Questions féministes, n°1, novembre 1977 issue 1 [PDF]


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French Pages 123 Year 1977

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Table of contents :
Questions Féministes No. 1......Page 1
Sommaire......Page 3
Variations sur des thèmes communs......Page 4
Nos amis et nous......Page 22
Masculinité/féminité......Page 52
Violence et contrôle social des femmes......Page 70
Pouvoir «phallomorphique» et psychologie de «la Femme»......Page 92
ÉDITIONS TIERCE......Page 121
AGENDA-JOURNAL......Page 122
Sommaire......Page 123
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Questions féministes, n°1, novembre 1977  issue 1 [PDF]

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Zitiervorschau

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sommaire Variationssurdes thèmescommuns....

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Christine Delphy Nos amiset nous. Les fondements cachés de quelques 21 discourspseudo-féministes féminité Nicole-ClaudeMathieu Masculinité/ JalnaHanmer Violenceet contrôlesocial des femmes. . MoniquePlaza

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Pouvoir «phallomorphique»et psycho91 logiede «la Femme»

Collectif de rédaction : Colette Capitán Peter, ChristineDelphy, Emmanuelede Lesseps,Nicole-ClaudeMathieu,Monique Plaza. Directricede publication: Simonede Beauvoir.

Jacques- 75005 Correspondance: ÉditionsTIERCE - 1, rue des Fossés Saint-

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Variations surdes thèmescommuns radicale Une revuethéoriqueféministe

ne disposepas d'unlieu Ce projetestné du constatque le nouveauféminisme de débatthéorique,alorsqu'il en ressentplus que jamais la nécessité.La presse et c'est non seulementde est dans ce pays pratiquement féministe inexistante, revuesthéoriquesdontnous avonsbesoin,maisencorede mensuelsde grandedifEmmaen Allemagne, fusion(commeSpareribenAngleterre, Effeen Italie).Il nous non pas un maisplusieurs faudrait journauxmilitants (commeTétaientLe Torchon Les Pétroleuses, commel'estHistoiresd Elles). Il seBrûle,Les Femmess'Entêtent, rait souhaitableque la presse d'information pure (comme L'Informationdes Femmes)soitdéveloppéeet multipliée.Si nous avonschoiside nousconsacrerau d'une revue«théorique»,c'est parceque cetteformule lancement noussembleégaet nonparceque nousla jugeonsprioritaire. lementnécessaire,

à "théorique"? Quel sensdonnons-nous à l'égardde ce terme: uneréactionambivalente Les femmes ontfréquemment nouséprouvonscertesla nécessitéd'une analyseen profondeur de l'oppression des femmes,mais dans le mêmetemps«théorique»désignetrop souventdes textes inaccessibles, apanaged'une élite sociale.Théoriqueéquivautalors à hermétisme - commesi le caractèreincompréhensible d'un texteétaitla preuvede sa «scient ide son «sérieux». Cette nous la briser. Notre but de voulons est fîcité», équation, restituer son vraisensà la théorieet, du mêmecoup, qu'elle soitl'affairede tout le monde,que chacunepuissenon seulement la consommer maisaussila produire. Car estthéoriquetoutdiscours,quel que soitson langage,qui tented 'expliquer les causeset lefonctionnement, le pourquoiet le commentde l'oppression des femmes en généralou d'un de ses aspectsparticuliers ; c'esttoutdiscoursqui tentede tirer desconclusions ou unetactiqueau mouvement politiques,qui proposeune stratégie féministe. cettedéfinition Privilégiant politiquedu «théorique»,notrerevues'efforcera destextesthéorisant des femmesà travers deslangagesdivers d'intégrer l'oppression et sur des registres et considérera un différents, qu'un tract,une œuvrelittéraire, un articleabstraitpeuventêtremis surle mêmeplan quant à l'élaborapamphlet, tion d'une scienceféministe. Mais nous savonsque la simplicité de l'écrituren'est pas toujourspossible: certainsconceptsn'existentpas dansla languede tous les jourset ne peuventêtretraduits.La possibilitéde reformulation dépenddu niveau

4 du discours. ou de spécialisation d'abstraction La théorie,ce n'estpas seulement des faits,c'esten mêmetemps l'explication la descriptionde la réalité: nous publieronsdonc des textesqui offrentdes informations surl'existencedes femmesen Franceet dansles autrespays,surleur situation présenteet passée. Cettediversité de faireentrer que nous espéronspouvoirpratiquer permettra dansles archives desécritsd'ordinaire du discourset de l'histoire interdits de séjour, de proposerà la discussionélargiedes thèmesqui actuellement ne peuventêtredébattusqu'isolément dansles groupesféministes.

Une "scienceféministe": commentet pourquoi ? on étudienécessairement et leur Quandon analysel'oppressiondes femmes, et la intériorisée réelle, l'idéologiequi justifie,idéologie oppressionmatérielle, par les femmeset dontle pouvoircoercitif Or l'undeslieuxpripermetl'exploitation. de cetteidéologie- et de sondéveloppement carellen'estpas vilégiésd'expression une reste fois «la et en toutes les sciences science», produite pour particulier diteshumaines.Une démarcheféministe inclutnécessairement une critiquedu discoursscientifique, le discourssurles femmes maisaussile discoursprétendu«général» : car quoi de plus révélateur de la soque les omissions? Les théories générales ciété et du psychisme, les catégoriesde sexe commenaquand elles considèrent turellessans s'interroger sur leur genèse et leur naturesociale, et qu'elles ne desfemmes, du coup celle-cià leur pas en comptel'oppression prennent reprennent compte, restantdans l'idéologie sexiste la plus sommaire.De ce fait, elles à perpétuer contribuent des femmes dansle mêmetempsqu'ellesconsl'oppression truisent unethéoriefaussede leurobjetd'étude. Nous souhaitonsqu'une scienceféministe puisseadvenir,qui rendecompte de la formation etpar (et de son impactsurles individus), patriarcale hiérarchique là-mêmemodifiel'analyseglobalede la société.L'intérêtde cettescienceféministe esttrèsquotidien: l'émergence des discoursféministes subversifs nous a permiset nouspermetde modifier le coursde nos existences. Mais aussi,la questionse pose de savoircommentun pointde vue féministe dansles champsoù peut intervenir s'exerceune sériede pouvoirsdirectsvisantà la reproduction de la structure patriarcale.Dans certainsdomainesprofessionnels (médecine,gynécologie, psychoassistancesociale),la questionde l'oppressiondes femmesse logie,psychanalyse, de car pose façonaiguë le problèmede 1' «anormal»y apparaîtsanscesse,entraînantl'intervention réadaptatrice... normalisante,

Féminismeradical C'est en ces termesque nous identifions notreperspectivepolitique.La notionde radicalisme du constat de d'une luttepolitiquecontre)une oppart (et des femmes le social Pour décrireet démasquer pression par système patriarcal. - entreprise cetteoppression, il fautbriserles évidencesnaturalistes que les fémi-

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un de nosplus nistesont amorcéedepuisplusieursannées,et qui devraitconstituer avoir été solidesacquis. Il n'en est rien : l'évidencenaturaliste, démasquée, pour et pernicieusement au sein n'en continuepas moins à s'imposersournoisement mêmedu mouvement des femmes(dont certainestendanceslaissentcurieusement et femmes,le mot «libération»).Le courantactuelde tomber,entremouvement attire la «néo-féminité», beaucoupde femmespar son apparenceconstructive, qui comme un retourau classicisme commel'enfermeantiféministe, peuts'interpréter mentdansun des piègesque le patriarcat noustend.Carnotreoppression ne réside de dans le fait «n'être assez mais bien au contraire danscelui de femme», pas pas l'êtretrop : nous sommesempêchéesde menerune existenced'individusà part C'estle système entière,sous le prétexteque noussommes«femme»,«différente». notreexploitation, qui nouspose «différentes» patriarcal pourjustifier lamasquer. C'estlui qui nousimposel'idée d'une «nature»,d'une «essence»féminine. Le féminisme radicalse donnecommepréalablede resterdansle terrain que les premières ont conquiscontrel'idéologienaturaliste. féministes Ce qui exige : • De refuserrésolument de construire, de projeterune idée de «La d'interroger, Femme»en dehorsde la société. • Le corollaireétantde déstructurer la notionde «différence des sexes» qui ordonneet sous-tend cetteidée de «la femme»,partieintégrante de l'idéologienaturaliste.L 'existencesocialedes hommeset desfemmesne dépendnullement de leur naturede mâleetde femelle,de la formede leursexeanatomique. Dans une sociéténon patriarcale, la questiond'êtrehommeou femmen'aura à pas se poserdansles termesoù elle se pose aujourd'huipour nous.Tous les traAu plandespratiques vaux,toutesles tâchesserontassurésparhommeset femmes. entrehomo-et hétéro-sexualité n'auraplusde senspuisque sexuelles,la distinction les individus se rencontreront surle fondement de leursingularité (individuspécifitelle avec et que histoire) nonsurceluide leuridentitéde sexe. Détruirela différence des sexesc'estsupprimer la hiérarchie qui existeactuellemententredeux termesdont l'un est référéà l'autre,et infériorisé danscette le «droità la différence», car cela signifie comparaison.On ne peut revendiquer dansle contexteactuelle droità l'oppression. C'estle droità l'autonomieque nous visonsen premierlieu (ne plus êtreobjetsde, appropriées en par) ; à la singularité dehorsde toute référence à l'identitésexuelleen secondlieu. Cela ne signifie pas que «nous voulonsdevenirdes hommes»,cardansle mêmetempsque nousdétruisonsl'idéede «La Femme», nousdétruisons aussil'idée d' «Homme». • La destruction de l'idée d' «Homme» : cettenotionconstitueun autrepiège nous a permisde démontrer en quoi la patriarcal. Démasquerl'idéologienaturaliste la le science,les théoriesétaientsexistes.De là à affirmer que pensée, langage,le aux femmesparcequ'ils sont«masculins»,il n'y avait discours,sonthermétiques qu'un pas. Celles d'entrenous qui l'ont franchis'enfoncentdans une position d'échecqui nousdessert.Nouvellespirede l'oppression que nousdevonsdénoncer: - d'une part,en rappelantque quand nous nous reconnaissons nous opprimées, ne résumonspas notre«être» : le systèmesocial est contradictoire nous puisqu'il de décrypter les permet,en dépitde l'oppressionqu'il exerce,d'êtreféministes,

6 notamment de traquerles «évidences»idéologiques mécanismesde l'oppression, du langage; et ce, en nousservant dansles discours, - d'autrepart,en affirmant qu'il n'y a riendansle systèmesocialqui soit«masculin».Certainsdiscoursde la science,certainsconceptssonttronquéset falsifiés parce qu'ils sontfondéssurdes rapportsde pouvoir,et nonparcequ'ils sontélade rapboréspar des «hommes».L' «ennemiprincipal»est un typehiérarchique portssociaux,où les hommessont impliquésen tant qu'agentset non en tant qu'êtresbiologiques. Le féminisme radicals'exprimeaussi en référence aux courantspolitiques actuels.Il refusetouteingérence contestataires, des groupespolirévolutionnaires, et considèrecertaines tiquesen place danssa problématique, mots notions,certains d'ordrecommefondamentalement falsifiés de «lutte et se«luttes (idée principale» condaires»; terrorisme de l'explicationuniquepar le capitalisme). Il se proposede retrouver une démarchematérialiste en utilisantpolitiquement certainsconcepts. Ainsi, si l'on fonde la notion de classe sociale correctement, dialectiquement - c'est-à-dire sur l'existenced'une dynamiqueoppressive, et non surun contenu statique-, on peut poser les femmescomme appartenantà une mêmeclasse socialede genre.Cetteanalysede l'appartenance de touteslesfemmesà unemême - est le classesociale - au mêmetitreque la ruptureavec l'idéologienaturaliste : la constitution du mouvraient de libération préalablede toutelutteféministe des femmesen France,par exemple,a reposé sur l'affirmation de ce concept,qui en vigueur. rompaitavecles dogmesmarxistes Actuellement le courantféministe radical,fondésur ces questionnements sembleétouffétantdansles pratiquesque dansles discours.A peinené, subversifs, ou plutôt re-né,le nouveauféminisme est menacédans son sein mêmepar une double droite : la récupération«gauchiste»,d'un côté, la récupérationpar de l'autre.Ces deuxcourants, l'idéologiede la néo-féminité, qui chacunà sa façon, les intérêtsdu patriarcat, sontceux qui ont plus ou moinsdéguisée,représentent droitde citédanslesmedia... Pourtantle courantféministe radicalexiste: il a impulsétoutesles grandes féministes c'est lui est de l'oppression subversif ; campagnes qui fondamentalement des femmes,de toute l'organisation socialehiérarchique. en Enfin, lui se reconnaissentnombrede groupesdisperséset isolésdanstoutle pays.Il est tempsqu'il puisseprendrela parole,qu'il disposed'un lieu de réunionthéoriqueet politique pour mettreen communses expérienceset ses analyses,et pour que son acquis et discuté. puisseêtrediffusé C'est à cela que nous nousproposonsde contribuer, dansles limitespermises Nousespéronsque cetteentreprise aux textes parune revuetrimestrielle. permettra dansles tiroirs, d'en sortir,et aussiaux textesqui n'ontmême qui sonttristement pas étéécrits,fauted'espoird'êtrepubliés,de l'êtreenfin.

