Reporting Et Coltrôle Budgétaire [PDF]

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Zitiervorschau

REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE De la délégation à la responsabilité 2E édition

Du même auteur Qualité de l’audit, ouvrage collectif sous la direction de B. Pigé, DeBoeck, 2011. Comptabilité et audit, UE 4 du DSCG, 2e éd., ouvrage collectif sous la direction de B. Pigé, Nathan-Revue Fiduciaire, 2011. Normes : Origines et Conséquences des Crises, ouvrage collectif coordonné par D. Bessire, L. Cappelletti et B. Pigé, Economica, 2010. Éthique et Gouvernance des Organisations, B. Pigé, Economica, 2010. Audit et Contrôle interne 3e éd., B. Pigé, EMS, 2009. Normes comptables internationales et gouvernance des entreprises : le sens des normes IFRS, 2e éd., B. Pigé et X. Paper, EMS, 2009. Gouvernance, contrôle et audit des Organisations, B. Pigé, Economica, 2008. Management et contrôle de gestion, UE 3 du DSCG, ouvrage collectif sous la direction de B. Pigé, Nathan-Revue Fiduciaire, 2008. L’économie sociale et solidaire, C. Collette et B. Pigé, Dunod, 2008. La gestion stratégique des coûts – Consommation de ressources et création de valeur, P. Lardy et B. Pigé, EMS, 2001. La comptabilité générale, un outil d’information, B. Pigé, EMS, 2000.

L E S E S S E NT I E L S D E LA G E ST I O N COLLECTION DIRIGÉE PAR G. CHARREAUX / P. JOFFRE G. KŒNIG

REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE De la délégation à la responsabilité 2e édition Benoît PIGÉ

17 rue des Métiers 14123 Cormelles-le-Royal www.editions-ems.fr

Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. © Éditions EMS, 2011 Nous rappelons donc qu’il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement sur quelque support que ce soit le présent ouvrage sans autorisation de l’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris (Code de la propriété intellectuelle, articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2). ISBN : 978-2-84769-313-3

INTRODUCTION

Une Organisation sans mécanismes de pilotage va à la dérive. Une Organisation qui ne rend plus de comptes se sclérose et finit par disparaître. Le contrôle budgétaire et le reporting sont les deux outils à la disposition des Organisations pour éviter ces écueils. Les systèmes actuels de gestion des Organisations ont été conçus à la fin du XIX e et au début du XX e siècle. Ils se sont ensuite développés et répandus dans toutes les Organisations au cours du XX e siècle. Mais, depuis une vingtaine d’années, de nouveaux besoins d’information sont apparus, en grande partie pour répondre à l’internationalisation des marchés, au renouvellement très rapide des produits et à une concurrence renforcée. Si le contrôle budgétaire a toujours existé sous des formes plus ou moins rudimentaires, il existe des variantes relativement importantes selon les objectifs que l’on assigne à ce système : par exemple entre le contrôle budgétaire d’une collectivité publique ou d’un établissement scolaire, où le but principal est d’éviter les détournements de fonds, et le contrôle budgétaire d’une multinationale où le système de contrôle budgétaire est un outil de management. De même, le processus de reporting, s’il est fondamentalement lié à toute délégation de fonction et à toute obligation de rendre compte, revêt des caractéristiques très variables selon les Organisations. Depuis le début des années 80, les entreprises ont entamé une réflexion sur une refonte de leurs systèmes de gestion en s’appuyant sur de nouvelles technologies de collecte et de traitement de l’information. La comptabilité analytique, qui s’était extraordinairement complexifiée au cours du

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XXe siècle s’est ainsi orientée vers la notion de comptabilité de gestion avec les approches ABC et ABM1). En matière budgétaire, compte tenu de la lourdeur de certaines procédures budgétaires et de l’inadéquation de l’information procurée par rapport aux besoins réels d’information, la même évolution se dessine. Des entreprises repensent leur système d’information pour améliorer leur processus de prise de décision et de gestion stratégique. Des tentatives sans lendemain, comme les approches BBZ (Budget Base Zéro), ont accéléré cette prise de conscience des Directions Financières sur la nécessité de simplifier leurs règles et procédures. Trois grandes évolutions apparaissent ainsi déterminantes: • La première évolution concerne le développement de systèmes de reporting multidimensionnels. Autrement dit, le système d’information ne peut plus seulement s’appuyer sur des indicateurs exclusivement monétaires mais il doit aussi intégrer d’autres dimensions, telles que la qualité (des produits ou des services), la gestion des ressources (par exemple les problèmes de formation et de motivation des employés en matière de gestion des ressources humaines), ou le développement technologique. • La seconde évolution se réfère à l’horizon temporel et à la fréquence de la prise de décision. Dans un environnement devenu de plus en plus fluctuant et incertain, les décideurs sont conduits à repenser de façon plus fréquente leur stratégie et son implication concrète. De surcroît, ils doivent également disposer d’une capacité de réaction plus rapide et d’une meilleure anticipation des évolutions majeures ou des retournements de conjoncture à l’œuvre dans certains secteurs. En 2002, la réduction brutale des marchés, pour les secteurs des équipementiers téléphoniques et des services informatiques, a ainsi conduit les dirigeants des entreprises concernées à réagir très rapidement pour éviter le risque de dépôt de bilan. En 2008-2009, c’est l’effondrement des marchés automobiles qui a amené de nombreux constructeurs ou équipementiers au bord de la faillite avant que les gouvernements ne lancent des opérations de relance. • La troisième évolution porte sur les nouveaux outils technologiques à la disposition des dirigeants pour diffuser l’information de gestion et faire de la fonction Contrôle de gestion un partenaire des opérationnels. 1

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur, EMS.

INTRODUCTION ■ 7

Cet ouvrage est décomposé en trois chapitres. Les deux premiers présentent les aspects techniques du contrôle budgétaire et de reporting. Le troisième s’attache à mettre en perspective ces outils dans le cadre de la gouvernance des Organisations. Pour répondre aux attentes multiples et diverses des parties prenantes de l’Organisation, les dirigeants doivent s’appuyer sur les budgets pour déléguer et sur le reporting pour rendre compte.

chapitre 1

le contrôle budgétaire

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« Tenir un agenda; écrire pour chaque jour ce que je devrai faire dans la semaine, c’est diriger sagement ses heures. On décide ses actions soi-même; on est sûr, les ayant résolues d’avance et sans gêne, de ne point dépendre chaque matin de l’atmosphère. Dans mon agenda je puise le sentiment du devoir; (…). Dans mon agenda il y a deux parties : sur une feuille j’écris ce que je ferai, et sur la feuille d’en face, chaque soir, j’écris ce que j’ai fait. Ensuite je compare; je soustrais, et ce que je n’ai pas fait, le déficit, devient ce que j’aurais dû faire. » Paludes, André Gide, 1894 1 Le contrôle budgétaire recouvre l’ensemble des systèmes et procédures qui vont de l’établissement des budgets à la collecte et au contrôle des réalisations par confrontation avec les prévisions. Le contrôle budgétaire constitue un instrument essentiel du contrôle de gestion, tant par son aptitude à fournir des informations clés pour l’application et le suivi de la stratégie, que par sa capacité à intégrer les problèmes de délégation de responsabilité, de contrôle, et d’incitation des individus. D’un point de vue théorique, Henri Bouquin2 distingue trois niveaux de contrôle internes aux Organisations qui sont : • le contrôle stratégique, qui va porter sur le choix de l’offre et des ressources et sur l’Organisation de la chaîne de valeur ; • le contrôle de moyen terme, qui va définir, suivre et évaluer les missions des processus et des centres de responsabilité dans la chaîne de valeur ; • le contrôle opérationnel, qui s’intéresse aux tâches de routine dans les processus. Dans cette optique, le contrôle stratégique se définit par le recours à l’utilisation de matrices stratégiques pour définir des plans à moyen ou long terme, alors que le contrôle à moyen terme va s’appuyer principalement sur les budgets et les tableaux de bord. Le contrôle opérationnel aura recours à la définition des procédures et peut s’apparenter à ce que l’on recouvre parfois sous la dénomination de contrôle des procédures internes. Bibliothèque de la Pléiade, André Gide, romans, p. 96, édition 1993. Universitaire français spécialiste du contrôle de gestion, auteur de : Le contrôle de gestion, PUF, 2010. 1 2

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Selon cette approche, le contrôle budgétaire constituerait l’instrument privilégié de mise en place du contrôle de moyen terme (schéma 1.1), en permettant d’alimenter une série de tableaux de bord.

schéma 1.1. les différents niveaux de contrôle interne des Organisations

Contrôle stratégique

Reporting

Contrôle de moyen terme

Tableaux de bord stratégiques (Balanced Scorecard) / Contrôle de la performance des projets et des processus

Contrôle budgétaire

Reporting Contrôle opérationnel

Tableaux de bord opérationnels / Analyse par produits, clients, marchés

Le contrôle budgétaire est fondamentalement, et avant tout, un outil de pilotage des Organisations. Ce n’est pas lui qui fixe les objectifs à atteindre mais, une fois la stratégie définie, c’est lui qui permet de la mettre en œuvre. En fournissant un cadre annuel de prévision commun à l’ensemble de l’Organisation, en instaurant des procédures de collecte et de codification des réalisations, et en analysant les écarts observés entre les réalisations et les prévisions, le contrôle budgétaire permet aux dirigeants et aux responsables budgétaires de corriger leurs jugements, de prendre leurs décisions et de mettre en œuvre les actions qui leur semblent les plus pertinentes pour atteindre les objectifs fixés. Le contrôle budgétaire est aussi un formidable outil de délégation, en octroyant des ressources pour atteindre des objectifs précis et quantifiés. La délégation n’est pas sans limite, elle est circonscrite par les budgets alloués. De surcroît, grâce aux technologies de l’information et de la communication et aux logiciels de gestion intégrés, l’information

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budgétaire est immédiatement centralisée et consolidée pour fournir aux dirigeants de l’Organisation une vue globale des différents processus à l’œuvre. Le contrôle budgétaire semble un outil quasiment universel dès lors que des ressources monétaires sont en jeu. En effet, fondamentalement, le contrôle budgétaire consiste à vérifier a posteriori que les ressources allouées ont été correctement utilisées. Mais, pour en arriver là, il est également nécessaire que des budgets aient été attribués, que les objectifs assignés aux bénéficiaires de ces budgets aient été définis et que les modalités de contrôle des ressources aient été mises en place. De surcroît, l’utilisation d’un outil influe également sur le comportement des acteurs, que cela soit fait volontairement ou qu’il ne s’agisse que d’un effet annexe non explicitement désiré. Le contrôle budgétaire a des implications très fortes sur le comportement des personnes qui reçoivent les budgets mais également sur celui de ceux qui les attribuent. Ce chapitre aborde donc le contrôle budgétaire sous l’angle instrumental. Le contrôle budgétaire est perçu comme un outil visant à répondre à des besoins. Ce n’est que dans le troisième chapitre que seront mis en évident les conséquences de l’utilisation et de la construction de l’outil sur la gouvernance des Organisations. Dans une première section, nous présentons les trois principales fonctions d’un système de contrôle budgétaire : prévoir (pour pouvoir allouer les ressources et planifier les actions à entreprendre), gérer (engager les ressources en fonction des objectifs poursuivis), et évaluer (contrôler la pertinence des décisions prises et des actions engagées, rétribuer ou sanctionner les employés, proposer des actions correctives). La seconde section replacera le contrôle budgétaire dans une approche structurale des Organisations. Le choix, ou l’existence, d’une structure hiérarchique, matricielle, ou par processus, a une influence très grande sur la nature du contrôle budgétaire. Les troisième et quatrième sections portent sur la construction des budgets en étudiant d’abord les étapes préalables à cette construction avant d’en présenter les différents aspects. La cinquième section analyse le contrôle des réalisations, que ce soit à travers le système de mesure des réalisations, celui de calcul des écarts entre le réalisé et le prévisionnel, ou par le bais des actions correctives qui sont apportées : soit à la gestion de l’Organisation ou du service, soit à la réalisation des prévisions budgétaires elles-mêmes.

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section I les fonctions du contrôle budgétaire Les objectifs du contrôle budgétaire sont indissociables de ceux du contrôle de gestion. Dans les deux cas, le système d’information à mettre en place n’a de sens que s’il débouche sur des actions. L’information pour elle-même n’est qu’un facteur de coût supplémentaire. Elle ne prend pleinement son sens que quand elle permet aux décideurs ou acteurs de l’Organisation de modifier leurs décisions ou leurs actions pour intégrer des éléments d’information qu’ils ne percevaient pas par ailleurs. L’objectif initial du contrôle budgétaire est donc la prévision, c’est elle qui fournit le cadre à tout ce qui s’ensuit. Mais cet objectif est indissociable de l’objectif suivant qui est celui de la gestion des ressources. Réaliser un budget, c’est ainsi s’atteler à un exercice de réflexion sur la nature et le montant des ressources à octroyer pour les différentes activités ou les différents processus de l’Organisation. Cette gestion et cette allocation des ressources sont un préalable indispensable à la mise en œuvre de ces ressources, c’est-à-dire à l’action proprement dite. Enfin, le troisième objectif permet de refermer la boucle puisqu’il s’agit de l’évaluation. Cette évaluation comprend tout à la fois l’analyse du réalisé et la mise en évidence des corrections à apporter. Mais surtout, l’évaluation est l’occasion d’impliquer l’ensemble des acteurs dans le processus budgétaire et de fournir une incitation propre à chacun pour atteindre les objectifs communs (mais variés) de l’Organisation.

§ 1. – la prévision Le contrôle budgétaire se situe à mi-chemin entre le contrôle stratégique, qui est une projection sur le long terme, et le contrôle opérationnel, qui est le suivi des opérations au jour le jour. Définir l’horizon n’est cependant pas suffisant. Il faut également préciser la fréquence à laquelle on effectue ce contrôle budgétaire, ainsi que la façon d’appréhender les transitions d’une période budgétaire à une autre. Trois facteurs principaux doivent alors être envisagés : • Quel est l’horizon sur lequel on souhaite pouvoir se projeter ? • En quoi cette capacité à appréhender l’avenir peut-elle permettre une meilleure capacité d’action ?

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• Cet aspect de prévision constitue-t-il un facteur de communication auprès des acteurs de l’entreprise, internes ou externes ?

A. – l’horizon budgétaire Dans les années cinquante et soixante, les entreprises ont essayé de se projeter dans l’avenir en effectuant des plans stratégiques destinés à confronter leur situation actuelle, leurs objectifs stratégiques et l’évolution attendue de l’environnement. Dans ce cadre, le système budgétaire constituait la déclinaison à court terme (c’est-à-dire généralement sur l’année à venir) du plan stratégique qui était réalisé sur une durée allant de cinq à vingt-cinq ans (voire davantage dans le cas d’entreprises liées au développement du nucléaire pour lesquelles la durée de vie des centrales est un facteur essentiel). La volatilité accrue de l’environnement, consécutive aux chocs pétroliers et à l’évolution de l’économie, ont rendu ces prévisions à long terme de plus en plus malaisées. Le lien entre la planification stratégique et le système budgétaire a, par contrecoup, tendu à se distendre, le système budgétaire intégrant davantage la perception à court terme de l’évolution de l’environnement. De surcroît, un certain nombre d’Organisations recourent à un système budgétaire sans pour autant s’intégrer dans une démarche de planification stratégique. Ainsi, les collectivités locales sont astreintes à la mise en place d’un système budgétaire. Pourtant, nombre d’entre elles n’ont jamais abordé les projets à envisager sous l’angle d’une planification stratégique, laquelle permettrait de formaliser la réalisation de ces projets sur la durée de la mandature. Un système budgétaire est non seulement un système de prévision, mais aussi un système permettant le rapprochement des réalisations avec les prévisions. Les systèmes comptables constituant une des sources majeures d’information sur les réalisations, les systèmes budgétaires ont tendu à s’aligner sur l’horizon comptable afin de faciliter les comparaisons (schéma 1.2).

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schéma 1.2. calendrier budgétaire d’une PME 3 Octobre N

* Etablissement d’une situation sur les 9 premiers mois de l’année et projection sur les 3 mois restant pour disposer d’une estimation des réalisations au titre de l’année N. * Rappel des objectifs stratégiques pour l’année à venir * Définition des valeurs de référence pour l’évolution de l’environnement (croissance, inflation, etc.)

Novembre N

* Etablissement des budgets N+1 * Approbation des budgets N+1

Janvier N+1

* Clôture du budget de l’année écoulée (N) * Début du nouvel exercice budgétaire (N+1)

Juin N+1

* Révision éventuelle des budgets N+1

Enfin, les différentes obligations légales ou contractuelles imposent aux dirigeant d’une Organisation de rendre compte à leurs mandants, le plus souvent sous forme d’une assemblée générale, au moins une fois par an. L’ensemble de ces facteurs a conduit la quasi-totalité des Organisations à privilégier, volontairement ou en raison des contraintes réglementaires, l’horizon budgétaire annuel. Rien n’interdit cependant à une Organisation de recourir à un horizon plus réduit ou, au contraire, plus étendu. La difficulté à anticiper l’environnement et, par conséquent, à formaliser à moyen ou long terme une stratégie de développement quantifiable, a conduit certaines grandes entreprises à revoir le rôle de leur système budgétaire, et à remettre en cause son inscription dans un cadre annuel. Pour les collectivités publiques l’horizon budgétaire est imposé par la réglementation (schéma 1.3). L’horizon budgétaire annuel pose, cependant, le problème des travaux étalés sur plusieurs exercices et qui apparaissent plusieurs fois dans les projets de budget (encadré 1.1).

Les mois sont donnés à titre indicatif. Ils s’appliquent pour une entreprise clôturant ses comptes au 31 décembre et ayant un système d’information lui permettant de disposer d’une situation comptable en M+1, c’est-à-dire dans le mois suivant l’arrêté de ses comptes. 3

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schéma 1.3. calendrier budgétaire d’une collectivité locale4 Février N+1

* Etablissement des comptes administratifs de l’année écoulée (N)

Mars N+1

* Construction du budget primitif de l’année N+1 * Vote du budget N+1

Avril N+1

* Transmission du budget à la préfecture pour le contrôle de légalité

Octobre N+1

* Révision du budget: vote des décisions budgétaires modificatives

encadré 1.1. le suivi budgétaire des projets d’investissement dans les collectivités locales. Un observateur qui souhaiterait disposer d’une vision des projets engagés par une équipe d’élus au cours d’une mandature, pourrait difficilement se référer aux budgets votés au cours des différentes années. La somme de ces budgets le conduirait à additionner plusieurs fois les montants budgétisés pour les projets s’étalant sur plusieurs exercices. De nombreuses collectivités locales budgétisent dès la première année la totalité du projet à réaliser. Si le projet n’est pas totalement réalisé la première année, les sommes sont alors reportées dans le budget de l’année suivante. Dans le cas où les projets mettent plusieurs années à démarrer, on peut ainsi observer les mêmes investissements reportés d’année en année. Les nouvelles règles de présentation des budgets publics, adoptées au cours des années quatre-vingt-dix, ont contribué à simplifier le suivi des projets. Cependant, l’approche retenue par les collectivités publiques tend souvent à gonfler les besoins de financement pour l’année à venir.

Au cours des trois premiers mois de l’exercice, les dépenses courantes peuvent être engagées sur la base de 3/12e des dépenses du budget de l’année précédente. 4

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Le calage d’un système budgétaire sur un horizon annuel entraîne nécessairement de fortes fluctuations sur l’horizon de prévision des responsables au fur et à mesure que l’année se déroule. Si les responsables disposent d’une meilleure connaissance du respect des prévisions budgétaires, au fur et à mesure qu’ils en connaissent les réalisations, leur horizon de prévision tend à se réduire pour ne plus porter que sur quelques mois lorsque le budget de l’année suivante entre en phase d’élaboration. Certaines grandes entreprises ont ainsi étudié, ou mis en place, un système budgétaire glissant (schéma 1.4) ; c’est-à-dire que chaque mois, ou chaque trimestre, est effectuée une prévision supplémentaire. De cette manière, l’horizon budgétaire est en permanence de 12 mois, quelle que soit la période de l’année où l’on se trouve (l’horizon budgétaire peut même dans ce cas être porté à 18 ou à 24 mois sans que cela n’ait de conséquences sur le processus budgétaire).

schéma 1.4. calendrier budgétaire pour un système budgétaire glissant Budget en cours

Octobre N

* Comparaison des réalisations et des prévisions pour le 3 e Octobre N à trimestre N Septembre N+1 * Etablissement d’une situation sur les 12 derniers mois e * Construction et approbation des budgets du 3 trim. N+1

Janvier N+1

* Comparaison des réalisations et des prévisions pour le 4 e Janvier N+1 à trim. N Décembre N+1 * Etablissement d’une situation sur les 12 derniers mois * Construction et approbation des budgets du 4 e trim. N+1

Avril N+1

* Comparaison des réalisations et des prévisions pour le 1 er trim. N+1 * Etablissement d’une situation sur les 12 derniers mois * Construction et approbation des budgets du 1 er trim. N+2

Avril N+1 à Mars N+2

Juillet N+1

* Comparaison des réalisations et des prévisions pour le 2e trim. N+1 * Etablissement d’une situation sur les 12 derniers mois * Construction et approbation des budgets du 2 e trim. N+2

Juillet N+1 à Juin N+2

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B. – la planification du processus d’information de gestion dans les grandes entreprises Dans les grandes entreprises, les processus budgétaires sont très formalisés et ils mobilisent des ressources internes importantes (contrôleurs de gestion, responsables opérationnels, membres de la direction générale). Mais ils sont également multiformes et peuvent associer des activités complémentaires : • Le suivi stratégique : une fois par an, le contrôle budgétaire est confronté aux orientations stratégiques de l’entreprise pour s’assurer de la concordance entre les prévisions et les réalisations à court terme et les orientations de long terme qui ont été décidées. • L’élaboration des budgets : elle a habituellement lieu une fois par an et peut s’étaler sur une période de deux ou trois mois. Elle comprend généralement une réunion globale des principaux dirigeants et responsables d’activités ou de services, soit pour arrêter et discuter les grandes orientations qui vont conditionner l’établissement des budgets, soit pour effectuer les derniers arbitrages et valider l’ensemble des documents qui vont conditionner les décisions opérationnelles des douze mois à venir. • La prévision d’activité : elle permet de modifier les prévisions initiales d’activité pour les adapter à la conjoncture. Le suivi de l’activité est particulièrement important pour les activités de production afin de coller à la demande du marché. Dans certains cas, les prévisions mensuelles ou hebdomadaires d’activité peuvent déboucher sur une modification des budgets (si, par exemple, la procédure budgétaire prévoit une révision et un ajustement des budgets au bout de six mois, ou si l’entreprise utilise une procédure budgétaire glissante : rolling forecast). La périodicité de ce suivi d’activité est très variable selon les entreprises et leur secteur d’activité. • L’enregistrement des résultats : tous les mois, le contrôleur budgétaire doit formaliser les réalisations et éventuellement retranscrire des données issues de sources variables pour les synthétiser dans un document de contrôle budgétaire. • Le suivi des projets ponctuels : principalement les projets d’investissement. Le mois est souvent retenu comme l’unité de base du contrôle budgétaire dans les entreprises. Les références temporelles sont empreintes de notre vie en société. Il en est ainsi pour les instruments du contrôle

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de gestion. Le mois est la référence pour la rémunération de la quasitotalité des salariés. La simple codification des dates en termes de jours / mois / années facilite ce découpage ; on aurait pu admettre que le découpage soit exprimé en termes de semaines, comme cela l’est d’ailleurs dans le domaine de la logistique, mais la plupart des entreprises se sont alignées sur le mois. Le contrôle budgétaire est en effet un arbitrage délicat entre un contrôle nécessaire et suffisamment fréquent pour détecter les dérives inquiétantes et une mobilisation parfois lourde des ressources de l’entreprise (ou de l’Organisation). Il semble que la périodicité mensuelle constitue un bon arbitrage. Cependant, de nombreuses Organisations ne s’alignent par sur cette fréquence mensuelle. Certaines retiendront le trimestre, d’autres ne retiendront rien du tout et appliqueront une apparence de contrôle budgétaire continu qui sera en fait un contrôle budgétaire à certains moments de l’année, les dates étant déterminées de façon discrétionnaire par le contrôleur de gestion ou le dirigeant de l’Organisation. Ainsi, dans de nombreuses collectivités locales il n’existe pas réellement de fréquence du contrôle budgétaire. Les budgets sont suivis de façon plus ou moins régulière avec le couperet final qu’est le refus du trésorier public d’engager des dépenses quand le budget des dépenses votées est atteint. Dans les grandes entreprises, l’emploi du temps du contrôleur de gestion est souvent très formalisé avec des périodes mensuelles consacrées à la collecte des réalisations et à l’analyse des écarts, et des périodes consacrées aux prévisions budgétaires ou aux prévisions d’activité. Le temps restant est consacré à l’analyse des problèmes soulevés. Plus la standardisation des fonctions du contrôleur de gestion est importante et plus ce dernier tend à se concentrer sur les tâches de court terme, au détriment des analyses plus profondes qui exigent du temps mais qui sont pourtant essentielles pour l’efficacité à long terme de l’entreprise. C’est sans doute le principal risque de tous les systèmes de contrôle budgétaire : celui de se bureaucratiser à l’extrême en se concentrant sur les écarts immédiats et en cherchant à les réduire, mais sans pour autant mener les investigations qui permettraient de comprendre les causes de ces écarts. Le contrôleur de gestion a parfois ainsi tendance à se focaliser sur la lutte contre les symptômes, au lieu de prendre le temps pour découvrir les raisons sous-jacentes.

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C. – la prévision et l’anticipation des évolutions environnementales La prévision, en tant que telle, n’est pas nécessairement utile. Il est de nombreux exemples où une vision trop planifiée du déroulement d’un projet tend à réduire la capacité de l’Organisation à saisir de nouvelles opportunités ou à s’adapter à un environnement ayant fortement évolué. Les attentats du 11 septembre 2001 ont eu des répercussions économiques mondiales qui ont modifié de façon considérable l’environnement de certains secteurs d’activité. Pour ne citer que le transport aérien, il est évident que la survie de certaines compagnies aériennes a dépendu de leur capacité à réagir à un événement imprévu qui a fortement affecté le trafic passager initialement envisagé. Il en a été de même avec l’irruption volcanique de 2010 qui a cloué au sol de nombreux avions pour les aéroports affectés par le nuage volcanique. Néanmoins, dans certains cas, l’absence de prévisions confronte l’Organisation à des problèmes pour lesquels elle n’a prévu aucune solution ou pour lesquels elle ne dispose d’aucune capacité de réaction faute justement d’avoir anticipé l’événement. Les problèmes de succession de PDG, qui peuvent paraître triviaux quand le PDG est en bonne santé et encore éloigné de la retraite, peuvent prendre un tour dramatique pour l’entreprise si celui-ci est victime d’un accident alors qu’il exerçait une très forte centralisation des décisions. Dans un autre domaine, les révolutions de 2011 dans les pays arabes peuvent avoir des conséquences significatives pour les entreprises françaises implantées sur place ou réalisant des échanges importants avec des entreprises locales. En effet, leurs réseaux commerciaux peuvent se trouver affectés par les changements d’interlocuteurs, la demande de biens peut brutalement évoluer (d’une demande de biens d’armement vers une demande de biens de consommation ou inversement). La réalisation de prévisions, en permettant sinon d’anticiper du moins d’envisager certains scénarios catastrophes ou, au contraire, certaines opportunités exceptionnelles, peut permettre à l’Organisation de s’y préparer. De manière générale, les prévisions budgétaires n’ont de sens que si elles contribuent à renforcer, ou à améliorer, la capacité de décision ou d’action des dirigeants de l’Organisation. Le processus d’élaboration des prévisions budgétaires devrait donc systématiquement intégrer une réflexion sur les objectifs stratégiques de l’Organisation, sur son environnement, et sur les conséquences de divers chocs externes potentiels.

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§ 2. – la gestion des ressources Toute Organisation existe par les ressources qu’elle mobilise, qu’il s’agisse de ressources humaines, matérielles, immatérielles (les marques notamment) ou financières. La gestion de ces ressources constitue donc une des fonctions essentielles des dirigeants. Gérer des ressources correspond en fait à trois types d’activité : le premier est l’acquisition des ressources, ou le contrôle des dépenses; le second est l’allocation des ressources entre les différentes activités et le suivi de leur consommation ; le troisième est la coordination des consommations de ressources entre les activités.

A. – l’acquisition des ressources Quelle que soit l’Organisation, il existe toujours une forme de contrôle a priori sur l’acquisition des ressources. Dans une entreprise, ce contrôle sera souvent délégué aux responsables de services en fonction du montant de l’acquisition. Néanmoins, le paiement sera centralisé auprès du service comptable et nécessitera généralement la signature de l’un des directeurs. De surcroît, si chaque responsable de service détient le pouvoir d’engager certaines dépenses, le système budgétaire permet de les affecter au service concerné. Le suivi régulier des budgets permet ainsi d’identifier les dérapages entre les acquisitions de ressources initialement prévues pour un service donné et le montant réalisé. En cas d’écart important et non justifié, la délégation de responsabilité peut être supprimée et le responsable du service peut être sanctionné. Dans les collectivités publiques, le contrôle a priori sur l’acquisition des ressources est essentiel. Le contrôle a posteriori n’intervient qu’en cas de déviation manifeste par rapport à la légalité. Les anomalies de gestion ne sont le plus souvent relevées, par la Cour des Comptes, les Chambres Régionales des Comptes, ou la justice, que sur dénonciation ou à la suite d’un changement de majorité politique ayant permis de révéler la pratique de faits délictueux. Le contrôle régulier des acquisitions de ressources dans les collectivités dépend légalement du vote par les élus des autorisations de dépenses. Cette autorisation résulte du vote du budget ou d’avenants au budget (sous forme de délibérations budgétaires modificatives). Le comptable du trésor, qui est seul habilité à acquitter les factures pour le compte des collectivités publiques, est tenu de refuser le paiement de toute dépense pour laquelle il n’y a pas eu d’inscription préalable au

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budget. Le rôle du budget, dans le contrôle de l’acquisition des ressources, constitue donc un élément essentiel de contrôle et de limitation des dérives arbitraires ou délictueuses dans les collectivités publiques.

B. – l’allocation des ressources Toute Organisation est confrontée à ce qui résulte de son objet même : l’affectation des ressources aux différentes activités en vue de la réalisation de ses objectifs.

encadré 1.2. l’allocation des ressources dans une association sportive et culturelle. Afin de faciliter le développement d’activités sportives et culturelles, les collectivités locales favorisent la création et le développement d’associations, en leur accordant des subventions de fonctionnement ou d’équipement. Ainsi, dans une petite commune, la municipalité a décidé d’accorder une subvention à une association regroupant les activités suivantes : cours de danse (pour les jeunes et pour les adultes), cours de judo, cours de musique (solfège, piano et guitare) et atelier théâtre. Globalement, l’association gère un budget de 15 000 € et bénéficie d’une subvention de 3 000 € de la municipalité. Chaque participant à l’association est censé acquitter le coût de la prestation qui lui est offerte. L’objectif principal de la municipalité est de favoriser le développement des activités pour les jeunes. La question principale qui se pose aux membres du bureau de l’association est de déterminer comment affecter cette subvention. Divers mécanismes sont envisageables: • Abaissement du prix des prestations, la subvention représentant 20 % du budget annuel de l’association, celle-ci pourrait envisager de diminuer le prix des prestations uniformément de 20 %. • Action en faveur de certaines activités ou de certains publics : l’association peut décider de ne modifier les prix que de certaines prestations pour lesquelles elle estime qu’il est nécessaire d’en favoriser le développement. Elle peut, par exemple, décider de ne réduire que le prix des prestations à destination des jeunes de moins de vingt ans. • Réalisation de nouvelles activités ou acquisition de matériels propres à l’association.

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Il est évident que les enjeux, assez minimes en termes financiers, sont néanmoins relativement importants pour les adhérents de l’association ou même pour les élus municipaux. Le budget constitue un outil pour permettre de déterminer a priori l’affectation des nouvelles ressources et s’assurer de la pertinence de cette affectation par rapport aux objectifs affichés. Sur un marché, l’allocation des ressources se fait par le mécanisme des prix qui résulte de la confrontation de l’offre et de la demande. Au sein des Organisations, et des entreprises en particulier, cette affectation des ressources émane des organes dirigeants qui arbitrent entre différentes opportunités. En permettant une réflexion annuelle sur l’affectation des ressources et la pertinence du maintien, de l’augmentation ou, plus rarement, de la diminution des ressources octroyées à un service ou à une activité donnée, le système budgétaire permet à l’Organisation d’évoluer de façon dynamique en ne restant pas prisonnière de ses choix passés et des contraintes économiques, mais en se donnant des marges de manœuvre pour atteindre ses objectifs stratégiques. Il est donc essentiel, au cours du processus budgétaire, de se poser la question de l’opportunité de l’affectation des ressources à chaque activité. Trop souvent, les Organisations tendent à n’utiliser le système budgétaire que comme un système de prévision, fondé sur une base historique incrémentée des quelques décisions retenues, mais pour lequel il n’existe aucune remise en cause des choix antérieurs. Or, ces derniers pouvaient être pertinents à une époque donnée, mais devenir sources d’inefficience en matière de consommation des ressources, ou ne plus contribuer à la réalisation des activités considérées comme essentielles pour l’Organisation.

C. – la coordination des activités Sur un marché, la coordination des activités se fait par la confrontation de l’offre et de la demande. Dans une Organisation, cette coordination résulte du pouvoir hiérarchique qui émane des dirigeants. Tant que l’Organisation reste de taille modeste, les dirigeants peuvent aisément conserver une vision globale des différentes activités réalisées et s’assurer que chacune d’entre elles concourt bien à la réalisation des objectifs de l’Organisation. La croissance des Organisations, en entraînant l’obligation de déléguer un certain nombre de fonctions, peut avoir pour effet de favoriser

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une certaine anarchie des différents services, qui se mettent chacun à poursuivre un objectif propre au détriment des objectifs stratégiques de l’Organisation dans son ensemble. En permettant un contrôle et un suivi des ressources, autrement dit en octroyant une autonomie limitée aux différents services puisque ces derniers, non seulement doivent rendre compte des ressources qu’ils consomment, mais ils doivent également justifier la pertinence de cette consommation pour pouvoir obtenir un maintien ou un accroissement des ressources qui leur seront octroyées au cours de la période suivante (le plus souvent l’année suivante), le système budgétaire permet la mise en œuvre d’une coordination des activités. De surcroît, le système budgétaire peut intégrer des éléments conditionnels liés à la réalisation par un autre service d’activités complémentaires. Ainsi, un service commercial disposera dans son budget d’une ligne spéciale correspondant au coût de réalisation d’une campagne publicitaire, qui dépendra de la fabrication d’une nouvelle ligne de produit. Tant que le produit n’aura pas été lancé en fabrication, la ligne budgétaire sera gelée. De même, en période de récession, les entreprises tendent à réduire leurs consommations de ressources pour s’adapter à un environnement moins favorable au développement de leur chiffre d’affaires. Il est bien évident que toutes les activités doivent concourir, à des degrés divers (on peut imaginer qu’en période de récession seul le budget de recherche et développement soit maintenu voire même augmenté) aux économies demandées.

§ 3. – l’évaluation En économie libérale, les marchés permettent d’évaluer la contribution de chacun par la confrontation de l’offre et de la demande. Un artisan offrant des produits ou une prestation de qualité inférieure ne pourra obtenir qu’un prix moins élevé. De même, un artisan ayant une productivité inférieure à la moyenne ne facturera, à temps de travail identique, qu’un volume de produit ou de prestation inférieur à celui des autres artisans. Dans une Organisation, la nécessité du travail en équipe et les problèmes de coordination et d’incitation que cela suppose entraînent la nécessité de disposer d’un système, formel ou informel, d’évaluation de la contribution des membres de l’Organisation.

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Le système budgétaire fournit un cadre formel permettant de répondre à au moins trois besoins. Le premier est la détermination d’une référence pour évaluer la qualité des réalisations. Le second est la possibilité pour les membres de l’Organisation, en participant à la définition des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs, d’adhérer aux objectifs essentiels de l’Organisation. Le troisième est la mise en place d’un système incitatif entre les réalisations et les objectifs poursuivis par l’Organisation.

A. – une référence pour mesurer les réalisations L’examen d’une comptabilité générale, prise isolément des états financiers des entreprises concurrentes, permet difficilement de déterminer la performance d’une Organisation. Qu’il s’agisse du niveau d’activité ou du résultat de l’exploitation, les données fournies par la comptabilité résultent tout à la fois des orientations historiques, de l’environnement, et des efforts fournis par l’Organisation. Ainsi, par exemple, Microsoft et Arcelor sont deux entreprises internationales pour lesquelles une comparaison des données comptables offre peu d’intérêt. Microsoft détient un quasi-monopole sur les systèmes d’exploitation des ordinateurs personnels (mais aussi sur les suites bureautiques avec Microsoft Office) et génère des marges très importantes sur cette activité. Arcelor est un des leaders sur le marché de l’acier, mais la concurrence des pays en voie de développement est très forte, le marché est globalement stable et les marges sont très faibles. Il est donc évident que la performance comptable d’Arcelor ne peut être mesurée à l’aune de celle de Microsoft. Le système budgétaire fournit le cadre susceptible de permettre aux Organisations, et aux entreprises en particulier, d’évaluer la performance des réalisations. En effet, en déterminant a priori ce que l’entreprise attend pour la période à venir, la direction générale offre un étalon de mesure. Il est d’ailleurs à noter que cet étalon de mesure peut être tout simplement constitué par les réalisations de l’année passée. Ainsi, la présentation des comptes annuels, en imposant le report des soldes comptables pour l’année N-1 et en requérant dans les notes aux états financiers l’analyse des principaux changements intervenus au cours de l’exercice, que ce soient des changements de périmètre de consolidation ou des changements de méthode comptable, offre à tout lecteur des états financiers la possibilité de se faire son opinion sur la performance de l’entreprise pour l’année écoulée.

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L’avantage essentiel de l’approche budgétaire, par rapport à une simple approche comptable, est que les budgets intègrent non seulement le poids du passé (que l’on peut observer à travers les états financiers pour l’année écoulée) mais également l’incidence des grandes décisions stratégiques (la décision d’une entreprise de développer une nouvelle activité peut rendre difficile la comparabilité de deux exercices) et surtout l’estimation des changements environnementaux. La comparaison des réalisations des entreprises de construction automobile pour les années 2007 et 2008 conduit à penser que les entreprises ont été très peu performantes en 2008 puisque les chiffres d’affaires et les résultats ont été en net recul (de nombreux groupes sont même passés de bénéfices records au titre de l’année 2007 à des pertes records au titre de l’année 2008). Le budget offre la possibilité d’introduire une référence qui tienne compte des contingences environnementales (le cours du pétrole, le taux d’inflation, la croissance de l’économie, les taux de change, les découvertes technologiques, l’évolution de la demande, etc.).

encadré 1.3. le réalisme budgétaire dans les collectivités publiques. Pour les collectivités publiques, le vote du budget entraîne l’autorisation d’engager les dépenses et de percevoir les recettes. Alors que, dans une entreprise, le dépassement du budget est toujours possible, même s’il peut se traduire par une sanction à l’encontre du responsable concerné (par exemple, la non-obtention d’une prime) ; dans une collectivité publique, si la dépense n’a pas été inscrite au budget, le responsable ne peut en aucune manière l’engager. Aussi, afin d’éviter de se retrouver démuni face à l’apparition d’un événement imprévu (par exemple, un salarié absent qu’il convient de remplacer), les collectivités ont tendance à se ménager quelques enveloppes destinées à faire face à ces événements. Plutôt que de prévoir au plus juste les dépenses de personnel ou de consommation de combustibles, les responsables inscriront au budget un montant supérieur de x% au montant réalisé l’année passée. Il est donc difficile de parler du « réalisme » des prévisions budgétaires puisque, chaque année, les réalisations s’inscrivent nécessairement en deçà des budgets.

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Peut-on adopter des solutions qui permettent au budget d’être tout à la fois un instrument d’autorisation des dépenses et une référence pour mesurer les réalisations ? Le principe d’autorisation des dépenses est en fait un principe assez lâche, dans la mesure où le pouvoir exécutif dispose de la possibilité, à l’intérieur du budget général, ou au sein de certains sousbudgets, d’effectuer des arbitrages et de réaffecter certaines autorisations de dépenses d’une ligne comptable à une autre, sous réserve de faire entériner les modifications par une décision budgétaire modificative qui n’affecte pas l’équilibre global du budget. Une solution, adoptée par certaines collectivités, consiste à prévoir leurs budgets au plus juste tout en intégrant dans leurs prévisions budgétaires une ligne correspondant aux dépenses imprévues. Cette ligne étant clairement identifiée, les membres du conseil d’administration ou de l’assemblée délibérante peuvent ainsi suivre la réalisation du budget en mesurant la capacité de l’exécutif à tenir ses prévisions, tout en évitant un contrôle trop tatillon qui entraverait la capacité de réaction de l’exécutif à des événements imprévus. L’importance du choix d’une référence pour mesurer les réalisations ne doit pas être sous-estimée. En effet, une évaluation trop lâche des dépenses à intervenir ne fournira aucune incitation à contrôler les acquisitions et les consommations de ressources. En revanche, une évaluation trop stricte des besoins risque de décourager les responsables de services ou d’activité qui ne pourront pas atteindre les objectifs qui leur ont été assignés dans le respect des moyens qui leur ont été octroyés.

B. – une occasion de concertation Le budget constituant une référence pour mesurer les réalisations, les employés de l’Organisation adhéreront d’autant plus aisément à cette référence qu’ils auront été parties prenantes à sa définition. La concertation autour de la construction des budgets constitue donc une opportunité pour créer un véritable esprit d’entreprise et une cohésion autour du projet de l’Organisation. Cette concertation concerne bien évidemment les responsables de service ou d’activités. La construction du budget suppose que les objectifs stratégiques aient été définis et que l’environnement global de

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l’Organisation ait été évalué. Mais la phase suivante repose normalement sur l’estimation, par les différents responsables, de leurs besoins en ressources pour remplir les missions spécifiques qui leur ont été confiées (ces missions peuvent être récurrentes, comme la tenue de la comptabilité, ou au contraire ponctuelles, comme la réalisation d’un audit avant le rachat d’un concurrent). La formulation des besoins par les responsables ne doit pas constituer en elle-même le processus final d’évaluation des budgets. En effet, chaque responsable de service a naturellement tendance à majorer le niveau des moyens nécessaires pour remplir sa mission. Dans un premier temps, la globalisation des demandes budgétaires au niveau de l’Organisation fournit un budget qui ne remplit plus son rôle de référence puisqu’il inclut la totalité des demandes, sans réel effort de hiérarchisation des priorités et de contrôle de la pertinence des moyens demandés par rapport aux objectifs assignés. On retrouve cette dérive dans le domaine de la santé où, par définition, la santé n’ayant pas de prix, il est difficile d’opposer une fin de non-recevoir à des demandes budgétaires destinées à améliorer la qualité d’un service ou lui permettre de répondre à un afflux de demandes (demandes qui sont parfois saisonnières). Dans les entreprises, la contrainte de résultat fait que, sauf cas particuliers de monopoles, il est souvent difficile de satisfaire toutes les demandes budgétaires tout en maintenant l’équilibre global de l’entreprise et sa capacité à dégager des profits. La concertation joue alors un rôle essentiel, puisqu’elle va fournir l’occasion aux responsables de service de confronter leurs demandes avec les contraintes globales de l’entreprise. Les dirigeants doivent transmettre aux responsables les contraintes globales, et ces derniers, en retour, doivent avoir la capacité de hiérarchiser leurs demandes de moyens, pour pouvoir les inscrire dans l’enveloppe budgétaire qui leur est octroyée. De surcroît, cette négociation peut conduire à une redéfinition des objectifs assignés aux différents responsables, si ces derniers peuvent justifier de leur incapacité à atteindre les objectifs avec les moyens octroyés. La concertation concerne aussi les dirigeants et les membres des conseils ou des assemblées. En effet, dans les entreprises, la discussion des budgets au cours du conseil d’administration est l’occasion de réexaminer les objectifs essentiels de l’entreprise et de s’accorder sur la priorité à accorder à chacun d’entre eux. Dans les conseils municipaux ou les assemblées d’élus, la délibération autour des budgets peut per-

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mettre aux différentes sensibilités de se faire entendre, notamment sur le choix des actions prioritaires à entreprendre.

C. – un outil d’incitation et de responsabilisation En dehors de la recherche du profit, l’économie de marché se traduit par la possibilité donnée à chaque individu de progresser professionnellement et financièrement en fonction de ses seuls mérites et non pas selon une grille préétablie (ancienneté ou autre) qui codifierait la rémunération et le grade et garantirait une sorte de progression « perpétuelle ». Dans cet esprit, les entreprises privées ont fait des budgets (et de leur maîtrise) un moyen d’inciter les salariés à se dépasser et un moyen pour leur donner plus de responsabilité. Il existe d’ailleurs de nombreuses variétés de budgets : budgets de dépenses de fonctionnement pour un Département, budget de vente pour un chef de produit, budget de résultat pour un responsable de centre de profit, budget d’investissement, etc. Les budgets constituent un instrument d’incitation d’autant plus efficace qu’ils auront été le fruit d’une concertation préalable entre les dirigeants et les différents responsables d’activités ou de services. En effet, le principe d’un système incitatif est d’associer une récompense à la réalisation d’un objectif ou au respect d’une contrainte. Plus rarement, un système incitatif peut se doubler d’un système punitif par le biais d’une sanction appliquée en cas de non-respect de ces mêmes objectifs ou contraintes. Par exemple, en matière de sécurité, une entreprise peut se fixer pour objectif d’éviter tout accident d’une certaine gravité. Le système incitatif peut consister dans le versement d’une prime au responsable de la sécurité si le nombre d’accidents du travail tombe en dessous d’un certain seuil et, à l’inverse, peut se traduire par un licenciement ou une rétrogradation si un accident grave intervient. En définissant des objectifs, et en fixant les moyens qui sont octroyés pour l’atteinte de ces objectifs, le système budgétaire fournit naturellement le cadre de l’évaluation de la performance des responsables de services ou d’activités. Les récompenses peuvent alors être accordées selon un système linéaire (la récompense est d’autant plus importante que les objectifs ont été dépassés ou que les consommations de ressources sont inférieures aux montants budgétisés) ou, au contraire, discontinu (la récompense dépend de la réalisation de l’objectif et du respect des moyens budgétisés, mais elle est indépendante du niveau de réalisation).

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section II le choix des structures organisationnelles L’appréhension de la structure organisationnelle est absolument centrale dans la définition et la mise en place d’une démarche stratégique. A travers les personnes qui composent l’Organisation, le choix de la structure de référence conditionnera le mode de prise de décision.

§ 1. – l’Organisation hiérarchique Traditionnellement, le découpage budgétaire est calqué sur la structure hiérarchique de l’Organisation. Le principal avantage de ce découpage est de permettre une identification entre une responsabilité hiérarchique et un budget. Autrement dit, chaque responsable se voit attribuer un budget à gérer. Ce système permet aussi de s’assurer relativement aisément de l’exhaustivité des informations recueillies, puisque les budgets peuvent être consolidés au niveau supérieur et que toutes les fonctions peuvent être prises en compte.

A. – le découpage pyramidale Selon l’approche pyramidale, l’Organisation est vue à travers sa structure hiérarchique qui aboutit, au sommet, en un point ultime qui correspond habituellement au PDG, c’est-à-dire à la personne qui détient, au sommet de l’Organisation, le pouvoir exécutif. Dans une collectivité locale, il peut s’agir du maire. Si la fonction de direction est exercée par un bureau ou un comité, on peut également estimer que le sommet de la pyramide est cet organe collégial. Le budget global est alors découpé en sous-budgets au fur et à mesure que l’on descend dans la structure pyramidale et hiérarchique de l’Organisation. Cette décomposition en sous-budgets peut être relativement fine ou, au contraire, assez grossière, selon les objectifs poursuivis par l’Organisation. Il s’agit d’une démarche très rationnelle où la somme des sous-entités permet d’obtenir, avec le sous-budget de l’entité supérieure, le budget global de l’entité. Chaque niveau hiérarchique, selon les règles édictées par Fayol5 , rend compte à un seul responsable de l’ensemble des activités auxquelles il a participé. 5

Fayol H. (1916), Administration industrielle et générale, Dunod, 1979.

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Une étape essentielle du processus budgétaire va consister à définir la structure hiérarchique de l’Organisation et à y associer différentes responsabilités. En fonction des objectifs de l’Organisation, des ressources sont ensuite attribuées à chaque service pour lui permettre de remplir les missions et les tâches qui lui ont été confiées. Le poids grandissant des activités support6 a rendu cette approche peu adaptée à la résolution des problèmes stratégiques posés par un environnement de plus en plus mouvant. L’Organisation tend ainsi à adopter, de plus en plus, une structure matricielle ou, en tout cas, une structure plus adaptative où les projets priment sur les approches hiérarchiques.

B. – l’approche matricielle des Organisations L’approche matricielle consiste à jumeler une approche hiérarchique avec une approche par processus, activités, projets, ou zones géographiques. Au sein d’une Organisation, un responsable sera donc défini par une double appartenance. Par exemple, le contrôleur de gestion d’une filiale française d’un groupe américain pourra être hiérarchiquement rattaché au directeur du site et fonctionnellement rattaché à la direction financière Europe. Dans ce cas, il transmettra directement à la direction Europe les éléments de son contrôle budgétaire. Dans le cas du lancement d’un nouveau projet, ou dans le cas d’un processus, un spécialiste technique peut conserver son rattachement hiérarchique à son chef d’atelier tout en étant affecté à la poursuite du projet ou à la réalisation du processus. Quand un constructeur automobile décide de lancer un nouveau modèle, ou une nouvelle plateforme qui donnera elle-même naissance à différents modèles, le chef de projet constitue une équipe pluri-disciplinaire où les membres ont un double rattachement : au chef d’équipe et à leur directeur de service. Alors que les structures verticales confèrent la stabilité et la permanence, les structures horizontales sont souvent temporaires et peuvent se succéder en fonction des projets ou des marchés qui sont développés.

C. – l’association responsabilité / budget Associer un budget à une responsabilité permet d’assurer une délégation de certaines fonctions, tout en conservant un contrôle sur l’utilisation des ressources mises à disposition. Ainsi, dans le cas du budget des ventes, l’Organisation peut adopter un découpage de sa clientèle en 6

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

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plusieurs zones géographiques (ou par nature de clients: particuliers, entreprises, collectivités). Chaque zone se voit attribuer des objectifs à atteindre et des ressources sont mises à sa disposition. Le budget des ventes de chaque zone doit alors recenser tout à la fois les objectifs retranscrits sous forme monétaire (par exemple en termes de chiffre d’affaires à atteindre) et les ressources (en personnel, en consommables, en frais généraux, etc.). La somme des budgets des ventes de chaque zone géographique doit ensuite permettre d’établir le budget du service commercial (schéma 1.5). On peut néanmoins parler de consolidation plutôt que d’addition, dans la mesure où il est parfois nécessaire de retraiter certaines données budgétaires. Par exemple, quand des zones géographiques effectuent des cessions de produits ou de services entre elles, pour éviter d’enregistrer deux fois le même chiffre d’affaires, il est nécessaire de soustraire les transactions correspondantes. En outre, à ces budgets afférents aux zones géographiques, il convient d’ajouter le budget propre au directeur commercial. Ce budget peut être plus ou moins étendu selon les prérogatives personnelles que se conserve le directeur (par exemple, il peut décider de traiter lui-même de certains grands contrats ayant un caractère essentiel pour l’Organisation).

schéma 1.5. consolidation des budgets des ventes Budget de l’organisation

Budget du service commercial Budget propre au directeur commercial Consolidation des budgets

Budget des ventes zone 1

Budget des ventes zone 2

Budget des ventes zone 3

Budget des ventes zone 4

Budget des ventes zone 5

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En définissant le budget par rapport à la responsabilité, l’Organisation peut renforcer le rôle incitatif du budget en tant qu’instrument de mesure de la performance des différents services ou entités et de leur responsable.

§ 2. – les centres de responsabilité Les centres de responsabilité constituent un découpage de l’Organisation de l’entreprise en entités de gestion autonomes indépendantes des structures juridiques et géographiques. Chaque centre de responsabilité est une unité de management indépendante faisant l’objet d’une mesure de la performance avec un mode de gestion qui lui est propre.

encadré 1.4. les objectifs du découpage en centres de responsabilité. Le découpage en centres de responsabilité doit permettre : de garantir la cohérence entre le système de mesure des performances des managers et leurs responsabilités ; de mettre en évidence et de se focaliser sur les bons indicateurs de performance ; d’installer un dialogue de gestion entre les différents centres de responsabilité qui doit favoriser la performance globale de l’entreprise et permettre de mettre en œuvre de bons comportements ; et d’introduire des mesures « objectives » dans une évaluation de la performance autrement fortement marquée par le jugement subjectif. Ce système a pour objectif de pallier les faiblesses rencontrées par des Organisations d’entreprise trop traditionnelles et trop pyramidales. Ces faiblesses sont notamment : le manque de maîtrise des coûts internes, l’hétérogénéité des tableaux de bord, l’analyse de résultat souvent limitée à la marge sur coût variable, l’absence de responsabilité économique par activité ou ligne de produit, le chevauchement de responsabilités. On peut distinguer deux grandes familles de centres de responsabilité. Les plus développés sont les centres de profit ou de résultat

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dont l’objectif est de maximiser l’écart entre des recettes (internes et/ou externes) et des coûts. Les plus simples sont les centres de coûts ou de recettes dont l’objectif est de maîtriser des dépenses (ou de maximiser les recettes) par rapport à un budget. Ces centres doivent être construits en respectant trois principes : l’exhaustivité du périmètre (le total des résultats de gestion des Centres de responsabilités du Groupe forme le résultat de gestion du Groupe), l’autonomie de management (un centre de responsabilité est une unité de management, il est doté d’un périmètre de gestion et d’activité bien défini, il recouvre un ensemble homogène de missions et a un responsable unique et nommément identifié), et la cohérence de gestion (cohérence des responsabilités par rapport aux moyens alloués, capacité à fournir une information pertinente, et codification des règles de cession internes entre les centres de responsabilité). On distingue habituellement autour des deux familles précédemment décrites, quatre principaux types de centres de responsabilité selon la nature des engagements qu’ils autorisent. Chaque centre de responsabilité est étroitement corrélé avec une nature de budget.

A. – les centres de recettes Un centre de recettes se caractérise par la maximisation d’un volume de chiffre d’affaires avec un budget de dépenses donné et des prix fixés (l’exemple typique en est le service commercial). L’utilisation d’un centre de recettes permet de distinguer, au sein d’une Organisation, les activités commerciales des autres activités de production, d’approvisionnement ou de services-support. Le centre de recettes peut également retenir un autre indicateur d’activité comme le volume de la marge brute réalisée. Dans tous les cas, le budget d’un centre de recettes apparaît comme étroitement focalisé sur les recettes à obtenir (les prévisions budgétaires de recettes apparaissent comme un objectif à atteindre ou à dépasser), les dépenses figurant comme une contrainte (les prévisions budgétaires de dépenses constituent le montant des ressources octroyées qu’il convient de ne pas dépasser sauf à en justifier précisément la raison). Le principal levier sur lequel peut agir un centre de recettes est le volume des ventes et la répartition de ce volume entre les différentes catégories de produits (le mix produits).

