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French Pages 512 Year 2003
4. ANALYSE ET TECHNOLOGIE DES SURFACES
TRAITÉ DES MATÉRIAUX
Hans Jörg Mathieu Erich Bergmann René Gras
4. ANALYSE ET TECHNOLOGIE DES SURFACES Couches minces et tribologie
PRESSES POLYTECHNIQUES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES
Hans Jörg Mathieu Professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
Erich Bergmann Professeur à l’Ecole d’ingénieurs de Genève
René Gras Professeur des Universités et directeur du Groupe Tribologie de l’ISMCM-CESTI
Les auteurs et l’éditeur remercient l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, dont le soutien financier a rendu possible la publication de cet ouvrage
Les Presses polytechniques et universitaires romandes sont une fondation scientifique dont le but est principalement la diffusion des travaux de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et ainsi que d’autres universités et écoles d’ingénieurs francophones. Le catalogue de leurs publications peut être obtenu par courrier aux Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL – Centre Midi, CH-1015 Lausanne, par E-Mail à [email protected], par téléphone au (0)21 693 41 40, ou par fax au (0)21 693 40 27. http://www.ppur.org ISBN 2-88074-454-7 © 2003, première édition Presses polytechniques et universitaires romandes, CH – 1015 Lausanne. Tous droits réservés. Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur. Imprimé en Suisse
PRÉSENTATION DU TRAITÉ DES MATÉRIAUX
Les matériaux utilisés pour la fabrication artisanale ou industrielle d’objets, de produits et de systèmes ainsi que pour la réalisation de constructions et d’équipements ont de tout temps défini le niveau de notre civilisation technique. La réalisation des objectifs communs de notre monde en développement est en grande partie tributaire de la mise au point de matériaux et de procédés de transformation et d’assemblage nouveaux, présentant des performances inédites ou améliorées. La réussite des efforts entrepris pour le développement de matériaux adaptés aux besoins de demain dépend d’une intégration de connaissances précises, de méthodes théoriques de modélisation et de prévision du comportement, ainsi que d’installations techniques sophistiquées. C’est ainsi que le domaine multidisciplinaire science et génie des matériaux est devenu un pilier indispensable du progrès de toute technologie dynamique. Le Traité des Matériaux est une série coordonnée de 20 volumes dont l’objectif est tout d’abord pédagogique : il s’adresse prioritairement aux étudiants et aux enseignants des universités et des hautes écoles des différentes disciplines concernées. En outre, les auteurs et les éditeurs souhaitent répondre aux besoins des ingénieurs et des scientifi ques qui veulent mettre à jour leurs connaissances et, d’une façon générale, à tous ceux qui ont envie de mieux comprendre les propriétés et le comportement des matériaux qui sont intimement liés à notre existence. Dans cette optique, certains ouvrages de ce traité sont consacrés aux matériaux spécifiques, tandis que d’autres abordent les phénomènes et les techniques applicables à l’ensemble des familles de matériaux. De plus, la discussion des influences conjuguées des matériaux tels quels et des procédés de leur mise en œuvre et de leur assemblage est une ligne directrice de ce traité. Enfin, une attention particulière est accordée à l’avancement récent des matériaux « fonctionnels » par rapport aux matériaux « structuraux », sans pour autant nier la prédominance économique de ces derniers, notamment de ceux dits « à grande diffusion». Le Traité des Matériaux rassemble des auteurs qui sont enseignants et chercheurs de différentes universités, hautes écoles et institutions de recherche, publiques et privées. La plupart d’entre eux sont d’origine francophone, mais la participation à cette entreprise d’experts anglo- et germanophones est considérée comme une contribution bienvenue dans le cadre de l’européanisation de l’enseignement en science et génie des matériaux. Le Comité Scientifique responsable de cette collection est composé de : Bernhard Ilschner, Lausanne (Président) Christian Janot, Grenoble et Rome Gérard Maeder, Paris Alain Mocellin, Nancy Robert Schirrer, Strasbourg
LE TRAITÉ DES MATÉRIAUX EN VINGT VOLUMES
1. INTRODUCTION À LA SCIENCE DES MATÉRIAUX 2. CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DES MATÉRIAUX I: PROPRIÉTÉS PHYSIQUES, THERMIQUES, MÉCANIQUES 3. CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DES MATÉRIAUX II: ANALYSE PAR RAYONS X, ÉLECTRONS ET NEUTRONS 4. ANALYSE ET TECHNOLOGIE DES SURFACES 5. THERMODYNAMIQUE ET ÉVOLUTION DES MATÉRIAUX 6. PHÉNOMÈNES DE TRANSPORT ASSOCIÉS À L'ÉLABORATION ET AU TRAITEMENT DES MATÉRIAUX 7. COMPORTEMENT DES MATÉRIAUX DANS LES MILIEUX BIOLOGIQUES 8. PHYSIQUE DES MATÉRIAUX 9. DÉFORMATION ET RÉSISTANCE DES MATÉRIAUX 10. MODÉLISATION NUMÉRIQUE EN SCIENCE ET GÉNIE DES MATÉRIAUX 11. MÉTAUX ET ALLIAGES: CONSTITUTION, TECHNOLOGIE ET APPLICATIONS 12. CORROSION ET CHIMIE DE SURFACES DES MÉTAUX 13. CHIMIE DES POLYMÈRES: SYNTHÈSES, RÉACTIONS ET DÉGRADATIONS 14. MATÉRIAUX POLYMÈRES: PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES ET PHYSIQUES. PRINCIPES DE MISE EN ŒUVRE 15. MATÉRIAUX COMPOSITES À MATRICE ORGANIQUE 16. LES CÉRAMIQUES ET LE VERRE: PRINCIPES ET TECHNIQUES D'ÉLABORATION 17. MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION 18. PHYSIQUE ET TECHNOLOGIE DES SEMICONDUCTEURS 19. MATÉRIAUX ÉMERGENTS 20. SÉLECTION DES MATÉRIAUX ET DES PROCÉDÉS DE MISE EN ŒUVRE
AVANT-PROPOS
L’importance du domaine de l’analyse et de la technologie des surfaces des matériaux (Applied Surface Science) est démontrée par le nombre croissant d’applications industrielles. En effet, ce domaine touche plusieurs champs d’application comme • les couches minces et leurs interfaces, • l’adhésion des couches sur des substrats divers, • la chimie et la physique des matériaux solides, • les profils de concentration, • l’analyse chimique quantitative des surfaces, • les oxydes et la corrosion, • la tribologie, • la catalyse et la réactivité des surfaces, • la haute résolution latérale et l’imagerie des surfaces. De nouveaux défis se présentent aujourd’hui pour la recherche et l’industrie avec le développement de la technologie des nanomatériaux et des biomatériaux. Pour relever ces défis, le scientifique et l’ingénieur ont besoin de connaissances approfondies dans le domaine de la chimie et de la physique des surfaces, dans celui de la préparation, du comportement et de la durée de vie des couches minces, de la fonctionnalisation des surfaces des matériaux ainsi que de certaines notions de base du vide. Mentionnons que la plupart des méthodes traitées dans ce livre ont été développées récemment, c’est-à-dire entre 1970 et aujourd’hui. Précisons également que l’on définit une « surface » à partir de la première couche atomique de l’ordre de l’Ångstrom (= 0,1 nanomètre) jusqu’ à quelques micromètres. Cet ouvrage est tout d’abord destiné aux étudiants et aux ingénieurs en matériaux mais également aux scientifiques d’autres domaines qui cherchent une vue d’ensemble sur les méthodes analytiques, la préparation et le dépôt des couches minces et leur problème de contact et d’usure pour diverses applications dans l’industrie. Il s’adresse enfin aux doctorants, postdoctorants et aux chercheurs de l’industrie travaillant dans le domaine de la micro- et nanotechnologie, de l’électrochimie et du traitement des surfaces. Les méthodes sont présentées avec les équations de base et les formules issues de la pratique donnent les bases nécessaires à la caractérisation, à la préparation et à l’utilisation des surfaces et couches minces.
VIII
Analyse et technologie des surfaces
Conscients de ce que les connaissances préalables des lecteurs ainsi que leurs attentes par rapport à ce texte pouvaient être différentes, les auteurs ont traité chacun des trois sujets de façon autonome: la caractérisation des surfaces dans les chapitres 1 à 8; la préparation des couches minces dans les chapitres 9 à 20 et enfin l’approche technique de la tribologie et le frottement dans les chapitres 21 à 26. Dans un cours destiné aux étudiants ingénieurs avancés ou à des étudiants en chimie ou physique, on pourra sélectionner certains chapitres pour les méthodes analytiques chimiques de haute sensibilité chimique (chap. 2-6) et des sondes nanométriques (chap. 7). Les chapitres 9 à 20 sont destinés aux ingénieurs qui se lancent dans la préparation et le dépôt des couches minces. Les chapitres 21 à 26 donnent les notions de base d’usure, de contact et de lubrification. Quelques exercices figurant à la fin des chapitres permettent d’approfondir la matière traitée et de stimuler la réflexion. Partout où cela était possible, on a privilégié dans ce livre une approche scientifique simple qui ne nécessite pas des connaissances étendues de physique et de chimie quantique. Cependant, quelques notions de bases des lois fondamentales de la physique sont nécessaires pour ceux qui veulent profiter des subtilités d’une approche simplifiée. Le domaine de l’analyse et de la technologie des surfaces est devenu très vaste et il n’est guère possible de citer la littérature scientifique originale dans son ensemble. Dans ce livre d’introduction à l’analyse, à la préparation et aux essais, on se limite donc souvent à des articles et à des ouvrages de référence. Néanmoins, pour illustrer et approfondir certains points, des articles originaux sont parfois cités. Remerciements Cet ouvrage a bénéficié des activités des auteurs dans leurs institutions respectives (EPFL, EIG, ISCM) comme enseignants ou praticiens. Ils reconnaissent y avoir reçu l’aide de leurs collègues ou collaborateurs. Ils tiennent donc à remercier les différentes personnes, étudiants ou collaborateurs de divers laboratoires, qui ont lu des chapitres et ont apporté leurs corrections, leurs résultats expérimentaux et leurs critiques bienvenues: D. Balazs, Y. Chevolot, G. Coullerez, D. Delfosse, S. Ferry, X. Gao, D. Léonard, G. Maeder, C. Nuetzenadel, G. Mary, Y. Pitton, W.-D. Schneider, L. Ruiz-Taylor et N. Xanthopoulos. Les auteurs tiennent à remercier particulièrement le Professeur Berhard Ilschner pour son encouragement et leurs nombreuses discussions enrichissantes. Ils remercient enfin M. J.F. Casteu qui a dessiné les figures ainsi que Mme Flavia Milliet et M. Olivier Babel des Presses polytechniques et universitaires romandes pour la production de cet ouvrage.
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
PRÉSENTATION DU TRAITÉ DES MATÉRIAUX ..............
V
AVANT-PROPOS .....................................................................
VII
INTRODUCTION À L’ANALYSE DE SURFACES ET INTERFACES 1.1 Objectifs........................................................................... 1.2 Propriétés de base ............................................................ 1.3 Définition de la surface d’un solide................................. 1.4 Les méthodes d’analyse et leurs domaines d’application 1.5 Bibliographie ...................................................................
1 1 1 3 6
TOPOGRAPHIE ET ÉPAISSEUR DES COUCHES MINCES 2.1 Objectifs........................................................................... 2.2 Définition de quelques paramètres de rugosité................ 2.3 Principe des mesures ....................................................... 2.4 Exemples de mesures de rugosité.................................... 2.5 Résumé ............................................................................ 2.6 Exercices.......................................................................... 2.7 Bibliographie ...................................................................
7 7 9 15 17 18 19
SPECTROSCOPIE DES PHOTOÉLECTRONS 3.1 Objectifs........................................................................... 3.2 Méthode ........................................................................... 3.3 Spectres des photoélectrons............................................. 3.4 Instrumentation................................................................ 3.5 Analyse quantitative ........................................................ 3.6 Exercices.......................................................................... 3.7 Résumé ............................................................................ 3.8 Bibliographie ...................................................................
21 21 22 31 37 42 43 44
SPECTROSCOPIE D’ÉLECTRONS AUGER 4.1 Objectifs........................................................................... 4.2 Méthode ........................................................................... 4.3 Spectres des électrons Auger ........................................... 4.4 Instrumentation................................................................
45 45 46 53
X
Analyse et technologie des surfaces
4.5 4.6 4.7 4.8 CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
Analyse quantitative ........................................................ Exercices.......................................................................... Résumé ............................................................................ Bibliographie ...................................................................
62 66 66 67
SPECTROMÉTRIES IONIQUES 5.1 Objectifs........................................................................... 5.2 Méthode ........................................................................... 5.3 Principe............................................................................ 5.4 Instrumentation................................................................ 5.5 Analyse quantitative ........................................................ 5.6 Postionisation................................................................... 5.7 Spectroscopie à décharge luminescente........................... 5.8 Exemples pratiques.......................................................... 5.9 Exercices.......................................................................... 5.10 Résumé ............................................................................ 5.11 Bibliographie ...................................................................
69 69 70 77 85 86 88 90 92 92 93
PROFILS EN PROFONDEUR 6.1 Objectifs........................................................................... 6.2 Introduction ..................................................................... 6.3 Vitesse et rendement du décapage ionique ...................... 6.4 Résolution en profondeur ................................................ 6.5 Décapage ionique préférentiel ......................................... 6.6 Analyse quantitative ........................................................ 6.7 Présentation de quelques exemples d’étude de profils .... 6.8 Exercices.......................................................................... 6.9 Résumé ............................................................................ 6.10 Bibliographie ...................................................................
95 95 98 99 103 105 109 114 114 115
SONDES NANOMÉTRIQUES 7.1 Objectifs........................................................................... 7.2 Famille des sondes........................................................... 7.3 Principe du microscope à effet tunnel ............................. 7.4 Modes d’opération........................................................... 7.5 Théorie du STM............................................................... 7.6 La pointe du STM............................................................ 7.7 Principe et instrumentation du microscope à Force Atomique (AFM) ................................................ 7.8 Autres sondes................................................................... 7.9 Résumé ............................................................................ 7.10 Exercices.......................................................................... 7.11 Bibliographie ................................................................... COMPARAISON DES MÉTHODES ANALYTIQUES..........
117 117 118 120 121 124 124 128 132 133 133 135
Table des matières CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
XI
INTRODUCTION AUX TRAITEMENTS DE SURFACES 9.1 Objectifs........................................................................... 9.2 Classification des traitements de surface ......................... 9.3 Importance des traitements de surface............................. 9.4 Bibliographie ...................................................................
139 141 142 143
TRAITEMENTS THERMIQUES 10.1 Objectifs ........................................................................ 10.2 Introduction ................................................................... 10.3 Transfert de chaleur....................................................... 10.4 Trempe superficielle des aciers...................................... 10.5 Options technologiques ................................................. 10.6 Résumé .......................................................................... 10.7 Exercices........................................................................ 10.8 Bibliographie .................................................................
145 145 147 153 156 158 158 158
TRAITEMENTS MÉCANIQUES 11.1 Objectifs ........................................................................ 11.2 Chargeurs en poudre...................................................... 11.3 Traitement par impact.................................................... 11.4 Méthodes d’application ................................................. 11.5 Modification de structure par déformation plastique .... 11.6 Résumé .......................................................................... 11.7 Exercices........................................................................ 11.8 Bibliographie .................................................................
159 159 161 163 164 165 165 166
TRAITEMENTS PAR DIFFUSION 12.1 Objectifs ........................................................................ 12.2 Introduction, méthodes et principes .............................. 12.3 Réaction avec la surface et formation d’une interphase 12.4 Diffusion de la matière .................................................. 12.5 Formation d’une couche de composé défini.................. 12.6 Diffusion de métaux ...................................................... 12.7 Ionisation sous vide, plasma.......................................... 12.8 Implantation ionique...................................................... 12.9 Résumé .......................................................................... 12.10 Exercices........................................................................ 12.11 Bibliographie .................................................................
167 167 169 170 171 178 183 188 190 190 191
REVÊTEMENTS À PARTIR DE PHASES SOLIDES 13.1 Objectifs ........................................................................ 13.2 Adhésion........................................................................ 13.3 Méthodes de mise en forme des poudres....................... 13.4 Application mécanique d’une poudre fine..................... 13.5 «Cladding» par explosion .............................................
193 193 195 196 197
XII
Analyse et technologie des surfaces
13.6 13.7 13.8 13.9 CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
Revêtements par laminage............................................. Revêtements par frittage................................................ Résumé .......................................................................... Exercices........................................................................
REVÊTEMENTS À PARTIR D’UNE PHASE LIQUIDE 14.1 Objectifs ........................................................................ 14.2 Laquage ......................................................................... 14.3 Solidification ................................................................. 14.4 Revêtement métallique par coulée ou immersion ......... 14.5 Revêtements par soudage, projection thermique ou laser .......................................................................... 14.6 Revêtement par projection plasma ................................ 14.7 Cladding avec laser ou par faisceau d’électrons............ 14.8 Emaillage....................................................................... 14.9 Résumé .......................................................................... 14.10 Exercices........................................................................ 14.11 Bibliographie ................................................................. REVÊTEMENTS À PARTIR D’UNE PHASE GAZEUSE (PVD/CVD) 15.1 Objectifs ........................................................................ 15.2 Introduction ................................................................... 15.3 Evaporation.................................................................... 15.4 Condensation: PVD non réactif .................................... 15.5 Ecoulement moléculaire ................................................ 15.6 Condensation et nucléation hétérogènes ....................... 15.7 Pulvérisation cathodique ............................................... 15.8 Dépôts réactifs............................................................... 15.9 Equipements .................................................................. 15.10 Applications................................................................... 15.11 Exercices........................................................................ 15.12 Bibliographie ................................................................. REVÊTEMENTS À PARTIR D’UNE PHASE IONIQUE 16.1 Objectifs ........................................................................ 16.2 Revêtements à partir d’électrolytes. Principes .............. 16.3 Revêtements électrolytiques, galvanoplastie................. 16.4 Dépôts autocatalytiques................................................. 16.5 Dépôts par déplacement galvanique, revêtements de conversion chimique ................................................. 16.6 Revêtements de conversion électrochimique, anodisation..................................................................... 16.7 Plasma: plaquage ionique.............................................. 16.8 Exercices........................................................................ 16.9 Bibliographie .................................................................
198 200 203 204 205 205 222 225 227 229 231 231 233 234 235
237 237 239 243 245 250 256 258 270 273 275 278
279 279 285 288 291 297 299 303 304
Table des matières CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
XIII
COMBINAISONS DE PROCÉDÉS 17.1 Objectifs ........................................................................ 17.2 Introduction ................................................................... 17.3 Traitements DUPLEX ................................................... 17.4 Moulage des métaux sous pression ............................... 17.5 Exemples divers............................................................. 17.6 Exercices........................................................................ 17.7 Bibliographie .................................................................
305 305 310 312 314 315 315
INGÉNIERIE DES MÉTHODES DE TRAITEMENT DE SURFACE 18.1 Objectifs ........................................................................ 18.2 Introduction ................................................................... 18.3 Rendement en matière ................................................... 18.4 Consommation d’énergie spécifique ............................. 18.5 Pouvoir de pénétration................................................... 18.6 Consommation de vecteurs............................................ 18.7 Méthodes de nettoyage .................................................. 18.8 Exercices........................................................................ 18.9 Bibliographie .................................................................
317 317 318 318 320 323 324 327 328
MÉTALLURGIE DES COUCHES MINCES 19.1 Objectifs ........................................................................ 19.2 Morphologie des couches minces.................................. 19.3 Propriétés mécaniques des couches minces .................. 19.4 Influence de la méthode de fabrication.......................... 19.5 Résumé .......................................................................... 19.6 Exercices........................................................................ 19.7 Bibliographie .................................................................
329 329 335 337 337 337 338
APPLICATIONS 20.1 Objectifs ........................................................................ 20.2 Outils ............................................................................. 20.3 Mécanismes d’usure des outils...................................... 20.4 Utilisation d’un matériau composite avec gradation de fonctionnalité ............................................................ 20.5 Résultats d’application pour les outils de coupe ........... 20.6 Composants de moteur à combustion............................ 20.7 Lunettes ......................................................................... 20.8 Bibliographie .................................................................
341 344 346 347 349
ÉLÉMENTS DE TRIBOLOGIE. INTRODUCTION 21.1 Tribologie: définition – historique ................................ 21.2 Aspects industriels et économiques............................... 21.3 Perspectives de la tribologie .......................................... 21.4 Bibliographie .................................................................
351 353 354 354
339 339 340
XIV CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
Analyse et technologie des surfaces
ANALYSE TRIBOLOGIQUE DES SYSTÈMES 22.1 Objectifs ........................................................................ 22.2 Système tribologique..................................................... 22.3 Paramètres fonctionnels................................................. 22.4 Phénomènes observables ............................................... 22.5 Mécanismes d’endommagement des surfaces............... 22.6 Exercices........................................................................ 22.7 Bibliographie .................................................................
355 356 357 360 361 363 363
ASPECTS MÉCANIQUES ET THERMIQUES DU CONTACT 23.1 Objectifs ........................................................................ 23.2 Actions de contact ......................................................... 23.3 Contraintes et déformations de contact ......................... 23.4 Lois de frottement ......................................................... 23.5 Thermique du contact.................................................... 23.6 Exercices........................................................................ 23.7 Bibliographie .................................................................
365 365 368 380 387 391 393
USURE 24.1 Objectifs ........................................................................ 24.2 Introduction ................................................................... 24.3 Usure adhésive............................................................... 24.4 Usures abrasive et érosive ............................................. 24.5 Usure par fatigue de contact .......................................... 24.6 Usure par réaction tribochimique .................................. 24.7 Exercices........................................................................ 24.8 Bibliographie .................................................................
395 395 396 404 408 414 415 416
MATÉRIAUX DE FRICTION 25.1 Objectif.......................................................................... 25.2 Tribologie et conception................................................ 25.3 Résistance à l’usure adhésive ........................................ 25.4 Matériaux résistant à l’abrasion et à l’érosion............... 25.5 Matériaux résistant à la déformation et à la fatigue de contact ................................................ 25.6 Traitements et revêtements de surface........................... 25.7 Le frottement lubrifié non conventionnel – lubrifiants solides........................................................... 25.8 Exercices........................................................................ 25.9 Bibliographie .................................................................
432 436 437
ÉLÉMENTS DE LUBRIFICATION 26.1 Objectifs ........................................................................ 26.2 Les différents régimes de lubrification ..........................
439 439
417 417 418 425 427 428
Table des matières
26.3 26.4 26.5 26.6 26.7 26.8 26.9 26.10 ANNEXE 1 ANNEXE 2 ANNEXE 3
XV
Propriétés des lubrifiants ............................................... Lubrification hydrostatique ........................................... Base de la lubrification hydrodynamique...................... Lubrification élastohydrodynamique............................. Paliers poreux ................................................................ Lubrification limite ou onctueuse.................................. Exercices........................................................................ Bibliographie .................................................................
441 445 451 463 467 470 471 471
Tableau périodique des éléments.............................................. Liste des acronymes ................................................................. Liste des symboles.................................................................... A.3.1 Variables ........................................................................ A.3.2 Constantes .....................................................................
473 475 477 477 486
INDEX......................................................................................
487
BIOGRAPHIE DES AUTEURS ..............................................
496
CHAPITRE 1
INTRODUCTION À L’ANALYSE DE SURFACES ET INTERFACES
1.1 OBJECTIFS • • • •
Identifier les propriétés qui déterminent une surface. Définir les concepts de surface et de couche mince. Connaître les conditions de travail sous ultravide. Classer les méthodes d’analyse de surface.
1.2 PROPRIÉTÉS DE BASE Dans cette section, nous essayons de décrire les méthodes permettant de caractériser la surface d’un solide et des couches minces dont le comportement est déterminé par la chimie, la géométrie et la structure. • La topographie de la surface tient compte de la rugosité en définissant le relief d’une pièce, le motif élémentaire et la texture. Les techniques de caractérisation topographique par des systèmes mécaniques et optiques seront décrites au chapitre 2. • La chimie de la surface définit la composition chimique et les liaisons entre atomes. Les spectroscopies largement appliquées comme ESCA (Electron Spectroscopy for Chemical Analysis), AES (Auger Electron Spectroscopy) et SIMS (Secondary Ion Mass Spectroscopy) seront décrites respectivement aux chapitres 3 à 5. L’analyse de la composition des couches minces sera décrite au chapitre 6 dédié aux profils en profondeur. • La structure de la surface de la matière précise la position des atomes. Les microscopies à l’échelle du nanomètre basées sur l’effet tunnel comme STM (Scanning Tunnelling Microscopy) et AFM (Atomic Force Microscopy) nous fournissent ces informations. Elles seront décrites au chapitre 7.
1.3 DÉFINITION DE LA SURFACE D’UN SOLIDE Une surface peut se définir comme la partie extérieure d’un solide puisqu’il s’agit de l’interface entre le volume et l’environnement. Les interfaces solide-solide
2
Analyse et technologie des surfaces
(joints de grains, de phases) ne font pas l’objet central du présent chapitre. Néanmoins, si de telles interfaces sont proches et parallèles à une surface comme dans le cas d’une couche mince sur un substrat, elles sont accessibles aux méthodes d’analyse traitées ici. Tous les solides ont une composition chimique superficielle qui est influencée par leur interaction avec l’environnement et l’histoire de leur préparation. Pour le développement d’un nouveau matériau, il est essentiel de contrôler et d’analyser la composition en tenant compte des étapes précédentes pour séparer artefact (contamination) et composition/structure chimique. Ceux qui ont déjà utilisé un microscope électronique savent que l’échantillon introduit dans le vide se noircit (voir aussi vol. 3 du Traité des Matériaux). Ce phénomène est dû à l’interaction du faisceau électronique avec une contamination de surface adsorbée dans l’atmosphère ambiante. L’énergie des électrons projetés sur la surface est suffisante pour dissocier quelques molécules adsorbés à la surface et produire un dépôt en carbone et oxygène. Un phénomène du même type se produit lors d’une analyse de surface. Or la sensibilité de ces méthodes est telle qu’on ne détecte et n’observe pas seulement la surface, mais aussi (et parfois surtout) des impuretés adsorbées. Le signal détecté est une fonction du nombre de particules secondaires émises par l’échantillon. Ce nombre est par définition sensiblement plus petit que le nombre de particules dans le volume, car il s’agit d’un problème quasiment bidimensionnel. La zone analysée varie typiquement entre une fraction de nanomètre et une dizaine de nanomètres. Dans le cas où on pulvérise localement l’échantillon, on peut toutefois accéder à des couches plus épaisses. Le but de cet ouvrage et notre défi est de déterminer avec la meilleure précision possible la nature des atomes et molécules d’abord qualitativement, ensuite quantitativement et ceci pas seulement pour l’endroit «ponctuel» mais aussi comme distribution latérale. On sait que la configuration des atomes et des molécules superficiels dépend de l’orientation de la surface, et on imagine bien qu’un certain nombre de qualités et de propriétés, la réactivité notamment, vont dépendre de l’orientation de la surface. De plus, suivant l’orientation des grains et de joints de grains, les cinétiques des réactions peuvent être différentes. Une surface échange des atomes ou molécules avec son environnent selon la théorie cinétique des gaz développée par D. Bernoulli. Selon lui, la pression p (en Pa) d’un gaz parfait est une fonction de la densité moléculaire n (en 1/m3) et de la température T (en K) selon p = nk B T
(1.1)
où kB est la constante de Boltzmann. L’équation (1.1) nous permet de calculer le nombre de molécules qui arrivent par seconde sur une surface. Sachant qu’une monocouche de molécules contient approximativement 1019 particules/m2, on obtient une relation entre le nombre de monocouches adsorbées n' sur une surface et la pression dans une enceinte. Supposons que toutes les molécules arrivant en
Introduction à l’analyse de surfaces et interfaces
3
surface restent adsorbées, c’est-à-dire un coefficient d’adsorption (sticking coefficient) égal à 1, et qu’on mesure la pression en Pascal, on obtient pour la température ambiante une estimation de n' ---- ≈ 10 4 p
(1.2)
Ainsi, le temps nécessaire à la formation d’une monocouche est seulement d’une seconde si la pression est de 10–4 Pa. Donc, pour un temps d’acquisition de 15 minutes (103 secondes) une pression inférieure à 10–7 Pa est nécessaire pour éviter que la surface ne se couvre d’une couche de contamination adsorbée. La sensibilité des spectroscopies présentées plus bas varie entre 1 et 10–6 pourcent d’une monocouche. Cette sensibilité est très élevée et elle correspond à 1017-1011 atomes/m2 si on la compare avec les méthodes classiques. Nous sommes capables de visualiser la position des atomes un par un. Il est essentiel d’accepter l’idée que la composition d’une couche d’atomes de surface puisse différer de la composition chimique au sein du volume de l’échantillon. Cette composition de surface est contrôlée par le milieu (température, pression, gaz...) et le traitement de l’échantillon. En conséquence, une connaissance détaillée de l’histoire et de la préparation de l’échantillon est extrêmement importante pour l’analyse de la composition chimique d’une surface.
1.4 LES MÉTHODES D’ANALYSE ET LEURS DOMAINES D’APPLICATION L’analyse de surface peut se faire par application de différents mécanismes d’interaction de particules primaires (électrons, photons, ions, phonons, particules neutres) avec la matière condensée. De plus, à la suite de l’application d’un champ électrique E ou magnétique M, de la variation de la température T ou de la force F entre deux atomes, on est capable de caractériser une surface. e–, i±, hν, phonons, F, E, M, T
e–, i±, hν, phonons, F, E, M, T
Fig. 1.1 Illustration des sondes pour l’analyse de surface.
4
Analyse et technologie des surfaces
La figure 1.1 montre les différentes particules ou forces utilisées comme sonde de sortie après une excitation de la surface par des particules, forces mécaniques et électromagnétiques ou la température T. Définissons trois types de distribution d’atomes ou molécules d’un échantillon comme illustré à la figure 1.2: en surface (fig. 1.2(a)), en volume d’un solide (fig. 1.2(b)) et par couches minces ou épaisses avec motif et interfaces internes (fig. 1.2(c)). L’échantillon réel pourrait être une combinaison des trois types. Les exigences en terme d’analyse seront adaptées en conséquence.
(a)
(b)
(c)
Fig. 1.2 Schéma de distribution d’atomes à détecter : (a) monocouche; (b) distribution en volume; (c) motifs et interfaces internes.
Le choix d’une méthode n’est pas seulement une fonction de la distribution, mais aussi de la nature de l’échantillon qui peut être conducteur, isolant, multicouche, sous forme de poudre... On constate qu’il faut prendre en considération plusieurs paramètres y compris la géométrie de l’échantillon. Le tableau 1.1 résume les paramètres à considérer avant de choisir la méthode la mieux adaptée au problème:
Tableau 1.1 Paramètres à considérer pour optimiser le choix de la méthode d’analyse de surface. Paramètres type d’analyse (spectroscopie, microscopie, profil) précision (qualitative et quantitative) limite de détection résolution (latérale, d’énergie, de masse, de profondeur) sensibilité modification éventuelle de l’échantillon par la préparation compatibilité de l’échantillon avec l’analyse sous haut vide temps d’analyse coût et complexité
Introduction à l’analyse de surfaces et interfaces
5
En pratique, on constate rapidement qu’il faut optimiser les paramètres et faire un compromis pour arriver au but. On y reviendra à la fin de ce chapitre lors de la comparaison des méthodes au chapitre 8. Le tableau 1.2 permet de classer les méthodes d’analyse. Il consiste en une liste des méthodes selon les processus primaires et secondaires possibles contenant les acronymes dont les définitions se trouvent dans le tableau de l’Annexe 1. On constate qu’il y a un grand nombre de méthodes à disposition. Les méthodes décrites et/ou mentionnées dans les paragraphes suivants sont en gras.
Tableau 1.2 Tableau de comparaison des méthodes d’analyse de surface pour divers sondes d’entrée et sondes de sortie utilisant une radiation électro-magnétique hv, des électrons e, des particules neutres ou ionisées, des phonons (vibrations), forces électriques E ou magnétiques M, la variation de la température T ou les forces atomique F. sonde d’entrée
sonde de sortie hν
e–
neutres
i±
hν
ELL EXAFS ESR FTIR MOSS NMR RAMAN SEM XRD
ESCA/XPS SEXAFS UPS XAES
LMP
LAMMA MALDI
e–
EM
AES/SAM EELS LEED RHEED SEM STEM
ESDN
ESDI
neutres i±
phonons E/M/T/F
NIRS
FAB
PIXE GDOES
GDMS IMMA ISS NRA RBS SIMS SNMS
ES
TE
FD
EL SNOM
STM FEM
FDM
phonons
E/M/T/F
ASW SAM FIM
AFM CPD SC MFM SNTM
6
Analyse et technologie des surfaces
1.5 BIBLIOGRAPHIE C. KITTEL, Physique de l’état solide, 5e éd., Dunod, Paris, 1990. J.-L. MARTIN et A. GEORGE, Caractérisation expérimentale des matériaux II. Analyse par rayons X, électrons et neutrons, Traité des Matériaux vol. 3, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1998. M. GERL et J.-P. ISSI, Physique des matériaux, Traité des Matériaux vol. 8, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1997. F. LÉVY, Physique et technologie des semiconducteurs, Traité des Matériaux vol. 18, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 1995. Mc QUARRIE ROCK, Chimie générale, De Boeck-Wesmael, Bruxelles, 1993. D.C. GIANCOLI, Physique générale 1. Mécanique et thermodynamique, vol. 1, De Boeck Université, Montréal, 1997.
Il est recommandé de consulter les journaux scientifiques, dont quelques-uns se trouvent dans la liste suivante: Analytical Chemistry Applied Surface Science ASLE Transactions ASME Journal of Tribologie Fresenius Zeitschrift für Analytische Chemie Journal of Vacuum Science and Technology A + B Electron Spectroscopy and Related Phenomena Journal de Microscoscopie et de Spectroscocpie Electronique Journal of the Electrochmical Society of America Journal of Tribology Le Vide – Couches Minces Lubrication Engineering Nuclear Instruments and Methods Oberflächen/Polysurfaces Surface and Interface Analysis Surface Coatings and Technology Surface Science Thin Solid Films Tribology International Triobology Letters Traitement Thermique Material und Technik Ultramicroscopy Vacuum Wear Werkstoffe und Korrosion
CHAPITRE 2
TOPOGRAPHIE ET ÉPAISSEUR DES COUCHES MINCES
2.1 OBJECTIFS Ce chapitre propose une brève introduction aux méthodes classiques (mécaniques et optiques) pour la mesure de la rugosité, de la caractérisation de la topographie et de la mesure de l’épaisseur des couches minces. Il présente: • la définition de quelques paramètres de rugosité, • le rugosimètre mécanique, • les principes de l’interférométrie, • l’ellipsométrie, • quelques exemples. Ces techniques déterminent les variations de hauteur à la surface d’un matériau à l’aide d’outils issus de la statistique, du traitement du signal et du traitement d’images. Les instruments fournissent une image de la surface en 2D ou 3D qui permet de quantifier la rugosité d’un échantillon et de visualiser la topographie. Les données sont obtenues soit à l’aide d’un capteur mécanique sur un tracé sélectionné de la surface de l’échantillon soit par mesure optique sans contact.
2.2 DÉFINITION DE QUELQUES PARAMÈTRES DE RUGOSITÉ La rugosité des surfaces peut être décrite en mode bidimensionnel ou pseudotridimensionnel à l’aide d’un nombre restreint de paramètres. L’analyse d’un profil de surface consiste d’une part en la connaissance des amplitudes illustrées par les paramètres issus de la statistique et d’autre part en la définition de fonctions spectrales (transformée de Fourier, densité spectrale de puissance...). En ce qui concerne les amplitudes, les principaux paramètres sont déterminés directement à partir de la fonction de distribution des hauteurs p(z). Cette fonction définit dans l’intervalle entre zmin et zmax le paramètre Rt (rugosité maximale) et le paramètre Rp (hauteur moyenne) compris entre z et ∆z. Une mesure sur un tracé est illustrée schématiquement à la figure 2.1. Avant tout, il faut signaler que les normes en vigueur préconisent plus de 18 paramètres différents pour décrire la rugosité des surfaces (voir DIN 4768). Si on
8
Analyse et technologie des surfaces z(x)
Rp Rt x
(a)
l0 z(x) Ra
(b)
x
Fig. 2.1 Illustration de quelques paramètres pour la caractérisation de la rugosité. Le profil de rugosité est tracé (a) sans modification et (b) avec des valeurs absolues de z.
fait intervenir les valeurs absolues z i , l’écart arithmétique moyen à la hauteur (rugosité) moyenne donne Ra : 1 R a = --n
l0
n
∑ zi
=
i=1
∫ z ( x ) dx i
(2.1)
0
La sommation peut se faire aussi par l’intégration sur l’ensemble des zi entre 0 et l0 comme illustré à la figure 2.1. Une variante de Ra est le paramètre Rz qui est défini comme suit: 5
Rz =
1 --5
∑ zi
(2.2)
i=1
en tenant compte seulement de 5 points consécutifs. L’écart type des hauteurs est défini par le paramètre Rq comme la racine carrée de la variance:
Rq =
1 --n
n
∑
i=1
z i2
=
l ----l0
l0
∫
z 2 dz
(2.3)
0
En mode 3D, toutes les données concernant les amplitudes z(x, y) peuvent être extrapolées à partir des données développées ci-dessus.
Topographie et épaisseur des couches minces
9
2.3 PRINCIPE DES MESURES 2.3.1 Rugosimètre mécanique Les instruments les plus répandus sont les rugosimètres mécaniques, avec lesquels la variation de la rugosité d’une surface est déterminée à l’aide d’un palpeur mécanique qui balaye la surface (fig. 2.2).
stylet
bobines levier
(a)
(b)
Fig. 2.2 Principe d’un profilomètre mécanique avec (a) un système inductif en ferrite et (b) un système optique avec réflexion d’un faisceau de lumière.
Le mouvement vertical du stylet qui est mécaniquement en contact avec la surface est capté soit par un système inductif soit par un système optique avec réflexion d’un laser sur le levier. La figure 2.3 donne un exemple d’une image pseudo-3D d’une réseau de diffraction. La variation en hauteur z est mesurée en fonction de la direction x. L’effet pseudo-3D est obtenu par la visualisation de traces successives par le déplacement en direction y. En déplaçant le stylet ou le laser sur un tracé ou successivement sur toute la surface, on obtient l’image de la topographie de la surface. Le signal mesuré est enregistré de façon digitale par un ordinateur; on peut alors visualiser le résultat sur un écran et calculer des paramètres de rugosité. Le rayon de courbure du stylet détermine la résolution latérale d’une telle mesure. Il existe des stylets avec des rayons inférieurs à 1 µm permettant d’obtenir une résolution latérale supérieure ou égale à 0,1 µm. A noter que la résolution verticale sur une marche peut atteindre 1-2 nm. La distance maximale analysée (entre 1 µm et plusieurs cm) et la force appliquée par le stylet (0,1-50 mN) sont aussi déterminées par ce type d’instrument. L’inclinaison de la surface peut être contrôlée par le porteéchantillon ou par le traitement d’image à l’aide de l’ordinateur.
10
Analyse et technologie des surfaces
50 µm
y x z Fig. 2.3 Série de traces d’un profilomètre mécanique obtenues sur un réseau de diffraction.
2.3.2 Interféromètres Un autre type d’instrument pour la caractérisation de la topographie est optique: on applique le principe d’interférence de la lumière monochromatique ou laser d’une longueur d’onde λ = 589 nm déterminée par une source à vapeur de sodium. L’interférence de la lumière peut être mesurée par plusieurs méthodes dont les plus connues sont les méthodes de Michelson et de Mirau (fig. 2.4 et 2.5). Ces dispositifs se distinguent par le fait qu’on évite tout contact avec l’échantillon en utilisant respectivement un prisme P ou un miroir diviseur M pour créer deux rayons, dont un qui est réfléchi sur la référence R et l’autre qui est réfléchi par la surface S de l’échantillon.
O
P
R S Fig. 2.4 Principe du dispositif de Michelson avec l’objectif O, la surface de référence R (miroir fixe), le prisme diviseur P et la surface de l’objet S.
Topographie et épaisseur des couches minces
11
O
R M S Fig. 2.5 Principe du dispositif de Mirau avec l’objectif O, la surface de référence R, miroir diviseur M et surface de l’objet S.
Avec ces dispositifs, ce sont les interférences dues à deux faisceaux de lumière qu’on utilise pour mesurer des différences de niveau. En pratique, on met en interférence deux faisceaux cohérents provenant de la division d’un unique faisceau de lumière. L’un de ces deux faisceaux est réfléchi par la surface de l’objet S et l’autre par la surface de référence R devant la lentille frontale de l’objectif O avant qu’ils n’interfèrent. Le contact mécanique entre M (ou P) et S est donc supprimé dans ces cas-ci. L’écartement de deux franges voisines correspond dans le cas d’une lumière réfléchie, à une différence de niveau d’une demi-longueur d’onde λ /2 (par ex, pour une source de Na λ = 589 nm ou 546 nm pour le Hg). La différence de niveau d dans un milieu d’indice optique n se calcule par l’équation mλ d = ------2n
(2.4)
où m est le décalage relatif des franges; λ, la longueur d’onde de la lumière utilisée et n l’indice optique réel du milieu d’immersion (fig. 2.6) (par ex. pour l’air n = 1). Ces dispositifs optiques se prêtent bien pour des différences de hauteur jusqu’à λ /10, soit environ 60 nm pour un éclairage en lumière jaune (λ = 589 nm). La mesure du décalage des franges et par conséquent celle de la différence de niveau de la texture peuvent se faire manuellement ou automatiquement par un système
λ /2
m
Fig. 2.6 Schéma d’un interférogramme avec la longueur d’onde λ et le décalage relatif des franges m.
12
Analyse et technologie des surfaces
lumière
P
laser
R
D/A O I
T(x, y)
Fig. 2.7 Profilomètre optique qui utilise un laser balayant la surface: P et R sont les lames semi-transparentes; O, l’objectif, D/A, le convertisseur digital/analogique, T(x, y), le traceur et I, l’image.
d’analyse d’image. Mentionnons que le grossissement utile, X, est déterminé par le produit de l’ouverture numérique A (= n · sinΦ, où n est l’indice de réfraction réel et Φ est l’angle d’entrée), de l’objectif et de l’oculaire O. Un rugosimètre à laser qui évite tout contact mécanique avec la surface en utilisant un laser et le principe de Michelson est montré sur la figure 2.7. La position de l’échantillon est modifiée par un déplacement horizontal et un réglage en hauteur. Le laser balaie la surface T dans les directions x-y. Le signal du laser converti par un convertisseur D/A forme l’image numérique I de la surface. Une source de lumière utilisée comme microscope visualise optiquement la surface. Les lames semi-transparentes R et P contrôlent la réflexion du rayon laser et d’une source lumineuse. L’avantage d’un tel instrument est l’absence de tout contact mécanique de la surface avec la sonde pendant la mesure. La résolution latérale et celle en profondeur sont typiquement de l’ordre du micromètre. Une variante aux méthodes sans contact est le dispositif proposé par Tolansky qui utilise les interférences des rayons multiples formés entre une lame de réflexion et la surface S de l’objet. Son avantage réside dans le fait qu’on peut obtenir un signal plus intense par la superposition de plusieurs rayons après réflexion. L’inconvénient est le contact de la lame avec la surface qui provoque une distorsion des franges.
Topographie et épaisseur des couches minces
13
2.3.3 Ellipsométrie Cette méthode optique applique la variation de la polarisation de la lumière suite à une réflexion sur un échantillon à explorer. Le nom ellipsométrie vient du fait qu’après réflexion de la lumière sur la surface d’un substrat non transparent, la lumière, ou plutôt son vecteur électrique est polarisé elliptiquement. La méthode peut être utilisée in situ, c’est-à-dire à l’air ou dans un milieu défini (par ex. une solution électrolytique). L’ellipsométrie détermine les indices optiques nc = n – ik d’une surface ou d’une couche mince. La figure 2.8 montre les coefficients de réflexion de Fresnel r1 et r2 aux interfaces I1 et I2 d’un substrat couvert d’une couche F dans un milieu M (par ex. l’air).
E
E'' M
θ
r1
n0
I1
ncf z
E'
θcf
E''
θcf
F r2 I2
θcm ncm
S
Fig. 2.8 Coefficients de réflexion de Fresnel r1 et r2 aux interfaces I1 et I2 d’un substrat couvert d’une couche F d’une épaisseur z dans un milieu M (par ex. l’air). θ est l’angle d’incidence et les angles de réfraction du film et du substrat S sont respectivement θcf et θcm. Les indices optiques no, ncf et ncm du milieu M de la couche F et du substrat S sont indiqués également (d’après [2.2]).
Deux paramètres sont mesurés: la variation de l’amplitude Ψ et de la phase ∆ du vecteur champ électrique E, sachant que E est lié au vecteur de la propagation de la lumière k et au vecteur champ magnétique M. A l’aide de logiciels, les systèmes multicouches peuvent être analysés d’une façon non destructive. La méthode est très utilisée pour le contrôle de qualité des «wafers» de silicium, la fabrication des couches minces des circuits intégrés, le contrôle d’épaisseur des couches minces, soit nitrurées, oxydées ou métalliques. La variation de la longueur d’onde λ permet d’utiliser l’ellipsométrie comme une spectroscopie pour l’analyse de surface et des couches minces avec des substrats bien connus et très lisses. On utilise les équations de Snell pour les deux interfaces (milieu incident/ couche et couche/substrat) avec nc = n – ik pour la couche (F) et le substrat (M). Avec l’indice du milieu incident n0, on obtient les relations de Snell aux deux interfaces:
14
Analyse et technologie des surfaces
n 0 sin θ = n cf sin θ cf
(2.5)
n cf sin θ cf = n cm sin θ cm
(2.6)
Les constantes optiques complexes nc = n – ik et les angles d’incidence aux deux interfaces (fig. 2.8) déterminent la variation de Ψ et ∆. On introduit deux paramètres, ∆ et ψ, définis par le rapport des amplitudes des composantes p et s du vecteur E: Ep -------- = tan Ψ Es
(2.7)
et la différence de phase entre les deux composantes p et s est égale à:
εp – εs = ∆
(2.8)
avec 0˚ ≤ ψ ≤ 90˚ et 0˚ ≤ ∆ ≤ 360˚. Le produit des rapports des amplitudes et la différence des phases donnent le paramètre ρ, définie par l’équation de Drude: tan Ψ r r ρ = ----p = --------------e i ( ∆r – ∆i ) = tan Ψ e i∆ tan Ψ i rs
(2.9)
qui représente le rapport de deux termes complexes, rp et rs, appelés coefficients de Fresnel et définis par: E p'' r 1p + r 2p e –iD E p'' '' r p = ------ = --------- exp ( i ( ε p – ε p ) ) = ---------------------------------Ep Ep 1 + r 1p r 2p e –iD
(2.10a)
E s'' r 1s + r 2s e –iD E '' r s = ------s = --------- exp ( i ( ε s'' – ε s ) ) = --------------------------------Es Es 1 + r 1s r 2s e –iD
(2.11b)
Ils permettent de calculer l’épaisseur z selon: 4π D = ------z ⋅ n cf cos θ cf λ
(2.12)
où D est la différence de phase des deux composantes p et s, et λ la longueur d’onde de la lumière utilisée. Le schéma d’un ellipsomètre est illustré sur la figure 2.9. On détermine la variation de la polarisation de la lumière monochromatique (longueur d’onde λ) par la mesure des deux paramètres ∆ et ψ. Ceci est réalisé à l’aide d’un polariseur P qui fournit une radiation polarisée linéairement I. Le plan de polarisation est modifié par rotation du polariseur [2.2].
Topographie et épaisseur des couches minces lin
15
lin ell
S D P
A C
Φ E
Fig. 2.9 Schéma d’un ellipsomètre: source de lumière S avec variation de la longueur d’onde ou laser L, polariseur P, compensateur de phase (lame λ /4) C, angle d’incidence Φ, échantillon E, analyseur A et détecteur D. La polarisation est soit linéaire (lin) soit elliptique (ell) (d’après [2.1]).
Un compensateur de phase C qui est une lame λ /4 rotative introduit un changement de phase entre les deux composantes du vecteur E de la lumière p et s. De cette manière, la lumière incidente est polarisée elliptiquement. L’interaction entre la radiation primaire et l’échantillon provoque de nouveau un changement de phase et d’amplitude. Pour les détecter, on place un analyseur proche de la surface pour déterminer l’influence de l’échantillon. Cet analyseur détermine le plan de polarisation de la même façon que le polariseur. On mesure donc deux paramètres (∆, ψ) pour une longueur d’onde et on détermine deux constantes optiques (n, k). L’épaisseur est calculée soit par itération numérique soit directement par la variation de la longueur d’onde selon l’équation (2.12). Le faisceau de lumière ou le laser est focalisé sur une aire de quelques micromètres. Une carte de distribution des constantes optiques ou des mesures de composition est réalisée par balayage de la surface. La résolution de l’épaisseur est déterminée par la résolution angulaire des moteurs pas-à-pas ou des cellules de Faraday. La sensibilité est déterminée par la précision des indices optiques de la couche et du substrat. L’avantage de l’ellipsométrie qui ne nécessite pas un système de vide est la haute sensibilité pour la mesure de l’épaisseur (≥ 0,2 nm) des couches minces pourvu que la rugosité de l’échantillon Ra soit inférieure à 10 nm et que l’homogénéité des couches soit suffisamment bonne pour l’application des constantes optiques n et k du matériau analysé.
2.4 EXEMPLES DE MESURES DE RUGOSITÉ La figure 2.10 donne un exemple d’une mesure bidimensionnelle d’une surface de champ de bosses mesurée avec un rugosimètre à laser sur une surface de 1 mm2. Ce champ a été obtenu par un bombardement avec petites sphères métalliques. Le système d’acquisition permet d’illustrer la rugosité de toute la surface, mais aussi sur des tracés choisis par l’utilisateur comme illustré aux figures 2.11(a) et (b) pour les positions y = 0 mm et y = 0,58 mm.
16
Analyse et technologie des surfaces B 10 µm
1,0
y [mm] x [mm] 0
0
A
1,0
Fig. 2.10 Champ de bosses d’une surface de 1 × 1 mm2 mesurée par un interféromètre.
z [µm]
10
y = 0,58 mm
5 0 –5
(a)
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
x [mm]
z [µm]
10
y = 0 mm
5 0 –5
(b)
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
x [mm] Fig. 2.11 Tracés bidimensionnels de hauteur pour (a) y = 0,58 mm et (b) y = 0 mm.
Le logiciel de traitement des données permet également de visualiser la variation de la rugosité par un tracé A-B défini par la ligne A-B de la figure 2.9. On note que les bosses ne sont pas égales. Les possibilités de visualisation topographique d’une surface sont illustrées par les figures 2.9 à 2.11. Dans le cas de la figure 2.11(a) et (b) les valeurs de rugosité Ra sont 1,28 et 1,75 µm, respectivement.
Topographie et épaisseur des couches minces
17
z [µm]
10 5 0 –5 0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
A-B [mm] Fig. 2.12 Tracé selon la ligne A-B définie à la figure 2.9.
Les résolutions latérales et verticales sont limitées par les géométries du palpeur et de la surface analysée et cela es illustré sur la figure 2.13.
P
1
2
3
4
5
Fig. 2.13 Limites de résolution latérale pour un rugosimètre de type palpeur P ou laser pour diverses géométries d’une surface.
Pour une marche (points 1 et 4), le rayon de courbure du palpeur (P) ou le diamètre du laser détermine la résolution. Toutefois, en général, la précision d’une mesure de hauteur n’est déterminée que par la résolution du système d’asservissement mécanique ou le système optique. Des endroits cachés comme le point 2 dans la figure 2.13 ne sont pas accessibles ni par un rugosimètre mécanique ou optique ni par un interféromètre. Une contamination illustrée par le point 3 sera vue par le rugosimètre comme une partie de la surface. Si la dimension d’un trou ou d’un pore (point 5) est inférieure au diamètre du palpeur, la mesure sera fausse également. Les rugosimètres courants ont une résolution latérale de 0,1-1 µm et une résolution verticale de 1-2 nm.
2.5 RÉSUMÉ La caractérisation de la topographie d’un objet peut être réalisée par diverses techniques comme les systèmes mécaniques ou optiques ou même par l’interférométrie. En mode mécanique, le stylet de mesure est en contact avec la surface, contrairement aux
18
Analyse et technologie des surfaces
systèmes optiques où la mesure est réalisée sans contact. La résolution latérale est limitée par la géométrie du stylet ou la longueur d’onde (env. 0,1-1 µm). L’ellipsométrie permet de mesurer une épaisseur ≥ 0,2 nm. La figure 2.14 illustre des plages de fonctionnement pour les différentes méthodes, y compris les méthodes de la famille des SPM (Scanning Probe Microscopy) discutées au chapitre 7. mm stylet mécanique méthodes optiques
µm
AFM z
nm
STM
nm
µm
mm
x Fig. 2.14 Estimation des plages d’application des méthodes mécaniques, optiques, AFM (Atomic Force Microscopy) et STM (Scanning Tunneling Microscopy) en fonction des résolutions verticales (z) et latérales (x).
On peut mettre en évidence les variations minimales verticales de 1-2 nm pour des surfaces planes par un système mécanique. Les méthodes d’interférométrie sont limitées par la longueur d’onde utilisée, c’est-à-dire au minimum environ 50-100 nm selon la rugosité de la surface. L’ellipsométrie est sensible aux variations de l’épaisseur (direction z). On constate que les méthodes équipées d’une pointe atomique comme les STM et AFM ont une meilleure résolution latérale, ce qui nous amène dans le monde nanométrique traité au chapitre 7.
2.6 EXERCICES 2.6.1 Estimer la valeur Ra d’un monocristal (wafer) de silicium. 2.6.2 Quelle est la résolution en hauteur d’un profilomètre mécanique? 2.6.3 Expliquer la différence entre les valeurs Ra et RQ. 2.6.4 Expliquer le principe d’interférence de Michelson. 2.6.5 Par quelle propriété de surface est déterminée la limite de la résolution en hauteur d’un interféromètre? 2.6.6 D’où vient le nom ellipsométrie et quels sont les termes mesurés?
Topographie et épaisseur des couches minces
19
2.7 BIBLIOGRAPHIE Générale D.E. ASPNES, Spectroscopic Ellipsometry of Solids, in Optical Properties of Solids: New Developments, B.O. Seraphin, Editor, North-Holland, Amsterdam, p. 800, 1976. R.H. MULLER, Principles of Ellipsometry, in Advances in Electrochemistry and Electrochemical Engineering, P. Delahy and C.W. Tobias, Editors, John Wiley & Sons, New York, p. 167, 1973. K.J. STOUT, ed. Three Dimensional Surface Topographiy; Measurement, Interpretation and Applications – A Survey and Bibliography, London and Bristol, Penton Press, 1994.
Références [2.1] MATHIEU H.J., D.E. MCCLURE, et R.H. MULLER, Fast Self-Compensating Ellipsometer, Rev. Sci. Instr., 45, pp. 798-802, 1974. [2.2] MULLER R.H., Ellipsometry as an in Situ Probe for the Study of Electrode Processes, in Techniques for Characterization of Electrodes and Electrochemical Processes, R. Varma and J.R. Selman, Editors, John Wiley & Sons, New York, pp. 31-126, 1991.
CHAPITRE 3
SPECTROSCOPIE DES PHOTOÉLECTRONS
3.1 OBJECTIFS • Présenter la théorie de base de la spectroscopie des photoélectrons y compris la quantification. • Décrire l’instrumentation. • Donner quelques exemples.
3.2 MÉTHODE La spectroscopie de photoélectrons XPS (X-Ray Photoelectron Spectroscopy), appelée aussi ESCA (Electron Spectroscopy for Chemical Analysis) a été développée à partir des années 1950 par le groupe de K. Siegbahn [3.1]. La méthode est basée sur la mesure de l’énergie de liaison des électrons par effet photoélectrique (Einstein, 1905) suite au bombardement de la surface par rayons X comme indiqué dans la figure 3.1. Comme source primaire, on utilise en général la radiation de la raie Kα du magnésium, de l’aluminium ou d’autres transitions données par le tableau 3.1. Ces lignes Kα ont une énergie d’environ 1 keV et le pic une largeur à mi-hauteur ∆E < 1 eV qui permet de déterminer la plupart des pics photoélectroniques avec une
– e photo
hν
i
θ
Fig. 3.1 Principe de l’analyse XPS.
22
Analyse et technologie des surfaces
précision suffisamment bonne. C’est la valeur de ∆E qui est un facteur limitant pour cette spectroscopie. Pour déterminer différents états de liaison, il faut une résolution en énergie ∆E suffisamment petite. Toutefois, on verra plus loin que l’énergie détermine la profondeur analysée. C’est pour cette raison que les sources avec une énergie plus élevée (Si, Zr, Ti) sont utilisées pour accéder à des profondeurs plus grandes bien qu’elles aient une largeur ∆E plus élevée. Tableau 3.1 Sources RX, utilisées en XPS (E est l’énergie et ∆E la résolution en énergie). source
E
∆E
Mg Kα1,2
1253,6 eV
0,70 eV
Al Kα1,2
1486,6 eV
0,85 eV
Si Kα
1739,5 eV
1,0 eV
Zr Lα
2042,4 eV
1,70 eV
Ti Kα
4510,0 eV
2,0 eV
L’intérêt de cette technique résulte de la possibilité de déterminer quantitativement la liaison des atomes et leur degré d’oxydation. Tous les éléments solides et leurs composés à partir du Lithium sont détectables. Sa sensibilité de surface découle des faibles valeurs des libres parcours moyens des photoélectrons, qui sont de ce fait porteurs d’informations analytiques avec une sensibilité de moins d’un pour-cent d’une monocouche. L’XPS est un des outils principaux d’analyse quantitative de surface, en raison de l’information sur la nature de la liaison chimique des éléments que l’on peut en tirer. La méthode est limitée actuellement par sa résolution latérale qui se situe au-dessus de quelques micromètres.
3.3 SPECTRES DES PHOTOÉLECTRONS L’émission d’électrons par une surface sous irradiation de rayons X a pour origine principale deux étapes se déroulant dans l’ordre suivant: photoionisation suivie soit d’une relaxation Auger, soit d’une émission d’un photon, comme schématisé sur la figure 3.2. Dans la première étape (a), l’excitation, le rayon X (ou photon) est absorbé par l’atome et un photoélectron est éjecté. Ainsi, l’atome résiduel est ionisé avec une vacance sur l’orbitale d’origine du photoélectron. La relaxation (b-c) de cet état ionisé primaire peut s’effectuer par une transition d’un électron suivie de l’un des deux processus en compétition de la seconde étape: (b) une fluorescence X (émission d’un photon) ou (c) une désexcitation par effet Auger. C’est la physique quantique qui décrit la probabilité de ces transitions. En XPS, on détermine l’énergie des photoélectrons (a) mais aussi celle des électrons Auger (c) car leurs transitions sont mesurées dans le même spectre (voir aussi § 3.3.3).
Spectroscopie des photoélectrons
EF
23
excitation
EL
E3
RX
– e photo
E2
E1 (a)
relaxation
– e Auger
EFermi
EL
E3 E2 RX
(b)
E1
(c)
Fig. 3.2 Mécanismes d’excitation par des rayons X (RX) d’un photoélectron et d’un électron Auger. Les niveaux d’énergie E1 – E3 sont indiqués par rapport au niveau de Fermi, EFermi.
3.3.1 Bilan énergétique L’interprétation des spectres des photoélectrons s’effectue généralement selon le diagramme des niveaux d’énergie, comme indiqué sur la figure 3.3. Le principe de conservation de l’énergie permet d’écrire le bilan suivant lors de l’absorption d’un photon d’énergie E = hν : ' +Φ h ν = E L + E cin éch
(3.1)
avec EL : énergie de liaison du photoélectron émis. ' E cin : énergie cinétique du photoélectron émis par le solide. Le niveau de référence est le niveau de Fermi, EFermi. Ecin : énergie cinétique du photoélectron mesurée par le spectromètre par rapport à EFermi. Φéch : fonction d’extraction de l’échantillon. EFermi : énergie de Fermi Dans (3.1), Φéch et ΦA représentent les fonctions d’extraction (work function) de l’échantillon et du spectromètre. ΦA est constante (environ 4 eV) et est déterminée par une calibration du détecteur d’électrons. Ainsi, on obtient selon la figure 3.3:
24
Analyse et technologie des surfaces E(eV)
Evide
' E cin
Ecin
Φéch
ΦA
E4 0
EFermi analyseur
E3 hν
EL
E2
E1 échantillon Fig. 3.3 Bilan énergétique de l’analyse XPS. ' +Φ E cin + Φ A = E cin éch
(3.2)
et donc l’équation principale de l’XPS reliant l’énergie cinétique mesurée et l’énergie de liaison recherchée E L = h ν – E cin – Φ A
(3.3a)
E cin = h ν – E L – Φ A
(3.3b)
ou
On remarque dans cette dernière équation que seule la fonction d’extraction du spectromètre ΦA intervient. Le tableau A3 de l’annexe donne les positions des raies de photoélectrons des éléments. Les raies des pics utilisés pour la calibration en XPS sont décrites au tableau 3.2. Signalons enfin qu’on peut trouver l’ensemble des énergies de liaison chez Briggs et Seah. Tableau 3.2 Positions des pics des photoélectrons utilisées pour le calibrage. Au 4 f7/2
84,0 eV
C 1s1/2
285,0 eV
Ag 3d5/2
368,3 eV
Cu 2p3/2
932,7 eV
Al Kα – Mg Kα
233,0 eV
Spectroscopie des photoélectrons
25
Pour le bilan d’énergie, on fait l’hypothèse que le niveau de Fermi est le même pour l’échantillon et l’analyseur, ce qui est le cas seulement si l’échantillon ne se charge pas. Cette hypothèse est donc bonne pour tous les matériaux conducteurs. Toutefois, dans le cas d’un isolant, un phénomène de «charging», c’est-à-dire une accumulation de charges négatives suite à un excès d’électrons en surface provenant de la source non monochromatisée Mg Kα où Al Kα est observée. L’utilisation d’une source monochromatisée (§ 3.3.2) supprime ces électrons primaires et mène donc souvent à un charging positif. Dans les deux cas, les énergies mesurées se trouvent déplacées d’une valeur constante soit positive soit négative. Une charge positive se compense par une source d’électrons incorporée dans le dispositif expérimental. La figure 3.4 montre un exemple de spectre XPS, en l’occurrence celui obtenu sur de l’Al oxydé et mesuré avec la source Mg Kα. On observe bien les transitions 2s et 2p d’Al, les pics 1s et 2s de l’oxygène ainsi que les pics Auger KLL d’oxygène et de carbone. Signalons que la couche d’oxyde a moins de 2 nm d’épaisseur et que le métal sous cette couche supprime un charging éventuel. 10
O 1s
× 103 8
C 1s Ar 2p
2
1000
800
600
400
200
O 2s
4
Al 2s Al 2p
N(E)/E
OKLL 6
0
EL [eV] Fig. 3.4 Spectre XPS de l’Aluminium oxydé (source Mg K α). La zone encadrée de Al 2p est détaillée à la figure 3.5.
3.3.2 Déplacement chimique Seuls les électrons de valence sont échangés lorsque les atomes établissent des liaisons entre eux. Les niveaux des électrons de cœur sont perturbés. La variation de l’énergie de liaison des niveaux de cœur (chemical shifts) en fonction de l’environnement chimique est mise en évidence par un déplacement du pic XPS. De façon générale, on peut dire que les énergies de liaison XPS d’un atome augmentent avec son degré d’oxydation [3.1]. L’utilisation pratique du déplacement ESCA consiste à déterminer l’état chimique (degré d’oxydation, état de valence) des éléments.
26
Analyse et technologie des surfaces
La figure 3.5 donne un exemple du déplacement chimique de l’aluminium. Il montre les pics 2p d’Al pour le métal et pour Al2O3. On observe que le déplacement en énergie de liaison ∆E est d’environ +2,8 eV. De plus, le pic de l’oxyde montre une largeur ∆ à mi-hauteur (FWHM: Full Width at Half Maximum) plus importante.
Al 2p
métal
N(E)/E
oxyde ∆ = 1,0 eV
∆ = 1,7 eV
88
84
80
76
72
68
EL [eV] Fig. 3.5 Déplacement chimique : oxydation de l’aluminium. Le pic du métal et celui de l’oxyde se trouvent respectivement à 72,8 eV et 75,8 eV. Le bruit de fond (linéaire) est indiqué.
Si un élément a plusieurs états d’oxydation, on peut les mettre en évidence par les différents déplacements chimiques déterminés par le spectre détaillé pourvu que la résolution en énergie soit suffisamment bonne. Tableau 3.3 Energies de liaison EL du carbone. La largeur du trait varie selon les différentes liaisons chimiques avec le groupe fonctionnel. C 1s carbures (CH2)n réf. C–O–C C–OH C=O C–N C–S C–Cl (CH2–CF)2 C–F CF2 (CF)n CF3
280
285
290
eV
Spectroscopie des photoélectrons
27
Le tableau 3.3 illustre quelques déplacements chimiques du carbone. Pour l’opérateur, il est nécessaire de choisir un point de référence sur l’axe d’énergie de liaison après calibration de son spectromètre. Souvent – parce que c’est simple à réaliser – on utilise comme référence le Carbone trouvé par contamination en surface de l’échantillon introduit dans la chambre d’analyse (EL = 285 eV). Il est pourtant préférable de choisir un pic d’un élément dont on connaît l’énergie EL. C’est la force de la liaison qui détermine le déplacement chimique. Dans le tableau 3.3, on observe que le déplacement augmente avec le nombre d’atomes de fluor. L’affinité électronique est un autre facteur qui influence aussi le déplacement comme on le constate en comparant les liaisons C–N, C–S et C–Cl. Nous observons également que les différences d’énergie de liaison s’étendent entre 281 et 294 eV pour le carbone. Avant de déconvoluer une courbe, une soustraction du bruit de fond est nécessaire. La procédure la plus simple pour la soustraction est de faire l’hypothèse d’un bruit de fond (B) linaire comme indiqué sur la figure 3.5. Une meilleure façon est de soustraire B proportionnellement à l’intensité du signal comme proposé par Shirley [3.2] et modifié par Sherwood [3.3]. Un pic photoélectronique est décrit par quatre facteurs: • sa largeur à mi-hauteur (FWHM), • sa position, • son intensité, • sa forme (Gauss-Lorentz). La largeur d’un pic Γ est déterminée par le principe d’incertitude de Heisenberg selon: h Γ = --τ
(3.4)
où Γ est la largeur intrinsèque en eV, h la constante de Planck en eV/s et τ la durée de vie de la bande impliquée. La forme naturelle d’un pic représentant la densité des électrons dans une bande est lorentzienne. Les bandes les plus proches du niveau de Fermi (bande de valence et bande de conduction) sont plus larges que les bandes de cœur. Toutefois, l’analyseur influence la largeur et contribue à celle-ci par un changement de forme: le pic devient plutôt gausssien. En pratique, la forme d’un pic photoélectronique mesuré est une convolution d’une courbe gaussienne et d’une courbe lorentzienne. Toutes les procédures de soustraction du bruit de fond et de déconvolution sont très importantes pour la quantification de la composition chimique qui sera traitée à la section 3.5. 3.3.3 Pics Auger Nous avons déjà observé la présence des pics Auger à la figure 3.4. Ces pics Auger sont créés lors de la relaxation de l’atome après l’émission d’un photoélectron.
28
Analyse et technologie des surfaces
L’énergie de liaison du pic Auger dans le spectre XPS se calcule selon l’équation (3.5): AES – Φ E LAES = h ν – E cin A
(3.5)
où les indices «L» et «cin» indiquent respectivement l’énergie de liaison et l’énergie cinétique et où l’exposant «AES» identifie ce phénomène Auger (AES: Auger Electron Spectroscopy). Rappelons que l’énergie de la source des rayons X est donnée par le tableau 3.1. Les énergies cinétiques des principaux pics des photoélectrons et des pics Auger sont indiquées au tableau A1 en annexe. Les transitions Auger qui sont liées à l’émission de deux électrons de cœur ont souvent un pic très intense qui peut être utilisé pour la mise en évidence du déplacement chimique. Dans ce cas, on utilise le paramètre Auger α. Il est défini comme AES – E ph = E ph – E AES α = E cin cin L L
(3.6)
où l’exposant «ph» identifie le photoélectron. Le paramètre α correspond soit à la différence des énergies cinétiques soit à celle de liaison entre les transitions Auger
1853 921
1852
CuSO4
1851
920 Cu
1850
CuO
918
1849
917
CuCl2
Cu2O
CuF2
916
1848
α + hν
AES [ eV ] E cin
919
1847 CuCl
915
1846
914
938
936
934 E Lph [ eV ]
932
Fig. 3.6 Déplacement chimique de Cu 2p3/2, mis en évidence par le paramètre Auger α en utilisant le pic Auger Cu L3MM, d’après [3.4].
Spectroscopie des photoélectrons
29
et les photoélectrons. Selon l’équation (3.3b), on déduit pour le niveau Fermi (ΦA = 0): ph = h ν – E ph E cin L
(3.7)
qui définit le paramètre α', après l’insertion dans (3.6) AES + E ph α ' = α + h ν = E cin L
(3.8)
En traçant la somme α' = α + hν en fonction de l’énergie de liaison du photoélectron comme proposé par Wagner [3.4], on peut plus facilement différencier les différents états d’oxydation. Cela est illustré pour le cuivre à la figure 3.6. 3.3.4 Pics satellites Des pics satellites accompagnent les pics principaux de niveaux de cœur si la source RX n’est pas monochromatique. Le tableau 3.4 montre les satellites pour le pic C1s sous radiation de Kα1,2 indiquant les déplacements et leur intensité relative à la raie. On constate que ces pics satellites sont observés parce que ces raies produisent elles aussi des photoélectrons.
Tableau 3.4 Satellites des transitions Kα suite à des RX caractéristiques entre les niveaux K et L ou Kα et Mβ, respectivement.
Mg
Al
α1,2
α3
α4
α5
α6
β
∆E [eV]
0
8,4
10,2
17,5
20,0
48,5
Irel [%]
100
8,0
4,1
∆E [eV]
0
9,8
11,8
20,1
23,4
Irel [%]
100
6,4
3,2
0,4
0,3
0,55
0,45
0,5 69,7 0,55
Les pics principaux sont accompagnés par les pics shake up. Ils sont observés typiquement pour les niveaux 2p d’éléments de transition possédant des électrons d non appariés sur une couche ouverte, c’est-à-dire pour des espèces paramagnétiques. L’émission de certains électrons 2p est alors accompagnée par le passage d’un électron d vers un niveau supérieur (un électron 3d dans le cas de Cu2+ par exemple). L’énergie nécessaire à ce processus provient de l’énergie cinétique du photoélectron émis et, par voie de conséquence, un satellite type «shake up» apparaît du côté des hautes énergies de liaison. Parfois, on utilise l’existence de tels satellites pour identifier certains oxydes. Ces satellites sont bien connus dans certains complexes ou oxydes de Co, Ni et du Cu. Cela est illustré sur la figure 3.7 pour quelques composants de Cu.
30
Analyse et technologie des surfaces
2p3/2 2p1/2 Cu
N(E)/E
CuO
CuSO4
970
960
950
940
930
EL [eV] Fig. 3.7 Satellites de Cu 2p.
3.3.5 Multiplets de spin Lorsque l’atome photoionisé présente une couche de valence ouverte avec des électrons non appariés, le trou créé peut coupler son spin avec le spin de ces électrons célibataires, soit parallèlement, soit antiparallèlement, donnant lieu à au moins deux états finals d’énergies différentes. Cet éclatement en multiplets dû aux spins des états finals s’observe essentiellement pour des composés paramagnétiques: composés des métaux de transition ou de terres rares, comme illustré sur la figure 3.7. Le rapport des intensités des doublets est déterminé par le rapport des spins des états finals s = +1/2 et s = –1/2: 2J 1 + 1/2 + 1 I ( l + 1/2 ) ------------------------ = ---------------------------I ( l – 1/2 ) 2J 1 – 1/2 + 1
(3.9)
où J = L + S est la somme des quantités du mouvement l et s. Dans le cas des électrons 2p du Cuivre, un rapport de 2:1 pour l = 1 (J = 3/2 et J = 1/2) est observé. 3.3.6 Asymétrie des pics En raison de l’existence dans les métaux d’une distribution de niveaux électroniques non remplis au-dessus du niveau de Fermi, des processus du type shake up,
Spectroscopie des photoélectrons
31
N(E)/E
mettant en jeux ces niveaux, peuvent accompagner l’éjection d’un électron de cœur. Dans ce cas, au lieu de satellites discrets, on obtient un élargissement non symétrique du pic principal du côté des hautes énergies de liaison. Cet effet est d’autant plus marqué que la densité d’états au niveau de Fermi augmente. Il faut garder en mémoire cette asymétrie du côté des hautes énergies de liaison, surtout si on est amené à déconvoluer des pics XPS de métaux. La figure 3.8 donne l’exemple de cette asymétrie pour le cas du Fe (courbe hachurée). Un second spectre, celui d’une couche de 1,3 nm d’oxyde de fer, est représenté également [3.5]. Grâce à cette faible épaisseur les pics du métal et de l’oxyde (Fe2O3) sont visibles ensemble.
Fe-mét
740
720 EL [eV]
700
Fig. 3.8 Exemple d’une asymétrie des pics illustrée par le spectre de Fe 2p (3 /2 et 1/2) du métal et de l’oxyde. L’intensité N(E) divisée par l’énergie de liaison E est tracée en fonction de l’énergie de liaison; la source RX utilisée est Mg Kα.
3.4 INSTRUMENTATION Dans cette section, nous allons présenter des composants analytiques importants en XPS comme l’analyseur et le monochromateur, et discuter la profondeur analysée et la résolution spectrale. 3.4.1 Spectromètre L’analyseur concentrique hémisphérique (CHA), avec un système de transfert électro-optique des photoélectrons, est le type d’analyseur le plus souvent utilisé. La figure 3.9 montre le schéma et le principe de fonctionnement de l’analyseur. Il se trouve dans un système à ultravide (UHV) à des pressions de 10–6 à 10–8 Pa. Une source non monochromatique et non focalisée (diamètre du faisceau primaire RX: environ 1-2 mm) provoque l’émission des photoélectrons.
32
Analyse et technologie des surfaces
A l’entrée de l’analyseur se trouve un système de lentilles électrostatiques, de diaphragmes et un filtre d’énergie qui définissent: • l’aire A vue par l’analyseur (lentille I), • la précision ∆θ de l’angle d’émission, • la résolution en énergie des photoélectrons ∆E. Le système des lentilles II réduit l’énergie Ecin.
V2
V1 lentille II détecteur Epass diaphragme
hν
50 cm lentille I échantillon
θs Fig. 3.9 Coupe d’un analyseur hémisphérique (CHA) : ∆E/Epass = constant, θS = 90 – θ, V1 et V2 sont les potentiels appliqués à l’analyseur. La dimension d’un échantillon typique est ≤ 1 cm2.
Le point focal de l’analyseur est déterminé par maximalisation de l’intensité des photoélectrons mesurés par le détecteur. La position de l’échantillon peut être changée dans la direction des trois axes x, y, et z, tournée et pivotée par rapport à l’axe de l’analyseur pour changer l’angle d’émission des photoélectrons. En déplaçant l’échantillon, on peut varier le point d’analyse et ainsi obtenir l’information sur la composition chimique à travers une ligne ou une surface. L’aire de la surface analysée est déterminée par le choix des diaphragmes situés à l’entrée du système électro-optique, par la lentille I de focalisation, et par la lentille II à l’intérieur de l’analyseur. L’analyseur CHA est utilisé en mode de résolution d’énergie constante, qui ralentit les photoélectrons à une énergie de passage Epass = constante. ∆E est en général 2% de Epass, par exemple pour une énergie Epass de 50 V, on obtient ∆E = 1 eV pour l’analyseur. Toutefois, l’amélioration de la résolution en énergie contrôlée par la lentille II (fig. 3.9) entraîne une réduction de l’intensité. En
Spectroscopie des photoélectrons
33
l’absence des effets de charging, la largeur des pics mesurés est ainsi déterminée soit par la largeur de la raie de la source (c-à-d. Kα), soit par Epass. Après avoir traversé l’analyseur, le nombre des photoélectrons N(E) est compté en fonction de leur énergie à l’aide d’un détecteur d’électrons. On varie la différence de potentiel appliquée entre les deux hémisphères de l’analyseur et on détermine ainsi l’énergie cinétique Ecin qui peut être convertie en énergie de liaison, selon les équations (3a) et (3b). N(E) ou N(E)/E en fonction de l’énergie constitue le résultat de l’analyse XPS. La division par l’énergie est utilisée pour amplifier les pics à basse énergie. 3.4.2 Monochromateur On a constaté que l’analyseur et la source de radiation déterminent la résolution en énergie. Pour améliorer la résolution, on peut éliminer le pic Kα2 du doublet AlKα1, α2 et donc réduire la largeur de la raie primaire (§ 3.2.1). Cette procédure est appelée monochromatisation qui élimine également des pics satellites. Son principe est illustré par la figure 3.10. cercle de Rowland cristal analyseur lentilles et diaphragmes échantillon détecteur source RX Fig. 3.10 Schéma d’un monochromateur RX.
Une source d’électrons de quelques keV bombarde l’anode en Al et provoque une émission de RX, y compris les satellites. La sélection d’une longueur d’onde (monochromatisation) est obtenue par une diffraction sur un cristal selon la loi de Bragg: n λ ' = 2d sin β avec n: λ': d: β:
(3.10)
ordre de la diffraction. longueur d’onde de la radiation RX. espacement interatomique. angle de Bragg.
Pour la radiation Al Kα, un monocristal de SiO2 est utilisé avec β = 23˚. La source, le cristal et l’échantillon analysé se trouvent sur la surface d’un cercle de
34
Analyse et technologie des surfaces
Rowland. L’aire irradiée par les RX monochromatiques dépend de la focalisation de la source électronique primaire. En général, elle se situe entre 5 µm et quelques mm de diamètre. Une telle source a plusieurs avantages, comme une meilleure résolution en énergie (0,4 eV) et la séparation entre la source RX et l’échantillon. Cette séparation permet de réduire le bombardement de l’échantillon avec des électrons rétrodiffusés par la source RX et de réduire une dégradation par le flux des RX. L’inconvénient d’un monochromateur est que l’échantillon se charge positivement lors de l’émission des photoélectrons et demande alors une compensation de charge pour les isolants. La figure 3.11 illustre les raies RX Kα1 et Kα2 de l’aluminium et indique que la largeur du pic Kα1 est plus petite que l’enveloppe de l’ensemble des deux raies.
intensité I
Al Kα1, α2
largeur = 1,0 eV 0,7 eV
0,7 eV
1484
1485
1486
1487 E [eV]
1488
1489
Fig. 3.11 Doublet RX d’Al, d’après [3.1].
3.4.3 Profondeur analysée La profondeur analysée, z, est déterminée par le libre parcours moyen, λ, des photoélectrons dans la matière condensée. λ est la distance de libre circulation d’un électron sans interaction avec un atome ou un autre électron. Si un électron est créé à une distance, z, plus petite que λ, il peut sortir de l’échantillon. On admet en général que z = 3Λ, où Λ est la profondeur d’échappement des électrons définie par:
Λ = λ ( E ) cos θ avec Λ : λ: θ:
profondeur d’échappement. libre parcours moyen. angle d’émission par rapport à la normale de l’échantillon.
(3.11a)
Spectroscopie des photoélectrons
35
λ est faible et nettement inférieur à celui des photons et des RX, et dépend de l’énergie d’excitation selon (3.3). Seah et Dench [3.6] ont proposé une équation empirique basée sur des mesures de la longueur d’atténuation qui permet d’estimer λ pour des énergies Ecin > 100 eV: 1/2 λ = cste ⋅ a 3 / 2 E cin
(3.11b)
avec cste: constante qui vaut 0,41 pour les éléments et 0,72 pour les composés inorganiques. a: épaisseur moyenne d’une monocouche [nm]. Ecin : énergie cinétique du pic [eV]. Dans la pratique on trouve un exposant de l’énergie cinétique de 0,54 à 0,78 dans (3.11b). Pour les polymères organiques on trouve [3.7]: A 0,78 ---------λ = 0,0653E cin ρ NA
(3.11c)
avec ρ : masse volumique [kg/m3]. NA: nombre d’Avogadro, NA = 6,023 · 1023 [mol–1]. A: masse atomique [kg/mol]. L’épaisseur moyenne d’une monocouche inorganique a peut être estimée par: A a 3 = -------------ρ NA n
(3.12)
où n est le nombre d’atomes dans la molécule (par ex. n = 7 pour Ta2O5). Les valeurs numériques du rapport A/ ρ (volume atomique) pour les éléments se trouvent au tableau A1 en annexe. Ce tableau périodique indique quelques paramètres utiles en XPS comme par exemple, les pics principaux des photoélectrons et l’énergie cinétique des pics Auger. Comme indiqué au tableau A1, les pics XPS se situent entre 50-1200 eV. Connaissant l’énergie d’un pic on peut calculer le libre parcours moyen λ. La figure 3.12 donne le libre parcours moyen en fonction de l’énergie cinétique. L’épaisseur d’une monocouche est de 2-2,5 Å environ pour les métaux et les composés inorganiques, plus élevée pour les polymères. Malgré une grande dispersion des valeurs expérimentales, on continue à utiliser (3.11b) pour estimer la profondeur analysée. Cependant, il existe une meilleure approximation proposée par Tanuma et al. [3.8], basée sur la réflexion des électrons. L’inspection de la figure 3.12 révèle que λ est nettement supérieur pour les faibles énergies cinétiques, en dessous de 50 eV. Ce phénomène s’explique par une section efficace plus faible pour les photoélectrons venant des couches proches du niveau de Fermi. Pour des énergies plus élevées que 50 eV, on observe un libre parcours moyen entre 2 et 10 monocouches. Par exemple, on peut estimer le libre parcours moyen λ des pics de Au 4f7/2 (A) et Cu2p3/2 (C), comme indiqué par les flèches pour la source Mg Kα.
36
Analyse et technologie des surfaces
1000
λ (monocouches)
erreur exp. 100
A
10
C 1
1
10
100
1000
Ecin [eV] Fig. 3.12 Libre parcours moyen λ des électrons secondaires en fonction de l’énergie cinétique d’après [3.6].
La profondeur analysée est une fonction de l’angle d’émission, selon (3.11a). Ainsi, la variation de l’angle θ permet de mesurer des photoélectrons à des profondeurs différentes et d’obtenir un profil non destructif sur moins de 10 nm par variation de l’angle d’éjection, comme illustré à la figure 3.13. L’émission normale favorise le volume et l’émission rasante concerne plutôt l’extrême surface. Il est également possible de faire varier la profondeur d’analyse entre l’extrême surface, la région sous la surface et le volume, en jouant sur l’énergie des photons avec des sources RX différentes, notamment avec le rayonnement synchrotron. Un tel rayonnement est une source de photons à haute densité de courant d’une longueur d’onde variable avec source RX source RX analyseur
Λ θ = 0°
analyseur
θ = 70°
échantillon
échantillon
Λ Λ = λ cosθ Fig. 3.13 Influence de la variation de l’angle d’émission θ sur la profondeur d’échappement Λ.
Spectroscopie des photoélectrons
37
une diamètre du faisceau ≤ 1 micromètre. Elle a une résolution en énergie d’une dizaine de meV nettement inférieure à une source monochromatisée Al Kα. Cependant, une telle source demande toute une équipe de chercheurs pour la mise en marche et dépasse largement les dimensions d’un laboratoire. La figure 3.14 donne l’exemple d’une mesure des photoélectrons d’Al 2p sous deux angles différents, 0˚ et 70˚, respectivement. Il s’agit d’une couche d’oxyde d’aluminium d’environ 1,5 nm recouvrant le métal. On observe bien que le rapport entre la contribution de l’oxyde et celle du métal varie. Pour θ = 0˚, le pic métallique est beaucoup plus fort que pour θ = 70˚. En accord avec (3.11a), la profondeur analysée est plus importante dans le premier cas. × 104 35
1,5 nm Al2O3 sur Al
métal 0°
30 N(E)/E
25 20 70°
oxyde
15 10 5 88
86
84
82
80
78
76
74
72
70
68
EL [eV] Fig. 3.14 Exemple d’une variation d’angle d’émission entre 0˚ et 70˚ pour 15 nm d’Al 2O3 sur Al.
3.4.4 Résolution latérale La résolution latérale de l’XPS est une des limitations majeures d’un instrument XPS du laboratoire. Avec un tube RX standard, le diamètre de l’aire analysée est de quelques mm. Avec une technique de monochromateur utilisant un faisceau d’électrons primaires focalisé sur l’anode du tube X, un diamètre < 10 µm est atteint. On utilise également une focalisation par diaphragme sur l’optique d’entrée (fig. 3.9) qui donne une aire minimale analysée d’environ 5 µm. Toutefois en diminuant le diamètre, le temps d’acquisition se prolonge considérablement pour un même rapport signal/bruit. Comme indiqué plus haut, la source synchrotron atteint une résolution inférieure à un micromètre.
3.5 ANALYSE QUANTITATIVE L’XPS détecte tous les éléments à l’exception des éléments H et He, avec une limite de sensibilité en masse de 0,1% des atomes contenus dans le volume analysé.
