ma divinité, et elle se
relèvera en trois jours ».
Je voudrais encore m'étendre sur ce point, mais je suis retenu
par le souvenir de ma promesse ; il faut cependant parler, mais
avec brièveté. Partout où les divines Ãcritures font mention de
l'économie du Seigneur, elles attribuent la naissance et la souffrance
non à la divinité, mais à l'humanité du Christ, de sorte que, à parler
très exactement, il faut appeler la sainte Vierge mère du Christ
(christotokos) et non mère de Dieu (theotokos). Ãcoute l'Ãvangile
qui crie : « Livre de la génération de Jésus Christ, fils de David, fils
d'Abraham » [Mt 1, 1]. Il est évident que le Dieu Verbe n'était pas
fils de David. Ãcoute encore, si tu le veux, un autre témoignage :
« Jacob engendra Joseph, époux de Marie, de qui est né Jésus qu'on
appelle Christ» [ib. 1, 6]. Fais attention encore à une autre voix
qui nous atteste : « Voici la génération de Jésus Christ. Comme
Marie sa mère était fiancée à Joseph, elle se trouva enceinte du fait
du Saint-Esprit » [ib. 1, 18]. Qui supposerait que la divinité du Fils
unique est une créature du Saint-Esprit ? Et que veut dire ceci :
« La mère de Jésus était là » [Jn 2, 1] ? et encore « avec Marie la
mère de Jésus » [Act 1, 14] ? et : « Ce qui est né en elle est du
Saint-Esprit» [Mt 1, 20], et : «Prends l'enfant et sa mère et fuis
en Egypte » [ib. 2, 13] ? Et : « Au sujet de son fils qui est né de
la race de David selon la chair » [Pan 1, 3], et au sujet de sa
NESTORIUS A CYRILLE 197
passion encore : « Dieu envoya son Fils dans la ressemblance d'une
chair de péché, et à cause du péché il a condamné le péché dans
sa chair» [ib. 8. 3], et encore : «Le Christ est mort pour nos
péchés » [I Cor 15, 3], et « Le Christ a souffert en sa chair »
[I P 4, 1], et « ceci est mon corps, rompu pour vous » [I Cor 11, 24].
Et mille autres paroles qui témoignent au genre humain qu'il ne
faut pas penser que la divinité du Fils est née récemment, ou qu'elle
est capable de souffrances corporelles, mais bien la chair unie à la
nature de la divinité (c'est pourquoi le Christ se nomme lui-même
Seigneur de David et son fils : « Que vous semble-t-il du Christ,
dit-il ? de qui est-il le Fils ? Ils lui disent : De David. Jésus leur
répondit : Comment donc David parlant dans l'Esprit l'appelle-t-il
Seigneur, en disant : le Seigneur a dit à mon Seigneur : assieds-toi
à ma droite ? » [Mt 22, 42-44]. C'est qu'il est Fils de David selon
la chair et son Seigneur selon la divinité). Il est bon et conforme Ã
la tradition évangélique de confesser que le corps est le temple de
la divinité du Fils, temple qui lui est uni par une suprême et divine
conjonction, au point que la nature de la divinité s'approprie ce
qui appartient à ce temple. Mais sous prétexte de cette appropria-
tion, attribuer (au Verbe) les propriétés de la chair qui lui est unie,
je veux dire la naissance, la souffrance et la mort, c'est, mon frère,
le fait d'un esprit égaré par les erreurs des Grecs, ou malade de
la folie d'Apollinaire, d'Arius ou d'autres hérésies, ou de quelque
maladie plus grave encore. Car de toute nécessité ceux qui se
laissent attirer par ce mot d'appropriation, devront dire que le Dieu
Verbe a, par appropriation, été allaité, qu'il a grandi un peu à la
fois, et qu'au moment de la passion il a eu peur et qu'il a eu
besoin du secours d'un ange. Et je passe sous silence la circoncision,
le sacrifice, la sueur, la faim ; tout ce qu'il a subi pour nous dans
la chair qui lui est unie est adorable, mais l'attribuer à la divinité
est un mensonge et nous ferait justement accuser de calomnie.
Telles sont les traditions des Saints Pères, tels sont les enseigne-
ments des divines Ãcritures ; c'est ainsi que la théologie parle de
la philanthropie de Dieu et de son autorité : « Médite cela, sois-y-
tout entier, pour que tes progrès soient manifestes à tous », dit Paul
[I Tim 4, 15]. Quant à ceux qui ont été scandalisés, tu fais bien
d'en avoir le souci, et je rends grâce à ton âme qui prend soin
des choses de Dieu et a souci de nos intérêts. Sache cependant que
tu t'es laissé tromper par des gens qui ont été condamnés ici par
le saint Synode comme manichéens , ou par des clercs qui par-
* Allusion à un certain Philippe, prêtre de Constantinople, accusé de
manichéisme par le pélagien Célestius, et condamné par un synode de
198 TEXTES
tagent tes opinions. Car les choses de l'Ãglise s'accroissent de jour
en jour, et par la grâce du Christ les peuples progressent tellement
que ceux qui voient leur multitude s'écrient avec le prophète : « La
terre est remplie par la connaissance du Seigneur comme la mer
est recouverte par les grandes eaux» [Is 11, 9]. Les empereurs se
réjouissent d'une joie extrême en voyant l'éclat que reçoivent les
dogmes. Et pour tout dire en un mot, on trouvera que s'est accompli
chez nous, à propos de toutes les hérésies ennemies de Dieu, ce
mot de l'Ãcriture : « La maison de Saûl allait s'affaiblissant, et la
maison de David allait se fortifiant» [II R 3, 1].
Voilà les conseils d'un frère à son frère. Si quelqu'un veut discu-
ter, Paul lui criera par notre bouche : « Nous n'avons pas cette
habitude, ni les Ãglises de Dieu» [I Cor 11, 16]. Avec tous ceux
qui sont avec moi je salue vivement toute la fraternité qui est avec
toi dans le Christ. Porte-toi bien et veuille prier pour nous, Seigneur
très honoré et très pieux.
III
TROISIÃME LETTRE DE SAINT CYRILLE
A NESTORIUS*
(novembre 430)
A notre Collègue Très Religieux et très aimé
de Dieu, Nestorius, Cyrille et le synode du
diocèse d'Egypte rassemblé à Alexandrie,
salut dans le Seigneur.
Comme notre Sauveur dit clairement : « Celui qui aime son père
ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et celui qui aime
son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi » [Mt 10, 37],
qu'en sera-t-il de nous à qui Ta Piété demande que nous l'aimions
plus que notre Sauveur à tous le Christ ? Qui pourra nous aider
au jour du jugement ? quelle défense trouverons-nous, après avoir
si longtemps gardé le silence sur tes blasphèmes contre lui ? Si
Constantinople. Cf. le commonitorium adressé par Cyrille à Célestin,
n. 5 (PG 77, 88-89 ; ACO I, i, 7, 171-172).
* PG 77, 105-112; ACO I, i, 1, 33-42; FC 295-306; cf. ci-dessus,
p. 41. â Dans notre traduction, nous avons donné, aux endroits voulus,
la référence aux anathématismes dont la lettre développe la doctrine.
CYRILLE A NESTORIUS 199
par ces sentiments et ces doctrines tu ne faisais tort qu'à toi-même,
notre souci serait moins grand. Mais puisque tu as scandalisé toute
l'Ãglise, et que tu as semé parmi les peuples le ferment d'une
hérésie inouïe et étrange, â et cela non seulement là -bas (à Constan-
tinople), mais partout, car les livres où tu expliques ta pensée
circulent par le monde, â quelle raison trouver encore à notre
silence, et comment ne pas nécessairement nous souvenir du Christ
qui dit : « Ne pensez pas que je suis venu apporter la paix, mais
le glaive. Je suis venu séparer l'homme contre son père et la fille
contre sa mère » [Mt 10, 34-35] ? Quand la foi est lésée, que s'en
aille le respect des parents, vain et dangereux, que soit abandon-
née la loi d'affection pour les enfants et les frères, et pour les vrais
croyants, la mort est préférable à la vie, « pour qu'ils obtiennent une
meilleure résurrection» comme le dit l'Ãcriture [Heb 11, 35].
Voici donc qu'avec le saint synode qui s'est rassemblé dans la
grande Rome sous la présidence de notre très saint et très religieux
collègue l'évêque Célestin, nous t'adjurons par cette troisième lettre,
et te conseillons de renoncer aux doctrines si perverses et aberrantes
que tu professes et enseignes, et d'embrasser au contraire la vraie
foi, qui a été dès le commencement transmise aux Ãglises par les
saints apôtres et évangélistes, qui ont été témoins oculaires et
serviteurs de la Parole [Le 1, 2]. Et si Ta Révérence ne le fait pas
dans le délai fixé dans les lettres du très saint et très religieux
évêque susnommé, notre collègue de Rome Célestin, sache que tu
n'as plus aucune part avec nous, ni aucun lieu ni rang parmi les
prêtres de Dieu et les évêques. Car nous ne pouvons pas voir avec
indifférence les Ãglises ainsi troublées, les peuples scandalisés, la
vraie foi réduite à rien, les troupeaux dispersés par toi qui aurais
dû les sauver, si tu avais été comme nous un amant de l'orthodoxie,
marchant sur les traces de la foi des Saints Pères. Nous sommes en
communion avec tous ceux, prêtres ou laïcs, que Ta Révérence a
excommuniés ou déposés pour la foi. Car il n'est pas juste que
ceux qui ont décidé de rester orthodoxes soient lésés par tes sen-
tences, parce qu'ils ont bien fait en s'opposant à toi. Tu as fait
allusion à ceci dans la lettre que tu as écrite à notre très saint
collègue Célestin, l'évêque de la grande Rome *.
Il ne suffira pas à Ta Révérence de confesser avec nous le symbole
de foi exposé en son temps sous l'inspiration du Saint-Esprit par le
grand et saint synode réuni alors à Nicée, car tu ne le comprends
ni ne l'interprètes droitement, mais plutôt de travers, même si tu
en confesses de voix le texte. Mais il convient que par écrit et sous
* ACO I, ii, 12-14.
200 TEXTES
la foi du serment tu confesses que tu anathématises tes doctrines
criminelles et profanes, et que tu penses et enseignes ce que tous
nous pensons et enseignons, nous les évêques, docteurs et chefs des
peuples, en Occident et en Orient. De plus le saint synode de
Rome et nous tous avons donné notre accord, comme à des textes
orthodoxes et irréprochables, aux lettres qui ont été écrites à Ta
Révérence par l'Eglise d'Alexandrie. Et dans la lettre présente
nous ajoutons ce qu'il convient que tu penses et enseignes et ce
dont il faut t'abstenir. Voici donc la foi de l'Ãglise catholique et
apostolique, que professent unanimement tous les évêques ortho-
doxes, en Occident et en Orient :
Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, le créateur
de toutes choses, visibles et invisibles, et en un seul Seigneur, Jésus-
Christ le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c'est-à -dire de la
substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de Dieu, vrai Dieu de
vrai Dieu ; engendré, non point fait, consubstantiel au Père, par qui
tout a été fait, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, qui pour
nous et pour notre salut est descendu, s'est fait chair et s'est fait
homme, qui a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté
aux cieux, viendra juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit.
Quant à ceux qui disent : il fut un temps où il n'était pas ; et :
avant d'être engendré il n'était pas ; et : il a été fait du néant ; ou qui
disent que le Fils de Dieu est d'une autre hypostase ou substance
(ousia), ou qu'il est changeant ou muable, ceux-là l'Ãglise catholique
et apostolique leur dit anathème.
Nous attachant donc en tout à la confession des Saints Pères,
qu'ils ont formulée avec le Saint-Esprit qui parlait en eux, suivant
le sens de leur pensée, et marchant comme sur une voie royale,
nous affirmons ceci :
C'est le même, le Verbe Fils unique de Dieu, engendré de la
substance du Père, vrai Dieu de vrai Dieu, lumière de lumière, par
qui tout a été fait au ciel et sur la terre, c'est le même qui pour
notre salut, est descendu, s'est abaissé jusqu'à l'anéantissement, s'est
incarné et s'est fait homme, c'est-à -dire que prenant une chair de la
sainte Vierge, et la faisant sienne, il a été comme nous engendré du
sein maternel, et il est apparu homme né de la femme, sans rejeter ce
qu'il était, bien qu'il soit né en assumant la chair et le sang, et
restant ce qu'il était, c'est-à -dire par nature et en vérité. Nous
ne disons pas que la chair s'est changée en la nature de la divinité,
ni que la nature ineffable du Dieu Verbe s'est transformée dans la
nature de la chair, car il est immuable et inaltérable, et demeure
absolument toujours le même, selon les Ãcritures [Mal 3, 6]. Mais
CYRILLE A NESTORIUS 201
quand on le voyait comme un nourrisson dans les langes, et même
quand il était encore dans le sein de la vierge mère, il remplissait
tout la création, comme Dieu, et trônait en égal avec le Père qui l'a
engendré : car la divinité est sans qualités ni dimensions et ne
connaît pas de limites.
En confessant donc le Verbe uni à la chair selon l'hypostase
(anath. 2), nous adorons un seul Fils et Seigneur Jésus-Christ
(anath. 5), sans mettre à part ni séparer l'homme et le Dieu, comme
s'ils étaient attachés l'un à l'autre par une unité de dignité ou d'au-
torité : cela ne serait qu'une parole vide (anath. 3) ; et nous n'appe-
lons pas Christ séparément le Verbe de Dieu, ni séparément aussi
un autre Christ né de la femme, mais nous ne connaissons qu'un
seul Christ, le Verbe du Dieu Père avec sa propre chair. Alors comme
nous, il a été oint (fait Christ), bien qu'à ceux qui sont dignes de le
recevoir, il donne lui-même l'Esprit, et non pas avec mesure, comme
dit le bienheureux évangéliste Jean [Jn 3, 34]. Mais nous ne disons
pas non plus que le Verbe de Dieu a habité comme en un homme
ordinaire en celui qui est né de la sainte Vierge (anath. 11), pour
qu'on n'aille pas croire que le Christ est un homme théophore
(porteur de Dieu) (anath. 15). Mais si le Verbe a habité parmi nous
[Jn 1, 14], et si l'on dit que dans le Christ habite eorporellement
toute la plénitude de la divinité [Col 2, 9], considérons donc que
s'il s'est fait chair, ce n'est pas de la même manière qu'on dit qu'il
a habité dans les saints (anath. 11), et distinguons de la même
façon l'habitation qui s'est faite en lui : uni selon la nature (anath. 3),
non pas changé en chair, il a réalisé l'habitation telle que pourrait
être celle de l'âme humaine en son propre corps.
Il n'y a donc qu'un seul Christ et Fils et Seigneur, mais ce n'est
pas un homme qui aurait avec Dieu une conjonction simplement
dans l'unité de dignité ou d'autorité (anath. 3) ; car l'égalité d'hon-
neur (isotimia) n'unit pas les natures. Car Pierre et Jean sont égaux
en honneur comme les autres apôtres ou disciples, mais pourtant les
deux ne sont pas un. Ainsi nous ne pensons pas à un mode de
conjonction par juxtaposition (cela en effet ne suffit pas à l'union
physique), ni à une participation par relation, comme nous-mêmes,
quand nous adhérons au Seigneur, nous ne faisons avec lui, comme
il est écrit, qu'un seul Esprit [I Cor 6, 17], â et nous écartons le
mot de conjonction (sunaphéia), comme insuffisant pour signifier
l'union. Mais nous n'appelons pas non plus le Verbe de Dieu Père,
Dieu ou Maître du Christ, pour ne pas encore une fois manifeste-
ment couper en deux l'unique Christ et Fils et Seigneur, et nous
202 TEXTES
exposer au reproche de blasphème, en le faisant Dieu et maître de
lui-même (anath. 6). En effet, le Verbe de Dieu, uni à la chair,
comme nous l'avons dit, selon l'hypostase, est le Dieu de tous les
êtres, le Maître de toutes choses, mais il n'est pas lui-même ni
l'esclave ni le maître de lui-même. Ce serait sottise, ou plutôt impiété,
de penser cela ou de le dire. Il a dit en effet que son Père était
son Dieu [Jn 20, 17], bien qu'il soit Dieu lui-même par nature et
de la substance de Dieu ; mais nous n'ignorons pas qu'étant Dieu
il s'est fait homme, soumis à Dieu selon le mode qui convient Ã
la nature de l'humanité. Mais lui-même comment pourrait-il être
Dieu et maître de lui-même ? C'est donc comme homme, et en ce
qui convient aux limites de son « anéantissement », qu'il se dit,
comme nous, soumis à Dieu. C'est de la même façon qu'il a été
sous la loi [Gai 4, 4], bien que lui-même, comme Dieu, disait la
loi et était législateur.