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B. – les centres de coûts standards Un centre de coûts standards correspond à une entité où les actions à entreprendre n’entraînent que des dépenses dont il est possible de mesurer l’efficience et l’efficacité. Le responsable n’a pratiquement aucun pouvoir sur le niveau des ventes, des investissements ou du profit. Sa mission est de fournir les prestations demandées (tant en matière de quantité, que de qualité ou de délai) dans des conditions optimales de coûts (ainsi, dans le cas d’un atelier d’usine, le responsable d’atelier doit répondre aux demandes de production en minimisant les ressources mises en œuvre). Théoriquement, un centre de coûts standards peut être établi dès qu’il est possible de définir et de mesurer la production ainsi que de spécifier le montant des ressources nécessaires pour produire les différents types de produits ou de services. Un centre de coûts standards peut être utilisé pour toutes les opérations répétitives, que ce soit dans les activités industrielles ou dans les activités de service. Le développement des centres de coût standard a été particulièrement important au cours du vingtième siècle. Cependant, aujourd’hui, les besoins de production exigent une capacité d’adaptation et d’innovation parfois difficilement compatibles avec une définition préalable rigide des ressources à mettre en œuvre. La notion de coûts standard doit ainsi être remise en question pour passer d’une focalisation sur le produit vers une focalisation sur l’activité ou le processus. La prévision budgétaire doit alors définir a priori des ressources à engager pour une activité ou un processus déterminé et compte tenu d’un volume d’activité attendu. Le contrôle budgétaire consiste à s’assurer a posteriori de l’utilisation efficace des ressources octroyées.

C. – les centres de dépenses discrétionnaires Un centre de dépenses discrétionnaires est approprié pour une entité qui assure une production difficilement mesurable, tant en termes financiers qu’en quantité, et pour laquelle il n’existe pas une relation forte entre les ressources consommées et la production réalisée ou les résultats obtenus. Les centres de dépenses discrétionnaires comprennent généralement les services généraux et administratifs, les bureaux d’étude assurant la recherche et le développement, et certaines activités commerciales telles que la publicité, les promotions ou le stockage. Même s’il est possible de déterminer l’efficacité de ces services (en termes de parts de mar-

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ché ou de découverte de nouveaux produits, de dépôts de brevets, de rapidité d’élaboration des comptes), il est difficile d’évaluer leur efficience c’est-à-dire qu’il est difficile de déterminer s’ils réalisent la production demandée avec une consommation minimale de ressources. Étant donné cette difficulté à mesurer l’efficience des centres de dépenses discrétionnaires, les responsables de centres ont naturellement tendance à favoriser un service censé permettre une prestation de très haute qualité, même si un service de moindre qualité pourrait répondre quasiment aux mêmes besoins avec un coût significativement moindre. De même, les employés de ces services préfèrent souvent s’entourer des personnes les plus compétentes dans le domaine afin de mettre en avant la valeur et la qualité de leur service. Il est donc difficile, pour la direction générale, de déterminer le budget approprié pour obtenir le niveau de qualité et de service désiré. La direction générale se trouve dans une situation d’asymétrie d’information par rapport aux dirigeants de ces services et elle doit s’appuyer, soit sur des comparaisons avec d’autres entreprises (par exemple, comparaison du budget de recherche et développement exprimé en pourcentage des ventes), soit sur le jugement de professionnels informés. Une fois, le budget d’un centre de dépenses discrétionnaires déterminé, le contrôle du suivi budgétaire est relativement malaisé. Il n’est pas nécessairement souhaitable d’imposer au dirigeant une réalisation inférieure au budget puisque celle-ci pourrait résulter d’une moindre qualité, ou d’une diminution, du service rendu. Inversement, le dépassement du budget peut se justifier par de nouvelles circonstances, telles que la découverte d’un nouveau produit pour un centre de recherche et développement, ce qui justifie de nouvelles dépenses de développement. L’existence d’un budget pour les centres de dépenses discrétionnaires peut donc donner l’illusion d’un suivi précis des opérations alors qu’en fait la connaissance de l’efficacité et de l’efficience de ces centres peut rester très approximative. L’importance croissante prise par les activités support (c’est-à-dire des centres de dépenses discrétionnaires) au sein des Organisations a conduit à s’interroger sur la raison d’être de ces activités. Les méthodes de type ABC (Activity Based Costing) et ABM7 (Activity Based Management) ont ainsi débouché sur une approche ABB (Activity 7

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

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Based Budgeting) où les budgets prennent en compte les activités et s’appuient sur l’identification d’inducteurs d’activité pour déterminer la pertinence des ressources budgétisées et évaluer l’efficacité des activités ou des processus réalisés.

D. – les centres de profit Un centre de profit est une entité où le responsable a la possibilité de combiner au mieux coûts et recettes. La notion de profit peut s’apprécier en termes de résultat net ou, plus couramment, en termes de marge si le responsable ne contrôle pas la quasi-totalité des coûts entrant dans le calcul d’un résultat net. Dans un centre de profit, le dirigeant a l’autorité pour déterminer les sources d’approvisionnement et le choix des marchés. Le choix d’un centre de profit dépendra du degré de délégation de l’autorité, de la nature de l’activité, de la stratégie suivie par l’entreprise.

encadré 1.5. les limites des centres de profit. L’idée sous-jacente au centre de profit est de considérer qu’une entreprise est plus efficace si elle fonctionne en interne comme elle fonctionne en externe : c’est-à-dire avec de la concurrence, des prix d’achat et de vente et des règles de fonctionnement contractualisées. Bien évidemment ce système, très populaire encore récemment, a mis en évidence des lacunes qui ont conduit à réduire sa portée. Par exemple, lorsqu’un centre de profit était peu satisfait des prestations / produits achetés en interne à un autre centre de profit, il ne pouvait pas pour autant acheter à l’extérieur ; ou bien, les règles de contractualisation mises en place n’étaient jamais vraiment appliquées ; ou encore, chaque centre de profit poursuivant la maximisation de ses indicateurs de profit, le profit global de l’entité peut se dégrader rapidement en raison d’une prise en compte insuffisante des interactions entre centres de profits. Dans d’autres cas, le découpage de l’entreprise en centres de profit génère des budgets « artificiels » qui ne sont reliés à aucune sortie monétaire pour l’entreprise considérée dans sa globalité. Une part majeure des transactions correspond à des transactions internes

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réalisées sur la base de prix de cession internes. Si le chiffre d’affaires de chaque centre de profit est gonflé, les transactions internes doivent être éliminées pour déterminer le chiffre d’affaires consolidé de l’entreprise. Dans une Organisation centralisée, les règles opérationnelles spécifient ce que les employés doivent faire. Les règles de contrôle sont liées à l’accomplissement de la tâche. En cas de décentralisation, les dirigeants locaux sont spécialisés dans certaines tâches et disposent d’une information plus pertinente que leurs supérieurs hiérarchiques sur l’opportunité des décisions à prendre. Les règles opérationnelles disent rarement la manière dont il faut réaliser les tâches, mais plutôt les objectifs à atteindre. Les employés sont tenus de faire le nécessaire pour que ces objectifs soient atteints. Par conséquent, les règles de contrôle doivent davantage reposer sur des schémas incitatifs qui offrent une certaine motivation aux dirigeants du service ou de l’unité décentralisée. Les règles opérationnelles vont donc comprendre les objectifs à atteindre, mais également les limites à ne pas dépasser, que ce soit en termes de comportements (ne pas recourir à des actions illégales), ou en termes de ressources (ne pas consommer plus de x ressources). Une fois leurs possibilités d’action déterminées, les dirigeants locaux se voient confier un ou plusieurs objectifs en fonction desquels ils seront évalués. Les objectifs fixés aux dirigeants doivent également prendre en compte les problèmes d’externalité liés aux interactions entre différentes unités appartenant à un même groupe. Le niveau de performance d’une unité peut être fortement influencé par l’activité d’une autre. Par exemple, une unité de fabrication dépend du volume de la production demandée, c’est-à-dire de l’activité générée par l’unité chargée du service commercial. Il est donc nécessaire de prévoir, dans les objectifs, une certaine coordination entre les dirigeants des différentes unités et de mettre en place un mécanisme d’incitation à collaborer. Un problème supplémentaire, lié à la décentralisation, est la surconsommation d’avantages personnels par le dirigeant local. Ce dernier peut être tenté de s’octroyer un environnement de travail très confortable en acquérant des bureaux somptueux, en ayant un personnel administratif sur-numéraire, et en disposant des derniers équipements technologiques, en matière de bureautique par exemple. Ces dépenses vont réduire la

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performance du dirigeant, mais elles constituent une forme de compensation non-monétaire que le dirigeant local peut préférer à l’augmentation de salaire qui résulterait d’une performance supérieure.

E. – les prix de cession interne Dans les groupes de sociétés, le suivi de la performance est parfois rendu plus délicat par l’existence de transactions intra-groupe. Si, au niveau de la consolidation, ces transactions sont retraitées et éliminées pour ne faire apparaître que les transactions réalisées avec des entités externes au groupe, dans l’évaluation de la performance des responsables de divisions ou même de processus, ces transactions jouent un rôle déterminant. Le point central à étudier est donc le mécanisme de détermination des prix appliqués aux transactions internes. Ces prix sont habituellement dénommés : « prix de cession interne ». Les prix de cession ont deux rôles : en tant que prix, ils guident la prise de décision locale, et en tant qu’outils de valorisation des transactions internes, ils contribuent à l’évaluation de la performance des différentes entités composant le groupe. La détermination des prix de cession interne doit ainsi permettre de : • Fournir une mesure des performances des différents centres de responsabilité. • Faire en sorte que le prix adopté n’amène pas de divergences entre les buts poursuivis par les divisions et ceux recherchés par l’entreprise. • Préserver l’autonomie conférée aux responsables des unités décentralisées. Différentes méthodes sont couramment utilisées pour évaluer les prix de cession interne. Elles se résument à deux grands types de démarches complémentaires : • la référence aux coûts : coût complet, coût variable standard + une contribution aux frais fixes, coût marginal, + éventuellement une marge bénéficiaire ; • la référence aux prix de marché (avec un abattement pour les frais commerciaux). Dans tous les cas, le choix d’une politique de prix de transferts dépend : • Du contexte stratégie-structure dans lequel se situent les cessions internes (dépendance d’approvisionnement, approvisionnement pour des biens ayant exigé des investissements spécifiques impor-

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tants, approvisionnement sur un marché concurrentiel, niveau d’intégration de la firme). • Des contraintes juridiques, financières et fiscales qui s’imposent aux centres de responsabilité. La performance du groupe dépend de la performance individuelle des entités mais également de la cohérence des stratégies mises en place par chaque entité. Or, chaque responsable d’entité devrait normalement être évalué d’après sa propre performance. Trois problèmes principaux doivent ainsi être résolus : • Toute mesure de performance modifie le comportement de l’intéressé qui peut prendre des décisions contraires à l’intérêt global de l’entreprise, mais qui lui seront favorables au niveau de la mesure de sa performance. • Il est parfois difficile d’établir des mesures de performance qui tiennent compte de l’environnement de l’entreprise, or celui-ci peut expliquer une part significative de la performance. • Certains effets à long terme ne sont pas visibles dans des mesures de performance à court terme. Il en est notamment ainsi des dépenses sur des actifs incorporels : recherche et développement, publicité, conception des usines, entretien, développement des ressources humaines et contrôle de qualité. De ces différentes considérations, il ressort que les indicateurs de performance à utiliser doivent dépendre du contexte organisationnel et de l’environnement de l’entité étudiée : • La marge sur coût variable : dans la mesure où le dirigeant peut contrôler certains coûts fixes, il convient de prendre en compte les coûts fixes pour lesquels le dirigeant pourrait faire un arbitrage avec les coûts variables. • La marge sur coûts contrôlables (coûts variables + coûts fixes contrôlables) : il s’agit sans doute du meilleur indicateur de la performance du dirigeant, puisqu’elle mesure la capacité du dirigeant à utiliser efficacement les ressources sous son contrôle. Un inconvénient de cette mesure provient de la difficulté à distinguer entre les coûts fixes contrôlables et ceux qui ne le sont pas. De plus cette marge ne donne qu’une image imparfaite de la contribution économique de la division à l’Organisation puisqu’elle ne prend pas en compte les coûts attribuables non contrôlables.

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• La contribution de la division (après coûts variables et coûts fixes de la division) représente la contribution de la division à la couverture des frais généraux et au profit de l’entreprise. Elle évalue davantage la performance de la division que celle de son dirigeant. • Le profit avant impôt de la division : bien qu’il soit nécessaire que les profits générés par les divisions excèdent les frais généraux centraux avant que l’entreprise soit profitable, il ne semble pas y avoir beaucoup d’intérêt à inclure une allocation arbitraire de ces coûts pour évaluer la performance de la division ou de son dirigeant : car ces coûts ne sont pas contrôlables au niveau de la division et leur allocation est souvent arbitraire. Cependant leur inclusion peut se justifier quand une partie des frais généraux centraux découle des activités des divisions, ou quand on souhaite rendre les dirigeants de division plus attentifs au coût des services centraux. • Le retour sur investissement: quand le responsable de l’entité détient l’autorité nécessaire pour engager des capitaux, il est souvent nécessaire de recourir à des mesures de performance faisant référence au montant des capitaux investis. Le calcul de la marge ne devrait normalement faire apparaître que les éléments sous la responsabilité du dirigeant. Un des risques de ce type de centre est la priorité qui peut être donnée aux résultats à court terme au détriment de la rentabilité à long terme.

§ 3. – l’Organisation par activités ou par projets L’approche hiérarchique des Organisations offre le principal avantage d’identifier les responsabilités de chacun. En revanche, le développement des grandes Organisations et l’empilement des strates hiérarchiques ont parfois eu pour effet d’entraver l’innovation, le développement et la capacité d’adaptation de ces mêmes Organisations. Dès les années soixante-dix, des entreprises ont cherché à promouvoir des systèmes organisationnels faisant une place plus importante aux processus. Les entreprises automobiles, et le groupe japonais Toyota en particulier, ont été confrontées à la nécessité de faire travailler ensemble des employés issus de directions hiérarchiques distinctes. En France, le lancement de la Twingo a été l’occasion, pour le groupe Renault, de développer l’approche par les processus à la fin des années quatre-vingt.

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Progressivement, tous les grands groupes se sont focalisés sur la notion de processus pour déterminer les facteurs-clés de succès susceptibles de leur offrir un avantage concurrentiel. En matière de suivi des coûts, c’est-à-dire de suivi des consommations de ressources, cette évolution a entraîné une réflexion autour du coût des activités indirectes, ce qui a débouché sur l’approche ABC (Activity Based Costing)8. Mais cette évolution touche aussi la façon de concevoir les structures organisationnelles et leurs liens avec les systèmes budgétaires. L’essor des bases de données a modifié la représentation traditionnelle de l’Organisation. Auparavant les blocs s’empilaient les uns sur les autres pour donner, in fine, une représentation globale de l’Organisation. Avec les bases de données, les blocs que constituent les activités peuvent faire l’objet d’une infinité de représentations. On peut tout à la fois représenter le système budgétaire dans son approche pyramidale traditionnelle (schéma 1.6) ou, au contraire, l’aborder sous le biais d’une activité transverse (schéma 1.7). Une fois les bases de données alimentées, il s’agit d’un simple tri qui, en fixant les critères, détermine les formes de la représentation budgétaire.

schéma 1.6. l’intégration des activités dans un centre de responsabilité Centre de responsabilité Y

Activité A3 Activité A1

Activité A2

Le centre de responsabilité englobe trois activités principales : les activités A1, A2 et A3. Ces trois activités sont intégrées en exclusivité dans ce centre de responsabilité. 8

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

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schéma 1.7. l’intégration des activités dans une approche transversale Processus Contribution des activités au processus Activité A1

Activité A2

Activité A3

Activité A4

Activité A5

Le processus fait appel à cinq activités différentes (les activités A1, A2, A3, A4, A5). Mais ces activités fournissent également des prestations à d’autres processus

A. – le découpage par processus ou par activités L’Organisation n’est plus appréhendée par sa structure hiérarchique, mais par les processus qui la composent et qui font appel à des compétences distinctes. Alors que l’approche hiérarchique nécessite un regroupement des compétences similaires sous une même direction, afin de disposer d’un pouvoir de contrôle propre à chaque spécialité ; l’approche par activité suppose, au contraire, un éclatement des compétences pour permettre à chaque processus de disposer de la totalité (ou en tout cas d’une part majeure) des compétences qu’il va requérir. Ces compétences peuvent ainsi aller de la capacité à modéliser certaines techniques, à la connaissance des outils de production, en passant par le suivi des coûts et l’approche marketing.

encadré 1.6. les processus pour un fabricant informatique. Un fabricant informatique de dimension mondiale dispose d’une direction de la production, d’une direction commerciale, d’une direction financière et d’une direction des achats. La concurrence sur le marché de l’informatique ne cesse de s’accroître avec des parts de marché très fluctuantes et des marges de plus en plus faibles sur la

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vente de matériel. La direction générale a donc repensé l’Organisation mondiale en fonction de quelques processus. L’un d’entre eux est le processus de vente aux grands comptes, c’est-à-dire aux clients (entreprises et administrations principalement) susceptibles d’acquérir plusieurs centaines de postes informatiques avec les équipements réseaux et les logiciels d’exploitation nécessaires. Dans une Organisation centrée sur la structure hiérarchique, chaque direction dispose de la maîtrise de son offre sur le segment qui lui est propre: le responsable du matériel doit fournir le matériel demandé au moindre coût, de même pour le responsable des connections réseaux ou le responsable des logiciels d’exploitation. Dans une approche « process » ou « processus », il existe un responsable du processus de réponse à la demande des grands comptes. Ce responsable doit coordonner les différentes offres existant en interne pour offrir au client la solution qui permettra de remporter le marché. Il doit donc tenir compte des capacités internes de l’entreprise, mais également des possibilités de se fournir à l’extérieur pour certains composants, il doit intégrer une dimension commerciale et technique pour définir avec le client les modalités exactes de la configuration demandée. Il doit être capable d’en chiffrer le coût pour l’entreprise et de proposer une estimation de prix au client. Chaque processus fait habituellement appel à un certain nombre d’activités. Ces activités peuvent être transversales à plusieurs processus. Elles fournissent les ressources dont le responsable de chaque processus a besoin pour accomplir sa mission. De surcroît, certains processus font appel aux ressources de différentes divisions ou à l’expertise des ressources centrales du groupe (par exemple si les activités de recherche et développement sont centralisées au niveau de la société mère). Il faut donc dépasser le cadre juridique de l’Organisation (son découpage en filiales), et adopter une démarche fondée sur les processus si l’on veut déterminer la pertinence des activités dans lesquelles l’entreprise est engagée et évaluer les consommations de ressources par rapport aux richesses créées.

B. – la responsabilité des processus et des activités Le découpage par processus soulève de nombreuses questions organisationnelles (schéma 1.8). En effet, dans la majeure partie des cas, les

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ressources de l’Organisation restent contrôlées par une direction hiérarchique disposant d’une spécialisation. La direction agit alors comme un fournisseur de ressources. Le lien entre ces directions hiérarchiques et les directions de processus se fait à travers les responsables d’activités. Une activité est en ensemble homogène de tâches qui sont tournées vers l’exécution d’une même fonction et qui peuvent être mises en relation avec la demande qui leur est adressée. Ainsi, au sein d’un bureau d’études, on pourra déterminer différentes activités qui seront: la recherche fondamentale, l’élaboration des devis, la conception du processus de fabrication, la définition des configurations possibles (pour le bureau d’études du constructeur informatique), etc. Chaque responsable d’activité devra rendre compte à son responsable hiérarchique fonctionnelle (en l’occurrence le directeur du bureau d’études) et aux différents directeurs de processus auxquels il aura à fournir des prestations. Pour notre directeur du processus grands comptes d’un constructeur informatique (encadré 1.6), le responsable de l’activité « établissement des devis » devra évaluer le prix à facturer pour les différentes configurations proposées, et le responsable de l’activité « définition des configurations possibles » devra aider les commerciaux à définir les attentes du client.

schéma 1.8. les activités, carrefour des directions hiérarchiques et des processus

Direction ALPHA

Activité B

Processus X

Activité D Activité A Activité C

Processus X

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Il existe donc une représentation matricielle de la responsabilité où un responsable d’activité doit rendre compte tout à la fois à son directeur hiérarchique pour l’emploi des ressources qui lui ont été octroyées et au directeur des processus pour la pertinence du déploiement des ressources et la qualité de la réponse au besoin mis en évidence. Les budgets se trouvent au carrefour de ces responsabilités car ils constituent fréquemment un outil, objet de pouvoir entre des directions aux objectifs distincts et parfois conflictuels.

C. – les groupes de projets Alors que les processus incarnent une stabilité dans le temps, car ils sont censés appréhender ce qui constitue l’essence durable de l’Organisation, cette dernière peut également avoir besoin de créer, pour une durée limitée, des groupes de projet qui feront appel à la même logique transversale que les processus mais pour une durée de vie limitée. L’industrie automobile a longtemps oscillé entre groupes de projets et définition de processus pérennes. Les besoins de regrouper des compétences variées et multiples sans désorganiser l’entreprise ont, dans un premier temps, favorisé la constitution de groupes de projets avant que ces derniers tendent à se pérenniser en développant des processus. Un groupe de projet est donc la constitution d’une équipe d’employés disposant de compétences diverses, à laquelle est attribué un ensemble de ressources pour mener à bien une mission : le projet. Par sa nature même, et sa limitation dans le temps, le groupe de projet constitue une entité susceptible de s’intégrer dans une optique budgétaire. Il est en effet relativement aisé de définir a priori une enveloppe budgétaire intégrant les ressources estimées nécessaires au développement du projet.

§ 4. – la cohérence de l’ensemble Les états financiers d’une Organisation doivent normalement fournir une image fidèle de la situation à une date donnée et de la totalité des transactions réalisées au cours de la période de référence (l’exercice comptable)9. Quand un audit de ces états comptables est réalisé, une des tâches essentielles consiste à s’assurer de la réalité et de l’exhaustivité 9

La comptabilité générale, un outil d'information, EMS.

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des transactions enregistrées en comptabilité. Ces deux principes de réalité et d’exhaustivité sont essentiels, car ils sont les seuls garants que l’information que l’on fournit, ou sur laquelle on s’appuie, reflète réellement toutes les transactions réalisées. La plupart des faillites que l’on découvre résultent du non-respect de l’un de ces principes, à commencer par la faillite d’Enron aux Etats-Unis, fin 2001, où certaines transactions n’étaient pas intégrées dans les comptes. Les pratiques budgétaires doivent donc, autant que possible, obéir à ces principes de réalité et d’exhaustivité pour fournir aux dirigeants une vision globale et complète de leur Organisation.

A. – la consolidation des budgets Historiquement, l’application des budgets sur la structure hiérarchique offrait l’immense avantage de faciliter la consolidation des budgets, puisqu’il suffisait d’additionner les budgets de l’échelon hiérarchique inférieur pour obtenir le budget global de l’échelon hiérarchique étudié. Chaque employé et chaque service n’étaient rattachés qu’à un seul responsable hiérarchique, il n’y avait donc pas de règles de répartition à adopter ni de risque d’enregistrer deux fois les mêmes budgets 10. La référence à la structure hiérarchique offre un modèle cartésien rassurant où les conflits sont circonscrits et les budgets apparemment maîtrisés, puisque cette maîtrise repose sur une délégation progressive et que chaque responsable a intérêt à s’assurer du respect des budgets par ses subordonnés afin de pouvoir lui-même respecter son budget. L’introduction de structures organisationnelles plus complexes pose de nombreuses difficultés en matière de consolidation budgétaire. Dans le cas de groupes de projet ayant un horizon limité, il est possible de distraire une partie des ressources des différentes directions pour les apporter au groupe de projet concerné. Ce dernier devient alors une petite entité budgétaire qu’il convient de rattacher hiérarchiquement pour retrouver le principe de consolidation progressive des budgets. L’orientation vers les processus pose également de nouveaux problèmes. En effet, les ressources vitales des Organisations se trouvent dévolues aux activités, qui dépendent hiérarchiquement des directions foncComme nous l’avons déjà souligné, ce risque existe cependant dès lors que l’entreprise est structurée en centres de profit et que des transactions internes sont intégrées dans les différents budgets. Il convient alors d’éliminer les opérations réciproques pour obtenir le budget consolidé. 10

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tionnelles ou opérationnelles mais qui, pour l’exercice de leurs activités, dépendent des directions de processus. Les ressources sont accordées par les directions hiérarchiques, mais la consommation de ces ressources est dictée par les directions de processus. Il existe donc un hiatus entre la fourniture des ressources et leur utilisation. Dans un cadre budgétaire classique, les ressources sont octroyées pour faire face aux missions qui sont assignées au service. La coordination est évidente quand le demandeur, ou le prescripteur, est en même temps celui qui accorde les ressources. C’est le cas dans une structure organisationnelle hiérarchisée classique. Par contre, le développement des processus est source de conflits pour la répartition et l’utilisation des ressources de l’Organisation. A priori, il n’existe pas de raison pour que la décision d’allocation des ressources par la direction hiérarchique corresponde aux besoins de la direction processus. L’élaboration des budgets va donc être l’instrument nécessaire pour aboutir à un consensus entre des objectifs distincts. Lors de l’élaboration de la Twingo, Renault a fait l’expérience de cette difficulté puisqu’il a fallu prévoir des modalités de conciliation entre des volontés opposées11 . De manière générale, tous les constructeurs automobiles ont été confrontés à ce dilemme. Une des solutions retenues a consisté à renforcer le pouvoir des directeurs de processus pour leur permettre de négocier d’égal à égal avec les directeurs de fonction12. En cas de litige non résolu, l’arbitrage est alors effectué par la direction générale dans le cadre de sa perspective stratégique.

B. – la contrainte d’exhaustivité Toutes les entreprises ont des budgets de dépenses basés essentiellement sur une vision hiérarchique de l’Organisation. Cette vision a pour avantage de couvrir complètement les dépenses prévisionnelles et de les contrôler. Non seulement, les budgets doivent couvrir des opérations et des transactions réelles, ce qui, autrement, ouvrirait la porte à toutes les possibilités de fraude, mais ils doivent aussi être exhaustifs, c’est-à-dire couvrir l’intégralité des opérations et des transactions de l’Organisation. Midler C. (1996), L’auto qui n’existait pas, Dunod. Cusumano M.A. et Nobeoka K. (1999), Le management multi-projets, Dunod, traduit de l’américain : Thinking Beyond Lean: How Multi-Project Management is Transforming Product Development at Toyota and Other Companies. 11 12

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Dans le cadre d’une structure pyramidale hiérarchisée, cela signifie que même les ressources consacrées à des opérations discrétionnaires doivent être intégrées au sein d’un budget; ce dernier peut d’ailleurs simplement s’intituler « budget des dépenses discrétionnaires ». Dans une Organisation où les processus exercent une action transversale par rapport aux directions fonctionnelles, les risques liés à l’exhaustivité et à la réalité sont différents. En matière de réalité, le risque est d’enregistrer deux fois les mêmes activités. Une première fois au titre de la direction fonctionnelle et une seconde fois au titre de la direction processus. Le risque de non-réalité (voire de non-exhaustivité) est alors d’autant plus grand qu’il n’existe plus de responsables intermédiaires s’assurant qu’à chaque niveau le budget fournit effectivement une image de l’entité. Le système budgétaire devient un instrument extraordinaire d’information et de contrôle mais sa fragilité s’accroît au niveau de sa fiabilité: quelles sont les données qui ont réellement été introduites dans le système ? Le développement de l’approche par les processus et les activités, qui va nécessairement de pair avec le recours à des systèmes de gestion globale des ressources de l’Organisation (les ERP : Enterprise Resources Planning, en français « PGI » : Progiciels de Gestion Intégrés), va obliger les entreprises à développer davantage, et de façon différente, leurs processus de contrôle interne et d’audit pour s’assurer que les données introduites sont réelles et exhaustives. Les entreprises, mais aussi toutes les autres formes d’Organisations, devront ensuite prévoir des procédures de contrôle pour s’assurer que la restitution des données budgétaires se fait sans perte de données, et que le flux des données de sortie correspond bien au flux des données d’entrée.

C. – la contrainte de cohérence Le gigantesque jeu de construction qu’est devenu le système d’information des Organisations, grâce au développement des systèmes informatiques, pose en retour le problème de la cohérence des données sorties. Le système budgétaire se trouve en face de possibilités multiples pour aborder l’Organisation. A travers la structure matricielle, il peut trier l’information budgétaire selon les modalités qui lui conviennent. Quelles seront ces modalités, qui les fixera, comment seront-elles mises à jour ?

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Il s’agit, selon nous, d’un des enjeux essentiels auxquels les Organisations seront confrontées. La représentation de la performance, à travers les outils de contrôle budgétaire, n’est ni unique ni universelle. Elle dépend des choix effectués et de la volonté des acteurs. Mais, quand elle touche aux intérêts de ces mêmes acteurs, il apparaît évident que la notion d’information objective est remise en cause. Quand l’évaluation de la performance portera sur un processus, les enjeux en matière d’imputation budgétaire apparaîtront d’autant plus complexes que chaque acteur tendra à limiter les consommations de ressources qui lui sont attribuables et à reporter une partie des consommations de ressources sur les centres d’activité ou les services avec lesquels il collabore. Faut-il pour autant refuser cette évolution budgétaire vers les processus ? A notre avis, bien évidemment non, ce serait refuser d’éclairer son chemin au motif que la lampe est imparfaite. Aujourd’hui, dans les grandes Organisations, l’approche pyramidale et hiérarchique n’est plus capable d’apporter les éléments d’information dont l’Organisation a besoin. On assiste à la même évolution que celle observée pour la comptabilité analytique devenue comptabilité de gestion. D’un système très cartésien et mathématique, il faut passer à un système en adaptation permanente où le besoin d’information conditionne la production de l’information.

section III les étapes préalables à l’élaboration des budgets Le processus budgétaire s’inscrit dans le cadre du contrôle de gestion. A ce titre, il est indispensable de définir précisément les attentes vis-à-vis d’un système d’information qui est tout à la fois lourd et coûteux. La construction des budgets passe donc par la définition des objectifs qui sont assignés au système budgétaire (schéma 1.9). Il convient ensuite de déterminer les éléments essentiels qui constitueront l’armature de ce système budgétaire. Ces éléments sont notamment les objectifs stratégiques de l’Organisation, la connaissance de l’environnement et de son évolution, et l’identification des principaux facteurs

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conditionnant l’activité des différents processus de l’Organisation. Muni de ces différents éléments, il est alors possible de construire les budgets proprement dits. Indépendamment des aspects techniques de calcul, le facteur essentiel reste l’implication des acteurs de l’entreprise et, en particulier, des responsables de services ou d’activités.

schéma 1.9. les étapes préalables à l’élaboration des budgets La définition des objectifs de l’organisation

L’évaluation de l’environnement: * les facteurs macro-économiques * le secteur d’activité * la position concurrentielle

La planification stratégique: * l’inscription des objectifs de l’organisation dans une perspective temporelle à moyen ou long terme * la définition de la stratégie de l’organisation et des ressources qu’elle compte y consacrer

La détermination de l’activité: * le choix d’un indicateur * l’analyse de la situation actuelle * la fixation du niveau d’activité prévu

Interaction

§ 1. – la définition des objectifs stratégiques Un budget est parfois appréhendé comme la reconduction des données antérieures, ajustées de quelques points de pourcentage pour tenir compte de l’inflation. Il est bien évident qu’un tel document offre assez peu d’intérêt, pour orienter les efforts de l’Organisation dans une direction donnée, et qu’il traduit une méconnaissance profonde de tout ce qu’un système budgétaire peut apporter à l’Organisation. L’approche que nous présentons repose ainsi sur l’identification préalable des objectifs stratégiques de l’Organisation. Ces derniers peuvent éventuellement se traduire par la réalisation de plans stratégiques ayant un horizon à moyen ou long terme. La distinction entre planification et budget est parfois un peu floue, notamment dans les petites Organisations. Néanmoins, on considère normalement que le budget est la déclinaison à court terme du plan stratégique.

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A. – les objectifs de l’Organisation Un système d’information et de contrôle n’a pas de sens par luimême. Il n’est source de valeur ajoutée pour l’Organisation que s’il permet à cette dernière de mieux réaliser ses objectifs. Pour une entreprise, la définition des objectifs stratégiques portera souvent sur des éléments liés à la pérennité de l’entreprise, à son développement et à sa rentabilité.

encadré 1.7. les choix stratégiques des constructeurs automobiles et leur déclinaison budgétaire. Dans le secteur automobile, les analystes spécialisés considèrent depuis de nombreuses années qu’à terme, au niveau mondial, seuls subsisteront quelques grands constructeurs généralistes ayant la capacité de réaliser des économies d’échelle suffisantes pour amortir le coût d’étude et de conception des moteurs et des plates-formes automobiles. A côté de ces grands constructeurs produisant plusieurs millions de véhicules par an, coexisteront quelques constructeurs spécialistes sur des niches bien identifiées. En France, les dirigeants des deux grands groupes automobiles se sont clairement positionnés dans la course à la taille critique. Dès le début des années quatre-vingt-dix, J. Calvet, PDG de PSA, fixait comme objectif stratégique à son groupe de devenir numéro 1 sur le marché européen. 20 ans plus tard, cet objectif n’a pas été atteint, mais en 2011 le groupe PSA occupe néanmoins la seconde position européenne derrière Volkswagen. Et, surtout, l’environnement économique ayant considérablement évolué, les marché européens et américains ne sont plus les références incontournables. C. Ghosn, le PDG de Renault considère que le seuil de rentabilité pour un constructeur généraliste se situe au-delà de 4-5 millions de véhicules par an. Les alliances avec Nissan, le développement de la gamme Dacia-Logan et les accords ponctuels avec tel ou tel autre concurrent ont pour objet de permettre au groupe de réaliser directement, ou par le biais d’alliances, les économies d’échelle considérées comme indispensables.

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Ces objectifs stratégiques trouvent leurs déclinaisons dans le budget. Qu’il s’agisse du budget de recherche et développement, du budget marketing, des budgets de production, ou du budget des achats.

Pour une association, l’absence de discussions sur la hiérarchisation des priorités de l’association revient bien souvent à laisser toute latitude au président de l’association ou au directeur (s’il existe un directeur salarié) pour décider des orientations à donner en fonction des recettes disponibles. L’établissement du budget doit donc constituer l’occasion d’aborder les enjeux auxquels l’association souhaite se confronter et ainsi définir les points sur lesquels elle doit intervenir en priorité. Pour une collectivité publique, la discussion des objectifs stratégiques constitue le moyen le plus important pour éviter une dérive progressive vers une bureaucratisation croissante qui tend à s’auto-entretenir en consommant toutes les ressources disponibles. De nombreuses collectivités sont ainsi confrontées à la perte de marges de manœuvre en raison de la difficulté à remettre en cause des choix passés qui, s’ils furent pertinents à une époque donnée, ne sont plus adaptés à l’environnement actuel ou, tout au moins, consomment des ressources qui devraient être affectées de façon prioritaire à un autre domaine.

B. – la planification stratégique La planification stratégique est le processus par lequel l’Organisation transcrit dans le temps ses objectifs. Pour reprendre l’exemple des constructeurs automobiles (encadré 1.7), l’inertie des marchés fait qu’il est difficile d’augmenter très rapidement sa part de marché, notamment quand on raisonne sur le marché européen ou mondial. Le groupe PSA qui partait d’une part de marché initiale de 10% pouvait ainsi définir comme objectif stratégique l’obtention d’une part de marché de 15% dans cinq ans. La planification stratégique consiste à décliner cet objectif sur chacune des cinq années (par exemple en se fixant un objectif annuel d’amélioration de 1 point de sa part de marché) et surtout à déterminer les grands facteurs permettant d’atteindre ce résultat. La planification stratégique va ainsi définir les dates de sorties des nouveaux véhicules, la politique de conception et de déclinaison des plates-formes, la politique de commercialisation et la spécialisation relative des différentes usines du groupe.

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schéma 1.10. le lien planification stratégique et budget dans une projection temporelle Objectif Budgets Situation actuelle

Cheminement stratégique

Le budget s’inscrit dans la réalisation à court terme du plan stratégique. On considère souvent que le budget est la déclinaison du plan stratégique pour l’année à venir (schéma 1.10). Dans les petites Organisations, la planification stratégique est souvent inexistante, ou en tout cas non formalisée. Le budget peut alors en tenir lieu. Lors de la création d’entreprises individuelles dans les domaines du commerce, de l’artisanat, ou même des services, la réalisation de budgets pluri-annuels permet au dirigeant de déterminer les conditions de la viabilité et de la rentabilité de son entreprise. L’intérêt de distinguer les budgets des plans stratégiques réside dans la séparation d’objectifs très distincts. La planification stratégique doit permettre à l’Organisation de se projeter de façon dynamique dans le futur en tenant compte de sa vision de l’évolution de l’environnement et de ses grands objectifs. Elle définit également les nouvelles ressources à mettre en œuvre. Cependant, de façon générale, la planification stratégique n’a pas, ou n’a plus, pour objet de rentrer dans le détail de l’affectation des ressources. De surcroît, la planification stratégique engage principalement les dirigeants vis-à-vis de leurs actionnaires, alors que les budgets vont engager l’ensemble des responsables de services ou d’activités au sein de l’Organisation. Pour les associations, la planification stratégique peut permettre d’envisager à l’avance les enjeux du développement dans un secteur donné. Par exemple, une association humanitaire, active dans le soutien scolaire aux enfants des pays en voie de développement, peut se fixer comme objectif stratégique d’étendre son activité à des pays jusqu’alors non desservis. La planification stratégique lui permettra de s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre dans le temps (c’est-à-dire sur

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un horizon de plusieurs années) pour établir une présence pérenne et accroître son réseau de donateurs. Par différence, la construction de son budget consistera à appréhender, pour la période à venir (en général l’année), non seulement ses besoins en termes de ressources pour l’activité courante, mais également les conséquences concrètes de la décision d’expansion sur ses consommations de ressources. Dans le cas de collectivités publiques, la planification stratégique s’applique principalement à la réalisation de projets d’investissement lourds (par exemple la réalisation du TGV Est, qui était prévue pour débuter en 2002 et pour s’achever en une première phase en 2006, a donné lieu à de multiples décalages temporels en raison des contraintes budgétaires nationales et locales). Le budget des collectivités concernées doit alors inclure la quote-part annuel du projet d’investissement.

§ 2. – l’évaluation de l’environnement Pour pouvoir se projeter dans l’avenir, il est indispensable de disposer d’indications ou d’estimations sur ce que devrait être (ou pourrait être) l’environnement dans lequel l’Organisation évoluera. Cet environnement peut être appréhendé à trois niveaux. Le premier est celui de l’économie: économie mondiale, européenne, française et locale. Le second est celui du secteur d’activité qui peut être en phase avec l’évolution économique générale ou, au contraire, connaître une évolution très contrastée. Le troisième est celui de la concurrence, c’est-à-dire de l’évolution des Organisations susceptibles d’intervenir sur le même secteur d’activité ou segment de marché.

A. – l’environnement macro-économique Les Organisations sont plus ou moins sensibles à l’évolution de l’environnement économique. Les sociétés Gemplus et Alcatel Optronics introduites en Bourse à l’automne 2000 prévoyaient une croissance économique forte après le ralentissement observé au printemps 2000. La récession intervenue aux Etats-Unis en 2001 a rendu leurs prévisions complètement irréalisables 13. En 2007, de nombreux économistes considéraient que la bulle immobilière américaine n’aurait pas d’effet Deux ans plus tard, le cours de bourse de ces deux sociétés s’est traité au dixième ou au quarantième du prix d’introduction en bourse 13

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sur la conjoncture mondiale, alors que la récession a atteint fin 2008 des secteurs apparemment non corrélés tels que l’industrie automobile. A l’inverse, les collectivités locales connaissent une relative inertie de leurs recettes budgétaires. Ces dernières sont assises en grande partie sur une valeur historique des éléments immobiliers. Les mouvements qui affectent ces valeurs sont relativement lents et s’étalent sur de nombreuses années. Les répercussions peuvent néanmoins se transmettre en raison de la chute du nombre des transactions ou en raison de la diminution des transferts opérés par la collectivité nationale. La plupart des budgets des Organisations sont affectés par les évolutions macro-économiques suivantes : • Le taux de croissance de l’économie, tel qu’il est généralement appréhendé par le PIB. Il mesure le dynamisme de l’économie et fournit des indications sur la consommation des ménages. Pour toutes les Organisations dont les recettes sont assises, directement ou indirectement, sur cette consommation, il s’agit d’un indicateur important. • Le taux d’inflation envisagé : bien que le prix des produits et des services évolue fréquemment de façon distincte, cet indicateur général donne des indications, notamment pour la détermination des rémunérations des employés et le maintien du pouvoir d’achat. • Le taux de chômage ou l’évolution du taux d’activité de la population active. Pour les associations intervenant dans l’aide aux plus démunis, il existe une corrélation entre la demande de services et l’augmentation du chômage. • Des indicateurs plus spécifiques, tels que les demandes de permis de construire, l’évolution des taux de change (notamment la parité Euro / Dollar), etc. Pour disposer de ces informations, les Organisations peuvent, soit recourir aux prévisions des grands organismes d’études (tels que l’INSEE, l’OCDE, le FMI, la Banque Mondiale, …), soit disposer elles-mêmes de services collectant et analysant des données issues de sources diverses. Les grandes banques disposent toutes d’un service d’étude offrant à leurs clients les prévisions macro-économiques pour l’année ou les trimestres à venir14. La plupart des Organisations se Le mensuel Conjoncture de BNP-Paribas fournit ainsi des études sur l’évolution attendue de certaines valeurs macro-économiques, que ce soit pour des pays européens ou pour toute autre zone économique. 14

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contentent néanmoins des prévisions parues dans la presse et du consensus se formant autour des prévisions des grands instituts. Afin de faciliter l’homogénéité des prévisions budgétaires, les services centraux des grandes entreprises fournissent généralement à tous les services un état des grandeurs macro-économiques attendues pour la période à venir. Ceci est particulièrement utile, en matière de taux de change, pour éviter qu’au sein d’un même groupe des filiales adoptent des prévisions de taux de change distincts sur une même devise.

B. – le secteur d’activité Le degré d’exposition des Organisations aux variations macro-économiques générales est très variable. Il est souvent préférable de se référer à des données davantage sectorielles ou géographiques. Ainsi, pour certaines communes, un élément important conditionnant la politique municipale peut être la présence, le départ, ou le renforcement des unités militaires installées à proximité. Pour d’autres communes, ce peut être l’installation de nouvelles entreprises ou la fermeture d’établissements ou de sièges sociaux. Si en 2001-2002, le secteur le plus frappé par la crise des nouvelles technologiques a été le secteur des équipementiers spécialisés dans les technologies de l’information (Gemplus, Nortel, Lucent ou Alcatel) ; en 2008-2009, la crise a frappé plus particulièrement le secteur automobile et son réseau de sous-traitants. Comme en 2002 mais pour des secteurs d’activité différents, des entreprises ont vu leur chiffre d’affaires trimestriel divisé par deux. Dans de tels cas de figure, la prévision budgétaire est peu utile en termes de qualité de la prévision. Par contre, l’existence d’un système de contrôle budgétaire peut faciliter l’évaluation de la conséquence de ces phénomènes macro-économiques pour essayer d’adapter l’entreprise, que ce soit en recourant à des mesures techniques comme le non renouvellement des intérimaires ou le chômage technique, ou en limitant les stocks de ressources à leur minimum, ou parfois même en demandant l’intervention des pouvoirs publics (comme ce fut le cas, mais sans succès, pour le sous-traitant automobile Heuliez). La collecte des données sur le secteur d’activité au sein des petites Organisations résulte souvent d’un processus informel. Ainsi, la connaissance du secteur d’activité résulte de la connaissance individuelle des membres de l’Organisation. La construction des budgets

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peut être l’occasion de formaliser cette connaissance et de confronter des connaissances individuelles qui s’avèrent parfois plus disparates qu’initialement supposé. De surcroît, cette formalisation de la connaissance permet souvent d’attirer l’attention sur des phénomènes qui, s’ils sont connus de tous, sont peut-être considérés comme étant déjà intégrés alors que l’Organisation n’a pas réellement pris en compte ces événements dans la détermination de ses objectifs stratégiques.

C. – la position concurrentielle Une Organisation n’évolue pas dans un espace vide. Elle est confrontée aux actions ou aux réactions d’autres Organisations évoluant, soit dans le même espace, soit dans un espace contigu, soit en interaction. Cela est particulièrement évident pour les entreprises. Le développement de l’économie de marché, et le contrôle du respect de la concurrence, rendent nécessaire, pour toute entreprise, non seulement de déterminer une stratégie de développement de ses produits et de ses services qui soit pertinente vis-à-vis des consommateurs, mais aussi d’être capable de se situer par rapport à ses concurrents15 et par rapport à la stratégie que ces derniers vont mettre en œuvre. Le budget étant une action volontaire, visant en partie à se projeter dans l’avenir, l’appréhension de la concurrence suppose, non seulement d’être capable d’analyser la position de ses concurrents à une date donnée, mais également de pouvoir estimer l’évolution possible de la position de la concurrence. En matière d’associations, il existe parfois une forme de concurrence quand plusieurs associations agissent sur un domaine similaire. C’est par exemple le cas dans l’aide aux sans abris au niveau national, où plusieurs associations humanitaires interviennent avec des objectifs parfois distincts, et des moyens d’intervention eux-mêmes différents, mais qui concernent un public assez similaire. Dans le cas d’associations locales d’aide aux personnes, il est également fréquent de trouver plusieurs associations offrant des services similaires et qui se trouvent en compétition pour obtenir les financements dont elles ont besoin pour se maintenir et pour se développer. Dans le cas des collectivités locales, pour reprendre l’exemple des bases militaires, il est évident que la demande de logements locatifs La matrice du BCG (Boston Consulting Group) développée dans les années 60 souligne d’ailleurs l’importance de la concurrence puisqu’un des axes de la matrice est la position concurrentielle relative de l’entreprise par rapport à son principal concurrent sur un segment de marché. 15

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peut faire l’objet d’une réponse variée de la part des différentes communes limitrophes. Dans certains cas extrêmes, les réponses adoptées peuvent même aboutir à une déperdition des investissements publics ou privés si trop de programmes de construction de logements locatifs sont lancés en même temps par rapport à la demande exprimée.

§ 3. – la détermination de l’activité La gestion des Organisations suppose généralement de savoir proportionner ses dépenses à ses recettes ou ses recettes à ses dépenses. Il s’agit d’une règle de bon sens qui conditionne la viabilité de l’Organisation à moyen ou long terme. Mais, plutôt que de comparer directement des recettes et des dépenses, ce qui n’est pas toujours aisé quand le processus de création de valeur par consommation de ressources est relativement complexe, l’Organisation peut se référer à un indicateur intermédiaire qui est la notion d’activité. En effet, l’activité de l’Organisation conditionne généralement le volume des ressources nécessaires pour réaliser cette activité. Dans une kermesse, le volume de la fréquentation (compte tenu des conditions atmosphériques, de la période de la journée concernée, etc.) détermine souvent la quantité de boissons vendues qui, elle-même, conditionne une part majeure des recettes attendues. Trois éléments sont donc essentiels : le choix d’un indicateur d’activité, la connaissance du volume d’activité réalisé actuellement et des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette activité, et la détermination d’un volume d’activité de référence pour la période à venir.

A. – le choix d’un indicateur d’activité L’indicateur d’activité souvent retenu, pour une petite entreprise, est le chiffre d’affaires réalisé ou envisagé. Cet indicateur offre l’avantage d’être aisément comparable puisqu’il est exprimé en unités monétaires. Par contre, il présente l’inconvénient de confondre plusieurs notions qui sont celles : • Du volume des différents biens ou services vendus, exprimés en nombre d’unité, en tonnage, en volume horaire, etc. • Du prix unitaire des différents biens ou services : les prix de ces derniers peuvent évoluer de façon distincte et une augmentation du chiffre d’affaires peut recouvrir une baisse du volume d’acti-

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vité réalisée compensée par une forte augmentation des prix unitaires facturés. • Du mix produit, c’est-à-dire de l’évolution de la répartition des ventes entre différents produits ou services n’ayant pas le même prix unitaire ni les mêmes conditions de réalisation. Pour tenir compte des observations ci-dessus, il est préférable de retenir un ou plusieurs indicateurs d’activités qui ne soient pas exprimés en unités monétaires. Ainsi, pour une société de prestations de services, l’évaluation de l’activité à travers le nombre d’heures (ou de demi-journées) facturées ou travaillées est un bon indicateur. Il peut éventuellement être affiné pour tenir compte de la compétence donnant lieu à facturation. Dans un cabinet de conseil, le volume d’activité d’un associé ne donne pas lieu à la même facturation que le volume d’activité d’un assistant. Dans une entreprise manufacturière, le volume d’activité peut être le nombre de produits fabriqués. Néanmoins, l’évolution des conditions de fabrication rend souvent cet indicateur moins pertinent, ou en tout cas insuffisant, pour apprécier la réalité de l’activité. Cette dernière est liée à la taille et à la diversité des productions réalisées. Dans certain cas, la conception et la fabrication d’une petite série de 100 pièces peut entraîner des consommations de ressources proches de celles nécessitées pour la conception et la réalisation d’une série de 5.000 pièces. L’indicateur d’activité tend alors à devenir plus complexe et il est difficile d’obtenir un indicateur qui soit consolidable et qui puisse rendre compte de la diversité et de la complexité des productions réalisées.

encadré 1.8. la mesure de l’activité des hôpitaux. Le secteur hospitalier est difficile à appréhender en matière de régulation budgétaire. En effet, la santé étant considérée comme une priorité, l’activité des hôpitaux a pendant longtemps été appréhendée par la valeur des soins réalisés, elle-même dépendante de la nomenclature de la sécurité sociale. Cependant, à la différence des médecins généralistes pour lesquels il existe une relation assez étroite entre le niveau des honoraires perçus et les ressources consommées, puisqu’il s’agit essentiellement d’une prestation de service; dans le cas des hôpitaux, une part significative des ressources

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consommées correspond à l’acquisition et à la maintenance de gros équipements, ce que l’on qualifie habituellement de coûts fixes. De surcroît, certaines prestations ne sont pas facturées ou ne couvrent pas la totalité du coût induit par l’opération. La mise en place et l’utilisation d’un point ISA16 (Indice Synthétique d’Activité) a eu pour objet de permettre une évaluation du volume et de la complexité des opérations réalisées, tout en déconnectant cette mesure des évolutions tarifaires négociées entre les partenaires sociaux et l’État. L’idée est ainsi de disposer d’un outil permettant de mesurer le volume d’activité réalisé par chaque hôpital pour différentes pathologies tout en conservant la possibilité de cumuler cet indicateur pour obtenir une mesure unique de l’activité, intégrant tout à la fois le nombre d’actes effectués et leur complexité, puisque chaque acte se voyait affecté un nombre de points ISA dépendant d’une évaluation des procédures médicales à mettre en œuvre. A travers cet indicateur, imparfait, de mesure du niveau d’activité, les partenaires des hôpitaux peuvent comparer le volume d’activité et les ressources octroyées. Sachant qu’une grande partie des ressources hospitalières est déterminée a priori par une dotation de l’État, les calculs effectués permettent de comparer la capacité des hôpitaux à gérer leurs ressources par rapport à la demande qui leur est adressée.

B. – l’analyse de la situation actuelle Une fois retenus les indicateurs d’activité perçus comme pertinents pour expliquer l’évolution de la valeur créée et des ressources consommées par l’Organisation, il est nécessaire de connaître exactement la situation actuelle. Par de nombreux aspects, la conduite d’une Pour pouvoir comparer entre eux des actes chirurgicaux ou médicaux, les milieux de la santé ont décidé d’évaluer chaque nature d’acte en un certain nombre de points ISA (indice synthétique d’activité). Une opération chirurgicale simple correspondra ainsi à x points ISA alors qu’une opération complexe sera évaluée à y points ISA. Ce mode de référence permet d’évaluer l’activité d’un centre hospitalier ou d’une clinique (en additionnant la totalité des points ISA correspondant aux actes chirurgicaux ou médicaux réalisés au cours d’une période déterminée) indépendamment de la valeur monétaire des actes effectués. En plus du point ISA suivi par le programme de médicalisation du système d’information, trois autres indicateurs sont retenus pour évaluer la mise en œuvre de politique de santé au niveau régional. Il s’agit d’un indice comparatif de mortalité, d’un indicateur de besoins de soins hospitaliers (tenant compte de la structure démographique de la région), et d’une valorisation des dépenses liées aux flux de patients entre régions. 16

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Organisation s’apparente à celle d’un véhicule. C’est-à-dire qu’à un instant donné, la distance que va parcourir le véhicule au cours des secondes à venir dépendra, non seulement des décisions volontaires du conducteur (accélérer ou ralentir), mais aussi de son environnement, et surtout de sa situation actuelle (la vitesse du véhicule au moment étudié). Ainsi, l’activité d’une Organisation pour la période à venir est très fortement dépendante (dans une relation qui dépend de l’Organisation, de la nature de l’activité, etc.) de l’activité écoulée. La mesure de l’activité réalisée doit permettre de déterminer non seulement la relation entre les ressources consommées et l’activité réalisée, mais également les marges de manœuvre dont dispose l’Organisation. En comptabilité analytique, on distingue les charges fixes des charges variables. Cette distinction arbitraire recouvre une réalité, c’est-à-dire qu’une grande partie des ressources de l’Organisation ne sont pas redéployables à court terme et que, par conséquent, elles seront utilisées que ce soit de façon efficiente ou non. L’analyse de l’activité doit permettre d’identifier ce potentiel de ressources sous-utilisées pour déterminer la capacité de l’Organisation à accroître son activité ou à la redéployer sans recourir à l’acquisition de nouvelles ressources ou, tout au moins, en identifiant les ressources qui seront réellement nécessaires pour faire face à un surcroît d’activité. L’analyse de l’activité peut également permettre à l’Organisation de mettre en évidence des ressources non utilisées, ou utilisées actuellement mais qui ne le seront plus en raison d’une diminution du niveau d’activité, et ainsi d’envisager une réduction de ses ressources sur la période à venir.

C. – la détermination du niveau d’activité prévu Prévoir, ce n’est pas connaître avec exactitude ce qui se passera dans l’avenir, c’est chercher à anticiper certaines évolutions futures pour mieux adapter son comportement en vue d’atteindre des objectifs considérés comme stratégiques. A ce titre, le choix d’un niveau d’activité constitue un enjeu essentiel dans la construction des budgets, puisque c’est lui qui va conditionner les recettes attendues et les dépenses nécessaires, c’est-à-dire les ressources que l’Organisation va devoir dégager pour réaliser l’activité prévue. De manière générale plusieurs méthodes se dessinent : • La référence au passé, en tenant compte d’une évolution supposée inéluctable. Cette dernière peut être l’évolution de la population de la commune, ou une estimation de la croissance de la demande, etc.