38
Analyse et technologie des surfaces
En terme de sensibilité de surface, la limite de détection est de 0,1-1% de monocouche, soit 1012-1013 atomes/cm2. Afin d’obtenir l’intensité des signaux émis par le volume du solide au-dessous de la surface, il faut intégrer l’ensemble des contributions dont l’origine provient des couches du matériau d’épaisseur dz qui forment le solide. La contribution dI d’une couche située à z égale dI = g ⋅ c ( z ) dz
(3.13a)
où g donne l’émission occasionnée par l’unité de concentration, par exemple 1% atomique. En (3.13a) on démontre que l’intensité d’émission I est proportionnelle à la concentration, c. Or l’émission venant d’une profondeur z (fig. 3.15) est atténuée par l’interaction avec la matière solide. La loi d’atténuation la plus simple est l’exponentielle:
θ surface
dz
volume
Fig. 3.15 Illustration des couches atomiques successives à partir de la surface jusqu’au volume.
dI = g ⋅ c ( z )e –αz dz
(3.13b)
Nous remplaçons le coefficient α par le libre parcours moyen λ des électrons: dI = g ⋅ c ( z )e –z / λ dz
(3.13c)
Ceci est valable pour une direction d’observation perpendiculaire (θ = 0˚). Admettons θ > 0˚, ceci donne un rallongement du parcours: z → z/ λ cos θ, où dI = g ⋅ c ( z )e –z/λ cos θ dz
(3.13d)
Spectroscopie des photoélectrons
39
L’intégration donne simplement pour un élément A ∞
∫
z I A = g c A ( z ) exp – --------------- dz λ cos θ
(3.14a)
0
On peut mettre la limite supérieure de l’intégrale z = ∞. Dans la pratique, on «coupe» souvent l’intégration à la lime z = 3λ. L’équation (3.13d) devient avec θ = 0˚: dI ( z = 3 λ ) = g ⋅ c ( 3 λ )e –3 dz
(3.14b)
correspondant à environ 5%. Pour θ > 0˚, l’atténuation est encore plus forte. Compte tenu des nombreuses autres sources d’erreur d’une telle analyse, on se permet souvent cette approximation; on obtient donc pour l’intensité d’un pic photoélectrique: 3λ
∫
z I A = g c A ( z ) exp – --------------- dz λ cos θ
(3.14c)
0
g est défini par l’équation: g = T ( E ) ⋅ D ( E ) ⋅ I RX σ A
(3.15)
avec T(E): facteur de transmission, fonction de l’énergie cinétique E de l’électron Auger. D(E): facteur tenant compte de l’efficacité du multiplicateur des électrons (attention, il varie en fonction du temps!). IRX : intensité du flux de rayons X à la profondeur z (considérée comme constante sur toute la profondeur analysée). σA : section efficace pour l’éjection d’un électron du niveau de cœur correspondant, dans l’angle solide d’entrée de l’analyseur Ω0. La presque totalité du signal est représentée par les électrons provenant d’une épaisseur z = 3λ soit une valeur inférieure à 5 nm. Les sections efficaces sont discutées en détail dans le volume 8 du Traité des Matériaux. Dans la pratique, on remplace en XPS les sections efficaces σA par des facteurs de sensibilité SA qui sont des facteurs normalisés à la section efficace du pic de F1s (voir tableau de l’Annexe 1). La plupart des logiciels d’XPS contiennent un jeu des facteurs adaptés au type d’analyseur. L’intégration de (3.14b) pour un échantillon donne (comparer le cas (a) de la figure 3.17): I A = g ⋅ I RX S A λ cos θ ⋅ c A
(3.16)
40
Analyse et technologie des surfaces
En règle générale, on utilise un étalon interne en analyse XPS. En effet, l’intensité relative pour deux pics photoélectriques différents (pics 1 et 2) d’un même échantillon est: I S1 c1 λ1 ---1- = ---------------I2 S2 c2 λ2
(3.17)
De plus, (3.11b) permet d’assimiler le rapport des libres parcours moyens au rapport des racines carrées des énergies cinétiques: E cin, 1 λ1 ----- = ----------------λ2 E cin, 2
(3.18)
Donc le rapport des concentrations de deux éléments de l’échantillon est alors exprimé comme le rapport des intensités des pics photoélectriques, corrigées par les rapports inverses des facteurs de sensibilité relative et de la racine carrée de l’énergie cinétique: I 1 S 2 E cin, 2 c1 ----- = ---- ----- -----------------I 2 S1 E c2
(3.19)
cin, 1
En négligeant l’influence de la différence de l’énergie cinétique et en généralisant (3.19), on obtient une approximation pour la concentration cA de l’élément A dans une matrice homogène contenant n éléments: I A /S A c A = -----------------n
(3.20)
∑ I i /Si i
Les études faites indiquent que (3.20) peut être utilisée avec une erreur entre 5% et 30% pour les mesures absolues selon les facteurs de sensibilité appliqués. Toutefois, pour les mesures relatives (c-à-d. la comparaison entre deux échantillons de composition proche), on peut obtenir une précision de ≤ 5%. Pour intégrer (3.14a), on doit connaître la fonction cA(z). Le cas discuté ci-dessus – échantillon homogène d’une distribution uniforme – est le plus simple. Dans la pratique on trouve souvent deux autres cas, illustrés par la figure 3.16: pour une distribution exponentielle de la concentration de l’élément A (cas (b) de la figure 3.17), l’intégration de (3.14a) donne: l e – λ cos θ I A = g ⋅ λ cos θ ⋅ c A, sub + g -------------------------- ( c A, surf – c A, sub ) l e + λ cos θ
(3.21)
Spectroscopie des photoélectrons
41
avec cA, sub : concentration dans le volume. cA, surf : concentration en surface. le : longueur caractéristique du profil exponentiel (fig. 3.16). L’équation (3.20) peut être également appliquée à l’analyse de couches très minces dont l’épaisseur est plus petite que la profondeur analysée Λ avec Λ = λ cos θ. Le cas (c) – plusieurs couches – est le cas le plus souvent rencontré dans les applications; par exemple, un échantillon avec une couche d’oxyde recouverte d’une couche de contamination. L’intégration de (3.14a) donne pour l’intensité de l’élément A de l’oxyde et du substrat: l2 l1 I A, ox = g ⋅ λ cos θ ⋅ c A, sub ⋅ exp – ----------------- 1 – exp – ---------------- λ 1 cos θ λ 2 cos θ
(3.22a)
l2 l1 - + ----------------I A, sub = g ⋅ λ cos θ ⋅ c A, sub ⋅ exp – ---------------- λ 1 cos θ λ 2 cos θ
(3.22b)
cA
(a) cA
z Ie
(b) cA
(c)
z I1 I2
z
Fig. 3.16 Illustration des couches lx sur un échantillon; (a) concentration uniforme (voir (3.15); (b) profil exponentiel – voir (3.20); (c) solide couvert d’une couche 1, par exemple: couche de contamination sur une couche 2 (par exemple une couche d’oxyde) – (voir (3.21) et (3.22)).
42
Analyse et technologie des surfaces
avec cA, ox : concentration de A dans la couche d’oxyde. cA, sub : concentration de A dans le substrat. Dans le cas où on n’a pas de couche de contamination, (l1 = 0) et l2 = lfilm, avec l2 qui représente l’épaisseur de la couche (par exemple une couche d’oxyde), on peut mettre en évidence l’épaisseur d’une couche superficielle lfilm :
λ A, sub c A, sub I A, film l film = λ A, film cos θ ⋅ ln 1 + ---------------- --------------- --------------λ A, film c A, film I A, sub
(3.23)
L’équation (3.23) est une équation très utile, parce qu’elle permet de calculer l’épaisseur d’une couche (p.e. d’un oxyde) à partir des données expérimentales du substrat et de la couche. Les intensités de l’élément A dans le substrat, IA, sub, et dans la couche, IA, film, sont respectivement les intensités des pics du substrat et de l’oxyde comme illustré par la figure 3.5 qui montre les aires de l’oxyde et de l’aluminium avec c Al, Al 0 = 0,078 mol · cm–3 et cAl, Ae = 0,1 mol · cm–3 en supposant 2 3 que λ Al 0 = λ Al . 2 3
3.6 EXERCICES 3.6.1 Identifier les pics d’un spectre (fig. 3.17) d’un alliage Fe-Cr oxydé à l’aide du tableau A2.
N(E)/E
3 × 103
2
1
0 1000
800
600
400 EL [eV]
200
0
Fig. 3.17 Spectre d’un alliage Fe-Cr oxydé.
3.6.2 Identifier les 5 bandes du pic C1s (fig. 3.18) d’un élastomère de type: CF – CF 2 | CF 3 à l’aide du tableau 3.5.
– CF 2 – CH 2 x
y
Spectroscopie des photoélectrons
× 10
43
3
8
N E)/E N( / /E
6
4
2
0 300
2 95
2 90 EL [ eV]
285
280
Fig. 3.18 Enveloppe du pic de C 1s d’un élastomère.
3.6.3 Expliquer la variation du déplacement entre CF-CF2 et CF3 dans la figure 3.18. 3.6.4 Déterminer le libre parcours moyen pour les pics de l’Au 4f7/2, le pic Auger de l’Au (NOO à 84 eV) et le pic Ag3d3/2 à l’aide de (3.11b). 3.6.5 Calculer le rapport des facteurs de sensibilité des pics principaux pour Si/O, Cr/C et Au/Ag à l’aide du tableau A1. 3.6.6 Calculer le paramètre Auger α' pour les pics principaux de cuivre à l’aide de (3.8): Cu 2p 932,6 eV, LMM 917,7 eV; CuO 2p 933,7 eV, LMM 918,1 eV Cu2O 2p 932,5 eV, LMM 917 eV. 3.6.7 Déterminer le déplacement chimique entre CH2 et CO à l’aide du tableau 3.3.
3.7 RÉSUMÉ La spectroscopie des photoélectrons ESCA/XPS est une méthode d’analyse chimique de surface dont la profondeur est en moyenne de 1-5 nm soit 3-15 monocouches atomiques pour les échantillons solides. Elle détecte tous les éléments, du Lithium à l’Uranium. Le volume d’analyse varie entre 100 et 105 µm3 avec une limite de détection entre 0,1 et 1% atomique de ce volume, c’est-à-dire 0,1 et 1% de monocouche, soit 1012-1013 atomes/cm2. L’évolution a permis d’obtenir une résolution en énergie de 0,4 eV et une résolution latérale de 5-150 µm limitée par la source des RX.
44
Analyse et technologie des surfaces
Pour le rapport signal/bruit (S/B), la spectrométrie des photoélectrons est nettement favorisée par rapport à celle des électrons Auger discuté au chapitre suivant. La précision de l’analyse quantitative absolue est limitée par les effets de matrice et les effets de surface, en particulier la contamination par adsorption de gaz et le charging. Cependant, l’utilisation de standards ou une comparaison entre deux échantillons de composition proche permet d’obtenir une précision d’environ 5%. Ses principales applications portent sur les analyses quantitatives et sur la détermination des liaisons chimiques (états d’oxydation) en surface. Son champ d’application s’étend à tous les domaines des matériaux (isolants et conducteurs), la métallurgie, la physico-chimie, l’électrochimie, la chimie des polymères, biomatériaux, céramiques, les catalyseurs et l’électronique.
3.8 BIBLIOGRAPHIE Générale J.P. EBERHART, Analyse structurale et chimique des matériaux, Dunod, Paris, 2e éd., 1989. D. DAVID et R. CAPLAIN, Méthodes usuelles de caractérisation des surfaces. vol. ch. 7, Eyrolles, Paris, 1988. D. BRIGGS et M.P. SEAH, eds. Practical Surface Analysis – Auger and X – ray Photoelectron Spectroscopy Chichester, vol. 1, John Wiley&Sons, 1990. B.D. RATNER et D.G. CASTNER, Electron Spectroscopy for Chemical Analysis, in Surface Analysis – The Principal Techniques, J.C. Vickerman, Editor, John Wiley & Sons, Chichester, p. 43, 1997.
Références [3.1] SIEGBAHN K. et al., ESCA, Atomic, Molecular, and Solid State Structure Studied by Means of Electron Spectroscopy, Uppsala, Almquist and Wiksells, 1967. [3.2] SHIRLEY D.A., High-resolution XPS of the valence bands of gold, Phys. Rev., B 5, p. 4709, 1972. [3.3] SHERWOOD P.M.A., Data Analysis in XPS and AES, in Practical surface analysis Vol. I – Auger and X-ray photoelectron analysis, D. Briggs and M.P. Seah, Editors, John Wiley & Sons, Chichester, pp. 555-586, 1990. [3.4] WAGNER C.D., Chemical shifts of Auger lines and the Auger parameter, Faraday Soc. Disc., 60, p. 291, 1975. [3.5] PALACIO C., H.J. MATHIEU et D. LANDOLT, Oxidation of Fe-24C % Cr-11%Mo at room temperature and low oxygen pressure, Surface Sci., 214, p. 493, 1989. [3.6] SEAH M.P. et W.A. DENCH, Quantitative Electron Spectroscopy of Surfaces: A standard Data Base for Electron Inelastic Mean Free Paths in Solids, Surface and Interface Analysis, 1(1), pp. 2-11, 1979. [3.7] POWELL C.J., The quest for universal curves to describe the surface sensitivity of electron spectroscopies, J. Electron Spectrosc. Relat. Phenom., 47, pp. 197-214, 1988. [3.8] TANUMA S., C.J. POWELL et D.R. PENN, Material dependance of electron inelastic mean free paths at low energies, J. Vac. Sci. Techn. A, 8, p. 2213, 1990.
CHAPITRE 4
SPECTROSCOPIE D’ÉLECTRONS AUGER
4.1 OBJECTIFS • Introduire la théorie de base de la spectroscopie des électrons Auger y compris la quantification. • Décrire l’instrumentation. • Donner quelques exemples.
4.2 MÉTHODE La spectroscopie d’électrons Auger (AES: Auger Electron Spectroscopy) représente aujourd’hui la plus importante des méthodes d’analyse chimique de surface pour les conducteurs et semiconducteurs. Elle est basée sur l’excitation des électrons «Auger». C’est en 1925 que Pierre Auger a décrit l’émission d’un rayonnement β lors de l’ionisation d’un gaz par un faisceau de rayons X [4.1, 4.2]. L’ionisation des ep faisceau d’électrons primaires
eAuger
électrons Auger [nm] D surface électrons secondaires et rétrodiffusés rayons X
atomes ionisés au niveau du cœur
1 µm
électrons primaires
Fig. 4.1 Schéma de la distribution des électrons primaires, Auger et rétrodiffusés, ainsi que des rayons X sous bombardement d’un faisceau d’électrons primaires focalisé et d’un diamètre D.
46
Analyse et technologie des surfaces
atomes peut être provoquée par un faisceau de photons ou par des électrons. Dans le premier cas, il s’agit de spectroscopie de photoélectrons (XPS – chap. 3). Cependant, on utilise aujourd’hui en général un faisceau primaire d’électrons quand on parle de la spectroscopie d’électrons (AES). Sous bombardement par les électrons primaires d’une énergie comprise typiquement entre 3 keV et 30 keV, la matière crée des électrons secondaires et, lors de la relaxation des atomes excités, des électrons Auger. Ces électrons Auger sont utilisés pour l’étude des couches atomiques les plus superficielles des matériaux. Ils font partie des électrons secondaires et ont une énergie comprise typiquement entre 20 eV et 2000 eV. Les électrons Auger donnent essentiellement une information sur la composition des premiers plans atomiques d’une surface. La figure 4.1 montre la surface d’un échantillon sous ultravide bombardée par des électrons primaires. Dans la plupart des cas avec les instruments modernes ce faisceau d’électrons est focalisé (diamètre D). Le faisceau peut aussi être balayé à travers la surface pour créer des électrons secondaires et Auger sur une zone de l’échantillon. Le principe de bombardement est identique à un microscope électronique à balayage. Les électrons primaires d’une énergie comprise entre 3 et 30 keV pénètrent la matière à des profondeurs de l’ordre du micromètre. Leur rayon d’action est une fonction de la densité électronique de la matière bombardée. Sur leur chemin de pénétration, les électrons primaires peuvent être rétrodiffusés sans perdre d’énergie ou ioniser la matière en créant des électrons secondaires. Un atome ionisé et excité essayera de se relaxer. Lors de cette processus de relaxation, des électrons ou des rayons X sont émis. Leur rayon de formation est indiqué aussi par la figure 4.1. On observe que la profondeur d’échappement des électrons Auger est très petite comparée avec le rayon des rayons X émis sous irradiation. Il est typiquement de quelques nanomètres. Cela s’explique par la faible énergie relative des électrons Auger. On y reviendra au paragraphe 4.2.5 lors de la discussion du libre parcours moyen des électrons Auger. Nous remarquons aussi dans la figure 4.1 un élargissement apparent du faisceau primaire qui résulte d’une déviation des électrons primaires suite à leur interaction avec les atomes.
4.3 SPECTRES DES ÉLECTRONS AUGER Avant de déterminer l’énergie cinétique des pics Auger, il faut rappeler qu’un état est identifié par les quatre nombres quantiques n (nombre quantique principal), l (nombre quantique azimutal), s (nombre quantique de spin) et j qui correspond au moment angulaire total dû à l’interaction spin-orbite (j = l + s). Ce nombre ne peut prendre que les valeurs j = l ± 1/2, sauf j = –1/2. L’énergie EL de liaison d’un état est alors caractérisée par les trois nombres (n l j) comme indiqué dans le tableau 4.1. Contrairement à la spectroscopie des photoélectrons (XPS, chap. 3), on utilise en spectroscopie Auger les lettres K, L, M... avec les indices 1, 2, 3... pour désigner les niveaux.
Spectroscopie d’électrons Auger
47
Tableau 4.1 Nombres quantiques et désignation des niveaux Auger/XPS. n
l
j
Auger
1
0
1/2
K
1s
2
0
1/2
L1
2s
2
1
1/2
L2
2p1/2
2
1
3/2
L3
2p3/2
3
0
1/2
M1
3s
3
1
1/2
M2
3p1/2
3
1
3/2
M3
3p3/2
3
2
3/2
M4
3d3/2
3
2
5/2
M5
3d5/2
etc.
etc.
etc.
etc.
XPS
4.3.1 Energie cinétique des pics Auger La figure 4.2 donne le schéma de l’effet Auger avec l’exemple du calcul de l’énergie cinétique du pic KLL de l’oxygène. Après émission d’un électron secondaire sous bombardement des électrons primaires d’une énergie supérieure à celle du niveau de cœur K(= EW), un électron d’un niveau plus proche du niveau Fermi, par exemple L2(= EX), prend la place
E[eV]
Evide 0
Ex, y
' E cin
Ecin = EWXY
Féch
ΦA
Φe EL2
analyseur
EWXY = EK – EL2 – EL2 – ΦA = 532 – 8 – 8 – 4 = 512 eV
EL1 ep EW
EFermi
es EK
échantillon
Fig. 4.2 Schéma du processus Auger pour l’Oxygène. EF est l’énergie de Fermi (niveau zéro pour le calcul de l’énergie de liaison des électrons). Φe et ΦA sont respectivement le travail d’extraction de l’échantillon (e) et celui de l’analyseur (A).
48
Analyse et technologie des surfaces
libre. Cette transition entre ces deux niveaux libère l’énergie EW – EX qui est transférée à un troisième électron du même atome, par exemple, L2(= EY). Donc l’énergie cinétique d’un électron Auger EWXY émis par un atome du numéro atomique Z se calcule par la relation suivante: E WXY = E W ( Z ) – E x ( Z + δ ) – E y ( Z + δ ) – Φ A
(4.1)
où les niveaux W, X et Y représentent les trois niveaux énergétiques du processus Auger (par exemple KLL, LMM, MNN – on supprime la notation des sous-niveaux). Le terme δ (entre 0 et 1) tient compte du fait qu’après la première ionisation les électrons qui restent subissent une plus forte attraction par les protons (majoritaires de +1) correspondant à une attraction d’un atome avec un proton de plus (Z + 1). En général, cet effet est réduit par l’effet d’écran des électrons de cœur de l’atome ionisé. En conséquence, les niveaux électroniques sont décalés vers le bas. L’expérience montre qu’un valeur de δ = 0,5 (entre 0 et 1) représente une bonne approximation pour le calcul d’énergie d’un électron Auger. Ainsi, l’énergie du pic d’oxygène est approximativement EKLL = 512 eV comme indiqué à la figure 4.2. En pratique, on trouve expérimentalement ce pic entre 508 et 512 eV pour divers oxydes. Puisque les niveaux énergétiques sont caractéristiques des éléments, on peut tous les identifier sauf H et He, car il faut au moins 3 électrons pour l’effet Auger. Comme énergie primaire, on utilise en général une énergie comprise entre 3 et 30 keV. La figure 4.3 montre le schéma d’un spectre d’électrons lors d’une analyse des électrons secondaires où on mesure le nombre des électrons émis par l’échantillon en fonction de leur énergie cinétique. Nous observons que les pics Auger sont superposés au spectre non caractéristique des électrons secondaires. Les électrons de perte sont ceux qui ont perdu une énergie précise correspondant à une transition entre deux niveaux énergétiques. Une discussion de la distribution inélastique des électrons se trouve dans Langeron [4.3]. pic élastique N(E) pics des pertes électrons secondaires pics Auger
seuil d’ionisation
électrons rétrodiffusés 0
Ep
Ecin
Fig. 4.3 Représentation schématique d’un spectre d’électrons lors d’une analyse AES.
Spectroscopie d’électrons Auger
49
En AES, le pic élastique (énergie primaire) des électrons réfléchis élastiquement sans perte d’énergie est utilisé pour calibrer l’analyseur et déterminer la distance entre l’échantillon et l’analyseur. La figure 4.4 donne l’emplacement des transitions Auger de tous les éléments à partir du lithium. Les pics principaux sont indiqués par un petit carré en fonction de leur énergie cinétique (voir aussi le Tableau A2 en annexe). Quelques éléments comme l’oxygène sont encerclés. Il s’agit des transitions Auger utilisées dans cette section. On observe qu’il existe des transitions Auger avec la même énergie. Le problème de cette interférence ne peut pas être évité. Dans un tel cas, on essaie, si possible, de trouver un pic sans interférence par une transition indépendante. 90
Th Bi
80
Hg Re
70
Yb Tb
60
Nd Cs
50
Sn
Z
Rh Zr
40
Br 30
Zn Mn
20
Ca P A
10
Ne B
3 0
400
800
1200 1600 Ecin [eV]
2000
2400
Fig. 4.4 Transitions principales Auger, adapté d’après [4.4].
4.3.2 Section efficace d’ionisation Regardons quelques facteurs qui influencent l’intensité d’un pic. Les électrons primaires d’énergie ionisent les atomes. Selon la physique quantique, la section efficace d’ionisation σAW (ordre de grandeur 10–24 m2) (voir aussi Traité des Matériaux, vol. 8) pour le processus Auger (A) d’un niveau de cœur W, EWA, est décrite par une fonction F. Cette fonction F tient compte du rapport entre l’énergie primaire 2 : Ep et le niveau d’ionisation, EWA, et 1/ E AW
50
Analyse et technologie des surfaces
F ( E p /E AW ) σ AW = ---------------------------2 E AW
(4.2)
On trouve expérimentalement que la section efficace d’ionisation σAW passe par un maximum vers Ep /EAW = 3. Pour des valeurs plus élevées, elle décroît lentement, comme le montre la figure 4.5. La probabilité d’ionisation suivie d’une désexcitation via le processus Auger est de 1 sur 104, c’est-à-dire que les électrons Auger se trouvent superposés à un fond d’électrons secondaires comme l’a montré la figure 4.3. σAW 1,0
0,5
0 0
5
10
Ep /EAW Fig. 4.5 Variation de la section efficace d’ionisation σAW suivie d’une émission d’un électron Auger en fonction de l’énergie primaire Ep et de l’énergie de seuil EAW mesurée pour les éléments Be, C, Si et Ag (d’après [4.5]).
4.3.3 Rendement d’émission La figure 4.2 montrait le schéma du processus Auger. Nous avions vu qu’après ionisation du niveau W, la désexcitation se poursuit par la transition de l’électron du niveau X au niveau W et l’émission d’un électron du niveau Y. Les probabilités d’émission d’un électron Auger pKLL ou d’un photon pX, KL d’énergie hν = EK – EL varient selon les règles de la physique quantique avec le numéro atomique Z. Elles sont différentes pour les niveaux de seuil K ou L (pX, KL, pX, LM, pX, MN...) comme l’indique schématiquement la figure 4.6. On observe que pour le niveau K, le rendement d’émission d’un électron Auger est très élevé dans le cas des éléments légers en prenant des transitions KLL. Le processus concurrentiel – l’émission d’un photon à la place d’un électron Auger – n’est que peu probable. Pour des éléments lourds, le rendement et ainsi la sensibilité restent élevés, pour autant qu’on utilise une transition de type LMM ou MNN.
Spectroscopie d’électrons Auger
51
1,0 pWXY
pKLL
pLMM
pMNN
0,5 pX, KL
pX, LM
pX, MN
0 0
20
40
60
80
100
Z Fig. 4.6 Probabilité d’émission d’un électron Auger pWXY pour une ionisation au niveau de cœur X = K, L ou M avec pX = 1 – pWXY.
4.3.4 Rétrodiffusion Nous avons déjà mentionné que l’on utilise en spectroscopie Auger les électrons primaires d’une énergie de 3-30 keV. En traversant les couches atomiques de l’échantillon, ils subissent des pertes d’énergie et des changements de direction. Par la méthode de Monte-Carlo, on calcule que ces électrons peuvent pénétrer jusqu’à une profondeur de quelques microns (fig. 4.1). Ces électrons primaires créent des électrons secondaires, des électrons Auger et des photons sur leur passage. On peut imaginer que les électrons secondaires rétrodiffusés ayant suffisamment d’énergie peuvent aussi eux-mêmes créer des électrons Auger. On obtient ainsi une contribution des électrons rétrodiffusés au nombre total des électrons Auger. Puisque le nombre des électrons Auger est proportionnel au courant total Auger, on écrit: I total = I 0 + I M = I 0 + ( 1 + r M ) avec I0 : IM : rM :
(4.3)
courant primaire. courant de rétrodiffusion provoqué par les atomes de la matrice M. facteur de rétrodiffusion, défini par le rapport IM /I0.
La figure 4.7 exprime le facteur rM en fonction de E (énergie cinétique des électrons Auger) pour différents éléments. On constate que rM augmente pour les éléments lourds, car leur nombre d’électrons augmente avec Z, comme par exemple pour l’or (Z = 79). En pratique, cela signifie que le signal Auger peut être intensifié par des atomes avec beaucoup d’électrons ou une couche conductrice en-dessous de la couche d’analyse, car les électrons retrodiffusés peuvent aussi produire des électrons Auger lors de leur passage vers la surface. Le même effet est observé également en microscopique électronique car le contraste augmente dans une telle situation.
52
Analyse et technologie des surfaces
rM
30° Au
1,0
Ag
Ge
Ti Fe Al
0,5
C 0 0
1000
Ecin [eV]
2000
Fig. 4.7 Facteur de rétrodiffusion rM pour certains éléments en fonction de l’énergie cinétique des électrons Auger pour une énergie primaire de 5 keV et un angle d’incidence de 30˚ par rapport à la normale de la surface (d’après les calculs de Ichimura et Shimizu [4.6]).
4.3.5 Profondeur d’échappement Comme cela a été défini au chapitre 3, la profondeur d’échappement Λ est reliée au libre parcours moyen et l’angle d’émission par rapport à la normale de la surface θ est déterminé par la relation:
Λ = λ cos θ
(4.4)
C’est l’énergie cinétique Ecin = EWXY qui détermine la valeur de λ pour les électrons Auger (ainsi que pour les photoélectrons), comme l’a illustré la figure 3.13. Elle indique que la plupart des électrons Auger avec une énergie cinétique entre 50-2000 eV proviennent d’une profondeur comprise entre 2 et 10 monocouches atomiques, correspondant à environ 0,5-3 nm. La plupart des éléments ont des pics à faible et forte énergies cinétiques. Puisque l’énergie cinétique détermine la profondeur d’échappement, l’information tirée d’une mesure de deux pics différents d’un même élément permet de mettre en évidence une variation de concentration en profondeur. Par exemple, à la figure 4.4 on a le cas des transitions KLL et LMM d’aluminium qui ont des profondeurs d’échappement de 2 et 8 monocouches, respectivement. Notons qu’une monocouche d’Almet a une épaisseur de 0,256 nm. 4.3.6 Déplacement chimique Comme en XPS, les transitions Auger subissent un déplacement chimique quand l’atome passe d’un état d’oxydation à l’autre. En AES, le processus de désexcitation implique trois niveaux électroniques. La figure 4.8 donne l’exemple d’un changement de forme des pics Auger avec l’état d’oxydation de l’aluminium.
Spectroscopie d’électrons Auger
53
600 500 I dN(E)/dE
I dN(E)/dE
2000 1500 1000 500
300 200 100 0
0 30 (a)
400
40
50 60
70
80
30
90
40
50
(b)
Ecin [eV]
60
70
80
90
Ecin [eV]
Fig. 4.8 Déplacement chimique en AES: (a) Al-métal et (b) Al2O3. L’intensité I en mode dN(E)/dE est montrée en fonction de l’énergie cinétique Ecin.
Ce déplacement s’explique par la différence des bandes d’électrons entre le métal et son oxyde illustré à la figure 4.9 qui donne en plus les niveaux électroniques de l’atome Al. On observe que les bandes de l’atome sont discrètes comme les bandes de cœur du métal et de l’oxyde. Toutefois, pour ces derniers, les bandes proches du niveau Fermi ne sont plus discrètes et par conséquent, ces différences de bandes se traduisent en une différence de forme du pic entre le métal et l’oxyde. (a)
Al atome
énergie de liaison [eV]
M2,3 M1
L2,3
(b)
Al métal
2
ρ(E)
ρ(E) 7
11 72,8
(c) Al2O3
14 EL 73
76
EL
L1
118
121
K
1560
1556
Fig. 4.9 Niveaux d’énergie de liaison El de l’aluminium; (a) atome; (b) métal et (c) Al2O3. On note la densité des niveaux d’énergie ρ(E).
4.4 INSTRUMENTATION Un spectromètre AES doit répondre à deux exigences: une bonne résolution latérale et une bonne résolution en énergie. La dernière condition n’est pas trop restrictive, car la largeur des pics Auger est en général de 5-15 eV pour une analyse de
54
Analyse et technologie des surfaces
routine. Les spectromètres Auger sont constitués d’un canon fournissant des électrons primaires monoénergétiques et d’un analyseur chargé d’effectuer la discrimination en énergie des électrons émis par l’échantillon. L’ensemble est placé dans une enceinte à ultravide (≤ 10–8 Pa) pour éviter la pollution de surface au cours de l’analyse ou du décapage. D’autres accessoires se trouvent souvent dans un système d’analyse: système de mesure du vide (jauge Bayart-Alpert) et des pressions partielles (quadrupôle), système de transfert (sas), canon à ions pour le décapage ionique (nettoyage in situ ou profil en profondeur), détecteur d’électrons secondaires pour l’imagerie. La figure 4.10 montre le schéma d’un analyseur AES à miroir cylindrique (CMA) avec le canon à électrons qui se trouve au centre de l’analyseur. L’appareil travaille dans un mode de résolution relative constante, c’est-à-dire ∆E/E = constante, où ∆E est la largeur du pic à mi-hauteur (FWHM) et E son énergie cinétique EWXY ; cela signifie que le signal et la résolution sont proportionnels à l’énergie des électrons. La largeur des pics Auger est comprise entre 10 et 15 eV. Le CMA mesure le nombre des électrons N(E) en fonction de leur énergie continue. Il permet d’obtenir des courbes dérivées dN(E)/dE par différentiation numérique. Le faisceau d’électrons peut être focalisé et balayé, de sorte que l’analyseur peut être utilisé en mode microscopique afin d’obtenir des images Auger. La figure 4.11 montre l’image d’un système Auger à balayage de notre laboratoire. On observe à gauche le sas avec une tige manuelle qui permet d’introduire l’échantillon dans le ultravide. L’analyseur cylindrique (CMA) est vertical avec la source d’électrons en haut. Le porte-échantillon peut être déplacé dans les directions x, y et z, ainsi que tourné et pivoté. En-dessous de la console se trouve le système de pompage.
spectre
analyseur CMA
E canon ionique ligne x
sas
échantillon ultravide
image
t
profil
Fig. 4.10 Schéma d’un analyseur AES à miroir cylindrique (CMA).
Spectroscopie d’électrons Auger
55
4.4.1 Sources d’électrons L’analyse Auger à balayage (Scanning Auger Microprobe, SAM) utilise un des trois types de sources suivantes en ordre décroissant de résolution latérale: • filament de Tungstène (W), • cristal de LaB6, • source d’électrons à émission de champ permettant de travailler avec des faisceaux de diamètre allant de 1 µm à 50 nm ou moins. Pour obtenir la meilleure résolution, il faut élever l’énergie des électrons primaires à 10-30 keV. On peut se demander pourquoi on se limite à de basses énergies primaires. L’explication se trouve dans la section efficace illustrée dans la figure 4.5 qui montre quand le rapport Ep /EAW augmente, la probabilité de création d’un électron Auger diminue. Une autre limitation du choix des paramètres expérimentaux est à considérer. La densité de courant peut atteindre lors de la focalisation des valeurs très élevées qui peuvent provoquer des dégâts d’irradiation importants. Le flux tolérable dépend des matériaux, la valeur moyenne à ne pas dépasser étant inférieure à quelques mA · cm–2, ce qui correspond à 1 nA pour un spot de 10 µm de diamètre. Les sources à émission de champ donnent pour le même courant un diamètre de faisceau inférieur, comme le montre la figure 4.11. Elle illustre l’intérêt d’une utilisation d’une source à émission de champ surtout s’il s’agit de mesures d’échantillons sensibles à la dégradation.
diamètre du spot [nm]
1000
100 LaB6
émission de champ
10 0,1
1
10
100
I [nA] Fig. 4.11 Comparaison des sources d’électrons primaires (LaB6 et à émission de champ).
4.4.2 Spectromètres Deux types d’analyseurs sont utilisés, soit hémisphérique (HPA), comme discuté au chapitre 3, soit cylindrique (CMA). Le CMA [4.7] dont la figure 4.12 montre le schéma, a une transmission d’électrons de 0,05 à 0,1. La transmission est
56
Analyse et technologie des surfaces
source e– lentilles déflecteurs détecteur diaphragme déflecteurs bobine stigmateur
échantillon Fig. 4.12 Schéma d’un analyseur cylindrique (CMA).
définie comme le rapport entre le nombre d’électrons émis par l’échantillon et le nombre d’électrons mesurés par le détecteur d’électrons. La source d’électrons coaxiale qui fait partie de l’analyseur cylindrique (CMA) permet d’éviter plus facilement les effets d’ombre et facilite la mise au point de l’échantillon parce que les électrons primaires arrivent perpendiculairement à la surface de l’échantillon. Cependant, l’analyseur hémisphérique montré par la figure 4. 10 a une meilleure résolution en énergie. Le CMA illustré à la figure 4.12 incorpore une source à émission de champ avec un système de lentilles magnétiques. Il a un détecteur sous forme de huit anneaux qui permettent d’analyser simultanément les électrons avec huit énergies différentes. Il ressemble à un microscope électronique à balayage avec la différence qu’il est équipé d’un analyseur et le fait qu’il est placé dans une enceinte à ultravide. Son but est d’optimiser l’acquisition des électrons Auger et de trouver un bon compromis entre une acquisition d’images et des spectres de qualité. L’évolution dans la fabrication des multiplicateurs d’électrons a permis d’augmenter le rapport signal/bruit et ainsi de diminuer la limite de détection pour une même résolution spatiale. Les analyseurs sont fabriqués en acier inox (par ex. 316L) pour écarter toute radiation électromagnétique de l’extérieur, ce qui permet d’étuver tout le système d’analyse et de travailler en ultravide (< 10–7 Pa). Les effets instrumentaux et la normalisation des spectres sont discutés en détail par Lorang [4.8]. 4.4.3 Exemples pratiques La microscopie (M) et la spectroscopie (S) Auger groupent quatre types d’analyse:
Spectroscopie d’électrons Auger
• • • •
57
analyse d’un ou de plusieurs points en surface (S, M), cartes de distribution élémentaire (M), analyse en ligne de la distribution d’un élément (M), profils en profondeur (S, M).
Par la suite, nous verrons quelques exemples pratiques. Le premier exemple concerne un alliage Fe-Cr-Nb. La question posée était de mettre en évidence des inhomogénéités latérales. Avant de passer au mode microscopique, plusieurs spectres de la surfaces ont été mesurés. La figure 4.13 en montre deux sur deux points différents. ×104 5
Cr
O Cr
Fe
(1) (2)
4 N(E) E
C 3 Nb 2 1 0 0
200
400
600
800
1000
Ecin [eV] Fig. 4.13 Spectres AES sur 2 points différents d’un alliage de Fe-Cr-Nb en mode N(E) · E. Le nombre d’électrons Auger N(E) est multiplié par l’énergie cinétique E.
Les spectres sont présentés en N(E) · E (nombre d’électrons secondaires multiplié par l’énergie cinétique E) en fonction de l’énergie cinétique E. La multiplication par E augmente l’intensité des pics à haute énergie cinétique. On identifie bien les pics de Nb, C, Cr, O et Fe. La largeur des pics Auger est de 5-15 eV, ce qui peut mener à une interférence de pics comme c’est le cas ici pour l’oxygène et le chrome. Le carbone est une contamination de surface qu’on trouve presque toujours sur les échantillons préparés à l’extérieur. On utilise souvent le spectre différencié dN(E)/dE pour mieux identifier la position des pics. La figure 4.14 montre les spectres après une différentiation numérique. La différence entre un maximum et un minimum représente l’intensité pic-à-pic correspondant à l’aire du pic dans le spectre N(E)E pourvu que le pic soit symétrique (forme de Gauss). La comparaison des deux spectres montre que dans le spectre (1) un pic de niobium est visible vers 167 eV mais il n’apparaît pas en (2). Pour une analyse plus détaillée, on choisit un temps d’acquisition plus élevé permettant d’obtenir un meilleur rapport signal/bruit. De plus, on augmente la résolution
58
Analyse et technologie des surfaces
10 × 10 3 8
O 1
dN(E)/dE
6 Nb
4
Cr
C
Cr Fe
2 0
2
0
200
400
600
800
1000
Ecin [eV] Fig. 4.14 Spectres AES sur 2 points différents du même alliage de Fe-Cr-Nb en mode dN(E)/dE montré par la figure 4.13.
en énergie par des pas en énergie (incréments) plus petits. Ainsi, on réalise une bonne définition des pics qui est nécessaire pour une analyse en microscopie ou pour la quantification. La mesure de la distribution élémentaire est réalisée par balayage du faisceau électronique provoquant l’émission des électrons Auger. L’intensité pic-à-pic enregistrée en fonction de l’emplacement du faisceau mène à une carte de distribution Auger (mapping). La figure 4.15 montre la distribution élémentaire en surface de l’alliage Fe-Cr-Nb pour les éléments de Fe, Cr, O et Nb.
Fig. 4.15 Exemple de cartes de distribution Auger même alliage Fe-Cr-Nb (voir fig. 4.13 et 4.14) attaqué chimiquement puis oxydé à l’air : Fe (haut, gauche) – Cr (haut, droite) – O (bas, gauche) – Nb (bas, droite) d’après [4.9].
Spectroscopie d’électrons Auger
59
Pour chaque élément, un pixel blanc intense représente une forte concentration relative. Pour le fer, aucune variation du signal n’est observée. Toutefois, l’inhomogéniété de l’échantillon est évidente par la comparaison des cartes des trois autres éléments. On observe facilement une structure dendritique, pour Cr, Nb et O. De plus, on constate la complémentarité des images d’oxygène et chrome, et de chrome et niobium. Comme on l’a constaté ci-dessus, la profondeur d’échappement des électrons Auger est très faible. Pour déterminer le profil de la concentration en profondeur, un système AES met à disposition plusieurs modes comme illustré à la figure 4.16. Bien sûr, ces principes s’appliquent également à d’autres méthodes comme XPS (chap. 3) et SIMS (chap. 6). (a) variation d’angle (1) e– N
(b) profil
p
θ1 θ2
– e Auger
Ar+
e p–
(c) ligne e p–
– e Auger
(2)
– e Auger
x
α z z ≤ 3-5 nm
z ≤ 200 nm
z ≤ 20 µm
Fig. 4.16 Schéma d’analyse en profondeur ; (a) pour des couches ≤ 2nm par variation d’angle d’émission – analyse non destructive; (b) couches ≤ 200 nm par décapage ionique et (c) ≤ 20 µm par un line scan sur une coupe oblique ou sphérique.
Pour des couches d’une épaisseur de quelques nanomètres, on applique la variation de l’intensité I avec différents angles de sortie θ (par rapport à la normale N) des électrons selon (4.4) pour autant que l’analyseur permette de réaliser une telle mesure (fig. 4.16(a)). Un exemple a été présenté au chapitre 3 pour des photoélectrons. En général, il est nécessaire d’utiliser un analyseur hémisphérique pour cela, car l’analyseur CMA ne permet pas la mesure d’une variation de l’angle d’émission sauf dans le cas où l’analyseur est équipé spécialement pour cela. Pour déterminer la composition dans des couches plus épaisses que quelques nm, mais plus minces que 200 nm (fig. 4.16(b)), on combine la spectroscopie Auger avec un décapage ionique par un faisceau ionique (Ar+, Kr+, etc.) balayé en surface simultanément avec l’analyse Auger, comme discuté au chapitre 6. La figure 4.16(c) illustre un troisième mode d’acquisition: la mesure sur une coupe (line scan) par un déplacement latéral. Elle montre le déplacement du faisceau en direction x pendant l’analyse de l’intensité des électrons Auger émis. Ainsi la variation de l’intensité permet de mettre en évidence la présence d’une variation
60
Analyse et technologie des surfaces
de la composition chimique. La figure 4.16(c) montre le principe d’une mesure d’un échantillon avec des couches minces. Pour effectuer une telle expérience, il faut polir mécaniquement l’échantillon pour exposer les couches minces qui ont typiquement une épaisseur entre environ 100 nm et 20 µm. La profondeur z est déterminée par la relation: z = x tan α
(4.5)
où le déplacement x est mesuré à partir du bord du polissage mécanique (rodage); α est l’angle entre la surface originale et le polissage mécanique qui peut être mesuré par un profilomètre (chap. 7). La préparation d’une calotte par polissage mécanique cette fois avec une bille est un cas spécial d’une mesure en profondeur par une analyse de ligne. La figure 4.17 montre schématiquement une telle calotte polie avec une bille d’un diamètre R. En pratique, on utilise des billes avec une diamètre comprise entre 1 et 3 cm. Dans notre exemple, l’échantillon est un acier recouvert d’une couche oxyde de 5 nm et d’une couche mince de TiN d’un épaisseur d’environ 3 µm. Comme décrit dans la figure 4.17, le faisceau électronique suit une ligne de gauche à droite traversant la calotte. On peut calculer la profondeur analysée, z, en fonction du déplacement latéral du faisceau électronique, x, mesuré à partir du bord de la calotte selon [4.9]: 2 D z = R 2 – ---- – x 2
1/2
D 2 – R 2 – ---- 2
1/2
(4.6a)
R x' = 0 x z d
D R2 R1
TiN
acier
Fig. 4.17 Schéma de la géométrie d’une calotte par polissage mécanique avec une bille de rayon R. Le début du déplacement électronique en direction x est x' = 0 qui correspond au bord de la calotte. D est le diamètre extérieur, les distances R2 et R1 correspondent à des profondeurs z et z + d (d’après [4.9]).
Spectroscopie d’électrons Auger
61
Cette équation est exacte. Cependant, avec l’hypothèse que R >> D, on obtient une équation simplifiée: D 2 /4 – ( D/2 – x ) 2 z = -------------------------------------------2R
(4.6b)
De plus, la distance entre deux profondeurs correspond à une épaisseur d définie par les rayons R2 et R1 R 22 – R 12 d = -----------------2R
(4.6c)
Les équations (4.6b) et (4.6c) sont valables sous condition que R >> D et que R >> R2 avec une erreur plus petite que (R/64)(D/R)4. Dans la pratique, R est plus grand que 1 cm et D, R1 ou R2 sont plus petits que 1 mm. En conséquence, l’erreur est plus petite que 15 nm ou 1,5% pour une couche d’une épaisseur de 1 µm. La précision est limitée principalement par la rugosité induite par le polissage et par le transfert de microparticules dans la direction latérale. Typiquement, on a une précision de 3 à 7% pour des couches d’une épaisseur < 100 nm. Nous constatons que ce mode d’analyse est très utile pour la mesure des couches minces qui ont des épaisseurs qui dépassent quelques micromètres. Cependant, on verra au chapitre 7 d’autres méthodes capables d’effectuer des mesures sur des telles couches. La figure 4.18 montre un exemple d’une mesure Auger en ligne d’un échantillon de TiN poli mécaniquement par une bille à partir du bord d’une calotte 50 Ti + N x' = 0
I (p-p)
40 Ti
30
Fe 20
10
O
O C
0 0
200
400
600
800
1000
x [µm] Fig. 4.18 Exemple d’une analyse en ligne sur le bord d’une calotte préparée par polissage mécanique dans une couche TiN sur acier avec une bille d’un diamètre de 3 cm. Les intensités des pics I (pic-à-pic) sont montrées en fonction du déplacement du faisceau électronique. Le bord de la calotte de la couche de TiN qui se trouve vers x = 500 µm est indiqué.
62
Analyse et technologie des surfaces
(fig. 4.17). Les intensités des raies Auger ont été mesurées après un léger nettoyage par décapage ionique in situ. Nous observons la somme des pics de Ti + N et du Ti tout seul en fonction du déplacement latéral du faisceau électronique x (en microns). Ceci a permis de caractériser la couche à partir de la surface et, en plus, par une analyse Auger complémentaire (non illustrée ici), d’identifier d’autres éléments dans la couche de TiN ainsi qu’à l’interface TiN/acier. La raie Auger de Ti + N résulte d’une interférence de Ti et de N à 379 eV; l’autre raie d’un pic de Ti à 420 eV qui n’est influencé par N. On remarque aussi que l’oxygène se trouve sur la surface de Ti + N, mais aussi dans la couche de TiN et sur l’acier. 4.4.4 Limites de détection L’identification des pics Auger est souvent plus facile pour les éléments légers que pour les éléments lourds, en raison de la complexité des spectres et de la largeur des pics, qui favorise leur interférence. Les pics à faible énergie cinétique ont une largeur à mi-hauteur (FWHM) inférieure à celles des pics à haute énergie. Malgré leur largeur et leur plus faible intensité, on est souvent obligé d’utiliser ces pics à haute énergie pour éviter la interférence. Les limites de détection sont déterminées par le rapport signal/bruit, S/B, ce qui donne pour l’AES les données suivantes: • concentration limite détectable: ≥ 0,1-1% de la couche analysée correspondant à la concentration minimale détectable (volume) ≈ 1019-1020 atomes/ cm3 ; • nombre minimal d’atomes détectables: ≈ 1013 atomes/cm2. La sensibilité est plus basse dans le cas d’un microscope Auger, grâce à un faisceau incident très fin et intense. Le temps d’acquisition sur un spot joue un rôle important pour la limite de détection. Ceci est un facteur limitant dans ce mode pour la distribution latérale d’un élément avec une résolution < 100 nm. Le temps d’acquisition total est de 15 min à plusieurs heures pour une telle résolution. Ainsi, la stabilité mécanique du porte-échantillon est un autre facteur limitant. De plus, le faisceau électronique peut dégrader l’échantillon en changeant la composition si l’énergie dissipée par le faisceau d’électrons dépasse 104 Wcm–2.
4.5 ANALYSE QUANTITATIVE Comme en XPS, l’intensité d’un pic Auger provenant d’un niveau de cœur d’un atome A peut être reliée à la concentration atomique cA(z). Le signal provenant d’une couche d’épaisseur dz du matériau, située à la profondeur z, est analysé sous un angle θ par rapport à la normale de l’échantillon. L’intensité IA d’un pic Auger est donnée par:
Spectroscopie d’électrons Auger
63
∞
∫
z I A = g c A ( z ) exp – --------------- dz λ cos θ
(4.7)
0
où g est une fonction définie par: g = T ( E )D ( E )I 0 σ A p A ( 1 + r M )
(4.8)
qui donne essentiellement l’intensité de la première monocouche à la surface, avec cA(z):concentration atomique de l’élément A qui est une fonction de la profondeur z. λ: libre parcours moyen de l’électron Auger, voir équation (3.10). θ: angle d’émission par rapport à la normale de la surface. T(E): facteur de transmission, fonction de l’énergie cinétique E de l’électron Auger. D(E): facteur tenant compte de l’efficacité du multiplicateur des électrons (attention, il varie en fonction du temps!). I0 : courant primaire. σΑ : section efficace de l’élément A. pΑ : probabilité d’émission d’un électron Auger lors de la désexcitation de l’atome. rM : facteur de rétrodiffusion, fonction de la matrice, voir § 4.2.4. On néglige l’influence de la rugosité R dans (4.7). Sous l’hypothèse que la surface de l’échantillon soit plane et de composition homogène dans la couche analysée, l’intégration de (4.7) pour l’élément A dans une matrice M donne [4.10] I A, M = DT ( E )I 0 σ A p A ( 1 + r A, M λ A, M ) cos θ ⋅ c A, M
(4.9)
L’application de (4.9) à un alliage binaire AB (valable aussi pour un oxyde MeO) donne alors le rapport des intensités de A et B où le second indice indique soit l’alliage AB soit l’élément A ou B:
σ A, A x A I A, AB ------------- = ------------ K' -----σ B, B x B I B, AB
(4.10)
où K' est défini par: K' = k r k λ k c et
(4.11)
64
Analyse et technologie des surfaces
1 + r A, AB 1 + r B, B k r = ----------------------- ⋅ -------------------1 + r B, AB 1 + r A, A
(4.12)
λ A, AB λ B, B k λ = --------------- ⋅ -----------λ B, AB λ A, A
(4.13)
c B, B k c = ---------c A, A
(4.14)
On appelle K' le facteur de matrice qui tient compte des différences de λ et de r entre la matrice (alliage) A-B et les éléments A et B purs. En pratique, on néglige souvent son influence en admettant K' = 1. Cependant, un telle hypothèse peut introduire des erreurs non négligeable dans le calcul de la composition (équation (4.10)) comme discutés ci-dessous. On définit l’intensité standardisée de l’élément A, iA : IA i A = ----SA avec SA :
(4.15)
facteur de sensibilité Auger relatif pour l’élément A qui est proportionnel à la section efficace de la transition Auger. intensité Auger de l’élément A pur.
IA :
Dans le cas où l’échantillon est constitué de plusieurs éléments, on obtient la concentration atomique de l’élément A par (4.16), qui utilise les facteurs de sensibilité relatifs. On remarquera que cette équation est équivalente à (3.19), définie pour l’XPS. Précisons que la sensibilité SAg a été choisie arbitrairement comme standard (= 1), alors qu’on avait utilisé le fluor comme standard en XPS (sect. 3.5) parce ces deux éléments ont une bonne sensibilité et peuvent facilement être mesurés au laboratoire sous forme métallique (Ag) ou LiF, respectivement. On notera de plus que l’influence des facteurs de matrice K' a été négligée. En conséquence, on peut déterminer pour chaque pic et chaque élément une sensibilité relative. Dans le tableau de l’Annexe 1, on trouve les sensibilités des transitions principales des éléments. Notons que les facteurs de sensibilité Auger relatifs SA sont valables pour Ep = 5 keV et un analyseur cylindrique (CMA) I A /S A c A = -----------------n
(4.16)
∑ I i /Si i
Le tableau 4.2 donne un exemple d’une application de (4.16) pour le cas d’un acier inox (316) et celui d’un acier Inconel (600T) dans un cas favorable où les facteurs de matrice ne jouent que peu de rôle.
Spectroscopie d’électrons Auger
65
Tableau 4.2 Comparaison des concentrations (en % at) déterminées par absorption atomique (AA) et par spectrométrie Auger [4.11] – sans (A) et après (B) nettoyage par décapage in situ. alliage
élément
SA
AA
AES -A-
AES -B-
Cr
0,31
20
18
22
Fe
0,21
66
71
67
Ni
0,26
13
10
10
Mo
0,25
2
1
2
Cr
0,31
18
20
21
Fe
0,21
8
7
7
Ni
0,26
74
72
71
Ti
0,44
–
1
1
316 inox
600T Inconel
La correspondance entre ces mesures est assez bonne. La différence entre les résultats «A» et «B» est due au décapage ionique préférentiel qui enrichit en surface l’élément avec le rendement ionique le plus bas. La simplification K' = constante dans (4.10) entraîne une perte de précision. L’erreur sur les concentrations ainsi obtenues peut atteindre jusqu’à 30% de la valeur absolue. Pour mieux quantifier, on doit tenir compte des facteurs de matrice (kr, kλ et kc). Le tableau 4.3 donne quelques exemples d’une correction en appliquant ces facteurs de matrice pour cinq alliages binaires. EA et EB sont les énergies cinétiques des pics Auger des éléments A et B.
Tableau 4.3 Exemples de facteurs de matrice selon (4.11) pour quelques alliages. alliage
EA
EB
[eV]
[eV]
Ag-Pd
351
Ni-Pd
kc
kλ
kr
K'
SAA /SBB
K'(SAA /SBB)
exp
330
1,15
0,93
1,00
1,07
1,09
1,17
1,31
848
330
0,74
1,16
1,15
0,99
0,30
0,30
0,27
Cr-Fe
527
703
1,02
0,99
1,02
1,03
1,64
1,69
1,74
Mo-Fe
186
703
1,33
0,87
0,87
1,01
1,09
1,10
1,29
Ni-Mg
61
45
0,47
1,42
0,76
0,51
0,81
0,31
0,39
Ni-Mg
848
1186
0,47
1,45
0,80
0,55
3,11
1,71
1,69
Pour les alliages Ni-Pd, Cr-Fe et Mo-Fe, l’application des facteurs de matrice dans (4.10) n’a pas un grand effet (K' ≤ 1,03). Cependant, il est de K' = 1,07 pour Ag-Pd et de 0,55 ou 0,51 pour Ni-Mg. On constate que les valeurs calculées K'(SAA /SBB) correspondent bien aux valeurs expérimentales obtenues par application de (4.10) et (4.15).
66
Analyse et technologie des surfaces
4.6 EXERCICES 4.6.1 Spectre global AES (survey): identifier les pics Auger OKLL du spectre de la figure 4.13 et calculer l’énergie cinétique à l’aide de (4.1) et la figure 4.2. 4.6.2 Spectre détaillé: déterminer le déplacement chimique entre le métal et l’oxyde d’Al et calculer le rapport des intensités entre ces deux pics (fig. 4.8). 4.6.3 Expliquer pourquoi la profondeur d’échappement est en général plus grande pour les pics XPS que Auger. 4.6.4 Déterminer la profondeur d’échappement pour Si, Cr et leurs oxydes à l’aide de (3.11b). SiO2 : ρ = 2,26 g · cm–3, A = 60,08 g · mol–1, Cr2O3 : ρ = 5,21 g · cm–3, A = 151,99 g · mol–1. 4.6.5 Déterminer la profondeur d’échappement du pic Auger de Ta (ENNN=179 eV) en fonction de l’angle d’émission des électrons (θ = 10˚, 45˚, 90˚) et comparez-la avec celle du pic XPS de Ta 4f7/2 en utilisant la source Mg Kα à l’aide (3.11a).
4.7 RÉSUMÉ Parmi les méthodes d’analyse de surface, la spectrométrie Auger est la méthode la plus utilisée pour des échantillons conducteurs et semiconducteurs. A l’exception de H et de He, tous les éléments peuvent être détectés. Le temps d’acquisition d’un spectre pour l’analyse qualitative est de quelques minutes. La profondeur analysée est de 1-3 nm. On mesure le nombre des électrons Auger caractéristiques émis sous bombardement des électrons primaires d’énergie de 3-30 keV. Pour déterminer la composition élémentaire de la surface (analyse quantitative), on utilise des facteurs de sensibilité relatifs, qui permettent d’obtenir une précision entre 5% et 30%. Grâce à la possibilité de focaliser le faisceau à 50-100 nm, on peut mesurer des cartes de concentration en surface. La limite de détection se situe vers 0,1-1% atomique d’une monocouche selon la sensibilité de l’élément. Ceci correspond à 10–15-10–16 g sur un spot de 1 µm. En particulier, la sensibilité pour les éléments légers (C, N, O) est très élevée. Parmi les inconvénients de l’AES, on doit citer le fait qu’on ne peut pas analyser des surfaces et couches minces isolantes. De plus, le faisceau d’électrons peut être destructif quand il est focalisé sur une petite surface. Comme toutes les autres méthodes d’analyse de surface, la quantification est limitée par la précision des facteurs de sensibilité. Elle est également influencée par les facteurs de matrice.
Spectroscopie d’électrons Auger
67
4.8 BIBLIOGRAPHIE Générale J.P. EBERHART, Analyse structurale et chimique des matériaux, Dunod, Paris, 2e éd., 1989. D. BRIGGS et M.P. SEAH, eds. Practical Surface Analysis – Auger and X – Ray Photoelectron Spectroscopy Chichester, vol. 1, John Wiley&Sons, 2nd ed., 1990. H.J. MATHIEU, Auger Electron Spectroscopy, in Surface Analysis – The Principal Techniques, J.C. Vickerman, Editor, Chichester, 1997.
Références [4.1] [4.2] [4.3] [4.4]
P. AUGER, J. Phys. Radium 6, 205, 1925. P. AUGER, Surf. Sci. 48, 1, 1975. J.P. LANGERON, J. Microsc. Spectrosc Electr. 13, 331, 1988. L.E. DAVIS, N.C. MAC DONALD, P.W. PALMBERG, G.E. RIACH et R.E. WEBER, Handbook of Auger Electron Spectroscopy, 2nd ed, Perkin Elmer Corp., Eden Prairie, 1976. [4.5] D.M. SMITH et T.E. GALLON, J Phys. D: Appl. Phys. 7, 151, 1974. [4.6] S. ICHIMURA et R. SHIMIZU, Surf. Sci. 112, 386, 1981. [4.7] P. PALMBERG, Anal. Chem. 45, 549 A, 1973. [4.8] G. LORANG, Le Vide 52, 34, 1996. [4.9] International Standard Organisation/Technical Report, Surface Chemical Analysis – Depth Profiling – Measurement of sputtered depth, ISO/TR 15969: 2001(E). [4.10] H.J. MATHIEU, Thin Film and Depth Profile Analysis, in Topics in Current Physics, H. Oechsner, ed., Springer, Berlin, p. 39, 1984. [4.11] P. PALMBERG, dans Methods of Surface Analysis, A.W. Czanderna, ed., Amsterdam, Elsevier, 1975.
CHAPITRE 5
SPECTROMÉTRIES IONIQUES
5.1 OBJECTIFS Les méthodes ioniques analysent des produits atomiques ou moléculaires émis par un solide soumis au bombardement d’ions primaires de quelques keV. Ce chapitre décrit • le principe et les modes de travail, • l’instrumentation, • l’analyse des particules neutres émises, • quelques exemples d’analyse de la première monocouche. L’analyse de la surface par des ions (analyse statique) essaye de minimaliser une perturbation de la surface provoquée par des ions primaires. L’analyse en profondeur sera discutée au chapitre 6.
5.2 MÉTHODE L’effet recherché du bombardement d’ions primaires est la pulvérisation d’atomes (sputtering) de la surface de l’échantillon. Lorsque l’énergie cinétique transférée par les ions primaires à des atomes superficiels est supérieure à leur énergie de liaison et que la quantité de mouvement transmise a une composante normale à la surface, des atomes sont éjectés et certains entre eux sont ionisés. La densité de courant ionique primaire et la nature des ions primaires déterminent la profondeur analysée qui varie entre une fraction d’une monocouche et plusieurs microns. Lors d’un bombardement par des ions primaires, il y a plusieurs effets possibles: • la réflexion de la particule primaire, • la pulvérisation et l’émission des particules secondaires, • la modification de la zone superficielle avec implantation éventuelle des ions primaires. Les particules secondaires émises comme ions positifs, négatifs ou neutres, ont des rapports masse/charge caractéristiques des éléments et leurs isotopes. En majorité ce sont des atomes neutres non détectés. Les ions représentent une fraction de
70
Analyse et technologie des surfaces
l’ordre de 10–2 à 10–5 ou encore plus petite. Leur rapport caractéristique de masse sur charge (m/z) permet d’identifier les éléments correspondants de l’échantillon bombardé. La méthode de la spectrométrie de masse d’ions secondaires (SIMS Secondary Ion Mass Spectrometry) est complémentaire de l’ESCA et de l’AES parce qu’elle analyse des produits éjectés de la surface. Cette technique permet de mettre en évidence tous les éléments du tableau périodique, avec une forte sensibilité pour la plupart d’entre eux. Les progrès récents, notamment au niveau des sources d’ions et des détecteurs, ont permis d’obtenir des analyses sur des échantillons conducteurs et isolants: • des spectres de masse en surface (SIMS statique) – première couche atomique; • des cartes élémentaires avec une résolution latérale d’environ 100 nm; • des profils de concentration en fonction de la profondeur, à partir de la surface jusqu’à quelques microns (SIMS dynamique) (voir chapitre 6). La sensibilité de la méthode SIMS est plus élevée que celles des méthodes ESCA ou AES (la limite de détection de SIMS est de 10–3 à 10–7 d’une monocouche soit 1012 à 108 atomes/cm2). Toutefois, à cause de l’effet de matrice influençant fortement l’ionisation des particules émises, la méthode SIMS est souvent difficile à quantifier. Sauf pour les applications en micro-électronique (teneurs faibles dans les matrices de Si, Ge ou de GaAs), la méthode SIMS est donc uniquement semi-quantitative impliquant une comparaison avec des échantillons de référence. Les méthodes qui ionisent les particules neutres émises sont la méthode SNMS (Secondary Neutral Mass Spectrométrie) et la spectroscopie à décharge luminescente; elles permettent de quantifier l’analyse avec une sensibilité souvent inférieure au SIMS. Ces techniques seront introduites respectivement aux sections 5.6 et 5.7.
5.3 PRINCIPE 5.3.1 Modes de travail La figure 5.1 représente l’interaction d’un ion avec une cible et illustre le processus de pulvérisation: sous bombardement avec des ions primaires, des particules neutres, ions secondaires, photons et électrons sont émis. La profondeur d’échappement et celle de pénétration des ions primaires sont déterminées par le faisceau primaire. Les paramètres principaux sont la dose ionique primaire (densité de courant exprimée en ions/cm2) et l’énergie de l’ion primaire. Cela détermine le degré de perturbation de la surface sous bombardement ionique. On distingue deux modes qui visent à mettre en évidence la ou les molécule(s) présente(s) soit en surface (première monocouche) soit en profondeur z: • SIMS statique (SSIMS) surface analysée: z < 0,3 nm, • SIMS dynamique (DSIMS): z = 10-5000 nm (chap. 6).
Spectrométries ioniques
71
z neutres et ions secondaires
θ ions primaires
surface
matrice
Fig. 5.1 Schéma de principe de la technique SIMS.
C’est la dose ionique D qui détermine le degré de la perturbation pendant un bombardement par les ions primaires. Elle est définie comme Ip A D = -----t m ---------2- s A' cm
(5.1)
où Ip est le courant primaire [A], tm [s] la durée du bombardement et A' [cm2] l’aire de la zone bombardée. On postule comme limite d’une dose tolérable en SIMS statique, ≤ 1012 ions/cm2, pour des spectres et images qui correspond à un nombre inférieur à 1 ion primaire pour 103 atomes de surface [5.1]. Passée cette limite on n’a plus les conditions non destructives du SIMS statique. Pour une densité de courant de 1 nA/cm2 qui correspond à 6,3 · 109 ions/s, cette limite est atteinte après 2,5 minutes. Tableau 5.1 Conditions expérimentales des deux modes de SIMS. Mode
Paramètres du faisceau primaire ip
ion(s) SSIMS DSIMS
Ar+
Cs+
Ar˚
Ga+
Ar+ O2+ Cs+
10 µAcm–2
dp
tm
données
≥ 0,1 µm
>10 s
spectres images
> 3 µm
< 1s
profils images
Le tableau 5.1 donne les conditions expérimentales de ces deux modes de SIMS où Ip est le courant primaire, dp le diamètre du faisceau primaire et tm le temps d’acquisition total. Dans le cas du SIMS statique, la dose ionique sera faible
72
Analyse et technologie des surfaces
( 3000). La postionisation résonante sera encore plus efficace (rendement utile d’environ 0,1 à 1) mais moins pratique, parce que chaque atome, molécule ou fragment demande une énergie d’ionisation spécifique. L’efficacité de ces postionisations varie beaucoup entre les différentes types d’ionisation. Elle n’est pas égale pour tous les éléments à cause du processus de postionisation et de la structure électronique des éléments. La figure 5.11 montre la partie proche de l’échantillon d’un système SNMS avec une postionisation par plasma froid. En comparant avec la figure 5.7(b), on constate que la différence du principe entre un
Spectrométries ioniques
87
S IL
plasma E
Fig. 5.11 Schéma d’un système de postionisation (SNMS) par plasma à gaz. Un faisceau primaire S focalisé et balayé à travers la surface de l’échantillon E provoque l’émission des particules secondaires. IL est la lentille d’immersion à l’entrée de l’analyseur de masse (à comparer avec la fig. 5.7b).
système SIMS et le SNMS est essentiellement la postionisation par plasma. On suppose que toutes les particules secondaires sont ionisées dans la chambre de plasma. Le faisceau primaire provoque l’émission de particules secondaires. Une variante à cette postionisation est l’ionisation par un faisceau de laser qui passe à une distance de quelques millimètres parallèle à surface de l’échantillon. L’intensité mesurée IA des particules après postionisation est reliée à la concentration atomique cA par une équation identique à celle du SIMS (5.2) sauf que γ A± , M est remplacé par γA,M [5.10], en supposant que toutes les particules secondaires sont ionisées suite à l’émission des particules. Signalons que le rendement de décapage YM d’un échantillon est la somme des rendements partiels des éléments dans la matrice M: n
YM =
∑ Yi
(5.15)
i=1
Ainsi, dans le cas d’une postionisation non résonante avec S A0 = fAcAγA(M)ηA, la quantification et le calcul des concentrations atomiques cA sont possibles à l’aide des facteurs de sensibilité relative S A0 établis avec des standards (0): I A /S A0 c A ( t ) = -------------------n
(5.16)
∑ I i /Si0
i=1
La technique SNMS se prête bien à l’analyse des couches minces jusqu’à des épaisseurs de quelques micromètres dans le cas de canons ioniques à cathode
88
Analyse et technologie des surfaces
chaude avec focalisation comme illustrée sur la figure 5.11. La spectrométrie qui utilise un plasma comme source d’ions primaires sans possibilité de focalisation est connue sous le nom spectrométrie à décharge luminescente GDMS (Glow Discharge Mass Spectrometry). Elle sera décrite à la section 5.7.
5.7 SPECTROSCOPIE À DÉCHARGE LUMINESCENTE La solution alternative aux spectrométries de masse SIMS et SNMS pour l’analyse des couches relativement épaisses existe. Il s’agit de la spectroscopie à décharge luminescente (SDL) connue sous ses acronymes GDOES (Glow Discharge Optical Emission Spectroscopy) ou GDMS (Glow Discharge Mass Spectroscopy) selon que l’on utilise un spectromètre optique ou un spectromètre de masse pour l’identification des éléments dans les couches [5.11-5.14]. Ces méthodes permettent d’obtenir en quelques minutes un profil en profondeur jusqu’à plusieurs dizaines de micromètres d’épaisseur. Le principe de mesure est similaire à la méthode SNMS: on utilise comme source d’excitation un tube à décharge à faible pression de gaz (quelques mbar) en appliquant une tension Vg entre deux anodes tubulaires A1 et A2 et la cathode C qui est l’échantillon (fig. 5.12). Les deux électrodes sont séparées par environ 0,2 mm. Un plasma est utilisé comme source de bombardement par des ions et des particules neutres et pour l’ionisation des atomes et des molécules émis. Une partie des particules secondaires est déposée sur la cathode refroidie (Cr). Pendant l’équilibre, la
P R
A2
C F M J
A1
J Cr R
G
D P
Fig. 5.12 Schéma d’une source Grimm avec: les anodes A1 et A2, C la cathode (échantillon) et Cr la cathode refroidie, D les isolations, F la fenêtre (lame optique), G l’entrée de gaz (Ar+), J les joints, M la direction vers le spectromètre, P la pompe, R le circuit de refroidissement (d’après [5.16]).
Spectrométries ioniques
89
composition du plasma représente la composition de l’échantillon. En GDOES, on détecte la radiation des particules ionisées sous forme de lumière avec une longueur d’onde caractéristique (env. 120-800 nm) [5.15]. Une variante de la méthode GDMS, moins souvent appliquée, est de séparer le plasma de la chambre d’analyse de masse où se fait la détection des ions du plasma. Les sources utilisées pour la méthode GDOES à courant continu sont dérivées de la lampe mise au point par Grimm [5.16] pour l’analyse des couches conductrices. La méthode GDOES a beaucoup d’applications en métallurgie et en sidérurgie. Un développement plus récent utilise une anode «flottante» A2 (fig. 5.11) qui applique un potentiel rf et étend l’analyse des profils en profondeur à des couches nonconductrices. Ceci est réalisé en principe en travaillant avec deux anodes séparées A1 et A2. De plus, l’uniformité de la zone du bombardement par le plasma a été améliorée considérablement pour obtenir une meilleure résolution en profondeur grâce à des faibles potentiels entre l’anode et l’échantillon. Sur un échantillon d’un diamètre de l’ordre de 1-10 cm, on applique des densités de courant relativement élevées (50-500 mA/cm2) avec une vitesse de décapage typiquement de l’ordre de 0,1 à 100 nm/s L’uniformité du cratère dépend beaucoup de la géométrie des électrodes mais aussi du choix de trois paramètres: le courant Ip, la tension Vg et la pression p du gaz (g). Ces trois paramètres ne sont pas indépendants, mais en fixant deux d’entre eux, le troisième est déterminé par le matériau. Le réglage se fait par variation de la pression du gaz (par exemple, Ar). On applique des tensions au-dessus du seuil d’excitation vers 300 V, typiquement de 400 à 1500 V, entre l’échantillon et l’anode. C’est le plasma qui produit des ions Ar+ dirigés vers la cathode pulvérisant la surface et les couches à analyser. Les particules émises sont ionisées et excitées par des électrons et des ions du plasma. Lors du processus de relaxation, ces particules émettent une radiation caractéristique de l’élément. Elle est analysée par un ensemble de détecteurs après une diffraction sur différents cristaux et grilles optiques adaptés à la bande de longueur d’onde comprise entre 110 et 460 nm. Ainsi, on couvre la plupart des éléments du tableau périodique. Le tableau 5.2 résume les performances de GDOES et de GDMS.
Tableau 5.2 Comparaison des performances de GDOES et GDMS, d’après [5.13]. GDOES
GDMS
1-0,01
10–1-10–4
concentration minimale
1013-1015 [at/cm2]
1011-1014 [at/cm2]
résolution en profondeur
1 nm
1 nm
précision de la résolution en profondeur
10%
10%
vitesse de décapage (nm /s)
1-100
0,1-10
limite de détection (MC*)
* monocouche.
90
Analyse et technologie des surfaces
Il reste à signaler qu’une telle analyse est beaucoup plus rapide que des profils obtenus par AES, ESCA ou SIMS. L’inconvénient de la technique GDOES est l’absence complète d’une résolution latérale et la contamination potentielle pendant le bombardement par le plasma.
5.8 EXEMPLES PRATIQUES
I [cps]
Le SIMS statique peut être appliqué pour la mesure de la première monocouche avec une très haute sensibilité. La figure 5.13 montre un spectre ToF-SIMS des ions positifs des fragments d’un polymère – polyéthylène téréphtalate (PET) entre 0 et 200 Dalton. Les fragments CH 2+ et de C 2 H 3+ à 14 et 27 respectivement, comme des pics caractéristiques pour le PET à 76, 104, 149 et 191 D sont indiqués. Ce genre de spectre à basse résolution de masse permet d’identifier facilement le PET ou d’autres polymères, même un revêtement d’une monocouche.
0 0
50
100 m/z / [Da] /z
150
200
Fig. 5.13 Spectre ToF-SIMS en mode positif CHx d’un échantillon de polyéthylène téréphtalate (PET).
La figure 5.14 donne l’exemple d’un spectre à haute résolution de masse permettant de distinguer entre les ions SO 4– et le C4H2NO2, représentatif de la fonction maléimide grâce à une résolution de masse de m/∆m ≈ 6900 à m = 96 D. Les deux pics sont séparés par 0,057 amu. Le ToF-SIMS en mode statique se prête bien à la détection de molécules en surface. La figure 5.15 illustre ce point par l’exemple d’une immobilisation de molécules organiques sur une surface de diamant. L’analyse SIMS permet de visualiser la molécule par une image d’un de ses fragments caractéristiques. Dans l’exemple illustré par la figure 5.16, une image composée de 128 × 128 pixels a été obtenue. Elle montre la distribution latérale du fragment de 19F– sur la surface de diamant sur laquelle on a déposé du MAD et qui
91
I [cps]
Spectrométries ioniques
2 m/z / /z Fig. 5.14 Spectre ToF-SIMS en mode positif à haute résolution de masse acquis avec des ions primaires de Ga+ (dose ionique de 8,7 ×10–11 ions/cm2).
maléimide O
H
CF3
O NH
N
diamant O
Fig. 5.15 Structure d’une molécule MAD (N-(m-(3-(trifluoromethyl) diazirine-3-yl)phenyl)-4maleimido butyramide) après immobilisation sur un substrat de diamant par la création d’un carbène qui a réagi en surface.
25
20
15
10 5
35 µm
Fig. 5.16 Image ToF-SIMS du fragment de 19F– sur une surface de diamant. L’échelle d’intensité est thermique.
92
Analyse et technologie des surfaces
a été activé (lumière de 350 nm) à travers un masque (taille caractéristique du maillage de la grille: 40 µm). L’échelle d’intensité de la figure 5.16 est une échelle thermique, où les zones plus claires ont une intensité plus élevée. On distingue bien entre les zones claires riches en 19F– et les zone foncées correspondant à la présence plus faible de la molécule MAD [5.17].
5.9 EXERCICES 5.9.1 Spectre TOF-SIMS: identifier les fragments à 76D, 104D, 149D, 191D du polyéthylène téréphtalate (PET) de la figure 5.13 du monomère:
5.9.2 Calculer la fréquence de répétition d’un analyseur à temps de vol pour un spectre jusqu’à m = 1000 amu et une énergie d’accélération Ecin = 3 keV à l’aide (5.11). 5.9.3 Déterminer m/z de Si2O+ et de SiO2++. 5.9.4 Quelle résolution en masse faut-il en SIMS pour distinguer 28Si+ de 56Fe2+ ? 5.9.5 Calculer le temps de vol pour 18O et celui pour 181Ta à l’aide de (5.11). 5.9.6 Quelle est la limite de dose en SIMS statique? 5.9.7 Quelle est la différence entre GDOES et GDMS? 5.9.8 Quelle est la résolution latérale de GDOES?
5.10 RÉSUMÉ La spectrométrie de masse des ions secondaires SIMS mesure les produits atomiques ou moléculaires émis par un solide soumis au bombardement d’un faisceau d’ions primaires de quelques keV. SIMS est la méthode d’analyse de surface qui permet d’identifier tous les éléments et leurs isotopes, y compris l’hydrogène. Elle se prête à l’analyse de tous les matériaux solides, conducteurs et isolants. On distingue entre SIMS statique (surface) et SIMS dynamique (profils en profondeur). Par ailleurs, si on postionise les particules neutres émis, on obtient des spectres et profils SNMS (Secondary Neutral Mass Spectrometry).
Spectrométries ioniques
93
En analyse qualitative, la sensibilité du SIMS est supérieure aux spectroscopies électroniques – entre ppm d’une monocouche (TOF-SIMS) et ppb d’une monocouche (SIMS dynamique), mais tout dépend des ions primaires utilisés (Ar, O, Cs, Ga...) et des effets de matrice. Pour certaines applications (par exemple en microélectronique), on peut utiliser des facteurs de sensibilité relatifs pour l’analyse quantitative. Cependant, l’analyse reste semi-quantitative. Le rendement de pulvérisation YM et le taux d’ionisation γ A± ne sont connus que pour des éléments purs. Les modes d’utilisation (spectres de masse, cartes de distribution et profils) demandent des systèmes de mesure adaptés aux besoins pour optimiser l’analyse. La résolution latérale (inférieure au micromètre avec une source Ga+), le rendement de pulvérisation et la résolution de masse peuvent varier en fonction des différents modes. La résolution de masse est une fonction de l’analyseur utilisé, mais peut atteindre m/∆m = 10 000 pour m ≈ 100. Les principales applications portent sur les analyses qualitatives (fingerprint spectra) des isolants et conducteurs avec une sensibilité nettement inférieure à une monocouche ( 2 keV (à comparer avec fig. 6.3) permettant de diminuer le temps d’acquisition. Pour obtenir une meilleure focalisation, on doit travailler avec des énergies primaires comprises entre 8 et 25 keV. La focalisation n’est pas seulement importante pour la résolution latérale, mais aussi pour obtenir une zone de bombardement uniforme. Comme le montre la figure 6.6, une zone de décapage uniforme est importante pour éviter l’influence du bord du cratère, d’autant plus si les ions primaires n’arrivent pas perpendiculairement à la surface. De plus, si le diamètre du faisceau d’ions primaires n’est pas petit par rapport au diamètre du cratère de pulvérisation, on obtient des bords de cratère arrondis. Ceci se traduit par une perte de résolution en profondeur. Pour minimiser cet effet, on utilise un système de sélection qui
102
Analyse et technologie des surfaces
permet d’accepter seulement une certaine région du cratère comme illustrée sur la figure 6.7. Le faisceau primaire d’un rayon r balaye sur la largeur du cratère selon x et y pendant que le système de détection n’accepte comme signal que des ions émis par la zone uniforme du centre du cratère. La plupart des canons ioniques n’utilisent plus un faisceau statique mais plutôt un faisceau focalisé et balayé à travers la surface avec un trame variable. Ainsi on évite un décapage non uniforme qui mène à la dégradation de la résolution en profondeur. En résumé, l’effet de bord peut être réduit par le choix de l’angle d’incidence, celui de la taille du cratère et de la zone acceptée par le détecteur. La résolution en
faisceau primaire
intensité
surface interface région mesurée zone uniforme tout le cratère zone uniforme
0
2
3 temps ou profondeur
4
5
Fig. 6.6 Schéma d’un profil en profondeur qui montre l’intensité I en fonction du temps ou de la profondeur z. L’insert montre la région uniforme qui évite les effets de bord. Les profils sont mesurés de préférence dans la zone uniforme.
surface
cratère ionique r
zone uniforme Fig. 6.7 La zone analysée et uniforme à l’intérieur du cratère créée par le faisceau ionique se trouve à une distance ≥ r du bord du cratère où r est le rayon du faisceau ionique.
Profils en profondeur
103
profondeur mesurée ∆z est la somme de diverses contributions (fig. 6.2). Selon Hofmann [6.3], on décrit ∆z par une expression du type suivant: 2 + ∆z 2 + ∆z 2 + … ] 1 / 2 ∆z = [ ∆z 02 + ∆z s2 + ∆z m i g
(6.6)
qui tient compte de la contribution de la rugosité originale ∆zo, de la rugosité induite pendant le décapage ∆zs, du mixage atomique pendant la pulvérisation ∆zm, de inhomogéniété du faisceau ionique ∆zi et des effets géométriques par la proximité du bord du cratère ∆zg, pour ne citer seulement que les plus importantes. Dans le cas de profils ESCA ou AES, il faut ajouter un terme ∆zλ qui tient compte de la profondeur analysée par les spectroscopies électroniques.
6.5 DÉCAPAGE IONIQUE PRÉFÉRENTIEL Le décapage ionique pulvérise la zone bombardée à une profondeur qui va jusqu’à une dizaine de monocouches pour les énergies ioniques typiquement appliquées en analyse de surface. L’interaction d’un ion primaire avec la surface peut avoir les résultats suivants pour l’émission: • la rétrodiffusion élastique, • l’émission d’une particule (atome, ion, molécule, électron, photon...), • l’implantation dans la matrice. La formation des ions – déjà discuté au chapitre 5 – est un phénomène assez complexe. D’une façon simple, on peut la décrire par deux étapes: le processus dynamique pendant lequel des atomes et des fragments des molécules sont créés et éjectés, et un deuxième processus pendant lequel les ions sont formés. Le décapage peut être décrit par une série de cascades linéaires pendant lesquelles l’ion primaire et les atomes obéissent aux lois classiques de la mécanique de Newton. On suppose que le flux et l’énergie des ions primaires restent relativement faibles. Il y a d’autres modèles qui supposent la formation d’une petit volume excité à une température plus élevée. Le fait que la plupart des particules et fragments émis sont neutres est expliqué par une relaxation rapide. On sait que la pulvérisation modifie la composition en surface si les rendements de décapage des éléments sont différents. Elle mène à un état d’équilibre comme indiqué dans la zone II du profil de la figure 6.2. S’il existe plusieurs types d’atomes dans la couche analysée, la zone s’appauvrit en celui qui se pulvérise préférentiellement, jusqu’à un équilibre déterminé par le rapport des rendements de décapage des atomes impliqués. Ceci signifie qu’après un certain temps, nécessaire à l’obtention de cet équilibre, les électrons (Auger et photoélectrons) émis traduisent bien la composition de la zone pulvérisée. Pour le cas de l’oxyde de tantale, on observe que l’oxygène est décapé préférentiellement, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres oxydes. Cependant, expérimentalement, on a trouvé qu’il existe aussi
104
Analyse et technologie des surfaces
des oxydes stables qui ne changent pas ou très peu leur stoechiométrie pendant la pulvérisation (par exemple, Al2O3 et SiO2 sous bombardement avec l’Ar+). Pour les composés inorganiques (par exemple un alliage A-B), la composition dans la zone analysée est décrite par le rapport inverse des rendements de décapage de A et B. La figure 6.8 donne les rendements de pulvérisation des éléments (sputter yield) en atome par ion incident pour l’Ar+ d’une énergie de 0,5 et de 1,0 keV.
Hg Dy
Ca
4
Mg
Ag
YM [500 eV Ar+]
Sn Mn
Au
Tb
As
3
Pd
2
La Ge Ni Fe Nb
Al Li O 1
Ti Si
V
Pt
U 2
Ta
Mo
YM [1 keV Ar+]
3
W 1
C 0
0 0
20
40
60
80
Z Fig. 6.8 Rendement de décapage YM pour des éléments purs sous bombardement avec Ar+ à 0,5 (g) et (d) 1 keV (d’après [6.4]).
En ce qui concerne les éléments purs, la situation de décapage préférentiel semble être relativement simple à décrire. Par contre, le cas du rendement de décapage YM de leurs oxydes est plus complexe. Le tableau 6.1 en donne quelques exemples. Il illustre le rendement de décapage de quelques éléments dans le métal et dans l’oxyde. Il est important de noter que ce changement de composition dans la zone analysée n’est observé que pour les analyses AES et ESCA. Dans ces deux cas, on mesure les photoélectrons ou électrons Auger émis par les atomes et molécules se trouvant à une certaine profondeur de la surface analysée. Comme on vient de le discuter, c’est justement cette zone perturbée par le décapage qui est analysée. La profondeur d’analyse est déterminée par le libre parcours moyen λ des électrons comme discuté dans les sections 6.4 et 6.5. Par contre, en SIMS dynamique, ce sont des ions éjectés qui déterminent l’intensité mesurée. Malgré l’effet de pulvérisation et de mixage atomique, le nombre d’atomes et d’ions secondaires émis en état d’équilibre est déterminé par la composition de volume d’échantillon pour des raisons de conservation de la masse.