Nous refusons donc de dire à propos du Christ ; « A cause de
celui qui porte j'adore celui qui est porté ; à cause de l'invisible
j'adore celui qui est visible » *. Il serait effroyable de dire encore
ceci : « Celui qui est assumé est appelé Dieu avec celui qui l'as-
sume » (anath. 8). Parler ainsi, c'est encore une fois diviser le Christ
en deux Christs, et mettre à part d'un côté l'homme et de l'autre
le Dieu. C'est, en confessant l'unité, la nier, cette unité en vertu
de laquelle le Christ n'est pas adoré ou appelé Dieu comme un
autre avec un autre (anath. 8), mais il est compris comme un seul
Christ Jésus, Fils unique, adoré, avec sa propre chair, d'une seule
adoration. Nous confessons aussi que le même Fils de Dieu, Fils
unique, engendré du Père, bien que selon sa nature propre il fût
impassible, a souffert pour nous dans sa chair, selon les Ãcritures
[I P 4, 1], et qu'il était dans le corps crucifié, s'appropriant sans
souffrir les souffrances de sa propre chair (anath. 12). Car par la
grâce de Dieu et pour tout homme, il a goûté la mort [Héb 2, 9],
livrant à la mort son propre corps, bien que par nature il fût lui-
même la vie et la résurrection [Jn 11, 25]. Il devait, par une puis-
sance ineffable, fouler aux pieds la mort, et être d'abord dans sa
propre chair le premier-né des morts, et les prémices de ceux qui
se sont endormis [Col 1, 18 ; I Cor 15, 20], et par là ouvrir à la
nature de l'homme le chemin du retour vers l'incorruptibilité. C'est
pourquoi par la grâce de Dieu, comme nous venons de le dire, il a
goûté la mort, et est ressuscité le troisième jour en dépouillant
l'Enfer. Aussi, bien qu'on dise que c'est par un homme qu'est venue
* Sur ces formules de Nestorius, cf. page 28.
CYRILLE A NESTORIUS 203
la résurrection des morts [I Cor 15, 21], cependant nous compre-
nons que le Verbe de Dieu s'est fait homme et que par lui a été
détruite la puissance de la mort. Et il viendra au temps marqué
comme seul Fils et Seigneur dans la gloire du Père, pour juger la
terre entière dans la justice, comme il est écrit [Act 17, 31].
Il est nécessaire d'ajouter encore ceci. Quand nous annonçons la
mort selon la chair du Fils unique de Dieu, c'est-à -dire Jésus-Christ,
et que nous confessons sa résurrection des morts et sa montée au
ciel, nous célébrons dans l'Ãglise le culte non sanglant, et nous
approchons ainsi des eulogies mystiques *, et nous nous sanctifions
en participant à la chair sainte et au sang précieux de notre Sauveur
à tous Jésus-Christ (anath. 11), en la recevant, non comme une chair
commune (ce qu'Ã Dieu ne plaise !), ni comme celle d'un homme
sanctifié et uni au Verbe par une unité de dignité, ou ayant reçu
l'habitation divine, mais comme une chair vraiment vivifiante, et
comme la chair propre du Verbe lui-même. Car étant vie par
nature en tant que Dieu, puisqu'il est devenu un avec sa propre
chair, il a rendu cette chair vivifiante ; en sorte que quand il nous
dit : « Je vous le dis en vérité, si vous ne mangez la chair du
Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang...» [Jn 6, 53], nous
devons la comprendre non pas comme la chair d'un homme comme
nous (comment la chair d'un homme pourrait-elle être vivifiante
en sa nature propre ?), mais comme étant vraiment la propre chair
de celui qui pour nous s'est fait et s'est fait appeler Fils de l'homme.
Quant aux paroles de notre Sauveur dans l'Ãvangile, nous ne les
partageons pas en deux hypostases ou prosôpa (anath. 4). Car le
seul et unique Christ n'est pas double, même si l'on comprend que
de deux réalités différentes il a été rassemblé en une unité insépa-
rable, exactement comme l'homme l'est d'une âme et d'un corps, et
pourtant n'est pas double, mais un (fait) de deux. Mais nous pen-
sons avec justesse que les expressions divines et aussi les humaines
sont dites par un seul et même. Quand le Christ, parlant en Dieu,
dit de lui-même : « Celui qui m'a vu a vu mon Père », et « le Père
et moi nous sommes un » [Jn 14, 19 ; 10, 30], nous comprenons sa
nature divine et ineffable, selon laquelle il est un avec son Père Ã
cause de l'identité de substance, image, empreinte et rayonnement
de sa gloire [Heb 1, 3]. Mais quand, sans juger indignes de lui
les limites de l'humanité, il dit aux Juifs : « Maintenant vous cher-
chez à me tuer, moi qui vous ai dit la vérité» [Jn 8, 40],
Expression familière à Cyrille pour désigner le pain eucharistique.
204 TEXTES
nous reconnaissons néanmoins dans les limites de son humanité le
Dieu Verbe le même en égalité et ressemblance avec son Père. Car
s'il est nécessaire de croire qu'étant Dieu par nature, il s'est fait
chair, ou plus précisément homme animé d'une âme raisonnable,
quelle raison aurait-on de rougir de ses paroles si elles conviennent
à l'homme ? Celui qui s'est abaissé pour nous jusqu'à un anéantis-
sement volontaire, pourquoi refuserait-il les paroles qui conviennent
à cet anéantissement ? Il faut donc attribuer toutes les expressions
de l'Ãvangile à un seul prosôpon, à l'unique hypostase incarnée du
Dieu Verbe. Car selon les Ãcritures, il n'y a qu'un seul Seigneur,
Jésus-Christ [I Cor 8, 6].
Et si on l'appelle apôtre et grand-prêtre de notre confession
[Héb 3, 1], en tant qu'il présente à Dieu le Père la confession de
notre foi qui est offerte pour nous à lui et par lui à Dieu le Père,
et aussi au Saint-Esprit, nous disons cependant qu'il est le Fils
seul engendré de Dieu selon la nature, et nous n'attribuons pas Ã
un homme autre que lui le nom et la réalité même du sacerdoce.
Car il s'est fait le médiateur entre Dieu et les hommes, et leur
réconciliateur pour la paix, s'offrant lui-même à Dieu le Père en
parfum de bonne odeur. C'est pourquoi il a dit : « Tu n'as pas
voulu de sacrifice ni d'offrande, mais tu m'as préparé un corps.
Les holocaustes et les sacrifices pour le péché ne t'ont pas été
agréables. Alors j'ai dit : me voici ; il est écrit de moi en tête du
livre : pour faire, ô Dieu, ta volonté» [Héb 10, 5-7]. Il a offert son
propre corps en parfum de bonne odeur pour nous, et non pas plutôt
pour lui-même. De quelle offrande, de quel sacrifice aurait-il eu
besoin pour lui-même, étant, comme Dieu, au-dessus de tout péché ?
Car si tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu [Rm 3, 23],
â puisque nous sommes tous disposés au péché, et que la nature
humaine a renforcé le péché, â pour lui il n'en était pas ainsi
et nous avons été pour cela privés de sa gloire, comment pourrait-on
encore douter que l'agneau véritable a été immolé à cause de nous
et pour nous ? et dire qu'il s'est offert et pour lui-même et pour
nous, serait s'exposer au reproche d'impiété. Il n'a commis aucune
faute et n'a pas fait de péché : comment aurait-il besoin de présenter
une offrande, puisqu'il n'y a pas de péché pour lequel il aurait Ã
l'offrir (anath. 10)?
Et quand il dit du Saint-Esprit : « Lui me glorifiera » [Jn 16, 14],
si nous pensons juste, nous ne disons pas que l'unique Christ et
Fils, ayant besoin de la gloire qui vient d'un autre, reçoit du
Saint-Esprit la gloire, car son Esprit n'est pas supérieur à lui-même
CYRILLE A NESTORIUS 205
ni au dessus de lui (anath. 9). Mais puisque, pour manifester sa
divinité, il se servait de son propre Esprit pour opérer de grandes
choses, il dit qu'il a été glorifié par lui, comme l'un de nous pour-
rait dire de la force qui est en lui, ou de sa science en quelque
domaine : elles me glorifient. Car si l'Esprit existe en une hypostase
séparée, nous le considérons en lui-même, en tant qu'il est Esprit
et non Fils, mais il n'est pas pourtant étranger au Père. Il est appelé
Esprit de vérité [Jn 16, 13], et le Christ est la Vérité
[Jn 14, 6], et l'Esprit s'écoule de lui, tout comme de Dieu
le Père. Donc, après que Notre-Seigneur Jésus-Christ fut re-
monté au ciel, l'Esprit, opérant des prodiges par la main des saints
Apôtres, le glorifie. On fut persuadé que le Christ est Dieu par
nature, puisqu'il agit encore par son propre Esprit. C'est pourquoi
il a dit aussi : « Il prendra de ce qui est à moi et vous l'annoncera »
[Jn 16, 14]. Et nous ne disons pas que l'Esprit est sage et puissant
par participation, car il est parfait et n'est privé d'aucun bien. Et
puisqu'il est l'Esprit de la puissance et de la sagesse du Père, c'est-à -
dire du Fils [cf. I Cor 1, 24], par le fait même il est sagesse et
puissance.
Et puisque la Sainte Vierge a engendré dans la chair Dieu uni
à la chair selon l'hypostase, pour cette raison nous disons qu'elle
est theotokos (anath. 1) : nous ne voulons pas dire que la nature
du Verbe tient de la chair le principe de son existence, car il était
au commencement, et le Verbe était Dieu, et le Verbe était auprès
de Dieu [Jn 1, 1], et c'est lui qui est le créateur des siècles, co-
éternel au Père et démiurge de l'univers ; mais, comme nous l'avons
déjà dit, puisqu'il s'est uni selon l'hypostase l'humanité, et qu'il a
subi une génération charnelle du sein de sa mère, non qu'il ait
besoin nécessairement et à cause de sa nature propre d'une naissance
dans le temps aux derniers moments du siècle, mais c'était pour
bénir le principe même de notre existence, et s'étant uni à la chair
et ayant été ainsi enfanté par une femme, il ferait cesser désormais
la malédiction portée contre tout le genre humain, qui envoyait Ã
la mort nos corps nés de la terre ; il rendait vaine cette parole :
«Tu enfanteras des enfants dans la souffrance» [Gn 3, 16], et
manifesterait la vérité de ces mots du prophète : « La mort l'a
englouti après l'avoir emporté sur lui » [Os 13, 14] et « Dieu a
essuyé toute larme sur tout visage » [Is 25, 8]. C'est pour la même
raison que nous disons que par son économie il a aussi béni le
mariage et qu'il est allé à Cana en Galilée où il avait été invité avec
ses saints apôtres.
206 TEXTES
Voilà ce que nous avons appris auprès des saints Apôtres et
Ãvangélistes, et de toute l'Ãcriture inspirée de Dieu et de la confes-
sion véritable des saints Pères ; il faut que Ta Piété soit d'accord
avec eux tous, et exprime cet accord sans feinte. Et ce que Ta Piété
doit nécessairement anathématiser, a été ajouté ci-dessous à notre
lettre.
LES DOUZE ANATHÃMATISMES.
1. Si quelqu'un ne confesse pas que l'Emmanuel est Dieu en
vérité, et qu'à cause de cela la Sainte Vierge est mère de Dieu
(theotokos), car elle a engendré dans la chair le Verbe de Dieu fait
chair, qu'il soit anathème.
2. Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe de Dieu le Père
s'est uni à la chair selon l'hypostase, et qu'il est un seul Christ avec
sa propre chair, à savoir le même qui est à la fois Dieu et homme,
qu'il soit anathème.
3. Si quelqu'un divise les deux hypostases dans le Christ après
l'union, les associant par une simple association de dignité, c'est-à -
dire d'autorité ou de puissance, et non pas plutôt par un rapproche-
ment selon l'union physique, qu'il soit anathème.
4. Si quelqu'un distribue entre deux personnes ou hypostases les
expressions des écrits évangéliques ou apostoliques, ou celles qui
ont été dites du Christ par les saints, ou par le Christ lui-même de
lui-même, et qu'il attribue les unes à l'homme considéré à part du
Verbe de Dieu, les autres comme dignes de Dieu au seul Verbe de
Dieu le Père, qu'il soit anathème.
5. Si quelqu'un ose dire que le Christ est un homme théophore,
et non plutôt un Dieu en vérité, comme étant Fils un et par nature,
â en tant que le Verbe s'est fait chair et qu'il a participé de la
même façon que nous au sang et à la chair, qu'il soit anathème.
6. Si quelqu'un ose dire que le Verbe de Dieu le Père est Dieu
ou Seigneur du Christ, et ne confesse pas plutôt que le même est
en même temps Dieu et homme, le Verbe s'étant fait chair selon
l'Ãcriture, qu'il soit anathème.
7. Si quelqu'un dit que Jésus est mû comme un homme par le
LES DOUZE ANATHÃMATISMES 207
Dieu Verbe, et que la gloire du Fils unique lui a été appliquée
comme à un autre distinct de lui, qu'il soit anathème.
8. Si quelqu'un ose dire que l'homme assumé doit être coadoré
avec le Dieu Verbe, et conglorifié et connommé Dieu, comme un
autre avec un autre (car la particule sun, avec, ainsi toujours ajoutée
oblige à penser ainsi), â et n'honore pas plutôt l'Emmanuel d'une
seule adoration, et ne lui adresse pas une seule glorification, en tant
que le Verbe s'est fait chair, qu'il soit anathème.
9. Si quelqu'un dit que l'unique Seigneur Jésus-Christ a été
glorifié par l'Esprit, qu'il se sert comme d'une puissance étrangère
à lui de celle qui lui vient (de l'Esprit), et qu'il a reçu de celui-ci
de pouvoir agir sur les esprits impurs et d'opérer en faveur des
hommes les signes divins, â et ne dit pas plutôt que l'Esprit par
lequel il a opéré ces signes divins est le sien propre, qu'il soit
anathème.
10. La divine Ãcriture dit que le Christ est devenu le pontife
et l'apôtre de notre confession [Héb 3, 1], et qu'il s'est offert pour
nous en parfum de bonne odeur à Dieu et au Père [Eph 5, 2]. Si
donc quelqu'un dit que notre pontife et notre apôtre ce n'est
pas le Verbe de Dieu lui-même quand il s'est fait chair et homme
semblable à nous, â mais (considéré) comme un autre à part distinct
de lui, homme né de la femme, â ou si quelqu'un dit qu'il a offert
un sacrifice pour lui aussi, et non plutôt pour nous seuls (car il
n'aurait pas besoin de sacrifice celui qui ne connaît pas le péché),
qu'il soit anathème.
11. Si quelqu'un ne confesse pas que la chair du Seigneur est
vivifiante et (qu'elle est) la chair propre du Verbe de Dieu le Père
lui-même, mais (prétend) qu'elle est celle de quelqu'un d'autre
distinct de lui, uni à lui par la dignité, c'est-à -dire comme ayant
reçu seulement l'habitation divine, â et qu'il ne dit pas plutôt
qu'elle est vivifiante, parce qu'elle est devenue la chair propre du
Verbe capable de tout vivifier, qu'il soit anathème.
12. Si quelqu'un ne confesse pas que le Verbe de Dieu a souf-
fert en sa chair et qu'il a été crucifié en sa chair, et qu'il a goûté
la mort en sa chair, et qu'il est devenu le premier-né d'entre les
morts, en tant que, comme Dieu, il est vie et vivifiant, qu'il soit
anathème.
208 TEXTES
IV
SENTENCE DE DÃPOSITION DE NESTORIUS *
(22 juin 431)
Puisque le Très Révérend Nestorius n'a pas voulu se rendre Ã
notre convocation, et qu'il n'a pas reçu les très saints et très pieux
évêques que nous lui avions envoyés, nous avons été forcés d'en
venir à examiner ses impiétés. D'après ses lettres et ses écrits qui
nous ont été lus, et d'après les paroles qu'il a prononcées récemment
dans cette métropole et dont nous avons eu le témoignage, nous
avons constaté qu'il pense et enseigne des impiétés. Forcés par les
canons et selon la lettre de notre Très Saint Père et Collègue
Célestin, évêque de l'Ãglise de Rome, et avec beaucoup de larmes,
nous en sommes venus à porter contre lui cette sentence sévère :
« Notre Seigneur Jésus-Christ, qu'il a blasphémé, décrète par le
Saint Synode ici présent, que Nestorius est exclu de la dignité
épiscopale et de toute assemblée épiscopale ».
DÃCRETS DU CONCILE D'ÃPHÃSE**
(22 juillet 431)
Après lecture de ces documents, le Saint Synode a décrété qu'il
n'est permis à personne de proposer, de rédiger ou de composer
une autre foi que celle qui a été définie par les Saints Pères réunis
à Nicée avec le Saint-Esprit ; quant à ceux qui oseraient composer
une autre foi, ou la présenter, ou la proposer à ceux qui veulent
se convertir à la connaissance de la vérité, en venant de l'hellénisme,
du judaïsme ou d'une hérésie quelconque, ceux-là , s'ils sont évêques
ou clercs, ils sont écartés, les évêques de l'épiscopat, les clercs du
clergé ; s'ils sont laïques, ils sont anathèmes.
De la même façon, ceux qui, évêques, clercs ou laïques, seraient
pris à penser ou à enseigner sur l'incarnation du Fils unique de
Dieu les doctrines contenues dans l'exposé qui nous a été présenté
* ACO I, i, 2, 54 ; ci-dessus, 53.
** ACO I, i, 7, 105-106 ; ci-dessus, 57.
JEAN D'ANTIOCHE A CYRILLE 209
par le prêtre Charisius, ou les dogmes impies et pervers de Nestorius
qui nous ont été soumis, ceux-là sont frappés par la sentence de ce
saint Synode Åcuménique, c'est-à -dire qu'un évêque serait écarté
de l'épiscopat et déposé ; un clerc serait pareillement déposé du
clergé ; si c'est un laïque, qu'il soit anathème, comme il a été dit
ci-dessus.
VI
LETTRE DE JEAN D'ANTIOCHE A SAINT CYRILLE *
(début de 433)
A Monseigneur, mon Très Pieux et Très
Saint Collègue, Cyrille, Jean, salut dans le
Seigneur.