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féministe Depuisle tempsoù l'on se plaisaità répéterdansle mouvement que la théoriede l'oppressiondes femmes«restaità faire»,il s'estécritet ditbeaucoup de choses,en Francecommeà l'étranger, contribuant à une ou des analysesde et aboutissant à desprisesde positiontactiques. cetteoppression

L'achoppementmarxiste Dès le début du mouvement, deux courantsd'analysede l'oppressiondes femmesont émergé,l'un qui s'est appelé«féminisme révolutionnaire)) (aux Etats- et l'autredit «tendance Unis,«féminisme radical»)- auquel nous appartenons luttede classes».Ce derniera tentéde trouverune «articulation», commeon dit, entrela luttedes femmeset la luttede classes,à partirde la théoriemarxiste, mais sans la contesterdans ce qui nous semblenon seulementses lacunesmais ses incohérences des femmes. Pourcettetendance, quandil s'agitde «situer»l'oppression il ne s'agissaitque d'ajouterdiversesconsidérations surles femmes, sansremettre en questionle principedu monopolede la classeouvrière, censéecontenirdanssa luttela subversion totaledu système : le capitalisme. Contester surle seul oppressif sexistes,sansfondercettelutte plan idéologiqueles mentalitéset les institutions suruneanalysematérialiste de l'oppression des femmes, estinsuffisant. Il fautrelier les mentalités, les institutions, les lois sexistesaux structures socio-économiques qui les soutiennent.Ces structures formentun systèmespécifiquepar rapportau et nousle nommons: patriarcat. systèmecapitaliste, L'analysede base du système de des rapportsde production (commesystème production, patriarcal comportant a entre les été faite MLF et nous voulonsdans au sein du sexes) déjà particuliers cetterevuecontribuer à sa compréhension et à son approfondissement. Rappdons trèsbrièvement cetteanalyse: Si leshommessalariéset unepartiedesfemmes 45 %) salariées,environ (les femmes subissentune exploitation les commune dans de économique rapports production l'ensembledes femmes(celles qui font la «double journée» et les capitalistes, femmesau foyer) subissentune exploitationéconomiquecommuneque ne subissent ils en retirent des bénéfices), dansdes rappas les hommes(au contraire, de autres : la des services ports production que capitalistes production domestiques surle modegratuit.C'est la gratuitéde ce travailqui le situe,dansl'analyse,hors du systèmecapitalistedont un des caractèresest le salariat.Les femmesau foyer

s ne sontpas rémunérées en fonction de leurtravail, ellessontparcontratde mariage à dépendantesde leurmari,qui retirede (théoriquement vie), économiquement cettedépendanceun pouvoirmatérielet psychologique. de la déCetteinstitution des femmes se sur leur situation le dans travail pendanceéconomique répercute : le salaire«d'appoint»,le travailà mi-temps, le chômagesupérieur rémunéré chez les femmes, etc.,cela veutencorediredépendanceéconomique,obligationdu travaildomestique, renvoiau foyer. Cetteanalysenouspermetde définir les hommeset les femmes commedeux d'intérêts cette d'intérêts seulement lieu groupes opposés, opposition n'ayantpas dans la famille.L'infériorité le des femmes dans travail comme leur économique non-accèsaux postesde pouvoir,y comprispolitiques,et leurmoindreaccès au savoirest à relierà la divisiondu travailentreles sexes,reposantsurl'institution de dontla déla famille.Il en résulteun pouvoirgénéraldes hommessurles femmes, valorisation l'oppsychologiquedes femmes(outre leur exploitationmatérielle), pressionsexuelleet les violencesphysiquesexercéescontreles femmessont des ce pouvoir. autantqu'unmoyende renforcer conséquences

Le retourà l'essentialisme Aprèsnous êtregaréesde la gaucheorthodoxe,qui est à notredroitepuisqu'elleévacuela luttedes sexes,il nousfautencoreparerune autredroite: un noudes sexes,par voix de femmes vel assautdu bon vieuxdiscourssur la différence et cettefois,qui évacuematérialisme historique dialectiquepourlaisserparlerla vériténuedu corpséterneldes femmes. des femmesn'a pas toujoursune Tout ce qui s'exprimedansle mouvement ce discoursdes formethéorique.Cela ne veutpas direqu'il n'existepas derrière de Il est important les mettreà jour pourdissiperles amthéoriessous-jacentes. nous semblent conscientes, biguïtésquand ces théoriesimplicites, pas forcément du proposapparentqui se veutféministe. allerà rencontre Il existeactuellement un courantde «parolesde femmes»centrésurla reCes «nous sommesceci et nous sommescela, et cherchede l'identitéféminine. surtoutpas commevous» seraientune façonde «leur» dire : merde.Bien.Mais de l'idéologiemascuun refus,une contestation ce discoursexprime-t-il vraiment lineet du système qui la produit? et le Corps-Identité L 'Altérité éclatement du langage»,c'est-à-dire un «éclatement Des femmesproclament d'unlangagequalifiédemasculin parcequ'il véhicule,entreautres,le phallocratisme. une parole«autre»,qui seraitplus prèsdans sa formedu vécu Elles revendiquent vécu au centreduquel est souventmisle Corps.Ainsiles motsd'ordre: féminin, les mutiS'il est juste de dénoncerl'oppression, et parler-le-corps. libérer-le-corps il le subit corpsféminin, est danque lations,la fonctionnalisation, l'objectivation D'ailde l'identitéféminine. une recherche dans gereuxde se centrersurle corps

9 leursles thèmesde l'Altéritéet du Corpsse rejoignent, carla différence la plusvisiet la seuledonton estsûrqu'ellesoitpermanente ble entrehommeset femmes, (à moinsd'une mutation),est bien la différence des corps.Cettedifférence a été le la prisede pouvoird'un sexesurl'autre. utilisépour«justifier» prétexte Lorsqu'ungroupeest au pouvoir,c'estlui qui répandl'idéologie,qui dicteses catégories.Le groupeau pouvoir,qui a besoinde justifiersa domination, rejette dansla différence ceux qu'il opprime: ils ou ellesne peuventêtretraitésen égaux puisque...Ainsi les colonisésétaientgénéralement «paresseux»,«incapables»de fairefructifier etc.Ces «différences», on ne les attribue eux-mêmes leursterres, pas à une histoirespécifique, car l'histoireévolue,elle peut amenerdes révolutions. Il estplus sûrpourl'oppresseur de parlerde différences invariables naturelles, pardéD'où les idéologiesracisteet sexiste.Ainsile statutd'infériorité finition. devient inextricablement lié au statutde différence. Or, aprèsque les hommesn'aientcessé de nous répéterque nous étionsdifcommesi ellescraignaient de ne pas se faire voilà des femmesqui hurlent, férentes, ! Tu vasà la entendreet commesi c'étaitune trouvaille: nous sommesdifférentes ? à vais la Non, pêche. je pêche en lui-même, Le thèmede la différence quel que soitle contenudonnéaux : tantqu'il détientles armesdu pouvoir,toute sertle groupeoppresseur différences, dansla seuledifférence différence établieentrelui et les autresle confirme qui lui : de le les détenir noirs aient «le dans le et celle Que pouvoir. sang» importe rythme ne cela les de : les contraire au blancs, force, change pas pas qu'importe, rapports tout attributsoi-disantnaturelconféréau groupeopprimésertà l'enfermer dans une Naturequi, étantdonnéson statutd'opprimé,se confondidéologiquement avec une «natured'opprimé».Dans le contexteactuel,l'oppressionn'ayantpas la Différence le caractèresocial),c'estredonner cessé,revendiquer (sansen analyser à l'ennemiunearmequi a faitses preuves. un «parler-Femme», des formesd'expression Revendiquer qui seraientspécifiques des femmes,nous paraît tout aussi illusoire.D'une part,le langagedit «éclaté»prônépar certainesécrivaines, sembles'inscrire dansun courant,sinonde du moins de littéraire des où régnent écoles desmaîtresstyle pensée, répandupar mâles.D est donctoutaussiacadémiqueque d'autreslangageset toutaussi«masculin». D'autre part,ce parler-femme est parfoisdit plus prochedu corps,de la - ce qui veutdirequ'il existerait des sensations etc. une expresdirectes, jouissance, siondu corpsnonmédiatiséepar le socialet qu'en pluscetteproximité au corpset à la natureseraitsubversive. A notrepointde vue,il n'existepas de rapportdirect au corps; le prônern'estdonc pas subversif carc'estnierl'existenceet la forcedes médiations dansnotrecorps.Tout au sociales,celles-làmêmesqui nous oppriment une autresocialisation du corps,maissansrechercher une pluspeut-onrevendiquer naturevraieet éternelle,recherchequi nous détournede la lutteplus efficace contre les contextessocio-historiques dans lesquels l'être humain est et sera S'il de existe une nature l'humain,c'est bien celle d'êtresocial. toujourspris. La Femme-Sorcière et VHomme-Cartésien On pourraitrésumer la démarchede certaines femmes dansleurquêted'identité en une oppositionentrela Femme-Sorcière et l'Homme-Cartésien. Dans le re-



coursà la sorcièrecommeimagepositivede femme,il y a plusieursaspects: leurs à leurhistoire; et les attributs leur en référence activitéssubversives, que certaines : de libération comme symboles prêtent - contact«direct»avecla nature,avecleurcorpset celuides autres; - un faire,une pensée,un langageprésentéscommemodèlepositifde culture ; féminine, opposéeà la culturemasculine-oppressive spécifiquement - et avec tout cela, une auréolede mystèreet de secretévoquantl'idée d'une un royaumeoù ellessontreines. chassegardéedes femmes, de la sorcière, c'était: l'allianceavecle démon; ses pratiquesmédiLa subversion dansles «orgies» cales ; et ses activitéssexuelles,supposéesou non, notamment sabbatiques. L'alliance avec le démon,c'était sûrementpour les femmes,pour le peuple une revanchecontrel'Eglise; maispas un moyende luttecontreelle : misérable, c'estconfirmer croireau Diable,ou fairesemblant, l'EglisedanssondogmeDiablela Femmeavec les Dieu. Et mettreen équation,même sous formevictorieuse, dansl'idéologiede l'Eglise. Forcesdu Mal,c'estencorerentrer commeguérisseuses, Les sorcières avorteuses, sages-femmes, empoisonneuses, les planteset les corpsnon par osmosemaispourles avoirétudiés connaissaient dansla pratique.Si la sorcièreutilisaitefficacement les plantes,c'est parcequ'elle les expérimentait, les classifiait: démarchequ'on nomme«scientifique» . Ce n'est mieux cela mais cela veut dire pas parceque s'appellescientifique, que les sorcières utilisaient leurcerveaude la mêmefaçonque les hommesqui ontmonopoliséplus tardla médecine. Les sorcièresdansaientdansla lande,oui, elless'y cachaientaussi.La nature le seuldomainede surviequi leur sauvageétaitpourles femmesles plusmisérables étaitlaissépar la société.La sorcièrereinedes forêts, c'estcommela femmedomesd'un reine domaine du foyer.Reine tiquée parcequ'excluedes autres.Le mystère, : des parias,des hérétiques. la nuit,la forêt c'est la clandestinité Maquisd'où l'on la liberté. peutse battre,certes,maisqui n'estpas en lui-même La sexualitédes sorcières? Un aspecttrèsintéressant du sabbat,d'aprèsce c'estla contraception. «Nullefemmen'enrevient enceinte», que rapporteMichelet, en spectacled'actessexuels, Il semblequ'il y ait souventsimulation-mise disait-on. et aussi pratiquesdites «contre-nature» pas à la (parce qu'elles n'aboutissaient sexueltrèsrationnellement conception,bien sûr !). Il s'agitlà d'un défoulement Maîtrisede la procréation, donc,mais pour ce qui est de la libéraréglementé. tion sexuelledes femmes...Micheletdécritdans le sabbat «La Femme» qui «se «s'humilie»,«s'offre»,«se donneà mangerà la foule»,etc. Si la sorprosterne», cièreavaitcertainspouvoirs,pour lesquelselle était crainteet respectéedansles de resterobjet sexuel. milieuxpopulaires,cela ne l'empêchaitpas, apparemment, La conclusion,c'est qu'il fautse méfierde ces Trônesde «La Femme»qui la font Autel(«... sursesreins,un démonofficiait.»). Quant au langage«autre» de la sorcière,revendiquépar certainesfemmes - langagedu corps,psalmodie,cri des viscères,etc. (voiremêmeson silencequi paraît-ils'entend,bien la peine de réclamerla parole,alors...)-, ce langagedu est-ilsuffisant corps,ce langage-cri, pour combattrel'oppression? S'il ne faut à pas hésiter hurleravec ses tripesface à un discoursqui vouslaisseà la porte,il

H un certaindiscours n'y a pas de raison,en rejetantcomme«masculin-oppresseur» d'en le laisser aux hommes. conceptuel, L'oppression,il fautpouvoirla monopole à ses Les hommes nommer, l'analyser(mettre jour mécanismes), pourla combattre. le monopoledu criviscéralet de l'intuition; là encore nouslaissenttropvolontiers a faitsespreuves.C'estfairele jeu de l'opla ségrégation entremasculinet féminin de savoir et des s'interdire un outilsconceptuels sousprétextequ'il les presseurque a utiliséscontrenous; de même,parexemple,que de rejeterle travailsousprétexte masculin»,alorsque l'exqu'il est «aliénant»,inscritdans le monde «compétitif de l'autonomieéconoclusiondes femmesdu travail(c'est-à-direl'interdiction même de notre une «aliénation» centre est encore au mique) plus grande, oppression. C'esten nousrevendiquant au mondedeshommes,que différentes, étrangères : nousnousfaisonsleursperroquets de l'Homme-Culture. : consécration Femme-Nature de l'Homme-Dieu. Femme-Démon : consécration : gouffre parl'idéologierégnante. Femme-Mystère remplissable : aubergeespagnoledes idéesreçues. Femme-Matrice un : le sourirede l'impuissanceà dire.La femmedétiendrait Femme-Sphinx a dans la lieu sous sans des celui doute, gestation secret, que prétexte origines grand elle en saittrop! Maisellene sait son corps: du coup elle peutresteranalphabète, On la ditau-delàde la savent c'est informulable... ovaires ce sait ?), (ses pas qu'elle : des du la laisser sciences formulation, raisonnement, en-deçà. pour : avatarde la femme-corps, de la femme-sexe, sexeavide,sexe Femme-Jouissance Le les à et la nature sexe n'importequoi. capacitéspartifrigide, rapportspécial culièresde jouissanceprêtéesaux femmes, cela nous rappellefortle langagetenu : «Les ouvriers surles «nègres»,voiresurles ouvriers baisent (en mai68, ce graffiti Un les de sur les hommes le mieux») bref, langage l'idéologie opprimés. siècle, à la frigidité ou à la «pureté»pourmieuxutilisernotrecorps.Le nous renvoient sièclesuivant,à la jouissance«totale»pournous fairecroireque dansle ghettode la «nature»nousdisposonsd'unelibertéque n'auraient pas ceux qui, «aliénés»dans le social,disposenten faitdesmoyensde contrôlesurnous. on retrouve Dans tout ce qui estcensécaractériser les femmes, toujoursl'oppres? sion.Nous avonsl'espritde sacrifice Non, «on» nous a sacrifiées. materInstinct nel ? Non, obligationpour les femmesde remplirun certainrôle.Nous sommes prochesde la nature? Non,on nousdéfendl'accèsaux outilssociauxde la maîtrise, de la connaissancede notreproprecorps,de la création.De la créationon nous laisse,par un jeu de mots ambigu,la «création»d'enfants: à conditionbien sûr codifiéeet «inspirée»par d'autresespritsque le nôtre. qu'elle soit involontaire,