Profils en profondeur
105
Tableau 6.1 Rendement de décapage YM (atomes/ion) de quelques métaux et de leurs oxydes pour Kr+ à 10 keV (d’après Kelly et Lam [6.5]). élément
dans matrice métallique
dans la matrice oxydée
Al
3,2
1,5
Mg
8,1
1,8
Mo
2,8
9,6
Nb
1,6
3,4
Si
2,1
4,2
Sn
6,7
15,3
Ta
1,6
2,5
Ti
2,1
1,9
V
2,3
12,7
W
2,6
9,2
Zr
2,3
2,8
6.6 ANALYSE QUANTITATIVE 6.6.1 AES et ESCA Nous avons vu aux chapitres 3 et 4 qu’en ESCA et AES, l’intensité IA d’un signal d’un élément A est décrite par: ∞
∫
z I A = g ⋅ c A ( z ) ⋅ exp – --------------- dz λ cos θ
(6.7)
0
Pratiquement, il s’avère que l’intégration peut être limitée à z ≤ 3λ et déterminée par le libre parcours moyen λ des électrons Auger ou des photoélectrons. Le facteur g est défini différemment en AES et ESCA (éq. (3.15) et (4.8)). En ce qui concerne les profils ESCA et AES, on mesure l’intensité I(t) des éléments choisis en fonction de temps de décapage t l’ensemble des spectres détaillés (multiplex) qui ont mené à l’intensité I(t). Signalons que ces spectres multiplex permettent de déterminer la nature des liaisons entre éléments et de corriger des erreurs en cas d’interférence de deux pics. Un traitement de données simple à réaliser est d’appliquer (3.20) I A /S A (6.8) c A ( t ) = ------------------n
∑ I i /Si
i=1
106
Analyse et technologie des surfaces
en convertissant l’intensité en fonction de temps t en concentration atomique grâce aux facteurs de sensibilité SA. Ces derniers sont en général fournis avec le logiciel de traitement de données. Toutefois, il s’agit des facteurs élémentaires qui ne tiennent en général pas compte de la nature chimique de l’élément. En conséquence, l’erreur absolue obtenue par un tel traitement de données est de l’ordre de 30%. Une amélioration sensible peut être obtenue par une correction qui tient compte des facteurs de matrice (chap. 3) ou une calibration avec des échantillons de référence de composition semblable. L’erreur relative pour une comparaison entre deux échantillons similaires est estimée à moins de 10%. 6.6.2 SIMS et SNMS En spectrométrie SIMS dynamique, la mesure de l’intensité I A± d’ions secondaires caractéristiques d’un élément A émis par un échantillon pendant le temps de décapage permet théoriquement de remonter à la concentration massique de cet élément. Il suffirait, en principe, de connaître tous les paramètres qui déterminent la relation entre l’intensité mesurée I A± et concentration cA (cf. (5.2)): I A± = I p Y M f A c A γ A± , M η A
(6.9)
Le courant des ions primaires Ip comme l’abondance isotopique fA sont connus. Il reste trois paramètres importants dans cette équation: • le rendement de décapage, YM, • le degré d’ionisation γ A± , M , • la transmission de l’analyseur ηΑ de l’élément ou molécule A. L’influence de la transmission de l’analyseur dépend de l’analyseur et de la masse du fragment d’ion et peut être partiellement compensée par une postaccélération des ions lourds. Même si nous supposons que le taux de pulvérisation d’un élément dans une matrice est connu, il reste à déterminer le degré d’ionisation γ A± , M dans la matrice qui est affecté par la liaison, la nature chimique de l’élément ou molécule A et le type d’ion primaire. On avait déjà remarqué au chapitre 5 que la présence d’oxygène, celle de Césium ou celle d’autres éléments électronégatifs ou électropositifs provoque un changement de γ A± , M . Malheureusement, le rendement ± utile Y˙˙M (cf. (5.5)) peut varier sur plusieurs ordres de grandeurs. Il en résulte une conséquence importante pour l’analyse. En régime d’équilibre, la proportion des différents éléments pulvérisés (atomes neutres et atomes ionisés cumulés) est égale à la proportion des atomes dans l’échantillon, donc à sa composition élémentaire (cA, cB). L’intensité ionique secondaire mesurée ne concerne que la fraction ionisée des atomes pulvérisés, définie par le rendement d’ionisation ( γ A± , γ B± ). On peut supposer que la transmission η est identique pour A et B, ce qui est une hypothèse valable au moins pour des ions de masses voisines. C’est donc essentiellement la variation du rendement utile, c’est-à-dire le rendement de
Profils en profondeur
107
décapage multiplié par le taux d’ionisation, qui est déterminant pour le résultat quantitatif. Pour un système binaire (A-B), on peut utiliser le rapport des concentrations en fonction du rapport des intensités mesurées ( I A± , I B± ) de la manière suivante: Y B γ B± I A± cA ------ = -------------±- ⋅ -----±cB Y Aγ A I B
(6.10)
D’une manière générale, on obtient donc une relation identique à (6.8), dans laquelle il faut utiliser les rendements utiles comme facteurs de sensibilité relatifs. Il y a deux situations pour lesquelles on peut appliquer l’équation (6.10) pour la quantification par SIMS: • Le cas (1) où un élément A se trouve en faible concentration dans une matrice B, avec une différence de transmission η négligeable (ηA = ηB). Le rapport des rendements de décapage (YB /YA) est en effet connu pour les éléments dans certaines matrices comme Si. Mentionnons que l’on trouve les facteurs de sensibilité relative (Relative Sensitivity Factors RSF) dans la littérature spécialisée (par exemple [6.6]). • Le cas (2) où on applique une postionisation d’un rendement similaire pour deux ions ( γ A± ≈ γ B± ). Cette condition est réalisable par une postionisation résonante en utilisant une source laser avec une énergie précise pour une ionisation spécifique [6.7]. 6.6.3 Spectroscopie à décharge luminescente Comme dans les autres spectroscopies, la quantification des profils pour la spectroscopie à décharge luminescente GDOES (Glow Discharge Optical Emission Spectroscopy) ou GDMS (Glow Discharge Mass Spectroscopy) introduite à la section 5.7 exige la conversion • du temps de décapage en profondeur, • de l’intensité en concentration. En spectroscopie à décharge luminescente (SDL), on utilise une relation empirique qui relie la vitesse vA = v · ρ en (µg/cm2s) de décapage du matériau A au courant Ip et la tension Vg mesurée pendant le décapage v = CAI pV g
(6.11)
où CA est une constante du matériau A. Vg dépend du potentiel entre l’anode et la cathode (échantillon), mais aussi du seuil de décharge (threshold voltage) caractéristique du matériau A (fig. 5.12). Expérimentalement, on détermine vA soit par perte de poids soit par une mesure de la profondeur du cratère par des méthodes discutées au chapitre 2. Pour le calcul de v, on applique (6.2).
108
Analyse et technologie des surfaces
La quantification se fait par une équation similaire à (6.9) qui relie l’intensité d’émission optique I Aλ de l’élément A mesurée en fonction de la longueur d’onde λ [6.8]: I Aλ = I pα Y A, M c A γ A η A avec
(6.12)
I pα : courant primaire. α : exposant d’une valeur proche de deux.
avec un courant primaire I pα qui peut être une fonction non linéaire due à la décharge du plasma. On trouve expérimentalement une valeur proche de 2 [6.8]. La différence avec (6.9) est l’absence de l’abondance isotopique car l’émission optique ne dépend pas des différents isotopes. En définissant le rendement de l’émission de la raie spectrale S Aλ , M pour l’élément A (pur) avec cA = 1 S Aλ , M = I pα Y A, M γ A η A
(6.13)
on peut corréler le rapport des intensités relatives I de deux éléments A et B et leurs concentrations par c A S Aλ , M I A, M ----------= -----------------I B, M c B S Bλ , M
(6.14)
où A et B sont des éléments qui se trouvent dans la matrice M. Si B est l’élément de référence, on peut ainsi établir une liste des facteurs S relatifs comme dans les autres spectroscopies discutées plus avant. Mentionnons encore que cette démarche utilise le même formalisme qu’en SNMS (5.15)(5.16). La méthode GDMS est souvent plus sensible que GDOES, mais beaucoup plus coûteuse à cause du système de vide poussée. Rappelons enfin que les méthodes GDMS et SNMS se distinguent seulement par leur source primaire qui est un plasma dans le cas de la méthode GDMS. En général, les systèmes commerciaux GDOES sont fournis avec des logiciels pour le traitement des données qui facilitent leur application. La figure 6.9 montre un exemple de profil en profondeur GDOES d’une double couche en or évaporée sur une couche de bronze galvanisée sur un substrat en laiton. Un des points forts de la méthode est sa rapidité, par exemple les profils sur une profondeur de 40 µm ont été obtenus en quelques minutes. Comme toutes les autres spectroscopies, le GDOES et le GDMS ont aussi leurs inconvénients. Mentionnons l’inhomogénéité du plasma, la variation du potentiel appliqué pendant la pulvérisation, l’absence d’une résolution latérale et l’augmentation de la rugosité. L’analyse quantitative élémentaire, meilleure qu’en SIMS mais similaire au SNMS, est limitée car les paramètres I, Vg et p peuvent varier pendant le profil, l’état d’équilibre pendant le plasma n’étant pas toujours atteint s’il s’agit de couches avec des interfaces internes.
Profils en profondeur
109
100 Au
Cu
c [% poids]
80 60 couche de bronze 40
Zn
20
Sn
Pb
0 0
1
2 3 profondeur [µm]
4
Fig. 6.9 Analyse quantitative d’un profil d’une couche d’or obtenue par évaporation PVD sur une couche galvanisée de bronze sur le substrat en laiton (d’après [6.10]).
6.7 PRÉSENTATION DE QUELQUES EXEMPLES D’ÉTUDE DE PROFILS A la section 6.4, nous avons constaté que la topographie d’un échantillon polycrystallin change pendant le bombardement ionique. La rugosité augmente en fonction du décapage, surtout si l’angle d’incidence est fixe. Pour des systèmes de type multicouche, la mesure des interfaces entre les couches profondes risque d’être rendue difficile. La figure 6.10(a) montre l’exemple d’un profil Auger d’un échantillon de ce type. Des couches de 30 nm de Nickel et de Chrome (2 × 8) ont été déposées alternativement par pulvérisation cathodique sur un échantillon de Silicium. Nous observons deux profils dont le premier (a) a été mesuré en tournant l’échantillon pendant l’analyse. Une telle rotation proposée par Zalar [6.11] change l’angle d’incidence continuellement et réduit l’effet d’une augmentation de rugosité. Le même échantillon a été mesuré sous les mêmes conditions, cette fois sans rotation. Le résultat est montré sur la figure 6.10(b) qui indique que la résolution en profondeur est nettement inférieure à celle obtenue en (a). Les profils Auger ne sont possibles que sur les conducteurs. Par contre, les profils ESCA et SIMS peuvent être également obtenus sur des isolants. L’exemple montré par la figure 6.11 est une couche de SiOx (x < 2) sur un polymère (PET – Polyéthylène Téraphtalate). Cette couche est utilisée comme barrière à la diffusion d’oxygène; il est donc indispensable de contrôler la largeur de l’interface. Dans un des profils, le PET a été traité par un plasma N2 pour augmenter la rugosité du polymère avant de déposer la couche de SiOx. Par un tel traitement on améliore aussi l’adhésion de la couche sur le polymère. La comparaison des deux profils met en évidence la différence au niveau de la largeur de l’interface qui est caractérisée par une diminution de l’oxygène et une augmentation de carbone
110
Analyse et technologie des surfaces
I [normalisée]
1,0 0,8 Ni Cr Si
0,6 0,4 0,2 0 0
50
100
150
200
t [min]
(a)
I [normalisée]
1,0 0,8 Ni Cr Si
0,6 0,4 0,2 0 0
(b)
50
100
150
200
t [min]
Fig. 6.10 Profils AES de 16 couches de Ni /Cr d’une épaisseur de 30 nm sur Si décapées avec des ion Ar+ à 3 keV Ar+ (θ = 45˚): (a) avec rotation; (b) sans rotation de l’échantillon (d’après Mathieu [6.9]). L’intensité a été normalisée par l’application de (6.8).
représentatif pour le PET. La largeur de l’interface ∆t a été déterminée par la diminution du signal de l’oxygène entre 84% et 16% en prenant l’état stationnaire entre 0-25 min comme étant à 100% (comparer avec la discussion de la fig. 6.2). Les profils ESCA sur les isolants permettent également de contrôler la stoechiométrie de la couche de SiOx car le profil ESCA ne donne pas seulement l’intensité des pics mesurés mais mesure aussi les spectres des photoélectrons en fonction du temps de décapage. Ainsi, il est possible de déterminer la variation de la stoechiométrie en fonction de l’épaisseur de la couche. Dans le cas présent, le décapage par l’Argon ne changeait pas l’état d’oxydation de l’oxyde mais pulvérisait le substrat PET en détruisant les liaisons entre carbone et oxygène (C–O et C = O). Un autre exemple montre un système multicouches d’un détecteur pyroélectrique. Les profils ESCA permettent d’accéder aux couches internes avec une bonne résolution en profondeur.
Profils en profondeur
111
SiOx
PET
I [u.a.]
O(1s)
C(1s)
Si(2p)
(a)
0
10
20
30 t [min]
40
SiOx
50
PET
I [u.a.]
O(1s)
C(1s)
Si(2p) (b)
0
10
20
30 t [min]
40
50
Fig. 6.11 Profils en profondeur ESCA à travers une couche SiO1.85 déposée par pulvérisation cathodique magnétron DC sur du PET : (a) PET non modifié; (b) PET traité par un traitement plasma N 2 (200 W) (d’après [6.12]).
Le schéma du système multicouches sur un échantillon de Si nitruré en surface est montré à la figure 6.12. Entre la couche de PZT [Pb(Ti,Zr)O3] et celle de Si3N4 / SiO2 se trouve une couche de platine. Cette couche de platine est nécessaire car il n’est pas possible de faire croître le PZT directement sur le silicium à cause des réactions chimiques à l’interface. L’analyse en profondeur sert à contrôler le dépôt des couches, leurs interfaces et l’état d’oxydation. La figure 6.13 montre l’exemple du profil des couches successives de Pt/Pb/Ta sur Si3N4 : les intensités I des pics mesurés sont montrées en fonction du temps de décapage. En surface (t = 0) il y a l’électrode en platine avec un peu de carbone comme contamination. En-dessous de cette couche (entre 5-15 min) se trouve la couche qui contient du plomb et de l’oxygène. Il y une couche de tantale à l’interface entre la couche de plomb (PZT) et le substrat qui favorise l’adhésion des PZT. Le substrat (Si3N4) mis en évidence par le pic de Si est visible dans la figure 6.13 à partir de t = 12 min.
112
Analyse et technologie des surfaces couches d’absorption IR SiO2
électrode Pb(Ti, Zr)O3 Pt Si3N4 /SiO2 cavité de silicium (etch)
silicium
Fig. 6.12 Schéma d’un détecteur pyroélectrique (d’après [6.13]).
Pt
8000
I [aire]
6000 Ta
Si(Si3N4)
4000
2000 O C
Pb
0 0
10
20 t [min]
30
Fig. 6.13 Profil en profondeur ESCA d’une couche de Platine sur Si 3N4 avec une couche de Tantale et de Plomb à l’interface.
L’épaisseur de l’interface et l’état d’oxydation de métaux comme le plomb et le tantale sont contrôlés par une telle analyse. On observe bien que les couches de plomb et de tantale sont bien interdiffusées. L’état d’oxydation est mesuré non seulement par la présence de l’oxygène, mais aussi par l’étude des spectres détaillés de chaque élément qui ont été mesurés simultanément. La figure 6.14 montre comme exemple d’un spectre détaillé le doublet du Ta 4f(7/2 + 5/2). Une déconvolution (fitting) du spectre permet de mettre en évidence plusieurs états d’oxydation du tantale. Dans la figure 6.14, on observe bien les doublets des trois états d’oxydation, notamment celui du Ta2O5, du TaO et du tantale. Le TaO n’est trouvé que pendant le décapage. Cette réduction chimique est un artefact dû au décapage préférentiel de l’oxygène pendant l’acquisition du profil.
N(E)/E
Profils en profondeur
113
2 1
4
5 6
3
35
30
25 EI [eV]
20
15
Fig. 6.14 Spectre ESCA détaillé du Tantale 4f mesuré au maximum du pic du Tantale de la figure 6.16. Trois doublets de Ta 4f (5/2 et 7/2) ont été utilisés pour la déconvolution: Ta2O5 (1,2), TaO (3,4) et Ta (5,6).
Le dernier exemple montre la comparaison des profils obtenus par GDOES, AES et XPS. Dans la littérature, on trouve peu de mesures effectuées sur le même échantillon par différentes méthodes. Dans le cas présent, il s’agit d’un acier chromé électrochimiquement (fig. 6.15). En (a), on observe la concentration déterminée par GDOES sur une profondeur de 30 nm. Qualitativement, les profils AES (b) et XPS (c) sont similaires et montrent 100 6 Fe 50
O
2
Cr
C(x5)
C
0
0 0
(a)
Fe
O
4 I
c [% poids]
Cr
0,01
0,02
(b)
z [µm]
I
10 8
2
4 6 t [min]
8
10
Fe
6 4 2
Cr O
0 0 (c)
0
0,03
10
20
30
t [min]
Fig. 6.15 Comparaison des profils (a) GDOES, (b) AES et (c) XPS d’un acier chromé (d’après [6.14]).
114
Analyse et technologie des surfaces
une meilleure résolution en profondeur caractéristique permettant de distinguer entre la couche d’oxyde de surface et la couche d’oxyde de surface et la couche riche en Cr sur le substrat. Signalons que les profils AES et XPS montrent l’intensité en fonction du temps de décapage t. En GDOES, la couche de chrome semble être beaucoup plus importante que dans les deux autres profils. Une rédéposition de chrome par le plasma pendant le décapage et un mixage des atomes de surface pourraient en être la cause. Comme l’illustre cet exemple, il manque une bonne résolution en profondeur en GDOES.
6.8 EXERCICES 6.8.1 Profil en profondeur d’une couche mince de 15 nm de Ta2O5 sur Ta. • Convertir le temps de décapage en épaisseur de l’oxyde de tantale. • Calculer la largeur de l’interface (fig. 6.2). 6.8.2 Calculer la vitesse moyenne de décapage des 16 couches de Nickel et de Chrome d’une épaisseur de 30 nm chacune (fig. 6.10(a)). 6.8.3 Quel est le rapport des rendements de décapage entre le platine et le tantale pour un bombardement par ions d’Ar+ accélérés par 1 keV? 6.8.4 Déterminer le rapport des vitesses de décapage entre SiO2 et Ta2O5. 6.8.5 Quelle est la vitesse de décapage du cuivre des ions Ar+ accélérés par 1 keV et un angle θ = 0˚?
6.9 RÉSUMÉ Les profils en profondeur permettent d’analyser des couches minces à partir de la surface jusqu’à plusieurs dizaines de micromètres. On utilise soit un faisceau d’ions balayant la zone d’analyse, soit un plasma pour le décapage ionique. La pulvérisation de la surface est par définition destructive et, en conséquence, la topographie et la composition peuvent être modifiées. Par le choix des paramètres du faisceau ionique (énergie, flux, angle d’incidence, masse, gaz...), on essaie d’optimiser les conditions expérimentales pour obtenir de bonnes résolutions latérales et en profondeur couplées à une vitesse de décapage adaptée à l’épaisseur de la couche analysée. Tout type d’échantillon solide peut être mesuré grâce à un système de compensation de charge. Néanmoins, l’analyse des profils de polymères et de couches organiques est difficile et presque impossible parce que les ions primaires pulvérisent l’échantillon et rompent les liaisons. Dans le cas des spectroscopies AES et ESCA, la zone analysée est déterminée par la profondeur d’échappement des électrons Auger et des photoélectrons émis de
Profils en profondeur
115
la zone pulvérisée. On utilise souvent Ar+ ou Kr+ comme ions primaires. Le temps de décapage est converti en profondeur moyennant la connaissance des rendements de décapage. Le standard d’une couche mince de Ta2O5 sur Ta est utilisé pour l’étalonnage de la vitesse de décapage ou comme valeur estimée dans le cas où le rendement n’est pas connu. En SIMS dynamique, le nombre d’ions secondaires émis sous le bombardement primaire est mesuré. Puisque le nombre d’ions secondaires est petit par rapport au nombre d’atomes ou de fragments de molécules, on travaille souvent avec des ions réactifs comme Cs+, O2+, Ga+... pour augmenter l’émission des particules chargées. L’analyse de masse permet de détecter tous les éléments y compris les isotopes avec une excellente sensibilité et une résolution de masse qui est déterminée par le type d’analyseur utilisé. Bien que l’analyse soit destructive, on parvient souvent à déterminer la composition des couches avec une précision qui dépend du type d’échantillon. La postionisation en SNMS et le SDL donnent en général une précision acceptable. Les profils ESCA permettent, de plus, la mesure de l’état d’oxydation des éléments. La sensibilité dépend de la méthode d’analyse appliquée. Elle varie entre 1013 et 108 part./cm2. La résolution latérale est une fonction de la focalisation du faisceau primaire et varie entre l’absence totale (SDL), quelques micromètres (ESCA) et un centaine de nanomètres (AES; SIMS). Les interfaces internes peuvent être mesurées avec une bonne précision par la rugosité induite pendant le décapage. Dans les meilleurs cas on obtient une résolution en profondeur de l’ordre du nanomètre.
6.10 BIBLIOGRAPHIE Générale J.C. VICKERMAN, ed. Surface Analysis – The Principal Techniques Chichester, John Wiley & Sons, 1997. R.K. MARCUS, ed. Glow Discharge Spectroscopies New York, Plenum Press, 1993. R. PAYLING, D.G. JONES et A. BENGTSON, eds., Glow Discharge Optical Emission Spectroscopy, John Wiley & Sons, Chichester, 1997. D. BRIGGS et M.P. SEAH, Practical Surface Analysis, Vol. II Ion and Neutral Mass Spectroscopy, Vol. 2, John Wiley & Sons, Chichester, 1992. D. BRIGGS et M.P. SEAH, Practical Surface Analysis Vol. I Auger and X-ray Photoelectron Spectroscopy, 2nd. ed. Vol. 1, John Wiley & Sons, Chichester, 1990. R.G. WILSON, F.A. STEVIE et C.W. MAGEE, Secondary Ion Mass Spectrometry – A Practical Handbook for Depth Profiling and Bulk Impurity Analysis, John Wiley & Sons, New York, 1989. L.C. FELDMAN et J.W. MAYER, Fundamentals of Surface and Thin Film Analysis, North-Holland, New York, 1986. H. OECHSNER, «Secondary Neutral Mass Spectrometry (SNMS) and its Application to Depth Profile and Interface Analysis», in Thin Film and Depth Profile Analysis, H. Oechsner, Editor, Springer, Berlin, p. 63, 1984. H.J. MATHIEU, «Thin Film and Depth Profile Analysis», in Topics in Current Physics, H. Oechsner, Editor, Springer, Berlin, p. 39, 1984.
116
Analyse et technologie des surfaces
Références [6.1] HUNT C.P. et M.P. SEAH, «Characterization of a High Depth-Resolution Tantalum Pentoxide Sputter Profiling Reference Material ». Surface and Interface Analysis, 5(5), pp. 199-209, 1983. [6.2] BCR, standard no. 261 (Ta2O5), B-2440 Geel/Belgium: Europ. Commission, Inst. for Ref. Materials and Measurements IRMM. [6.3] HOFMANN S., «Sputter depth profiling of thin films», High Temperature Materials and Processes, 17(1-2), pp. 13-28, 1998. [6.4] SEAH M.P., «Pure Element Sputtering Yields Using 500-1000 eV Argon Ions», Thin Sol. Films, 81, pp. 279-287, 1981. [6.5] KELLY R. et N.Q. LAM, «The Sputtering of Oxides – Part I: A Survey of the Experimental Results», Radiation Effects, 19, p. 39, 1973. [6.6] WILSON R.G., F.A. STEVIE et C.W. MAGEE, Secondary Ion Mass Spectrometry – A Practical Handbook for Depth Profiling and Bulk Impurity Analysis, 1989, New York, John Wiley & Sons. [6.7] ARLINGHAUS H.F. et al., «Quantitative and sensitive profiling of dopants and impurities in semiconductors using sputter-initiated resonance ionization spectroscopy», J. Vac. Sci. Techn., A 11(4), pp. 2317-2323, 1993. [6.8] BENGTSON A., «Quantitative depth profile analysis by glow discharge – A review», Spectrochimica Acta, 49B(4), pp. 411-429, 1994. [6.9] MATHIEU H.J., «AES and XPS depth profile analysis – a critical review», Le Vide, 52, pp. 81-91, 1996. [6.10] DELFOSSE D., priv. communication, 1999. [6.11] ZALAR A., Thin Solid Films, 124, 1985. [6.12] PITTON Y., Etude de l’adhésion de films minces SiOx déposés sur polyéthylène téraphtalate, thèse N° 1553, EPFL Lausanne, 1996. [6.13] MURALT P., priv. communication, 2000. [6.14] SUZUKI H., Coating Analysis, in Glow Discharge Optical Emission Spectroscopy, R. Payling, D.G. Jones, and A. Bengtson, Editors, John Wiley & Sons, Chichester, pp. 723-728, 1997.
CHAPITRE 7
SONDES NANOMÉTRIQUES
7.1 OBJECTIFS Ce chapitre présente une introduction aux méthodes de la visualisation et la caractérisation de la surface à l’échelle nanométrique. Les objectifs sont • d’introduire la microscopie à effet tunnel, • de décrire la famille des sondes basées sur la mesure des forces, • de présenter quelques applications dans le domaine de la nanotechnologie.
7.2 FAMILLE DES SONDES Le développement du microscope à effet tunnel (STM) par G. Binnig et H. Rohrer (1982) a marqué le début d’une technologie à l’échelle du nanomètre [7.1]. Quelques années plus tard, Binnig et al. [7.2] proposaient d’utiliser à la place du courant tunnel, source d’information du STM, les forces et ultérieurement des ions, photons et phonons comme sonde d’information à l’échelle nanométrique. Ce sont plusieurs forces (de Van der Waals, magnétiques, électrostatiques et capillaires) qui déterminent les liaisons métalliques, ioniques et covalentes. Ces forces agissent sur une distance de quelques nm. Malgré la dimension de la pointe (quelques dizaines de nm), ce sont les derniers atomes et molécules de la surface qui interagissent avec sondes atomiques SPM
électrons (STM)
ions (SICM)
forces
Van der Waals AFM, LFM
photons (SNOM)
phonons (SNTM)
électromagnétiques MFM-EFM-SICM
Fig. 7.1 Famille des sondes atomiques (SPM).
118
Analyse et technologie des surfaces
la surface de l’échantillon. On parle de la famille des sondes atomiques (SPM – Scanning Probe Microscopies). La figure 7.1 illustre cette famille en groupant les méthodes par particules ou forces appliquées.
7.3 PRINCIPE DU MICROSCOPE À EFFET TUNNEL Dans ce chapitre, seuls les microscopes STM et AFM sont détaillés dans les sections suivantes. Les autres sondes SPM sont illustrés à la section 7.8. Quelques acronymes de la famille des sondes SPM couramment utilisées sont: • Scanning Tunnel Microscopy STM. • Atomic Force Microscopy AFM. • Lateral Force Microscopy LFM. • Scanning Ion Conductance Microscopy SICM. • Magnetic Force Microscopy MFM. • Electrostatic Force Microscopy EFM. • Scanning Capacitance Microscopy SCM. • Scanning Near Optical Field Microscopy SNOM. • Scanning Near Field Thermal Microscopy SNTM. L’idée de base d’un STM et d’un AFM est la localisation et la visualisation des atomes un à un. En fait, le STM ne détecte pas les atomes directement mais met en évidence les électrons des atomes de surface et peut donc fournir des informations structurales. Le principe du STM est de mesurer le courant tunnel entre un atome de surface et un atome d’une pointe microscopique dont la taille est pratiquement celle d’un atome unique. On dispose donc d’une sonde locale dont la résolution est atomique. L’image de la densité des électrons en surface est obtenue par le déplacement latéral de la sonde comme illustré à la figure 7.2. Signalons que l’effet tunnel n’est en principe effectif que pour des conducteurs et des semiconducteurs. La figure 7.2 illustre la situation pour le STM: un courant s’établit entre le dernier atome de la sonde et un atome de la surface, pour autant
pointe
courant tunnel objet Fig. 7.2 Dernier atome de la sonde et un atome de la surface. Transfert des électrons et du courant tunnel entre le dernier atome de la pointe et un atome de l’échantillon (STM).
Sondes nanométriques
119
que la distance entre ces deux atomes soit inférieure à 1 nm qui correspond à une haute probabilité d’échange d’électrons par effet tunnel. Le principe d’un STM est simple. On positionne une sonde en forme de pointe fine faite d’un métal réfractaire, du tungstène par exemple, à une distance de l’ordre de 1 nm de la surface. Contrairement aux autres méthodes d’analyse de surface, on n’a pas besoin d’autres particules comme des RX, électrons ou ions. La difficulté est de contrôler la distance entre la pointe et l’échantillon pendant le déplacement de la sonde malgré les vibrations de l’ensemble du dispositif expérimental. En appliquant une tension de polarisation entre ces deux électrodes, on provoque un déséquilibre de leurs niveaux de Fermi. Un courant tunnel I va s’écouler de la surface vers la pointe si la pointe est polarisée positivement par rapport à la surface, ou vice versa pour une polarisation inverse. Le courant I est de quelques nA dans les conditions expérimentales habituelles. Comme l’indique la figure 7.3, la pointe de la sonde est déplacée parallèlement à la surface (directions x et y) et perpendiculairement (direction z) à celle-ci par un dispositif de trois céramiques piézo-électriques en Pb(Ti,Zr)O3 (PZT) solidaires. On trouve plus d’informations sur la piézo-élasticité dans le volume 16 du Traité des Matériaux.
cristaux piézo z
x y
pointe objet Fig. 7.3 Principe du STM: la pointe (sonde) est déplacée par 3 tensions indépendantes appliquées à 3 acteurs piézo-électriques (x, y, z).
Le contrôle fin de la distance pointe – échantillon et le balayage de la pointe devant l’échantillon requièrent un dispositif de déplacement de la pointe dans les trois directions de l’espace. Ces déplacements sont assurés par un trièdre constitué de trois barres en matériau céramique piézo-électrique métallisées chacune sur les deux faces opposées. Lorsque l’on applique une tension entre les deux faces métallisées d’une de ces barres, celle-ci s’allonge de 1,5 nm par volt pour les mouvements en x et y et de 2 nm pour le mouvement en z. L’excursion maximale admise en x, y est définie par le champ de claquage du matériau et vaut environ 100 µm, ce qui requiert des tensions d’environ 500 V.
120
Analyse et technologie des surfaces
Les fréquences de résonance des barres piézo-électriques se situent dans la gamme de 10 kHz et celles du trièdre monté dans la gamme du kHz. Par conséquent, la vitesse de balayage de la pointe doit être suffisamment lente pour que la fréquence des signaux contenant l’information (courant tunnel et commande en z) soit située en dessous de la fréquence de résonance du trièdre. Il existe des tubes piézo-électriques qui permettent de déplacer la pointe sur une distance plus grande que 100 µm.
7.4 MODES D’OPÉRATION Le STM fournit une image en trois dimensions des surfaces (x, y et z). Il fonctionne par balayage x et y de la surface selon deux types différents d’asservissement: • courant constant, • hauteur (distance) constante. Les deux types de fonctionnement sont décrits sur la figure 7.4. Le mode de courant constant (fig. 7.4(a)) a été historiquement le premier utilisé et il demeure de loin le plus répandu. La pointe est amenée à une distance assez proche de la surface pour que, sous une tension (2 mV-2 V), un courant tunnel soit mesurable. La pointe balaie la surface pendant que, simultanément, le courant entre la pointe et la surface est mesuré. Un circuit d’asservissement module la hauteur de la pointe au-dessus de
I P H * (a)
I
P
H * (b)
x
Fig. 7.4 Le STM fonctionne soit à courant constant (a), soit à hauteur constante (b). Pour chaque mode on trace soit z, soit It dans une direction x de la surface. Une image STM est une pseudo-représentation tridimensionnelle de la surface se composant d’une succession de ces traces en fonction de x déplacées latéralement selon la deuxième direction y de la surface.
Sondes nanométriques
121
la surface de façon à maintenir le courant constant. Comme le courant varie exponentiellement avec cette distance, celle-ci demeure presque constante. Une image STM consiste alors à tracer z(x, y), c’est-à-dire la hauteur z en fonction des positions x, y de la surface. L’avantage de ce mode ne nécessite pas une surface très plate. Une façon pratique est de tracer z en fonction de x puis d’incrémenter y. L’image est alors une succession de traces de balayage dans la direction x déplacées les unes par rapport aux autres latéralement selon y. On obtient alors une pseudo-représentation tridimensionnelle de la surface en portant (y + z) en fonction de x. Les dimensions et la géométrie de la pointe déterminent la résolution de l’image. En particulier, au bord (*) ou entre deux rangées d’atomes (◊), l’interprétation de l’image devient critique. De plus, selon la structure de l’échantillon, la deuxième rangée d’atomes peut influencer le résultat. Dans le mode à hauteur constante (fig. 7.4(b)), la pointe balaie la surface à une distance constante, et on mesure la variation du courant. Dans ce cas, on mesure un signal sans asservissement z. Une telle mesure a comme avantage que le balayage peut être effectuée avec une fréquence plus élevée. De façon analogue, on obtient une pseudo-image tridimensionnelle de la surface par une succession de tracés (I + y) en fonction de x. Le STM fonctionne en mode courant constant ou hauteur constante. Notons que le mode à hauteur constante peut également s’effectuer avec la variante de maintenir le courant tunnel I constant en réglant les modulations du signal en mode «non-contact». Le mode topographique (I constant) convient au balayage de toutes les surfaces, notamment celles qui ne sont pas atomiquement planes. D’un autre côté, le mode à hauteur constante permet un balayage beaucoup plus rapide des surfaces. Un balayage rapide est naturellement très intéressant en raison des temps d’acquisition des images, des dérives thermiques, des modifications intempestives des surfaces et lorsque l’on veut effectuer des études en dynamique.
7.5 THÉORIE DU STM Le principe à la base du STM est l’effet tunnel qui est un phénomène purement quantique: un électron peut franchir une barrière de potentiel même s’il n’a pas l’énergie cinétique suffisante pour le faire d’après la mécanique classique. L’effet tunnel est caractéristique de la nature ondulatoire des électrons. Lorsqu’un électron (ou une fonction d’onde atomique) rencontre une barrière dont l’énergie potentielle est supérieure à son énergie cinétique, il y a une probabilité non nulle pour que l’électron réapparaisse de l’autre côté de la barrière comme indique la figure 7.5. La probabilité de passage tunnel (ou coefficient de transmission de la barrière) et le courant tunnel sont dominés par le terme exponentiel de (7.1): I = cste ⋅ ρ p ( r 0, E F ) ⋅ ρ éch ( r 0, E F ) ⋅ exp [ – A ( U – E cin ) 1 / 2 z ]
(7.1)
122
Analyse et technologie des surfaces E
Φéch Ecin (a)
z
EF = 0
ρ(E)
z (b)
0
d
Fig. 7.5 (a) Simple barrière de potentiel rectangulaire de hauteur U. Pour une surface solide, l’énergie = 0 représente le niveau de Fermi EF et U est alors égale à la fonction d’extraction locale Φéch ; (b) probabilité de passage tunnel de l’électron à travers cette barrière.
avec I: courant tunnel constante. cste: constante. z: distance échantillon-pointe. A: constante de décroissance de la fonction d’onde dans la barrière. ρ(r0, EF): densité des électrons de l’atome de pointe (p) et de la surface de l’échantillon (éch). r0 : distance entre deux atomes. EF : énergie de Fermi. U: hauteur de la barrière. Ecin : énergie cinétique de l’électron. La constante A = 1,025 Å–1 eV–1/2 est définie par la relation A =
2m ---------e h
(7.2)
où me est la masse de l’électron et h la constante de Planck. (7.1) signifie que le courant tunnel décroît d’un facteur 10 quand la distance d augmente seulement de 1Å. Pour maintenir le courant constant à 2% par exemple, la distance entre la pointe et la surface doit rester constante à 0,01Å près, ce qui donne une idée de la résolution en z du STM. Une compréhension plus détaillée du phénomène du courant tunnel doit prendre en compte la structure électronique de la surface tant pour les états
Sondes nanométriques
ψp
123
ψéch
z 0
1
Fig. 7.6 Allure des fonctions d’onde ψp et ψéch, de la pointe (p) et de l’échantillon (éch), respectivement.
inoccupés que pour les états occupés. La base théorique nécessaire pour interpréter les images STM à la résolution d’un atome est le formalisme qui utilise des fonctions d’onde ψp et ψéch respectivement de la pointe et de l’échantillon pour le calcul du courant tunnel. Ce formalisme permet de prendre en compte les effets de densité d’états tant en microscopie qu’en spectroscopie. La figure 7.6 représente schématiquement les deux fonctions d’onde respectives des deux atomes. Elle constitue l’application de la figure 7.5 au cas spécifique d’une seule surface en présence du vide. Une approximation «simple» et pratique a été développée par Tersoff et Hamann [7.3]. Elle se base sur trois hypothèses: • la pointe peut être représentée par un atome avec une orbitale, • les interactions pointe – échantillon sont négligeables, • le potentiel appliqué est faible. Ces hypothèses permettent de négliger les variations des structures et des fonctions d’onde des deux électrodes et de ne prendre en considération que les états électroniques des deux derniers atomes au niveau de Fermi EF pour décrire l’effet tunnel. Lorsque la barrière constituée par une couche isolante ou par le vide est infiniment épaisse, ces deux fonctions d’onde sont totalement découplées. Il s’agit des fonctions propres de deux hamiltoniens séparés, pour lesquels l’électron est respectivement localisé sur l’électrode de gauche ou sur celle de droite. Lorsqu’on diminue l’épaisseur de la barrière, l’électron peut passer par effet tunnel de gauche à droite ou vice versa. Le courant tunnel correspond alors aux transitions entre les deux fonctions d’onde, Ψp et Ψéch. Cette situation est en tout point similaire, du point de vue conceptuel, au modèle bien connu en chimie de l’orbitale dans l’ion moléculaire H 2+ : lorsque les deux protons sont séparés par une distance intranucléaire infinie, l’électron est localisé sur un atome ou sur l’autre H. Il est décrit par une fonction d’onde 1s de l’atome d’hydrogène. En approchant les deux protons, les deux fonctions d’onde sont couplées à partir d’une certaine distance proche de la distance de liaison H–H et l’électron transite alors entre les deux fonctions d’onde car il est maintenant soumis au champ électrique moléculaire de H2 et non plus aux champs électriques atomiques isolés des deux atomes H.
124
Analyse et technologie des surfaces
7.6 LA POINTE DU STM Les microscopes les plus répandus sont «inspirés» du modèle de poche réalisé par Binnig et Rohrer [7.1]. L’idée générale de ce type de microscope est de réduire au maximum les vibrations gênantes, situées dans la gamme des 100 Hz, grâce à une structure rigide et légère de faible dimension. Ce microscope proposé en 1982 comportait quatre parties, à savoir la pointe, un dispositif de contrôle grossier de la distance pointe – échantillon, un dispositif de contrôle fin de la distance (z) pointe – échantillon et un dispositif permettant le balayage de la pointe à la surface de l’échantillon dans les deux directions (x, y). En outre, le microscope était isolé des vibrations mécaniques de l’environnement par un dispositif de filtrage adapté. Les pointes en tungstène polycristallines permettaient d’atteindre la résolution atomique. Elles étaient fabriquées par un procédé électrochimique. Un fil de tungstène de 1 µm de diamètre était polarisé dans une solution KOH sous une tension de quelques V par rapport à une cathode en acier inoxydable. Le rayon de courbure de l’extrémité de la pointe était de quelques microns. Le fait que l’on puisse atteindre la résolution atomique est attribué à la présence de micropointes aléatoires à l’extrémité de la première pointe. La majorité des pointes ainsi réalisées permet d’atteindre cette résolution sans préparation spéciale ultérieure à l’attaque électrochimique. Il reste à mentionner qu’on utilise aujourd’hui d’autres métaux et composites comme Si3N4, C, Au... qui nous permettent d’obtenir une excellente résolution comme illustré par l’image STM d’une surface d’argent après déposition d’une fraction d’une monocouche de platine (fig. 7.7).
Fig. 7.7 Image STM d’une surface monocristalline d’Ag à T = 50 ˚K après déposition d’une fraction d’une monocouche de Pt sur une surface de 60 × 60 nm2 – pointe en W (d’après [7.4]).
7.7 PRINCIPE ET INSTRUMENTATION DU MICROSCOPE À FORCE ATOMIQUE (AFM) Le principe de l’AFM illustré sur la figure 7.8 consiste à approcher une pointe de la surface à étudier et de mesurer la force d’interaction entre l’atome du bout de
Sondes nanométriques
125
la pointe et chacun des atomes de la surface dans une atmosphère normale, sous vide, mais aussi en milieu liquide. La force entre les derniers atomes de la sonde et des atomes de surface détermine la position des atomes de l’échantillon. De plus, la force n’est pas déterminée seulement par les deux atomes en face, mais aussi dans une moindre mesure par les atomes voisins comme l’indique schématiquement la figure 7.8.
pointe
force échantillon Fig. 7.8 La force exercée entre l’atome au bout de la pointe et l’échantillon (AFM).
Les pointes constituées de diamant, tungstène, d’oxyde de silicium ou de nitrure de silicium sont souvent adaptées au problème pour optimiser les forces à mesurer et rendre la mesure plus spécifique; par exemple, on arrive ainsi à distinguer entre des surfaces hydrophiles et hydrophobes. Plusieurs atomes contribuent à la force totale mesurée parce que les forces de Van der Waals ont une portée d’action relativement large qui s’étend entre quelques et une dizaine de nm. Elles varient dans un rapport 1/z6 où z est la distance entre deux atomes. Cela explique la résolution habituellement inférieure à celle d’une sonde à effet tunnel. Une micrographie d’une pointe est illustré par la figure 7.9. Quand deux atomes se font face – l’un sur la pointe et l’autre à la surface – ils s’attirent par interaction de van der Waals ou se repoussent selon la distance les
Fig. 7.9 Pointe Si3N4 conique d’un AFM. Le trait indiqué représente une distance de 1 µm.
126
Analyse et technologie des surfaces
séparant. La mesure de la déflexion du bras de levier est reliée à la force d’interaction pointe – surface FN selon la loi de Hooke F N = – k N ∆z
(7.3)
où kN est la constante de ressort du levier (en N/m) et ∆z la variation de la distance entre la pointe du levier et la surface. La constante kN est définie par F E⋅b h 3 k N = ------N- = ----------- --- 4 L ∆z
(7.4)
où E est le module de Young et b, h et L sont la largeur, épaisseur et longueur du levier illustrées par la figure 7.10. Les valeurs typiques de kN varient entre 0,05 et 1 N/m.
L
h
P b
Fig. 7.10 Schéma d’un levier AFM avec P, la pointe, b la largeur, h la hauteur et L la largeur.
La déflexion est mesurée soit à l’aide d’un microscope à effet tunnel qui utilise le levier comme échantillon ou par interférométrie optique ou plus simplement par la réflexion d’un faisceau laser. Le faisceau laser (fig. 7.11) est réfléchi sur le levier puis sur un miroir qui renvoie le faisceau sur deux photodiodes. La différence de courant mesurée entre les deux photodiodes représente la déflexion du levier. Selon la loi de Hooke (7.3), la force interatomique FN est proportionnelle à kN∆z. Pour être non destructive, FN doit être inférieure à 10–11 N pour les molécules biologiques et 10–9 N pour les surfaces dites dures. Le levier possède une longueur L entre 100 et 200 µm et est terminé par une pointe fine large de quelques atomes (fig. 7.9). Plusieurs types de pointes avec des rayons de courbure et des longueurs différentes sont utilisés selon la topographie de l’échantillon et le problème à résoudre. Comme en STM, le AFM fonctionne en mode force constante ou hauteur constante. Notons que le mode à hauteur constante peut également s’effectuer avec la variante de maintenir la force constante en réglant les modulations du signal en mode «non-contact» comme illustré à la figure 7.12(c), mode par frappe périodique (tapping) pour minimaliser le contact avec l’échantillon.
Sondes nanométriques
127
laser
miroir
détecteur
levier pointe objet PZT scanner Fig. 7.11 Schéma de principe d’un microscope à force atomique avec détection par réflexion d’un faisceau laser.
(a)
(b)
(c) Fig. 7.12 Trois modes de fonctionnement ; (a) contact, (b) non-contact, (c) tapping.
Chaque mode a ses avantages: le mode topographique (F constant) convient au balayage de toutes les surfaces, notamment celles qui ne sont pas atomiquement planes. D’un autre côté, le mode à hauteur constante permet un balayage beaucoup plus rapide des surfaces atomiquement planes. Le troisième mode (c) convient pour les surfaces délicates (par exemple des biomolécules sur une surface) qui ne permettent pas une perturbation par le contact de la sonde. Comme dans le cas de la microscopie à effet tunnel, plusieurs modes opérationnels sont utilisés • en mode contact (F constante et donc ∆z = constant); • en mode de déflexion – mode «tapping»;
128
Analyse et technologie des surfaces
• en mode friction, où on mesure la force normale FN et aussi la force latérale FL (perpendiculaire à l’axe longue du cantilever); • en mode non-contact par modulation du levier. Dans le premier mode, la surface est balayée à force constante grâce à un circuit d’asservissement sur le piézo-électrique du déplacement de l’échantillon z: on obtient alors directement l’ondulation de la surface (Traité des Matériaux, vol. 16). C’est le mode choisi s’il s’agit de mesurer une structure périodique d’échantillons isolants. La figure 7.13 donne l’exemple de DLC (Diamond like Carbon) et la visualisation de ses petits monocristaux.
1600 nm
0
5 4
1 3
2 2
3 1
4 5 µm
Fig. 7.13 Surface d’une surface de DLC (diamond like carbon) mesurée par l’AFM (d’après [7.5]).
Dans les deuxième et troisième modes, le balayage est effectué avec un levier rigide et on enregistre la variation des forces interatomiques en fonction des coordonnées x, y de la surface pour obtenir F(x, y). Le mode de déflexion est appliqué de préférence pour l’imagerie des matériaux organiques (polymères, molécules) car il évite la déformation des molécules. Dans le mode friction, on mesure le coefficient de friction µ qui est défini par le rapport F N / F L . En mode non-contact, on applique une oscillation à la pointe. Ainsi, on mesure les variations en z par une variation soit de l’amplitude en z soit de la phase de la modulation. Signalons que dans le mode de déflexion on peut également varier l’amplitude ou la fréquence de la modulation. La variation de l’amplitude est de 0,1-100 nm et celle de la fréquence de 1 à 104 kHz. Cette modulation permet de mettre en évidence des phases différentes d’un échantillon inhomogène.
7.8 AUTRES SONDES C’est la nature de la pointe qui a inspiré le développement d’autres méthodes et applications nanométriques. L’idée de base est d’utiliser la sonde dans d’autres
Sondes nanométriques
129
environnements (par ex. l’air) et de fonctionnaliser les pointes des sondes. Ainsi, on essaie de déterminer d’autres quantités comme une force magnétique [7.6] ou une force de friction électrostatique ionique [7.7]. Des exemples d’applications sont nombreux, citons l’électrochimie, les biomatériaux ou la lithographie pour modifier une surface. 7.8.1 Sonde électrochimique En électrochimie, la sonde est utilisée in situ dans un électrolyte dans une cellule de petit volume [7.8]. Le principe est illustré par la figure 7.14: le courant de Faraday I qui passe entre la pointe P et l’échantillon E est enregistré en fonction d’un potentiel appliqué (PS) entre l’électrode de travail W et celle de référence REF. L’électrode auxiliaire CE sert de contre-électrode conventionnelle.
V
I PS
W CE
REF P E
Fig. 7.14 Schéma d’une cellule SPM électrochimique : W est l’électrode de travail, REF l’électrode de référence, CE la contre-électrode auxiliaire et PS l’alimentation.
Le potentiel appliqué est variable et déterminé par rapport à une électrode de référence. L’avantage d’une mesure in situ est l’absence de forces électrostatiques qui sont souvent présentes pendant le déplacement de la pointe, ce qui provoque un frottement de contact avec une surface non conductrice. On utilise des pointes en différents métaux (W, Au, Ta, Pt, Ir, etc.) ou des sondes recouvertes d’un autre matériau. Pour une géométrie simple, c’est-à-dire une pointe sur une surface plane, on trouve que le courant de Faraday I est inversement proportionnel à la distance z I ∝ z –1
(7.5)
130
Analyse et technologie des surfaces
Les images SPM obtenues permettent de suivre l’électropolissage, l’oxydation et réduction d’une surface, la déposition/dissolution ou la corrosion locale de la surface en fonction du temps. En analogie avec le STM et le AFM, on peut travailler en mode courant constant ou distance constante. La résolution latérale est une fonction de la géométrie de la pointe. Les meilleurs résultats sont obtenus avec des pointes hémisphériques encapsulées en verre ou en époxy. 7.8.2 Sonde optique (SNOM) Un autre type de sonde est la pointe optique: c’est la lumière ou les photons qui permettent d’obtenir une résolution nanométrique. L’optique conventionnelle (champs lointains – far field) a une limite théorique de résolution latérale ∆x calculée par E. Abbé: 0,61 λ ∆x > -------------n sin θ
(7.6)
où λ est la longueur d’onde appliquée, n le coefficient de diffraction et θ l’angle de sortie. En conséquence, la résolution est limitée à 200-400 nm pour la lumière visible. Néanmoins, il est possible de travailler dans la «zone interdite» au champs proche qui se situe à des distances de z statique ou passage lent
balayage rapide, passages multiples
> 0,3 mm
variable par passages multiples
Fréquence du champ électromagnétique Profondeur de pénétration du champ
Epaisseur des couches traitées
Traitements thermiques
153
10.3.5 Chauffage par plasma On peut s’affranchir des limitations dues au chauffage d’une matière dans une zone à profondeur variable en remplaçant le chauffage R.F. par un chauffage plasma. Dans ce cas, les pièces à traiter sont exposées à un plasma créé par une décharge arc (voir sect. 12.7 pour une explication sur les plasmas) qui remplit pour une durée donnée le récipient avec les pièces. 10.3.6 Chauffage par laser ou par faisceau électronique Il s’agit de sources très ponctuelles de haute densité locale d’énergie. Ceci conditionne leur application sous forme de passages multiples et de balayage rapide (à noter que ces mêmes sources sont utilisées aussi pour la découpe!). Cette spécificité ne semble pas être exploitée comme un avantage pour le développement de produits caractérisés par des structures inaccessibles par les autres technologies et la microstructuration mécanique ou topographique des surfaces. Le tableau 10.2 résume les limites opératoires des systèmes laser préconisés en 1996. Tableau 10.2 Limites opératoirs des systèmes laser en 1996. Type
Mode
Puissance Densité de [W] puissance [w/m2]
CO2
continu
1500
CO2
continu
CO2
Vitesse d’avance [mm/sec]
Profondeur de traitement [mm]
Application
7
8,3
1,7
cuivre
2500
20
1,5
1,25
bronzes AlNi
continu
2500
20
1,5
1,25
ferromanganèses
YAG:Nd
continu
1300
1
1,1
4
ferromanganèses
YAG:Nd
pulsé
30
1
acier
10.4 TREMPE SUPERFICIELLE DES ACIERS Si on vise dans le cas du traitement thermique à cœur le chauffage de la pièce à une température uniforme et optimale, le traitement thermique superficiel peut se limiter à spécifier la profondeur d’austénitisation lors du chauffage. Les conditions de trempe sont à déterminer en fonction de la forme de la pièce, du type d’acier et de la structure désirée du revêtement. Les refroidissements à l’air calme ou sous vide – les plus lents possibles – correspondent à un refroidissement par la capacité thermique du cœur de la pièce. Dans beaucoup de situations il sera suffisant. Le refroidissement à l’eau est surtout utilisé dans les installations monopièces par zones. Pour le traitement par zones une bobine de chauffage HF se promène le long de la pièce, chauffant ainsi la surface de la zone contenue dans la bobine. La puissance
154
Analyse et technologie des surfaces
et la fréquence du chauffage ainsi que la vitesse de passage détermineront la profondeur austénitisée. Par contre, l’évacuation de la chaleur par le cœur de la pièce sera toujours insuffisante pour une trempe à cause de la proximité de la zone chauffante. La bobine est donc suivie par un jet d’eau, par exemple sous forme d’une bague munie de buses à son intérieur. On peut avantageusement améliorer l’isolement thermique de la zone chauffée du reste de la buse en faisant précéder la bobine par une deuxième buse de refroidissement (fig. 10.6). sens de déplacement de l’inducteur
zone refroidie buse à air buse à eau corps de douche
arrivée d’air comprimé zone chauffée inducteur
pièce à traiter
Fig. 10.6 Schéma d’un chauffage à induction avec trempe par un jet d’eau, séparée de la zone de chauffage par un bac.
Fig. 10.7 Traitement d’une bielle dans un four à induction (par courtoisie de HIT).
Traitements thermiques
155
Une application typique du traitement monopièce par zone est la trempe superficielle de bielles (fig. 10.7). Mais on peut aussi travailler par application locale avec un chalumeau (fig. 10.8).
Fig. 10.8 Traitement d’un pignon par chauffage d’induction en balayage (par courtoisie de HIT).
L’utilisation des courbes T(t, z) est expliquée dans le volume 1 du Traité des Matériaux. En général on obtiendra des structures martensitiques (fig. 10.9). Mais dans les cas où le chauffage ou le refroidissement sont insuffisants, on peut aboutir à des structures bainitiques ou perlitiques.
Fig. 10.9 Structure martensitique obtenu par trempe superficielle (par courtoisie de CETIM).
156
Analyse et technologie des surfaces
Fig. 10.10 Structure vitreuse obtenue par trempe superficielle (par courtoisie de CETIM).
Pour certaines applications on modifiera la zone trempée par un revenu. Dans des cas de chauffage et/ou de refroidissement élevés, on obtient en surface une couche blanche sur la structure de laquelle trop peu d’études systématiques semblent avoir été faites pour établir s’il s’agit d’une couche amorphe, vitreuse ou nanocristalline (fig. 10.10).
10.5 OPTIONS TECHNOLOGIQUES D’une part, les sources de chaleurs peuvent être classées selon leur configuration: • illumination par des lampes, • bain englobant toute la surface: fours, plasmas, • passage lent dans une zone chauffée, • balayage de torches ou de faisceaux.
Fig. 10.11 Arrangement de lampes pour un système de RTP (avec la permission de Applied Materials Inc.).
Traitements thermiques
157
Les figures 10.11 et 10.12 montrent des exemples de réalisations pour le RTP. D’autre part, elles peuvent être classées par le mécanisme de transfert de l’énergie vers la surface: • radiation électromagnétique radiofréquence: fours R.F. à paroi froide ou bobine de passage, • radiation électromagnétique infrarouge, optique: Laser ou four à parois chaudes, • bombardement électronique: faisceau d’électrons, chalumeau électrique et électronique + ionique: plasma, • gaz chaud: convection forcée, chalumeau acétylène (fig. 10.13).
Fig. 10.12 Arrangement de filaments pour un système RTP (par courtoisie de CVC Inc.).
Fig. 10.13 Galet de pont roulant en cours de chauffage (par courtoisie de HIT).
158
Analyse et technologie des surfaces
10.6 RÉSUMÉ Pour les aciers, les façons de modifier les propriétés mécaniques par un traitement thermique superficiel sont identiques à celles du traitement thermique en volume: austénitisation, trempe, revenu. Il est bien sûr plus facile de faire un traitement thermique superficiel qu’un traitement à cœur; ceci à cause du volume réduit qui doit être chauffé par les traitement thermiques superficiels qui sont aussi moins friands en énergie. Contrairement aux traitements thermiques en volume, on n’observe pas de déformation de la pièce (tant que le volume de la pièce reste large par rapport à la zone traitée). L’avance des technologie de production «Near Net Shape» en mécanique favorisera les traitements thermiques superficiels qui sont très rapides. Pour la plupart des options technologiques, les économies d’échelle sont négligeables (à l’opposé des TT en volume). Le traitement thermique superficiel se prête donc parfaitement à une intégration en ligne.
10.7 EXERCICES 10.7.1 Calculer l’évolution de la température à 2 mm sous la surface d’une plaque «semi-infinie» d’acier initialement à température uniforme de 813 ˚C et dont la surface est maintenue à 13˚C. 10.7.2 Donner la structure et la dureté superficielle de cette pièce à cette profondeur s’il s’agit d’un XC 55 H1.
10.8 BIBLIOGRAPHIE [10.1] [10.2] [10.3] [10.4] [10.5] [10.6] [10.7] [10.8] [10.9] [10.10]
SEEBAUER et DITCHFIELD, Solid State Technology, 111, october 1997. K.R. REID, A.R. SITARAM, Solid State Technology, 68, february 1998. E.J. DAVIES, Conduction and Induction Heating, Peter Peregrinus Ltd., London, 1990. C. BARBATO, Procédé de trempe et revenu sur pièces traitées HF, Diplôme EIG, 1994. Manuel des traitements de surface à l’usage des bureaux d’études, CETIM, Senlis, 1985. Choix des traitements thermiques superficiels, CETIM, Senlis, 1993. IRSID, Courbes de transformation des aciers de fabrication française. D. WARBURTON-BROWN, Pratique du chauffage par induction, éd. Eyrolles, Paris, 1959. M.A. GLINKOV, Fondements de la théorie générale du fonctionnement des fours, Masson, 1971. S. ZINN et S.L. SEMIATIN, Elements of Induction Heating, Design, Control and Applications, ASM, 1988. [10.11] A. CONSTANT, G. HENRY et J.-C. CHARBONNIER, Principes de base des traitements thermiques, thermomécaniques et thermochimiques des aciers. [10.12] M. PICASSO, Simulation numérique des traitements de surface par Laser, thèse, EPFL Lausanne, 1992. [10.13] Rapid Thermal Processing for Future Semiconductor Devices, edited by H. FUKUDA. Muroran Institute of Technology, Department of Electrical Engineering, Mizumoto-cho, Muroran, Hokkaido, Japan, Elsevier, 2003.
CHAPITRE 11
TRAITEMENTS MÉCANIQUES
11.1 OBJECTIFS L’objectif de ce chapitre est d’introduire le lecteur au domaine des traitements mécaniques des pièces. Ces traitements sont plus courants qu’on ne le pense, et leurs applications principales sont les structurations et les préparations des surfaces. En tant que traitement de surface, ils sont utilisés pour créer une contrainte de compression dans la zone superficielle, qui permet d’augmenter la résistance en fatigue des pièces pour des raisons qui sont explicitées dans la troisième partie de ce volume. Les applications de cet effet se trouvent dans les divers éléments des transmissions de mouvement: pignons d’engrenage, bielles, rouleaux, articulations, etc. L’étude de ce chapitre devrait permettre de comprendre la relation entre les paramètres opératoires et le résultat. La section 11.2 sur les chargeurs de poudre sera nécessaire pour la compréhension de tous les traitements de surface qui utilisent un matériau solide comme matière de départ (laquage à poudre, projection au plasma, etc.).
11.2 CHARGEURS EN POUDRE Les chargeurs en poudre sont des systèmes de fluidisation. La théorie et les technologies relatives peuvent être trouvées dans certains textes de génie chimique ([11.1] par exemple). Si on néglige des détails importants tels que l’étouffement local et les fluctuations de pression – qui sont bien compris par les spécialistes – on peut formuler une théorie simple, qui donne une bonne première approche. Une poussière injectée dans un flux de gaz qui est maintenu dans un tube obéit la loi de Newton dv s m s ------- = F d – F g – F f dt avec ms : vs : Fd : Fg : Ff :
(11.1)
masse de la poussière. vitesse de la poussière. force d’entraînement exercée sur la poussière (force aérodynamique). force de gravitation exercée sur la poussière. force de frottement exercée sur la poussière par les parois.
160
Analyse et technologie des surfaces
L’équation (11.1) signifie que l’accélération qui agit sur le grain est le résultat des forces qui agissent sur lui. Pour la force d’entraînement par le gaz, on a ( vg – vs )2 F d = 3--4- c ds ε –4,7 ρ g --------------------------- = β ( v g – v s ) 2 φs ( ρs – ρg )
(11.2)
ρg β = 3--4- c ds ε –4,7 --------------------------φs ( ρs – ρg )
(11.3)
avec
cds : ε: ρg : ρs : vg : φs :
coefficient d’entraînement d’une poussière. un facteur de correction appelé cavitation du gaz. masse volumique du gaz [kg/m3]. masse volumique du solide [kg/m3]. vitesse d’écoulement du gaz [m/sec]. diamètre de la poussière [m].
Pour la gravitation, on a F g = g sin θ avec g: θ:
(11.4)
constante de gravitation. angle d’inclinaison du tube par rapport à l’horizontale.
Le frottement est proportionnel au carré de la vitesse 2 µ s v s2 F f = ------------Φ avec µs : Φ:
(11.5)
coefficient de frottement de la poussière sur la paroi. diamètre du tube.
Dans un chargeur, on peut distinguer deux régions: • une zone suivant la zone d’injection où les poussières sont accélérées vers la vitesse stationnaire, • une zone d’écoulement stationnaire avec une vitesse constante: v*. v* est la solution de l’équation (11.1) pour dvs /dt = 0, c’est-à-dire de
µ s 2 β – 2------- v* – 2 β v* + β – g sin θ = 0 Φ
(11.6)
On peut aussi intégrer (11.1) de 0 à v* pour obtenir la distance d’accélération.
Traitements mécaniques
161
11.3 TRAITEMENT PAR IMPACT Il y a bien sûr beaucoup de variantes, industrielles, artisanales ou encore intimes. Les méthodes industrielles se résument sous la désignation: grenaillage. Selon les produits utilisés, il se décline en: sablage, microsablage, billage, galetage, etc. Ces méthodes jouent un très grand rôle dans l’industrie de la fabrication de surfaces. Si leur application principale, le nettoyage et la microstructuration, n’est pas traitée dans ce volume, il faut tout de même les citer puisque les traitements par impact sont souvent utilisés pour leur plurifonctionnalité. Pour cette même raison les autres méthodes telles que le brossage, le tonnelage ou le polissage électrochimique ne sont pas traitées (voir volume 12 du Traité des Matériaux). Le résultat d’un traitement par impact est toujours une précontrainte qui est liée à la déformation plastique résiduelle après l’enlèvement de la charge, i.e. le rebondissement du grain de grenaille. Les propriétés du traitement peuvent donc être calculées à partir • des propriétés mécaniques du matériau de base, • de la taille et de la forme du produit projeté, • de l’énergie cinétique et de l’angle d’impact des particules. Cette dernière est déterminée par la vitesse de croisière de la particule qu’on calcule à l’aide de l’équation (11.6). La figure 11.1 montre schématiquement la contrainte induite dans la région superficielle d’un acier de construction en fonction de l’intensité du grenaillage.
A1
S2 0
0
A1 REO
RE max
contrainte de compression
A2
A1 = A2 A2
contrainte de tension
0 S1 distance de la surface de la pièce
Fig. 11.1 Contrainte induite dans la région superficielle.
162
Analyse et technologie des surfaces contrainte [MPa]
σA 200
0,2
0,4
0,6
0,8 profondeur [mm]
0
–200
–400
–600
F25N – S 70 (180 µm) F25N – S 110 (300 µm) F25A – S 110 (300 µm) F25A – S 230 (600 µm) F15C – S 230 (600 µm) F15C – S 550 (1,4 µm)
Fig. 11.2 Exemple pour un acier de construction pour des microbilles de diamètres différents (par courtoisie de CETIM).
Fig. 11.3 Poudre de bois pour le grenaillage de métaux nobles.
On ne connaît bien sur que la taille moyenne des particules, appelée granulométrie. Elle est le résultat d’un tamisage. Les figures 11.2 et 11.3 peuvent servir d’exemples des produits. Les angles d’impact sont réglables et les relations entre la vitesse d’impact et la pression du vecteur de transport sont connues pour chaque produit et type de buse.
Traitements mécaniques
163
Les principaux produits projetés et leurs domaines d’applications principales sont donnés dans le tableau 11.1. Dans le cas de la finition et du nettoyage, les choix sont dictés par les propriétés mécaniques du matériau du substrat et par la pollution (calamine, peau d’oxyde, etc.). Une alternative récente est le grenaillage laser, où on utilise l’expansion thermique rapide et importante des fluides avoisinant la surface au spot du laser pour provoquer une déformation plastique. La chaleur est filtrée dans cette application. L’avantage du grenaillage laser réside dans le fait que le temps d’application beaucoup plus court de la charge permet une pénétration plus profonde de la déformation plastique.
Tableau 11.1 Utilités des différents produits à projeter pour les diverses applications. Applications
grenaille d’acier sphérique
Amélioration de la tenue en fatigue et corrosion
Finition de la surface: aspect
xx
Préparation de la surface: nettoyage
Finition géométrique: ébavurage
xx
xx
grenaille d’acier angulaire
xx
xx
grenaille de fonte angulaire
xx
xx
grenaille d’acier inoxydable
xx
corindon brun
xx
xx
x
corindon blanc
xx
xx
x
billes de céramique
xx
grenaille d’aluminium micro-billes en verre
x
agicides telles que barbe de mais ou noyaux de pêches concassés, médias polymère
xx
xx
xx
xx
x
xx
xx
xx
x
xx
xx
11.4 MÉTHODES D’APPLICATION Le grenaillage est toujours exécuté dans une cabine. Il existe des installations manuelles monopièce (fig. 11.4) et automatiques (tôles, pièces en vrac, bandes de transfert, tables tournantes, etc.) ou robotisées (fig. 11.5). L’air et l’eau sont utilisés comme vecteurs. Il existe deux principes: le pistolet et la turbine. Tous les systèmes sont équipés d’un récupérateur. Ils se distinguent souvent par la qualité du tri de recyclage. La directivité du procédé permet la réalisation de traitements sélectifs et d’épargnes à peu de frais.
164
Analyse et technologie des surfaces
Fig. 11.4 Sableuse manuelle (par courtoisie de IEPCO).
Fig. 11.5 Installation de sablage automatique en deux cabines avec une bande de transfert automatique (par courtoisie de IEPCO).
11.5 MODIFICATION DE STRUCTURE PAR DÉFORMATION PLASTIQUE La déformation plastique d’un matériau est accompagnée des modifications structurales suivantes (voir aussi volume 8 du Traité des Matériaux): • déplacement des dislocations, • création de défauts ponctuels: atomes interstitiels, • création de dislocations.
Traitements mécaniques
165
Les dislocations et les défauts ponctuels créent autour d’eux une déformation du réseau qui équivaut à une déformation élastique. Puisqu’il s’agit d’une compression, la maille cristalline au voisinage des dislocations se trouve réduite. Pour le matériau polycristallin, ceci se manifeste par une diminution des mailles cristallines et d’une augmentation de leur dispersion. Les deux effets sont observables par une analyse de la structure cristalline au moyen des rayons X. Dans un diagramme Debye-Scherrer, on observe un déplacement et un élargissement des lignes de diffraction. Les deux effets sont liés (voir TM vol. 1 et 9 pour plus de détails). En pratique, un atelier de grenaillage ne traite qu’un nombre très restreint d’alliages. Il suffit donc d’un équipement d’analyse aux rayons X, qui compare toujours les mêmes spectres, voire la même ligne pour déterminer le taux de compression superficielle. Pour avoir un bon signal de la région superficielle, on limite la mesure à des angles rasants, c’est-à-dire des angles proches de π /2. Puisque le résultat d’un traitement mécanique dépend de l’angle d’impact, l’utilisation d’éprouvettes peut considérablement fausser le résultat – une application importante est par exemple le pied des pignons d’engrenages. On a donc développé des équipements de contrôle par QRx dédiés qui peuvent même s’intégrer dans une chaîne de fabrication. La création de dislocation et l’élimination des dislocations mobiles qui accompagnent la déformation plastique augmentent la résistance à des déformations plastiques supplémentaires. On observe donc une augmentation de la dureté superficielle. La mesure de la microdureté est donc aussi une méthode valable pour juger le résultat d’un traitement mécanique. L’effet principal du grenaillage est l’augmentation de la résistance à la fatigue. Ceci est dû à la création de contraintes compressives par déformation plastique (fig. 11.1).
11.6 RÉSUMÉ Les traitements mécaniques ont les avantages suivants: • simplicité de mise en œuvre et coût modeste, • synergie d’intégration avec des traitements successifs en tant que méthode de nettoyage, • bon bilan écologique, • maintien de la géométrie (sauf les arrêtes vives, qui sont réservées aux artistes de ce métier). Il serait donc dommage que les praticiens ne les utilisent pas et préfèrent les traitements chimiques, plus chers et plus polluants.
11.7 EXERCICES 11.7.1 Trouver la formule générale pour la distance d’accélération. 11.7.2 Trouver la vitesse d’écoulement stationnaire pour un tube de diamètre infini.
166
Analyse et technologie des surfaces
11.7.3 Calculer les positions des lignes du spectre de rayons x du fer α sous une déformation de 3%. 11.7.4 Calculer la vitesse d’écoulement stationnaire du produit (c’est-à-dire les billes) de traitement pour un traitement de grenaillage par billes d’acier aux conditions suivantes: cds, coefficient d’entraînement d’une poussière: 0,3 ε, cavitation du gaz: 0,6 ρg, densité du gaz: 1,3 kg/m3 ρs, densité du produit: 2400 kg/m3 vg, vitesse d’écoulement du gaz: 15 m/sec φs, diamètre de la poussière: 0,1 mm µs, coefficient de frottement de la poussière sur la paroi: 0,7 Φ, diamètre du tube: 0,5 m tube horizontal. 11.7.5 Calculer pour les données de l’exemple précédent la dose minimale (en kg/m2) pour le traitement d’un acier recuit avec 300 HB. Pour la dose minimale, la surface de toutes les empreintes des billes doit correspondre à deux fois la surface totale. Comme approximation, on peut prendre comme temps d’impact pour chaque bille 0,1 sec. Calculer le diamètre de l’empreinte par la formule de Brinell. 11.7.6 Enumérer des paramètres qui augmentent la profondeur de traitement dans un grenaillage et donner les raisons.
11.8 BIBLIOGRAPHIE [11.1] Fluidization and Fluid Particle Systems: Fundamentals and Applications, American Institute of Chemical Engineers Symposium, series 270, volume 85, 1989. [11.2] Nettoyage et préparation des surfaces par grenaillage, 2e édition, CETIM Guide, 1997. [11.3] Le grenaillage de précontrainte, CETIM, Mécanique et procédés, Senlis, 1992, 12e conférence nationale. [11.4] Le traitement de surface par impact: nettoyage, préparation de surface, parachèvement, finition, précontrainte, CETIM : Mécanique et procédés, Senlis, 1992. [11.5] Nettoyage et préparation des surfaces par grenaillage: comment spécifier, exécuter, contrôler: guide d’emploi des traitements par impact, CEFRACOR et INRS, CETIM Mécanique et procédés, Senlis, 1997. [11.6] D. LEFORT DES YLOUSES, Enrobages en lit d’air fluidisé: étude des solutions et des films d’enrobage, thèse, Paris, 1974.
CHAPITRE 12
TRAITEMENTS PAR DIFFUSION
12.1 OBJECTIFS L’importance économique des traitements de diffusion ne s’est pas démentie dans les décennies passées. On a longtemps considéré l’absence d’une interface entre zone traitée et substrat comme un de leur principaux avantages. Cette donne a changé en microélectronique, où on utilise souvent des interfaces minces. Ceci a motivé le développement de traitements thermiques plus précis. L’étude de ce chapitre devrait permettre au lecteur de comprendre les mécanismes responsables de la formation de couches de composés définies (appellation traditionnelle: couche blanche) et de couches de diffusion. De comprendre aussi que leur apparition est en grande mesure déterminée par les propriétés métallurgiques du matériau traité. L’objectif de ce chapitre est d’apprendre au lecteur à utiliser ses connaissances sur les matériaux pour l’évaluation des possibilités d’un traitement de diffusion.
12.2 INTRODUCTION, MÉTHODES ET PRINCIPES Les traitements de diffusion enrichissent la région superficielle d’éléments qui confèrent à celle-ci des propriétés nouvelles. La gamme des propriétés ainsi conférées ne connaît peu de limites: • mécaniques: dureté et ténacité; • électriques: conductivité, largeur de la bande interdite; • optiques: réflexivité (couleur); • biologiques: biocompatibilité, interaction avec les tissus, asepsie; • métallurgiques: microsoudabilité(frottement), «adhésion»; • chimiques: catalyse hétérogène, résistance à la corrosion, à l’oxydation, solubilité; • physico-chimiques: mouillabilité. Il s’agit de techniques très répandues, diverses et anciennes. La première application a été probablement la trempe des glaives dans le purin. Aujourd’hui l’application la plus importante est devenue la formation de silice sur les plaquettes de silicium, une étape fondamentale dans la microstructuration.
168
Analyse et technologie des surfaces
Transport du diffusant vers la surface
Activation du diffusant
Réaction avec la surface et formation d’une interphase
Diffusion à travers la zone de composant défini
Transitions de phase dans la zone de composé défini
Précipitation de composés définis Diffusion dans le substrat Fig. 12.1 Schéma global du déroulement d’un traitement thermochimique.
Les traitements de diffusion se déroulent toujours selon le schéma de la figure 12.1, certaines étapes peuvent être absentes ou négligeables dans certains cas. La vitesse globale du traitement peut être limitée par une étape choisie par l’utilisateur ou imposée par l’état de la technique. Le transport peut s’effectuer dans toutes les phases possibles: • solides: poudres, pâtes, • liquides: solvants, sels fondus, électrolytes, • gaz, • plasmas, • ultravide. Les mécanismes de transport et les méthodes de transport utilisées sont une fonction du procédé et de la géométrie des objets: • enduction manuelle, • immersion avec diffusion ou convection forcée, • acheminement électromagnétique sous vide. L’activation consiste en général en une prédissociation de la molécule vecteur, suivie ou précédée quelquefois d’une ionisation. Dans les méthodes qui utilisent des champs électromagnétiques pour le transport, elle précède celui-ci. Dans les cas où la réaction avec la surface comprend une physisorption suivie d’une chimisorption, on appellera activation la transition entre ces deux composants de l’interphase.
Traitements par diffusion
169
12.3 RÉACTION AVEC LA SURFACE ET FORMATION D’UNE INTERPHASE Malgré le fait que la science des surfaces est très développée et fait l’objet d’une littérature très vaste, elle ne semble que peu exploitée pour l’analyse de cette étape, qui est cruciale pour beaucoup de procédés de traitement. Le lecteur intéressé est invité à consulter la revue Surface Science. L’ensemble formé par les dernières couches atomiques du substrat et le gaz ad/ absorbé est appelé interphase. On y distingue presque toujours: • Le gaz physisorbé qui est tenu à la surface par des forces «physiques», un terme utilisé pour désigner une interaction essentiellement électromagnétique. Dans le cas de molécules diatomiques telles que l’azote et l’oxygène, le gaz physisorbé n’est pas dissocié. A cause des interactions faibles avec la surface, les molécules physisorbés sont mobiles et peuvent être traitées comme une phase fluide partiellement localisée. • Le gaz chimisorbé est une phase où les atomes adsorbés sont localisés. Les sites correspondent souvent mais pas toujours à ceux du réseau d’un composé défini de la matière du substrat et du gaz. Ainsi n’est-il pas surprenant qu’on observe souvent plusieurs phases chimisorbées.
Plasma Envellope de transport de la surface Physisorption
Chimisorption
Adsorption atomique
Implantation ionique
Couche d’azote physisorbé Décomposition unimoléculaire
Dissociation catalytique
Dissociation induite par la plasma
Couche d’azote chimisorbé
Azote implanté
Azote absorbé
Azote diffusant dans le solide Physisorption route
Chemisorption route
Bulk phase dissociation route
Fig. 12.2 Modèle pour la nitruration ionique.
Implantation route
170
Analyse et technologie des surfaces
Le gaz absorbé est le gaz qui a franchi la couche terminale du solide. Il peut former des phases particulières de composés définis. Le passage des diffusants à travers l’interphase est souvent un passage entre ces 3 phases. Dans le cas des traitements thermochimiques gazeux tels que la nitruration et la carburation, ce passage, et en particulier le passage de l’état physisorbé à l’état chimisorbé, est l’étape limitant la vitesse globale. Celle-ci peut donc être augmentée considérablement, si on court-circuite ce passage en passant par l’implantation ionique ou en prédissociant le gaz par une activation (fig. 12.2).
12.4 DIFFUSION DE LA MATIÈRE L’étape de diffusion dans le cadre d’un traitement de surface ne diffère pas de celui d’autres applications. Elle est traitée en détail au volumes 6 et 8 du Traité des Matériaux. Le point de départ est la loi de Fick (éq. (10.3)), qui dans ce cas devient ∂ ----- c ( x, y, z, t ) = D∇ 2 c ( x, y, z, t ) ∂t
(12.1)
avec c(x, y, z, t): concentration de la matière diffusante. D: constante de diffusion (m2 /sec). Les résultats de la section 10.2 peuvent donc être utilisés avec une simple transcription. Les solutions analytiques sont traités au volume 6 du Traité des Matériaux. Des logiciels sont disponibles pour chercher des solutions sur des géométries réelles. A titre d’exemple, nous allons comparer deux méthodes de dopage du silicium. Les plaquettes de silicium employées actuellement ont un diamètre de 300 mm et les profondeurs de pénétration des dopants sont de l’ordre de 0,1 µm. On peut donc bien utiliser l’approximation de la plaque semi-infinie. 12.4.1 Dopage à partir d’une pression constante du dopant à la surface La pression constante correspond à une concentration constante. On peut donc écrire ps z c ( z, t ) = ------- 1 – erf -------------- 2 Dt kT
(12.2)
où ps est la pression partielle du dopant à la surface. 12.4.2 Dopage à partir d’une dose prédéposée Cette méthode est plus courante que la précédente. On dépose par PVD (chap. 15) ou par implantation ionique (éq. (12.7)) une quantité contrôlée de dopant à la surface, qui est soumis à un RTP (chap. 10). Dans ce cas, on a:
Traitements par diffusion ∞
Mσ =
∞
∞
∫ c( x, t )dx = ∫ dx∫ dve 0
0
171
– vt c' ( x,
v)
(12.3)
0
où Mσ est la masse déposée en kg/m2. En substituant la solution (10.8) transcrite pour la transformation de Laplace ∞
∞
∫
∫
M σ = A dve –vt dxe – 0
( v/D ) x
(12.4)
0
nous trouvons pour la constante A Mσ A = ------------π Dt et finalement la solution pour la concentration Mσ 2 c ( x, t ) = -------------- e –x /4Dt π Dt
(12.5)
Ce résultat est à comparer avec les courbes expérimentales de la figure 10.3. On reconnaît la forme caractéristique de la gaussienne, dont la largeur augmente avec le temps.
12.5 FORMATION D’UNE COUCHE DE COMPOSÉ DÉFINI 12.5.1 Morphologie des couches de composé défini Une particularité du traitement de surface par diffusion est la formation fréquente d’une couche de composé défini à la surface, dont l’extension est une fonction de la différence globale de potentiel chimique et de la cinétique. On rencontre donc les situations suivantes: • Traitement sans composé défini à la surface: – soit parce qu’il n’en existe pas Si–B, Si–P, Fe–Cl, C–F – soit parce que les conditions de travail ont été choisies en conséquence: potentiel chimique en phase gazeuse trop faible pour la formation. • Traitement avec une couche de composé défini monophasé à la surface, et aucune couche de diffusion: Si–N, Si–O, Al–O, Al–N • Traitement avec plusieurs couches de composés définis qui se succèdent: Ti–O
172
Analyse et technologie des surfaces
• Traitement où une ou plusieurs phases de composés définies se succèdent à la surface et sont suivies d’une zone de diffusion: Fe–N, Cr–C, Fe–Zn • Traitement d’alliages – avec ou sans phases de composés définis de un ou de plusieurs constituants de l’alliage à la surface – avec une zone de diffusion qui comprend des précipitations de composés définis de certains constituants de l’alliage dans une matrice contenant l’élément diffusant en solution: acier–N, aciers–C, aciers–C, N, aciers–B, alliages réfractaires–oxygène, superalliages–Al. 12.5.2 Halogénation Les halogénations peu profondes sont utilisées pour conférer aux alliages de meilleures propriétés de frottement. Ces couches de composé défini sont synthétisées le plus souvent à l’usage d’un mécanisme en ajoutant des additifs chlorés aux huiles ou émulsions lubrifiantes. Une application spéciale est la fluoration du diamant pour baisser son coefficient de frottement. 12.5.3 Chalcogénuration Il s’agit toujours de traitement sans formation de couches de diffusion. On appelle ces traitements oxydation ou sulfuration superficielles. Aciers L’oxydation contrôlée des pièces en acier nitruré préalablement est une pratique courante pour augmenter la résistance à la corrosion et pour baisser le coefficient de frottement, par exemple sur l’arbre à came des moteurs à combustion. Elle est pratiquée à partir d’une phase gazeuse ou d’une phase ionique: le sel fondu. On produit une couche d’une épaisseur de ∼20 µm. La sulfuration en bain fondu donne une couche fine de FeS. Elle est utilisée dans la petite et grande mécanique à partir d’un bain de sel fondu. La formation d’une couche épaisse de magnétite est la protection de choix pour les moules d’injection de métal fondu. Alliages de titane L’oxydation des alliages de titanes avec la formation de couches minces avec des épaisseurs de 0,1-1 µm est un procédé courant pour la coloration de ces alliages. La couleur est fixée par l’épaisseur de la couche transparente de TiO2 – rutile ou anastase – qui se forme à la surface. A l’air elle est fonction de la température et du temps d’exposition. L’indice de réfraction élevé des deux oxydes de titane rend les couleurs très vives. Alliages réfractaires Ce traitement thermochimique s’effectue pendant la mise en service. En effet, pour la conception d’alliages réfractaires, on combine des alliages de fer et de
Traitements par diffusion
173
nickel avec des éléments qui formeront des couches d’oxydes avec un faible coefficient de diffusion pour l’oxygène et une enthalpie de formation pour l’oxyde bien supérieure à la matrice. Si on porte un tel alliage à une température élevée dans une atmosphère oxydante, ces éléments vont diffuser vers la surface et former une couche de composé défini constituée de une ou plusieurs phases: oxydes de chrome, de bore, d’aluminium, d’yttrium. Silicium L’oxydation contrôlée des plaquettes monocristallines de silicium pour former une couche isolante de SiO2 est une des étapes dans la fabrication des circuits intégrés. Puisque c’est à la fois le procédé le plus recherché et le mieux contrôlé, on va le traiter à titre d’exemple. La sulfuration et séléniuration du cadmium est utilisée pour former des jonctions Schottky ou des jonctions photogalvaniques pour la conversion de l’énergie solaire. Elle utilise des phases gazeuses pour le transport des diffusants. Modèle de Deal and Groove La figure 12.3 résume les concentrations et flux considérés dans ce problème. Le flux de gaz, qui atteint la surface, F1, est déterminé par le mécanisme de transport. S’il s’agit de la diffusion nous pouvons écrire l’équivalent de la loi de Newton pour le refroidissement (10.12) J 1 = σg ( cg – cs ) avec J1 : cg : cs : σg :
(12.6)
flux de molécules d’oxygène vers la surface. concentration d’oxygène dans la phase gazeuse (à l’entrée de l’alimentation de gaz). concentration d’oxygène à la surface. coefficient de transport dans la phase gazeuse.
gaz
couche d’oxyde SiO2 ps cs, T
pg cg, T
J1
pσ cσ, T
pi ci, T
J2
Fr
silicium
J3
0 Z, distance de la surface Fig. 12.3 Modèle pour l’oxydation du silicium.
174
Analyse et technologie des surfaces
σg dépend du mécanisme de transport présent: diffusion dans un gaz stagnant, flux laminaire ou turbulent. Dans le cas d’une absorption moléculaire, on pourrait utiliser la loi de Henri, l’isotherme le plus simple, comme relation entre la pression d’oxygène à la surface et la concentration d’oxygène sur la surface du solide (dans l’adsorbât): (12.7)
cσ = H ps avec ps : cσ : H:
pression d’oxygène dans la phase gazeuse à la surface. concentration d’oxygène à la surface du solide. constante de Henri.
Par ailleurs, nous avons la relation pour l’équilibre thermochimique entre l’oxygène dans la phase gazeuse et dans le solide. Elle définit l’état vers lequel tend notre système c* = H p g
(12.8)
où c* est la concentration d’équilibre dans le solide en échange avec la pression de gaz dans le volume. Il faut noter que la même constante apparaît dans les équations (12.7) et (12.8). La relation entre pg et cg est la fonction d’état de notre fluide d’approvisionnement. S’il s’agit d’un gaz idéal, nous avons p g = c g kT (12.9) p s = c s kT et nous pouvons reformuler notre expression pour le flux de sorption comme
σg J 1 = ----------- ( c* – c σ ) HkT
(12.10)
Pour le transport à travers l’oxyde, nous pouvons utiliser une solution stationnaire de la loi de Fick D ( cσ – ci ) J 2 = -----------------------dO avec dO : ci :
(12.11)
épaisseur de la couche d’oxyde. concentration d’oxygène dans la silice à l’interface avec le silicium.
Si on suppose en outre que la réaction de croissance de l’oxyde est linéaire avec la concentration des atomes d’oxygène, on obtient:
Traitements par diffusion
175
J 3 = κ ox c i (12.12)
κ ox dd O --------= --------- c i N ox dt avec J3 :
consommation d’oxygène dans l’oxydation du silicium (la formation de silice). κox : vitesse d’oxydation. Nox : nombre de molécules d’oxygène nécessaire à la formation d’un volume unitaire de silice.
Nous avons un ensemble d’équations, qui permet de calculer la croissance de notre couche d’oxyde sous conditions stationnaires: J1 = J2 = J3
(12.13)
et (12.12). Substituant pour ci et cσ nous obtenons une équation quadratique pour dO 2D 2Dc*t d O2 + -------------------------------------------------- d O = ---------------( 1/ κ ox ) + ( HkT/ σ g ) N ox
(12.14)
Pour le silicium, on doit prendre en considération que l’oxydation procède par croissance d’une couche d’oxyde initiale d’épaisseur di, c’est-à-dire que nous trouvons déjà une couche d’oxyde pour t = 0. Si on regarde les solution de (12.14) pour un temps donné et une cinétique, où la réaction superficielle est plus rapide que la diffusion, on voit que l’épaisseur de la couche croît proportionnellement à la racine de la température: d O ∼ kT
(a)
87 86
5 épaisseur de l’oxyde 4
85 3
84 83 82
uniformité
1
81 80 0
2
50 100 150 200 diamètre de la plaquette
uniformité 1σ [%]
épaisseur moyenne de l’oxyde[Å]
> 102,0 < 102,0 < 101,6 < 101,2 < 100,7 < 100,3 < 99,9 < 99,5 < 99,1 < 98,6 < 98,2
(12.15)
0 250 (b)
Fig. 12.4 Epaisseur de la couche de silice en fonction de la température d’oxydation pour un temps d’oxydation de 30 sec et une vitesse de chauffage de 75˚/sec. La partie (a) donne l’uniformité de l’épaisseur sur une plaquette de 200 mm mesurée à 12,5 nm avec une résolution de 0,1 nm sur la plaquette. La non-uniformité peut être attribuée à la vitesse de chauffage insuffisante. La partie (b) donne les détails d’une coupe du diamètre de la plaquette.
176
Analyse et technologie des surfaces
La figure 12.4 montre que, en effet, toute non-uniformité de la couche de composition définie peut être attribuée à une non-uniformité de la température.
12.5.4 Nitruration La nitruration des aciers est une technologie bien établie pour l’amélioration des propriétés mécaniques, tribologiques et électrochimiques des aciers. Des procédés ont été développés pour plusieurs médias vecteurs: sels fondus (en voie de disparition), gaz, plasma, ultravide. Dans la nitruration gazeuse, on met les pièces à nitrurer dans un four avec chauffage électrique avec une atmosphère contrôlée à base d’ammoniaque, d’azote, d’hydrogène et d’argon. L’azote et l’ammoniaque réagissent avec la surface chaude pour former une interphase d’azote chimisorbé. On suit donc la route de physisorption de la figure 12.2. L’hydrogène joue un rôle de catalyseur et de régulateur du potentiel chimique de l’azote dans la phase gazeuse. L’azote forme des composés définis avec les métaux présents dans la région superficielle. L’équilibre des phases pour des pressions partielles d’azote et d’hydrogène données se calcule à partir des enthalpies de formation. Simultanément on observera la transformation progressive des carbures des éléments d’alliages carburogènes et de la cémentite en carbonitrures et nitrures. Cette nitruration ainsi que la saturation de la matrice en azote libèrent du carbone qui diffuse vers l’intérieur du substrat. Quand la concentration d’azote dépasse la solubilité, on observe une précipitation de nitrures de fer et ou des éléments d’alliages comme le chrome ou l’aluminium sous deux formes: croissance de la couche de composé par nucléation homotaxique de nitrures et précipitation de nitrures aux joints de grains. Cette précipitation de nitrures aux joints de grains ainsi que la précipitation de cémentite provoquée par le carbone libérée causent une fragilisation de la zone de diffusion. La fragilisation peut être réduite par un recuit successif. Les nitrures les plus importants du fer observés sont le ε-Fe2N et le γ '-Fe3N4. Le traitement théorique de la nitruration est un sujet envoûtant de par sa complexité. En effet, il s’agit d’un procédé hors d’équilibre et non stationnaire, dans lequel plusieurs phénomènes imposent leurs cinétiques en parallèle (fig. 12.2). D’une part, nous avons la diffusion non stationnaire de l’azote de la surface vers l’intérieur de la pièce, qui suit le même traitement que celui d’oxydation traitée plus haut. Cette diffusion détermine la profondeur de nitruration qui est proportionnelle à √kT. D’autre part, nous avons la croissance de la couche de nitrure superficielle, qui est en compétition avec la diffusion de l’azote dans l’acier (tandis que l’oxygène ne pouvait pas diffuser dans le silicium). La diffusion de l’azote dans l’acier est en compétition avec la précipitation de nitrures et la nitruration des carbures des éléments d’alliage. Finalement il y a la précipitation de carbures, qui tend à bloquer la diffusion.