Récemment un édit de nos très religieux empereurs a ordonné
que se réunisse dans la métropole d'Ãphèse un concile de très pieux
évêques, pour les affaires de l'Ãglise et pour la vraie foi. Nous
nous sommes rendus dans cette ville et nous en sommes repartis
sans avoir pu nous rencontrer (il est inutile en ces temps de paix
de rappeler les causes de ce dissentiment). Mais cela produisit dans
les Ãglises de graves dissentions, aussi tous devaient s'employer
avant tout à écarter toute discorde et à se réconcilier. Les très
religieux et christophiles empereurs décidèrent qu'il devait en être
ainsi, pour que s'unissent les Ãglises du Christ. Et c'est pourquoi ils
envoyèrent Monseigneur le très illustre et très honorable tribun
et notaire Aristolaûs, porteur d'une pieuse lettre nous exhortant Ã
nous mettre d'accord désormais, à écarter les scandales, et à apaiser
tout trouble et toute offense.
Obéissant à cette pieuse lettre, nous avons aussitôt et immédiate-
ment envoyé Monseigneur le très pieux et très saint évêque Paul ** ;
cela plut à notre très saint et très vénérable Père l'évêque Acace
et aux très pieux évêques qui sont avec nous : nous avons agi ainsi
* Dans la correspondance de Cyrille, Ep. 78 ; PG 77, 169-173 ; ACO
I, i, 4, 7-9 ; ci-dessus, 71.
** Paul d'Emèse, envoyé par Jean à Alexandrie ; ci-dessus, 71.
210 TEXTES
pour plus de rapidité, puisqu'il n'était pas possible de nous réunir
pour exécuter face à face les ordres de nos très religieux empereurs.
Nous lui avons donc commandé (à Paul) d'agir à notre place, pour
nous et en notre nom, et de décider tout ce qu'il fallait pour la
paix, ce qui est notre premier objet ; â et aussi de remettre Ã
Votre Religion l'exposé que nous avons fait d'un commun accord
sur l'incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous l'avons en-
voyé à Votre Religion par cet homme très pieux susdit. Le voici :
Ce que nous pensons et disons au sujet de la Vierge Mère de
Dieu (Theotokos) et du mode de l'incarnation du Fils unique de
Dieu, nous le dirons brièvement et autant qu'il est nécessaire, non
pour ajouter quelque chose, mais pour vous en assurer pleinement,
comme nous le tenons depuis le commencement, pour l'avoir reçu
des divines Ãcritures et de la tradition des Saints Pères, sans rien
ajouter à la foi qui a été exposée par les Saints Pères de Nicée.
Comme nous l'avons déjà dit, elle suffit à la connaissance de la
vraie foi et à la réfutation de toute erreur hérétique. Nous parle-
rons donc sans avoir l'audace d'aborder ce qui est inaccessible, mais,
en confessant notre propre faiblesse, nous fermerons la bouche Ã
ceux qui veulent nous attaquer parce que nous scrutons ce qui est
au-dessus de l'homme.
Nous confessons donc Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique
de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, (fait) d'une âme raisonnable
et d'un corps, engendré du Père avant les siècles en sa divinité,
et à la fin des jours le même pour nous et pour notre salut, (né)
de la Vierge Marie en son humanité ; le même consubstantiel au
Père en sa divinité et consubstantiel à nous en son humanité. Car
des deux natures l'union s'est faite ; c'est pourquoi nous confessons
un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur. Et à cause de cette
notion d'une union sans mélange, nous confessons que la Sainte
Vierge est mère de Dieu (Theotokos), parce que le Verbe de Dieu
s'est fait chair et s'est fait homme, et que dès la conception il
s'est uni le Temple qu'il a pris d'elle. Quant aux expressions des
évangiles et des apôtres au sujet du Seigneur, nous savons que les
théologiens appliquent les unes indifféremment (aux deux natures)
parce qu'elles visent l'unique personne, mais qu'ils distinguent les
autres parce qu'elles visent les deux natures, et qu'ils attribuent Ã
la divinité du Christ celles qui conviennent à Dieu, et à son huma-
nité celles qui marquent son abaissement.
Ayant accepté cette profession de foi, il nous a plu, pour mettre
CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE 211
fin à toute querelle, affermir la paix générale des saintes Ãglises
de Dieu, écarter tous les scandales qui s'étaient élevés, de tenir
pour déposé Nestorius qui avait été évêque de Constantinople, et
nous anathématisons ses doctrines vaines et impies, parce que nos
Ãglises tiennent la foi droite et saine, la gardent et la transmettent
aux peuples, comme le fait aussi Votre Sainteté. Nous approuvons
aussi l'ordination du très saint et religieux Maxime, évêque de la
très sainte Ãglise de Dieu de Constantinople, et nous sommes en
communion avec tous les religieux évêques de toute l'oikouménè,
qui tiennent et gardent la foi droite et irréprochable.
Porte-toi bien et prie pour nous, Seigneur très religieux et très
saint, et mon très véritable frère.
VII
LETTRE DE SAINT CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE *
(printemps 433)
A Monseigneur, mon frère très cher et mon
collègue, Jean, Cyrille, salut dans le Sei-
gneur.
« Que les deux se réjouissent et que la terre exulte » [Ps 95, 11] :
la barrière de séparation est détruite, ce qui nous attristait a cessé,
toute forme de dissentiment a été écartée ; notre Sauveur à tous
le Christ a accordé la paix à son Ãglise ; les très pieux et très
religieux empereurs nous y invitaient ; excellents imitateurs de la
piété de leurs ancêtres, ils gardent en leurs âmes la vraie foi sûre
et inébranlée, et ils dépensent un zèle singulier pour les saintes
Ãglises, pour qu'elles aient une gloire très illustre pour l'éternité,
et qu'elles fassent connaître leur empire très glorieux, eux à qui le
Seigneur des Puissances distribue les richesses de sa main, leur
donne de l'emporter sur leurs adversaires, et leur accorde la victoire.
* Ep. 39 ; PG 77, 173-181 ; ACO I, i, 4, 15-20.
212 TEXTES
Il ne ment pas en disant : « Je suis vivant, dit le Seigneur, et je
glorifie ceux qui me glorifient » [I R 2, 30].
Quand arriva à Alexandrie Monseigneur très religieux, mon frère
et collègue Paul, nous avons été remplis de joie, et à très juste
titre, de voir qu'un homme de cette valeur venait en médiateur,
qu'il acceptait de rencontrer des difficultés très lourdes, pour vaincre
la jalousie du diable, rapprocher ce qui était séparé, écarter les
pierres d'achoppement qui avaient été semées parmi nous, et donner
à nos Ãglises et aux vôtres la couronne de la concorde et la paix.
Comment elles avaient été séparées, inutile de le dire ; je crois qu'il
faut plutôt penser et dire ce qui convient à ces jours de paix. Nous
nous sommes donc réjouis de la rencontre de cet homme très pieux
que j'ai nommé, qui sans doute se doutait qu'il aurait à livrer de
lourds combats pour nous persuader de réunir dans la paix nos
Ãglises, de mettre un terme aux moqueries des hérétiques, et en
outre d'émousser l'aiguillon de la méchanceté du diable. Mais il
nous trouva si bien disposés à cela qu'il n'eut à supporter absolument
aucune peine. Nous nous sommes souvenus en effet du Seigneur
qui disait : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix »
[Jn 14, 27] ; nous avons aussi appris à dire dans nos prières :
« Seigneur notre Dieu, donne-nous la paix, puisque tu nous as tout
donné » [Is 26, 12]. Aussi celui qui a part à la paix donnée par
Dieu ne manquera d'aucun bien. Que ce dissentiment entre les
Ãglises ait été absolument vain et sans aucune raison, nous en som-
mes convaincus, maintenant surtout que Monseigneur le très reli-
gieux évêque Paul nous a apporté une lettre contenant une profession
de foi irréprochable, en nous assurant qu'elle avait été composée
par Votre Sainteté et par les très religieux évêques de là -bas. En
voici la teneur ; nous l'insérons en termes propres dans cette lettre :
« Ce que nous pensons et disons au sujet de la Vierge Theotokos
et du mode de l'incarnation du Fils unique de Dieu, nous le dirons
brièvement et autant qu'il est nécessaire, non pour ajouter quel-
que chose, mais pour vous en assurer pleinement, comme nous le
tenons dès le commencement, pour l'avoir reçu des divines Ãcri-
tures et de la tradition des saints Pères, sans rien ajouter à la foi
qui a été exposée par les Saints Pères de Nicée. Comme nous
l'avons déjà dit, elle suffit à la connaissance de la vraie foi et Ã
la réfutation de toute erreur hérétique. Nous parlerons donc sans
avoir l'audace d'aborder ce qui est inaccessible, mais en confes-
sant notre propre faiblesse, nous fermerons la bouche à ceux qui
veulent nous attaquer parce que nous scrutons ce qui est au-dessus
de l'homme.
CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE 213
« Nous confessons donc Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils unique
de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, (fait) d'une âme raison-
nable et d'un corps, engendré du Père avant les siècles en sa divi-
nité, et à la fin des jours, le même, pour nous et pour notre salut,
(né) de la Vierge Marie en son humanité ; le même consubstantiel
au Père en sa divinité et consubstantiel à nous en son humanité.
Car des deux natures l'union s'est faite ; c'est pourquoi nous
confessons un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur. Et Ã
cause de cette notion d'une union sans mélange, nous confessons
que la Sainte Vierge est mère de Dieu (theotokos), parce que le
Verbe de Dieu s'est fait chair et s'est fait homme, et que dès la
conception il s'est uni le Temple qu'il a pris d'elle. Quant aux
expressions des évangiles et des apôtres au sujet du Seigneur, nous
savons que les théologiens appliquent les unes indifféremment
(aux deux natures) parce qu'elles visent l'unique personne, mais
qu'ils distinguent les autres parce qu'elles visent les deux natures,
et qu'ils attribuent à la divinité du Christ celles qui conviennent
à Dieu, et à son humanité celles qui marquent son abaissement »
Ayant donc lu ces saintes paroles, et trouvant que nous-mêmes
nous pensons ainsi, car il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi,
un seul baptême [Ãph 4, 5], nous avons glorifié le Dieu Sauveur
de tous, nous félicitant mutuellement de ce que nos Ãglises et les
vôtres ont une foi conforme aux Saintes Ãcritures et à la tradition
des Saints Pères. Ayant appris en effet que des gens habitués Ã
critiquer bourdonnaient comme des guêpes et vomissaient contre
moi des paroles méchantes, comme si je disais que le saint corps
du Christ avait été apporté du ciel et n'était pas né de la Sainte
Vierge, j'ai cru devoir leur en dire quelque chose. O gens insensés
et ne sachant que calomnier, comment en êtes-vous venus à penser
cela, et comment êtes-vous malades d'une telle folie ? Il fallait, oui,
il fallait évidemment considérer que tout ce combat pour la foi
s'est élevé contre nous presque uniquement parce que nous affir-
mions que la Sainte Vierge est theotokos. Mais si nous disons que
le saint corps de notre Sauveur à tous le Christ est descendu du
ciel et n'a pas été engendré par elle, comment pourrait-on encore
penser qu'elle est theotokos P Qui donc en un mot a-t-elle mis au
monde, s'il n'est pas vrai qu'elle a engendré la chair de l'Emmanuel ?
Ils font rire d'eux ceux qui disent contre moi de telles sottises.
Le bienheureux prophète Isaïe ne ment pas quand il dit : « Voici
que la vierge concevra en son sein, et elle enfantera un fils, et
214 TEXTES
elle l'appellera Emmanuel, ce qui veut dire Dieu avec nous »
[Is 7, 11 ; Mt 1, 23]. Et saint Gabriel dit absolument la vérité quand
il dit à la bienheureuse vierge : « Ne crains pas, Marie, tu as trouvé
grâce auprès de Dieu ; voici que tu concevras en ton sein, et tu
enfanteras un fils, et tu l'appelleras Jésus : car c'est lui qui sauvera
son peuple de leurs péchés » [Luc 1, 30-31 ; Mt 1, 21]. Quand nous
disons que Notre-Seigneur Jésus-Christ (vient) du ciel et d'en haut,
nous ne disons pas cela comme si sa chair sainte avait été apportée
d'en haut et du ciel, mais nous suivons plutôt l'admirable Paul qui
crie : « Le premier homme est de la terre et terrestre, le second
homme, le Seigneur, est du ciel» [I Cor 15, 47]. Nous nous sou-
venons aussi du Seigneur lui-même disant : « Personne n'est monté
au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, le Fils de
l'Homme » [Jn 3, 13], bien qu'il ait été engendré selon la chair,
comme je viens de le dire, de la Sainte Vierge. Mais puisque le Dieu
Verbe descendant d'en haut et du ciel s'est anéanti « prenant la
forme d'esclave » [Phil 2, 7] et s'est appelé fils de l'homme tout en
restant ce qu'il était, c'est-à -dire Dieu (car il est par nature immobile
et immuable), considéré déjà comme un seul être avec sa propre
chair, on dit qu'il est descendu du ciel. On l'appelle aussi « homme
venu du ciel », étant parfait en divinité et le même parfait en huma-
nité, et considéré comme en un seul prosôpon. Car il n'y a qu'un seul
Seigneur Jésus-Christ, même si on ne méconnaît pas la différence
des natures, dont nous disons que s'est faite l'union indicible. Quant
à ceux qui disent que s'est fait un mélange, une confusion, une
mixture du Dieu Verbe avec la chair, que Ta Sainteté daigne leur
fermer la bouche. Peut-être en effet certains diront-ils de moi que
j'ai dit ou pensé cela. Mais je suis si éloigné de penser chose pareille,
que j'estime insensés ceux qui pensent qu'il a pu y avoir l'ombre
d'un changement dans la nature divine du Verbe. Elle reste ce
qu'elle est, toujours elle est immuable, jamais elle ne pourrait varier,
et elle n'est pas susceptible de transformation. En outre nous confes-
sons tous que le Verbe de Dieu est impassible, même si dispensant
le mystère en toute sagesse, il fait voir qu'il s'attribue les souf-
frances survenues à sa propre chair. C'est pour cela que le très sage
Pierre dit : « le Christ ayant souffert pour nous dans sa chair »
[I P 4, 1], et non dans la nature de sa divinité indicible. Et pour
qu'on croie qu'il est le Sauveur de tous, il s'attribue à lui-même,
comme je l'ai dit, par une appropriation économique, les souffrances
de sa propre chair : c'est ce qui avait été prédit par la voix du
prophète, parlant en son nom : « J'ai livré mon dos aux coups, mes
joues aux soufflets, et je n'ai pas détourné mon visage de l'outrage
des crachats » [Is 50, 6].
CYRILLE A JEAN D'ANTIOCHE 215
Que Ta Sainteté en soit bien persuadée, et que personne d'autre
n'en doute, nous suivons en tout les sentiments des saints Pères,
et surtout de notre bienheureux et très célèbre Père Athanase, et
nous refusons de nous en écarter en quoi que ce soit. J'en aurais
apporté ici beaucoup de témoignages, pour donner par là crédit Ã
mes paroles, si je n'avais craint de t'ennuyer par la longueur de
cette lettre. Nous ne supportons absolument pas que personne
n'ébranle la foi qui a été définie ni le symbole de foi de nos saints
Pères réunis à Nicée en leur temps ; nous ne nous permettons Ã
nous-mêmes ni à personne d'en changer un mot ni d'en transgresser
une syllabe, nous souvenant de ce qui est dit : « Ne déplace pas
les bornes éternelles qu'ont posées tes pères» [Prov 22, 28]. Car
ce n'étaient pas eux qui parlaient, mais l'Esprit de Dieu et du Père,
qui procède de lui, mais qui n'est pas étranger au Fils sous le rapport
de l'essence. Et de cela aussi nous assurent les paroles des saints
mystagogues. Il est écrit en effet dans les Actes des Apôtres :
« Venant en Mysie ils tentaient de passer en Bithynie, et l'Esprit
de Jésus ne le leur permit pas » [Act 16, 7]. Et le divin Paul écrit :
« Ceux qui sont dans la chair ne peuvent pas plaire à Dieu ; mais
vous vous n'êtes pas dans la chair, mais dans l'Esprit, puisque
l'Esprit de Dieu habite en vous ; si quelqu'un n'a pas l'Esprit du
Christ, il n'est pas à lui» [Rom 8, 8].
Si quelques-uns de ceux qui ont l'habitude de tordre ce qui
est droit, détournent à leur gré mes paroles, que Ta Sainteté ne s'en
étonne pas, sachant que les tenants de n'importe quelle hérésie
trouvent dans l'Ãcriture divinement inspirée le prétexte de leur
erreur, et corromptent par leur méchanceté la rectitude de ce qui a
été dit par le Saint-Esprit ; ainsi ils accumulent sur leur tête une
flamme inextinguible.
Et puisque nous avons appris que certains ont édité un texte
corrompu de la lettre très orthodoxe de notre très célèbre Père
Athanase au bienheureux Ãpictète, au point que beaucoup en ont
souffert, nous avons pensé que ce serait utile et nécessaire pour
les frères d'envoyer à Ta Sainteté une copie prise sur l'exemplaire
ancien et correct que nous en avons.
216 TEXTES
VIII
LETTRE DE SAINT LEON
A FLAVIEN DE CONSTANTINOPLE *
(13 juin 449)
Léon, évêque, à son très cher Flavien,
évêque de Constantinople.
