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THEOLOGIE
HISTORIQUE
COLLECTION FormEE PAR JEAN DANIELOU DIRIGEE PAR CHARLES KANNENGIESSER
52 SOPHRONE DE JeRUSALEM VIE MONASTIQUE ET CONFES S ION DOGMATIQUE
par
CHRISTOPH
von
SCHONBORN
THEOLOGI E HI STORIQUE -
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LE MONDE ET L'.ECLISE SELON MAXIME LE CONFESSEUR par
DE
L'AGONIE DU CHRIST LA LIBERT:E HUMAINE DU FILS DE DIEU ET SON IMPORTANCE SOT:ERIOLOGIQ1!.E MISES EN LUMIERE PAR SAINT MAXIME LE CONFESSEUR
par
ALAIN RIOU
PREFA CE Dr; M.J . lJE GUlLLOU THEOLOGIE Hl STORIQUE -
THEOLOGIE
FRANyOIS-MARIE LETHEL
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PREFACE DE M.J . LE GUILLOU
MAXIME LE CONFESSEUR LA C H AR IT E AVENIR DIVI N DE I.'HOMME
par
JUAN MI GUEL GARRIGUES
PREFACE DE M.J . LE GUlLLOU THEOLOGIE HISTORIQUE -
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EDITIONS BEAUCHESNE PARIS
PREFACE REDECOUVERTE DE LA CHRISTOLOGIE
La Christologie doit etre pensee non seulement en fonction du Condie de Chalcedoine (451), mais plus encore sur l'horizon des Conciles qui l'ont suivi, et particulierement du Condie de Constantinople III (681), ectaire lui-meme par le Condie de Latran de 649. En soulignant cette necessite, la these de F.M. Lethel apporte une piece capitale au debet contemporain sur 10 Christologie. Je voudrais d'abord preciser Ie sens de cet apport, et ensuite presenter la recherche qui a permis de parvenir a un tel resultat.
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Pour tous renseignements concernant nos publications s'adresser au service documentation EDI110NS BBAUCHESNE 72, rue des Saints-Peres, 75007 PARIS Tous droits de traduction, de reproduction ou d'adaptation en quelque langue et de quelque [aeon que ce soit reserves pour tous pays. © 1979 by EDITIONS BEAUCHESNE
Le travail de F.M. Lethel nous invite a redecouvrir la signification profonde et l'originalite des affirmations dogmatiques du vtr stede concernant les deux volontes du Christ. Et des tors, iJ semble necessaire de reviser completement l'opinion courante selon laquelle ces affirmations ne seraient qu 'un simple prolongement du dogme de Chalcedoine. Trop souvent, en effet, on n'a vu dans l'affirmation des deux volontes qu'une consequence, assez secondaire. de l'affirmation des deux natures. Or, il s'agit de tout autre chose. Ce qui est au centre de la controverse monothelite, ce n'est pas d'abord une discussion sur les natures et leurs proprietes respectives, mais bien plut(jt l'interpretation d'un evenement majeur de la vie du Christ: l'Agonie. C'est ta, dans la priere de Jesus d Gethsemani, que so volonti humaine est consideree concretement, dons un acte libre d'une portee decisive pour notre salut. Ainsi, te grand dibat christologique du VII' steele a fondamentaiement pour objet /Q libeti humaine de Jesus, manifestee dans son histoire.
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THEOLOGlE DE L' AGONIE DU CHRIST
A partir du recit de l'Agonie, le monothelisme a pose en profondeur Ie probleme de cette liberte humaine, sous 10 forme d'une « mise en question » d 10 fois nouvelle et radicale. C'est en considerant Ie meme even ement de 10 vie du Christ que Maxime devait resoudre ce probleme, en mettant en pleine lumiere, non seulement la realite de la liberte humaine du Christ, mais encore son role capital pour notre salut. Alors, en effet, ce que le libre consentement, Ie « fiat» de Jesus a Gethsemani revele d Maxime, c 'est que notre salut a etc voulu humainement par une Per sonne Divine. Tel est Ie point precis qui va se trouver au centre des affirmations dogmatiques de I'Egfise contre Ie monothelisme. Plutot que du dogme des deux volontes, on devrait parler du dogme de la deuxieme volonte, 10 volonte humaine du Christ (so premiere volonte, divine, n 'etant jamais serieusement mise en cause au VI!' steele). Plus exactement encore, il s 'aglt du dogme de 10 liberte humaine du Christ. En voyant dans la fibre acceptation de 10 coupe un acte de volonte pleinement humain, Maxime comprend ce que signifie en verite l'obeissance du Christ, obeissance « jusqu'a 10 mort et 10 mort de 10 Croix» (Phil. 2/8). L 'obeissance exprime par excellence i 'attitude humaine du Fils al'egard de son Pere. E/ Maxime tient avec 10 meme fermete tous tes termes d'un paradoxe inout : il s'agit, dans l'ordre de la liberte et devant la mort, du comportement pleinement humain d'une Per sonne Divine. II faut remarquer ce propos que 10 decouverte de 10 liberte humaine de Jesus prend tout son sens dan s fa christologie de Maxime parce qu 'elle vient completer les grandes affirmations dogmatiques des siecles precedents, sans jamais les remettre en cause. La lecture historique du Mystere, centree sur l'acte fibre de Jesus a Gethsemani, s'articule sur la lecture ontologique garantie par Chalcedoine : une personne, deux natures, car Ie fondement de cette liberte contemplee dans {,histoire se trouve dans fa nature humaine assumee par Ie Verbe. Tenus avec une egale fermete, tous les elements du dogme trinitaire et christologique maintiennent I'intelligence du theologien dans une tension crucijiante, mais extraordinairement feconde. En empechant tout retrecissement, tout ecrasement, toute reduction du Mystere, cette tension ouvre la voie a I'approfondissement et a la recherche. D'abord. Ie dogme trinitaire, tel qu'i! a ete explicite au lV'sieele,
