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Aissam ZINE-DINE Professeur À I'univenité Moulay Isamil dc Meknès Faculté der rclènceo Juridiques [conomiquer et Soeialeo
Gours de droit pénal
Général
Tome
I
L'infraction
Année universitaire
2018 - 2019
Gours de drolt pénal gén6ral
Préface La raison du plus
fort
est toujours la meilleuret :
Nous l'allons montrer tout à I'heure. Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait wenture, Et que lafaim en ces lieux attirait. Çui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras chôtié de ta tëmérité,
Sire, répond I'Agneau, que ïlotre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Ute je me ÿas désakérant Dans le courant, Plus de vingt pas audessous d'Elle ; Et que par conséquent, en aucunefaçon, Je ne puis troubler sa boisson. Tu la troubles, reprit cette bête cruelle, Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Comment l'aurais-jefait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau ; je teue encore ma mère Si ce n'est toi, c'est donc tonfrère. Je n'en ai point, C'est donc quelqu'un des tiens: Car vous ne m'épargnez guère, Yous, vos Bergers etvos Chiens. On me l'a dit : il faut que ie me venge."
Làdessus, aufond des forêts et puis le mange,
Le loup l'emporte
Sans autre forme de procès.
tean de IAFONTNNÇ nealeil: LesFoblet 1 -Lc Inup d I'Agnzaû est la dixième fable du livrc I de Jean de La Fontaine (1621-1695), situé le premier recueil édite pour la première fois en 1668.
1
duu
toun
dc droit p6nal g6aéral
æ
Pour mieux évoquer les hommes, plusieurs auteurs mettent en scène des animaux. Cette fable de Jean de Lafontaine
réalité cruelle
illustre
une
à portée universelle: le dialogue entre le loup
et
l'agneau met en évidence le comportement de celui qui non seulement exerce sa violence sur le plus faible mais cherche à
lajustilier.
Appliqué à la vie humaine, l'état de naturel constitue un état de guerre permanentê de tous contre tous dans lequel chaque homme use à sa guise de ses forces pour s'approprier ce qu'il désire et préserver sa
vie et ses possessions en rccoûant à la violence conhe les
âutres
hommes. C'est la üe sociale qui crée les normes de la vertu et du vice.
Il n'y a pas de faute
avant la loi. La norme est inféodée à la loi, tant
que la loi n'est pæ explicite
il ne saurait y avoir de mal ou de faute.
En effet, c'est à partir de la mise en æuvre de la règle de
droit
et
particulièrrment la règle pénale qu'un certain ordre social soit établi à traveE surtout la sanction qui vient frappo ceux qui osent enfieindre par leuls agissements (infractions) cet ordre.
Ce travail destiné aux étudiants de ta faculté de droit vise à
étudier d'une façon synthétique
l'un
des mécanismes les plus
importants qui permettent d'empêcher I'expression
de
cet état
de
nature, à savoir le droit pénal général, tout en se limitanl à l'une de ses préoccupations : l'inftaction. Quant à la sanctiorL un deuxième Tome
lui
sera réservée.
I -Elat dê nâtuæ s'oPPo§e À étât cMl et dê§igne l'ébr dc§ mpror!§ humain§ antérLutdneni à tonle juridiquc Tous lÉs ârûêurs Hobbcs, Spinoz,' Ro{'ssÊâu Kût s'accord€nl ?our insürrrdon polil iquÈ les exigences d me dire quc l'&d de nsturÈ ou élal sluve8e csl un &tat de viol€rr! incomp6tibl' ar€c
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2
Gours rle
droit pénal général
Introductlon Qu'il s'agisse du simple fait délictueux, ou dâns une échelle plus élevée du tenorisme ou même de la spoliation foncière (médiatisée ces derniers temps), on ne compte plus les sujets d'actualité ou débats
de société où la question de « sécurité », avec toutes ses couleurs (sécurité pénale, sécurité foncière...), est partie prenante. Tous les chemins convergent vers elle.
Le crime est une réalité permanente et renouvelée, un mal social puisqu'«
il
blesse les états forts
Durkheim). C'est pourquoi,
il
de
conscience commune
fait souvent i'objet d'une
» (E.
réaction
sociale. La peine constitue donc cette réponse de la société; c'est un
mal infligé à un délinquant à cause de sa faute, une souffrance imposée par l'autorité à titre de sanction de la violation de règles fondamentales de
la vie d'un
groupe. En effet,
le fait incriminé
(l'infraction), ou la peine inIligée (sanction) pour qu'elle soit légitime doit obligatoirement être contenues dans un texte de loi préétabli. Le droit pénal ne sanctionne pas n'importe quel type d'écart vis-à-vis de
la norme.