1. Après avoir lu la lettre de Ta Dilection, en nous étonnant
qu'elle ait tant tardé, et passé en revue la suite des actes épisco-
paux, nous avons enfin compris le scandale qui s'est produit chez
vous contre l'intégrité de la foi. Ce qui auparavant semblait caché
s'est maintenant révélé et manifesté à nous. Eutychès, que son
titre de prêtre semblait recommander, nous apparaît très imprudent
et très incapable, en sorte qu'on peut lui appliquer la parole du
prophète : « Il n'a pas voulu comprendre pour faire le bien, il a
médité l'iniquité sur sa couche » [Ps 35, 5]. Quoi de plus inique
en effet que de penser des impiétés, et ne pas céder à plus sage
et plus savant que soi ? C'est dans cette folie que tombent ceux
qui, empêchés par quelque obscurité de reconnaître la vérité, ne
recourent ni aux paroles des prophètes, ni aux lettres des apôtres,
ni aux autorités de l'Ãvangile, mais à eux-mêmes. Ils sont ainsi
maîtres d'erreur, pour n'avoir pas été disciples de la vérité. Quelle
connaissance peut-il avoir des pages sacrées du Nouveau et de
l'Ancien Testament, celui qui ne comprend même pas le commence-
ment du Symbole ? Ce que dans le monde entier proclame la voix
des candidats à la régénération (du baptême) n'est pas encore
compris par le cÅur de ce vieillard.
2. Puisqu'il ne savait pas ce qu'il devait penser de l'incarnation
du Verbe de Dieu, et qu'il ne voulait pas pour mériter la lumière
de l'intelligence travailler dans le vaste champ des Saintes Ãcritures,
il aurait pu au moins écouter d'une oreille attentive la confession
* Le texte dans PL 54, 755-781 ; ACO II., n, 1, 24-33 ; C. Silva-
Tarouca, S. Leonis Magni Tomus ad Flavianum... Romae, 1932. Tra-
duction française de E. Amann, Le dogme catholique dans les Pères de
l'Ãglise, 344-355 ; ou du P. B. Lavaud, dans Rev. Thomiste, 51 (1951),
612-624. Nous nous inspirons de l'une et de l'autre. Fragments dans
FC 308-312,
LEON A FLAVIEN 217
commune et unanime de l'universalité des fidèles, qui professe sa
foi « en Dieu le Père tout-puissant, et en le Christ Jésus son Fils
unique notre Seigneur, qui est né de l'Esprit-Saint et de la Vierge
Marie ». Ces trois propositions détruisent les échafaudages de pres-
que tous les hérétiques. En effet quand on croit en Dieu le Père tout-
puissant, on voit par là que son Fils lui est coéternel, ne différant
en rien du Père, puisqu'il est Dieu de Dieu, tout-puissant de tout-
puissant, né coéternel de l'éternel ; il n'est ni postérieur dans le
temps, ni inférieur en puissance, ni dissemblable en gloire, ni séparé
quant à l'essence. Et ce même Fils unique éternel du Père éternel,
est né de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie. Cette naissance tem-
porelle n'a rien retranché ni rien ajouté à cette naissance divine et
éternelle, mais se dépense toute à réparer l'homme égaré : il devait
par sa puissance vaincre la mort et détruire le diable qui avait
l'empire de la mort. Nous ne pourrions pas en effet triompher de
l'auteur du péché et de la mort, si celui que le péché ne pouvait
souiller ni la mort retenir ne prenait notre nature et ne la faisait
sienne. Car il a été conçu du Saint-Esprit dans le sein de la vierge
mère, qui l'enfanta sans perdre sa virginité, comme elle l'avait conçu
sans perdre sa virginité.
Mais si Eutychès ne pouvait pas puiser à cette source très pure
de la foi chrétienne l'intelligence exacte de la vérité, puisque son
propre aveuglement avait enténébré pour lui la splendeur de la
claire vérité, il aurait dû se soumettre à la doctrine de l'Ãvangile.
Matthieu dit : « Livre de la généalogie de Jésus-Christ, fils de David,
fils d'Abraham » [Mt 1, 1]. Il aurait dû demander aussi à la prédi-
cation de l'Apôtre de l'instruire, et il aurait lu dans l'épître aux
Romains : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l'apostolat, mis
à part pour l'Ãvangile de Dieu, qu'il avait promis autrefois par ses
prophètes dans les saintes Ãcritures, touchant son Fils, qui lui est
né selon la chair de la race de David » [Rm 1, 1-4]. Il aurait tourné
sa pieuse sollicitude vers les pages des prophètes, et il aurait trouvé
la promesse de Dieu disant à Abraham : « Dans ta race seront bénies
toutes les nations » [Gn 12, 3]. Et pour ne pas douter du caractère
propre de cette race, il aurait suivi l'Apôtre qui dit : « Les promesses
ont été faites à Abraham et à sa race. Il ne dit pas : et à ses descen-
dants, comme s'il y en avait plusieurs, mais comme à un seul :
et à ta race, c'est le Christ» [Gai 3, 16-17]. Il aurait aussi compris
par l'oreille du cÅur la prophétie d'Isaïe qui dit : « Voici qu'une
vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel, ce
qui se comprend : Dieu avec nous » [Is 7, 14]. Et il aurait lu avec
foi les paroles du même prophète : « Un enfant nous est né et un
fils nous a été donné ; la puissance est sur ses épaules, et on
218 TEXTES
l'appellera Ange du grand conseil, Dieu fort, Père de la paix, Père
du siècle futur» [Is 9, 6]. Et il n'aurait pas parlé à la légère en
disant que le Verbe s'est fait chair en ce sens que le Verbe né du
sein de la vierge aurait la forme d'un homme, et non la vérité du
corps de sa mère. Peut-être a-t-il pensé que Notre-Seigneur Jésus-
Christ n'est pas de la même nature que nous parce que l'ange
envoyé à la bienheureuse Marie lui dit : « L'Esprit-Saint viendra sur
toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c'est pour-
quoi le saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu » [Le 1, 35].
Comme si, puisque la conception virginale était l'Åuvre de Dieu,
la chair de l'enfant conçu n'était pas prise de la nature de celle
qui le concevait. Mais il ne faut pas entendre cette génération
singulièrement admirable et admirablement singulière comme si la
nouveauté de cette création avait supprimé le caractère propre de
la race (humaine). Car le Saint-Esprit a donné la fécondité à la
vierge, mais la vérité du corps a été prise du corps, et, « la Sagesse
se bâtissant une maison » [Prov 9, 1], « le Verbe s'est fait chair et
a habité parmi nous » [Jn 1, 14], c'est-à -dire dans cette chair qu'il
a prise de l'homme et qu'a animée un souffle de vie raisonnable.
3. Les propriétés de chacune des deux natures étant donc sauves,
et se réunissant en une seule personne, la majesté a assumé l'humi-
lité, la force la faiblesse, l'éternité la mortalité, et pour payer la
dette de notre condition, la nature inviolable s'est unie à la nature
passible, afin que, comme il convenait pour nous guérir, le même et
unique médiateur de Dieu et des hommes, l'homme Jésus-Christ,
d'une part pût mourir, et de l'autre part ne pût pas mourir. C'est
donc dans une nature parfaite et intègre d'homme véritable qu'est
né le vrai Dieu, tout entier dans ce qui est sien, tout entier dans
ce qui est nôtre. Nous disons nôtre ce que le Créateur a mis en
nous dès le commencement, et qu'il a assumé pour le restaurer.
Car ce que le Séducteur a mis en nous et que l'homme séduit a reçu,
n'a laissé aucune trace dans le Sauveur, et ce n'est pas parce qu'il
a souffert la communion des faiblesses humaines, qu'il a participé
à nos fautes. Il a assumé la forme de l'esclave sans la souillure du
péché, enrichissant l'humanité, sans diminuer la divinité. Car l'anéan-
tissement par lequel l'invisible s'est fait visible et par lequel le
Créateur et Seigneur de toutes choses voulut être un des mortels,
fut condescendance de la miséricorde, et non pas éclipse de sa
puissance.
Ainsi celui qui existant en forme de Dieu a fait l'homme, s'est
fait homme en forme d'esclave. Chaque nature en effet tient sans
défaut ce qui lui est propre, et comme la forme de Dieu ne supprime
LEON A FLAVIEN 219
pas la forme d'esclave, la forme d'esclave ne diminue pas la forme
de Dieu. Le diable se glorifiait de ce que l'homme, trompé par
sa fraude, fût privé des biens divins, et, dépouillé du don d'immor-
talité, fût soumis à la dure sentence de la mort, et de ce que lui-
même en ses maux, eût trouvé quelque consolation en un compagnon
de prévarication, et de ce que Dieu, comme l'exigeait la justice,
eût changé sa propre sentence envers l'homme qu'il avait créé dans
une si grande dignité. Il fallait donc l'économie du dessein secret de
Dieu : que le Dieu immuable, dont la volonté ne peut être privée
de sa bonté, achevât par un mystère plus caché la première dispo-
sition de sa miséricorde, et que l'homme, poussé à la faute par la
ruse de l'iniquité du diable, ne pérît pas contre le dessein de Dieu.
4. Le Fils de Dieu entre donc dans ce bas monde, descendant
de son trône céleste sans abandonner la gloire de son Père, engendré
dans un nouvel ordre, par une nouvelle naissance. Nouvel ordre,
parce qu'invisible en ce qui lui est propre, il s'est fait visible en
ce qui est nôtre ; incompréhensible, il a voulu être compris ; subsis-
tant avant les temps, il a commencé d'être dans le temps ; Seigneur
de l'univers, il a pris la forme d'esclave, voilant d'ombre l'immen-
sité de sa majesté. Dieu impassible, il n'a pas dédaigné d'être homme
passible, et, immortel, de se soumettre aux lois de la mort. Mais
aussi, engendré par une nouvelle naissance, parce que la virginité
inviolée, ignorant le désir, a fourni la matière de sa chair ; de
la mère du Seigneur, il a assumé la nature, et non pas la faute ; et
dans le Seigneur Jésus-Christ, né du sein de la vierge, la merveille
de la naissance ne fait pas une dissemblance de nature. Celui qui
est vrai Dieu est aussi, le même, vrai homme, et il n'y a aucun
mensonge en cette unité, où se réunissent l'humilité de l'homme et
la sublimité de la divinité. De même que Dieu n'est pas changé du
fait de sa miséricorde, l'homme n'est pas consumé par la dignité
divine. Chaque nature fait en communion avec l'autre ce qui lui est
propre, le Verbe opérant ce qui est du Verbe, et la chair exécutant
ce qui est de la chair. L'un brille par l'éclat de ses miracles, l'autre
succombe aux injures. Et de même que le Verbe ne s'éloigne pas de
l'égalité avec la gloire de son Père, la chair non plus n'abandonne
pas la nature de notre race. C'est en effet un seul et le même qui
est vraiment Fils de Dieu et vraiment fils de l'homme : Dieu, parce
qu' « au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de
Dieu et le Verbe était Dieu » [Jn 1, 1] ; homme, parce que « le
Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous » [ib., 14]. Dieu, parce
que « tout a été fait par lui et sans lui rien n'a été fait » [ib., 3] ;
homme, parce que « il a été fait de la femme, fait sous la loi »
220 TEXTES
[Gai 4, 4]. La naissance de la chair est la manifestation de la nature
humaine, l'enfantement virginal est l'indice de la puissance divine.
L'enfance du tout petit se montre dans l'humilité du berceau, la
grandeur du Très-Haut est proclamée par la voix des anges. Il
ressemble aux commencements des hommes, celui qu'Hérode avec
impiété médite de tuer, mais c'est le Seigneur de toutes choses,
celui que les mages se réjouissent d'adorer en suppliants. Déjà quand
il vint se faire baptiser par Jean son précurseur, pour ne pas laisser
cachée la divinité que couvrait le voile de la chair, la voix du
Père, retentissant du haut du ciel, disait : « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé, en qui je me suis complu» [Mt 3, 17]. Ainsi celui que
l'astuce du diable tente comme homme, les anges lui apportent leurs
services comme à un Dieu. Avoir faim, avoir soif, être fatigué et
dormir, est évidemment de l'homme ; mais avec cinq pains nourrir
cinq mille hommes, donner à la Samaritaine l'eau vive qui permet
à celui qui en boit de n'avoir plus jamais soif, marcher sur le dos
de la mer sans que les pieds ne s'enfoncent, réprimander la tempête
et rabattre l'orgueil de la mer, sans aucun doute, cela est de Dieu.
Passons encore beaucoup de choses ; mais de même qu'il n'appartient
pas à la même nature de pleurer par un sentiment de compassion
un ami mort, et, une fois écartée la pierre qui ferme depuis quatre
jours son tombeau, de réveiller au commandement de la voix cet ami
rendu à la vie ; de pendre au bois, et de changer la lumière en nuit
et faire trembler tous les éléments ; d'être percé de clous et d'ouvrir
à la foi du larron les portes du paradis ; de même aussi il n'appar-
tient pas à la même nature de dire : « Le Père et moi nous sommes
un » [Jn 10, 30], et : « Le Père est plus grand que moi » [ib. 14, 28].
En effet, quoique dans le Seigneur Jésus il n'y ait qu'une
seule personne de Dieu et de l'homme, autre pourtant est le principe
par où il subit l'outrage commun à Dieu et à l'homme, autre le
principe de la gloire commune à Dieu et à l'homme. De nous en
effet il tient l'humanité, inférieure au Père ; du Père la divinité,
égale au Père.
5. En raison donc de cette unité de personne qu'il faut com-
prendre dans les deux natures, on lit que le Fils de l'homme est
descendu du ciel, alors que le Fils de Dieu a assumé une chair de
la vierge dont il est né ; et d'autre part on dit que le Fils de Dieu
a été crucifié et a été enseveli, alors qu'il a souffert cela non
dans la divinité selon laquelle il est le Fils unique coétemel et
consubstantiel au Père, mais dans l'infirmité de la nature humaine.
C'est pourquoi nous confessons tous dans le Symbole que le Fils de
Dieu a été crucifié et enseveli, selon le mot de l'Apôtre : « S'ils
LÃON A FLAVIEN 221
avaient su, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire »
[I Cor 2, 8]. Et lorsque notre Seigneur et Sauveur lui-même
instruisait la foi de ses disciples en les interrogeant : « Qui les
hommes disent-ils que je suis, moi le fils de l'homme ? », ils lui
rapportèrent les diverses opinions des autres. « Mais vous, dit-il,
qui dites-vous que je suis ? », moi, qui suis le fils de l'homme et
que vous voyez en forme d'esclave et dans la vérité de la chair, qui
dites-vous que je suis ? alors le bienheureux Pierre, divinement
inspiré, et pour être utile à toutes les nations par sa confession, lui
dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » [Mt 16, 12-16]. Et
ce n'est pas sans raison qu'il fut proclamé bienheureux par le
Seigneur, et que de la Pierre principale il tira la solidité de son
pouvoir et de son nom, lui qui, par révélation du Père, a confessé
que le même est Fils de Dieu et Christ. Car recevoir l'un des deux
sans l'autre ne pouvait servir à notre salut, et il y avait un égal
péril à croire que le Seigneur Jésus-Christ était seulement Dieu sans
être homme, ou seulement homme sans être Dieu.
De plus, après la résurrection du Seigneur, â qui fut certes
celle d'un corps véritable, car le ressuscité n'est pas autre que celui
qui avait été crucifié et enseveli, â que fit-il d'autre pendant ce
délai de quarante jours, que de purifier de toute obscurité l'intégrité
de notre foi ? Parlant en effet avec ses disciples, habitant et man-
geant avec eux, se laissant palper et toucher par la curiosité appli-
quée de ceux que le doute étreignait, il entrait, portes closes, auprès
de ses disciples, et en soufflant sur eux, il leur donnait l'Esprit-Saint ;
leur donnant la lumière de l'intelligence, il leur ouvrait les secrets
des saintes Ãcritures. Et de nouveau, lui encore, il leur montrait la
blessure de son côté, les trous des clous et toutes les marques de
sa passion toute récente, en leur disant : « Voyez mes mains et mes
pieds, c'est moi, touchez et voyez : un esprit n'a pas une chair et
des os comme vous voyez que j'en ai» [Le 24, 39], pour que l'on
reconnût que les propriétés de la nature divine et de la nature
humaine demeuraient indivises en lui, et que nous comprenions que
le Verbe n'est pas ce qu'est la chair, tout en confessant que l'unique
Fils de Dieu est Verbe et chair.
De ce mystère de la foi Eutychès, il faut le croire, est resté
complètement éloigné : dans le Fils unique de Dieu il n'a pas
reconnu notre nature, ni dans l'humilité de la mortalité ni dans la
gloire de la résurrection ; il n'a pas craint la sentence du bienheureux
apôtre et évangéliste Jean qui dit : « Tout esprit qui confesse que
Jésus-Christ est venu dans la chair est Dieu ; et tout esprit qui divise
Jésus n'est pas de Dieu, et c'est lui l'antichrist » [I Jn 4, 2-3]. Or
222 TEXTES
qu'est-ce que diviser Jésus, sinon séparer de lui la nature humaine,
et évacuer par de très impudentes fictions le mystère par lequel
seul nous sommes sauvés ? Quant à celui qui s'aveugle sur la nature
du corps du Christ, il doit nécessairement déraisonner avec le même
aveuglement au sujet de sa passion. S'il ne pense pas que la croix
du Seigneur est fausse, et s'il ne doute pas que le supplice qu'il a
enduré pour le salut du monde soit vrai, qu'il reconnaisse aussi la
chair de celui dont il croit la mort, et qu'il ne refuse pas de croire
que c'était un homme avec un corps comme le nôtre, celui qu'il
reconnaît avoir été passible, puisque nier qu'il ait eu une chair
véritable c'est nier aussi qu'il ait souffert en son corps.