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PREFACE
demande au theologien de maintenir dans toute sa rigueur l'affirmation de la consubstantialite et de la stricte egalite des trois Personnes Divines. 1Iy a done une seule volonte divine commune aux trois Personnes .. par rapport d notre salut, il faut dire que le Pere, le Fils et Ie Saint-Esprit ont une seule et meme eudokia, volonte bienveillante absolument fibre. A ce plan de la volonte divine, il n y a, aproprement parler, ni obeissance, ni soumission du Fils au Pete .. certes, le dogme trinitaire maintient l'ordre des Personnes, mais il exclut toute forme de subordinatianisme. La volonte du Pere, c'est egalement et meme identiquement celle du Fils comme Dieu, et Maxime exprime parfaitement le « comportement divin » du Fils en disant qu'il est suneudokon, ayant avec le Pere et le Saint-Esprit fa meme volonte bienveillante de notre salut. Mais ensuite, Ie dogme de Chalcedoine demande de tenir aussi fermement, d propos du Christ, d'une part la distinction entre ce qui est divin et ce qui est humain, et d 'autre part l'unite de 10 Personne, du sujet. La volonte humaine du Christ doit done etre nettement distinguee de so volonte divine, mais il faut dire en meme temps qu 'elle est 10 volonte humaine d'une Personne Divine. Tout ceci permet d'affirmer que 10 christologie de Maxime presente un grand interet pour aujourd'hui ,. elle invite engager un dialogue fratemel et constructif avec les christologies contemporaines. En particulier, on doit se rejouir en constatant que 10 liberte humaine du Christ, consideree concretement dans l'histoire, est au coeur des recherches actuelles. Mais l'afflrmation de cette liberte humaine n 'est pas toujours correctement articulee, integree dans l'ensemble du Mystere. Ainsi, envisagee comme 10 liberte d'une personne humaine, 10 liberte humaine du Christ perd toute son importance soterioiogique : c'est Id une premiere facon de reduire Ie Mystere, d'el'acuer Ie paradoxe. De meme, lorsqu'on voi/ dans I'obeissonce un comportement divin du Fils - ce qui est assezfrequent aujourd'hui - on opere une reduction . aussi grave. On pou"ait meme parler a ce propos d'un nouveau monothelisme, puisque la volonte dil'ine du Christ n'est pas distinguee.de sa l'olonte humaine ,. mais alors, contrairement a ce qui se passait dans I'ancien monothelisme, cela se produit maintenant au detriment de la volonte di\tine. qui se trou,re en qu~/qw
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THEOLOGIE DE L'AGONIE DU CHRIST
PREFACE
sort~« ~umanisee », On remarque d'ailleurs, en dehors de ce cas ~rtl~"er, une tendance assez generate d « humaniser » la Divinite, bien III~tree par les theologies de la « souffrance de Dieu », Or, I~ Iaut Ie rappeler avec force, et Maxime nous y invite: il
'L'avaient vu. . Des lors, la direction de la recherche peut se preciser : c'est
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.n,!.a.. nl so~f!ra~e divine.ini obeissance divine, ni meme histoire d!!!!!e, mats IIy a tres reellement sou/france humaine, obeissance ~u",-~ne-et histoire humaine d 'une Personne Divine : Ie Fils income. Sans doute, l'obeissance du Christ a un mode, une « to~rn~re » (trop?s) per~onnel/e,absolumentinoute, puisqu'elle est I a.ttltude du Fils, mats el/e n en reste pas moins pleinement humaine selon sa realite essentiel/e (logos),
••• La these de F.M. Lethel, qui aboutit aux resultats dont je viens de parler se p,:esente sous une forme breve et quelque peu austere. Le.sou~I majeur de l'auteur a eM la clarte, afin que son travail PUISS~ ~tre Ie plus facilement verifie, et eventuellement corrige. AussI~ II me semble necessaire de montrer quels ont eM l'axe et Ie c~emmement de cette recherche, car il n 'etait pas facile de parventr d u~ tel centre de perspectives ,. de serieuses apparences s'y opposatent, . L 'une des premieres et principales difficultes vient des categones employees par Maxime au sujet de la volonte humaine dans certaines de ses oeuvres: la distinction entre volonte naturel/e et vol~te gnomique. Le fait qu 'il attribue la premiere au Christ et non la-seconde, a sou vent donne l'impression que pour lui 10 volonte humaine du Seigneur est une simple «volonte de nature» et non une volonte libre. Cette impression vient probablement de ce que l'on projette sur les categories de Maxime 10 distinction scolastiqueentre « voluntas ut natura» et « voluntas J!! rati? >~• .Alors, 10 I~berte humaine du Christ devient completement invISible,. et meme apparemment, Maxime la nie ! , II ajallu attendre !.!!..!em arq!Jable these de .M. Doucet pOur que ~ette apparence puisse etre definitivement depassee, c'est-d-dire pour que '!-.caractere essentiel/ement humain du « fiat» de Jesus 0, Gethsemani, acte libre par excellence, soil c1airement reconnu.