Le sexe n 'estpas notredestinée comme nôtrestoutesles potentialités Nous devonsrevendiquer humaines, dont celles indûmentdécrétéesmasculines,c'est-à-diremonopoliséespar les à leurbotte.Par exemple,le discoursrahommespour nous avoirplus sûrement tionnel: à nousde le modifier, à nousd'en choisirle contenu.Parexemple,la vio-

12 lence : à nous d'en choisirles formeset les buts.Mais elle est nécessairecontrela violencede l'oppression. Nousvoulonsl'accèsau choix,sortirde l'équationfemmes = opprimées. Plus que femmes, nous sommesdes individus. seulle mascuJusqu'àprésent, non sexuée),au général.Nousvoulonsl'accès lin a droitau neutre(à la définition au neutre,au général.Le sexe n'estpas notredestinée. Un homme,Sacha Guitry, a dit : «Jeconviendrais bienvolontiers les femmes nous sont si cela que supérieures ou pouvaitles dissuaderd'êtrenos égales.»C'estla tactiquedu Piédestal-Paillasson, encorecelle qui consisteà muterà un poste«honorifique» dont on veut quelqu'un se débarrasser. Ce qu' «ils» veulent, c'estque nousne marchions pas surleursplatesbandes,c'est que nous servionsleursbutsen restantà notreplace.L'égalitéestune menacepourleshommes: menacede la disparition de leursprivilèges. Celles dont la démarchequi se veutféministe consisteà revendiquer avant tout(et peut-être exclusivement contrela notiond'égali?) la Différence, s'érigent té : Quoi ? revendiquer ? l'égalitéavecl'oppresseur Mais égalité-avec-Poppresseur est une contradiction dansles termes.S'il y a ni opprimé.Dans le dictionnaire, égalitéentredeux êtres,il n'ya plusni oppresseur le mot «égal» estainsidéfini: «Qui estde mêmequantité,dimension, natureou valeur. Voir: identique,même,équivalent.»Il y a là deux notions,celle de ressemblanceet celle de mêmevaleur.Vouloir,pourles femmes, êtreconsidérées comme ayantautantde valeurque leshommesne peutêtrecritiquable. S'agit-ilpourautant de ressembler aux hommes? Si êtreégalesaux hommessignifie pardéfinition qu'ils et si nous revendiquons en mêmetempsl'égalitépour cessentde nous opprimer, en tous les êtreshumains,c'est-à-dire que les hommescessentd'êtreoppresseurs ? Selonquelscritères ? Dans la général,quelle différence pouvons-nous revendiquer luttepour une sociétéégalitaire, la différence que nousposons,en tantque féminous desnistes,estcelle de nos choixpolitiques.Quand,dansune manifestation, sinonsla vulveavec nos doigtsau lieu de leverle poing,qu'affirmons-nous ? La de notreluttecontrenotreoppressionspécifique.Nous affirmons spécificité que notrefrontprincipal,en tant que femmes,est la lutte pour la destruction du Mais à partirde notrepositiond'opprimées, de la phallocratie. systèmepatriarcal, ce n'est pas une société«féminine» : c'est une sociétéoù que nous revendiquons hommeset femmespartageraient les mânes valeurs: les mêmes,cela veut dire nécessairement anti-hiérarchiques. anti-phallocrates, Dans notreluttenous exigeonsla reconnaissance de notrehistoiredansl'Histoire: histoirede notreoppression, histoirede nosrévoltes, histoirede nos apports etc. Mais nos apportsspécifiques, il ne fautpas oublierqu'ils culturels, techniques, ont existé,existent,à partird'une divisionsexuelleet hiérarchique des tâches.Si nous avonsinventél'agriculture, la poterie,la sciencedes plantes,la tapisserieou l'artdu patchwork, nous devonsles fairereconnaître commeapportséconomiques maisnous n'avonspas à nousy cantonner. Ce que nous et/ouculturelsgénéraux, nous proposonset devonsapporter(à la foissurle terrainqui nous a été imparti en les obligeantà s'y mettre,et surles par les hommes,mais en le subvertissant, terrains : parexemple,musique,mathématiques, à nousréapproprier architecture..., décisionspolitiqueset économiques),c'esten définitive un changement globalde la société,le partagedes tâches,l'accès égal aux moyensde productioncommeaux outilsculturels.

13 une différence Nous constatons biologiqueentrehommeset femmes: ellen'impliun en elle-même rapportd'oppressionentreles sexes.La luttedes sexes que pas dans une différence entrehommeset femmes n'estpas biologique.Nousconstatons à la fois sociale ; des différences la hiérarchie Voppresexprimant psychologiques sion d'un sexe parl'autreet l'exclusionpourchacundes deux sexesdes potentianousvoulonsles abolir. litésattribuées à.l'autre: ces différences-là,





Une revue"sur"les femmes? Non. C'estavecqu'ils Le mot femme, je ne peux plus,je n'aijamaispu l'entendre. de LEURS fantasmes cadavre de leur un mot m'ontinsultée.C'est langue, empli et le MOT. Avec bien revoilà contreNOUS. Nous, qui ? Les femmes, sûr, ça, ils nousont «eues»,commeILS DISENT. ce qui se passederrièreleurs Alors,une revuepour essayerde comprendre mots,ceux-mêmes qu'ils nous imposent,parfoisjusque dansnotrerévolte.Savoir que c'est A leursmots que nous nouslaissonsprendre(femme,amour,responsabilité,honnêteté,fidélité,sentimentmaternel,spécificité féminine...)mais PAR travail leursinstitutions (très)matérielles que nous sommeseues (mariage-servage, gratuiten leur faveur,lois et violence sous-payépar rapportau leur,sur-travail du monde...).Ça, ce contrenous,silenceà nous imposé,exploitation, dépossession les suivre? Car,attenn'estpas des «mots». Mais ils jouent des mots.Devons-nous A cinq ans,c'est fait: ilsconnaissent tion,ils saventce qu'ils fontmatériellement. ensuite les arcanesdu langagedu mépris(à cet âge ils vontdroitau fondamental, viendrale (même)langage(mais)censuréà usageoppressif: celuides vaseulement de la Femme-être-spécifique) leurs«féminines», ; c'est faitparcequ'ils possèdent leurépouse). leurfemme: leurmère(en attendant déjà matériellement Pournous,le tempsn'estplus à leursjeux de mots,maisà l'analyseafinque leursmots ne subvertissent pas notrelutte. «ELLES DISENT [...] que chaque Et ce cribledoit être mot doit êtrepassé au crible»(M. Wittig,Les Guérillères). celuide la réalité,que masquentleursmots. Ainsile mot «femme»: nous n'avonsplusle droitde l'employertoutseul, nous n'avonspas le droitde le penserseul. La réalité«femmes»est sociologique (politique),le fruitd'un rapportentredeux groupes,et d'un rapportd'oppression. Le grouperéel des femmesse définitpar sa positionmêmede groupedansce rapdéfini: par port,toutcommele groupedeshommesest,lui aussi,sociologiquement Ce nous sommes «des mais sa positiond'oppresseur. n'estpas parceque femmes»,

14 parce que nous sommes,dansce rapport,opprimées, que nous seulespouvonsdéet de les mécanismes monter(= analyser détruire) l'oppression.Et, commetout en la tactique groupe situationde siège,nous devonsentrenousétudieren priorité de l'agresseur: son comportement (sa violence,si parfaitement tranquille)et son discours(ses mots,par quoi il nous enclôt),le faitqu'il nousaffameet le faitqu'il Il ne suffîtpas, dès lors,de direque l'agresseur nous tentede nous démoraliser. déniel'existence,ou qu'il nous nie dansnotreexistence,et de prétendre que, du notremoi,notre«identité», une «autre» coup, nousallonsentrenous «retrouver» identité...de femme.Quel assiégépeutse permettre cela,s'il ne veutpas se suicider dansl'enclos? Il s'agitde savoirque notre«identité»sociale,notredéfinition réelle,matécela. Il fautsavoircomment, rielle,est d'êtreassiégées,et principalement parquelle nous nie la propriété, la libredispositionde nous-mêmes, le stratégie, l'agresseur libreaccès à notreproprenourriture. Actuellement, historiquement, sociologiquement,il nous nie en nous affirmant femmeet en nousobligeantà ce qu'il a décidé êtrela condition«de femme» . Avantde revenir surce point,reprenons la métaphore du siège,et considérons quels en sontles «moments»- ce termedevantêtreentenduà la foisau sensd'une évolutionhistoriquede la situationet au sensdes prisesde positiondiverses qui,au pointoù nousen sommes,coexistent.

Féminité,féminitude,féminisme: les trois "moments"de la bataille 1. Premier : Féminité. Ou : «Toutestpourle mieuxdansl'étatde moment

est horsde la villedes siège.»L'assiégeantest aux portesdu ghetto.La nourriture femmes; les champssontappropriés C'est un siègetranquille.Il a parl'agresseur. bloqué toutesles issues,saufla grandeporte,fleurie(surtoutle jour de la fêtedes baissémènedansson camp.Tantque les femmesacmères),qui parle pont-levis ce chemin,d'allerquêterleur nourriture ceptentd'emprunter (et en échangede quel travail,d'ailleurs!), il leurdonnedes miettes.Elles ont encorefaimdansleur maisça a l'airsupportable; d'autant dépendance(aspect matérielde la féminité), leur «fournit»aussil'«explication»: plusque (idéologiede la féminité) l'agresseur c'est que leur constitution de femme(biologie)EST d'avoirfaim,ellesSONT un manque...que lui peut combler(la preuve: les miettes).Affaiblies parle travailellesse disentqu'il doitavoirraison,que «c'est servageet le manquede nourriture, contreleursmaîtresles «méchancetés» commeça» . Tout au plusretournent-elles qu'ils leuradressent: ILS SONT ceci,ilssontcela,maisça aussi «c'estcommeça»... refusent individuellement la féminité et deviennent folles, Quelques-unes, pourtant, ou sonttuées. 2. Second moment: Féminitude.Ou mouvementde reconnaissancedes femmes.Ou : «J'aiété affaméeparlui, sansdoute(1ère prisede conscience)mais j'ai de la VALEUR.» Par exemple: «Jesuislégère,je peuxsauteret danser,je vais construire autrechose,loin de lui. Jesuislourdede moncorps ; mon m'envoler, JE le valorise.»Maiscomment, «loinde corpsest beau. Ce moi qu'ils dévalorisent,

15 lui» ? Mais qui, «je» ? Questions critiques.Réponses incertaines.Cette féminitude, semblable à la négritude,cette différencerevendiquéemais «en mieux», es féminisme culturel, semblable au nationalismeculturel noir, feront-ilsque Ton puisse se nourrirde sa faim ? Prendreconfiance en soi, dira-t-on,est nécessaire.Certes,et cela passe nécessairementpar un «entresoi», un entrenous. Mais «soi» est amaigri, le ventreballonné, c'est le produit de la dynamique de l'affamement,de la dynamique du siège. Nous ne pouvons pas nous contenterde tournersur nous-mêmes, de danser toutes seules en rond, tandis-qu'/fr sont là à nous enclore,à nous barrer les chemins de la liberté. Croire que nous pourrions trouvernotre nourritureen nous-mêmes,c'est faire un raisonnementessentialiste(l'idée d'un soi auto-nourrissant) ou métaphysique (attendre que la manne nous tombe du ciel). C'est faire le jeu de l'autre, c'est s'arrêtersur l'artificetactique de l'adversaire(la faim,la féminité) sans voir sa stratégie(le siège, l'enfermement),se centrersur l'effetsans attaquer la cause. C'est s'enfermerdans un raisonnementstatique, c'est fairel'impasse de la réalité. La réalité est que les trottoirset les places de la ville sont soigneusement asphaltés par l'agresseuret que rien ne pousse dans le ghetto qu'il ne l'ait bien voulu (sauf quelques plantes des murailles,qui ne sauraient remplacerla possession des champs de blé). Même nos qualités «féminines»,comme nos «défauts», sont le produit du rapport politique hommes-femmes,le produit du rapport de siège. Au moins, s'il est une qualité - si obligatoirementet durementacquise dans notre servitude- dont nous devons nous servir,c'est bien le courage... Le courage de nous reconnaîtreet de nous rassembler,oui, mais pour forcerle siège. 3. Troisièmemoment : Féminisme. Ou mouvementde libérationdes femmes. Ou : attaquer les racines sociales de la différence.Ou : «Je ne serai ni femmeni homme au sens historique actuel ; je serai quelque Personne dans un corps de femme.» La réalité est que la nourriture,les champs sont hors du ghetto. S'il est un «ailleurs» où nous devons aller cherchernotre nourriture,c'est bien là où elle se trouve, dans l'espace des champs reconquis, au-delà du rapport de siège. S'il est un «autrement» par lequel nous devons acquérir notre nourriture,c'est bien en nous battant sur le champ de bataille. Pas en dansant une ronde poétique sur la place du haut de la ville, celle aux escaliers,comme si nous avions le pouvoir de remonterle pont-levis,de nous renfermersur nous-mêmes.Car le cœur du problème, c'est bien que la machineriedu pont-levis,les chaînes qui le maintiennent baissé vers l'assaillant,est non pas dans nos mains, mais dans ses mains. Le champ de la bataille, c'est la grande porte ouverte de la Féminité,c'est le pont-levisbaissé de l'oppression, c'est le camp de l'agresseur.C'est pour les traverseren force que nous devons rassemblernos forces. Chacune de nous ne pourra être «elle-même» que lorsque toutes nous nous serons réappropriéle monde du réel. (Après seulement, notre imaginaire,comme celui des hommes, sera transformé).Pour le moment, il nous faut de l'imaginationconcrète, tactique, qui procède d'une analyse des faits. Est-ce à dire que l'utopie soit à refuser? Certesnon. Les utopies, comme les cris, nous sont nécessaires : elles sont nos mots d'opprimées,notreimaginationso-

16 l'utopieprocèdeen faitd'une analyse; et il y a plusieurs ciologique.Simplement, Les unes sortesd'utopiescommeplusieurssortesd'analysesqui les sous-tendent. à : les en la réalité savoir en donc contre) (et politique, qui prennent compte = un dans classe l'intérieur, définie (à rapport par) femmes sociologiquement maisdontl'oppressionest elle-même idéologid'oppressionmatérielet historique, à une le dominant soi-disant détermination bioloquementrapportéepar groupe rendre et d'elle seule. Les autres sans s'en de la classe opprimée, qui, parfois gique à leur compte(et contrenous-mêmes) la théoriede l'opprescompte,reprennent = : la femme. son à savoir les femmes seur, idéologiedernière,