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• La référence aux tendances observées dans le passé : on suppose que les observations passées tendent à se reproduire dans le futur. Ainsi, si le volume d’activité a augmenté en moyenne de 10% au cours des trois dernières années, on retiendra une augmentation de 10% par rapport au réalisé de la dernière année. Cette méthode peut être affinée par l’utilisation de techniques statistiques telles que la régression linéaire. • La fixation d’un objectif à atteindre : toutes les forces de l’Organisation doivent alors tendre à atteindre cet objectif, que celui-ci soit aisément atteignable, auquel cas la pression est assez faible, ou au contraire très éloigné, auquel cas le risque principal est de décourager les membres de l’Organisation devant l’inaccessibilité de l’objectif imposé. • Le mixage de ces différentes méthodes qui consiste à intégrer les objectifs stratégiques dans le choix du niveau d’activité tout en tenant compte de la capacité historique de l’Organisation à réagir et à modifier l’évolution naturelle de son niveau d’activité.

section IV la construction et l’approbation des budgets La construction des budgets implique qu’au préalable les objectifs de l’Organisation aient été définis, que les principales variables représentatives de l’environnement aient été arrêtées et que les principaux indicateurs d’activité de l’Organisation aient été choisis. C’est ensuite aux responsables de services ou de divisions d’assurer, dans le cadre qui leur est fourni par la direction générale, une première estimation des ressources nécessaires pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés. Les budgets qui sont ainsi construits portent non seulement sur les ressources consommées (les dépenses prévues) mais aussi sur les ressources qui pourront être obtenues par l’Organisation (les recettes attendues). Trois facteurs apparaissent déterminants dans la construction des budgets. Le premier est l’implication des responsables de services ou d’activités. Le second est la pertinence des données chiffrées calculées et le troisième est le mode de présentation retenu.

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§1. – l’implication des responsables de services, d’activités ou de projets La mise en place d’un système budgétaire ne vise pas seulement à prévoir et à se fixer une référence pour mesurer les réalisations ; elle vise également à fournir un instrument d’incitation et de contrôle des responsables de services ou d’activités. Pour qu’il y ait un réel processus d’incitation, le système budgétaire ne doit pas être perçu comme le résultat d’un processus centralisé et autoritaire où quelques dirigeants décident des mesures à appliquer dans toute leur Organisation. Au contraire, il est nécessaire de prévoir une concertation entre la direction générale et les responsables locaux. Ceci suppose un processus d’aller–retour pour établir des prévisions budgétaires qui soient tout à la fois réalistes et réalisables du point de vue des responsables de services, et compatibles avec l’équilibre général de l’Organisation et les objectifs stratégiques du point de vue des dirigeants. En contrepartie de cette concertation, le système budgétaire peut alors être appréhendé comme un outil d’évaluation de la performance et de responsabilisation des employés.

A. – la concertation lors de la construction budgétaire Le principe est relativement simple : la direction générale fixe les objectifs à atteindre et les principaux volumes de consommation de ressources à ne pas dépasser. Au vu des objectifs qu’il doit atteindre, chaque responsable d’unité (service ou activité) estime les ressources qui lui sont nécessaires et traduit l’ensemble sous forme monétaire. Les budgets établis localement sont ensuite regroupés, soit directement au niveau de la direction générale, soit au niveau du responsable hiérarchique supérieur. Dans les deux cas les budgets sont consolidés. La direction juge alors de la pertinence d’ensemble ainsi que de la pertinence de chaque sous-budget en fonction: des objectifs attribués à chaque responsable d’unité, du volume d’activité prévu et des contraintes globales de l’Organisation (schéma 1.11).

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schéma 1.11. le processus de concertation Direction Générale Communication : * des objectifs stratégiques pour l’année à venir * des principales évolutions économiques retenues

Objectifs Objectifs spécifiques spécifiques Responsable de division ou de service

Responsable de division ou de service

Construction d’un projet de budget

Construction d’un projet de budget

Direction Générale * Consolidation des projets de budget : * Approbation ou demande de modification

Budgets définitifs de l’organisation

Le plus souvent, la première version du budget ne permet pas de répondre à tous les objectifs fixés tout en assurant la pérennité de l’Organisation (sa rentabilité pour une entreprise, son équilibre financier pour une association ou une collectivité). Les budgets des responsables d’unités sont alors retournés à ces derniers accompagnés des observations de la direction générale, ou donnent lieu à une réunion de concertation entre les dirigeants et les responsables d’unité. Dans les deux cas, les responsables d’unité établissent de nouvelles prévisions tenant compte, en tout ou partie, des recommandations formulées par la direction générale. Le processus peut durer relativement longtemps avec plusieurs allers-retours. Néanmoins, si aucun consensus n’arrive à se dessiner, à un certain moment, il est nécessaire de trancher pour adopter le budget définitif. La direction générale a alors deux alternatives : • Soit elle impose sa propre vision du budget applicable au service déterminé : le risque est que le responsable de l’unité, soit se sente

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désavoué, soit considère que ce budget n’est pas le sien et, par conséquent, qu’il ne fournisse pas les efforts nécessaires pour le mettre en œuvre. En cas d’échec, il pourra se justifier par le refus de la direction générale de s’aligner sur ses propres prévisions. • Soit elle s’aligne sur le dernier budget présenté par le responsable d’unité. Cette position est acceptable si la direction générale estime qu’elle a déjà obtenu des perspectives d’efforts significatifs de la part du dirigeant d’unité. En contrepartie, la direction générale doit très clairement signifier au responsable d’unité les concessions qui lui sont faites et qui sont réalisées au détriment des autres composantes ou des autres acteurs de l’Organisation. La renonciation à certains objectifs, ou à certains plafonds de consommation de ressources, ne doit en aucune façon apparaître comme pérenne, mais doit simplement permettre au responsable d’étaler les efforts demandés sur plusieurs périodes. Dans les entreprises, il arrive fréquemment que la solution retenue soit la première, car les dirigeant disposent d’outils alternatifs pour fournir l’incitation à respecter le budget. Il s’agit en premier lieu de la rémunération et des primes qui peuvent être attachées à la réalisation ou au dépassement des objectifs budgétaires. Il s’agit ensuite des possibilités de promotion voire de la sanction sous forme de licenciement. Néanmoins, un budget imposé constitue souvent une forme d’échec pour les dirigeants, dans la mesure où il leur sera plus difficile de demander à leurs employés un engagement effectif fort dans leur entreprise. Dans les associations et les collectivités publiques, les systèmes d’incitation applicables aux employés sont beaucoup moins développés. La performance de l’Organisation, sa capacité à atteindre ses objectifs stratégiques en limitant ses consommations de ressources, dépend étroitement de l’implication de ses responsables. Il est alors essentiel que ces derniers se sentent concernés par la réalisation et le respect des prévisions budgétaires. En pratique, l’efficacité d’une Organisation du service public repose en majeure partie sur l’implication personnelle d’une partie des individus membres de l’Organisation.

B. – la responsabilité liée au contrôle d’un budget En contrepartie de cette participation à l’élaboration des budgets, les employés non seulement se voient reconnaître une responsabilité mais, d’une certaine manière, ils deviennent associés à la direction de leur

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Organisation. Il apparaît alors légitime de leur reconnaître également une part distincte dans le partage des surplus dégagés par l’Organisation. Dans une entreprise, les dispositions contractuelles permettent une grande inventivité pour récompenser les employés. Dans certains cas, l’entreprise peut même recréer une forme de marché interne où le salarié perçoit une rétribution directement proportionnelle aux efforts fournis. C’est fréquemment le cas dans le domaine commercial où les employés bénéficient d’un salaire fixe de base relativement faible et d’un salaire variable fonction du respect ou du dépassement des prévisions budgétaires, que ce soit en termes de chiffre d’affaires ou de marge. Dans les associations et les collectivités, jusqu’à une date récente, le système de récompense était plus informel et il se situait souvent aux limites des règles imposées par la réglementation. Ainsi, la récompense pouvait se traduire sous la forme d’un octroi plus aisé de jours de vacance, ou par une liberté accrue dans la fixation du planning hebdomadaire. Mais elle pouvait également revêtir la forme d’avantages en nature ou de remboursements de frais particulièrement avantageux. Les nouvelles règles, en matière d’individualisation de la rémunération des fonctionnaires, ont paradoxalement pour effet d’accroître fortement les comportements opportunistes visant à la maximisation des objectifs mesurés, au détriment de la qualité générale des services rendus.

C. – l’établissement des données chiffrées Trois facteurs conditionnent l’établissement des budgets en unités monétaires. Il s’agit des objectifs stratégiques, des indicateurs d’activité et de leur niveau attendu, et du plafond des ressources disponibles. A partir de ces trois éléments chaque responsable transcrit leur application sous forme de recettes et de dépenses et fait éventuellement apparaître le solde de son unité. Les recettes dépendent de l’évolution du volume d’activité, des prix facturés et du mix produit. Les dépenses représentent les consommations de ressources nécessaires pour atteindre les objectifs fixés compte tenu du niveau d’activité attendu. La présentation des dépenses peut être relativement diverse : • La présentation selon le plan comptable générale : c’est la présentation souvent retenue par les collectivités publiques (réglementairement ces dernières doivent d’ailleurs respecter un canevas très précis pour la version officielle de leurs budgets). Elle repose

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sur un classement des charges par nature et non par destination. Le gros avantage est que les budgets sont aisément consolidables puisque toutes les charges de même nature peuvent être additionnées. Toutes les charges d’électricité seront ainsi regroupées, qu’il s’agisse de consommation d’électricité pour l’éclairage, pour le chauffage, pour le fonctionnement des machines et que cela concerne les bureaux ou les ateliers de production. Il en est de même des charges de personnel. • La présentation selon la destination des dépenses : dans ce cas, les charges sont classées en fonction de leur objet et non plus de leur nature. Seront ainsi regroupées toutes les dépenses afférentes au fonctionnement d’une machine, qu’il s’agisse d’électricité, de consommation d’huile, de pièces de rechange, etc. Le critère d’affectation peut être le produit (ou le service) final, ou des éléments intermédiaires concourant de façon décisive à la réalisation de ces produits ou services (les machines par exemple). • La présentation par département et par nature de charge. Il s’agit sans doute de la plus courante, puisqu’au sein d’une unité sont déterminées les activités les plus importantes ou les plus courantes. Les charges nécessaires pour le fonctionnement de chaque activité sont ensuite détaillées. Dans les collectivités publiques, l’utilisation de budgets annexes pour ventiler les ressources consommées selon certains types d’activités (par exemple les activités générant des recettes propres : forêt communale, camping communal, etc.), peut s’apparenter à ce type de présentation. • La présentation par processus et par activité. Le découpage des budgets n’est plus calqué sur l’Organisation hiérarchique de l’entreprise ou de l’entité mais sur ses principaux processus, autrement dit ses chaînes de création de valeur. De notre point de vue, la dernière méthode, si elle est correctement menée, est la plus riche pour les dirigeants et pour l’Organisation. Son fonctionnement exemplaire devrait permettre de conjuguer une approche budgétaire avec une approche par activité (ce qui explique la dénomination ABB, Activity Based Budgeting17. La démarche consiste alors à déterminer des tâches élémentaires au sein de l’Organisation et à regrouper ces tâches au sein d’activités considérées comme exprimant 17

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

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ce que « fait » l’Organisation (pas nécessairement d’ailleurs en relation directe avec les ventes). Chaque activité dispose d’un inducteur d’activité permettant de modéliser la relation entre les ressources consommées et le volume d’activité réalisé, compte tenu des contraintes imposées par l’Organisation en termes plus qualitatifs. Il est ainsi possible d’établir un budget pour l’entité considérée, où apparaissent clairement le volume d’activité attendu (sous forme d’une quantité affectée à l’inducteur d’activité) et les ressources correspondantes pour chaque activité de l’entité.

encadre 1.9. l’établissement du budget d’un service comptable. L’approche traditionnelle consiste, le plus souvent, à recenser les charges par nature nécessaires au fonctionnement du service comptable. Le chef comptable recensera ainsi le nombre de personnes figurant dans son service, il leur affectera la rémunération habituelle avec un pourcentage de hausse pour tenir compte des augmentations consenties et des éventuelles variations de taux de cotisation sociale ; il estimera le montant des consommations de ressources nécessaires, en détaillant selon qu’il s’agit de fournitures administratives, de prestations de services (l’expert comptable ou les commissaires aux comptes), de taxes, ou de frais généraux affectés de façon semi-discrétionnaire (les dépenses d’électricité ou de chauffage par exemple) et il tiendra compte des dotations aux amortissements pour évaluer l’usure des matériels ou des biens immobiliers affectés durablement au service comptable. L’approche par les activités consiste à identifier les principales activités réalisées par le service comptable, à retenir un inducteur d’activité (c’est-à-dire un indicateur censé refléter la variable principale à la source d’une variation du niveau d’activité), et à estimer les ressources nécessaires. Ainsi, le service comptable a pour activité de suivre les comptes fournisseurs, de suivre les comptes clients, d’assurer la gestion de la trésorerie et d’établir les comptes annuels (parfois également des comptes trimestriels). Pour le suivi des comptes clients, l’activité comprend l’ouverture et la mise à jour des comptes clients, l’établissement des factures, le suivi du recouvrement, la

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mise à l’encaissement des moyens de paiement et le lettrage des comptes clients. Les inducteurs d’activité peuvent être le nombre de clients ou le nombre de factures émises. Il faut ensuite déterminer le volume des ressources consommées pour assurer cette activité (par exemple, cela correspond à un poste et demi dans le service comptable, cela requiert une application informatique avec toutes les ressources associées, etc.). On estime ensuite que si le volume d’activité augmente de 10% (par exemple, une augmentation de 10% du nombre de clients), le montant des ressources nécessaires pour réaliser cette activité devrait également augmenter de 10%. On dispose alors d’un budget relativement intéressant puisqu’il indique la flexibilité relative des ressources consommées par l’entité par rapport à l’évolution d’un grand nombre d’inducteurs d’activité (le nombre de clients, le nombre de fournisseurs, le nombre de commandes, etc.).

§ 1. – la présentation et la modification des budgets Nous avons déjà abordé le problème de l’horizon budgétaire qui est en général l’année ; il convient également de s’intéresser au découpage temporel qui est appliqué au sein du budget. C’est ainsi que la plupart des budgets prévoient un découpage mensuel des prévisions budgétaires. Par ailleurs, pour pouvoir être communiqués à des tiers, il est souvent nécessaire de disposer d’états de synthèse reprenant les principaux éléments des prévisions budgétaires. Enfin, certains événements peuvent rendre un budget caduc, c’est pourquoi il est nécessaire de prévoir des modalités de révision ou de modification des budgets.

A. – la présentation mensuelle L’horizon budgétaire est le plus souvent l’année mais, pour pouvoir effectuer un rapprochement avec le réalisé, il est généralement préférable de se référer à des périodes plus courtes. Le plus souvent, cette période de référence sera le mois. Il pourrait tout aussi bien s’agir de la semaine ou de toute autre unité de temps. Le mois offre de nombreux avantages. Le premier tient à la périodicité de la rémunération des employés. La quasi-totalité des salariés, en France, étant mensualisés,

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la référence au mois permet de disposer de données comparables, d’une période à l’autre, sur le montant de la masse salariale. Les autres avantages tiennent au compromis réalisé entre la nécessité de disposer d’une information fréquente et le coût d’exploitation de cette information. Si le dirigeant souhaite disposer d’une information quotidienne sur certains éléments critiques de son Organisation, il est souvent préférable de mettre en place un système d’information annexe (par exemple sous la forme d’un tableau de bord quotidien) qui ne reprendra que les éléments dont les variations ont une signification à court terme. Le découpage temporel du budget soulève néanmoins plusieurs questions : • Les mois ne sont pas tous comparables entre eux du point de vue de leur durée ou du nombre de jours ouvrables, ouvrés ou travaillés. Ainsi, les experts de l’INSEE, dans leur étude mensuelle sur la conjoncture économique, retraitent les données de consommation pour tenir compte des différences de durée, de la présence de jours fériés, etc. • Les mois ne sont pas tous comparables également du point de vue de la saisonnalité. Pour un chocolatier, le mois d’août est difficilement comparable au mois de décembre. Il en est de même pour un fabricant de glace, mais avec la conclusion exactement inverse. • Il peut exister une tendance sous-jacente aux variations saisonnières. Par exemple, une entreprise peut connaître une augmentation régulière de ses ventes au cours de l’année. A nombre de jours identiques, les ventes du mois de janvier N ne sont donc pas strictement comparables à celles du mois de janvier N-1 puisqu’il faut tenir compte de la croissance tendancielle des ventes intervenue au cours des douze derniers mois. La durée des mois est particulièrement importante quand le volume de l’activité réalisée par un service, ou une unité de l’Organisation, dépend du nombre de jours travaillés. Il en est ainsi pour les commerciaux ou pour le personnel de production. La relation est souvent moins nette dans les services administratifs. Par exemple, pour un service comptable, certaines tâches reviennent tous les mois, quelle que soit la durée du mois : les déclarations de TVA, les règlements, les facturations, etc. Pour les unités où cela est pertinent, la répartition peut se faire en prenant le budget annuel et en l’affectant aux différents mois sur la base du nombre de jours travaillés. Si, par contre, on prévoit tout à la fois une

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augmentation de l’activité et une certaine saisonnalité, la répartition devra se faire en respectant ces deux critères. Différentes méthodes statistiques existent pour mesurer et appliquer tant les variations saisonnières que les tendances observées. Ainsi, si l’on dispose de données mensuelles sur plusieurs années, et si l’activité n’a pas connu de bouleversements majeurs au cours des dernières années, on peut utiliser une droite de régression linéaire pour évaluer tant le trend que la saisonnalité. On peut également recourir à des méthodes de lissage qui permettent de tenir compte des variations à plus court terme, tout en mettant en évidence les facteurs de saisonnalité. Le découpage temporel des budgets peut aussi être effectué sur la base des trimestres. Cela est particulièrement pertinent pour des petites entreprises, ou associations, qui ne souhaitent pas consacrer des ressources trop importantes à la collecte et au traitement de l’information et, pour lesquelles, les variations de l’activité peuvent être appréhendées par d’autres indicateurs aisément disponibles.

B. – les états de synthèse La communication à des tiers, ainsi que la lecture aisée et rapide des budgets, nécessite fréquemment la rédaction d’états de synthèse qui ne comprennent pas l’intégralité des informations budgétaires ou qui en globalisent certaines pour éviter de fournir à la concurrence des informations estimées stratégiques et confidentielles. Ces états de synthèse adoptent fréquemment la structure des états financiers annuels. Cette présentation offre l’avantage de faciliter la comparaison dans le temps et ainsi de pouvoir mieux replacer le budget dans une perspective historique. De surcroît, elle facilite la comparaison inter-organisations. Ainsi, une collectivité publique peut exiger la production de ces états de synthèse avant tout octroi de subvention. Dans ce cas, l’existence d’un cadre commun et reconnu par tous facilite l’établissement des documents et permet une comparaison entre les différentes associations concourant au bénéfice des subventions. Les états de synthèse sont parfois imposés par le cadre réglementaire, notamment dans les collectivités publiques. Il nous semble néanmoins que les exigences réglementaires se traduisent par des normes a minima, c’est-à-dire des exigences à respecter, mais qu’elles n’interdisent en aucune manière aux collectivités publiques d’aller au-delà et de fournir une information plus pertinente, et plus adaptée, aux réalités de leurs activités.

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La formalisation des états de synthèse, selon des normes nationales ou internationales communes, facilite la communication. Pourtant, il est souvent pertinent d’aller au-delà et de s’interroger sur les informations qui permettront aux interlocuteurs, soit d’appréhender réellement les activités réalisées, soit de prendre les décisions nécessaires pour gérer et diriger leur Organisation.

encadré 1.10. les états budgétaires de synthèse d’une coopérative forestière. Quelles sont les informations de synthèse dérivées du système budgétaire qui doivent être communiquées aux administrateurs ? La question pourrait être reformulée différemment en demandant : de quelles informations liées au système budgétaire, les administrateurs doivent-ils disposer pour pouvoir appréhender efficacement le travail effectué par les dirigeants de la coopérative ? Il apparaît alors que, plutôt que de partir du système budgétaire, il faut au contraire partir des administrateurs eux-mêmes : qui sont-ils, quelles sont leurs attentes, pourquoi acceptent-ils de participer au conseil d’administration, etc. ? C’est la réponse à ces questions qui permettra de concevoir des états de synthèse pertinents. Dans ce cas particulier, les administrateurs sont souvent soit des retraités, soit des actifs ayant comme activité annexe la gestion de massifs forestiers relativement importants. Il est évident qu’il existe aussi des retraités exerçant le suivi de leur propriété forestière comme une activité professionnelle à part entière. Nous rangerons cette catégorie dans celle des actifs. Dans le premier cas, les retraités administrateurs sont souvent satisfaits de trouver une activité qui leur permet de conserver des liens avec la société. En tant qu’administrateurs, ils bénéficient également d’un suivi informel plus attentif lors de l’exploitation de leurs bois par la coopérative. Le contrôle détaillé du fonctionnement de la coopérative les passionne rarement et leur souci principal est d’éviter les problèmes : la coopérative doit fonctionner correctement sans qu’ils aient besoin de s’y impliquer autrement que de manière affective. L’information qu’ils demanderont sera relativement traditionnelle et distinguera souvent les aspects financiers des aspects

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techniques, la contrainte financière étant perçue comme la nécessité d’équilibrer globalement les dépenses et les recettes. Une présentation originale aura souvent tendance à les déstabiliser et à leur faire perdre leurs repères. Dans le second cas, les administrateurs encore en activité (que cette activité soit liée ou non au domaine forestier), qui acceptent de dégager du temps pour siéger au conseil d’administration, vont exiger en contrepartie des informations plus détaillées et plus pertinentes pour obtenir un suivi approfondi des ressources consommées par rapport à la valeur créée. Les états de synthèse devraient alors fortement s’inspirer du suivi budgétaire des activités tel qu’il a été proposé ci-dessus pour faire apparaître le lien entre la performance technique et l’équilibre budgétaire.

C. – les avenants aux budgets Une prévision budgétaire est, par définition, soumise à l’incertitude, à savoir qu’au moment de son élaboration un grand nombre de facteurs sont, soit inconnus, soit susceptibles d’évoluer. Dans le cas des collectivités publiques, cela est particulièrement sensible, puisque le vote des budgets comprend l’autorisation des dépenses correspondantes. A fortiori, si un événement imprévu intervient pour lequel le budget n’offre pas de possibilité de financement, il devient nécessaire de voter une modification au budget (souvent appelée DBM : Décision Budgétaire Modificative) pour permettre à l’exécutif de réaliser la dépense correspondante. Il n’existe théoriquement pas de limites au nombre de décisions budgétaires modificatives. Néanmoins, pour en limiter le nombre, puisque ces dernières nécessitent à chaque fois un vote, les exécutifs ont souvent tendance à prévoir des marges de précaution dans les budgets pour faire face aux imprévus sans avoir à solliciter à nouveau leur conseil. Les collectivités ont souvent tendance à regrouper une grande part des décisions budgétaires modificatives au sein d’un nouveau budget qui est présenté six mois après le premier quand les réalisations permettent de mieux déterminer les recettes dégagées par leur activité et les dépenses réalisées pour cette même activité. Le budget initial est alors dénommé « budget primitif » et le second budget « budget modifié (avec la date d’approbation du budget modifié) ». Le principal inconvénient de cette pratique est que la consultation des budgets primitifs devient de peu d’utilité puisque ces derniers sont

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en permanence amendés (les prévisions sont modifiées régulièrement au fur et à mesure de la connaissance des réalisations). Du point de vue du contrôle budgétaire, cela permet parfois d’avoir des résultats apparemment très satisfaisants puisque les prévisions budgétaires, après prise en compte des décisions budgétaires modificatives, correspondent aux réalisations. Il s’agit manifestement d’une mauvaise compréhension de l’intérêt d’un système budgétaire, puisque les aspects d’incitation et de contrôle ont alors tendance à disparaître dans le flou généré par les modifications successives. Dans le cas d’une entreprise ou d’une association, il n’existe aucune contrainte en matière de révision des budgets. Néanmoins, pour obtenir l’adhésion des responsables de services, il est indispensable que le budget conserve une certaine cohérence tout au long de l’année eu égard aux modifications environnementales. De nombreuses Organisations prévoient néanmoins un processus de révision des prévisions budgétaires allégé par rapport au processus initial. Cette révision intervient souvent six ou huit mois après le début de l’exercice, et elle offre également l’avantage de fournir une nouvelle base pour la réalisation des prévisions budgétaires de l’année suivante. En effet, dans la plupart des entreprises, le processus de prévision budgétaire se situe au dernier trimestre de l’exercice alors que les réalisations ne sont connues que pour les trois premiers trimestres de l’exercice.

§ 3. – application : la problématique de l’ajustement de l’offre à la demande, le cas des constructeurs automobiles Dans les années 1910, Henry Ford a connu un très grand succès dans la production de masse d’un produit standardisé, le modèle T. Mais, dans les années 1920, Ford a été dépassé par GM qui a adopté un processus de diversification des modèles avec des marques différenciées permettant de répondre à des attentes plus diverses. 18 En 1991, GM offrait aux Etats-Unis 42 modèles différents sous 6 marques différentes. Au Japon, Toyota offrait 22 modèles différents. 18

Chandler, A. (1962), Strategy and Structure, MIT Press, Cambridge.

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En 2010 en France, PSA19 offrait 12 modèles Peugeot et 20 modèles Citroën en sachant qu’un certain nombre de ces modèles se déclinent eux-mêmes en différentes versions (par exemple, 4 versions pour la 207 : 207 3 portes, 5 portes, SW, CC, avec à chaque fois au moins deux motorisations différentes). Avec l’effondrement du marché automobile fin 2008, les constructeurs ont été confrontés à des demandes divisées par deux en des temps très courts. Le rebond du marché, à la suite des plans de prime à la casse décidés en Europe, n’a pas nécessairement conduit à une demande sur les mêmes produits que ceux précédemment acquis par les consommateurs. Dès lors, la question centrale pour les constructeurs automobiles est celle de leur capacité d’adaptation à l’offre pour éviter et les invendus (la constitution de stocks) et les ventes perdues (en raison de délais de livraison trop élevées par rapport aux attentes du client).

A. – les différentes méthodes de gestion de la production20 Méthode 1. Pour chaque mois de production M, le constructeur estime la demande qui devrait lui être adressée pour les différents modèles et déclinaisons. Cette estimation peut se faire par étape pour tenir compte du délai de production des différents composants. Certains composants très standards peuvent être commandés ou produits de façon relativement stable alors que d’autres (par exemple la couleur de la carrosserie ou la nature des tissus) doivent davantage tenir compte des variations de la demande. La production mensuelle prévue est alors divisée par le nombre de jours travaillés pour obtenir le volume quotidien à réaliser. Méthode 2. La démarche précédente est divisée en deux étapes. Dans une première étape, le volume de véhicules à produire est déterminé par ligne de produits (par exemple le nombre de 207) et le volume prévisionnel de production quotidien est basé pour chaque modèle sur cette prévision. La seconde étape est mise en œuvre chaque semaine. Le constructeur demande aux concessionnaires les prévisions exactes de ventes et les caractéristiques spécifiques de chaque véhicule. C’est au cours de cette seconde étape que les aspects tels que la couleur de la Peugeot-Citroën : http://www.peugeot.fr et http://www.citroen.fr Asanuma B. (1994), “Co-ordination between Production in a Globalizing Network of Firms: Assessing Flexibility Achieved in the Japanese Automobile Industry”, in M. Aoki et R. Dore (éd.), The Japanese Firm, Oxford University Press. 19 20

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carrosserie ou la nature des tissus des sièges sont appréhendés. Cette approche offre l’avantage de réduire le risque de constitution de stocks de véhicules qui ne répondraient pas à la demande pour des questions d’aménagement intérieur ou de couleur de carrosserie. Méthode 3. Le constructeur indique au concessionnaire la date exacte de mise en production de chaque véhicule. Chaque concessionnaire a le droit de modifier sa commande jusqu’à J-X, X étant le nombre de jours de production avant le lancement de la production, X dépend de la nature des modifications demandées par le concessionnaire. Si la modification porte sur la couleur du véhicule, X est plus faible que si la modification porte sur la motorisation, etc. Cette méthode introduit donc une interaction forte entre les concessionnaires et le constructeur. Elle permet au concessionnaire à la fois d’être plus impliqué en tant qu’interface entre le client et le producteur et de réduire son risque de se retrouver avec des véhicules en concession ne correspondant pas aux attentes de ses clients. Au Japon, certains constructeurs ont réussi à aboutir à des délais d’acceptation des modifications de l’ordre de J-3. C’est-à-dire que si une demande de modification de certaines caractéristiques du véhicule commandé est faite par le concessionnaire quatre jours avant la date prévue de mise en production, la demande est acceptée et intégrée dans le processus de production.

B. – les difficultés à résoudre Elles sont multiples : • Au niveau de la production interne. Les outils de production (y compris la main-d’œuvre de production) doivent être suffisamment flexibles pour effectuer rapidement des changements de production. • Au niveau des sous-traitants et des fournisseurs. Ces derniers doivent eux-mêmes s’adapter rapidement aux modifications de cadences de production et de livraison. • Au niveau de la distribution. La distance entre l’usine de construction d’un modèle et le lieu de livraison entraîne nécessairement des délais supplémentaires qui doivent être intégrés dans les délais de gestion de la production.

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C. – les prévisions Les productions et les livraisons de véhicules conditionnent tout le processus de contrôle budgétaire, depuis la réalisation des prévisions, jusqu’à l’établissement des réalisations et l’analyse des écarts. Pour la prévision budgétaire de l’année N, en septembre – octobre N1, la direction générale retient un objectif d’évolution de ses différents marchés automobiles. Cet objectif est décliné : • par régions ; • par modèles. Cela donne une matrice permettant de disposer pour le couple (région, modèle) du volume des ventes attendues. Le prix de vente des différentes catégories de véhicules sur les différents marchés est à peu près connu, en sachant que la direction générale va retenir un coefficient sur le prix catalogue pour tenir compte du prix facturé au concessionnaire, des montants estimés liés aux options complémentaires choisies par les clients, des promotions éventuellement réalisées par le groupe. A partir de cet objectif de vente par région et par catégorie de véhicule, les responsables commerciaux effectuent des prévisions budgétaires mensuelles en prenant en compte les coefficients de saisonnalité et les éléments connus pouvant affecter exceptionnellement le volume des ventes : coupe du monde de football, etc. Les décisions stratégiques d’ouverture ou de fermeture d’une ligne de production sont prises à ce niveau. Chaque mois, les directions commerciales effectuent des prévisions budgétaires plus fines pour le mois M+3 au vu des éléments d’information dont ils disposent. Ce sont ces prévisions qui vont déterminer la phase 1 de production des principales usines du groupe : recours à du chômage ponctuel, création d’une deuxième ou d’une troisième équipe de production. Chaque semaine, les directeurs de production disposent de l’état des commandes clients enregistrées par les concessionnaires (schéma 1.12). Ces états découlent de l’enregistrement des commandes en informatique par les concessionnaires. Chaque commande client est automatiquement enregistrée dans les bases de données du constructeur automobile avec toutes les spécificités qui y sont liées et le délai de livraison prévu.

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schéma 1.12. schéma synthétique du processus de collecte des commandes : client – concessionnaire – constructeur automobile Client

Concessionnaires

Connaissance des véhicules vendus sur la zone géographique par gamme, modèle et finitions Connaissance des véhicules en stocks Optimisation des flux de logistique Connaissance du client, de ses attentes Evaluation de la satisfaction du client Perception des tendances et des effets de mode : préférences en matière de couleur, de modèles, de finitions, de motorisation, etc. Constructeur automobile

Le détail des commandes enregistrées est confronté avec la production prévue pour faire tout à la fois émerger : • Les écarts sur les fabrications clés de modèles : ceux sur lesquels il n’est plus possible de modifier la production et par conséquent ceux pour lesquels le constructeur va produire sans avoir en face la commande correspondante, ou ceux pour lesquels le constructeur va devoir modifier sa cadence de production pour répondre à des besoins évalués de façon trop faible. • Les options ou les versions demandées par les clients que le constructeur automobile va adapter au cours de sa chaîne de production (par exemple la couleur de la carrosserie ou la nature des tissus des sièges). • Les demandes de livraison à adresser aux sous-traitants ou aux fournisseurs et éventuellement les modifications de planning en cas de forte chute ou de forte hausse sur un modèle de véhicule spécifique (par exemple les cabriolets).

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D. – la mesure des réalisations et leurs conséquences En M+1, le contrôle budgétaire dispose des réalisations (schéma 1.13). Ces dernières peuvent être confrontées aux prévisions budgétaires annuelles pour permettre à la direction générale d’envisager soit des mesures exceptionnelles pour redresser les ventes sur certains modèles ou sur certains marchés, ou au contraire d’accroître les capacités de production, soit de modifier les prévisions financières communiquées aux investisseurs et aux marchés.

schéma 1.13. schéma synthétique du processus de contrôle budgétaire Marché Service d’analyse économique

Service marketing

Perception des tendances du marché : motorisations, finitions, couleurs, etc.

Chiffre d’affaires par zones géographiques et nature de véhicules

Connaissance de l’environnement : indicateurs macroéconomiques, parts de marché, etc.

Contrôle de gestion et Direction générale

Comptabilité et Service commercial

Modification des prévisions Pertinence de nouveaux investissements

Service achats Actualisation des flux de commandes Fournisseurs et sous-traitants

Elles peuvent également être confrontées aux prévisions de production pour identifier les dysfonctionnements dans le processus opérationnel : pertes de production (dues à des ruptures d’approvisionnement, des grèves, des problèmes de non-qualité, etc.), retards de livraison et de facturation (faillite de concessionnaires, impayés de clients, défaillance du processus logistique de livraison).

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Le constructeur automobile dispose de bases de données indiquant, pour chaque type de véhicule, les composants nécessaires et les fournisseurs qui y sont associés. Dès lors, les prévisions de production de véhicules permettent au constructeur de disposer de prévisions de commandes auprès de ses fournisseurs et sous-traitants. La situation est différente selon que les composants sont relativement standards ou au contraire très spécifiques à un modèle voire à une version d’un modèle. Dans le premier cas, et sauf les cas particuliers de variation brutale et massive du marché automobile, les prévisions adressées aux fournisseurs et aux sous-traitants sont relativement prévisibles et peuvent être modulées un certain temps à l’avance. Dans le second cas, le volume exact des commandes adressées au fournisseur ou sous-traitant ne sera connu que peu de temps avant la livraison et les volumes requis pourront varier de façon importante. Pour les équipementiers fournissant des produits adaptés à une large gamme de véhicules et, par conséquent, relativement peu sensibles aux effets de mode, il est possible de mettre en œuvre une production de masse et de spécialiser le système de contrôle budgétaire sur l’analyse des écarts par rapport aux coûts standards de production. Le système de contrôle budgétaire des équipementiers vise alors à assurer la rentabilité globale du groupe et à éliminer les productions déficitaires. Pour les sous-traitants offrant des produits très spécifiques, le contrôle budgétaire doit permettre une plus grande réactivité et une adaptation des coûts (des ressources consommées) de l’entreprise sous-traitante à la production réellement effectuée. Afin de lisser son volume de fabrication, l’entreprise sous-traitante peut être tentée de constituer des stocks de production qui servent de tampon entre une production régulière (par le sous-traitant) et des livraisons très variables (en fonction des demandes transmises par le constructeur). Une telle stratégie est financièrement avantageuse quand la conjoncture est relativement stable car elle réduit les coûts liés aux variations de consommations de ressources. En revanche, une telle stratégie est dévastatrice en cas de retournement du marché car le sous-traitant se retrouve avec des stocks croissants qu’il s’avère incapable de financer.

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section V la mesure des réalisations et l’évaluation de la performance « Sur l’agenda, sitôt levé je pus lire : tâcher de se lever à six heures. Il était huit heures ; je pris la plume ; je biffai ; j’écrivis au lieu : Se lever à onze heures. – Et je me recouchai sans lire le reste. » Paludes, André Gide, 189421 Pour être efficient un système budgétaire doit non seulement comprendre une phase d’élaboration des budgets, mais il doit aussi intégrer la confrontation des réalisations aux prévisions. Le système d’information de l’Organisation doit donc disposer d’outils permettant de mesurer les réalisations. De surcroît, le contrôle budgétaire implique également des exigences particulières. L’unité de temps étant habituellement le mois, il est nécessaire que le système d’information puisse fournir tous les mois les réalisations avec une marge d’erreur relativement faible. Enfin, le contrôle budgétaire n’a de sens que s’il constitue un outil de décision et de contrôle pour la direction. Il doit, dès lors, être associé à des indicateurs de performance, lesquels peuvent être dérivés du système comptable, mais ils peuvent également intégrer des indicateurs quantitatifs non financiers voire même des indicateurs qualitatifs.

§ 1. – la mesure des réalisations Les informations sur les réalisations proviennent principalement de deux systèmes complémentaires qui sont la comptabilité générale et la comptabilité de gestion. Néanmoins, rien n’interdit de recourir à d’autres sources d’information. Le développement des logiciels de gestion intégrés (ERP) tend ainsi à rendre cette distinction moins pertinente qu’autrefois dans la mesure où le système d’information de l’Organisation tend à devenir une gigantesque base de données alimentant différents états de sortie. 21

Bibliothèque de la Pléiade, André Gide, romans, p.128, édition 1993.

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A. – la comptabilité générale Dans les petites Organisations, la comptabilité générale constitue l’élément principal de mesure des réalisations22 . L’orientation du contrôle budgétaire vers le système comptable offre cependant de sérieuses limites. Ces limites sont particulièrement nettes et sensibles dans le contrôle budgétaire des collectivités publiques où le suivi des réalisations budgétaires est bien souvent confondu avec l’enregistrement comptable des transactions. La première limite est relative à la structure organisationnelle sousjacente à cette approche. La comptabilité générale est étroitement liée à des notions juridiques de personnalité morale. Dans un groupe, la consolidation comptable s’effectue non pas à travers une approche par processus mais, au contraire, par une approche par entité juridiquement distincte. D’une certaine manière l’approche comptable repose sur le schéma pyramidal traditionnel, où la hiérarchie est remplacée par le pourcentage de participation ou de contrôle qu’une société mère détient directement ou indirectement sur sa société fille. Il apparaît dès lors que, pour être cohérent, le système budgétaire devra adopter le même découpage organisationnel que celui imposé par le processus de consolidation qui fournit les réalisations. La seconde limite est due au classement comptable des charges par nature. Le recours exclusif à la comptabilité générale rend difficile l’identification des consommations de ressources par les différents services puisque, par exemple, toutes les charges de personnel sont comptablement enregistrées sous le même numéro de compte, que les employés travaillent au service comptable, dans les ateliers de production ou au service commercial. La distinction comptable se fait non par la destination des employés (le service où ils travaillent), mais par la nature de leur contrat (les intérimaires apparaîtront sur une ligne distincte des employés disposant d’un contrat à durée indéterminée). Dans le cadre des collectivités publiques, il est absolument indispensable de prévoir une source complémentaire de renseignement pour disposer d’une information sur les réalisations qui puisse réellement donner lieu à un contrôle budgétaire. Une des solutions adoptées, dans certaines collectivités, est de distinguer plusieurs entités comptables et budgétaires au sein de la même collectivité. Les charges et les produits 22

La comptabilité générale, un outil d’information.

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comptables sont alors non seulement enregistrés par nature, mais ils sont également affectés à l’une ou l’autre entité. Cela s’apparente à un embryon de comptabilité de gestion.

B. – la comptabilité de gestion La comptabilité de gestion apparaît comme l’équivalent anglo-saxon du management accounting. Elle tend à supplanter la comptabilité analytique. Alors que cette dernière avait pour objectif principal de déterminer le coût des produits ou des services vendus, la comptabilité de gestion a pour finalité d’offrir aux décideurs l’information sur les coûts dont ils ont besoin, non seulement pour définir leur stratégie, mais aussi pour la suivre et la piloter quotidiennement. A l’inverse de la comptabilité générale, qui fait l’objet d’une réglementation très précise, la comptabilité de gestion est construite pour répondre aux besoins d’information des dirigeants. Elle est donc un instrument irremplaçable pour fournir des informations sur les réalisations, c’est-à-dire sur les ressources qui ont été effectivement consommées, sur les prestations ou les produits qui ont été vendus à l’extérieur de l’Organisation, et sur les prestations qui ont été fournies en interne, notamment par le biais des activités support 23. L’orientation du système budgétaire vers une approche processus est indissociable de la mise en place d’une comptabilité de gestion permettant d’identifier et de suivre les ressources consommées par chaque activité ainsi que l’évolution des inducteurs d’activité conditionnant le volume des prestations réalisées.

C. – les autres sources d’information Les Organisations disposent de sources multiples d’information. Celles-ci vont du suivi des tâches, que tel responsable tient dans un cahier ou sur un tableur, aux données fournies par des entités externes (telles que par exemple les transactions bancaires qu’il est possible de consulter à distance et de rapatrier directement sur son système informatique) en passant par les données faisant l’objet d’une saisie automatique (par exemple, par la lecture de codes à barre). Les évolutions actuelles, à travers les systèmes d’ERP, tendent toutefois à privilégier une harmonisation des différents systèmes de collecte et de production de l’information. 23

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

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Auparavant, l’information était souvent accessible par des sources distinctes avec une duplication des tâches de saisie et d’enregistrement. Par exemple, le service commercial enregistrait les commandes reçues, établissait les devis et les factures, et le service comptable saisissait ces factures et en percevait les règlements. La plupart des logiciels de gestion actuels autorisent le basculement automatique des factures de vente dans la comptabilité générale. Il en est de même pour les dépenses liées à la paie. Les changements les plus profonds tiennent à l’établissement de liens entre les fonctions support et les fonctions de production. Les logiciels de gestion intégrés se donnent fréquemment pour fonction de réunir la gestion de production aux fonctions plus administratives telles que la comptabilité générale ou le suivi des coûts. Comme nous l’avons indiqué, le schéma théorique sous-jacent à ces systèmes d’information est la construction d’une gigantesque base de données (en réalité le système comprend différentes bases de données reliées entre elles par des entrées communes et des systèmes d’indexation) alimentée par de multiples sources, et qui en retour autorise la sortie de fichiers ou de documents sur des formats très différents.

encadré 1.11. la gestion intégrée est-elle récente ? Au milieu des années quatre-vingt le groupe Exxon, connu en France à travers sa dénomination Esso, disposait d’un système de serveurs et de bases de données regroupant l’ensemble de ses informations de gestion. Les utilisateurs disposaient d’un langage de programmation simplifié leur permettant d’extraire les informations qu’ils estimaient pertinentes (avec des codes de contrôle limitant l’accès aux seules informations de leur compétence). Les groupes pétroliers disposaient d’une avance certaine en matière de système de gestion intégré dans la mesure où leur processus de production, en l’occurrence le raffinage pour l’entité étudiée, peut être relativement bien formalisé et modélisé et qu’il est possible d’associer aux flux physiques de production des flux d’information le plus souvent valorisés. Après la dissémination tous azimuts des micro-ordinateurs, on assiste aujourd’hui, à travers les serveurs et les systèmes de réseaux à

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une reconcentration des fonctions de collecte et de production de l’information. La prémonition d’IBM du début des années quatre-vingt, selon laquelle les micro-ordinateurs autonomes n’avaient pas d’avenir, se révèle en partie fondée. On assiste donc au retour des systèmes d’intégration de l’information mais avec une collecte (et une diffusion) de l’information beaucoup plus décentralisée qu’auparavant.

§ 2. – les contraintes du système budgétaire sur le système d’enregistrement comptable Le système d’enregistrement des transactions n’est pas neutre. Il exerce une influence sur la perception que l’on a du réalisé et, par conséquent, il est susceptible d’affecter de façon significative le processus de contrôle budgétaire. Il est donc nécessaire d’appliquer certaines contraintes au système d’enregistrement des transactions et des opérations, pour pouvoir comparer les réalisations aux prévisions budgétaires.

A. – un enregistrement régulier des transactions Comptablement, l’horizon de la plupart des Organisations est l’année, c’est l’établissement des comptes annuels. Ponctuellement, il existe un besoin d’informations plus régulières. Par exemple, pour les déclarations de TVA mensuelles ou trimestrielles, le système comptable doit permettre d’éditer le chiffre d’affaires réalisé et le montant de la TVA récupérable. Pour contrôler la trésorerie, il est souvent préférable d’établir des rapprochements de banque mensuels, voire hedomadaires ou quotidiens. Les budgets couvrant la totalité de l’Organisation, les exigences d’enregistrement des transactions seront beaucoup plus fortes puisqu’il devra être possible de déterminer chaque mois les réalisations, c’est-àdire de disposer d’une vision relativement exacte des transactions intervenues au cours du mois écoulé. Alors qu’un système comptable peut prévoir un suivi de trésorerie mensuel mais se limiter à un enregistrement comptable trimestriel ou annuel, le contrôle budgétaire implique un enregistrement régulier des transactions. Cette contrainte est assez facilement satisfaite dans les grandes Organisations où, en raison des flux de transactions à traiter,

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une ou plusieurs personnes sont affectées à l’enregistrement de ces transactions tout au long de l’année. L’enregistrement régulier n’est que la résultante d’une question d’organisation pour éviter l’arrivée brutale, en fin d’année, d’un flux de transactions à saisir et à traiter. Le point central, qu’il s’agira de contrôler, est ce que l’on peut qualifier de cutoff, c’est-à-dire de séparation des périodes de référence. Le risque est grand de voir un responsable repousser d’une période sur l’autre l’enregistrement de certaines dépenses, pour éviter qu’un dérapage budgétaire ne soit révélé trop tôt (sauf inversion exceptionnelle de la conjoncture, les dérapages budgétaires finissent tôt ou tard par apparaître). Pour les petites Organisations, l’enregistrement régulier des transactions est parfois plus problématique. Il convient alors d’envisager des procédures simplifiées d’appréhension du réalisé, par exemple à l’aide d’une comptabilité de trésorerie qui fait l’objet de régularisations en fin d’exercice.

B. – le retraitement des transactions ponctuelles Certaines transactions sont très ponctuelles et n’interviennent qu’une ou deux fois dans l’année mais pour des montants parfois significatifs pour le service concerné. Il en est notamment ainsi du paiement de certaines taxes ou de primes d’assurance. Deux solutions sont envisageables pour éviter d’observer des distorsions trop importantes entre les réalisations et les prévisions mensuelles : • La première solution consiste à identifier précisément le mois au cours duquel a lieu chaque transaction ponctuelle. Lors de la mensualisation des prévisions budgétaires, le service concerné prendra alors soin d’imputer la dépense au mois correspondant. Le contrôle budgétaire n’observera d’écarts significatifs que si les réalisations n’ont pas lieu au cours du mois initialement prévu ; il s’agit d’une situation assez fréquente de « faux écarts budgétaires » ou l’écart observé est compensé par un écart de sens contraire au cours du mois suivant. • La seconde solution vise à lisser les prévisions et les réalisations budgétaires, en étalant l’impact de ces transactions ponctuelles sur chacun des douze mois de l’exercice. Cela correspond au principe des factures d’électricité ou des impôts mensualisés pour lesquels le particulier verse une provision chaque mois et son compte fait l’objet d’une régularisation lorsque le montant exact est connu.

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Le choix de l’une ou l’autre méthode dépend principalement de questions de circonstance et il apparaît difficile de définir a priori la solution la plus adaptée.

C. – le retraitement des transactions exceptionnelles Au cours d’un exercice budgétaire, il n’est pas nécessairement possible de prévoir toutes les situations à venir. Si l’objet du contrôle budgétaire est justement de mettre en évidence les écarts observés, certaines transactions exceptionnelles peuvent avoir un impact susceptible de rendre ce contrôle budgétaire totalement inopérant. Il peut être nécessaire d’isoler l’impact de cette transaction exceptionnelle pour conserver au contrôle budgétaire « courant » sa pertinence. Ainsi, si un service commercial doit assurer, avec trois personnes, la couverture des ventes d’une zone géographique donnée; comment intégrer les conséquences d’un accident de la circulation qui interdit toute activité professionnelle à deux des trois collaborateurs pendant quatre mois ? Le maintien à l’identique du contrôle budgétaire ne pourra que constater des écarts très importants entre les prévisions et les réalisations. Même le remplacement des employés arrêtés ne pourra permettre une poursuite de l’activité selon les prévisions initialement entérinées. Afin de pouvoir conserver une cohérence à l’activité du service, il est alors nécessaire, soit de retraiter les prévisions budgétaires, soit d’intégrer l’impact des événements sous une forme exceptionnelle.

§ 3. – les indicateurs de performance Mesurer les réalisations doit permettre d’apprécier les performances de chacun. Il est donc nécessaire de définir les indicateurs mesurant le niveau d’activité réellement effectué par rapport à ce qui était prévu, les indicateurs comptables mesurant les ressources octroyées et consommées, et les indicateurs qualitatifs mesurant le respect des contraintes ou des objectifs fixés. La stabilité des prévisions budgétaires, pour ne pas dire leur immuabilité, offre un avantage important qui est de fournir une référence pour évaluer les efforts effectués par les différents responsables d’activités ou de services pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés dans le respect des moyens octroyés. La remise en cause éventuelle de l’an-

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nualité des budgets, ou la révision trimestrielle des prévisions, entraînent la disparition de ce cadre de référence. En effet, dès lors que les prévisions peuvent être modifiées pour mieux prendre en compte l’évolution de l’environnement de l’Organisation, il devient très difficile de justifier auprès des employés le maintien d’une référence qui n’est plus celle adoptée pour prévoir l’activité de l’Organisation. Il est alors nécessaire de déconnecter les systèmes d’incitation et de motivation du processus budgétaire ou, en tout cas, de les orienter autrement. Dans les services, où l’activité est fortement récurrente, la base la plus simple est la référence historique. Au lieu de déterminer des incitations en fonction des prévisions budgétaires, qui sont elles-mêmes le reflet des réalisations antérieures, ces incitations doivent être élaborées à partir des réalisations passées, et en fonction d’un engagement portant sur des gains de productivité ou d’efficacité. Le découplage entre les systèmes d’incitation et de motivation apparaît plus aisé dans les activités de services que dans les activités industrielles, dans la mesure où la réussite d’une stratégie passe rarement par le contrôle tatillon des ressources mises en œuvre, mais plutôt par le suivi régulier de l’avancement de l’Organisation par rapport aux objectifs préalablement définis. Les mesures incitatives devront donc être réorientées vers des indicateurs plus qualitatifs, destinés à mesurer le degré d’atteinte des objectifs.

A. – les indicateurs d’activité Lors de la phase de prévision budgétaire, les ressources sont normalement octroyées de façon cohérente avec les prévisions d’activité effectuées. Ainsi une association subventionnée par la ville, et exerçant les fonctions d’école de musique, doit déterminer en début d’année la fréquentation attendue en termes de nombre d’élèves par niveau d’apprentissage et par instrument. Ces indicateurs d’activité permettront de déterminer les besoins en termes de professeurs et d’heures de vacation, mais également les besoins éventuels en termes de locaux supplémentaires si le bâtiment héberge plusieurs associations. Si aucun contrôle a posteriori n’est effectué, chaque association aura naturellement tendance à maximiser sa prévision d’activité afin d’accroître le volume des subventions et des ressources qui lui sont accordées. Si un contrôle est effectué, il devient alors très important de définir, a priori, les clefs permettant d’apprécier l’activité de telle ou telle association, parfois en comparaison les unes avec les autres.

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Pour les grandes Organisations ayant adopté une approche budgétaire par les processus, cette phase est encore plus cruciale. Comme nous l’avons déjà souligné, les centres d’activité, qui constituent l’élément de base du système budgétaire, se trouvent au croisement des directions hiérarchiques fonctionnelles, qui attribuent et contrôlent les ressources, et des directions de processus, qui consomment les activités fruits de ces ressources. Le seul moyen d’aboutir à un relatif consensus, entre des appréciations distinctes sur les besoins des différents centres d’activité, est de définir des indicateurs d’activité impliquant les différents directeurs de processus et recevant l’aval du directeur hiérarchique. Chaque directeur de processus fait alors part de ses besoins prévisionnels mesurés sur une base quantitative (on parlera alors d’inducteurs d’activité24 ) et, en fonction du niveau cumulé d’activité envisagé pour le centre d’activité concerné, le directeur hiérarchique pourra effectuer les arbitrages en termes de dotation de ressources. De surcroît, le choix d’un indicateur d’activité permet, a posteriori, de suivre le volume d’activité réalisé par chaque centre et ainsi d’évaluer la pertinence de la consommation des ressources affectées. En cas de sous-activité manifeste d’un service, on peut même envisager un redéploiement des ressources initialement octroyées.

B. – les indicateurs comptables Pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés, chaque service doit disposer de ressources. Dans le cadre du système budgétaire, ces ressources doivent être transcrites sous forme monétaire. Il est alors indispensable de s’entendre sur la définition des indicateurs comptables mesurant ces ressources. Des questions très simples peuvent ainsi être formulées : • Quel est le coût d’un poste de travail ? • Quel est le coût d’un bureau ? • Quel est le coût de la supervision ou de la prestation de conseil ? • En cas de vente d’une prestation globale intégrant plusieurs services, comment effectuer la répartition de la vente entre eux ? Pour ne répondre qu’à la première question, si un service estime avoir besoin d’un employé supplémentaire, faut-il lui imputer budgé24

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

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tairement le coût de la rémunération (salaire brut + charges patronales), faut-il y ajouter le coût du suivi par le service du personnel, faut-il intégrer les coûts de formation qui seront inéluctablement nécessaires pour renforcer l’adhésion du personnel aux valeurs de l’entreprise, etc. Les indicateurs comptables peuvent aussi servir à déterminer des objectifs. Par exemple, on peut évaluer le responsable des ventes pour une zone géographique sur le chiffre d’affaires qu’il procure ou sur son volume de marge brute ou encore sur sa marge nette après déduction des frais afférents à son poste de travail. Dans tous les cas, ces indicateurs de performance impliquant une évaluation du travail effectué par le responsable, il est nécessaire de définir a priori les indicateurs retenus. Dans le cas d’un processus, le responsable est fréquemment évalué sur la marge nette qu’il dégage avant couverture des frais de direction de l’entreprise. Mais, étant donné que le processus fait appel à de multiples activités, la négociation ou l’appréhension du coût de ces différentes activités aura une très forte incidence sur la capacité du directeur de processus à dégager une marge nette positive et significative.

C. – les indicateurs qualitatifs La performance n’est pas seulement financière, elle intègre généralement des indicateurs qualitatifs qui n’auront de conséquence financière qu’à moyen ou long terme. On sait ainsi que la construction d’une image de qualité est un processus lent et fragile qui met du temps à se matérialiser dans la conscience des clients, mais qui peut être remis en cause du jour au lendemain en cas de défaillance remarquée d’un des éléments de cette qualité. Le système budgétaire doit donc intégrer un certain nombre d’indicateurs qui constituent le plus souvent des paramètres minima à respecter. En matière de produits alimentaires, et particulièrement de fromages au lait entier, les ateliers de production doivent respecter des normes très strictes sur le taux de présence des bactéries. Le développement et la survie de l’entreprise dépendent, non seulement de sa capacité à être rentable, c’est-à-dire de sa capacité à appréhender des processus sur lesquels elle détient des facteurs clés de succès, mais aussi de sa capacité à respecter de façon permanente un certain nombre d’indicateurs qualitatifs. Le véritable contrôle budgétaire est indissociable de l’utilisation d’indicateurs non monétaires permettant de mesurer les facteurs clés de

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succès. Nous aborderons ce point de façon beaucoup plus détaillée dans le chapitre suivant, à travers la mise en place d’un système de reporting et la démarche du Balanced Scorecard.