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(e ela, ni H. Urs von Balthasar, ni A. Riou, ni J.M. Garrigues ne
dans les textes sur l'Agonie que 10 pensee la plus complete et 10 plus profonde de Maxime concernant la volonte humaine du Christ doit se reveler. L 'etude attentive de res textes fait apparaitre l'importance toute speciale du premier en date, l'Opuscule 6. Compose vers 641, ce brefecrit correspond a la decouverte de la liberte humaine du Christ, et il s'acheve par I'elaboration de la formule qui sera canonisee au Condie de Latran de 649. Mais en meme temps, cet Opuscule surl'Agonie se presente comme une relecture et une reinterpretation d'un texte particulierement difficile de saint Gregoire de Nazianze. Or, iI est manifeste que Maxime repond a un probleme pose par Ie monothelisme et que Ie texte de Gregoire a deja eM relu et reinterprete dans un sens monothelite. Ceci conduit F.M. Lethel a reconnoitre I'importance toute speciale du Psephos promulgue par Ie Patriarche Serge de Constantinople en 633. Le grand probleme mono. thelite, seulement latent dans Ie texte de Gregoire, est clairement pose, de facon puissante et geniale, dans Ie Psephos ,. et ce probleme, c'est precisement celui de la liberte humaine du Christ, consideree dans l'Agonie. Le texte de Gregoire de Nazianze, Ie Psephos de Serge et I'Opuscule 6 de Maxime sont les pieces majeures qui permettent d'atteindre Ie centre de perspective de la controverse monothelite, et done des affirmations dogmatiques de l'Eglise au VI/' siecle. A partir de ce centre, iI semble possible de voir clair dans tout un ensemble fort eomplexe. D'abord, Ie Psephos revele une forme nouvelle et tout djait originale de monothelisme. En particulier, ce « monothelisme byzantin » est essentiellement different du monothelisme monophysite, dejd bien atteste chez les grands monophysites du vr siede. Mais, tres tot, l'originalite theologique de ce monothelisme byzantin n 'apparaitra plus ; iI sera comme noye, submerge, dans un ensemble ideologique assez informe que F.M. Lethel appelle «monothelisme vulgaire 01.1 de propagande ». En ce qui concerne Ie rilOnothelisme, cet ecrasement des perspectives est dejd net en 645, dans la Dispute avec pyrrhus. Finalement, on 'Ie verra dans Ie monothelisme qu 'un simple prolongement du
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monophysisme ; et comme Serge avait en vue l'union avec les monophysites, cette apparence sera encore renforcee. Or, if est manifeste que les Peres du VI' Condie Oecumenique \ (68/) n 'ont pas reussi a depasser cette apparence : its n 'ont plus 1 saisi I'originalite profonde de la controverse monothelite par rapI port aux controverses monophysites des steeles precedents. Nous en avons une double preuve. D'abord, la formulation dogmatique ne montre plus l'originalite ni la nouveaute de l'affirmation des deux volontes par rapport a l'affirmation des deux natures. Ensuite, if y a la condamnation du Pape Honorius Ier, a cause de - sa p hrase malheureuse : « nous confessons une seule volonte de - - Notre-Seigneur Jesus-Christ », ecrite pres d'un demi-siecle auparavant (634). Pour les Peres du VI' Concile, il etait evident que celui qui confessait deux natures aurait dfl necessairement confesser aussi deux volontes ! La condamnation du Pape repose done sur un malentendu, car tel n'etait pas du tout Ie probleme devant lequel Honorius s'etait trouve soudain confronte en lisant Ie Psephos de Serge. La reaction d'Honorius montre simplement la profondeur et la nouveaute du probleme pose. D'ailleurs, fait remarquable, ala meme date Maxime lui-meme n'a pas reagi autrement. La solution, dans l'Opuscule 6, n'est venue qu'apres la mort d'Honorius, mais Maxime n'a jamais cesse de defendre sa memoire, en interpretant de facon bienveillante et orthodoxe sa formule malr heureuse. Et de la meme maniere, Ie Condie de Latran de 649, , dont les textes dogmatiques montrent clairement l'originalite de I'affirmation des deux volontes par rapport au dogme de Chalce\ doine, n'a pas condamne Honorius. , En terminant, je voudrais dire que cette these nous invite a relire attentivement une importante page de l'histoire de l'Eglise, une page la fois dramatique et tres belle, toute illuminee par Ie Mystere de la Croix. La controverse monothelite se deroule dans un monde en plein bouleversement, au moment ou l'empire chretien est gravement "menace par les Perses, puis par les Musulmans. L 'Eglise est dans le monde, et tout Ie drame qu 'elle vit au VI/' siecle est en relation 'etroite avec ces problemes politiques. La grande difficulte soulevee par Serge en 633 va d'abord laisser toute l'Egiise dans l'hesitation. Ceite periode de flottement est
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PREFACE
THEOLOGIE DE L'AGONIE DU CHRIST
bien illustree par Honorius. II faut attendre 64/ pour que !o iumiere se fasse avec Maxime :' la liberte humaine du Chnst contemptee dans Ie « fiat» de'l'Agonie, Mais ,alors, n 'ayant plus qu 'Un interet politique, Ie monothelisme va rap/dem~nt se ~egrader en ideologie, avec en sa faveur toute la puissance /mpena!e. Face cela, l'Eglise va ressaisir la decouverte .theolog/que de Maxime au plan dogmatique .. et des lors, Ie d~tm de theologien va se trouver assode acelui du Pape Mart/,n, Ier, d abord au Condie de 649 dans la mise au point de la defimtlOn, et plus lar~~ dans la confession et le martyre. Concretemenl~_ '" . ciogm~ de .tal liberte humaine du Christ s 'est inscrit dans la v/e. de 1 EgllSe) confmeetan1 egalement I'affirmation herotque de ~a Itbe'!e aelle, en face du pouvoir imperial, et cela dans 1 expenence d
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I'Agonie. , Ainsi le martyre de Martin Ier et de Maxime montre de facon particulierement belle quelle est la vraie logique d~ dogme dans l'Eglise ..c'est une logique d'amour, c~lIe du temOlgnage rendu a la Verite jusau'au don de sa propre VIe. M.J, LE GUILLOU.
TABLE DES MATIERES
PREFACE.... .... .......... ...... ..... .... ..... . ..... ...
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BIBLIOGRAPHIE
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INTRODUCTION
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Premiere partie LE MONOTHELISME BrzANTlN
Chapitre premier.
UN TEXTE CRUCIAL DE SAINT GREGOIRE DE NAZIANZE SUR LA VOLONTE DU CHRlST .,.
I. Texte
II. Les problemes poses 1. Une volonte du Christ 2. Alterite et contrariete 3. L'interpretation des paroles de Jesus Chapitre II.
~
....
29 29 31 31 33 34
LE PsEPHOS DU PATRIARCHE SERGE (JUIN
633)
I. Texte
II . Commentaire A. Hypothese des deux volontes du Christ au moment de l'agonie B. Reduction au principe de non-contradiction C. Negation de l'hypothese : le refus de la Passion n 'est pas une vraie volonte humaine mais seulement « mouvement nature! de fa chair» .. III. Les consequences du Psephos A. L 'approbation d'Honorius (debut 634) B. L 'Ecthese de 638 .. .. .. .. . . . .. .. .. .. .. .. . .. . .. .
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THEOLOGIE DE L'AGONIE DU CHRIST
Chapitre III DE LA
AUTRE 1
VO~ONTE HUM~:~:%~~~: D:E ~~~~~~~.~I~ ~I~~
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Seconde partie MAXlME LE CONFESSEUR
BIBLIOGRAPHIE SOMMAlRE
Chapitre premier, L'APPROBATlON DU PSEPHOS (FIN 633 DEBUT 634) .. .. . ... .. ... ... .. . .. .. . ... .. ... .... .. Chapitre II. LES APPROCHES DU PROBLEME l. La premiere affirmation de la volonte h'" : : : 'd' . Christ (634-640) c umame u A. Opuscule 4 . B. Opuscule 20 ' . II. Fon?e~ent ontol~~i~~'~ ': '"
'"
la dlstmction nature/hypostase ... .. ...... . ... .