Biologique,idéologique,politique... à éluciderle rapportentre Il nous sembleimportant de parvenir maintenant le politiqueet le «biologique».Car - et c'est là une sourced'ambiguïtéet de confusionpossibledansnosanalyses- nouspouvonsà la foisdirequ'il n'ya pas de rapportentreune constitution physiqueet une «condition»socialeET reconnaître le il que pour moment,rapport y a ! Et nous avonsà poser- nonpas cettefausse de savoirquellesseraientla (trèsà la mode chez les «scientifiques») problématique du du social dans le et la d'individus comportement «part» «part» biologique sexués - mais bien les questionssuivantes: l)En quoi le biologiqueest-ilpolidit, quelle fonctionpolitiqueremplitle biologique? 2) En tique ? Autrement les aux classesbioquoi (et pourquoi) classessocialesde sexe correspondent-elles ? de sexe 3) Comment,matériellement, joue l'idéologie? Certes,nous logiques avonsdéjà des élémentsde réponseà ces questions, maisl'analyseestà poursuivre. A.- Le biologiquecommeidéologierationalisant le politique.Nous savons définie le dans rapportd'oppression)des hommesnous que la classe politique(= en natureson pouvoird'oppresdéfinitcommeclasse biologique,afinde justifier dessexes,maisdansun seulsens.Car,contraireseur.Ils se serventde la différence il n'ya pas dansleurtêtede mentà ce que nouslaissentcroireleurshauts-parleurs, réelledifférence la reconnaissance de des sexes : si tel étaitle cas, cela supposerait deux groupessexués. Or, eux-mêmes se pensentcommeêtrepurementsociaux, généraux,et non pas comme «groupebiologiquedes hommes».Groupe des hommes,oui. Mais dans leur espritils ont une qualité,nous seulesaurionsune A la définieparla maternité). constitution (principalement physique«particulière» en réponseà «féminité», limite,c'est nous qui utilisonsle termede «masculinité», dans une analysesociologique; mais pour eux, «féminité»(donnée du registre social, biologique)s'opposeà «virilité»(qui est un acte,du registre psychologique, humain,commeils se (nous) l'expliquentavec tantd'affreset de complaisance...). Nous voyonsdoncun groupesocialqui décide,agit,pense,organiseson pouvoirsur commeseulbiologique. l'autregroupesocialen le définissant B. - L'idéologiecommematériellement dans la réalité.C'est efefficiente sur notreapparencephysiquequ'ils se basentpour à chaque instant fectivement mettreen acte leurpouvoir.(Exemple : un travailévalué«en soi» - c'est-à-dire

17 de sexe, c'est-à-diresi un hommese présente- à hors de toute considération femellequi répond 3000 F va baisserà 2000 F si c'est un êtremanifestement à la petiteannonce.)En bref,notreclassesociale «femmes»,fruitdu politique,a bien,de par le jeu de l'idéologie,les contoursmatérielsde notrecatégoriebiologique... C- Le retournement logique du politiquesur le biologique.A partirde notreprisede consciencede leurpolitique,et de notreanalysepolitique(à savoir qu'aucunedes deux catégoriesde sexe n'existe,et donc ne peut se penser,hors du rapportà l'autre),nousconstatonsqu'en conséquencedu faitqu'ils ont choisi leurpropreclassepolitiquecoincide le biologiquepournous définir politiquement, l'exclusion des hommes(physiques) contours avec leurs aussi physiques...Aussi, de nos groupesest l'expressionmêmedu faitque nous avonscomprisleurpolien effet,commegroupepolitique.Nous avons tique, que nous les considérons, Eux n'avaientutilisépolitiquement totalement que la nôtre politiséVanatomie. comme LE Leur exclusion «anaseules sexe). (en nous définissant idéologiquement du Où l'on le retournement de leur voit est un retour politique. logique tomique» contre l'idéologique. politique

Forcerle siègeou mourir Si doncc'est bien à partirde notreanatomiede femmesque nousavonsété c'est bien aussipour ne pas oublier obligéesde nous rassembler politiquement, est cette constituée catégoriebiologique politique, que par le rapportsociald'opde Pour même ne pas oublier,pour avoir et pression par l'idéologie l'oppresseur. le couragede reconnaître si de femmesanatomiques, nous réunissons nos forces que en tantque femmessociologiqueset dansle mêmetemps c'estpournous détruire leshommesen tantqu'hommessociologiques. détruire Nous devonsabolirlesclassessocialesde sexe,et pourcela ne pas nouslaisser envahirpar l'insidieusequestionde l'identité,des valeurs«spécifiques»à chaque dansla seulevalorisation de notre«culture»de sexe, ne pas nouslaisserengloutir sexe. Nous ne devonspas oublierque «spécifique»veutdireen premierlieu «qui en propreà une espèce». Pour nous, il n'y a qu'une seuleespècehuappartient ce toutesles hiérarchies maine, qui excluttoutesles discriminations, (de sexes,de races,déclasses...). Pour nous,l'analysedoit êtred'abordcelle du rapportde forcequi transsur formeles femmesen femmes.Un discours,une pratiquequi se centreraient à leurinsulestermesde les femmescommefemmescourentle risquede reprendre l'oppresseur: de fermernotrecatégoriesur elle-même.Et, en faisantcela, de de faire «laissertomber»toutesles femmesqui n'ontpas la possibilitématérielle commesi l'agresseur n'existaitpas - qui n'ont pas le loisirde retomber dans le En de la femme-valeur-femme. ces nous nous retournerions piège acceptant termes, contre nous-mêmes, contre notre groupe social de sexe, en fabriquantune «identité»qui cache l'exploitation et l'oppression, matérielle ce rapporttrèsquotidienqui crée notreclasse. Car les femmesles plus femmes,celles qui corres-

18 pondent le plus pleinement à l'actuelle «identité» de notre classe, ce sont les femmesaux salaires de misère,et celles dont le mari s'oppose à ce qu'elles fassent grève,les femmes sans salaire du tout, les femmesviolées, les femmesbattues, les femmesdélaissées avec les enfantsà leur charge. Ce n'est donc pas nous, les femmes,qu'il s'agit de reconquérir,c'est notreliberté. Nous n'avons pas seulementà promouvoirnotre féminitude.Si nous devons nous vivifier,si nous devons prendre la parole et l'écriture,si nous devons passer aux actes, c'est pour transformer maintenantles rapportssociaux, économiques et à amènent classer politiques qui hiérarchiquement,en groupes dits «de sexe», des individusidentiquementhumains,identiquementsocialisables... Il s'agit d'analyser, pour le détruire,le système des sexes sociaux. Il s'agit de forcerle siège... ou de lentementcontinueide mourir.





Une revuethéoriquepour le féminisme? Oui. Nous voulons interdirequ'un rapporteurde loi puisse dire, à l'Assemblée, que les femmes vieillissantescoûtent cher à l'économie nationale et que, pour l'amour d'elles, on votera la retraiteà 60 ans pour épargneraux employeursl'ennui d'avoir à s'en débarrasser...Nous voulons comprendreet mettre à jour les déterminantshistoriques et sociaux qui ont permis qu'un groupe social puisse être traitécomme un bétail : qui ont fait de nous - la moitié de l'humanité- des êtres domestiqués, élevés en vue de la reproductionet de l'entretiende l'espèce. Nous connaissons le sens des mots et que «l'amour, l'abnégation, le dévouement» est le langage truqué du mépris,de l'humiliationet de la peur dans nos vies quotidiennes. Nous - des êtres vivants - traitéscomme des objets, parce qu'une société fondée sur la violence, l'exploitation et l'oppression suppose, s'agissant de nous, la dé-possession (du nom, de l'identité, des droits, du corps), le viol, la terreur,le meurtre.Nous, objets, selon le cas, d'usage, de troc, d'échanges, de fortune,de bien-être,de prestige,de pouvoir, de manipulation,de science. Nous, seules de tous les groupes sociaux historiquement dominés, méconnaissant le caractère social de notre condition parce qu'en tant que femmes,assujetties par contratssinguliers(de mariage)au patriarcat. Nous connaissons le sens des mots :«Péternelféminin»,«l'instinct»,le grand renfermementdans «la nature des choses»... Nous savons que psychologie,catégories de la connaissance, disciplinesdu savoir,valeursbourgeoises,idéalisme,sont un langage chiffré.Il n'y a pas d'essence. Pas de femme, de féminité,d'éternel

19 féminin.Il y a un groupe social chargé des basses besognes, méprisé d'avoir à le faire,si peu «spécialisé» que le langage qui nous désigne et nous conformenous décrit simultanémentcomme le sexe, mais comme celui qui n'en a pas, comme la déesse-mère et comme la putain, comme l'hégérie et le bas-bleu. Nous savons que «les femmes» c'est un rapport de force supposant la double journée, la disqualification professionnelle,la plus basse paie, la charge sociale exclusive des vieux, des infirmeset des enfants. Les uns disent : la femme. Nous disons : les femmes. Féministes,nous le sommes parce que la manipulationcommercialede notre corps, de nos vies, ne nous laisse pas le choix ; parce qu'une société qui permet l'exposition du sexe des bébés-filles(ex. : le Danemark) montre clairement le caractère politique de la hiérarchiedes sexes et que ce n'est pas la pornographie qui procure la jouissance, mais la jouissance du pouvoir qui constitue la pornographie. Féministes, nous devons montrer le caractère historique, social, donc arbitraireet réversible,de cette hiérarchiedes sexes, et qu'il n'y a de «femmes»que pour autant qu'un rapportde force inégalitairefait de l'oppression et de l'exploitation d'un groupesocial la condition du pouvoir de l'autre.

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CLUB DES FEMMES : «Citoyennes,je viens de découvrirsous ce masque perfideun de nos tyransconjugaux qui s'était glissé parmi nous pour nous moucharder: je demande qu'il soit passé à la savateen pleine assemblée». ADOPTÉ.

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Nos amiset nous. cachésde quelquesdiscours Lesfondements tes feminis pseudo-

L - LE NEO-SEXISME OU LE FEMINISME MASCULIN Où Von voit qu'il y a mieux qu'un silence de femme : une parole d'homme1 Nous comptonsde bons amisparmiles hommes.Nous les fuyonscommela là la démarche peste,et eux tâchentde forcernotreintérêt: qui ne reconnaîtrait mêmede l'amitié! Y. Florenne,aux premiers rangsde ceux-ci,n'arrête pas d'êtreamicaldu haut de sa colonnedu Monde.C. Alzon,du haut de sa tribunedu mêmeou de sa chaire de Vincennes,se proclame«féministe». Nous nous découvronstous les jours de nouveaux«amis» : P. Laine par exemple,découvertdansun numérospécialque la QuinzaineLittéraire a «consacréaux femmes»en 1974 et qui nousa faitl'amitié dans la revue d'écrireun livresur nous, SamirAmin qui «salue le féminisme» Minuit(janv. 1974). ont plumasculinsde la libérationdes femmes, Tous ces amis,ces partisans sieurspointscommuns: - Usveulentse substituer à nous. - us parlenteffectivement à notreplace. - Ils approuvent la libérationdes femmes, et mêmela participation des susditesà ce projet,tantque libérationet femmesles suiventet surtoutne les précèdentpas. - Ils veulentimposerleurconceptionde la libération des femmes, qui inclut la participation des hommes,et réciproquement ilsveulentimposercetteparticipaet le sens : la direction,de la libérationdes tion pour contrôlerle mouvement femmes.

1. Ce texte a été commencé en 1975. Cest pourquoi la plupartdes articlescités dans la premièrepartie datent de 1974. Mais, même en ce qui concerne cette année-là,on s'apercevra vite que j'ai négligénombrede productions.En effetmon propos n'était nullementde dresser un quelconque tableau de l'année sexisteécoulée, mais de décriredes mécanismesen analysant des exemples significatifs. J'ai été les chercherdans toute l'étendue historiquedu mouvement des femmes,et certainsévénementsrappelés remontentaussi loin que 1970. En 1977, mes exemplesont toujoursune valeur illustrative,comme un brefpassage en revuede la littérature actuelleen convaincra.

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de soientnos amismasculins,ils ne peuvents'empêcher Aussi bienveillants laisserpoindre,à un momentou à un autre,le bout de l'oreille.Ils comprennent : de libération disent-ils les mouvements des femmes, jusque dansleurnon-mixité En ceci ilsse distinguent de «Bien sûr,les opprimésdoiventse libérereux-mêmes.» et se montrent à la grandemajoritédes hommes,qui ne comprend supérieurs pas, et qu'ils renientvertueusement. Eux montrent une attitude«ouverte»; ilsessaient de comprendre parceque ce sontde finestêtespolitiques,du genrequi saitflairer en tantque finestêtes avanttout le monded'où soufflele vent.Maisjustement, de de fines c'est leur devoir Et analyses. ceci les conduitinévipolitiques, produire tablementà repérer, ici ou là, despointsnégligés entenparles femmes, qui restent, dons-nousbien, les actricesprincipalesde leur libération.Mais,ayantrepéré,il seraitmalhonnête,voireinamical,de ne pas nous indiquerces pointspar nous maisfermement. AinsiChénau,l'un de négligés.Et indiquerils font,gentiment, en une page, dans la QuinzaineLittéraire, nos meilleurssupporters, produitune de définitive mouvements des femmes et amitié des analyse oblige grouffres et qu'ellesn'ontpas vus,maisque lui voit.Ces mouvements ontpris qui lesguettent une mauvaisevoie- unevoienon-chénauienne. Son devoir,qu'il assumetristement mais courageusement, est de nous avertirque, dans ces conditions(de non-chéà nous courons notreperte.Et croyezbienqu'il en est désolémaisil y a nauité), réfléchi unepage entière.Alors...que peuventdesmilliers de femmes et desmilliers de pagesvenantdu mondeentiercontrela pénétration d'un Chénau? politique Pourlui,rien Que ces groupesqui travaillent ans six sur une depuis questiondont il disposeen soixantelignes,et toutseul,arrivent à des conclusionsopposéesaux siennes,ne le faitpas douterunesecondede la validitéde son analyse: si quelqu'un se trompe, ce n'estpas lui. Y. Florenne,lui, saitmieuxque lesfemmesquellepsychanalyse les opprimeet à laquelleellesdoivents'attaquer.Lui aussi,et avecle mêmeregret, se doitde nous de sommes cible. Ah, si seulementil y avaitplus signalerque nous nous trompées d'hommescommelui parmiles femmes! C. Alzon faitchorusavecFlorenne,mais surun tondéjà plussec.Carsi le premier en disantque prétendencore«plaisanter» «le féminisme estune chose tropsérieusepourêtrelaisséeaux femmes», C. Alzon ne rigoleplus du tout : le féminisme est son affaireet ces bon dieu de bonnes femmessonten traind'y foutrela merde.A preuve: ellesne traitent pas despromaisc'est à nousde fairele blèmesqu'il a missurleuragenda(car c'estsonaffaire travail),se plaint-ildans sa tribunedu Monde. Et encoresi c'étaitquestionde paresse: mais c'est pire. Il détectede la mauvaisevolonté,voirede la mauvaise foi ; il diagnostiqueque si nous ne traitonspas des problèmesqu'il a décidéque nous devionstraiter,c'est parce que nous ne sommespas prêtesà «tenircompte loyalementde la biologieet de l'ethnologie».En somme,mais est-ceétonnant de la part de femmes,nous refusonsun combatd'hommeà hommeavec ces de chairet de sang êtres(la «biologie»et «l'ethnologie»doiventêtredespersonnes Et notre être avec «loyal» (ou «déloyal») elles). déloyautéellepuisqu'onpeut Et «ce mêmedoit êtremise au compted'un «manqued'honnêtetéélémentaire». n'est pas tout». Nous «préconisons»des «solutionsinacceptables»(pour qui !). Enfinnous ne «précisonspas» que la non-mixité est «affairede tactiqueet non de dogme». Peut-être ne ? nous savons Mais alors que pas quand on ne sait pas on ne lèvepas la main.Rasseyez-vous Mademoiselle et laissezla paroleà votrepetit