§ 4. – l’analyse des écarts Confronter des réalisations à des prévisions, c’est fatalement générer des écarts, car comment croire que des prévisions puissent déterminer de façon exacte ce qui sera plus tard. L’absence d’écart, quand cela existe, signifie souvent qu’il n’y a pas de contrôle budgétaire et que les prévisions sont construites de telle façon qu’elles soient toujours respectées. Il en est ainsi quand les prévisions budgétaires sont si généreuses qu’il suffit de dépenser sans avoir à se soucier de la pertinence des actions entreprises. Il en est également ainsi quand les budgets apparaissent comme une autorisation de dépenses discrétionnaires pour lesquelles aucun contrôle ne sera effectué. Il en est enfin ainsi quand les prévisions budgétaires sont sans cesse corrigées et amendées pour finir par ne plus refléter que les réalisations elles-mêmes. Le grand reproche que l’on peut faire au contrôle budgétaire dans les collectivités publiques est qu’il ne génère pas d’écarts. Bien sûr cette affirmation est un peu excessive. Chaque année les réalisations budgétaires du gouvernement français diffèrent un peu de la Loi de Finances initiale. Mais, ces écarts font l’objet d’amendements à la Loi de Finance et, quand bien même ils subsistent, on ne cherche pas à les rapprocher des objectifs poursuivis mais on cherche simplement à les supprimer. Dans les collectivités locales, l’observation est la même, le vote du budget entraînant l’autorisation des dépenses, le budget tend fréquemment à s’auto-accomplir ; quand il y a des dérives, c’est-à-dire quand les dépenses tendent à dépasser l’enveloppe budgétaire initialement prévue, on vote une décision budgétaire modificative (si on dispose des recettes nécessaires pour équilibrer son budget, éventuellement d’ailleurs par le recours à l’emprunt considéré comme une recette dans la comptabilité publique avant d’apparaître comme une dépense lors de son remboursement). Si on ne dispose pas des fonds nécessaires, les dépenses sont reportées sur l’exercice budgétaire ultérieur. Dans les deux cas, l’existence d’un contrôle budgétaire ne permet pas d’identifier des écarts.

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Il est donc impératif, si l’on souhaite développer un véritable contrôle de la gestion publique, de permettre la réalisation d’un véritable contrôle budgétaire en introduisant un peu de souplesse dans la comptabilité publique et en réduisant les possibilités de « comptabilité créative » qui sont parfois bien plus importantes en comptabilité publique qu’en comptabilité privée, même si elles ne portent pas sur les mêmes artifices.

A. – le principe de l’analyse des écarts La comparaison des réalisations et des prévisions donne lieu à des écarts qui peuvent être expliqués de façon plus ou moins aisée. Une première grille de lecture consiste à déterminer si ces écarts peuvent résulter d’une variation des prix unitaires ou des quantités. On considère habituellement qu’un écart entre une réalisation et une prévision est direct quand il est possible de comparer les quantités consommées ou vendues et le prix unitaire (ou le coût unitaire) de ces consommations ou de ces ventes : Ecart = (Q R × PUR ) – (QP × PUP ) soit : Ecart = (Q R – Q P) × PUR + (PUR – PUP) × QP On peut alors distinguer dans l’écart global, un écart sur les quantités [(QR – Q P) × PU R] et un écart sur les prix [(PU R – PUP ) × QP]. Dans le cas où la quantité dépend du niveau de l’activité, c’est-à-dire d’un indicateur exogène au service considéré, l’écart sur les prix peut luimême être décomposé entre un écart sur l’activité [(A R – AP) × CR × PUR ] et un écart sur la consommation [(C R – CP ) × AP × PUR ], c’est-à-dire la quantité d’unités nécessaire pour réaliser un niveau d’activité donné : Avec Ecart_quantité = (AR – CR) × PUR – (A P – CP) × PUR Soit Ecart_quantité = (AR – AP ) × CR × PUR – (CR – CP) × AP × PUR L’approche par les processus, en renforçant le rôle des centres d’activité et en impliquant la définition d’indicateurs d’activité, offre l’avantage de faciliter cette analyse puisque, pour tout centre budgétaire, il devient alors possible de disposer d’un inducteur d’activité (on peut ainsi mesurer la variation du niveau d’activité concerné) et d’une estimation du coût de cet inducteur, c’est-à-dire de l’ensemble des ressources nécessaires pour accomplir cette activité (ramenées sur une base unitaire). Le contrôle budgétaire consiste à comparer, mois par mois, les réalisations aux prévisions pour en faire ressortir les écarts. Une partie de

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ces écarts sont cependant parfois uniquement dus à des décalages temporels : certaines ressources que l’on avait pensé consommer au mois de mai ont, par exemple, été consommées au mois de juin ou au mois de septembre. Une analyse des écarts mois par mois conduit alors à s’intéresser à des écarts qui ne font que s’annuler dès que l’on retient une période plus large. Une solution pour limiter une concentration excessive sur les écarts liés aux décalages temporels, constitue à étudier parallèlement les écarts sur les montants cumulés. On cherche ainsi, moins à déceler des écarts ponctuels, qu’à mettre en évidence des modifications de tendance susceptibles d’avoir, à l’avenir, de fortes répercussions. Les deux approches : approche mensuelle et approche en cumul, sont complémentaires car elles ne s’intéressent pas aux mêmes types de déviance par rapport aux prévisions initiales.

B. – d’une analyse en cumul à une analyse en glissement Le raisonnement en cumul consiste à comparer le total des réalisations avec le total des prévisions sur une même période de référence. Si l’Organisation retient comme référence l’année civile ou l’exercice comptable, le raisonnement en cumul s’applique à partir du premier mois du nouvel exercice budgétaire. Le premier mois, le cumul porte sur un mois, le deuxième mois sur deux mois, etc. Cette méthode offre l’avantage d’avoir une grande cohérence avec l’exercice comptable et de pouvoir plus facilement appréhender la pertinence des prévisions budgétaires pour l’exercice en cours. Par contre, le raisonnement en cumul ne permet pas de comparer les cumuls d’un mois sur l’autre puisque le nombre de mois cumulés n’est pas identique. De surcroît, en fin de période budgétaire, l’horizon est souvent fortement rétréci puisque la prévision budgétaire se limite aux quelques mois restant à courir. D’une certaine façon, ce système engendre une myopie jusqu’à ce que le travail budgétaire ait été accompli sur la période suivante. En décembre N-1 les dirigeants disposeront d’une prévision détaillée sur douze mois. Au fur et à mesure du déroulement de l’année, cet horizon va se réduire pour ne plus porter que sur les trois derniers mois de l’année juste avant que ne soit entamé un nouveau cycle budgétaire. De surcroît, à la fin du 2e trimestre (et, a fortiori, à la fin du 3e trimestre juste avant le lancement du nouveau cycle budgétaire), les dirigeants ne disposeront plus que de prévisions ayant été élaborées huit mois aupa-

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ravant. Non seulement le cycle budgétaire réduit l’horizon des dirigeants au fur et à mesure de son avancement mais, en plus, ces prévisions sont de moins en moins fiables. Le raisonnement en cumul est indispensable pour permettre à chaque Organisation de se donner des objectifs et de s’assurer qu’elle les poursuit effectivement, voire même qu’elle les atteint ou les dépasse. Mais, du point de vue de la qualité et de la pertinence des prévisions, ce système s’avère insuffisant et doit être complété ou remplacé par des prévisions glissantes, souvent dénommées Rolling forecast).

C. – le Rolling Forecast Si l’Organisation retient une période glissante, le raisonnement en cumul va alors porter sur un nombre de mois constant. L’exemple le plus simple est un raisonnement sur une période de douze mois glissants. Chaque mois, l’Organisation effectue une prévision budgétaire pour un mois de plus (par exemple en mars N elle effectue sa prévision pour le mois de mars N+1) et elle réalise son contrôle budgétaire sur les douze mois écoulés (pour le même mois de mars N, l’Organisation rapprochera ses réalisations de mars N-1 à février N avec ses prévisions sur la même période). Cette méthode facilite la comparaison en cumul d’un mois sur l’autre et rend parfois plus aisée la détection des tendances lourdes. En revanche, dans la mesure où elle limite les périodes de remise en cause des budgets, elle tend à favoriser une certaine permanence des budgets alloués. Le principe du suivi budgétaire par glissement consiste à supprimer ces handicaps liés à l’annualité de l’horizon, en allongeant régulièrement (en général tous les trimestres) l’horizon budgétaire et en réévaluant les prévisions pour les trimestres les plus proches. Il semble que l’horizon annuel, qui constitue aujourd’hui encore pour de nombreuses Organisations la référence temporelle, soit en train d’évoluer vers un horizon trimestriel pour les grandes entreprises internationales. L’évolution de l’horizon du contrôle budgétaire va donc de pair avec l’évolution des autres horizons (notamment en termes d’information financière vis-à-vis des investisseurs externes) de l’Organisation. Néanmoins, cela pose au moins deux problèmes majeurs. Le premier est lié à la lourdeur des processus budgétaires ; si l’évolution vers une trimestrialité suppose une multiplication par quatre des efforts à mettre

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en œuvre, cela va à l’encontre des souhaits des dirigeants. Le second problème est celui de la référence, pour évaluer la performance des employés de l’Organisation et leur contribution aux résultats obtenus. L’arbitrage entre une méthode annuelle et une méthode en glissement consiste à différencier nettement les services ou les activités présentant un enjeu stratégique fort pour les années ou les trimestres à venir, des services ou activités pour lesquels l’évolution est plus progressive. Aux premiers, il sera demandé une réflexion budgétaire approfondie sur les ressources à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs assignés. Le lien avec la démarche stratégique sera renforcé et le budget sera clairement l’application à court et moyen terme des décisions stratégiques. Aux seconds, il sera demandé un processus budgétaire allégé qui s’appuiera de façon forte sur les tendances antérieures mises en évidence. Le travail budgétaire pour ces derniers consistera à justifier les principaux écarts par rapport aux tendances antérieures (schéma 1.14).

schéma 1.14. l’impact de l’approche budgétaire en glissement sur les ressources consacrées au processus budgétaire

L ’activité ou le service constitue-t-il un axe majeur de la stratégie de l’organisation ? NON

OUI

Processus budgétaire allege avec une forte référence aux tendances passées et une réflexion sur l’évolution marginale des resources

_

Processus budgétaire renforcé avec mise en évidence de la relation entre les resources nécessaires et les objectifs stratégiques à atteindre

Ressources consacrées au processus budgétaire

Identification des dérapages : surcroît de ressources consommés par rapport à l ’activité réalisée

Nature du contrôle budgétaire

+

Identification des décalages par rapport aux attentes stratégiques

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D. – la règle d’intégralité Dans un premier temps, la comparaison du réalisé au prévisionnel doit faire ressortir tous les écarts sans qu’il y ait de perte d’information. Le contrôle budgétaire doit normalement lister l’intégralité des écarts. Avec les moyens informatiques actuels, cela constitue plus une règle qu’une contrainte puisque le simple usage d’une feuille de calcul électronique permet d’éditer instantanément tous les écarts entre le réalisé et le prévu. La fonction de contrôle budgétaire commence réellement à un second niveau, quand il convient de déterminer les écarts susceptibles de faire l’objet d’une analyse approfondie. Le contrôleur budgétaire doit alors tout à la fois s’appuyer sur la comparaison mensuelle et sur la comparaison cumulée pour déterminer la pertinence (en valeur absolue et en valeur relative) des différents écarts constatés. Le travail de compréhension des écarts va ainsi s’attacher à déterminer : • s’il s’agit d’un écart ponctuel : par exemple, un garage appartenant à un réseau national présente un écart très important sur son budget mensuel de lubrifiant ; après enquête, il apparaît que ce garage a été victime d’un vol significatif de fûts d’huile moteur ; • ou s’il s’agit d’un écart récurrent, et dans ce cas il faut en comprendre l’évolution : un autre garage du même réseau présente un dépassement régulier des dépenses de personnel ; après enquête, il ressort que le gérant a recruté des employés à un niveau supérieur à celui habituellement pratiqué. Un écart n’est pas, par lui-même, synonyme de mauvaise gestion. Une consommation de ressources supérieure à ce qui avait été initialement envisagée peut résulter d’une action volontaire du dirigeant pour mieux s’adapter à son environnement. Dans le cas du garage sus cité, le recrutement d’employés plus expérimentés a ainsi permis d’améliorer le taux de satisfaction des clients du garage et de toucher une clientèle plus haut de gamme qui privilégie des services complets facturés plus chers.

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§ 5. – la mise en œuvre d’actions correctrices L’identification des écarts, sans analyse ultérieure, n’offre pas d’intérêt autre que la satisfaction intellectuelle. L’apport réel du contrôle budgétaire réside dans l’analyse de ces écarts et dans la communication qui en est faite aux intéressés et à la direction générale. En retour, la mise en évidence des écarts doit faciliter l’introduction d’actions correctrices, que ce soit pour tendre à réduire les écarts ou, au contraire, pour mieux appréhender l’évolution de l’environnement de l’Organisation.

A. – la communication et le suivi des écarts Une information n’a pas de valeur en soi ; elle n’a de valeur que par l’usage que l’on peut en faire et par sa communication éventuelle à ceux qui sont susceptibles d’en tirer profit. Le contrôleur budgétaire, dans son travail d’analyse et de compréhension des écarts, collecte des informations sur la marche de l’Organisation ; mais son travail ne consiste pas à modifier la direction de l’Organisation. La première utilisation de l’analyse des écarts est de communiquer ces informations à ceux qui en sont responsables. Très souvent, le responsable d’un service ou d’une activité est conscient des problèmes qu’il rencontre ; par contre, il a parfois plus de difficulté à évaluer l’impact de ces problèmes. Le contrôle budgétaire lui offre les outils lui permettant de mesurer de façon régulière l’avancement de son service et les éventuels décalages observés entre les prévisions et les réalisations. A ce titre, le contrôle budgétaire apparaît comme un service fourni aux responsables d’activité. Bien évidemment, la liste des destinataires de ces informations n’est pas neutre. Nous pouvons recenser quatre cas de figure principaux : • Seul le responsable de l’activité en est destinataire. Cette information vient alors renforcer son pouvoir sur le service qu’il dirige. Il s’agit d’un processus fréquent dans les Organisations très hiérarchisées où une partie du pouvoir de contrôle est accaparée par les échelons intermédiaires de la hiérarchie. La non-information des dirigeant provient soit d’un désintérêt de leur part, soit d’un détournement des procédures de contrôle.

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• Le responsable et les employés du service en sont conjointement destinataires. L’information apparaît alors centrée sur l’amélioration du fonctionnement du service et constitue un instrument puissant pour analyser les écarts observés et essayer de répondre aux dérives. Ce mode de diffusion de l’information permet de renforcer la cohésion des équipes en leur fournissant des instruments de travail qui leur sont propres et qu’ils sont seuls à connaître. • L’information est également transmise aux dirigeants, qu’il s’agisse des responsables hiérarchiques immédiatement supérieurs ou du comité de direction. L’information tend alors à favoriser un contrôle centralisé de la gestion des différents services et activités. Cette approche est assez fréquente et pertinente quand elle se conjugue avec une décentralisation de la prise de décision ; le contrôle budgétaire apparaît alors comme un instrument de contrôle a posteriori des décisions prises et il permet de conserver la cohérence de la stratégie globale. Si la prise de décision est ellemême centralisée, le contrôle budgétaire apparaît alors comme un instrument supplémentaire de contrôle bureaucratique où les employés ne disposent plus de marge de manœuvre et d’initiative. • L’information est aussi transmise aux services intéressés par le bon déroulement de l’activité étudiée. Ainsi, dans le cas d’une approche par les processus, il peut sembler nécessaire que les directeurs de processus soient destinataires d’une analyse budgétaire mensuelle de la situation des principaux centres d’activité qui contribuent à la réalisation de leur processus. Une dérive budgétaire d’un centre d’activité, qui résulte parfois du développement inattendu d’un processus ou au contraire de sa disparition, peut avoir des conséquences très fortes sur la pérennité ou la rentabilité des autres processus qui lui font appel. Il est difficile de préconiser, a priori, le mode de diffusion de l’information qui serait le meilleur. La première solution apparaît souvent peu pertinente mais, dans certains cas, elle peut s’avérer utile quand il est nécessaire de renforcer le pouvoir et l’autorité d’un responsable. Dans la deuxième solution, la transparence, si elle favorise une plus grande implication des employés a parfois pour effet colatéral d’accroître les conflits s’il existe des divergences sur la manière de remplir les objectifs qui ont été assignés. De surcroît, les employés peuvent ne pas se sentir engagés par les objectifs que le responsable a acceptés lors

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du processus d’élaboration des budgets. La troisième solution, qui implique l’information des dirigeants (avec ou sans l’information des employés du service), est la plus courante et, sans doute, la plus logique, car il apparaît normal que les dirigeants disposent d’une information sur le déroulement budgétaire de chacune des activités. La dernière solution s’impose quand la coordination de services transversaux apparaît indispensable au bon déroulement de la stratégie et à la marche globale de l’Organisation. Dans tous les cas, cette réflexion est inséparable de la réflexion sur la structure organisationnelle et le mode de prise de décision.

B. – la gestion opérationnelle des actions correctrices Disposer d’une information c’est bien, s’en servir c’est mieux. La communication des écarts budgétaires doit inciter chaque responsable à en étudier les conséquences possibles sur le service ou l’activité. Diverses solutions sont envisageables : • L’écart budgétaire résulte d’une dérive temporaire sur la consommation de certaines ressources et il est possible d’agir de façon limitée sur le niveau des ressources consommées. L’exemple en est le budget de transport et déplacement pour un service commercial. La solution la plus simple est la réduction des dépenses engagées. Certaines entreprises connaissant des fins de mois difficiles demandent ainsi à leurs cadres de privilégier les classes économiques lors des déplacements en train ou en avion, de réduire d’une étoile le niveau des hôtels fréquentés ou d’éviter les restaurants les plus huppés. • L’écart budgétaire traduit une dérive progressive des ressources réellement consommées par rapport aux prévisions initiales et il apparaît difficile d’y répondre par une logique de rationnement. Pour une entreprise pétrolière, les prévisions budgétaires sont habituellement effectuées pour les différents gisements exploités. Si la qualité d’un gisement décroît plus rapidement que prévu, les coûts de forage et d’exploitation deviendront plus importants pour aller rechercher le pétrole dans des poches plus lointaines ou pour effectuer le retraitement des volumes extraits qui comprendront une part plus importante de liquides non pétrolifères. L’entreprise ou le service considéré doit donc considérer d’autres solutions pour atteindre les objectifs budgétaires qui lui ont été fixés. Une solution pourra être d’accélérer le débit d’extraction du pétrole.

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• L’écart budgétaire résulte d’un facteur exogène lié à l’environnement. Par exemple, pour un transporteur routier, les variations des prix du pétrole sont sources d’écarts budgétaires parfois très significatifs. Dans la mesure où ces chocs ne sont pas permanents et où ils peuvent s’inverser rapidement, il est souvent préférable d’identifier les écarts correspondants dans une ligne budgétaire spécifique. Les groupes pétroliers, lors de l’analyse de leurs résultats, prennent toujours soin de préciser le résultat qui provient de l’exploitation de leurs installations, de leur marge de raffinage, etc., du résultat qui provient de la fluctuation des cours du pétrole et de son impact sur les stocks de pétrole, de produits en cours et de produits raffinés. Le responsable d’un service est perpétuellement confronté aux différentes dérives qui surviennent par rapport à une activité qui pourrait être conçue de façon purement mathématique sans prendre en compte les impacts potentiels de l’environnement ou tout simplement des individus. Le contrôle budgétaire peut être perçu comme un outil d’évaluation du coût passé de ces dérives et de modélisation du coût futur. Ainsi, une machine qui, en raison de son usure, commence à donner des signes de défaillance : surconsommation des lubrifiants et des fluides, pannes plus fréquentes, etc. ; quand faut-il la remplacer ? Le contrôle budgétaire peut permettre de modéliser les coûts associés à ce vieillissement de la machine par rapport aux ressources nécessaires pour assurer son remplacement.

C. – la prise en compte budgétaire des turbulences Le contrôle budgétaire met parfois en évidence des écarts qui ne pourront pas être comblés. Ces écarts ne s’expriment d’ailleurs pas nécessairement en termes de consommation de ressources. Il peut s’agir d’écarts par rapport aux prévisions de ventes ou d’activité. Faut-il effectuer une remise à jour des prévisions ? Qu’en est-il quand l’Organisation est confrontée à un choc exogène permanent qui rend les prévisions budgétaires caduques ? Dans de nombreuses entreprises, le processus budgétaire prévoit, pour un alignement de l’exercice budgétaire sur l’année civile, la réalisation des prévisions au cours des mois d’octobre ou novembre. Très souvent, une révision budgétaire est effectuée au bout de six mois vers les mois de mai ou de juin pour réajuster les prévisions et disposer d’une vision plus conforme du déroulement de l’année.

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Dans un environnement devenu de plus en plus turbulent, il apparaît parfois difficile de s’appuyer sur des prévisions budgétaires à un an. Il est alors tentant, soit de décrier le processus budgétaire, soit de le rendre inopérant en effectuant des révisions permanentes. Les entreprises ont essayé de répondre à ces questions en développant de nouvelles approches de contrôle de gestion et de nouveaux systèmes d’information pour suivre le déroulement de leur stratégie dans un univers instable.

chapitre 2

le reporting

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Le reporting est un outil en évolution très rapide. Si sa forme, la transmission d’informations considérées comme essentielles et pertinentes, évolue au gré des modes et des outils informatiques disponibles, sa fonction a connu des évolutions très significatives. Alors que le reporting constituait un outil essentiellement interne, rendre compte à son supérieur hiérarchique sous forme d’un tableau de bord des facteurs clés de son activité, les années récentes ont aboli, ou tout au moins atténué, la frontière entre les usages internes et externes. Le reporting est devenu un outil central pour rendre compte de ce que l’on fait, ou de ce que l’on a fait, non seulement en interne, mais également à l’attention des diverses parties prenantes de l’Organisation. Après le reporting financier, ou de façon concomitante, sont ainsi apparus le reporting sociétal et le reporting environnemental. Le reporting est devenu un outil au service des processus et des parties prenantes. A travers sa fonction de rendre compte, il contribue à intégrer les parties prenantes dans la gouvernance globale de l’Organisation. Le reporting a pour objet d’évaluer la performance par une connaissance fine de l’Organisation et de son activité. Il répond à deux besoins principaux. Le premier est de disposer d’une vision globale de l’Organisation. Ce besoin est particulièrement sensible quand l’Organisation revêt une forme éclatée, que ce soit pour des raisons géographiques (implantations dans des pays étrangers) ou juridiques (groupe constitué de sociétés distinctes ou collectivité publique intervenant dans de multiples associations ou syndicats). Aujourd’hui, l’activité des entreprises, dans leur production de biens et de services, est plus fluctuante qu’auparavant. L’internationalisation, la concurrence, la réduction du cycle de vie des produits, le poids croissant des marchés financiers, rendent le pilotage économique des entreprises plus complexe qu’auparavant. Les outils techniques d’information dont disposent les entreprises sont euxmêmes devenus plus complexes. Le reporting a donc pour vocation de donner aux dirigeants les moyens de mieux appréhender l’avenir, de mieux mesurer la performance qui en découle et de mieux maîtriser leur rentabilité future. Le système de reporting est alors l’ensemble des moyens qui permettent aux managers de mesurer la performance des unités dont ils ont la responsabilité. Ces informations peuvent émaner d’un employé, d’un service ou même de toute entité ayant des comptes à rendre à une entité supérieu-

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re. Un système de reporting a un double objectif : disposer d’informations sur les réalisations des entités dépendantes, et pouvoir agréger ces informations pour disposer d’une vision globale des réalisations de l’Organisation. Le second besoin est l’évaluation des responsables d’activités ou de processus. L’observation directe est souvent le meilleur moyen d’évaluer ses subordonnés. Néanmoins, cela pose différents problèmes. L’évaluation est perçue comme un processus discrétionnaire : elle dépend parfois davantage des sentiments ressentis à l’égard des subordonnés que de la réalité du travail effectué. De plus, dans les grandes Organisations, l’observation directe est parfois malaisée quand les liens hiérarchiques sont affectés par la distance (un responsable d’entité n’est pas nécessairement dans la même zone géographique que son supérieur hiérarchique) ou par le mode de contrôle (le responsable de l’entité peut rendre compte à un conseil qui ne se réunit qu’épisodiquement). Le reporting peut alors fournir les éléments susceptibles de permettre une évaluation moins subjective de la performance du responsable et de la pertinence des efforts qu’il a déployés. Mais le reporting peut aussi s’analyser à travers un prisme complémentaire lié aux frontières de l’Organisation. Le même terme de reporting s’applique ainsi aux informations transmises par un subordonné à son supérieur hiérarchique et aux informations transmises par l’Organisation à ses diverses parties prenantes. On parle ainsi dans le langage anglo-saxon de International Financial Reporting Standards (IFRS : avec la traduction française où le terme reporting est supprimé : normes comptables internationales) 1 ou même de reporting environnemental ou sociétal. Mais, alors que ces deux dimensions du reporting (au sens de rendre compte) ont pendant longtemps été juxtaposées, elles sont désormais imbriquées. Le reporting interne alimente le reporting externe et parfois les exigences de reporting externe vont structurer le reporting interne. De surcroît, si les informations communiquées par l’Organisation doivent nécessairement faire l’objet d’un contrôle hiérarchique, le flux des informations tend à devenir plus horizontal dans la mesure où il peut exister une proximité entre un service de l’Organisation et une partie prenante. La structuration hiérarchique est parfois dépassée par ces Normes comptables internationales et gouvernance des entreprises : le sens des normes IFRS, 2 e éd., EMS. 1

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relations entre l’Organisation et ses parties prenantes qui transitent directement par les activités ou les processus réalisés. En tant que système d’information, le reporting offrait l’avantage d’être totalement adaptable aux besoins de l’Organisation. Cette adaptation se reflétait dans le choix des indicateurs utilisés, mais aussi dans le mode de présentation, et dans le processus de sélection des destinataires de cette information. Cette situation est en train d’évoluer rapidement. Les exigences externes d’information et la nécessité de s’assurer que l’information communiquée à l’extérieur de l’Organisation est cohérente avec la stratégie de communication globale de l’Organisation, tendent à favoriser une standardisation et une normalisation de l’information transmise. Cette évolution est à l’œuvre depuis plusieurs années dans le domaine comptable et financier. Elle a été renforcée avec l’introduction des IFRS, mais elle touche également à des domaines considérés, jusqu’ici, comme plus qualitatifs tels que l’environnement ou la relation avec la société. De surcroît, l’information qualitative prenant désormais une importance croissante dans l’information des parties prenantes, il existe une attente sur la qualité et la comparabilité de cette information produite et transmise. Afin de répondre à ces attentes, des normes émergent progressivement et il est vraisemblable que les problématiques d’audit seront un jour amenés à intégrer ces exigences de certification de l’information produite.

section I la vision globale de l’Organisation Dans les petites Organisations, par exemple une PME ou une commune, le dirigeant dispose d’une information directe issue de son implication dans le fonctionnement quotidien. La formalisation du processus d’information n’est pas indispensable. En revanche, dès que l’Organisation croît, le dirigeant aura de plus en plus de difficulté à conserver la maîtrise totale des processus à l’œuvre. Il devra tout à la fois déléguer et conserver le contrôle de la globalité des processus. Pour ce faire, le reporting doit constituer : • Un outil de maîtrise de l’Organisation, pour s’assurer que les décisions stratégiques sont correctement appliquées et les actifs sauvegardés.

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• Un outil de connaissance de l’environnement. La distance que le dirigeant est amené à prendre vis-à-vis du fonctionnement quotidien entraîne fréquemment une perte de connaissance de l’évolution de l’environnement. Si ces deux aspects sont remplis, le reporting peut alors constituer un instrument irremplaçable d’information du dirigeant pour lui permettre de réagir rapidement aux principaux défis qui lui sont lancés.

§ 1. – la maîtrise de l’Organisation : outil de contrôle interne Comme le soulignait Ronald Coase en 1937 2, l’entreprise se distingue du marché par sa capacité à gérer certaines transactions de façon plus efficiente grâce à la coordination hiérarchique et aux procédures internes de prise de décision et de contrôle. Le reporting, en tant qu’outil d’information des dirigeants, constitue un élément essentiel de la performance des Organisations et de leur pérennité face aux processus d’allocation des ressources que constituent les marchés. Deux facteurs principaux doivent être assumés par le reporting pour renforcer le contrôle interne de l’Organisation. Le premier est de s’assurer que les décisions stratégiques sont appliquées. Le second est de veiller à la conservation des actifs.

A. – la direction Dans une optique de contrôle et d’évaluation de la performance, les organes d’administration et de direction de l’Organisation sont les premiers destinataires du reporting. Selon la taille et la structure de chaque Organisation, ces organes peuvent différer et le reporting doit donc s’y adapter. Ainsi, dans un groupe il existe une direction générale pour chaque société, mais la vision globale et synthétique est souvent réservée à la direction générale de la société mère. Pourtant, pour chaque établissement, les responsables locaux doivent disposer d’une information sur le fonctionnement de leur entité. Il peut s’agir des directeurs d’usines, des responsables d’entrepôts ou de bureaux commerciaux. Coase R.H. (1937), “The Nature of the Firm”, in The Nature of the Firm, Origins, Evolution, and Development, édité par Williamson O.E. et Winter S.G., 1991, Oxford University Press. 2

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De manière générale, nous entendons sous le terme de direction, la ou les personnes qui ont la responsabilité hiérarchique d’un service, d’une activité, d’un processus, ou d’une entité.

B. – l’application des décisions stratégiques Le dirigeant et son conseil d’administration définissent la stratégie de l’Organisation, c’est-à-dire non seulement les objectifs poursuivis mais également les ressources à mettre en œuvre ainsi que les différentes étapes intermédiaires à atteindre. Le risque principal de toute stratégie est qu’elle s’arrête aux portes du conseil d’administration et qu’elle ne soit jamais mise en œuvre. L’insistance des armées sur l’obéissance hiérarchique vient de la compréhension du rôle essentiel qu’a constitué la hiérarchie militaire pour transmettre et appliquer la stratégie du commandement général vers les unités de terrain. Si certaines actions sont relativement aisées à définir et à suivre, l’évolution de notre société et des modes de production tend à rendre ce suivi plus difficile. Les Organisations modernes font de plus en plus appel à l’initiative individuelle pour trouver les meilleures solutions à une situation donnée que les dirigeants ne connaissent pas nécessairement. Et pourtant, dans la réponse à telle ou telle situation rencontrée sur le terrain, les dirigeants attendent de l’employé, ou du responsable local, qu’il adopte la solution la plus pertinente et la plus cohérente avec la stratégie définie par la direction.

encadré 2.1. le système de reporting d’une entreprise de distribution de produits pétroliers. Une entreprise pétrolière de raffinage et de distribution a décidé d’orienter son réseau de stations services vers l’excellence. Après avoir examiné différentes stratégies, et constaté qu’en raison du poids des grandes surfaces et de leur stratégie de tarification (la distribution de carburants est considérée comme un produit d’appel) il n’était pas possible d’adopter une stratégie gagnante sur les prix les plus bas, le groupe a choisi de cibler les clients recherchant une qualité de service et d’accueil. L’enjeu, pour la direction du groupe, est de s’assurer que toutes les stations se positionnent de façon homo-

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gène, en cherchant à améliorer la qualité de service et en contribuant ainsi à construire l’image de la marque. Dans certaines régions, où historiquement les stations services des grandes surfaces sont peu présentes, les gérants des stations du groupe estiment inutiles certains aménagement coûteux qui leur font perdre des parts de marché face à la concurrence en les obligeant à afficher des prix supérieurs. Cela pose le problème de la cohérence de la stratégie au niveau du groupe. Le système de reporting, qui a été mis en place, collecte en début de semaine le prix affiché par chaque station service. Régulièrement, et au moins une fois par mois, des sous-traitants du groupe assurent de façon anonyme une évaluation de la qualité du service et de l’accueil de chacune des stations du groupe. Cette évaluation donne lieu à une notation qui figure dans l’état de reporting. Le reporting est ensuite diffusé à la direction générale mais aussi aux directions régionales pour les stations géographiques de leur ressort.

C. – la conservation et l’utilisation des actifs Pour assurer ses fonctions, toute Organisation doit disposer d’actifs. Une des fonctions essentielle de la direction générale est de s’assurer de la permanence des actifs mais aussi de la pertinence de leur usage. Le plus souvent, les actifs sont affectés à un service particulier et sont donc sous la responsabilité d’un employé déterminé. Dans ce cas, le contrôle de la conservation des actifs se fera essentiellement grâce au processus d’évaluation des employés, lequel processus prendra en compte les actifs attribués pour l’exercice de l’activité. Parfois, certains actifs ont des destinations multiples. Dans les entreprises de BTP ou dans les communes, l’usage de certains matériels est souvent difficile à suivre. Les biens existent mais ils sont utilisables par tout un chacun. Pour résoudre les problèmes et les risques de mauvaise utilisation, les entreprises de BTP ont fréquemment regroupé ces matériels dans des sociétés de matériel qui facturent ensuite aux différents chantiers l’usage qui en est fait. En l’absence de telles structures, et de systèmes de facturation interne, il peut être nécessaire de prévoir des procédures de reporting indiquant l’usage qui a été fait de tel ou tel bien sur telle période définie. Le rôle croissant joué par les actifs immatériels, dans la création de valeur des entreprises, pose de façon accrue le problème de contrôle et de

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conservation des actifs. Certaines sociétés n’ont pas su préserver la valeur et le potentiel de leur marque (Chevignon, marque phare auprès des jeunes il y a une quinzaine d’années a pratiquement disparu à la suite d’une politique de cession de licences tous azimuts qui a complètement dilué l’image de la marque auprès des consommateurs). En identifiant les conditions d’utilisation de ces actifs immatériels, et en suivant leur utilisation réelle, les procédures de reporting permettent de disposer à tout instant d’une évaluation de la valeur de ces actifs et, par conséquent, de prendre rapidement toute décision nécessaire pour leur sauvegarde ou leur développement.

§ 2. – la connaissance de l’environnement Dans les courses automobiles, il existe une différence essentielle entre la Formule 1 et les rallyes. Dans le premier cas, le conducteur est seul dans sa voiture et les informations qu’il surveille sont récurrentes. On peut estimer que l’environnement est relativement connu et assez bien appréhendé (ce qui n’exclut pas certaines surprises liées aux conditions climatiques). Dans le second cas, le conducteur est associé à un coéquipier qui a pour fonction essentielle de lui fournir les informations indispensables pour négocier au mieux les sinuosités de la route. L’environnement est fluctuant et il est nécessaire de s’y adapter en permanence pour rester performant. En matière d’Organisation, la même distinction reste vraie. Si l’environnement est relativement stable et prévisible, le système d’information pourra être aisé à construire et à alimenter. Par contre, si l’environnement fluctue très fortement, l’Organisation doit disposer d’un système d’information permettant aux dirigeants de réagir de façon rapide et pertinente. En France et en Europe, la chute brutale des commandes de véhicules au dernier trimestre 2008 a entraîné une diminution encore plus brutale des commandes de pièces détachées aux fournisseurs de 2nd ou de 3 e rang. Nombre d’entre eux n’ont vu leur salut que par l’intervention des pouvoirs publics (locaux et nationaux) et par le soutien global apporté à la filière automobile.

A. – le suivi et l’anticipation des évolutions environnementales Le reporting doit permettre de remonter l’information de ceux qui la détiennent vers ceux qui ont la capacité de l’utiliser et de l’exploiter.

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Dans une entreprise multinationale, ceux qui détiennent l’information sont les employés en contact avec les clients ou avec les fournisseurs. La connaissance du client permet d’identifier les variations de la demande avant que celles-ci ne se traduisent dans le chiffre d’affaires ou même dans le carnet de commande. Des commerciaux, qui observent une chute des appels d’offre, peuvent légitimement en conclure que le volume des commandes engrangées devrait baisser, ce qui à terme peut conduire à une diminution de la production. Il est bien évident que la réaction de l’entreprise sera d’autant meilleure que ses dirigeants auront eu le temps de s’adapter à ce nouvel environnement. La connaissance des fournisseurs permet souvent d’anticiper l’évolution de certains composants ou de certaines fournitures. Le développement des écrans plats répond ainsi à deux aspects complémentaires. Le premier est la demande des clients qui est elle-même freinée par le prix de commercialisation. Le second est la capacité technologique à produire ces écrans au moindre coût. La connaissance des progrès technologiques peut permettre à une société d’anticiper sur l’évolution à venir en occupant le marché dans l’attente des nouveaux produits. Le reporting doit comprendre des indicateurs susceptibles de faciliter cette remontée de l’information. Il est donc nécessaire d’avoir identifié au préalable les facteurs clés de succès liés à l’environnement.

B. – la veille technologique Les employés de l’Organisation connaissent les évolutions de leurs clients ou de leurs fournisseurs. Mais ils ne perçoivent pas nécessairement les évolutions liées à l’apparition d’acteurs nouveaux ou à la découverte de nouvelles technologies. Le risque est alors grand de conserver un système de reporting, constituant un mécanisme d’autosatisfaction, où l’entreprise apparaît comme la référence sur son marché, alors même que le marché est sur le point de disparaître au profit d’une nouvelle technologie.

encadré 2.2. la veille technologique, élément du reporting. Dans le domaine de la téléphonie portable, les demandes des consommateurs sont en partie suscitées par les possibilités technologiques. L’enjeu, pour les principaux fabricants, est de conserver

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ou d’accroître leurs parts de marché, alors que le produit lui-même connaît régulièrement des évolutions fortes dans sa conception (son design) mais aussi dans son usage. Le succès des tablettes popularisées par Apple a sérieusement écorné la domination que Nokia exerçait sur les téléphones portables. Les parts de marché des producteurs de produits électroniques grand public évoluent ainsi avec une rapidité parfois déconcertante pour des raisons qui mêlent la technologie à la mode.

La veille technologique, en permettant d’identifier non seulement les nouvelles technologies mais aussi les nouvelles tendances et, dans certains cas, les nouvelles modes, constitue un des facteurs clés de succès des entreprises. Le reporting doit prévoir la possibilité d’introduire une rupture dans l’information traditionnellement fournie, pour faire apparaître l’émergence de nouveaux besoins ou de nouvelles technologies. Il doit aussi permettre de traduire la veille technologique en termes économiques : construction et suivi de budget de recherche et développement, système d’allocation de ressources, …

§ 3. – la capacité à réagir stratégiquement Le reporting apporte aux dirigeants l’information, sur le fonctionnement de leur Organisation et sur l’évolution de leur environnement, dont ils ont besoin pour réagir et infléchir la marche de l’Organisation qu’ils dirigent. Pour que cette information soit utile, elle doit obéir à deux impératifs : être rapidement disponible et être pertinente.

A. – la rapidité d’information et de décision Les sociétés américaines sont accoutumées, depuis de nombreuses années, à publier leurs résultats chaque trimestre. Même s’il existe une polémique sur la focalisation excessive des dirigeants sur le court terme, cette obligation d’information trimestrielle pour les entreprises cotées sur le marché américain offre un stimulus à la production rapide d’information en interne.

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Si, en matière de produits alimentaires, l’évolution des besoins de consommation des particuliers est finalement assez lente, la demande de biens d’équipement ou de produits de luxe réagit de façon très forte à de petites variations de la conjoncture économique. Une petite contraction globale de la demande (de l’ordre de 1% ou 2%) peut conduire certains secteurs d’activité à des chutes de 50%. Dans le secteur de l’eau minérale, la consommation apparaît comme obéissant à des tendances de long terme. Pourtant, en 2002, deux des principaux producteurs mondiaux que sont Danone et Nestlé ont gelé leurs commandes de machines et de moules afférents à la production des bouteilles plastiques. Bien entendu, ces commandes ont repris, mais les fluctuations économiques apparaissent comme amplifiées au niveau des équipementiers. Le reporting est, à ce titre, un instrument essentiel d’information pour permettre aux dirigeants d’ajuster rapidement les capacités de production à la demande prévisible, et parfois aux signes avant-coureurs d’une demande désormais perçue comme imprévisible.

B. – la pertinence et la concision des informations La capacité de traitement des ordinateurs actuels est considérable. Les réseaux de communication se développent sans cesse et avec eux les possibilités d’information. Les dirigeants aujourd’hui ne souffrent pas tant d’une absence d’information que de l’exposition excessive à une information mal maîtrisée et finalement peu exploitable. L’enjeu du reporting consiste, en premier lieu, à définir les informations réellement pertinentes pour la prise de décision. Le problème de la collecte vient après. Dans les collectivités publiques, le problème de la maîtrise de l’information est récurrent. Au nom d’un soi-disant accès de tous à l’information, on produit un grand nombre d’états (pas nécessairement sous forme papier, parfois ils restent à l’état de fichiers) ou on communique des renseignements sur tout et n’importe quoi. Le reporting est un outil de tri de l’information. La question essentielle reste : quelle est l’information pertinente pour permettre aux dirigeants de prendre leurs décisions en connaissance de cause.

C. – l’information des collaborateurs Au sein d’un service, le reporting a pour objet de rendre compte du déroulement de l’activité ou des tâches qui y ont été effectuées. Si la

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coordination est assurée uniquement par voie hiérarchique et si les employés ne sont perçus que comme une capacité de travail, l’information des membres du service est de peu d’utilité. Par contre, si la direction de l’entreprise souhaite impliquer les employés dans leurs tâches pour les inciter à en améliorer le fonctionnement, il devient indispensable d’adapter le processus de reporting pour lui permettre de fournir aux membres du service un retour sur la manière dont s’est déroulée l’activité. Le reporting peut alors être utilisé comme outil d’information des employés sur le volume de l’activité qu’ils ont réalisé, le niveau de qualité obtenu, le respect des délais de fabrication ou de livraison.

section II l’évaluation des responsables Évaluer une personne implique nécessairement un jugement subjectif. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas s’appuyer sur différents indicateurs, mais cela rappelle que toute personne, par sa dimension humaine, est unique et que, par conséquent, toute évaluation intègre nécessairement un jeu complexe d’interactions entre l’évalué et l’évaluateur. En être conscient permet de placer le système de reporting à sa juste place : non pas le censeur absolu de la performance réalisée, mais l’outil d’information permettant d’apprécier la performance obtenue et ses conditions d’obtention. Les destinataires du reporting sont multiples, mais tous ne sont pas destinataires de la même information. La direction est normalement amenée à disposer de toute l’information qu’elle peut estimer souhaitable sur les activités qu’elle a sous son contrôle. Les collègues et les employés d’un service peuvent être amenés à connaître les principaux éléments mesurant l’efficacité de leur service dans l’accomplissement de ses tâches. Les assemblées d’actionnaires ou d’élus peuvent théoriquement demander communication de toutes les informations qu’ils estiment utiles mais, en réalité, ils demeurent largement dépendants du choix, par la direction générale, des informations transmises.

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§ 1. – le contrôle hiérarchique L’incitation à la performance est la principale justification des procédures d’évaluation des employés. Dans l’absolu, évaluer un individu n’a pas d’intérêt ou alors il s’agit d’une démarche idéologique et totalitaire. Par contre, il peut être pertinent de mesurer les efforts déployés par un employé ou de s’interroger sur son adaptation au poste occupé, pour essayer d’améliorer les résultats obtenus et ainsi contribuer au développement de l’Organisation et à l’accomplissement des objectifs organisationnels. Le reporting est ainsi amené à se prononcer sur trois éléments : le premier est la compétence, le second est le niveau des efforts fournis et le troisième est la capacité à remplir des fonctions plus importantes.

A. – la mesure de la compétence et des efforts fournis Le plus souvent, l’évaluation de la compétence d’un employé relève du jugement personnel de son supérieur hiérarchique direct. Dans les Organisations les plus importantes, il est parfois nécessaire de mettre en place un système d’évaluation des compétences. Ce système offre deux avantages : • Il permet d’introduire des mesures « objectives » dans une évaluation autrement fortement marquée par le jugement subjectif. • Il permet à l’Organisation de disposer d’une évaluation homogène de l’ensemble des ressources humaines qu’elle englobe. En cas de variations assez fortes de l’environnement, cette connaissance des compétences est un atout indispensable pour favoriser le redéploiement des ressources humaines des activités où elles apparaissent en surnombre vers celles où elles apparaissent comme nécessaires. Le système de reporting n’est pas, par lui-même, un système de gestion des ressources humaines. Mais, en déterminant des indicateurs, en les suivant et en les mesurant par rapport à des normes préétablies ou par rapport à des objectifs, le reporting permet de disposer d’une évaluation de la capacité des employés à atteindre et à respecter les objectifs qui leur sont assignés. La compétence d’un individu n’est pas nécessairement synonyme d’efficacité pour l’Organisation. Certains individus très compétents peuvent réserver leurs efforts à d’autres activités ou ils peuvent, au contraire, déployer des efforts considérables pour contrecarrer la stratégie de leur Organisation.

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En mesurant conjointement l’évolution de l’environnement et l’évolution de la performance du responsable concerné, le reporting permet de disposer d’une mesure relative de la performance. En 2001 et 2002, les dirigeants d’Alcatel et de France Telecom ont pu apparaître comme peu performants si l’on ne retient comme seul indicateur que le cours de bourse. De la même manière, en 2008 ou 2009, ce sont les dirigeants de BNP Paribas, de la Société Générale, de PSA ou de Renault qui ont pu apparaître comme peu visionnaires. Par contre, si l’on introduit d’autres facteurs, tels que l’évolution des concurrents ou du marché, le jugement apparaît beaucoup plus contrasté.

B. – l’enjeu de la promotion Comment évaluer la capacité d’un employé à assumer des fonctions plus importantes ? Il est bien connu que la promotion systématique des plus méritants peut conduire à un système où chacun atteint à terme son niveau d’incompétence : « dans une hiérarchie, un employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence » (Principe de Peter3). Autrement dit, la promotion vient récompenser des efforts et des compétences passés, mais elle ne garantit pas l’adaptabilité du responsable à son nouveau poste. Un système de reporting, qui ne fait que mesurer la performance des individus, aura tendance à focaliser l’attention sur les performances passées au détriment de l’aptitude à assumer des fonctions plus étendues. Il convient donc d’être très vigilant dans l’usage du système de reporting. Une solution consiste à introduire des critères plus variés et susceptibles de refléter non seulement la performance actuelle mais également les potentialités.

C. – les deux principes de justice et de rétribution Utiliser un système d’information pour évaluer les responsables d’activités est tout à la fois indispensable et, en même temps, très périlleux. C’est indispensable, car cela évite de réduire les systèmes d’évaluation à une simple attirance personnelle. C’est très périlleux car il convient alors de tenir compte des deux principes de justice et de rétribution. Selon les principes implicites de justice, une évaluation ne sera perçue positivement que si la personne évaluée ne se sent pas discriminée par rapport aux autres. Autrement dit, le reporting doit fournir une grille Peter L.J., Hull, Morrow W. (1969), Peter principle: why things always go wrong, traduction française, Le livre de poche, 1973. 3

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d’évaluation de la performance et de l’environnement qui soit homogène d’un service à l’autre. Il n’est pas envisageable qu’on puisse reprocher à quelqu’un de ne pas avoir atteint ses objectifs alors que, dans le même temps, on ne tiendra compte que de l’évolution de l’environnement pour évaluer un autre responsable. Dans la plupart des grands groupes internationaux, les systèmes de reporting sont standardisés, c’est-à-dire que chaque entité ou société du groupe doit remplir la même liasse d’informations (il ne s’agit plus aujourd’hui de documents papiers mais de fichiers à alimenter), et l’évaluation de la performance se fait dans un premier temps sur des bases similaires. Ces évaluations de performance fournissent la base d’un système d’incitation. Mais, inciter un employé à la performance suppose que tôt ou tard il y ait une forme de récompense. Cette rétribution peut être purement morale, c’est le sens d’un remerciement public pour une secrétaire qui a contribué de façon très efficace à l’organisation et au déroulement d’une manifestation; elle peut également être plus matérielle voire financière quand l’évaluation est associée à un système de bonus. Dans de nombreuses entreprises, l’évaluation conditionne le versement d’une prime de fin d’année. Dans ce cas, le reporting est associé à une rétribution financière pour l’employé. Cela présente de nombreux avantages mais également certains inconvénients. Les principaux avantages viennent de la cohérence entre les mesures utilisées pour s’assurer que la stratégie est bien mise en l’œuvre et que les efforts correspondants sont déployés, et les mesures de la performance des responsables du service ou de l’activité. Les principaux inconvénients viennent de cette même confusion entre des indicateurs destinés à avoir une vision globale de l’Organisation et ceux destinés à évaluer les responsables. Ces derniers peuvent avoir tendance à biaiser les informations transmises de façon à améliorer l’image qu’ils renvoient de leur propre performance. Si chaque responsable agit de la même manière, la situation globale risque d’apparaître meilleure qu’elle n’est et l’environnement plus sombre qu’en réalité. Il existe donc un risque d’avoir une vision incorrecte de l’Organisation, ce qui peut conduire les dirigeants à sur-réagir par rapport à l’évolution de leur environnement. Dans le cas extrême, les informations issues du reporting peuvent être tellement faussées que les dirigeants s’appuient alors sur des informations totalement déconnectées de la réalité de leur Organisation. La

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faillite d’Enron aux Etats-Unis, à la fin 2001, est sans doute due en partie à la défaillance du système interne de reporting que le directeur financier avait détourné de son objet.

§ 2. – le contrôle des dirigeants de l’Organisation par le conseil d’administration La performance d’une Organisation dépend de multiples facteurs. Parmi ceux-ci nous pouvons distinguer ceux relevant de l’environnement de l’Organisation (c’est-à-dire ceux sur lesquels les dirigeants n’ont quasiment aucune prise : par exemple la législation sur les 35 heures), et ceux dépendant du travail des dirigeants. L’efficacité du travail d’un dirigeant dépend elle-même de deux facteurs distincts et complémentaires. Le premier est la compétence (la qualité du travail assuré), et le second, la motivation (l’orientation et le niveau du travail effectué). Pour répondre à cette fonction complexe de contrôle des dirigeants, le système d’information du conseil d’administration doit évoluer d’un système de reporting principalement financier vers un système intégrant l’analyse des principaux processus et activités de l’entreprise. Historiquement, l’information des administrateurs s’est faite principalement à l’aide de données financières rapprochées ou issues d’un système de contrôle budgétaire, lequel était lui-même calqué sur l’organisation hiérarchique de l’entreprise.

A. – l’approche pyramidale des Organisations Le système d’information des administrateurs repose le plus souvent sur une approche pyramidale des Organisations, où chaque niveau hiérarchique, selon les règles édictées par Fayol (1916)4, rend compte à un seul responsable de l’ensemble des activités auxquelles il a participé (Schéma 2.1). Les administrateurs auront ainsi connaissance des résultats de chacune des divisions du groupe, ils seront également informés du résultat d’ensemble du groupe, mais ils n’auront aucune information sur les processus à l’origine de ces résultats. De surcroît, ils ne pourront pas porter de jugement sur la pertinence des activités support qui ont été développées par le PDG puisque, le plus souvent, ils ne disposeront d’aucun élément d’information (sur le schéma 2.1, l’information des administrateurs se limite aux traits pleins et ne s’étend pas aux traits en pointillés). 4

Fayol H. (1916), Administration industrielle et générale, Dunod, 1979.

LE REPORTING ■ 119

schéma 2.1. l’information des administrateurs à travers l’approche pyramidale Pdg Services administratifs

Division A

Recherche et développement

Division B

Division C

Direction administrative

Direction administrative

Direction de production

Direction de production

Direction commerciale

Direction commerciale

Le poids grandissant des activités support 5 a rendu cette approche peu adaptée à la résolution des problèmes stratégiques posés par un environnement de plus en plus mouvant. L’Organisation tend ainsi à adopter, de plus en plus, une structure matricielle ou, en tout cas, une structure plus adaptative où les projets priment sur les approches hiérarchiques. Il semble donc nécessaire que l’information du conseil d’administration évolue progressivement vers une meilleure appréhension des activités et des processus, sources de création de richesse pour l’entreprise et pour ses acteurs.

B. – le choix des indicateurs de performance Quels que soient les indicateurs de performance retenus, le conseil d’administration ne doit pas confondre la performance de l’entreprise avec celle du dirigeant. La performance de l’entreprise dépend des efforts déployés par le dirigeant, de la pertinence de la stratégie adoptée et de sa mise en place, mais elle dépend aussi et surtout de l’évolution de l’environnement de l’entreprise. Le conseil d’administration, dans sa fonction de contrôle des dirigeants, doit apprécier le travail effectué par le dirigeant et il doit donc pouvoir isoler les facteurs dépendants de ce dernier des facteurs exogènes qui lui sont imposés par le marché, par l’évolution macro-économique et par l’ensemble des facteurs liés à la société dans laquelle l’entreprise évolue. 5

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

120 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

C’est ainsi qu’il semble souhaitable que les indicateurs de performance retenus soient tout à la fois variés et relatifs : • qu’ils soient variés, car la pluralité des points de vue donne souvent une meilleure appréciation de la réalité d’une situation, d’un travail ou d’une performance que la réduction à un seul étalon de mesure ; • qu’ils soient relatifs, car, en raison de l’impact environnemental, il est difficile de définir ex-nihilo des objectifs de performance absolus. Ainsi, les objectifs de croissance du chiffre d’affaires dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication peuvent difficilement être comparables pour les années 2001 et 2002 par rapport aux années 1999 et 2000. Le PDG d’une société de services informatiques (groupe Steria coté en Bourse) déclarait ainsi, devant des analystes financiers, que son objectif pour les trois années à venir était de réaliser une croissance interne du chiffre d’affaires supérieure de deux points à celle du marché. Compte tenu de la contraction du marché observée en 2001, cet objectif s’est révélé plus réaliste et plus réalisable que celui d’une autre SSI qui avait quantifié en termes absolus la progression attendue de son activité. En sens inverse, certaines crises modifient considérablement la structure du marché et modifient la perception des zones de croissance. En 2011, la croissance des marchés automobiles apparaît davantage tirée par les marchés émergents que par les marchés européens ou américains. Le reporting à destination des administrateurs est souvent une remontée des informations comptables. A ce titre, il repose sur deux caractéristiques essentielles : • Les indicateurs sont monétaires, c’est-à-dire que le langage de communication et d’information privilégié est celui de la finance. • Les indicateurs correspondent à des données agrégées sur la base d’une forme de consolidation des informations. Dans la pratique, l’information à destination des administrateurs est basée sur le reporting budgétaire. Elle obéit ainsi aux règles traditionnelles des systèmes budgétaires qui sont notamment le respect de l’approche organisationnelle hiérarchique. Autrement dit, les budgets font l’objet de regroupements à chaque niveau de responsabilité hiérarchique et sont davantage dépendants d’une approche fonctionnelle ou juridique des Organisations que d’une approche en termes de processus ou d’activités.

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De surcroît, pour être aisément cumulable, cette information budgétaire est le plus souvent calquée sur les indicateurs comptables, tels que les soldes intermédiaires de gestion ou tout autre solde comptable préalablement défini.