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A. Presentatio~' d~ i~ 'ih~;~ -';'~~~th~iit B. There de Maxime e c. Confirmation de 10' th~;~ D. Conclusion synthetique . : : : : : : : : : : : :
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Chapitre III. LA SOLUTION (VERS 641) I. Texte de l'Opuscule 6 II. Commentaire
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Epilogue LE DOGME DE LA LlBERTE HUMAINE DU CHRIST I. La Definition .
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II. La Confession .. ... .. . . •
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Annexes I. Trois grands textes de Maxime sur l'Ag . J.._ ' entre 642 et 646 onre, ecnts
II.
~~ t~~~~eme de';~ .~~.~;,~: '~~~I~~ . , ~:~~~~~~~ ••
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Les theses recentes sur Maxime contenant de bonnes bibliographies, il nous a paru inutile, dans Ie cadre de ce travail, d'en etablir une autre. Nous renvoyons celles de A. Rrou et de J.M. GARRIGUES. Nous nous contentons de rnent ionner ici quelques ouvrages que nous avons particuIierement utilises .
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SAINTMAXIME LECONFESSEUR, Oeuvres, (Patrologie Grecque de Migne, vol. 90 et 91 , Paris , 1860). M . DoUCET, La Dispute de Maxime le Confesseur avec Pyrrhus, Introduction, texte critique, traduction et notes (these dactylographiee, Montreal 1972). H. URS VON BALTHASAR, Liturgie Cosm ique (paris, Aubier 1947) J.M. GARRIGUES, Maxime le Confesseur, la charite avenir divin de I'homme (Theologie Historique 38), Paris, Beauchesne, 1976 J.M. GARRIGUES, « La Personne composee du Christ d'apres saint Maxime » (Revue Thomiste, avril-juin 1974 p . 181-204) . J.M . GARRIGUES, Le martyre de Saint Maxime le Confesseur (Re1'Ue Thomiste, 1976 n° 3 p. 410-452) . R .A. GAUTHIER, « Saint Maxirne Ie Confesseur et la psychologic de I'acte humain » (Recherches de theoiogie ancienne et medievale 21, 1954, p .51-H)(» . J. LEBON , La christologie du monophysisme syrien (dans Das Konzil l'on Chalkedon, t. I, p. 425-580). Ch. MOELLER, Le chalcedonisme et Ie neo-chalcedonisme en Orient de 451 d 10 fin du vts siecle (Das Konzil von Chalkedon, I, p. 637-720). H. RAHNER, L 'Eglise et l'Etat dans te christianisme primitif(Paris 1964). A. RIOU, Le Monde et I'Eglise seton Maxime le Confesseur (Theologie Historique 22), Paris, Beauchesne, 1973. P. SHERWOOD, An annotated date-list of the works of Maximus the Confessor (Studio An.selmiana }O. Rome \952). P. SHERWOOD en collaboration avec F .X. Ml~llP"Y. ~ ~ n~ III (Histoire des Con dies Oecumeniques, t. 3, Paris, Orante, 1973). Ch. VON SCHONBORN, Sophrone de Jerusalem (Theologie Historique 20), Paris Beauchesne 1972. Ch. VON SCHONBORN, L 'Icone du Christ (Editions universitaires, Fribourg Suisse 1976) .
INTRODUCTION
Le recit evangelique de l' Agonie du Christ revele que notre salut a ete voulu humainement par une Personne divine. Telle est la grande decouverte christologique de Saint Maxime Ie Confesseur, celie qui constitue son apport proprement dogmatique car, en elle, l'Eglise a solennellement reconnu l'expression de sa Foi. La volonte divine par laquelle Ie Fils de Dieu a voulu notre salut avait ete definitivernent mise en lurniere par les Peres du IV' siecle. Us avaient rnontre que cette volonte ne lui appartient pas en propre mais qu'il la possede en commun avec Ie Pere et Ie Saint-Esprit. Contre les ariens, ils affirmaient que les trois Personnes consubstantielles n'ont qu'une seule volonte divine. A cette doctrine devenue la Foi de toute l'Eglise, Maxime apportait un complement capital trois siecles plus tard en montrant que notre salut n'est pas seulement voulu en commun par les trois Personnes selon I'unique volonte divine, mais qu'iI est aussi voulu en propre par la seule Personne du Fils incarne selon sa volonte humaine. Ce faisant, Maxime inaugurait une vision toute nouvelledu Mystere de notre salut en Jesus-Christ q~i perm~it de ~~o~ser pleinement, po.ur la p:emiere fois, la VIe terrestre du Seigneur. Pour la premiere fois, en effet, la \ consistance soteriologique es actions et souffrances du Christ pouvait - efre reconnue dans son irreductibilite au fait de \ l'Incarnation I. Car Ie Fils n'a evidemment pas voulu humainement
I . Ceci se retrouve au centre de la synthese christologique de Saint Thomas. Dans son Commentaire du III' livre des Sentences, Ie docteur Angelique distingue, d 'une part : « ces choses que Ie Christ a assumees avec 10 nature humaine '" et d'autre part « ces choses qu 'il a operees par 10nature humaine " ldl.t. 13 dl'lbla textus). La question de la volonte humaine fait Ie lien entre ces deux temps de \a
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THEOLOGIE DE L'AGONIE DU CHRIST
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INTRODUCTION
I 'Incarnation, mais seulement divinement, en commun avec Ie Pere et Ie Saint-Esprit. Certes, l'Incarnation a recu Ie libre consentement d'une volonre humaine, mais de la volonte d'une personne humaine : c'est Ie « fiat » prononce par la Vierge Marie a l'Annonciation. Mais a Gethsernani, lorsque Jesus dit : « Pere, que ta volonte soit faite » (Mt26/42), il prononce Ie « fiat )) de fa Redemption: c'est Ie libre consentement de la volonte humaine d'une Personne divine 2. Car le « fiat » de Jesus a Gethsernan] exprime l'ultime decision de sa volonte humaine devant la Passion imminente. Pour nous sauver, « il fallait que Ie Christ souffrii saP assio n », Cette mysterieuse necessite procedan de la philantropia de Dieu, de cette merne volonte bienveillante (eudokia) que les trois Personnes ont a notre egard . Mais pour que Je Christ nous sauve, il fallait aussi que sa Passion fflt precedee par l'acceptation de sa volonte humaine. Ce que Maxime a mis en lumiere est done veritablemen] Ia ~~b~.r~~ ~umaine du Christ J, contemplee dans son supreme enga,gemen t, dans ledon total que Jesus a fait de sa propre vie pour Ino us sauver.