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camaradequi sait : sait ce qui est affairede tactiqueet saitce qui est affairede Alzon Et là, évidemment, dogme,en brefsait ce qu'est le «Radical-Féminisme». a une longueurd'avancesurnouspuisqu'ila inventéle mot.En touslescas le «Raest là : le modèleen est tout clairdans la têted'Alzon,et les dical-Féminisme» en trainde dévoyerce modèle. femmes sonttoutsimplement de ce que une vue si clairenon seulement Maisd'où ces hommestiennent-ils mais de ce qu'il est dansson essence,essencedontles devraitêtrele féminisme, un reflet, mouvements réelsne sontà leursyeuxqu'une incarnation contingente, fait carrément insaimitation tout à sinon à les une et, entendre, approximative ? tisfaisante à ces mouvements Le faitde ne pas participer réels,de ne pas en suivreles enfinle faitde ne pas êtredes individus discussionset les débatscontradictoires, un et premièrement directement impliqués,ne semblentpas pour eux constituer obstacleà la prisede positions.Ils pensentque leursopinionssontnonseulement maismieux,qu'ellessontplus aussi valablesque cellesdes individus sus-mentionnés, leur statut Il leur inévitable valables. semblequ'ils conçoivent non-engagement, non mais au contraire comme un d'observateurs, commeun handicap, avantage. Cetteconception- implicite- va de touteévidenceà rencontrede leurspropres de principespolitiqueset de ceux qu'ils acceptenten acceptantles mouvements des femmes. libération ? C'est que nous ne sommespas des flagrante Pourquoicettecontradiction n'oseraient commeles autres.Ils jamais«conseiller»les Noirs,lespeuples opprimées à forte leur«erreurs»du Tiers-Monde, les Palestiniens plus raison«rectifier» surla façonde menerla luttecontreeux,blancsoccidentaux.Ils n'oseraient jamais sous-entendre que ces opprimés-làsont «à la foisjuge et partie»,tandisque les constamment ne seraient«que juges» (!), commeils le sous-entendent oppresseurs : une bienveilà proposdes femmes.L '«amitié»de nos amis est du paternalisme une bonne dose de mépris,mieux,une bienlance qui comportenécessairement veillancequi ne s'expliqueque par le mépris.Ils se mêlentde nos affaires parce qu'ils nous estimentincapablesde nous en occuper.Mais «ce n'estpas tout» : la vérité- une autrevérité- c'est qu'ils ne peuventse résigner, eux qui sontlespremierspartout,à ne plus l'êtreaussi là : or,là, ils ne peuventmanifestement pas de garderune place,de n'êtrepas n'estqu'une tentative l'être.Leur bienveillance exclus. Il existeune raisonobjectiveet majeureà leur tentativede contrôlerla : la peurqu'ils ne se dirigent contreeux ; maisde surdirectiondes mouvements croîtune tendanceimpriméeen eux dès leur naissance,et devenueune seconde nature,est plus fortequ'eux : il fautque cetteplace soitleurplace,et leurplace c'estdevant. On Ta vu d'une façonspatialeà la première de femmes grandemanifestation en novembre1971 pour la libertéde Favortement. Si un tiersdes hommesétait commeconvenu,les deux autrestiersétaientdevant,cachantles femmes, derrière, laissantcroirequ'il s'agissaitd'une manif.usuelle,c'est-à-dire d'hommes.Aucune exhortation de se remettre, ne pouvaitles convaincre sinonderrière, au moinsdans de les rangs.Et pourtantils étaientconscientsqu'il s'agissaitd'unemanifestation allaitcontreles conséquencespratiquesde ce femmes.Mais leurconditionnement fait.Il fallaitque là encoreilssoient,commed'habitude,au premier rangde ce qui se passait,quitteà mettreenéchecl'objectifpolitiquequ'ilsapprouvaient.

24 entreces «amis» et nos ennemisdéclarés,ceux qui Où est alorsla différence de nous traînentdans la boue et nouscouvrentde ridicule? C'est une différence de de non et de dirait une «affaire et comme ou Alzon, fin, tactique», moyens pas de front et avouent franchement Les nous («loyalestratégie. premiers attaquent à la nôtre).Nos ment»?) leurobjectif: resterà leurplace(et doncnousmaintenir d'une de ont leur choisi amis,eux, façonplus subtile,mais d'essayer garder place sontexclus,de peu puisqu'illeurrestela soaussipluscomplète.Car les premiers tandisque les secondsne visentà ciétéentière, maisau moinsdes rangsféministes, du petit bastionde rien moins qu'à maintenirleur pouvoirjusqu'à l'intérieur à ce pouvoir. résistance de passerun papier Au printemps 1971, nousavonsessayéà plusieurs reprises dans le Monde, avantet aprèsle manifeste «des 343» pourexpliquernotreposition.Le Monde,nousl'a toujoursrefusé,sous le prétexteque cettepositionétait déjà exposée.C'étaitFAUX : de 1970 à 1971 il étaitparuune soixantained'artil'autre dansce journal.La moitiéprovenait des réactionnaires, cles surl'avortement la moitiéétaitcontretoutavortement, l'autremoitiécontre moitiédes réformistes, la libertéde l'avortement. Le Monde avait l'avortement libre.Aucunne défendait donc donnéla paroleen un an au moinstrentefoisà «Laissez-lesvivre»et trente - organisation foisà l'ANEA (Associationnationalepourl'étudede l'avortement) et l'avortement soutenant elitiste, anti-femmes, thérapeutique, anti-démocratique, la mise en tutelledes femmes.Jamaisle Monde n'a accordéla parole c'est-à-dire ni en tantque partiesprenantesd'un aux femmesqui luttaientpourelles-mêmes, ni en d'un manifeste et tantque signataires mouvement historique international, en n'a acceptéde de Jamais il s'est qu'il cependantdépêché publier première page. la était à et qui devait une du manifeste seule fois positionqui présenter l'origine resterle moteurde toute la campagnesubséquente, celle pour la libertétotale de l'avortement. notonsque M. Badiou,leaderd'un grouA titrede comparaison, de Vinmilitants dansl'université totalise maoïste puscule qui vingt-cinq répartis cennestoutentière,eut droiten cettequalitéà exposersesconceptions politiques dansunetribuneduMonde. «des 343», qui a été invitéà parlerau colloqueorgaJusteaprèsle manifeste ? L'ANEA,le Dr Milliez, nisépar le NouvelObservateur, à proposde ce manifeste a E. Sullerot,etc.. maispas les signataires. Qui, à cause de ce mêmemanifeste, ? l'avortement théradans les journaux Les partisansde largement pu s'exprimer de surcroît, combattaitet dontle mouvement peutique- ceux que le manifeste, du maétait en trainde dépériret auraitpériclitésans la «bombe»journalistique : des adversaires de la linifeste.Ainsi,celui-cia faitla fortunede ses adversaires a été du manifeste berté.C'est par un pur hasardque la positiondes signataires le le Nouvel a fait dans Observateur le livre blanc après colloque. Il que publiée n'étaitpas prévupar ce journalqu'elle le fut.En revancheles opinionsde Milliez, et s'yétalaient. etc. avaientété religieusement recueillies Sullerot,Dourlen-Raulier, Le Monde,le NouvelObservateur, A d'autre s'attendre dira-t-on. bien, quoi : parlonsde ? Parlonsalorsdes «révolutionnaires» de la partde l'Establishment Masperopar exemple.Le numérospécialde Partisans: «Libérationdes Femmes, en annéezéro» (n° 54-55,juil.-oct.1970),a été arrachéde hautelutteau rédacteur d'un femmes féministe chefde cetterevue,E. Copferman. ayant Quelques groupe à Maspero,celui-cirefusade l'éditer,et proposaà en 1970 proposéun manuscrit

25 la place d'en publierdes extraitssous formed'articlesdansun numérode Partisans consacréaux femmes.Et de chercherdes auteurspource qui seraitentièrement numéro.Et de les trouver.Qui donc, en dehorsde nos camarades,devaitécrire - qui devaitremplir les deux tiersde la revue? Des spécialistes. Des spécialistes de ! E. ? Ainsi était-il une article Mais du marxisme, voyons Terray pressenti quoi pour sur...Engels,et le resteà l'envie.Voilà ce qu'on appelaitet continued'appelerun «numéroconsacréaux femmes»: des commentaires d'hommessur des livres à trois.Quandnouslui avons d'autreshommes.NoussommesalléesvoirCopferman de libérationdes f«runes,il nous a toisées: dit que nous étionsdu mouvement ?» Ceci pouvaità la rigueurse comprendre : nulne connaissait «Quel mouvement - et notreexistence.Maisjustementnousétionslà pourl'informer. D'êtreinformé ne nous a valu aucunegratitude, maisne lui a parmiles premiers non seulement en suffi. se constitue qu'un grouped'opprimés groupede lutte pas Apparemment, est un acte politiqueen soi danstous les cas, saufdans le cas des femmes.«Com?» Hélas, mentpuis-jesavoirqu'il ne s'agitpas d'un mouvement petit-bourgeois d'un révolutionnaire nous n'avionspas de certificat signé patenté(lui-même parqui d'ailleurs?). Ne sachantrien,comme on l'a vu, de la libérationdes femmes, E. Copferman ne doutaitcependantpas un instoutde sa problématique, ignorant tantde savoirquellesétaientles bonnesquestionsà poser. ? - la «Révolution»tandis D ne doutaitpas de détenir- parquellelégitimité Et il envisageait en demander encore de lui un satisfecit. que nousétions situation la demander ses titresde moinsque nous aurionspu lui retourner question: lui de la Révolution; nousen considérer commeles légitimes et ne héritières, propriété : voiren lui qu'un bâtardsansdroits.A proposde sa questionsur«petit-bourgeois» à côté de la plaque ne lui faisaitni chaud ni qu'elle fûtpour nous complètement froid.Dans les premières réunionsdu groupede Paris,alorsuniqueen 1970, nous avons dû viderphysiquementdes hommes,venus seuls, et persuadésque ces réunionsdevaientêtremixtes.Que les premières concernéesfussentd'un aviscontraireà celui de l'intrusne jetaitpas de doutedansson espritquantà la validitéde sa propreopinion,pas plusque le faitqu'ellesétaientdeuxcentset lui seul. Pources hommes, n'étaientpas unemajorité: je croisque deuxcentsfemmes c'étaitplutôtcommeun seul autreindividu, puisquec'étaienttoutesdes femmes. Et à cet autreet uniqueindividu, l'hommeen questionse sentaitde plus le droit dfimposersonopinionet sa présence. Pouren revenirà Copferman, son arrogance ne nousa pas intimidées comme il l'espérait, maisindignées: nous lui avonsditqu'unmouvement socialn'avaitpas à se justifierdevantun individu, fût-ilrédacteuren chefd'une revue«révolutionnaire»,et nousavonsprisla directionpolitiquede ce numéro,commeil étaitnormal. Nous avons donc fait seules - ou presque,un certainGodmichaus'étant ne se l'est - et ne nous l'a - jamaisparaccroché- ce numéro.Mais Copferman donné.Un numérosuivantde Partisans(n° 57) contenaitdeux articlesvindicatifs du mouvement vis-à-vis et serviles des femmes vis-à-vis de la gauchemasculine, que, ou Maspero,mais qu'importeles indiviCopferman pour comble d'indignité, dus - avaitcommandésà des femmesde leurorganisation Et environ (trotskyste). un an et demiaprès,Partisanspubliaitun articlede C. Alzon,que beaucoupontpris à l'époque pourune femme(ce qu'on devaitespérerchez Masperopuisquel'équivoque - trèsutile- n'a pas été levée),«La femmepoticheet la femmebonniche».