C. – l’évaluation de la compétence et de la motivation du dirigeant Dans une optique financière classique, la compétence du dirigeant peut s’évaluer sur sa capacité à générer des projets d’investissement ayant une valeur actuelle élevée. Si, par contre, nous élargissons la notion de performance en intégrant les attentes de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, la compétence du dirigeant ne peut plus s’appréhender sur un axe unique mais elle doit recouvrir un grand nombre de dimensions : • La capacité à fédérer des acteurs différents et poursuivant des buts distincts et parfois conflictuels. • La capacité d’appréhension de réalités complexes et la capacité à formaliser une vision synthétique d’un ensemble de facteurs. • La connaissance de l’entreprise et de son milieu d’activité : il est souvent reproché aux dirigeants de formation plutôt financière, de privilégier le management par les chiffres au détriment du management par les hommes, et d’avoir une méconnaissance des aspects techniques du secteur d’activité de l’entreprise. • La capacité à tenir ses engagements, afin notamment de garantir aux différents acteurs participant à la coalition de l’entreprise que les rétributions attachées aux objectifs identifiés seront bien accordées. Indépendamment de sa compétence, le dirigeant peut moduler le niveau des efforts qu’il consent dans son travail et il peut également orienter ses efforts dans un sens qui soit plus favorable à ses propres intérêts qu’à ceux des autres acteurs de l’entreprise. L’évaluation de la performance du dirigeant devra donc permettre d’identifier ces deux composantes de la motivation. Dans une optique financière classique, il est souvent supposé qu’un dirigeant disposera de la motivation adéquate grâce à la distribution massive de plans d’options sur actions. Dans l’optique d’une performance à destination de multiples acteurs, le système d’incitation du dirigeant ne pourra pas, et ne devra pas, être aligné sur une seule variable. Peu après le changement de dirigeant à la tête du groupe anglais Marks & Spencer en 2000, il a été indiqué qu’un grand nombre de fer-

122 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

metures de magasins et de licenciements allaient être effectués pour rétablir l’équilibre financier du groupe, alors que, dans le même temps, le PDG percevait un bonus très important pour le récompenser des mesures déployées. Si, du point de vue des actionnaires, cette démarche est très cohérente, elle apparaît comme anachronique et choquante du point de vue des salariés à qui on explique ces mesures par les difficultés financières rencontrées. Un système incitatif, qui prendrait en compte tout à la fois les intérêts des actionnaires et ceux des salariés, aurait peut-être conduit le PDG à privilégier des mesures de restructuration moins douloureuses pour le personnel que la fermeture pure et simple des magasins. A la suite du tollé provoqué par cette décision, la direction du groupe a d’ailleurs arbitré entre les intérêts immédiats des actionnaires et ceux des salariés, en privilégiant la reprise des magasins par des groupes de distribution concurrents et donc en privilégiant l’emploi sur les plus values immobilières. En 2010, les banques ont renoué avec la distribution de bonus élevés à leurs principaux dirigeants et à leurs traders. A nouveau, la notion de performance est apparue comme fondamentalement différente selon la partie prenante qui l’appréhende : employés, dirigeants, actionnaires ou contribuables. De même, les objectifs budgétaires du groupe BP peuvent expliquer en partie la catastrophe du golfe du Mexique due à des négligences résultant d’une focalisation sur la réduction des coûts.

§ 3. – l’information sur la base des activités ou des processus L’analyse de l’entreprise par projet, par activité et par processus doit permettre d’évaluer le dirigeant sur ses choix stratégiques, en disposant d’une mesure de la pertinence de ses choix pour chacune des activités étudiées. Le conseil d’administration ou les principaux actionnaires pourront s’interroger sur la pertinence des activités réalisées par l’entreprise, sur leur performance et sur leurs perspectives de développement. On dispose ainsi d’un outil permettant de détailler et de mieux appréhender les compétences du dirigeant et les efforts fournis.

A. – la connaissance des processus, des activités et des projets La première condition relative à l’information des administrateurs est la description des systèmes de création de valeur de l’entreprise. Il est

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de la responsabilité des dirigeants de concevoir, de maintenir et de contrôler l’ensemble des activités et des processus qui permettent à l’entreprise de créer de la valeur en consommant un certain nombre de ressources. La responsabilité opérationnelle est donc clairement du côté des dirigeants. Par contre, les administrateurs ont pour mission de s’assurer que les dirigeants remplissent effectivement leur mission et, à ce titre, ils doivent avoir connaissance des principaux processus de création de valeur pour s’assurer que les ressources de l’entreprise ne sont pas engagées dans des projets à valeur nette négative. On retrouve ainsi la perspective développée à de nombreuses reprises par un universitaire américain Michael Jensen 6 (théorie du free cash-flow, 1986, défaillance des systèmes de contrôle interne, 1993) ; mais, alors que ce dernier mesurait la richesse créée par les entreprises uniquement à l’aune de la rentabilité des capitaux investis par les actionnaires, nous élargissons cette problématique à l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

B. – le suivi et l’évaluation des décisions stratégiques et opérationnelles Dans le système traditionnel d’information des administrateurs, ces derniers ne disposent que d’éléments globaux pour apprécier la performance des divisions (schéma 2.1). Dans un système d’information à base d’activités, la contribution de chaque division à la performance globale du groupe apparaît à travers les différents processus à l’œuvre (schéma 2.2). Pour chaque processus, les administrateurs disposent d’indicateurs d’activité pour mesurer le volume d’activité réalisé par la division dans le cadre du processus étudié, et d’indicateurs de performance pour mesurer les consommations de ressources à l’aune des richesses créées. Les administrateurs bénéficient d’un outil leur permettant d’évaluer la pertinence de la gestion stratégique du groupe et des divisions par les dirigeants.

Jensen M.C. (1986), “Agency Costs of Free Cash Flow, Corporate Finance, and Takeovers”, American Economic Review, Vol.76, N°2, mai, pp. 323-329. Jensen M.C. (1993), “The Modern Industrial Revolution, Exit, and the Failure of Internal Control Systems”, The Journal of Finance, Vol.48, N°3, juillet, pp. 831-880. 6

124 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

schéma 2.2. l’information des administrateurs sur la base des processus Conseil d’administration

Direction commerciale

Direction de production

* Indicateurs d’activité * Indicateurs de performance

Direction administrative

Division A

Process 1 Process 2 Process 3

De surcroît, certains processus font appel aux ressources de différentes divisions ou à l’expertise des ressources centrales du groupe (par exemple, si les activités de recherche et développement sont centralisées au niveau de la société mère). Il faut donc dépasser le cadre juridique de l’Organisation (son découpage en filiales), et adopter une démarche fondée sur les processus si l’on veut déterminer la pertinence des activités dans lesquelles l’entreprise est engagée, et évaluer les consommations de ressources par rapport aux richesses créées.

C. – le tableau de bord des administrateurs La construction d’un tableau de bord des dirigeants répond le plus souvent au désir de disposer d’éléments mesurables permettant d’évaluer, à intervalles réguliers, la pertinence de l’approche stratégique adoptée, les fluctuations constatées dans l’environnement, et la marche quotidienne de l’entreprise. Pour les administrateurs, le besoin d’information vise moins à anticiper qu’à disposer d’une information fiable sur la pertinence des choix passés. La fréquence du tableau de bord ne saurait donc être la même que pour les dirigeants. De plus, un certain nombre d’informations indispensables au pilotage quotidien de l’Organisation apparaissent comme dénuées d’intérêt dans une perspective davantage historique. Le

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tableau de bord des administrateurs doit donc faire l’objet d’une réflexion distincte privilégiant la pertinence des éléments d’information pour appréhender les processus de l’entreprise. On peut ainsi proposer un tableau de bord faisant apparaître pour chaque processus, la nature et le volume de l’activité, les différentes ressources consommées, la valeur créée et la répartition de cette valeur créée entre les acteurs de l’entreprise (schéma 2.3).

schéma 2.3. tableau de bord à destination des administrateurs : analyse d’un processus Intitulé du process Nature des ressources consommées : - achats de biens et services - main d’œuvre - capital

Nature de l’activité et de l’indicateur d’activité retenu Référence Période Période Période (Benchmark) 1 2 3

Volume d’activité Volume des ressources consommées - achats de biens et services - main-d’œuvre - capital Ratio de consommation (ressources consommées / activité) Valeur créée Répartition de la valeur créée : - actionnaires - employés - clients - fournisseurs - autres

Pour être pertinent, un système de reporting à destination des administrateurs doit pouvoir être réconcilié avec les données issues de la comptabilité générale. L’information des administrateurs doit ainsi comprendre un tableau de synthèse reprenant les principales caractéristiques de chaque processus et assurant le rapprochement avec les données comptables consolidées (schéma 2.4).

126 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

schéma 2.4. tableau de bord à destination des administrateurs : récapitulatif de l’ensemble des processus de l’entreprise Etat récapitulatif des process Cumul Groupe

Process X

Process Y

Process Z

Chiffre d’affaires Volume d’activité Coûts des ventes Ressources consommées Résultat d’exploitation Ratio de consommation Valeur créée Répartition de la valeur créée : - actionnaires - employés - clients - fournisseurs - autres

On pourra remarquer que ce système est déjà en vigueur dans un certain nombre d’entreprises, même si l’information ainsi élaborée est rarement mise à la disposition des administrateurs. Ainsi, dans les groupes de bâtiments et travaux publics (BTP), l’information comptable est rarement pertinente pour apprécier la performance des différents responsables opérationnels. En sus des données de la comptabilité générale, les dirigeants reçoivent des états leur indiquant, par chantier, le montant des ressources consommées, l’état d’avancement des travaux et un solde faisant ressortir la contribution du chantier à la performance globale du groupe. De surcroît, la plupart des informations qualitatives, ou quantitatives non monétaires, sont également recensées par chantier. Par exemple, en raison de l’importance des conditions climatiques, il est nécessaire d’effectuer un suivi des jours de gel, ou de conditions atmosphériques trop défavorables, durant lesquels les ouvriers n’ont pas pu avancer le chantier. Ces conditions déterminent les délais d’exécution du chantier et le paiement éventuel d’indemnités de retard.

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Si ce mode de présentation apparaît comme essentiel aux yeux des dirigeants de l’entreprise, on peut estimer qu’une information basée sur les mêmes principes mais contenant des indicateurs différents sera non seulement un avantage, mais surtout une nécessité, pour permettre aux administrateurs d’exercer leurs fonctions de contrôle en connaissance de cause.

section III les éléments du reporting Le reporting est un processus et non un état. Par conséquent, étudier le reporting consiste à étudier les mécanismes et les procédures permettant de fournir l’information demandée au niveau supérieur. Mais, pour communiquer cette information, le reporting s’appuie sur des états, qui peuvent revêtir des formes multiples, mais qui font tous référence à des indicateurs. Ces indicateurs peuvent être sous forme monétaire, ou exprimés en termes de volume ou, encore, correspondre à des facteurs qualitatifs.

§ 1. – les indicateurs de reporting Quand le reporting est couplé avec le contrôle budgétaire, les indicateurs monétaires sont souvent privilégiés. En effet, les informations « remontées » ont alors pour objet de donner une vision de l’Organisation dans son ensemble, sous forme de compte de résultat. Mais, à la différence des états financiers issus de la comptabilité générale, le reporting peut s’appuyer sur des états financiers recensant les transactions non plus par nature mais par fonction ou, mieux encore, par processus.

A. – les données comptables Dans un groupe international, le processus de reporting le plus simple (dans son principe, mais pas nécessairement dans son fonctionnement) est celui qui consiste à remplir mensuellement une liasse de

128 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

consolidation simplifiée. Les données comptables sont alors retraitées chaque mois pour disposer d’états financiers mensuels susceptibles de fournir à la direction du groupe une image théoriquement « fidèle » des transactions réalisées sur la période. Une liasse de consolidation se présente comme une balance générale avec comme principale différence que certains comptes font l’objet de regroupements, alors que d’autres sont au contraire éclatés (notamment pour permettre l’identification des opérations intra-groupe). Dans le cas d’un système budgétaire calqué sur la structure hiérarchique de l’Organisation, le reporting consiste le plus souvent à transmettre au niveau supérieur les données comptables réalisées correspondant aux différentes rubriques utilisées pour les prévisions budgétaires. De nombreux groupes demandent ainsi aux sociétés filiales de remplir une liasse qui a le double objectif de faciliter l’édition d’un compte de résultat consolidé trimestriel et de permettre un contrôle budgétaire mensuel. Tous les mois, les contrôleurs de gestion des sociétés du groupe doivent assurer ce reporting, avec une procédure plus lourde en fin de trimestre puisque certaines informations spécifiques à la consolidation sont alors demandées.

B. – les volumes et la productivité Dans une approche de l’Organisation par les processus, il apparaît essentiel de disposer d’indicateurs permettant de mesurer l’activité réellement réalisée et, par voie de conséquence, capables d’identifier l’évolution de la productivité des employés affectés aux différents services. La productivité d’un service informatique est quelque chose de très difficile à évaluer. La profonde crise qu’a traversé le secteur de la communication et du traitement de l’information en 2001 et 2002 a nettement mis en évidence le caractère discrétionnaire des dépenses de communication et d’informatisation. Il s’est bien souvent agi du premier poste sur lequel les entreprises ont réalisé des économies. La stratégie d’une entreprise ne peut cependant pas se réduire à sa capacité d’adaptation aux évolutions conjoncturelles. Il est donc nécessaire de disposer d’indicateurs permettant d’apprécier le volume et la pertinence de la demande adressée aux services informatiques, pour décider de l’opportunité d’accroître ou, au contraire, de réduire le volume des ressources consacrées à ce service.

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C. – la qualité du produit ou du service La qualité constitue une des caractéristiques essentielles des produits fabriqués ou des services rendus. L’image de marque d’une entreprise est dépendante de chacune des transactions réalisées sous son nom. De nombreuses affaires sont venues rappeler aux dirigeants de grands groupes combien le reporting mis en place doit leur permettre de détecter non seulement les dérives financières, mais également les dérives comportementales. Le groupe Total a ainsi été fortement affecté par deux catastrophes : le naufrage de l’Erika en 2000 et l’explosion de l’usine AZF en 2001. Dans les deux cas, on peut s’interroger sur l’efficience du système de reporting. Celui-ci comportait-il des indicateurs liés à la qualité des navires pétroliers affrétés ou au respect des règles de sécurité et de protection de l’environnement ? La même remarque est restée valable en 2010 avec la catastrophe de BP dans le golfe du Mexique. Dans le domaine des services, la disparition du réseau Arthur Andersen, qui fut pendant longtemps le premier réseau d’audit et qui était considéré comme le meilleur, souligne la faillite de procédures de reporting qui n’ont pas permis aux associés du réseau de se prononcer sur la sévérité des normes à appliquer aux cas d’entreprises recourant à la « comptabilité créative » (c’est-à-dire d’entreprises respectant la forme des règles de présentation comptable, mais détournant totalement l’esprit de ces mêmes règles ou recommandations). Une collectivité locale subventionnant une cantine scolaire peut attendre de cette dernière qu’elle respecte les règles d’hygiène et de qualité des aliments servis. Mais, quels sont les moyens qu’elle met en œuvre pour s’assurer du respect de ces règles ? Dans le domaine de l’eau potable, des analyses sont habituellement faites trimestriellement. Quelle est la diffusion des résultats de ces analyses ? Ces questions essentielles rentrent dans le cadre du reporting, dans la mesure où les dirigeants doivent prévoir des procédures permettant de remonter l’information au niveau des conseils de ces collectivités. Sans information pertinente, un conseil d’administration n’est que de pure forme.

D. – les autres indicateurs Le principal intérêt du processus de reporting réside rarement dans les données comptables. En effet, si elles sont indispensables, elles ne permettent pas pour autant de suivre de façon précise l’application de

130 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

la stratégie sur le terrain. Il est généralement nécessaire d’inclure dans le reporting la transmission d’informations issues des autres systèmes d’information de l’Organisation. Pour une collectivité locale, les procédures de reporting mises en œuvre peuvent concerner les associations bénéficiant de subventions publiques. Ainsi, un club de football peut non seulement transmettre des informations relatives à ses recettes et à ses dépenses ainsi qu’à sa trésorerie, mais il peut aussi rendre compte du nombre d’adhérents, du nombre de rencontres disputées chaque mois, du public moyen présent, voire même du nombre de victoires si les élus considèrent qu’il s’agit d’un élément clef de leur politique de soutien au développement du sport ou de l’image de marque de leur collectivité. Pour une association, le reporting peut prendre des formes encore plus variées. Une association d’aide à la scolarisation des enfants de pays du Tiers Monde peut ainsi demander à chacune de ses antennes (en général une par pays) un compte-rendu mensuel ou trimestriel de l’équilibre de ses comptes, du nombre d’enfants scolarisés, du nombre d’écoles soutenues, du pourcentage moyen de réussite à des examens, du taux d’abandon et d’arrêt de la scolarité, etc. Dans une entreprise, les données non comptables seront particulièrement utiles pour suivre l’activité d’un service. Par exemple, pour un atelier de production, le système de reporting peut permettre d’identifier le temps moyen de fabrication d’une pièce, le taux de rebut, les heures supplémentaires effectuées, etc. Dans une entreprise industrielle, les indicateurs pourront revêtir des aspects comptables, ou non-comptables, selon les responsables auxquels ils sont destinés et selon la nature des actions auxquels ils se réfèrent.

§ 2. – les processus de mise à jour Le reporting peut s’appuyer sur des états de toute nature. Il peut s’agir du compte-rendu manuscrit de l’activité d’un service ou d’une entité ou du calcul de la valeur des transactions réalisées et des ressources consommées. Néanmoins, la diffusion de l’informatique dans toutes les Organisations implique une réflexion sur l’utilisation des données informatisées à des fins de reporting. Il faut, en particulier, s’attacher à deux aspects principaux qui sont la sécurisation des données et la traçabilité des informations fournies.

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A. – l’utilisation des NTIC Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont des répercussions considérables sur les processus de reporting. En effet, le fonctionnement actuel des systèmes informatiques permet à toute personne de l’entreprise (sous réserve d’un certain nombre de droits) de pouvoir accéder à un nombre important de données stockées sur des bases informatiques partagées, tout en lui permettant de procéder sur son poste à des traitements personnels. C’est ce qu’on appelle l’architecture Client-Serveur, dans laquelle la répartition entre données et traitements permet d’offrir aux utilisateurs une autonomie de travail, tout en garantissant la sécurité des informations et la performance des traitements. Par ailleurs, l’ergonomie des postes de travail, par la mise en œuvre de logiciels d’exploitation de type Windows ou de progiciels de comptabilité modernes, a permis à l’utilisateur de s’affranchir de la tutelle des services informatiques pour tout ce qui est extraction et manipulation de bases de données informatiques.

encadré 2.3. mise en place d’un réseau informatique et connexion à distance au sein d’une coopérative forestière. Dans le cas d’une coopérative forestière implantée sur plusieurs sites géographiques, chaque site détient des informations cruciales sur le déroulement des chantiers, le volume, la nature et la qualité des bois exploités, le nombre de coupes restant à exploiter sur les prochains mois, etc. L’optique traditionnelle consistait, pour chaque technicien forestier, à fournir des états de suivi de chantier qui étaient collectés et synthétisés par chaque secrétaire responsable de site. La direction de la coopérative avait une vision globale du déroulement de l’activité grâce à la transmission de ces états de synthèse. Mais son information se limitait aux données transmises. Si le directeur souhaitait davantage d’information sur les chantiers en cours au sein d’un site déterminé, il devait se rendre sur place pour consulter les documents correspondants. La mise en place d’un réseau informatique (intranet) permet désormais de réaliser une saisie, sur chaque site, de chacun des chan-

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tiers en cours et d’alimenter en « temps réel » (en fait selon la disponibilité de chaque secrétaire si les techniciens ne saisissent pas euxmêmes les informations) la base de données des chantiers. Cette base de données est située sur le serveur qui se trouve au siège social de la coopérative. Chaque site peut avoir accès à ses chantiers, mais le directeur peut désormais consulter l’état de chacun des chantiers et effectuer toutes les extractions qu’il désire selon les critères de choix qu’il définira lui-même. Le reporting ne dépend plus de la saisie mensuelle de l’état de synthèse par chaque secrétaire de site. Il est désormais établi automatiquement chaque mois, en fonction des données figurant dans le système informatique à la date d’édition. Il est bien évident que si les chantiers ne sont pas saisis et ne sont pas mis à jour, l’existence d’une base de données centralisée est de peu d’utilité. De même, si les chantiers sont systématiquement enregistrés avec dix jours de retard, l’état des stocks de bois sera en permanence erroné. Par contre, si la saisie est effectuée régulièrement, l’édition des états du reporting en sera facilitée. L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication est en train de transformer les activités administratives comme l’ont été précédemment les activités de production. Alors que la production industrielle s’est progressivement convertie à la gestion en flux tendus (avec néanmoins la conservation de certains stocks de précaution), l’administration doit apprendre elle aussi à alimenter les systèmes informatiques en temps réel. Les procédures de reporting antérieures autorisaient la saisie ponctuelle d’informations, que ce soit tous les mois ou tous les trimestres ; les nouveaux modes de traitement de l’information imposent une saisie plus immédiate de l’information pour que chacun puisse l’exploiter. En la matière, ce sont les besoins les plus fréquents qui conditionnent la fréquence de saisie de l’information.

A. – la sécurisation des données L’informatisation facilite la transmission de l’information. Dans certains cas, loin d’être d’un atout, il peut s’agir d’un handicap quand cette information devient surabondante, et qu’elle ne permet plus à son destinataire d’identifier rapidement les informations essentielles. Les nouvelles possibilités de communication rendent également l’information accessible à tous et de façon très rapide. Il est donc essentiel de sécuriser les données de deux façons distinctes :

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• par rapport aux données elles-mêmes: les informations saisies et transmises sont-elles fiables ? • par rapport aux destinataires ou aux utilisateurs de ces données: les informations doivent-elles leur être accessibles ? Pour s’assurer que les données sont fiables, il faut disposer d’outils de contrôle à l’entrée des informations dans le système informatique et au cours du traitement de ces données7 . L’entrée des données peut résulter : • D’une saisie manuelle : une facture rentrée à l’aide d’un masque de saisie, c’est-à-dire d’un écran indiquant les différents champs à compléter. Dans ce cas, le risque principal d’erreur est assez élevé mais non systématique (sauf si l’employé dispose d’une formation inadaptée et ne sait pas remplir correctement les champs informatiques). Le programme informatique doit comporter des contrôles de cohérence, qui peuvent aller jusqu’à la saisie d’informations redondantes. Par exemple, le programme informatique demandera la saisie du montant hors taxe, la saisie du montant TTC et la saisie d’un code TVA correspondant au taux de TVA applicable; le programme effectuera alors un contrôle sur le montant de la TVA (différence entre le ttc et le hors taxe, et TVA théorique calculée en appliquant le taux de TVA sur le hors taxe). • D’une saisie informatisée : la lecture d’un code à barre qui déclenche l’enregistrement correspondant. Les informations complémentaires sont recherchées dans un fichier lié. Par exemple, pour le passage aux caisses enregistreuses d’un hypermarché, la lecture des codes à barre déclenche non seulement la facture mais également permet la mise à jour des stocks et le suivi des ventes. Le risque d’une erreur est normalement plus faible mais, en contrepartie, si celle-ci se produit elle est souvent systématique. L’exemple le plus fréquent est un prix mal renseigné. Quand un client passe à la caisse le prix affiché ne correspond pas au prix prévu ou au prix figurant sur les rayonnages. Le contrôle doit alors porter sur la saisie des informations auxquelles la lecture du code à barre fera référence. Autrement dit, plus la saisie informatisée est développée, et plus le contrôle de la saisie des informations de base en amont doit être renforcé.

7

Audit et contrôle interne, 3 e éd., EMS.

134 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

• De la transmission d’un fichier : l’externalisation de certaines fonctions administratives ou de production nécessite souvent l’intégration de données issues de systèmes informatiques tiers. C’est le cas quand une entreprise assure elle-même la saisie de ses factures, mais que la comptabilité générale est établie par un cabinet d’expertise comptable. Ce dernier rapatrie alors le fichier des factures saisies chez le client avant de procéder aux écritures d’inventaire. C’est également le cas quand une entreprise, ou un particulier, rapatrie le fichier des transactions bancaires. Pour ce type d’entrées de données, l’Organisation ne dispose pas d’éléments d’évaluation très adaptés, dans la mesure où elle ne maîtrise pas les conditions de la saisie de l’information chez le fournisseur de ces données informatisées. Les éléments de contrôle doivent alors, soit reposer sur une confrontation avec des informations issues des propres systèmes de l’Organisation, soit reposer sur un audit ou une certification des procédures à l’œuvre chez le fournisseur de données. Une fois entrées dans le système, les données utilisées par différents programmes entraînent parfois des mises à jour. Par exemple, l’établissement d’une demande d’achat peut générer un enregistrement informatique. A réception de la commande, le bon de commande est validé et copié sur le fichier des factures achat en attente de contrôle. Lors de la réception de la facture achat, le comptable contrôle à l’écran la facture initialement saisie, la valide ou la modifie et autorise la mise en paiement. Le risque principal est qu’un enregistrement informatique se perde (par exemple par la défaillance d’un programme informatique ou d’un composant qui entraîne l’effacement d’une partie des données stockées) ou qu’il soit modifié de façon erronée du fait de la défaillance d’un programme informatique ou d’une mauvaise saisie8 . Le contrôle et le suivi des enregistrements doivent normalement permettre l’identification des transactions manquantes. Il est donc nécessaire de disposer de compteurs permettant de s’assurer que toutes les transactions entrées se retrouvent bien en sorties ou en attente de sortie. Dans l’industrie pétrolière, le suivi des flux matières constitue un système remarquable de validation des données. En effet, un bureau d’inCes risques apparaissent cependant plus réduits qu’autrefois du fait de l’automatisation d’un certain nombre de procédures de contrôle au niveau de l’écriture des logiciels applicatifs. 8

LE REPORTING ■ 135

génieurs suit chaque mois le total des entrées, exprimées en volume, et le total des sorties. Compte tenu de différents coefficients techniques, de la nature du raffinage effectué, de la qualité du pétrole initial, des adjuvants utilisés, ce bureau est capable de calculer et de suivre, chaque mois, ce qui est appelé le bilan matière et qui retrace l’égalité en volume des entrées et des sorties. Les entrées peuvent être valorisées, ce qui permet de contrôler le montant des achats. Les sorties peuvent également être valorisées, ce qui permet de valider le montant des ventes. Dans un système de reporting, il est essentiel de disposer d’outils de contrôle permettant de garantir la réalité et l’exhaustivité des transactions réalisées. Mais la sécurisation des données porte aussi sur l’usage des informations, c’est-à-dire sur le choix des destinataires de l’information. Le processus de reporting doit clairement identifier les bénéficiaires de l’information et doit : • Garantir l’accès à cette information à ceux qui en sont destinataires. • Interdire l’accès à ceux qui ne sont pas destinataires. La principale méthode utilisée consiste à définir des droits d’accès. Selon les fonctions utilisées, ou le niveau hiérarchique, chaque employé se voit reconnaître un certain nombre de droits d’accès aux informations stockées par le système. Ces droits d’accès peuvent être limités à la lecture et à l’édition des données, ou ils peuvent être étendus à la modification de certaines informations. Il s’agit bien évidemment d’un enjeu essentiel pour le contrôle de l’Organisation. On peut d’ailleurs observer que s’il semble normal, et même souhaitable, que le dirigeant d’une Organisation ait accès à toutes les informations issues du système informatique et que, par conséquent, ses droits d’accès à la consultation de données soient illimités; en revanche, il est impératif que, pour toute Organisation d’une certaine taille, ses droits de modification des données ne soient pas exhaustifs. Autrement dit, pour la bonne marche d’une Organisation, il n’est pas souhaitable que ses dirigeants puissent intervenir directement sur les données des systèmes informatiques.

136 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

encadré 2.4. contrôle interne et affaire Enron Dans l’affaire Enron, il a été révélé que le directeur financier, qui était en même temps le directeur général d’entités avec lesquelles Enron contractait, usait de son influence sur ses subordonnés pour obtenir des conditions contractuelles favorables aux dites entités au détriment du groupe Enron. Les règles de contrôle interne, qui interdisaient son intervention dans des transactions où il avait un intérêt personnel, ont été complètement bafouées9.

C. – la surabondance d’information L’existence de systèmes comptables et financiers performants, reposant sur des technologies informatiques modernes, facilite la construction de systèmes comptables exhaustifs et très précis. Certains responsables comptables peuvent être tentés de construire des systèmes très complexes et, finalement, difficilement utilisables. En effet, ils disposent alors d’une masse importante d’informations économiques de base, mais qui nécessitent de longs et coûteux retraitements pour pouvoir être pleinement exploitées. Il s’ensuit des délais dans la production des comptes et la création des états de synthèse. En parallèle, les fonctions opérationnelles utilisatrices de ces informations ont la tentation de créer leur propre système de gestion pour produire leurs chiffres plus rapidement. De là, viennent les conflits entre les directions opérationnelles et la direction financière sur tel chiffre d’affaires par produit ou tel montant d’investissement. Créer un système de gestion simple, accessible, et à jour par rapport aux données opérationnelles, est un objectif majeur des Directions Financières aujourd’hui.

D. – la traçabilité et l’exhaustivité La traçabilité constitue le dernier élément clé d’un système de reporting. Ce principe implique qu’à partir des informations figurant dans les états finaux de reporting, on puisse remonter aux transactions ayant 9

Gouvernance, contrôle et audit des Organisations, Economica.

LE REPORTING ■ 137

donné naissance à ces données agrégées. Le principe de la traçabilité est celui de la décomposition sans perte d’information. Autrement dit, à partir d’une information synthétique figurant sur l’état de reporting du directeur général, il est possible de remonter aux différents états synthétiques qui ont permis le calcul de cette information (il peut s’agir par exemple des états de reporting de chaque société du groupe). A partir de chacun de ces états, il est possible d’éditer l’état de la totalité des transactions ayant donné lieu à cette situation agrégée et il est possible de rapprocher chaque transaction des éléments qui l’ont provoquée : la livraison d’un bien ou la prestation d’un service par exemple.

encadré 2.5. la recomposition des marges dans l’industrie pharmaceutique. Dans l’industrie pharmaceutique, la traçabilité des transactions permettant de calculer la valeur des stocks est rendue très complexe par le fonctionnement de ces entreprises en marge intégrée. Les stocks d’un même produit peuvent être valorisés différemment selon qu’ils appartiennent à telle ou telle des entités du groupe. En effet, la valorisation des produits stockés incorpore la marge réalisée lors des cessions de produit entre les entreprises du même groupe. On observe ainsi des différences de valorisation entre les produits stockés dans les sociétés de première fabrication, et ceux stockés dans les sociétés de transformation ou de commercialisation du produit. En résultat consolidé, le calcul de la marge finale est évidemment très complexe, et il en résulte des incertitudes sur la valeur des stocks eux-mêmes, qui incluent pour partie des marges non réalisées qu’il convient d’annuler. Les commissaires aux comptes sont souvent désarmés face à ce type de problème car, même s’ils se procurent l’ensemble des transactions de stocks, pour recalculer la valeur à terme des produits, les fichiers nécessaires représentent plusieurs dizaines de millions d’enregistrements. La traçabilité constitue la pierre angulaire d’un système de reporting, dans la mesure où c’est elle qui garantit que toutes les données figurant sur l’état de reporting ont bien une réalité concrète et ne font que trans-

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crire des transactions intervenues à un temps déterminé et avec des tiers identifiés. Par contre, la traçabilité ne garantit pas que toutes les transactions figurent bien sur l’état de reporting. Le principe d’exhaustivité est sans doute le plus difficile à identifier et à respecter, dans la mesure où il faut se situer au niveau des transactions réalisées pour s’assurer que chacune d’entre elle a bien été intégrée dans les états de reporting correspondants.

encadré 2.6. l’exhaustivité des transactions dans un camping municipal. Dans un camping municipal, un gérant enregistre régulièrement les entrées et les sorties à l’aide d’un carnet à souche. Chaque campeur se voit remettre un feuillet issu de ce carnet qui sert en même temps de facturier. Chaque mois, le gérant déclare ses recettes et en reverse le montant à l’association gérant le camping. Le responsable de l’association effectue des contrôles auprès des campeurs pour s’assurer que chacun d’entre eux a bien reçu un bon d’entrée servant de facture. L’examen des comptes de ce camping a cependant mis en évidence une différence entre le montant total des factures émises et le montant des recettes déclarées. Il apparaît alors évident que le système de reporting souffre d’une grave défaillance dans ses procédures de validation des données.

§ 3. – le mode de présentation Le mode de présentation du reporting offre l’avantage d’une très grande liberté. Il n’existe aucune réglementation imposant le recours à tel ou tel système de présentation. Très souvent, dans les petites Organisations, la présentation comptable tend à s’imposer, car ce sont fréquemment les services comptables qui fournissent l’information et qui la retraitent. Néanmoins, on observe également, dans des services moins marqués par une culture comptable (et notamment dans les grandes entreprises), le recours à des modes de présentation plus visuels, tels que les graphiques. Dans une forge, le directeur des ateliers avait ainsi pour habitude de présenter, pour chaque presse ou marteau-pilon,

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un graphique retraçant le niveau d’activité de la machine ainsi que son taux de panne. Il est évident que ce type d’information est plus aisé à appréhender sous forme graphique (on peut directement évaluer le sens et l’amplitude du changement sur une base historique puisque les réalisations antérieures sont représentées sur le même graphique) que sous une forme chiffrée. Certaines informations peuvent n’apparaître qu’en cas de dépassement d’une norme préalablement définie.

A. – les graphiques Les graphiques sont un outil de communication de l’information. Ils ne remplacent pas les procédures de collecte et de calcul des données, mais ils permettent d’en faciliter la compréhension par toutes les personnes concernées. Le principal risque des graphiques est que, dans certains cas, ils peuvent fausser le jugement que l’on porte sur les réalisations. Le meilleur exemple provient de la lecture des rapports annuels des grandes sociétés cotées, ou même tout simplement de la lecture des journaux économiques. Une augmentation du chiffre d’affaires de 5% et une augmentation du résultat de 3% peuvent apparaître comme minimes si l’axe des abscisses coupe l’axe des ordonnées en 0 ou, au contraire, comme très significatives si l’axe des abscisses coupe l’axe des ordonnées à une valeur proche du chiffre d’affaires ou du résultat (schéma 2.5).

schéma 2.5. la représentation graphique des chiffres Chiffre d’affaires

Chiffre d’affaires

106

120

105

100

104 103 102

80 60

101 100 99 98

40 20

97

0

Année N-1

Année N

Année N-1

Année N

Pour une présentation de marges entre différentes entités comparables entre elles, le recours à des histogrammes facilite la comparaison

140 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

visuelle. Dans certains groupes automobiles, lors de l’assemblée générale des concessionnaires, le constructeur présente un schéma où les concessionnaires sont ordonnés selon leur performance sur différents critères. Les mieux notés reçoivent des félicitations et éventuellement des rétributions complémentaires, les plus mal notés sont désignés aux yeux de tous leurs confrères et sont menacés de déréférencement s’ils ne s’améliorent pas dans les deux ou trois années suivantes. Par la logique compétitive qu’il implique, ce système est censé inciter en permanence les concessionnaires à se dépasser. Bien évidemment, ce type de système offre également quelques effets pervers qui sont notamment : la focalisation sur les indicateurs de performance retenus par le groupe et la réduction de la coopération entre concessionnaires. Par contre, pour appréhender l’évolution des ventes de différents produits, le recours à des courbes est souvent plus parlant (schéma 2.6). Certains groupes fixent ainsi des objectifs de croissance fondés sur l’historique. Dans le cas d’un grand groupe de distribution, les magasins sont tenus de fixer un taux de croissance annuel positif et de l’atteindre, qu’il s’agisse du chiffre d’affaires ou de la marge. Ce système offre l’avantage de tenir implicitement compte des différences de potentiels selon les zones d’achalandage puisque la comparaison se fait pour chaque magasin avec ses réalisations antérieures, mais en revanche il prend moins bien en compte les phénomènes économiques externes (croissance économique, ouverture de magasins concurrents, etc.).

schéma 2.6. l’évolution du chiffre d’affaires cumulé des principaux produits 350 300 250 200 150 100 50 0 N-2 Produit A

N-1 Produit B

N Produit C

N+1 Produit D

LE REPORTING ■ 141

Pour apprécier la ventilation d’un budget global entre différentes fonctions ou entre différents marchés à un instant donné, la présentation sous forme de camembert est souvent utilisée (schéma 2.7). Cette forme est très visuelle mais elle est aussi très statique et se prête plus difficilement à des comparaisons historiques.

schéma 2.7. la répartition des budgets par fonction à l’intérieur du groupe Part des budgets par Fonction RH

Achats

9 12

Commercial

Marketing

12

40 62 R&D

Production

36 25

Moyens généraux

20 Informatique

L’usage des graphiques, s’il facilite une certaine compréhension, présente en retour des risques importants de manipulation. Il est donc nécessaire d’en être conscient. La formalisation des procédures de reporting, en offrant un cadre stable et récurrent, permet de limiter ces effets visuels.

B. – les clignotants Aujourd’hui, tous les grands progiciels de gestion comptable et financière comportent des fonctionnalités permettant de suivre, en temps réel, des indicateurs clés au moyen de clignotants. Certaines informations ne présentent pas, par elles-mêmes, d’intérêt tant qu’elles conservent des valeurs considérées comme habituelles. Par contre, il peut être important d’être informé en cas de dérapage. C’est

142 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

l’objet des clignotants qui sont des indicateurs n’apparaissant dans les états de reporting que si certaines valeurs sont franchies. Le suivi de la pollution obéit à ce principe. Tant que la pollution n’atteint pas un seuil critique, aucune mesure particulière n’est prise. Par contre, quand ce pic est atteint et dépassé, les préfets mettent en œuvre des mesures, telles que les restrictions de circulation ou les arrêts de fonctionnement pour des industries très polluantes. La complexité des systèmes tend à renforcer ce système de clignotants. Quand un processus est simple et aisément compréhensible, il est possible d’en suivre régulièrement toutes les étapes. Par contre, quand ce processus se complexifie, seuls des spécialistes deviennent capables d’intervenir, chacun sur une fraction limitée du processus. Il est alors indispensable de disposer d’outils permettant de signaler les différents dépassements intervenus ou intervenant. Il peut s’agir de chute de la productivité, ou de fort accroissement du volume de l’activité. Ainsi, en matière de stations d’épuration, un suivi indispensable est le volume traité par la station. En cas de fortes pluies, il est fréquent que ce volume augmente et que la station s’avère incapable de traiter correctement l’afflux soudain de liquides. Une partie d’entre eux est alors rejetée directement sans aucun traitement. Le tableau de reporting doit permettre de recenser le nombre de jours de dysfonctionnement ainsi que leurs conséquences. La gestion des stocks répond souvent à cette logique : les commandes d’approvisionnement sont déclenchées quand le niveau des stocks atteint un seuil limite. En sens inverse, les fabricants automobiles ou les fabricants d’ordinateurs sont confrontés au double dilemme de disposer de stocks pour répondre à la demande et de ne pas se retrouver avec des stocks de produits dépassés ou non adaptés à la demande du marché. En matière comptable, l’utilisation des clignotants peut être pertinente pour suivre la trésorerie ou les différentes composantes du besoin en fonds de roulement. Tant que la trésorerie évolue dans une fourchette estimée comme raisonnable, aucun indicateur de reporting n’apparaît. Par contre, si la trésorerie franchit à la baisse la fourchette, il devient nécessaire de prévoir des solutions de financement complémentaire. Inversement, si la trésorerie franchit la fourchette à la hausse, l’Organisation sait qu’elle dispose de liquidités inutilisées qui peuvent lui permettre d’assurer le remboursement de certains financements. Le suivi des stocks, des créances clients ou des dettes fournisseurs obéit au même principe.

LE REPORTING ■ 143

section IV le développement d’une approche stratégique et opérationnelle : le Balanced Scorecard. L’information de gestion n’a de sens que si elle a une utilité pour la prise de décision. Il apparaît ainsi nécessaire de disposer d’un système permettant d’assurer la cohésion entre les informations servant de support à la prise de décision et à l’action au sein de l’Organisation, notamment dans l’exécution des tâches quotidiennes, et les informations utilisées pour définir et orienter l’action stratégique de l’Organisation. C’est généralement l’objet des tableaux de bord de fournir cette cohésion. Néanmoins, très fréquemment, les tableaux de bord se limitent à la fonction de remontée de l’information. Or, pour que la cohésion des systèmes d’information soit assurée, il est nécessaire, non seulement d’assurer la remontée de l’information, mais également de s’assurer de la diffusion de l’information aux décideurs opérationnels (ceux qui assurent le fonctionnement quotidien de l’Organisation). La conception du système de Balanced Scorecard (selon l’appellation adoptée par ses concepteurs Kaplan et Norton 1996 et 2001 10) offre un canevas pour répondre aux besoins de cohérence des systèmes d’information stratégiques des entreprises (et des Organisations en générale). Trois éléments majeurs découlent de cette approche. Le premier est la réflexion sur les facteurs de performance qui conditionnent la réussite de l’Organisation et la réalisation des buts organisationnels. Le second est l’orientation selon quatre dimensions: financière, clientèle, potentialités internes, et apprentissage. Le troisième élément est la mise en place concrète.

Kaplan R.S. & Norton D.P. (1996), The Balanced Scorecard: Translating Strategy into Action, Harvard Business School Press. Kaplan R.S. & Norton D.P. (2001), The Strategy-Focused Organization, how Balanced Scorecard companies thrive in the new business environment, Harvard Business School Press. 10

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§ 1. – la diversité des mesures de performance La révolution industrielle a reposé sur la capacité des entreprises à gérer et à exploiter de la façon la plus efficace possible des actifs corporels. L’essor des grands groupes industriels au début du XX e siècle a été fondé sur la capacité à maîtriser des machines. Aujourd’hui, et bien que l’éclatement de la bulle boursière des nouvelles technologies de l’information et de la communication ait laissé des traces, l’enjeu entrepreneurial porte moins sur la maîtrise des actifs corporels que sur la capacité à maîtriser des actifs incorporels. Les conséquences de cette évolution majeure, mais qui se propage par vagues successives, sont multiples. La richesse d’une entreprise n’est plus nécessairement dans les actifs corporels qu’elle possède; les acquisitions réalisées au tournant des années 2000 ont, à juste titre, mis en évidence l’importance des « survaleurs » (ou « goodwill » en anglais) c’est-à-dire de la valeur d’une entreprise qui peut difficilement être affectée à un actif spécifique. La performance d’une entreprise n’est plus seulement le résultat d’une capacité à maîtriser de façon satisfaisante des flux et des processus de production, mais elle passe nécessairement par une meilleure appréhension de sa chaîne de création de valeur qui englobe non seulement les activités productives mais également toutes les activités support 11. L’enjeu du système d’information repose donc sur une triple approche : • Identifier les facteurs clés de succès. • Compléter les mesures financières par des mesures opérationnelles. • Avoir une vision globale de l’activité et unifier l’ensemble des mesures et de leurs relations dans un cadre unique.

A. – identifier les facteurs clés de succès De prime abord, l’identification des facteurs clés de succès d’une entreprise peut paraître triviale. Ainsi, si l’on s’intéresse à une boulangerie, on pourrait supposer que le seul critère consiste à produire un pain de qualité. En réalité, l’examen attentif révèle que les facteurs clés 11

La gestion stratégique des coûts, consommation de ressources et création de valeur.

LE REPORTING ■ 145

de succès de toute Organisation sont souvent beaucoup plus complexes et qu’ils doivent être ordonnés et hiérarchisés si l’on souhaite réellement définir une stratégie. Ainsi, dans le cas de notre boulangerie, nous pouvons recenser les facteurs suivants : • La qualité du produit : c’est le critère qui permet de différencier une boulangerie artisanale d’une grande surface. Cela repose donc sur la maîtrise du processus de fabrication. • La disponibilité du produit : une boulangerie qui, dès 10h du matin, est en rupture de pain, risque de perdre des clients mécontents de ne pas trouver le produit qu’ils recherchent. En sens inverse, une surproduction de pain pour faire face à toute demande pose le problème de l’écoulement d’un produit qui ne sera plus très frais et renvoie donc à l’enjeu de la qualité. • Le service : des employés aimables, qui rendent exactement la monnaie et qui ne génèrent pas des files d’attente interminables. Dans cet exemple, on s’aperçoit que des éléments immatériels non liés au processus de fabrication peuvent conditionner le choix d’une boulangerie par les consommateurs. La question essentielle est donc de savoir si le dirigeant dispose des éléments d’information lui permettant d’identifier et de suivre ces facteurs clés de succès. Le distributeur Carrefour s’est ainsi engagé, dans ses hypermarchés, à ouvrir une nouvelle caisse chaque fois que plus de deux chariots sont en attente du passage aux caisses. Il est bien évident que cette politique a un coût, puisqu’il faut en permanence disposer d’une ressource en personnel qui soit complémentaire, et qui permette de répondre à un afflux de fréquentation. En contrepartie, cette politique contribue à construire une image de qualité de l’enseigne pour des consommateurs qui ne sont pas disposés à passer un temps excessif dans les files d’attente.

B. – compléter les mesures financières par des mesures opérationnelles Dans les petites Organisations, le dirigeant identifie lui-même les facteurs clés de succès et il en assure le suivi par sa présence auprès des opérationnels. Dans les Organisations de taille plus significative, où la délégation de responsabilités est un impératif, il est nécessaire de disposer d’un système formalisé de transmission des décisions et de remontée des informations.

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Il est parfois apparu tentant de développer des systèmes d’information centrés exclusivement sur la performance financière. L’approche financière offre le gros avantage de transcrire toutes les informations sous un langage commun qui favorise le regroupement d’informations autrement très disparates. De surcroît, les modèles économiques de l’entreprise reposent souvent sur une vision où l’entreprise n’est qu’une fonction de production appartenant à des actionnaires et dont le but est de maximiser le profit. Dans une fonction de production simple, où le profit résulte de la combinaison optimale d’un ensemble de ressources pour réaliser un produit ou un service, l’approche financière peut parfois suffire aux besoins d’information des dirigeants. Par contre, quand l’efficience et la rentabilité d’une production dépendent de relations complexes avec des effets de long terme, il peut apparaître nécessaire d’adjoindre aux mesures financières des mesures plus opérationnelles qui permettront d’identifier en amont les évolutions susceptibles d’engendrer à terme des retombées financières significatives. Deux exemples sont particulièrement marquants à cet égard : • La satisfaction de la clientèle : celle-ci a le plus souvent un effet différé sur la rentabilité. La clientèle ayant une certaine inertie, il est possible, à court terme, d’accroître les profits en réduisant les services offerts aux consommateurs. Ceux-ci maintiendront leurs habitudes de consommation un certain temps avant de chercher à en changer. Durant ce laps de temps, les recettes seront maintenues alors que les ressources consommées auront été réduites. Cependant, le changement de mode de consommation entraînera à terme une baisse des recettes qui jouera alors négativement sur les profits. • Le développement de nouveaux produits : l’industrie pharmaceutique sait combien les résultats financiers d’une année sont fragiles, ils ne dépendent pas des médicaments en cours de développement mais des efforts de développement consentis dans les années précédentes. Il est donc relativement aisé de modifier le résultat de l’année en ralentissant ou en accélérant certaines recherches en cours.

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C. – avoir une vision globale de l’activité et unifier l’ensemble des mesures et de leurs relations dans un cadre unique L’introduction de mesures opérationnelles qui contribuent à une vision plus diversifiée de la performance, doit se faire en conservant la cohérence d’ensemble pour éviter que chaque mesure, prise isolément, n’apparaisse en contradiction avec le projet stratégique global de l’Organisation. Le système d’information de l’Organisation doit donc définir les relations unissant les différentes variables entre elles. Le risque est très souvent de privilégier une variable au détriment de toutes les autres et, au lieu d’une organisation équilibrée, on aperçoit alors une organisation bancale surdimensionnée dans certains domaines et gravement déficiente dans d’autres. Le Balanced Scorecard (ou « tableau de bord stratégique ») proposé par Kaplan et Norton12 offre l’avantage d’une démarche rationnelle et bien construite où les différents facteurs à intégrer sont reliés entre eux et orientés vers une vision globale de l’Organisation.

§ 2. – les quatre perspectives du modèle Un des apports essentiel du modèle est sa capacité à offrir un cadre structuré dans lequel intégrer toutes les dimensions de l’entreprise. Le cadre, formulé par les auteurs de l’approche (Kaplan et Norton), propose quatre dimensions : financière (celle sur laquelle la plupart des systèmes d’information de la direction générale sont actuellement centrés), clientèle (qui est habituellement appréhendée par la direction commerciale et transmise à la direction générale), potentialités internes de l’entreprise (cette dimension est rarement formalisée, elle est souvent implicite dans la prise de décision et elle n’apparaît que ponctuellement, par exemple lors de la réalisation des plans stratégiques), apprentissage et croissance (cette dimension correspond aux actions à mener pour accroître la qualité des ressources de l’entreprise).

Kaplan R.S. & Norton D.P. (1996), The Balanced Scorecard: Translating Strategy into Action, Harvard Business School Press. 12

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Ces quatre perspectives existent déjà dans les Organisations, mais elles ne sont pas nécessairement structurées et elles sont encore moins souvent coordonnées entre elles. L’originalité de l’approche du Balanced Scorecard est donc bien d’offrir ce cadre conceptuel dans lequel chaque Organisation peut s’insérer et définir les indicateurs qui lui sont propres en fonction de ses objectifs organisationnels et de sa stratégie.

A. – l’approche financière Chaque entreprise est amenée à définir explicitement les indicateurs sur lesquels elle souhaite mesurer sa contribution à l’accroissement de richesse des actionnaires. Du point de vue de la théorie financière, la richesse des actionnaires dépend de la valeur de marché de leur entreprise. Néanmoins, toutes les entreprises ne sont pas cotées et le cours de bourse n’est qu’un indicateur relatif puisque, pour mesurer la performance d’une entreprise, il faut tout à la fois évaluer le risque systématique de l’entreprise et tenir compte de l’évolution du marché boursier. Pour les Organisations non commerciales, l’approche financière peut intégrer de multiples aspects liés à des mesures alternatives de la performance : croissance des revenus, équilibre financier, autofinancement, etc. L’approche financière retenue dans le Balanced Scorecard consiste à définir des indicateurs qui ne soient pas directement liés aux marchés mais qui soient, au contraire, la résultante de la stratégie mise en place et développée par les dirigeants. Ainsi, on pourra retenir : • La rentabilité des capitaux investis : si l’entreprise estime que son coût moyen du capital est égal à 9 % en tenant compte du taux d’intérêt moyen de sa dette et de la rentabilité attendue par ses actionnaires, l’entreprise peut se fixer un objectif de 12 %. Ceci signifie alors que les actionnaires se verront offrir une rentabilité supérieure de 3 points à celle qu’ils pourraient légitimement attendre compte tenu du niveau de risque de leur investissement. • La croissance du chiffre d’affaires : l’entreprise ou l’Organisation peut se fixer comme objectif de croître plus rapidement que le marché, soit en développant sa part de marché soit en attaquant de nouveaux segments de marché. Dans le domaine des coopératives agricoles, les adhérents attendent de leur coopérative qu’elle développe de nouveaux débouchés pour leurs produits afin de garantir le maintien ou la progression des prix agricoles et des marges.

LE REPORTING ■ 149

• L’amélioration de la rentabilité: l’entreprise peut chercher à accroître sa rentabilité en réduisant ses coûts ou en maximisant l’utilisation de ses actifs. Pour une entreprise confrontée à un environnement difficile, il peut s’agir d’un objectif essentiel pour sa survie. Il s’agit aussi d’une dimension fondamentale pour assurer la pérennité de l’entreprise en concourant au financement des investissements. • La capacité à générer des flux de liquidité (ou « cash-flows ») : pour de nombreuses sociétés confrontées à un endettement significatif, la capacité à générer rapidement des flux de liquidité importants, afin de faire face aux intérêts de la dette et aux échéances à rembourser, est une condition de leur survie. Dans le courant de l’année 2002, des grandes entreprises cotées ont ainsi été fortement pénalisées en bourse par les analystes financiers qui ont mis en doute leur capacité à faire face à leur endettement. Ce fut le cas pour France Telecom notamment mais aussi pour Alcatel et Vivendi Universal. En 2008, la banque américaine Lehman Brothers a disparu en un WE en raison de son incapacité à trouver des financements à court terme. Ces approches ne sont pas nécessairement contradictoires entre elles. Bien au contraire, la combinaison d’un accroissement des ventes et d’une amélioration de la rentabilité, en faisant un meilleur usage des actifs existants, peut souvent contribuer à une augmentation du ratio de rentabilité des capitaux investis. De même, la capacité à générer des flux de liquidité est souvent liée à la capacité à évaluer les différentes activités du groupe pour identifier celles qui sont fortes consommatrices de capitaux tout en offrant une rentabilité assez faible. L’utilisation de plusieurs indicateurs permet de diversifier la vision de l’Organisation et de réduire les risques d’une vision biaisée.

B. – l’approche client Alors que, dans l’approche financière, il est souvent tentant de considérer les actionnaires comme fongibles derrière l’objectif unique d’accroissement de la valeur de l’entreprise13 , il est difficile d’adopter la Des courants de recherche actuels reviennent sur cette apparente unicité ou unanimité des actionnaires pour montrer qu’en fait il existe différents types d’actionnaires n’ayant pas nécessairement tous les mêmes attentes. Ce type d’approche permet notamment d’expliquer le développement des fonds éthiques. 13

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même démarche vis-à-vis des clients. Aussi, le premier travail consiste à effectuer une segmentation de la clientèle et à en dresser une typologie. En stratégie, la plupart des grands auteurs (et notamment Michael Porter 14) considèrent qu’il est difficile de gagner partout et qu’à vouloir satisfaire tout le monde on ne satisfait personne. L’Organisation doit donc définir le (ou les) segment (s) de clientèle qu’elle considère comme prioritaire. Pour une collectivité locale, la mise en place d’une typologie des administrés va la conduire à définir des axes d’action distincts selon le public auquel ils s’adressent. Ainsi, pour le Conseil général de la Côte d’Or, l’action est clairement identifiée selon les tranches d’âge des administrés. Pour les parents d’enfants en cours de scolarité, le conseil général souligne son action en faveur de la rénovation des collèges ou des équipements éducatifs (on pourra mesurer la pertinence de cette action en instituant un indicateur de la satisfaction des enseignants, des collégiens et des parents). Pour les personnes âgées, il souligne son implication dans le développement de l’allocation pour l’aide à domicile. Pour les jeunes, il met en avant le soutien aux activités sportives et culturelles. Pour une entreprise, l’enjeu est d’identifier la capacité à répondre aux attentes d’un segment de clientèle en disposant d’un avantage concurrentiel. Dans le domaine de la distribution de produits pétroliers, cette approche segmentée est très présente. Les grandes surfaces commerciales se sont appropriées le segment de clientèle attiré par les prix les plus faibles. Les grands pétroliers se sont très souvent rabattus sur une offre plus qualitative. Ceci passe par des stations services ayant une architecture agréable et identifiable, par des services complémentaires (tels que la vidange ou le changement de pneus) ou par la distribution de carburants intégrant différents additifs.

C. – l’approche potentialités internes Une fois définis les objectifs financiers et les perspectives liées aux clients, l’Organisation doit définir les facteurs internes qui contribuent au succès de sa stratégie. Dans le cas du groupe Total, la création d’un réseau de stations services haut de gamme implique le développement d’activités de services et la facturation de services annexes à la distri14

Porter M. (1985), Competitive Advantage, traduit chez Intereditions 1986.

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bution de carburants. L’accroissement de l’offre de produits dans les boutiques Total qui accompagne désormais toute station service Total doit conduire à un accroissement du montant moyen des facturations. L’offre de services, notamment administratifs, à travers la carte entreprise, doit fidéliser le client et ainsi augmenter la fréquence de ses passages. Le Balanced Scorecard permet de déterminer des indicateurs susceptibles d’assurer le suivi des facteurs internes de compétitivité qui doivent tout à la fois, favoriser la satisfaction des clients définis comme prioritaires, et répondre aux objectifs financiers. Dans le cas d’un conseil général, le suivi des potentialités internes va porter sur la capacité de l’administration à gérer les dossiers de demande d’aide pour le maintien à domicile. Par exemple, on pourra retenir comme indicateur le nombre de dossiers traités par semaine ou le temps moyen de traitement des dossiers. En matière d’aide à la scolarité, on pourra mesurer la diversité des parcours offerts, ou le taux d’équipement des collèges dans différents domaines (informatique, audiovisuel, accès à Internet).