••• chrislologie parce que la volonte, propricte de fa nature, est egalement le principe des actes humains : « la vol onte est Ie principe de I'oeuvre hurnaine, sans lequel I'oeuvre n'est ni meritoire, ni digne de louange » (dist . 17, divisio texrus). La premiere grande subdivision de la Tertia : « Ie Sauveur lui-merne » (Q. I a 59) fait apparaitre la merne distinction : d'abord Ie Mystere de l'lncarnation. et ensuite les « acta et passa Christi » (cf prol.) . La valorisation sotCriologique des « acta et passa » est Ie meilleur moyen d'eviter la vieiJle tentation de "Incarnation UnivcrselJe (cf IlIa Q. 4 art 5 obj. 2 et ad 2). 2. Au v' siecle, saint Leon Ie Grand avail deja vu ce consentement de la volonte humaine, rnais san,~6carter totaJement Ie risque du dualisme christologigue (cf. A. GRILLMEIER, Le Christ dans 10 T radition chretienne, Cerf 1973, p, ~40-541). On pourrait dire la merne chose en ce qui concerne les grands represen(ants de l'ecole d' Antioche. , 3. En ce qui concerne la justification de ce terrne, voir l'Annexe II : Le probleme de 10 gn{}me. exclue 'de,'humanitedu Christ , p, 127. L'interference de ce probleme a iongtemps ernpeche de com prendre l'lnterpretation maximienne de I' Agonie. Ainsi, I'apportessentiel de Maxime : la volonte humaine d 'accomplir la Passion, a ete.]gnore par Ie P . VON BALTHASAR (Liturg"ie Cosmique. Aubier, 1947) ml!me dans les pagesconsacrees precisement au Iheme de I' Agonie (p. 197-203). II • a fallu allendre la Ihese monumenlale de M , p,ouprr, La Dispute de Maxime Ie \ COII/esseur Ql'eC Pyrrhus. (Monlreal 1972), pour que soit redecouverte la pensee
Le present travail a pour principal objet Ie laborieux cherninement theologique qui a conduit Maxime a f~re cett~ grande decouverte. Cc cheminement a dure pres de huit ans ; J1 cor: 7spond a la premiere phase de la controverse monothehte (633-641). . Le point de depart en a ete Ie formidable probleme PQse en 63~ par Ie patriarche Serge de Constantinople dans un, document qUI e st la charte de fondation du rnonothelisrne by~ntl~ : Ie Ps~phos . Ce probleme etait precisement celui de la liberte humaine ~u Christ et il etait pose a partir du recit evangelique de I' Agonie. Comme il s'agit d'une profonde question christ?logique, tout a fait nouvelle et originale, qui a comrnande la suite .de la. controverse et plus particulierement les recherches de Maxirne, II nous a paru indispensable de consacrer la premiere partie de no:r: travail a l'etude du monothelisrne byzantin, Ie centre de gravite . de cette premiere partie etant Ie Psephos de 633. Dans la seconde partie, nous verrons comment Maxt~e a p~o gressivement pris position par rapport ce problerne, jusqu au moment ou ill'a pleinement resolu, vers 641, ~~ns.I'Opuscule 6 4 • C'est dans cet ecrit, entierernent consacre a la priere ~e Jesu~ a Gethsernani, que Maxime a mis en lurniere la volonte hurnaine que Ie Fils de Dieu avait de notre salut . Dans l'epilogue, nous essaierons de voir co~~ent cette d~ou verte a ete portee par l'Eglise dans une definition dogrnatique, definition qui a ete finalement scellee par Ie Martyre du Pape Martin ler et de Maxime lui-rneme.
a
de Maxime sur ce poinl (cf en particulier les pages 23O-23~ ou le tCllte. du ~.: Von Balthasar est critique). Nous devons beaucoup a cet admirable travail qUI. malheureusement, teste toujours inedit , . . . 4. Les Opuscules Theologiques et Potemiques.de Ma:ome constituent la pnncipale matiere de notre travail. Pour leur designation (chiffree) et leur dassement chronologique, nous suivons l'excellente etude du P . ~HERWOO~. All C11l~otatm date-fist of the works oj Maximus the Confessor (Studia Anselmiana, 30 , Rome 1952), . L duits ins La plupart des textes que nous a1~ons pr~ter ont ete tra .UI par nos S~lI . Lorsque nous utili serons des traductions existantes, nous mentronnerons toujours Ie nom du traducteur. . . . . Le lome 91 de la Patrologie Grecqlle de Migne reuntt ces te~tes, . I~rsque .nous donnerons des references sans indiquer Ie numero du volume, II s agJra tOUJours de ce tome 91 .