Traitements par diffusion
177
Selon les conditions de procédé choisies, on peut donc obtenir des nitrurations avec ou sans couche de nitrure en surface. La morphologie de la nitruration est déterminée par la métallurgie des aciers. En l’absence d’éléments d’alliage, par exemple pour un XC18, il n’y a que très peu de précipitation de nitrures dans la matrice de ferrite et l’azote dissous n’entraîne qu’une faible augmentation de la dureté dans la zone de diffusion. En métallographie, on observera donc une couche blanche comme principale modification. Pour un acier au chrome comme un CD4, la couche de diffusion est marquée par la précipitation de nitrures de chrome et une perte de résistance à l’attaque de la matrice dans une attaque au Nital. Ceci a mené au développement d’aciers conçus pour la nitruration, notamment par alliage avec aluminium, qui forme facilement un nitrure mais pas de carbure. 12.5.5 Carburation La carburation peut être utilisée pour recouvrir un acier hypoeutectique d’une couche superficielle d’acier hypereutectique. Le traitement de diffusion a lieu à des températures supérieures à 600 ˚C. Le fait que la solubilité du carbone dans la ferrite et l’austénite diminue avec la température a comme conséquence que la distribution des phases change au refroidissement. On obtient une précipitation de cémentite. La cémentation est une technique très répandue et concerne probablement un quart de tous les traitements thermiques pour les aciers. Son avantage par rapport à la nitruration est qu’elle permet d’améliorer la dureté des surfaces des aciers faiblement alliés avec une bonne profondeur (typiquement 0,1-0,4 mm). Son inconvénient est la déformation liée au traitement thermique et l’incompatibilité avec la technologie du vide. La cémentation produit des pièces sales et recouvertes de calamine, qui devront être décapées pour la plupart des applications. Les efforts de développer une cémentation sous plasma n’ont pas eu un grand succès. Parmi les applications, on trouve notamment tous les pignons des engrenages jusqu’à moyenne taille – limite imposée par la déformation – qui seront rectifiés ou rasés après le traitement et la petite pièce – agrafes, ressorts, poussoirs, vis, écrous, leviers, etc. – qui sera traitée par PVD ou galvanoplastie pour assurer une résistance à la corrosion. Pour ceux-là on utilise des équipements à travail continu, les «fours à tapis». 12.5.6 Siliciuration La siliciuration de carbones peut se faire soit à partir de silicium fondu soit par pyrolyse d’un composé gazeux du silicium tel que les silanes. Elle est utilisée pour former des microcomposites du type SiC/C qui combinent une bonne résistance à l’abrasion et à la corrosion avec un coefficient de frottement bas et une
178
Analyse et technologie des surfaces
usure adhésive faible. Il s’agit d’un matériau haut de gamme pour les joints glissants dans les pompes et les robinets de douche et dernièrement pour les pistons de moteurs à combustion internes légers.
12.6 DIFFUSION DE MÉTAUX La diffusion de métaux dans un alliage peut être utilisée aux fins suivantes: • augmentation du titre pour conférer une meilleure résistance à l’oxydation ou à la corrosion, • formation d’un composé intermétallique pour augmenter la dureté superficielle, • formation d’une couche de composé superficielle de siliciures sur un substrat de silicium. On retrouve également toute la panoplie des méthodes d’apport de matière et de chaleur: • cémentation d’un bloc: enrobage des pièces, individuellement ou en vrac dans un sable du métal diffusant, • dépôt du métal diffusant par une des méthodes traitées dans les chapitres 13 et 16. L’activation thermique peut se faire dans un four ou par un chalumeau: acétylène, arc électrique ou laser. Les applications comprennent notamment: • le traitement des ailettes de turbines pour la protection contre l’oxydation: calorisation (aluminium), allaitage; • le traitement par chalumeau d’éléments d’usure tels que les segments de piston, les cames et les culbuteurs dans des moteurs à combustion; • la formation de siliciures auto-alignées – saliciures – comme matériaux de contact pour les émetteurs, collecteurs et grilles des MOSFETs. 12.6.1 Structure d’un n-MOSFET Cette dernière application va être traitée à cause de son importance économique. La figure 12.5 montre schématiquement la structure d’un n-MOSFET. Sur la plaquette en p-silicium sont réalisées deux zones avec dopage n, l’émetteur et le collecteur, séparées par le canal. Ils sont fabriqués par implantations ioniques multiples suivies de traitements thermiques. Pour les contacter il faut: • un matériau qui n’ait aucune solubilité dans le silicium, • une fonction de travail proche du silicium n pour former un contact ohmique, • une conductivité électronique élevée.
Traitements par diffusion
179
Oxyde (grille)
Oxyde (LOCOS)
grille drain
source n+
n+
canal
A
L p
B
Fig. 12.5 Structure d’un n-MOSFET. La densité d’électron dans le canal et donc sa conductivité sont modulées par la tension appliquée sur la grille.
1022 CoSi2 /Si interface
concentration [cm–3]
1021
TB –250°C/15 sec
1020
TB –200°C/15 sec
1019
TB –150°C/15 sec brut d’implantation
1018
TB –50°C/15 sec 1017 0
0,05 0,1 profondeur [µm]
0,15
Fig. 12.6 Contact de saliciure de cobalt sur le gate d’un MOSFET réalisé par implantation ionique suivi de différents recuits: distribution du cobalt.
Cette dernière condition n’est apparue qu’avec le passage à des dimensions sousmicroniques qui ont vu le remplacement du silicium dégénéré polycristallin par les siliciures. Le procédé consiste en un dépôt d’une couche mince d’un métal approprié. En l’occurrence le cobalt, le nickel ou le titane déposés par PVD ou CVD (chap. 15) sur la zone de contact qui est entourée de couches de silice isolantes. On a le choix entre un PVD, qui couvre toute la surface, suivie d’une délimitation par photolithographie ou d’un procédé CVD sélectif (dépôt limité aux surfaces de silicium). La
180
Analyse et technologie des surfaces
plaquette entière est ensuite chauffée à une température de 800 ˚C pendant quelques minutes. Le silicium diffuse dans le métal déposé. Un siliciure stoechiométrique commence à germer sur le monocristal de silicium et la réaction ne s’arrête que lorsque tout le métal est consommé. Les problèmes secondaires à gérer sont la répartition des dopants – incorporation dans le siliciure, refoulement vers le silicium, appauvrissement du silicium – et la consommation excessive de silicium qui ne paraît pas compatible avec la technologie 0,18 µm. La figure 12.6 montre la distribution du cobalt dans le silicium après l’implantation et la redistribution obtenue avec différents recuits. 12.6.2 Galvanisation à chaud Une application dans un domaine tout à fait différent est la galvanisation à chaud des aciers. Procédé La galvanisation à chaud est un procédé mixte qui combine un procédé de diffusion de métaux avec une solidification superficielle. Au contact de l’acier avec le 10
20
30
40
50
60
70
80
90
pourcentage en poids de zinc
1100 1000 910°
900 γ
température [°C]
800 769°
42,2 (46)
magn. transf.
782° 70,9 (74,0)
700 623° 17,6 24,5 (20) (27,5)
600 α
68,7 (72)
77,4 (80,0)
672° 640°
δ 620° 530°
500
δ1
Γ
400
419,4° 419,5°
ζ
300 3,9 (4,5)
200
0 Fe
10
68,7 (72)
20
30 40 50 60 70 pourcentage atomique de zinc
76,3 (79)
80
90
100 Zn
Fig. 12.7 Diagramme de phase fer-zinc. Zn, hexagonale avec une solubilité faible pour le fer < 0,0028% poids: ζ–FeZn13, monoclinique avec 28 atomes dans la cellule élémentaire ; δ1–Fe Zn7 – Fe Zn10 ; Γ–FeZn3 cubique; Fe5Zn21 cubique.
Traitements par diffusion
181
zinc fondu on forme une couche de composé intermétallique, une phase riche en zinc. Le procédé continue avec une interdiffusion des deux métaux. Plusieurs phases riches en zinc sont connues dans le diagramme de phase fer-zinc. En conséquence on pourrait retrouver sur l’acier une succession de 5 couches d’alliages dont les constituants sont résumés dans le tableau 12.1. Tableau 12.1 Les phases intermétalliques Fe–Zn et leurs propriétés mécaniques. Alliage
% fer
Structure
Microdureté
η
< 0,03
hexagonale
300-500
ζ
5-6
monoclinique
1800-2700
δ
7-12
hexagonale ihcp
2500-4500
γ
21-28
D8 cubique face centrée
4500-5500
La réalité est tout autre, comme le montrent les figures 12.8 et 12.9. Leur observation suggère le mécanisme suivant: • diffusion du fer vers la surface et formation de la première couche de composé compacte accompagnée par une dissolution partielle du fer dans le zinc fondu; • précipitation du composé ζ à partir de la fonte sursaturée; • remplissage partiel des pores par la fonte de zinc.
Fig. 12.8 Coupe métallographique d’un dépôt de zinc par galvanisation à chaud sur du CK15 mettant en évidence 3 différentes zones. Une couche compacte d’un composé intermétallique avec 5-7% at. de Fe, une zone de précipitation de dentrite, formée d’un composé avec env. 5% at. de fer. L’espace entre les dentrites est partiellement rempli d’un composé avec une composition semblable. Proche de la surface des précipitations plus fines dans une matrice de zinc solidifié (par courtoisie de Galvaswiss SA).
182
Analyse et technologie des surfaces
Fig. 12.9 Idem après une attaque dans une solution de 2 % de HNO3 dans l’éthanol.
L’utilisation de la galvanisation à chaud semble limitée aux dépôts suivants: • zinc, • aluminium, • étain pur et alliages plomb-étain, • plomb. Son application la plus connue est probablement la protection contre la corrosion des carrosseries de voitures. Dans ces procédés on aura donc toujours un métal fondu en contact avec un solide. Quelques applications spéciales Le zinc combine un bon comportement passif pour le revêtement indemne avec une protection cathodique en cas de fissure ou égratignure. Nous trouvons quelques restrictions sur les épaisseurs qui sont régies par les normes NF A 91121 et NF A 91122 (tab. 12.2). Il est difficile de s’approvisionner en objets aciers non galvanisés, par exemple en visserie. L’aluminium est appliqué sur tôles en continu pour la protection contre la corrosion des pots d’échappement. L’étain est déposé sur des aciers faiblement alliés, des fontes et alliages cuivreux pour des applications alimentaires: laiterie, charcuterie, etc. Les alliages Sn60Pb40, proches de la composition eutectique, sont utilisés pour des objets d’électrotechniques prêts au brasage en alliages cuivreux. L’alliage Sn15Pb85 est utilisé pour des connections de batteries, du matériel de distribution d’essence, du matériel de radiologie.
Traitements par diffusion
183
Tableau 12.2 Spécifications pour les épaisseurs de zinc pour différents objets et applications. Articles
Epaisseurs [µm]
Utilisations
Epaisseur de paroi 0,1 m) trop fragiles, très visqueux
Mauvaise adhésion aux métaux, incolore, Laques amovibles, cartes et papiers laqués, bois, ne ternissent pas laque à cuisson pour automobiles, laquage métallique
Laques pour bois, métaux, papiers, acétates, cuirs, textiles, ongles
Esters de cellulose
Séchage le plus rapide
Cétones, di-acétates, acétones ou éthers
Domaines d’utilisation
Nitrocellulose
Propriétés techniques
Solvants
Famille de polymères
Tableau 14.1 Familles des polymères et leurs propriétés et utilisations dans les laques.
Revêtements à partir d’une phase liquide 207
208
Analyse et technologie des surfaces
Structure des principaux liants thermoplastiques Le radical vinyle a pour formule C H2 = C H. où le symbole . indique un électron non appareillé, donc une possibilité de liaison. Les polymères de la famille vinyle diffèrent par la nature de ce qui est lié à cet endroit, désigné généralement par R. Les mères vinyliques sont donc représentées par la formule C H2 = C H–R Par polymérisation de ces mères, on obtient des chaînes –C–C– et les R sont fixés sur les côtés de ces chaînes à un C sur deux. Chaque chaîne/molécule peut comporter des centaines de milliers d’atomes de carbone. Le poids moléculaire est donc variable dans une large gamme. La distribution de poids moléculaire du liant est donc, à part sa formule, une des caractéristiques essentielles qui vont déterminer son comportement à l’utilisation: viscosité, température de transition vitreuse, etc. Ils sont choisis dans des gammes différentes selon la méthode d’application et l’emploi prévu: • Le polychlorure de vinyle R: Cl Les Cl liés sur les côtés de la chaîne C–C possèdent une grande affinité pour les électrons et par conséquent, dans la liaison C–Cl, le chlore attire les électrons du C. La liaison devient partiellement ionique. Ceci causera des forces de Coulomb entre les ions de chlores et les ions de carbone. Ce caractère partiellement ionique rend le PVC pur fragile, comme des matériaux avec liaison ionique. • Le polystyrène R: C6 H5 La présence des «gros» noyaux benzéniques sur les côtés des chaînes –C–C– rigidifie le matériau par empêchement stérique. Copolymérisé avec l’acrylonitrile et mélangé à du caoutchouc butadiène, on obtient un polymère moins cassant: l’ABS (acrylonitrile-butadiène-styrène). • Les acétates polyvinyliques R: –O–C O–C H3
Revêtements à partir d’une phase liquide
209
• Le polymétacrylate de méthyle CO–OCH3 –C H2–C– C H3 Le tableau 14.2 résume les propriétés techniques et les principaux champs d’application des différents liants. Liants à séchage chimique L’équivalent des «thermodurcissables» sont les laques à séchage chimique. Dans ce cas, un composé à bas poids moléculaire réagit avec un autre composé – poids moléculaire bas ou élevé – par une des polyréactions suivantes pour former le feuil: • polymérisation, • polycondensation, • polyaddition. Les molécules sont pontées ou réticulées. Selon le mécanisme qui déclenche la réaction, on distingue: • les laques à séchage oxydatif, • les laques à durcissement à froid, • les photolaques, • les laques pour séchage au four, • les laques pour faisceau d’électrons, etc. La famille des laques à polymérisation comprend les solutions de résines polyester dans des monomères qui sont capables de copolymérisation comme le styrol ou les acides acryliques. Elles peuvent être exemptes de solvant, comme c’est le cas pour les laques pour le bois de l’industrie de meubles. Les laques par polycondensation nécessitent un chauffage, par exemple dans des fours de cuisson, pour ponter. Nous trouvons dans cette catégorie: des urées, des mélamines et des résines phénoliques avec d’autres générateurs de feuil comme les résines de polyester ou alkyliques. Dans ces cas, la polycondensation libère de l’eau, des alcools ou du formaldéhyde. Mais il existe aussi des réactions sans produits volatils comme les résines époxydes et les liants réticulants par l’isocyanate. Les liants très réactifs avec réaction à froid sont stockés séparément: laques à deux composants. Les laques réelles sont souvent basées sur un mélange de différents liants pour obtenir le compromis optimal entre: viscosité, capacité pour pigments, méthode d’application, séchage et propriétés mécaniques du feuil.
Résines époxydes: voir schéma séparé Résines Polycondensation Xylol, esters silicones: laques assistée par acétiques et polysiloxanes catalyseurs glycoliques Polyesters, incompatibles avec d’autres polymères
La plupart des autres liants
Résistance à la température (jusqu’à 500 ˚C avec pigmentation appropriée) perméable à la vapeur d’eau, antiadhésifs, meilleure résistance chimique, dureté la plus élevée, immuable sous U.V.
Revêtement de cuisinières, fours, appareils chauds, façades haut de gamme, signaux de trafic, moules, lunettes en métacrylates
Bateaux, émaux de ménage, protection corrosion pour bâtiments, bois extérieur, parquets, peinture de base, laques à cuisson industrielle, impression papier Tôles, remplissage pour bois, métaux, marbre, plastiques bois en plaques, Bonne compatibilité avec tous les maté- Machines, équipements industriels, riaux de substrats, dureté, avions, wagons, camions citernes, élasticité, résistance à la fatigue, inerte sols, meubles, parquets, articles de contre eau, huiles et solvants, sport, textiles, cartons, papier durcissement rapide
Spray, trempe, spinning
Toutes
Rouleaux, spray, poudres, spatule,
Toutes
Large gamme de propriétés mécaniques et chimiques, thixotropes, brillants, bonne adhésion sur substrats difficiles, séchage indépendant de température et humidité
Méthodes d’application Toutes
Grande diversité de solvants, aqueux, essences Xylol et autres aromates Solvants organiques, exempts de solvants
Peinture de fond, peinture électrophorétique dans l’automobile Peinture incolore du bois
Domaines d’utilisation
Large gamme de propriétés mécaniques Carrosseries, caches pour céramiques Immersion, et chimiques électrophorèse
Se combinent Propriétés techniques avec Résines alcy- Limités en épaisseurs écologique, diques séchage lent, résistent mal aux attaques chimiques: saponification Non ternissant
Dispersions Mélamines aqueuses, sans solvants
Polymérisation
Ester de cellulose + polyuréthannes Résines acryliques
Polymérisation, polycondensation, activation optique ou thermique Résines Copolymérisation: alcydiques styrol et autres vinyles, silicones, urethannes, PVA, PA Polyesters à poids Polyaddition avec moléculaire aminoplastes avec faible catalyseurs Polyuréthannes: Polyaddition PUR (oxydation par air ou eau)
Oxydation par l’air Essences de test
Solvants
Laques à huile
Famille de liants Durcissement
Tableau 14.2 Familles de liants et leurs applications.
210 Analyse et technologie des surfaces
Revêtements à partir d’une phase liquide
211
Pour illustrer la grande variété de mélanges, propriétés et méthodes de mise en forme, qui caractérisent la plupart des systèmes, nous donnons un schéma pour les résines époxy. Il existe quatre familles de polymères thermodurcissables, donc de liants à séchage chimique: • Basés sur le formaldéhyde: CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2 CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
CH2
avec les motifs structuraux suivants: formo-phénoliques, formo-aniline, mélamine-formol, urée-formol. • Basés sur les polyesters insaturés:
CH
CH
CH M CH
CH
CH2-C6H5 CH CH
M M CH
• Basés sur les polyépoxydes:
212
Analyse et technologie des surfaces
• Basés sur les polyuréthannes:
Photolaques Les photolaques sont des laques avec des liants qui sont modifiés par l’action de la lumière, par exemple par une réaction de photolyse. Elles sont utilisées pour la réalisation de microstructures (fig. 14.1 et 14.2). Les photolaques sont donc la base de l’industrie microtechnique. On distingue les photolaques d’un ton négatif ou positif. Pour les photolaques à ton positif, la lumière détruit l’action du liant, par exemple en le dissociant – elle diminue son poids moléculaire. La laque devient soluble dans les sections exposées à la lumière et peut être enlevée par un rinçage.
Fig. 14.1 Microstructure en laque. Etape intermédiaire pour un dépôt sélectif (technique lift off) ou un gravage sélectif (technique etch off).
Fig. 14.2 Détail du précédent montrant la résolution possible.
Revêtements à partir d’une phase liquide
213
Pour les photolaques à ton négatif, l’action de la lumière augmente le poids moléculaire. Il s’agit d’une polymérisation. Les parties qui n’ont pas été exposées à la lumière peuvent être délaquées par rinçage. De nos jours, ce sont les photolaques à ton positif qui sont utilisées quasi exclusivement. Ces laques permettent la fabrication de composites micro- et nanostructurés par photolithographie ou de pièces fines par découpage chimique. Dans ces procédés une couche uniforme de laque est appliquée sur une plaquette du matériau choisi: silicium, acier, etc. La technique préférée est le «spinning». Laques anaphorétiques et cataphorétiques Il s’agit de laques qui combinent une méthode d’application «électrochimique» avec un durcissement par cuisson. Dans ce procédé, des résines époxides sont rendues solubles dans l’eau par une neutralisation à l’acide acétique. Leur solubilité restera fortement dépendante du pH. On utilise bien sûr de l’eau déionisée. Si les pièces sont soumises à une polarisation, leur surface se couvrira d’une enveloppe ou le pH sera plus élevé (anaphorèse) ou plus bas (cataphorèse). L’épaisseur de l’enveloppe est déterminée par la surtension de diffusion (chap. 16). Le changement du pH provoque une baisse de solubilité et par conséquent une précipitation de particules de résines agglomérées. 14.2.3 Pigments et charges Les pigments et les charges sont des matières qui sont sensées ne pas participer à la formation du feuil. L’ingénieur doit respecter leur aptitude à se mélanger et leur non-réactivité avec le liant. L’usage courant est de les sélectionner pour conférer au revêtement une interaction voulue avec les ondes électromagnétiques: absorption ou réflexion dans une gamme du spectre. Les pigments et les charges courants donneront donc à la laque sa couleur et son pouvoir de recouvrement. Ils possèdent des propriétés physico-chimiques que l’on veut conférer à la laque: résistance à la corrosion, solubilité dans un solvant ou un électrolyte donné, décomposition dans un environnement défini, changement de couleurs, magnétisme, conductivité électrique, absorption des rayons X, réflexion de l’UV, etc. Une application importante sont les matériaux autolubrifiants tels que graphite et bichalcogéniures lamellaires qui sont combinés avec une grande gamme de liants pour former les laques de glissement. Le liant est choisi dans ce cas pour ses propriétés mécaniques. Les applications comprennent les supports des turbines à gaz pour centrales thermiques, des pièces de micromécanique, etc. Traditionnellement, on considère les charges comme des matières meilleur marché que les liants, qui augmentent aussi le pouvoir de recouvrement par absorption de lumière visible: craie, Kaolin, terre, mais ils sont moins performants. Cette vue est précisée par les normes DIN 55945 et 55943 qui définissent un pigment comme une charge dont l’indice de réfraction excède 1,7.
214
Analyse et technologie des surfaces
Une laque chargée est un microcomposite avec toutes les conséquences sur les propriétés mécaniques et physico-chimiques spécifiques. Curieusement cet aspect ne semble que peu exploité. Une exception notable est l’utilisation de laques pour la métallisation en micro-électronique et micro-optoélectronique, par exemple dans le domaine des nouveaux affichages plasma. Pigments et charges doivent avoir une granulométrie très fine (0,1-3 µm) sauf pour des applications où l’on recherche une structuration. Pigments minéraux Les pigments les plus courants avec leurs couleurs sont résumés dans le tableau 14.3. Tableau 14.3 Pigments inorganiques et leurs couleurs. Composé
Formule chimique
Couleur
TiO2
Blanc
Hématite
α−Fe2O3
Rouge
Magnétite
Fe3O4
Noir
γ−FeOOH
Jaune
ZnS + BaSO4
Blanc
α−Cr2O3
Vert
α−Cr2O3.n H2O
Vert
ZnO + PbSO4 + PbO
Blanc
Anastase et rutile
Goethite Lithopone Oxyde de chrome Hydrate d’oxyde de chrome Blanc de zinc Carbonates, sulfates, et silicates du Ca, Mg, Ba et Al Mélanges de spinelles Mélanges de rutiles Blanc de plomb Chromates Rouge de molybdate Mélanges de wurtzites à base de CdS
Blanc MgxAly(Ni,Fe++, Co, Cu, Mn)1–x (Fe+++Cr)2–y O4
Couleurs diverses
Tix (Ni, Fe, Co, Cu, Mn)1–x O2
Couleurs diverses
PbCO3 + Pb(OH)2
Blanc
Pb(Cr, S)O4
Jaune
Pb(Cr,Mo,S)O4
Rouge feu
CdxZn1-xSy(Se,O)1–y
Jaune, jaune verdâtre, orange, bordeaux selon composition
L’origine des propriétés optiques est différente pour les différents pigments (voir volume 18 du TM pour plus de détails sur les propriétés optiques des matériaux). Dans le cas du rutile on utilise son coefficient de réfraction particulièrement élevé pour provoquer une diffraction intense de la lumière par les pigments dispersés dans une matrice à coefficient de diffraction optique faible. Dans le cas des wurtzites, on utilise directement l’absorption forte de lumière de ces semiconducteurs, quand l’énergie des photons est la largeur de la bande interdite. Parmi les couleurs minérales ce sont les couleurs les plus vives. Ce sont des matériaux pour
Revêtements à partir d’une phase liquide
215
la conversion photovoltaïque de la lumière. Dans les spinelles, les couleurs sont dues au rôle des oxydes des métaux de transition, dont la plupart sont colorées. L’effet correspond à celui des pierres précieuses à base de corindon. L’alumine est un isolant. Cette propriété donne toujours à ces couleurs une fluorescence: un déphasage entre absorption et réémission de la lumière. Ce sont des matériaux à laser. Pigments organiques Les pigments organiques sont comparables aux spinelles, mais avec l’avantage qu’ils peuvent se dissoudre dans la matrice et transformer le liant en pigment. On obtient ainsi une coloration très intense et brillante mais aucun effet de recouvrement. L’analogie avec les verres est encore plus indiquée. Les liants sont toujours des polymères à l’état vitreux et les colorants organiques sont des molécules incorporées qui absorbent la lumière d’une certaine longueur d’onde. On distingue trois groupes: les pigments à groupe azo, polycycliques et à complexes métalliques (tab. 14.4). Tableau 14.4 Familles de pigments organiques. Pigments azo Jaune hansa Pigments disazo Benzimidazolon β-naphtole Pyrazolchinazolon Naphtole AS
Pigments polycycliques
Pigments à complexe métallique
Chinophtalone Anthrachinone Flavanthron Isoindoline Pyranthron Périnone Chinacridone Diket-pyrrolo-pyrrole Pérylène Thioindigo Dioxazine Indanthrone
Ni-isoindoline Cu-phtalocyanine-
Les pigments dans le tableau 14.4 sont des familles de colorants. Nous montrons un benzimidazolon qui est très répandu dans le laquage des carrosseries de véhicules: O
R2 R3
H N
N
N
C O
R4 R5
H
CH3
N
H
O
216
Analyse et technologie des surfaces
Ce type de molécule donne entre autres les couleurs résumées au tableau 14.5. Tableau 14.5 Différents colorants à base de benzimadozolone. Désignation
N˚ formule
R2
R3
R4
R5
Nuance
Jaune 151
13980
COOH
H
H
H
Jaune verdâtre
Jaune 154
11781
CF3
H
H
H
Jaune verdâtre
Orange 36
11780
NO2
H
Cl
H
Orange
Orange 60
11782
Cl
H
H
CF3
Jaune rougeâtre
Orange 62
11775
H
H
NO2
H
Orange jaunâtre
Le recouvrement ne peut être que le résultat d’une réfraction, qui nécessite la présence d’une structure pluriphasique. Un mélange monophasé ne peut pas recouvrir. 14.2.4 Additifs On appelle additif une matière dont on ajoute 0,1-1% à la laque. On peut distinguer trois groupes d’additifs: • ceux qui ont comme rôle de conférer une propriété supplémentaire au feuil; ce sont les mêmes qu’on utilise à cette fin dans les polymères: – anti-pourrissants, fongicides, bactéricides, absorpteurs U.V., inhibiteurs de corrosion, ignifugeants; • ceux qui facilitent la mise en forme en modifiant les propriétés thermodynamiques: – émulsifiants, – dispersants; • ceux qui modifient les réactions de polymérisation: – siccatifs, – agents anti-croûtes. 14.2.5 Jets de fluides, formation et acheminement de brouillards La formation de brouillard par des vaporisateurs est une branche interdisciplinaire entre le génie chimique et l’aérodynamique. Les revêtements de surface sont une application particulière. Un spray de brouillard est un flux de matériaux comprenant deux phases: • un gaz vecteur qui peut être le gaz utilisé pour la production de gouttelettes (pistolets à air comprimé) ou le gaz dans lequel l’opération est exécutée qui est entraîné dans le flux de brouillard par la convection à laquelle celui-ci donne lieu; • des gouttelettes de liquide de taille différente qui, dans le cas d’un revêtement, donneront le dépôt.
Revêtements à partir d’une phase liquide
liquide
217
buse simple
liquide
prémélange interne assisté à l’air
liquide
simplex
air primaire secondaire
duplex
mélange externe assisté à l’air
liquide air
secondaire primaire
buse double
liquide liquide
ventilateur gicleur
liquide
liquide air
avec retour de l’éclaboussure disque
alimentation en excédent (a)
lance à air comprimé
liquide air
gobelet (b)
(c)
buse à air comprimé formation de rideau de liquide en aval
Fig. 14.3 Différents modèles d’atomiseur (selon [14.7]) : (a) atomiseurs à pression ; (b) atomiseurs rotatifs; (c) atomiseurs à air comprimé.
Plusieurs options existent au niveau de la conception de la buse. Elles sont rassemblées dans la figure 14.3. Pour la peinture, il faut tenir compte du fait que les laques sont des fluides non newtoniens, c’est-à-dire des fluides dont la viscosité dépend de la contrainte de cisaillement. On distingue les types suivants: • Atomiseurs à pression: Le fluide est pressé à travers un orifice dont la forme et la décompression produisent le jet et qui peut être le suivant: – Trou: l’atomisation la plus fine est obtenue avec le trou le plus petit. Les différences de pression ∆p sur la buse sont de l’ordre de 150 kPa et on obtient des cônes dont les angles varient entre 5˚ et 15˚. – Buse à cône creux simplex: pour agrandir l’angle du cône on confère au fluide une rotation autour de l’axe du trou. Ceci est obtenu par une injection radiale dans une chambre de sortie. En fonction de ∆p, on obtient différentes formes du jet de sortie montrées dans la figure 14.4. – Buse à cône creux duplex: ils se distinguent par le fait de disposer de deux amenées séparées une pour ∆p faible et une pour ∆p important, ce qui étend la gamme opératoire. – Buse mi-plate: ils produisent un jet plan elliptique avec une distribution particulièrement étroite de la taille des gouttelettes même pour des liquides non newtoniens. Ils sont donc particulièrement bien adaptés à beaucoup d’applications de peinture. Le jet de liquide est injecté radialement dans une cavité hémisphérique qui est coupée par une fente en V.
218
Analyse et technologie des surfaces
• Atomiseurs rotatifs: dans les atomiseurs rotatifs, le liquide coule sur une surface en rotation, qui l’entraîne par frottement pour le projeter dans sa direction de flux. Il existe des atomiseurs à disque simple, à disque à fentes et à gobelet conique. • Atomiseurs à air comprimé: il existe deux variantes, ceux à atomisation interne et ceux à atomisation externe. Le fait de séparer la formation du jet (d’air) de la formation de gouttelettes donne à ces systèmes une grande souplesse. On peut en particulier régler indépendamment la forme du jet (∆p de l’air), la taille et la proportion de gouttelettes de liquide (∆p du liquide). Du point de vue construction, on peut combiner les différentes buses discutées plus haut pour les deux fluides. Pour les liquides très visqueux et non newtoniens, on préfère l’atomisation interne. La plupart des évaporateurs produit un jet de liquide continu, qui se transforme en gouttelettes par la suite. Cette désagrégation est le résultat de la formation d’instabilités dans le jet, qui subit une évolution de sa surface imposée. Elle est montrée dans la figure 14.5.
(a)
(b)
(c)
(d)
Fig. 14.4 Influence de ∆p sur la forme du jet et la cinétique de désagrégation pour une buse simplex à cône creux:(a) formation de tulipe : haute viscosité et/ou ∆p faible, (b) désagrégation de la lamelle par contraction du bord, (c) et (d) désagrégation par formation d’ondes transversales.
Revêtements à partir d’une phase liquide
219
Fig. 14.5 Photo illustrant la ségrégation par formation d’ondes transversales.
L’étude de cette désagrégation est un problème intéressant de la mécanique des fluides. Les paramètres qui déterminent ce comportement sont donc les viscosités du liquide et de l’air et la tension superficielle du liquide. Plusieurs nombres sont utilisés pour caractériser les différents matériaux: • nombre de Reynolds:
φl vs Re = --------vl
(14.1)
• nombre de Weber:
φ l ρ l v s2 We = ---------------γ
(14.2)
• nombre d’Ohnsorg: We η Oh = ------------ = --------------Re γφρ l avec φl : ρl : vs : γ: νl :
(14.3)
diamètre du jet de liquide. densité du liquide. vitesse du liquide à la sortie de la buse. tension superficielle du liquide. viscosité cinématique du liquide.
Différentes définitions sont utilisées pour le diamètre caractéristique. Pour le laquage, le diamètre de volume moyen semble le plus utile:
Apprentissage facile, rendement élevé, bonne uniformité
Bonne finition, travail continu possible, petits lots Nécessite air comprimé, mauvais possibles, revêtements minces et épais, changement de rendement, hygiène de travail déplorable, couleurs facile non écologique
Feuil homogène en épaisseur, peu de brouillard, se prête pour laques visqueuses
Rendement élevé, épaisseur uniforme, bon recouvrement des arrêtes
Economie de solvant, plus écologique
Combine les avantages et les inconvénients des deux
Méthode simple, rendement élevé, économique, automatisation possible
Epaisseur uniforme, bon recouvrement des arrêtes, excellent rendement, écologique
Economique, rendement élevé
Bon rendement, économique
Rendement élevé, automatisation facile, simple, épaisseur uniforme
Epaisseur contrôlée finement par la vitesse de rotation de l’objet
Rendement élevé, automatisation facile, épaisseur très uniforme, cadence élevée
Rouleau
Projection à l’air
Projection airless
Projection électrostatique
Projection à chaud
Projection airmix
Plongée
Electrophorèse
Tambour ou centrifuge
Aspersion multidirectionnelle
Douche
Spinning
Rouleau continu: coil-coating
Applications actuelles
Pièces encombrantes,
Petits articles en grande série: crochets, etc.
Peinture de fond d’articles grande série, automobile
Peinture de fond pour articles de grande série
Laquage industriel
Laquage industriel
Produits industriels de grande série
Pièces encombrantes avec volume important: constructions métalliques et navales
Rouleaux seulement, investissement important
Tôle et ruban prélaqué
Ne se prête que pour objets plats d’une taille Photolaques en micro-électronique, lunettes limitée
Pièces plates seulement, équipement spécial Meubles
Epaisseur peu uniforme, évaporation de solvants
Finition médiocre
Investissement important, contrôle du bain nécessaire
Equipement spécial, épaisseur peu uniforme, risque de gouttes
Equipement spécial et personnel formé
Les cages de Faraday ne sont pas recouvertes
Equipement complexe
Laquage en série: automobile, réparations, laquage industriel
Ne se prête que pour surfaces planes, nécessite Constructions métalliques beaucoup de personnel, mouillage médiocre
Nécessite beaucoup de personnel, mauvaise Constructions en acier, grillages uniformité globale et locale
Apprentissage facile, appareillage simple, rendement élevé, applicabilité multiple
Pinceau
Inconvénients
Avantages
Méthode
Tableau 14.6 Méthodes d’application de laques liquides.
220 Analyse et technologie des surfaces
Revêtements à partir d’une phase liquide
221
φ max
φ 30 =
∫
dN φ 3 ------- dφ dφ
φ min ---------------------------φ max
∫
(14.4)
dN ------- dφ dφ
φ min
Des formules et des abaques existent pour déterminer pour chaque type de vaporisateur la taille moyenne des particules à partir des caractéristiques des fluides. La gestion de l’acheminement du brouillard vers la surface peut être améliorée par une charge électrique. Dans ce cas, on crée une décharge plasma à faible courant avec la buse comme cathode. On travaille dans le domaine de la décharge corona. Les électrons créés dans la décharge vont s’attacher aux gouttelettes leur conférant une charge électrostatique. Celle-ci permet, par un jeu de polarisation, de mieux distribuer le liquide. Cette méthode est utilisée dans la production de revêtements optiques, de protection contre la corrosion et la reprographie. 14.2.6 Méthodes d’application de laques Le laquage est toujours un revêtement qui se forme à partir d’une phase liquide. Le feuil est un verre à base du liant qui est obtenu par un séchage. Le transport des constituants de la laque vers la surface peut se faire dans une phase liquide ou des suspensions gazeuses: fumée ou brouillard. Transport du liant sous forme liquide ou brouillard Ce fut pendant longtemps la seule méthode d’application de laques. Une liste des variantes de cette méthode, de leurs avantages et de leurs applications actuelles est contenue dans le tableau 14.6. Transport de la laque sous forme de solide Le tableau 14.7 résume cette technique d’application. Tableau 14.7 Méthodes d’application de laques solides. Méthode
Avantages
Inconvénients
Applications actuelles
Projection électrostatique de poudres
Très écologique, rendement élevé, automatisation facile
Equipement cher, changement de couleurs difficile
Laquage de pièce grande série: quincaillerie, etc.
Frittage en lit fluidisé
Très écologique, rendement 100%
Consommation d’énergie, Petits articles de grande automatisation limitée, série: poêles etc. épaisseur peu uniforme
Projection à la flamme
Rendement faible
Ne peut pas être automatisée
—
222
Analyse et technologie des surfaces
La fonction du champ électrique n’est pas la même dans la projection électrostatique et l’électrophorèse. Dans le premier cas, le champ électrique est un moyen de contrôler le transport, dans le second, il provoque localement – à la surface – un changement de l’environnement physico-chimique, provoquant la ségrégation des composants du feuil du solvant: il s’agit d’électrocoagulation.
14.3 SOLIDIFICATION La solidification des différents matériaux inorganiques est décrite plus en détail dans le volume 1 du Traité des Matériaux et celle des matériaux organiques dans le volume 14. Nous allons donc nous limiter à un aperçu. 14.3.1 Germination et croissance Soit à un instant donné, un certain nombre n d’atomes qui se sont regroupés dans l’état final stable. Une fraction ne se trouvera pas dans des sites de surface. La variation d’énergie libre par rapport à l’état initial, ∆G, est: ∆G = –n∆gv + n'γSR + n''γSS
(14.5)
avec ∆gv : la variation de l’énergie libre par atome entre l’état initial instable et l’état final stable. γSR : la variation de l’énergie libre par atome entre l’état final et les atomes sur la surface du germe. γSS : la variation de l’énergie libre par atome entre l’état final et les atomes sur la surface du substrat. Pour un petit nombre d’atomes solidifiés n = n'', tandis que pour un grand nombre d’atomes transformés il est raisonnable d’écrire n' = α n2/3
(14.6)
n'' = α'n2/3
(14.7)
où α et α' sont des facteurs de forme. Alors ∆G(T, p, c1, cn) = –n∆gv(T, p, c1, cn) + α n2/3γSR(T, p, c1, cn) + α'n2/3γSS(T, p, c1, cn) (14.8) La variation de l’énergie libre avec le nombre n d’atomes qui passent de l’état instable à l’état stable passe par un maximum pour une valeur n*. Cet assemblage de n* atomes constitue un germe.
Revêtements à partir d’une phase liquide
223
L’addition d’atomes supplémentaires fait diminuer l’énergie libre aux conditions de solidification – locales, imposées, actuelles – et correspond à la croissance du germe. De la même façon, la perte d’atomes par rapport à n* correspond également à une diminution de l’énergie libre et à la disparition du germe. Pour le germe
δ∆G/ δn = 0
(14.9)
soit
αγ SR ( T , p, c 1, …c n ) + α ' γ SS ( T , p, c 1, …c n ) n* = 2--3- ------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ∆g v ( T , p, c 1, …c n )
(14.10)
Pour ce germe, la variation d’énergie libre par rapport à l’état initial instable est obtenue en portant cette valeur de n* dans la forme générale de la variation de l’énergie libre: ∆G* =
3 4 ( αγ SR ( T , p, c 1, …c n ) + α ' γ SS ( T , p, c 1, …c n ) ) ------ -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------27 ∆g v2 ( T , p, c 1, …c n )
(14.11)
La vitesse de germination, G, est définie comme le nombre de germes apparaissant par unité de temps et par unité de volume. Elle est donnée par la probabilité que n* atomes acquièrent une énergie libre à la moyenne ∆G*: ∆G* G ( p, T , c 1, …c n ) = A exp – ----------- kT
(14.12)
L’énergie libre que doivent acquérir les n* atomes pour former un germe dépend de deux facteurs: • La variation d’énergie libre entre l’état initial et l’état final, ∆gv (T, p, c1, cn). • Les énergies de surface γSR (T, p, c1, cn), γSS (T, p, c1, cn): toutes choses égales par ailleurs, la vitesse de germination sera d’autant plus élevée que ce terme sera faible. En pratique, la présence d’une autre phase à laquelle les atomes de surface peuvent se lier, augmentera la vitesse de germination. Pour les traitements de surface la germination homogène n’existe pas. Les cas où elle apparaît dans les procédés – par exemple «chute de neige» dans les procédés CVD – sont certainement dus à des poussières présentes sous forme d’aérosol. Le rapport γSS (T, p, c1, cn)/ γSR (T, p, c1, cn) déterminera la relation entre dn/dt et G. Pour un bon recouvrement par un dépôt dense on recherchera γSS / γSR >>1. A cette fin on ajoutera des mouillants aux laques, on préparera la surface par un nettoyage soigné, éventuellement suivi d’un décapage ou d’un prédépôt d’un activateur (primer). Le but étant d’augmenter G et non de diminuer dn/dt. Pour augmenter γSS, on ajoute des dispersants aux laques. Un γSS / γSR trop faible provoque la peau d’orange. Pour les revêtements métalliques on utilise des éléments d’alliage
224
Analyse et technologie des surfaces
pour modifier γSS et γSR. Par exemple, le chrome est un activateur très utilisé pour la métallisation des verres à base d’oxydes. Une fois le germe formé, sa croissance se fait par incorporation des atomes environnants, qui sont en contact avec sa surface et qui acquièrent une énergie d’activation suffisante pour s’adsorber à la surface. La croissance à partir d’une phase gazeuse, la condensation, est traitée à la section 15.1. La croissance à partir d’une phase liquide dans le paragraphe suivant. 14.3.2 Croissance, précipitation et cristallisation La formation d’un revêtement à partir d’une phase liquide peut suivre 3 chemins: • nucléation hétérogène à la surface du substrat, • nucléation hétérogène à la surface, • nucléation homogène ou nucléation hétèrogène sur les charges. Puisque la plupart des matériaux déposés à partir d’une phase liquide sont des microcomposites, dont seulement une phase, la matrice, est mise en fusion, la nucléation à l’intérieur du revêtement peut elle aussi être homogène ou héterogène. Un traitement analogue à celui traité au paragraphe 14.2.2 pour ce cas se trouve dans le volume 1 du Traité des Matériaux. Il est évident que le comportement est déterminé par le rapport S γ AB --------S γ AA
avec
S : la variation de l’énergie libre par atome entre le liquide et les atomes γ AB sur la surface du composant solide. S γ AA : la variation de l’énergie libre par atome entre le liquide final et les atomes sur la surface d’un germe du matériau de la matrice substrat.
Ce sujet est traité en détail au volume 8 du Traité des Matériaux. La nucléation homogène est typique pour les laques à séchage chimique, un S S trop faible entraînera un détachement entre matrice et charge, si le γ AB / γ AA volume de la réaction de polymérisation est négatif. La nucléation hétérogène à la surface peut dominer, quand la solidification est due à l’évaporation du liant d’une laque à séchage physique. Puisque dans ces cas le volume de solidification est toujours négatif, un «séchage trop rapide provoquera des craquelures, surtout si on choisit une nuance brillante, c’est-à-dire un polymère qui sèche dans un état vitreux. La nucléation à la surface est caractéristique pour les revêtements qui solidifient par refroidissement, tels que ceux appliqués par projection ou fusion superficielle. Puisque la chaleur latente de solidification est évacuée par le solide, le front de solidification dans un traitement de surface est plan et les germes croissent en colonnes (fig. 14.6).
Revêtements à partir d’une phase liquide
225
Couche
Surface
Fig. 14.6 Modèle de la croissance fractale des germes sur une surface (d’après R. Messier).
Cette morphologie peut être indésirable dans une application, par exemple parce que le cahier de charges du revêtement spécifie une protection contre la corrosion. Un remède à ces deux problèmes de morphologie est l’application du revêtement par passages multiples, créant une structure mésolaminée. La plupart des additifs des laques ont la fonction de changer les γ.
14.4 REVÊTEMENT MÉTALLIQUE PAR COULÉE OU IMMERSION Le revêtement par coulée ou immersion est une technique ancienne, qui grâce à son faible coût est toujours très répandue pour la fabrication d’objet bimétallique tels que les coussinets. Elle peut être combinée avec un métal vecteur comme dans l’exemple historique de la dorure à l’amalgame: on prépare un amalgame liquide en dissolvant l’or dans le mercure. Cette «peinture» est ensuite appliquée à l’objet à revêtir par immersion ou avec un pinceau. Cette opération est suivie du séchage, une cuisson qui évapore totalement le mercure. Nous devons à cette technologie la plupart des objets dorés de la Renaissance y compris les portes du baptistère du Dôme de Florence (fig. 14.7). Avec une technologie de récupération du mercure, ce procédé est encore utilisé aujourd’hui pour la restauration des antiquités. Le procédé par immersion peut être utilisé en vrac ou à l’attache. Il est utilisé pour des revêtements à basse température de fusion tels que le zinc et l’étain. Le dépôt par coulée simple d’un alliage fondu sur un objet de forme ou une tôle est un procédé très répandu dans la fabrication de paliers et de coussinets. En général, on dépose un bronze de cuivre ou d’aluminium sur un support en acier. La structure typique d’un tel coussinet est donnée dans la figure 14.8.
226
Analyse et technologie des surfaces
Fig. 14.7 Portes du baptistère du Dôme de Florence. Dorage à l’amalgame.
Fig. 14.8 Section métallographique d’un coussinet de l’arbre à cames montrant une structure à 2 revêtements: un alliage CuSnPb appliqué par coulée et un dépôt de AlSn20 déposé par pulvérisation cathodique (chap. 16), (par courtoisie de GLYCO Metallwerke GmbH).
Revêtements à partir d’une phase liquide
227
Il existe des méthodes d’épargne qu’on utilise pour la fabrication de coussinets à rainures. La réalisation industrielle utilise des bobines de bandes avec la largeur du coussinet qui passent sous la buse au fond du four où sont fondus et mélangés les composants du revêtement à partir de lingots. Ce procédé en continu comprend un raclage, des laminages et des traitements thermiques. On produit des revêtements avec une épaisseur de quelques millimètres contrôlés au micron près. La bande revêtue est ensuite découpée et façonnée par déformation froide. Pour les paliers on utilise un procédé de coulée suivi d’un essorage.
14.5 REVÊTEMENTS PAR SOUDAGE, PROJECTION THERMIQUE OU LASER Un arc ou un jet de soudage peuvent être combinés avec un apport de matière important sous forme de barrettes ou de fils dans la zone de fusion. En refroidissant, le métal déposé formera un revêtement, dont l’épaisseur peut être augmentée par des passages multiples. La technique se prête bien pour la réparation, le prototypage rapide ou encore la fabrication de structures autoporteuses avec des matériaux qui ne sont pas faciles à fabriquer par coulée ou frittage. Les méthodes de revêtement par projection suivent toujours la séquence illustrée dans la figure 14.9. La transformation de la matière première en flux de gouttelettes dépend de la forme de la matière première. On utilise ou du fil ou de la poudre. Dans les deux cas, le dispositif de chargement est intercalé dans un flux de gaz porteur, qui est dirigé vers la surface à recouvrir par une buse. Pour un dispositif à fil, on utilise un flux de gaz chaud tel qu’il est produit par la flamme d’un brûleur d’acétylène pour fondre le fil et enlever les gouttelettes par entraînement aérodynamique. Projection au fil
Projection à poudre
Fusion de la matière
Chargement du jet de gaz
Chargement du jet de gaz
Fusion de la matière
Transport vers la surface de l’article
Cladding laser Déposition de la matière sur la surface
Fusion de la matière
Déposition sur la surface de l’article
Solidification et trempe Fig. 14.9 Schéma des procédés de projection et de dépôt par laser.
228
Analyse et technologie des surfaces
Pour un dispositif à poudre, on a plusieurs options pour le lieu d’injection. On peut charger la poudre dans un (le) flux de gaz principal qui traverse une zone de chauffage, où la poudre est fondue avant d’être dirigée vers la surface à recouvrir par une buse (chargement en amont). On peut injecter la poudre dans le gaz chaud dans ou à la sortie de la buse (chargement en aval). Des procédés mixtes sont aussi pratiqués. Le choix est déterminé par la stabilité thermochimique des produits et par le traitement thermique qu’on souhaite lui conférer. La technique se prête bien pour la synthèse de matériaux microcomposites et de matériaux avec gradient fonctionnel. Dans ce cas, le métal ou l’alliage est injecté en amont sous forme de poudre et fondu par chauffage plasma pendant la traversée de la décharge arc. La charge est composée de matériaux durs ou/et de matériaux autolubrifiants qui sont injectés sous forme de poudre en aval de la décharge électrique, puisqu’on ne désire aucune transformation thermique de ces matériaux. Le produit sera un matériau microcomposite. Pour le chauffage, on utilise soit l’énergie chimique d’une flamme, soit l’énergie de réaction d’un composé ou encore l’énergie électrique d’une décharge arc (fig. 14.10).
Fig. 14.10 Les 3 types de jets utilisés en projection : flamme, plasma, détonation (par courtoisie de Sulzer-Metco).
Revêtements à partir d’une phase liquide
229
Pour la décharge, on peut utiliser la radiofréquence, qui est bien absorbée par le gaz et la poudre ou le courant direct. On peut aussi superposer une onde de compression (détonation). Une forme courante d’apport d’énergie ciblé est l’énergie de réaction qui accompagne la formation d’un composé défini ou d’un alliage. Si on chauffe cette poudre à une température qui provoque une interdiffusion importante, l’énergie de réaction va ajouter un échauffement supplémentaire et rapide. Une variante élégante de provoquer la fusion est l’utilisation de poudres binaires de matériaux formant des eutectiques. Leur échauffement en dessus de la température eutectique provoquera une fusion et une interdiffusion complète. Un traitement thermique du revêtement peut suivre le dépôt soit par des passages multiples soit par un passage volontaire avec un pistolet non chargé. On entrevoit la projection comme une méthode de synthèse de matériaux offrant des possibilités de composition et de structure quasiment illimitées pour un ingénieur en matériaux habile. Le tableau 14.8 rappelle les paramètres techniques à disposition en les confrontant avec leur impact métallurgique. Tableau 14.8 Relation entre les paramètres techniques et les conséquences métallurgiques dans la projection au plasma. Paramètre technique
Conséquence métallurgique
Chargement amont
Echauffement maximal du matériau
Chargement aval
Echauffement par le gaz chaud en vol et éventuellement un matériau liquide codéposé
Débit du gaz porteur
Histoire thermique de chaque grain (fig. 9.1)
Distance buse-substrat
Histoire thermique de chaque grain Traitement thermique du dépôt
Vitesse de balayage Poudres binaires
Apport d’énergie de réaction Fonte eutectique
Gaz réactifs
Formation de composés définis
Traitement thermique
Transformations solides-solides Refonte avec solidification contrôlée (épitactique)
14.6 REVÊTEMENT PAR PROJECTION PLASMA Pour la projection au plasma, on combine l’utilisation de gaz comme vecteur pour la poudre avec l’apport de l’énergie de fusion par chauffage plasma. La source consiste donc en deux équipements distincts, le chargeur en poudre du flux gazeux et la buse – appelée aussi pistolet –, où le flux passe entre deux électrodes conconiques,
230
Analyse et technologie des surfaces
entre lesquelles on maintient une décharge à arc DC ou H.F. Cette décharge transformera partiellement le gaz en plasma – les expansions thermique et dissociative donneront au flux une accélération supplémentaire juste avant la buse – et le bombardement électronique et ionique intense transforme la fumée en brouillard. Les gouttelettes frappant la surface y formeront un film liquide, qui se solidifiera et refroidira par une trempe successive. Les problèmes technologiques sont les suivants: • Gestion thermique du parcours Sur le parcours de la sortie de la buse jusqu’à la surface, les gouttelettes vont se refroidir par radiation, refroidissement par convection et évaporation. Ceci entraînera la formation de peaux solides, qui constituent souvent une partie importante du dépôt. Les gouttelettes les plus petites vont se solidifier entièrement et vont être réfléchies par la surface entraînant une perte de matière première. Le problème est intensifié par l’utilisation de jets de gaz refroidisseurs utilisés pour la maîtrise et le contrôle des réactions chimiques. La «solution» consiste en un choix judicieux de la granulométrie de la poudre utilisée. On travaille à la plus haute densité d’énergie possible en pratiquant la projection immergée sous l’eau. C’est la technique de choix pour la fabrication de structures autoporteuses en céramique. • Gestion chimique du parcours Pour un dépôt métallique, on doit éviter l’oxydation ou la nitruration des gouttes sur le trajet. Les solutions consistent à utiliser des gaz vecteurs réduisants (contenant l’hydrogène p. ex.) comme des rideaux de gaz protecteurs entourant le jet ou l’utilisation du vide comme environnement de travail. • Gestion écologique du parcours Le transport de grandes quantités de poudres fines dans l’air pose problème du point de vue de l’environnement et de l’hygiène de travail. Ce problème est aggravé par l’évaporation en parcours. En effet, on peut montrer que pour la plupart des matériaux 10% de la masse sont évaporés sur un parcours de 500 mm à l’état fondu. Cette vapeur recondense sous forme de poudre ultrafine. Il faut d’ailleurs se rappeler que c’est la méthode couramment utilisée pour produire des poudres ultrafines! Elle est difficile à capter par des filtres. Pour rendre la technique compatible avec les exigences minimales, on ne pratique plus la projection qu’en cabine fermée avec un robot qui guide le pistolet. Les problèmes écologiques sont plus faciles à résoudre pour la projection sous vide ou sous eau. La formation de jet d’air est accompagnée d’une émission acoustique intense fort désagréable. Pour des raisons écologiques et d’hygiène de travail, la projection est ou devrait être exécutée par un automate dans une cabine fermée (fig. 14.11).
Revêtements à partir d’une phase liquide
231
Fig. 14.11 Automate dans une cabine face à une table tournante avec la pièce à revêtir (par courtoisie de Sulzer-Metco).
14.7 CLADDING AVEC LASER OU PAR FAISCEAU D’ÉLECTRONS On peut circonvenir les problèmes de la projection thermique ou par plasma en inversant l’ordre des deux étapes fusion-transport. En effet, au lieu de fondre la poudre dans le jet pour transporter les gouttelettes vers le substrat, on peut aussi revêtir le substrat par une poudre qu’on liquéfie in situ pour obtenir par refroidissement successif un corps dense. Les lasers et les faisceaux d’électrons se prêtent bien comme source d’énergie. Dans le cas des électrons, nous retrouvons bien sûr les deux variantes: faisceau à haute tension focalisé ou faisceau à courant fort (pistolet de soudure). L’utilisation d’un pistolet à acétylène semble parfaitement concevable. Le tableau 14.9 explicite les différences entre les deux méthodes.
14.8 ÉMAILLAGE L’émaillage est une technique très ancienne, qui repose sur le fait que le point de fusion de la plupart des verres est nettement inférieur au point de fusion des céramiques et même des métaux. Elle consiste à revêtir l’objet fini par une poudre de verre ou de matériaux vitrogènes et à lui faire subir un recuit légèrement en dessus du point de fusion du verre. Ceci produira une couche mince de verre, < 1 mm, qui formera un revêtement étanche.
Courant par passage vide Oui, surtout céramiques à parois minces Ailettes de turbine, segments de piston, soupapes des moteurs à combustion, réparation
Catastrophique (chap. 18) : faible rendement de Bon, sauf forte consommation d’énergie matière, consommation d’énergie spécifique excessive, hygiène de travail mauvaise à cause de la création de poudres ultrafines
Posttraitement thermique
Fabrication de structures autoporteuses
Applications principales
Bilan écologique
Prototypage rapide, poussoirs de soupapes
Prototypage rapide seulement
Courant, passages successifs à intensité plus faible
Exclu
Introduction en aval de la zone de chauffage/ fusion, technique bien maîtrisée pour polymères bichalcogéniures, etc.
Très courant, notamment des procédés de charge des substrats avec composés réfractaires, donc sans apport de matière fusible
Composites avec composant thermosensible
Fusion partielle du substrat possible mais peu courant probablement à cause de conflits d’optimisation des paramètres opératoires
Interaction avec le substrat
Plus souple notamment par les procédés électrostatiques qui permettent un recouvrement homogène, L’utilisation de boues avec projection, trempe ou spinning est aussi possible et courante
Courant
Vue directe
Transport de la matière vers le substrat
Cladding
Utilisation de matériaux avec fusion eutectique Courant pour améliorer la densité
Projection
Aspect
Tableau 14.9 Comparaison de la projection et du cladding.
232 Analyse et technologie des surfaces
Revêtements à partir d’une phase liquide
233
Fig. 14.12 Médaillon d’émail (par courtoisie de Jean-Luc Peter).
Les utilisations majeures en sont: • la protection contre la corrosion, • la diminution de la rugosité des objets frittés, • la décoration en utilisant la grande gamme de verres colorés (fig. 14.12). Les qualités des revêtements en verre: étanchéité, résistance à la corrosion, etc. sont malheureusement compensées par les défauts mécaniques comme la fragilité. Le développement des laques modernes qui visent les mêmes qualités fonctionnelles a un peu diminué l’importance de ce traitement. Au fond une laque n’est qu’un verre organique. Des développements récents avec des silicates modifiés organiquement – les orcerems par exemple – ont remarié les deux technologies en étendant leur application aux substrats en verre pour nous donner des belles décorations de sapins de Noël et des vitres colorées pour nos bureaux, mais aussi des bocaux de cristal plus hygiéniques. Dans ce contexte, il faut noter que l’augmentation de personnes souffrant d’allergie coïncide avec la substitution des ustensiles de cuisine revêtus d’émail par des ustensiles de cuisine non revêtus.
14.9 RÉSUMÉ La voie liquide permet le revêtement d’objets de toutes dimensions. Son inconvénient majeur reste la formation d’un film d’épaisseur homogène sur toute la surface. Les solutions sont la robotisation et le transport de la matière par un autre vecteur que le liquide. C’est le transport avec activation électrique ou électrochimique qui donne les meilleurs résultats.
234
Analyse et technologie des surfaces
L’autre inconvénient peut être la structure du feuil issu de la solidification. Ce problème ne se pose que dans une moindre mesure pour les revêtements organiques.
14.10 EXERCICES 14.10.1 Dans le laquage automobile un changement de technologie a eu lieu qui comprenait la suppression des solvants organiques: expliquer les méthodes de laquage envisageables. 14.10.2 On a une laque que l’on applique par projection à air. On veut l’utiliser au pinceau. Quel additif doit-on ajouter fort probablement? 14.10.3 Un laquage montre de temps en temps des fissures: quelles pourraient en être les causes? 14.10.4 Le laquage par projection électrostatique pose moins de contraintes pour le liant que les autres sur les propriétés physico-chimiques du liant: quelle famille de polymères tout entière s’y prête bien? 14.10.5 Expliquer les avantages des laques anaphorétiques et cataphorétiques pour la protection contre la corrosion. 14.10.6 On a une laque qui couvre mal la peinture de fonds. Quel constituant faut-il augmenter? 14.10.7 On veut résoudre le problème du manque de compatibilité emf des boîtiers plastiques par une peinture. Pour quel composant de votre laque va-t-on spécifier un matériau particulier et lequel. 14.10.8 Donner une couleur de wurtzite avec la longueur d’onde de 1,2 µm. 14.10.9 Quelle est la différence entre une laque et une craie? 14.10.10 Quelle est la différence entre une laque et un matériau composite à base polymère? 14.10.11 Calculer les poids déposés qui correspondent aux épaisseurs de galvanisation du tableau en tenant comte de la densité des phases. 14.10.12 Expliquer les avantages des revêtements vitreux sur les verres en cristal.
Revêtements à partir d’une phase liquide
235
14.10.13 Calculer le pourcentage évaporé d’une goutte de nickel, d’un diamètre 2 microns sur un parcours de 500 mm. Calculer aussi la perte de chaleur associée avec cette évaporation et la mettre en relation avec la capacité thermique de la goutte. 14.10.14 Dans un procédé de traitement de surface on forme presque toujours une interphase, dont précipite le revêtement. Comment appelle-t-on cette interphase dans le cas d’un laquage et comment appelle-t-on la précipitation du revêtement? 14.10.15 Vous êtes responsable d’un atelier de laquage. Les propriétés d’un produits requièrent un recouvrement épais par un laque à base de polyvinyle chloré. L’application par spray requiert des passages multiples. Préconiser une méthode d’application plus rapide.
14.11 BIBLIOGRAPHIE [14.1] W. BAUMANN et A. MUTH, Farben und Lacke, 1, Springer, 1997. [14.2] G. SCHORRADT, Zerstäubungskennwerte von Hohlkegeldüsen für verschiedene Stott- und Betriebswerte Fortschrittsberichte der VDI, Reihe 7 Strömungstechnik, N˚ 88 VDI-Verlag GmbH, Düsseldorf, 1984. [14.3] U. NÄHER, Spaltung und Verdampfung an grossen Metall-Clustern, thèse Max-Planck-Institut für Festkörperforschung, Stuttgart, 1993. [14.4] P. GEBHARD, Zerfall und Verdampfung von Einspritzstrahlen aus lamellenbildenden Düsen, thèse Technische Universität München, 1996. [14.5] W. SIEFERT, Entwicklung eines Spray Pyrolyse Beschichtungsverfahrens mit erheblich gesteigertem Abscheidegrad, thèse Technische Universität Karlsruhe, 1982. [14.6] H. W. GLASER, Das Zerstäuben von Suspensionen mit Ein- und Zweistoffdüsen, VDI-Fortschrittsberichte, Reihe 7 N˚166, VDI-Verlag GmbH, Düsseldorf, 1989. [14.7] A.H. LEFEBRE, Atomization and Sprays, Hemisphere publishing Co., NY, 1989. [14.8] M.M.R. WILLIAMS, SUDARSHAN K. LOYALKA, Aerosol Science, Theory and Practice, Pergamon press, 1991. [14.9] A. ZOULALIAN et T. ALBIOL, Physicochemical Processes at the Origin of Aerosol Deposition, Commission européenne, directorat général XII, Contrat N˚ FI3S-CT92-0006, rapport final, 1995. [14.10] P. GRANDOU et P. PASTOR, Peinture et vernis, Hermann, Paris, 1969. [14.11] M. VILNAT, La peinture à l’eau arrive dans l’automobile, L’industrie nouvelle, pp. 50-51, février 1994. [14.12] D. JORGOT, M. DIEUDONNÉ, C. HECHT, A. MASSON, O. MOULUT et B. OUVRY, Peintures en phase aqueuse pour l’industrie automobile, Cahiers de note documentaire, Hygiène et sécurité du travail 177, 1999.
CHAPITRE 15
REVÊTEMENTS À PARTIR D’UNE PHASE GAZEUSE (PVD/CVD)
15.1 OBJECTIFS La phase vapeur est la méthode de choix pour le dépôt de revêtements réfractaires. Les lois physiques – et les méthodes industrielles – du transport des vapeurs changent pour différentes gammes de pression. Ceci mène à des conceptions d’équipements de revêtement et d’évaporateur radicalement différentes. L’étude de ce chapitre permet au lecteur de faire un choix en fonction de sa propre application. De part son faible apport de matière, la condensation est la «méthode de trempe» la plus rapide que l’on puisse imaginer (~ 1013 ˚/sec). Ceci permet la synthèse de nombreux matériaux impossible par d’autres méthodes. Les matériaux conventionnels peuvent être synthétisés avec une gamme vaste de défauts ou de taille de grains. Ce chapitre développe les opportunités et les paramètres déterminants. L’ingénieur en matériaux pourra utiliser ses connaissances pour la conception de nouveaux matériaux sans freins technologiques. Le dépôt à partir de la phase vapeur est aussi la méthode de choix pour la création de matériaux nanostructurés.
15.2 INTRODUCTION On distingue traditionnellement deux méthodes de déposition à partir de la phase vapeur: le dépôt de vapeur par voie physique (physical vapour deposition = PVD) et le dépôt de vapeur par voie chimique (chemical vapour deposition = CVD). Le développement d’un nombre grandissant de procédés, qui combinent PVD et CVD, fait disparaître cette distinction. Une distinction possible serait le fait que pour le PVD les évaporateurs sont montés dans le four de dépôt, tandis que pour le CVD ils sont montés à l’extérieur du four. Dans les procédés PVD on utilise l’évaporation, la sublimation ou la pulvérisation par bombardement ionique pour transformer la matière à déposer en phase vapeur. Ces vapeurs sont ensuite condensées sur les surfaces qu’on veut pourvoir d’un revêtement. Evaporation et condensation sont régies par des lois de la thermodynamique de l’équilibre, celle de Clausius-Clapeyron p. e.
238
Analyse et technologie des surfaces
Le procédé peut se résumer par la formule: ASolide chaud AGaz
→ AGaz → ASolide froid
L’absence d’une réaction chimique a donné la désignation: déposition par voie physique. Si on laisse à l’écart la pulvérisation cathodique pour le moment, on peut considérer le PVD comme le transport de la matière d’un corps chaud vers un corps froid. Dans le CVD on utilise une ou plusieurs vapeurs (deux étant de loin la variante dominante) qui réagissent entre elles sur une surface pour former un composé défini et des produits de réaction volatils: AGaz + BGaz + surface chaude
→ CSolide + DGaz + ...
Dans le cas où on n’a qu’un gaz A au départ, on parlera plutôt de pyrolyse ou de polymérisation, la différence des deux procédés résidant dans l’importance des produits volatils qu’on a l’habitude d’associer au premier cas. Nous rencontrons les procédés CVD et PVD dans notre environnement quotidien. Le PVD produit le givre sur nos fenêtres et le CVD le dépôt de suie dans nos cheminées. On peut aussi utiliser le PVD pour embuer les lunettes en vue de nettoyage. Les premières applications industrielles du PVD datent des années 1930: revêtement des disques de phonographes en shellack par des oxydes durcisseurs et des étoffes par une couche métallique pour leur donner du lustre. La première application est toujours d’actualité avec une adaptation à l’évolution technique des moyens utilisés pour l’enregistrement de la musique (fig. 15.14). La délimitation entre les deux procédés doit être revue si on veut inclure les procédés suivants. Le PVD réactif correspond à la suite: ASolide chaud AGaz + BGaz
→ AGaz → CSolide froid (+ DGaz)
Une analyse plus détaillée des procédés rend illusoire l’utilisation de signes distinctifs simples. Dans la plupart des cas on travaillera sous des conditions où la vapeur A réagira avec le gaz B adsorbé à la surface (en PVD aussi bien qu’en CVD). Mais il existe des cas où la réaction du gaz B se produira aussi, et même surtout, à la surface de l’évaporateur. Cette réaction est suivie d’une sublimation ou d’une pulvérisation du produit C qui après son passage de transport vers les substrats y condense. Mais en général il n’y a pas d’ambiguïté: les procédés CVD produisent toujours une émission de produits de réaction. Les procédés PVD utilisent toujours une mise en vapeur d’un des réactifs dans le réacteur.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
239
Une deuxième différence majeure est la distance de l’état initial de l’équilibre, la driving force de la réaction. Dans le PVD, elle est toujours si grande que l’on peut négliger la réaction inverse, qui serait la ré-évaporation partielle de la matière déposée. Dans le CVD, on trouve une large gamme de différences de potentiel chimique. Mais il y a toujours un décapage partiel du revêtement déposé par les produits de la réaction. Il est utile pour la discussion qui suit de définir une caractéristique κ de la façon suivante Flux de matériau condensant sous forme de revêtement κ = -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Flux de matériau réémis du revêtement Un κ faible nécessite des pressions de travail plus élevées pour atteindre la même vitesse de déposition nette. Cette nécessité est confirmée par le fait que grosso modo parmi les procédés CVD, ceux avec un κ élevé sont exécutés à pression réduite, tandis que ceux avec un κ faible sont exécutés à la pression atmosphérique. Le PVD se fait toujours sous vide.
15.3 ÉVAPORATION Pour la plupart des applications, on évapore la matière dans des conditions proches de l’équilibre. Dans ces conditions on peut appliquer la loi de ClausiusClapeyron pour l’évaporation: ps HV - + C0 ln -----0- = – ------p RT s
(15.1)
avec ps :
pression partielle de la vapeur de l’élément dans la phase gazeuse en équilibre avec un solide ou un liquide qui le contiennent. HV : enthalpie molaire d’évaporation. C0 : une constante caractéristique de l’élément. R: constante universelle des gaz. T: température en K. 0 p s : pression partielle de référence à la température T, pour laquelle HV /RT 0 = C 0.
Les pressions de vapeur des différents éléments en fonction de la température sont données dans la figure 15.1. On peut donc régler la pression d’équilibre de la vapeur en faisant varier la température dans le creuset. La gamme est néanmoins limitée par la température d’ébullition.
Analyse et technologie des surfaces
50
0
50 100
température degré centigrade 200 300 400 500 600 800 1000 1500 2000
3000
103
4000 5000 6000 7000 1
Pd Hg
Te2
102 ΣS
ΣCs
P4 S
As4 S
101
Cd Zn
Mg
Th
Ca Li
Ca
ΣBi
B
Fe
ΣC S
Re
10–1 Os
10–2 Ag
Y
Cu
10–3
1 ln l
pression vapeur en torr [mm Hg]
10–1
Ga l
Pt
La
Au
10–4
10–2
10–5
10–3
10–6
10–4
10–7
10–5
10–8
10–6
10–9
pression vapeur en bar
240
Hg
10–7
10–10 Fe La
10–8
10–11 Cd
Zn
Pd Y
Ca
Th
10–9
10–12
ΣS
Ga l
Te2
10–10 P4 As4 S S
ΣCs
Mg Li
ΣBi
ln l
Ag
Al
Cu
Co
Pt
Au
0
50 100
Re
10–13
ΣC Os S
B
10–11 200 300 400 500 600 700 800 9001000 température degré kelvin 50
Ir
1500
200 300 400 500 600 800 1000
2000
1500
3000 4000 5000 6000 8000 température degré centigrade 3000 4000 5000 6000 7000
2000
103
1 ΣSb
102 ΣPo
101 Rb
Pb
Sr
Mo
Be Ge
Mn
Cr
Na
W
10–1 ΣSi
Rh
Ta
10–2 Ru
Ti
10–3
1 Sn l
Tl
K
V
10–4
ΣSe
10–2
10–5 Nb
10–3
10–6
10–4
10–7 ΣSb
10–5
10–8
pression vapeur en bar
pression vapeur en torr [mm Hg]
10–1
Ni
10–6
10–9
10–7
10–10
10–8
10–11 ΣGe
Tl
10–9
10–12 Rb
Sn l
ΣSb
ΣSe
10–10 K
10–11 200
Na ΣPo
Sr
Pb
Mn
Be
Sc
Ni
Ti
Cr ΣSi V
300 400 500 600 700 800 9001000 point de fusion estimé S = solide l = liquide
Rh
Ru Mo
1500
Nb
W
10–13
Ta
2000
3000
4000 5000 6000
température degré kelvin
Fig. 15.1 Pressions de vapeurs des éléments en fonction de la température.
8000
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
241
température degré centigrade 50
0
50 100
200 300 400 500 600 800 1000
1500
2000
3000
4000 5000 6000 7000
103
1 Eu
102 Al2
Fr
Pu l
Dy Gd
Ba
Am Nd
Tm
Tb Pr
10–1
Ce
101 1
10–2 U
10–3
10–1
10–4
10–2
10–5
10–3
10–6
10–4
10–7
10–5
10–8
10–6
10–9
10–7
10–10 Yb
Tb
Ac
10–8
10–11 Er
Ra
10–9
pression vapeur en bar
pression vapeur en torr [mm Hg]
Sm
Fr
Eu
Pr
Lu
Tc
10–12
Dy Nd Pu l Ce
Hf
10–10 Al2
10–11200
Ba
Sm Tm Am Ho
Gd
U
10–13
Zr
300 400 500 600 700 800 9001000 1500 2000 3000 point de fusion température degré kelvin estimé S = solide l = liquide
4000 5000 6000
8000
Fig. 15.1 (suite).
Les praticiens ont l’habitude de lire la formule (15.1) dans l’autre sens. Ils partent du principe que pour un taux important d’évaporation, la pression totale devra se situer aux alentours de la pression partielle de la vapeur à cette température. Les courbes leur permettent donc de choisir la pression utile maximale de travail. La vitesse d’évaporation va dépendre des conditions de transport. Elles détermineront la pression partielle de la matière i au-dessus du creuset, pi. Les méthodes pour déterminer les pi sont traitées dans le paragraphe 15.4.2 pour le vide poussé et dans la section 15.10 pour les flux laminaires ou turbulents. On pourrait utiliser la convection naturelle causée par la surface chaude du creuset. Les méthodes industrielles utilisent presque toujours le vide poussé. Les méthodes au vide grossier en développement utilisent la convection forcée avec des pressions dans le domaine du mbar. Dans tous les cas, on aura la relation suivante pour le flux d’évaporation Q: p Q ∼ ln -----s pi
(15.2)
Dans le cas du vide poussé, pi est maintenu très bas en dessus du creuset. On peut considérer que toute la vapeur qui quitte la surface est acheminée vers la
242
Analyse et technologie des surfaces
surface froide, qui se trouve à une distance inférieure à la distance de libre parcours moyen:
α ( ps – p ) ∆N ---------- = ----------------------A∆t 2 π M i kT
(15.3)
Dans le cas d’un alliage, on a les options suivantes: • Travailler à une température du creuset où les pressions de saturation des deux éléments sont les mêmes. • Accepter une distillation fractionnée. Le facteur de fractionnement, α, de deux éléments 1 et 2 est défini par p1 α = -----S2pS
(15.4)
Dans le cas de l’évaporation sous vide poussé, il détermine aussi la composition du revêtement. • Utiliser une interaction dans le creuset. En effet, pour une fonte composée de plusieurs éléments i avec des concentrations ci, on aura H Vi = H Vi ( c 1, c 2, c j )
(15.5)
ou en première approximation H Vi = H Vi + Σ j H Vij ( c i c j )
(15.6)
avec H Vij , l’enthalpie libre de formation du composé ij. Dans le cas de composés définis avec une enthalpie de formation importante – tels les oxydes – cette relation nous donne une évaporation congruente des composants. Un autre exemple est la coévaporation d’un alliage chrome/aluminium à partir d’une fonte en titane. Les grandes différences de l’enthalpie libre d’évaporation du chrome et de l’aluminium rendent la coévaporation difficile: H VCr >> H VAl Mais cette différence peut être atténuée par une dissolution des deux métaux dans une fonte de titane, puisque H VAlTi > H VCrTi
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
243
• Eviter l’équilibre en alimentant un creuset chaud avec de faibles quantités d’alliage à la fois. On s’assure que toute la matière fournie est évaporée dans un délai très bref. Cette méthode est connue sous le nom d’évaporation flash. • Utiliser plusieurs creusets.
15.4 CONDENSATION: PVD NON RÉACTIF 15.4.1 Introduction L’occurrence la plus importante du PVD non réactif est le dépôt de rosée et de givre par la nature. La mer, nos lacs et rivières constituent les sources chaudes évaporant de l’eau qui se condense sur les surfaces froides de la terre, ses habitants et ses constructions. Cette application démontre la facilité des procédés PVD. Elle montre aussi les problèmes de l’application du PVD à la pression ambiante: le transport doit se faire par convection forcée ce qui donne une répartition très irrégulière et un mauvais pouvoir de pénétration. La condensation homogène est difficile à éviter et elle est en général plus abondante: brouillard, pluie, neige. D’autre part, peu de matériaux inorganiques s’évaporent et se condensent sous des conditions atmosphériques: les métaux s’oxydent: les oxydes ont des points de fusion souvent trop élevés et les sels ont une pression de vapeurs particulièrement basse. Les méthodes de déposition industrielles qui utilisent la condensation prennent en général le vide poussé ou l’ultravide comme vecteur de transport.
Tableau 15.1 Différents types de vide et leurs applications. Vide atmosphère vide grossier vide fin vide poussé ultravide
Gamme de pression 1 bar = 100 kPa 10 mbar-1 bar/ 1 kPa-100 kPa 0,05-10 mbar/ 5 Pa- –1 kPa 1 pbar-50 µbar/0,1 mPa-5 Pa < 1 pbar/< 0,1 mPa
Distance de libre Applications parcours moyen [cm] 6,2 · 10–6 — –4 –6 emballage, séchage, etc. 6,2 · 10 à 6,2 · 10 0,12 à 6,2 · 10–4 6,2 · 103 à 0,12 > 6,2 · 103
CVD, polymérisation plasma, PVD faisceaux ioniques, espace interplanétaire
15.4.2 Evaporateurs On peut évaporer ou sublimer un matériau d’un creuset en le portant à une température où la pression de vapeur du liquide ou du solide chaud dépasse la pression ambiante. En général, les métaux s’évaporent à partir de la phase liquide, tandis que
244
Analyse et technologie des surfaces
les composés définis vont se sublimer ou se décomposer (avec éventuellement perte sélective d’un constituant). La sublimation des oxydes est souvent accompagnée d’une perte de stoechiométrie. Creusets Le matériau du creuset ne doit pas être plus réfractaire que le matériau à évaporer, il ne doit pas non plus réagir avec la matière à évaporer dans les zones de contact. Pour la plupart des sources de chaleur, le creuset doit avoir une bonne conductivité électrique. Deux solutions particulières à ce problème sont: • l’utilisation d’un «liner»; • le travail en autocreuset: le métal à évaporer est mis dans un creuset en cuivre refroidi; au contact avec le cuivre, le métal ne fondra pas, formant ainsi lui-même son creuset. Les matériaux courants sont le tungstène, le carbone et le nitrure de bore. La figure 15.2 montre un choix de formes de creusets. matière à évaporer
transformateur basse tension matière à évaporer
filament de tungstène évaporateur à cuvette matière à évaporer
évaporateur à filament matière à évaporer
évaporateur à navette
évaporateur à liner en céramique ou carbone faisceau d’électrons 270°
matière à évaporer
creuset en cuivre
alimentation haute tension
refroidissement d’eau évaporateur à canon d’électrons avec déflexion magnétique Fig. 15.2 Différents types de creusets.
canon à électron
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
245
Sources de chaleur Les sources de chaleur utilisables sont les mêmes que celles employées pour la fusion aux conditions ambiantes: chauffage par effet Joule, HF, faisceau à électrons, faisceau laser et plasma. Pour les taux importants d’évaporation, on préfère les canons à électrons. En 1999 ils étaient capables d’évaporer 0,2 kg/minute d’aluminium. 15.4.3 Epitaxie avec faisceaux moléculaires (MBE) Le MBE est une méthode pour la fabrication de couches extrêmement fines et nanostructurées. C’est le seul procédé qui assure une croissance strictement bidimensionnelle sans formation de germes. Cette croissance contrôlée, couche atomique par couche atomique requiert: • du temps, typiquement une couche atomique/seconde; • un vide très bien contrôlé, qui assure que le recouvrement avec du gaz rémanent reste négligeable pendant la formation des couches. On utilise donc l’ultravide comme médium de transport. L’avantage de l’épitaxie sous ultravide par rapport à l’épitaxie à partir de phase liquide ou gazeuse est la possibilité de travailler à des températures nettement plus basses où la diffusion dans le substrat et le revêtement est négligeable. C’est une condition sine qua non pour la fabrication de structure avec changements de composition abrupts. Ces changements de composition s’accompagnent de changements abrupts des propriétés. Ces changements abrupts au niveau des nanomètres sont nécessaires pour la fabrication de composants quantiques, qui constitueront probablement les moyens de stockage et de traitement d’information après 2007. Pour l’évaporation en MBE, on utilise soit des cellules Knudsen soit des canons à électrons adaptés à l’ultravide. Une cellule Knudsen n’est qu’un petit creuset profond en nitrure de bore ou carbone pyrolytique. Son orifice laisse sortir un jet d’atomes, de molécules ou d’amas d’atomes à la vitesse thermique du creuset. Ce faisceau se dirige vers les substrats sans subir de collision. Son intensité décroît avec le cosinus de l’angle par rapport à l’axe de symétrie du creuset.
15.5 ÉCOULEMENT MOLÉCULAIRE 15.5.1 Principes On parle d’écoulement moléculaire si la pression et les dimensions dans un fluide sont telles, que la distance de libre parcours moyen du gaz considérée est inférieure à la distance entre les parois. Sous ces conditions le gaz correspond à un gaz idéal, dont l’équation d’état est
246
Analyse et technologie des surfaces
pV = kNT
(15.7)
Pour un mélange de gaz donné, nous avons N = NAΣiνi
(15.8)
où νi est la quantité de la matière i en moles m ν i = ------i Mi
(15.9)
avec mi la masse de la matière i dans l’enceinte et Mi sa masse molaire. En utilisant la constante universelle du gaz, R = kNA, on trouve finalement pV = RTΣiνi
(15.10)
Il est utile de comparer les différentes possibilités de définir un flux: • le flux massique ∆m q m = -------∆t
(15.11)
• le flux molaire ∆ν q v = ------∆t
(15.12)
• le flux de particules ∆N q N = -------∆t
(15.13)
• le flux volumique RT ∆V Q V = -------- = -------Q v p ∆t
(15.14)
La théorie cinétique des gaz de Boltzmann permet la description complète des gaz idéals. Elle présume que les atomes du gaz n’ont aucune interaction et se mettent à une distribution statistique de leurs vitesse et vibration. Leur distribution d’énergie est une gaussienne. L’énergie moyenne d’un molécule de gaz est dans ces conditions: n 〈 E 〉 = --- kT 2
(15.15)
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
247
avec n le nombre de degré de liberté de l’atome. Un atome de gaz porte toute son énergie sous forme de translation et nous avons m 〈 E 〉 = ---- 〈 v 2〉 = 3--2- kT 2
(15.16)
avec 〈v2〉, la vitesse quadratique moyenne de l’atome. Pour le transport, nous rencontrerons deux situations: • Une distribution de vitesse isotrope, telle que nous la trouvons au centre d’un four. Dans ce cas: v x2 = v y2 = v z2 =
1 --- 〈 v 2〉 3
• Une jet, tel qu’il sort de l’ouverture d’un four ou d’une enceinte auxiliaire de plasma. Dans le premier cas, nous trouverons: m 2 ---- 〈 v 〉 = 3--2- kT 2
(15.17)
M -------i 〈 v 2〉 = 3kT NA
(15.18)
〈 v〉 =
3RT ----------Mi
〈 v x〉 =
RT ------Mi
(15.19)
Dans le deuxième cas, nous aurons pour le jet, qui se dirige dans la direction z: 〈vx〉 = 〈vv〉 = 0 〈 v z〉 =
(15.20)
RT four -------------Mi
Une autre caractéristique du régime moléculaire est la distance de libre parcours moyen des molécules du gaz i 〈li〉. Toujours dans les mêmes limites de la théorie du gaz quasi idéal, on trouve 1 〈 l i〉 = ----------------------------------4 2 π N j r ij2
∑j
(15.21)
248
Analyse et technologie des surfaces
où 2rij est le diamètre de sphère dure qui résume la partie répulsive de l’interaction entre les molécules des matières i et j. La contradiction vient du fait que rij est liée à une des constantes de l’équation de van der Waals, qui décrit à une bonne approximation près les gaz réels. Pour le cas d’un gaz pur, on a:
et
p–a ----------- ( V – b ) = RT T2
(15.22)
4 π r ii3 b = -----------3
(15.23)
En insérant la relation d’état pour le gaz idéal dans la formule et en définissant la section moyenne du molécule i comme
∑j ν j r ij2
s = 4 π 〈 r 2j 〉 = 4 π ------------------νj
(15.24)
∑j
on trouve finalement pour 〈li〉 kT 〈 l i〉 = ------sp
(15.25)
1m
vapeur d’eau azote oxygène, argon
1 mm
hydrogène hélium
huile
10 nm 10–3
10–2
105
1 p [Pa]
Fig. 15.3 Libre parcours moyen des molécules de gaz en fonction de la pression totale.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
249
Ces relations nous permettent de calculer le flux de matière qui traverse une surface A en régime moléculaire et qui est donné par l’équation de Hertz-Knudsen pour le taux d’évaporation:
α ( ps – p ) ∆N ---------- = -----------------------A∆t 2 π M i kT
(15.26)
La figure 15.3 donne le libre parcours moyen pour différents gaz en fonction de la pression. 15.5.2 Transport pour les procédés vide poussé Sous les conditions de l’écoulement moléculaire, un atome évaporé ne rencontrera donc pas d’autre atome sur son parcours. La condensation homogène est négligeable. On peut donc présenter le PVD schématiquement comme suit (fig. 15.4). Pour une source de vapeur ponctuelle, la vitesse de déposition diminuera avec le carré de la distance de la surface et avec cosθ. Ce qui nous donne pour le flux I, qui arrive au point R, θ, φ si une source ponctuelle émet un flux I0 au point (0,0,0): cos θ I ( r, θ, ϕ ) = I 0 ----------R2
(15.27)
pièce à revêtir
flux de vapeur
θ
fonte creuset
Fig. 15.4 Flux de matière émanant d’un creuset en régime moléculaire.
250
Analyse et technologie des surfaces
Cette formule est approximativement valable, si l’extension de la surface émettrice est négligeable par rapport à la distance entre substrat et source. Pour une surface évaporante avec une extension non négligeable, on remplace (15.26) par la relation plus compliquée
°∫ ∫
1 I ( R, θ ) = -----2R
cos θ - (15.28) dx dyI ( x, y ) -------------------------------------------------------------------------------------------2 ( cos θ + ( sin θ + ( x/R ) ) 2 + ( y/R ) 2 ) 3 / 2
Le fait qu’on utilise un transport par flux moléculaire implique que seules les faces du substrat qui «voient» la surface évaporante reçoivent un dépôt.