Il
réprime en réalité
la violation des valeurs qui
sont
essentiels à la vie en communauté. En effet, le droit pénal est la forrne suprême de la
légitimité pénale. C'est ainsi qu'une étude approfondie
de ce droit s'avère indispensable surtout que cette discipline est la plus
discutée (par spécialistes
et profanes) de I'ensemble du
juridique.
3
système
Gour rle rkoit pénal géléral
æ
La théorie générale de ce droil (droit pénal généml) a pour objet l'éhrde des principes généraux de I'incrimination et la responsabilité pénale, la nature des peines, les causes d'aggravation et d'atténuation.
Ainsi, I'infrâction paraît comme la pierre angulairÊ de ce droit puisqu'elle occupe une place hès importante au sein de la théorie de la responsabilité pénale, ce qui explique cette tentative de cemer cette
notion en consacrant la première partie à une étude conceptuelle de I'infi'action qui fonderait son utilité à travers un aperçu historique sur
l'évolution
de la
caractéristiques.
criminalité permettant
de
montrer
ses
A cette première partie sera réservé I'intihJlé suivant
(l'infraction : objet du droit pénal), quant à la deuxième partie, il aura pour objet l'étude des éléments constitutifs de l'infraction.
4
Cours de rlroit pénal général
Partie
l: Ir'infraction:
objet du droit pénal
L'infraction est à la base une action humaine, qui constitue le point de rupture de l'équilibre entretenu entre l'homme et la société.
La notion d'infraction qui s'inscrit parmi les théories générales que le droit pénal élabore n'est pas une donnée qui se suffit à ellemême. Comme
le droit pénal général dans son ensemble, elle
est
intimement liée aux différentes incriminations du droit pénal spécial.
Ainsi, Ce sont les règles particulières à chaque infraction qui ont
permis, historiquement,
de
dégager
d'abstraction et de généralisation
par « un double
effort
» les insfuctions du droit pénal
général. Constat qui va nous mener à réserver le premier chapitre de
cette partie
à l'évaluation du poids de l'histoire de la lutte contre
l'infraction dans l'élaboration des règles penales. Cette histoire révèle la complexité et la diversité de cette infraction. Ce point fera l'objet du second chapitre.
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Gours de
drolt pénal gén6nl
Ghapltre 1- Gonsidératlons hlstodques §ur le dmlt pénal La criminalité est vieille que le monde. Le phénomène criminel est un fait inhérent à la nature humaine. L'homicide commis par le mauvais
fîls d'Adam
(Ca*fn) contre son frère
(Abel) en est bien
I'illustrationl. En effet, ce premier homicide de l'histoire humaine est dicté par le mal
dt
à la passion à la concupiscence et à la colère, qui
se distinguent à la fois de la raison et de la révélation'
Ainsi, depuis que les hommes ont été chassés du jardin, jetés à terre, ils se sont présentés au monde comme des ennemis les uns aux autres2.
Toutefois, la vie en société a fait présenter le phénomène criminel comme révélateur d'un antagonisme entre l'individu
et le goupe
social. Dès lors qu'un groupe se constitue pour assurer la survie de ses membres, des règles sont dégagées dont le respect s'impose sous
la menac.e de peines.
Dans les « premiers temps » caractérisés par I'absence de I'Etat, certains comportent, marqués essentiellement par la violence ou la ruse, appellent une sanction à raison du trouble individuel ou collectif
t -Le Coran rapporæ dans la sourate de la Table : « Narreleu en toute vériré ce qui advi.ent 11 deux fils d'Adam, I'orsqu'ils offrirent (à Dieu) leurs oblations. Celle de t'un firt acccptée, celle de I'auhe
reftsée...) vcnets 27-3 l. -La pamle de Dieu fut ûÈs claire:
2
«
Vous serez (vous et voo descændants) les uns ennernis des
eu§gs.
6
Gours rle
üroit pénal génétal
qu'ils causent. Mais cette réponse émane des victimes. Elle s'avère purement privée. Depuis son apparition, l'Etat s'est affirmé notamment à travers ce
pouvoir de punir qu'il a prétendu légitimer tout d'abord pour une délégation divine.
Il
existait strement déjà une responsabilité pénale,
mais on ne pouvait parler encore d'un
«