A I'origine de la controverse rnonothelite, il ya un homme, une tres grande figure: Ie patriarche Serge de Constantinople. Depuis son election, Ie 18 avril 610 jusqu'a sa mort, en decembre 638, Serge a ete Ie plus fidele et Ie plus remarquable collaborateur de l'Empereur Heraclius. Serge est Ie type parfait du grand homme politique, intelligent , energique et courageux, capable de faire face a la plus lragique des situations. Heraclius, qui avait recu la couronne irnperiale des mains du Patriarche Ie 5 octobre 610. avait besoin d'un tel appui. L' Empire etait alors dans une situation catastrophique, et apparemment desesperee . A l'exterieur, il etait plus que jamais menace par de redoutables ennemis patens : les Slaves, les Avars, et surtoutles Perses. Les Perses s'empareront de Jerusalem Ie 5 mai 614, ils en ret ireront Ja vraie Croix pour I'emporter dans leur pays. Avec les Avars, ils iront rnerne jusqu'a mettre Ie siege devant Constantinople en 626. A l' interieur , la situation n'etait guere plus brillante : l'Empire, qui avait souffert de la tyrannie de Phocas, etait dans un tel etat de confusion et de desorganisation qu'il sembIait sur Ie point de sombrer completernent . Enfin, iI y avait toujours cette guerre fratricide entre catholiques et monophysites qui dechirait la chretiente orientale. Les Perses trouvaient meme des allies du cote des monophysites, traditionnellement persecutes par l'autorite Imperiale . ~ Or, Ie veritable sauveur de l'E:mpjrea ~te ~g~•.car « Heraclius \ etait homme a se laisser abattre ; Serge lui redonnait espoir » '. I. F. X. MURPHY et P. SHERWOOD, Constantinople Il et Il/ (Histoire 00 Conciles Oecumeniques, Orante, 1974) p. 137. Pour la presentation des ev~e· merits et de la chronologie , nous nous rHerons habituetlement a cet excellent ouvrage , recent et Ires bien documente.
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THEOLOGIE DE L' AGONIE DU CHRIST LE MONOTHELISME BYZANTIN
« C'est dans cette conjoncture d'encerclement et de confusion qu'Heraclius decida, en une heure de decouragement, de quitter Constantinople pour l'Occident. Deux faits s'y opposerent : I'appui moral de Serge qui lui fit jurer de ne pas abandonner la capitale et lui prom it l'aide financiere du Tresor de l'Eglise, et la " - chute de Jerusalem, Ie 5 mai 614 avec prise de la Croix que I'on porta en triomphe a travers les rues de Ctesiphon, tel un trophee de guerre. Ce camouflet magistral, qu'aggraverent des lettres fanfaronnes de Chosroes, insuffla une vigueur nouvelle a I'empereur et ason peuple, et changea la campagne contre les Perses en croisade » 2. Le 21 mars 630, Heraclius rapportera la vraie Croix a Jerusalem a pres une grande victoire sur les Perses. Mais huit ans plus tard, " .la Ville Sainte sera definit ivernent prise par les Musu/mans. Dans une action politique veritablement herotque, Serge etait soutenu par I'ardeur de sa Foi. Pendant Ie siege de Constantinople, «Serge etait l'arne de la resistance . Le Kontakion, introduit plus tard dans I'hymne acathiste, peut avoir ete compose par Serge lui-meme, En tout cas, il temoigne bien de I'etroite interpenetration des sentiments religieux et patriotiques. C'est un hyrnne de victoire et d'action de graces que Constantinople adresse a son general victorieux, la Sainte Vierge elle-meme ; Protectrice, chef de mon arrnee, la victoire I En action de graces pour rna delivrance je te dedie ce chant, moi , ta ville, a toi, Mere de Dieu. Et puisque tu possedes une puissance invincible, delivre-mo] de tout peril, afin que je t'acclame ; Salut, Crouse inviolee I » 3
a toi
Anime par cette volonte indefectible du salut de la chretiente, Serge a compris qu'i1 etait urgent de faire cesser la lutte entre catholiques et monophysites ; aussi, toute son oeuvre theologique a consiste -a chercher une possibilite d'union entre ces chretiens ----2. Ibid. p, 138. 3. Ibid. p. 147-148.
2.5
separes. Car Serge n'est pas seulement un grand homme ~Iiti~ue et un croyant convaincu, il est encore un remarquable theolo~en. Avec les principaux theologiens de son temps, ~t cathohqu~ que monophysites, iI a poursuivi un ~eri ta b le « dialogue oec~e nique » au terme duquel urie formule s'est degagee : Ie Chnst a un es eule operation (energeia) et une seuJe volonte (the~ema) 4 . Cette formule, monoenergiste et monothelite, tenue depuis longtemps par les monophysites semb~ait parfai~eme~t acceptable,du point de vue de lorthodoxie chalcedonienne et neochalcedonienne : elle devait done devenir la base de l'union souhaitee. . d . Une premiere tentative fut accomplie dans ce sens aAlexan ne e!lJuin 633. par Ie Patriarche catho.lique qru~, ami de Serge s. La base de cette union etait la doctrine de 1 umque ~peratto~ s.:ms qu'il fat question de I~ volonte: Mais cet.te doctnne dev~tt etre aussitot vigoureusement attaquee, du point de vue d.e I orthodoxie, par Ie saint moine Sophrone, futur patriarche de Jerusalem 6. Les protestations de Sophrone resterent sans echo aupres de Cyrus, mais elles furent entendues par Serge,. car ce dernier ecrivit immediatement au Patriarche d'Alexandne p~ur lui demander de renoncer a cette doctrine de I'unique opera~o~ du Christ. Serge engageait alors toute son autorite dans une deci4. Dans sa Dispute avec Pyrrhus, Maxime foumit des renseignements pr~i5 sur les tractations de Serge : . . Dis-moi, en effet, au nom de la vente e~e-m~me, q~~~ ~rge ecr:iVlt a Theodore de Pharan, en lui envoyant aussi le livre qu II disait de M~as~ par l'intermediaire de Serge Macaronas, ev&tue d' Arsin~, pour ~u iJ lUI donnat son avis sur l'operation unique et la volonte unique ,,?entJ~nn~ dans le livre, et quand Theodore repondit en les a.ppro~vant, ou etait aJors Sophronius ? Ou bien, quand i\ ecrivit a ~eod~IO~IiS, a Paul le Borgne, disciple de severe, en lui envoyant a lUI aussi le livre de ~enas, av~ I'approbation du Pharanite ainsi que la sienne propre? Ou ble~, quand l~ ecrivit a Georges, surnomme Arsas, qui etait.paulianis~e, le pnant de lui faire parvenir des citations sur l'operation unique, en aJ~ut~t eg~~l dans sa lettre qu'i\ faisait meme, en se basant sur elles, I union de I Eglise avec eux '1 (Dispute 332 B - 333 A, trad. DoUCET) . Du point de vue histonque, on trouve un bon commentaire de ce texte ~ MURPHY et SHERWOOD, op. cit.. p , 141 sq. Theodore de Pharan est un l-v~ue chalcedonien, tandis Que Paul le Borgne et Georges Arsas sont des monoph;Slt.es. 5. MANSI Xl 564C-568B. La traduction du texte essentiel de ce pacte d union se trouve dans MURPHY et SHERWOOD, op. cit. p. JOS. 6. Sur Saint Sophrone, voir le livre recent de Ch. VON SCHONBORN, Soplr~ de Jerusalem (Beauchesne, Theologie historique 20. 1972).