15.6 CONDENSATION ET NUCLÉATION HÉTÉROGÈNES 15.6.1 Principes Au contact d’une surface à température supérieure au point triple, un gaz se condense directement à l’état solide. Sur une surface parfaitement plane, cette croissance se fait par germination et croissance. Le film obtenu est polycristallin. Lorsque la température du substrat est très inférieure à la température de point triple du condensât, le film obtenu peut ne pas être cristallin. Nous avons traité la germination à la section 14.2. Pour la condensation, il faut ajouter les considérations suivantes concernant la croissance à la surface. La vitesse à laquelle de nouveaux atomes adsorbés seront incorporés dans un germe est de J = C ν n1 e avec n1 : ν: C:
– ( ∆G sd /kT )
(15.29)
taux de recouvrement de la surface par des atomes adsorbés isolés. fréquence caractéristique de la diffusion superficielle. une constante résumant la cinétique.
En multipliant le nombre de germes critiques n* avec la vitesse d’incorporation, on obtient le nombre de germes d’une taille tout juste plus grande que la taille critique I * = jn* = CRe
– ( ∆G des – ∆G sd – ∆G*/kT )
(15.30)
avec ∆Gdes : enthalpie libre de désorption. ∆Gsd : enthalpie libre d’activation de la diffusion superficielle. ∆G': enthalpie libre de condensation sur le germe. I* est aussi appelé fréquence de nucléation. La fréquence de nucléation détermine la morphologie du revêtement (fig. 15.5).
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
251
Fig. 15.5 Nucléation d’or sur une couche TiN MFA.
15.6.2 Dépôts au voisinage et hors d’équilibre thermodynamique Les modèles de croissance par germination sont limités à des vitesses de déposition faibles. Pour des vitesses de croissance plus élevées et des températures en dessous de la moitié de la température de fusion, on a avantage à considérer la croissance comme un problème d’écoulement moléculaire avec un coefficient d’adsorption dans la gamme de 0,3-0,9. La croissance des germes et des grains se fait par compétition géométrique. Le deuxième paramètre déterminant pour la structure du dépôt est le potentiel de réaction appliqué entre l’interphase et le revêtement. Ceci correspond à l’excédent d’énergie libre entre les réactants qui forment le revêtement en condensant. Des excès importants entraînent la formation de phases de non-équilibre. En PVD les vitesses de réaction (trempe) sont extrêmement élevées du point de vue métallurgique et la phase condensée est maintenue à une température très basse. Pour cette raison, des potentiels de réaction importants augmenteront la densité de défauts dans le revêtement avec toutes les conséquences bien connues pour les propriétés mécaniques. La plus connue en pratique est la différence importante dans la résilience entre les revêtements CVD et PVD à composition de phase identique. Nous revenons sur notre rapport κ introduit plus haut: Flux de matériau condensant sous forme de revêtement κ = -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Flux de matériau réémis du revêtement On voit que ce quotient est une mesure très utile pour tous les procédés de revêtement, du plaquage galvanique jusqu’aux PVD et CVD. En plaquage (chap. 16), on l’appellera le rapport entre courant cathodique et anodique sur la pièce à recouvrir. Comme on le verra, son logarithme est proportionnel à
252
Analyse et technologie des surfaces
la surtension à laquelle on plaque. Ce n’est pas un hasard si les conséquences de travail sous une surtension élevée sont les mêmes en plaquage et en PVD: nous obtenons des revêtements avec une plus forte densité de défauts, des tensions internes compressives et une dureté plus élevée: chrome dur, TiN pour plaquage ionique. La cristallinité des dépôts est probablement souvent le résultat d’une transformation de phase solide/solide. La densité du dépôt va varier avec l’angle d’exposition de la surface du substrat par rapport à la source. Ce fait est exploité habilement dans certaines applications où l’on recherche une structure ouverte: • pour une réaction de conversion (électro-)chimique hétérogène: électrodes de piles à combustibles (fig. 15.6); • pour une adsorption orienté de macromolécules: électrodes pour affichages de cristaux liquides du type guest host; • pour une interaction biologique: implants.
Fig. 15.6 Dépôt de In2O3. Sublimation par canon à électron courant fort /basse tension.
La méthode de choix pour analyser cette croissance est la méthode de dynamique moléculaire. Dans cette méthode on modélise l’évolution d’un ensemble d’atomes ou de molécules dans le temps à partir des conditions initiales. Dans le cas présent des atomes de la matière évaporée avec un certain vecteur de vitesse qui condensent sur une surface où ils ont une certaine probabilité de se déplacer encore. Il s’agit donc de simuler le résultat du mouvement des ~1023 atomes par l’étude exacte du mouvement d’un nombre restreint. La simulation est faite sur un ordinateur.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
253
Cette croissance peut être modifiée en changeant l’énergie moyenne apportée par atome. C’est la base du plaquage ionique traité à la section 16.10. Le dépôt hors équilibre ne permet pas seulement la synthèse de revêtements amorphes, mais également la synthèse de phases métastables. On a cherché à développer des méthodes thermodynamiques pour prédire la formation de telles phases sous les conditions de dépôts caractéristiques pour le PVD. On peut approcher la cristallinité également par des modèles cinétiques de formation de défauts. Ces modèles partent du fait que les surfaces sur lesquelles la cristallisation se produit ne sont jamais parfaitement planes. Elles comportent des marches sur lesquelles la croissance du film condensé se fait plus rapidement que par germination de croissance, par exemple l’émergence sur la surface d’une dislocation coin produit une croissance caractéristique en spirale (fig. 15.7).
Fig. 15.7 Germination préférentielle sur une marche à la surface (selon [15.3]).
Ces effets sont importants pour une condensation sous conditions d’épitaxie. On appelle épitaxie la croissance d’un cristal avec des plans cristallins en phase avec un plan cristallin du substrat. Sous ces conditions le dépôt consiste en prismes qui sont tous orientés dans la même direction. Une condition pour l’épitaxie est l’existence de plans cristallins des deux matériaux pour lesquelles les positions des atomes du revêtement par rapport aux positions des atomes du substrat seront périodiques, si on superpose les deux plans. Des déviations appelées manque de congruence des réseaux entraînent des défauts et/ou des zones de forte contrainte interne. Elles sont habilement exploitées dans une nouvelle génération de revêtements superdurs pour outils: les revêtements nanolaminaires. 15.6.3 Modèles empiriques de la formation de revêtements PVD La théorie de la germination et de la solidification détaillée dans la section 14.3 et dans le paragraphe 15.5.1 s’applique bien aux dépôts à partir de la phase vapeur,
254
Analyse et technologie des surfaces
quand ceux-ci sont lents et proches de l’équilibre, un peu comme les courbes de transformation isothermes des aciers [10.7], qui sont très utiles pour les recuits. Le texte le plus répandu sur le PVD/CVD est l’ouvrage de Maissel et Glang [15.3] qui lui consacrent une partie très importante. Mais les ingénieurs ont cherché une représentation plus simple pour leur optimisation quotidienne des procédés. Pour les métaux, Movchan et Demchichin avaient trouvé un modèle à 4 zones en fonction du rapport température de surface, TS /température de fusion, TF : • Zone 1: croissance nodulaire ou colonnaire: TS /TF < 0,3. La mobilité de surface est négligeable. Les atomes qui condensent restent sur leur site d’adsorption: revêtements peu denses avec porosité ouverte, croissance par compétition de cônes, influence importante de l’angle d’exposition. Cette structure est esquissée dans la figure 14.9. • Zone T: croissance nanofibreuse: 0,3 < TS /TF < 0,5. Grand nombre de germes de faible extension latérale qui, le plus souvent, continuent jusqu’à la surface. Dépôt dense qui frise l’amorphe. • Zone 2: croissance microcristalline orientée ou équiaxiale: 0,5 < TS /TF < 0,7: croissance à partir de germes microniques. Les cristaux s’étendent normalement jusqu’à la surface et consistent donc en prismes, dont la longueur correspond à l’épaisseur du dépôt, séparés de joints de grains. • Zone 3: croissance isotrope. La figure 15.8 montre un revêtement PVD, qui comprend un premier dépôt de la zone 2 surplombé d’un revêtement de la zone T.
Fig. 15.8 Superposition de deux revêtements PVD avec une croissance correspondant aux zones 2 et T respectivement. Le revêtement épais est un revêtement dur: Mo0,6Ti0,4N cubique. Le revêtement mince est un revêtement autolubrifiant: MoS2 Ni 20. Les deux ont été déposés par pulvérisation cathodique non réactive.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
255
zone 3 zone 2
1,0
zone 1
0,9
zone T
0,8 0,7
30 0,5
20 P [mTorr]
0,3
10
0,6
0,4
T/Tm
0,2 1
0,1
Fig. 15.9 Diagramme de Thornton.
Le diagramme de Movchan-Demchichin néglige l’apport d’énergie par l’atome condensant. Cette approximation est valable pour l’évaporation. Pour la pulvérisation cathodique, cet apport d’énergie n’est plus négligeable, puisque les atomes de la source sont éjectés avec une énergie pouvant atteindre une centaine d’électronvolts. Leur énergie à l’arrivée dépendra du degré de thermalisation qu’ils auront subi pendant le transport; s’agissant de flux moléculaire, le paramètre caractéristique sera le libre parcours moyen, (éq. (15.25)). John Thornton a intégré la pression dans un diagramme tri-dimensionnel de la structure en fonction de la température du substrat et de la pression, qui est valable pour la pulvérisation cathodique non réactive et qui porte son nom (fig. 15.9). La figure 15.10 donne un exemple d’un dépôt de la zone 1.
Fig. 15.10 Dépôt PVD avec une morphologie correspondant à la zone 1.
256
Analyse et technologie des surfaces
Si on considère le PVD du point de vue traitement thermique, on constate qu’il correspond à une trempe ultrarapide. En effet, la matière arrive avec une énergie qui correspond à celle du métal fondu, disons 1000 °C et elle se thermalise en quelques vibrations du réseau dont les fréquences sont de l’ordre de grandeur de 1013 Hz. On a donc une vitesse de trempe de l’ordre de 1014 °C/seconde. Les atomes qui se condensent à la surface auront une certaine mobilité qui leur permet dans certains cas de trouver une position de réseau sur un germe croissant. Cette probabilité dépend de la température de la surface, de la mobilité de l’atome et de la complexité de la cellule élémentaire du solide qui condense. Une méthode courante pour modifier l’énergie des atomes condensants est de les ioniser à la source ou pendant le transport et de les accélérer par exemple par une polarisation négative du substrat. Ce procédé est appelé plaquage ionique ou plaquage sec. Il est traité au chapitre 16. Jiri Musil a montré que dans ce cas la morphologie dépend du paramètre énergie amenée/atome qui remplace la température du substrat (modèle de Musil).
15.7 PULVÉRISATION CATHODIQUE La pulvérisation cathodique utilise l’érosion des cathodes dans les décharges luminescentes comme mécanismes d’évaporation de la matière. Pour la comprendre il est utile de regarder plus en détail le fonctionnement des décharges électriques. Il est discuté à la section 12.8. On trouve pour la densité du flux de particules Ii dN --------- = S --e Adt
(15.31)
4m 1 m 2 E 3 S = --------2- γ --------------------------2- -----4 π ( m1 + m2 ) E 0
(15.32)
avec Ii : m1 : m2 : γ: E: E0 :
contribution des ions de gaz pulvérisants au courant total. masse des atomes de la cible. masse des atomes du gaz pulvérisant. facteur géométrique, 0 < γ < 1 et de matrice. énergie des ions. chaleur de sublimation du matériau pulvérisé.
Ii est souvent confondu avec le courant de décharge, bien qu’il n’en sera toujours qu’une fraction et qu’il peut être inférieur d’un ordre de grandeur. En effet, on a pour le courant de décharge Itotal = Ie + Ii + Ij
(15.33)
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
avec Ie : Ii : Ij :
257
courant d’émission d’électrons. courant dû au flux des ions de l’espèce pulvérisante i. courant dû au flux des ions de l’espèce j non pulvérisante.
Il faut noter que • les densités des ions ne sont pas proportionnelles aux pressions partielles – et surtout pas à leur fraction dans le gaz d’alimentation; • la plupart des gaz réactifs n’étant que faiblement pulvérisants, on observe une baisse du taux de pulvérisation avec leur introduction; • le courant d’émission d’électrons augmente fortement, si la surface est recouverte d’une fine couche de composé défini. La formule peut aussi être appliquée aux alliages, composites et composés définis. En cas de pulvérisation de ces corps composites, la composition de la cible est modifiée, mais la composition du revêtement correspond à celle de la cible. La pulvérisation cathodique avec des alimentations en courant direct ou en radiofréquence est une technique de dépôt très lente. Elle fut introduite dans l’industrie dans les années 1930 pour le dépôt sur disques phono, les étoffes et le papier. Les décharges luminescentes sont stables à des pressions supérieures à quelques Pa avec des tensions qui décroissent d’une façon linéaire avec la pression en démarrant vers 2000 V (loi de Paschen). On peut rendre le bilan de maintien du plasma plus favorable si on confine les électrons avec un champ magnétique. En effet, tout champ magnétique avec une composante B parallèle à la surface va exercer sur un électron, qui a une composante de vitesse de vz normale à la surface, une force appelée force de Lorenz, qui s’exprime par: F = evz ΛB / /
(15.34)
S’agissant d’un produit vectoriel, la force sera normale à B / / et à vz. Cette force va faire tourner les électrons sur un cercle autour du champ magnétique. Le diamètre de ce cercle dépendra de la vitesse de l’électron. En quittant la surface, les électrons subissent l’accélération du champ électrique de la chute cathodique. Comme on le voit à l’issue de l’exercice, un électron ne peut pas quitter la lisière cathodique en présence d’un champ magnétique important. Il va osciller dans la direction normale à la surface tout en suivant un parcours horizontal. Ce mouvement en demi-cercles ne peut être interrompu que par des collisions ionisantes avec des atomes d’argon. Les électrons lents ou avec une vitesse très oblique à la surface sont les seuls à pouvoir s’échapper du confinement. En électrotechnique, on appelle ces configurations avec champ électrique et champ magnétique orthogonal des magnétrons.
258
Analyse et technologie des surfaces
L’emploi des champs magnétiques permet de • baisser la tension d’opération de la décharge luminescente; • diminuer la densité de plasma en dehors de la chute cathodique et ainsi l’échauffement des substrats; • améliorer le bilan énergétique en terme d’énergie d’évaporation utilisée pour l’évaporation/énergie électrique fournie (sans champ magnétique ce pourcentage est de l’ordre de 0,05%, avec champ magnétique il atteindra 5%). Il est possible de faire des magnétrons avec champ magnétique variable et des cibles composites pour le dépôt de multicouches. Pour des dépôts réactifs on a besoin d’une certaine densité de plasma au niveau des substrats. Ceci est obtenu par une modification du champ magnétique en lui ajoutant une composante normale à la surface de la cathode, qui va emmener un flux d’électrons plus rapide en dehors de la lisière cathodique. Pour des raisons physiques on parle de magnétrons non équilibrés. Bien sûr, cette modification est au détriment des avantages du magnétron. Un grand problème de la pulvérisation cathodique magnétron était l’utilisation incomplète du matériau de la cible, puisque son érosion est concentrée aux zones, où la composante du champ magnétique est maximale. Ce problème est entièrement résolu avec des magnétrons à champ magnétique variable. Ce champ est réalisé par une rotation d’aimants permanents.
15.8 DÉPÔTS RÉACTIFS 15.8.1 Introduction La plupart des composés définis sont difficiles à évaporer soit à cause de leur nature réfractaire soit par leur manque de stabilité à haute température. Beaucoup d’entre eux se prêtent à la sublimation, ce qui fut pendant un demi-siècle la technique de choix pour le dépôt de couches d’oxydes. Mais la condensation comme méthode de dépôt souffre du fait de son faible apport d’énergie, ce qui oblige à l’utilisation d’un chauffage des substrats pour activer la diffusion superficielle. La validité des diagrammes de Movchan-Demchichin et de Thornton est bel et bien fondée sur la négligence de la contribution de l’énergie de condensation. Ce qui est justifié puisque les barrières d’enthalpie libre pour la diffusion sont de l’ordre de la moitié de l’énergie de condensation. Pour le dépôt de composés définis, le déroulement de la réaction à la surface fournira une énergie par atome déposé beaucoup plus importante (voir exercice 15.17). Puisque la chaleur totale apportée par le revêtement reste faible par rapport à la capacité thermique du substrat, les méthodes réactives permettent la synthèse de
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
259
revêtements denses à des températures plus basses. Elles nécessitent néanmoins souvent une activation. Cette activation sera discutée séparément pour les deux technologies CVD et PVD.
15.8.2 Evaporateurs internes: PVD réactif Les évaporateurs pour le PVD réactif sont les mêmes que ceux utilisés pour la condensation. La seule différence consiste dans le fait que l’évaporation, le transport et la condensation sont effectués dans une atmosphère avec une pression partielle contrôlée des autres réactifs et dans un plasma qui sert à activer les réactifs. On peut alors se poser la question de savoir où la réaction a lieu: à l’évaporateur (PVD non réactif), pendant le transport (réaction homogène) ou à la surface du solide (réaction hétérogène). Ceci va dépendre de la pression partielle, de la section de réaction de la réaction homogène, du coefficient d’adhésion de la matière évaporée sur le revêtement et de l’énergie d’adsorption du gaz réactif. Qualitativement on observe des taux de réaction hétérogènes très différents pour les réactions qui peuvent donner le dépôt d’oxydes, de nitrures et de carbures. Par exemple, pour un dépôt de TiN, les réactions suivantes seront à considérer (1)
T i gaz + N 2surface ⇒ TiN solide
(2)
T i solide + N gaz ⇒ TiN solide
(3)
T i solide + N 2+ gaz ⇒ TiN solide
(4)
T i solide + N + gaz ⇒ TiN solide
(5)
T i + gaz + N 2surface ⇒ TiN solide
Par manque de mesure directe, l’analyse qualitative constate que • La réaction (2) est responsable de la nitruration du titane en phase gazeuse. Celle-ci est très très lente en dessous de 800 ˚ mais peut être accélérée d’une façon importante par une activation plasma ou mieux encore une prédissociation. On peut en conclure que les réaction (3) et (2) sont donc plus rapides avec un avantage pour (2). • Les expériences sur la nitruration du titane n’ont pas permis de discerner la relation (2) de la relation (4). • La difficulté de nitrurer du titane en dessous de 500 ˚C, température à laquelle la formation de dépôt de TiN est facile, montre que les réactions (1) et (5) ont une cinétique plus rapide que (2) à (4). • Le succès de l’activation par plasma pour l’obtention de dépôt TiN aux températures ambiantes démontre la domination de la réaction (5).
260
Analyse et technologie des surfaces
15.8.3 Evaporateurs externes: CVD thermique La CVD est une méthode de synthèse de matériau sur une surface à partir de constituants qui sont amenés par la phase gazeuse. Le CVD est utilisé comme méthode pour la synthèse de nouveaux matériaux, notamment dans le domaine des nitrures et carbures. Pour comprendre un dépôt CVD, il faut connaître les réactions chimiques qui ont lieu dans le réacteur et leur importance. La gestion et l’optimisation du procédé par les variables telles que températures de la surface et de la phase gazeuse, la pression et les flux de gaz nécessitent une relation connue entre celles-ci et la composition. Il faut rester conscient que la composition du gaz dans le réacteur différera toujours de la composition du gaz amené. La mise au point d’un procédé CVD peut alors procéder • soit par une méthode «black box», • soit par une analyse thermodynamique et cinétique. L’utilisation des données thermodynamiques pour toutes les réactions à partir de banques de données et de logiciels pour le calcul des chemins de réactions est devenue une pratique courante. La fonction principale de la thermodynamique dans le développement de procédé CVD est de prédire sa (non-)faisabilité et de donner une indication des conditions de travail possible: rendement possible et concentrations des réactifs proches de l’équilibre. Mais la thermodynamique ne prend en considération que le fait que certaines réactions puissent être trop lentes pour jouer un rôle. Néanmoins, les calculs thermodynamiques représentent la première étape de tout développement CVD. L’énergie libre d’une réaction est donnée par la relation ∆G r° = Σ ∆G f° ( produits ) – Σ ∆G f° ( réactifs )
(15.35)
où ∆Gf est l’énergie libre de formation d’un composant défini. ∆G r° est lié à la constante d’équilibre qui relie les pressions partielles, pi dans le système à l’équilibre: n
∏ pi ( produits )
=1 k p = i-------------------------------------m
(15.36)
∏ p j ( réactifs ) j=1
où ∆G r° = 2,3RT log k p . Le tableau 15.2 donne le résultat d’un tel calcul thermodynamique pour le système Si-Cl-H.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
261
2
p SiCl
4
p SiH
3 Cl
p SiH
2 Cl 2
p SiH
3
p SiHCl
4
p SiCl
p HCl
2
pH
Rapport Cl/H
Température
Tableau 15.2 Pressions partielles pour différentes températures dans le système Si-Cl-H, pressions en bar.
1000 1
0,628 0,0152
2,74E-01 8,01E-02 2,70E-03 5,05E-05 2,55E-07 1,99E-04
1000 0,1
0,939 0,0107
3,03E-02 1,88E-02 1,34E-03 5,33E-05 5,70E-07 6,62E-05
1000 0,01
0,99
1,74E-02 2,26E-03 3,39E-04 2,83E-05 6,34E-07 1,59E-05
0,0054
1000 0,001 0,998 0,00167 1,55E-05 6,58E-05 3,22E-05 8,78E-06 6,45E-07 1,50E-06 1200 1
0,6
0,058
2,61E-01 7,36E-02 2,92E-03 5,95E-05 3,43E-07 1,00E-05
1200 0,1
0,918 0,0397
2,44E-02 1,54E-02 1,37E-03 6,23E-05 8,02E-07 1,53E-03
1200 0,01
0,983 0,015
4,30E-04 7,72E-04 1,94E-04 2,52E-05 9,22E-07 2,03E-04
1200 0,001 0,998 0,00198 1,26E-07 1,74E-06 3,38E-06 3,37E-06 9,49E-07 3,49E-06 1400 1
0,537 0,138
2,16E-01 5,99E-02 2,63E-03 5,75E-05 3,64E-07 4,62E-02
1400 0,1
0,881 0,0863
1,22E-02 8,89E-03 1,03E-03 5,88E-05 9,77E-07 1,10E-02
1400 0,01
0,981 0,0185
2,07E-05 7,84E-05 4,71E-05 1,40E-05 1,21E-06 4,52E-04
1400 0,001 0,998 0,00198 2,66E-09 9,56E-08 5,44E-07 1,53E-06 1,25E-06 5,13E-06
La composition du gaz dans un réacteur CVD peut se modifier par l’interaction du gaz avec les parois et les montages à l’intérieur du four ou dans les amenées de gaz. Tous les matériaux employés peuvent devenir, à travers le décapage, matière de dépôt – prévue ou parasite. Mais le grand problème de la CVD est l’homogénéité de la composition dans le réacteur ou sur les surfaces – pour être plus précis. Cette dernière est modulée par rapport à la composition dans le volume par les phénomènes de transport dans l’interphase, qui se forme entre le gaz en écoulement et la surface stationnaire. Il est devenu pratique courante de simuler les distributions de réactifs dans les réacteurs par des systèmes d’équations qui combinent les équations Navier-Stokes pour le transport avec des équations de cinétique chimique. Des logiciels puissants ont été développés à cette fin. L’analyse de la composition par des spectromètres de masse est aussi fréquente. Le tableau 15.3 donne une illustration pour les changements de composition entre l’alimentation de gaz et la composition dans le réacteur pour quelques réactions importantes.
262
Analyse et technologie des surfaces
Tableau 15.3 Alimentation gazeuse, composition du gaz dans le réacteur et dépôt pour différents procédés CVD. Alimentation de gaz
Composants du gaz du réacteur
CH4, H2,
Dépôt Diamant
HCl, NH3, Ga, H2
H2, HCl, GaCl, NH3, GaCl3 NH3, N2
GaN
HCl, PH3, Ga, H2
H2, HCL, GaCl, PH3, P2, P4
GaP
HCl, AsH3, Ga, H2
H2, HCl, GaCl, AsH3, As2. As4,
GaAs
HCl, AsH3, Ga, Sb, H2
H2, HCl, GaCl, AsH3, As2, As4, Sb2, Sb4, AsSb, As3Sb, As2Sb2, AsSb3
GaAsSb
SiCl4, H2
H2, HCl,SiCl2, SiCl2H2, SiCl3H, SiCl4, Si2Cl6
Si
SiH4, H2
H2, SiH4, Si2H6
Si
Nous allons illustrer les différents types de réactions hétérogènes par les exemples suivants: • Pyrolyse Beaucoup de dépôts CVD sont formés simplement par la décomposition thermique d’un gaz sur la surface chaude du substrat. Les hydrures et les composés organométalliques se prêtent particulièrement bien à cette fin. Des cas typiques sont la pyrolyse des silanes SiH 4gaz → Si solide + 2H 2gaz et du carbonyle du nickel Ni ( CO ) 4gaz → Ni solide + 4CO gaz • Réduction C’est l’hydrogène qui est le réducteur le plus employé pour les réduction des halogénures, qui, à cause de leur volatilité, sont un gaz de choix pour le dépôt de beaucoup de métaux tels que le tungstène WF 6gaz + H 2gaz → W solide + 6HF gaz • Oxydation SiH 4gaz + O 2gaz → SiO 2solide + 2H 2gaz ou, sous d’autres conditions, SiH 4gaz + O 2gaz → SiO 2solide + 2H 2 O gaz
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
263
• Hydrolyse Dans ces réactions on préfère souvent former l’eau in situ avec la réaction de déplacement du gaz de ville comme dans la synthèse de l’alumine Al 2 Cl 6gaz + H 2gaz + 3CO 2gaz → Al 2 O 3solide + 3HCl gaz + 3CO gaz • Formation de nitrures 3SiH 4gaz + 4NHO 3gaz → Si 3 N 4solide + 12H 2gaz • Formation de carbures TiCl 4gaz + CH 4gaz → TiC solide + 4HCl gaz • Disproportionnation 2GeI 2gaz → Ge solide + GeI 4gaz • Synthèse Elle est employée entre autres pour la synthèse des III-V et II-VI à partir des composés organométalliques ( CH 3 ) 3 Ga gaz + AsH 3gaz → GaAs solide + 3CH 4gaz ou encore ( CH 3 ) 2 Cd gaz + H 2 Se gaz → CdSe solide + 2CH 4gaz • Réactions avec transport en phase vapeur Ces systèmes utilisent la variation des constantes d’équilibre avec la température pour déposer par exemple un composé défini dans une zone froide. Le composant volatil du métal est formé dans une zone plus chaude dans le même réacteur. Des iodures ou chlorures sont couramment employés. Dans cette méthode on a un contrôle très fin du κ par la température. Elle se prête donc bien pour la synthèse de monocristaux. La synthèse du GaAs en est un exemple. 15.8.4 Nucléation et croissance du film Jusqu’ici nous avons considéré les réactions hétérogènes sans tenir compte de la nature chimique du substrat. Mais une des propriétés particulières du dépôt CVD est sa grande sensibilité à la nature du substrat. La gamme de l’interaction du substrat avec le mélange gazeux couvre bien toute la gamme de la cinétique chimique de la catalyse jusqu’à l’inhibition de certains réactions. Le cas où il sera inerte est une exception. Les revêtements CVD montrent donc toujours une sélectivité plus ou
264
Analyse et technologie des surfaces
moins prononcée. Par sélectivité nous entendons le dépôt préférentiel sur certains matériaux par rapport à d’autres. La même considération s’applique au revêtement lui-même. Au cas où le revêtement inhiberait le dépôt de matière supplémentaire nous aurions un revêtement parfaitement continu mais d’une épaisseur très faible, qu’on appellerait plutôt passivation. Le terme inhibition dans ce contexte est phénoménologique. Les réactions chimiques sont toujours réversibles. Si le taux de déposition est plus faible que le taux de décapage, on n’observe pas de dépôt net. Les cas intéressants concernent bien sûr les substrats microcomposites avec une structuration arbitraire ou confectionnée. Ces dernières sont caractéristiques pour la microtechnologie, où la surface est structurée en zones avec des matériaux différents par lithographie. L’emploi de dépôts sélectifs permet de boucher des trous, c’est-à-dire de contacter les portes d’un MOSFET (fig. 12.5) qui sont gravées avec des rapports profondeur/largeur toujours plus grands (fig. 15.11). Pour ceci on choisit des réactions de dépôt de métal qui sont inhibées sur la silice mais qui procèdent avec un bon taux sur le silicium.
(a)
(b)
Fig. 15.11 Dépôt de tungstène par CVD sur un contact en microélectronique (par courtoisie de Applied Materials). (a) Remplissage continu, (b) remplissage avec formation de tulipe au fond du trou.
L’alternance entre procédés sélectifs et procédés recouvrants permet donc la synthèse de micro- et nanocomposites structurés. Si la sélectivité est un avantage pour les dépôts en microélectronique, c’est un problème important pour le dépôt CVD sur des surfaces techniques telles que les aciers et les carbures cémentés. La sélectivité du dépôt résultera en une zone microporeuse à l’interface entre substrat et revêtement avec toutes les conséquences qui en résultent pour les propriétés mécaniques. 15.8.5 CVD activé au plasma (Plasma Activated Chemical Vapour Deposition) En CVD, le plasma est utilisé pour changer la composition du gaz en y ajoutant des radicaux et des ions qui peuvent aussi réagir entre eux dans la phase gazeuse.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
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Ceci entraîne souvent une augmentation de la réactivité qui est exploitée sous forme d’une température plus basse. Ceci ne doit pas nécessairement changer le κ, le décapage chimique assisté au plasma étant une technique similaire puissante. Mais il reste néanmoins que le PACVD produit des revêtements avec un nombre de défauts plus important, des fluctuations de stoechiométrie qu’on n’observe pas en CVD thermique et avec moins d’effets de sélectivité et de croissance épitaxiale. La plupart des revêtements produits industriellement par PACVD sont amorphes. Les problèmes du contrôle de la stoechiométrie n’existant pas pour les matériaux purs, le CVD activé par plasma est particulièrement courant pour le silicium (cellules solaires) et les revêtements anti-usure à base de carbone. Le plasma introduit deux paramètres supplémentaires dans l’optimisation: la fréquence d’excitation et la densité de puissance. En ce qui concerne la fréquence, nous avons les procédés à courant direct, qui ne sont employés que pour le dépôt de couches de diamant. Le choix de la fréquence dépendra des contraintes qu’on veut surmonter. Pour les radiofréquences, les longueurs d’onde du champ électromagnétique dépassent toujours les dimensions de l’enceinte. On peut donc le considérer comme homogène du point de vue spatial avec une variation du champ électrique dans le temps. Par contre, les objets conducteurs formeront des surfaces équipotentielles et les matériaux ferromagnétiques seront des écrans puissants. La technique se prête donc bien pour le dépôt sur des isolants et semiconducteurs ou des objets plats. Les fréquences plus élevées permettent en général des densités d’énergie plus grandes. Le champ électrique associé aux ondes de radiofréquence peut dissocier ou ioniser certaines molécules. Cette capacité est proportionnelle à l’amplitude du champ électrique local. Le champ électrique peut être appliqué par une bobine qui entoure la zone de réaction – solution populaire avec des réacteurs en verre du laboratoire – ou par deux électrodes qui forment une capacité. C’est cette dernière solution qui est utilisée aujourd’hui pour les dépôts en microélectronique. L’uniformité du champ électrique permet à l’ingénieur de concentrer ses efforts sur l’uniformité de la concentration des gaz. Les plasmas micro-ondes permettent des densités d’énergie beaucoup plus importantes. Le choix de la fréquence déterminera la conception du réacteur et la disposition des substrats. Il existe en principe plusieurs variantes de conception. Dans un réacteur du type croix de guides d’ondes, l’onde électromagnétique est acheminée par un guide d’onde adapté vers le réacteur pour le traverser vers une porte de sortie en face. Les substrats sont placés dans la petite zone ouverte que forme le réacteur. Le réacteur – respectivement la zone de dépôt – forme une entrave introduite dans ce guide d’onde. Sa taille est limitée par la puissance disponible. Le réacteur est une impédance importante dont il faut tenir compte dans le circuit de résonance par des adaptateurs d’impédance. Evidemment, toute baisse de la fréquence permettra une zone de déposition plus grande.
266
Analyse et technologie des surfaces
L’étroitesse de la zone de dépôt peut être résolue, si on opte pour une conception où les substrats ne sont pas exposés au plasma micro-onde. Il ne sert qu’à dissocier les réactifs dans une zone séparée. Les réactifs activés sont ensuite transportés vers les substrats. Il est alors intéressant d’augmenter le chemin de libre parcours des réactants activés en passant du transport par flux laminaire à un transport par écoulement moléculaire. La basse pression nécessite un confinement magnétique du plasma. On appelle ces sources Electron Cyclotron Resonance (ECR). Les problèmes de la distorsion des ondes électromagnétiques par des objets conducteurs peuvent être résolus par l’utilisation de champs électriques courants directs (dc) pulsés. Un développement récent du CVD activé au plasma est la synthèse de revêtements du diamant à basse pression. Il est en même temps un bel exemple pour illustrer la différence entre approches CVD et PVD. C’est le graphite qui est la phase stable du carbone à basse pression et non le diamant. La synthèse du diamant artificiel est faite dans des autoclaves haute pression. Le diamant est métastable aux conditions ambiantes. Les efforts pour synthétiser du diamant par PVD se sont focalisés sur la méthode suivante: placer un dépôt de carbone sous une compression interne importante pour déclencher la formation de diamant. On a réussi à produire des revêtements de carbone amorphe avec inclusions de diamant. L’approche CVD partait de la découverte de Deryuagin, que le graphite n’est pas stable sous une atmosphère d’hydrogène dissocié. Si on crée une atmosphère qui contient beaucoup d’hydrogène dissocié et un hydrocarbure qui se pyrolyse sur une surface chaude, on dépose du diamant selon le schéma suivant:
→
C, C +, CH 2, CH 3, etc.
→
H, H +, H 2+
→
C sp + C sp
→
C x H ygaz
→
diamant
CH 4
plasma
H2
plasma
Cc Hy
surface
H + C sp C sp
3
2
surface
nucléation
2
3
Seulement une portion infime du carbone déposé le sera avec des liaisons sp3, nécessaires pour une coordination dans une structure diamant – on l’estime à ~ 10–5. Elle dépend des conditions de température et d’épitaxie. Le dépôt est soumis à un flux intense d’hydrogène atomique. L’hydrogène atomique ne réagit pas avec le carbone lié sous forme sp3. Il réagit avec les atomes de carbone liés sp2, qui donnera lieu à une coordination plane de 120 °, pour former des hydrocarbures volatils. Il suffit alors d’ajuster les concentrations mutuelles des hydrocarbures et de l’hydrogène atomique en fonction de la température pour obtenir un dépôt de diamant polycristallin parfait, exempt de toute trace de graphite ou de carbone pyrolytique.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
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Fig. 15.12 Dépôt de diamant polycristallin sur un substrat de carbure cimenté, photo MEB.
Les méthodes de production de flux d’hydrogène ne jouent aucun rôle. Deryuagin avait utilisé la décomposition autocatalytique de l’hydrogène sur un filament de tungstène chaud, d’autres ont utilisé un plasma micro-onde ou encore la méthode ECR. La méthode la plus simple consiste à utiliser une décharge à arc. En effet, l’arc à courant direct est un outil de dissociation très puissant. S’il est utilisé dans un gaz contenant essentiellement un gaz diatomique, il va exploiter celui-ci pour se refroidir. On trouve donc dans la nervure de l’arc: Energie + N2, H2, O2
→ 2N, 2H, 2O
et aux surfaces qui l’entourent 2N, 2H, 2O
→ N2, H2, O2 + Energie
15.8.6 Plasmapolymérisation La plasmapolymérisation n’est souvent pas une polymérisation. Une polymérisation est la formation d’un solide par interaction des mères. Il existe des cas et des conditions dans lesquelles cette formation de polymères à partir de mères est accélérée par un plasma. Ce sont essentiellement des cas où le plasma forme par décomposition partielle des substances qui catalysent la polymérisation du reste. Ce mode de travail est plutôt l’exception. La plasmapolymérisation ressemble beaucoup plus à un CVD assisté par plasma avec des réactifs organiques, aucun apport thermique et une décomposition moins sévère (fig. 15.13).
268
Analyse et technologie des surfaces
alimentation en mères
polymérisation induite par le plasma
évacuation produits
décomposition plasma
décapage du substrat par les produits
dépôt substrat + revêtement Fig. 15.13 Schéma des réactions de la plasmapolymérisation.
Les différences importantes par rapport au CVD assisté par plasma sont les suivantes: • Le pompage des réactifs est négligeable. Pratiquement toutes les mères sont déposées ou décomposées. On travaille dans une atmosphère de gaz décomposé et le flux vers la pompe est faible par rapport au flux de condensation/réaction à la surface. • On travaille très loin de l’équilibre, κ >> 1, la plupart de la matière qui atteint la surface est déposée. • Le décapage ne joue pas le même rôle que dans le CVD, où il reconstitue des réactifs. Les produits du décapage sont différents des réactands qui forment le dépôt. Ils sont évacués ou s’accumulent dans le réacteur jusqu’à ce que le procédé échoue. Dépôt et décapage sont donc des réactions irréversibles. Le rôle du plasma peut être résumé comme une étape de synthèse des réactifs qui formeront le dépôt. Une des conséquences de ces faits est que les revêtements de plasmapolymérisation ne ressemblent pas aux polymères formés du gaz de départ. Leurs composition et structure dépendront par ailleurs pour beaucoup du procédé – y compris de l’équipement. Un styrène plasmapolymérisé n’est pas du polystyrène et un benzène plasmapolymérisé n’est pas du polybenzène. Mais un styrène plasmapolymérisé et un benzène plasmapolymérisé peuvent se ressembler beaucoup, s’ils ont été déposés aux mêmes conditions dans le même réacteur. Ces faits se manifestent par les caractéristiques suivantes: • La pression ne joue un rôle que très indirect, elle indique le taux de conversion des gaz vers le produit. • Le flux d’alimentation et la puissance de plasma ne sont pas indépendants. En effet, il est utile de présenter les résultats sous forme de taux de déposition en fonction du rapport puissance plasma/flux d’alimentation.
Revêtements à partir d’une phase gazeuse (PVD/CVD)
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Les composants utilisés principalement pour la plasmapolymérisation sont les • hydrocarbures, • nitriles, • hydrocarbures fluorés, • silanes et siloxanes. Un cas particulier (et en même temps le plus étudié et utilisé) est le dépôt de carbone. En effet, sous plasma intense, les hydrocarbures forment des dépôts dans une vaste gamme de contenus de carbone et d’hydrogène. On les appelle les carbones adamantins. Les revêtements de carbone adamantin forment une grande famille de produits, avec des compositions, des structures et ainsi des propriétés très variables. Par tradition on en exclut les revêtements de diamant polycristallin. Angus avait proposé il y a quelques années une classification simple selon deux paramètres: • contenu d’hydrogène, • proportion de liaisons sp3 par rapport aux liaisons sp2. Dans cette classification on peut appeler: 1) les composés avec plus que 50% d’hydrogène et 100% de liaisons sp2, des polymères, 2) les composés avec une proportion négligeable d’hydrogène et de liaisons sp2, du diamant amorphe, 3) les composés sans hydrogène avec 100% de liaisons sp2, du graphite 4) des composés avec peu d’hydrogène et des liaisons essentiellement sp2, des charbons. Un DLC est donc un composé d’une fraction importante de liaisons sp3 et d’un certain contenu d’hydrogène. Malheureusement, les méthodes de mesure suivantes pour ces deux propriétés sont onéreuses: • le RBS ou des méthodes nucléaires pour le contenu d’hydrogène, • le Electron Energy Loss Spectroscopy pour la proportion de liaisons sp3. Il est néanmoins difficile de n’orienter un développement que sur les propriétés mécaniques et physiques d’un revêtement pour les raisons suivantes: • presque tous les polymères sont isolants, • les laques sont connues pour leur bonne protection contre la corrosion, • le graphite, mais aussi le polyéthylène et les polyamides, sont de bons lubrifiants à sec, • la microdureté d’un caoutchouc, mesurée selon la norme, est infinie. La plasmapolymérisation est un procédé important au niveau industriel. Parmi les applications grande échelle, citons: • Le dépôt de siloxanes sur les verres de montres en métacrylates pour protéger le démiroitage de l’usure. La plupart des lunettes sont aujourd’hui traitées de cette façon. • Le dépôt de polysiloxanes sur les composants métallisés en électrotechnique, notamment les phares et lampes de voitures.
270
Analyse et technologie des surfaces
• Le dépôt de carbone adamantin sur les disques durs pour les protéger de l’abrasion. • Le dépôt de carbone adamantin renforcé au carbure sur les pignons des boîtes à vitesse, et les composants des trains d’injection du combustible des voitures. • La protection contre la dissolution des aciers et alliages d’aluminium pour les applications alimentaires, y compris les boîtes de conserves. • Le durcissement des plastiques. • L’étanchéité des piles.
15.9 ÉQUIPEMENTS Les traitements de surface à partir d’une phase gazeuse doivent se faire sous une atmosphère contrôlée. Elle implique donc le transfert des pièces dans un four approprié, qui sera évacué – créant un vide – plus ou moins complètement pour être rempli jusqu’à la pression de travail par un mélange de gaz protecteurs et de réactants. Le tableau 15.4 résume les gammes de pressions, la désignation du vide correspondant et le régime de transport. Tableau 15.4 Résumé des gammes de pression de travail pour un dépôt à partir d’une phase gazeuse, la désignation du vide correspondant et le régime de transport. Gamme de pression > 105 Pa ~ 105 Pa 103 Pa-105 Pa 1-103 Pa 10–3 Pa-1 Pa cm: Dans ce cas on parle plutôt de l’applicabilité d’un traitement à un produit qui a une certaine forme. Il y des méthodes de traitement qui ne différencient pas entre l’intérieur et l’extérieur d’un chaudron. • µm – mm: Il s’agit de pouvoir de recouvrir régulièrement la topographie ou des rainures. Nous trouvons ici toute la gamme des possibilités du procédé nivelant vers celui qui renforce les surnivellations. • < µm: Cette dimension est très importante pour les surfaces industrielles et les matériaux avec micro- ou nanostructruration fonctionnelle. On parlera de l’influence de la finition d’une surface sur la qualité du revêtement (résistance à la corrosion p. ex.).
Ingénierie des méthodes de traitement de surface
321
Chaque traitement de surface a sa dimension limite caractéristique, λi, en dessous de laquelle il ne sera plus capable d’envelopper une surface uniformément. Cette dimension est d’abord une conséquence du mécanisme de transport utilisé et peut varier avec les caractéristiques du procédé: sélectivité et κ, comme cela est illustré dans la figure 18.1.
dimension caractéristique du mécanisme de transport: libre parcours moyen: li, longueur de diffusion, diamètre moyen des vortex
κ
sélectivité du procédé dimension limite caractéristique du pouvoir de pénétration λ i
Fig. 18.1 Relation entre procédés de transport choisi, κ, et le pouvoir de pénétration.
Le tableau 18.3 résume les ordres de grandeur des dimensions caractéristiques des différentes méthodes de transport. Dans beaucoup de traitements de surface, on peut choisir entre plusieurs méthodes d’application.
Tableau 18.3 Dimensions caractéristiques du transport pour différentes méthodes d’application. Méthode d’application
Dimension caractéristique du transport, ordre de grandeur
Remarque
Très faible
Pouvoir de pénétration déterminé par la mouillabilité et les effets secondaires
~m
Epaisseur proportionnelle à la surface apparente
Diffusion gazeuse
~ mm
Recouvrement complet possible avec les effets secondaires et une solution de transport adaptée à la pièce
Haut vide
> cm
Recouvrement complet exclu pour des pièces creuses
Flux turbulent
~ cm
Méthode de choix pour un revêtement uniforme
Immersion Jets, faisceaux
322
Analyse et technologie des surfaces
Si le matériau qu’on veut déposer permet plusieurs options pour le choix du procédé, la méthodologie recommandée suivra la séquence suivante: • détermination du λi requis, • sélection de la méthode d’application, • si le résultat doit encore être amélioré: modification des effets secondaires si possible, • optimisations de détail. Le choix de la forme qu’on considère pour la définition du pouvoir de pénétration est un compromis entre le désir d’être proche d’une application particulière et le désir d’avoir une définition reconnue, de préférence une norme pour le développement et la comparaison de procédés. 18.5.1 Pouvoir de pénétration recto verso Le pouvoir de pénétration recto verso est défini par: d n ξ RV = -----RdV avec dR : dV :
(18.1)
épaisseur du traitement au centre d’un disque de diamètre n [mm] sur la face exposée à la source du traitement. épaisseur du traitement au centre d’un disque de diamètre n [mm] sur la face opposée à la source du traitement.
18.5.2 Profondeur de pénétration La profondeur de pénétration z1/2 est la profondeur à laquelle l’épaisseur du traitement sur la paroi aura diminué à la moitié de l’épaisseur à la surface du bord d’un trou (fig. 18.2).
d z1/2
d --2
Fig. 18.2 Schéma définissant z1/2.
Ingénierie des méthodes de traitement de surface
323
Ces deux définitions sont les plus couramment utilisées. La condition de la non-apparition de tulipes au fond d’un trou borgne d’un certain ratio d’aspect peut être formulée en terme de z1/2 (fig. 15.11).
18.6 CONSOMMATION DE VECTEURS On appelle vecteurs les fluides utilisés pour transporter la matière vers les surfaces à revêtir. La consommation de vecteurs est importante pour le bilan économique et écologique. Il est aussi important de la définir correctement puisqu’il y a des vecteurs, dont le recyclage complet fait partie du procédé: vide, air comprimé. Dans ce cas, les frais pour le recyclage ne peuvent pas être séparés des frais d’investissement de la station de traitement (pompes pour une installation PVD par exemple). Mais l’ultravide coûte beaucoup plus cher à maintenir et à créer qu’un vide moyen. La consommation de vecteurs dépend du procédé de transport choisi entre l’alimentation avec la matière et les pièces (chap. 9). Le classement du tableau 18.4 donne des gammes estimées. Tableau 18.4 Ordres de grandeur de la consommation de vecteurs des différentes méthodes de traitement de surface. Solides par flux de gaz Liquides par flux de gaz Immersion, diffusion dans un liquide stagnant Immersion avec convection forcée Solides par phase liquide Liquide par liquide Gaz par gaz
>100 m3 /m3 > 50 m3/ m3 0 0 1-10 m3 /m3 0,2-10 m3 /m3 0-100 m3 /m3
Ce petit tableau indique que les procédés avec des sprays et lances, qui ont beaucoup d’avantages au niveau économique à cause de leurs grands débits de matière associés à des investissements relativement modestes, deviennent très vite chers, si on doit utiliser des vecteurs coûteux. C’est ce fait qui favorise l’utilisation des bases aqueuses pour les laques, les bains d’immersion et le dépôt sous vide. La projection au plasma est un cas particulier, puisqu’il est pratiqué aussi bien sous gaz protecteur que sous vide. La consommation des gaz vecteurs est aussi un facteur important dans le coût des dépôts CVD et de plasmapolymérisation. Pour tous les procédés qui utilisent les gaz comme moyen de transport, on observe grosso modo les relations indiquées sur la figure 18.3. Un bel exemple pour l’impact de telles considérations est la synthèse de monocristaux de diamant par CVD dans un brûleur d’acétylène. L’investissement est très faible. Mais la cinétique exige qu’on travail avec 1-5% d’acétylène dans un gaz vecteur d’hydrogène. Le rendement en matière est faible, ηM ~ 0,01. Pour avoir du diamant, on doit travailler avec un κ très faible: κ < 0,001. Aux prix actuels le diamant produit ne vaut pas les gaz consommés.
n
tis
m m ati o
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Analyse et technologie des surfaces
se
me
co n
nt
so
324
ηM
1 bar Fig. 18.3 Relations entre consommation de vecteurs, investissement et efficacité d’utilisation de la matière de dépôt pour la plupart des traitements de surface.
18.7 MÉTHODES DE NETTOYAGE L’objectif du nettoyage est de préparer une surface «propre». Il est utile de distinguer entre une surface propre mais «naturelle» et une surface dont la composition chimique et la morphologie correspondent au volume de la pièce. La surface naturelle correspond à une surface sous atmosphère ambiante. Tous les métaux – à l’exception justement des métaux nobles – sont couverts d’une couche d’oxyde plus ou moins épaisse et mouillée par plusieurs couches d’eau. On peut l’appeler parfaitement propre. Pour une surface sale on ajoute des matières organiques de toute provenance. Une surface propre peut aussi avoir une peau qui est le résultat de sa mise en forme et qui est formée de trois couches différentes: • une croûte d’oxyde du forgeage ou du traitement thermique: calamine; • une zone à forte déformation plastique avec ou sans inclusion en provenance de l’usinage; • une faible couche amorphe produite par échauffement et oxydation lors d’un polissage ou rodage: zone de Beilby. Il est très difficile, voire impossible, de produire industriellement une surface qui ne comporte aucune de ces croûtes. Chaque procédé de fabrication produit sa croûte caractéristique. L’art de l’ingénieur des méthodes consiste à trouver le bon mariage: l’état de surface qui se prête bien pour le traitement de surface retenu ou le traitement de surface qui tolère un état de surface donné. Il existe différents types de contrôle de l’état des surfaces: • à l’œil nu: si on veut détecter les croûtes, l’examen optique s’exerce sur les pièces à la sortie du nettoyage; on verra les oxydations fines dues à la surchauffe par leur couleur (bleu pour les aciers, jaune pour les alliages de titane et d’aluminium) et la calamine par sa couleur noire;
Ingénierie des méthodes de traitement de surface
325
• aux microscopes: optiques, électroniques ou autres (chap. 1 à 8); • par la métallographie en combinaison avec les méthodes d’analyse des surfaces; • par l’analyse des surfaces (chap. 1 à 8). 18.7.1 Nettoyage mécanique Un nettoyage mécanique est un moyen efficace pour enlever des couches dépassant l’ordre du micron. Il peut s’agir d’un usinage ou d’un traitement mécanique tel qu’il est décrit au chapitre 10. Il faut noter que ce nettoyage produit sa propre perturbation de la morphologie. 18.7.2 Nettoyage chimique Les nettoyages chimiques sont toujours des dégraissages combinés ou non avec des décapages chimiques. Les liquides utilisés sont un mélange savant entre tensides (poudre à lessive), tampons pour les graisses enlevées et un acide – souvent l’acide phosphorique – ou une base – soude ou eau de Javel. On peut donc distinguer entre nettoyages: • acide, • neutre, • alcalin. Le choix se fera en fonction du matériau à nettoyer et des saletés à enlever. Un cas particulier est le dégraissage électrochimique. On polarise les substrats anodiquement dans un électrolyte alcalin jusqu’à l’apparition de l’évolution d’oxygène. Cet oxygène in statu nascendi peut oxyder des résidus d’hydrocarbures et la formation de bulles à la surface métallique – couverte d’une saleté poreuse – peut provoquer un nettoyage micromécanique. On peut choisir un bain décapant qui enlève 0,1 à 100 µm de la surface. Une bonne connaissance en matériaux permet d’éviter beaucoup d’erreurs, comme les modifications de l’état de surface non prévues. Elles sont le résultat de la vitesse de corrosion différente des constituants d’un matériau microcomposite: dépolissage d’un laiton avec une structure de Wiedmannstätten, dissolution des carbures d’un acier trempé, dissolution sélective du cobalt d’un métal dur. Une séquence de nettoyage chimique consiste normalement en 1 à 4 nettoyages séparés et terminés par des rinçages multiples. Le transport local de saletés peut être contrôlé par des douches ou par une agitation produite par émission d’ultrasons. Si le traitement ne se fait pas avec un vecteur aqueux, on ajoute un séchage. Pour le séchage, on choisit une matière qui se mélange bien avec l’eau: • alcool, • hydrocarbures chlorés ou fluorés, • air chaud, • vide.
326
Analyse et technologie des surfaces
Pour des raisons écologiques et économiques, on n’utilise plus que les deux derniers séchants. Les installations utilisées sont les suivantes: • cuves avec agitation et action de cavitation provoquée par une émission d’ultrasons, • cabines de douche, • lances manuelles. On peut transporter les pièces d’une cuve à l’autre ou combiner une cuve avec plusieurs réservoirs de liquides nettoyants appliqués en séquence. Le choix dépendra de la taille et de la forme de la pièce. Les systèmes modernes sont tous équipés de systèmes de rinçage économiques, c’est-à-dire le liquide de la nième cuve de rinçage est utilisé pour remplir la n – 1ième cuve de rinçage. Un problème régulièrement rencontré est le transfert de liquide d’un bain à l’autre par les pièces creuses mal positionnées. Les ingénieurs avec une formation en matériaux insuffisante oublient souvent qu’une matière enlevée par décapage ne disparaît pas, mais s’accumule dans le décapant. La plupart des matériaux industriels contiennent des métaux, dont les ions ne doivent pas aboutir dans l’eau de nos rivières et de nos lacs: nickel, cobalt, tungstène, etc. Eviter un décapage inutile combine donc de nombreux avantages. 18.7.3 Nettoyage ionique On peut dissoudre les oxydes résiduels aux surfaces dans des phases ioniques. Le décapage dans un électrolyte est limité aux traitements qui se pratiquent eux aussi dans des bains électrolytiques. Une méthode qui à première vue est universelle est le traitement sous plasma. Il est utilisé dans plusieurs méthodes qui utilisent un gaz comme vecteur: • PVD, • PACVD, • projection au plasma, • laquage, • polymérisation. On ne peut négliger les réactions à la surface que sous vide poussé, où on pratique tout simplement une pulvérisation cathodique des pièces à revêtir avant le dépôt. Dans ce cas, on parle de décapage physique. On peut renforcer ce décapage par une réaction avec un gaz. On parle alors de décapage sec. Décapage physique Pour les applications mécaniques, où on traite toujours plusieurs m2 /jour, on préfère le décapage physique (physical etching) pour éviter les problèmes écologiques. Sous vide, la matière enlevée est ramassée par les parois. A l’instar du dépôt
Ingénierie des méthodes de traitement de surface
327
par pulvérisation cathodique, la création d’un plasma uniforme sur des grandes surfaces complexes constituées de matériaux avec des coefficients d’émission d’électrons secondaires différents n’est pas simple. Il faut aussi éviter des décharges d’arc. Le problème est amplifié sur des surfaces froides qui se chauffent au décapage physique. Cet échauffement provoque des évaporations locales intenses qui correspondent à une décharge différente du reste des surfaces – par exemple un arc. En principe, toutes les décharges se prêtent pour le décapage physique: • décharge luminescente diode radiofréquence, • décharge luminescente diode dc, • décharge luminescente triode radiofréquence, • décharge arc triode dc, • magnétron, • micro-ondes, • arc diode, • décharge corona. Toutes ces variantes sont utilisées au niveau industriel. Elles permettent le dépôt de revêtements PVD sur des surfaces métalliques Décapage sec Le décapage physique n’est plus utilisé en microélectronique à cause de sa faible résolution latérale et de son manque de sélectivité. Si le décapage physique est une pulvérisation cathodique, le décapage sec est un PACVD avec des concentrations qui mènent à un κ < 1. On enlève plus de matière qu’on en dépose. Pour l’illustration nous pouvons revenir sur notre système Si-Cl-H décrit au tableau 15.2. En exposant une surface de silicium à une décharge dans un mélange de CCl4 et H2, on établira la pression partielle d’équilibre de SiCl4 par décapage de silicium. Les gaz utilisés sont donc: CCl4, CF4, SF6, etc. On peut choisir des conditions qui donnent une attaque préférentielle du SiO2 par rapport au Si. Un décapage sec de revêtements organiques est appelé incinération au plasma (plasma ashing).
18.8 EXERCICES 18.8.1 Pourquoi une surface métallique est-elle couverte d’eau aux conditions ambiantes? 18.8.2 Développer une méthode pour déterminer le rendement en matière de • pulvérisation cathodique, • projection plasma, • galvanoplastie.
328
Analyse et technologie des surfaces
18.8.3 Développer une méthode pour déterminer la consommation d’énergie spécifique surfacique pour • un traitement thermique superficiel, • une anodisation. 18.8.4 Pourquoi un étamage au dorage nécessite-t-il un pouvoir de pénétration plus élevé qu’un zingage (pour une pièce en acier)?
18.9 BIBLIOGRAPHIE [18.1] Y. BRÉCHET, M. ASHBY et L. SALVO, Traité des Matériaux, vol. 20, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2001. [18.2] K.H. ADAMS, Oberflächenvorbehandlung: Lackieren, Kleben, Emaillieren, Weinheim, Wiley-VCH, 1999. [18.3] H. WILL, Produkt-Ökobilanzen unter besonderer Berücksichtigung der Wirkungsabschätzung am Beispiel der Automobillackierung, thèse, Université technique de Munich, 1996.
CHAPITRE 19
MÉTALLURGIE DES COUCHES MINCES
19.1 OBJECTIFS L’objectif de ce chapitre est d’introduire les méthodes de mesures des propriétés métallurgiques spécifiques aux revêtements: structure, architecture et propriétés mécaniques. Ce chapitre sera limité aux couches minces. Dans le fond il n’y a pas de métallurgie des traitements de surface. Les relations et les propriétés sont identiques dans les traitements de surface et dans les matériaux massifs. Les spécificités sont dans les méthodes de mesures. Une laque est un feuil en plastique avec une mise en œuvre particulière, une trempe superficielle est une trempe, une zone déformée plastiquement et sous contrainte à la suite d’un traitement mécanique est une zone déformée plastiquement comme une autre, etc. Néanmoins, le terme métallurgie des couches minces se justifie par le fait que les méthodes de mise en œuvre des couches minces à partir de phases gazeuses et ioniques sont réalisées sous des conditions qui sont tellement loin de la métallurgie traditionnelle que cela mène à des propriétés inhabituelles. A ceci s’ajoutent les méthodes spécifiques pour mesurer l’épaisseur et l’adhésion. Par ailleurs, la faible dimension des couches minces a nécessité le développement de nouvelles méthodes de mesure pour la dureté, le module d’élasticité et la résilience. Ces méthodes peuvent aujourd’hui être appliquées aux matériaux massifs.
19.2 MORPHOLOGIE DES COUCHES MINCES 19.2.1 Porosité Pour un solide, on distingue entre porosité fermée et porosité ouverte et le passage de l’une à l’autre dépend de la densité et de la forme des cristaux. Pour un revêtement on s’intéresse plutôt à l’étanchéité, c’est-à-dire à savoir si un fluide en contact avec la surface entre en contact avec le substrat ou non. L’épaisseur du revêtement joue alors un rôle important. Les méthodes de mesure sont donc essentiellement des tests chimiques: • Liquides qui attaquent le substrat pour former un sel coloré: tâches visibles à la surface. L’ammoniaque avec des substrats cuivreux en est un bon exemple, mais il existe des recettes pour la plupart des matériaux. La visualisation
330
Analyse et technologie des surfaces
•
• • •
peut se faire par un buvard que l’on analysera sous le microscope. Les méthodes de quantification étaient autrefois celles utilisées en corrosion. On met une grille et on compte le nombre de carrés qui ont des tâches. Aujourd’hui on utilise des logiciels d’analyse des images qu’on a sur les microscopes de métallographie. Courbes de polarisation dans un électrolyte (fig. 19.1) : on place la surface revêtue dans un électrolyte en prenant soin que l’électrolyte n’entre pas en contact avec une portion de la surface non revêtue. Dans une configuration à 3 électrodes (vol. 12 du Traité des Matériaux), on varie la différence de potentiel entre la surface et une électrode de référence proche d’elle. Ce potentiel est balayé entre celui (cathodique) de l’évolution d’hydrogène et celui (anodique) de l’évolution d’oxygène ou de dissolution anodique du revêtement. Une porosité correspondra à un courant de dissolution anodique que l’on observe dès qu’on a atteint le potentiel de dissolution d’un des constituants du substrat. L’absence de ce courant est un bon indicateur de l’étanchéité. La valeur du courant de dissolution permet en principe de calculer iD, et donc la section totale pondérée par la longueur des pores. Test de corrosion avec les méthodes d’exploitation habituelles. Observation en métallographie traditionnelle ou avec section par bille (fig. 19.2). Analyse de surface: la décroissance lente des signaux oxygène et azote pendant un profil en profondeur par l’analyse SIMS ou GDOS indique aussi une porosité.
X 45 NiCrMo 4 acier non traité nitruré revêtu de TiN nitruré + revêtu de TiN
log (densité de courant) [A /cm2]
–2 –3 –4 –5 –6 –7 –8 –9 –0,8 –0,6 –0,4 –0,2
0,0 0,2 0,4 potentiel [V] SCE
0,6
0,8
1,0
1,2
Fig. 19.1 Courbes de polarisation pour l’acier avec un traitement de nitruration préalable comprenant la formation de 10 µm de ε–Fe2N.
Métallurgie des couches minces
331
alimentation pâte de rodage pièce à mesurer
bille
axe d’entrainement jauge de force
Fig. 19.2 Principe de la section par bille.
La porosité des revêtements issus des différents procédés est très différente, mais un classement sommaire découlant de la structure de ce livre peut être fait: • Les revêtements produits à partir d’une phase liquide sont presque étanches, si le changement de volume lors de la solidification est faible ou positif (ce qui est le cas pour les dépôts amorphes et vitreux). • L’étanchéité des revêtements à partir d’une phase solide en poudre est a priori mauvaise mais elle est fonction des conditions de frittage. • Dans les revêtements produits à partir de la phase gazeuse, les effets suivants peuvent compromettre l’étanchéité: – transport entre les germes, – différences des coefficients d’expansion thermique pour les revêtements haute température. Tandis que les effets suivants sont très favorables: – dépôt sélectif sur la surface du substrat, – structure amorphe. • Dans les revêtements à partir de phases ioniques, on rencontre les effets suivants: – En galvanoplastie, l’étanchéité dépend de l’importance mutuelle des composants à la surtension. Des surtensions de diffusion provoquent une porosité, des surtensions de cristallisation favorisent une étanchéité. Une bonne étanchéité peut donc être obtenue avec les dépôts autocatalytiques. – Les dépôts qui comprennent une dissolution du substrat tels que les traitements de conversion sont toujours poreux. La figure 19.3 compare la morphologie de deux revêtements d’argent: l’un appliqué par galvanoplastie et l’autre par PVD.
332
Analyse et technologie des surfaces
(a)
(b)
Fig. 19.3 Comparaison de deux revêtements de 12 µm d’argent: (a) PVD avec une structure en brosse; (b) galvanoplastie avec une structure parfaitement isotropique.
19.2.2 Orientation préférentielle, texture On appelle orientation préférentielle dans un revêtement le fait que dans celui-ci un type de plan cristallographique est plus souvent parallèle à la surface qu’un autre. C’est-à-dire que les cristaux du dépôt sont tous orientés parallèles, par exemple dans la direction (111). On peut facilement mettre en évidence l’orientation préférentielle en diffraction rayons X. L’ensemble des orientations préférentielles est appelé texture du revêtement. Les origines de la texture sont bien sûr les différences de γSS pour les différents plans cristallographiques du revêtement par rapport aux plans cristallographiques du substrat. En cas de sélectivité totale, on parle d’épitaxie. Dans ce cas il n’y a qu’une famille de plans dans le revêtement qui est parallèle à une famille de plans d’un grain du substrat. En pratique, on préfère une analyse de la compatibilité des réseaux à l’analyse thermodynamique utilisant γSS. Une épitaxie et une certaine orientation sont favorisées s’il y a congruence entre les mailles des deux réseaux cristallins. L’orientation dépend des paramètres du procédé de déposition. La figure 19.4 donne un exemple pour le dépôt de TixAl1-xN déposé par plaquage ionique avec plasma arc en variant la tension de polarisation de substrat. Cette orientation peut être résumée par le rapport des intensités (111)/(200) (fig. 19.5). Dans ce cas, cette différence d’orientation est accompagnée: • d’une différence de contrainte compressive interne, • d’une différence de dureté, • d’une différence de résilience. Il s’en suit une différence de performance dans l’application, en l’occurrence la coupe interrompue du métal (fraisage) (fig. 19.6) et la coupe continue (perçage) (fig. 19.7).
333 3200
(200)
2800 2400 2000 1600 1200
(111)
800 400
(111) (200)
(111)
intensité [incidences enregistrées]
Métallurgie des couches minces
0 UBlas = –40 V
substrat
UBlas = –100 V
(200)
UBlas = –150 V 30 32
34
36 38 40 42 44 46 angle de diffraction 2ϑ [°]
48
50
Fig. 19.4 Orientation préférentielle des revêtements de TixAl1-xN appliqués par plaquage ionique avec différentes polarisations de substrats (par courtoisie de Balzers AG).
Ql = l(200)/l(111)
5 Ql = 50
(Ti0,6Al0,4)N
Ql ≥ 1
pression d’azote [Pa]
4 Ql = 22 3
Ql = 10
Ql = 0,2
2 Ql = 12
Ql = 0,1
1 Ql = 0,04
Ql ≤ 1
0 0
50 100 150 200 polarisation des substrats [–V]
250
300
Fig. 19.5 Rapport des intensités (111) /(200) en fonction des paramètres du procédé pour la déposition de TixAl1-xN appliqués par plaquage ionique (par courtoisie de Balzers AG).
Pour les couches minces déposées par PVD ou CVD, la taille des cristaux dans la direction normale à la surface correspond souvent à l’épaisseur du revêtement. On a une structure en polyèdres denses. Une particularité des dépôts réalisés avec un bombardement intense d’ions – du gaz vecteur ou de la matière à déposer, diffuser ou implanter – est la grande densité
334
Analyse et technologie des surfaces 250
10
200 pN2 = 1 Pa
150
durée de vie de l’outil Ql = l(200)/l(111)
1
Ql = l(200)/l(111)
durée de vie de l’outil [min]
(Ti0,6Al0,4)N
0,1
matière usinée H11, DIN 1,2343, X38CrMoV5-1 49,5 HRC
0,01
conditions de coupe vc = 220 m/min, ap = 0,5 mm, sec
100
50
0
outil fraise à tête de nille en carburel, Ø 8 × 65 mm, revêtu TiAlN (3 µm)
UB = –150 V UB = –40 V tension de polarisation des substrats Fig. 19.6 Différence de durée de vie des outils de fraisage en fonction de l’orientation préférentielle des revêtements de TixAl1-xN appliqués par plaquage ionique (par courtoisie de Balzers AG).
250
10 (Ti0,6Al0,4)N nombre de trous Ql = l(200)/l(111)
1
150
100
d
pN2 = 3 Pa
Ql = l(200)/l(111)
nombre de trous
200
0,1 50 pN2 = 1 Pa
0
0,01 UB = –150 V UB = –40 V tension de polarisation des substrats
outil forêt HSS, S 6-5-2, Ø 6 × 93 mm, revêtu TiAlN (5 µm) matière usinée AISI D3, DIN 1,2080, X210Cr12, 250 HB conditions de coupe vc = 40 m/min, f = 0,1 mm/rev., d = 15 mm (trous borgnes) émulsion
Fig. 19.7 Différence de durée de vie des outils de perçage en fonction de l’orientation préférentielle des revêtements de TixAl1-xN appliqués par plaquage ionique (par courtoisie de Balzers AG).
de défauts ponctuels qui peuvent être du type Frenkel ou Schottky. Ils sont à l’origine des tensions de compression internes importantes qu’on rencontre souvent dans les dépôts par plaquage ionique.
Métallurgie des couches minces
335
19.3 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES COUCHES MINCES Les propriétés mécaniques d’un corps avec des traitements de surface sont les propriétés mécaniques d’un corps composite. Mais contrairement à un macrocomposite, où les propriétés des composants individuels peuvent être déterminées séparément, ceci est rarement possible pour un revêtement. On se limite donc souvent à la sollicitation du composite et on essaie par un traitement théorique de déterminer les propriétés du revêtement et les propriétés de l’interface telles que l’adhésion. A cause de ces problèmes avec les méthodes traditionnelles, l’étude de la propagation d’ondes élastiques dans les revêtements est un outil valable pour déterminer le module d’élasticité. Une nouvelle génération de méthodes est en train d’apparaître: la nanoindentation (fig. 19.8). Il reste toujours le fait que la relation entre les propriétés «macromécaniques» et nanomécaniques des matériaux n’est pas simple. Un grand effort de recherche et de normalisation reste à accomplir. Le développement de ces méthodes a aussi permis de revoir la notion de dureté et nous sommes revenus à celle donnée initialement par Hertz: force appliquée dureté = ------------------------------------------surface de contact Les mesures sont alors faites en relevant la force appliquée en fonction de la profondeur pénétrée définie par rapport au premier contact. Cette relation est mesurée en pénétration et en sortie. On observe aussi la déformation résiduelle. Le calcul de la dureté requiert une connaissance de la surface de contact en fonction de la pénétration. Celle-ci est calculée par la mécanique du continuum en tenant compte de la classe des matériaux (ductile, fragile). Les méthodes plus modernes utilisent les mêmes mesures pour déterminer la surface de contact en fonction des propriétés mécaniques mesurées avec un algorithme d’itération. En utilisant un chargement différentiel, on peut déterminer la dureté et le module d’élasticité en fonction de la profondeur. La résilience d’un revêtement peut être déterminée par un essai de flexion ou de torsion. Normalement on les exécute avec des tables spéciales montées dans un MEB. Pour l’analyse de l’essai de flexion, il faut prendre en considération les tensions internes du revêtement, que l’on doit déterminer par une mesure séparée. A cause de la texture prononcée observée pour la plupart des couches minces, la résilience est anisotrope. Les analyses faites récemment sur des couches PVD montrent que la résistance à la rupture sous flexion de ces revêtements est très faible, de l’ordre de grandeur de la précision de mesure des tensions internes. Dans certains cas, comme le CVD sur des plaquettes en carbures cimentés, on a développé une méthode fondée sur l’observation des fissures, qui partent des coins d’une empreinte de microdureté Vickers. Son extension à d’autres composites n’a pas été couronnée de succès. Une méthode nouvelle en plein développement
336
Analyse et technologie des surfaces 140 module d’élasticité [GPa]
3,5
dureté [GPa]
3 2,5 2 1,5 1
0
(a)
100 200 300 400 500 profondeur de pénétration [nm]
4 3
0
(c)
100 200 300 400 500 profondeur de pénétration [nm]
0
100 200 300 400 500 profondeur de pénétration [nm]
600
100 200 300 400 500 profondeur de pénétration [nm]
600
100 200 300 400 500 profondeur de pénétration [nm]
600
200 150 100 50 0 0 (d)
600
90 module d’élasticité [GPa]
7 6 5 dureté [GPa]
40 20
module d’élasticité [GPa]
5
2
4 3 2 1
(e)
60
250
6
0
80
(b)
7 dureté [GPa]
100
600
9 8
1
120
0
100 200 300 400 500 profondeur de pénétration [nm]
600
80 70 60 50 40 30 20 0 (f)
Fig. 19.8 Dureté et module d’élasticité déterminés par nanoindentation dans des revêtements de MoS2 avec des morphologies différentes (a) à (f). Chaque image comprend une série de mesures exécutées après un déplacement latéral. La nanostructure des revêtements colonnaires provoque une forte variation des résultats de mesure d’un point à l’autre.
s’appuyera sur l’analyse des discontinuités des courbes de nanoindentation avec des forces de chargement maximales. Cette injection de nanofissures est liée à la résilience.
Métallurgie des couches minces
337
19.4 INFLUENCE DE LA MÉTHODE DE FABRICATION Les méthodes de fabrication influencent les propriétés mécaniques par le fait qu’elles produisent des structures différentes: • Pour les traitements de surface à partir d’une phase liquide ou solide et pour les traitements thermiques superficiels, la vitesse de trempe détermine la taille des grains, la constitution de phase et la nature et la densité de défauts du matériau. Les vitesses sont en général très élevées et on obtient facilement des structures micro- ou nanocristallines, voire amorphes. • Pour les traitements de surface à partir d’une phase gazeuse, la germination, la température de la surface et l’énergie de l’atome ou ion condensant déterminent la taille des grains, la constitution de phase, la nature et la densité de défauts du matériau. • Puisqu’on compare deux temps caractéristiques, celui nécessaire pour un atome diffusant à la surface pour trouver un site cristallin sur un germe et celui jusqu’au blocage du chemin par des atomes arrivés successivement, la vitesse de dépôt joue aussi un rôle pour la structure du dépôt à partir d’une phase gazeuse ou ionique. • La diffusion à travers le vecteur de transport peut jouer un rôle important, voire prédominant par rapport à la diffusion superficielle (souvent on ne considère que la somme de ces deux mécanismes de diffusion). Un κ proche de 1 donnera des revêtements avec une structure plus proche de l’équilibre, des cristaux plus grands avec une texture épitactique parfaite ou isotrope et un nombre de défauts plus faible. Il faut tenir compte de la texture pour des matériaux avec des propriétés mécaniques anisotropes.
19.5 RÉSUMÉ Les méthodes de caractérisation des propriétés mécaniques des couches minces sont le résultat des progrès récents en nanoscopie. Elles sont en pleine évolution et permettent déjà une caractérisation des nanocomposites en couches minces plus approfondie que celle des matériaux massifs.
19.6 EXERCICES 19.6.1 Calculer l’épaisseur du revêtement, dont le calotest est donné dans la figure 19.9. Il a été réalisé avec une bille de 10 mm.
338
Analyse et technologie des surfaces
19.6.2 Calculer la charge maximale pour une mesure de microdureté Vickers pour un revêtement d’or de 1,5 mm. La norme préconise que la profondeur de l’indentation ne doit pas dépasser 1/5 de l’épaisseur du revêtement. Quel agrandissement doit être disponible sur le microscope de lecture ? 19.6.3 Discuter l’influence des différences de morphologie montrées dans la figure 19.3 sur les propriétés mécaniques.
19.7 BIBLIOGRAPHIE [19.1] Fundamentals of Nanoindentation and Nanotribology, N.R. Moody et al. Eds., MRS symposium proceeding, vol. 522, 1998. [19.2] B.M. CLEMENCE, H. KUNG et S.A. BARNETT, Structure and Strength of Multilayers, MRS Bulletin, vol. 24, pp. 20-26, 1999. [19.3] A.C. FISCHER-CRIPPS, Nanoindentation, Mechanical Engineering Series, vol. Springer Verlag, 2002. [19.4] P.J. BLAU et B.R. LAWN, Microindentation Techniques in Materials Science and Engineering, ASTM STP 889, 1984. [19.5] A. KRELL et S. SCHÄDLICH, Materials Science and Engineering, A307, p. 172, 2001. [19.6] Thin Films, Stresses and Mechanical Properties, MRS Symposium 188, 1990. [19.7] W.C. OLIVER et G.M. PHARR, J. Mat. Res. 7, 1564, 1992.
CHAPITRE 20
APPLICATIONS
20.1 OBJECTIFS Ce chapitre se limite à une illustration de la complexité de l’application des revêtements dans quelques tribosystèmes concrets. Le lecteur trouvera une description complète des tribosystèmes dans les chapitres suivants. Par ailleurs, les applications typiques pour chaque technologie de traitement de surface ont été décrites à la fin de la plupart des chapitres précédents.
20.2 OUTILS Les outils sont une des applications de pointe des traitements de surface. Il y a une raison économique et technique à cela: un outil sert à fabriquer des pièces. Son coût se distribue donc sur une grande quantité de pièces, dont il n’influence guère le prix. Par exemple, on utilise 12 plaquettes de coupe pour fabriquer une voiture. Par contre, sa performance qui comprend durée de vie et conditions d’utilisation peut être déterminante pour le coût de la pièce finale. Le progrès dans les méthodes de fabrication pendant les 60 dernières années s’est largement concrétisé dans l’élaboration de nouveaux matériaux et depuis 30 ans essentiellement dans les revêtements. La bonne compréhension de ce chapitre requiert l’étude préalable des chapitres 21 à 26 suivants sur la tribologie. L’usure des outils est un problème tribologique complexe, puisque différents mécanismes d’usure agissent simultanément et avec des intensités relatives, qui sont déterminées par les conditions opératoires. Cette usure nécessite impérativement l’approche d’analyse de système. Dans ce chapitre nous prendrons un autre point de vue, celui de la conception d’une solution. Nous allons utiliser les concepts des composites avec gradation de fonctionnalité, développée pour les ailettes de turbines, qui opèrent aussi dans un tribosystème complexe. Cette approche se prête bien comme outil de conception d’outils.
340
Analyse et technologie des surfaces
20.3 MÉCANISMES D’USURE DES OUTILS Tout choix de matériaux doit être précédé d’une détermination des mécanismes d’usure, pour formuler les exigences sur les propriétés des matériaux (tab. 20.1). Tableau 20.1 Mécanismes d’usure Abrasion Erosion Frottement Fatigue Rupture Corrosion
Propriétés des matériaux Dureté Dureté et résilience Coefficient de frottement Contraintes compressives Résilience Résistance thermochimique et porosité
Nous démarrons avec l’opération la plus simple, c’est-à-dire la coupe continue avec arrête définie. usure de dissolution usure adhésive copeau pièce
outil
usure abrasive
Fig. 20.1 Flux de matière et frottement sur une arrête de coupe.
Nous trouvons deux types d’attaques: • Attaque par la pièce: usure de la face de dépouille. L’usure abrasive forte est influencée par: – la distribution des carbures dans la matière, – la géométrie de l’arrête de coupe, – les conditions opératoires. • Attaque par le copeau: usure de la face d’attaque: L’usure abrasive et érosive est fortement influencée par: – la distribution des carbures dans la matière, – la pression entre le copeau et la face d’attaque qui est déterminée par: • la géométrie du copeau (degré de déformation plastique), fonction de la géométrie de la face d’attaque, le coefficient de frottement, la forme de l’outil, géométrie de l’arrête de coupe, la cinématique de coupe;
Applications
341
– le module élastique de la matière; – la résistance de la matière à la déformation plastique (macrodureté); – la température normale du copeau (= température du copeau/température de fusion de la matière); ce paramètre détermine la transition de l’usure abrasive vers l’usure érosive. Une analyse approfondie révèle deux types d’usure: • le micro-usinage avec arrête de coupe indéfinie (rectification); • la microdélamination associée à une défaillance adhésive. Le type d’usure dépendra de la taille des inclusions et de leurs conditions d’impact. Les deux types d’usure attaquent une région qui s’étend à un multiple de la taille des inclusions vers l’intérieur du substrat: • l’usure adhésive causée par l’interaction de la matière avec la surface de l’outil; elle est donnée par γSS ; • l’usure par dissolution: c’est l’attaque thermochimique du matériau de la matrice du copeau sur la surface d’attaque; elle est fonction de: – l’affinité chimique entre la surface de l’outil et le matériau du copeau; – la température du copeau; – la température de la surface de l’outil; – la cinématique du copeau (turbulence du flux de matière). Les seules opérations de coupe continues sont le tournage et le perçage. Si on passe à la coupe interrompue, on rencontre des effets supplémentaires, dont l’importance dépendra de l’opération et des conditions opératoires: fraisage, taillage, rabotage, alésage, taraudage: • déformation élastique de l’arête de coupe, • entrée dans la matière facile ou difficile, • sortie droite de la matière ou glissement retour (par exemple au fond d’un trou borgne), • cyclage thermique, • degré de déformation plastique de la pièce usinée. La figure 20.5 montre les outils correspondants. D’autres analyses sont à faire pour les opérations de frappe et d’étampage. Le moulage a été discuté en détail au chapitre 17.
20.4 UTILISATION D’UN MATÉRIAU COMPOSITE AVEC GRADATION DE FONCTIONNALITÉ Si on veut répondre à différents mécanismes d’usure, on a intérêt à utiliser l’outil pour un revêtement sous forme de composite avec gradation de fonctionnalité (fig. 20.2).
342
Analyse et technologie des surfaces modificateur de frottement revêtement de surface: résistance à l’usure sousmicronique zone d’impact profond : abrasion, corrosion, etc. matériau de support • résilience • dureté à chaud • résistance cohésive • résistance à la fatigue matériau du cœur • module élastique • résilience • conductivité thermique
Fig. 20.2 Les différentes zones sur une arrête de coupe avec leur fonctionnalité.
La sélection du matériau du cœur est traitée dans les volumes 1 à 3 et 5 à 24 du Traité des Matériaux. Pour obtenir un matériau de support approprié, on utilise actuellement les méthodes suivantes: • pressage isostatique à chaud pour les vis d’extrusion et autres composants du train de compression dans l’injection des polymères; • frittage d’une poudre appauvrie ou enrichie en cobalt pour certaines plaquettes de fraisage; • cermets à base de TiN extrudés sur un cœur en acier et frittés pour des mèches (fig. 20.5); • projection de plasma de Stellite pour les outils de frappe à chaud; • traitement thermique par induction; • pour la zone d’impact profond on utilise la nitruration pour les tarauds, les moules et certains outils de frappe. Pour les revêtements de surface, on utilise les matériaux durs tels que les • carbures, nitrures et borures des métaux de la colonne 4b, 5b et 6b du système périodique ainsi que leur mélange, • nitrures et oxydes de l’aluminium, • diamant, • nitrure et carbure du silicium, • nitrure de bore cubique et le carbure de bore. Les méthodes d’application sont les suivantes: • PVD, • CVD, • PACVD (fig. 20.3), • plaquage ionique.
Applications
343
Fig. 20.3 Revêtement de diamant sur un substrat en métal dur déposé par PACVD.
Pour la modification de frottement, on utilise à nouveau des couches minces appliquées par PVD ou un procédé hybride qui combine la pulvérisation cathodique avec le PACVD. On utilise donc: • les bichalcogénures tels que le bisulfure de molybdène pur ou en nanocomposite avec renforcement par un métal, • un nanocomposite consistant en carbone adamantin renforcé au carbure de tungstène (fig. 20.4).
Fig. 20.4 Nanocomposite carbone adamantin avec cristaux de β-WC (par courtoisie de H. Sjøstrom).
344
Analyse et technologie des surfaces
Fig. 20.5 Exemples d’outils revêtus par PVD (par courtoisie de Balzers SA).
20.5 RÉSULTATS D’APPLICATION POUR LES OUTILS DE COUPE Quasiment tous les outils de coupe sont utilisés revêtus. Les revêtements ont différentes fonctions: • Ils permettent de supprimer le grippage de l’outil dans la matière. • Ils diminuent le coefficient de frottement du copeau sur la face de dépouille, et les guides-copeaux. • Ils diminuent l’usure abrasive (2 et 3-corps) de l’arrête et de la face d’attaque. • Ils diminuent l’usure par dissolution de la face de dépouille. • Ils modifient le flux de chaleur du copeau vers l’outil. • Ils diminuent l’ébrèchage des arrêtes par des contraintes compressives. Comme exemple nous allons présenter trois types d’outils. Les forêts coupent en continu. La figure 20.6 compare les résultats obtenus avec différents revêtements PVD dans une opération de test standardisée. Les différentes lettres correspondent à des différences de procédé et/ou de technologie de dépôt. Elles mettent en évidence que ce n’est pas la composition chimique, mais la structure ainsi que les propriétés mécaniques qui déterminent la performance d’un outil revêtu. La figure 19.7 illustre un détail en comparant deux revêtements TixAl1-x N avec une orientation préférée différente.
Applications
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résultats de perçage 140 126
120
100
96
80 trous
76, 8 70 65
60
65
54
40
33
35,6 35,6 30,5
28
27 22
20 10, 6
12, 4
16, 4
15 11, 6
14
16
24,6
26
20
19
A
0
Ti B N Ti C N Ti N D Ti N E Ti N F Ti N P Ti N Q Ti N U Ti V N T W iN Ti N X Ti Y N Ti G CN Ti C H N Ti C IT N iC R N Ti C S N Ti T CN Ti A J T lN iA K lN Ti A L lN Ti A M lN Ti A l Ti W N N CC +W Ti C N + -C M oS 2
4
Fig. 20.6 Résultats d’un test de perçage standardisé : matière: X 220 CrVMo 13 4 (K 190 Isomatrix), préparée par métallurgie des poudres. Forêts: φ 6 mm, acier rapide S 6-5-2, coins bizeautés ; vitesse de coupe: 1850 t/min; avance: 222 mm/min; trous borgnes de 15 mm avec un précentrage de 1 mm, lubrification: Alusol 8%.
Les fraises à queue sont un exemple d’un outil avec coupe interrompue. Dans ce cas-là, la formation du copeau est accompagnée d’une importante déformation élastique de l’arrête de coupe entre l’entrée et la sortie de la matière. Cette déformation peut provoquer une cassure de l’arrête par fatigue. En usinage lubrifié, cette fatigue mécanique est accompagnée d’une fatigue thermique, puisque l’arrête se chauffera pendant la coupe pour être refroidie pendant la révolution de l’outil. La figure 19.6 montre comment une forte contrainte compressive peut augmenter la résistance à ce mécanisme de dégradation. Des outils, qui permettent de très bien observer l’usure par dissolution par le copeau, sont les fraises-mères. La figure 20.7 compare la performance d’un outil modèle, un «fly wheel», qui est une fraise-mère avec une rangée de dents, revêtu avec différentes architectures de dépôts. Le c-MoTiN est un mélange solide entre 60% de MoN et 30% de TiN, qui stabilise le MoN dans la structure cfc. On voit clairement l’effet des finitions autolubrifiantes sur le résultat. Elles sont probablement dues à une baisse de température de la surface de dépouille par une baisse du coefficient de frottement. Cette baisse diminuerait l’usure par dissolution chimique. Comme on pouvait s’y attendre à partir de la théorie des tribosystèmes, un outil revêtu coupant n’a que peu de choses en commun ave un outil non revêtu. En
346
Analyse et technologie des surfaces
90
temps de coupe [min]
80 70 60 50 40 30 20 10
TiN/MC/C
TiAlN/MoS2
TiN/MoS2
c-MoTiN
TiAlN
TiCN
TiN 2
TiN 1
non revêtu
0 Vb < , 2 Vb < ,15 Vb < , 1 usure moyenne
Fig. 20.7 Comparaison de la durée de vie de segments de fraises mères dans un test standardisé : matière: 27MnCr5, HB 180, forgé. Outil: segment de fraise mère, φ 80 mm, 20 dents; vitesse de coupe: 200 m/min; révolutions: 796/minute f: 334 mm/min fz 0,021 mm/révolution; avance axiale: 5,8 mm; avance radiale: 1 mm; critère d’arrêt: largeur de la marque d’usure sur la face d’attaque Vb ; conditions de travail: sec.
pratique, on changera sa construction (p. ex. angles de coupe et nombre de dents), on travaillera sous des conditions différentes (p. ex. sec ou plus vite) et on usinera d’autres matériaux (acier traité thermiquement).