26 Cet articleacceptaitassez du féminisme pour n'être pas récusé d'emblée(et contreluid'autantmoinsqu'il semblaitque l'auteurfutune femme), puisl'utilisait de la récupération. Un an plustard,Masperosortait même: ce qui est la définition en livrece texte,à peineaugmenté.Inutilede direque Masperoavaittoujoursreféministes fusé les quelques manuscrits qui lui avaientété proposés.C'est donc biennotreparoleque C. Alzon a prise,et avec l'aide - avecl'empressement comde France».Le contenudu livreest révélaplice - de «l'ÉditeurRévolutionnaire teuren soi ; mais qu'il soit publiéchez Maspero,quand on sait Panimositéque (ce derniera été jusqu'à adresserune lettred'injuresorMasperoet Copferman l'intermédiaire d'Actuel,à E. Durand,auteurdansPartisansde l'ardurières, par ticlesurle viol) n'ontcessé de manifester au mouvement, étaitdéjà une indication d'anti-féminisme. inutilede direque si il a été fait Quantau numérode la QuinzaineLittéraire, surles femmes, c'est dansle sensqu'il a été faitsurleurdos : carlesmouvements de libérationqui en étaientle sujetn'ontété ni contactésni mêmeprévenus.Un de femmes, numéroentiersurlesmouvements qui s'yprétendde plussympathique, et où la parolen'est pas donnéeune seulefois à une quelconquedes femmesde - pour ! Voilà unebelleperformance, ces mouvements qu'on voudraitvoirréitérée le sport- au sujetdes Palestiniens, des Bretonsou desJeunes.Maisnuldouteque l'on ne le verrapas : l'impudencea ses limites,qu'on ne peut franchir qu'avec les femmes.Mais avec elles,pourquoise gêner? C. Alzon, dont on saitmaintenant qu'il est un hommeet ne faitdonc partie,à son granddam,d'aucungroupefémilibresdu Monde sur...la libération des femmes. niste,a écritce jour deux tribunes On saitavec quel succèsnous avonsdemandéces tribunes. Et C. Alzonn'auraitjamaisbénéficiémêmed'une tribunesurunautresujet; c'estparcequ'il parlesurles femmesqu'il a obtenuces tribunes. Et il ne les auraitjamaisobtenues,surce sujet non plus,il y a cinq ans : c'est le surgissaientdes mouvements de libération et la demandede paroledes femmesqui a crééune demandede parolesurles femmes. Le pouvoirmâle non seulementdissocieces deux exigences,mais utilisel'une contrel'autre: il ne suffisait la paroleaux femmes; il fallait,pour pas de refuser mieuxrétablir faire des hommes surles femmes. Ces hommesparlent l'ordre, parler donc doublementà notreplace : ils parlentde nous,mieux,de notrelibération, et ilsen parlentdeslieuxd'où noussommesproscrites. Ils ontla parolegrâceà nous, maisde plus,en nousla retirant. Plusexactement, c'estpournousla retirer qu'on la leur donne.Tandisqu'auteurset réalisateurs anxieuxde se faireun nom et une carrière sautentà piedsjointset brasraccourcis surce nouveaudomaine: la libération des femmes,éditeurset rédacteurs de livreset de journaux,producteurs de filmsou de télévisionattendent anxieusement ce qui seraplusencorequ'un silence de femme: uneparoled'homme.

Où Von voitMerlinl'Enchanteurtransformer les bonnes intentionsen de classe. appartenance Les amismâles de la libérationdes femmes- que d'aucunesappellentavec l'impertinence, pire, l'ingratitude, qui caractérisentles enfantsgâtées, nos «souteneurs»- ont révéléà maintesreprisesque leurcompréhension s'arrêtait là

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où la véritablelibérationcommence.Comment,dans les conditionsdécritesplus se déclarernos «alliés»? sansforfaiture, haut,peuvent-ils, Ils ne le déclarentpas longtempsd'ailleurs.Il n'en fautpas beaucouppour qu'on s'aperçoiveque la bienveillanceaffichéepar laquelle ils prétendentse des autreshommesrecouvrele mêmeméprisque l'hostilitédéclaréedu distinguer délitde «rectifier nombre. Prisla maindansle sac : en flagrant nos erreurs», grand Y. Florenneabandonnevitela carottepourle bâton: «Prenezgarde,dit-il,de vous aliénerles quelqueshommesqui sont bien disposésenversvous.» Maispourquoi devrions-nous prendregardeà cela ? N'est-cepas de nous que dépendprincipalementnotrelibération? Cettemiseen garderévèleque nos «amis»,qui prétendent le penser,le disenten faitdu boutdeslèvres,partactique,maisn'encroientpas un d'hommes mot : qu'ils estiment«l'alliance»(on verralaquelle)d'uneminorité plus de de la femmes la des conscience importante que prise majorité pourla libération desfemmes. : ce n'estpas des femmes, C. Alzon,lui,le ditcarrément commeon le croirait ultimement l'issue du combat maisde nos «amis» féministe, naïvement, que dépend mâles.Son soucid'appuyerce qu'il voudraitêtrevraides femmessuruneprétendue rendencoreplus patente et cettegénéralisation «loi», le conduità généraliser, de sa proposition: «Aucunerévolution l'absurdité socialen'a pu se fairesansl'apissusdescastesdominantes.» pui d'éléments On peut soutenirque l'appui de quelques ennemisde classes- ou plutôt d'individusayantabandonnéleurpositionde classe,car s'ils la gardent,ils restent à tousmodes ennemis- est utile à certainsmoments.Dire qu'il est important dire est une mentsest allerun peu loin.Mais condition déterminant, qu'il est qu'il ne peutse faire»,està la foisunecontreque sanslui «la révolution indispensable, convictionintellecvéritéhistoriqueet une ineptiepolitique,car c'est confondre tuelleetpositionréellede classe.

"Paroled'homme'9ou l'idéalismeà l'œuvre. La pensée qui peut produireune telle confusionest marquéeau coin de l'idéalismeet de la réaction.Y. Florenneva encoreplusloin,si l'on peutdire,dans - naïvement ? - que le rapportindividuel cettepensée.Il affirme entreun homme et une femmeest,de tous les rapports, celuiqui estle plussuceptibled'échapperà la société! On en restebaba. Quant à Alzon, poursuivantsa confusionjusqu'à son termelogique,il soutientque «l'oppositionn'est pas entrehommeset femmesmais entrele fémi. La positionde classeet la façonde la penser- le manismeet l'anti-féminisme» térialisme dontil se réclame- sontlà complètement évacués: il suffit d'unpeu de bonnevolonté,et hop ! on peut fairefi de la structure sociale(tout en «luttant on se demandepourquoi).Et notregrandspéquandmêmecontrecettestructure», cialistede se précipiter dansune ineptiede plus- on ne pourraau moinspas lui re: «l'oppositionn'estpas entreBlancset Noirsmaisentre procherd'êtreincohérent ceuxqui acceptentet ceuxqui refusent un certaintyped'oppression». J'aimele «certaintype»pour sa pudeurvieilleFrance,pour son floutout à fait«rétro». Mais surtout,que j'aime à entendre affirmer des «marxistes» que tout

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se passe au niveaudes valeurs,mieux,des déclarationsd'intentions (pures,bien ne des les sont des entre luttes conflits révolutionnaires pas groupesconsûr); que tantsaconcrets cretsopposéspardes intérêts mais,commela philosophieidéaliste, d'idées ; que le vanteque vulgaire, nousle serinedepuisdeuxmilleans,desconflits ! Dire que de ou de subirl'oppressionne faitaucunedifférence faitde bénéficier à la réalitéde l'oppresc'est pourAlzon,nonpas se référer cela faitune différence, mais «fairepreuvede rasion,qui est aprèstoutla raisond'êtrede la révolution, . cismeou de sexisme» Le retournement de l'accusationde racismeest une réactionclassiquement défensiveet une défenseclassiquement Et cela faitquelque temps réactionnaire. l'on voit les de accusées sexisme femmes déjà que par des gensqui souventn'en mêmepas le sens originel,maisqui ont l'excusede ne pas poseraux connaissent encore moins aux «féministes».L'accusation de «contre«révolutionnaires», racisme»ou de «sexismeà l'envers»est typiquement réactionnaire ; elle l'estdéjà a priori,avanttout examen,en cela seul qu'elle pose implicitement une symétrie et opprimés.Il est incroyable entreoppresseurs ose de qu'on proférer telleschoses à proposdesnoirs,dontle mouvement estplusancien,plusconnuet plusre-connu, Il estincroyable nonseulement que celuides femmes. que quiconquese prétendant au courantdes luttes,maisde surcroît«spécialiste»,fassepreuved'une telleignorance,au senspremierd'absenced'information ; et que quelqu'unqui ignoredes faitsélémentaires de l'histoirecontemporaine ose aborderle sujet. En effet,le a été démystifié «concept»de «contre-racisme» pource qu'il est : depuislongtemps Et ceci n'estpas un développement une tentative d'intimidation. idéologiquerécent et mal connu: toutel'Amériquele sait.Aucunblanc,encoremoinsun blanc«libén'oseraitl'employeraujourd'huiaux ral», encore moins un «révolutionnaire», Etats-Unis. Cette démystification a été l'œuvrede la «nouvellerévolutionnoire» aux a Etats-Unis, qui commencéen 1965 par l'exclusiondes blancsdes organisations de «droits civiques». Cette révolutiona mis un terme à cinquanteans de réformisme surle problèmeracial- cinquanteans de paternalisme blanc.En effet le fonctionnement de ces groupesétaitfondésurun dénide réalité,un faire-semblantconstant.On faisaitsemblant, commele proposeAlzon,que la situationoù les blancsétaientoppresseurs et les noirsopprimésétaitsansinfluence surle fonctionnement des groupesde droitsciviques: 1) surleurpolitique; 2) surla structure de pouvoirde ces groupes.On faisaitcommesi l'inégalité caractérisant intrinsèque les rapportsentrenoirset blancsétaitannuléedès qu'on entraitdansle local de On niait que les blancs apportaientdes ressourcespolitiquessul'organisation. de et accèsà la structure leurs du pouvoir- et meilleures connaissances périeures des ressources, doit d'un faut autre l'instant, mot,appeler«psycholoqu'on pour Commeon ne peut luttercontrece que l'on ignore,ce que giques»,supérieures. l'on nie,ces facteurs et sansfrein,avec le résultatinévijouaientdoncpleinement table que les blancsoccupaientune positionprivilégiée jusque dans les organisationsconsacréesà «l'amélioration du sortdesnoirs». Mais leur présence,en dehorsmêmede toute positiondominantedans la avaitdes conséquencesencoreplusfondamentales, du groupelui-même, hiérarchie : dansdes domainesencoreplusimportants c'est-à-dire 1 - Dans la définition des objectifs, elle-même est liée à la définition du qui

29 contrelaquelleon estcensélutter.Les noirsne de l'oppression combat,c'est-à-dire D'abordilsne en reconnaître leurpropreoppression. des blancs pouvaient présence dénoncer la des même s'ils la dominante blancsdans voyaient, position pouvaient, le la du officielle fonctionnele groupelui-même, puisque dogme, représentation mentdu groupe,dontdépendaitl'existencedu groupeen tantque tel,c'est-à-dire en tantque groupemixte,déniaita priorila possibilité d'unetellechose. 2 - Surtout,que les blancsdu groupeaientou nondespositionsindividuellementdominantes, la tendanceà adopterla définition domileurprésencerenforçait de dont «souffraient». la blanche les Cette c'est-à-dire définition ce noirs nante, de ce au cette définition diffuse deidéologie, par l'oppresseur qu'est l'oppression, les était les membres intériorisée incarnée blancs du noirs, hors, par par groupe. et il étaitd'autantplusdiffìcile N'étantpas noirs,ils l'exprimaient «sincèrement», tandis que celle-cin'existaitpas vraiment, pourles noirsd'y opposerleurdéfinition des blancsétaitla définition officielle. que la définition L'opiniondes blancsétait donc soutenueà la foisparl'ensemblede la culturedoAir les noirset par participent leurprestige d'oppresseurs. Là résidaitun des pointscruciaux.Car non seulementce prestige empêchait les noirsde trouverleur définition de leuroppression, maisen retourla présence des blancsles empêchaitde luttercontrele prestigeque ceux-ciavaientà leurs yeux. En effet,les noirsne pouvaientà la fois voirdes blancset ne pas les voir d'une façonpositive: ne pas les admirer, ne pas désirerêtreeux,puisquececi està la foisun des résultats, une des manifestations et un des moyensde l'oppression. Etreen présencede blancs,les voir,c'étaitdansle mêmetempset avoirune image positivede la blancheuret en prendreconscience.En prendreconscience,c'était prendreconsciencedans le mêmetempsde la base, de la conditionnécessairede cetteimagepositive: l'imagenégativede la noirceur,et prendreconscienceque cetteimagenon seulementexistait,maissubsistaitet jouait à l'intérieur d'uncombatde «libération». Ce n'est pas un hasardsi l'exclusiondes blancsa coïncidéet avec la mode «afro»- qui estbienplus qu'une mode ou mêmequ'unthérapie- et avecl'apparitiondu slogan«Black is beautiful».La non-mixité étaitla conditionlogiqueet concrète historiquede la luttecontrela hainede soi. Les faitsconcrets- l'histoire de la lutte,et des noirset des femmes- commeles implications logiquesde la l'œuvre propositionque la libérationdes opprimésest d'abord,sinonseulement, des opprimés, amènentà la mêmeconclusion: les oppresseurs ne sauraient jouerle mêmerôledansles luttesde libérationque les opprimés! En attribuant des groupesde femmesà un «reliquat»du «traula non-mixité mâle» auraitcausé aux femmeset en le traitant matisme»que «l'autoritarisme commeun phénomènepassager,et, si non passager,condamnable, C. Alzon est à côté de la plaque autantqu'on peutl'être,et de surcroîtil nietoutsimplement et l'histoireconcrèteet les prémissespolitiquesdes mouvements de libération.Sans manifestesdans sa phraseet parlerde la condescendanceet de l'autoritarisme Alzon démontreson incompréhension à la discréditer, totale qui, seuls,suffiraient - des processusde libération. etgénérale- nonlimitéeaux femmes Sa phaserévèleen effetunevisionà la foisstatiqueet idéalistede ces processus. Pour lui il est clairqu'il s'agitseulement,et seulementpour un temps,de un obstaclepurement contourner et il estclairaussique pourlui «psychologique»,