Si donc il accepte la foi chrétienne et ne détourne pas son oreille
de la prédication de l'Ãvangile, qu'il voie quelle est la nature qui
a été percée de clous et pendue au bois de la croix, et, quand le
côté du Crucifié a été ouvert par la lance du soldat, qu'il comprenne
d'où ont coulé le sang et l'eau qui devaient arroser l'Ãglise par le
bain (du baptême) et par la boisson (de l'eucharistie). Qu'il écoute
le bienheureux apôtre Pierre prêchant que la sanctification de l'esprit
se fait par l'aspersion du sang du Christ, et qu'il ne lise pas en
passant les paroles du même apôtre : « Sachez que ce n'est par des
biens périssables, de l'argent ou de l'or, que vous avez été rachetés
de la vaine manière de vivre reçue de vos pères, mais par le sang
précieux de l'agneau sans défaut et sans tache, Jésus-Christ »
[I P 1, 19]. Qu'il ne résiste pas non plus au témoignage du bien-
heureux apôtre Jean : « Le sang de Jésus, Fils de Dieu, nous purifie
de tout péché » [I Jn 1, 7]. Et encore : « La victoire qui a vaincu
le monde, c'est notre foi. Qui est vainqueur du monde, sinon celui
qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C'est lui qui est venu par
l'eau et le sang, Jésus-Christ, non par l'eau seulement, mais par
l'eau et le sang, et c'est l'Esprit qui témoigne, car l'Esprit est vérité.
Car ils sont trois qui rendent témoignage, l'esprit, l'eau et le sang,
et ces trois ne sont qu'un » [ib. 5, 4-8] : c'est-à -dire l'esprit de
sanctification, le sang de la rédemption et l'eau du baptême, car
ces trois sont un et demeurent indivisés, et nul n'est séparé des
autres. Car l'Ãglise catholique vit de cette foi, grandit en elle, que
dans le Christ Jésus il n'y a pas d'humanité sans vraie divinité, ni
de divinité sans vraie humanité.
6. Examiné et interrogé par vous, Eutychès a répondu : « Je
confesse que Notre-Seigneur a été de deux natures avant l'union,
mais après l'union je confesse une seule nature ». Je m'étonne qu'au-
cun des juges n'ait repris ni blâmé une profession aussi absurde et
aussi perverse, et qu'on ait laissé passer un discours aussi insensé,
LEON A FLAVIEN 223
comme si on n'avait entendu rien de choquant, alors qu'il est aussi
impie de dire que le Fils unique de Dieu est de deux natures avant
l'incarnation qu'il est néfaste d'affirmer en lui une nature unique
après que le Verbe s'est fait chair.
Afin qu'Eutychès ne croie pas avoir dit là une chose correcte ou
tolérable, puisqu'elle n'a été réfutée par aucune condamnation de
votre part, nous avertissons Votre Dilection diligente, frère très cher,
afin que si par l'inspiration de la miséricorde de Dieu, il en vient Ã
donner satisfaction, vous guérissiez cet homme imprudent et in-
capable de la peste de cette pensée. Comme le montrent les actes
synodaux, il a lui-même commencé à renoncer à ses sentiments,
lorsque pressé par votre condamnation il a affirmé qu'il disait ce
qu'il n'avait pas dit auparavant, et qu'il acquiesçait à la foi à laquelle
d'abord il était étranger. Mais quand il refusa de consentir Ã
anathématiser son dogme impie, votre fraternité a compris qu'il
persistait dans son erreur contre la foi, et qu'il méritait un jugement
de condamnation. S'il en éprouve une douleur sincère et bienfaisante,
et s'il reconnaît même tardivement combien l'autorité épiscopale a
eu raison de s'émouvoir, s'il condamne ses erreurs de vive voix et
en signant la présente lettre, la miséricorde ne sera pas répréhen-
sible, si grande soit-elle, envers un homme qui s'est amendé : car
Notre-Seigneur, le vrai et bon pasteur, qui a donné sa vie pour ses
brebis, et qui est venu sauver les âmes des hommes et non les
perdre, veut que nous soyons les imitateurs de sa bonté : que la
justice réprime les pécheurs, mais que la miséricorde ne repousse
pas ceux qui se sont convertis. C'est alors précisément que la vraie
foi est défendue de la façon la plus fructueuse, quand une opinion
fausse est condamnée par ceux-là mêmes qui la soutenaient.
Pour suivre pieusement et fidèlement toute l'affaire, nous avons
envoyé à notre place nos frères l'évêque Jules et le prêtre René, et
mon fils le diacre Hilaire, auxquels nous avons joint notre notaire
Dulcitius, dont la fidélité est éprouvée. Nous avons confiance dans
l'aide du secours divin, pour que celui qui avait erré condamne la
malice de ses pensées et soit sauvé.
Que Dieu te garde en bonne santé, frère très cher.
Donné les ides de juin, sous le consulat des clarissimes Asturius
et Protogène.
224 TEXTES
IX
DÃFINITION DOGMATIQUE DE CHALCÃDOINE
Le saint et grand concile Åcuménique, réuni par la grâce de
Dieu et l'ordre des très pieux et très chrétiens empereurs Valentinien
et Marcien Augustes, à Chalcédoine, métropole de l'éparchie de
Bithynie, dans le martyrium de la sainte et victorieuse martyre
Euphémie, a défini ce qui suit :
Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, affermissant en ses dis-
ciples la connaissance de la foi, leur a dit : « Je vous donne ma
paix, je vous laisse ma paix» [Jn 14, 27], pour que nul ne diffère
de son prochain dans les dogmes de la piété, mais que soit mani-
festement identique la prédication de la vérité. Mais puisque le
Malin ne cesse de faire croître l'ivraie parmi les semences de la
piété, et qu'il trouve toujours quelque nouveauté contraire à la
vérité, le Maître, dans sa prévoyance pour le genre humain, a
suscité le zèle de cet empereur pieux et très croyant, et de partout
a appelé à lui les chefs du sacerdoce, pour qu'avec l'aide de la
grâce du Christ ils écartent des brebis du Christ la peste des men-
songes, et les nourrissent des plantes de la vérité.
C'est ce que nous avons fait, en repoussant d'un vote unanime
les dogmes de l'erreur, et en renouvelant la foi infaillible des Pères,
en prêchant à tous le symbole des trois-cent-dix-huit Pères,
et en accueillant comme nôtres les Pères qui ont reçu ce symbole
de la foi, c'est-à -dire les cent cinquante qui s'étaient réunis dans la
grande Constantinople, et qui avaient souscrit à la même foi. Nous
gardons donc nous aussi l'ordonnance et toutes les formules de foi
du saint synode qui s'est tenu jadis à Ãphèse, sous l'autorité de
Célestin de Rome et de Cyrille d'Alexandrie, tous deux de sainte
mémoire, et nous décidons de faire briller l'exposé de la foi ortho-
doxe et irréprochable des trois-cent-dix-huit saints et bienheureux
Pères réunis à Nicée sous l'empereur Constantin de pieuse mémoire,
et de maintenir ce qui a été défini à Constantinople par les cent
cinquante saints Pères, pour supprimer les erreurs qui s'étaient
élevées alors, et pour affermir la même foi catholique et apostolique
qui est la nôtre.
ACO II, i, 2, 126-130, la fin du texte dans FC 313.
DEFINITION DE CHALCEDOINE 225
LE SYMBOLE DES TROIS CENT DIX-HUIT PERES DE NICÃE
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de
toutes choses, visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-
Christ, le Fils de Dieu, unique engendré du Père, c'est-à -dire de
l'essence du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière *, vrai Dieu
de vrai Dieu, engendré, non point fait, consubstantiel au Père, par
qui tout a été fait, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre,
qui pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu et s'est
incarné et s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième
jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts.
Et au Saint-Esprit.
Quant à ceux qui disent : « Il fut un temps où il n'était pas, et
avant d'être engendré il n'était pas », et « il a été tiré du néant »,
ou qui prétendent que le Fils de Dieu est d'une autre hypostase ou
essence, ou qu'il est créé, ou changeant, ou variable, ceux-lÃ
l'Ãglise catholique et apostolique les frappe d'anathème.
ET LE MÃME DES CENT CINQUANTE PERES
RÃUNIS A CONSTANTINOPLE
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du
ciel et de la terre, de toutes choses, visibles et invisibles ; et en
un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du
Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai
Dieu, engendré, non point fait, consubstantiel au Père, par qui tout
a été fait, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu
des cieux, et s'est incamé de l'Esprit-Saint et de la Vierge Marie
et s'est fait homme, a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate et
a été enseveli, et est ressuscité le troisième jour selon les Ãcritures
et est monté aux cieux et est assis à la droite du Père, et viendra
dans la gloire juger les vivants et les morts ; son royaume n'aura
pas de fin.
* Au lieu des mots « engendré ... lumière de lumière », les deux ma-
nuscrits qu'a suivis Ed. Schwartz portent seulement « engendré du Père
avant tous les siècles » (ACO VI, i, 3, 127). Nous reproduisons ici le
texte donné par les autres manuscrits et les versions anciennes, qui pa-
raît bien être le texte original de la foi de Nicée. Sur cette question,
voir en dernier lieu I. Ortiz de Urbina, Il Simbolo Niceno, Madrid 1947.
226 TEXTES
Et à l'Esprit Saint, Seigneur et vivifiant, qui procède du Père,
qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les
prophètes. Et en une Ãglise sainte, catholique et apostolique. Nous
confessons un seul baptême pour la rémission des péchés. Nous
attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen.
Ce sage et salutaire symbole suffisait par la grâce de Dieu Ã
faire connaître parfaitement et à affermir la vraie foi : il donne en
effet un enseignement parfait sur le Père, le Fils et le Saint-Esprit,
et à ceux qui le reçoivent avec foi il présente l'incarnation du
Seigneur. Mais puisque ceux qui entreprennent de ruiner l'enseigne-
ment de la vérité ont, par leurs hérésies particulières, mis au jour
des doctrines vaines, les uns osant défigurer le mystère de l'incar-
nation (économie) du Seigneur pour nous, et refusant à la Vierge
le nom de Theotokos, â les autres introduisant mélange et confu-
sion, imaginant follement que la chair et la divinité ne sont qu'une
seule nature, et supposant monstrueusement qu'à cause de ce mé-
lange, la nature divine du Fils unique est capable de souffrir, â
pour cela, voulant fermer la porte à toutes leurs machinations contre
la vérité, le saint et grand Concile Åcuménique ici présent, en-
seignant la doctrine inébranlable prêchée depuis le commencement,
a décidé avant tout que la foi des trois-cent-dix-huit Pères doit rester
en dehors de toute atteinte. Et il confirme aussi l'enseignement
donné plus tard sur l'essence de l'Esprit par les cent cinquante
Pères réunis dans la ville impériale à cause des Pneumotomaques :
ils faisaient connaître à tous qu'ils ne voulaient rien ajouter à l'en-
seignement de leurs prédécesseurs, comme s'il y manquait quelque
chose, mais ils exposaient clairement leur pensée sur l'Esprit-Saint,
par les témoignages de rEcriture, contre ceux qui tentaient de
rejeter sa Seigneurie.
Mais à cause de ceux qui entreprennent de défigurer le mystère
de l'économie, et qui ont la sottise impudente de prétendre que
celui qui est né de la Vierge Marie n'est qu'un homme, le concile
a reçu les lettres synodiques à Nestorius et aux Orientaux du bien-
heureux Cyrille, qui fut pasteur de l'Ãglise d'Alexandrie, comme
étant propres à réfuter les insanités de Nestorius et à expliquer le
sens du symbole salutaire à ceux dont le zèle pieux désire le con-
naître. II y a joint aussi la lettre du très bienheureux et très saint
archevêque Léon, prélat de la très grande et ancienne Rome,
adressée à l'archevêque Flavien de sainte mémoire, pour réfuter
l'erreur d'Eutychès ; elle est en effet conforme à l'enseignement
du grand Pierre, et elle est une colonne contre les hétérodoxes,
DEFINITION DE CHALCÃDOINE 227
et elle est parfaitement adaptée à la confirmation des dogmes
orthodoxes.
Le concile s'oppose à ceux qui entreprennent de diviser le mystère
de l'économie en une dualité de fils, il exclut de l'assemblée des
prêtres ceux qui osent dire passible la divinité du Fils unique, il
résiste à ceux qui imaginent une confusion ou un mélange des deux
natures du Christ, il repousse ceux qui ont la folie de penser que
la forme d'esclave que le Christ nous a empruntée est de nature
céleste ou de quelque substance autre que la nôtre, il anathématise
ceux qui forgent ce mythe de deux natures avant l'union et d'une
seule nature après l'union.
Suivant donc les Saints Pères, nous enseignons tous d'une seule
voix un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même
parfait en divinité, le même parfait en humanité, le même Dieu
vraiment et homme vraiment, (fait) d'une âme raisonnable et d'un
corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel Ã
nous selon l'humanité, semblable à nous en tout hors le péché,
engendré du Père avant les siècles quant à sa divinité, mais aux
derniers jours, pour nous et pour notre salut, (engendré) de Marie
la Vierge la Theotokos quant à son humanité, un seul et même
Christ, Fils, Seigneur, Fils unique, que nous reconnaissons être en
deux natures *, sans confusion ni changement, sans division ni sépa-
ration ; la différence des natures n'est nullement supprimée par
l'union, mais au contraire les propriétés de chacune des deux natures
restent sauves, et se rencontrent en une seule personne (prosôpon)
ou hypostase ; (nous confessons) non pas (un fils) partagé ou divisé
en deux personnes, mais un seul et même Fils, Fils unique, Dieu,
Verbe, Seigneur, Jésus-Christ, comme autrefois les prophètes l'ont
dit de lui, comme le Seigneur Jésus-Christ lui-même nous en a
instruits, et comme le Symbole des Pères nous l'a transmis.
Tout ceci ayant été fixé et formulé par nous avec toutes les
* Les anciennes éditions des Conciles (Labbe-Cossart, Hardouin, Mansi)
portaient ek duo phuseôn, « de deux natures ». Cette leçon n'est attestée
que par deux manuscrits grecs. L'autre leçon, en duo phusesin, « en deux
natures », retenue par Schwartz, est celle du meilleur manuscrit grec (M),
suivi par une dizaine d'autres, et de l'ancienne version latine (in duabus
naturis). Elle est appuyée par les témoignages anciens, Euthyme de Pales-
tine, Sévère d'Antioche, Evagre le Scholastique, l'auteur du De Sertis,
etc. Son authenticité ne fait pas de doute. Elle est d'ailleurs confirmée
par tout le contexte des discussions de Chalcédoine (ci-dessus, 133) : « de
deux natures » pouvait s'entendre dans un sens eutychien ; au contraire,
« en deux natures » fait écho à la doctrine de S. Léon, et exclut toute
équivoque. Voir I. Obtiz de Urbina, Chalkedon, I, 391, n. 4.
228 TEXTES
précisions et l'attention possible, le saint et oecuménique Synode
a décidé qu'il n'est permis à personne de professer, de rédiger, de
composer une autre formule de foi, ou de l'enseigner à d'autres.
Quant à ceux qui oseraient composer une autre foi, ou proposer,
enseigner ou transmettre un autre symbole à ceux qui désirent se
convertir de l'hellénisme, du judaïsme ou d'une hérésie quelconque
à la connaissance de la vérité, ceux-là , s'ils sont évêques ou clercs,
ils sont exclus, les évêques de l'épiscopat, les clercs de la clérica-
ture ; s'ils sont moines ou laïcs, ils sont anathèmes.
X
CANONS DE CHALCÃDOINE *
1. Nous avons décidé que les canons décrétés jusqu'à présent
par les Saints Pères dans chaque synode, doivent garder force de
loi.
2. Si un évêque fait une ordination pour de l'argent, s'il vend
la grâce qui ne doit pas être vendue, et s'il ordonne un évêque ou
un chorévêque ou un prêtre ou un diacre ou un clerc quelconque,
ou si par un bas sentiment d'avarice il installe pour de l'argent
un économe, un avoué, un mansionaire, ou un serviteur quelconque
de l'Ãglise, il s'expose, si la chose est prouvée, à perdre sa propre
place ; quant à celui qui a été ordonné de cette manière, l'ordi-
nation ou la place qu'il a achetée ne lui servira de rien, car il
perdra la dignité ou la situation acquise ainsi à prix d'argent. Si
quelqu'un s'est entremis pour ce commerce honteux et illicite, il
devra, s'il est clerc, perdre sa place, s'il est laïque ou moine, il sera
frappé d'anathème.
3. Il est venu à la connaissance du saint concile que quelques
membres du clergé, par un bas sentiment d'avarice, louent des biens
étrangers, et se chargent d'affaires temporelles, et méprisant le
* Le texte dans ACO II, i, 2, 158-163. â Traduction d'après H. Le-
clercq, dans Hefele-Leclercq, Histoire des Conciles, II B, 770-818. â
Nous ne donnons pas le texte du « 28e Canon », qui n'a pas été retenu
dans les anciennes collections conciliaires ; on a pu le lire ci-dessus, 162.
CANONS DE CHALCÃDOINE 229
service de Dieu, fréquentent les maisons des séculiers, et par amour
de l'argent, se chargent de la gestion de biens. Aussi le saint et
grand concile a-t-il décidé qu'à l'avenir aucun évêque ou clerc ou
moine ne devait louer des biens ou se mêler d'affaires ou entre-
prendre l'administration de biens séculiers ; excepté le cas où on
se trouve obligé par la loi d'accepter la tutelle de mineurs, ou
bien lorsque l'évêque de la ville, pour l'amour de Dieu, charge
quelqu'un du soin des affaires des orphelins ou des veuves sans
défense, ou des personnes qui ont plus particulièrement besoin des
secours de l'Ãglise. Si à l'avenir quelqu'un transgresse cette ordon-
nance, il doit être soumis aux peines ecclésiastiques.