20.6 COMPOSANTS DE MOTEUR À COMBUSTION Le revêtement des composants des moteurs à combustion a permis de diminuer la consommation d’essence par un facteur 2 au cours de la décennie passée. Les coussinets des arbres à cames étaient probablement la seule pièce revêtue dans la voiture au début du siècle passé. Aujourd’hui on utilise une architecture multi-technologie décrite au chapitre 17. Les segments de piston portent un des revêtements suivants: • une couche épaisse de 100-200 µm de Mo/TiB2 appliquée par projection au plasma; • une couche de 100 µm de chrome appliquée par galvanoplastie ou par PVD; • un composite à fonctionnalié gradué comprenant une nitruration, un revêtement TiN par PVD et un revêtement carbone par CVD.
Applications
347
Les éléments de compression tels que poussoirs et piston du train d’injection sont revêtus avec une couche WC/C pour supprimer l’usure dans les moteurs équipés d’un common rail. Les pistons en aluminium ou magnésium sont revêtus d’une couche de fer appliquée par galvanoplastie pour les moteurs à bloc en alliage aluminium. Les culbuteurs et les cames sont traités par trempe superficielle dans les moteurs à conception conventionnelle.
20.7 LUNETTES Les verres de lunettes sont un autre exemple d’un composite avec gradation de fonctionnalité réunissant plusieurs variantes de traitement de surface. Les verres sont fabriqués en verre ou en métacrylate. Ils servent à corriger les défauts de notre système optique naturel constitué essentiellement d’un revêtement photosensible, d’un corpus à diamètre fixe et d’une lentille avec courbure réglable. La correction se fait par une lentille. Sa taille est inversement proportionnelle à son rapport d’indice de réfraction avec l’air: n verre n = ----------n air
(20.1)
On a donc intérêt à choisir un verre avec un indice de réfraction important pour le corps du verre de lunettes. Pour des raisons de confort, les porteurs de lunettes préfèrent un matériau avec poids spécifique faible. Mais en augmentent n, on augmente aussi la fraction de lumière réfléchie, qui est donnée par la loi de Fresnel: n–1 2 R = ------------ n + 1
(20.2)
Cet effet de miroir n’est pas très flatteur pour le porteur de lunettes. La seule façon de l’éliminer est par interférence destructive. Elle peut se faire par une autre onde de lumière déphasée par rapport à cette réflexion de π /2. Une couche mince d’une épaisseur et d’ un indice de réfraction plus faible a cet effet comme le montre la figure 20.8. Une condition pour l’élimination complète de la lumière réfléchie est que les amplitudes réfléchies aux deux interfaces de la couche de démiroitage soient égales : n n ----0- = ----1n1 n2 n1 =
n0 n2
(20.3)
348
Analyse et technologie des surfaces 100%
100%
0% n0
4%
n0 n0 n1 96%
t1 4%
n1 100%
n2
n0
n0 92% (a)
(b)
Fig. 20.8 Schéma pour le démiroitement des verres de lunettes par des couches de λ /4: (a) réflexions multiples dans un verre non revêtu, (b) extinction de la réflexion par une couche λ /4.
Pour une extinction complète, il faut encore que le déphasage soit de π /2. C’est le cas si la relation de Bragg est remplie:
λ 3 λλ n 1 t 1 = ---, ----------, … 4 4
(20.4)
Pour une monocouche sur un simple verre soda avec indice de réfraction n2 = 1,52, on prend du MgF2 avec un indice de réfraction n2 = 1,38. Bien sûr ce démiroitage n’est effectif que pour une longueur d’onde, i. e. une couleur. Pour étendre cet effet sur toute la gamme de la lumière visible et pour avoir un démiroitage parfait, on utilise des paquets de couches alternant coefficient de réfraction élevé avec coefficient de réfraction faible comme indiqué au tableau 20.2. Tableau 20.2 Paquet de démiroitage avec 4 couches (selon [20.1]). Indice de réfraction n0 = 1 n1 = 1,38 n2 = 1,23 n3 = 1,63 n4 = 1,38 n5 = 1,52
Chemin optique — n1 t1 = λ /4 n2 t2 = λ /4 n3 t3 = λ /4 n4 t4 = λ /4 —
Matériau Air MgF2 ZnS CeF3 MgF2 Verre
Ce paquet peut être conçu pour une incidence normale ou sous un certain angle, mais pas dans les deux cas. C’est la raison pour laquelle les lunettes démiroitées ont un reflet rosâtre ou jaunâtre sous regard oblique. Bien sûr un paquet de couches différent doit être utilisé pour des lunettes en métacrylate. Traditionnellement, on déposait ces couches par évaporation sous vide avec un creuset approprié. Ceci produisait des couches amorphes et poreuses. La structure amorphe est nécessaire pour avoir une bonne transparence. La porosité doit être un
Applications
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compromis: suffisamment faible pour ne pas produire un effet optique et suffisamment importante pour donner une perméabilité à l’eau comparable au substrat. Ce composite, tel qu’on le produisait dans les années 1970, remplissait toutes les exigences optiques, mais la structure était faible mécaniquement et s’usait donc rapidement. On a donc apporté les modifications suivantes: deux couches dures, une épaisse, à la surface du substrat et une autre à la surface pour protéger les couches optiques. La sous-couche a les fonctions suivantes: • donner un support plus dur à la structure optique pour la protéger de l’usure abrasive micronique; • rendre le composite plus étanche et ainsi diminuer les exigences de porosité (ce qui permet l’utilisation de couches plus denses et donc plus résistantes à l’abrasion pour la structure optique; on utilise la pulvérisation cathodique ou le plaquage ionique pour leur déposition). Comme matériau on a utilisé les polysiloxanes. La première couche est appliquée par plongées multiples et essorage ou par spinning. La couche superficielle est appliquée par plasmapolymérisation. Toutes ces techniques ont été choisies parce qu’elles permettent un contrôle suffisamment précis de l’épaisseur. Le problème technique consistant à réaliser ces revêtements rapidement dans des petits équipements distribués dans les points de vente n’est pas encore résolu. Les montures de lunettes sont elles aussi de belles applications des matériaux. Pour les montures métalliques, les bagues qui sertissent le verre sont en Monel, les deux bras sont normalement fabriqués en Nimonic. Récemment on a développé des constructions en alliages de titane-nickel avec effet mémoire. Pour donner à cet ensemble de matériau un aspect plaisant, on utilise toute la gamme des traitements de surface: • dorage galvanique, • chromage galvanique pour le bas de gamme, • PVD coloré: – jaune: TiN, – aubergine: TiCN, – noir TixAl1-xN, TiC/C, – marron: TiCN, – bleu: TiOxNy, – divers roses, verts et abricots: borures, • dépôt d’aluminium par PVD + anodisation + laquage de protection, • anodisation du titane, • patines + laquage.
20.8 BIBLIOGRAPHIE [20.1] H.K. Pulker, Coatings on Glass, Elsevier, Amsterdam, 1984. [20.2] Fatigue et traitements de surface, Société française de Métallurgie, CETIM Senlis, 1987.
CHAPITRE 21
ÉLÉMENTS DE TRIBOLOGIE INTRODUCTION
21.1 TRIBOLOGIE: DÉFINITION – HISTORIQUE Discipline regroupant sciences et technologies s’intéressant aux interactions entre surfaces en contact, à leurs causes, à leurs effets et aux moyens de les amplifier ou de les réduire, la tribologie traite des problèmes de contact, de frottement, d’usure et de lubrification. La tribologie intéresse tous les domaines d’activité car l’univers technique qui nous environne est essentiellement régi par des contacts. Ils contribuent au fonctionnement des liaisons entre solides que ce soit dans les systèmes vivants ou dans les machines, dans les mécanismes les plus élémentaires comme les plus complexes. On en trouve aussi bien dans les articulations humaines que dans celles des satellites, en micromécanique comme dans les engins de travaux publics, dans la mise en forme des matériaux comme dans les organes de transmissions d’énergie ou de guidage. Préoccupation permanente et universelle, la tribologie se caractérise aussi par son interdisciplinarité et fait appel à de nombreuses sciences fondamentales telles que physique, chimie, mécanique des solides, mécanique des fluides, sciences des matériaux... Bien que ses effets se soient manifestés depuis la genèse de l’univers, la tribologie n’a acquis sa spécificité que depuis quelques décennies. Le terme tribologie lui-même, (du grec tribein = frotter et logos = étude) est récent (1966). Les notions de frottement et usure remontent, cependant, à la plus lointaine antiquité et ont accompagné les progrès de l’humanité. Les hommes primitifs ont façonné par frottement et usure les pointes acérées de leurs outils ou de leurs armes, puis obtenu le feu en heurtant des silex ou en frottant l’un contre l’autre des morceaux de bois (Paléolithique). L’histoire des sciences est ensuite émaillée de faits marquants liés à la tribologie dont on peut citer les principaux: • mise en œuvre du mouvement rotatif pour le perçage au Néolithique; • utilisation de pivots dans les tours de potiers et de crapaudines pour les portes en Mésopotamie (~4000 avant J.-C.); • apparition de la roue en Mésopotamie (3500 avant J.-C.); • remplacement des glissières par des rouleaux pour déplacer des charges et bénéficier ainsi du facteur de frottement de roulement plus faible que celui de glissement (3000 avant J.-C.);
352
Analyse et technologie des surfaces
• utilisation de lubrifiants en Egypte (vers 3000 avant J.-C.) en particulier dans le transport de charges importantes; des bas-reliefs montrent en effet des esclaves versant du liquide pour faciliter le glissement, sur les glissières des traîneaux supportant les statues des colosses à déplacer; • découverte de l’engrenage en Egypte et Mésopotamie (1000 avant J.-C.); • notions de frottement pendant la période gréco-romaine (400 à 300 av. J.-C.). Au Moyen Age, après une longue période de régression technique, les progrès dans les technologies liées au contact vont reprendre. Ils porteront sur l’utilisation d’huiles végétales ou animales pour la lubrification, sur l’apparition des concepts de paliers pour les matériels agricoles, l’horlogerie, les équipements de mise en œuvre de nouvelles énergies: moulins à vent ou hydrauliques. Des métaux seront utilisés pour la réalisation de paliers et des équipements résistant à l’usure seront imaginés. A la Renaissance, le renouveau intellectuel dans les sciences et les arts va relancer la progression dans la prise de conscience des problèmes tribologiques. Les nombreuses études et schémas laissés par LÉONARD DE VINCI sur le frottement de glissement, le roulement, sur les matériaux de friction, les engrenages en sont les témoignages les plus typiques. Beaucoup de ces mécanismes furent concrétisés par les inventeurs, de nouveaux matériaux de friction furent mis au point qui introduisirent les bases des progrès des siècles suivants. Plus récemment, des scientifiques célèbres ont abordé les problèmes de tribologie d’une manière d’abord descriptive puis de plus en plus quantitative: • expression des premières lois du frottement par AMONTON (1699), prise de conscience de l’influence de l’état de surface sur le frottement par BELIDOR (1737), approche analytique de la notion de frottement par Léonhard EULER (1750) introduisant notamment la notion d’angle de frottement: µ = tan α ; • finalisation des lois de frottement par COULOMB (1782) qui furent confortées par les travaux expérimentaux de MORIN (1835). La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe virent le développement de la lubrification. Les mathématiciens NAVIER et STOKES (1822) proposent les équations générales du mouvement des fluides prenant en compte leur frottement interne, et POISEUILLE étudie l’écoulement d’un fluide dans un tube (1840-1846). Les travaux de HIRN (1847) sur la lubrification hydrodynamique se virent confirmés en 1883 par les études de PETROV sur la viscosité et les expériences sur les paliers de TOWER-BEAUCHAMP. La fin du XIXe siècle apporta l’approche scientifique du roulement et de la lubrification par REYNOLDS (1886). La transition avec le XXe siècle fut une période féconde dans le domaine de la tribologie avec les réalisations de KINGSBURY et MICHELL ainsi que les calculs de SOMMERFELD, GUMBEL et STRIBECK.
Eléments de tribologie
353
Lord RAYLEIGH en 1917 établit les bases de la lubrification hydrostatique qui fait intervenir la portance générée par une pression extérieure. Dans le domaine de la mécanique des solides, les études sur les déformations et contraintes de contact par BOUSSINESQ et HERTZ à la fin du XIXe siècle seront reprises par HUBER, STRIBECK et HEATHCOTE au début du XXe siècle et déboucheront sur les théories sur la physique du roulement et sur celles de la lubrification élastohydrodynamique de MARTIN, GRUBIN, DOWSON, qui sont encore étudiées de nos jours. La prise de conscience de la physique du frottement, de l’usure et des phénomènes thermiques dans le contact par VERNOTTE, ARCHARD, BOWDEN, TABOR, JAEGER, KRAGELSKI eut lieu dans la première moitié du XXe siècle mais l’étude est poursuivie à l’heure actuelle par de nombreuses équipes scientifiques. Pendant les cinquante dernières années, poussée par le besoin des technologies modernes en mécanismes et composants de plus en plus performants, la tribologie est devenue une science à part entière. Les recherches se multiplient pour en développer les nombreux aspects: analyse et description des surfaces techniques jusqu’à l’échelle nanométrique, études des contact lisses ou rugueux, du frottement, de l’usure, de l’adhérence, approfondissement des connaissances dans le domaine de la lubrification, développement de lubrifiants et additifs sans cesse plus performants, conception de nouveaux matériaux ou de nouveaux traitements et revêtement de surfaces.
21.2 ASPECTS INDUSTRIELS ET ÉCONOMIQUES Au cours des dernières décennies, l’impact de la tribologie sur la vie économique et industrielle a été considérable, comme l’ont montré de nombreuses enquêtes. Bien que les évaluations soient relativement divergentes suivant les éléments pris en compte, il apparaît que 10 à 30% de l’énergie produite dans le monde est consommée par frottement. L’American Society of Mechanical Engineers (ASME) estime, de son côté, à plus de 10% de la consommation totale énergétique des Etats-Unis, l’économie qui pourrait être réalisée par des actions de recherche dans le domaine de la tribologie. En ce qui concerne le coût de l’usure, les valeurs avancées sont aussi extrêmement variables selon que l’on introduit les coûts matières ou les pertes de production, mais toutes atteignent des niveaux impressionnants: • 100 milliards de dollars aux Etats-Unis en 1975 (Etude JOST), • 10 milliards de marks en Allemagne en 1976 (Etude BMFT), • 2,5 milliards de livres dont 20% économisables en Grande-Bretagne en 1966 (étude du Département de l’Education et des Sciences), • 5 milliards de dollars canadiens au Canada en 1982, dont 25% économisables (étude du National Research Council of Canada), • 164 milliards de francs en France en 1994 d’après une estimation du CETIM.
354
Analyse et technologie des surfaces
Toutes ces enquêtes concluent à la possibilité d’économies substantielles qui pourraient être réalisées en étendant l’effort de formation et de recherche en tribologie.
21.3 PERSPECTIVES DE LA TRIBOLOGIE Confrontée aux exigences du monde moderne, la tribologie doit affronter des situations nouvelles. L’accroissement des performances, la miniaturisation, les soucis d’économie d’énergie et de matière, les exigences de fiabilité et de longévité, la variété des environnements (vide spatial, températures élevées, milieux cryogéniques ou chimiquement agressifs, protection environnementale ou sanitaire...) conduisent à mettre en œuvre de nouveaux concepts et de nouvelles solutions. Recherches fondamentales et finalisées sont souvent associées pour prendre en compte la complexité et la variété de ces situations. L’amélioration des techniques connues ou la création de nouvelles (sustentation magnétique, nanotribologie, biotribologie, tribologie spatiale...) font apparaître de nouveaux aspects concernant la compréhension du frottement, la conception des mécanismes, des matériaux à usage tribologique, des méthodes et moyens de lubrification.
21.4 BIBLIOGRAPHIE [21.1] D. DOWSON, History of Tribology, Longmans, Londres, 1979. [21.2] J. FRENE et al., Lubrification hydrodynamique, Eyrolles, Paris, 1990. [21.3] Strategy for Energy Conservation through Tribology, ASME, 1977. [21.4] J.M. BELOT, B. RIGAUT, Importance industrielle de l’usure, CETIM-Information, n˚141, déc. 1994.
CHAPITRE 22
ANALYSE TRIBOLOGIQUE DES SYSTÈMES
22.1 OBJECTIFS D’une manière générale, on observe en ingénierie mécanique, que le choix des matériaux pour réaliser un composant est souvent orienté par des considérations qui n’ont que peu ou pas à voir avec la tribologie et qui sont les suivantes: • propriétés mécaniques, électriques ou magnétiques, • résistance à la corrosion, poids, coût. Celles-ci sont, le plus souvent, le souci primordial des concepteurs qui s’attachent davantage aux propriétés volumiques des matériaux qu’aux propriétés surfaciques. Il est vrai que les informations concernant les premières sont beaucoup plus accessibles alors que les propriétés tribologiques ne peuvent pas, le plus souvent, s’exprimer par des valeurs ou relations simples et qu’elles dépendent largement des applications et des conditions d’utilisation. La nature même des problèmes tribologiques, leur variété, leur complexité ainsi que le grand nombre de variables qui interviennent, nécessitent donc une approche analytique fonctionnelle détaillée de façon à pouvoir détecter et prendre en compte les facteurs et paramètres principaux les plus critiques qui régiront le comportement général de l’ensemble du système. En conséquence, il importe de disposer, pour analyser la situation, d’une méthode, aussi rigoureuse que possible, qui conduise à une prise en compte de tous les éléments disponibles pouvant influer sur le résultat final. L’analyse tribologique, proposée ci-après, vise à atteindre cet objectif en adoptant la démarche suivante: 1. Identification des différents contacts qui interviennent dans le mécanisme. 2. Extraction pour chaque contact des paramètres fonctionnels ou variables opérationnelles. 3. Identification des effets résultants générés par le fonctionnement et évaluation de leur influence sur le contact. 4. Détection des processus physiques ou physico-chimiques qui peuvent se produire et conduire à l’endommagement des surfaces. 5. Affectation à chaque contact d’une ou plusieurs fonctions tribologiques explicites à remplir.
356
Analyse et technologie des surfaces
Le choix final des matériaux de surface sera ensuite orienté de manière à assurer l’adéquation entre leurs propriétés superficielles et volumiques et les impératifs exigés par les fonctions mécaniques, thermiques et tribologiques des composants.
22.2 SYSTÈME TRIBOLOGIQUE Un système tribologique ou tribosystème est un ensemble composé d’éléments en interaction statique ou dynamique généralement organisé en fonction d’un but: transmission d’énergie, étanchéité statique ou dynamique, freinage, guidage [22.1]. Un tribosystème se caractérisera donc par un ou plusieurs contacts par lesquels transiteront les efforts, la chaleur, éventuellement l’électricité. Dans le cas le plus général, un contact tribologique est composé de 4 éléments principaux (fig. 22.1): • Les deux premiers corps soumis à des torseurs cinématique (vitesses) et dynamique (forces et moments) sont limités par des couches superficielles à caractéristiques spécifiques souvent mal connues tant des points de vue géométrique que physicochimique, mécanique ou structural c et d. • Le milieu interfacial ou 3e corps qui est soumis à des sollicitations mécaniques, thermiques, physicochimiques e. • L’environnement dont le rôle peut être déterminant dans le comportement du contact f. FN
FT
e
d
VN
f
VT
c
Fig. 22.1 Schématisation d’un contact tribologique.
Pour décrire cette situation, on s’appuiera sur un répertoire de références présenté dans le tableau 22.1 où sont regroupés les éléments principaux à identifier. Dans la première colonne, on trouve les paramètres principaux ou variables opérationnelles définissant la situation tribologique. Ils précisent les conditions initiale, nominale ou maximale de l’expérimentation ou de l’utilisation. La deuxième colonne regroupe les phénomènes les plus communément observés, décrits et commentés dans la littérature spécialisée, qui peuvent se manifester lors du fonctionnement et modifier rapidement les conditions initiales.
Analyse tribologique des systèmes
357
Tableau 22.1 Eléments de description d’une situation tribologique [22.2]. Variables opérationnelles
Phénomènes observés
Mécanismes d’endommagement
Mode de contact Etat de surface Charge Vitesse Ambiance (avec lubrification) Matériaux
Résistance au déplacement Vibrations Phénomènes thermiques Transformations superficielles Transformations structurales Perte de matière
Adhésion Abrasion Erosion (Cavitation) Déformation Fatigue de contact (Fretting-fatigue) Corrosion (Tribocorrosion)
La troisième colonne présente les processus les plus couramment admis qui peuvent conduire à l’endommagement des surfaces. Ces processus sont regroupés en six familles fondamentales, chacune pouvant être reliée à un mécanisme de base qui est à l’origine de l’endommagement.
22.3 PARAMÈTRES FONCTIONNELS Pour caractériser une situation tribologique, il importe dans un premier temps, d’identifier les différents contacts et d’extraire les variables opérationnelles qui définissent le fonctionnement de chaque contact. 22.3.1 Mode de contact Il s’agit de définir la nature et la géométrie du contact. Ces informations participeront à l’évaluation du champ de contraintes imposé au contact. Par nature du contact on entend la définition générale de ce qui constitue le contact: solide/solide, liquide/solide, liquide + particules/solide, liquide + vapeur/ solide... La géométrie du contact caractérise la forme des surfaces qui limitent les solides au voisinage de la zone de contact. On définit trois types de contact: • les contacts de type ponctuel, • les contacts linéiques, • les contacts surfaciques. Les deux premiers types constituent les contacts hertziens ou contacts concentrés. La géométrie du contact précise aussi les caractéristiques principales et les dimensions du contact: plans de courbure principaux et rayons de courbure principaux, par exemple pour les contacts hertziens. Elle sera prise en compte dans la détermination du champ de contraintes généré par le contact. A partir de la géométrie des surfaces, on peut introduire la notion de surface cinématique et de fréquence de service: on désigne par petite surface cinématique la surface dont les points sont sollicités en permanence et par grande surface
358
Analyse et technologie des surfaces
petite surface
grande surface Fig. 22.2 Définition cinématique des surfaces.
cinématique celle dont les points ne sont sollicités que lorsque l’antagoniste passe au-dessus d’eux (fig. 22.2). La fréquence de service est définie par le rapport des longueurs entre petite et grande surface cinématique. 22.3.2 Charge ou dynamique du contact Il s’agit de déterminer le torseur dynamique, c’est-à-dire l’ensemble des forces et moments auquel est soumis le contact. La charge et la manière dont elle est appliquée permettent d’évaluer la nature et le niveau des contraintes auxquelles les couches superficielles sont soumises. La connaissance du champ de contrainte en profondeur est nécessaire pour justifier quantitativement la nature, la qualité et l’épaisseur des traitements ou revêtements de surface, pour évaluer les risques de fatigue de contact… La plage de variation des charges mises en œuvre en génie mécanique est extrêmement large allant du millinewton au méganewton. La charge intervient dans l’énergie dissipée dans le contact. Si l’on adopte une loi de frottement de Coulomb, par exemple, la puissance mise en jeu par frottement s’exprime par l’expression: E = µ Wv
(22.1)
22.3.3 Vitesse ou cinématique du contact Ce paramètre consiste à préciser les différents éléments du torseur cinématique (ensemble des vitesses et moments cinétiques) appliqué au contact, c’est-à-dire la nature et la cinématique du mouvement. Suivant l’orientation des composantes de ce torseur au niveau du contact, le déplacement pourra s’effectuer en roulement, glissement ou pivotement. De même, une orientation du vecteur «vitesse» non parallèle à la surface de contact introduira l’éventualité de chocs. La caractérisation de ce paramètre exige aussi la mise en évidence de la fréquence des sollicitations qui peuvent être continues, alternées ou répétées, les unes ou les autres pouvant avoir des conséquences variables sur le comportement du système et faire apparaître des phénomènes de fatigue de contact ou des difficultés dans le maintien des films de lubrifiant. La vitesse contribue à l’énergie dissipée dans le contact. Elle est aussi l’un des facteurs intervenant dans l’évaluation de la durée de vie des surfaces; combinée au temps de fonctionnement, elle permet le calcul de la distance à parcourir.
Analyse tribologique des systèmes
359
22.3.4 Etats de surface Le paramètre état de surface prend en compte deux éléments capitaux de description du contact: • l’état de surface microgéométrique, • l’état de surface physico-chimique. La microgéométrie est l’un des éléments d’appréciation de l’aire réelle de contact, des raideurs normales et tangentielles du contact, des résistances mécanique, électrique et thermique de l’interface, de l’aptitude à l’adhésion et de la perméabilité du contact. Les paramètres à prendre en compte sont accessibles par la topographie des surfaces. 5 contamination ≈ nm 4 couche absorbée 0 à 0,5 nm 3 couche de réaction 1 à 10 nm 2 structure déformée 0,3 à 100 µm 1 microstructure de base Fig. 22.3 Représentation schématique d’une section des couches superficielles d’une surface technique.
Ainsi que l’ont récemment confirmé les études du frottement à l’échelle atomique réalisées en nanotribologie [22.3], le contact des solides met en jeu, non seulement les aspects microgéométriques, mais aussi les interactions moléculaires interfaciales et les forces de surfaces. Les unes et les autres sont largement tributaires de la physicochimie de la surface. Celle-ci est donc déterminante dans l’aptitude à l’adhésion et au glissement, ainsi que dans la réactivité de la surface avec l’environnement dont le rôle est essentiel en lubrification par exemple. Les surfaces réelles sont, en effet, constituées par la superposition de plusieurs couches de nature, structure et composition qui peuvent être très différentes de celles du métal de base. La figure 22.3 donne une représentation schématique et un ordre de grandeur de l’épaisseur des principales couches que l’on rencontre généralement dans les surfaces techniques. Leur présence et leur importance dépendent essentiellement du mode d’élaboration et de l’environnement. Ces couches peuvent évoluer ensuite en cours de service. Les moyens actuels d’analyse des surfaces et interfaces permettent de les caractériser tant du point de vue composition que structure. Ces deux aspects des états de surface et les méthodes de caractérisation sont décrits dans les chapitres 1 à 8.
360
Analyse et technologie des surfaces
22.3.5 Environnement Il s’agit de préciser le milieu dans lequel évolue le contact. Ce milieu intervient sur le comportement tribologique du système par: • sa nature: liquide ou gaz, composition chimique, • sa température, son débit éventuel, • ses propriétés mécaniques et physiques qui interviennent dans le comportement mécanique du contact, dans l’énergie mise en jeu et dans sa dissipation, • ses propriétés chimiques: la réactivité du milieu ambiant avec les matériaux constituant les solides en contact est à l’origine de la création ou de la destruction des films superficiels dont la présence modifie considérablement le comportement du contact; un environnement oxydant favorise la formation ou la maintien de films, un milieu neutre limite leur durée, un milieu réducteur la diminue. De même, la présence et le rôle éventuel de champs magnétiques ou électriques, de potentiels électrochimiques libres ou imposés, doivent être évalués avec précision. La réactivité des additifs ajoutés aux lubrifiants est largement utilisée en lubrification pour créer des films superficiels qui permettent, d’une part, d’accepter des charges et performances plus élevées et, d’autre part, d’assurer une durée de vie prolongée des mécanismes. C’est le cas des boîtes de vitesses, réducteurs, engrenages, etc. 22.3.6 Matériaux Bien que les caractéristiques de frottement ne soient pas une propriété intrinsèque des matériaux, ceux-ci peuvent intervenir d’une manière décisive dans le comportement général du système tant par leurs propriétés mécaniques que physicochimiques. Leur contribution apparaîtra au cours des chapitres suivants.
22.4 PHÉNOMÈNES OBSERVABLES Lors du fonctionnement d’un système tribologique apparaissent un certain nombre de phénomènes physiques caractéristiques. L’un des plus évidents est la résistance au déplacement que l’on exprime par un facteur de frottement. Les variations instantanées des efforts normaux et tangentiels sont la source de vibrations. Les excitations très riches en fréquences générées au niveau des surfaces peuvent se traduire par des bruits. L’énergie dissipée dans le contact va en très grande partie, plus de 95%, se transformer en énergie thermique. Celle-ci se dissipe dans le milieu ambiant et dans chacun des deux solides, provoquant leur échauffement. Ces phénomènes thermiques
Analyse tribologique des systèmes
361
ont un rôle déterminant dans les transformations qui vont apparaître en service et, bien entendu, conditionner le fonctionnement et la survie du mécanisme. Sous l’action simultanée des contraintes et des échauffements, les matériaux constituant le contact vont être soumis à des modifications géométriques, à des transformations superficielles et même dans certains cas à des évolutions structurales auxquelles s’ajoutent le plus souvent des pertes de matière: l’usure.
22.5 MÉCANISMES D’ENDOMMAGEMENT DES SURFACES Les différents effets décrits précédemment peuvent être attribués à des processus mécaniques ou physicochimiques qui vont apparaître isolément ou simultanément et avec plus ou moins d’intensité suivant les circonstances. Le mécanisme d’adhésion se caractérise par l’établissement de liaisons interfaciales entre les surfaces en contact. L’adhésion se manifeste généralement par des transferts de matière d’une surface à l’autre et peut en se généralisant produire le grippage épidermique, voire la soudure des composants. L’abrasion est due à l’action de particules dures libres ou liées à l’une des surfaces (aspérités), qui viennent agresser les surfaces par action de coupe ou de déformation. L’érosion est provoquée par l’action de particules solides, liquides ou de vapeur animées par un fluide et qui viennent frapper les surfaces solides. Les contraintes développées lors de l’impact peuvent extraire des particules de matière de la surface. La cavitation, usure générée par l’implosion de bulles de vapeur au voisinage d’une surface, peut être considérée comme un cas particulier de l’usure érosive. La déformation apparaît lorsque une surcontrainte locale entraîne le dépassement de la limite d’élasticité des matériaux et crée un défaut sur la surface par plastification. L’endommagement des surfaces par fatigue de contact se manifeste lorsque les couches superficielles des composants sont soumises à des contraintes répétées ou alternées qui conduisent à l’amorçage de fissures. Ces sollicitations peuvent être d’origine mécanique ou thermique. Les dégradations apparaissent sous forme de piqûres, de fissures, d’écaillage et s’accompagnent de modifications structurales (fig. 22.4). Les avaries par fatigue ou usure par petits débattements (fretting-fatigue ou fretting-usure) se rattachent à ce type de mécanisme. L’usure tribochimique ou tribocorrosion intervient dans des situations où le contact fonctionne en environnement corrosif. L’énergie dissipée dans le contact peut alors activer les phénomènes de corrosion et accélérer la dégradation des surfaces. La présence d’un potentiel électrique peut aussi modifier le comportement [22.4]. Chacun de ces mécanismes d’endommagement des surfaces sera repris dans les chapitres suivants dans lesquels seront étudiés les paramètres influents, les méthodes d’évaluation et de calcul et les moyens de les éviter.
362
Analyse et technologie des surfaces
Le tableau 22.2 récapitule et schématise ces mécanismes. On y indique leur incidence économique relative et un ordre de grandeur de leur agressivité pour les surfaces dans le cas d’une prise en compte correcte de leur intervention. Tableau 22.2 Différents types d’usure (d’après [22.5]). Processus d’usure
Aspects de l’endommagement
Importance relative
Ordre de grandeur des variations dimensionnelles
Adhésion
Transfert-microliaisons grippage épidermique
15%
10–2 mm/an
Abrasion
Striures, rayures, bourrelets, copeaux
50%
10 mm/an
Erosion
Eclats, cavités, rayures
8%
1 mm/an
Déformation
Empreinte, fissures
—
Fatigue Glissement Roulement Fretting
Fissures, délamination, écaillages, piqûres, oxydation
8%
—
Corrosion
Oxydes
5%
—
Fig. 22.4 Faciès de rupture d’un rail de chemin de fer initiée par fatigue de contact.
Analyse tribologique des systèmes
363
22.6 EXERCICES 22.6.1 Analyser le fonctionnement tribologique du contact garniture/disque d’un frein automobile. Données de base: masse du véhicule: 1000 kg; vitesse 130 km/h; diamètre de freinage: 1/2 diamètre de roue; distance d’arrêt sur chaussée horizontale: 100 m; coefficient de frottement du matériau de frein sur un disque en fonte: µ = 0,4; aire des plaquettes de frein: 10 × 5 cm2 ; usure admissible des plaquettes: 2,5 mm en 25 000 km. 22.6.2 En s’appuyant sur l’analyse précédente, établir et justifier un plan d’essais de simulation accélérée de l’usure de garnitures pour freins automobiles qui permette d’évaluer rapidement l’aptitude de nouveaux matériaux susceptibles d’être utilisés pour fabriquer des garnitures.
22.7 BIBLIOGRAPHIE [22.1] H. CZICHOS, Tribology – A System Approach, Elsevier, Tribology series 1, 1978. [22.2] A. PIEUCHOT, J. BLOUET, R. GRAS, R. COURTEL, Méc. Mat. Elec., Gami, Paris, oct. 1964. [22.3] J. ISRAELACHVILI, Adhesion, friction and lubrication of molecularly smooth surfaces, Fundamental of friction, Ed. Singer and Pollock, NATO ASI, sér. E, vol. 220, Klever, 1992. [22.4] D. LANDOLT, Traité des Matériaux, vol. 12, Presses polytechniques et universitaires romandes, 1997. [22.5] T.S. EYRE, Treatise on Materials, Technology, vol. 13, 1979.
CHAPITRE 23
ASPECTS MÉCANIQUES ET THERMIQUES DU CONTACT
23.1 OBJECTIFS Les efforts et échanges thermiques entre deux composants mécaniques transitent par les zones par lesquelles ces composants entrent en contact. Ces efforts mécaniques et ces échanges thermiques font partie des paramètres fondamentaux qui régissent le fonctionnement et le comportement de ces contacts. Ce chapitre a pour objectif de présenter les éléments de base qui permettent de prendre en compte les actions mécaniques et les phénomènes thermiques qui interviennent dans les contacts. On s’intéressera en particulier aux champs de contrainte qui s’établissent dans les couches superficielles des solides et à la répartition, entre chacun des solides, de la chaleur générée dans le contact ce qui permet d’avoir accès à la température de surface.
23.2 ACTIONS DE CONTACT 23.2.1 Définition On appelle actions de contact entre deux solides, les efforts et moments qu’ils exercent l’un sur l’autre au niveau de leur surface commune. La figure 23.1 représente deux solides (S1) et (S2) en contact en O suivant une aire (Γ) contenue dans le plan tangent commun (P) aux deux solides. (S1)
z1
(Γ)
p(M)
P + – M O (S2) z2 Fig. 23.1 Contact de deux solides.
366
Analyse et technologie des surfaces
Le torseur en O représentatif de l’action de (S1) sur (S2) s’écrit: R 1/2 =
∫ p(M )dΓ
(Γ)
{ T 1/2 } 0 = M 1/2 =
(23.1)
∫ OM × p(M )dΓ
(Γ)
R1/2 et M1/2 représentent la résultante et les moments des actions exercées par le solide (S1) sur le solide (S2); p(M) représente la fonction de répartition de la pression de contact agissant au point M appartenant à la surface (Γ) et dΓ un élément de surface autour de M. 23.2.2 Action de contact sans frottement Si la liaison est idéale ou parfaite, c’est-à-dire s’il n’existe pas de résistance au déplacement des 2 solides, le torseur d’action de (S1) sur (S2) devient: { R 1/2 } =
∫ p(M )n (M )dΓ 2
(Γ)
{ T 1/2 } 0 = { M 1/2 } =
(23.2)
∫ (OM) × [ p(M )n (M )]dΓ 2
(Γ)
Dans le cas le plus général de solides en contact sans frottement, la résultante est normale au plan tangent commun. Ce cas limite idéal est en pratique très utile car il constitue souvent une approximation suffisante pour un premier calcul. 23.2.3 Actions de contact avec frottement Si la liaison est affectée d’une résistance passive au déplacement, les lois du contact sont plus complexes. On utilise le plus souvent les lois d’Amonton-Coulomb pour caractériser le frottement. n R12
N12 P
O
α T12
Fig. 23.2 Représentation des composantes des efforts en O.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
367
La première loi concerne la résultante R1/2 qui dans ce cas n’est pas portée par la normale au plan tangent commun (fig. 23.2). En désignant par n le vecteur unitaire de la normale commune et par N12 et T12 les composantes de R1/2 sur la normale et sur le plan tangent commun (P), on obtient: R 1/2 = N 12 + T 12 On étudiera successivement deux situations. D’abord le cas où la vitesse de glissement de S1 par rapport à S2 est nulle: v1/2 = 0 en O. Si la force tangentielle exercée sur le solide S1 est inférieure aux résistances passives T0, les deux solides resteront immobiles, rouleront ou pivoteront sans glisser: T 12 = tg α N 12 Dans ce cas, 0 < α < ϕ0. ϕ0 est l’angle d’adhérence. T12 appartient au plan tangent en O à (S1) et (S2). Sa direction est inconnue. L’action de contact en O se trouve à l’intérieur d’un cône de demi-angle au sommet ϕ0 appelé cône d’adhérence. tg ϕ0 = µ0 désigne le facteur de frottement dit statique. Si la vitesse de glissement de S1 /S2 n’est pas nulle, v1/2 ≠ 0, T12 est opposée à v12 avec T12 × v12 = 0 et T12v12 < 0. La résultante des actions de S1 /S2 se trouve sur un cône de demi-angle au sommet ϕ : le cône de frottement. La direction de la force de frottement est fixée. T12 = tg ϕ N12 = µd N12 où tg ϕ = µd est le facteur de frottement dynamique. Pour la plupart des matériaux (métaux en particulier) ϕ < ϕ0 et µd < µ0. Tableau 23.1 Valeurs indicatives usuelles des facteurs de frottement.
Acier/Acier Aluminium/Acier Chrome/Acier dur Garniture de frein/Acier Graphite/Acier PTFE/Acier Caoutchouc/Métal Caoutchouc/Route Bronze au plomb/Acier Polyéthylène/Acier Acier austénitique/Acier austénitique
µo 0,2-0,6 ≥ 0,8 0,4 0,3-0,4 ≈ 0,1 (Air) ≈ 0,05-0,1 ≈1 ≈1 ≈ 0,2 ≈ 0,15-0,2 ≈ 0,4-0,8
µd 0,2-0,6 ≥1 0,4 0,25-0,35 ≈ 0,1 (Air) < 0,1 (V faible) ≈ 0,5-1,5 0,5-0,6 0,15-0,2 0,1-0,15 0,45-0,6
368
Analyse et technologie des surfaces
23.3 CONTRAINTES ET DÉFORMATIONS DE CONTACT 23.3.1 Objectif La transmission des efforts dans les mécanismes se fait par l’intermédiaire des surfaces de liaison. Celles-ci sont donc soumises à des contraintes et déformations qu’il importe d’évaluer de façon à dimensionner correctement ces liaisons. Du point de vue de leur géométrie, les contacts peuvent être divisés en deux grandes familles: • les contacts concentrés ou de types hertziens tels que les contacts ponctuels ou linéiques; ce type de contact intervient dans les roulements, engrenages, contacts roue/rail ou cames/poussoirs des moteurs thermiques, etc. • les contacts surfaciques:freins, embrayages, paliers, etc. La détermination des champs de déformations et de contraintes engendrés dans les contacts de la première famille relève de calculs développés par Hertz. Dans le cas des contacts surfaciques, le problème est souvent plus délicat du fait des aberrations géométriques superficielles créées par les méthodes de génération des surfaces techniques. Celles-ci sont formées d’ aspérités réparties de manière discrète et aléatoire sur la surface (chap. 2). Les efforts à transmettre sont donc distribués sur un nombre réduit d’aspérités. Il en résulte que l’aire réelle de contact, constituée par la somme des aires élémentaires par lesquelles transitent ces efforts, ne représente qu’un dixième à un centième de l’aire nominale calculée à partir de la géométrie des solides en contact. Les pressions réelles de contact seront donc beaucoup plus élevées que les pressions apparentes calculées en tenant compte de cette aire apparente, de l’ordre de 10 à 100 fois plus. Les calculs suivants font appel à la mécanique des milieux continus élastiques. Ils s’appliquent à des matériaux parfaitement homogènes, isotropes et élastiques caractérisés par leur module d’élasticité E1 et E2 et leur coefficient de Poisson ν1 et ν2. On notera ki le module réduit: 1 – ν i2 -------------- = k i πEi
(23.3)
23.3.2 Cas d’une force concentrée agissant sur un massif semi-infini Soit une force FN s’appliquant orthogonalement sur la surface d’un massif semi-infini constitué d’un matériaux possédant les propriétés définis ci-dessus (fig. 23.3). BOUSSINESQ [23.1] a déterminé l’expression des déformations élastiques en tout point du milieu sous l’action de cette force. En coordonnées cylindriques r, z, θ, les déplacements des points M situés près de la surface provoqués par ces déformations s’expriment par les relations suivantes:
Aspects mécaniques et thermiques du contact
369
FN
x
O r
θ M'' z
y
M
ur uz
z M'
Fig. 23.3 Force concentrée agissant sur un massif semi-infini.
( 1 – 2 υ ) ( 1 + υ ) FN u r = – -------------------------------------- ------r 2πE
(23.4)
( 1 – υ 2 ) FN u z = ------------------- ------πE r
(23.5)
23.3.3 Cas général du contact hertzien HERTZ [23.2] s’intéresse à deux solides en contact dont les surfaces libres peuvent être décrites par des expressions du second degré. Les rayons de courbure au voisinage du point de contact sont définis. L’aire de contact après déformation est une portion de paraboloïde qui sera assimilée à sa projection sur le plan tangent commun aux deux solides. Ses dimensions sont négligeables par rapport aux rayons de courbure des solides. La force s’appliquant aux solides en contact s’exerce perpendiculairement au plan tangent commun. Il n’y a pas de frottement entre les solides. Soient deux solides (1) et (2) limités par des surfaces libres décrites par des expressions du second degré (αx2 + βy2 + γ xy) en contact au point O (fig. 23.4). On désigne par: • xOy le plan tangent commun. • Ozi : l’axe dirigé vers l’intérieur du solide (Si). • ρi, ρ i' : les deux courbures principales du solide (Si) en O et Ri, R i' les rayons de courbure avec: ρi = 1/Ri. Ces courbures sont notées positives lorsque le centre de courbure est situé à l’intérieur de la matière. • OP1, OP'1 – OP2, OP'2: les traces des plans de courbure principaux dans le plan xOy. (ρ1, ρ2, courbures les plus grandes de chacun des solides.) • Ox, Oy: les bisecteurs du système [OP1, OP2]. • ω : l’angle [(OP1), (OP2)].
370
Analyse et technologie des surfaces z1 (S1) O x
(S2) y
z2
P 2'
P 1'
P2 x
ω
y
P1
Fig. 23.4 Contact de deux solides.
Avant toute déformation, deux points M1 et M2 appartenant respectivement à (1) et (2) situés sur une même verticale sont distants de: z = AX2 + BY2
(23.6)
où OX, OY sont les axes principaux du système positionnés tels que: α = (Ox, OX). A, B et α sont des constantes fonction des courbures principales ρi, ρ i' et de l’angle ω.
τ
A =
1 --2
∑ ( ρi )cos2 --2-
B =
1 --2
∑ ( ρi )sin2 --2-
τ
G ( ρi ) – 1 tg2 α = ---------------------G ( ρi ) + 1 F ( ρi ) cos τ = ---------------( ρi )
∑
Σ ( ρ i ) = ρ 1 + ρ 1' + ρ 2 + ρ 2'
Aspects mécaniques et thermiques du contact
371
F ( ρ i ) = [ ( ρ 1 – ρ 1' ) 2 + ( ρ 2 – ρ 2' ) 2 + 2 ( ρ 1 – ρ 1' ) ( ρ 2 – ρ 2' ) cos 2 ω ] 1/2
ρ 2 – ρ 2' G ( ρ i ) = ---------------ρ 1 – ρ 1'
(23.7)
Lorsque la charge est appliquée, la déformation autour du point de contact crée une aire de contact (Γ) sur laquelle se répartit l’effort. HERTZ [23.2] a démontré que: • (Γ ) est une ellipse de demi-axes: a suivant OX et b suivant OY; • la répartition de pression est ellipsoïdale: X2 Y 2 p ( X , Y ) = p 0 1 – -----2- – -----2a b
(23.8)
FN p 0 = 3--2- ---------π ab
(23.9)
avec
qui est la pression au centre du contact. Ceci permet de calculer les dimensions de l’ellipse de contact et le rapprochement des centres de courbure δ : 3 π FN ( k 1 + k 2 ) a = m ------ ----------------------------2 (ρ)
1/3
3 π FN ( k 1 + k 2 ) b = n ------ -----------------------------2 (ρ)
1/3
(23.10)
∑
∑
δ = Aa 2 + Bb 2 L’évolution des coefficients m et n caractérisant l’ellipse de contact en fonction de τ (23.7) est donnée par la figure 23.5. Dans le cas particulier d’un contact sphère/plan, R1 = R 1' = R (rayon de la sphère), R2 = R 2' = 0 et les coefficients m = n = 1 (fig. 23.6). Les demi-axes de l’ellipse de contact sont égaux: a = b L’aire de contact est un cercle de rayon: 1/3 3 a = ------F N 〈 k 1 + k 2〉 R 4π
La répartition de pression s’exprime par: r2 p = p 0 1 – ----2a
(23.11)
372
Analyse et technologie des surfaces
3 2,5 2 m 1,5 1 n 0,5
τ
0 10° 20° 30° 40° 50° 60° 70° 80° 90°
Fig. 23.5 Evolution des coefficients m et n en fonction de l’angle τ.
z
FN
R O' p0 O
x
y
O
x
a
y Fig. 23.6 Contact sphère/plan.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
373
avec 6F N 1 1 1/3 3 FN --- ------------p 0 = --- --------------------------= 2 πa2 π π 2 ( k 1 + k 2 ) R 2
(23.12)
Le rapprochement a pour expression: a2 δ z = ----R
(23.13)
Dans le cas d’un contact linéique (par ex. engrenages à denture droite), on obtient une aire de contact rectangulaire de longueur a égale à la longueur de la génératrice des cylindres en contact et de largeur 2b avec (fig. 23.7):
b =
FN ( k 1 + k 2 ) ---------------------------a ( ρi )
(23.14)
∑
y
a
P0
x 2b z Fig. 23.7 Contact linéique.
La répartition de pression est elliptique et s’exprime par les équations: r2 p = p 0 1 – ----2b
(23.15)
FN 1 1 p 0 = --- ------------------------- --π a( k1 + k2 ) R Le rapprochement des axes des cylindres s’écrit: FN 4R δ z = ( k 1 + k 2 ) ------- 2--3- + log ------- a b
(23.16)
374
Analyse et technologie des surfaces
23.3.4 Contact ponctuel sphère/plan. Champ des contraintes Le tenseur des contraintes en tout point du massif a été exprimé par HUBER [23.3]. En surface pour z = 0, les contraintes σr , σθ, σz sont des contraintes principales. Leur expression est la suivante: Les points contenus à l’intérieur du cercle de contact (r < a et z = 0) sont soumis à une compression avec un maximum p0 au centre du cercle (r = 0, z = 0). Les contraintes radiale σr et circonférentielle σθ et la cission maximale au sens de Tresca en ce point s’expriment par: 1 + 2ν σ r = σ θ = – --------------- p 0 2
σz = p0 τM =
1 --- 〈 σ z 2
(23.17) – 1 + 2ν – σ r〉 = -------------------- p 0 4
Les points appartenant à la circonférence qui limite le cercle de contact (r = a, z = 0) sont soumis à une tension radiale: 1 – 2ν σ r = --------------- p 0 (tension) 3
1 – 2ν σ θ = – --------------- p 0 = 0 3
τ rz = τ zθ = τ θr = 0
1 – 2ν τ max = --------------- p 0 3
(23.18)
Hors du cercle de contact: (r > a, z = 0), les contraintes décroissent. La contrainte radiale tensile sur la circonférence, σr = 0,13 p0 pour ν = 0,3 est à l’origine de fissurations dites hertziennes dans le cas des matériaux à caractère fragile sensibles au mode 1 de rupture. L’évolution des contraintes en surface est représentée dans la figure 23.8. A l’extérieur du cercle de contact (r > a, z = 0), la contrainte normale est nulle et les contraintes radiales et circonférentielles tendent vers 0. Sous la surface, on étudiera uniquement les contraintes sur l’axe Oz: r = 0. La figure 23.9 présente l’évolution des contraintes sur l’axe Oz. On y observe que la cission maximale passe par un maximum τM = 0,31 pour z = 0,5 a. 1 z a σ r = σ θ = – 〈 1 + ν〉 〈 1 – --- Arctg ---〉 + 1--2- ------------------------2- p 0 a z 1 + 〈 z/a〉 1 σ z = – ------------------------2- p 0 1 + 〈 z/a〉
τ rz = τ zθ = τ θr = 0
τM =
1 --- 〈 σ z 2
– σ r〉
(23.19)
Aspects mécaniques et thermiques du contact
375
σθ σr
A
A'
σ /p0 0
1
σr r/a
σθ
–0,5
σz
–1
Fig. 23.8 Contact sphère/plan: répartition des contraintes en surface.
0
0,2 C
1 2 3 4
0,4
τm
0,6
0,8
σr – σθ
1
σ /p0
σz ν = 0,3 τm = 0,31 p0 OC = 0,5 a τ0 = 0,1 p0
5 Fig. 23.9 Evolution des contraintes sur l’axe Oz.
L’existence d’un point de cission maximale C sous la surface doit être prise en compte dans le cas des matériaux ductiles pour éviter les déformations par surcontrainte (τmax < HB/6), évaluer les risques de fatigue superficielle et l’amorçage éventuel de fissures en sous-couche, déterminer l’épaisseur des revêtements ou la profondeur des traitements de surfaces. On admet les valeurs indicatives suivantes: h ≥ 2 à 3 OC si la couche traitée doit supporter les contraintes, h ≤ 0,1 OC si les couches traitées ne doivent pas supporter les cissions. Dans le cas général, l’aire de contact est une ellipse et la position du point de cission maximale évolue en fonction de l’excentricité e de cette ellipse. Cette évolution est indiquée par la courbe de la figure 23.10.
376
Analyse et technologie des surfaces
π --- = 0,7854 4 0,75
0,50
0,25
0,25
0,50
0,75
b e = --a
valeur du rapport OC /b Fig. 23.10 Evolution de la position du point de cission maximale en fonction de l’excentricité de l’ellipse de contact.
La figure 23.11 obtenue par photoélasticimétrie, montre la répartition des cissions et le point de cission maximale dans le cas du contact cylindre sur plan.
Fig. 23.11 Isochromes (courbes d’isocission) dans un contact linéique.
23.3.5 Influence d’une force tangentielle L’existence d’une composante tangentielle de la force appliquant les solides l’un contre l’autre introduit des modifications importantes dans la répartition et l’intensité des contraintes tant en surface que dans les couches superficielles.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
377
Deux cas sont à considérer: • La composante tangentielle est insuffisante pour déplacer les solides: FT < µ0FN. • La composante tangentielle peut déplacer les solides: FT > µ0FN. Tous les contacts statiques soumis à des vibrations relèvent de la première situation: roulements ou engrenages à l’arrêt, tôles rivetées, vis/écrou... MINDLIN [23.4] a étudié le cas particulier du contact ponctuel. Les solides sont constitués de matériaux de mêmes caractéristiques d’élasticité soumis à une force F ne s’appliquant pas normalement au plan tangent commun. Sous l’action de la composante normale, l’aire de contact est un cercle de rayon: 1/3 3π a = ------F N Rk 2
avec 1 – ν2 k = -------------πE
(23.20)
La contrainte σz dans l’aire de contact s’écrit: r2 1/2 σ z = – p 0 1 – ----2- a avec FN p 0 = 3--2- --------2πa
(23.21)
Selon les équations de l’élasticité, une composante tangentielle FT s’appliquant suivant Ox introduit en surface dans le cercle de contact une cission élémentaire. 1 τ zx = 1--2- τ moy --------------------------------〈 1 – r 2 /a 2〉 1/2 avec FT τ moy = -------πa2
(23.22)
L’application de FT entraîne un déplacement δx du centre des deux sphères et de tous les points situés loin de la zone de contact: 2–ν δ z = ------------ F T 4Ga E G = module de cisaillement = --------------------2 〈 1 + ν〉
(23.23)
378
Analyse et technologie des surfaces z a a'
p(x, y)
τzx
µ0 · p(x, y)
x
O (a)
zone de glissement partiel y
a
a' x
(b) Fig. 23.12 Glissement préliminaire selon Mindlin : (a) évolution des contraintes ; (b) plages de contact statique (2 < a') et de glissement partiel (a' < r < a).
Ce déplacement est réduit de moitié lorsque l’un des matériaux est rigide. L’expression (23.24) indique que la contrainte tangentielle τzx devient infinie sur le cercle de contact (r = a, fig. 23.12). Pour lever cette impossibilité, Mindlin, appliquant la loi de frottement de Coulomb, suppose qu’ un glissement se produit à l’interface dans la couronne de l’aire de contact où la cission dépasse le produit µ0 σz ou µ0 p(x, y). L’aire de contact se divise donc en 2 zones distinctes séparées par une circonférence de rayon a' tel que: a' < r < a
τzx = µ0σz
⇒ glissement local
0 < r < a'
τzx < µ0σz
⇒ contact statique (a' étant à déterminer)
Ce glissement permet à la matière de se libérer des contraintes inacceptables, d’où:
µ0 FN r 2 1/2 1 τ zx = 3--2- -----------〈 – ----〉 πa2 a2
pour a' ≤ r ≤ a
µ0 FN r 2 1/2 r 2 1/2 a' --1 1 τ zx = 3--2- -----------〈 – ---〉 – 〈 – ------〉 a πa2 a2 a' 2
(23.25)
pour r ≤ a'
(23.26)
Aspects mécaniques et thermiques du contact
379
Ces expressions montrent que l’existence d’une composante tangentielle, même faible, provoque le glissement d’une partie de l’aire de contact exclusivement du fait des déformations élastiques, sans glissement d’ensemble des 2 pièces. Ce glissement est dit glissement préliminaire (fig. 23.12). Le glissement d’ensemble n’intervient que pour FT > µ0FN. Le glissement préliminaire commence au bord extérieur de la zone de contact. Il peut être à l’origine d’endommagements superficiels liés à l’adhésion et à la fatigue des surfaces. Ce risque existe dans les structures contenant des assemblages avec contact: structures boulonnées, rivetées, frettées, soumises à des vibrations ou des variations d’effort (fretting-fatigue). En présence d’un environnement réactif, peuvent s’y ajouter des effets de corrosion et d’abrasion dus aux produits de réaction (fretting-corrosion ou fretting-usure). Les déformations élastiques entraînent un déplacement relatif δz et δx des 2 solides dans les plans normaux et tangentiels: F T 2/3 3 〈 2 – ν〉 δ x = --------------------- µ F N 1 – 〈 1 – ------------〉 8Ga µ0 FN a2 δ z = ----R
(23.27)
(23.13)
La connaissance de ces déplacements permet d’évaluer la rigidité du contact (inverse de la raideur). On aura: • rigidité normale Rz = dFN /dδz, • rigidité tangentielle Rx = dFT/ dδx. La raideur du contact caractérise la facilité de déformation de ce contact. Elle intervient dans le calcul des modes vibratoires d’une structure contenant des liaisons. Cette notion, facilement identifiable dans les contacts concentrés, peut s’étendre aux contacts surfaciques en tenant compte des états de surface. Dans ce cas, les aspérités jouent le rôle de ressorts qui se déforment lors des sollicitations de la surface et peuvent participer aux phénomènes de résonance qui sont à l’origine des bruits de frottement: crissement ou broutement des freins par exemple. 23.3.6 Contacts avec effort tangentiel suffisant pour déplacer l’un des solides Soit un contact ponctuel soumis à des efforts normaux et tangentiels. Si FT > µ0FN, il y a glissement global de l’un des solides par rapport à l’autre. La répartition des contraintes dans les zones superficielles a été étudiée par différents auteurs dans le cas des contacts linéiques et ponctuels. Bien que les résultats diffèrent numériquement en fonction des hypothèses et critères de défaillance retenus, ils convergent qualitativement sur les points suivants: • La contrainte σxx symétrique et tensile sur la circonférence limitant le cercle de contact n’est plus principale et devient dissymétrique: compressive à l’avant du contact et tensile à l’arrière où σr = 2µp0. Cet accroissement de tension peut
380
Analyse et technologie des surfaces
avoir une incidence directe sur certains matériaux et notamment ceux à comportement fragile: apparition de fissures. La figure 23.13 représente l’évolution de cette contrainte pour plusieurs valeur de µ dans le cas où ν = 0,3. • La cission maximale τmax = 1/2 (σ1 − σ2) et la cission octaédrique 2 + τ 2 + τ 2 } 1/2 τ 0 = { 1--6- ( 〈 σ xx – σ yy〉 2 + 〈 σ yy – σ zz〉 2 + 〈 σ zz – σ xx〉 2 ) + τ xy yz zx
(23.28) rattachées respectivement aux critères de Tresca et de Von Mises voient leur intensité s’accroître et leur répartition modifiée. HAMILTON et GOODMAN [23.5] ont montré que la cission maximale atteint la surface à x = 0,3b pour µ = 0,27 et que la cission octaédrique devient maximale (τ0 = 0,553 p0) au bord du contact x = –a pour µ = 0,5. Ces modifications du champ de contraintes doivent être prises en compte pour avoir une bonne compréhension des risques d’avaries superficielles. σ /p 1,0
0,5
µ = 0,5 µ = 0,25 µ=0 –1,5
–0,5
0,5
x/b
–0,5
–1,0 Fig. 23.13 Evolution de la contrainte σxx en surface selon l’axe Ox dans un contact circulaire pour différentes valeurs de µ (d’après [23.5]).
23.4 LOIS DE FROTTEMENT 23.4.1 Généralités Léonard de Vinci, Amonton puis Coulomb ont exprimé les lois de base du frottement: • la force de frottement est proportionnelle à la charge normale, • la force de frottement est indépendante de l’aire apparente de contact, • la force de frottement est indépendante de la vitesse de glissement.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
381
Ces lois sont assez bien vérifiées en première approximation et permettent un premier dimensionnement. Il est néanmoins souvent constaté, lorsque la plage de variation des paramètres devient importante, que ces lois ne sont plus représentatives des comportement des matériaux. Il convient alors de mettre en œuvre des lois de frottement plus complexes. Du point de vue physique, le facteur de frottement peut être considéré comme la somme de trois termes:
µ = µpot + µadh + µdef
(23.29)
• µpot : le terme de potentiel est relié à l’effort nécessaire pour franchir les aspérités. • µdef : le terme de déformation consiste à exprimer l’effort nécessaire à la déformation du matériau le moins dur par les aspérités du matériau le plus dur et à la perte d’énergie qui en résulte. • µadh : le terme d’adhésion exprime la force nécessaire pour rompre les microliaisons interfaciales qui peuvent s’établir entre les sommets des aspérités en contact. L’importance relative de ces différents termes varie en fonction de la nature et des propriétés des matériaux ainsi que des circonstances dans lesquelles s’effectuent les contacts (température, environnement, charge, vitesse). De récents travaux ont apporté des indications intéressantes concernant la compréhension des mécanismes fondamentaux du frottement. Ils ont été rendus accessibles par la possibilité de réaliser des mesures à l’échelle atomique grâce aux techniques de nanotribologie et en particulier à l’exploitation du microscope à force atomique (AFM). Dans cet équipement, une sonde miniature avec un rayon au sommet dans la plage des 10 à 100 nanomètres, se déplace sur une surface. Les composantes des forces interatomiques entre la sonde et les atomes de la surface étudiée, sont mesurées avec une précision de l’ordre du piconewton (10–12 N). On observe qu’à l’échelle atomique, la force de frottement n’est pas proportionnelle à la charge. Le frottement dépend de l’aire réelle de contact qui est déterminée à la fois par la charge appliquée et les forces d’adhésion. Il peut, en effet, exister des forces d’ attraction entre atomes même sans charge appliquée au contact. De même, il a été démontré que l’on peut observer du frottement sans usure. La perte d’énergie dans le contact est alors corrélée aux irréversibilités associées au processus de rapprochement et éloignement des atomes. Un modèle de frottement basé sur les vibrations du réseau atomique a été développé qui s’appuie sur le fait que le travail nécessaire pour vaincre le frottement se dissipe sous forme d’ondes vibratoires ou éventuellement de chaleur. Outre leur intérêt manifeste pour la compréhension des phénomènes de base mis en jeu à l’échelle atomique par le frottement, ces nouvelles techniques trouvent des applications dans le stockage magnétique et les industries de microélectromécanique.
382
Analyse et technologie des surfaces
23.4.2 Frottement des métaux Le tableau 23.1 (§ 23.2.3) présente des valeurs classiques du facteur de frottement statique et dynamique de quelques métaux. Ainsi qu’il a été indiqué, le facteur de frottement dépend beaucoup des conditions dans lesquelles s’effectuent les contacts. Nous discuterons ici l’incidence des paramètres les plus influents. Les surfaces métalliques propres placées dans le vide ou des atmosphères inertes ou réductrices présentent généralement une adhésion marquée. L’absence de contamination fait que des liaisons métalliques fortes s’établissent entre les surfaces, ce qui induit des facteurs de frottement élevés (µ > 1). Des microsoudures peuvent s’établir conduisant au grippage épidermique qui, en se généralisant, peut amener la soudure complète des deux solides en contact. Structures et propriétés mécaniques font apparaître des différences dans le comportement en frottement des matériaux. Les études réalisées respectivement par BUCKLEY [23.6] et COURTEL [23.7] sur des monocristaux ont mis en évidence le fait que le frottement était hautement anisotrope selon la face cristalline et la direction du glissement sur cette face. Le frottement est minimal sur les plans cristallins de densité atomique maximale et sur ces plans dans les directions de densité maximale. Les facteurs de frottement obtenus sur des matériaux polycristallins de structures différentes indiquent que le système hexagonal donne des valeurs plus basses que les systèmes cubiques. C’est ainsi que les mesures du facteur d’adhésion de métaux de structures différentes sur eux-mêmes réalisés par SIKORSKY [23.8] conduisent au classement suivant par ordre d’aptitude à l’adhésion décroissante: • réseau cubique à face centrée, • réseau cubique à corps centré, • réseau hexagonal. L’anisotropie des propriétés mécaniques, due au réseau cristallin, est mise à contribution dans les lubrifiants solides. Pour la plupart, ce sont des composés à réseau hexagonal lamellaire. Ces composés présentent une résistance élevée suivant l’axe de symétrie, ce qui assure une bonne résistance à la pénétration des aspérités métalliques. Par contre, le cisaillement facile dans des plans parallèles aux plans de base permet d’obtenir des frottements faibles. En milieu réactif, du fait de la contamination et de la réactivité naturelle des matériaux, les facteurs de frottement sont plus faibles que dans le cas de surfaces propres en atmosphères inertes. La plage de variation pour les métaux dans l’air se situe, par exemple, entre 0,4 à 1,5. En présence d’air, la plupart des métaux s’oxydent formant des films entre 1 et 10 nm d’épaisseur. Ces films jouent un rôle déterminant dans le comportement tribologique dans la mesure où les conditions de fonctionnement permettent leur maintien ou leur renouvellement. En général, le frottement métal oxydé/métal oxydé est inférieur à celui métal nu/métal nu. Les conditions de charge et de vitesse d’une part, les propriétés mécaniques et physico-chimiques des métaux d’autre part, régissent le comportement global.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
383
Lorsque la température du contact augmente, on observe plusieurs effets: • Les propriétés mécaniques des matériaux évoluent: ductilité et écrouissage par exemple pour les métaux à structure cubique à face centrée, transition fragile/ductile pour les métaux à structure cubique centrée. Ces évolutions conduisent à des variations des facteurs de frottement. • La réactivité physico-chimique des matériaux se modifie: les films réactifs voient leur action s’amplifier, ce qui peut largement faire évoluer le frottement. • Des transformations superficielles et structurales peuvent apparaître. C’est ainsi que les métaux à structure hexagonale dont le frottement varie peu avec la température, montrent une transition très nette dans leur comportement lors du passage de leur point de transformation allotropique. C’est le cas du cobalt qui, au-dessous de son point de transformation (411˚C), est hexagonal avec une ductilité et un frottement faibles (µd ≈ 0,3-0,4) et devient cubique à face centrée au-dessus de cette température avec le frottement élevé associé à cette structure. Pour la plupart des métaux, on peut observer une température critique située entre 0,3 et 0,4 TF au-dessus de laquelle les phénomènes de diffusion et de fluage deviennent très actifs. L’adhésion augmente, la ductilité des aspérités accroît l’aire de contact conduisant à une évolution importante des forces de frottement. Celles-ci sont limitées par la décroissance de la résistance mécanique des liaisons, faisant intervenir des forces visqueuses lorsque l’on approche de la température de fusion. 23.4.3 Frottement des céramiques Les céramiques techniques sont une classe de matériaux qui inclut une grande variété de composés réfractaires inorganiques qui sont pour la plupart mis en œuvre par frittage ou compression isostatique à chaud. Il en résulte des matériaux ayant une grande dureté, une bonne résistance chimique et dans certaines situations une plus grande résistance à l’usure que les métaux. Les céramiques sont aussi utilisées sous forme de revêtements par déposition thermique, dépôts généralement épais, ou en phase gazeuse sous forme de revêtements minces (voir TM vol. 16). Les principales applications des céramiques pour des composants tribologiques sont: • paliers et joints pour pompes fonctionnant dans des fluides contenant des abrasifs, ou utilisant des métaux liquides, • paliers et joints de moteurs fusée, • paliers de barres de contrôle de réacteurs, • composants pour turbines à gaz, • revêtements ou valves de moteurs diesels, poussoirs d’arbres à cames, • outils de forage, ou outils de coupe à grande vitesse, • billes de roulements à contacts obliques pour grandes vitesses de rotation.
384
Analyse et technologie des surfaces
Les céramiques techniques les plus utilisées en tribologie sont: les borures, les carbures, les nitrures, les oxydes purs ou mixtes, les siliciures, les verres. Les céramiques diffèrent des métaux par leur structure cristalline comportant des liaisons ioniques ou covalentes fortes et directionnelles qui leur assurent une grande cohésion et une faible aptitude à l’adhésion. Cela se traduit par une dureté élevée et leur permet de supporter des températures élevées, ce qui les rend incontournables pour certaines applications. Le glissement à sec céramique/céramique se caractérise par un frottement relativement élevé. Les valeurs de frottement dynamique classiquement mesurées se situent entre 0,3 et 1. Les importantes variations des facteurs de frottement des céramiques avec la nature du milieu environnant, la température, la charge et la vitesse, sont attribuées aux modifications physicochimiques qui se développent en surface et aux fracturations qui peuvent apparaître dans les zones de contact (tab. 23.2). Tableau 23.2 Valeurs indicatives de facteur de frottement de céramiques techniques. Couples Alumine/Alumine Alumine/SiC Zircone/Zircone SiC/SiC
TiN/TiN Si3N4 /Si3N4
µd
Environnement
≥ 0,5 (Usure) ≤ 0,2 ≥ 0,5 (Usure) ≥ 0,5 (Usure) 0,12 ≥ 0,5 (Usure) ≈ 0,15 0,08 ≥ 0,5 0,07
Air sec Eau Air sec Air sec Lubrifiant Air sec Eau Lubrifiant Air sec Lubrifiant
Les facteurs environnementaux interviennent d’une manière décisive. Malgré leur réputation d’inertie chimique, les céramiques sont sensibles aux réactions tribochimiques. Celles-ci génèrent des films réactifs qui modifient les facteurs de frottement. C’est en particulier le cas en présence de fluides polaires. Un deuxième paramètre déterminant est lié au comportement fragile des céramiques. Les contraintes de tension qui se développent dans les contacts lorsque des glissements se produisent, peuvent provoquer des fractures qui limitent les charges admissibles par ces matériaux. Le bénéfice de la grande dureté des céramiques ne peut donc être mis à profit que dans les contacts roulants ou en présence de lubrifiants ou de fluides polaires assurant des facteurs de frottement faibles. 23.4.4 Frottement des polymères Le frottement des polymères est fortement dépendant de paramètres tels que: • leur structure interne, • la pression de contact,
Aspects mécaniques et thermiques du contact
385
• la vitesse de glissement, • la température et l’humidité, • l’état de surface et la nature de l’antagoniste, Les polymères sont utilisés dans un grand nombre d’applications où la résistance à l’usure et à la corrosion, la légèreté, les facilités de mise en œuvre et de maintenance, le coût, sont les critères principaux qui orientent le choix. Proposés par les firmes spécialisées sous forme de poudres, paillettes, granulés, bandes, billettes, ils peuvent être mis en forme par moulage, extrusion ou usinage (voir TM vol. 14). Il existe deux grandes classes de polymères utilisées en génie mécanique: • Les thermoplastiques dont la structure se caractérise par des chaînes linéaires dans lesquelles le motif de base est répété plusieurs milliers de fois. L’arrangement des chaînes peut leur conférer une structure soit amorphe, soit semi-cristalline. Ils possèdent un point de fusion relativement net. Ils sont mis en forme par fusion et moulage. Il n’y a pas de réaction chimique lors de l’opération qui est réversible. • Les thermodurcissables, qui sont constitués par un réseau bi- ou tridimensionnel. Une réaction chimique de réticulation se produit lors de l’opération de mise en forme qui se fait à chaud. Le produit réticulé est insoluble et infusible, la transformation est irréversible. Cette différence de propriétés a des conséquences sur le comportement en frottement. En effet, pour les thermoplastiques, la température a une importance primordiale car la fusion constitue une limite absolue qui n’existe pas avec les thermodurcissables. Compte tenu de leur faible conductivité thermique, le frottement des polymères est fortement lié à la température de surface. Leur application se limite donc aux vitesses relativement réduites. Les polymères les plus couramment utilisés pour des applications tribologiques sont les résines phénoliques (thermodurcissables), le polyéthylène, le prolypropylène, les résines acétales ou acryliques, les fluorocarbones ou les polyamides (thermoplastiques). Le frottement dynamique des polymères varie en fonction de l’énergie cohésive spécifique Esp, de l’énergie cohésive moléculaire Em, qui traduit la résistance des liaisons entre molécules, et de leur résistance au cisaillement. Les propriétés spécifiques des polymères, telles que leur résistance mécanique, leurs propriétés thermiques, de frottement ou de résistance à l’usure, peuvent varier dans une large plage en leur ajoutant des charges métalliques, minérales ou organiques, des lubrifiants solides, sous forme de poudres, de fibres ou de tissus. Les charges les plus utilisées sont les fibres ou tissus de verre ou de carbone, des poudres de bronze ou de verre, des lubrifiants solides tels que le MoS2 ou le graphite… Les valeurs classiques de facteur de frottement dynamique des polymères entre eux ou contre les métaux et les céramiques se situent entre 0,1 et 0,5. Des valeurs
386
Analyse et technologie des surfaces
inférieures à 0,1 peuvent se trouver dans des conditions particulières ou avec certains composites contenant des lubrifiants solides (tab. 23.3). Il existe aussi une certaine corrélation entre le facteur de frottement et l’énergie superficielle. Le PTFE qui a la plus faible énergie superficielle conduit au plus faible facteur de frottement (µd ≤ 0,1 à basse vitesse). Dans une même famille de polymères, par exemple les polyéthylènes haute densité, on constate que le taux d’usure diminue lorsque la masse moléculaire augmente. Cette propriété est mise en œuvre dans la réalisation de composite résistant à l’usure. Tableau 23.3 Valeurs indicatives du facteur de frottement de polymères.
µ0
µd
Environnement
Résine acétal/Acier
0,1-0,3 0,1-0,2 0,05-0,1
0,1-0,2 0,1-0,3 0,01-0,1
Air sec Eau Huile
Résine acétal/Résine acétal
0,4-0,6
0,15-0,25
Air sec
Polyamide/Acier
0,35-0,6 0,35-0,5 0,05-0,2
0,3-0,6 0,3-0,5 0,02-0,15
Air sec Eau Huile
Polyamide/Bronze
0,35-0,65 0,35-0,55 0,1-0,25
0,3-0,6 0,3-0,5 0,08-0,15
Air sec Eau Huile
PTFE/Acier
≤ 0,05
0,1-0,25 (U ≤ 0,5 m/s)
Air sec
Polyimide/Acier
0,4-0,5
0,2-0,5
Air sec
23.4.5 Frottement des élastomères Le contact d’un élastomère avec une surface dure rugueuse se caractérise par une déformation de l’élastomère qui vient envelopper les aspérités de la surface antagoniste. Ceci induit une composante tangentielle de la force. La force de frottement peut être divisée en deux termes, un terme de déformation et un terme d’adhésion. Le terme de déformation, communément appelé composante d’hystérésis, du frottement est engendré par le retard à la restitution de l’élastomère après déformation par les aspérités. La force de frottement s’exprime donc par: F = Fadhésion + Fhystérésis L’adhésion est un effet de surface tandis que l’hystérésis est un phénomène volumique lié au comportement viscoélastique des élastomères. Ces deux phénomènes font que le facteur de frottement dynamique des élastomères varie dans une large plage: 0,5 à 2 selon les conditions.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
387
Le frottement des élastomères se caractérise aussi par une forte dépendance en fonction de certains paramètres: • la nature physicochimique de l’élastomère en surface, • l’état microgéométrique et physicochimique de la surface antagoniste, • la pression de contact, la vitesse, • la nature et la température de l’environnement. Une augmentation de la vitesse produit un pic d’adhésion aux vitesses de fluage et un pic dû à l’hystérésis à très hautes vitesses. La température provoque le déplacement de ces pics vers les hautes vitesses. Il a été démontré que les effets de la vitesse et de la température étaient interchangeables, ce qui permet de ramener les données concernant le frottement des élastomères à une seule courbe maîtresse grâce à la transformée de Williams-Landel-Ferry (WLF). Un phénomène lié à la vitesse de glissement, spécifique du frottement du caoutchouc, se manifeste avec l’apparition de zones de décollement dans l’aire de contact. Il se produit une reptation de la surface du caoutchouc, le glissement s’effectuant grâce à la propagation rapide «d’ondes de détachement» en sens inverse des contraintes de cisaillement provoquées par l’effort de frottement (ondes de Schallamach).
23.5 THERMIQUE DU CONTACT 23.5.1 Objectif La génération de forces de frottement à l’interface de deux solides en glissement est fondamentalement un mécanisme de dissipation d’énergie. Celle-ci se dissipe principalement sous forme mécanique (déformation, énergie vibratoire, arrachements de débris d’usure...) et sous forme thermique provoquant l’échauffement global du système. On observe que l’énergie thermique représente la grande majorité des déperditions (95 à 98% selon les auteurs). La chaleur ainsi formée au niveau de l’interface (étendu aux couches superficielles) s’évacue de différentes manières: • dans les solides en contact par diffusion, • dans le milieu environnant par convection ou rayonnement provoquant éventuellement des transformations (vaporisations locales, baisses de viscosité...) de ce milieu ou des réactions chimiques, oxydation par exemple, avec les matériaux composants les surfaces. Ainsi, les phénomènes thermiques seront déterminants dans le comportement du système. Pour avoir une appréciation fiable de la situation tribologique réelle, il importe donc de pouvoir évaluer l’élévation de température des couches superficielles car celle-ci peut affecter le fonctionnement du système tribologique en modifiant
388
Analyse et technologie des surfaces
les propriétés des matériaux, en générant des transformations structurales, en introduisant des contraintes thermiques, en déclenchant des mécanismes de fluage ou de diffusion dans l’interface, voire en provoquant la fusion locale des matériaux. 23.5.2 Température superficielle La température TS atteinte par la surface en cours de glissement est la somme de trois termes: Ts = T0 + ∆TM + ∆TE
(23.30)
avec T0 : température de l’environnement dans lequel se produit le contact. ∆TM : échauffement moyen du composant à l’équilibre thermique. ∆TE : température éclair: échauffement local instantané du sommet des aspérités soumises lors du contact à un flux thermique intense dû à la combinaison d’une pression locale élevée et de la vitesse (Flash temperature de BLOCK [23.11]). Les deux premiers termes intéressent l’ensemble de la surface, le troisième intervient d’une manière aléatoire sur les surfaces en contact à un instant donné. 23.5.3 Energie dissipée dans le contact L’énergie mécanique générée à l’interface d’un contact glissant correspond au travail exercé par la force de frottement: Ed = FT · d Ed = µ · FN · V · t
(23.31)
avec d = Vt = distance parcourue. En terme de puissance, cette énergie s’écrit: P = µ · FN · V En la rapportant à une unité d’aire, on obtient la puissance spécifique dissipée Ps = µpV qui s’exprime en W/mm2. Ce paramètre est un indicateur de la sévérité de fonctionnement du contact. On admet que le contact glissant métal/métal à sec ne peut dépasser 1 W/mm2 en terme de produit p · V sans provoquer des endommagements importants des surfaces. A
Aspects mécaniques et thermiques du contact
389
titre de comparaison, en trempe superficielle, on évalue à ≈ 10 W/mm2 la puissance nécessaire pour élever la température de la surface à 800˚C en une seconde. 23.5.4 Evaluation de la température superficielle Deux hypothèses sont possibles: dans l’hypothèse d’une source stationnaire, on suppose que la chaleur est générée à l’interface de deux solides de même géométrie et qu’il n’y a pas d’échanges avec le milieu environnant. La chaleur diffuse à partir de la surface et se répartit entre les solides. Les équations classiques de la chaleur indiquent que la température atteinte après un temps t par un point P situé à une distance z de l’interface s’exprime par: t
∫
2q 2 χt θ ( z, t ) = ----------------- e ( –z /4 ) ( dt/ π λρ c
t)
(23.32)
0
pour z = 0, cette expression devient: t 2q θ ( 0, t ) = ------- -------------π λρ c
(23.33)
q étant la flux thermique pénétrant par la surface. Si l’on étudie l’équilibre thermique des deux solides, on a: 2q 1 t θ 1 ( 0, t ) = -------- --------------------π λ1 ρ1 c1
2q 2 t θ 2 ( 0, t ) = -------- --------------------π λ2 ρ2 c2
(23.34)
Comme il n’y a aucun échange avec l’extérieur, le flux thermique Q généré en surface se répartit dans les solides 1 et 2 de telle manière que: Q = q1 + q2 ≅ µpV En faisant l’hypothèse classique, mais peu physique, que la température à la surface des deux solides est la même pour 2 points en vis-à-vis: θ1(0, t) = θ2(0, t), on obtient la loi de Vernotte: q1 ----- = q2
λ1 ρ1 c1 ----------------λ2 ρ2 c2
(23.35)
La chaleur générée à l’interface se répartit dans chacun des solides selon le rapport de leur effusivité. On peut donc déterminer la température à l’interface:
390
Analyse et technologie des surfaces
2 µ pV t θ 2 = -------------------------------------------------------------π ( λ1 ρ1 c1 + λ2 ρ2 c2 )
(23.36)
Dans l’hypothèse d’une source mobile, lorsque deux solides de géométrie différente (fig. 23.14) sont en mouvement l’un par rapport à l’autre, l’équilibre thermique global ne peut être atteint pendant le passage de la source de chaleur représentée par un des solides en contact. L’élévation locale de température peut dans certains cas devenir notablement plus importante que l’élévation moyenne de la température volumique. 2a V
Fig. 23.14 Exemple d’un contact curseur /glissière.
Le calcul de l’élévation de température est ramené à un problème de transfert thermique dans lequel la chaleur générée par friction est représentée par une source thermique mobile se déplaçant sur la surface. Un paramètre sans dimension désigné sous le nom de nombre de Péclet a été introduit comme critère permettant de différencier les régimes de vitesse. Ce nombre peut être interprété comme le rapport entre la vitesse de déplacement de la surface et le taux de diffusion thermique dans le solide: Va P e = ------2χ
(23.37)
avec a = 1/2 largeur de la source de chaleur. Si le nombre de Péclet est petit (Pe < 0,1), la source de chaleur peut être considérée comme fixe. La distribution de température est symétrique par rapport à l’axe passant par la demi-longueur du frotteur. Le problème peut être traité en régime établi de conduction (fig. 23.15a). Si 0,1 < Pe < 5, l’une des surfaces se déplace relativement lentement par rapport à l’autre, et l’on peut traiter le problème en l’assimilant à celui d’une source lente (fig. 23.15b). Les températures moyenne θm et maximale θM s’écrivent:
Contact carré (côté = 2a) Contact circulaire (Φ = 2a)
θm
θM
qa θ m = 0,946 -----λ
qa θ M = 1,122 -----λ
π qa θ m = --- -----4 λ
µV θ M = 0,222 -------- ( σ y F N ) λ
Aspects mécaniques et thermiques du contact
391
z c
(a)
V
x
d
2a
z
V
T
c
c x
x d
(b)
z
(c)
T0
d
T
2a
2a
T
T
Fig. 23.15 Evolution de la température dans le contact en fonction de la vitesse de glissement : (a) contact statique; (b) vitesse lente; (c) vitesse élevée, d’après [23.14].
Si le nombre de Péclet est grand (Pe > 5), la chaleur n’a pas le temps de diffuser sur une grande profondeur. Le flux demeure près de la surface dans une très faible épaisseur (quelques dizaines de µm) et la température de ce petit volume de matière s’élève considérablement. Le maximum de température se situe à l’arrière du contact et sa valeur dépend de la forme de la source. Plus le nombre de Péclet est grand, plus le gradient est important (fig. 23.15c). Les élévations maximale et moyenne de température du contact s’écrivent: θm
θM
Contact carré (côté = 2a)
q χ a 1/2 θ m = 1,064 --- ------ λ V
q χ a 1/2 θ m = 1,6 --- ------ λ V
Contact circulaire (Φ = 2a)
π q χ a 1/2 θ m = ------------- --- ------ 3,251 λ V
F V θ M = 0,726 γµσ y ----------- ------Nλρ C σ y
Le terme γ varie en fonction du nombre de Péclet, de 0,72 pour Pe = 5 à 0,92 pour Pe = 100; γ = 1 pour PE > 100.
23.6 EXERCICES 23.6.1 Un embrayage monodisque double face doit être utlisé dans une application pour transmettre une puissance de 45 kW à 600 t/mn. Les diamètres efficaces
392
Analyse et technologie des surfaces
extérieur et intérieur du disque sont respectivement 240 et 200 mm. Le facteur de frottement de la garniture étant de 0,3, calculer la force nécessaire à appliquer sur les disques pour réaliser l’entraînement ainsi que la pression de contact. 23.6.2 Etude du contact Roue/Rail (fig. 23.16). Déterminer le champ de contraintes qui s’établit dans le contact entre une roue et un rail de chemin de fer. Diamètre de la roue: Φ = 1 m. Rayon du rail: R = 0,3 m. Module d’élasticité de l’acier: E = 200 Gpa. Coefficient de Poisson de l’acier: ν = 0,3. Charge appliquée au contact: W = 100 000 N.
Fig. 23.16 Représentation schématique d’un contact roue /rail.
Evaluer la dureté minimale que devront posséder les aciers utilisés. 23.6.3 Détermination de la température d’un contact. Un patin se déplace sur une glissière comme le schématise la figure 23.14. Quelle est la proportion de flux thermique qui se dissipe respectivement dans le patin et la glissière? On admettra qu’il n’y a pas d’échange avec le milieu ambiant. 23.6.4 Etude d’un système came/poussoir. Le système est composé d’une came et d’un poussoir à profil cylindrique. Faire l’analyse tribologique du système. Calculer le charge statique maximale que l’on peut admettre sur le poussoir si l’on veut utiliser pour la réalisation des deux pièces un acier de dureté: 350 HB. Jusqu’à quelle profondeur doit-on maintenir cette dureté? Rayon de courbure de la came: 10 mm. Rayon de courbure du poussoir: 1000 mm. Longueur du contact: 10 mm.
Aspects mécaniques et thermiques du contact
393
23.7 BIBLIOGRAPHIE [23.1] T. BOUSSINESQ, Application des potentiels à l’étude de l’équilibre et du mouvement des solides élastiques. Librairie scientifique et technique, A. Blanchard, Paris, 1869. [23.2] HERTZ, Journal für Mathématik Bd. XCII Heft 2 BERLIN (1881), Gesammelte Werke, Leipzig, 1895. [23.3] M. HUBER, S. FUCHS, Spannungversteilung zweir elastischer Zylinder Physikalische Zeitschrift, vol. 15, 1914. [23.4] MINDLIN, J. of App. Mech.– ASME Trans. – 71-259 – 68, 1949. [23.5] G.M. HAMILTON, L.E. GOODMAN, J. of Appl. Mech., p. 371, juin 1950. [23.6] D. BUCKLEY, NASA – TM X-52 279, oct. 1967. [23.7] R. COURTEL, Métaux-Corrosion-Industrie, n˚474-475, pp. 1-39, 1964. [23.8] M.E. SIKORSKY, Wear 7, pp. 144-162, 1964. [23.11] H. BLOCK, I.M.E. London, vol. 2, pp. 22-235, 1937. [23.12] JAEGER, Proc. Roy. Soc., N.S.W., vol. 76, pp. 203-224, 1943. [23.13] J.F. ARCHARD, Wear, vol. 2, pp. 438-455, 1958-1959. [23.14] J.J. CAUBET, Théorie et pratique industrielle du frottement, Dunod, 1964.
CHAPITRE 24
USURE
24.1 OBJECTIFS La durée de vie des composants mécaniques est très souvent limitée par les endommagements des surfaces actives de ces composants. Ce chapitre est consacré à la description des principaux mécanismes physiques à l’origine de ces endommagements et à celle de l’influence des paramètres les plus influents qui interviennent pour enclencher ou entretenir ces mécanismes.