30 «fantasma«psychologique» s'opposecomme«subjectif»(à la limite«imaginaire», est la idéoloà bien c'est-à-dire (ce vulgaire, tique») «objectif» qui conception En à ce et donc comme «structurel». conséquence, traugique), «ép¡phénoménal» est aussifacilement matismeétantd'aprèslui un phénomènesubjectif, guérissable D'autrepart,une foiscet obstacle que touteimpression subjectiveestmodifiable. levé,cettemaladieguériepar une périodede repos(c'est ainsiqu'il voitla nonmixité,c'est ainsi seulementqu'elle est justifiéepour lui : la mi-temps pendant on reprend la partie.La partie,pourlui, laquellelesjoueurspansentleursblessures), c'estuneluttequi n'a plusqu'à procéder: contreune oppression connue. La révolution : prise de conscience ou match de foot ? Or on m'accorderaque le premierempêchement à luttercontreson oppresc'est de ne se sentir le momentde la révoltene sion, pas opprimée.Donc premier à entamer consister la lutte mais doit au consister contraireà se découvrir peut : à l'existence découvrir de opprimée l'oppression.L'oppressionest découverte d'abordquelquepart.Dès lorsson existenceest établie,certes,maisnonsonétendue. C'est à partirde la preuvequ'elle existequ'on la chercheensuiteailleurs,ici, de proche en proche.La lutte féministe consisteautant à là, en progressant les oppressions découvrir inconnues,à voirl'oppressionlà où on ne la voyaitpas, connues.Peut-être, sûrement même,ceci n'est-il qu'à luttercontreles oppressions évident faut-il l'avoir vécupourcomprendre cettedynamique, ; peut-être pas pour à quel pointest faussela représentation de la libération commeune comprendre commeunecarteaux simplelutteen ce qu'elle impliqueunevisionde l'oppression dûment aux contours exactement carte surlaquelleil ne recensés, délimités, points : de des victoires. Bien au la libération d'avancer contraire, s'agiraitplus que gagner consisted'abordà élaborercettecarte,car plus on avance,plus on réaliseque les contoursde ce territoire sontflouset éloignés.Ce procès,ce progrèsne sontpas : chaque nouveauterritoire et territoriaux seulement horizontaux annexéà la proune nouvelledimension, blématiquede l'oppressionest aussiet indissociablement cettefoisdansle sensde signification, la définition ajoutéeà et donctransformant de l'oppression. Si on ne peut,sansl'avoirvécu,connaîtrecela, alorson ne parlepas de ce de le vivrene justifiepas l'ignorance; en qu'on ne connaîtpas ; et l'impossibilité des non-opprimés à participer elle prouveque la prétention à revanche, également la lutteest absurde.On ne peut admettre que quiconqueparlantde libérationen ignorele caractèredynamique,que quiconqueparlantd'oppressionen ignorele caractèreobjectifà tousles niveaux.Or la phrased'Alzon,outrequ'elle implique une vue statiquede la libération- conçuecommeune «lutte»-, impliqueaussi une vue à la foissubjective et interpersonnelle de l'oppression subieparles femmes et exercéepar les hommes.Pour lui, le seul obstacleà la participation égaledes hommesà la libérationdes femmesest «l'autoritarisme» de ceux-ci(facteurde naturesubjective, ce qui signifiepour lui qu'il peut êtrelevé par la seulebonne volontédes hommes)et le «traumatisme» facteurégalesubséquentdes femmes, mentsubjectif.De cettepositionidéaliste(voirplushaut à quellesdéfinitions du de rigoladepour les «psychologique»elle renvoie),il émet la conviction-sujet

31 femmesque l'oppressionpeut être suppriméed'un rapportindividuelhommefemme; mieux,il insinue- et ce faire-valoir estpeut-être le messageréel- qu'il l'a commele vulgaire, suppriméede ses rapportspersonnels.Ceci revientà affirmer, se dans la tête et comme pour tout comme l'oppresseur-type, que passe tête est définipar n'est se dans la ce mieux, pas objectif, l'idéologie qui passe ne se est rien. revientà dire à donc ce Ceci opposition objectif-, qu'il passe qui de le «sexisme»,expressionidéologique l'oppressioninstitutionnelle, partie que constituetoute l'oppression.C'est nier l'existencede la émergéedu patriarcat, structure institutionnelle qui cause le «sexisme».C'est surtoutnierque la structure institutionnelle dansla production est le relaisde la structure qui psychologique, des «préjugés»et du dit «sexisme»et qui en est commeeux la création,est tout aussi concrèteet objective,extérieureà l'action de l'individu,que la structure dontil suffitde n'est pas un traitpsychologique institutionnelle. L'autoritarisme de D'abord, en tant que prendreconsciencepour êtreà même s'en débarrasser. traitpsychologique concret,il ne peut être «aboli» par un acte de volitionpure, pas plus qu'un pont ne peut sautersous par une intentionnon instrumentalisée, même si cela étaitpossible,c'est-à-dire si ce trait le seul effetd'un désir.Ensuite, sa que la simplevolition,êtresupprimé, pouvait,par d'autresmoyensévidemment continuelsuppressionn'aboliraitpas ce qui Va causé à l'origineet le renforce en cause,ce dontl'existencepermetde douterqu'il lement,ce qui estréellement : l'autoritéréelle,c'est-à-dire et institutionnelle existedes moyensde le supprimer matériellement assise,que les hommespossèdenten fait sans avoirbesoin de la ou non. vouloir,et qu'ilssoient«autoritaristes» et que renforce la «conssurlaquellecroît,qui renforce Cettebase matérielle nous ramèneà la structure socialecontraititutionpsychologique»des individus, et aux relationsinter-personnelles gnantepour toutle monde,à la foisextérieure cadre de celles-ci.Quellesque soientmes «opinions»ou «attitudes»(je suistrès polie avec eux, il n'y a pas que C. Alzon qui soit «opposé» à un «certaintype Leur exploitaimmigrés. je profitede l'oppressiondes travailleurs d'oppression»), tionest l'une des conditionsde mon existencematérielle. Queje sois «révolution: je viscommeje visparceque, entreautres naire»ou non ne changerienà l'affaire raisons,les Africainssont exploitésen Franceet que l'Occidentexploitele Tiersmoralesni de battagede coulpe,il n'est Monde.Il n'estpas questionici de subtilités précisépas questionde savoirsi je dois me sentircoupableou non. Au contraire et ce n'estpas en tantqu'individu ment: je n'ai rienfaitpourcela individuellement que j'en profite,mais en tant que membred'un groupeque je n'ai pas choisi. à cetteréalité,elle existe; dansla meQuellesque soientmes réactionssubjectives sureexacteoù je suisexempted'une exploitation, j'en bénéficie,volensnolens,et de deuxfaçons: 1 - Leurexploitation d'unefaçonminimedans accroîtmonrevenu, peut-être la mesureoù ce bénéficem'està son tourreprisparmesexploiteurs. 2 - Mais surtout, je ne le faispas, tant pendantque d'autresfontce travail, en voilà au moinsune que/e ne subispas. cetteexploitation, que d'autressubissent Et inversement, si etpuisqueje, nousne la subissonspas,il fautqu'elleretombesur d'autres d'autres.Sansmêmeparlerde bénéfices positifs, je profitede l'exploitation que moidansla seulemesureoù j'en suisexemptée.

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Où l'on voitMerlinl'Enchanteurfairesurgirsur l'océan de l'oppression du couple. l'ile-refuge De mêmetous les efforts sa forane- je que faitun hommepourbientraiter ne peuvent me situedansunehypothèse optimiste dansleurrelationpersonnelle, et pour le faitqu'il doitsa situation ni cacher,ni abolir,nimêmemitiger matérielle, à dont ne de la discrimination sa situation les simplifier parlonsque professionnelle, surle marchéde l'emfemmes- groupedontsa femmefaitpartie- sontvictimes ploi. On ne peut dissocierla situationqu'occupentleshommes- donccethomme - de la situationqu'occupentles femmes- donc cettefemme- surle marché. La relationinter-personnette de cet hommeet de cette foranen'estpas, à ce que voudraient contrairement nous fairecroirenos confrères, une fie.Qu'im: ne travaillent ensemble leurs situations surle marché portequ'ils pas respectives du travailpar exemple,en tantque membresde groupesdifféremment traitéssur ce marché,fontpartiede leur situationglobaleet donc de leurrelation,qui n'a rienà voirenapparenceavecle travailou le marché.Les bénéfices involontaires que de de l'hommedu couple dérivesur la scène «professionnelle» son appartenance ne comme relationnelle, groupe, sontpas évacuéssurla scèneconjugale,amoureuse, on voudral'appeler.Ils fontpartiedes ressources objectivesqu'il y apporte,qu'il le en apportantsa personne.Les non-bénéfices de la veuilleou non, simplement femmedu couplefontaussipartiede ce qu'elleapporteou n'apportepas dansla relation.Un individuhommen'a pas à bougerle petitdoigtpourêtreavantagépar surle marchédu travail; maisil ne peutpas nonplus empêcher rapportaux femmes à son avantage. De la mone façon,il n'estpas nécesni renoncer qu'il soit avantagé, saire qu'il prenneactivementavantagede ses privilègesinstitutionnels dans le mariage. Admettonsmêmequ'un hommene cherchepas à tirertoutle partide ses à tousles niveauxet des désavantages à tousles niveauxde la foranequ'il avantages en a facede lui.Admettons Qu'estqu'il veuilleposerla relationcommeégalitaire. ? Tout au plus qu'il ne poursuivra ce que cela signifie pas sonavantagevolontaireson avantageinitialpouren ment,c'est-à-dire qu'il n'utiliserapas volontairement Mais à cet avantageinitialil ne peutrenoncer, obtenird'autres. parcequ'il ne peut à lui toutseul supprimer, ce qu'il n'a pas fait.Et pourla mêmeraison,il détruire ne peut pas plus supprimer les désavantages institutionnels de la forane.Ce n'est de groupe(au que bénéficeset avantagesliés à l'appartenance pas directement dans la «relation»,mais commefac«sexe») jouent leur rôle le plus important teursrendantpossiblele rapportde forcesle plus immédiat.Et celui-ciest dérivé dans le faitqu'il n'y a pas, institutionnellede, mieux,consistetout simplement entreles «conjoints»dans une associationconjugaleou parament,de symétrie conjugale(et toute «relationamoureuse»entreun hommeet une femmeentre dans cettecatégorie).Les contraintes directement économiqueset les contraintes socialesà une associationde ce typesontinfiniment plus fortespourles femmes que pour les hommes,les pénalitésattachéesà son refusinfiniment plus dures pour elles. L'associationd'une foraneavecun hommen'a donc pas le mêmesens objectifpour lui et pour elle, ce que reflètela normeidéologique(le mariageet «les relationshumaines»en généralsontl'affairedes femmeset la préoccupation différentes majeured'une «vraie»forane),ce que reflètela réalitédes subjectivités

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en général des hommeset des femmes(l'importancede l'amouret des sentiment surle marché dansla consciencedes femmes).On peut direque les discriminations les femmesau mariage, du travailne sont là que pourenvoyeret renvoyer justela plus mentdans la mesureoù elles fontde celui-cila «carrière»objectivement : leur«destin»,leur ou la moinsmauvaise,pourelles(idéologiquement profitable, «raisond'être»). se manifesteà l'occasiond'un mariage,d'une association Cettedissymétrie des alors; maisellen'est tensions en raison donnée, qui émergent inter-personnelles à l'association Cette cette association. causée ; elleest dissymétrie pré-existe par pas estla Mais elle et surtout éventuellement conflictuelle. de raison sa la formeinégale de même cette association. de V existenee cause on ne peutpas direque l'incapacitédes femmesà vivrepour Pourle moment, en interdits matérielles transformées elles-mêmes les impossibilités parl'idéologie soient extérieures au faitque ces et intériorisées parla conscienceet l'inconscient mêmesfemmesaientdes «relations»avec les hommes.Peut-êtreen auraient-elle le besoind'existencesociale,l'abpourd'autresraisonsque la nécessitématérielle, dans un autremonde: et on ne saità quelles senced'identitépropre.Maisce serait dans un autremonde,ces autresraisons, conduitesrelationnelles conduiraient, : cellesqui sontcouramment invoquées «l'amour»,«l'attirance»,etc.,nimême,ni si ces «raisons» subsisteraient surtout, inchangéesdansun mondeautre,ce qui est ces «raisons»existentà titrede hautement douteux.Qu'aujourd'huiet maintenant raisonsest possible,maispeu probable.Ce qui estcertain,c'estque ces sentiments individuelles existent; ce qui l'estmoins,c'estle rôlequ'ilsjouentdansles relations c'estleurstatutcausal. hommes-femmes ; ce qui esttrèsincertain, on ne peutconnaître Si, pourdes raisonsd'analyse,on isoleces «sentiments», : tant leur part exacte dans les relationstantque celles-cisont sur-déterminées Si et l'aliénationdes femmes. expliquéesparl'oppression qu'ellessontsuffisamment forceestde constater on n'isolepas ces sentiments des contraintes, qu'ilsrenforcent Dans un typed'analyse,ils ne tout en la dissumulant. l'action de ces dernières, dansl'autre,ilsjouentun rôlecertes,maishautement jouentaucunrôlenécessaire, suspect. En bref,non seulementil n'estpas nécessairequ'un hommesoitun oppresseur volontairepour qu'une femmesoit oppriméedans un relationinter-personà touterelationparticulière est nelle,maiscetteoppressiongénéraleet antecédante dans l'existencemêmede cetterelation.L'individumâle particulier déterminante avantson entréeen effectuée n'a pas joué de rôlepersonneldanscetteoppression, de sa partne peutdéfaire aucuneinitiative scène; maisréciproquement, personnelle avantet en dehorsde son entréeen scène. ou mitiger ce qui a été perpétré - des rapportshumains,une Seule une vue idéaliste- mieux,naturaliste *t la sortété(mû 1«s entre1'indîvîHn pensée qui effectueune coupurearbitraire mêmesi on les relie,car les relierc'est considèrecomme deux ordresdistincts, entre les posercommeséparés),une coupureentre«l'extérieur»et «l'intérieur», le «politique»et le «personnel», inter-personnelles qui postuleque 1) les relations sontd'une natureasocialeet sont affairede «sentiments»,2) que ces sentiments sociaux,seule 3) que de plus ils ne sontmêmepas affectéspar les déterminismes une telle vue idéalisteproduitla croyanceque des flotsasociaux,des relations personnelleségalitairespeuventexisterà l'intérieurd'une structureoppressive.