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THEOLOOIE DE L'AOONIE DU CHRIST
sion ~olennel~e .ou jugement, Ie Psephos. Cette reaction rnontre a la fois la rapidite et la souplesse de I'intelligence du Patriarche' to?t de ,suite, iJ lL£.ompris que Ie pacte monoenerglsn, d' A1exan~ dne et~l~ ~n echec, car iJ etait sur Ie point d'introduire une nouvelle dIVISIOn, entre les catholiques cette fois. Les protestations d'un homme auss~ important ~ue Sophrone annoncalem une querelle entre les partisans de I'unique operation et les defenseurs des deux operations. Pensant qu'iJ etait encore temps d'empecher Ie developpement ~'une. telle , qu~reJle , qu i allait evidemment a l'encontre de ses mtentions ireniques, Serge, dans son Psephos, demandait a C,YTus « de ne plus permettre a personne, desorrnais, de parler d line ou de deux operations a propos du Christ notre Dieu »7 I Mais en ~eme temps, dans Ie merne document, Serge faisait 1 e?trer subtIlement la doctrine de I'unique volonte. Le monoenergrsme ayant echoue, Serge lui substituait Ie monothelisme. Le Psephos de Serge doit done etre considere comme Ie veritable a~te de naissance du monothelisme byzantin, Par cette - expre~slOn « mon?theJisme byzantin ».8, nous designons une _ doctnn.e ~heologique parfaitement coherente qu'i1 faut soigneusement dIS~I.~.uer du monothelisme monophysite 9 d'une part, et du ." 'mon9th eh s~e v~l~aire ou de propagande d'autre part. En effet, II n y a pas un monothelisme, mais des monothehs- me~, c'est-a-dirs des doctrines profondement differentes qui ne se recoupent que sur un seul point : I'affirmation d'une seule vol?nte du Christ. Car le monotheJisme, tel que Serge I'envisageait com.me bas~ d'union, n'etait pas a proprement parler un compromis doctrinal, mais plutot un accord purement verbal sur une, f~!!1ule dont Ie principal avantags etait son. etonnante uivocite. ?r, apres de longues annees de dialogue et de reflexion, Serge etait enfin capable de donner dans Je Psephos un contenu theolo7 . MANSI XI 533C. 8. C'est en effet le monolhelisme des « gens de Byzance II (Dispute 304A cf ~16B). Cett~ expression designe les hautes spheres ecclesiastiques de Cons~ tinople (cf. Infra, p. 50). 9. Dans, son article sur la Christ%gle du monophysisme syrien, J. LEBON a ~uelques tres bonnes pages sur Ie monothelisme de Severe d' Antioche tDas Konzil Ion Cha/kedon, t. I, p. 564-566). Cf. aussi M. DoUCET, p. 100 SQ.
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gique original a Ja formule « une seule volonte du Christ » 10, contenu qui n'etait pas rnonophysite, mais semblait en parfaite conforrnite avec les dogrnes christologiques de Chalcedoine et de Constantinople II. Le monothelisrne de Serge se voulait done absolument irreprochable du point de vue de l'orthodoxie. Au contraire, Ie monothelisrne vulgaire au de propagande n' attachait d'importance qu' a l'affirmation d'une seule volonte, sans aucune preoccupation d''orthodoxie ni de coherence doctrinale. Sur cette derniere forme de monothelisme approuvee par Serge pour des raisons purement politiques, nous avons d'abondants renseignements, mais la meilleure vue d'ensemble en est donnee par Maxime, dans sa Dispute al'ec Pyrrhus :
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Tantot, en effet, en approuvant ceux qui appellent divine (I) cette volonte unique, Serge suggerait que celui qui s'est incarne etait seulement Dieu ; tantot, en approuvant ceux qui declarent deliberative (II) cette volonte., il suggerait qu'iJ etait un homme, dont la disposition dependait d'une deliberation comme dans notre cas, et qui ne differe en rien de Pyrrhus et de Maxirne ; tantot, en la disant hypostatique (lIO, il insinuait aussi, avec la distinction des hypostases, la distinction des volontes chez les (Personnes divines) consubs tantielles ; tantot, en approuvant ceux qui la disent mal'trc:sse (IV), iJ suggerait que I'union est relationnelle, car la rnaitrise, Ie pouvoir et choses semblables sont manifestement des mouvements de la gnome et non de la nature; tantot, en accueillant ceux qui la nomment elective et gnomique M, et en se laissant dominer par eux, il presentait Ie Seigneur non seulement comme un pur homme, mais aussi comme changeant et pecheur, puisque la gnome peut porter un jugement sur les opposes, rechercher l'ignore et deliberer sur I'obscur ; tantot, en accueillant ceux qui la disent econornique (VI), il presentait Ie Seigneur comme sans volonte avant l'economie : sans compter toutes les autres absurdites qui decoulent de cette doctrine II.
10. Serge Die ta volonte humaine du Christ. m~is , par pru~ence , il n'affirme pas encore explic itement l'unique volonte du Christ comme II Ie fe~a plus tard dans l'Eclhese . Cela ne change evidemment rien au plan de la doctrine qUJ reste identique, II . Dispute, 329C • 332A (trad . DoUCET) .