D. – l’approche apprentissage et croissance La dernière approche est censée conditionner toutes les autres, puisqu’elle va définir les facteurs qui apparaissent comme essentiels pour développer les potentialités internes et répondre aux attentes des clients. Pour le groupe Total, l’orientation vers une image de qualité implique une formation des employés pour qu’ils soient à même de suivre administrativement différentes sources de facturation : ils doivent, d’une certaine manière, devenir des commerçants; et, en même temps, ils doivent détenir une formation technique sur les carburants qu’ils fournissent. Le facteur différenciant le plus fort est sans doute l’orientation du métier de pompiste vers celui de gérant d’une petite unité commerciale où les clients se servent eux-mêmes. A l’inverse des grandes surfaces, le contact entre l’automobiliste et le gérant de la station service reste présent à travers le paiement du carburant. Pour le conseil général, l’approche apprentissage se fera, pour les agents administratifs, par une formation aux nouvelles réglementations et par l’utilisation accrue des outils bureautiques afin d’accélérer le suivi et la mise en place des différentes actions.

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§ 3. – la mise en place opérationnelle La mise en place du Balanced Scorecard repose sur une démarche en trois étapes. La première consiste à traduire les objectifs sous forme d’actions à atteindre. La seconde définit les mesures susceptibles d’appréhender le degré d’obtention des objectifs fixés. La troisième doit permettre de tirer profit de la démarche mise en œuvre pour formaliser les connaissances acquises.

A. – la transcription des objectifs sous forme de mesures opérationnelles Le tableau de bord stratégique se différencie du tableau de bord financier par l’intégration de mesures plus variées et, en particulier, par la prise en compte de dimensions non financières. Cependant, au-delà de ce problème de présentation, l’objet central du tableau de bord stratégique est de disposer d’un système de mesure susceptible de favoriser la motivation et l’implication de tout le personnel dans l’application, la mise en place et le suivi de la stratégie de l’entreprise. L’idée centrale du Balanced Scorecard est qu’une entreprise réussira d’autant mieux à appliquer sa stratégie qu’elle disposera d’un système de mesure susceptible de communiquer aux employés les éléments de cette stratégie et d’en suivre les réalisations. Le rôle de communication du tableau de bord stratégique ne doit donc pas être sous-estimé. Il ne s’agit pas d’un instrument à destination unique des dirigeants mais d’un outil voué à faire partager des objectifs communs à l’ensemble des acteurs de l’entreprise. La mise en place de relations entre les objectifs stratégiques et les mesures opérationnelles s’appuie sur trois principes : • La définition de relations de causalité : le tableau de bord stratégique repose sur l’hypothèse qu’il existe des relations de causalité entre différentes actions stratégiques et qu’il est possible d’expliciter ces relations et d’en proposer des mesures. Par exemple, l’action de formation du personnel commercial doit permettre une élévation du niveau d’accueil de la clientèle qui, en retour, favorisera une élévation du chiffre d’affaires et, par voie de conséquence, une amélioration des résultats. La difficulté est de définir la relation entre l’effort de formation mis en œuvre et son impact sur l’accueil de la clientèle, ainsi que la relation entre un meilleur accueil et un accroissement du chiffre d’affaires.

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• La définition des indicateurs d’activité et des inducteurs de performance : afin de pouvoir définir les relations de causalité, il faut disposer d’instruments de mesure de l’activité attendue et de la qualité de cette activité. On retrouve ici une démarche similaire de celle mise en œuvre à travers la méthode ABC (Activity Based Costing) ou ABM (Activity Based Management). L’idée centrale est que l’Organisation peut s’appréhender comme un ensemble d’activités ou de fonctions, pour lesquelles il est possible de définir quelques indicateurs clés, et qui interagissent les unes avec les autres. Alors que, dans les méthodes traditionnelles, l’étude de ces interactions n’était pas en elle-même l’élément essentiel puisque l’on s’intéressait principalement au résultat ; dans ces nouvelles approches, les dirigeants sont incités à s’intéresser aux mécanismes d’interactions, puisque ce sont eux qui sont réellement constitutifs d’une création de valeur, et c’est à travers eux que se dessine et se met en place une véritable stratégie. • La mesure des impacts financiers. Le tableau de bord stratégique conserve une place essentielle aux objectifs de création de valeur pour les actionnaires. Par conséquent, il apparaît nécessaire de définir les conséquences financières des différentes mesures stratégiques. Cependant, au-delà d’une simple définition, c’est l’évaluation des impacts financiers des différentes mesures stratégiques qui s’avère déterminant puisque ces mesures serviront en quelque sorte de référence (de « benchmark ») pour évaluer la pertinence de la stratégie mise en œuvre.

B. – l’implication des employés Alors que la confidentialité est souvent considérée comme la pierre angulaire de la stratégie, l’approche du Balanced Scorecard repose, a contrario, sur un effort de communication et d’implication très important. Celui-ci va porter sur trois points majeurs : • La communication de la stratégie et la formation des employés à la compréhension des facteurs clés de succès de cette stratégie. Non seulement les employés doivent comprendre les raisons des actions qui leur sont demandées mais, d’une certaine manière, ils doivent se les appréhender pour les rendre plus efficaces. Pour être efficaces, les actions de communication doivent revêtir un caractère périodique et comporter tout à la fois une présentation des

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objectifs à atteindre et le point sur le déroulement des actions stratégiques en cours. De même, la formation doit revêtir un aspect régulier et récurrent. • La mise en place de programmes d’objectifs à atteindre. Pour pouvoir être exploitable, la stratégie doit se décliner en de multiples actions locales qui, menées simultanément, permettent d’atteindre les objectifs stratégiques de l’ensemble. Chaque unité, ou chaque centre d’activité, doit se voir proposer un nombre limité d’actions à mettre en œuvre. Ces différents plans d’action constituent également un outil précieux pour évaluer la qualité de la direction générale et sa capacité à s’impliquer dans le fonctionnement opérationnel. • La définition d’un système de rétribution. L’implication des employés dans la mise en place de la stratégie doit se traduire par un accroissement des rétributions, en fonction des résultats obtenus. Ces rétributions peuvent être sous forme monétaires, sous forme de promotions, ou sous forme d’avantages divers, tels que la participation à des séminaires de formation pour accéder à des fonctions plus élevées.

C. – le retour d’information et le processus d’apprentissage Le tableau de bord stratégique (et notamment le Balanced Scorecard) a non seulement pour objet de faciliter la définition et le suivi des actions stratégiques, mais il se donne aussi pour objet d’améliorer la démarche stratégique et opérationnelle de l’entreprise en introduisant un système d’apprentissage vertueux, où les défaillances relevées permettent d’aboutir à une meilleure compréhension des relations de causalité et, ainsi, avoir une vision plus conforme à la réalité des leviers sur lesquels agir, pour orienter l’Organisation vers la réalisation des objectifs stratégiques majeurs. Pour faciliter cet apprentissage, il est nécessaire de mettre en place des procédures de remontée de l’information, qui ne soient pas seulement des mesures en termes de résultats par rapport à des références pré-définies. Ainsi, si l’action de formation des commerciaux ne génère pas, in fine, un accroissement des ventes à court terme, l’échec de l’action stratégique peut néanmoins se révéler plus profitable que son succès. En effet, les commerciaux mieux formés peuvent inciter les clients à se reporter vers des matériels de qualité supérieure mais pré-

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sentant moins de défaillance et, par conséquent, des besoins de renouvellement plus faibles. A court terme, le rythme des ventes s’en trouve ralenti. Par contre, l’entreprise améliore son image de marque auprès de sa clientèle et peut ainsi développer de nouvelles lignes de produits, où son image de compétence lui offrira un avantage concurrentiel. Il est donc plus important d’analyser les causes d’un échec, c’est-à-dire d’une causalité ne fonctionnant pas comme prévu, que de réagir en sanctionnant l’absence de résultat par rapport à un modèle préétabli.

section V la démarche de construction d’un processus de reporting : le cas d’une entreprise de transport routier L’entreprise de transport routier TRANSRAPIDE comprend 400 salariés avec un parc de 430 véhicules (tracteurs ou porteurs). Cette société détient également diverses filiales lui permettant d’intervenir dans tous les pays européens. En plus de son activité de transport de marchandises, l’entreprise TRANSRAPIDE exerce également une activité de gestion de la logistique pour le compte de divers clients. Elle détient à ce titre divers entrepôts lui assurant une capacité de stockage de 60 000 m2 . Elle a parfois recours aux services d’autres transporteurs pour assurer la gestion de l’intégralité de la logistique de certains clients.

§ 1. – les objectifs de gestion de l’entreprise Le marché du transport routier évolue très rapidement. Par rapport aux autres modes de transport, ses atouts principaux sont la flexibilité et la gestion complète de la logistique du point d’enlèvement au point de livraison. Ceci explique la perte de part de marché du transport ferroviaire et la faiblesse persistante du transport par voie fluviale. Par contre, l’essor du transport routier international et l’intégration des pays de l’Est dans l’Union Européenne soulignent les problèmes actuels de compétitivité du secteur de transport routier en France.

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Le système de reporting de l’entreprise doit permettre de fournir rapidement des informations sur les deux domaines clés que sont : • La maîtrise des coûts : elle porte sur les coûts des matériels (les tracteurs et les remorques), les coûts d’exploitation (carburant, péage et entretien courant) et les coûts de personnel (rémunération des chauffeurs et suivi des temps de conduite). • La fiabilité des livraisons effectuées et la qualité du service rendu : elle comprend le respect des délais fixés, la fourniture de services complémentaires (par exemple, le stockage de certains produits), et le suivi de la gestion de la logistique pour compte de tiers (certains grands clients ont externalisé leur logistique auprès de l’entreprise de transport). La mise à jour du tableau de bord constitue donc un enjeu majeur pour permettre un réel suivi des différentes activités et, en particulier, de la gestion de la flotte de camions.

§ 2. – les étapes de la construction des tableaux de bord Trois étapes doivent être respectées pour définir les tableaux de bord qui serviront au reporting (schéma 4.11). La première étape consiste à définir les destinataires de ces tableaux de bord. L’optique du reporting est normalement de rendre compte au niveau hiérarchique supérieur des tâches ou des activités qui ont été réalisées. Néanmoins, la nécessaire implication des individus dans les fonctions qu’ils occupent implique qu’il y ait un retour d’information sur la performance de chacun. C’est pourquoi trois niveaux de destinataires ont été identifiés : • Les dirigeants : ils doivent disposer d’une vision synthétique des différentes activités réalisées. Dans le cas présent, ces activités peuvent être scindées entre transport international, transport national, transport local, et gestion de la logistique (qui correspond à des contrats récurrents de sous-traitance). Mais ils doivent également disposer d’indicateurs leur permettant de déceler suffisamment tôt les éventuels dérapages intervenant soit sur un matériel, soit sur les dépenses de carburant et de petites fournitures. • Les responsables de services : ils sont concernés par toutes les informations afférentes au fonctionnement de leur entité. A ce

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titre, ils reçoivent les informations sur les ressources générées et consommées par les employés sous leur responsabilité, et sur les matériels qui leur sont affectés. • Les employés : chaque employé dispose d’un retour (feed-back en anglais) sur les ressources spécifiques qu’il a générées ou qu’il a consommées au cours du mois. Il s’agit du nombre de kilomètres parcourus, des consommations de carburant effectuées, des dépenses d’entretien assurées sur les véhicules qu’il a utilisés, du nombre d’heures de travail effectuées, etc.

schéma 2.8. les étapes de la mise en place des tableaux de bord pour répondre à l’objectif de maîtrise des coûts Dirigeants Identification des destinataires

Identification des besoins

Responsables de services

Rentabilité de chaque activité

Employés

Identification des principales ressources consommées ou générées

Résultat mensuel de chaque activité

Définition des indicateurs

Chiffre d’affaires mensuel : - par employé - par camion - par km parcouru Cumul mensuel : - des kilomètres parcourus - du temps de travail des chauffeurs - du tonnage x kilomètre transporté Coût unitaire mensuel au km : - de la consommation de carburant - de la rémunération des chauffeurs - de l’usure et de l’entretien des camions

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Les indicateurs clés doivent couvrir la totalité des activités critiques de l’entreprise (pour simplifier la présentation, nous n’avons intégré que l’aspect lié à la maîtrise des coûts). C’est pourquoi, un certain nombre d’indicateurs ont été considérés comme prioritaires et comme devant absolument figurer dans le système de reporting, c’est-à-dire dans les tableaux de bord des dirigeants (schéma 2.8). Ces indicateurs peuvent être regroupés en trois catégories principales : • La mesure des ressources générées : il s’agit des indicateurs portant sur le chiffre d’affaires mensuel réalisé. Ce chiffre d’affaires est appréhendé par employé, par camion et par kilomètre. Ceci signifie qu’en plus d’un indicateur moyen, le dirigeant dispose, à travers les tableaux de détail du reporting, de la possibilité de contrôler, pour un camion donné ou pour un chauffeur déterminé, le chiffre d’affaires réalisé au cours de chacun des 12 derniers mois. • La mesure de l’activité réalisée : il s’agit des indicateurs portant sur d’autres mesures de l’activité que le chiffre d’affaires. Dans le cas du transport routier, ces indicateurs sont le nombre de kilomètres parcourus, le temps de travail des chauffeurs (la législation sociale impose en effet un contrôle très strict des temps de travail, notamment dans le cadre d’un contrôle annuel des heures de travail) et le tonnage transporté multiplié par le nombre de kilomètres parcourus. Là encore, la direction générale dispose de la possibilité de descendre au niveau de détail le plus fin pour connaître, pour un chauffeur (ou un camion) déterminé, les indicateurs mensuels du niveau d’activité. • La mesure des ressources consommées : il s’agit des indicateurs portant sur les principales ressources consommées par le transport routier. Ce sont : les consommations de carburant (et de fournitures, lubrifiants, etc.), les dépenses de personnel (le coût mensuel des chauffeurs), et les dépenses d’usure et de maintenance des camions. Ces ressources mensuelles figurent sous forme globale, mais elles sont également ramenées au kilomètre parcouru pour permettre une comparaison mensuelle indépendante des niveaux d’activités (tels qu’ils sont appréhendés par le kilométrage). Ces indicateurs sont disponibles, pour la direction générale, au niveau de détail le plus fin.

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§ 3. – la mise en place des procédures de collecte et de traitement de l’information Une fois définis les principaux indicateurs devant figurer dans le tableau de bord, il s’agit de s’assurer de l’existence des informations demandées ou, à défaut, de prévoir des mécanismes de collecte de l’information. La plupart des entreprises s’appuient désormais sur le développement de grosses bases de données à partir desquelles sont extraites chaque mois les informations figurant sur le tableau de bord (schéma 2.9). Cette procédure offre l’avantage de permettre de dissocier les temps de collecte des différents types d’information. Ainsi, dans le cas du transporteur routier, les états d’activité des chauffeurs sont établis et saisis chaque semaine. Il en est de même des états d’activité des mécaniciens du service maintenance. Par contre, les dépenses de consommation de carburant ou de péages autoroutiers ainsi que les dépenses de restauration et d’hébergement ne sont reçues qu’en début de mois suivant. Enfin, les données comptables sur le coût d’usure des camions sont généralement établies à l’année et ne sont révisées en cours d’année qu’en cas de circonstances particulières (cession ou acquisition de nouveaux tracteurs ou porteurs, réparations très importantes, etc.). Il en est de même pour le coût des inducteurs d’activité appliqués aux services généraux.

160 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

schéma 2.9. la collecte des informations destinées à alimenter les tableaux de bord mensuels

Chauffeurs

Fiches d’activité hebdomadaires remplies par les chauffeurs : - temps de travail quotidien (heures de route, heures de pause, temps de chargement et de déchargement) - camion (tracteur ou porteur) utilisé (km effectué)

Camions

Calcul du coût d’usure des tracteurs et porteurs par le service comptable : - amortissement et coût de financement de l’acquisition Fiches hebdomadaires remplies par les mécaniciens du service maintenance : - temps de travail affecté aux différents camions - coût des pièces ou des fournitures utilisées

Relevés mensuels obtenus par télétransmission : Consommation - toutes les dépenses de carburant et de péage sont réglées par de carburants et les chauffeurs à l’aide d’une carte de paiement spécifique autres fournitures - de même pour les dépenses de repas et d’hébergement

Services généraux

Imputation du coût des services généraux sur la base du coût des inducteurs d’activité (le volume des inducteurs d’activité est déterminé mensuellement)

Base de données

Tableaux de bord

L’intérêt de la construction d’une base de données alimentant les tableaux de bord réside dans la possibilité d’avoir accès aisément à des informations complémentaires, ou de pouvoir croiser de façon relativement simple certaines données, afin d’en extraire de nouveaux indicateurs.

chapitre 3

le reporting et le contrôle budgétaire au service de la gouvernance des Organisations

162 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

Etymologiquement, le reporting est fondamentalement lié à des questions de gouvernance. Rendre compte c’est d’abord reconnaître qu’il existe une relation entre des acteurs, des Organisations ou des Institutions, qui impose cette exigence du rendre compte. Du point de vue de la gouvernance, le reporting émane de celui qui décide ou qui agit et qui rend compte a posteriori de ses décisions et actions. Cela ne signifie pas que le cadre du reporting ne puisse pas être conçu et mis en place par les acteurs, Organisations ou Institutions, pour le compte desquels le décideur exerce son action, mais celui qui génère le reporting c’est celui qui rend compte, c’est l’agent. A l’inverse, le contrôle budgétaire est d’abord un outil mis en place par celui qui délègue des fonctions, des pouvoirs de décision et d’action. Non seulement le cadre du contrôle budgétaire est généralement conçu par le principal, mais en plus c’est lui qui peut décider de privilégier la concertation pour la construction des budgets ou au contraire décider de les imposer sans réelle consultation auprès de ceux qui devront les appliquer. Le contrôle budgétaire définit l’espace d’action et de prise de décision de l’agent. Ce dernier peut être associé au processus budgétaire mais il n’en est pas le pilote (schéma 3.1).

schéma 3.1. le reporting et le contrôle budgétaire au service de la Gouvernance

Acteurs (principal), Organisations, Institutions

Contrôle budgétaire

Rend compte Acteur (agent)

Acteur (principal) alimente

Reporting

Délègue et contrôle Acteurs (agent)

LE REPORTING ET LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU SERVICE … ■ 163

On peut appréhender la place du reporting et du contrôle budgétaire dans la gouvernance des Organisations en se plaçant d’un point de vue positif (observer ce qui est fait) voire instrumental (indiquer que tel mode de reporting ou de contrôle budgétaire favorise tel type de comportement). Dans les deux cas, le consultant ou le chercheur essaient d’adopter une vision relativement neutre où le seul souci est l’efficience des Organisations. Une telle approche rencontre nécessairement ses limites, dans la mesure où le reporting et le contrôle budgétaire ne sont pas que des outils mécaniques, mais qu’ils impliquent une dimension humaine fondamentale, que ce soit dans les rapports entre les acteurs, mais aussi dans la conception que chacun se fait de la société et des Organisations qui la composent. Pour aller au-delà de la seule dimension technique des outils, il est nécessaire de s’appuyer sur les théories économiques sous-jacentes qui seules peuvent aider à comprendre la place, l’utilisation et le sens des outils que sont le reporting et le contrôle budgétaire au service de la gouvernance des Organisations. Nous nous appuierons sur trois grandes théories des Organisations (théorie de l’agence, théorie des coûts de transaction et théorie des parties prenantes) pour montrer comment chacune d’entre elles offre un cadre normatif pour penser ce rôle et cette place du reporting et du contrôle budgétaire.

section I les enjeux des systèmes budgétaires et de reporting Les systèmes budgétaires et de reporting sont confrontés à trois dimensions très différentes mais complémentaires (schéma 3.2) : • La première dimension tient à l’essence même des systèmes d’information. C’est leur capacité à fournir de l’information pertinente aux décideurs de l’Organisation. • La seconde dimension porte sur la nature des Organisations. Les attentes et les réglementations afférentes aux différentes sortes d’Organisations influent de façon très significative sur la forme et le contenu des systèmes budgétaires et de reporting.

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La troisième dimension relève des interactions entre les acteurs de l’Organisation et le système d’information mis en place. Un système d’information ne vit que par les individus qui le construisent, qui l’alimentent en données et qui en utilisent les états de sortie pour gérer l’Organisation. Il existe donc nécessairement un processus de va-etvient entre le système d’information mis en place et les acteurs de l’Organisation

schéma 3.2. les enjeux des systèmes de reporting et de contrôle budgétaire Objectif des systèmes de reporting et de contrôle budgétaire Contraintes Fournir de l’informationaux décideurs

Effets annexes

Spécificités de l’organisation

Réglementation Forme juridique Domaine d’activité, Etc.

Interactions entre les acteurs de l’organisation et le système d’information

Acteurs de l’Organisation

§ 1. – les enjeux de l’information Le reporting et le système de contrôle budgétaire ne remplissent pas les mêmes fonctions au sein de l’Organisation. Néanmoins, ces deux systèmes d’information sont étroitement imbriqués et parfois même confondus dans certaines Organisations. La principale distinction que l’on peut effectuer porte sur les enjeux de l’information que l’on attend du reporting ou du contrôle budgétaire (schéma 3.3).

LE REPORTING ET LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU SERVICE … ■ 165

schéma 3.3. les objectifs poursuivis par les systèmes budgétaires et de reporting Rendre compte de ce que l’on fait Reporting Centraliser et consolider des informations diverses Prévoir Contrôle budgétaire

Contrôler Motiver

A. – rendre compte de ce que l’on fait Selon la distinction opérée par Coase en 1937 entre le marché et l’entreprise, cette dernière se caractérise par le contrôle hiérarchique des transactions, l’affectation des ressources résultant d’une décision des dirigeants et non de la main invisible des marchés au sens d’Adam Smith. La théorie des Organisations a longuement développé ces aspects en insistant sur les facteurs engendrant un avantage comparatif pour l’entreprise par rapport aux marchés pour la réalisation de certaines transactions (schémas 3.4 et 3.5).

schéma 3.4. l’information sur les transactions par le marché Acteur 2

Acteur 1 Marché Connaissance des termes de la transaction

schéma 3.5. l’information sur les transactions par le biais du reporting Responsable hiérarchique Processus de reporting

Acteur 1

Acteur 2

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Un facteur important, justificatif de la permanence des Organisations, est leur capacité à réaliser des transactions complexes. Une transaction complexe se caractérise par : • L’existence d’actifs spécifiques, c’est-à-dire des actifs offrant une valeur d’usage importante pour les transactions réalisées mais n’ayant pas nécessairement une valeur marchande correspondante (par exemple parce qu’il est difficile de redéployer ces actifs dans d’autres domaines d’activités). • Un univers incertain où il apparaît difficile de spécifier a priori ce que chaque partie à la transaction doit effectuer pour que la transaction se réalise dans l’intérêt global des parties. En effet, sur un marché, il existe un risque que l’une des parties agisse de façon opportuniste pour s’accaparer la totalité des gains de la transaction en arguant de « l’incomplétude des contrats », c’est-à-dire de l’inexistence de clauses interdisant formellement le comportement incriminé. Bien souvent, le contrat initial est incomplet en raison de la difficulté à prévoir tous les comportements envisageables qui résultent eux-mêmes d’un environnement instable et changeant. L’Organisation, grâce au contrôle hiérarchique, dispose du moyen de contraindre l’ensemble des parties agissant sous son autorité, à adopter un comportement maximisant non plus l’intérêt individuel de telle ou telle partie mais l’intérêt global de l’Organisation. Pour ce faire, le dirigeant, investi du pouvoir hiérarchique, doit disposer d’informations, tant sur l’environnement propre à chaque acteur de la transaction, que sur les actions entreprises et les résultats obtenus par chacun de ces acteurs. Le reporting est, ainsi, un outil indispensable qui comprend l’ensemble des informations requises, par le responsable hiérarchique, pour s’assurer du bon déroulement des transactions et de l’implication de chacun des acteurs (schéma 3.4). Le travail essentiel de mise en place d’un système de reporting consistera à définir les informations considérées comme pertinentes pour appréhender la réalisation des transactions, ainsi que les facteurs permettant de mesurer la contribution de chacun des acteurs à cette réalisation. On pourra également observer que le dirigeant ne constitue pas, par lui-même, l’échelon ultime du contrôle de l’Organisation. Ainsi, la théorie de l’agence a étudié les relations unissant les dirigeants à leurs mandants, que sont les actionnaires ou leurs représentants à travers le

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conseil d’administration. Cette théorie a mis en évidence de nombreux facteurs susceptibles d’inciter les dirigeants à prendre en compte les intérêts de leurs actionnaires. Il apparaît cependant que, plus que tout autre système incitatif, la clé du contrôle des dirigeants réside dans l’information communiquée au conseil d’administration (ce qui constitue un des objets du reporting) et dans la capacité du conseil d’administration à y donner suite (ce qui rentre dans l’étude de la gouvernance des entreprises1 que nous n’étudions pas ici).

B. – centraliser et consolider des informations diverses Indépendamment du contrôle des services subordonnés, le reporting offre aussi l’avantage de permettre de disposer d’une information pouvant être agrégée afin d’offrir une vision globale des réalisations de l’Organisation. Pour remplir cette seconde mission, le système de reporting doit offrir une certaine standardisation susceptible de faciliter l’addition, ou plutôt la consolidation, d’informations diverses émanant de services assurant des fonctions variées. Le reporting est ainsi devenu un élément essentiel de la crédibilité des dirigeants de grandes entreprises cotées face aux analystes financiers et aux investisseurs. En effet, ces derniers exigent la communication trimestrielle, dans un délai relativement restreint, du chiffre d’affaires et du résultat d’exploitation réalisés par ces groupes avec un détail sommaire par branches d’activités ou par marché. Le groupe Alcatel-Lucent publie ses résultats trimestriels avant la fin du mois suivant le trimestre écoulé. Il doit, par conséquent, disposer d’un système de collecte et de traitement de l’information qui permette, en un temps limité, de disposer des informations pertinentes au sein de chacune des entités du groupe (y compris les filiales opérant en Chine ou en Amérique centrale), de transformer ces données pour les rendre exploitables par le système de reporting (par exemple, en les convertissant en une monnaie de référence), de les communiquer au service central de contrôle du groupe qui doit ensuite les retraiter pour éliminer les opérations intragroupe avant de pouvoir communiquer les principaux renseignements consolidés relatifs à l’activité trimestrielle écoulée. Le système de reporting est alors institué comme un système essentiel de fourniture d’informations pour le pilotage du groupe. Une des 1

Gouvernance Contrôle et Audit des Organisations, Economica.

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contraintes les plus fortes à respecter sera la garantie de la cohérence économique des informations transmises. Dans les grandes entreprises, le système de pilotage économique englobe de nombreux systèmes d’information plus ou moins hiérarchisés. Le système de reporting est souvent conçu comme le sommet de la pyramide, c’est-à-dire comme l’outil de synthèse d’aide à la décision des dirigeants ou des responsables d’unités. Il a donc pour objectif de guider l’entreprise pour l’atteinte de ces orientations stratégiques (vendre plus, accroître ses marges, procéder à des acquisitions financières,…) en utilisant des techniques de gestion de plus en plus sophistiquées : comptes de résultat de gestion, prévision glissante, ABC (Activity Based Costing), tableaux de bord industriels, coûts par processus, … Le contrôle budgétaire a une finalité plus opérationnelle de responsabilisation et de contrôle des individus ou des entités par rapport à des objectifs (généralement annuels). C’est d’ailleurs pourquoi le contrôle budgétaire est présent dans quasiment toutes les entités (publics ou privés), ne serait-ce que sous la forme de budget par entité hiérarchique (départements, services, usines, etc.). Dans les petites entreprises, et dans la plupart des Organisations à finalité non commerciale, le contrôle budgétaire est souvent le seul outil formalisé de pilotage et de gestion des Organisations dont disposent les dirigeants. Dans les communes, associations, entreprises individuelles, PME, etc., le rôle des budgets couvre fréquemment la totalité du processus interne de gestion de l’Organisation. L’établissement des budgets est souvent l’occasion de redéfinir les objectifs de l’Organisation, de formaliser sa stratégie et d’évaluer l’impact des décisions importantes qui sont prises. De même, alors qu’il existe dans les grandes entreprises une distinction assez forte entre les différents niveaux de contrôle selon l’horizon auquel ils s’adressent (le contrôle stratégique porterait sur un horizon de deux à trente ans, le contrôle de gestion sur un horizon annuel, et le contrôle opérationnel sur le quotidien), dans de nombreuses Organisations, le contrôle budgétaire porte simultanément sur tous les horizons et fournit le cadre dans lequel les décisions quotidiennes peuvent être appréhendées.

LE REPORTING ET LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE AU SERVICE … ■ 169

§ 2. – les différentes natures d’Organisations Toutes les Organisations sont concernées par le suivi de l’information (schéma 3.6), ne serait-ce que pour maintenir leur cohésion et leur survie. Néanmoins, les besoins peuvent différer en raison des objectifs des acteurs de l’Organisation (par exemple, les actionnaires d’une entreprise cotée seront particulièrement attentifs aux profits réalisés, alors que les adhérents d’une association seront plus sensibles à la qualité des prestations fournies ou au montant des cotisations à acquitter) ou de la réglementation propre à chacune des natures d’Organisation (la réglementation publique constitue à cet égard un carcan très strict imposant des exigences formelles d’information et de production de l’information).

schéma 3.6. les attentes principales en matière d’information selon la nature des Organisations Entreprises

Associations Collectivités publiques

Performance réalisée par l’entreprise : * information des cadres dirigeants * information du conseil d’administration et des actionnaires ou associés Conformité des dépenses avec l’objet de l’association Contrôle de la légalité des dépenses engagées

A. – les entreprises Les systèmes budgétaires ou de reporting des entreprises n’obéissent qu’à un seul impératif, celui du rapport coût / avantage. Autrement dit, la pertinence d’un système d’information doit s’analyser sur le critère de la valeur relative apportée par l’information par rapport à son coût d’obtention. Sachant qu’il existe différentes sources d’information, un système budgétaire ne sera pertinent que s’il apporte, en considération des ressources qu’il consomme, un supplément d’information ou de possibilité de contrôle et d’incitation que ne pourrait offrir un système d’information différent.

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Toute entreprise se doit de tenir une comptabilité, en vue de déterminer l’état de ses actifs et de ses passifs et le résultat de son activité. En tant que telle, la comptabilité générale est déjà une source d’information précieuse qui, aménagée convenablement, peut se révéler un premier outil de pilotage pour l’entrepreneur2. La mise en place et l’utilisation d’un système de reporting ou de contrôle budgétaire doit donc se justifier par la pertinence de l’information supplémentaire qu’il procure. Cet avantage peut être en termes de quantité d’information mais, le plus souvent, il portera sur la qualité de l’information, la rapidité de son obtention, et l’intégration d’aspects prévisionnels. Selon la nature de l’entreprise, et en particulier le mode de répartition de son capital, les systèmes budgétaires et de reporting exerceront des rôles relativement distincts. Dans les sociétés de personne, les associés sont unis par la notion d’intuitu-personae, c’est-à-dire qu’il existe une relation personnelle entre les différents associés. Un des rôles du système budgétaire ou de reporting est de formaliser des informations, ce qui est particulièrement pertinent quand ces informations concernent ou mettent en cause un grand nombre d’individus ayant des liens plus ou moins distendus. Mais, dans les sociétés de personnes, les relations informelles jouent un rôle important bien qu’elles ne fassent pas nécessairement l’objet d’une transcription écrite. Ainsi, certaines informations seront transmises directement du dirigeant aux autres associés à l’occasion d’entretiens particuliers. De même, dans les cabinets d’audit, de conseil ou d’expertise comptable (ou, de manière générale, dans tous les cabinets regroupant des associés exerçant en profession libérale), l’information sur le déroulement de l’activité se situe autant dans les échanges quotidiens, qu’au cours des réunions mensuelles ou trimestrielles plus formelles. Les systèmes d’information ou de reporting peuvent trouver, dans ces sociétés, leur pertinence par leur formalisation même. En effet, un des risques essentiels des sociétés reposant sur l’information informelle est qu’il se mette progressivement en place des réseaux d’information susceptibles, par une accumulation ou une rétention de l’information, de créer des conflits de pouvoir majeurs. La formalisation de l’information, en établissant clairement les règles relatives à l’établissement de l’information, à son contrôle et à sa diffusion, offre l’avantage 2

La comptabilité générale, un outil d’information.

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d’ouvrir un jeu où les règles sont clairement établies et où, par conséquent, les conflits de pouvoir se dérouleront dans un univers ordonné avec un minimum de garde-fous 3. A l’inverse, l’absence de tels systèmes formalisés d’information transforme la conquête de l’information en un enjeu de pouvoir essentiel, ce qui vicie le fondement même de la prise de décision puisque celle-ci repose alors sur la capacité du dirigeant à s’assurer la maîtrise de la collecte, du contrôle et de la diffusion de l’information. Au sein des sociétés de capitaux, les sociétés anonymes présentent certaines différences notables avec les sociétés de personnes en matière de systèmes d’information. En effet, une des principales caractéristiques des sociétés de capitaux, indépendamment de la limitation de responsabilité des actionnaires, est l’anonymat, plus ou moins relatif, des actionnaires. Certaines sociétés de capitaux peuvent néanmoins s’apparenter davantage à des sociétés de personnes, en raison de leur fonctionnement où tous les actionnaires se connaissent. C’est souvent le cas des sociétés familiales ayant opté pour le statut de sociétés anonymes, mais où les actionnaires sont issus exclusivement du milieu familial du fondateur. L’absence de relations personnelles approfondies entre les actionnaires fait que l’information de ces derniers ne peut reposer uniquement sur le bon vouloir des dirigeants. Le pouvoir de contrôle et de détermination des orientations stratégiques est transmis aux représentants des actionnaires que sont les administrateurs. Mais, à l’inverse des associés d’un cabinet d’audit ou de conseil, les administrateurs ne sont pas (ou pas tous) associés à la vie quotidienne de l’entreprise, et ils ne sont souvent propriétaires que d’une fraction réduite, voire infime pour certaines grandes entreprises cotées, du capital. Les administrateurs ne disposent donc pas naturellement des réseaux relationnels susceptibles de leur fournir une information informelle sur le déroulement de l’activité et le respect des grandes orientations stratégiques. La mise en place d’un système de contrôle budgétaire et/ou d’un système de reporting a alors pour objet d’alimenter les membres du conseil d’administration en informations susceptibles de leur permettre de mieux évaluer la prise en compte des intérêts des actionnaires, la pertinence des grandes orientations stratégiques, l’évolution de l’environnement, et la 3

Crozier M. et Friedberg E. (1977), L’acteur et le système, Editions du Seuil.

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performance de l’entreprise et de ses dirigeants. A ce titre, l’étude de la gouvernance d’entreprise, et de la relation d’agence qui unit les dirigeants aux actionnaires, a parfois sous-évalué le rôle essentiel de l’information dans la résolution des conflits et dans la mise en place d’une stratégie qui soit gagnante pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

B. – les associations Une association est une personne morale, constituée par un contrat par lequel plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des connaissances ou une activité dans un but autre que celui du partage de bénéfices. Le rôle de son système d’information et de contrôle est, par nature, très différent de celui d’une entreprise puisqu’il est plus difficile d’effectuer un arbitrage entre les coûts du système d’information (les ressources consommées pour sa mise en place et son fonctionnement) et les avantages d’un tel système. Un système budgétaire peut se justifier pour des raisons non pas économiques mais plutôt philosophiques ou éthiques, c’est-à-dire par le besoin de disposer d’un système permettant de contrôler a posteriori les actions entreprises et les décisions effectuées, par rapport aux orientations décidées préalablement. En sens inverse, un système budgétaire peut être rejeté en raison des contraintes qu’il fait peser sur des bénévoles de l’association. Deux aspects doivent être particulièrement étudiés. Le premier est la relation entre le système budgétaire et de reporting et l’objet de l’association, ce à quoi l’association est normalement dévolue. Le second est la taille de l’association, que ce soit en matière d’activités exercées, de nombre de salariés, de volume de subventions reçues, ou tout simplement du niveau des ressources financières et non financières consommées. La loi de 1901 laisse une très grande liberté aux associations dans leur mode de fonctionnement interne. Même les exigences de tenue de comptabilité sont très limitées. Les associations n’ayant pas d’objectifs liés au partage de bénéfices, les systèmes de contrôle budgétaire ou de reporting apparaissent souvent comme des carcans induisant un surcroît de travail et de contrainte, sans rapport avec l’objet essentiel de l’association. Confrontées à l’urgence des missions à effectuer, à la raréfaction (supposée, mais non pas nécessairement réelle) des bénévoles, et à la rigueur que cela suppose, les associations tendent à réduire au minimum leurs fonctions administratives et de suivi de la gestion.

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encadré 3.1. les conséquences des déficiences du contrôle budgétaire dans une association. Un office de tourisme municipal, ayant la structure d’une association, a décidé de reprendre la gestion du camping municipal et de développer les structures et l’aménagement de ce dernier. L’objectif est de faire accéder le camping à une labellisation trois étoiles en quelques années. Les structures restent la propriété de la commune qui octroie à l’office de tourisme un bail pour le montant symbolique de 1€. L’accord conclu entre l’office de tourisme et la commune prévoit que les investissements sont financés par la commune, qui emprunte à due concurrence, mais remboursés par l’office de tourisme au prorata des échéances des emprunts. Les investissements sont réalisés en trois tranches de travaux et s’élèvent à environ 150.000€ par tranche. Pour réaliser des économies, l’office de tourisme ne tient qu’une comptabilité de trésorerie, sans suivi des investissements, des financements ni des amortissements. Chaque année, l’objectif du président de l’office de tourisme est donc de pouvoir rembourser l’annuité d’emprunt à la commune. Les informations fournies à la commune proviennent exclusivement du président de l’office de tourisme qui est d’ailleurs adjoint au maire, en charge du développement touristique de la commune. Arrive une année où la situation de trésorerie de l’association ne permet pas à son président de faire face à ses obligations envers la commune. L’examen des documents antérieurs montre alors une lente dégradation de la situation du camping, dégradation qui a été dissimulée par des excédents réalisés cinq ou dix ans auparavant. L’absence de budget ne permet à aucun moment à la commune d’avoir une vision de l’avenir, toutes les informations reposent sur les assurances du président de l’association qui annonce que la situation va s’améliorer et qu’il suffit de décaler légèrement dans le temps le montant des reversements à effectuer. Initialement, l’opération d’aménagement du camping aurait dû être une opération neutre pour la commune. En réalité, la commune se trouve entraînée dans une opération onéreuse où elle est obligée de financer des déficits de fonctionnement pour assurer la conserva-

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tion des investissements initialement consentis. La mise en place d’un système budgétaire rigoureux aurait permis d’éviter cette situation en fournissant dès l’origine une estimation des objectifs à atteindre et une mesure de la réalisation de ces objectifs. La commune aurait pu inciter l’office de tourisme à modifier ses tarifs ou la fréquentation de son camping pour répondre aux futurs problèmes de financement. Enfin, dans le cas extrême, elle aurait pu modifier son calendrier de financement des investissements. A l’inverse, il existe des associations où le système budgétaire est sur-développé par rapport aux besoins réels des dirigeants et des adhérents de l’association. L’importance des bénévoles et l’absence d’enjeux économiques directs (ni les adhérents ni les dirigeants ne sont propriétaires, au sens juridique du terme, de leur association) engendrent de très grandes disparités dans les pratiques. Il arrive fréquemment que le système budgétaire soit davantage utilisé pour des questions de pouvoir (celui qui détient l’information détient, de fait, un pouvoir plus important) que pour des raisons d’efficience. L’enjeu essentiel pour l’association est de clarifier son objet, à savoir la raison d’être de l’association, pour déterminer de quelle manière un système budgétaire ou de reporting peut lui permettre de mieux remplir sa mission. Très fréquemment, l’existence d’un système de contrôle a posteriori a déjà comme premier effet de réduire les risques de détournement, de malversation, ou même tout simplement d’incompétence. Dans la mesure où les actifs d’une association n’appartiennent à personne, il est important de mettre en place un système de contrôle assurant le suivi des ressources. Les désastres célèbres offrent pour avantage d’offrir des exemples universellement connus à la réflexion de chacun. Ainsi, les détournements observés au début des années quatre-vingt-dix à la tête de l’ARC (Association de Recherche contre le Cancer) et, plus encore, la mauvaise utilisation des ressources collectées par rapport à l’objet initial de l’association, ont clairement souligné que les très grandes associations se doivent de disposer de systèmes organisationnels et de contrôle se rapprochant de ceux des grandes entreprises. Les problèmes de gouvernance des entreprises, qui font l’objet d’une attention renouvelée depuis le début des années 2000, que ce soit en France ou aux États-Unis (notamment à la suite de la faillite du géant

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américain Enron opérant dans le domaine de la production, de la distribution et du courtage de l’électricité), sont en fait aisément transposables aux grandes associations humanitaires, qui doivent s’entourer d’un conseil d’administration regroupant des personnalités offrant les critères d’indépendance et de compétence, et qui doivent faire appel à de grands cabinets d’audit pour certifier la sincérité de leurs comptes. De manière plus générale, le besoin d’information et de contrôle sera d’autant plus ressenti que l’association sera amenée à gérer des ressources importantes. On peut ainsi distinguer trois critères permettant d’apprécier le bien fondé de la mise en place ou du renforcement de systèmes budgétaires ou de reporting : • Le nombre de salariés : à l’inverse d’une entreprise où le coût d’un salarié peut être rapproché de la richesse créée, ce type de rapprochement est plus délicat dans une association où la mesure des services rendus ou des tâches effectuées n’a souvent pas de correspondance monétaire. Il existe donc des risques de voir progressivement l’association gérée, non plus en fonction de son objet initial, mais d’après les intérêts des salariés qui la composent. • La valeur des actifs gérés : certaines associations se trouvent à la tête d’un patrimoine considérable. Si un individu prend naturellement soin de son patrimoine, l’absence de relation de propriété individuelle au sein d’une association rend le suivi et le contrôle des actifs particulièrement pertinent. • Le niveau des ressources consommées : qu’il s’agisse des biens matériels, ou des financements que l’association perçoit pour accomplir sa ou ses missions.

C. – les collectivités publiques A l’inverse des entreprises et des associations, dans les collectivités publiques le système budgétaire n’est pas une possibilité, mais une obligation. Le vote du budget constitue un acte fort de la vie publique, car c’est lui qui conditionne le fonctionnement de l’institution concernée. Sans vote du budget, une collectivité n’a légalement le droit d’exercer aucun des actes qui engagent des dépenses ou des recettes. C’est d’ailleurs pourquoi la législation prévoit un certain nombre de solutions en cas de conflit (et notamment d’absence de majorité) susceptible d’entraver le fonctionnement de la collectivité par le rejet du budget présenté (dans les conseils régionaux, la procédure dite du 49-3 permet de voter le budget en l’absence d’une majorité favorable et à défaut de l’adoption d’un budget alternatif par une autre majorité).

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Deux caractéristiques sont donc fondamentales pour étudier les budgets dans les collectivités publiques. La première est la notion de chose publique qui implique que les citoyens aient un droit de regard sur les objectifs et le fonctionnement de la collectivité. La seconde est la connaissance de la réglementation : ses contraintes mais aussi ses espaces de liberté. Une collectivité publique n’a pas de propriétaires et ne défend pas des intérêts particuliers, encore que, d’un certain point de vue, la collectivité publique soit redevable de son action aux électeurs de sa circonscription. Mais l’unité de la République impose un certain nombre de contraintes, qui élargissent cet intérêt à la notion d’un intérêt public plus vaste. Les citoyens élisent des représentants qui ont la tâche de choisir un pouvoir exécutif et de voter les grandes décisions, dont le budget. Les élus ayant un mandat s’étendant sur plusieurs années, il est important que les citoyens électeurs puissent disposer d’une information sur l’action de leurs élus. Le premier type d’information résulte de la connaissance des décisions prises, que ce soit par l’observation sur le terrain, par la lecture des périodiques ou par tout autre média de communication. Il s’agit principalement d’une information qualitative portant sur les projets entrepris par la collectivité, ou sur son fonctionnement quotidien. En matière d’information sur l’utilisation des ressources, chaque citoyen peut se forger son opinion d’après les impôts et taxes qu’il doit acquitter, mais il aura souvent du mal à avoir une vision globale de la capacité de ses élus à gérer les ressources publiques. La mise en place d’une information budgétaire spécifique à destination des électeurs suppose nécessairement que le cadre réglementaire soit dépassé. Ce dernier ne permet pas, en effet, la diffusion d’une information accessible à tous. Contrairement aux entreprises, le système budgétaire ou de reporting dans les collectivités publiques peut donc avoir non seulement un objectif interne d’information et de contrôle mais également un objectif externe, c’est-à-dire vis-à-vis de tout citoyen. La vision de l’information budgétaire dans les collectivités locales est, en fait, une déformation de la comptabilité publique. Même si celleci vise à se rapprocher de plus en plus de la comptabilité générale applicable aux entreprises, le système budgétaire des collectivités tend à privilégier deux aspects :

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• Le premier est l’adoption du cadre comptable pour appréhender les dépenses et les recettes de la collectivité. Même si un découpage par grandes fonctions peut parfois se surimposer à l’approche comptable, cette dernière reste très présente. • Le second est le rôle du budget comme vecteur d’autorisation de dépenses ou de recettes. Le vote du budget entraîne l’autorisation pour le pouvoir exécutif d’acquérir les ressources mentionnées et de mettre en recouvrement les recettes indiquées. Le vote du budget ayant une importance centrale pour le fonctionnement des collectivités, ces dernières ont souvent tendance à s’inscrire dans le cadre rassurant et protecteur des présentations imposées par la loi et la réglementation. Or, si la loi oblige les collectivités à respecter certaines conditions de forme, rien ne leur interdit d’aller au-delà. Pour prendre un exemple, le vote du budget doit respecter la nomenclature comptable. Celle-ci est parfois peu adaptée à l’évaluation des différentes activités de la collectivité. Rien n’interdit donc à cette dernière d’adopter une présentation budgétaire par activités, les activités étant celles estimées pertinentes pour la collectivité concernée. En contrepartie, il devra être possible de disposer d’un tableau de concordance entre l’approche budgétaire propre à la collectivité et les documents exigés par la réglementation et soumis au contrôle de la préfecture. Le budget primitif et les décisions budgétaires modificatives ultérieures fournissent le cadre de l’action de l’exécutif public. Leur fonction est d’éviter que l’exécutif d’une collectivité territoriale ou nationale n’engage des dépenses au-delà des autorisations votées par les élus. Mais, dans le même temps, les budgets ne doivent pas constituer une contrainte permanente sur l’action de l’exécutif. Il existe donc un arbitrage entre l’exigence d’efficacité qui impose de déléguer des pouvoirs de décisions et d’actions à l’exécutif et l’exigence de contrôle qui impose de s’assurer que ce dernier ne fait pas n’importe quoi avec les deniers publics. C’est pourquoi le vote du budget primitif revêt une importance fondamentale et parfois solennelle pour les élus des diverses collectivités publiques. La difficulté est qu’une fois voté, le budget est rarement contrôlé, c’est-à-dire que l’autorisation des dépenses constitue généralement une validation des dépenses qui seront effectuées à l’intérieur de l’enveloppe. De surcroît, si cette enveloppe s’avère insuffisante, il est alors possible de demander le vote d’une décision budgétaire modificative afin d’augmenter, de diminuer ou de réaffecter des crédits budgétaires.

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Au niveau de l’État, le principal contrôle est effectué par le rapport de la Cour des Comptes. Au niveau des collectivités territoriales, ce contrôle est effectué par les chambres régionales des comptes mais il porte davantage sur les aspects formels (le respect des règles légales d’engagement des dépenses et de perception des recettes) que sur la justification des dépenses, qui repose sur la décision politique des élus. Théoriquement, l’approbation des budgets devrait être précédée d’une présentation complète et contradictoire des comptes administratifs. C’est d’ailleurs ce qui est fait dans la plupart des collectivités territoriales. Néanmoins, cette présentation des comptes administratifs est souvent sans grande portée car les élus ne disposent pas des outils pour porter un jugement sur la pertinence des dépenses engagées. Par définition, celles-ci ont été engagées à l’intérieur des budgets votés et toute évolution constatée par rapport aux réalisations antérieures s’explique toujours très aisément par des événements exceptionnels. De surcroît, le calendrier budgétaire annuel pose nécessairement des problèmes pratiques de mise en œuvre. Si la collectivité vote son budget civil à l’automne (le cas de l’État), elle ne dispose pas des réalisations définitives de l’année passée. Si la collectivité vote son budget civil au printemps (cas des communes), elle connaît ses réalisations mais elle a déjà engagé un certain nombre de dépenses au titre de son nouvel exercice civil et elle est donc naturellement encline à s’intéresser davantage à son futur, qui est déjà son présent, qu’à son passé sur lequel elle n’a de toute façon plus la possibilité d’agir. Un réel contrôle des comptes administratifs nécessiterait sans doute la formalisation des commissions financières, qui existent dans quasiment toutes les collectivités, pour, à l’image du comité d’audit dans les entreprises cotées, exercer un réel contrôle sur la pertinence des dépenses engagées. Ceci exigerait une présentation des dépenses par processus et par activités, ce qui a été le sens initial de la LOLF (Loi Organique sur la Loi de Finance) et de la RGPP (Revue Générale des Politiques Publiques), même si, dans la pratique, ces processus sont très loin d’atteindre leurs objectifs, en particulier en raison de leur absence de prise en compte de la dimension humaine du contrôle budgétaire.

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Une telle formalisation des commissions de finance supposerait des exigences de compétence et d’indépendance : • Pour disposer d’élus formés et compétents, une telle mesure ne pourrait s’envisager qu’à un échelon territorial significatif : les régions, les métropoles (communautés d’agglomération) et les communautés de communes. • Pour disposer d’une commission indépendante, il faudrait nécessairement envisager un mode d’élection ou de désignation qui prendrait en compte la pluralité des sensibilités politiques, et qui entraînerait une responsabilisation et une indemnisation spécifique des membres de ces commissions.

§ 3. – les attentes des acteurs des Organisations A l’inverse d’un système de production, qui trouve sa finalité dans la réalisation du produit concerné et dans la valeur ajoutée qu’il apporte par rapport à la somme des ressources consommées, un système d’information et de contrôle n’est pas constitutif, par lui-même, d’une quelconque valeur ajoutée. Il importe donc de définir en quoi un système budgétaire et de reporting peut contribuer à une plus grande satisfaction des individus, à une meilleure utilisation des ressources, et à l’atteinte des objectifs de l’Organisation. Selon les acteurs de l’Organisation, les attentes en matière d’information ne seront pas nécessairement les mêmes (schéma 3.7).

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schéma 3.7. les attentes des acteurs de l’Organisation Dirigeants

Associés, actionnaires, électeurs, adherents

Employés

Connaissance de l’environnement ; Suivi des réalisations ; Comparaison des réalisations avec une référence : les prévisions ; Contrôle des employés. Autorisation des principaux engagements de ressources ; Suivi de l’application des décisions stratégiques. Récompense des efforts fournis (référence aux principes de justice et d’équité) ; Protection contre le risque (perte d’emploi, diminution de la rémunération).

Institutions financiers

Capacité de l’organisation à honorer ses engagements financiers.

Autres tiers

Contrôle de l’utilisation des subventions octroyées ; Respect des engagements pris (maintien des relations commerciales, etc…).

A. – les dirigeants En tant que détenteurs du pouvoir exécutif au sein des Organisations, les dirigeants sont, de premier abord, concernés par les systèmes susceptibles de leur fournir des informations sur la marche de leur Organisation, et de leur permettre d’évaluer la contribution individuelle des employés à la réalisation collective des objectifs de l’Organisation. Toute position n’est que relative. De surcroît, alors que dans le monde géographique il est possible de se situer par rapport à un lieu à atteindre, et de ne se déplacer qu’en fonction de ce lieu pour s’en rapprocher; en matière économique et sociale, les références ne peuvent se décrire par un simple espace à trois dimensions, mais elles doivent nécessairement comprendre l’appréhension non seulement des objectifs à atteindre, mais aussi de la situation actuelle de l’Organisation selon un ensemble de dimensions (au sens mathématique du terme) jugées nécessaires pour évaluer correctement les étapes restant à franchir (ces dimensions peuvent recouvrir la sphère financière, le capital humain de l’Organisation, les moyens technologiques, etc.).

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Le dirigeant doit donc disposer d’un système d’information lui permettant d’évaluer l’endroit où il se situe afin de prendre les décisions et les actions nécessaires à l’obtention des objectifs fixés. Historiquement, la comptabilité générale constitue le système de base de cette information économique. Néanmoins, ce système d’information apparaît parfois limité tant par ses objectifs que par ses moyens techniques. Un système d’information comptable classique a pour fonction d’enregistrer les dépenses et les recettes pour fournir à tout instant, et particulièrement à l’occasion de la clôture d’un exercice, le point sur la situation économique de l’Organisation et sur les transactions qu’elle a réalisées. Ce système d’information repose sur la transcription, en termes monétaires, de toutes les transactions intervenues ou, dans certains cas, à intervenir (c’est le cas lors de l’enregistrement des engagements donnés ou reçus). Mais ce système a pour inconvénient majeur d’enregistrer les flux économiques par nature (achat de matières premières, cession de l’immobilisation A, provision pour risque X, …) et non par destination (achats de matières premières pour tel département, cession de l’immobilisation A pour tel ou tel centre de responsabilité, …). De plus, certaines règles comptables ne satisfont pas toutes les entreprises et ces dernières préfèrent en créer de plus adaptées à leur activité. Ce système d’information comptable pourra se transformer en embryon de système budgétaire à partir du moment où il permettra au dirigeant de savoir, non seulement où il se trouve dans l’absolu (en termes de recettes ou de dépenses), mais également et surtout où il se trouve par rapport à un cadre de référence qui peut être une prévision budgétaire ou, tout simplement, les réalisations des années (ou des périodes) passées. Le stade ultérieur de l’évolution d’un système comptable est la création d’un système de gestion intégré qui repose sur les principes suivants : • Un plan de compte Groupe (n’ayant pas d’existence légale) sert de base à la comptabilisation de toutes les transactions. • Toutes les entités du Groupe, partout dans le monde, comptabilisent selon ce plan de compte. • Ce plan de compte alimente : la comptabilité de gestion (qui sert de base au contrôle de gestion), la comptabilité sociale (base de la communication financière externe), et les autres systèmes de gestion (trésorerie, tableau de bord, prévisions, …).