4. Ceux qui mènent vraiment et sincèrement la vie monastique
doivent être estimés comme il convient. Mais comme certains pren-
nent prétexte de leur état monastique pour troubler les affaires de
l'Ãglise et de l'Ãtat, circulent indiscrètement dans les villes, et
prétendent même se bâtir pour eux seuls des monastères, le concile
a décidé que personne ne pourrait nulle part construire ou installer
un monastère ou une maison de prière sans l'assentiment de l'évêque
de la ville ; en outre que les moines de chaque ville et de chaque
pays soient soumis à l'évêque, qu'ils aiment le recueillement, ne
s'appliquent qu'au jeûne et à la prière, et demeurent dans les lieux
qui leur ont été fixés ; qu'ils ne s'embarrassent ni ne s'occupent
d'affaires ecclésiastiques ou séculières, en quittant leur monastère,
sauf quand l'évêque de la ville les en charge pour une affaire de
nécessité. Que dans les monastères on n'accepte aucun esclave pour
devenir moine sans l'assentiment de son maître. Quiconque trans-
gressera notre ordonnance, nous décidons qu'il sera excommunié,
afin que le nom de Dieu ne soit pas blasphémé. Et que l'évêque
exerce la surveillance convenable sur les monastères.
5. Au sujet des évêques et des clercs qui passent d'une ville
à une autre, on a décidé que les canons qui ont été portés à leur
sujet par les saints Pères doivent garder force de loi.
6. Nul ne doit être ordonné de façon absolue ni évêque, ni
diacre, ni en général pour aucune fonction ecclésiastique, s'il n'est
assigné en particulier à une église de ville ou de village, à une
chapelle de martyr, ou à un monastère. Le saint concile a décidé
que pour ceux qui seraient ordonnés de façon absolue, cette ordi-
nation serait sans effet, et que pour la honte de celui qui les aurait
ordonnés, ils ne pourraient exercer nulle part (leurs fonctions).
7. Ceux qui ont été une fois admis dans le clergé ou qui se sont
faits moines, ne doivent pas prendre le service militaire ni aucune
230 TEXTES
dignité civile ; ceux qui ont osé le faire et qui ne s'en repentent
pas, et qui ont ainsi abandonné l'état qu'ils avaient choisi pour
Dieu, doivent être anathématisés.
8. Les clercs des maisons de pauvres, des monastères et des cha-
pelles de martyrs, doivent rester sous l'autorité de l'évêque de
chaque ville, conformément à la tradition des Saints Pères, et ne
pas avoir l'arrogance de résister à leur évêque. Ceux qui oseraient
d'une manière quelconque enfreindre la présente ordonnance et
ne pas se soumettre à leur évêque, seront, s'ils sont clercs, punis
des peines canoniques, et s'ils sont moines ou laïques, ils seront
excommuniés.
9. Lorsqu'un clerc a une affaire contre un clerc, il ne doit pas
abandonner son propre évêque pour recourir aux tribunaux sécu-
liers ; mais il doit d'abord soumettre l'affaire à son propre évêque,
ou bien, avec l'assentiment de celui-ci, à ceux à qui les deux parties
veulent s'en remettre. Si quelqu'un agit contre cette prescription,
qu'il soit soumis aux peines canoniques. Si un clerc a un procès
contre son propre évêque ou avec un autre (évêque), il doit être
jugé par le concile de l'éparchie. Si un évêque ou un clerc a un
procès contre le métropolitain de son éparchie, il doit en saisir
ou l'exarque du diocèse, ou le siège de la ville impériale, Constan-
tinople, et être jugé là .
10. Il n'est pas permis à un clerc d'être inscrit à la fois dans
deux villes, c'est-à -dire dans celle pour laquelle il a été ordonné
au principe, et dans celle où il s'est ensuite rendu par esprit
d'orgueil et parce qu'elle était plus grande. Ceux qui agissent ainsi
doivent être ramenés dans l'église pour laquelle ils ont été ordonnés
au principe, et c'est là seulement qu'ils doivent exercer leurs fonc-
tions. Mais si quelqu'un a déjà été transféré d'une église dans une
autre, il ne doit plus s'occuper en rien des affaires de la première
église, ni des chapelles de martyrs ni des maisons de pauvres ou des
hospices qui dépendent de cette église. Quiconque, après le décret
de ce grand et saint concile, osera faire quelque chose de ce qui y est
défendu, le concile a décidé qu'il perdrait sa place.
11. Tous les pauvres et ceux qui ont besoin d'être secourus,
doivent, après enquête, être munis pour voyager de lettres ecclésias-
tiques ou de lettres de paix, mais non de lettres de recommandation
seulement, parce que ces dernières ne doivent être accordées qu'aux
personnes de bonne réputation.
12. Il est venu à notre connaissance que quelques uns, contraire-
CANONS DE CHALCEDOINE 231
ment aux lois de l'Ãglise, recourent aux souverains, pour faire
diviser en deux, par des pragmatiques impériales, une éparchie,
pour que dès lors il y ait deux métropolitains dans la même éparchie.
Le saint concile a donc décidé qu'à l'avenir nul évêque n'ose agir
ainsi, et celui qui entreprendrait de le faire sera démis de sa
charge. Quant aux villes qui ont déjà été honorées du titre de
métropole par des lettres impériales, elles doivent se contenter
d'un titre honorifique, comme l'évêque qui les administre, les droits
proprement dits étant réservés à la véritable métropole.
13. Les clercs et lecteurs étrangers ne doivent absolument pas
exercer leurs fonctions dans une autre ville (que la leur) sans lettres
de recommandation de leur propre évêque.
14. Comme dans quelques éparchies on a permis aux lecteurs
et aux chantres de se marier, le saint concile a décidé qu'il n'était
permis à aucun d'eux de prendre une femme hérétique ; ceux qui
ont déjà eu des enfants d'un pareil mariage, s'ils ont déjà fait
baptiser ces enfants par les hérétiques, doivent les faire admettre
à la communion de l'Ãglise catholique. Si ces enfants ne sont pas
baptisés, ils ne doivent pas les faire baptiser chez les hérétiques ;
ils ne doivent pas non plus les donner en mariage à un hérétique, Ã
un juif ou à un grec (païen), à moins que la personne qui s'unit
à la partie orthodoxe ne promette de passer à la foi catholique. Si
quelqu'un transgresse cette ordonnance du saint concile, il sera
frappé des peines canoniques.
15. On ne doit pas ordonner une diaconesse avant quarante ans,
et cela après une enquête soigneuse. Si après avoir reçu l'ordination
et avoir exercé ses fonctions durant quelque temps, elle méprise la
grâce de Dieu et se marie, qu'elle soit anathème, elle et celui qui
s'est uni à elle.
16. Une vierge qui s'est consacrée au Seigneur Dieu, et de même
un moine, il ne leur est pas permis de se marier. S'ils le font, qu'ils
soient excommuniés. Mais nous décidons que l'évêque du lieu a
pouvoir pour exercer la miséricorde à leur égard.
17. Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une
Ãglise doivent rester sans discussion aux évêques qui les possèdent,
surtout s'ils les ont administrées sans contexte depuis trente ans.
Si pendant ces trente ans il s'est élevé ou s'il s'élève un différend,
ceux qui se disent lésés peuvent porter l'affaire devant le concile
de l'éparchie. Si quelqu'un a été lésé par son propre métropolitain,
qu'il recoure à l'éparque du diocèse, ou au siège de Constantinople,
comme il a été dit plus haut. Si une ville a été fondée ou est fondée
232 TEXTES
par autorité impériale, la distribution des paroisses ecclésiastiques
doit suivre les divisions politiques et publiques.
18. Les conjurations ou phratries sont interdites par la loi civile ;
à plus forte raison il convient de les interdire dans l'Ãglise de Dieu.
Si donc il est prouvé que des clercs ou des moines se sont unis par
serment dans des associations de ce genre, ou ont machiné des
intrigues contre leurs évêques ou contre leurs collègues dans le
clergé, ils doivent être démis de leur charge.
19. Il est venu à nos oreilles que dans les éparchies les synodes
des évêques prévus par les canons ne se réunissent pas, et que pour
cela beaucoup d'affaires ecclésiastiques qui ont besoin de réformes
sont négligées. Aussi le saint concile a-t-il décidé que, selon les
canons des saints Pères, les évêques de chaque éparchie se réuniront
deux fois par an, là où l'évêque de la métropole le trouvera bon,
et réformeront toutes les affaires qui le demandent. Les évêques qui
ne s'y rendront pas, quoique se trouvant dans leur ville et étant en
bonne santé, et libres de tout empêchement urgent et nécessaire,
seront repris fraternellement.
20. Ainsi que nous l'avons décidé plus haut, les clercs qui rem-
plissent une fonction dans une Ãglise ne doivent pas être transférés
dans l'Ãglise d'une autre ville, mais doivent rester attachés à celle
au service de laquelle ils ont été affectés au commencement, Ã
l'exception de ceux qui ayant quitté leur patrie, ont dû par néces-
sité passer dans une autre Ãglise. Si après cette décision un évêque
reçoit un clerc attaché à un autre évêque, celui qui reçoit et celui
qui est reçu doivent être excommuniés, jusqu'à ce que le clerc ainsi
déplacé soit retourné à sa propre Ãglise.
21. Les clercs ou les laïques qui portent plainte contre des
évêques ou des clercs ne doivent pas être admis purement et simple-
ment et sans enquête à porter cette plainte ; on doit auparavant
examiner leur réputation.
22. Il n'est pas permis aux clercs, après la mort de leur évêque,
de s'emparer des biens qui lui appartenaient personnellement, comme
cela a déjà été défendu par les anciens canons. Ceux qui agissent
ainsi risquent de perdre leur place.
23. Il est venu aux oreilles du saint concile que quelques clercs
ou moines, sans mission de leur évêque, parfois même excommuniés
par lui, se rendent à la ville impériale de Constantinople pour y faire
un long séjour, provoquant des troubles, mettant le désordre dans
les affaires de l'Eglise, et bouleversant les maisons de quelques uns.
CANONS DE CHALCÃDOINE 233
Aussi le saint concile a-t-il décidé que ces gens-là devaient d'abord
être avertis par le syndic de la très sainte Eglise de Constantinople
d'avoir à quitter la ville impériale ; s'ils n'ont pas honte d'y rester
dans les mêmes conditions, le syndic devra les expulser, même
malgré eux, et leur faire regagner leur pays.
24. Les monastères une fois consacrés avec l'autorisation de
l'évêque doivent rester toujours monastères, et les biens qui leur
appartiennent doivent être gardés au monastère ; ils ne peuvent
plus devenir des habitations séculières. Quiconque permettrait qu'ils
le deviennent, serait soumis aux peines canoniques.
25. Puisque certains métropolitains, comme nous l'avons appris,
négligent le troupeau qui leur a été confié, et diffèrent les ordi-
nations d'évêques, le saint concile a décidé que les ordinations
d'évêques doivent se faire dans les trois mois, à moins qu'une
nécessité absolue n'oblige à prolonger ce délai. Si le métropolitain
n'agit pas ainsi, qu'il soit soumis aux peines ecclésiastiques. Les
revenus de l'Ãglise veuve (de son pasteur) doivent être conservés
intégralement par l'économe de cette Ãglise.
26. Puisque dans certaines Ãglises, comme nous l'avons appris,
les évêques administrent sans aucun économe les biens ecclésias-
tiques, nous décidons que toute Ãglise qui a un évêque doit avoir
aussi un économe pris dans son clergé, pour administrer les biens
de l'Ãglise selon l'avis de son propre évêque. Ainsi l'administration
de l'Ãglise ne sera pas sans contrôle, les biens de l'Ãglise ne seront
pas dissipés, et le sacerdoce sera à l'abri de tout reproche. Si l'évêque
n'agit pas ainsi, il sera soumis aux divins canons.
27. Ceux qui ravissent des femmes, même sous prétexte de ma-
riage, ceux qui aident ou approuvent ces ravisseurs, le saint synode
a décidé que, s'ils sont clercs, ils perdront leur place ; s'ils sont laïcs,
ils seront anathématisés.
234 TEXTES
XI
LETTRE DE SAINT LÃON AU CONCILE
DE CHALCÃDOINE *
(21 mars 453)
Léon, évêque, au Saint Synode qui s'est
tenu à Chalcédoine.
Je ne doute pas que Votre Sainteté sait que j'ai accueilli de
tout cÅur les décisions du saint Synode qui s'est tenu à Chalcé-
doine pour confirmer la foi ; après m'être attristé de voir l'unité de
la foi catholique troublée par les hérétiques, aucune raison ne
m'empêchait de me réjouir vivement de la voir rétablie. Vous auriez
pu l'apprendre non seulement par le fait même de l'adhésion de
mes légats, mais aussi par la lettre qu'après le retour de ceux-ci
j'ai adressée à l'évêque de Constantinople, si celui-ci avait bien
voulu vous faire connaître la réponse du Siège Apostolique.
Mais puisqu'une interprétation malveillante met en doute que
j'approuve ce que vous avez unanimement décidé en matière de foi
au synode de Chalcédoine, j'adresse à tous mes frères et collègues
dans l'épiscopat qui ont assisté au susdit concile la lettre présente,
que, sur ma demande, le très glorieux et très clément Empereur
daignera, pour l'amour de la foi catholique, faire porter à votre
connaissance. Aussi toute Votre Fraternité et les cÅurs de tous les
fidèles apprendront que j'ai uni ma sentence à la vôtre, non seule-
ment par les frères qui ont tenu ma place, mais aussi par mon
approbation des actes synodaux. Mais cela, â il faut le redire
souvent, â seulement en matière de foi, pour laquelle le concile
général a été réuni sur l'ordre des princes chrétiens, et avec le
consentement du Siège Apostolique, afin qu'une fois condamnés
les hérétiques qui refusaient de se corriger, il ne subsistât aucun
doute sur la vérité de l'incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Par conséquent, frères très chers, si quelqu'un ose jamais sou-
tenir la perfidie de Nestorius ou défend le dogme impie d'Eutychès,
qu'il soit retranché de la communion catholique, et qu'il n'ait aucune
participation au corps dont il nie la vérité.
* Ep. 114, ci-dessus 172. PL 54, 1027-1031 ; ACO II, iv, 70-71 ; texte
grec ib. II, i, 2, 61-62.
LEON AUX PÃRES DE CHALCÃDOINE 235
Mais il faut aussi garder les statuts des saints Pères, qui ont
été fixés à Nicée par des décrets inviolables ; je rappelle donc Ã
l'attention de Votre Sainteté que les droits des Ãglises doivent
demeurer tels qu'ils ont été réglés par les trois-cent-dix-huit Pères
inspirés de Dieu. Qu'une ambition coupable ne désire pas ce qui
ne lui appartient pas, et ne cherche pas à s'accroître en diminuant
les autres. L'orgueil et la vanité peuvent s'appuyer sur des votes
extorqués, et prétendre assurer leurs appétits du nom d'un concile ;
nul et sans effet sera tout ce qui s'écarte des canons des Pères
susdits. En lisant la lettre par laquelle j'ai repoussé les prétentions
de l'évêque de Constantinople, Votre Sainteté pourra apprendre de
quel respect le Siège Apostolique entoure ces canons, et qu'avec
le secours de Dieu je suis le gardien de la foi catholique et des
constitutions de nos Pères.
Donné le douze des calendes d'avril, sous le consulat du claris-
sime Opilion.
CHRONOLOGIE *
107
li sept.
408
410
25 août
412
419 ou
420
422
10 sept.
423
425
428
10 avril
fin
429
mai
fin de l'été
430
janv. ou fév,
15 Juin
11 août
28 août
début nov.
19 nov.
Mort de saint Jean Chrysostome.
Théodose II, empereur d'Orient.
Prise de Rome par Alaric.
Cyrille, patriarche d'Alexandrie.
Mort de saint Jérôme.
Célestln, pape.
Mort d'Honorius, empereur d'Occident.
Usurpation de Jean, primicier des no-
taires.
Valentlnien III, empereur d'Occident.
Mort de Théodore de Mopsueste.
Nestorius, patriarche de Constantinople.
Prédications de Nestorius contre le théotokos. Lettre
pascale (17) de Cyrille d'Alexandrie et lettre aux
moines d'Egypte contre Nestorius.
Genséric et les Vandales débarquent en
Afrique.
Lettre de Cyrille à Nestorius (Ep. 2) et réponse de
celui-ci (Inter Cgr. Ep. 3).
Seconde lettre de Cyrille à Nestorius (Ep. 4).
Réponse de Nestorius à Cyrille (Inter Cyr. Ep. 5).
Apparition des Huns sur le Rhin.
Siège d'Hippone par les Vandales.
Un synode romain exige de Nestorius qu'il se rétracte
dans les dix jours (Célestln, Epp. 11-14).
Mort de saint Augustin.
Synode d'Alexandrie. Une délégation porte à Cons-
tantinople la lettre 17 de Cyrille avec les douze
anathéniatismes.
Théodose II convoque un concile à Ãphèse pour le
7 juin 431.
* Ce tableau chronologique s'inspire étroitement de celui, très complet, qu'a
dressé le P. A. Schonmetzer dans Chalkedon II, 946-967. On trouvera là toutes
les justifications nécessaires que nous omettons ici.