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Dans ce texte, I'affirmation de I'unique volonte apparait comme un veritable « fourre-tout »- ou se retrouvent pele-mele \ monophysisme (I), nestorianisme (IV), arianisme (III), etc ... ISerge n'entendait evidemrnent pas approuver de pareilles doctrines, mais il ne voulait pas entrer dans des discussions qui auraient immanquablement fait apparaitre, au-dela de I'accord verbal, les differences doctrinales reelles, Pour cette raison, il approuvait en bloc tous ceux qui affirmaient la volonte unique. Quantitative, ment , c'est ce monothelisme vulgaire qui a tenu la plus grande place dans la controverse 12, bien qu'il ne soitpas a proprement parler une doctrine, mais un assemblage incoherent de positions heterocl ites et meme opposees (nestorianisme et monophysisme). •, Refuti"facilement IJ, ce monothelisrne vulgaire ne presente guere /d 'interet thelogique, aussi n'en parlerons-nous pas. Ce qui va retenir notre attention au cours de cette premiere partie, c'est principalement le monothelisme byzantin tel qu'il apparait dans Ie Psephos. Ce monothelisme est caracterise par la negation de la volonte humaine du Christ: l'unique volonte est donc sa volonte divine 14. Dans Ie premier chapitre, nous etudierons un texte de saint Gregoire de Nazianze qui est la principale racine de ce monotheJisme byzantin. Le second chapitre sera consacre a l'etude du Psephos et de ses consequences. Le troisierne chapitre aura pour objet une importante variante de ce merne monothelisrne byzantin.
CHAPITRE PREMIER
UN TEXTE CRUCIAL DE SAINT GREGOIRE DE NAZIANZE SUR LA VOLONTE DU CHRIST
Le Quatrieme Discours Theologique de Sai~t ?regoire. ~e Nazianze est entierernent consacre au Fils. Les ~nnclpales obj tions ariennes contre la consubstantialite du Fils par rapport au Pere y sont examinees et refutees I'une apres l'autre. . , . L'une de ces objections concerne la volonte ; elle .falt I objet d'un important developpement au numero 12 du Diseours. Ce qui est en cause, c'est J'identite de volonte, et done de nature,
entre le Pere et Ie Fils. . Apres avoir presente la traduction dece texte, nous essaterons d'en donner un commentaire synthetique, en degageant les prohlernes qu'il pose.
I. TEXTE
12. Cela apparait de facon particulierernent neue dans la Dispute avec Pyrrhus. 13. II faul voir surtout comment Maxime refute III these de la volonte unique comme volonte hypostatique en utilisant la theologie trinitaire, principalement dans trois textes ecrits en 640 : Opuscule 8, IOOB ; Opuscule 24,269 et Opuscule 15, 269D-273B. Cf. encore Dispute, 289D et 348C-349A. 14. C'est dej8.ce qu 'affirmait l'un des correspondants de Serge.I'eveque chalcedonien Theodore de Pharan : « La volonte divine qui est celie du Christ luiml!me. Sa volonte est en effet une et elle est divine » (Mansi XI, S69A trad . de MURPHY et SHERWOOD, op. cit. p . 303). Sur la theologie de Theodore, voir Ie ml!me ouvrage, p, 143-146 et DoUCET, p. 59 sq .
L 'objection arienne : le Fils a une vo[onte autre que celle du
Pere. . tieme objection: « Le Fi[s est descendu du C~el. ~o." poS:::/aire so volonte Ii lui, mais [0 vo[onte de Celui qut [ 0 envoye » (Jn 6/38).
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THEOLOGIE DE L'AGONIE DU CHRIST GREGOIRE DE NAZIANZE SUR LA VOLONTE DU CHRIST
A. LE PROBLEME : HYPOTHESE D'UNE VOLONTE HUMAINE DU CHRIST CONTRAIRE A LA VOLONTE DIVINE DU PERE.
~i ces paroles ri'etaient pas prononcees par celui-la merne q~1 est descendu, nous dirion~ qu'elles expriment Ie langage d un homme, non pas de celui que nous considerons dans Ie Sau ve.ur (ou tou kata ton Sotera nooumenou) - car son v~ulOlr !1'es~. en rien contraire (hupenantion) a celui de ~Ieu puisqu II est tout divinise (theothen holon} - mais d un homme ~e notre s.orte (kath 'hemas), attendu que la vol~mte humaine ne SUIt pas toujours la volonte divine, mars que Ie plus sou vent elle lui resiste et lutte cont,re elle (a;ntipip!ontos... kai antipalaiontos). C est a~ssl de meme que nous avons compris la parole: « Pere, s II est possible, que cette coupe s'eloigne de moi . cependant, I~on pas ce que je veux, mais que ta volont~ tnom!?he.» . II ~st en effet egalernent invraisemblable que I~ Christ Ignore Sl la chose est possible au non et qu'i1 substitue volonte a volonte (t6 thelemati anteispherein to thelema).
B. LA SOLUTION : NEGATION DE L'ALTERITE DE VOLONTE ENTRE LE PERE ET LE FILS
Mais ~om~e les paroles en question ant ete prononcees pa~ celui qUI a assume (proslabontos) - c'est-a-dire celui qUI est descendu du Ciel - et non par la realite assumee (proslemmatos) , nous repondrons : ces paroles n'impliquent pas I'existence d'une volonte propre du Fils differente de celie du Pere, elles indiquent au contraire qu 'une telle volonte n'e~iste pas. De la sorte, I'ensemble signifie : « non pour que je .fasse rna volonte », car la mienne n'est pas. separee de la rienne, elle nous est commune a toi et a moi ; comme nous n'avons qu'une divinite, nous n'avons qu'une vol0n.te. On trouve, d'ailleurs, bien d'autres exernples de chases qUI sont exprimees de rnerne sous forme generale, 15. Celte formulation propre a Gregoire contient des elements de Malthieu de Marc et de Luc , '
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d'une facon non point affirmative (tMtikOs), mais negative (ametikos) . . . par exemple : « ... Ce n 'est pas mon peche, ni mon iniquite » (Ps. 58/5) qui causent mon malheur ; comprenez, non qu 'iI y a un peche, mais qu'iI n'y en a pas ... 16. La distinction des deux parties du texte est eviderrte : elles s'articulent toutes les deux sur la citation de Jean 6/38: « Le Fils est descendu du Ciel ... » Mais alors que la premiere partie se presente com me une speculation sur une hypothese parfaitement irreelle : « Si ces paroles n'etaient pas prononcees par celui-la meme qui est descendu ... » 17, la seconde partie est ouverte par un retour au reel : « Mais eomme les paroles en question ant etc prononcees par celui qui a assume - c'est-a-dire celui qui est des een~du Ciel. .. »,
II. LES PROBLEMES POSES Du point de vue theologique, ce texte est difficile et pose bien des problernes. Toutes ces difficultes et taus ces problemes ant, nous semble-t-il, deux causes principales :