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• L’ensemble des documents internes produits par l’entreprise (Prévisions, Budgets, Réalisés, Plans de développement : « Business Plan », Investissements, …) sont réalisés selon ce référentiel. • Les écarts entre la comptabilité du groupe et la comptabilité générale (plan comptable légal) sont réduits au minimum et identifiés automatiquement pour diminuer ou éviter les travaux de réconciliation. Comme l’ont souligné de nombreux économistes (notamment Alchian et Demsetz en 1972 4), une des contraintes essentielles du travail en équipe tient à la difficulté d’observer la contribution individuelle de chacun. Or, pour qu’un travail en équipe soit réalisé de façon efficiente, il importe que chacun y contribue selon ce que l’on attend de lui. Au sein d’une Organisation, le dirigeant a la délicate tâche de s’assurer que chacun des employés de l’Organisation contribue à la réalisation des objectifs communs. Pour ce faire, le dirigeant doit disposer de sources d’informations susceptibles, à défaut d’une observation directe du travail de chacun, d’appréhender indirectement cette contribution. Il en est de même quand la réalisation des objectifs de l’Organisation dépend du travail de différents employés assurant leurs fonctions, soit en des lieux distincts et distants, soit à des périodes non concomitantes (par exemple dans le cadre d’un travail en continu par succession de trois équipes d’ouvriers, il apparaît évident qu’il est difficile pour un même superviseur d’être présent en permanence). Dans ces différents cas, le dirigeant doit disposer d’informations relatives au travail de l’équipe ou au travail des individus, afin de s’assurer de l’adéquation entre les efforts fournis et les rétributions accordées. Dans le cas le plus simple, cette information sera fondée sur des données techniques. Ainsi, le taylorisme, dans son approche originelle, s’était donné pour objectif de décomposer les activités à effectuer en tâches élémentaires, qu’il était ainsi possible de mesurer et, pour lesquelles, on pouvait adopter un système de rémunération liant étroitement le niveau du salaire versé au volume du travail effectué, tel qu’il est appréhendé par des standards de fabrication.

Alchian A.A. et Demsetz H. (1972), “Production, Information Costs, and Economic Organisation”, American Economic Review, Vol.62, N°5, pp. 777-795. 4

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Dans des cas plus complexes, ce qui tend à devenir la règle un siècle après l’apparition du taylorisme, le dirigeant doit mettre en place un système de mesure de l’activité qui tienne compte d’une activité faisant davantage de place à l’initiative qu’à la standardisation (cette dernière étant de plus en plus assurée par des machines automatisées). Le système budgétaire, à travers une évaluation non seulement des recettes et des dépenses entraînées par l’activité réalisée, mais également par le biais d’une mesure du niveau et de la qualité de l’activité assurée, permet d’évaluer la contribution d’un responsable de service ou d’activité à l’obtention des objectifs généraux de l’Organisation. De surcroît, à travers la mise en place d’un système de tableaux de bord et de reporting, le dirigeant peut introduire de nouveaux indicateurs susceptibles de le renseigner sur l’efficacité et la performance des services ou des responsables de son Organisation. Dans les grandes entreprises privées, les aspects de motivation et d’incitation des salariés sont intégrés dans les systèmes de contrôle budgétaire et de reporting. De plus en plus de salariés ont des rémunérations avec une partie variable ; celle-ci peut dépendre de l’atteinte d’un objectif global d’entreprise sur lequel ils ont peu de prise ou bien de l’atteinte d’un objectif individuel qu’ils sont censés maîtriser complètement. Quel que soit le cas de figure, le système de contrôle de gestion de l’entreprise déterminera l’objectif à atteindre et sa réalisation. L’information sera ensuite transmise au système de rémunération qui calculera le montant variable de la rémunération des salariés concernés.

B. – les associés, les actionnaires, les électeurs et les adhérents de l’Organisation En tant qu’initiateurs d’une Organisation, les fondateurs, ou ceux qui détiennent un droit de propriété sur l’Organisation, ne peuvent se désintéresser de la façon dont l’Organisation est dirigée et de sa capacité à atteindre des objectifs, indépendamment d’ailleurs de la façon dont ces mêmes objectifs sont déterminés. Les associés, les actionnaires, et les fondateurs, mais de manière plus générale, ceux qui détiennent le pouvoir de choisir les dirigeants ont besoin d’une information et d’un contrôle de l’Organisation à trois points de vue : pour définir les grands axes stratégiques à mettre en œuvre, pour évaluer l’impact sur l’Organisation dans le court et le moyen terme, et pour conférer aux dirigeants la capacité d’engager l’Organisation dans ses rapports avec les tiers.

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Quelle que soit l’Organisation concernée, il existe toujours une catégorie d’acteurs qui détient un rôle essentiel dans la détermination des objectifs de l’Organisation et dans sa déclinaison sous forme de grands choix stratégiques. Dans une entreprise anonyme, il s’agit des actionnaires les plus importants (notamment par leur pourcentage de détention du capital) ou de leurs représentants au sein du conseil d’administration. Dans les sociétés à responsabilité limitée ou dans les sociétés civiles, il s’agit des associés. Dans les collectivités locales, ce sont les électeurs et leurs élus au sein des conseils municipaux, généraux ou régionaux. Dans les associations, ce sont les adhérents ou leurs représentants au conseil d’administration. Dans tous les cas, pour pouvoir non seulement déterminer des objectifs et des choix stratégiques, mais surtout s’assurer qu’ils sont réalisables et réalisés, il est important, et même essentiel, de disposer d’instruments d’information sur l’Organisation et sur son environnement. En permettant d’évaluer l’impact sur l’Organisation des grands choix stratégiques envisagés, les prévisions budgétaires permettent aux décideurs d’évaluer les conséquences financières, mais également humaines (impact sur l’évolution des effectifs, des rémunérations ou des promotions), ou matérielles (besoins en termes de bâtiments notamment). De surcroît, le suivi des réalisations, à travers un système de contrôle budgétaire ou de reporting, permet aux associés, actionnaires, électeurs ou adhérents des différents types d’Organisations, de s’assurer que les objectifs stratégiques définis ne restent pas à l’état de vœux pieux mais font l’objet d’une implantation pertinente. Pour pouvoir prendre des décisions stratégiques, il est nécessaire de pouvoir se projeter dans le futur, afin d’estimer l’impact potentiel des choix actuels. Les prévisions budgétaires peuvent constituer une source d’information essentielle pour évaluer la situation future de l’Organisation : où se situera l’Organisation si la gestion consiste simplement à s’assurer que tout fonctionne comme cela a toujours fonctionné et si aucune décision stratégique n’est réellement implantée (l’absence de décision peut difficilement être assimilée à une décision dans la mesure où l’absence d’acte volontaire revient à s’en remettre à une source externe de décision constituée des facteurs déterminants de l’environnement de l’Organisation). On peut comparer cette situation à celle de la dérive d’un bateau : en l’absence d’objectifs de navigation, si le navire continue à gouverner dans la direction antérieure, et comp-

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te tenu de l’état du vent et des courants, le navire devrait se trouver à tel endroit à l’issue de la période étudiée. La gestion d’une Organisation consiste à infléchir la course de l’Organisation pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. La prévision budgétaire a ainsi pour objectif d’évaluer l’impact des décisions stratégiques sur la situation future de l’Organisation. Cela signifie bien évidemment qu’il faut tenir compte des contraintes externes (l’influence de l’environnement) et internes (le poids du passé et des structures de l’Organisation) mais aussi de la capacité de l’Organisation à infléchir sa course. Dans certains cas, le rôle de la prévision budgétaire peut également être perçu comme la détermination d’un objectif à atteindre, toutes les forces de l’Organisation étant alors mises en branle pour permettre à celle-ci de quitter son cheminement naturel et d’atteindre les objectifs stratégiques qui lui ont été fixés. Il en est notamment ainsi pour une reprise d’entreprise en difficulté. Dans de nombreux cas, la simple poursuite de l’activité antérieure ne conduirait qu’à un nouveau dépôt de bilan, les mêmes causes engendrant les mêmes effets. Les repreneurs sont conduits à construire des prévisions budgétaires en forte rupture avec le passé pour réorienter l’entreprise vers des activités qui lui soient profitables. Le système budgétaire constitue aussi un moyen de contrôle des dirigeants. Le système budgétaire apparaît alors, de façon plus ou moins formalisée, comme un processus soumettant à autorisation les principales décisions engageant financièrement l’Organisation. Dans le cas extrême, qui est celui des organismes publics, le budget constitue par lui-même le document autorisant les responsables exécutifs, en l’occurrence le maire ou le président de la collectivité, à engager les dépenses correspondantes ou à percevoir les recettes mentionnées. Le contrôle de la légalité réalisé par les comptables du Trésor, et vérifié a posteriori par les Chambres Régionales des Comptes, vise simplement à s’assurer que les responsables exécutifs n’ont point engagé de dépenses qui n’aient été préalablement autorisées par leur conseil ou par l’assemblée des élus. Dans les autres Organisations, le formalisme lié à l’engagement des dépenses est moindre. La plupart du temps, le contrôle a priori ne porte que sur les sommes significatives, chaque responsable ayant le pouvoir d’engager directement des dépenses à hauteur d’un montant prédéter-

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miné. L’essentiel du contrôle est alors un contrôle a posteriori qui vise à s’assurer que le responsable a rempli les tâches qui lui étaient affectées en respectant les moyens mis à sa disposition sous forme d’une enveloppe budgétaire (le terme enveloppe désignant en fait une estimation des ressources nécessaires pour assurer de façon efficiente les activités octroyées).

C. – les employés A l’inverse des dirigeants et des associés, actionnaires, électeurs ou adhérents, les employés sont rarement les maîtres d’œuvre des systèmes budgétaires ou de reporting, mais ils en constituent un rouage essentiel. Leur implication apparaît dans la délégation de responsabilité que tout système d’information, qui permet de rendre des comptes, facilite. Elle est renforcée par la possibilité de lier des facteurs incitatifs (rémunération ou promotion) à la réalisation, ou au respect, des objectifs préalablement définis et déclinés sous forme de budgets. La croissance d’une Organisation entraîne l’impossibilité, pour le dirigeant, de tout voir et de tout connaître. A terme, si la centralisation des décisions demeure excessive, la prise de décision tend à être coupée des réalités de l’environnement et des circonstances rencontrées par le service concerné. La délégation de responsabilité constitue donc la réponse normale à la croissance de toute Organisation. Néanmoins, qui suppose délégation d’un pouvoir de décision ou d’exécution, suppose en retour que le responsable concerné dispose de ressources pour accomplir sa mission. De surcroît, le responsable d’un service continuant d’agir au sein de l’Organisation, et en collaboration avec les autres services de l’Organisation, il est nécessaire qu’il existe une cohérence entre les différentes ressources octroyées à chaque responsable de service, ou d’activité, et les objectifs qui ont été définis tant pour chaque responsable que pour l’Organisation dans son ensemble. Le système budgétaire, par l’affectation de sous-budgets qu’il autorise, facilite cette décentralisation de la prise de décision et la délégation de responsabilité qui l’accompagne. En effet, les ressources affectées peuvent être évaluées et suivies sous forme monétaire, ce qui en facilite la comparabilité et la consolidation. Il faut néanmoins prendre garde à ne pas mettre en œuvre un découpage budgétaire trop poussé qui pourrait avoir des impacts négatifs. Il est assez fréquent, dans les entreprises, sous prétexte de donner des

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responsabilités à chacun, de multiplier de manière excessive les centres de responsabilité budgétaire. Certaines entreprises ont ainsi privilégié les intérêts particuliers de tel ou tel salarié en lui octroyant un centre budgétaire dépourvu de toute signification économique (par exemple, une section budgétaire « douches » ou « espaces verts »). De surcroît, la multiplication des sections budgétaires entraîne un besoin de regroupement pour disposer d’une base d’analyse pertinente économiquement. Cela implique nécessairement une perte de temps et de compréhension du système pour le contrôleur budgétaire. Les individus disposant d’une certaine latitude dans leurs fonctions, dans le choix des activités à entreprendre, dans la façon de les réaliser ou dans les décisions qu’ils prennent vis-à-vis des tiers extérieurs à l’Organisation et qui sont susceptibles d’engager l’Organisation, il est nécessaire de disposer d’un système d’incitation ou de sanction pour que ce pouvoir, dont disposent certains employés au sein de l’Organisation, soit bien employé au bénéfice de l’Organisation ellemême et non au profit d’intérêts particuliers ou catégoriels. La mise en place de systèmes de rémunération comprenant une partie variable, liée à la réalisation des objectifs assignés par l’Organisation au responsable de service ou d’activité, ou impliquant le respect des ressources octroyées pour remplir la mission définie, permet de générer un lien entre les intérêts particuliers des employés et l’intérêt général de l’Organisation. Les systèmes les plus simples prévoient ainsi l’obtention d’une prime pour le responsable d’atelier, ou pour l’ensemble du personnel de l’atelier, si les objectifs définis dans le budget sont respectés (qu’il s’agisse d’un certain volume de production à atteindre, d’un taux de conformité des pièces à respecter, des délais de production à tenir ou de tout indicateur simple ou composite de performance).

D. – les créanciers Un des acteurs majeurs des Organisations est le groupe constitué par les créanciers. A l’inverse des associés, actionnaires et adhérents, qui détiennent un pouvoir essentiel dans la détermination des objectifs stratégiques de l’Organisation, les créanciers ne sont pas directement impliqués dans l’orientation stratégique de l’Organisation, dans la mesure où ils ne détiennent pas le pouvoir de nommer ou d’élire les membres du conseil d’administration.

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Pour les créanciers qui apportent des capitaux, la rémunération fait l’objet d’un document contractuel fixant tant le montant de la rémunération (le taux d’intérêt) que les modalités (la périodicité et le montant des remboursements). Le risque principal, que supportent ces prêteurs, est celui de non-respect des engagements contractuels. Dans la plupart des législations nationales ou internationales, l’omission d’une échéance entraîne, sur demande de l’un des créanciers, la mise en cessation de paiement et l’intervention des autorités judiciaires pour assurer le remboursement des dettes contractées mais également pour favoriser le maintien de l’activité et, en particulier, réduire au minimum les licenciements. Après les apporteurs de capitaux propres, les prêteurs de capitaux supportent, théoriquement, le risque essentiel de cessation de paiement. Ce dernier se matérialise quand un de leur débiteur n’est plus en situation d’honorer, à une date donnée, une échéance comprenant tant le paiement des intérêts que le remboursement d’une partie du capital emprunté. L’existence d’un système budgétaire offrant une simulation de la situation future de l’Organisation permet aux institutions financières de disposer d’éléments (émanant de l’Organisation elle-même, ce qui réduit la crédibilité de tels documents) facilitant l’évaluation de la capacité de l’Organisation à faire face à ses échéances, en matière de dettes financières. De surcroît, l’existence d’un système pérenne de contrôle budgétaire permet à l’organisme financier d’évaluer, sur le moyen terme, la crédibilité des prévisions budgétaires de l’Organisation et d’apporter ainsi une note de « rating » au risque de non-respect des prévisions budgétaires et surtout au risque de cessation de paiement. Dans la pratique, les institutions financières essaient de se protéger des risques de défaut de paiement en obtenant des garanties sur les prêts jugés risqués ou en prévoyant des clauses de remboursement anticipé si certains ratios de solvabilité ne sont pas respectés. Le risque de défaut de paiement est alors reporté sur les autres créanciers que sont principalement les fournisseurs de biens et services (les employés et les organismes sociaux bénéficient la plupart du temps de privilèges dans le recouvrement de leurs créances).

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encadré 3.2. le rôle des budgets dans l’information des administrateurs d’une coopérative. Dans une coopérative de commercialisation, les coopérateurs sont engagés à double titre. Ils le sont en tant que fournisseurs et ils le sont en tant qu’adhérents engageant le montant de leur apport au capital social. Les évolutions du marché et les conditions climatiques peuvent parfois amener une coopérative à gonfler ses stocks de façon importante. Ainsi, à la suite de la tempête de décembre 1999, les coopératives forestières ont accru de façon très forte l’exploitation des chablis (les bois sinistrés par la tempête), ce qui a entraîné un doublement ou un triplement du volume de bois exploités par rapport aux volumes habituellement constatés. Les transformateurs (scieurs, papetiers, palettiseurs) ont acquis une partie de ces bois supplémentaires en se constituant des stocks à bon marché. Néanmoins, à la fin 2000 et à la fin 2001, une partie de ces stocks n’était toujours pas résorbée. Pour financer ces stocks de bois, et éviter l’effondrement total des cours, le gouvernement a massivement consenti des prêts bonifiés aux différents intervenants sur la filière. Les coopératives ont donc observé un gonflement de leur total de bilan, tant à l’actif par l’accroissement des stocks qu’au passif par l’apparition d’emprunts très importants. Ces « emprunts tempêtes » avaient une durée relativement courte puisqu’ils devaient souvent être remboursés dans les trois ans, avec parfois un différé de remboursement d’un an ou deux. La question principale des coopérateurs porte sur la capacité de leur coopérative à dégager suffisamment de liquidités pour assurer le remboursement de ces emprunts. Les flux de liquidité récurrents sont souvent sans commune mesure avec les échéances à venir (à titre d’exemple, ces emprunts tempêtes peuvent représenter 1 million d’Euros à rembourser sur deux exercices alors que les flux de liquidité habituellement dégagés s’élèvent à moins de 100.000 € par an). L’enjeu pour la coopérative est d’arriver à écouler ses stocks (sans pour autant cesser son activité habituelle d’exploitation qui lui permet de couvrir ses coûts de structure) pour les ramener à un niveau proche des niveaux historiquement constatés. Sur le papier, la solu-

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tion du problème est simple, puisqu’il suffit de diminuer les stocks de 800.000 € pour que les échéances des emprunts soient honorées. En pratique, la pression pesant sur les coopératives est très forte puisque, dans le cas extrême, la coopérative peut se retrouver en cessation de paiement. Pour un coopérateur, cela signifie la perte de sa participation au capital, mais aussi et surtout la perte de ses débouchés. Le suivi des budgets est donc un instrument essentiel pour s’assurer de la capacité de la coopérative à faire face à ses engagements. En l’occurrence deux indicateurs doivent être particulièrement observés: le niveau des stocks (détaillés selon la nature des stocks), et le niveau des liquidités par rapport aux échéances immédiates. Le système budgétaire est apprécié à travers sa capacité à fournir une vision globale de l’Organisation. Les institutions financières et les autres créanciers ne sont pas concernés par le détail des systèmes d’information mais par leur aptitude à fournir une consolidation d’un ensemble de situations particulières susceptibles de mettre en cause la pérennité de l’Organisation. Si les institutions financières peuvent exiger certains documents budgétaires, les autres créanciers vont généralement se limiter aux informations annuelles publiées, voire vont se rapprocher d’institutions financières spécialisées dans l’évaluation du risque d’insolvabilité des entreprises. Pour les entreprises, les banques vont se baser sur la situation actuelle et sur les prévisions budgétaires pour décider de l’octroi ou du renouvellement des concours bancaires courants. De même, dans la décision d’octroi d’un crédit à moyen ou long terme, les banques peuvent demander à connaître l’impact de l’investissement sur la rentabilité de l’entreprise et sur sa capacité à dégager des flux de financement susceptibles de couvrir les échéances de remboursement de l’emprunt. Pour les associations, la réalisation de prévisions budgétaires permet aux organismes financiers d’évaluer la pérennité des recettes attendues ainsi que leur origine, et ainsi d’évaluer la sensibilité de l’association aux variations éventuelles de son environnement. Dans le cas des collectivités locales, les prévisions budgétaires permettent de déterminer l’aptitude de la collectivité à dégager une capacité d’autofinancement susceptible, tant de financer les investissements estimés nécessaires, que de rembourser les échéances d’emprunt. En évaluant la part des recettes consacrées aux dépenses de fonctionne-

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ment, et en connaissant le montant de la dette restant due par la collectivité, il est ainsi possible de calculer, toutes choses étant jugées égales par ailleurs, le nombre d’années nécessaires pour assurer le remboursement intégrale de la dette. Le risque des institutions financières est non seulement celui de la cessation de paiement, c’est-à-dire qu’une Organisation, à un instant donné, refuse ou ne soit plus en situation d’assumer ses échéances; mais il est aussi qu’une Organisation n’ait plus la capacité à moyen ou long terme de rembourser la totalité de ses créanciers. En effet, le recours permanent à l’emprunt peut permettre à une Organisation de retarder la date de la cessation de paiement, en espérant qu’un événement imprévu vienne modifier le cours des choses et lui permette de recouvrer la capacité à faire face à ses engagements. Théoriquement, l’insolvabilité à long terme d’une Organisation peut ne jamais se traduire par une cessation de paiement, aussi longtemps qu’il existe des institutions financières susceptibles de refinancer des emprunts existants. Mais, s’agissant d’une spirale croissante, le poids de l’ajustement est d’autant plus douloureux qu’il a été reporté plus longtemps. Les systèmes d’information et de reporting, en rendant compte dans des délais rapides de l’évolution de la situation financière de l’Organisation concernée, autorisent une réaction plus rapide des créanciers et réduisent donc, in fine, le coût des ajustements à supporter.

E. – les autres tiers Il s’agit des tiers qui ne sont pas directement impliqués dans le fonctionnement de l’Organisation mais qui, pour des raisons souvent légales, sont conduits à exercer un contrôle sur l’Organisation concernée, ou à exercer un droit de regard en vertu de subventions octroyées, ou pour toute autre raison. Dans le cas des organismes publics, les systèmes budgétaires constituent un des éléments essentiels de contrôle par les autorités de tutelle ou par les organismes chargés de contrôler la légalité des décisions prises et le respect des procédures. Ainsi, pour les collectivités locales, le budget fait l’objet d’une transmission aux services de la préfecture qui en examinent (sommairement) la cohérence. S’agissant d’Organisations intervenant dans le domaine public, et pour le compte des citoyens, le système budgétaire est l’instrument essentiel pour s’assurer que l’intérêt public est, sinon respecté, du moins non bafoué.

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Ce contrôle, assuré par les autorités de tutelle, explique que les systèmes budgétaires des collectivités publiques soient soumis à des règles de procédures très strictes. En effet, pour que le contrôle public soit réalisable à moindre coût, les systèmes budgétaires doivent être comparables entre eux, pour mettre en évidence les collectivités offrant des taux de déviance élevés par rapport aux autres collectivités de même nature et de même taille. On retrouve, d’ailleurs, cette tendance à l’uniformisation des systèmes d’information au sein des grands groupes internationaux ayant mis en place des procédures de reporting destinées à fournir rapidement une vision synthétique, mais réelle, de l’activité et de la situation de l’ensemble du groupe. La différence essentielle réside dans le processus de détermination des règles à respecter qui, dans le cas des groupes internationaux, ne dépend que d’un service central de contrôle de gestion, alors que, dans le cas des collectivités publiques, la détermination des procédures à respecter obéit, en France, au vote des lois et à la détermination des règlements applicables dans tous les cas de figure. Il est donc évident que, dans le cas des collectivités locales, l’aptitude à envisager le système budgétaire sous un angle différent de celui fixé par la loi et les décrets d’application n’est pas encouragée, bien qu’il soit possible de concilier tout à la fois respect de la législation et mise en place d’un système de contrôle budgétaire qui soit pertinent pour la collectivité locale concernée. Ponctuellement, certains acteurs externes à l’Organisation peuvent être concernés par les informations issues des systèmes budgétaires ou de reporting. Il en est notamment ainsi quand une Organisation recherche des subventions pour la mise en place d’un projet spécifique. Qu’il s’agisse de l’Union Européenne, de la France, de la région, du département ou de toute autre collectivité, il est généralement demandé un budget indicatif faisant ressortir les incidences financières du projet. L’existence, au sein de l’Organisation, d’un système budgétaire fiable facilite l’élaboration de tels documents. Dans le cas d’un plan de reprise d’activité, les repreneurs sont normalement conduits à déposer auprès du tribunal un projet de reprise comportant une partie de prévisions budgétaires sur les modalités financières de la poursuite de l’activité.

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section II l’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication La mise en place d’un système de reporting et de contrôle budgétaire ne peut faire abstraction des moyens techniques de traitement et de diffusion de l’information qui sont à sa disposition. Un certain nombre des grandes évolutions auxquelles nous assistons sont directement liées à l’évolution de ces outils, lesquels sont eux-mêmes étroitement corrélés à l’évolution de l’environnement économique global. L’accélération des flux de capitaux, la rapidité de propagation des crises financières sont en grande partie dues au développement des nouveaux moyens de transmission de l’information. L’instabilité de l’environnement, qui n’est pas nouvelle, mais qui présente la particularité de ne plus être circonscrite à une zone géographique, oblige les Organisations à disposer d’outils d’information fiables et rapides pour y réagir et mettre en œuvre les décisions stratégiques adéquates. Pour disposer de cette information, les Organisations recourent de plus en plus à des bases de données complexes, qui concentrent toute l’information disponible et à partir desquelles il est possible d’effectuer des requêtes, pour disposer de l’information la plus adéquate par rapport aux questions abordées. Ces bases de données sont le plus souvent gérées par des logiciels baptisés ERP (Enterprise Resources Planning). Les nouveaux moyens de communication, que sont notamment les réseaux informatiques, permettent tant de collecter cette information que de la diffuser. L’intégration interne se fait par la mise en place de réseaux « Intranet », alors que la communication avec des tiers externes se fait par le réseau Internet.

§ 1. – l’intégration des systèmes d’information : les ERP (Enterprise Resources Planning) Tout comme la comptabilité analytique a évolué vers la comptabilité de gestion par activités en mettant l’accent non plus sur le calcul des coûts par produits ou services mais sur le suivi des ressources mises en

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œuvre et consommées pour obtenir les produits et les services attendus par les clients, les logiciels de gestion se sont de plus en plus orientés vers le suivi des ressources à tous les stades de leur acquisition, de leur développement ou de leur consommation. Ce suivi n’a été rendu possible que par la constitution de gigantesques bases de données intégrant les différentes caractéristiques des ressources suivies.

A. – le rôle central des bases de données La caractéristique des bases de données actuelles est de ne plus être alimentées au coup par coup, mais de se situer dans une logique globale, où leurs entrées résultent de procédures liées au fonctionnement de l’Organisation. De manière générale ces entrées sont les suivantes : • La gestion des commandes clients : les demandes des clients génèrent des saisies informatiques qui viennent alimenter des fichiers de commande clients et qui, une fois validées, entraînent la mise en production du bien ou du service considéré, ou son acheminement de son lieu de stockage vers le lieu de livraison indiqué. Le retour du bon de livraison, ou la saisie du numéro du lot de production, entraînent également la mise à jour des fichiers informatiques, qu’il s’agisse des fichiers de stocks, des factures clients ou des enregistrements comptables. • La gestion des approvisionnements : une partie des approvisionnements peut découler directement de la gestion des commandes clients, si la validation informatique d’une mise en production met à jour automatiquement le fichier des matières et fournitures nécessaires, et entraîne l’émission d’un bon d’achat. Pour les autres acquisitions, la saisie du bon de commande, puis sa validation lors de la réception des produits ou des services, et sa confrontation avec la facture fournisseur lorsque celle-ci est reçue, mettent à jour un certain nombre de fichiers, dont les enregistrements comptables, et génèrent l’émission des moyens de règlement. • La gestion de production : la saisie des données opérationnelles sur les temps de traitement, les opérations effectuées, le nombre de produits fabriqués et conformes, vient alimenter les bases de données liées à la gestion du personnel (par exemple, pour connaître le montant des heures complémentaires par employé), les bases de données liées aux stocks (qu’il s’agisse des sorties de matières et fournitures, des entrées de produits finis ou de mouvements sur les productions en cours), etc.

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Pour les besoins du contrôle budgétaire et du reporting, ces bases de données sont d’une très grande importance. Elles permettent de disposer des sources d’information à l’origine des écritures comptables, sans avoir nécessairement à attendre la sortie des états comptables ni devoir effectuer des retraitements dus aux particularités comptables non directement liées à la gestion. Ainsi, la connaissance des bases de données et des liens les unissant peut permettre non seulement de disposer du carnet de commande de l’entreprise, mais aussi du taux d’utilisation prévisionnel pour les différentes machines ou ateliers.

B. – l’utilisation des ERP Les ERP sont des logiciels visant à gérer la totalité des ressources de l’Organisation. En pratique, il s’agit fréquemment de modules prenant en charge différentes fonctions de l’entreprise, mais de modules reliables les uns aux autres pour permettre, in fine, la mise en place d’un système de gestion des ressources véritablement intégré. La difficulté de mise en place d’un ERP dépend de deux facteurs principaux : • Le premier est l’adaptation à la structure organisationnelle de l’entité. Pour être efficace, un ERP doit coller au fonctionnement organisationnel et au déroulement des différents processus. Il est donc indispensable d’avoir, au préalable, effectué une analyse des processus clés de l’Organisation, de l’imbrication des différents centres d’activité, et d’avoir défini les indicateurs essentiels tels que la nature des inducteurs d’activité. • Le second est le paramétrage des différentes tables de données et le lien avec les bases de données permanentes. De nombreuses informations sont pérennes. D’autres proviennent de sources différentes. Pour pouvoir exploiter toutes ces données conjointement, le logiciel doit disposer de références permettant une identification des données communes. L’exemple le plus simple est bien entendu le paramétrage des données clients. Pour que toutes les informations afférentes à un client puissent être extraites simultanément, il est nécessaire de disposer d’une codification client garantissant que toutes les transactions afférentes à ce client (de la prise de commande à la facturation en passant par la mise en production et la livraison) sont enregistrées sous la même codi-

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fication. Il s’agit, bien entendu, d’un travail considérable et toujours inachevé puisque l’Organisation se situant dans une dynamique, il convient de s’adapter régulièrement aux modifications de son environnement ou de ses processus. Pour les dirigeants, l’utilisation d’un ERP est théoriquement la garantie de pouvoir disposer, à tout moment, d’une information détaillée sur les points qui posent problème. La multiplication de l’information disponible implique automatiquement, par contrecoup, une hiérarchisation de cette information pour ne faire ressortir que les points déterminants. Néanmoins, pour éviter que les dirigeants ne soient déconnectés de l’évolution réelle de leur Organisation et, pour garantir la fiabilité de l’information fournie, il doit être possible, à tout moment, de fournir le détail d’une information synthétique et, à partir de l’une des transactions, d’étudier toutes les transactions présentant les mêmes caractéristiques ou symptômes. Avec l’essor des systèmes de gestion intégrés, les entreprises ont tiré partie de la puissance de ces systèmes pour construire des architectures budgétaires de plus en plus complètes, mais aussi de plus en plus lourdes à gérer. Un programme de gestion informatisé peut gérer un nombre impressionnant d’entités budgétaires, sur lesquelles des règles de gestion et d’autorisation très fines peuvent être mises en œuvre. La tentation est grande, sous prétexte que ces systèmes sont performants (et ont coûté très cher à installer), de tout contrôler, ce qui, intellectuellement, est très satisfaisant mais pratiquement impossible à gérer. Du coup, il n’est pas rare que, face à des demandes récurrentes d’autorisation de dépense générées automatiquement par le système, tel ou tel responsable budgétaire délègue à sa secrétaire sa signature électronique.

§ 2. – les implications organisationnelles L’utilisation de bases de données susceptibles de centraliser toutes les données de l’Organisation permet de satisfaire la plupart des besoins d’information des acteurs de l’Organisation. En revanche, cette centralisation des données a de nombreuses conséquences sur l’intégration des différents systèmes de traitement de l’information, et sur l’évolution de la structure organisationnelle.

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A. – l’intégration des fonctions de collecte et de saisie de l’information L’ERP modifie la manière de travailler des différents services. Dans une logique traditionnelle, chaque service est responsable de la totalité de sa chaîne de traitement de l’information. Bien évidemment, certaines données peuvent provenir d’autres services mais, à chaque fois, le contrôle des entrées est assuré par le service concerné. Dans une logique d’ERP, si chaque service continue d’alimenter des bases de données qui lui sont propres (schéma 3.8), ces bases de données sont interconnectées entre elles et certaines opérations saisies par un service peuvent venir directement affecter les bases de données d’un service distinct.

schéma 3.8. le rôle intégrateur de l’ERP Service commercial Module de suivi commercial

Service production Module de gestion de la production

Services administratifs Comptabilité Paie Achats Trésorerie

Commandes clients / Bons de livraison / Factures clients

Planification de la production / Suivi des lots de production / Suivi des temps de fabrication

ERP

Reporting et contrôle budgétaire

Factures fournisseurs / Fiches de paie / Règlements /etc.

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Ainsi, pour la facturation client: dans un système classique, le service commercial suit ses commandes et établit ses factures. Ces dernières sont ensuite transmises au service comptable (sous forme papier, ce qui implique une nouvelle saisie ou sous forme de fichier). C’est le service comptable qui détient la maîtrise de l’intégration des factures clients dans la comptabilité. La mise en place d’un ERP implique généralement la perte de cette maîtrise de l’intégration. C’est par un paramétrage judicieux des différents numéros de compte, par rapport aux types de ventes effectuées, que les transactions réalisées avec les clients viennent alimenter directement les journaux comptables. On peut d’ailleurs supposer que la fonction comptable sera amenée à évoluer très fortement, dans la mesure où une part importante des fonctions qu’elle assurait auparavant sera désormais effectuée au niveau de chacun des services opérationnels. De même, un travail important du contrôle de gestion consiste fréquemment à collecter l’information et à la remettre en forme pour la communiquer de façon lisible et synthétique aux décideurs. La mise en place d’un ERP, en permettant une centralisation de toute l’information disponible, va obliger le contrôleur de gestion à se recentrer sur ses fonctions essentielles. Il devra ainsi passer davantage de temps à réfléchir à la pertinence des indicateurs retenus, mais il devra également renforcer son rôle d’analyse et d’explication des principales évolutions observées et des principaux écarts calculés entre le réalisé et le prévisionnel. Le calcul et le traitement des données ne sont plus, en tant que tels, une source de valeur ajoutée pour l’entreprise.

B. – la décentralisation des fonctions de décision et de contrôle Cette centralisation de l’information s’accompagne paradoxalement d’une décentralisation croissante de la collecte de l’information. Mais, alors que dans les systèmes classiques, l’existence de différentes sources d’information permettaient d’assurer un contrôle sur la pertinence de l’information transmise, avec l’ERP, la source d’information est unique et ne peut donc pas être rapprochée d’une autre source d’information. Concrètement, dans le modèle antérieur, il était possible de rapprocher le fichier commercial des commandes clients du fichier comptable des factures de vente. Les écarts pouvaient être expliqués par des décalages temporels, des écarts de prix ou de quantités livrées. Avec les ERP, c’est le fichier des commandes clients qui vient alimenter le

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fichier des factures clients qui, lui-même, alimente la comptabilité. Les écarts sont directement corrigés à l’écran lors de la validation des différentes transactions. La fiabilité de la source initiale d’information est donc essentielle pour la pertinence globale du système d’information. Le traitement et la transmission des données faisant désormais l’objet de procédures standardisées (à travers le paramétrage des différents modules du logiciel ERP), les problèmes de contrôle interne deviennent encore plus prééminents qu’auparavant5 . De surcroît, non seulement la saisie de l’information doit être fiabilisée, ce qui passe par la mise en place de contrôles automatisés relativement classiques, mais surtout les opérateurs détiennent désormais un pouvoir considérable, dans la mesure où ce sont eux qui alimentent le système en informations, et que la défaillance de l’un d’entre eux entraîne le dysfonctionnement du système d’information dans sa globalité. Il n’est donc pas possible d’envisager la mise en place d’un ERP sans repenser, dans le même temps, les problèmes de responsabilisation des opérateurs et, par conséquent, de décentralisation de la prise de décision. Un employé n’est réellement impliqué dans son travail, que s’il en perçoit les enjeux et qu’il est acteur et partie prenante au fonctionnement de l’Organisation 6. On peut ainsi considérer que la mise en place d’un ERP, si elle conduit à une centralisation de l’information, doit, en retour, s’accompagner d’un accroissement de la décentralisation des fonctions de décision et de contrôle.

§ 3. – le reporting interne et externe Les nouvelles technologies sont principalement apparues, pour les citoyens, comme portant sur les moyens de communication. Pour les entreprises, et les autres types d’Organisations, la révolution technologique a surtout transformé le rapport géographique dans la collecte et le traitement de l’information. Le reporting financier, mis en place à partir d’une liasse mensuelle de consolidation, offrait l’avantage de pouvoir être transmis par courrier d’un bout à l’autre de la planète. Le 5 6

Audit et contrôle interne, 3 e édition, EMS. Crozier M. et Friedberg E. (1977), L’acteur et le système, Editions du Seuil.

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développement des réseaux de communication permet désormais de transmettre, en temps réel, des données informatisées d’un ordinateur à un autre, mais il permet également de travailler en temps réel sur des serveurs situés dans une zone géographique distincte. Les exigences de normalisation de l’information de gestion, dues en partie aux problèmes de transmission et de traitement de l’information, sont désormais moins pertinentes, dans la mesure où cette normalisation n’a plus lieu d’être a priori, puisqu’elle peut aussi bien être effectuée a posteriori à partir de la masse des données transmises par chacune des filiales du groupe et figurant au sein des bases de données centralisées. La communication des données peut porter sur deux types d’informations réparties selon les réseaux qui les acheminent. On peut distinguer entre les réseaux Intranet, qui gèrent les données internes au groupe, et les réseaux Internet, qui permettent la communication avec des entités ou des acteurs externes au groupe.

A. – la communication auprès des tiers De nombreux tiers sont concernés par la vie de l’Organisation et par les actions qu’elle entreprend. La législation impose généralement l’existence de comptes rendus, dérivés de la comptabilité générale, sur les réalisations de la période écoulée. Néanmoins, dans certains cas, il peut être important de disposer d’une vision a priori des grands axes de développement de l’Organisation. Dans les collectivités locales, les électeurs délèguent à leurs élus le pouvoir de réaliser, pour le compte de la collectivité, un certain nombre d’actions liées tant au fonctionnement qu’à la réalisation de projets. En raison de l’absence d’incitations directes pesant sur les élus, ces derniers peuvent entreprendre des projets qui sont parfois éloignés de la promotion de l’intérêt public. La construction et le vote du budget, qui, dans les collectivités publiques, entraînent aussi l’autorisation de réalisation des dépenses correspondantes, permettent aux électeurs de disposer a priori d’une information sur l’utilisation des recettes publiques. De même, dans les associations, l’établissement d’un budget permet un contrôle sur l’utilisation qui sera faite des fonds collectés par l’association. Il est évident que ce contrôle a priori n’a de sens que s’il s’accompagne d’un contrôle a posteriori des réalisations par rapport aux prévisions. Il permet néanmoins un renforcement de la protection des intérêts des tiers, qu’il s’agisse des électeurs d’une collectivité locale ou des adhérents d’une association.

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Dans les entreprises, la communication des prévisions budgétaires s’applique tant à l’égard des salariés responsables de services ou d’activités, qui bénéficient alors d’une vision synthétique sur la manière dont leur entreprise appréhende l’évolution de leur environnement et sur la manière dont elle compte s’y adapter pour atteindre ses objectifs, qu’à l’égard des associés ou des administrateurs qui peuvent ainsi mieux appréhender le déroulement des opérations de l’entreprise par rapport à la référence que constituent les prévisions. Quelle que soit l’Organisation, celle-ci dépend fréquemment de financements externes. La communication du budget ou de certains éléments synthétiques extraits du budget constitue, pour les banques, un élément essentiel dans la décision d’octroi de crédits à court terme ou dans le renouvellement des autorisations de concours bancaires. Le cas des introductions en Bourse a révélé, au cours des années 2000 et 2001, la difficulté à établir des prévisions à long terme et à s’y tenir. De nombreuses « start-up » dans les domaines des nouvelles technologies de l’information et de la communication ont ainsi fait miroiter des perspectives de croissance qui ne se sont jamais réalisées. La communication de certains éléments des prévisions budgétaires peut permettre aux investisseurs de bénéficier d’une vision plus réaliste des prévisions à court terme de l’entreprise et, surtout, en comparant les réalisations avec les prévisions, de se faire une opinion sur la capacité de l’entreprise à respecter ses prévisions et, ainsi, à atteindre ses objectifs stratégiques à moyen et long terme, malgré les fluctuations des marchés et de l’économie.

B. – les réseaux Intranet Le développement des réseaux Intranet permet d’étendre le bénéfice des ERP à des sites distincts. En effet, il est désormais possible de centraliser toutes les bases de données sur un serveur et d’utiliser les ordinateurs disséminés dans les différents sites comme des terminaux de saisie.

encadré 3.3. la mise en place d’un ERP et d’un réseau Intranet dans une coopérative forestière. Une coopérative forestière active sur une région a décidé de maintenir quatre sites géographiques distincts. Chaque site correspond à

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un bureau auquel sont rattachés une secrétaire et quelques techniciens forestiers. Un des sites assure de surcroît les différentes fonctions administratives (comptabilité, paie, trésorerie) propres à la coopérative dans son ensemble. Cette Organisation a été conçue pour permettre aux techniciens de conserver un ancrage géographique fort : chaque technicien est responsable d’une zone géographique délimitée. Le principal inconvénient de cette structure provient de la difficulté à obtenir rapidement une information sur la coopérative dans son ensemble. De surcroît, certains propriétaires forestiers peuvent détenir des forêts dans différentes zones géographiques et être ainsi au contact de différents techniciens, voire même de différents bureaux. De plus, les clients de la coopérative, c’est-à-dire les scieries ou les papetiers, contractent normalement avec la coopérative et non avec l’un ou l’autre des techniciens. Il convient de disposer d’une centralisation des informations pour permettre de coordonner efficacement les efforts des personnels de la coopérative. La mise en place d’un ERP a permis d’adopter un logiciel commun aux différents sites. Un contrat a été passé avec un opérateur téléphonique pour la mise en place d’un réseau de communication rapide avec un forfait mensuel d’heures de connexion pour l’ensemble des sites. Chaque site peut désormais saisir directement les opérations d’abattage, de débardage et d’enlèvement sur une base de données centralisée au siège administratif. Les clients figurent dans une base de données communes, de même que les propriétaires forestiers. Chaque secrétaire de site ne peut accéder qu’à certaines fonctions. Seule la responsable administrative du site a accès à l’ensemble des fonctions et à toutes les informations spécifiques au site. Le directeur de la coopérative peut désormais imprimer (ou afficher à l’écran), à tout moment, le volume des bois exploités selon la nature du produit (grumes, billons, stères) ou l’essence (chêne, hêtre, douglas, etc.). Il peut connaître le montant des ventes réalisées par la coopérative, par site, ou même par technicien. Il dispose également des informations sur les rémunérations versées ou dues aux différents prestataires de services ou aux propriétaires forestiers. La conception d’un tableau de bord, intégrant des données sur les volumes, les facturations et l’avancement des principaux contrats, est désormais facilitée. Pour la coopérative, cela signifie une prise de décision fondée sur une meilleure connaissance de son activité, mais cela

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permet aussi une réduction des temps de contrôle. En contrepartie, cela a impliqué un accroissement des ressources consacrées à l’informatique et à la communication. Du point de vue humain, cette organisation a supposé une plus grande implication des techniciens forestiers dans le suivi administratif des contrats, et un accroissement de l’effort de formation dispensé tant aux techniciens qu’aux secrétaires. Technologiquement, un réseau Intranet ne diffère pas d’un réseau Internet. Les principales différences résident dans l’accès à l’information. Un réseau Intranet suppose la mise en place de procédures de contrôle, notamment par l’existence de codes d’accès. Les risques liés à ce type de réseau sont principalement de deux ordres : • Qu’un tiers externe s’introduise dans le réseau et pirate des informations sensibles ou détruise certaines données. La protection contre ce piratage réside dans la mise à jour régulière des codes d’accès et dans l’existence de sauvegardes informatiques quotidiennes. • Qu’un employé introduise des données erronées dans le système. La principale protection réside dans l’existence d’un journal enregistrant toutes les transactions intervenues ainsi que l’auteur de chaque transaction, identifié par son code d’accès.

C. – le réseau Internet et les portails Le réseau Internet permet trois types d’application : • La messagerie : la fonction de courrier électronique facilite le transfert rapide de données d’une entreprise à une autre. Il est ainsi possible de transférer ou de récupérer des données déjà enregistrées chez l’un des tiers avec lesquels l’Organisation est en relation. • L’affichage d’informations sur un site : l’Organisation peut créer son site sur lequel elle indique différentes informations à destination des tiers intéressés qui viennent consulter le site. Le site Internet des grandes entreprises cotées est ainsi devenu un outil de communication à l’égard du personnel ou des clients, mais aussi à l’égard des actionnaires qui peuvent consulter les éléments clés relatifs à l’activité de leur entreprise. • L’interactivité : elle permet à des tiers externes d’agir indirectement sur le système d’information de l’Organisation. En effet, le site apparaît comme une passerelle entre le tiers externe et

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l’Organisation et, à travers différents filtres assurant la sécurisation des données, le tiers peut saisir des données qui viendront générer des transactions. L’exemple le plus simple est celui de la banque en ligne, où le client peut accéder à la situation de son compte et réaliser un certain nombre de transactions. En matière de système d’information de gestion, le développement des réseaux de communication permet désormais de relier non seulement les employés de l’Organisation mais, également, d’intégrer le système d’information de l’Organisation dans un système plus vaste. La gestion de trésorerie, à travers le rapatriement des données informatisées émises par l’établissement bancaire, constitue un des exemples des applications possibles. En contrepartie, il devient alors évident qu’une partie des informations de gestion provenant de tiers externes à l’entreprise, les systèmes de contrôle et de fiabilisation de l’information doivent être renforcés.

D. – les enjeux pour le reporting et le contrôle budgétaire Les systèmes d’information de gestion ne peuvent plus être conçus indépendamment des systèmes d’intégration de l’information. Les systèmes budgétaires ou de reporting classique s’appuient principalement sur la comptabilité. A ce titre, les grands groupes internationaux ont développé des procédures standardisées de reporting, où chaque filiale doit remplir, dans des délais très courts, des liasses d’information comptable permettant une consolidation de l’information et l’établissement de tableaux de bord financiers. Ces procédures apparaissent aujourd’hui lourdes et coûteuses, principalement en ressources humaines à travers le temps passé à alimenter ces liasses d’information. L’existence d’ERP permet de repenser la pertinence de l’information communiquée. Les démarches du type Balanced Scorecard, où l’entreprise n’est plus seulement appréhendée sous l’angle financier mais où d’autres indicateurs plus qualitatifs sont mis sur un pied d’égalité, sont rendues possibles par la mise en place de ces logiciels d’intégration de l’information.

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section III la théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction La théorie positive de l’agence appliquée à la gouvernance des Organisations repose initialement sur les travaux des professeurs Michael Jensen7 aux États-Unis et Gérard Charreaux8 en France. Elle fournit un cadre de pensée rigoureux, où un principal délègue à un agent la tâche d’accomplir pour son compte un certain nombre d’actions ou de fonctions, dont notamment de diriger une entreprise. La théorie des coûts de transaction repose sur les travaux initiaux de Ronald Coase 9 développés et formalisés ultérieurement par Oliver Williamson 10. Le contrôle budgétaire y apparaît comme un outil fondamental dans sa capacité à coordonner des transactions.

§ 1. – la délégation de fonctions Trois éléments conditionnent toute relation d’agence : un principal, un agent et une divergence d’intérêt (potentielle ou réelle) entre eux.

A. – le principal, celui qui délègue Dans sa forme la plus simple, le contrôle budgétaire est l’outil privilégié pour gérer cette relation d’agence entre un principal et un agent. Le principal délègue à l’agent une tâche à réaliser et il lui donne des moyens pour accomplir cette tâche. La tâche à remplir peut être matérialisée sous la forme de ventes à réaliser (si, par exemple, nous consiJensen M. C. (1998), Foundations of organizational strategy, Harvard University Press. Jensen M. C. (2000), A theory of the firm: Governance, residual claims, and organizational forms, Harvard University Press. 8 Charreaux G. (1987), « La théorie positive de l’agence: une synthèse de la littérature », in De nouvelles théories pour gérer l’entreprise, Economica. Charreaux G. et Pitol-Belin J.-P. (1990), Le Conseil d’Administration, Vuibert. Charreaux G. (sous la direction de), (1997), Le Gouvernement des Entreprises, Corporate Governance, Théories et Faits, Economica. 9 Coase R.H. (1937), The nature of the Firm, Economica, Vol.4, pp.331-351. 10 Williamson O. (1985), The economic institutions of capitalism, Free Press. Williamson O. (1996), The mechanisms of governance, Oxford University Press. 7

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dérons le cas d’un budget commercial), ou d’une production à effectuer (pour le budget d’un responsable d’usine ou d’un responsable d’atelier de production). Elle peut également être quantifiée sous une forme non monétaire. Par exemple, pour un service comptable, l’objectif peut être d’élaborer les comptes mensuels à J+5, de payer les fournisseurs dans le respect des échéances, de collecter les créances dues, etc. Les moyens alloués pour réaliser cette tâche prennent classiquement la forme d’un budget, au sens courant du mot, c’est-à-dire une allocation de ressources. Ce budget est généralement détaillé selon la nature des ressources prévues, en y surimposant éventuellement une analyse par fonctions ou par destinations selon la nature et la taille de la délégation. Un budget d’achat de fournitures scolaires pour un établissement scolaire ne peut pas être comparé au budget d’une usine de fabrication de colonnes de direction pour l’automobile. Comme nous l’avons expliqué dans les chapitres antérieures, le principal peut discuter des moyens alloués avec son agent, ce qui facilite et renforce l’implication de celui-ci dans la réalisation de sa tâche et le respect des moyens alloués ; ou il peut agir de façon plus discrétionnaire, en imposant les montants budgétés sans tenir compte ni des contraintes spécifiques que peut subir l’agent ni, surtout, de la dimension psychologique de toute négociation.

B. – l’agent, celui qui agit Pour l’agent, le budget peut être source d’espace de liberté ou, au contraire, source d’enfermement. Il est espace de liberté quand les moyens obtenus permettent à l’agent d’accomplir sa tâche en lui conférant une relative autonomie dans la prise de décisions et dans les actions qu’il entreprend. Il est enfermement quand, en raison du mode de calcul des moyens alloués, il impose à l’agent soit de résoudre la quadrature du cercle, soit de devoir en permanence solliciter des rallonges budgétaires pour accomplir son action.

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encadré 3.4. contrôle budgétaire et budget des enseignants-chercheurs Cette discussion apparemment théorique sur la nature des moyens budgétaires se traduit de façon très forte dans l’efficacité du travail des enseignants-chercheurs universitaires. Pour accomplir leurs missions ces derniers doivent nécessairement engager des dépenses, ne seraitce que pour assister à des colloques, rencontrer des collègues, adhérer à des associations professionnelles, voire même parfois soumissionner à des revues (certaines revues exigent en effet le paiement de droits pour qu’un article soit soumis à révision et éventuellement publié). Le système universitaire français offre des budgets au niveau de la présidence des Universités, des services communs, des UFR, des instituts, des écoles doctorales, des équipes de recherche et des chaires (quand elles existent). Ces budgets ont donc un caractère collégial et l’engagement de dépenses est soumis à l’approbation du responsable (nommé ou élu) de ces équipes, écoles ou instituts. Chaque déplacement doit ainsi faire l’objet d’une approbation préalable. Selon les circonstances, la composition des équipes, les rapports humains, la disponibilité des ressources, les demandes pourront être satisfaites ou refusées, parfois de façon légitime, parfois sur des critères plus subjectifs. Au Japon, mais également dans de nombreuses institutions universitaires à travers le monde, chaque enseignant-chercheur se voit attribuer un budget personnel qu’il peut engager à sa guise en acquérant des ouvrages, participant à des colloques, invitant des collègues, etc. Évidemment, en fin d’année, chaque enseignant-chercheur remet une note justifiant des dépenses effectuées avec son budget. Le système français offre l’avantage d’éviter en apparence l’engagement de dépenses jugées inutiles (puisqu’il existe un contrôle a priori). En réalité, ce système aboutit au principe bien connu que, quand les moyens sont là, il faut les dépenser, y compris pour des choses inutiles ou de peu d’intérêt, car on ne sait de quoi demain sera fait. Un ‘tiens’, même inutile, est considéré comme préférable à un ‘peut-être’ qui de toute façon ne dépend pas de l’agent. A l’inverse, le système japonais repose sur un contrôle a posteriori qui laisse une plus grande marge de liberté à l’enseignant-chercheur.

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Selon les Organisations auxquelles on s’intéresse, on s’aperçoit ainsi que le système de contrôle budgétaire est perçu comme le système de contrôle par excellence (on ne peut pas faire un pas sans demander la permission) ou comme, à l’inverse, le système qui favorise la prise d’initiatives tout en garantissant une maîtrise des ressources engagées.

C. – la divergence d’intérêts Bien utilisé, le budget semblerait un outil indispensable pour favoriser la prise d’initiatives de la part de l’agent tout en permettant au principal de conserver un contrôle global et d’assurer la coordination des actions entreprises par les différents agents qui dépendent de lui. Malheureusement, la situation n’est pas toujours idyllique et il peut également exister des divergences d’intérêt entre les attentes du principal et les objectifs poursuivis par l’agent. Le principal peut accorder un budget à ses commerciaux et s’apercevoir que celui-ci est davantage utilisé pour corrompre des interlocuteurs que pour mettre en place des actions de communication. De même, les voyages d’études et autres colloques peuvent se transformer en séjours touristiques. C’est pourquoi le contrôle budgétaire n’a pas qu’une seule dimension, celle de l’octroi de moyens, mais il inclut également l’analyse des réalisations. Bien plus, le contrôle budgétaire ne peut pas se limiter uniquement à l’analyse des écarts, mais il doit également porter sur la nature et l’objet des ressources engagées. De façon générale, plus la délégation est importante et plus le contrôle budgétaire devra porter non sur le respect formel des budgets mais sur la réalité des réalisations. Le contrôle budgétaire rejoint alors le reporting dans sa fonction de rendre compte des décisions prises et des actions engagées.

§ 2. – la structuration du reporting Nous avons souligné que l’action de rendre compte (de reddition des comptes) émanait d’abord de celui qui agit, qui est l’auteur des actions et des décisions. Ce compte-rendu peut être littéral au sens d’un journal. Mais, s’agissant d’activités économiques, il est préférable qu’il soit structuré de façon à être comparable dans le temps et, éventuellement,

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dans l’espace (c’est-à-dire être comparable avec le compte-rendu d’Organisations similaires). Les informations contenues dans ce reporting doivent également être fiables, ce qui suppose que leur mode de collecte et de transcription soit lui-même normé et qu’il fasse l’objet d’un contrôle.

A. – la forme du reporting En matière de contrôle budgétaire, il n’existe pas de normes formalisées. Chaque Organisation est libre de concevoir son format, sa périodicité et, de manière générale, tous les éléments de son processus de contrôle budgétaire. Néanmoins, comme nous l’avons détaillé dans cet ouvrage, il existe des pratiques qui tendent à s’imposer même si, périodiquement, certaines d’entre elles sont remises en cause et, par conséquent, évoluent. En matière de reporting, il convient de distinguer selon les destinataires du reporting. Alors que, pendant des décennies, le reporting interne était clairement distingué du reporting externe, cette distinction tend à s’atténuer. Dans le passé, la comptabilité générale était un outil d’information très normé qui avait pour objet, particulièrement en France avec le plan comptable général, de fournir une information comparable et fiable susceptible de servir de base au calcul des impôts et taxes et de permettre un pilotage macroéconomique par les services de l’État. Avec les évolutions des systèmes d’information, la distinction entre information externe et information interne est devenue moins pertinente. La généralisation des logiciels intégrés, qui associent la comptabilité à la gestion de production et qui s’appuient sur d’énormes bases de données, a radicalement modifié la nature de l’information et son traitement. Celle-ci a désormais un caractère incrémental, c’est-à-dire que toute information s’appuie sur une information déjà présente dans les bases de données. Par exemple, la facturation d’un client nécessite que les caractéristiques de ce client aient été renseignées au préalable, soit par saisie soit par transfert d’information. De même, les sorties de produits sont de plus en plus générées par la lecture de codes à barre ou par l’utilisation de puces électroniques. Chaque sortie fait alors référence aux caractéristiques du produit qui ont été saisies ou transférées précédemment. La comptabilité générale n’est donc qu’un sous-produit du système global d’information de gestion. Cette évolution a été intégrée par les

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normes comptables internationales 11 qui ont évolué d’une logique de reddition des comptes sur la base du coût historique, vers une reddition des comptes sur la base de la juste valeur. L’information comptable sert toujours à normer la reddition des comptes, mais celle-ci ne s’appuie plus sur des coûts historiques, souvent obsolètes, mais sur des évaluations essayant de mieux rendre compte des phénomènes économiques sous-jacents mis en œuvre par les décisions et les actions des dirigeants de l’Organisation. De surcroît, alors que les deux dernières décennies ont vu un raffinement progressif, mais très significatif, des normes comptables privilégiant les valeurs de marché, on assiste désormais à des demandes d’information moins monétaires et parfois même qualitatives. Les rapports de développement durable, qui n’en sont encore qu’à leur balbutiement, concourent à cette production d’informations plus variées et répondant aux attentes d’acteurs multiples, appréhendés sous la dénomination de parties prenantes. Le reporting prend donc un aspect polymorphe qui dépend étroitement de la nature des destinataires. Certaines informations peuvent privilégier le format monétaire, et ce sera le cas de l’information budgétaire, d’autres au contraire peuvent privilégier des indicateurs qualitatifs ou quantitatifs mais non monétaires : la proportion de femmes occupant des postes de direction, l’échelle des salaires, le respect des normes internationales de travail, la quantité de CO2 rejeté par les activités de production, etc. Par son aspect polymorphe, l’information contribue sans doute à mieux réduire les coûts d’agence entre le principal et l’agent, que l’on se situe au sein de l’Organisation ou dans les relations entre l’Organisation et ses parties prenantes externes.