24.2 INTRODUCTION Le terme usure, dans son acception la plus large, exprime la détérioration des composants due à l’usage. L’usure est générée par plusieurs mécanismes physiques, chimiques ou mécaniques indépendants ou non. En fait, l’usure considérée comme un phénomène global est très difficile à décrire du point de vue quantitatif. Il en résulte que les différentes approches théoriques sont faites à partir d’hypothèses simplificatrices tendant à dissocier les processus mis en jeu pour mieux les appréhender. Nous adopterons ici une classification regroupant les différents types d’usures en 4 grandes familles caractérisées par l’action d’un mécanisme spécifique: • l’usure adhésive, • les usures abrasives et érosives, • l’usure par déformation et par fatigue superficielle, • l’usure chimique et plus précisément tribochimique. volume usé
C
A
0
B
distance parcourue
Fig. 24.1 Evolution générale de la perte de matière par usure en fonction du temps.
396
Analyse et technologie des surfaces
L’évolution de la perte de matière d’un organe mécanique en fonction du temps présente généralement trois phases distinctes (fig. 24.1). La phase OA est une phase d’adaptation des surfaces souvent appelée phase de rodage ou d’incubation. La partie AB correspond à l’utilisation normale de l’organe mécanique. La perte de matière est faible, régulière et fonction sensiblement linéaire du temps. La phase BC traduit la mise hors service du composant due à une usure exagérée qui tend à modifier les conditions nominales de fonctionnement: jeux exagérés, lubrification inefficace, efforts élevés, endommagement des surfaces. La quantification de l’usure fait appel à des lois empiriques dont nous donnerons quelques exemples.
24.3 USURE ADHÉSIVE 24.3.1 Généralités Selon le schéma classique de BOWDEN et TABOR [24.1], l’usure adhésive se caractérise par des jonctions interfaciales qui s’établissent entre les aspérités des surfaces en contact. Ces aspérités sont soumises à des contraintes locales élevées et subissent des déformations élastiques et plastiques qui provoquent un rapprochement des atomes et la création de liaisons interfaciales (fig. 24.2). Plusieurs possibilités ont été proposées pour expliquer l’établissement de ces liaisons que l’on peut regrouper en 4 familles principales: • Les liaisons par accrochage mécanique et interpénétration des aspérités. On les observe dans le cas de contact solide mou/solide dur (élastomère/métal ou minéral). • Les liaisons par transfert d’électrons à travers l’interface (théorie de Deriaguine) qui produit une double couche de charges électriques de signe opposé de part et d’autre de la surface. La force d’adhésion est générée par les forces électrostatiques qui s’établissent à travers l’interface entre ces couches. Ce mécanisme apparaît dans les contacts polymères/polymères ou polymère/métal. Dans ce cas le polymère se charge négativement à la rupture. • Les liaisons basées sur l’absorption qui peut être chimique, il se crée alors des liaisons primaires à courte distance de type métallique, ioniques ou covalentes
déformations élastiques corps A
corps B déformations plastiques Fig. 24.2 Contact de deux corps solides d’après [24.1].
Usure
397
très résistantes ou physique, le contact intermoléculaire est dû aux forces secondaires à longue distance de type van der Waals qui s’établissent sur des distances de quelques nanomètres. • Les liaisons avec diffusion dans lesquelles on observe un échange d’atomes à travers l’interface qui apparaissent dans les contacts à température élevée. Phénoménologiquement, ces liaisons peuvent être de deux types: adhésives lorsque l’interface est maintenu, c’est le cas le plus fréquent pour les matériaux non métalliques ou métalliques pollués ou cohésives lorsque par suite de l’absence ou de la rupture des films superficiels, des mécanismes diffusionnels se mettent en jeu et l’interface disparaît. L’adhésion est alors provoquée par des liaisons métalliques ou covalentes pour les métaux, ioniques pour des matériaux non métalliques. L’index d’adhésion est un indicateur des risques d’usure adhésive: E' σ 3/2 α = ---------- --------W ad R 1/2
(24.1)
avec σ :
écart type de la distribution des hauteurs d’aspérités (σ ≈ Rq ≈ RMS). R: rayon de courbure du sommet des aspérités. Wad = γ1 + γ2 – γ12 : travail d’adhésion de Dupré. γ1 et γ2 : énergie superficielle des 2 solides en contact. γ12 : énergie interfaciale. Wad : 1000 à 3000 mJ/m2 pour les métaux. Wad : 100 à 500 mJ/m2 pour les céramiques. Wad : 100 mJ/m2 pour les polymères.
Si α ≤ 5, le risque d’adhésion est important. L’adhésion dépendant essentiellement de l’aire réelle de contact, elle est fortement influencée par les paramètres fonctionnels de la situation tribologique concernée et par la nature et les propriétés des matériaux mis en présence. 24.3.2 Influence de l’environnement La perte de matière d’une pièce frottante par adhésion dépend du nombre de jonctions métalliques et de leur taille. Le milieu ambiant tend à accélérer le phénomène ou à le ralentir, suivant qu’il favorise ou défavorise l’existence de jonctions métal-métal et le transfert qui en résulte. Le tableau 24.1 donne les valeurs possibles du coefficient de transfert dans différentes ambiances, c’est-à-dire la probabilité de transfert d’une particule de la surface d’un frotteur sur la surface antagoniste. On notera que ce coefficient peut varier de 1 à 100, tandis que le facteur de frottement varie de 1 à 10.
398
Analyse et technologie des surfaces
24.3.3 Influence de la charge Il existe une charge critique au-delà de laquelle l’usure croît considérablement (fig. 24.3). Sous faible charge, le volume usé est sensiblement proportionnel à la charge. L’augmentation de la charge se traduit d’abord par un accroissement du nombre de points de contact (fig. 24.4a), et ensuite par un accroissement de la taille des jonctions (fig. 24.4b). Les aspérités se déforment plastiquement et contribuent ainsi à une augmentation rapide de l’usure. Tableau 24.1 Coefficient de transfert dans différentes conditions de contamination superficielle (d’après [24.2]). Conditions
Contact entre métaux identiques Contact entre métaux différents
Lubrifiant de Excellent lubrifiant Surfaces Sans lubrifiant Fluide peu bonne qualité (huile minérale très propres (dans l’air) lubrifiant (ultravide) (eau, essence, (huile minérale, visqueuse, huile synthétique) liquide non fluide mouillant) mouillant) 3 × 10–1 4 × 10–2 7 × 10–4 4 × 10–5 10–6 2 × 10–3
8 × 10–4
5 × 10–4
4 × 10–5
10–6
A faible vitesse, la pression critique est de l’ordre du tiers de la dureté Brinell. Au-delà de cette pression, l’aire réelle de contact devient une fraction importante de l’aire apparente et la déformation plastique tend à se généraliser favorisant l’adhésion. L’ index de plasticité permet de déterminer le risque de déformation plastique des surfaces rugueuses: F N σ 1/2 Ψ = ------- --- H R
(24.2)
lorsque cet index est inférieur à 0,6 la déformation des aspérités est majoritairement élastique, lorsqu’il est supérieur à 1 la déformation est majoritairement plastique. 24.3.4 Influence de la vitesse de glissement (à charge faible) Le principal effet de la vitesse est d’agir sur la température superficielle, la température maximale atteinte étant celle du métal ayant le plus bas point de fusion. Si la charge faible n’entraîne pas de destruction immédiate, cet accroissement de température en surface aura pour effets: • De créer des points chauds, ce qui accroît la réactivité des surfaces et des produits d’usure vis-à-vis du milieu environnant et favorise toutes les réactions chimiques qui peuvent se produire au cours des glissements. • De faciliter (du fait des chauffages et refroidissements successifs) les modifications structurales et à partir d’un certain niveau de déclencher des
h/(pL) [m2 /N]
Usure
399
0,28 0,24 HB/3
0,20 0,16 0,12 0,08 0,04
0
200
400
600
800 1000 p [N/m2]
Fig. 24.3 Evolution de l’usure en fonction de la pression de contact (d’après [24.4]).
surface dure (a) zone de déformation plastique
surface molle
surface dure (b) zone de déformation plastique
surface molle
Fig. 24.4 Influence de la charge sur un contact – Frotteur en acier : (a) charge faible; (b) charge élevée.
mécanismes de diffusion de certains éléments. Ainsi, dans le cas des aciers, on peut trouver des transformations de type martensitique, et certaines zones voient se modifier leur teneur en carbone. 24.3.5 Influence combinée – charge et vitesse La charge (pression de contact) et la vitesse introduisent des limites dues aux déformations dans un cas, aux échauffements dans l’autre. L’action simultanée des pressions de contact et de la vitesse peuvent être: • d’accroître la conformité des surfaces par déformation; • de favoriser (par l’élévation de température) la diffusion des éléments d’une pièce dans l’autre et la formation de composés à l’interface; • de favoriser les réactions superficielles avec le milieu environnant; • d’entraîner la fusion des couches superficielles.
400
Analyse et technologie des surfaces
La prise en compte de l’action combinée de la vitesse et de la pression de contact peut être réalisée d’une manière empirique par l’utilisation du produit pV (pression × vitesse) ou plus exactement µpV qui exprime la puissance spécifique générée dans le contact. En dépit des imprécisions introduites par la méconnaissance partielle de certains paramètres (partage des flux thermiques notamment), ces quantités peuvent être considérées comme des indicateurs du comportement d’un composant tribologique. On peut admettre par exemple les limites en pV suivantes: • 1 W/mm2 pour le frottement sec de matériaux de friction classiques, • 0,4 W/mm2 pour le frottement sec des céramiques, • 1,5 à 2 W/mm2 pour le frottement de composites polymères + lubrifiants solides. endommagements mécaniques importants
effort normal
conditions isothermes
température d’interface élevée
conditions adiabatiques
température d’interface faible endommagements mécaniques faibles vitesse de glissement Fig. 24.5 Influence respective de la pression et de la vitesse (d’après [24.3]).
Toutefois, la pression et la vitesse n’ont pas une action totalement symétrique. Comme le schématise la figure 24.5, les fortes pressions favorisent les déformations et endommagements mécaniques en conditions isothermes, tandis que les grandes vitesses induisent plutôt des transformations adiabatiques et des modifications superficielles physicochimiques des matériaux: triboréactions, fusions… 24.3.6 Influence de la température La température, outre l’affaiblissement mécanique des matériaux, favorise les réactions interfaciales et, au-delà d’un certain seuil déclenche les mécanismes de fluage et de diffusion qui augmentent fortement le risque de création de liaisons étendues pouvant conduire au grippage. Pour prendre en compte l’effet de la température, on se réfère généralement à la température de fusion des matériaux TF. Celle-ci caractérise la cohésion des métaux comme l’énergie superficielle ou la plupart des caractéristiques mécaniques et intervient donc comme paramètre de référence pour évaluer l’influence de ces propriétés.
Usure
401
L’étude du comportement de nombreux éléments au cours d’essais d’adhérence a mis en évidence, d’une part un abaissement du coefficient d’adhérence lorsque la température de fusion croît, d’autre part un regroupement des matériaux suivant leur réseau cristallin. Il a aussi été montré qu’il existait une température critique d’adhérence au-dessus de laquelle l’adhésion croît rapidement. Compte tenu de l’importance de l’énergie développée au cours du glissement et du faible volume de matière mis en jeu, la température critique d’adhésion peut être atteinte dans les zones superficielles proches des points de contact. On peut alors observer des adhérences locales entre les surfaces en contact et la formation de liaisons. La notion de température critique ne doit donc pas se limiter à la température volumique moyenne, mais à celle atteinte ponctuellement aux points de contact. Ces observations permettent de tirer les conclusions suivantes, utiles pour orienter le choix des matériaux dans les applications à haute température: • L’adhésion d’un métal sur lui-même devient conséquente à partir de 0,3 à 0,4 TF. • L’adhésion entre métaux différents se produit entre 0,35 et 0,5 fois la température de fusion du métal à plus bas point de fusion. • Les oxydes ont une température critique d’adhésion supérieure à celle des métaux: 0,45 TF < Ta < 0,65 TF. • Les couples oxyde/métal adhèrent à une température intermédiaire entre celle des couples oxyde/oxyde et celle des couples métal/métal: 0,4 TF < Ta < 0,65 TF. 24.3.7 Influence de la nature et de la structure des matériaux Les principaux facteurs sont ceux concernant la solubilité, la structure cristalline, et le comportement à la déformation. Des études concernant les corrélations entre les avaries superficielles et la solubilité ont montré que les meilleurs couples de frottement sont ceux formés de métaux insolubles ou qui donnent naissance à des composés intermétalliques à caractère chimique. On les appelle couples compatibles tribologiquement, la figure 24.6 proposé par RABINOWICZ [24.5] en donne quelques exemples. Si la compatiblité tribologique des métaux purs a fait l’objet de nombreuses études, celle des alliages est moins connue. On admet en général que les alliages suivent le comportement de leur constituant principal, tant que les éléments d’addition n’atteignent pas des teneurs trop élevées. Il ne s’agit là que d’une approximation car certains éléments très actifs peuvent largement modifier le comportement même à des teneurs relativement faibles (ex: étain ou silicium dans l’aluminium, phosphore dans le nickel). Dans le cas du frottement à haute température, on observe souvent des anomalies dans le comportement des matériaux. C’est ainsi qu’aux températures voisines du début de recristallisation ou de transformation allotropiques, la susceptibilité des métaux au grippage et à l’adhésion croît considérablement. Ces résultats sont
402
Analyse et technologie des surfaces
expliqués par une activité accrue au sein du matériau au-delà de cette température: mouvements atomiques et lacunaires (d’où réarrangements du réseau), relâchement des contraintes élastiques et abaissement des propriétés mécaniques. On peut donc s’attendre effectivement à des comportements différents pour les matériaux lorsque l’on traverse la zone de recristallisation. Les propriétés thermiques peuvent prendre une importance capitale, notamment à vitesse élevée où l’évacuation de la chaleur engendrée au niveau des surfaces devient un problème prépondérant pour conserver aux matériaux des caractéristiques suffisantes et éviter les phénomènes d’adhérence à haute température.
W Mo Cr Co Ni Fe Nb Pt Zr Ti Cu Au Ag Al Zn Mg Cd Sn Pb In Pb Sn Cd Mg Zn Al Ag Au Cu Ti Zr Pt Nb Fe
2 phases liquides et une solution solide inférieure à 0,1 % 2 phases liquides et une solution solide supérieure à 0,1 % 1 phase liquide et une solution solide comprise entre 0,1 et 1 %
Ni Co Cr Mo
1 phase liquide et une solution solide supérieure à 1 % cas où les informations sont insuffisantes Fig. 24.6 Tableau de compatibilité (d’après [24.5]).
Dans certaines conditions, pour les métaux ou pour certains matériaux isolants (oxydes, céramiques), les propriétés thermiques sont telles que l’on voit apparaître des phénomènes de plasticité adiabatique. La concentration de chaleur dans une couche très mince provoque une plastification de cette couche et lui confère des propriétés de cisaillement particulières. Cette aptitude peut expliquer des résultats obtenus sur des systèmes devant fonctionner à haute température ou à très grande vitesse (films de revêtements céramiques à base d’oxydes ou de fluorures). Les propriétés mécaniques des matériaux, dureté, aptitude à l’écrouissage, module d’élasticité sont liées aux propriétés physiques, réseau cristallin, rayon atomique, à la composition chimique, à leur température de fusion et de recristallisation. Dureté, module d’élasticité, température de fusion caractérisent la cohésion du matériau. La
Usure
403
température de recristallisation peut qualifier l’aptitude à la relaxation des contraintes élastiques. On obtiendra donc souvent une concordance étroite dans les observations réalisées par les chercheurs en tenant compte de ces deux familles de paramètres. L’ensemble des propriétés mécaniques permet de caractériser l’aptitude à la déformation des matériaux qui est fortement influencée par le réseau cristallin et évidemment par la température. Les études menées dans le cadre d’essais de soudure en phase solide, qui ont de nombreux points communs avec les problèmes de frottement, ont montré l’influence de la déformation et du glissement sur la résistance des soudures: déformation et glissement favorisent la rupture de films superficiels, et la conformité des surfaces. Ainsi, pour l’aluminium, au cours d’essais de soudure par poinçon, on a pu mettre en évidence l’existence d’un seuil critique de déformation de 40% au-delà duquel l’adhésion devient importante. Ce seuil est abaissé lorsqu’il y a mouvement relatif des deux pièces l’une sur l’autre, le mouvement facilite en effet la rupture des films d’oxyde qui jouent généralement un rôle protecteur. La température a pour effet d’abaisser ce seuil critique. Cet abaissement varie comme la température réduite T/TF pour les métaux à structure cubique. 24.3.8 Modélisation de l’usure adhésive HOLM et ARCHARD [24.6] ont proposé une modélisation empirique de la phase linéaire de l’usure. Cette modélisation s’appuie d’une part sur le fait que le contact des surfaces ne se fait que par un nombre réduit d’aspérités réparties aléatoirement sur la surface et d’autre part que ces aspérités doivent supporter la charge et maintenir les déformations dans le domaine d’élasticité. Ils supposent donc que le volume usé est proportionnel à la charge appliquée, à la distance parcourue et inversement proportionnel à la résistance mécanique des matériaux exprimée par la limite de fluage en compression assimilée à la dureté: KWL ∆V = ------------H avec ∆V: L: W: H: K:
(24.3)
perte de matière résultant de l’usure exprimée en variation de volume, distance parcourue, charge appliquée, dureté du matériau le plus mou obtenue par indentation, coefficient d’usure sans dimension lié à la probabilité qu’une aspérité en contact produise une particule d’usure.
Le coefficient d’usure caractérise la sévérité du processus d’usure et permet de comparer différentes classes de matériaux (tab. 24.2). Dans certaines applications, frottement des élastomères, polymères ou même métaux, la valeur de H en surface est souvent difficile à définir et l’on utilise fréquemment une loi de la forme:
404
Analyse et technologie des surfaces
∆V = kWL
(24.4)
avec k = taux d’usure dimensionné [mm3 /Nm]. Exemples: k ≈ 10–4 mm3 /Nm k ≈ 10–7ou 10–8 mm3 /Nm k ≈ 10–12 mm3 /Nm
Acier/Acier à sec. Matériaux de friction performants/acier à sec. Bronze/Acier lubrifié.
Tableau 24.2 Coefficients d’usure dans différentes situations tribologiques (d’après [24.5]). Métaux identiques
Métaux compatibles
Métaux partiellement compatibles
Métaux incompatibles
Glissement sec
1500 × 10–6
500 × 10–6
100 × 10–6
15 × 10–6
Lubrification partielle
300 × 10–6
100 × 10–6
20 × 10–6
3 × 10–6
Bonne lubrification
30 × 10–6
10 × 10–6
2 × 10–6
0,3 × 10–6
Excellente lubrification
1 × 10–6
0,3 × 10–6
0,1 × 10–6
0,03 × 10–6
24.4 USURES ABRASIVE ET ÉROSIVE Ces deux types d’usure sont provoqués par l’action de particules qui viennent agresser la surface d’un solide. Ils se manifestent par des rayures, griffures, polissages, arrachements de microcopeaux, voire cavités sur les surfaces agressées. 24.4.1 Usure abrasive L’usure abrasive est définie comme le déplacement de matière produit par des particules ou protubérances dures qui glissent contre une surface solide. On en distingue deux familles: • usure par abrasif lié lorsque l’abrasif appartient à la surface d’un des solides en contact, abrasion à deux corps, • usure par abrasif libre lorsque les particules sont enserrées entre les deux surfaces en contact, abrasion à trois corps. Les aspérités ou particules dures peuvent être assimilées à des microoutils dont l’angle de coupe peut être positif ou négatif. Elles provoquent le déplacement de matière par cisaillement et formation de microcopeaux ou par déformation plastique. AYEL [24.7] a illustré ces deux actions par le schéma présenté sur la figure 24.7.
Usure
(a)
405
(b)
Fig. 24.7 Mécanisme de l’abrasion : (a) abrasion par effet de coupe; (b) abrasion par déformation.
De nombreux paramètres influent sur l’intensité de l’usure abrasive: • Dimension et morphologie de l’abrasif: l’intensité de l’usure abrasive croît avec la taille des particules. Une particule possédant des angles aigus aura un effet de coupe plus marqué. Des particules arrondies déformeront davantage le métal. • Nature, dureté, quantité d’abrasif impliquée dans le contact. • Charge appliquant les grains abrasifs sur la surface. • Nature, structure et dureté du matériau subissant l’abrasion. EYRE [24.8] a étudié ces paramètres et montré qu’il existait un rapport critique entre la dureté du métal et celle de l’abrasif HM /HA = 0,6 caractérisant le domaine d’efficacité d’un abrasif (fig. 24.8). Un rapport supérieur à cette valeur induit à un taux d’abrasion faible. Pour les métaux, à dureté de l’abrasif fixée, on observe que la résistance à l’usure des métaux purs est une fonction linéaire croissante de la dureté. • Vitesse des particules: à basse vitesse (V < 1 ou 2 m/s) avec des particules arrondies, l’usure est produite préférentiellement par déplacement de matière par déformation. Lorsque la vitesse croît, l’usure a tendance à croître. RABINOVICZ [24.9] attribue ce fait aux pertes de propriétés mécaniques des matériaux avec l’échauffement. Au-delà d’une vitesse critique de déformation, l’enlèvement de matière par effet de coupe devient prépondérant et l’on observe l’apparition d’un copeau quelle que soit la forme de la particule. Une loi empirique globale analogue à celle d’Archard est généralement proposée pour décrire l’usure abrasive. Le volume usé par abrasion est proportionnel à la charge appliquée et à la distance parcourue par le corps abrasif et inversement proportionnel à la dureté du matériau abrasé: ∆V = K WL/H. Les plages usuelles d’évolution du coefficient d’usure K sont: • K = 0,5 à 5 · 10–3 pour l’abrasion à 3 corps, • K = 5 à 50 · 10–3 pour l’abrasion à 2 corps. Pour les matériaux de très grande dureté à comportement fragile tels que les céramiques, ZUM GAHR [24.10] constate que cette loi ne s’applique plus. Il observe, en effet, un mode d’endommagement par fracturation lorsque la ténacité caractérisée par le coefficient K1C devient inférieure à 14 MPa · m1/2.
Analyse et technologie des surfaces
résistance relative à l’usure
406
valeur critique
6 5 4 3 2 1
zone d’abrasion
zone d’abrasion faible
0,2 0,4 0,6 0,8
1
1,2 H métal --------------------H abrasif
Fig. 24.8 Effet de la dureté de l’abrasif sur la résistance à l’usure des métaux.
24.4.2 Usure érosive L’usure érosive se définit comme la perte de matière provoquée par l’action de particules contenues dans un fluide en mouvement et qui viennent heurter une surface solide. Comme dans le cas de l’usure abrasive plusieurs paramètres influencent ce mode d’usure: • La taille, le nombre, la morphologie et la vitesse des particules. • L’angle d’impact qui définit le faciès des endommagements observés (fig. 24.9). Un faible angle d’incidence favorise l’effet de coupe alors qu’une incidence normale entraîne plus de déformation. L’intensité des endommagements dépend de plus du comportement des matériaux (fig. 24.10). Les résultats montrent que l’érosion est maximale pour de faibles angles d’attaque dans le cas des matériaux à caractère ductile et qu’au contraire, elle est maximale sous incidence normale avec des matériaux fragiles.
α=0
π α = --2
α α
fines rayures
cavités
collision avec incidence
Fig. 24.9 Mécanismes de l’érosion d’une surface par des particules solides contenues dans un fluide en mouvement.
usure érosive
Usure
407
matériau fragile matériau ductile
0
30
60
90 angle d’attaque
Fig. 24.10 Erosion en fonction de l’angle d’incidence des particules.
24.4.3 Cas particulier de l’usure érosive: l’érosion par cavitation L’érosion par cavitation désigne l’usure produite par l’implosion de bulles de vapeur ou de gaz près d’une paroi immergée dans un fluide en mouvement. Ces implosions provoquent des pointes élevées de contraintes et de température dues à l’impact de liquide sur la paroi et des ondes de choc. La répétition de ce phénomène entraîne l’extraction de particules de matière par érosion et fatigue superficielle. Le mécanisme de l’usure par cavitation est décrit schématiquement sur la figure 24.11 et comprend plusieurs phases: • Formation de bulles de vapeur dans les régions où la pression est inférieure à la tension critique de vapeur du fluide. • Grossissement des bulles par absorption des gaz dissous dans le fluide. • Implosion des bulles dans des régions de faibles pression qui se traduit par l’impact d’un jet de liquide contre la paroi et une onde de choc. ∆p > 100 MPa, ν > 1000 Hz. Ces sollicitations ébranlent la structure et peuvent provoquer des fissurations intergranulaires et le détachement de particules de matière. Les poches de vapeur peuvent être remplacées par des bulles de gaz incluses dans le fluide par exemple, bulles d’air provenant de l’aération intense des huiles dans les mécanismes rapides: moteurs thermiques rapides ou turbines (émulsion air-huile). L’instabilité physique des bulles est définie par la différence de pression à l’interface liquide-vapeur et dépend de la tension superficielle, de la tension de vapeur du fluide, de la viscosité. L’importance de l’endommagement est liée à l’énergie de surface de la bulle. La détérioration des surfaces soumises à l’érosion par cavitation se présente sous forme de petites piqûres qui se rassemblent en cavités s’étendant progressivement jusqu’à entraîner la désagrégation complète de volumes importants de métal. On la rencontre notamment sur les hélices de bateaux, les aubes de turbines, les pompes... Dans les moteurs, la cavitation peut apparaître dans les paliers par suite de l’éclatement des bulles d’air incluses dans l’ huile de graissage après son passage
408
Analyse et technologie des surfaces
(a)
(b)
(c)
(d)
Fig. 24.11 Principe de la cavitation-érosive: (a) Pi > Pcrit formation de germes ; (b) Pi > Pcrit grossissement des bulles; (c) Pi > Pcrit implosion; (d) Pi > Pcrit onde de pression.
successif très rapide dans la partie divergente du film où règne une dépression et dans la partie convergente où le gradient de pression est important et elle peut provoquer la destruction des coussinets. 24.4.4 Erosion électrique Ce type d’usure est dû à l’apparition d’arcs électriques entre les sommets des aspérités des surfaces en vis-à-vis. Ces arcs provoquent l’extraction de particules de matière, creusant de petites cavités à la surface. L’érosion électrique apparaît souvent sur les composants mécaniques utilisés dans des installations électriques qui génèrent des courants fugitifs (roulements par exemple). Le phénomène est souvent accéléré par la présence d’un fluide ou d’humidité.
24.5 USURE PAR FATIGUE DE CONTACT 24.5.1 Généralités Les contraintes auxquelles sont soumis les contacts conduisent selon leur intensité à plusieurs types d’endommagements. Si ces contraintes dépassent localement la limite d’élasticité des matériaux, ceux-ci se déforment plastiquement par surcontrainte dès l’application de l’effort, après quelques cycles de fonctionnement ou en cas de choc, ce qui conduit à ce qu’il est convenu d’appeler l’usure par déformation. Cela se traduit par des empreintes sur les surfaces. Ce type d’usure est quelquefois désigné par le terme de brinellage.
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Si le niveau des contraintes reste inférieur aux valeurs critiques de plastification, la répétition des sollicitations s’appliquant à des volumes réduits de matière peut conduire à des phénomènes de fatigue superficielle. Ceux-ci se manifestent physiquement sous forme de modifications structurales et par l’apparition de fissures s’amorçant en sous-couche ou en surface en des sites qu’il n’est pas toujours facile de prévoir. Ces fissures aboutissent à terme à des piqûres ou écaillages qui peuvent nuire gravement au fonctionnement du système et même engager un processus divergent aboutissant à une rupture catastrophique. Les endommagements dus à la fatigue de contact peuvent être répartis en deux familles suivant leur cause principale: fatigue d’origine mécanique et fatigue d’origine thermique. 24.5.2 Fatigue mécanique La fatigue mécanique est liée à l’application répétée des contraintes sur la zone de contact. On la rencontre typiquement dans les contacts de type hertzien des systèmes de transmissions d’énergie ou d’effort (engrenages, contacts cames/ poussoirs...), ou de guidage (roulements, contact roue/rail...) sollicités en roulement, ou roulement + glissement. Elle peut aussi apparaître lors de l’impact répété d’une surface par des particules solides ou des fluides qui peuvent générer des contraintes plus ou moins cycliques dans les couches superficielles, ou encore, à une échelle microscopique, lors du contact répété d’aspérités sur des surfaces solides en mouvement relatif. L’évolution de la fatigue de contact comporte plusieurs phases. Tout d’abord, on observe une phase d’incubation qui se traduit par l’apparition de transformations microstructurales. Ce sont des modifications de la structure du matériau liées aux chargements répétés. Elles apparaissent principalement dans les alliages et les matériaux multiphasés dans lesquels les phases les moins stables auront tendance à se transformer. Ces transformations sont souvent accélérées par la présence d’inclusions dures qui provoquent des surcontraintes localisées. Un exemple connu est celui de l’apparition de zones sombres ou de bandes blanches dans des régions de cissions maximales pour certains aciers à roulements. Le processus de transformation est le suivant: première étape, apparition de zones sombres ou Dark Etching Areas (D.E.A.), deuxième étape, pour un nombre de cycles plus important, apparition de bandes blanches ou White Etching Areas (W.E.A.) dont l’orientation et la longueur sont caractéristiques de la sollicitation. Ces bandes, révélées par des réponses différentielles aux réactifs d’attaque, sont constituées de ferrite très écrouie avec une structure très fine, contenant des carbures lenticulaires. Sur ces mêmes aciers, on observe des «ailes de papillon» orientées à 45˚ par rapport à la surface autour d’inclusions non métalliques ou de carbures. Le mécanisme commun à toutes ces transformations est la migration de carbone sous l’effet des contraintes, qui se corrèle avec la modification des propriétés mécaniques. Dans une deuxième phase apparaissent des décohésions qui se manifestent par des microfissures.
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Analyse et technologie des surfaces
Enfin, une phase de propagation se déclenche sous l’effet des concentrations de contraintes en front de fissures. Suivant le mode de propagation, les endommagements se manifestent par du satinage, des piqûres, des fissurations à diverses profondeurs ou des écaillages. On distingue deux familles de défauts suivant leur profondeur d’apparition: • Les défauts profonds qui s’observent au niveau des zones de cission maximale hertzienne à des profondeurs de 10 µm à 1 mm. Ces défauts se produisent dans les contacts avec frottement faible, contacts lubrifiés par exemple. • Les défauts superficiels qui concernent les couches externes des surfaces, profondeur inférieure à 10 µm et qui apparaissent généralement dans des contacts avec frottement élevé. L’usure par délamination se rattache à cette catégorie. Le lieu d’amorçage des fissures, le nombre de cycles avant amorçage, l’orientation et la propagation des fissures sont régis par la nature et l’intensité du champ de contraintes appliqué au contact et par le mode de comportement des matériaux. Un matériau à caractère ductile sera plus sensible à la cission, alors qu’un matériau à comportement fragile craindra davantage les tensions. 24.5.3 Fatigue thermique Certaines configurations de contact, notamment celles où le taux de glissement est important, peuvent être soumises à des flux thermiques élevés pendant des temps très courts. Les gradients thermiques qui en découlent font apparaître, même pour des chargements mécaniques faibles, un faïençage des surfaces: réseau régulier de fissures partant de la surface dont la genèse est encore mal connue. Les contraintes élevées engendrées par les dilatations et contractions thermiques locales successives sont certainement un des moteurs de cette fissuration (vol. 11 du TM). 24.5.4 Facteurs influençant la fatigue de contact Une situation de fatigue de contact se caractérise par l’action de plusieurs paramètres dont la connaissance plus ou moins précise permettra une meilleure maîtrise du fonctionnement et une évaluation plus ou moins fiable de la durée de vie. Ces paramètres peuvent être regroupés en deux familles, l’une liée à la conception, à la construction et au fonctionnement du mécanisme considéré, l’autre prenant en compte la réponse des matériaux aux sollicitations induites. Les principaux facteurs de la première famille sont la géométrie du contact, son fonctionnement (intensité et application du chargement, cinématique et taux de glissement en particulier), le lubrifiant et le régime de lubrification, les états de surface, la construction générale du système du point de vue mécanique et thermique. L’épaisseur relative du film de lubrifiant λ renseigne sur le régime de lubrification qui est l’un des facteurs déterminants, mais aussi sur l’ordre de grandeur du facteur
Usure
411
de frottement dynamique: si Λ ≤ 2, des contacts locaux peuvent avoir lieu et générer des phénomènes de fatigue de contact (fig. 25.1). La réponse des matériaux sera régie par la nature et les propriétés des couches superficielles atteintes par les sollicitations, c’est-à-dire leur structure, leurs propriétés d’élasticité et d’élastoplasticité, leurs propriétés d’endurance sous sollicitations multiaxiales, leur réactivité avec l’environnement et leur état de contraintes internes. Le rôle des premiers cycles de chargement et la réponse des matériaux (écrouissage ou adoucissement) sont déterminants en plaçant le contact en régime stabilisé ou non. La figure 24.12 schématise quelques situations typiques.
x
y
y
σr
σr σy
σr
z zone plastifiée y
σy
z
x
zone plastifiée
σy
y
x
z
zone plastifiée
z
(a)
(b)
(c)
Fig. 24.12 Effet de la combinaison contrainte équivalente-limite d’élasticité: (a) métal mou et faible facteur de frottement; (b) métal dur et faible frottement; (c) métal dur et fort frottement (d’après [24.10]).
24.5.5 Modélisation de la fatigue de contact Du fait du grand nombre de paramètres intervenant dans un contact, l’approche expérimentale des problèmes de fatigue de contact met en évidence une dispersion importante sur les résultats d’essais, qu’ils soient effectués sur des composants de structures réelles ou des éprouvettes de laboratoire. On ne peut établir que des probabilités de rupture ou de non-rupture au bout de N cycles. Comme pour les études classiques de fatigue, une approche statistique est indispensable pour traiter les problèmes de fatigue de contact. Deux voies sont possibles, l’une prenant en compte l’ensemble du composant, l’autre s’appuyant sur le champ de contrainte développé dans les contacts. Les deux sont soumises à la difficulté d’évaluer un chargement équivalent représentatif de conditions de fonctionnement évolutives. A partir d’une expérimentation sur le composant, on peut utiliser des lois statistiques globales, les lois de Weibull par exemple définissant la durée de vie des roulements L avec une probabilité de survie S à partir de la durée de vie à 10% de probabilité de survie L10 sous la forme: 1 L e log --- = 0,1053 -------- L 10 S
(24.5)
412
Analyse et technologie des surfaces
L’exposant e est déterminé expérimentalement: • e ≈ 9/8 roulements à rouleaux, • e ≈ 10/9 roulements à billes. L est donné en fonction de la charge P et de la capacité de charge dynamique C: C p L = ---- P
(24.6)
L’exposant p prend la valeur de: • 3 pour les roulements à billes, • 10/3 pour les roulements à rouleaux. avec L: C:
durée de vie en millions de tours. capacité de charge dynamique du roulement.
Cette approche nécessite un grand nombre d’essais (20 à 30 par cas de chargement) mais présente l’avantage de prendre en compte les paramètres de construction du composant et de la variabilité du matériau. Une autre approche consiste à mettre en œuvre des lois statistiques locales reposant sur l’hypothèse que la fatigue de contact est intimement liée aux contraintes locales dont il faut prendre en compte la forte multiaxialité et les variations importantes au cours d’un cycle de chargement. Ces approches statistiques locales reposent sur une connaissance approfondie du comportement des matériaux. On suppose que le mécanisme fondamental d’amorçage de fissure en fatigue est une microrupture sous l’effet d’une cission alternée ∆τ périodique. La rupture est facilitée par un état global de dilatation caractérisé par une composante hydrostatique du tenseur des contraintes p positive, ou rendue plus difficile par une compression globale (p < 0). Les critères de fatigue volumique définis dans cette optique sont tous de la forme: ∆τ + m( N, P) p ≤ d ( N, P)
(24.7)
et se représentent par une droite dans le référentiel ∆τ, p (fig. 24.13): N est le nombre de cycles correspondant à la durée de vie recherchée; P la probabilité de survie associée. Les fonctions m(N, P) et d(N, P) sont des caractéristiques du matériau. Plusieurs critères de fatigue basés sur ces hypothèses ont été proposés. Ils correspondent à des définitions variées des éléments caractéristiques de l’état de contrainte local τ et p. Pratiquement tous nécessitent une définition préalable des tenseurs de contrainte moyen et alterné. La contrainte moyenne correspond en général au centre du trajet de chargement; elle intervient uniquement dans p. La contrainte alternée est obtenue en retranchant la contrainte moyenne à la contrainte globale. Sa norme τ est calculée au sens de Mises (contrainte octaédrique) ou au sens de Tresca (cission maximale), on en utilise la valeur maximale sur une période.
Usure
413
∆τ N cycles dommages dureté
contraintes résiduelles de compression sécurité
p limite d’endurance croissante Fig. 24.13 Droite de survie à N cycles avec la probabilité P.
24.5.6 Méthodes expérimentales Plusieurs types de tests ont été développés pour étudier la fatigue de contact. On peut les classer en trois groupes principaux: • les tests sur composants réels, • les tests simplifiés à contacts multiples, • les tests simplifiés à contact unique. Les tests sur composants réels sont en général destinés à déterminer la durée de vie et les facteurs d’ajustements de durée de vie liés à l’approche statistique globale. On utilise des appareils d’essais de butées, de roulements (1 à 4 roulements). L’influence combinée de l’environnement, des caractéristiques de construction, des facteurs opérationnels sont pris en compte en reproduisant les conditions de service visées. Un nombre suffisant d’essais doit être réalisé pour évaluer la dispersion sur la durée de vie caractérisée par une distribution de Weibull. Dans le cas des engrenages, on utilise fréquemment des appareils à circulation de puissance dans lesquels sont testés simultanément deux couples d’engrenages identiques. Les essais élémentaires à contact unique, très utilisés en laboratoire, permettent d’obtenir des résultats rapides sur la détérioration par fatigue. Ils utilisent des éprouvettes simples assurant la simulation d’un seul contact. Dans les appareils à galets, le contact est constitué par deux disques entraînés indépendamment l’un de l’autre, ce qui permet d’introduire des taux de glissement contrôlés. Un autre type d’appareillage utilise un contact bille/disque. Ce type d’équipements peut être instrumenté pour obtenir des mesures de coefficient de traction ou des mesures thermiques, voire les épaisseurs de films qui assurent le suivi de l’évolution des surfaces en cours d’essais. Très analytiques et donnant une bonne maîtrise des paramètres de fonctionnement du contact, ils constituent des outils très utiles pour étudier l’influence de ces paramètres. Les essais élémentaires à contacts multiples à configuration plus ou moins complexes font intervenir plusieurs éléments: billes (3, 4, 5 billes) ou rouleaux (3 rouleaux) ou mixtes (billes-rouleaux). Leur utilisation est souvent orientée vers
414
Analyse et technologie des surfaces
l’étude de paramètres de construction (angles de contact par exemple), des lubrifiants et des matériaux d’une manière globale. Utilisant pour la plupart des composants simples, ils donnent des résultats rapides qui autorisent la mise en œuvre de méthodes statistiques globales. 24.5.7 Fretting-fatigue Le fretting est un cas particulier de la fatigue de contact, se caractérisant par de très faibles débattements. Le fretting-fatigue exige des simulations spécifiques prenant en compte suivant les amplitudes de déplacement et les efforts mis en jeu les modèles de Hertz, Mindlin (cas de déplacements préliminaires) ou Hamilton et Goodman (cas de glissement global). On notera que les faibles débattements peuvent résulter d’un déplacement relatif dans la zone de contact dû à des vibrations par exemple, ou de la déformation d’un des composants. On retrouve ces deux types de sollicitations dans les équipements d’étude du fretting. Dans le même esprit que les tests de fatigue de contact classiques, il est possible d’avoir accès aux paramètres nécessaires à l’application de critères de fatigue multiaxiaux pour modéliser ce type d’endommagement et évaluer la durée de vie (vol. 12 du TM, [24.13]).
24.6 USURE PAR RÉACTION TRIBOCHIMIQUE En présence d’un environnement réactif, du fait des pressions et des températures élevées imposées au contact, des phénomènes complexes peuvent se produire et notamment des réactions entre l’environnement et le matériau constituant la surface (tribooxydation en milieu oxygéné par exemple). Suivant la nature et les caractéristiques du composé formé, ces réactions peuvent être bénéfiques, dans le cas des films réactifs issus des additifs des lubrifiants, ou néfastes au fonctionnement. Dans le cas fréquent de la tribooxydation, QUINN [24.12] a montré que plusieurs scénarios peuvent se dérouler: • Oxydation des débris métalliques de petites tailles formés lors du contact direct des aspérités dans certaines conditions de fonctionnement. • Réactions chimiques des métaux constituant les surfaces avec l’oxygène produisant une couche d’oxyde qui limite l’ampleur du contact métallique si elle est suffisamment adhérente et résistante pour supporter les sollicitations mécaniques. • Dans le cas contraire, cette couche protectrice peut se fragmenter et se détruire sous l’action des contraintes mécaniques ou par fatigue superficielle et donner naissance à des débris. Suivant leur nature et leurs propriétés, les débris ainsi générés peuvent avoir une action bénéfique s’il s’agit de composés ductiles et lubrifiants (FeO par exemple dans le cas d’alliages ferreux) ou au contraire préjudiciable s’ils sont durs et abrasifs (ex: Fe2O3 ou Fe3O4).
Usure
415
La répétition de l’un ou plusieurs de ces mécanismes peut entraîner l’endommagement des surfaces et la perte de matière. Ainsi que l’a indiqué Quinn, la tribooxydation est fortement influencée par la cinétique de formation des oxydes et par leurs propriétés: ductilité, résistance mécanique, adhérence avec le substrat. Elle dépend aussi des propriétés de ce dernier. Une bonne résistance mécanique du substrat peut éviter la rupture du film. On obtient généralement des taux d’usure faibles lorsque les duretés du film et du substrat sont voisines. Il apparaît aussi que la température, combinée aux pressions locales très élevées et aux taux de cission extrêmement importants que l’on observe dans les zones de contact, peut favoriser l’intervention de ces réactions tribochimiques dont la thermodynamique est encore mal maîtrisée. La rhéologie des films ainsi créés reste aussi l’un des points fondamentaux du fonctionnement d’un contact, notamment à grande vitesse ou peuvent apparaître des phénomènes de plasticité adiabatique. L’accumulation de chaleur dans un volume très faible peut amener la matière dans ce volume à se plastifier, voire à fondre, donnant lieu à une couche mince dotée de propriétés spécifiques, pouvant jouer le rôle de lubrifiant. En présence d’un milieu corrosif, on peut observer une interaction entre les phénomènes de corrosion et les phénomènes tribologiques (tribocorrosion). Par exemple, l’existence d’un potentiel électrique entre les surfaces en contact dans un milieu réactif peut provoquer des phénomènes de corrosion électrochimique dont les effets peuvent se combiner aux sollicitations mécaniques pour accentuer l’intensité de l’usure (LANDOLT [22.4]).
24.7 EXERCICES 24.7.1 Usure d’une plaquette de frein. Le taux d’usure de la garniture de l’exercice 22.6.1 est de 10–4mm3 /Nm. Déterminer la distance de freinage admissible sachant que la garniture a 2,5 mm d’épaisseur. Combien de freinages peut-on réaliser dans les conditions décrites dans 22.6.1? 24.7.2 Butée d’une dérouleuse de fil. Le frein de butée d’une dérouleuse de fil d’acier a pour rayon intérieur et extérieur, Ri = 75 mm et Re = 90 mm. Elle supporte une charge moyenne w = 350 N et fonctionne à une vitesse moyenne n = 260 tr/mn. Quelle épaisseur de garniture de friction faudra-t-il mettre pour assurer un fonctionnement de 2 ans sans intervention sur le frein? La dérouleuse travaille 24 h/24 h, durant 50 semaines par an. Le taux d’usure de la garniture est k = 10–6 mm3 /Nm. 24.7.3 Un axe tournant est constitué d’un alliage réfractaire de base nickel. Quels éléments peut-on proposer pour revêtir un frotteur glissant contre cet arbre et limiter les risques d’adhésion?
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Analyse et technologie des surfaces
24.7.4 Un malaxeur doit mélanger des sables fortement chargés en silice. Quelle dureté minimale doit posséder le matériau constituant les rotors hélicoïdaux pour limiter l’abrasion? (dureté de la silice: ∼ 850 HV.)
24.8 BIBLIOGRAPHIE [24.1] F.P. BOWDEN et D. TABOR, The Friction and Lubrication of Solids, Clarendon Press, Oxford, 1964. [24.2] J.G.A. BITTER, A study of erosion phenomena, Wear 6, 1963. [24.3] I.M. HUTCHINGS, Tribology, Edward Arnold, Londres, 1992. [24.4] J.T. BURWELL et C.D. STRANG, J. of Applied Physics, vol. 13, n˚1, pp. 18-27, janv. 1952. [24.5] E. RABINOVICZ, J. Inst. Mét., 95 pp. 321-326, 1967. [24.6] J.F. ARCHARD, J. Appl. Physics, 23, pp. 18-28, 1962. [24.7] J. AYEL, Revue I.F.P., vol. XXXI n˚3, mai-juin 1974. [24.8] T.S. EYRE, Treat. on Mat. Sc. and Techn., pp. 363-442, 1979. [24.9] E. RABINOWICZ, Friction and Wear of Materials, Wiley, N-Y, 1965. [24.10] K.H. ZUM GAHR, Microstructure and Wear of Materials, Tribology, series 10, Elsevier, 1987. [24.11] T.E. TALLIAN, Failures Atlas for Hertz Contact Machine Elements, ASME Press, New York, 1992. [24.12] J.F. QUINN, Oxydational wear, Wear 18, 197, pp. 413-414.
CHAPITRE 25
MATÉRIAUX DE FRICTION
25.1 OBJECTIF Ce chapitre se propose de donner les lignes principales d’orientation pour le choix des matériaux en fonction des différentes fonctions tribologiques que doivent assurer les contacts.
25.2 TRIBOLOGIE ET CONCEPTION L’analyse tribologique des systèmes permet de dégager les conditions de fonctionnement de chaque contact d’un composant mécanique, d’évaluer les risques inhérents à son fonctionnement, de détecter les mécanismes physiques qui peuvent générer des endommagements. Suite à cette analyse, il est possible d’affecter à chaque contact un certain nombre de fonctions tribologiques explicites que le contact aura à remplir pour assurer un fonctionnement satisfaisant. Les principales fonctions que l’on peut affecter sont les suivantes: • résistance à la déformation, • résistance à l’usure adhésive, • résistance aux différents types d’abrasion et d’érosion, • résistance aux sollicitations mécaniques: fatigue de contact ou fretting, • résistance aux actions tribochimiques: tribocorrosion, tribooxydation. Un certain nombre d’indicateurs permettent d’évaluer l’importance des risques encourus à partir des conditions de fonctionnement du contact. Dans un contact lubrifié, par exemple, l’épaisseur relative du film lubrifiant Λ renseigne sur le régime de lubrification, mais aussi sur l’ordre de grandeur du facteur de frottement et ainsi sur l’éventualité de voir apparaître tel ou tel régime d’usure: h min Λ = --------------------------R q1 + R q2 avec h min : épaisseur minimale du film de lubrifiant. Rq1 et Rq2 : rugosité moyenne quadratique des surfaces en contact.
(25.1)
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Analyse et technologie des surfaces domaine d’utilisation pour les applications les plus courantes fraction de portance du film en %
100 80 60 40
domaine avec risque élevé d’endommagement des surfaces
domaine avec condition de glissement sévère
domaine à durée de vie accrue lubrifiants ordinaires (L.O.)
L.O. + Add E.P.
20
0,4 0,6
1,0
2,0
4,0 6,0 10 Λ
Fig. 25.1 Contribution d’un film lubrifiant à la portance en fonction de l’épaisseur relative de fluide.
Comme l’indique la figure 25.1, une épaisseur relative de film élevée oriente vers une usure réduite. Une épaisseur moins élevée peut révéler la possibilité de fatigue de contact. Une épaisseur faible induit la possibilité de contacts directs métal/métal qui associée à des taux de glissement importants conduiront à des risques d’usure adhésive. La présence d’additifs dans le lubrifiant sécurise le fonctionnement. Les index d’adhésion ou de plasticité permettent une évaluation des risques d’adhésion ou de déformation pour les contacts surfaciques, tandis que les critères de plasticité peuvent attirer l’attention sur les déformations locales éventuelles des contacts concentrés. On en déduit les duretés et épaisseurs à imposer aux traitements et revêtements de surface. De même, les critères de fatigue peuvent permettre, à partir de la connaissance des champs de contrainte développés dans le contact et des lois de comportement des matériaux, de détecter la position des site d’amorçage des fissures et d’avoir une évaluation approximative du nombre de cycles admissibles. In fine, le choix des matériaux qui formeront les surfaces en contact sera orienté par les fonctions principales affectées à ce contact auxquelles il faut associer un indice de criticité.
25.3 RÉSISTANCE À L’USURE ADHÉSIVE 25.3.1 Orientations générales Ce type d’usure s’observe dans les situations de contacts secs, de lubrification insuffisante ou défaillante, lors de phases transitoires dans les systèmes lubrifiés (surcharges occasionnelles, phases de démarrage avant la formation du film
Matériaux de friction
419
hydrodynamique…). Son apparition peut être progressive si les matériaux sont adaptés, mais aussi brutale et conduire rapidement au grippage, s’ils ne le sont pas. La nature et les propriétés des matériaux sont donc impliqués d’une manière directe dans les situations d’usure adhésive. Plusieurs orientations sont à considérer pour la prévenir ou la limiter: • Eviter le contact direct métal/métal. • Limiter les paramètres de fonctionnement: pression, vitesse, géométrie du contact, de façon à éviter les déformations plastiques locales et les échauffements. • Limiter l’aptitude à l’adhésion des matériaux par un choix bien orienté des éléments formant le couple de contact et par l’utilisation des traitements et revêtements de surface. • Respecter la cinématique des surfaces et veiller à ce que la grande surface soit suffisamment dure et lisse. • Se préoccuper de l’évacuation de l’énergie dissipée dans le contact en choisissant des matériaux possédant une bonne conductibilité thermique, notamment pour l’élément le plus facile à ventiler. 25.3.2 Matériaux de glissement résistant à l’adhésion D’une manière générale, la résistance à l’usure adhésive exige des matériaux certaines propriétés spécifiques: • énergie superficielle basse; • compatibilité tribologique, c’est-à-dire peu d’affinité chimique ou métallurgique avec l’antagoniste; ceci implique l’utilisation préférentielle de matériaux différents dans un contact; • aptitude à former des films réactionnels; • structure appropriée: la structure hexagonale est généralement bénéfique. Dans le cas des aciers, la structure, la dureté et l’état d’oxydation sont les facteurs les plus influents. On s’orientera vers des structures aussi différentes que possible. Les structures fines telles que les perlites, bainites ou martensites sont préférables aux structures à gros grains telles que ferrite ou austénite dont les nombreux plans de glissement ne demandent qu’à émerger et créer des surfaces actives. L’addition d’éléments tels que le carbone, le chrome, le vanadium, le niobium, le molybdène et le tungstène améliore la résistance à l’usure. La dureté du substrat doit être suffisante pour éviter la rupture des films d’oxyde et les déformations locales. On préconise généralement une dureté minimale de 350 à 450 HV pour les aciers hypoeutectoïdes et 250 HV pour les aciers hypereutectoïdes. Une dureté de 350 à 450 HV est aussi admissible dans le cas d’un écrouissage induit par le frottement lui-même. Pour des duretés supérieures à 700 HV, il est rare d’observer de l’usure adhésive sévère. On admet donc généralement que pour accroître raisonnablement la résistance à l’usure de deux surfaces
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Analyse et technologie des surfaces
d’acier en glissement sec, les composants doivent être traités de manière à obtenir une dureté supérieure à 550 HV. Les propriétés des films d’oxydes nécessaires pour avoir un effet bénéfique sur l’usure sont les suivantes: • Le film d’oxyde doit être présent et adhérent ce qui implique que le volume de l’oxyde soit plus grand que celui du métal qui le génère: VOxyde /VMétal > 1. • Le film ne doit pas être trop épais car cela entraînerait des risques d’abrasion. • L’oxyde doit être facilement cisaillable. • L’oxyde et le métal de base doivent avoir des propriétés similaires. Parmi les oxydes les plus favorables, notamment à haute température, on peut citer l’oxyde de chrome et à un degré moindre, l’oxyde de nickel. Les fontes grises sont utilisées dans des applications où la lubrification ne peut être mise en œuvre. Pendant les phases initiales de glissement, l’usure de la fonte produit des couches superficielles dures, riches en graphite et en oxydes, qui protègent le substrat. La résistance à l’usure est affectée par la teneur en ferrite qui doit être minimisée et par la morphologie du graphite. La forme nodulaire est préférable à la forme lamellaire car elle favorise le rodage et conduit à des taux d’usure moins élevés. La répartition du graphite influence aussi le comportement. Une répartition aléatoire conduit généralement à une usure moindre qu’une structure ordonnée. La résistance à l’usure des fontes nodulaires peut être améliorée par la présence de bainite qui réduit l’usure pendant la phase d’adaptation et abaisse le taux d’usure. La présence de phosphore jusqu’à 3%, améliore la résistance à l’usure des fontes grises. Le cuivre et ses alliages sont très largement utilisés dans la réalisation de pièces frottantes. Le cuivre lui-même est employé lorsqu’une bonne conductivité électrique est nécessaire, généralement en présence de graphite ou de composés contenant de grandes proportions de graphite. Les alliages de cuivre sont mis en œuvre dans la plupart des cas contre un antagoniste plus dur en acier. Les plus couramment utilisés sont: les bronzes, les laitons, les cuproaluminiums, les cupronickels. Les règles de base en conception consistent à placer préférentiellement l’alliage de cuivre en position de petite surface de façon à protéger le composant en acier et à favoriser les échanges thermiques. La résistance à l’usure des alliages de cuivre dépend du type d’alliage, de la structure, des films réactionnels, de la rugosité de l’antagoniste, des propriétés mécaniques de l’alliage. Des tests réalisés avec des alliages contenant respectivement des additions de l’ordre de 10% d’aluminium, d’étain, de silicium, d’indium, ont montré que l’aluminium et le silicium réduisaient le frottement et que l’étain et l’indium réduisaient l’usure. Les uns et les autres améliorant le comportement par rapport au cuivre pur. La résistance à l’usure des laitons est fortement influencée par la structure. Les alliages à teneur en zinc supérieure à 30% résistent mieux à l’usure. Les structures
Matériaux de friction
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monophasiques de type α, plus déformables, sont moins favorables que les structures diphasiques α + β. L’addition de petites quantités (≈ 2%) d’éléments tels que l’étain, le plomb ou le phosphore améliorent cette résistance à l’usure. Les bronzes au plomb, au phosphore, au manganèse ont en général une moindre aptitude au grippage que les laitons et un taux d’usure inférieur. L’addition d’étain donne une phase dure δ tandis que celle de phosphore produit un composé intermétallique Cu3P qui assure une structure résistante. L’addition de plomb bien qu’affaiblissant la structure confère à l’alliage une excellente résistance à l’adhésion du fait de l’incompatibilité métallurgique totale de ce métal avec le cuivre et le fer. Le faible taux d’usure est attribué au film de plomb à bas taux de cission qui se crée en surface à partir des nodules de plomb dispersés dans la matrice de cuivre. Les alliages antifrictions tels que les métaux blancs (Régules ou Babbits) sont dans la majorité des cas utilisés en présence de lubrifiants car ils facilitent l’établissement des films d’huile, notamment dans les coussinets ou butées. Ces alliages à base d’étain ou de plomb contenant une teneur élevée en antimoine, sont suffisamment malléables pour d’une part assurer une bonne conformité des surfaces, ce qui leur permet de mieux répartir la charge et d’autre part pour faciliter le rodage et limiter les accidents locaux pendant les phases transitoires de fonctionnement dans le cas où le film de lubrifiant est insuffisant pour séparer les aspérités. Leur rôle est entièrement basé sur leur aptitude naturelle à éviter le grippage du fait de leur très faible compatibilité métallurgique avec leur antagoniste. On leur fait aussi jouer un rôle sacrificiel lors des ruptures de film pour éviter l’endommagement de cet antagoniste. De faible dureté, ils sont sensibles au fluage et à l’abrasion. Leur point de fusion est peu élevé, ce qui implique une température d’utilisation limitée. support métallique antifriction barrière de nickel
1 à 10 mm 0,03 à 1,5 mm 0,001 à 0,0015 mm
revêtement anti-adhésion 0,02 à 0,025 mm
Fig. 25.2 Exemple schématique de palier multicouche.
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Les antifrictions à base d’aluminium à haute teneur en étain (≈ 15 à 20%) et silicium (≈ 8 à 12%) acceptent des charges plus élevées au détriment d’une résistance au grippage plus faible. Celle-ci est améliorée par un revêtement électrolytique d’étain ou de plomb additionné d’antimoine ou d’indium pour les applications comme coussinets (fig. 25.2). D’autres métaux, tels que le chrome, le molybdène ou le nickel, sont quelquefois utilisés comme surfaces frottantes. Ils sont la plupart du temps réservés à des applications dans des environnements particuliers: ambiance corrosive, températures élevées… Ils sont généralement mis en œuvre en tant que revêtements. Les polymères se caractérisent par leur basse énergie superficielle qui assure un faible niveau d’énergie interfaciale en présence des métaux. Cela leur confère des propriétés antiadhésives et un faible facteur de frottement. Les plus utilisés pour la réalisation de pièces frottantes sont les: • thermoplastiques: polyacetals, polycarbonates, polyamides, polyéthylènes, polyphénylène, résines fluorées (PTFE, PCTFE), polyetheretherkétone, polyethersulfone; • thermodurcissables: alkyd polyester, résines époxies, résines phénoliques, polyimides. Ces matériaux sont utilisés dans la réalisation de très nombreux composants du fait de leur faible coût et de la quasi-absence de maintenance à assurer. Les composants tribologiques les plus courants sont les suivants: coussinets autolubrifiants, paliers lubrifiés à l’eau ou résistant à la corrosion, patins, engrenages, prothèses articulaires humaines, joints d’étanchéité, cages pour roulements à billes ou rotules, segments pour pistons d’actionneurs hydrauliques ou d’amortisseurs, sondes et cathéters à usage médical… En plus de leur résistance au grippage satisfaisante, et de leur aptitude au frottement sec (µ ≤ 0,25), les polymères ont un module de Young relativement bas facilitant l’accommodation des surfaces et une masse volumique faible, ce qui réduit les inerties et les masses. Faciles à mettre en œuvre, ils assurent un fonctionnement silencieux et résistent relativement bien à la corrosion et au fretting. Par contre, du fait de leur dureté faible, ils sont sensibles à l’abrasion. De plus, ils présentent pour la plupart des risques élevés de variations dimensionnelles sous l’effet de l’humidité et de la température. L’utilisation des polymères en construction mécanique est concernée par deux températures: • la température de fusion, • la température de transition vitreuse Tg. La plupart des polymères présentent une structure totalement ou partiellement amorphe. En franchissant la température de transition vitreuse, l’on passe d’un solide vitreux et dur à basse température à un matériau relativement mou, et souvent à un comportement élastomérique aux températures supérieures à Tg.
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Les propriétés mécaniques et la plupart des propriétés physiques sont largement modifiées lorsque l’on passe d’un état à l’autre. Le module d’élasticité peut être multiplié par 10 au-dessous de Tg par exemple. Généralement en génie mécanique, on utilise les matériaux de joint d’étanchéité ou les adhésifs au-dessus de Tg, les matériaux structuraux et de paliers au-dessous de Tg. Compte tenu de leur faible conductibilité thermique, la température constitue la principale limitation dans l’utilisation des polymères comme matériaux de friction: au maximum 350˚C pour les plus résistants, les polyimides. On devra donc les assister de façon à faciliter l’évacuation de l’énergie générée dans le contact, notamment dans le cas de grandes vitesses de glissement. Ceci peut se réaliser par l’addition, soit de fibres conductrices: fibres de carbones par exemple qui peuvent de plus participer à la génération d’un film de transfert lubrifiant (troisième corps), soit de charges pulvérulentes conductrices: Graphite, Bronze, Plomb, Argent. Ces charges améliorent aussi les propriétés mécaniques et étendent ainsi le champ des applications: accroissement de la charge et du produit p · V admissibles. Les matériaux composites massifs formés d’une trame de fibres minérales ou végétales imprégnée de résine polymérique, de lubrifiants solides ou de poudres métalliques, sont utilisés pour des applications telles que coussinets, engrenages, garnitures de frein, patins de glissières, butées… Certains sont utilisés sous forme de bandes métalliques revêtues par frittage d’une couche de métal poreuse imprégnée de résine PTFE ou polyacétal, ce qui accroît leur conductibilité thermique et leur permet de supporter des produits p · V plus élevés que les composites massifs, jusqu’à 2 à 3 W/mm2 pour les plus performants (tab. 25.1). Tableau 25.1 Caractéristiques tribologiques usuelles de polymères et composites.
µd
Pression maximale admissible [MPa]
p · Vmax admissible [W/mm2]
Température maximale d’utilisation [˚C]
résines thermoplastiques (Nylon, Acétal)
0,2-0,3
30-50
0,3
175
résines thermodurcissables + charges
0,3-0,4
10
0,1
100
résines thermoplastiques + charges
0,1-0,3
15-20
0,2
150
résines fluorées + charges (PTFE, PCTFE)
0,05-0,2
10-60
1
bronze poreux + PTFE + Pb 0,1-0,2
50-100
2,5
250-350
polyimides + charges
50-80
0,5
350
Matériaux
0,4-0,6
250 Utilisables en cryogénie
Les résines fluorées PTFE et PCTFE ont la particularité de présenter un certain pouvoir lubrifiant du fait de leur structure lamellaire. Ils peuvent être utilisés sous forme massive et sont particulièrement efficaces à très basse vitesse (< quelques
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Analyse et technologie des surfaces
cm/s) et forte charge (µ ≤ 0,1). Leur comportement à vitesse plus importante peut être amélioré par l’addition de charges lubrifiantes ou/et conductrices. Les matériaux autolubrifiants les plus performants actuellement proposés sur le marché sont obtenus selon cette technique. Des charges particulaires de carbone ou de verre ont un effet bénéfique sur la résistance à l’usure du PTFE. L’action des charges n’est pas encore clairement établie mais il semble que leur présence facilite l’accrochage des films de transfert de polymère sur la contreface en créant localement des conditions de frottement sévères qui permettent les interactions mécaniques et chimiques nécessaires pour assurer une adhésion correcte du film de transfert. Ces composés fluorés présentent la caractéristique inhabituelle de conserver une certaine ductilité à très basse température. On les renforce néanmoins avec des fibres de verre ou de carbone ou avec différentes charges pulvérulentes pour améliorer leur résistance à la rupture fragile. D’autres fibres ont démontré une certaine efficacité pour renforcer les polymères à basse température: graphite, bore ou polyimide. Le frottement des polymères peut aussi entraîner la génération de charges électrostatiques. Il convient donc d’envisager l’évacuation de ces charges soit par l’addition de métaux conducteurs soit par la mise en places de chemins de fuites à faible résistance électrique permettant leur élimination. Les superalliages à base de fer, cobalt, nickel avec de fortes teneur en carbone, chrome, tungstène, molybdène, qui leur donnent une dureté élevée, possèdent de bonnes caractéristiques de résistance à l’adhésion qu’ils conservent à des températures élevées. Compte tenu de leur résistance à la corrosion, ils sont utilisables dans les fluides tels que l’eau. Les céramiques telles que les oxydes, les carbures, nitrures, mis en œuvre par frittage de poudres, dépôts thermiques, dépôts physiques ou chimiques en phase vapeur, ont une faible aptitude au frottement sec. Leur comportement se modifie en présence d’un fluide polaire, ce qui permet leur utilisation en milieu humide à haute ou basse température. On les utilise couramment en robinetterie, prothèses, coussinets en milieu aqueux où leur résistance à la corrosion est mise à contribution. Leur grande dureté leur assure une bonne résistance à l’abrasion dans la mesure où les impacts sont de faibles intensité. Les céramiques sont un excellent compromis dans les situations où l’on rencontre simultanément la présence d’un fluide polaire à faible pouvoir lubrifiant et des risques d’abrasion. C’est le cas de certains paliers dans l’eau contenant des abrasifs où l’alumine et le carbure de silicium donnent de très bons résultats. Ces matériaux sont par contre très sensibles aux chocs thermiques qui provoquent leur fracturation. Outre leur fragilité naturelle, l’une des principales limitations à l’utilisation des céramiques en tribologie réside dans leur sensibilité au choc thermique. En particulier lors de glissements à grande vitesse, des points chauds transitoires peuvent apparaître qui créent localement des contraintes thermiques élevées du fait de la faible conductivité thermique des céramiques qui peuvent provoquer l’amorçage de
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fissures. On peut caractériser la sensibilité des céramiques à résister à ce phénomène par leur résistance au choc thermique (TSR), tableau 25.2:
σλ TSR = ------Eα
(σ = contrainte limite de fracturation)
Tableau 25.2 Valeurs de la résistance au choc thermique de céramiques usuelles. Matériau
Carbure de tungstène Zircone Alumine Carbure de chrome Carbure de titane Carbure de silicium Nitrure de silicium Acier à outil Graphite
Coefficient de dilatation [10–6 /˚C] 6 10 7,1 9,8 8 4 2,3 10 4
Conductivité thermique [W/m/˚C] 1,56 1,7 34,6 19 26 147 30 38 138
TSR — 0,42 0,6 3,4 1,4 6 10,3 22 50 244
Ce critère établit une liaison entre les paramètres de résistance mécanique et de conductivité thermique et les déformations et dilatations. Une conductivité élevée facilite l’homogénéisation de température, une faible dilatation limite les contraintes.
25.4 MATÉRIAUX RÉSISTANT À L’ABRASION ET À L’ÉROSION Les caractéristiques à prendre en compte pour le choix des matériaux en vue d’une bonne résistance à l’abrasion sont la dureté et la résilience, le rôle de celle-ci devenant prépondérant dans les situations où se produisent des impacts. Le rapport dureté des matériaux/dureté des particules abrasives est déterminant pour la résistance à l’abrasion. La valeur critique a été placée à HM > 0,6 HA. La dureté des surfaces participe de plus à l’émoussement des arêtes des particules, contribuant ainsi à la réduction de leur agressivité. La structure des alliages apparaît aussi comme un facteur important. Les structures à gros grains de type austénite résistent mieux à l’effet de coupe, les structures fines sont plus favorables pour limiter les effets de déformation. Les matrices d’acier classées dans l’ordre des résistances à l’usure abrasive décroissante sont: • martensite à haut carbone, • perlite à haut carbone, • bainite,
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Analyse et technologie des surfaces
• perlite douce, • perlite et ferrite, • ferrite à bas carbone. Les matériaux qui contiennent des phases dures voient leur résistance à l’usure abrasive améliorée par des particules de faible taille en particulier si les contraintes sont peu élevées. Les matériaux les plus efficaces dans cette situation, sont: l’alumine, le carbure de tungstène fritté, la fonte blanche au chrome, les rechargements durs au Cr, Cr-Mo-W-Nb, Cr-Mn-Mo. Les superalliages peuvent aussi être mis en œuvre avec succès pour résoudre des problèmes d’abrasion. Les alliages à base cobalt sont utilisés dans les situations où la résistance à l’abrasion est associée à des températures élevées (≤ 800˚C) ou à des atmosphères corrosives ou oxydantes. Les alliages à base nickel sont aussi efficaces en ambiance corrosive ou à température élevée. On préfèrera les aciers inoxydables austénitiques dans le cas de l’abrasion par effet de coupe prédominant et les martensitiques pour résister là où la déformation est plus importante. Tableau 25.3 Principaux matériaux résistant à l’abrasion (ordre de résistance décroissante). Matériau
Dureté HV
Propriétés
Exemples d’applications
∼ 800
Résistance à l’abrasion maximale
Outils de forage
Aciers à haute teneur en chrome ≤ 30%
800-850
Excellente résistance à l’abrasion et à l’oxydation
Fontes martensitiques
600-700
Excellente résistance Rouleaux de broyeurs à l’abrasion: haute résistance à la déformation
Superalliages base cobalt
500-700
Résistance à la corrosion à chaud et au fluage
Outils de coupe, équipements agricoles
Aciers martensitiques
600-650
Bonne résistance à l’abrasion avec chocs
Marteaux de broyeurs
Superalliages base nickel
500-600
Aciers perlitiques
300-450
Carbures de tungstène
Aciers austénitiques
Jusqu’à 600
Aciers austénitiques au manganèse
600 (après écrouissage)
Résistance à l’oxydation Composants de pompes, à haute température vannes hautes et au fluage températures Résistance à l’abrasion et au choc correcte
Aubes de moulin, écrans
Résistance à la corrosion Lames de cisaille, outils chirurgicaux… Ténacité maximale avec bonne résistance à l’abrasion
Matériel ferroviaire, de mines…
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Dans le cas de charges élevées ou de chocs, il importe de prendre en compte la ténacité des matériaux. D’après ZUM GAHR [24.10], la résistance à l’usure abrasive des matériaux décroît lorsque la ténacité devient inférieure à 12 MPa · m1/2 du fait de la sensibilité à la fracturation hertzienne des matériaux à faible ténacité. Les aciers inoxydables austénitiques au manganèse sont couramment utilisés pour résister à l’abrasion avec choc. Leur ténacité et leur aptitude à s’écrouir sont leurs principaux atouts. Leur dureté peut croître de 200 à 600 HV lors des chargements en service. Les paramètres orientant le choix des matériaux en vue d’une bonne résistance à l’érosion sont l’angle d’impact des particules par rapport à la surface, la vitesse et la morphologie des particules, et la nature du fluide qui les propulse. Ainsi, suivant le cas, deux approches peuvent être menées pour lutter contre l’abrasion érosive: l’une consiste à utiliser des matériaux durs faiblement résilients qui résisteront aux effets de coupe, l’autre consiste à prendre des matériaux de faible dureté qui absorberont l’énergie d’impact (tab. 25.3).
25.5 MATÉRIAUX RÉSISTANT À LA DÉFORMATION ET À LA FATIGUE DE CONTACT La résistance aux contraintes d’un contact doit être envisagée sous deux aspects. Le premier consiste à donner aux matériaux constituant ce contact, des propriétés mécaniques suffisantes pour que les zones soumises aux contraintes ne subissent que des déformations élastiques ou élastoplastiques. Cela se traduira en particulier par un niveau de dureté suffisant (HB ≥ 6 τ par exemple si l’on applique le critère de Tresca) dans toute la zone soumise aux contraintes. Les calculs hertziens permettront d’évaluer les épaisseurs de traitements ou revêtements de surface nécessaires pour atteindre cet objectif. Le deuxième aspect prend en compte les aspects fatigue de contact et endurance. L’obtention d’une résistance à la fatigue superficielle convenable passe d’abord par la limitation du niveau des contraintes superficielles et la suppression des concentrations de contraintes, c’est-à-dire en pratiquant un étalement des contraintes, améliorant l’état de surface microgéométrique, limitant les glissements. Ceci implique donc la prise en compte de cette fonction dès la conception du système. En ce qui concerne les matériaux, la première règle consiste à assurer aux couches superficielles sollicitées une dureté et une limite d’endurance suffisantes. Ceci passe par un affinement du grain et une réduction de la taille des inclusions généralement sources de concentrations internes de contraintes. On obtient ainsi un accroissement appréciable des performances qui déplace vers le haut la droite critique dans les diagrammes cission – contrainte hydrostatique (fig. 24.13). Une autre possibilité très souvent mise en œuvre consiste à introduire des contraintes superficielles de compression qui en se superposant aux contraintes de
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Analyse et technologie des surfaces
fonctionnement vont déplacer le domaine de chargement vers des zones plus sûres. Les dernières phases de la mise en forme sont capitales car suivant la manière dont elles sont conduites, elles introduisent des contraintes pénalisantes pour la durée de vie si elles sont tensiles, ou au contraire très bénéfiques si elles sont de compression. Une autre possibilité consiste à faire appel aux traitements thermiques diffusionnels tels que la cémentation, la nitruration, la carbonitruration, qui introduisent des éléments (carbone, azote…) en position interstitielle dans le réseau cristallin. La distorsion ainsi créée, génère des contraintes de compression bénéfiques. De même, les traitements mécaniques (grenaillage, galetage) menés convenablement conduisent à des améliorations notables. La solution choisie devra en tout état de cause, prendre en compte la profondeur atteinte par les contraintes. Dans le cas du fretting-fatigue, plusieurs mécanismes d’usure peuvent intervenir simultanément ou successivement: adhésion, fatigue, corrosion, abrasion. Il convient suivant les circonstances de tenir compte de chacun de ces mécanismes d’usure pour orienter le choix des matériaux, traitements et revêtements de surface. L’utilisation d’un revêtement de métaux mous, tels que l’aluminium, le cuivre, le cadmium, l’argent, peut prévenir les risques de fretting, soit en accommodant le mouvement relatif en limitant l’intensité des contraintes, soit en modifiant la réactivité de la surface. Dans les cas où il y a risque d’adhésion, le choix de matériaux incompatibles est recommandé. La séparation complète des solides par des éléments non métalliques éliminera souvent le problème. On met en œuvre dans ce cas des revêtements de polymères, des dépots en phase vapeur, des vernis de glissement.
25.6 TRAITEMENTS ET REVÊTEMENTS DE SURFACE Comme il a été montré précédemment, les couches superficielles des composants mécaniques sont soumises à des sollicitations plus importantes que le cœur même des pièces. Les propriétés exigées pour que ces couches assurent les fonctions spécifiques qui leur sont demandées et résistent aux agressions auxquelles elles sont soumises sont bien souvent incompatibles avec les propriétés générales des matériaux ou bien demanderaient des matériaux d’un coût trop élevé ou de mise en œuvre difficile. Il en résulte le développement des méthodes de traitements et revêtements de surfaces qui permettent de conférer aux couches superficielles des propriétés mieux adaptées aux différents types de sollicitations tout en gardant à cœur des matériaux aux propriétés moins élevées, généralement moins onéreux et de mise en œuvre plus facile. On dispose actuellement d’un éventail important de méthodes qui permettent de résoudre les problèmes les plus variés tels que: • l’accroissement de la tenue mécanique et de la résistance à la fatigue, • l’abaissement du frottement,
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• l’amélioration de la résistance aux différents mode d’usure, • la modification des propriétés thermiques, électriques, magnétiques, chimiques. 25.6.1 Revêtements de surface Les revêtements de surface consistent à substituer à la surface initiale du composant une surface ayant des propriétés plus performantes pour résister aux agressions que le fonctionnement du composant lui impose. L’épaisseur du revêtement dépend, du point de vue fonctionnel, du champ de contrainte et du mode de sollicitation auxquels sont exposées les surfaces ainsi que du mode de réalisation. Une attention toute particulière doit être apportée à la liaison revêtement/substrat qui conditionne le maintien et la longévité du revêtement. La préparation des surfaces est l’un des éléments essentiels des performances des revêtement et de leur accrochage. Il importe d’y apporter le plus grand soin quels que soient le type ou la nature du matériau déposé. Différents types de revêtement sont utilisables pour remplir des fonctions tribologiques. Les polymères sont souvent mis en œuvre sous forme de films minces. Leur action est double: une action mécanique de séparation des surfaces métalliques et une action lubrifiante. L’intérêt des polymères réside dans les nombreuses possibilités de dépôts sur les pièces mécaniques. On peut en effet les déposer par pulvérisation suivie de polymérisation, projection au chalumeau, trempage, dépôt électrostatique, tonneau pour les petites pièces. Les polymères sont aussi utilisables sous forme de feuilles collées ou de vernis de glissement dans lesquels on incorpore des lubrifiants solides. Les caractéristiques tribologiques dépendent à la fois des lubrifiants solides et des résines ou supports employés qui peuvent être organiques ou inorganiques. Sous forme de vernis de glissement ou dépôt sous vide, on obtient des couches minces efficaces dans des situations de fretting-fatigue ou pour limiter les risques d’adhésion. Les vernis de glissement consistent en une dispersion de lubrifiant solide dans un support en polymère dilué dans un solvant. Après évaporation du solvant et durcissement du polymère, on obtient un feuil de lubrifiant solide adhérant au substrat. Leurs principales propriétés sont la plage d’utilisation en température (≤ 400 ˚C), la possibilité d’accepter des charges relativement élevées et de donner des facteurs de frottement faibles. La conductibilité thermique peu élevée des polymères limite les possibilités en vitesse (V ≤ 0,5 m/s). Le choix des liants dépend de l’ambiance, de la pression, de la température. A basse température on utilise les matériaux thermoplastiques. A haute température (>100˚C) on utilise les thermodurcissables (polyimides par exemple qui ont des caractéristiques mécaniques élevées jusqu’à plus de 350˚C). Les supports les plus utilisés sont les résines organiques, phénolique, époxy et époxy-phénolique, demandant une polymérisation à chaud (1 h – 180˚C). Ces résines, polymérisées à chaud, présentent une meilleure résistance à l’environnement
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(fluide). Les titanates permettent un séchage et un durcissement rapides à l’air. Les silicates, autre support inorganique, résistant aux radiations nucléaires, forment des feuils épais qui seront amincis en cours de glissement. Les résines silicones développées par l’aéronautique, montrent une bonne tenue jusqu’à 400˚ C, en particulier les méthylphénylpolisiloxanes (AFS L-41) et présentent de bonnes capacités anti-fretting dans le cas de tribocontacts en titane. Les revêtements métalliques peuvent se réaliser par des techniques de métallisation thermique ou sous vide, par voie chimique, par immersion, par procédés galvaniques, placage ou frittage. Ces différentes techniques sont utilisées en fonction des propriétés exigées par la situation à résoudre. L’épaisseur des revêtements se détermine à partir du champ de contraintes que devront supporter les couches superficielles, de la durée de vie à atteindre, des conditions d’environnement. La combinaison avec des traitements thermiques permet dans certains cas d’améliorer à la fois la résistance à l’adhésion et les propriétés mécaniques: revêtements de Nickel chimique au phosphore ou au bore. Le développement des techniques de dépôt sous vide: dépôts physiques ou chimiques en phase vapeur (PVD ou CVD), pulvérisation cathodique, dépôts ioniques… a ouvert de larges possibilités pour obtenir des revêtements de composés les plus variés: carbone sous différentes formes, oxydes, carbures, céramiques, métaux, lubrifiants solides ou des combinaisons variables de ces différents matériaux. Cela met à la disposition des projeteurs un large choix de possibilités dont l’exploitation doit se faire en fonction des exigences réelles des situations traitées. Dans les revêtements par déposition chimique, le composé à déposer sous forme de vapeur vient réagir avec le métal du substrat à revêtir. La réaction est activée par une température généralement élevée (classiquement entre 700 et 1100˚C) qui limite son application à des substrats pouvant supporter sans dommage la température. Cette méthode a pour avantage principal de créer une couche de réaction fortement liée à la surface. Les revêtements par dépôts physiques sont réalisés à plus basse température, et de ce fait, ils ont l’avantage de pouvoir être pratiqués sur des substrats ne supportant pas les hautes températures. Par contre, l’accrochage entre la couche déposée et la substrat est moins résistante. 25.6.2 Traitements de surface Les traitements de surface consistent à modifier les propriétés superficielles des composants pour améliorer leur aptitude à résister aux sollicitations imposées. Les principales familles de traitements sont: • Les traitements thermiques s’appuyant sur les transformations structurales des matériaux en fonction de la température: – trempe superficielle au chalumeau, – trempe par induction, – trempe laser.
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Les épaisseurs de traitement doivent être déterminées à partir de la connaissance du champ de contraintes comme indiqué précédemment. • Les traitements par durcissement interstitiel basés sur la diffusion d’éléments étrangers dans la structure, qui créent des contraintes résiduelles de compression fondamentales pour améliorer la résistance à l’usure par fatigue superficielle. Les éléments les plus utilisés sont le carbone (carburation), l’azote (nitruration), le soufre (sulfuration), ou un mélange de ces éléments (carbonitruration, sulfocarbonitruration). On peut aussi faire diffuser des éléments tels que le chrome (chromisation), le bore (boruration), le silicium (siliciuration). Les procédés de carburation (cémentation) s’appliquent à la surface entière ou seulement dans les zones sollicitées. Les duretés atteintes dépendent de la composition du métal de base. Elles peuvent atteindre 55 à 65 HRC. Les profondeurs classiques de traitement vont de 1 à 1,5 mm pour des surfaces soumises à l’abrasion ou à des conditions de roulement sévères: couronnes d’orientation à billes ou à rouleaux par exemple. L’enrichissement en soufre des surfaces au besoin en créant des sulfures de fer accroît la résistance à l’adhésion et au grippage. La nitruration est réalisée par réaction de l’azote avec des éléments d’alliage pour former une couche superficielle riche en nitrures métalliques généralement superposée sur une couche de diffusion d’azote en position intersticielle dans le réseau du métal. Les aciers contenant de l’aluminium ou des éléments formant des nitrures tels que le chrome, le vanadium, le molybdène, le tungstène peuvent être durcis. La dureté superficielle atteint 63 HRC et les profondeurs clasiques sont de l’ordre de 0,1 à 0,5 mm. La nitruration peut être réalisée sous forme gazeuse ou en bain de sel. La carbonitruration réalisée en phase gazeuse permet d’atteindre des épaisseurs de 8 µm à 0,5 mm et des duretés de l’ordre de 65 HRC. L’ionitruration réalisée sous pression partielle d’azote avec l’aide de bombardements ioniques permet d’étendre le bénéfice des traitements à l’azote aux aciers austénitiques ou aux alliages de titane. L’implantation ionique d’éléments tels que l’azote, le carbone, le chrome permet d’accroître les propriétés de résistance à l’usure des couches superficielles sur des matériaux comme les aciers, les alliages de titane ou d’aluminium, le zirconium, les céramiques et les polymères. • Les traitements de conversion consistant à former un film de composé nouveau en surface par réaction thermochimique, qui améliorent notamment l’adhérence des films lubrifiants ou l’accrochage des vernis de glissement, (phosphatation par exemple qui peut aussi s’utiliser pour fixer les lubrifiants lors de la mise en forme des métaux par déformation). • Les procédés mixtes associant des revêtements électrolytiques à des réactions thermochimiques. Ils permettent de réaliser des propriétés évoluant avec la
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profondeur pour s’adapter aux champs de contraintes et à créer des couches résistant à plusieurs types de dégradations. Ces techniques sont particulièrement bien adaptées pour la mise en œuvre de traitements et revêtements multicouches. • Les traitements mécaniques ou thermomécaniques qui consistent à modifier la structure des couches superficielles pour y introduire des contraintes résiduelles de compression sont utilisés notamment pour améliorer la résistance à la fatigue superficielle ou au fretting-fatigue (grenaillage, galetage, choc laser…). Le choix du traitement pour résoudre une situation donnée se fait avec le même raisonnement que pour les matériaux massifs en sélectionnant le traitement qui optimisera le mieux les fonctions tribologiques définies lors de l’analyse.