CHRONOLOGIE
237
431 février
7-15 mal
22 juin
26 juin
10 juillet
16-17 juillet
22 juillet
début août
S sept.
432
15 mars
SI juillet
fin
433
23 avril
431
435
436
Janv.-août ?
438
439
410
19 août
441
29 sept.
441 ou
442
444
27 juin
446
12 juillet
417
Capitulation d'Hlppone.
Célestin envole ses représentants au concile (Epp.
16-19)
Cyrille, arrivé à Ãphèse avant le 7, ouvre le concile
malgré les protestations des Orientaux. lr* session :
Condamnation de Nestorius.
Cyrille et Memnon
« Concile » des Orientaux
d'Ãphèse sont déposés.
Arrivée des légats romains. 2« et 3* sessions : Lecture
et approbation de la lettre de Célestin.
4* et 5* sessions : Annulation de la condamnation
de Cyrille et Memnon. Jean d'Antioche, cité à com-
paraître, refuse de venir. Lettres à l'empereur et au
pape.
6" session : Lecture du symbole de Nicée, approuvé
à l'exclusion de tout autre.
Théodose II dissout le concile.
Nestorius relégué dans un monastère à Antioche.
Mort de Paulin de Noie.
Patrick en Irlande.
Mort de Célestin.
Xyste III, pape.
Négociations entre les Orientaux et Cyrille.
Mort de Jean Cassien.
Lettre de Cyrille à Jean d'Antioche (Ep. 39).
Avènement d'Attila. Razzias des Huns
dans les Balkans : Constantinople est
menacée.
Activité des partisans de Nestorius en Arménie.
« Tome » de Proclus aux Arméniens.
Nestorius est exilé à Pétra (Arabie) puis plus tard en
Egypte (Grande Oasis).
Code théodosien.
Prise de Carthage par Genséric.
Mort de Xyste III.
238
CHRONOLOGIE
448 débat
avril
1" Juin
octobre
8-22 nov.
fin nov.
449 Janv.-fiv.
18 fév.
30 mars
13 mat
13 Juin
6 août
8-22 août
août-sept.
29 sept.-13 oct.
449-450
450 28 Juillet
24-25 août
22 novembre
451
Eutychès écrit à Léon contre l'activité des partisans
de Nestorius.
Mesures prises contre Théodoret de Cyr.
Réponse de Léon à Eutychès (Ep. 20)
Procès d'Ibas d'Edesse, à Béryte.
A Constantlnople, le synode endémousa juge et con-
damne Eutychès.
Euychès déposé en appelle à Léon, à Pierre Chry-
sologue et a plusieurs Ãglises. (Inter Léon. Ep. 21).
Flavien écrit à Léon (Inter Léon. Ep. 22).
Léon écrit à Eutychès et à Théodose (Epp. 23-24).
Théodose II convoque un concile à Ãphèse pour le
1" août 449.
Théodose invite Léon au concile.
Lettre dogmatique de Léon à Flavien (Ep. 28)
Théodose confie à Dioscore la présidence du concile.
Synode (« Brigandage ») d'Ãphèse : rejet de la doc-
trine des deux natures. Eutychès réhabilité. Flavien
déposé et banni.
Flavien, Théodoret et Eusèbe de Dorylée en appellent
à Léon.
Synode de Rome, qui annule les décisions d'Ãphèse
et réclame la convocation d'un concile général en
Italie.
Lettres de Léon réclamant un concile en Italie (Epp.
54, 55-58, 69-71).
Mort de Théodose II. Pulchérie prend le pouvoir.
Eutychès interné a Constantlnople.
Pulchérie épouse Marcien et l'associe à l'empire. Pour
la première fois un empereur d'Orient est sacré par
l'Ãglise.
Marcien et Pulchérie invitent Léon à un nouveau
concile (Inter Léon. Epp. 76-77).
Attila envahit les Gaules.
23 mai
2k Juin
22 sept.
Marcien convoque un concile à Nicée pour le 1" sep-
tembre.
Léon charge Paschasinus de Lilybée de présider le
concile à sa place (Epp. 88 sq.).
Attila battu par Aetius aux Champs
Catalauniques.
Le concile, prévu à Nicée, se tiendra à Chalcédoine.
CHRONOLOGIE
8 octobre
10 octobre
13 octobre
17 octobre
22 octobre
25 octobre
26-30 octobre
30-31 octobre
début nov.
18 décembre
451 ?
452 27 janvier
printemps
22 mai
Juillet
453 15 février
21 mars
Ouverture du concile de Chalcédolne. 1⢠session :
Lecture des Actes du synode d'Ãphèse. Flavlen réha-
bilité.
2e session (actio 3 a) : Lecture du symbole « de Nicée-
Constantinople », des lettres de Cyrille et Léon.
3* session (actio 2 a) : Déposition de Dioscore.
4* session : Approbation de la lettre de Léon. Admis-
sion au concile des évêques déposés par Dioscore.
5* session : Discussion sur le projet de formule dog-
matique ; une nouvelle formule est adoptée.
6* session : Confirmation solennelle de la formule
dogmatique, en présence de Marcien et de Pulchérie.
7* session : promulgation de vingt cinq canons.
8'-15* sessions : Discussion et règlement des cas de
Théodoret, Ibas, Domnus d'Antloche . .. Discussions
sur le « 28* canon ».
16* et 17* sessions : Suite de la discussion sur le
« 28* canon » ; lecture de la lettre de Léon au concile
(Ep. 93).
Lettre synodale à Léon (Inter Léon. Ep. 98).
Lettres de Marcien et d'Anatolius de Constantinople
à Léon (Inter Léon. Epp. 99, 100). Elles informent
le pape des décisions prises par le concile et se
plaignent de la résistance des légats au < 28* canon ».
Mort de Nestorius.
Lettre de Léon aux évéques de Gaule sur le concile
de Chalcédolne (Ep. 110).
Attila envahit l'Italie.
Lettres de Léon à Marcien, Pulchérie, Anatolius, Ju-
lien de Kios contre le « 28* canon » (Epp. 104-107).
Léon I" traite, près de Mantoue, avec
Attila. Celui-ci promet d'évacuer l'Italie.
Marcien demande à Léon la confirmation du concile
de Chalcédolne (Inter Léon. Ep. 110).
Léon écrit aux évéques qui ont siégé à Chalcédolne,
à Marcien, à Julien de Kios, pour confirmer le concile
k l'exception du « 28* canon »
Mort de Pulchérie,
457
Mort de Marcien.
461
10 novembre
Mort de Léon I".
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
EPHÃSE
SOURCES ANCIENNES ET ÃDITIONS.
Il n'y a pas eu de publication officielle des Actes du Concile d'Ephèse,
mais des collections de documents divers, rassemblés à titre privé, soit
à Alexandrie, dans l'entourage de saint Cyrille, soit dans les milieux
favorables à Nestorius (voir un exposé d'ensemble dans B. Altaner,
Patrologie, § 50, 17, ou dans G. Bardy, Histoire de FÃglise [Fliche et
Martin] IV, 163-164).
Des compilations alexandrines, nous avons conservé trois témoins grecs,
la Vaticana, la Segueriana, l'Atheniensis, dont le contenu se recoupe en
partie.
Ces documents ont été traduits en latin à plusieurs reprises au cours
du vi* siècle. Le diacre romain Rusticus fit, en 564-565, une traduction
conservée dans la Collectio Casinensis et connue sous le nom de Synodicon
adversus tragoediam Irenaei : sa source principale est en effet la Tragédie
du comte Irénée, un ami de Nestorius, qui avait conservé nombre de
documents originaux. La Collectio Veronensis fut sans doute compilée
à Rome ; elle conserve beaucoup de lettres du pape Célestin. La Collectio
Palatina, qui utilisa les écrits de Marius Mercator ainsi que de nombreux
documents originaux, a peut-être été rassemblée à Constantinople ou en
Thrace par un moine scythe.
Les anciennes collections conciliaires (par exemple Labbe-Cossart, III,
Hardouin, I, Mansi, IV-V) reproduisent la Vaticana, en y insérant à leur
place chronologique les documents qu'elle ne contient pas. Le Synodicon
de Rusticus a été réimprimé, d'après l'édition de Mansi, à la suite des
Åuvres de Théodoret, dans la Patrologie Grecque, 84.
Ces anciennes éditions sont maintenant remplacées par l'entreprise
monumentale d'ED. Schwartz, qui a édité séparément chaque collection,
en donnant toutes les indications désirables sur l'origine, le contenu, le
texte, les tendances de chacune. C'est donc aux Acta Conciliorum Oecume-
nicorum, deux tomes en onze volumes (Berlin 1921-1938), qu'il faut désor-
242 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
mais recourir, bien que le maniement de ces volumes soit assez difficile :
les différentes collections ayant été éditées séparément en des fascicules
distincts, il faut sans cesse se reporter de l'un à l'autre ; il n'y a pas
toujours de pagination uniforme, les index, qui ne sont pas non plus faits
de façon uniforme, ne sont pas aisés à consulter... mais on est payé
de sa peine !
Le Tome II, en cinq volumes, contient les Actes d'Ephèse (1921-1929) :
Vol. I, fasc. 1-6, Coll. Vaticana ; 7, Coll. Segueriana, Atheniensis, etc. â
Vol. II, Coll. Veronensis (trad. Lat.) â Vol. III-IV, Coll. Casinensis
(Synodicon de Rusticus). â Vol. V, Coll. Palatina, etc.
Aux documents conciliaires on ajoutera, comme sources anciennes, les
historiens comme Socrate, Histoire Ecclésiastique, VII, 29-34 ; Evagre,
Histoire Ecclésiastique, I, 2-7 ; Liberatus, Breviarium causae Nestoria-
norum et Eutychianorum, composé vers 560 contre la politique religieuse
de Justinien (PL 68, 969-1052 ; ACO II, v).
OUVRAGES GÃNÃRAUX.
L'Histoire des Conciles de Hefele (1855 et suiv.), traduite en français
et complétée par Dom H. Leclercq (Paris, 1907 et suiv.), reste un recueil
utile, bien qu'assez unilatéral, et dépassé en bien des points particuliers
(T. II pour le concile d'Ephèse).
On se reportera aux histoires générales de l'Eglise, p. ex. à celle de
Mgr L. Duchesne, Histoire ancienne de TÃglise, t. III, Paris, 1911, remar-
quable par la maîtrise d'une matière vaste et complexe comme par l'aisance
et la vivacité du récit, mais malheureusement gâtée par un parti pris anti-
cyrillien, et une regrettable désinvolture à l'égard des problèmes doctri-
naux. On ne peut l'utiliser qu'avec précaution (à l'Index).
On verra aussi dans l'Histoire de VÃglise (A. Fliche et V. Martin),
t. IV (Paris, 1935), les chapitres de G. Bardt, qui suit d'assez près le récit
de Duchesne, sans partager pourtant tous ses jugements.
Outre les ouvrages généraux d'histoire des dogmes (J. Tixeront, t. III,
G. L. Prestige, Fathers and Heretics, London, 1940, ch. VI et VII,
J. N. D. Kelly, Early Christian Doctrines, London, 1958), on lira dans
le recueil Dos Konzil von Chalkedon (voir p. 245) l'étude considérable
du P. A. Grillmeier sur le développement de la doctrine christologique
jusqu'au v* siècle : Die theologische und sprachliche Vorbereitung der
christologischen Formel von Chalkedon, I, 5-202.
Le volume de Mgr P. Batiffol, Le Siège Apostolique, Paris, 1924,
consacre trois importants chapitres (ch. VI, VII, VIII) à la période que
nous étudions, considérée du point de vue de l'histoire de la primauté
romaine et de ses rapports avec l'Orient. D'un point de vue analogue,
mais d'un esprit différent, le grand ouvrage d'E. Caspar, Geschichte des
Papsttums, t. I, Berlin, 1930.
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 243
On trouvera enfin quelques indications sur l'histoire et la théologie
des conciles de l'antiquité dans notre contribution à l'ouvrage collectif,
Le Concile et les Conciles, Chevetogne-Paris, 1960, ch. III, Les
conciles Åcuméniques des iv* et v* siècles, 45-74.
ÃTUDES PARTICULIÃRES.
Les fragments de Nestorius ont été rassemblés par F. Loofs, Nestoriana,
Halle, 1905. Sur la doctrine de Nestorius, on pourra lire, de deux points
de vue tout différents, M. Jugie, Nestorius et la controverse nestorienne,
Paris, 1912, et F. Loofs, Nestorius and his place in the history of Christian
doctrine, Cambridge, 1914. L'art. d'E. Amann, Nestorius, dans le DTC
11, 1, 76-157, bien informé, nous paraît très équilibré, sans partialité ni
pour ni contre Nestorius. â Voir aussi P.-Th. Camelot, De Nestorius
à Eutychès : l'opposition de deux christologies, dans Chalkedon, I, 213-242.
Ce volume était achevé quand nous avons pris connaissance d'un im-
portant article du P. A. Grillmeier, Dos Scandalutn oecumenicum des
Nestorius in kirchlich-dogmatischer und theologiegeschichtlicher Sicht,
dans Scholastik 36 (1961), 321-336. Tout en accordant que Nestorius, dans
son effort pour écarter l'arianisme et l'apollinarisme, n'a pas su rester
fidèle à la tradition, le P. Grillmeier, s'appuyant surtout sur Le livre
iï'Héraclide, reconnaît au patriarche de Constantinople, plus qu'on ne le
fait d'ordinaire, une véritable valeur spéculative, où il décèle l'influence
des Cappadociens. Il faudra sans doute nuancer désormais l'appréciation
que l'on portera sur la théologie de Nestorius. Toutefois, comme Le livre
d'Héraclide est postérieur de vingt ans aux événements qui font l'objet
de ce volume, nous n'avons pas cru devoir modifier essentiellement ce
que nous y écrivons de Nestorius.
Voir encore L. I. Scipioni, Ricerche sulla Cristologia del « Libro di
Eraclide » di Nestorio. La formulazione e il suo contesta jilosojico,
Fribourg, Suisse, 1956.
Sur la théologie de Saint Cyrille, voir, outre les ouvrages généraux et
les articles de dictionnaires : H. du Manoir, Dogme et Spiritualité chez
saint Cyrille d'Alexandrie, Paris, 1944, exposé complet, qui fait le point
de tous les travaux antérieurs. Voir encore J. Liébaert, La doctrine christo-
logique de saint Cyrille d'Alexandrie avant la querelle nestorienne, Lille,
1951 et H. Diepen, Aux origines de Vanthropologie de saint Cyrille
d'Alexandrie, Bruges, 1957.
Le centenaire du Concile d'Ephèse (1931), solennellement commémoré
par une encyclique du Pape Pie XI, Lux veritatis (25 décembre 1931, dans
AAS 23 (1931), 493-517), a provoqué de nombreux travaux, dont nous
ne pouvons citer ici que quelques-uns :
R. Devreesse, Les Actes du Concile d'Ephèse, dans Rev. des Se. Phil.
et Théol. 18 (1929), 223-242, 408-431 ; P. Galtier, Le centenaire d'Ãphèse.
244 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Rome et le Concile, dans Rech. de Se. Rel. 21 (1931), 169-199, 269-298 ;
J. Lebon, Autour de la définition de la foi au Concile d'Ãphèse, dans
Ephem. Theol. Lov. 8 (1931), 393-492.
Le livre du P. Ad. d'Alês, Le dogme d'Ãphèse, Paris, 1931, est un
« ouvrage de vulgarisation écrit par un théologien des plus avertis »
(G. Bardy).
Plus récemment, Mgr G. Jouassard a donné dans Maria, I (Paris, 1949),
122-136, un récit extrêmement précis et exact de la suite des événements.
D'un point de vue opposé, les articles d'E. Amann, L'affaire Nestorius
vue de Rome, dans Rev. des Se. Rel. 23 (1949), 5-37, 207-244 ; 24 (1950),
28-52, 235-265.
Sur les rapports entre le concile et le pape, outre le livre de P. Batiffol
et l'article du P. Galtier, cités ci-dessus, voir encore V. Grumel, Le
Concile d'Ãphèse. Le pape et le Concile, dans Ãchos d'Orient, 34 (1931),
293-313 ; M. Jugie, Le Décret du Concile sur la formule de foi et la
polémique en Orient, ib., 257-270.
CHALCÃDOINE.
SOURCES ANCIENNES ET ÃDITIONS.
Du concile de Chalcédoine nous avons conservé en grec les procès-
verbaux, extrêmement détaillés, des dix-sept sessions, publiés, avec des
documents annexes, peu après le concile ; â nous avons aussi trois
collections de lettres (de saint Léon, des empereurs, d'évêques, etc.).
On notera que, concernant l'ordre des séances, les manuscrits inter-
vertissent la 3e (13 oct.) et la 2" session (10 oct.). De plus les manuscrits
donnent aux sessions le titre de Praxis (dans les trad. lat. Actio : Actio
prima, secundo) : il est bon de faire remarquer que ces dénominations
ne correspondent pas toujours à la suite chronologique des séances, de
même que certaines de celles-ci ne sont pas rangées sous la rubrique
d'Actio.
Plusieurs collections latines ont conservé soit la traduction des Actes
grecs, soit les originaux des lettres de saint Léon : Collectio Novariensis
de re Eutychis, documents rassemblés dès 450 peut-être sur l'ordre de
saint Léon ; â Collectio Vaticana, qui en son état actuel date du premier
quart du vi" siècle ; â la traduction des Actes du concile faite par
Rusticus (cf. page 241) ; plusieurs collections de lettres de saint Léon.