B. – les exigences de contrôle interne Une information transmise n’a de pertinence, pour celui qui l’émet et pour celui qui la reçoit, que si elle s’appuie sur des processus de contrôle interne garantissant son mode d’obtention et de transmission 12. L’information transmise de l’agent au principal ne doit pas être altérée au cours du processus de transmission. L’information initialement colNormes comptables internationales et gouvernance des entreprises : le sens des normes IFRS, 2e éd. 12 Audit et Contrôle interne, 3 e éd. 11

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lectée par l’agent doit résulter de sources identifiables et doit faire l’objet d’une traçabilité par rapport à l’événement, la décision, ou l’action qui l’a générée (schéma 3.9).

schéma 3.9. les processus de collecte et de transmission de l’information Acteurs (principal), Organisations, Institutions

Acteur (agent)

Transmission de l’information

Gère et Contrôle Collecte de l’information

Base de données

Information X

Processus de perception et de transcription

Information Y

Evénement : phénomène économique (ou éventuellement social)

La polymorphie des processus de reporting a considérablement accru les exigences de contrôle interne. Ce dernier ne peut plus se cantonner aux seules informations comptables, mais il doit également permettre de fiabiliser le reporting lié à la responsabilité sociale des entreprises et au développement durable.

C. – les normes d’audit Avant l’intégration des systèmes d’information, il était possible de recouper les informations pour s’assurer de leur pertinence ou de leur véracité. On pouvait ainsi comparer des informations comptables (par exemple, le chiffre d’affaires enregistré au cours d’un mois) et des informations commerciales (le volume des ventes du mois), ou de pro-

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duction (le volume des sorties de stock de produits finis). Avec l’évolution des technologies de l’information, ce type de contrôle ne vise qu’à s’assurer de l’imperméabilité du système d’informations (que des informations ne soient pas égarées dans le processus de traitement). La distinction entre information interne et externe permettait de valider l’information externe par comparaison avec l’information interne (et inversement). L’auditeur pouvait ainsi valider les informations comptables en les rapprochant d’autres sources d’information extra-comptables, mais utilisées pour des fins de gestion interne des transactions. La réorganisation des processus de reporting selon la nature de l’information oblige à repenser, non seulement les procédures de contrôle interne à mettre en œuvre, mais également la nature des risques sousjacents. Le reporting environnemental prend progressivement une place de plus en plus importante. L’émergence d’un marché des droits à polluer implique des exigences informationnelles considérables sur les processus de production mis en œuvre, sur la nature et l’origine des ressources consommées. D’un audit des processus comptables (au sens juridique du mot), on évolue vers un audit des processus de reporting, que ce dernier soit principalement financier ou qu’il englobe également d’autres aspects plus environnementaux.

§ 3. – les mécanismes de réduction des coûts d’agence Le reporting constitue un élément essentiel pour réduire l’asymétrie d’information entre le principal et l’agent. Si le reporting peut faire l’objet d’une normalisation dans sa forme, dans les mécanismes de contrôle interne qui en garantissent la fiabilité, ou dans les procédures d’audit qui permettent d’en certifier la teneur, il reste néanmoins étroitement dépendant de la volonté de l’agent de transmettre les informations pertinentes. L’agent peut, en effet, noyer le principal sous un déluge d’informations peu pertinentes, au milieu desquelles figurera, certes, l’information essentielle, mais sans la mise en relief qui la rend perceptible pour celui qui n’a pas une connaissance intime de l’Organisation. La plupart des grandes faillites ont inclus, au moins partiellement, ce type de pro-

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cédés. La plus marquante reste la faillite d’Enron en 2001 : toute l’information était disponible dans les comptes annuels, mais elle était noyée au milieu de tellement d’informations et présentée sous une forme si obscure qu’il était difficile d’en faire usage, a priori, sans une connaissance parfaite des métiers et de l’organisation d’Enron. La même remarque est restée valable pour la faillite de Lehman Brothers en 2008. Les engagements financiers, la nature des ressources disponibles et des crédits accordés étaient tous enregistrés selon les normes comptables mais le risque sous-jacent était peu perceptible. L’agent peut également transmettre une information tronquée ou incomplète, il peut omettre la transmission d’informations apparemment non significatives mais qui, pourtant, sont susceptibles de modifier l’appréciation portée par le principal sur les décisions prises ou les actions mises en œuvre. Ce peut-être le cas quand des signes avant-coureurs tendent à révéler l’échec ou l’incohérence d’une stratégie. L’agent peut souhaiter retarder l’instant où ses erreurs deviendront manifestes, en espérant que le cours des choses s’inversera. De manière générale, la relation d’agence naît de la divergence d’intérêt entre le principal et l’agent. Dans son approche la plus financière 13 , la théorie de l’agence tend à rechercher les mécanismes qui favoriseraient une communauté financière d’intérêt qui ne trouve son optimum que dans une fusion de l’agent et du principal. Dès lors, les solutions proposées visent à rétablir cette communauté d’intérêt en alignant étroitement l’intérêt de l’agent sur celui du principal.

A. – la rémunération Pour inciter l’agent à fournir une information pertinente au principal, la théorie de l’agence propose d’aligner la rémunération de l’agent sur la perception, par le principal, de la performance de l’Organisation (ou du service, ou de l’activité) dirigée par l’agent. Dans le cas d’une entreprise cotée, c’est la valeur de marché pour le principal, le cours boursier, qui servira de mesure de performance. En réalité, ce système de rémunération, sous son apparente simplicité, entraîne des effets pervers très importants. Loin d’inciter l’agent à fournir toute l’information pertinente dont il dispose, ce système incite l’agent à fournir toute l’information que le principal souhaite. Dans les Jensen, M. C., et Meckling, W. H. (1976), “Theory of the firm: Managerial behavior, agency costs, and ownership structure”, Journal of Financial Economics, 3: 305-360. 13

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cas d’Enron comme de Lehman Brothers, l’information fournie au principal (en l’occurrence les marchés financiers) dépeignait, pour l’année précédant la faillite, des entreprises performantes dégageant des profits solides et disposant de capitaux propres élevés. Les risques sousjacents, n’étant pas valorisés positivement par les marchés, étaient passés sous silence ou relégués au statut de notes de bas de page (théoriquement explicatives mais en réalité difficiles à interpréter). Au sein même d’une Organisation, le lien entre la rémunération et la nature des informations contenues dans le reporting a naturellement tendance à amoindrir la qualité des informations transmises. Il est donc loin d’être évident que cet accroissement de la rémunération incitative basée sur des indicateurs de reporting soit une bonne chose. Dans le domaine de la fonction publique, les primes versées aux policiers en fonction de l’obtention de certains niveaux de résultat ont pour effet de modifier les processus de collecte et de traitement de l’information. Certaines informations (dépôts de plaintes jugées sans fondements) ne seront pas enregistrées, d’autres seront reclassées afin d’aboutir au résultat souhaité par la hiérarchie. Dans le domaine universitaire, si les indicateurs de reporting conditionnent l’obtention de budgets pour la recherche ou l’enseignement, il existe de nombreuses stratégies visant à fournir les chiffres attendus tout en respectant les normes déontologiques les plus poussées.

B. – le risque de révocation Le risque de révocation de l’agent par le principal constitue une solution plus radicale au conflit d’agence. Mais, plus que sa réalisation, c’est sa possibilité de réalisation qui constitue une réelle mesure incitative. Ce pouvoir de révocation est la condition même de tout processus de reporting. En effet, si l’agent peut fournir les informations qu’il souhaite sans qu’il ne soit amené, un jour ou l’autre, à rendre compte personnellement des informations transmises, nous ne sommes plus dans le cadre d’une économie libérale mais dans un système discrétionnaire. Mais, le risque de révocation porté à une dose trop élevée peut également entraîner des comportements déviants. L’agent peut retenir certaines informations, ou les altérer, afin de conserver sa position. La peur n’est pas toujours un élément favorable pour la qualité de l’information transmise. Il existe donc un arbitrage entre la possibilité d’une révocation, qui est indissociable de toute responsabilité librement assumée et normale-

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ment rétribuée, et la pratique de révocations discrétionnaires visant à instaurer un climat de crainte. Dans l’affaire Enron, les procédures de reporting étaient en partie affectées par ce souci des agents de ne pas mettre en péril leur carrière en mentionnant des aspects considérés comme polémiques (par exemple le fait que le directeur financier d’Enron soit à la fois juge et partie dans la conclusion des transactions visant à déconsolider des actifs et des passifs14).

C. – la sélection des agents Le processus de sélection des agents a été moins étudié par la littérature économique, en raison d’une conception parfois excessive du concept d’opportunisme. Selon ce concept, les agents sont opportunistes et, s’ils en ont la possibilité, ils arbitreront en leur faveur, dès que le rapport coûts/ bénéfices leur sera favorable. Poussé à son extrême, ce principe peut légaliser les comportements délictueux dès lors que le bénéfice retiré de l’acte délictueux est supérieur au coût de la pénalité subie, pondéré par la probabilité de se faire prendre. Néanmoins, des études ont montré que, dans certaines professions, il existait un biais de sélection en faveur d’agents ayant certaines croyances ou présentant des comportements avérés. Dans la fonction publique française, il est ainsi nécessaire de disposer d’un casier judiciaire vierge pour exercer la plupart des métiers. Le reporting ne peut pas faire abstraction de la personnalité des agents qui le mettent en place. Il est également fortement affecté par la culture et les valeurs de la société dans laquelle il est mis en place. Le reporting en Suisse, ou au Japon, ne sera pas soumis aux mêmes aléas que le reporting dans un pays méditerranéen, africain, ou sud américain. Tout simplement, parce que les valeurs accordées à certains comportements ne sont pas les mêmes. Dans certains pays, l’entraide familiale ou tribale prime sur tout le reste, y compris la fiabilité des informations transmises. Dans d’autres pays, le concept d’honnêteté prime sur tout le reste. Indépendamment des échelles de valeur que tout un chacun peut adopter, il est nécessaire de tenir compte de ces phénomènes culturels dans la mise en œuvre du reporting.

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Gouvernance, contrôle et audit des Organisations, Economica.

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§ 4. – le contrôle budgétaire en tant qu’outil de coordination et d’allocation des ressources Le contrôle budgétaire permet d’allouer les ressources en fonction des objectifs poursuivis. La question fondamentale que soulève la théorie des coûts de transaction touche à l’internalisation / externalisation des transactions et à la pertinence de la réintroduction de mécanismes de marché par le bais des refacturations internes et des prix de cession interne.

A. – l’autorité hiérarchique Sur un marché, la coordination des processus et des activités et la répartition des ressources se font par la libre confrontation et négociation de l’offre et de la demande, et le prix sert de variable d’ajustement. Au sein d’une Organisation, l’existence d’une autorité hiérarchique permet une relative distanciation par rapport au prix. Comme l’ont montré la plupart des innovations technologiques, il est nécessaire, pour innover, de s’écarter dans un premier temps des informations immédiates fournies par les marchés. Le lancement, au début des années 2000, de la Toyota hybride était manifestement à contrecourant des informations véhiculées par les prix de marché à l’époque. Le prix du pétrole était faible et le volume de véhicules vendus n’a décollé que très lentement. Avec la flambée des prix du pétrole, à partir de la deuxième moitié des années 2000, Toyota est devenu un précurseur et le marché a commencé à valoriser ce qui apparaissait auparavant comme une utopie destinée à satisfaire les attentes d’une part très réduite de la clientèle. De même, avant qu’Apple ne lance sa tablette, la plupart des analyses n’accordaient pas grand crédit à cette technologie. Son succès a considérablement modifié la perception par le marché des produits de communication électroniques. Le contrôle budgétaire est l’outil de coordination central pour implanter et mettre en œuvre une stratégie, particulièrement quand celle-ci introduit une rupture par rapport aux perceptions du marché et implique la mise à disposition de ressources pour une longue période. La réalisation de prévisions budgétaires, qui s’apparente parfois davantage à un exercice de funambulisme qu’à une technique parfaitement maîtrisée, est indispensable pour obtenir des capitaux, que ce soit des actionnaires ou des institutions financières.

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B. – l’introduction de mécanismes de marché La théorie des coûts de transaction permet aussi d’interpréter la réintroduction de mécanismes de prix au sein des Organisations. En effet, si les Organisations souhaitent conserver le contrôle de certaines ressources ou activités, elles estiment parfois que leur capacité à gérer les transactions est moins efficiente que la gestion par un mécanisme de prix. Les Organisations vont alors réintroduire le marché de façon partielle. Si, la plupart du temps, elles réintroduisent un mécanisme de prix, ce dernier n’est plus déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande, mais la « main invisible » des marchés est remplacée par la « main visible » des dirigeants qui fixe le prix ou le mode de calcul du prix de cession interne. La frontière entre l’Organisation et le marché devient plus floue, puisque le marché n’est plus seulement à l’extérieur de l’Organisation mais il peut également s’immiscer dans les mécanismes internes. Le contrôle budgétaire est un outil particulièrement flexible pour intégrer cette présence de mécanismes partiels de marché tout en conservant l’autorité du décideur (le principal). Cette grande souplesse du contrôle budgétaire explique sans doute sa permanence dans le temps et dans l’espace. Que l’on dirige une association au Togo, une multinationale aux États-Unis ou un site marchand sur Internet, l’outil budgétaire s’avérera toujours indispensable.

C. – les possibilités de dévoiement du contrôle budgétaire Les collectivités publiques sont toutes astreintes à l’exercice de la prévision budgétaire puisque cette dernière conditionne l’ouverture des crédits nécessaires à leur fonctionnement. L’exemple des Universités est cependant assez représentatif d’un possible dysfonctionnement de ces procédures budgétaires.

encadré 3.5. prévisions et contrôle budgétaire dans les Universités D’un point de vue budgétaire, l’Université est considérée comme une entité. Autrement dit, c’est le budget voté par l’Université qui conditionne le recouvrement des recettes et l’autorisation d’engager des dépenses. Cependant, l’Université est elle-même composée de facultés (les UFR) et d’instituts (les IUT, les IAE, etc.), sans comp-

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ter les services rattachés directement (la présidence par exemple). Dans la logique budgétaire, ces facultés et instituts sont considérés comme des entités budgétaires qui élaborent et présentent un budget. Chaque budget est d’abord voté par le conseil d’administration de la faculté ou de l’institut correspondant avant d’être voté collectivement par le conseil d’administration de l’Université. On retrouve bien le schéma général d’élaboration budgétaire favorisant une certaine décentralisation des prévisions et rendant nécessaire une concertation avec les organes dirigeants. En fait, le système est dévoyé dès son origine. Les dépenses des facultés et instituts sont conditionnées par leurs recettes puisque chaque sous-entité doit présenter un budget en équilibre. Le volume des dépenses susceptibles d’être engagées dépend donc des recettes que la sous-entité indique à son budget. Du point de vue de la comptabilité publique, seul le budget de l’Université (qui englobe tous les autres budgets) est pertinent. Chaque sous-entité aurait donc intérêt à gonfler au maximum ses recettes pour disposer d’engagements de dépenses suffisants (voire superflus). Les recettes des facultés et instituts sont schématiquement de deux ordres: une dotation générale de l’Université (décidée par le conseil d’administration de l’Université dans le respect des fonds octroyés par l’État et la région, et du contrat quadriennal avec l’État et la région) et des recettes propres (droits d’inscription des étudiants notamment). Les facultés et les instituts ne maîtrisent pas leurs recettes (ou très imparfaitement puisqu’elles dépendent de décideurs externes: le nombre d’étudiants pour les droits d’inscription, les entreprises pour la taxe d’apprentissage). La solution couramment admise est de reporter en recettes le montant réalisé de l’année passée, sauf pour la dotation générale de fonctionnement qui évolue chaque année en fonction de la décision du conseil d’administration de l’Université. Autrement dit, les facultés et instituts peuvent s’assimiler à des centres de coûts, avec un objectif qui n’est pas de réduire les coûts de fonctionnement mais de les contenir dans l’enveloppe consentie (la sanction en cas de dépassement est la coupure immédiate et automatique des crédits et l’impossibilité d’engager des dépenses supplémentaires). La préparation du budget de ces unités budgétaires est principalement un exercice de répartition d’une enveloppe sur un certain nombre de lignes de crédit dont certaines obligatoires (la redevance aux services centraux de l’Université par exemple).

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Il existe donc un dévoiement total de la procédure budgétaire où, sous couvert de participation des différentes sous-entités et d’implication des personnels, il n’existe aucune réelle autonomie puisque, à l’intérieur de l’enveloppe de recettes autorisées, le seul exercice consiste à identifier les crédits qui seront favorisés. Plus qu’un exercice de prévision budgétaire, il s’agit d’un arbitrage entre différentes dépenses. Enfin, il convient de préciser que certaines ressources complémentaires apparaissent en cours d’année et ne peuvent pas être incluses dans le budget initial dans la mesure où, tant qu’elles n’ont pas été octroyées, elles ne peuvent pas être enregistrées. Le budget réalisé d’une faculté ou d’un institut est donc nécessairement différent du budget voté initialement en raison de ces nouvelles ressources et des crédits de dépenses qui peuvent être ouverts en cours d’année en contrepartie. L’État a tenté, par la réforme des Universités, de répondre en partie à ces dysfonctionnements. L’autonomie des Universités, en leur conférant des responsabilités élargies en matière budgétaire, doit permettre une plus grande efficacité et efficience dans la gestion et dans l’allocation des ressources. En réalité, le système est à nouveau dévoyé par l’absence de contrôle ou de contre-pouvoir. Le pouvoir présidentiel ayant été considérablement renforcé : c’est le président de l’Université qui décide de l’allocation des budgets ; il n’existe plus de réel contrepouvoir pour contester cette allocation. Certes, cette allocation est soumise au vote du conseil d’administration mais, le plus souvent, sous une forme technique qui n’en rend la lecture stratégique que très difficile. Même si, apparemment, il y a une copie conforme du fonctionnement des grandes entreprises, en réalité, cette copie ne s’applique que très imparfaitement car le président ne rend pas véritablement de comptes sur son usage des ressources universitaires. Les budgets étant majoritairement consommés dans les UFR, le pouvoir du président est celui d’attribuer à telle ou telle UFR, ou à tel institut, les ressources qu’il estime justifiées. Mais la réalité des dépenses se fait, quant à elle, au niveau de ces UFR et instituts. On a donc d’un côté un système très centralisé dans l’allocation des ressources et de l’autre un système très décentralisé dans l’en-

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gagement des dépenses. L’évolution inéluctable est de réduire cette divergence, et l’on assiste alors à une centralisation peu compatible avec l’autonomie nécessaire dans les projets d’enseignement et de recherche. Une solution alternative aurait été de renforcer le rôle budgétaire des UFR et instituts en instituant une véritable délégation budgétaire et son corollaire qui est une responsabilité des directeurs de composantes (UFR et instituts).

section IV la théorie des parties prenantes La théorie des parties prenantes regroupe des approches relativement diverses, qui ne sont réunies que par le postulat qu’une entreprise (et a fortiori une Organisation) ne peut pas être réduite à la seule dimension de propriété des actionnaires. Le clivage porte sur la question de savoir si les autres parties prenantes ne sont que des moyens (certes importants) au service des actionnaires ou s’ils sont en eux-mêmes également des fins. On pourrait ainsi considérer que la théorie des parties prenantes offre une approche théorique plus large des Organisations, où la primauté des actionnaires ne constituerait qu’un cas particulier. Concrètement, la théorie des parties prenantes, appréhendée en termes de relations d’agence, substitue à un principal, représentant les actionnaires, une grande diversité de « principaux » représentant les différentes catégories de parties prenantes. Replacer le contrôle budgétaire et le reporting dans le cadre de la théorie des parties prenantes suppose alors que l’on puisse identifier ces parties prenantes, puis que l’on dispose de mécanismes pour les prendre en compte dans la gouvernance de l’Organisation.

§ 1. – l’identification des parties prenantes Si la notion de parties prenantes peut, dans un sens très extensible, s’étendre à tous les acteurs concernés de loin ou de près par les actions

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et les décisions de l’Organisation, certains auteurs ont proposé de restreindre la définition des parties prenantes aux acteurs qui détiennent une ressource consommée par l’Organisation et qui, du fait de cette ressource, sont exposés à un risque généré par l’Organisation et par ses activités15.

A. – l’apport de ressources Le processus budgétaire peut permettre d’identifier les ressources consommées et, à travers elles, les détenteurs ou les apporteurs de ces ressources. Néanmoins, la condition nécessaire est que ces ressources aient un prix. En effet, le processus budgétaire est rarement conçu pour appréhender les ressources gratuites. Cela pose donc le problème de certaines ressources qui, dans le temps ou dans l’espace, peuvent tour à tour s’avérer coûteuses ou gratuites. Il suffit de penser à la qualité de l’air, de l’eau ou de la terre, à l’utilisation d’une main d’oeuvre forcée, à la préemption de biens privés ou publics. Le processus budgétaire se déroule, idéalement, dans un monde économique où les ressources ont un prix. C’est généralement le cas, mais ce n’est pas systématique. De surcroît, le prix peut ne pas refléter la valeur de la ressource pour son détenteur. Celui-ci peut-être contraint d’apporter sa ressource et de la fournir au prix du marché, alors même que ce dernier pourrait être considéré, d’un point de vue moral, comme indécent. C’est ainsi qu’en période de récession et de chômage, dans les États qui n’ont pas mis en place de dispositifs sociaux de protection (salaire minimum, indemnités de chômage), le prix de la ressource « humaine » peut chuter dramatiquement. C’est même le quotidien d’une part significative de l’humanité à travers le monde. Le processus budgétaire n’est qu’un outil, il ne véhicule pas de valeurs humaines et morales, il ne fait que constater et utiliser les informations à sa disposition. Mais, par son processus de construction, il donne parfois l’apparence d’une légitimité à des projets, des actions ou des décisions. Il n’est donc pas nécessairement inutile de s’interroger sur le mode de valorisation des ressources consommées lors de la construction des budgets. Des moyens existent pour « corriger » (au sens moral du terme) le coût de certaines ressources. Une Organisation peut ainsi retenir un prix 15

Éthique et Gouvernance des Organisations, Economica.

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différent de celui du marché pour valoriser des ressources pas ou peu valorisées. Dans de nombreuses Organisations caritatives, le travail des bénévoles est valorisé pour avoir une meilleure estimation des ressources humaines mises en œuvre. Sachant que, dans certains cas, le ratio des heures de bénévoles par rapport aux heures de salariés est largement supérieur à 1, cela peut changer considérablement l’interprétation des budgets. De même, une Organisation peut utiliser un coût interne majoré pour refléter l’utilisation de ressources fossiles. Ce que révèlent ces exemples, c’est que, si le système budgétaire est bien un outil, il s’agit d’un outil qui reflète les éléments qui lui sont fournis. Une Organisation qui ne s’appuie que sur des prix de marché aura un système budgétaire à l’image des anticipations du marché. Une Organisation qui introduit des éléments correcteurs en fonction des objectifs qu’elle poursuit, et éventuellement des valeurs véhiculées par ses parties prenantes, aura un système budgétaire qui reflétera ces objectifs et valeurs. Il est donc erroné de croire que les résultats d’un système budgétaire s’imposent en tant que tels, ils ne sont que le résultat d’un construit préalable, qui lui-même résulte des choix qui sont faits.

B. – l’exposition au risque Les détenteurs de ressources consommées par une Organisation sont exposés au risque de cette Organisation. Dans le cas des actionnaires, ce risque est généralement égal à la valeur des capitaux apportés (il peut être plus élevé si les actionnaires se sont portés caution de la société ou si, en raison de la structure juridique de l’Organisation, ils sont engagés au-delà de leur apport en capitaux ; c’est notamment le cas pour les associés dans les sociétés de personnes). Pour les employés, le risque va au-delà de leur salaire mensuel, et il va dépendre des caractéristiques de l’environnement, de leur situation familiale et personnelle, etc. Pour les clients ou les fournisseurs, le risque dépend de la nature de la relation contractuelle engagée avec l’Organisation : s’agit-il d’une relation contractuelle vitale ou au contraire accessoire, le maintien des transactions conditionne-t-il la survie de l’entreprise, etc. Le processus budgétaire n’a pas pour vocation de refléter le risque supporté par les diverses parties prenantes. Par contre, couplé à un processus de reporting différencié selon les parties prenantes, le contrôle budgétaire peut fournir à la partie prenante concernée des éléments

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d’information relatifs à l’évolution du risque supporté. Par exemple, la formalisation des réalisations budgétaires et la comparaison avec les prévisions antérieures peuvent permettre à une banque d’évaluer plus précisément le risque supporté sur les concours bancaires apportés ou sur les crédits à moyen ou long terme octroyés. Cette information peut aider la banque à mieux gérer son risque de défaut de paiement, soit en provisionnant le risque de défaillance, soit en facilitant une renégociation des crédits octroyés pour en allonger la durée ou pour en modifier les caractéristiques.

encadré 3.6. le risque supporté par une coopérative forestière Une coopérative forestière est engagée dans la fourniture de bois d’éclaircies de sapin (des bois non valorisables pour la réalisation de planches ou de poutres) auprès d’une scierie spécialisée dans la fabrication de palettes. Cette scierie a accumulé de nombreux retards de paiements et le solde impayé est supérieur au résultat net de la coopérative. Celle-ci doit décider si elle maintient ses approvisionnements ou si elle les interrompt. Sur ce type de produits, la scierie est un débouché précieux car le prix d’achat des bois achetés est supérieur aux autres solutions d’écoulement qui sont essentiellement les usines de pâte à papier. Si la scierie accepte de fournir à la coopérative forestière des informations sur ses budgets et sur ses processus de fabrication et de livraison, la coopérative forestière pourra mettre en œuvre un mécanisme d’apurement progressif du solde impayé tout en maintenant ses livraisons. Dans le cas contraire, elle sera contrainte d’arrêter ses livraisons pour ne pas voir gonfler son solde impayé.

§ 2. – le reporting à destination des parties prenantes Mettre en place une gouvernance de type parties prenantes, c’est-àdire où l’Organisation se donne pour objectifs de répondre de façon au moins partielle aux attentes des parties prenantes, suppose que l’on puisse définir ces attentes, mettre en œuvre des moyens pour y répon-

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dre, et prévoir des mécanismes pour rendre compte de la poursuite et de l’atteinte de ces objectifs.

A. – les budgets comme outils de réponse aux attentes des parties prenantes Les budgets sont un outil de délégation. Cette délégation peut trouver une application privilégiée dans la réponse aux attentes des parties prenantes. En effet, si l’Organisation, dans le cadre de ses mécanismes de gouvernance16, peut identifier les objectifs qu’elle souhaite atteindre et les moyens d’intégrer ses diverses parties prenantes (par le biais du conseil d’administration, d’assemblées, de comités, de délégués, etc.), alors l’octroi de budgets spécifiques permet de matérialiser les moyens mis en œuvre pour satisfaire chacune des parties prenantes. De façon concrète, une entreprise qui souhaite installer une carrière d’extraction de minéraux peut prévoir un budget dédié à la remise en état de l’environnement, au traitement des rejets, à la protection de la faune et de la flore. Elle peut également prévoir un budget pour contribuer au développement de la collectivité locale : réalisation d’investissements scolaires ou de loisirs, aménagement du site pendant l’exploitation ou après la fin de l’extraction, etc. C’est ainsi que des sablières (carrières d’extraction de sable) ont été transformées en étangs pour la pêche, les activités nautiques ou la baignade. En Afrique, les entreprises exploitant des forêts communales doivent normalement contribuer au développement du village en réalisant des investissements d’aménagement spécifiques. Les budgets permettent de matérialiser et de chiffrer ces engagements. Ils peuvent être mis en oeuvre directement par l’Organisation ou, au contraire, alimenter les ressources d’autres Organisations qui seront en charge d’actions spécifiquement dédiées à une partie prenante. Danone a ainsi créé une fondation pour regrouper ses actions en faveur de l’alimentation dans les pays en voie de développement. Cette fondation est alimentée par un budget voté et approuvé par les organes de gouvernance de Danone. De même, d’autres entreprises contribuent à financer des ONG spécialisées dans la protection de l’environnement. Leur contribution peut être matérialisée dans un budget spécifique. Au sein même d’une Organisation, il est possible de juxtaposer les budgets selon les objectifs qui leur sont assignés. 16

Gouvernance, contrôle et audit des Organisations, Economica.

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encadré 3.7. la construction des budgets par objectifs dans une optique parties prenantes. Une association humanitaire, intervenant au Togo dans le domaine universitaire, fournit un ensemble de prestations complémentaires aux étudiants. La quasi-totalité des infrastructures et des matériels initiaux a été financée par des dons. L’association a développé : une cafétéria, un cybercafé, une bibliothèque et une salle de spectacles. Chacune de ces activités répond à un objectif précis, et la logique budgétaire qui l’accompagne diffère donc d’une activité à l’autre. L’objectif de la cafétéria est de fournir un lieu convivial pour les étudiants et d’avoir un budget excédentaire, qui permette la prise en charge du coût des personnels, la couverture des frais de structure (eau, électricité), la réalisation des investissements d’entretien nécessaires, et le dégagement d’un résultat bénéficiaire permettant de couvrir au moins partiellement les déficits des budgets du cybercafé et de la bibliothèque. Les objectifs, en termes de recettes et de dépenses, sont donc relativement contraignants. Le cybercafé permet aux étudiants un accès à Internet moyennant une contribution modique à l’heure ou à l’année. Les matériels informatiques initiaux ont été financés par dons et l’objectif budgétaire est de couvrir les charges de personnel, d’entretien et de consommables, par les recettes générées par les tarifs de connexion. L’objectif prioritaire reste cependant la mise à disposition de ce service de connexion et la contrainte budgétaire est seconde. Le fonds de la bibliothèque est assuré par des dons de livres ou de revues. Le prix d’inscription à la bibliothèque est symbolique et les coûts de fonctionnement (surveillance de la bibliothèque et électricité) restent modiques. L’objectif prioritaire est d’offrir aux étudiants la possibilité de consulter les ouvrages dont ils ont besoin pour leurs études. La salle de spectacles a été financée en quasi-totalité par des dons et marginalement par un emprunt destiné à être remboursé par les recettes dégagées de l’exploitation de cette salle. Le budget de fonctionnement est relativement complexe à définir en raison de l’incertitude sur les recettes. En effet, l’ampleur du budget va dépendre du

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nombre de manifestations ou de spectacles organisés dans l’année. L’objectif assigné à ce budget est non seulement de couvrir les dépenses de fonctionnement par les recettes mais également de contribuer à la pérennité de l’association en dégageant les ressources nécessaires pour lui permettre d’autofinancer de futurs projets et d’entretenir l’ensemble des installations immobilières. L’association a également un budget spécifique pour les activités immobilières (la dernière en date étant la construction de la salle de spectacles). Ce budget répond lui-même à des objectifs spécifiques. Non seulement il doit être équilibré, les dépenses prévues doivent êtres couvertes par des financements (dons et, marginalement, emprunt), mais aussi et surtout il privilégie le recours à des matériaux de construction locaux et à l’embauche d’artisans locaux également. Le critère central n’est donc pas le prix de la construction, mais la contribution au développement de modes de construction respectueux de la culture locale et de l’environnement. Concrètement, si les infrastructures sont en béton, de nombreux éléments de construction sont en latérite (terre séchée et pressée). L’équilibre du budget apparaît alors comme une contrainte mais non comme un objectif.

B. – le reporting comme outil de reddition des comptes à la diversité des parties prenantes Intégrer les parties prenantes dans la gouvernance des Organisations suppose non seulement de leur dédier des ressources spécifiques, par le biais notamment des budgets, mais cela exige également de rendre compte à ces parties prenantes de la façon dont leurs attentes ont été (ou n’ont pas été) satisfaites. Le contrôle budgétaire, par la comparaison des réalisations avec les prévisions, contribue à cette information mais il n’en constitue qu’une partie, et pas nécessairement la plus importante. Si l’on reprend l’exemple de l’association humanitaire au Togo (encadré 6.3), les donateurs sont souvent assez peu concernés par les enjeux d’équilibre budgétaire. En effet, si les donateurs ont globalement contribué pour 500 000 € à la construction de bâtiments, le fait que le budget d’exploitation soit déficitaire annuellement de l’équivalent de 5 000 €, ce qui en monnaie

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locale représente une somme très significative, ne les tourmentera pas outre mesure. Par contre, ils seront particulièrement attentifs aux comptes-rendus sur la qualité de la construction, sur son intégration dans l’économie locale. Les donateurs ne financent pas pour savoir que le budget est à l’équilibre, mais pour participer à des réalisations qui, à leurs yeux, ont une valeur durable et s’inscrivent dans ce qu’ils attendent d’une société humaine solidaire. Concevoir un processus de reporting orienté vers les parties prenantes, c’est donc intégrer cette diversité des attentes des parties prenantes et rechercher les indicateurs et les informations qui seront pertinentes aux yeux des parties prenantes concernées. Alors que le reporting est un processus initié par l’agent en direction du principal, l’agent doit plus que jamais intégrer les attentes de chacun de ses principaux pour y répondre de façon spécifique. L’enjeu du reporting n’est pas de transmettre l’information que l’agent souhaite transmettre (auquel cas il s’agit de communication et non de reporting), mais de transmettre l’information qui répond aux attentes des principaux. La principale difficulté actuelle reste cependant celle de la fiabilisation des informations communiquées. En effet, les dirigeants de l’organisation peuvent avoir intérêt à présenter les informations qui leur sont favorables en ignorant celles qui présenteraient leurs éventuelles lacunes ou leurs échecs. Les systèmes incitatifs qui sont appliqués aux dirigeants des grandes entreprises peuvent ainsi avoir pour effet de renforcer l’aspect communication des informations transmises au détriment de l’aspect reporting. Ainsi, dans le cas de Danone (schéma 3.10), la communication porte sur le respect de la nature et de la santé. Par contre, si certains produits ont pu présenter des entorses à ces principes, le groupe n’en fait pas état. Il faut alors se reporter à d’autres sites pour éventuellement obtenir des informations complémentaires, sans pour autant d’ailleurs que ces informations soient nécessairement plus fiables.

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schéma 3.10. l’information de Danone vis-à-vis de ses parties prenantes

http://www.danone .com/quoi-de-neuf-dans-le-g roupe/creation-dufonds-danone-pour-la-nature.html Comme le montre la page Internet du groupe Danone, à côté de l’onglet finance (non visible sur cette capture d’écran), figurent des onglets sur les carrières (à destination des employés ou futurs employés), sur les marques (à destination des clients), sur le développement durable (à destination d’une pluralité de parties prenantes liées à la société civile), sur la recherche (thème également transversal qui touche aux actionnaires, aux clients, aux salariés et à la société civile).

encadré 3.8. la réhabilitation par Lafarge de la carrière de gypse de Birtz en Roumanie La carrière de gypse de Birtz, qui dessert l’usine de plâtre d’Aghires au nord-ouest de la Roumanie, a lancé en 2003 un vaste programme de plantation d’arbres dans le cadre de son plan de réhabilitation. Alors qu’une partie de la carrière est en cours d’exploitation, celle qui ne l’est plus est réaménagée au fur et à mesure de l’avancée des opérations. Chaque année, une campagne de plantation

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de près de 4 000 arbustes y est organisée. Cette initiative locale a ultérieurement été rattachée à l’opération nationale « Des millions de gens, des millions d’arbres » initiée par la Fondation Prais en partenariat avec le Ministère de l’Environnement roumain et Lafarge en Roumanie. Le programme de plantation a été reconnu par le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) comme un programme de grande valeur, cohérent et durable. Parallèlement, un étang de plusieurs dizaines de m2 a été créé de toutes pièces pour pallier au déficit de zones humides dans la région. Résultats : la forêt de Birtz s’étend aujourd’hui sur près de 12 ha. Le nouvel espace naturel accueille une faune locale riche : biches, faisans, renards et plusieurs espèces aquatiques. Personnes concernées : • Les collaborateurs de la carrière, particulièrement fiers du travail réalisé sur leur site ; • Les communautés locales auxquelles est rendu un espace naturel de qualité ; • Les associations environnementales impliquées dans la démarche et le choix des essences (acacias en majorité). http://www.lafarge.fr

De même, le compte-rendu effectué par Lafarge de son action en faveur de la réhabilitation des carrières montre la dimension parties prenantes de ce reporting. La difficulté de ce type d’information n’est pas seulement liée à son caractère vérifiable. Dans le cas de Lafarge, les risques liés à une communication environnementale malhonnête sont tellement élevés que l’on peut supposer que Lafarge ne communique que des informations vérifiées et attestées. La principale difficulté est le caractère parcellaire de cette information et l’absence de mise en perspective. On pourrait ainsi s’interroger sur le montant investi dans cette opération de réhabilitation par rapport au chiffre d’affaires réalisé sur la durée d’exploitation de la carrière. De même, il serait intéressant de savoir si toutes les carrières exploitées par Lafarge font systématiquement l’objet d’une réhabilitation et de disposer de données indiquant pour chaque carrière la nature de la réhabilitation effectuée, le montant des capitaux investis et le chiffre d’affaires généré par l’exploitation.

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Même dans le domaine des IFRS (International Financial Reporting Standards), les normes comptables internationales, cette évolution est à l’œuvre. Alors que le coût historique offrait un cadre rassurant pour les dirigeants, car non seulement il permettait de les dégager de toute responsabilité (autre que technique) puisque la part d’interprétation et de jugement restait très limitée, mais aussi et surtout il offrait une information qui n’avait que peu d’intérêt économique ; la mise en œuvre de la juste valeur renverse la situation en privilégiant désormais les utilisateurs de cette information comptable et financière17 . Les IFRS, au sens de reporting financier, sont clairement tournées vers le destinataire du reporting et non vers son émetteur. Certes, c’est l’émetteur qui a la responsabilité des informations transmises, de leur collecte, de leur traitement, et même de leur retranscription, mais ce n’est plus en fonction de ses choix qu’il peut déterminer la pertinence de l’information transmise. Le critère de jugement de la pertinence de l’information est désormais du côté du destinataire de l’information. Cette évolution reste encore peu sensible dans le domaine du reporting environnemental et sociétal, où il existe une relative anarchie, chaque Organisation publiant les informations qui lui semblent les plus à même de mettre en relief la qualité des efforts fournis. Il nous semble néanmoins qu’il ne s’agit que d’une situation transitoire avant que, sous la pression des destinataires de cette information sociale et environnementale, des normes apparaissent qui codifieront davantage ce processus de reporting.

Normes comptables internationales et gouvernance des entreprises : le sens des normes IFRS, 2e éd. 17

CONCLUSION Le contrôle budgétaire et le reporting, des outils au service du couple délégation – responsabilité

Le contrôle de gestion est constitué de deux piliers qui sont le suivi des ressources consommées et le contrôle budgétaire. Un autre ouvrage aborde le premier point. Cet ouvrage a tenté de mettre en évidence les enjeux du contrôle budgétaire, et de l’information qui en découle, pour la prise de décision stratégique. Il apparaît ainsi que, si la construction de budgets est une pratique désormais quasi universelle dans toutes les Organisations, l’objet même de ces budgets est susceptible de différentes interprétations selon la nature de l’Organisation : entreprise, collectivité publique, association, et selon les objectifs poursuivis par chaque Organisation. L’évolution des moyens technologiques a modifié les processus de production. Elle a également affecté les processus de collecte et de traitement de l’information. Le contrôle budgétaire doit s’y adapter. Il s’agit tout à la fois d’une opportunité et d’une contrainte. D’une opportunité, car cette évolution du contrôle budgétaire permet à l’Organisation de disposer d’un outil d’information répondant à ses besoins. D’une contrainte, car un système d’information est étroitement dépendant des personnes qui l’animent, qui l’alimentent et qui l’utilisent. Il n’est donc pas possible d’envisager l’évolution du contrôle budgétaire sans s’in-

232 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

terroger sur la place à donner aux différents responsables ou aux différents employés qui le font vivre ou qui en dépendent pour l’évaluation de leur travail et de leur performance. Cet ouvrage a également tenté de dépasser le contrôle budgétaire en s’intéressant au processus de reporting et, à travers lui, à l’ensemble des tableaux de bord susceptibles de rendre compte de l’activité stratégique de l’Organisation. Il semble ainsi, que les Organisations performantes de demain s’appuieront sur des systèmes d’information multidimensionnels où la performance financière conservera un caractère essentiel, mais où la place des autres facteurs de performance, tels que la qualité des processus de l’entreprise ou la gestion de ses ressources humaines, sera pleinement reconnue. Mais la performance elle-même est un concept à la fois très simple et très complexe. Très simple, quand on la mesure uniquement à l’aune des prix du marché ; et très complexe, quand on intègre les attentes des diverses parties prenantes et que l’on appréhende la performance d’une Organisation comme sa capacité à répondre à ces diverses attentes. Le reporting est, dès lors, un outil dont l’importance émerge progressivement. D’un reporting purement interne sous forme de tableaux de bord pour les responsables de services ou d’activités, on évolue vers un reporting plus large et plus diversifié où les objectifs internes se mêlent aux considérations externes liées à la prise en compte des parties prenantes. Si les frontières des Organisations deviennent plus floues, et les normes comptables internationales en sont le témoin à travers la difficulté à circonscrire les frontières des groupes d’entreprises, le reporting devient le moyen essentiel pour relier ces diverses parties prenantes et les intégrer (au niveau informationnel) aux processus de gouvernance de l’Organisation. Le reporting semble devenu un outil fondamental pour rendre compte de son action à un principal qui a lui-même perdu son unicité pour revêtir des formes et des attentes diverses. Cette extension du rôle du reporting soulève néanmoins deux questions fondamentales : celle de la normalisation du reporting environnemental et sociétal et celle de son audit. Des normes de reporting environnemental et sociétal doivent nécessairement apparaître pour répondre aux enjeux d’exhaustivité, d’intégrité et de réalité des informations transmises. Pour que ce reporting ait un sens il faut qu’il puisse rendre compte de la totalité des activités et processus de l’entité et non pas seulement des activités ou des processus sur lesquels celle-ci souhaite communiquer.

CONCLUSION ■ 233

Mais la normalisation n’est pas suffisante car une normalisation n’existe réellement que si elle est appliquée. Il est donc également nécessaire de prévoir une extension de la fonction de l’audit pour l’étendre aux informations environnementales et sociétales. Cela exige bien entendu de repenser le processus d’audit et notamment l’approche par les risques. Cette approche ne peut pas être appréhendée uniquement sous l’angle monétaire mais elle doit également intégrer la dimension parties prenantes pour identifier les risques affectant significativement chacune des parties prenantes de l’entreprise 18. Une telle évolution conduirait à repenser les entreprises, et de manière générale toutes les organisations, non plus seulement à travers le prisme d’un acteur unique (le marché ou les actionnaires dans le cas des entreprises de capitaux) mais à travers une approche plus complexe fondée sur la diversité des parties prenantes.

18

Ethique et Gouvernance des Organisations, Economica.

Table des schémas et illustrations

Schéma 1.1 : Les différents niveaux de contrôle interne des Organisations .................................................. Schéma 1.2 : Calendrier budgétaire d’une PME ........................ Schéma 1.3 : Calendrier budgétaire d’une collectivité locale.... Schéma 1.4 : Calendrier budgétaire pour un système budgétaire glissant................................................. Schéma 1.5 : Consolidation des budgets des ventes ................... Schéma 1.6 : L’intégration des activités dans un centre de responsabilité.................................................... Schéma 1.7 : L’intégration des activités dans une approche transversale............................................................ Schéma 1.8 : Les activités, carrefour des directions hiérarchiques et des processus ..................................................... Schéma 1.9 : Les étapes préalables à l’élaboration des budgets Schéma 1.10 : Le lien planification stratégique et budget dans une projection temporelle ...................................... Schéma 1.11 : Le processus de concertation ................................ Schéma 1.12 : Schéma synthétique du processus de collecte des commandes : client – concessionnaire – constructeur automobile ..................................... Schéma 1.13 : Schéma synthétique du processus de contrôle budgétaire...........................................

11 15 16 17 32 42 43 45 51 54 65

79 80

236 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

Schéma 1.14 : L’impact de l’approche budgétaire en glissement sur les ressources consacrées au processus budgétaire 96 Schéma 2.1 : L’information des administrateurs à travers l’approche pyramidale........................................... 119 Schéma 2.2 : L’information des administrateurs sur la base des processus ......................................................... 124 Schéma 2.3 : Tableau de bord à destination des administrateurs : analyse d’un processus.......................................... 125 Schéma 2.4 : Tableau de bord à destination des administrateurs : récapitulatif de l’ensemble des processus de l’entreprise............................................................. 126 Schéma 2.5 : La représentation graphique des chiffres .............. 139 Schéma 2.6 : L’évolution du chiffre d’affaires cumulé des principaux produits ......................................... 140 Schéma 2.7 : La répartition des budgets par fonction à l’intérieur du groupe .......................................... 141 Schéma 2.8 : Les étapes de la mise en place des tableaux de bord pour répondre à l’objectif de maîtrise des coûts .. 157 Schéma 2.9 : La collecte des informations destinées à alimenter les tableaux de bord mensuels............................... 160 Schéma 3.1 : Le reporting et le contrôle budgétaire au service de la Gouvernance ............................... 162 Schéma 3.2 : Les enjeux des systèmes de reporting et de contrôle budgétaire........................................... 164 Schéma 3.3 : Les objectifs poursuivis par les systèmes budgétaires et de reporting.................................... 165 Schéma 3.4 : L’information sur les transactions par le marché. 165 Schéma 3.5 : L’information sur les transactions par le biais du reporting ........................................................... 165 Schéma 3.6 : Les attentes principales en matière d’information selon la nature des Organisations ......................... 169 Schéma 3.7 : Les attentes des acteurs de l’Organisation ........... 180 Schéma 3.8 : Le rôle intégrateur de l’ERP ................................. 197 Schéma 3.9 : Les processus de collecte et de transmission de l’information ..................................................... 211 Schéma 3.10 : L’information de Danone vis-à-vis de ses parties prenantes................................................................ 228

Table des encadrés

Encadré 1.1 : Le suivi budgétaire des projets d’investissement dans les collectivités locales. ................................ 16 Encadré 1.2 : L’allocation des ressources dans une association sportive et culturelle.............................................. 22 Encadré 1.3 : Le réalisme budgétaire dans les collectivités publiques........................................... 26 Encadré 1.4 : Les objectifs du découpage en centres de responsabilité. .................................................. 33 Encadré 1.5 : Les limites des centres de profit............................ 37 Encadré 1.6 : Les processus pour un fabricant informatique. .... 43 Encadré 1.7 : Les choix stratégiques des constructeurs automobiles et leur déclinaison budgétaire.......... 52 Encadré 1.8 : La mesure de l’activité des hôpitaux. ................... 60 Encadre 1.9 : L’établissement du budget d’un service comptable. 69 Encadré 1.10 :Les états budgétaires de synthèse d’une coopérative forestière.................................. 73 Encadré 1.11 :La gestion intégrée est-elle récente ? ................... 85 Encadré 2.1 : Le système de reporting d’une entreprise de distribution de produits pétroliers.................... 108 Encadré 2.2 : La veille technologique, élément du reporting. .... 111 Encadré 2.3 : Mise en place d’un réseau informatique et connexion à distance au sein d’une coopérative forestière. .. 131 Encadré 2.4 : Contrôle interne et affaire Enron.......................... 136

238 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE …

Encadré 2.5 : La recomposition des marges dans l’industrie pharmaceutique..................................................... 137 Encadré 2.6 : L’exhaustivité des transactions dans un camping municipal............................................................... 138 Encadré 3.1 : Les conséquences des déficiences du contrôle budgétaire dans une association........................... 173 Encadré 3.2 : Le rôle des budgets dans l’information des administrateurs d’une coopérative. ...................... 189 Encadré 3.3 : La mise en place d’un ERP et d’un réseau Intranet dans une coopérative forestière. ........................... 201 Encadré 3.4 : Contrôle budgétaire et budget des enseignants-chercheurs ......................................... 207 Encadré 3.5 : Prévisions et contrôle budgétaire dans les Universités....................................................... 217 Encadré 3.6 : Le risque supporté par une coopérative forestière 223 Encadré 3.7 : La construction des budgets par objectifs dans une optique parties prenantes. ..................... 225 Encadré 3.8 : La réhabilitation par Lafarge de la carrière de gypse de Birtz en Roumanie............................. 228

Index

Actifs spécifiques 166 Activity Based Budgeting (ABB) 36, 68 Activity Based Costing (ABC) 36, 42, 153, 168 Allocation des ressources 23, Balanced Scorecard 92, 143 Budget primitif 74, 177 Centre de responsabilité 33 Choix stratégiques 184 Cohérence 168 Comptabilité publique 176 Concertation 27 Contrôle a posteriori 89 Contrôle a priori 21 Contrôle hiérarchique 166 Contrôle stratégique 10 Coordination des activités 23 Délégation 31, 224 Enterprise Resources Planning 49, 193 Evaluation 114 Formalisme 185 Gouvernance 162 Groupe de projet 46 Horizon budgétaire 14, 70, Incitation 29, 187

Indicateur d’activité 34, 59, 60, 90 IFRS (International Financial Reporting Standards) 230 Objectifs stratégiques 51 Pilotage 168 Planification stratégique 53 Prévision 13, 56 Prix de cession interne 217 Processus 43, 122 Rapport coût / avantage 169 Réseaux Intranet 201 Responsabilité 29, 31 Rolling forecast 95 Structure hiérarchique 30, 47 Structure matricielle 31 Système de gestion intégré 124, 156 Théorie de l’agence 163, 166 Théorie des coûts de transaction 217 Théorie des parties prenantes 220 Traçabilité 136, 211 Transactions 165 Uniformisation 192 Univers incertain 166 Veille technologique 111

Table des matières Introduction .................................................................................

5

Chapitre 1. Le contrôle budgétaire............................................

9

Section I. Les fonctions du contrôle budgétaire .......................... § 1. – La prévision......................................................................... § 2. – La gestion des ressources.................................................... § 3. – L’évaluation.........................................................................

13 13 21 24

Section II. Le choix des structures organisationnelles ............... § 1. – L’Organisation hiérarchique................................................ § 2. – Les centres de responsabilité .............................................. § 3. – L’Organisation par activités ou par projets ......................... § 4. – La cohérence de l’ensemble................................................

30 30 33 41 46

Section III. Les étapes préalables à l’élaboration des budgets ... § 1. – La définition des objectifs stratégiques .............................. § 2. – L’évaluation de l’environnement......................................... § 3. – La détermination de l’activité .............................................

50 51 55 59

Section IV. La construction et l’approbation des budgets .......... § 1. – L’implication des responsables de services, d’activités ou de projets ...................................................... § 2. – La présentation et la modification des budgets................... § 3. – Application : la problématique de l’ajustement de l’offre à la demande, le cas des constructeurs automobiles...........

63 64 70 75

242 ■ REPORTING ET CONTRÔLE BUDGÉTAIRE – 2E ÉDITION

Section V. La mesure des réalisations et l’évaluation de la performance........................................................ § 1. – La mesure des réalisations .................................................. § 2. – Les contraintes du système budgétaire sur le système d’enregistrement comptable ................................................ § 3. – Les indicateurs de performance .......................................... § 4. – L’analyse des écarts ............................................................ § 5. – La mise en œuvre d’actions correctrices ............................

82 82 86 88 92 98

Chapitre 2 : Le reporting............................................................ 103 Section I. La vision globale de l’Organisation ............................ § 1. – La maîtrise de l’Organisation : outil de contrôle interne.... § 2. – La connaissance de l’environnement .................................. § 3. – La capacité à réagir stratégiquement ..................................

106 107 110 112

Section II. L’évaluation des responsables.................................... § 1. – Le contrôle hiérarchique ..................................................... § 2. – Le contrôle des dirigeants de l’Organisation par le conseil d’administration .................................................. § 3. – L’information sur la base des activités ou des processus ...

114 115 118 122

Section III. Les éléments du reporting......................................... § 1. – Les indicateurs de reporting................................................ § 2. – Les processus de mise à jour .............................................. § 3. – Le mode de présentation .....................................................

127 127 130 138

Section IV. Le développement d’une approche stratégique et opérationnelle: le « Balanced Scorecard »........... § 1. – La diversité des mesures de performance ........................... § 2. – Les quatre perspectives du modèle ..................................... § 3. – La mise en place opérationnelle .........................................

143 144 147 152

Section V. La démarche de construction d’un processus de reporting : le cas d’une entreprise de transport routier.................. 155 § 1. – Les objectifs de gestion de l’entreprise .............................. 155 § 2. – Les étapes de la construction des tableaux de bord............ 156 § 3. – La mise en place des procédures de collecte et de traitement de l’information ............................................ 159

TABLE DES MATIÈRES ■ 243

Chapitre 3 : Le reporting et le contrôle budgétaire au service de la gouvernance des Organisations .................. 161 Section I. Les enjeux des systèmes budgétaires et de reporting . § 1. – Les enjeux de l’information ................................................ § 2. – Les différentes natures d’Organisations.............................. § 3. – Les attentes des acteurs des Organisations .........................

163 164 169 179

Section II. L’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication .................................................. 193 § 1. – L’intégration des systèmes d’information : les ERP (« Enterprise Resources Planning ») .................................. 193 § 2. – Les implications organisationnelles .................................... 196 § 3. – Le reporting interne et externe............................................ 199 Section III. La théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction ............................................................ § 1. – La délégation de fonctions .................................................. § 2. – La structuration du reporting .............................................. § 3. – Les mécanismes de réduction des coûts d’agence.............. § 4. – Le contrôle budgétaire en tant qu’outil de coordination et d’allocation des ressources .............................................

205 205 208 212 216

Section IV. La théorie des parties prenantes ............................... 220 § 1. – L’identification des parties prenantes ................................. 220 § 2. – Le reporting à destination des parties prenantes................. 223 Conclusion Le contrôle budgétaire et le reporting, des outils au service du couple délégation – responsabilité 231 Table des schémas et illustrations .............................................. 235 Table des encadrés....................................................................... 237 Index ............................................................................................. 239 Table des matières ....................................................................... 241