25.7 LE FROTTEMENT LUBRIFIÉ NON CONVENTIONNEL – LUBRIFIANTS SOLIDES Les lubrifiants ordinaires ne sont pas utilisables dans les mécanismes opérant à haute température, sous vide poussé, à des températures cryogéniques ou à des niveaux élevés de radiations. Les conditions de fonctionnement sont en effet rapidement perturbées par l’instabilité physico-chimique et par la tension de vapeur élevée des lubrifiants classiques. Généralement, la lubrification de ces mécanismes est assurée soit par des lubrifiants solides, liquides ou gazeux possédant une excellente stabilité thermique et une très faible tension de vapeur, soit par des techniques de lubrification non conventionnelles: • revêtements solides à faible coefficient de frottement tels que le graphite, les bisulfures ou biséléniures, les oxydes, les verres, les fluorures, les revêtements métalliques, etc. • gaz contenant du fluor, du chlore ou de l’iode; • métaux liquides à bas points de fusion utilisés comme fluide dans les paliers hydrodynamiques et magnétohydrodynamiques; • polymères: P.T.F.E., Rilsan, etc. 25.7.1 Généralités sur les lubrifiants solides Selon le modèle de Tabor le frottement caractérise l’effort nécessaire au cisaillement des jonctions. Une réduction du facteur de frottement peut donc être obtenue, en réduisant la contrainte limite de cisaillement du matériau, ou en augmentant sa pression d’écoulement, ou les deux à la fois. En pratique, il n’existe pas de matériaux homogènes et isotropes présentant simultanément une résistance au cisaillement réduite et une pression d’écoulement élevée. On obtient cet effet bénéfique en déposant un revêtement mince et de faible résistance au cisaillement
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sur une surface dure. Dans ce cas, si le revêtement est suffisamment mince, le matériau support et le film déterminent respectivement la surface de contact réelle et la contrainte de cisaillement des jonctions au niveau de l’interface. Le coefficient de frottement s’exprime alors par la relation:
τ film µ = ---------------p0 substrat
Ces revêtements sont le plus souvent mis en œuvre par: • adsorption de molécules polaires en surface, • réaction entre un agent actif et la surface, • transfert mécanique sur la surface par frottement, placage ou laminage, • préformation avec dépôts électrolytiques ou liants résineux ou céramiques. Les revêtements solides opérant à haute température en présence de gaz tels que l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, doivent présenter de plus une bonne stabilité thermique. L’oxydation et la décomposition du revêtement ou la formation de composés nouveaux (instabilité chimique) et la transformation de la structure cristalline (instabilité physique), provoquées aux températures élevées par la réaction de l’atmosphère environnante avec le revêtement, entraînent, en général, l’altération des propriétés mécaniques et par là même la modification des caractéristiques de frottement et d’adhérence. Ceci peut aussi modifier la résistance à l’usure. L’efficacité en fonction du temps, la durée de vie et la résistance à l’usure d’un revêtement sont d’autant meilleures que la tension de vapeur est faible. L’adhérence et le frottement sont aussi modifiés par l’oxydation du substrat par l’atmosphère ambiante, si l’oxygène est soluble dans le film ou si ce dernier est poreux, par le revêtement lui-même s’il présente une agressivité corrosive. L’un des paramètres importants des lubrifiants solides est la structure cristalline. Les meilleurs résultats en frottement sont obtenus avec des composés à structure lamellaire. Cette constatation s’explique à partir des propriétés anisotropes des structures cristallines généralement hexagonales ou rhombohédriques. Les liaisons atomiques dans le plan hexagonal sont de type covalent ou ionique et par conséquent très résistantes. La distance atomique entre deux plans basaux est toujours supérieure à celle des atomes disposés dans un même plan. Il en résulte suivant le cas, que les liaisons atomiques ou les forces de Van der Waals entre deux plans basaux sont beaucoup plus faibles que les précédentes. Cette anisotropie du réseau cristallin facilite le déplacement tangentiel des couches, et réduit le facteur de frottement. 25.7.2 Lubrifiants à structure lamellaire Le graphite est l’un des plus anciens lubrifiants solides. Ses performances à haute température ne sont cependant pas toujours satisfaisantes. Le comportement du frottement du graphite est modifié par l’humidité relative et la teneur en oxygène
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Analyse et technologie des surfaces
de l’atmosphère ambiante. Les propriétés lubrifiantes d’un revêtement de graphite disparaissent vers 400˚C avec l’oxydation en CO2 et avec la vaporisation de l’eau adsorbée. Dans une atmosphère sèche ou sous vide poussé, les expériences ont montré que les résultats moins satisfaisants obtenus avec le graphite proviennent de sa faible adhérence sur les surfaces. Le carbone sous forme amorphe ou en structure proche du diamant déposé sous vide fait l’objet d’études nombreuses avec de très bons résultats en frottement et en usure. Ces résultats sont extrêmement sensibles à la procédure de déposition. Le bisulfure de molybdène est un solide de structure cristallographique lamellaire différente de celle du graphite qui s’utilise, soit sous sa forme pulvérulente originelle, soit en films minces agglomérés par un liant. Son comportement au frottement varie considérablement avec la température et avec l’atmosphère ambiante. Le MoS2 est très sensible à l’humidité relative et à la présence de vapeurs organiques. Les meilleurs résultats sont obtenus sous vide poussé, ou dans une atmosphère sèche. On observe ici le comportement inverse de celui du graphite. Avec l’augmentation de la teneur en H2S, la corrosion, accélérée par l’action mécanique du frottement, peut provoquer la rupture du film et entraîner l’augmentation irréversible du coefficient de frottement. L’oxydation du MoS2, qui dépend de la taille des particules, de l’humidité relative, de la teneur en oxygène, le transforme entre 320 et 400˚C en un composé abrasif, MoO3, et un composé sulfuré, SO2. Avec l’oxydation apparaissent alors simultanément des problèmes d’abrasion et de corrosion. A ces températures, dans une atmosphère oxydante, le MoS2 n’est donc plus considéré comme un lubrifiant solide efficace. La stabilité thermique du MoS2 est augmentée avec des films liants contenant des métaux, du Na2O-SiO ou d’autres composés. Sous vide poussé ou dans une atmosphère inerte, le MoS2 présente une bonne stabilité thermique jusqu’à 900˚C. D’autres solides à structure lamellaire ont été étudiés. Parmi ceux-ci, les meilleurs résultats sont obtenus avec les composés: CdC12, CoC12, CdI2, PbI2, HgI2, AgI, Ag2SO4, CcuBr2. Les performances de ces produits sont cependant inférieures à celles du MoS2. Les composés de structure très voisine à celle du MoS2 en particulier le WS2, le WSe2, le TaSe2 et le Ta, résistent mieux à l’oxydation et par là même présentent des caractéristiques de frottement et d’usure en fonction de la température comparables à celles du MoS2. Parmi ces matériaux, le WS2 a été étudié plus intensivement. Sa présentation et ses propriétés lubrifiantes sont très voisines de celles du MoS2. Sa structure cristalline lui confère une faible résistance au cisaillement. Dans l’air et sous vide poussé, il conserve son pouvoir lubrifiant à des températures légèrement supérieures à celles du MoS2. Le bisulfure et le biséléniure de molybdène, de tungstène et de niobium combinés avec le PTFE et l’argent ou avec le bronze peuvent être utilisés sous vide poussé. Les propriétés lubrifiantes de ces composés ne sont cependant pas comparables à celles du MoS2 ou du WS2. Ils présentent néanmoins une bonne résistance à l’usure et une stabilité thermique accrue. Il en est de même pour le nitrure de bore, applicable à haute température (tab. 25.4).
Matériaux de friction
435
Tableau 25.4 Limite d’emploi des lubrifiants solides classiques. Graphite C Masse volumique
[Kg/m3]
Facteur de frottement µd Variation en fonction de la vitesse
2,25
4,80
7,4
9,6
2,3
0,05-0,2
0,02-0,2
0,03-0,15
0,03-0,15
0,2-0,5
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
500 ˚C lente → 650 ˚C
→ > 360 ˚C rapide → 500 ˚C
450 ˚C lente →540 ˚C
450 ˚C lente →1100 ˚C
Stable → 3000 ˚C
4000 ˚C
1185 ˚C
1500 ˚C
1315 ˚C
3000 ˚C
Variation en fonction de la charge Frottement sous vide µd Frottement air humide µd Oxydation dans l’air
Température de décomposition (sous vide)
Bisulfure de Bisulfure de Biséléniure de Nitrure de Molybdène Tungstène Tungstène Bore MoS2 WS2 WSe2 NB
0,8 →
→
Signalons outre le MoS2 et le graphite, le PTFE dont de domaine d’emploi est de –160 à +260˚ C. Il est principalement utilisé dans le cas de charges élevées et vitesses faibles. Le fluorure de graphite (CFx)n permet de gagner quelques dizaines de degrés par rapport au MoS2. Il donne un coefficient légèrement supérieur dans les supports polyimides. Certains solides à structure lamellaire ne possèdent pas de propriétés lubrifiantes aussi favorables mais peuvent être utilisés dans des conditions particulières qui ne permettent pas la mise en œuvre de matériaux plus classiques. C’est notamment le cas du talc, du mica, NiC12, PbC12, HgC12, Na2SO4. 25.7.3 Revêtements à structure non lamellaire Seuls les oxydes de Sb, Cu, Pb, W, Zn, et de Cd, dont la dureté à froid est inférieure à celle de l’oxyde de nickel peuvent être considérés comme des lubrifiants solides. La protection des surfaces frottantes par les oxydes est effective dans une large gamme de températures. A basse température, cependant, le niveau du facteur de frottement est élevé. Les meilleurs résultats sont obtenus avec l’oxyde de plomb. Les oxydes de dureté plus élevée ne présentent qu’un faible pouvoir lubrifiant. Tungstates et molybdates de Pb, Ag, Cr, Ni, Na donnent des résultats équivalents. Aux températures élevées, la protection des surfaces est correcte et le facteur de frottement est faible. Aux températures inférieures à 500˚C, comme pour les oxydes, le pouvoir lubrifiant est réduit. Les verres sont utilisés comme lubrifiants dans les procédés de formages et de déformation à chaud des métaux. Ces matériaux, en particulier l’oxyde de bore à l’état fondu, présentent de bonnes propriétés lubrifiantes à température élevée. Le
436
Analyse et technologie des surfaces
frottement et l’usure évoluent en fonction des différents états physique de l’oxyde. On observe que le facteur de frottement, élevé à basse température, avec un maximum vers 450˚C, tend aux températures plus élevées vers un minimum inférieur à 0,2. Les comportements en frottement et en résistance à la corrosion de l’oxyde de bore ont été améliorés en le combinant avec du graphite ou du sulfure de plomb. L’oxyde de plomb PbO est un excellent lubrifiant solide entre 400 et 700˚C. Cependant, aux températures plus faibles, le minium (Pb3O4) formé pendant l’oxydation du PbO ne présente aucun pouvoir lubrifiant. Le fluorure de calcium CaF2 présente un bon pouvoir lubrifiant aux températures élevées. Les revêtements à base de CaF2 liés à la céramique 60% CoO, 20% B O, 20% CaO (% exprimés en poids) donnent des résultats satisfaisants entre 250 et 820˚C. Avec les superalliages à base de nickel, ces revêtements fonctionnent jusqu’à 1000˚C. 25.7.4 Métaux lubrifiants en revêtements métalliques minces Le comportement en frottement et usure peut être amélioré avec des revêtements métalliques tendres, déposés en faible épaisseur sur un support dur. Ces revêtements possèdent, en effet, un grand nombre des propriétés requises par les lubrifiants solides: • une faible résistance au cisaillement, • une stabilité thermique importante, • une capacité et une conductivité thermique élevées, • une bonne adhérence du film sur le matériau de base, • un coefficient de dilatation voisin de celui du métal de base, • une bonne mouillabilité des surfaces par le film s’il est à l’état liquide, • et surtout une faible tension de vapeur aux températures élevées. Les métaux le plus souvent utilisés sont: le gallium, le plomb, l’indium, l’étain, l’or, l’argent, le palladium, le zinc, le rhénium, le thallium, etc.
25.8 EXERCICES 25.8.1 Un engrenage droit à profil à développante de cercle doit supporter une contrainte hertzienne maximale de 800 Mpa. Quelle dureté minimale peut-on raisonnablement exiger pour éviter le risque de déformation de la denture? 25.8.2 Quels types de revêtement peut-on proposer pour éviter l’adhésion d’un contact acier/acier qui doit fonctionner dans un gaz neutre sans lubrifiant? 25.8.3 On envisage de lubrifier les paliers d’une pompe à eau par le fluide véhiculé. Sachant que celui-ci peut transporter de la silice, quel type de matériaux peut-on utiliser pour les tourillons?
Matériaux de friction
437
25.8.4 Un roulement à contact oblique fonctionne dans un fluide cryogénique à grande vitesse, avec une pression maximale au centre du contact p = 2 Gpa, un pivotement autour de l’axe de contact de vitesse maximale vp = 4 m/s. Les dimensions de l’ellipse de contact sont: a = 0,8 mm et b = 0,5 mm. En déduire la répartition de vitesse de glissement et de pression de contact. Quel est la valeur maximale du produit p · V? Dans quelle zone de l’ellipse de contact ce produit s’exerce-t-il? Quelle est la puissance dissipée par frottement dans ce contact dans les cas où µ = 0,005 et µ = 0,5? Commenter le choix des matériaux proposés.
25.9 BIBLIOGRAPHIE [25.1] J.J. CAUBET, Théorie et pratique industrielle du frottement, Dunod, 1964. [25.2] R. GRAS et J. BLOUET, Sélection des matériaux vis-à-vis du frottement et de l’usure, Le choix des matériaux en mécanique, CETIM n˚ 2A09, 1994. [25.3] Traitements et revêtements de surface pour applications tribologiques, CETIM n˚ 2C13, Recueil de conférence, 1995.
CHAPITRE 26
ÉLÉMENTS DE LUBRIFICATION
26.1 OBJECTIFS La lubrification a pour objectif principal de minimiser les résistances passives et les frottements parasites qui se manifestent dans les organes de liaison, de façon à limiter les pertes d’énergie et les élévations de température. A ce rôle essentiel, s’ajoutent ceux d’évacuer la chaleur produite dans le contact et de réduire l’usure en limitant l’action des différents mécanismes d’usure décrits précédemment. Pour atteindre ces objectifs, on sépare les surfaces en mouvement par un matériau intermédiaire dont la propriété principale est d’avoir une résistance au cisaillement faible, c’est-à-dire que l’on substitue au frottement direct entre les corps solides, le frottement interne dans ce corps intermédiaire: le lubrifiant. Ce dernier peut être liquide, solide, pâteux ou gazeux. Ce chapitre regroupe les principaux éléments de base de la lubrification.
26.2 LES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE LUBRIFICATION Les phénomènes qui interviennent lorsque l’on interpose un fluide entre deux surfaces transmettant des efforts, dépendent: • des matériaux, solides et fluide, • de la façon dont le fluide est introduit entre les surfaces, • de la fraction de charge qu’il est capable de supporter. On peut donc classer les différents régimes de lubrification en fonction des hypothèses que l’on fait sur les propriétés des matériaux et des fluides. 26.2.1 Matériaux indéformables séparés par un film épais de fluide supportant entièrement la charge Le régime hydrodynamique est caractérisé par le non-parallélisme des surfaces. La portance est générée par le mouvement des solides. Le lubrifiant est entraîné dans la direction des jeux décroissants avec création d’un film porteur dû à l’intervention des processus visqueux et de la vitesse. Le jeu est supérieur aux irrégularités microgéométriques.
440
Analyse et technologie des surfaces
Le régime hydrostatique est caractérisé par le parallélisme des surfaces d’où la nécessité d’une alimentation extérieure en lubrifiant sous pression. Le jeu est supérieur aux irrégularités des surfaces. Ces deux régimes sont régis, en théorie, par les lois de la mécanique des fluides et peuvent être mis en œuvre avec des liquides et des gaz. 26.2.2 Solides indéformables séparés par un fluide qui ne supporte la charge que partiellement Les conditions de fonctionnement sont telles que le jeu entre les surfaces frottantes ne permet pas l’établissement d’un film complet de lubrifiant. Cette situation apparaît pour des causes diverses: vitesse ou viscosité du lubrifiant trop faibles, irrégularités de surfaces trop importantes, forces appliquées trop élevées... On se trouve alors en régime de frottement onctueux ou mixte ou de lubrification limite, instable, partielle, marginale... Ces régimes se manifestent en particulier pendant les périodes transitoires de démarrage ou d’arrêt des mécanismes, et dans les cas de surcharges. La plus grande partie de l’usure se produit au cours de ces phases. La transition entre lubrification fluide et lubrifications mixte et limite est tributaire de l’état de surface: hauteur, pente et rayon de courbure des aspérités, ainsi que des propriétés mécaniques et physicochimiques des matériaux. En lubrification limite, le fonctionnement est régi partiellement par l’aptitude au frottement des matériaux et par les propriétés physico-chimiques des surfaces et par des propriétés du fluide autres que la viscosité (réactivité). 26.2.3 Solides déformables élastiquement séparés par un film mince de fluide qui supporte toute la charge: lubrification élastohydrodynamique Ce régime est caractérisé par le fait que la pression exercée est telle que les solides se déforment élastiquement et que la viscosité de l’huile croît avec la pression (piézoviscosité), ce qui permet au processus hydrodynamique de se développer. La lubrification élastohydrodynamique apparaît dans le cas des contacts hertziens linéiques ou ponctuels: engrenages ou roulements par exemple. 26.2.4 Solides indéformables séparés par un lubrifiant viscoplastique Il s’agit là de la lubrification par les graisses. 26.2.5 Lubrification solide Lorsque les conditions d’ambiance sont telles (températures élevées ou très basses, atmosphères particulières gazeuses ou liquides) qu’il est impossible d’envisager un régime de lubrification par fluide, on peut utiliser comme lubrifiant un
Eléments de lubrification
441
solide dont la structure est constituée de façon à présenter une résistance au cisaillement faible dans un plan parallèle au glissement: MoS2, graphite, etc. 26.2.6 Solides déformables plastiquement séparés par un film épais Suivant les conditions dynamiques, on se trouve en régime de lubrification mixte ou hydrodynamique: la plasto-hydrodynamique. Ce type de lubrification intervient dans la mise en forme des métaux par usinage et déformation: ex: tréfilage, laminage...
26.3 PROPRIÉTÉS DES LUBRIFIANTS Le déplacement relatif de matière à l’intérieur d’un corps solide déformable (élastique ou plastique), exige une force pour vaincre une résistance dite de frottement interne. Dans le cas des corps à comportement élastique, les déplacements relatifs sont limités par une réaction d’équilibre (réversible) entre l’effort et la déformation (loi de Hooke). S’il s’agit de corps plastiques, pâteux, liquides ou gazeux, les déplacements relatifs se poursuivent tant que l’effort s’exerce. La viscosité de ces corps caractérise leur résistance aux déformations internes qui induisent un travail de frottement se traduisant par un dégagement de chaleur. 26.3.1 Adhérence des lubrifiants liquides aux parois solides Les propriétés d’adsorption et d’adhérence des liquides sur les solides, dont nous verrons le rôle dans la lubrification limite, ont pour effet que les molécules des lubrifiants liquides se fixent perpendiculairement aux surfaces solides (fig. 26.1(a)).
(a)
(b)
Fig. 26.1 Représentation schématique des molécules de lubrifiant à la surface d’un solide par Fuller: (a) couche limite; (b) épilamens.
Ces molécules adhèrent plus ou moins fortement à la surface du métal suivant l’onctuosité de l’huile et ont des propriétés se rapprochant plus de celles d’un corps solide que de celles d’un liquide. Les molécules suivantes s’absorbent en strates successives, les épilamens, pour former une couche au-delà de laquelle elles prennent progressivement la mobilité caractéristique des liquides. Ces couches, très résistantes, peuvent éviter le contact solide. Elles sont à la base de la lubrification limite. Dans les théories, on les considère comme parfaitement adhérentes aux parois (hypothèse de Coulomb).
442
Analyse et technologie des surfaces
Les ordres de grandeur des assises moléculaires et des irrégularités de surface à prendre en considération sont les suivants: • Hauteur d’une molécule: 1 nm. • Epilamens: couches d’une dizaine d’assises moléculaires: 10 nm. • Surface superfinie: 10–1 µm. • Rectification: 0,5 µm, soit plus de 500 assises moléculaires. • Usinage courant: hauteur des aspérités de 1 à 20 µm. 26.3.2 Frottement interne d’un fluide – viscosité Physiquement, on peut caractériser les fluides par la mobilité plus ou moins grande des molécules qui les constituent. Considérons deux plaques horizontales séparées par un film de fluide incompressible d’épaisseur h. L’une est fixe, l’autre se déplace à la vitesse V. Le film est parfaitement adhérent aux parois. Dans ces conditions, les différentes couches de liquides se déplacent parallèlement aux surfaces. La vitesse V d’une couche est fonction de sa distance z avec le plan mobile. z
plan fixe
dz
F = ηS dV/dz
V V + dV
z S plan mobile V0 écoulement
V
V + dV
V0
V
Fig. 26.2 Définition de la viscosité.
La cission nécessaire au glissement de deux couches liquides de surface S, distantes de dz et se déplaçant aux vitesses V et V + dV, s’exprime par: dv F τ = --- = η -----dz S
Loi de Newton-Navier (1871)
(26.1)
avec η la viscosité dynamique absolue qui a pour dimension ML–1T–1 et s’exprime en Pas. L’eau à 20˚ C a une viscosité d’environ 1 mPas; l’huile moteur à 20˚: η ∼ 0,3 Pas; l’huile palier: η = 0,02 à 0,04 Pas. On définit aussi la viscosité cinématique:
ν = η/ρ exprimée en m2 /s, en Stokes (st) ou centistokes (cSt) (1 St = 10–4 m2 /s).
(26.2)
Eléments de lubrification
443
Le postulat de Newton consiste à considérer la viscosité comme indépendante du gradient de vitesse. Les fluides obéissant à cette hypothèse sont dits newtoniens (fig. 26.2). Les fluides peuvent aussi être caractérisés par leur comportement en fonction de la cission τ qui leur est imposée. Dans la figure 26.3, un fluide newtonien est représenté par une droite passant par l’origine (1) ayant une pente: tg α = 1/ η. Un fluide non newtonien représenté par une courbe telle que la viscosité varie avec le gradient de vitesse sera dit fluidisant si sa viscosité est une fonction décroissante du gradient vitesse (2), épaississant dans le cas contraire (3). La droite OY représente le cas limite du liquide parfait, liquide de Pascal dont la viscosité est nulle. D’autres matériaux dont les courbes représentatives coupent l’axe des abscisses sont appelés solides plastiques ou viscoélastiques. Pour que l’écoulement commence, il est nécessaire que l’effort de cission τ dépasse un seuil τ0 qui est le seuil de plasticité ou tension de fluage. Si au-delà de ce seuil, le corps se comporte comme un liquide newtonien, on obtient une loi de la forme: ∂v τ = τ 0 + η ' ----∂z
(26.3)
Ces matériaux s’appellent corps de Bingham (courbe 4 de la fig. 26.3). Cette loi décrit le comportement de certaines peintures, mastics ou graisses. Dans la pratique, les courbes ne sont pas toujours linéaires et leur viscosité apparente est souvent une fonction décroissante de la durée de l’écoulement, les matériaux sont alors dits thixotropes. 2
dV/dz
liquide de Pascal
liquide newtonien 1 3 corps de Bingham 4 5
O
τ0
corps plastique en général
τ
Fig. 26.3 Comportement des principaux fluides utilisés en lubrification.
26.3.3 Variations de la viscosité avec la température La viscosité des liquides diminue très rapidement quand la température augmente. La connaissance de cette variation est capitale pour le praticien. De nombreuses formules ont été proposées pour exprimer la relation entre viscosité et
444
Analyse et technologie des surfaces
température, les unes s’appuient sur des considérations théoriques, d’autres sont purement empiriques. Les diagrammes ASTM représentent en coordonnées rectangulaires la formule empirique de Walter et Mac-Coull: W = log10 log10 (c + a) = m log10 T + n
(26.4)
où c désigne la viscosité cinématique exprimée en centistokes, a un terme complémentaire égal à 0,6 cSt pour les valeurs de c supérieures à 1,5 cSt; m (forcément négatif) et n sont des paramètres constants dépendant de l’huile. Les échelles sont telles que les points figuratifs s’alignent suivant une droite de pente négative. Ces abaques sont d’un emploi très répandu. Bien que dépourvue de base scientifique, cette formule respecte le caractère exponentiel de la variation de la viscosité en fonction de la température et donne une bonne correspondance avec les résultats expérimentaux entre 0 et 100˚C. C’est la plus utilisée des formules parce qu’elle n’exige la connaissance que de deux points expérimentaux. L’index de viscosité (Viscosity Index ou VI) est un repère comparatif utilisé comme moyen rapide d’exprimer la relation «viscosité-température» d’une huile par comparaison avec celles de deux huiles de référence ayant à 98,9˚C (210˚F) la même viscosité η que cette huile: • une huile paraffinique de Pensylvanie, dont la viscosité varie peu avec la température, et à laquelle on attribue arbitrairement l’index: VI = 100; • une huile naphténo-aromatique, dont la viscosité est beaucoup plus sensible à une variation de température, à laquelle on attribue arbitrairement: VI = 0. Si l’on désigne respectivement par U, H et L les viscosités à 37,8˚ C (100˚ F) de l’échantillon considéré et des deux huiles de VI = 100 et de VI = 0, on appelle index de viscosité d’une huile l’expression: L–U VI = 100 -------------L–H
(26.5)
Les valeurs 0 et 100 ne représentent pas les limites extrêmes de la sensibilité des huiles aux variations de température. Il existe des huiles de VI négatif et d’autres de VI supérieurs à 100. Une nouvelle définition des index de viscosité supérieurs à 100 a été proposée par l’ASTM pour éviter cet inconvénient (norme ASTM D 2270-64). Les huiles y sont classées uniquement par rapport à celles de VI = 100, en appliquant la formule: ( antilog. N ) – 1 VI = -------------------------------------- – 100 0,0075
avec
N = ( log H – log U ) -----------------------------------------------log V
H, U, et V étant définis comme précédemment.
(26.6)
Eléments de lubrification
445
La classification S.A.E. (Society of Automotive Engineers) des huiles pour moteurs définit 2 types d’huiles: • les huiles de carter et les huiles pour boîtes de vitesses et ponts, • les huiles d’été et les huiles d’hiver. Ces huiles sont affectées d’un numéro croissant selon l’échelon de viscosité à l’intérieur duquel elles se situent. Les huiles d’été sont caractérisées par leur viscosité à 210˚F (98,9˚C), les huiles d’hiver par leur viscosité (extrapolée sur le diagramme ASTM) à 0˚F (–18˚C). Les huiles d’hiver pour carter sont affectées de l’indice W. L’incorporation d’additifs de viscosité permet de réaliser des huiles dites multigrades qui satisfont aux exigences d’une huile d’hiver (ex. 10 W) et d’une huile d’été (ex. 30). L’huile définie par cet exemple est désignée par SAE 10 W 30. 26.3.4 Variation de la viscosité avec la pression La plupart des huiles utilisées en construction mécanique ne voient leur viscosité varier que pour des pressions élevées. Dans le cas des pressions très hautes, en régime de lubrification élastohydrodynamique, par exemple, il est généralement fait appel à la formule exponentielle de Barus:
ηp = η0 eαp
(26.7)
où ηp est la viscosité à la pression p; η0 la viscosité à la pression atmosphérique; α le coefficient viscosité-pression (de piézoviscosité).
26.4 LUBRIFICATION HYDROSTATIQUE 26.4.1 Généralités La lubrification hydrostatique est caractérisée par le parallélisme des deux surfaces, l’introduction de l’huile sous pression pour assurer la portance, un frottement très faible, µ ≈ 10–4, et une raideur importante. Les paliers et butées hydrostatiques fonctionnent donc en l’absence de mouvement car la séparation des surfaces est assurée uniquement par la pression qui est le fait d’un générateur extérieur (Externally pressurised bearing). 26.4.2 Principe de la lubrification hydrostatique Considérons une butée plane alimentée par un orifice central à la pression po (fig. 26.4). L’établissement du film d’huile est dû à deux actions qui se superposent: • une chute de pression entre l’admission et l’évacuation de l’huile donnant aux veines liquides les vitesses u1 et le débit correspondant Q1 ; • l’entraînement du fluide par la surface en mouvement, donnant aux veines liquides les vitesses u2 et le débit correspondant Q2 ; d’où la vitesse v = u1 + u2 et le débit total Q = Q1 + Q2.
446
Analyse et technologie des surfaces sens du mouvement a
V
h P1 évacuation
P0 partie fixe
b
Fig. 26.4 Principe d’une butée hydrostatique.
La distribution des vitesses dans une section (a, b) sera la superposition de deux régimes comme cela est schématisé sur la figure 26.5. Au sein du lubrifiant s’écoulant entre les deux surfaces, un élément de volume dx, dy, dz sera en équilibre sous l’action des forces suivantes: + p dz dy (force due à la pression appliquée sur la face gauche d’aire dy dz) et –(p + ∂p/∂x dx) dy dz (pression sur la face droite d’aire dy dz). a
a
a u2
u1 b régime linéaire
u1 + u2
b régime parabolique
b superposition des deux régimes
Fig. 26.5 Superposition des vitesses en lubrification hydrostatique.
Sur la face inférieure s’exerce la cission F/S = τ et donc la force –τ dx dy. De même sur la face supérieure s’exerce la force: + (τ + ∂τ /∂z dz) dx dy (fig. 26.6). Sachant que la pression ne dépend que de x et la cission τ que de z, on obtient en écrivant l’équilibre des forces, et en négligeant les forces d’inertie: dp dτ ------ = ----dz dx
(26.8) + (τ + ∂τ /∂z dz) dx dy + p dy dz – (p + ∂p/∂dx)dy dz dz
– τ dx dy
dy
dx Fig. 26.6 Equilibre dynamique à un élément de volume du film de lubrifiant.
Eléments de lubrification
447
Les hypothèses suivantes sont faites implicitement jusqu’ici: • seules interviennent des pressions et des forces de viscosité; l’écoulement est laminaire; nombre de Reynolds < 1500; • il n’y a pas de fuites latérales, donc ni vitesse ni effort suivant y; • le film d’huile est assez mince pour que l’on puisse admettre que la pression et la viscosité ne dépendent que de x; • la couche d’huile au contact avec la paroi a la même vitesse que celle-ci. La relation de Newton-Navier (26.1) permet d’écrire: d2u dp ------ = η --------2 dx dz
(26.9)
avec u, la vitesse de la lame d’huile située au niveau z. Deux intégrations successives avec comme conditions aux limites: • u = 0 pour z = 0 • u = U pour z = h conduisent à: z ( z – h ) dp U u = u 2 + u 1 ------------------ ------ + ----z 2 η dx h
(26.10)
Il y a superposition du régime d’écoulement linéaire u1 rencontré lors de l’établissement de la loi de Newton avec un régime d’écoulement parabolique u2 de type Poiseuille. Le premier ne peut supporter aucune charge et correspond au débit d’huile, par unité de largeur du film. Il entraîne une perte d’énergie par frottement:
Q1 =
h
h
∫
U Uh u 1 dz = ---- z dz = ------h 2
0
∫
(26.11)
0
Le second permet de maintenir dans le film la pression p(x) et par suite de supporter la charge ∫∫p(x)dS dans la mesure où l’alimentation en huile est elle-même assurée par le débit d’huile par unité de largeur: h
Q2 =
∫ 0
h
∫
1 dp h 3 dp u 2 dz = ------ ------ z ( z – h ) dz = --------- -----12 η dx 2 η dx
(26.12)
0
(débit compté positivement dans le sens des pressions décroissantes). La relation (26.12) montre que pour séparer l’une de l’autre deux surfaces en injectant sous pression un liquide visqueux, il faut entretenir un débit proportionnel
448
Analyse et technologie des surfaces
au cube de l’épaisseur du film et à la chute de pression par unité de longueur du film dans le sens de l’écoulement parallèle aux surfaces. Ce débit est inversement proportionnel à la viscosité absolue. 26.4.3 Etude générale d’un palier de butée Considérons le cas d’une butée axiale à alvéole centrale alimentée sous une pression p0 (fig. 26.7). Le débit par unité de longueur qui assure la portance, équation (26.12), s’exprime en tenant compte de la symétrie axiale par: h 3 dp dq = – --------- ------ r d θ 12 η dr et en intégrant: h 3 dp Q = – π r ------ -----6 η dr
(26.13)
W
R0
h
R1
p0 Fig. 26.7 Palier de butée axiale circulaire à alvéole centrale.
En intégrant la pression élémentaire dp sur la couronne de portance, avec comme conditions aux limites: p = 0 pour r = R0 et p = p0 pour r = R1, on peut déterminer l’expression de la répartition de pression (fig. 26.8). ln ( R 0 /r ) p = p 0 ------------------------ln ( R 0 /R 1 ) avec 6 η Q R0 p 0 = ----------3-Ln -----R1 πh
Eléments de lubrification
449
dr R0 ds h
dθ
r R1 R1
R0 (a)
(b)
p
p0
Fig. 26.8 Répartition de pression dans la butée: (a) vue de dessus; (b) répartition de pression.
et
πh3 Q = p 0 ---------------------------------6 η Ln ( R 0 /R 1 )
(26.14)
La capacité de portance s’obtient en intégrant la pression sur la surface totale, soit: 2 2 π ( R0 – R1 ) W = p 0 --- -------------------------2 Ln ( R 0 /R 1 )
ou 3ηQ 2 - ( R 0 – R 12 ) W = ---------3 h
(26.15)
Les expressions du débit et de la capacité de portance sont généralisées sous la forme: p0 Q = K Q -----h 3 η et W = K W Se p0
(26.16)
avec Se, la surface effective de la zone de fuite. Kq et KW sont respectivement les coefficients de débit et de portance. Ils dépendent de la géométrie générale du système et de celle des alvéoles (tab. 26.1). La puissance PT nécessaire pour assurer le fonctionnement de la butée fait donc intervenir 2 termes, la puissance de pompage Pp et la puissance dissipée par frottement PF du fait de la vitesse circonférentielle de rotation de l’arbre: Qp P p = ---------0ℜ
PF = C F ω
d’où PT = Pp + PF
450
Analyse et technologie des surfaces
avec ℜ : CF : ω:
rendement du circuit hydraulique d’alimentation, couple de frottement, vitesse angulaire de rotation.
Le couple de frottement se détermine en intégrant l’expression de Newton-Navier (26.1) sur la couronne de la butée. L’optimisation de PT (d PT /dh = 0) permet de calculer l’épaisseur optimale du film de fluide assurant le meilleur compromis énergétique et la meilleure fiabilité du système. 26.4.4 Intérêt des paliers et butées hydrostatiques Leurs avantages sont importants. A vitesse nulle, les surfaces sont séparées par un film fluide ce qui élimine pratiquement toute usure, contrairement aux paliers hydrodynamiques qui subissent souvent les dommages au moment du démarrage et de l’arrêt. De plus, l’épaisseur du film est suffisante (≈ 0,02 à 0,1 mm) pour que l’effet des imperfections microgéométriques (rugosité et ondulation) des surfaces soit totalement masqué lors du mouvement. Enfin, ce type de palier est beaucoup plus rigide que son homologue hydrodynamique, car l’épaisseur du film d’huile varie comme la racine cubique de la charge (elle varie comme la racine carrée dans un palier hydrodynamique). Tableau 26.1 Valeurs des coefficients de débit et de portance pour deux types d’alvéoles. Géométrie de la chambre d’alimentation
Alvéole circulaire centrale
Alvéole rectangulaire centrale
KQ
KW
π K Q = -------------------------------6Ln 〈 R 0 /R 1〉
1 K W = -------------------------------2Ln 〈 R 0 /R 1〉
KQ =
1l – b --- ----------6 a
R0 R1
l
L–a (L – a)(l – b) + ------------ K W = --------------------------------- b Ll
b a L
Les paliers et butées hydrostatiques sont bien adaptés aux machines lentes ou fortement chargées mais, moyennant un dimensionnement approprié, ils permettent de résoudre en utilisant les gaz, des problèmes où entrent en jeu de très grandes vitesses. Leur domaine d’application est donc vaste, mais comme leur réalisation est plus coûteuse, on limite leur utilisation aux cas où la lubrification hydrodynamique ne peut donner satisfaction.
Eléments de lubrification
451
26.5 BASE DE LA LUBRIFICATION HYDRODYNAMIQUE 26.5.1 Loi de Petroff Petroff, le premier (1883), a traité par le calcul le problème du frottement dans les paliers en tenant compte de la viscosité du lubrifiant et faisant les hypothèses simplificatrices suivantes (fig. 26.9): • le lubrifiant adhère parfaitement aux surfaces de l’arbre et du palier, • l’arbre est concentrique au palier, donc l’épaisseur du film d’huile est uniforme et égale au jeu radial, • le gradient de vitesse dans le lubrifiant est égal à V/e (V étant la vitesse de surface de l’arbre et e l’épaisseur du film supposée constante). Ces hypothèses sont acceptables si l’on considère un palier vertical ne supportant pas de charge transversale. On suppose que l’écoulement de l’huile dans la direction axiale est négligeable. Dans ces conditions, n’importe quel élément du film est dans le même état que celui qui a servi à définir l’équation de Newton (26.1). Celle-ci permet d’écrire que l’effort de cisaillement est égal au produit du taux de cission par la viscosité et que cet effort est uniforme dans le film considéré.
L r V
(a)
F
(b)
e
Fig. 26.9 Expérience de Petroff: (a) coupe transversale; (b) coupe axiale.
On a: L = longueur axiale du palier. Ø = diamètre de l’arbre = 2r. N = nombre de tours par minute de l’arbre. e = jeu radial. V = vitesse linéaire à la surface de l’arbre = π ∅ N/60. Ici, dv/dz = V/e (distribution linéaire des vitesses) et S = π∅L (surface mouillée par le lubrifiant) d’où la force de frottement: F = ηπ∅L V/e et le couple résistant s’exerçant sur l’arbre dû aux forces de viscosité: Fϕ ηπϕ 2 LV C r = ------- = --------------------2 2e C’est la loi de Petroff.
(26.17)
452
Analyse et technologie des surfaces
Ce type de situation se présente dans les machines modernes tournant vite. La loi de Petroff sous la forme (26.17) est utile car elle donne une première approximation des pertes par frottement dans les paliers fonctionnant à vitesse élevées et soumis à de faibles charges radiales. 26.5.2 Expérience de Tower Les travaux de Petroff sont inexacts en ce qui concerne l’épaisseur du film d’huile des paliers fonctionnant dans le cas général. Ils ignorent en effet la loi de répartition des pressions. A la même date en Angleterre, l’ingénieur Tower fit une découverte fortuite qui fut à l’origine de la théorie de la lubrification hydrodynamique. Tower étudiait expérimentalement un coussinet de chemin de fer. Ce coussinet d’environ 160˚ d’arc, portait sur l’essieu (fig. 26.10). A
niveau de l’huile
Fig. 26.10 Expérience de Tower.
Le trou taraudé A qui recevait habituellement un godet graisseur avait été bouché par une cheville de bois. Au cours du fonctionnement, la cheville fut expulsée. Tower brancha un manomètre et fut surpris de constater que celui-ci gradué jusqu’à 200 livres par pouce carré, était insuffisant pour mesurer la pression bien que la pression moyenne s’exerçant dans le palier ne soit que de 100 livres par pouce carré. Il releva alors les courbes de pression suivant une série de génératrices et de sections transversales, et publia les résultats. Partant des résultats de Tower, Reynolds établit les lois qui régissent le phénomène, et en 1886, il publiait son ouvrage: On the Theory of lubrication and its application to Mr. Beauchamp Tower’s Experiments, dans lequel il montrait que pour générer une pression le film lubrifiant devait être convergent. 26.5.3 Analyse physique de la génération de pression – Le coin d’huile La lubrification hydrodynamique est basée sur la portance du film lubrifiant, qui est liée fondamentalement à la viscosité du lubrifiant et à la vitesse. Soit un patin incliné fixe et une glissière se déplaçant à la vitesse U (fig. 26.11). Dans une section P du film où la distribution des vitesses est linéaire, le gradient de
Eléments de lubrification
453
Pmax distribution de pression
he
H
hc x
U
U
Fig. 26.11 Profil des vitesses dans un coin d’huile convergent avec variation de pression.
pression est nul: dp/dx = 0. La vitesse dans cette section est U/2 et le débit par unité de largeur qx = UH/2. La hauteur h du film diminuant constamment de l’entrée (he) à la sortie (hs), le débit d’entrée est supérieur au débit de sortie. L’huile étant incompressible, la condition de continuité n’est pas respectée. Pour remédier à cela, imaginons une génération de pression dans le film. A l’entrée, un gradient de pression limite le débit d’huile en rendant concave le profil des vitesses: le débit est ainsi inférieur à Uhe /2. A la sortie, les conditions sont inversées; le gradient de pression augmente le débit d’huile en provoquant un profil des vitesses convexe: le débit est ainsi plus grand que Uhs /2. La répartition en toute section du palier est telle que l’aire sous chaque courbe reste la même, afin que le débit soit identique dans chaque section. Le débit qx par unité de largeur du patin a pour dimensions L3 /LT. Ce débit doit comprendre deux termes: le terme de base Uh/2 (de dimensions L2 /T) et un terme correctif f(p) qui dépend du gradient de pression dp/dx, de la viscosité, et de l’épaisseur du film h: Uh q x = ------- – f ( p ) 2 Le signe moins vient de ce qu’un gradient de pression positif est nécessaire pour restreindre le débit. Le terme f(p) peut s’écrire dp a f ( p ) = ------ η b h c dx où a, b, c, sont des exposants que l’on peut déterminer à l’aide de l’analyse dimensionnelle: F a FT b c L2 - ------- L f ( p ) = ----- = -------T L 2 L L 2 d’où a = + 1, b = – 1, c = +3. L’expression de qx devient alors:
454
Analyse et technologie des surfaces
h 3 dp Uh UH q x = ------- – k ----- ------ = --------η dx 2 2 où k est une constante égale à 1/12, d’où l’équation de Reynolds à une dimension: h–H dp ------ = 6 η U -----------dx h3
(26.18)
H est une constante d’intégration qui représente l’épaisseur du film dans la section où le gradient de pression dp/dx = 0. En intégrant l’équation (26.19), on obtient la pression dans une section quelconque:
∫
h–H - dx + C p = 6 η U -----------h3
(26.19)
C et H peuvent être évaluées connaissant les valeurs de p pour deux abscisses, par exemple les positions de début et fin de la courbe de pression: cas des paliers de butée type Michell. Dans les paliers lisses, on prend pour début de la courbe de pression, le point où les surfaces commencent à converger. La fin de la courbe a donné lieu à de nombreuses solutions différentes. L’équation de Reynolds confirme la nécessité de l’inclinaison d’une surface par rapport à l’autre, c’est-à-dire la formation d’un coin d’huile, pour que le film soit porteur. En effet, si les deux surfaces étaient parallèles, h serait nécessairement égal à H et dp/dx serait nul. La pression absolue, étant constante, serait partout égale à la pression atmosphérique: la pression effective serait nulle, ainsi que la force portante. 26.5.4 Théorie de la lubrification hydrodynamique La théorie de la lubrification hydrodynamique, dont l’équation de Reynolds constitue la base, sera développée à partir d’ hypothèses simplificatrices qui permettent de suivre physiquement la création du film porteur. Soient deux solides en mouvement relatif limités par des surfaces séparées par un fluide. L’objectif est d’établir les lois qui relient les pressions dans le fluide à la viscosité, à la position des surfaces, aux mouvements relatifs des deux solides. La théorie fait appel aux hypothèses classiques suivantes: 1. le fluide est newtonien; 2. l’écoulement est laminaire: nombre de Reynolds inférieur à 1500; 3. le fluide adhère parfaitement aux parois; 4. l’inertie du fluide est négligeable; 5. le fluide est incompressible; 6. la pression est constante dans l’épaisseur du film pour une même section: les films étant minces (∼ 0,01 à 0,1 mm), cette hypothèse est admissible;
Eléments de lubrification
455
7. l’effet des courbures des surfaces est négligeable: le rayon de courbure des surfaces est grand par rapport à l’épaisseur du film; les vitesses des surfaces sont donc considérées comme constantes en direction; 8. les forces de volume sont négligées, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de champ de forces supplémentaires agissant sur le fluide; 9. la viscosité est uniforme en tout point du film et correspond à celle de la température moyenne du film; 10. il n’y a pas de déformation des surfaces (corps parfaitement rigides). Ces hypothèses étant posées, on étudie le débit de fluide qui s’écoule dans un élément dx dy, dz compris entre les deux surfaces (fig. 26.12). Le débit s’écoulant à travers la surface gauche, sera qx dz dy (qx = débit unitaire suivant x). Le débit à travers la face droite sera: ∂q x q + -------dx dy dz x ∂x Dans la direction des y, le même raisonnement permet d’écrire: ∂q y débit de sortie: q y + --------dy dx dz ∂y
débit d’entrée: qy dx dz
z, w y q + ∂q --------dy dx dz y ∂y
x, u y, v dz dy
qx dy dz
x q + ∂q --------dx dy dz x ∂x
dz
dx dy qy dx dz
dx
Fig. 26.12 Débit s’écoulant à travers un élément de volume du film.
On désigne par wh et w0 les vitesses respectives avec lesquelles la surface supérieure et la surface inférieure se déplacent vers le haut: ∂w w h = w 0 + ------- dz ∂z La variation corrélative de volume de la colonne de fluide devient: ∂w ( w h – w 0 )dx dy = ------- dz dx dy ∂z
456
Analyse et technologie des surfaces
Le fluide étant incompressible, le débit d’entrée doit être égal au débit de sortie: ∂q x ∂q y q x dy dz + q y dx dz + w 0 dx dy = q x + --------dx dy dz + q y + --------dy dx dz ∂x ∂y ∂w + w 0 + ------- dz dx dy ∂z soit après simplification: ∂q x ∂q y ∂w -------- + -------- + ------- = 0 ∂x ∂y ∂z
(26.20)
Cette équation peut s’appliquer au cas des paliers poreux: wh est la vitesse de pénétration du fluide dans le coussinet supérieur, tandis que w0 est la vitesse de sortie du fluide du coussinet inférieur. Si les surfaces sont imperméables, la vitesse de variation de hauteur de la colonne de fluide ∂w/∂z, peut s’écrire dz/dt, d’où: ∂q ∂q ∂z -------x- + -------y- + ----- = 0 ∂x ∂y ∂t
(26.21)
Soient u, v, w; les vitesses suivant Ox, Oy, Oz. L’élément de fluide est en équilibre sous l’action des forces de pression et de viscosité: • Ecoulement dans la direction x: l’équilibre du film s’écrit (fig. 26.13): ∂u ∂ ∂u ∂p p dx dy – p + ------ dx dy dz – η ------ dx dy + η ----- u + ------ dz dx dy = 0 ∂z ∂z ∂z ∂x Après simplification et considérant que le film est très mince, on obtient: 1 ∂p ∂2u --------2 = --- -----η ∂x ∂z
(26.22)
∂ ∂v y ----- v + ------ dz dx dy ∂z ∂z
∂ ∂u y ----- u + ------ dz dx dy ∂z ∂z dz p + ∂p ------ dx dy dz ∂x
dz
p dy dz ∂u y ------ dx dy ∂z dx
x dy
p + ∂p ------ dy dx dz ∂y
p dx dz ∂v y ------ dx dy ∂z dy
Fig. 26.13 Equilibre des forces sur un élément de volume du fluide.
y dx
Eléments de lubrification
457
• Ecoulement suivant y: le même raisonnement donne: 1 ∂p ∂2v -------2- = --- -----η ∂y ∂z
(26.23)
Le gradient de pression est nul suivant Oz (hypothèse 6): ∂p/∂z = 0, p étant indépendant de z. L’intégration donne: 1 ∂p ∂u ------ = --- ------ z + C 1 η ∂x ∂z La viscosité étant constante et ne variant pas avec z: ∂η /∂z = 0. Une nouvelle intégration donne: 1 ∂p z 2 u = --- ------ ---- + C 1 z + C 2 η ∂x 2 Les conditions aux limites sont fournies par l’hypothèse 3: z=h
(vitesse suivant Ox) et z = 0
u = U1
u = U0
U1 – U0 1 ∂p - + U0 u = ------ ------ ( z 2 – hz ) + ------------------2 η ∂x h Le gradient de vitesse s’écrit: U1 – U0 1 ∂p ∂u h ------ = --- ------ z – --- + ------------------η ∂z 2 ∂z h Les débits du fluide par unité de largeur dans les directions x et y sont donnés par: h
qx =
∫ u dz
h
et
qy =
0
∫ v dz 0
soit U1 + U0 h 3 ∂p q x = -------------------- h – ------ -----2 2 η ∂x
V1 + V0 h 3 ∂p q y = ------------------- h – ------ -----2 2 η ∂y
(26.24)
Si on porte ces valeurs dans l’équation de conservation du débit (26.20), on obtient l’équation de Reynolds à 3 dimensions: ∂ ∂p ∂ ∂p ∂ ∂ ∂W ------ h3 ------ + ----- h3 ------ = 6 η ------ ( U 1 + U 0 )h + ----- ( V 1 + V 0 )h + 2 -------∂x ∂x ∂y ∂y ∂x ∂y ∂z (26.25)
458
Analyse et technologie des surfaces
Sous cette forme elle est inutilisable car trop de paramètres peuvent varier simultanément. On la simplifie à l’aide des considérations ci-après: 1. Il est d’usage de poser U = U1 – U0 et V = V1 + V0. 2. Il est rare qu’un système puisse être le siège d’un coin d’huile et d’une vitesse de glissement dans deux directions perpendiculaires. Aussi est-il courant d’admettre: ∂ (Uh)/∂x = 0 ou ∂ (Vh)/∂y = 0. Avec cette hypothèse le second membre de l’équation (26.25) devient: ∂W ∂Uh 6 η ----------- + 2 -------- ∂x ∂z 3. Sachant que la vitesse d’une surface ne varie pas d’un point à un autre, U est indépendant de x et par conséquent ∂Uh/∂x peut s’écrire U dh/dx. 4. Si les surfaces sont imperméables: ∂W/∂z = ∂h/∂t. Le second membre se réduit à dh dh 6 η U ------ + 2 ------ dx dt 5. Le terme U dh/dx explicite l’existence d’un coin d’huile, alors que le terme dh/dt caractérise l’effet d’écrasement du film (squeeze film). Sauf cas de vibrations axiales des axes de turbines ou de charges alternatives des paliers de moteurs ou de compresseurs, en régime établi, ce terme est nul. L’équation de Reynolds prend alors la forme classique pour les patins: ∂ ∂ ∂p ∂p dh ------ h 3 ------ + ----- h 3 ------ = 6 η U ----- ∂y ∂x ∂x ∂y dx
(26.26)
Il s’agit d’une équation elliptique aux dérivées partielles du second ordre qui ne peut se résoudre analytiquement que dans quelques cas simples: par des fonctions de Bessel (patins rectangulaires, Michell), par analogie électrique (Kingsbury) ou par méthode numérique (Méthode des différences finies ou des éléments finis). Sommerfeld l’a résolu dans le cas des paliers en négligeant l’écoulement latéral: hypothèse du palier infiniment long. Une autre solution unidimensionnelle consiste à étudier un palier infiniment court: longueur du palier très faible vis-à-vis de son diamètre. Pour les paliers de longueur finie, plusieurs méthodes de calcul sont proposées: analogie électrique, développement en séries, méthodes numériques. • Cas du palier infiniment long: Dans l’hypothèse d’un palier sans fuites latérales, palier infiniment long (selon l’axe Oy), toutes les dérivées par rapport à y sont nulles et l’équation se réduit à: ∂ ∂p dh ------ h 3 ------ = 6 η U -----∂x ∂x dt
(26.27)
Eléments de lubrification
459
En intégrant et considérant une section d’épaisseur H pour laquelle dp/ dx = 0, on retrouve l’équation que Reynolds (1886) et Sommerfeld (1904) étudièrent: h–H dp ------ = 6 η U -----------dx h3
(26.28)
La connaissance d’une condition aux limites sera nécessaire pour évaluer H. • Cas du palier infiniment court: En considérant le palier infiniment court, on suppose un gradient de pression beaucoup plus petit dans la direction du mouvement (direction des x) que dans la direction perpendiculaire (direction des y). Soit b la largeur (selon y) et l la longueur (selon x). Le gradient ∂p/∂x est de l’ordre de p/l dans la direction des x et le gradient ∂p/∂y de l’ordre de p/b dans la direction des y. Si l » b, p/b » p/l et ∂p/∂x «∂p/∂y, on peut négliger ∂p/∂x par rapport à ∂p/∂y et l’équation de Reynolds (26.28) devient: ∂ ∂p dh ----- h 3 ------ = 6 η U -----∂y ∂y dx
(26.29)
Habituellement, h est indépendant de y et ne dépend que de x. Le premier membre peut donc s’écrire: h3 d2p/dy2, d’où: 6 η U dh d2 p -------------2- = ----------h 3 dx dy
(26.30)
C’est l’équation de Michell qui donne: 3 η U dh 2 ------ y + C 1 y + C 2 p = ----------h 3 dx La symétrie par rapport au plan x O z permet d’écrire: dp/dx = 0 pour y = 0 (pression nulle aux extrémités du palier). On en déduit que C1 = 0 et comme p = 0 lorsque y = ± b/2: 3 η U dh b 2 ------ ----C 2 = – ----------h 3 dx 4 d’où 3 η U dh 2 b 2 ------ y – ----p = ----------4 h 3 dx
(26.31)
Cette expression s’applique aux disques minces et aux paliers étroits (rapport largeur/diamètre inférieur à l/4). Elle ne s’applique pas aux blochets Michell, car la pression ne s’annule pas à l’entrée et à la sortie du palier. La figure 26.14 présente la répartition des pressions dans les deux hypothèses.
460
Analyse et technologie des surfaces
sortie e
sorti
z
e
entré
l
e
entré
x
(a)
y
b --2
b --2
(b)
Fig. 26.14 Répartition de pression : (a) patin infiniment long; (b) patin court.
26.5.5 Application de l’équation de Reynolds – Nombre de Sommerfeld Dans le cas d’un palier infiniment long supportant une charge P radiale appliquée sur l’axe en O', l’équation de base (26.29) devient en substituant des variables angulaires aux variables linéaires: 6 η Vr ( h – H ) dp ------ = ------------------------------dϕ h3
(26.32)
La figure 26.15 montre l’établissement du film d’huile dans un palier. En régime permanent l’axe de l’arbre prend la position O'. P
R e
a r
o
ϕ
h
o'
dϕ
ψ
P Fig. 26.15 Position de l’axe dans le coussinet. e = O O' = excentration de l’axe. hs = épaisseur minimale du film. a = jeu radial = R – r. R = rayon du coussinet. r = rayon de l’arbre. ψ = angle de calage. N = vitesse de rotation de l’arbre. pm = pression moyenne sur l’aire projetée.
Eléments de lubrification
461
En appliquant les conditions de Sommerfeld (palier complet) à l’équation (26.32) p(ϕ + 2π ) = p(ϕ)
quel que soit ϕ
et p = p0 pour ϕ = 0, on peut calculer tous les paramètres de fonctionnement du palier. L’étude de l’influence des paramètres de construction (charge, vitesse, viscosité, jeux) montre que le fonctionnement du palier dépend du nombre:
ηV r 2 S = -------- --- p a
(nombre de Sommerfeld)
(26.33)
Ce nombre caractérise le régime de fonctionnement du palier. La courbe de Stribeck, figure 26.16, présente la variation du coefficient de frottement en fonction µ
lubrification limite
lubrification mixte
point critique 0,001
régime hydrodynamique S
Fig. 26.16 Evolution du facteur de frottement en fonction du paramètre de Sommerfeld.
Fig. 26.17 Anneau de synchronisation : pignon balladeur et anneau de synchronisation (Renault).
462
Analyse et technologie des surfaces
de S. Elle met en évidence l’influence des paramètres de construction sur le régime de lubrification du point de vue frottement, ainsi que l’existence d’un point critique qui marque la transition entre le régime hydrodynamique et les régimes de lubrification mixte et limite. Dans ces régimes, la nature, les propriétés des couches superficielles des matériaux et la réactivité des lubrifiants influencent fortement le comportement général. La position du point critique est modifiée par l’état de surface des solides et par les triboréactions entre fluide et matériaux. La figure 26.17 présente un anneau de synchronisation dont le fonctionnement est basé sur le franchissement successif des différents régimes de lubrification. L’opération de synchronisation consiste à rompre le film hydrodynamique pour atteindre un frottement quasiment sec entre l’anneau et le pignon balladeur. 26.5.6 Equation de Reynolds généralisée Si on applique à un fluide newtonien compris entre deux surfaces courbes: • la loi de conservation de la masse, • la loi fondamentale de la dynamique, • la loi de conservation de l’énergie, • la loi de comportement rhéologique d’un fluide newtonien, on peut obtenir l’équation générale d’un film mince visqueux (fig. 26.18). Lorsque la vitesse d’une paroi est tangente à cette paroi W1 = 0 et que l’origine des axes est placée sur cette même paroi, on obtient en coordonnée cartésienne l’équation (26.34), qui met en évidence les divers effets agissant sur le film. ∂ h 3 ∂p ∂ h 3 ∂p ------ ρ ----- ------ + ----- ρ ----- ------ = ∂x η ∂x ∂y η ∂y ∂h ∂h + 6 ρ ( U 1 – U 2 ) ------ + 6 ρ ( V 1 – V 2 ) -----∂y ∂x
effet d’entraînement
∂ ∂ + 6h ------ [ ρ ( U 1 + U 2 ) ] + 6h ----- [ ρ ( V 1 + V 2 ) ] ∂y ∂x
effet d’étirement
+ 12 ρ W 2
effet d’écrasement
∂p + 12h -----∂t
compressibilité du fluide (26.34)
Le régime est hydrodynamique si le deuxième membre n’est pas nul. Si on applique les hypothèses de Reynolds à cette équation, on retrouve, dans le cas d’un écoulement bidimensionnel d’un fluide incompressible de viscosité constante, l’équation (26.26).
Eléments de lubrification z
463
z
W2
U2
V2
h U1
O
x
O
x
V2 y Fig. 26.18 Cas général de l’équation de Reynolds.
26.6 LUBRIFICATION ÉLASTOHYDRODYNAMIQUE 26.6.1 Introduction En régime de lubrification hydrodynamique et hydrostatique, les surfaces sont considérées comme indéformables et la viscosité indépendante de la pression. Ces hypothèses sont assez bien vérifiées dans les contacts surfaciques. Lorsqu’il s’agit de contacts linéiques ou ponctuels tels que ceux rencontrés dans les engrenages et les roulements, compte tenu des pressions de contact élevées, les surfaces se déforment et la viscosité croît: c’est le domaine de la lubrification élastohydrodynamique. L’étude de ce régime de lubrification met en jeu 5 types d’expressions: • expression des déformations élastiques concernant les surfaces en présence, • relations hydrodynamiques concernant l’écoulement du lubrifiant, • équations d’état du lubrifiant (compressibilité, variation de la viscosité en fonction de la température et de la pression...), • géométrie des surfaces en présence, • équations énergétiques. En première approche, on peut traiter le problème avec une exactitude suffisante en négligeant les effets énergétiques et en ne faisant pas intervenir l’influence des variations de température. L’équation d’état du lubrifiant se ramène alors uniquement à la relation viscosité-pression, qui est exponentielle. 26.6.2 Théorie hydrodynamique d’un contact linéique La géométrie est celle d’un cylindre sur un plan. Les solides sont considérés comme indéformables. Dans ces conditions, l’équation donnant l’épaisseur du film au voisinage du contact peut s’écrire (fig. 26.19): x2 h ≅ h 0 + ----2r
(26.35)
464
Analyse et technologie des surfaces
R x h
h0
ν
Fig. 26.19 Représentation schématique de l’épaisseur du film.
L’intégration de l’équation de Reynolds (26.29) avec cette géométrie dans le cas d’un fluide à viscosité constante donne: h–H dp ------ = 6 η U -----------dx h3
(26.36)
avec H, l’épaisseur du film pour la section où la pression du fluide est maximale. En posant x et p l’abscisse et la pression dimensionnées, on a: x x = ----------------2Rh 0
ph 02 p = ---------------------------6 η V 2Rh 0
et
Martin ([26.4]) obtient ainsi la variation de pression réduite dans le contact (fig. 26.20): x( 1 – x2 ) x --------------------– 0,152 p = 0,064 + 0,041arctgx – 0,112 -----------------( 1 + x2 )2 ( 1 – x2 )
(26.37)
L’épaisseur du film s’exprime dans ce cas par: h V ----0- = 2,428 ------FN R
(26.38)
variation de la pression en fonction de x
P 0,15 0,10 0,05 x
–4
–3
–2 –1 P h 02 P = ---------------------------------6 µ ( U ) 2Rh 0
0
1
x x = ----------------2Rh 0
Fig. 26.20 Variation de la pression réduite dans le contact d’après [26.4].
Eléments de lubrification
465
26.6.3 Equation de Reynolds – Théorie élastohydrodynamique approchée Pour un contact linéique infiniment long, et un fluide piézovisqueux tel que η = ηoeαp, l’équation de Reynolds s’écrit: dp h–H e –αp ------ = 6 η 0 U -----------dx h3 Si nous désignons par «pression réduite» la valeur p': p
1 1 – e –αp p' = – --- d( e –αp ) = ------------------α α
∫
h–H dp' -------- = 6 η U -----------dx h3
0
Pour p → 0 ou α → 0 1 – e –αp α p2 p' = ------------------- ≈ p – ---------α 2
(26.39)
ainsi p' tend vers p, si x ou p tendent vers 0. Dans la zone de contact, pressions et aires de contact sont hertziennes. Lorsque le fluide pénètre dans le contact, p devient très grand, et e–αp tend vers 0, donc p' ≈ 1/ α = cste et dp'/dx = 0. L’épaisseur du film est constante et h0 = H. Ceci implique que les parois du film sont parallèles donc pas d’effet hydrodynamique. La seule pression dans le film est la pression hertzienne. GRUBIN et ERTEL [26.5] ont donc considéré le régime de lubrification élastohydrodynamique comme la superposition de deux états: • Contact élastique statique: le cylindre s’aplatit d’une largeur 2b (Hertz). • Création du film élastohydrodynamique générant une translation h0 du cylindre. La forme du film est obtenue à partir des déplacements qui sont introduits par l’application des pressions elliptiques de Hertz à un contact linéique statique: x2 p = p 0 1 – ----2b
pour
x b
La pression hydrodynamique p devient très grande à l’entrée de la zone de Hertz donc p' la pression réduite sera en ce point égale à la valeur asymptotique 1 / α. La répartition des pressions dans le film est représentée par la figure 26.21. Avec ces hypothèses, Grubin obtient la valeur de l’épaisseur du film dans un contact de longueur l et de rayon équivalent R' = 1/R1 + 1/R2 : h αη 0 U 0,727 E'R'1 0,091 ----0- ≅ 1,13 -------------------------- R' FN R'
(26.40)
466
Analyse et technologie des surfaces pression
répartition des pressions elliptiques (Hertz)
pression hydrodynamique pression réduite q 1 q = --α –b
h0 0
x
b
Fig. 26.21 Répartition des pressions (d’après [26.5]).
26.6.4 Constriction de sortie Sur la plus grande partie du contact, les deux surfaces restent parallèles. A la sortie du film, il se produit des phénomènes complexes. Lorsqu’un élément d’huile approche de la sortie, le gradient de la distribution de pression hertzienne devient très grand:
Z
P
distribution de pression E.H.D.
distribution hertzienne de pression en statique R1
σH U1 huile h0
hmini
–1
x/b
+1 U2 2b
zone d’entrée (aspiration du film)
zone de Hertz (conduite du film)
R2 zone de sortie (détente du film)
Fig. 26.22 Lubrification élastohydrodynamique: cas de deux cylindres à axes parallèles (d’après [26.6]).
Eléments de lubrification
x x 2 –1 / 2 x 2 dp p = p 0 1 – ----2- ------ = – η 0 ----2- 1 – ----2- b b dx b
si
467
dp x → b ------ → ∞ dx
Ce gradient de pression a tendance à projeter le lubrifiant, ce qui conduirait à une discontinuité à l’extrémité du contact. Pour prévenir cela, il se produit un resserrement du film à la sortie. D’après la théorie de Ertel, cette réduction est d’environ 25% de l’épaisseur h0. DOWSON et HIGGINSON [26.6] ont effectué une étude systématique du problème et obtenu la solution exacte par méthode numérique. La répartition des pressions est proche de la distribution elliptique de Hertz et il existe un pic de pression à la sortie du film dont l’épaisseur minimale s’écrit:
η 0 U 0,2 E'1R' 0,73 h m ≅ 0,57 ( α E' ) 0,6 ----------- -------------- E'R' F N
(26.41)
La figure 26.22 représente schématiquement les résultats obtenus.
26.7 PALIERS POREUX 26.7.1 Introduction Les paliers en bois imprégnés d’huile sont les ancêtres des paliers poreux mais c’est le développement de la métallurgie des poudres qui a permis l’essor de ces derniers. Ils s’imposent en effet chaque fois que les paliers lisses hydrodynamiques ne peuvent être utilisés par manque de place et d’accessibilité pour la lubrification. C’est le cas notamment de nombreux appareils tels que: appareils ménagers, ventilateurs, démarreurs automobiles, pompes à eau, moteurs électriques, pistons d’amortisseurs automobiles, anneaux de synchronisation de boîtes de vitesse... 26.7.2 Fonctionnement des paliers poreux Les paliers poreux sont fabriqués selon les méthodes de frittage classiques. Les coussinets après frittage sont calibrés puis emplis d’huile par immersion ou par imprégnation sous vide. La porosité constitue de 15 à 40% du volume de la pièce. En pratique, il est possible d’imprégner jusqu’à 90 à 95% du vide théorique. Lorsque un arbre tourne dans un coussinet poreux, un film hydrodynamique s’établit. Une pression se crée dans la zone qui supporte la charge tandis qu’une dépression s’établit ailleurs. La résultante des forces générées par ces pressions équilibre la charge supportée par l’arbre. En cours de fonctionnement, la plus grande partie de l’huile circule autour de l’axe mais une certaine fraction est forcée à travers les pores du coussinet dans la zone en pression tandis qu’une autre partie est aspirée dans la zone en dépression. Il s’établit ainsi une circulation de fluide à travers les porosités du coussinet. Enfin
468
Analyse et technologie des surfaces
z
2π 0 H
π
O U O'
U w0
0 z (a)
2π
0
x
y x
H
(b)
Fig. 26.23 Palier poreux: (a) coupe transversale; (b) développée du palier.
une certaine quantité d’huile s’échappe latéralement, puis est ensuite réabsorbée dans la zone en dépression. Plus la porosité est faible, plus la charge portée est élevée. L’idéal serait d’avoir une bague pleine du côté pression et poreuse du côté dépression. Le rodage tend précisément à conduire à ce résultat si l’orientation de la charge reste constante. En effet, les contacts arbre sur coussinet bouchent localement les pores et diminuent la perméabilité en ces points. La fuite d’huile vers le coussinet diminue et par conséquent, la capacité de charge croît. 26.7.3 Théorie des paliers poreux Elle s’établit à partir de l’équation de Reynolds à trois dimensions (éq.(26.34)). ∂ ∂p ∂p ∂ dh ------ h 3 ------ + ----- h 3 ------ = 6 η U ------ + 2 ( w h – w 0 ) ∂y ∂x ∂y ∂x dx
(26.42)
où wx et w0 sont les vitesses du fluide dans la direction z. Si l’arbre est sans porosité, wh = 0. La vitesse d’écoulement du fluide à travers les pores au niveau de l’interface huile/fritté est donnée par la loi de Darcy: ∂p Φ w 0 = – ------ --- ∂z 0 η
(26.43)
où Φ désigne la perméabilité. Les matériaux habituellement utilisés ont une perméabilité comprise entre 10–14 et 2 · 10–13 m2. Si l’hypothèse du palier étroit est admise, le premier terme peut être négligé. De plus, la matrice poreuse étant montée dans une bague pleine, il n’y a évidemment aucun débit à l’interface matrice-bague: z = –H/∂ p/∂ z = 0. Dans la matrice poreuse elle-même, l’équation de continuité des débits est: ∂q ∂q ∂q -------x- + -------y- + --------z = 0 ∂x ∂y ∂z où qx, qy, qz sont donnés par la loi de Darcy.
(26.44)
Eléments de lubrification
469
En supposant une porosité homogène dans la matrice, Φ = cste, on obtient:
Φ ∂2 p ∂2 p ∂2 p – ---- --------2- + --------2- + --------2- = 0 η ∂x ∂y ∂z
(26.45)
La résolution donne le gradient de pression à l’interface huile/fritté. La pression à l’interface étant évidemment continue: ∂2 p/∂ x2 = 0. En supposant une solution de la forme: ∂p/∂z = C1 + C2, avec la condition aux limites: ∂p/∂z = 0 pour z = –H, on obtient l’équation (26.47) et sachant que h ne dépend pas de y, ∂2 p ∂2 p dh h 3 --------2- = 6 η U ------ – 12 Φ H --------2dx ∂y ∂z
(26.46)
θ 0'
e
0 r
R h
ψ
w Fig. 26.24 Palier poreux circulaire.
Dans le film d’huile compris entre la matrice et l’arbre, p ne dépend pas de x (palier court) ni de z (hypothèse 6: pression constante dans une section du film). L’intégration et la prise en compte des conditions aux limites (p = 0 pour y = ± L/2 et dp/dy = 0 pour y = 0) et en passant en coordonnées polaires: x = θ R et h = c (1 + ε cos θ) avec ε = e/c (fig. 26.24). 3 η U ε sin θ L2 ----p = ------------------------------------------------------------------------------– y 2 Rc 2 ( ( 1 + ε cos θ ) 3 + 12 ( H Φ /c 3 ) ) 4
(26.47)
La distribution de pression est parabolique dans la direction axiale y. Différemment des paliers hydrodynamiques classiques, pour les paliers poreux au démarrage, ε = 1 et θ = π, la pression p est nulle à cause du terme de perméabilité HΦ /c3. L’arbre tourne lentement, l’huile s’écoule dans la matrice poreuse. La vitesse augmentant, le débit d’huile vers la matrice s’accroît, la pression dans le film s’élève et finit par engendrer une force portante égale à la charge supportée par l’arbre. Le fonctionnement devient ainsi semblable à celui d’un palier classique.
470
Analyse et technologie des surfaces
26.7.4 Matériaux pour paliers poreux Les familles de matériaux les plus couramment utilisés dans les applications industrielles sont des frittés à base de fer ou de bronze. On y ajoute de nombreux éléments d’addition pour améliorer le frottement ou la résistance à l’usure dépendant des applications spécifiques (Graphite par exemple en présence d’eau). Les principales caractéristiques de ces alliages sont présentés dans le tableau 26.2. Tableau 26.2 Principaux alliages pour paliers poreux. Matériaux Alliage à base de bronze Alliages à base de fer
Taux d’usure [mm3 /N · m]
pVmax [Mpa · m/s]
pmax [MPa]
θmax [˚C]
Facteur de frottement µ
> 1,8–7
1,75
55
150
0,10
> 2,4–7
1
70
150
0,12
26.8 LUBRIFICATION LIMITE OU ONCTUEUSE Le frottement onctueux ou limite se produit lorsque les conditions de fonctionnement ne permettent pas l’établissement d’un film complet de lubrifiant et que les rugosités des surfaces sont amenées à supporter partiellement la charge. Par exemple lorsque la vitesse est trop faible, la charge trop élevée, la viscosité du lubrifiant insuffisante, l’état de surface des composants trop rugueux. Ces conditions peuvent apparaître dans les phases transitoires de démarrage, ou lors de surcharges occasionnelles. L’observation de l’évolution du frottement en fonction de paramètres tels que le paramètre de Sommerfeld permet de déterminer l’existence d’un point critique en deçà duquel les régimes de lubrification hydrodynamiques ne peuvent s’établir totalement. La courbe de la figure 26.16 dite courbe de Stribeck est une représentation typique de cette évolution. Dans ces conditions, les films réactifs ont un rôle déterminant que l’on renforce en ajoutant des additifs dans le lubrifiant. Les principaux additifs utilisés avec cet objectif sont: • Les additifs antiusure: il s’agit de composés organiques polaires dérivés de corps gras, alcools, esters, amines, amides et acides. Dans les engrenages, la composante antiusure est apportée par des composés phosphorés organiques ou inorganiques, les dithiophosphates de zinc par exemple. • Les additifs extrême-pression: ce sont le plus souvent des composés organiques soufrés renfermant une quantité de soufre actif. • Les additifs réducteurs de frottement: ce sont des composés polaires s’absorbant sur les surfaces métalliques pour former un film antifriction à faible résistance au cisaillement destiné à diminuer le facteur de frottement Les plus connus sont les dithiophosphates et les dithiocarmabates de molybdène.
Eléments de lubrification
471
• Les additifs modificateurs de frottement: ces produits sont destinés à éviter le frottement saccadé affectant les organes de frictions immergés dans l’huile tels que freins ou embrayages. Les composés les plus utilisés sont les phosphates d’alcool gras et les dérivés azotés de l’acide oléique (oléamides).
26.9 EXERCICES 26.9.1 Lubrification hydrostatique. La butée axiale d’une turbine à axe vertical (fig. 26.4) supporte une charge axiale W = 450 KN. Caractéristiques de la butée: R0 = 200 mm, R1 = 125 mm, Vitesse de rotation de l’arbre: 750 t/mn, rendement du circuit hydraulique, ℜ = 0,5. Caractéristiques du lubrifiant: η = 30 mPa · s, ρ = 0,86 Kg/dm3, Cp = 1,3 J/g/˚C. Déterminer la pression de pompage, le débit de fluide nécessaire, l’épaisseur optimale du film, la valeur du facteur de frottement, la puissance perdue par frottement, l’échauffement du fluide dans la butée. 26.9.2 Lubrification hydrodynamique. Un arbre tourne dans un palier à la vitesse de 3000 t/mn. Il supporte une charge de 500 daN. La longueur de palier est de 20 mm et son diamètre de 40 mm. Le jeu radial relatif a/R est de 10–3. En régime établi, la valeur du nombre de Sommerfeld est de 0,05. Calculer la viscosité du lubrifiant. Le facteur de frottement sur l’arbre déterminé à partir de mesures est de 1,2 × 10–2. Calculer le facteur de frottement à partir de la théorie de Petroff et commenter le résultat obtenu. Proposer un choix raisonné de matériaux pour l’arbre et le coussinet. 26.9.3 Lubrification élastohydrodynamique. Deux rouleaux d’acier de même rayon R1 = R2 = 100 mm et de longueur L = 100 mm sont en contact extérieur. Utilisant les données suivantes, déterminer l’épaisseur minimale de film lubrifiant: charge: 30 kN, E1 = E2 = 210 Gpa; ν1 = ν2 = 0,33; η0 = 27,6 mPas; coefficient de piézoviscosité: α = 14,5 (GPa)–1, V1 = V2 = 15 ms–1. Quelle rugosité préconisez-vous pour éviter qu’il n’y ait contact entre les cylindres?
26.10 BIBLIOGRAPHIE [26.1] [26.2] [26.3] [26.4] [26.5]
J. FRENE et al. Lubrification hydrodynamique, Eyrolles, Paris, 1990. B.J. HAMROCK, Fundamentals of Fluid Film Lubrication, McGraw-Hill, 1994. D. NICOLAS, Techniques de l’Ingénieur, B-5 325, Paris 1995. H.M. MARTIN, Lubrification of Gear Teeth, Engineering, London, 1976. A.N. GRUBIN, Fundamentals of the Hydrodynamic Theory of Heavily Loaded Cylindrical Surfaces, Moscow, 1949. [26.6] D. DOWSON et G.R. HIGGINSON, Elastohydrodynamic Lubrification, Pergamon Oxford, 1966.
Li 1s
3
4
Be 1s
Na 1s
12
Mg 2s
K 2p
20
Ca 2p
21
Sc 2p
22
Ti 2p
23
V 2p 24
Cr 2p
nombre atomique énergie de liaison du pic principal XPS, eV sensibilité XPS source Al K α 1486.6 eV transition Auger
AT
25
Mn 2p
EL v SA SAES LMM Ecin
Z
26
Fe 2p 27
Co 2p 28
Ni 2p 29
Cu 2p
énergie cinétique du pic principal Auger, eV valable pour XPS et AES
30
sensibilité du pic principal Auger (Ep = 5 keV)
pic principal du photoélectron volume atomique A/ρ en 10–6 m3 /mol
Zn 2p
B 1s 6
C 1s 7
N 1s 8
O 1s 9
F 1s
10
31.8
Ne 1s
He
Al 2p 14
Si 2p 15
P 2p 16
S 2p
17
Cl 2p
18
Ar 2p
31
Ga 2p 32
2p Ge 3/2 33
As 3d
34
Se 3d
35
Br 3d
36
Kr 3d
73 10.0 100 12.1 130 17.0 164 15.5 200 18.7 245 24.2 0.193 0.20 0.328 0.29 0.486 0.48 0.666 0.77 0.891 1.08 1.155 LMM 68 LMM 92 LMM 120 LMM 152 LMM 181 LMM 215
13
187 4.6 285 5.3 397 17.3 529 14 685 17.1 864 16.8 0.159 0.12 0.278 0.14 0.477 0.24 0.78 0.41 1.0 0.49 1.340 KLL 179 KLL 272 KLL 379 KLL 512 KLL 647 KLL 805
5
2
Rb 3d
38
Sr 3d
39
Y 3d
40
Zr 3d
41
Nb 3d 42
Mo 3d Tc 3d
Cs 3d
56
Ba 3d
57
La 3d
72
Hf 4f
73
Ta 4f 74
W 4f 75
Re 4f
44
Ru 3d 45
Rh 3d 46
Pd 3d 47
Ag 3d 48
Cd 3d 49
In 3d 50
Sn 3d
51
Sb 3d
52
Te 3d
53
I 3d
Fr 4f
76
Os 4f 77
Ir 4f 78
Pt 4f 79
Au 4f
89
Ac 4f
45 319 16.03 NOO
Ra 4f
299 15.02 NOO
88
Ce 3d 59
Pr 3d 60
Nd 3d 61
Pm 3d
Th 4f 91
Pa 4f 92
U 4f
333 19.9 360 15.0 381 12.5 12.73 0.29 10.32 0.45 OPP 65 OPP OPP 72
90
884 21.0 932 20.8 985 20.6 1034 8.808 0.07 7.627 0.057 5.671 0.048 4.597 MNN 594 MNN 555 MNN 730 MNN
58
Xe 3d
80
Hg 4f 81
Tl 4f
82
Pb 4f
83
Bi 4f
84
Po 4f
85
At 4f
Sm 3d 63
Eu 3d 64
Gd 4d 65
Tb 4d
66
Dy 4d
67
Ho 4d
68
Er 4d
69
Tm 4d
70
Yb 4d
71
Rn 4f
Lu 4d
238 13.109 NOO
86
1081 19.9 1136 28.9 1190 19.9 148 19.2 154 19.0 161 18.7 168 18.4 180 18.1 184 24.8 195 17.8 6.02 0.034 2.467 0.030 1.873 0.028 2.477 0.027 2.474 0.028 2.47 0.031 2.463 0.037 2.454 0.043 2.451 0.053 2.441 0.064 MNN 814 MNN 858 MNN 895 MNN1073 MNN1126 MNN1175 MNN1393 MNN 180 MNN1514 MNN1573
62
Annexe 1 Tableau périodique des éléments. Energies et sensibilités des photoélectrons et électrons Auger.
facteurs de sensibilité XPS selon Scofield: F1s: 1.0 facteurs de sensibilité AES pour le CMA: réf. Physical Electronics, Eden Prairie (1992) – Logiciel MT 5.1 C adapté à Ag MNN: 1.0
268 14.085 NOO
87
54
280 8.3 307 8.3 335 8.9 368 10.3 405 13.1 444 15.7 485 16.3 528 18.4 573 20.5 618 25.7 670 42.9 4.273 0.52 4.822 0.69 5.356 0.92 5.987 1.0 6.623 1.02 7.265 51.0 7.875 0.93 8.627 0.67 9.508 0.48 10.34 0.35 11.07 0.25 MNN 273 MNN 302 MNN 330 MNN 356 LMM 405 MNN 404 MNN 430 MNN 454 MNN 483 MNN 511 MNN 532
723 70 781 39 836 22.5 14 13.6 22 10.9 31 9.53 40 8.85 51 8.43 61 8.54 71 9.10 84 10.2 100 14.8 118 17.2 137 18.3 157 21.3 184 22.7 210 5.021 0.047 5.575 0.29 6.250 0.35 6.915 0.031 8.394 0.43 8.329 0.41 9.140 0.38 11.013 11.74 0.18 12.45 0.12 9.122 0.91 2.639 0.15 3.082 0.14 3.523 0.12 3.961 0.10 4.461 12.074 NOO 54 NOO 7 NOO 6.032 56 MNN 584 MNN 625 NNN 18 NNN 179 NNN 17 NNN 176 NNN 6 NOO 6 NOO 8 NOO 9 NOO 10 NOO NOO
55
112 55.9 134 33.7 156 19.8 179 14.1 202 10.8 228 9.4 253 1.542 0.054 1.843 0.04 2.175 0.11 2.576 0.16 2.921 0.22 3.321 0.29 3.776 MNN 76 MNN 110 MNN 127 MNN 147 MNN 167 MNN 186
37
293 45.3 346 29.9 399 15.0 454 10.6 512 8.35 574 7.23 639 7.39 707 7.1 778 6.7 853 6.6 933 7.1 1022 9.2 1116 11.8 1217 13.6 41 13.1 57 16.5 69 23.5 89 32.2 1.466 0.93 1.833 0.41 1.875 0.29 2.001 0.35 2.116 0.39 2.427 0.32 2.659 0.25 2.957 0.23 3.59 0.24 4.044 0.28 5.321 0.24 5.589 0.20 5.581 0.16 3.457 0.13 0.677 0.12 0.853 0.095 1.053 0.077 1.287 KLL 252 LMM 291 LMM 340 LMM 418 LMM 573 LMM 529 LMM 589 LMM 703 LMM 775 LMM 848 LMM 916 LMM 994 LMM1070 LMM1147 LMM1228 MNN 43 MNN 55 MNN 53
19
1072 23.7 9.0 14.0 1.685 0.26 0.252 0.13 KLL 990 KLL 1186
11
55 13.1 111 5.0 0.025 0.16 0.074 0.10 KLL 43 KLL 104
14.1
H
1
élément
ANNEXE 1
ANNEXE 2
LISTE DES ACRONYMES
ABS AES AFM ASW CPD CVD DC EL ELL ELS EELS EFM EM ES ESCA ESDI ESDN ESR EXAFS FAB FD FDM FEM FIM FTIR GDMS GDOES HEED IMMA INS ISS LAMMA LEED LFM LMP MALDI
Acrilo-Butadiène-Styrène Auger Electron Spectroscopy Atomic Force Microscopy Acoustic SurfaceWave Microscopy Contact Potential Difference Chemical Vapor Deposition Direct Current Electroluminiscence Ellipsometry Electron Loss Spectroscopy Electron Energy Loss Spectroscopy Electrostatic Force Microscopy Electron Microprobe Emission Spectroscopy Electron Spectroscopy for Chemical Analysis Electron Stimulated Desorption of Ions Electron Stimulated Desorption of Neutrals Electron Spin Resonance Extended X-ray Absorption Fine Structure Fast Atom Bombardment Flash Desorption Field Desorption Microscopy Field Emission Microscopy Field Ion Micoroscopy Fourier Transform IR Spectroscopy Glow Discharge Mass Spectroscopy Glow Discharge Optical Emission Spectroscopy High Energy Electron Diffraction Ion Microprobe Mass Analysis Ion Neutralisation Spectroscopy Ion Scattering Spectroscopy Laser Microprobe Mass Analysis Low Energy Electron Diffraction Lateral Force Microscopy Laser Microprobe Matrix Assisted Laser Desorption Ionization
476
MFM MOSFET MOSS NF NIRS NMR NRA PACVD PE PIC PIXE PS PTFE PVA PVC PVD Raman RBS RF RHEED RTP SAM SAM SC SCE SCM SEXAFS SEM SPM STEM STM SFM SICM SIMS SIRIMP SNMS SNOM SNTM SSIMS TE TIM ToF-SIMS TT UHV UPS XPS XAES
Analyse et technologie des surfaces
Magnetic Force Microscopy Metal Oxide Semiconductor Field Effect Transistor Mössbauer Spectroscopy Norme Française Neutral Impact Radiation Spectroscopy Nuclear Magnetic Resonance Nuclear Reaction Analysis Plasma Assisted (Enhanced) Chemical Vapor Deposition Polyéthylène Pressage Isostatique à Chaud Proton Induced X-ray Emission Polystyrène PolyTetraFluorEthylène PolyVinylAcetate PolyVinyl Chloride Physical Vapor Deposition Raman Spectroscopy Rutherford Backscattering Spectroscopy Radiofréquence Reflection High Energy Electron Spectroscopy Rapid Thermal Processing Scanning Auger Microscopy Scanning Acoustic Microscopy Surface Capacitance Standard Calomel Elecrode Scanning Capacitance Microscopy Surface Extended X-ray Absorption Fine Structure Scanning Electron Microscopy Scanning Probe Microscopy Scanning Transmission Electron Spectroscopy Scanning Tunneling Microscope Scanning Force Microscopy Scanning Ion Conductance Microscopy Secondary Ion Mass Spectrosmetry Sputter-initiated Resonance Ionization Microprobe Secondary Neutral Mass Spectrometry Scanning Near Field Optical Microscopy Scanning Near Field Thermal Microscopy Static Secondary IonMass Spectrometry Temperature Induced Emission Transport of Ions in Matter Time-of-Flight Secondary Ion Mass Spectrometry Traitements Thermiques Ultra High Vacuum Ultraviolet Photoelectron Spectroscopy X-ray Photoelectron Spectroscopy X-ray induced Auger Electron Spectroscopy
ANNEXE 3
LISTE DES SYMBOLES
A.3.1 Variables a a A A' AA, M c c cA cA, bulk cA, surf cA, ox cmin C cds cg
cs cσ c*
d d' D
épaisseur d’une monocouche 1/2 largeur d’un contact [m] masse atomique ou moléculaire aire analysée exposant du courant de décharge lumineuse (SDL et GDOES) concentration atomique capacité calorifique [J/kg K] concentration atomique de l’élément A dans le volume analysé concentration atomique dans le volume (bulk) concentration en surface concentration dans la couche d’oxyde concentration limite détectable capacité thermique locale coefficient d’entraînement d’une poussière concentration d’oxygène dans la phase gazeuse (à l’entrée de l’alimentation de gaz concentration d’oxygène à la surface concentration d’oxygène à la surface du solide concentration d’équilibre dans le solide en échange avec la pression de gaz dans le volume espace interatomique distance constante de diffusion
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D' D(E) dp E E E' E EA Ecin EFermi Eion E0 Ie Ii Ij EF EL FN Ep Epass EV EX, EY EXYZ
EW fA fM(U) δT/δn FT Fd Fg
Analyse et technologie des surfaces
dose ionique [ions/aire] facteur tenant compte de l’efficacité du multiplicateur des électrons diamètre du faisceau primaire (AES) module d’élasticité [Pa] énergie dissipée dans le contact [W] 1–ν 1–ν 1 module d’élasticité équivalent ----- = -------------1- + -------------2- [Pa–1] E1 E2 E' vecteur de champ électrique affinité d’électrons énergie cinétique énergie de Fermi énergie primaire des ions chaleur de sublimation du matériau pulvérisé courant d’émission d’électrons courant dû au flux des ions de l’espèce pulvérisante i courant dû au flux des ions de l’espèce j non pulvérisante effusivité [J/m2Ks1/2] énergie de liaison force normale appliquée au contact [N] énergie cinétique de l’électron primaire énergie de passage énergie du niveau de valence niveaux d’énergie X, Y, ... énergie cinétique d’un pic Auger pour une transition X-Y-Z, i.e. KLL, LMM ou MNN énergie d’ionisation du niveau de cœur abondance isotopique de l’élément A polynôme de degré 1-3 en fonction de la matrice M et de la tension U du plasma (SDL et GDOES) gradient de température normale à la surface force tangentielle [N] force d’entraînement exercée sur la poussière (force aérodynamique) force de gravitation exercée sur la poussière
Annexes
Ff G HV H Vij H HB hT I I IA IA,M I0, Ip Ii IM IRX I A± J jQ JB J1 ji K, L, M K' k K K1C k k ki kr kλ
force de frottement exercée sur la poussière E module de cisaillement: G = -------------------- [Pa] 2(1 + ν) enthalpie molaire d’évaporation enthalpie libre de formation du composé ij dureté dureté Brinell coefficient de transfert de chaleur local courant tunnel intensité intensité de l’élément A pur (AES, XPS et SIMS) intensité de l’élément A dans une matrice M (SDL et GDOES) courant primaire contribution des ions de gaz pulvérisant au courant total courant de rétrodiffusion provoqué par les atomes de la matrice M intensité du flux de rayons X à la profondeur z courant ionique secondaire mesuré nombre quantique orbital flux de chaleur [J/sec m2] fonction de Bessel flux de molécules d’oxygène vers la surface densité de courant des ions niveaux d’énergie de liaison des électrons facteur de matrice, fonction de rM, λ et de c taux d’usure [mm3/N · m] coefficient d’usure de Archard ténacité [Mpa · m1/2] coefficient d’absorption de la lumière vecteur de la propagation de la lumière 1–ν module réduit de Hertz: k i = -------------i [Pa–1] πEi facteur de matrice facteur de matrice
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kc l le l0 l1, l2 lfilm L