Comme pour les Actes d'Ephèse on trouve ces documents rassemblés
dans les anciennes éditions des conciles (Labbe-Cossart, IV ; Hardouin,
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 245
II ; Mansi, VI), mais surtout dans Ed. Schwartz, Acta Conciliorum
Oecumenicorum, tome II en six volumes (Berlin 1932-1938). (Vol. i, lettres
et Actes grecs ; Vol. n, 1, Coll. Novariensis ; 2, Vaticana ; Vol. ni, trad.
lat. des Actes grecs (Rusticus) ; vol. iv, Lettres de S. Léon). Pour la suite
des séances, les ACO gardent l'ordre, fautif, des manuscrits.
Comme autres sources anciennes, on citera, avec Evagre et Liberatus,
déjà cités, les Geste de nomine Acacii vel breviculum historiae Eutychia-
nistarum, rédigés vers 486 par le futur pape Gélase (PL 59, 928-934.
CSEL, 35, 440-453), et surtout les Lettres de saint Léon, qui sont un
document capital pour cette histoire (PL 54, d'après l'édition des Ballerini).
Les lettres relatives à l'affaire d'Eutychès et au concile de Chalcédoine
ont été éditées par le P. C. Silva-Tarouca, S. Leonis Magni epistulae
contra Eutychis haeresim (Textus et Documenta, 15 et 20), Rome, 1934-
1935, et par Ed. Schwartz, ACO II, rv (ci-dessus).
OUVRAGES GÃNÃRAUX.
Ils ont été indiqués à propos d'Ephèse (voir page 242). Chalcédoine
est traité dans Hefele-Leclercq au tome II B.
ÃTUDES PARTICULIÃRES.
Sur théodoret, voir les art. de M. Richard, L'activité littéraire de
Théodoret avant le concile d'Ephèse, dans Rev. des Se. Phil. et Théol.
24 (1935), 83-106 ; Notes sur révolution doctrinale de Théodoret, ib.,
25 (1936), 459-481. J. Montalverne, Theodoreti Cyrensis doctrina antiquior
de Verbo « inhumanato », Rome, 1948. H. Diepen, Théodoret et le dogme
d'Ephèse, dans Rech. de Se. Rel. 44 (1956), 243-248.
Sur saint léon, outre les chapitres que lui consacrent P. Batiffol,
E. Caspar, H. Rahner dans les volumes ou recueils déjà cités, on lira, de
P. Batiffol encore, l'art. Saint Léon dans le DTC 9, 1 (1926), 218-301.
T. Jalland, The Times and Life on St. Leo the Creat, London, 1941.
A. Lauras, Saint Léon le Grand et la Tradition, dans Rech. de Se. Rel.
48 (1960), 166-184. Sur les sources du Tome à Flavien, voir J. Gaidioz,
Saint Prosper d'Aquitaine et le Tome à Flavien, dans Rech. de Se. Rel.,
23 (1949), 270-301. â Enfin, le quinzième centenaire de la mort de
S. Léon a été l'occasion d'une encyclique de S. S. Jean XXIII, Aeterna
Dei Sapientia (11 nov. 1961), AAS 53 (1961), 785-803.
Le centenaire du concile de Chalcédoine (1951) a aussi été l'occasion
d'importantes publications, et d'abord d'une encyclique du pape Pie XII,
Sempiternus Rex (8 sept. 1951), dans AAS 33 (1951), 625-644.
Les PP. A. Grili.meier et H. Bacht ont dirigé la publication d'un re-
246 ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
cueil considérable en trois volumes, Dos Konzil von Chalkedon, Wurzburg,
1952-1954 : le premier volume est consacré aux préliminaires historiques
et théologiques du concile, et à ses résultats doctrinaux ; le second aux
controverses autour de Chalcédoine et aux résultats du concile pour la
vie de l'Eglise et l'histoire de la théologie ; le troisième à ses répercussions
dans la théologie moderne et dans le dialogue Åcuménique. Le vol. 2
comporte une table chronologique détaillée (A. Schônmetzer), et le 3*
une bibliographie très complète (id.).
Dans le l" volume nous relèverons les chapitres suivants, qui intéres-
sent plus directement notre sujet, et qui nous ont été plus particulièrement
utiles :
A. Grillmeier, Die theologische und sprachliche Vorbereitung der
christologischen Formel von Chalkedon (la formule de Chalcédoine au
terme du développement du dogme christologique), 5-202.
P.-Th. Camelot, De Nestorius à Eutychès : Vopposition de deux christo-
logies, 213-242.
M. Goemans, Chalkedon als « Allgemeines Konzil » (un concile « uni-
versel»), 251-289.
A. M. Schneider, Sankt Euphemia und dos Konzil von Chalkedon
(Sainte Euphémie, son culte, son sanctuaire ; la basilique du concile),
291-302.
P. Goubert, Le rôle de Sainte Pulchérie et de l'eunuque Chrysaphios,
303-321.
H. Rahner, Leo der Grosse, der Papst des Konzils (portrait de S. Léon,
sa sacerdotalis moderatio), 323-339.
P. Gautier, Saint Cyrille d'Alexandrie et saint Léon le Grand à Chal-
cédoine (diversité de points de vue et de langage, accord dans la foi),
345-387.
I. Ortiz de Urbina, Dos Glaubenssymbol von Chalkedon â sein Text,
sein Werden, seine dogmatische Bedeutung (l'élaboration de la formule
de Chalcédoine, sa portée dogmatique), 389-418.
On peut citer aussi le livre juste et équilibré de R. V. Sellers, The
Council of Chalcedon, London, 1953.
Parmi les innombrables articles traitant de la question doctrinale
et publiés autour de 1951, nous retiendrons surtout celui du P. M.-J.
Nicolas, La doctrine christologique de S. Léon le Grand, dans Rev. Thom.
51 (1951), 609-662 ; et ceux du P. H. du Manoir, Le quinzième centenaire
du Concile de Chalcédoine, dans Nouvelle Revue Théologique, 73
(1951), 785-803 ; Saint Léon et la définition dogmatique de Chalcédoine,
dans L'Année Théologique, 1951, 291-304. â Pour l'histoire des théologies
en présence, on pourra lire P.-Th. Camelot, Théologies grecques et
théologie latine à Chalcédoine, dans Rev. des Se. Phil. et Théol. 35
(1951), 401-412.
ORIENTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES 247
Les Douze Dialogues de Christologie ancienne de Dom H. Diepen,
Rome, 1960, reprennent divers articles dont plusieurs touchent au concile
de Chalcédoine. Du même, Les Trois Chapitres au Concile de Chalcé-
doine. Une étude de la Christologie de FAnatolie ancienne, Oosterhout,
1953.
INDEX '
Acace de Bérée, 40, 71, 79.
Acace de Mélitène, 48, 52, 80.
Alexandre de Hiérapolis (Mab-
boug), 79.
Alexandrie : théologie, 17-19.
Anathématismes (v. Cyrille), 41-
42, 52, 67-68, 72 ; au brigandage
d'Ãphèse, 111 ; à Chalcédoine,
127 ; texte, 206-207.
Anatole de Constantinople, 114,
116-117, 121, 127, 130-133, 169
173.
Antioche : théologie, 22, 24 ; pa-
triarcat, 151-152.
Apollinaire de Laodicée, 20-22.
Arcadius, empereur, 42.
Arcadius, légat de Célestin, 47, 57.
Arius, 7, 19.
Athanase d'Alexandrie, 17, 37.
Arncus de Nicopolis, 127.
Augustin, 46, 99, 143.
Bar Sauma, 92, 104, 131, 158, 160.
Basile de Séleucie, 124.
Boniface, prêtre, 119, 136.
Candidien, comte, 50, 54.
Capréolus de Carthage, 46, 56.
Cassien, 33, 96.
Célestin, pape, 10, 33, 40-41, 46,
47, 63, 146.
Chalcédoine, 121 ; la basilique,
121, 127.
Charisius, 57.
Chrysaphe, 89, 90, 105, 113.
Constantinople : symbole, 126, 138,
225; patriarcat, 161-167.
Cyrille d'Alexandrie, son carac-
tère, 35-36 ; sa théologie, 17, 18,
36-39, 80-82, 103 ; anathéma-
tismes, 41-42, 57, 67-68, 72. C.
à Ephèse, 47-54, 57, 58, 59, 62 ;
C. et Jean d'Antioche, 71-72 ;
mort, 85 ; C. à Chalcédoine, 124-
127, 140, 142-144; lettres Ã
Nestorius, 191-194, 198-207 ;
lettre à Jean d'Antioche, 211-215.
Diodore de Tarse, 22-24.
Dioscore d'Alexandrie, 87, 89, 91 ;
au brigandage d'Ãphèse, 106-
111; 115; à Chalcédoine, 126,
142-144.
Domnus d'Antioche, 85, 87, 89,
106, 111.
Dulcitius, 106, 107, 111.
Elpidius, comte, 106, 107.
Ãphèse, 44 ; la basilique, 50.
Eranistes, 87-88.
Eudocie, 40, 42, 89, 115.
Eulogius, tribun, 106.
Eusèbe de Dorylée, 27, 31, 90, 107,
122, 166.
Eustathe de Béryte, 85, 124, 154.
* Sans prétendre être complet, cet index relève les noms de tous les
personnages de quelque importance, ainsi que les « mots-clés », historiques
ou doctrinaux.
252
INDEX
Eutyches, 8, 88-93, 104-108, 115,
138, 175-176, 178, 179.
Ãvagre le Scholastique, 9.
Flavien de Constantinople, 90, 92,
93, 106-110, 124-125.
Calla Placidia, 113.
Grégoire de Nazianze, 14, 21.
Hilaire, diacre, 97, 106, 107, 109-
112.
Hypostase, 30, 37-38, 66, 81, 83,
84, 103, 148 (v. personne).
Ibas d'Ãdesse, 84-85, 111, 154-155,
158.
Ignace d'Antioche, 15, 17, 172.
Jean d'Antioche, 14, 48, 54 ; ex-
communié à Ephèse, 56 ; 62 ;
lettre à Cyrille, 71, 209 ; 85, 139.
Jean Chrysostome, 22, 25.
Jean, comte, 58.
Jérusalem : patriarcat, 151-152.
Jules de Pouzzoles, 97, 106, 107.
Julien d'Hypaïpè, 128.
Julien de Kios, 98, 113, 119.
Juvenal de Jérusalem, 40, 47, 50,
51, 57, 107-108, 121, 123. 130,
151-152.
Léon Ier, pape, 33, 89, 91, 92, 95-
97 ; lettre à Flavien, 98-100, 216-
223 ; sa théologie, 100-105 ; 110,
112-114, 116-120, 126, 129, 170-
173 ; lettre aux Pères de Chal-
cédoine, 234-235.
Lucentius d'Ascoli, 119, 122, 136,
165, 166.
Marcien, empereur, 115-118, 120,
134, 136-137, 151, 169, 172-173.
Maris, 84.
Marius Mercator, 26, 27.
Maxime d'Antioche, 128, 151-152.
Maximien de Constantinople, 60,
82.
Memnon d'Ephèse, 47, 50, 56, 58.
Mia physis, 20, 22, 38, 79-81, 142.
Nature, 23-24, 99, 102, 147-150
(v. Physis).
Nestorius, 8, 13 ; son caractère,
25-26 ; sa théologie, 26-31 ; Ã
Ephèse, 48 ; condamnation, 53,
58 ; exil, 63, 64 ; 138, 146 ; lettre
à Cyrille, 194-196 ; sentence de
déposition, 208.
Nicée : concile, 7, 15, 65, 126, 138,
151, 175, 225.
Origène, 13.
Palladius d'Amasée, 52.
Paschasinus de Lilybée, 119, 122,
127-129, 130, 132-136, 154-155,
165.
Paul d'Emèse, 71.
Personne, 102, 148 (v. hypostase,
prosôpon).
Philippe, prêtre romain, 47, 56, 57,
64.
Photius de Tyr, 132, 154.
Physis, 37-39, 66, 80-81, 103, 148
(v. nature).
Pierre Chrysologue, 91.
Proclus de Constantinople, 32, 82-
INDEX
253
Théodoret de Cyr, 9, 37 ; excom-
munié à Ephèse, 57, 59 ; 71, 85-
88, 94, 111, 130, 141, 147 ; réha-
bilité, 152-154.
Théodose II, empereur, 25, 40, 42,
44-45, 55, 93, 97, 112-114.
Théodote d'Ancyre, 48, 52.
Théotokos, 13-14, 24, 28, 39, 59,
61 ; définition à Ephèse, 66-70 ;
71, 72, 86, 138, 146.
Tome à Flavien, 96, 98-100, 104,
139, 140, 143; texte, 216-223.
Tome aux Arméniens, 83-84.
Valentinien III, empereur, 113.
Xyste III, pape, 63, 70, 72, 95.
TABLE
Introduction. Les Conciles du Ve siècle et le problème
christologique 7
ÃPHESE
Chapitre premier. Les antécédents doctrinaux et spirituels
du concile 13
La Theotokos : Marie, Mère de Dieu, 13. Le mystère de l'unité
du Christ, 14. Mystère et problèmes, 16. Christologie unitaire,
17. Le problème de l'âme du Christ, 18. Christologie dualiste, 22.
Chapitre II. Nestorius et saint Cyrille 25
Nestorius, patriarche de Constantinople, 25. Les déficiences
d'une théologie, 26. Remous à Constantinople, à Rome et en
Egypte, 31. Cyrille, patriarche d'Alexandrie, 35. Une théologie
du Verbe Incarné, 36. Nature et hypostase, 37. Cyrille, Nestorius
et le pape Célestin, 39.
Chapitre III. Le concile d'Ãphèse 44
La convocation du concile, 44. L'arrivée à Ãphèse, 46. L'ouver-
ture du concile, 48. Première session : déposition de Nestorius,
50. L'arrivée de Jean d'Antioche et le synode des Orientaux, 54.
L'arrivée des légats romains et la reprise du concile, 55. L'ar-
rivée du comte Jean et l'arrestation de Cyrille, Memnon et
Nestorius, 57. Dernières tractations théologiques et dissolution
du concile, 58.
Chapitre IV. Le dogme d'Ãphèse « 61
Le vrai concile d'Ãphèse ? 61. La condamnation de Nestorius,
63. Une définition dogmatique ? 65. Marie, « Mère de Dieu »,
68. L'union de 433 : la foi commune de l'Ãglise, 70.
256 TABLE
CHALCEDOINE
Chapitre premier. D'Ãphèse à Ãphèse : Eutychès 79
Opposition des Orientaux à saint Cyrille, 79. Inquiétude des
Cyrilliens, 80. Le < Tome » de Proclus, 82. Ibas d'Edesse, 84.
Théodoret de Cyr, 85. La théologie de Théodoret : l'Eranistes,
87. Le moine Eutychès, 88. Le synode de Constantinople et la
condamnation d'Eutychès, 90. Les protestations d'Eutychès, 91.
La convocation du second concile d'Ãphèse, 93.
Chapitre II. Saint Léon et le « Tome » à Flavien. Le bri-
gandage d'Ãphèse 95
Le pape et l'erreur d'Eutychès, 95. Le « Tome » à Flavien, 98.
La théologie de saint Léon, 100. Un concile de brigands : Ãphèse,
août 449, 105. L'appel à Rome, 111. La réaction de saint Léon,
112.
Chapitre III. Le concile de Chalcédoine 115
Vers un nouveau concile, 115. La convocation du concile à Nicée,
117. Le transfert du concile de Nicée à Chalcédoine, 120. Première
session : Réhabilitation de Flavien, 121. Deuxième session :
Vers une formule de foi, 126. Troisième session : Déposition de
Dloscore, 127. Quatrième session : Questions de personnes, 130.
Cinquième session : La définition dogmatique, 132. Sixième
session : L'approbation impériale, 136.
Chapitre IV. La définition de Chalcédoine 138
Analyse et sources de la formule de fol, 138. La théologie de
Chalcédoine, 142. Le dogme de Chalcédoine, 146.
Chapitre V. Les dernières sessions du concile. Les canons
de Chalcédoine. Le pape et le concile 151
Juridictions rivales. Les débuts du patriarcat de Jérusalem, 151.
La réhabilitation de Théodoret, 152. L'affaire d'Ibas, 154. Les
canons de Chalcédoine, 155. Esprit de la législation de Chalcé-
doine, 158. Le recours à l'évèque de Constantinople et le « 28*
canon » de Chalcédoine, 161. La protestation des légats, 165. La
lettre du concile au pape, 167. Saint Léon et le concile, 170.
Confirmation du concile par le pape, 172.
Conclusion. Dogme et vie dans l'Ãglise. Rome et Constan-
tinople 175
Références 183
TABLE 257
TEXTES
I. Seconde lettre de saint Cyrille à Nestorius 191
II. Lettre de Nestorius à saint Cyrille 194
III. Troisième lettre de saint Cyrille à Nestorius .... 198
IV. Sentence de déposition de Nestorius 208
V. Décrets du concile d'Ãphèse 208
VI. Lettre de Jean d'Antioche à saint Cyrille 209
VII. Lettre de saint Cyrille à Jean d'Antioche 211
VIII. Lettre de saint Léon à Flavien de Constantinople 216
IX. Définition dogmatique de Chalcédoine 224
X. Canons de Chalcédoine 228
XI. Lettre de saint Léon au concile de Chalcédoine 234
Chronologie 236
Orientations bibliographiques 241
Carte 248
Index 251
Ce volume a été achevé d'imprimer
le 15 novembre 1962 sur les presses
de l'Imprimerie Savernoise et relié
dans ses ateliers.
Dépôt légal 4* trimestre 1962.