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de gauche»? Oui et Cettepenséedoit-elleétonnervenantd'un «intellectuel intellectuelle commeune discipline non. Oui, si l'on considèrele matérialisme qu'il suffîtde suivre.Non,si l'on considèreque la penséeidéalisteest l'idéologiedomiet que toutenotrevieet nosconceptslesplusterre-à-terre, nante,qu'elle imprègne n'estjamais acquis d'avancemais doit toujoursêtre le pointde vue matérialiste de la penséematérialiste étantl'action conquisde hautelutte.La sourcepremière de le vue matérialiste unequestion il est de sur logique penserque point politique, donnée sera produitpar un mouvementpolitiqueengagésur cette question,à partirdes lieuxsociauxoù existeun intérêtobjectifà démasquerl'idéologie,c'està-direpar ses victimes.Ceci ne signifienullementque ce pointde vue une fois intellectuelle. produitlà ne puisseêtreadopté ailleurs,et d'une façonpurement l'abandon du matéà soi seul L'absence de motivation politiquen'expliquepas à une faut-ilalorsrecourir rialisme(si tant est qu'il s'agissed'abandon).Peut-être de fait la cet au l'occurrence abandon, qu'en explicationplus cynique pensée avecles intérêts entreen contradiction matérialiste objectifsde classe.Il estcertain que la pensée idéologique,appliquéeaux femmes,sertles intérêtsobjectifsdes de ces derniers hommes.En tous les cas, on constateque la rigueurintellectuelle s'arrêtesouvent,pour ne pas diretoujours,aux portesde ce «domaine»,quand La coïncidenceentrece renâclement et bienmêmeilssontmatérialistes parailleurs. leurpositionde classeest tropmarquéepourqu'on y voitl'effetdu hasardet non de noterque leursintérêts l'effetde cettedernière.Dans ce cas il est intéressant : de leur traduction cette trouvent façon que le mode de penséede ces objectifs hommesà proposdes femmestrahit- révèle- leurattachement dissimuléà ces en avoue. en contredisant leur trahissant intérêts, propospolitique

Où Merlinl'Enchanteurse faitpasserpour une bonnefée... On retrouve de la mêmenégationde la réalitépolitiquedansles implications mais la propositionselon laquellela lignene passe pas entrehommeset femmes, Les implications entreféministes et anti-féministes. de ceci sontclaires: d'unepart les hommespeuventjouer le mêmerôle que des femmesdans la libérationdes femmes; d'autreparton peut et on doittraitercommedes ennemiesles femmes Il est fortpossible non féministes, au mêmetitreque les hommesanti-féministes. ait pourmotivation implication, uniquela première que toutecettepseudo-pensée égale que tout ce discourssoit destinéd'abord à faireaccepterune participation odieuxqu'Alzon des hommesà la libérationdes femmes.Il est particulièrement Ce seulfaitprouverait, n'hésitepas, poury forcerson entrée,à diviserles femmes. s'il en était besoin,que son souci et son propos ne sont pas la libérationdes ou à tenterde l'affaiblir, si à ce prixil pense femmes, puisqu'ilest prêtà l'affaiblir, sa place. pouvoiry trouver à ce mouIl a choisi,pourprouverque les hommes,et lui,peuventparticiper de d'être fait homme ne vement, prouverque le justifiepas automatiquement : que l'exclusion,et ceci passepourlui par l'assertionde la proposition symétrique Bienentendu, toutesles femmesne sontpas automatiquement concernées. prouver ou la non-appartenance à ce groupene qu'en matièrede groupe,l'appartenance en divisant pas estunegageure.Il estplusfacilede procédernégativement comptent

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en prouvantque les hommessont autantpartie les femmes,que positivement de celles-ci. la femmes libération les de que prenante commeles hommes traiter les femmes anti-féministes nous devrions Donc, Alzon ce pointune fois acquis signifiant anti-féministes, qu'on traiterales pour il y a en hommesféministes comme les femmesféministes. Malheureusement, L' des hommes de la anti-féminisme Vombre l'occurrence symétrie qu'il postule. pas a de il à sur ce à rien dire leurs intérêts n'y sujet.En reobjectifs, plus correspond de Fanti-féminisme des des femmesdiffèreradicalement vanche,l'anti-féminisme Ce est racisme chez hommes; il lui estmêmediamétralement opposé. qui l'oppresseurest haine de soi chez l'opprimée.Il est normalque les femmessoientantiféministes ; c'est le contrairequi seraitétonnant.Et la prisede conscience,le n'est pas une Pentecôtesoudaineet brutale; la conscience «devenir-féministe» n'est pas acquise en une fois et une foispour toutes; c'est un processuslonget jamais terminé,douloureuxde surcroît,car c'est une luttede tous les instants contreles «évidences»: la visionidéologiquedu monde,et contresoi. La lutte Il n'y a donc pas de ruptureabrupte contrela haine de soi n'estjamais terminée. mais un continuum et les femmes«anti-féministes», entreles femmesféministes de pointsde vue surune mêmesituation.Car,quellesque soientleurs«opinions», - étanta) un obstacleà la prise les femmessont opprimées.Leuranti-féminisme le refletde leur de consciencede leursintérêtsobjectifset b) plus directement de cette l'un maintien est des du dans donc leur moyens subjectivité oppression oppression. des hommesfait partiede l'oppression Aussi,tandisque l'anti-féminisme femmes fait-il des exercée,l'anti-féminisme partiede l'oppressionsubie. Les féministesne peuventen aucun cas considérersur le mêmepied les hommesantiElles ni appelerces dernières des ennemies. et les femmes féministes anti-féministes, ne sontpas séparéesde nous par des intérêtsobjectifsmaispar une faussecons: car nous l'avonseue, cience,et encorecelle-cine nous sépare-t-elle pas vraiment l'avonsencoreenpartie: c'estnotreennemiecommune.Quandnousluttonscontre leurs «opinions»,nous ne luttonspas contreelles, mais contrecette ennemie doncpourelleset pournous. commune,

... et nous meten gardecontreles mauvaises. - de la tentative de divisiondesfemmesL'autrevoletde la démonstration consisteà agiterle chiffonrougequi faitfoncerla vachetteconditionnée: après à prétendre avoirprétenduque la libérationtlintéressepas toutesles femmes, que les femmes. Si en une ne concernepas toutes effet catégoriede femmes l'oppression dès lorsle critèrede genrenejoue plus,et peutêtreconçuecommenon concernée, dans le mouvement, et ce de genremasculinpeuvents'introduire les féministes de mouvement êtrevidéde son contenupolitique: carqu'est-cequ'unmouvement ? Alzon,qui saitce qu'il fait, desfemmes,si le genren'estpluspertinent libération La clé de voûte ne s'embarrasse à laquelle il préfèrel'efficacité. pas d'originalité, de la divisionestle motmagiquede «bourgeoises». de femmes,et Cette questiona longtempsagitéet diviséles mouvements en la continued'ailleursde le faire ; aussi est-onsur de semerla perturbation

36 soulevant.Les raisonsn'en sontpas clairesmaisellesontdéfinitivement plusà voir avec la culpabilitédes femmesqu'avecune quelconqueréalité.En effet,personne ne connaîtces «bourgeoises»donttoutle mondeparle.Ni les femmes qui dansles les «excluaient»d'avance,avantmêmequ'ellesn'aientfrappéà notre mouvements porte,niAlzonqui ne les connaîtque paroui-dire,et quel oui-dire! Les écritsd'un auteurdu XIXèmesiècle ! Qui sont-elles, femmes qui les a vues? ces horribles prià quoi les reconnaîtvilégiéesqui sontnos ennemiesde classe? Et où leschercher, on : quelle est la définition opératoired'une «bougeoise»? Surce point,personne ne sembleà mêmede nous renseigner. Alzon en donneune définition qui esttout saufopératoire,qui s'adresseà une essenceou à une situationabstraite,qui ne si cettesituationexisteou non,encoremoins permeten aucuncas de déterminer le concret, d'analyser qui pose plus de questionqu'elle n'en règle: ce sont- seraient- des femmes«qui ont toutmaisne sontpourtantpas libres»(tribunelibre du Monde, 1974). Non seulementcettedéfinition ne permettrait absolument pas de reconnaître une «bourgeoise»si on la rencontrait, maisde touteévidenceelle d'unefaçonspécialeet pose à son niveaumêmeun problème: à moinsd'entendre ce et il a «avoir» contradiction dansles termes «liberté», y spécieuse que signifient de la définition. En tous les cas, si une tellesituationparadoxaleexistait,quelles en tirer? A quel typed'allégeanceou d'engagepolitiquespourrait-on implications ment(ou de non-engagement) ? Pourquoiet comment? A cette conduirait-elle ne De question,personne répond. mène que la définition 1) est paradoxale,2) ne se réfèreà aucungroupeconcretet 3) ne donnepas les moyensd'identifier un tel groupe,les implicationspolitiquessont laissées dans le vague,procèdentde l'insinuation calomnieuseou de l'affirmation gratuite,le plus souventdes deux, maisjamaisde la démonstration. Les mouvements de femmesont-ilsune vue plus précisede la questionque nos amismâles? Point.Les débatssurle sujetont toujoursété entachésde l'abslesplusmarqués,associéscommeil estde règleà la passion tractionet de l'illogisme la plus vive.Ainsiil se disaitque les «bourgeoises»1) n'étaientpas opprimées, à leurshommes».La contradic2) étaientnos ennemiescar 3) ellesse «rallieraient tion entre1 et 3 ne semblaitgênerpersonne,non plus que le faitque l'on parlait un comportement futur pourdes absentes,non plus que le faitqu'on leurimputait - le «ralliement» - qu'on niaitpoursoi et que l'existencemêmedesgroupesd'où ces accusationsétaientlancéesdémentait. Peut-être la plusgrandeironiede l'affaire était en effetque les femmesqui lançaientces accusationsse définissaient ellesmêmescomme «bourgeoises» . La contradiction entrecetteauto-définition, le fait nonseulement maisconstique quoique «bourgeoises»ellesse sentaient opprimées tuaientles mouvements de libération, et leurspronosticsne semblaitnullement les déranger. Un exemplemanifeste du caractèremythiquede la «menacebourgeoise»est donnépar le faitque la seule référence concrèteconsistaiten l'évocationhorrifiée de MadamePompidou.Or celle-cine constituepas de touteévidenceunecatégorie à elle seule et d'autrepart n'a jamais, pour autantqu'on sache,manifestéla moindrevelléitéd'entrerdans le mouvement, encoremoinsd'en subvertir les obOn auraitpourtant crud'aprèsla teneurde certaines discusjectifsrévolutionnaires. sionsque cetteéventualité était imminente et constituait le dangerle plus immédiat auquel le mouvement dût faireface.Ce qui est intéressant dansl'affaire, c'est

37 que la situationobjectivede MadamePompidou- réputéeunecapitalisteentreles Jackie pires- n'entraitpas en ligne de compte : dans les groupesaméricains, Il et le même est rôle. dont la est situation clair, différente, parle jouait Kennedy, choix d'une individueunique dans les deux cas, et par le choix de la mêmeindividue,la femmedu chefde l'Etat,dansles deuxcas aussi,qu'ellesavaientvaleurde symbole.Maisce qui n'estpas clair,c'estce qu'ellessymbolisent.

La hainedes femmesdéguiséeen amourdes prolétaires... sontle produitde la converA mon avis ce symboleet cettesymbolisation de deux de gence types processusidéologiques. I - La «menacebourgeoise»d'unepartreflètepurementet simplement une et se manifeste de sexisme. Celui-ci du par, produit partie l'idéologiemasculine, - le capitaliste- surles entreautres,le déplacementde la hainede l'oppresseur des «réet possessionsde celui-ci.La «bourgeoise»est la cible favorite serviteurs mâles.2 Elle est beaucoup plus haie que l'oppresseurréel, le volutionnaires» «bourgeois».Ceci à son tour correspondà troisprocessusdistinctsmais non : contradictoires du le pouvoirréel de l'oppresseur, 1. L'impuissancepolitique.Précisément non énormes. le rendinattaquable, ou du moins attaquablesansrisques bourgeois, Il estplus facile,et pluspayantaussi,de l'attaquerdanssespossessions, d'attaquer et les de sa puissance.D'une part,ellesla manifestent, des personnesqui participent ; d'autrepart,ellesne la possèdent attaquerc'est s'attaquerà cettemanifestation sa AinsiEldrigeCleaverexprimait pas, ce qui minimiseles risquesde représailles. hainedu pouvoirdes hommesblancssurlui en violantleursfemmes.Leurparticides restesde table,mais desmiettes, pationau pouvoirblancconsisteà en recevoir mêmesi surtoutà êtresous sa protection.Il peut semblerparadoxalde s'attaquer, les risquesde représailles sontmoinsgrands,à ceux ou à cellesqui n'ontque des principaux. délégationsd'un pouvoirqui se situeailleurs,et non à ses détenteurs c'estlà que le bâtblesse,car : Maisprécisément, 2. La détentiondu pouvoirest d'autantplus et non d'autantmoinsprovoDans ce cante que ce pouvoir,aussiminimesoit-il,est perçucommeillégitime. sens,le faitque les bribesde pouvoirdétenuespar les femmesde blancsou les femmesde bourgeoissoientdes délégationset ne soientpas possédéespar ellesen propre,joue non en leur faveurmais en leur défaveur.Le mêmefaitqui devrait amenerà exempterles femmesde bourgeoisde l'attaque- le faitqu'elle détien- les rendparticulièrement nentleurpeu de pouvoird'unefaçonindirecte odieuses aux autresopprimés.L'autoritéqu'une femmede bourgeoispeutexercer- surdes

2. Jusqu'en 1972 au moins (date à laquelle j'ai cessé de les lire), le thème type des bandes dessinées de Hara-Kiri et de Charlie-Hebdo était l'humiliation d'une femme «bougeoise» par un mâle réputé révolutionnaire,ou plutôt que ce seul haut fait suffisaità désigner commerévolutionnaire. On peut en conclure : - que ce thèmesertde signe: signifiela «Révolution» ; - que, réciproquement,puisqu'elle est ainsi utilisée, l'humiliationdes femmesest un des contenusmajeurde la représentation symboliquede la «Révolution».

38 chauffeurs de taxi,des femmesde ménage,etc. - estperçuecommeillégitime précisément 'indirecte. parcequ 3. Cetteperceptionrévèledeux choses: a) cetteautoritéestperçuecomme allant à rencontrede leur statutde droit: elle empêchequ'elles soienttraitées comme elles devraientl'être,c'est-à-dire commedes femmes,ce qui à son tour révèleque le statutde fonineest en droitincompatible avec une autoritéquelcette est autorité comme contradictoire donc illégitime conque ; b) perçue parce est non de la source et considérée commenormalede dérivée, qu'elle classique l'autorité: la main-mise sur l'économie,maisde son contraire: du statutde possessiond'unbourgeois. II - Donc, précisément parce qu'elles sont des possessions, a) l'autoritédes femmesde bourgeoisest indue; b) leurappropriation les privéepar bourgeoisest l'un des exemplesde l'inégalité desclasseset de l'oppression desprolétaires. Rapter leursfemmes,c'est signifier aux bourgeoisqu'on n'acceptepas leuraccaparement des biensde ce monde,et procéderderechefà un débutde redistribution. L'accès aux femmes continue d'être une revendication comdu sentiment égal implicite munistepopulaire(des hommes)centans aprèsla miseau pointde Marx,qui dans son innocencecroyaitce sentiment le faitdes seulsbourgeois! Maiscettemiseau ne rester vœu continue point peut qu'un pieux.Cetteconceptionde l'égalitarisme de sévir- commeun articlepublié dans un hebdomadaire le gauchiste prouve (lettrede Mohameddans Tout, 1971) - et continuede manifester que les femmes sontconsidérées commedesbiens. Donc les attaquescontreles «bourgeoises» révèlenten négatifla conception de l'ordre de ce devrait être. descommunistes, social, populaire qu'il L'indignation des prolétaires, des noirs,des Algériens, brefdes opprimésde genremasculin,que cetordrene soitpas respectédévoilece qu'il est: doiventêtreégalement a) les femmes partagées; il a b) n'y pas de raisonpour que leur «qualité» de possessionde certains les soustraiede surcroîtà certainstraits hommes,qui manifeste l'accaparement, de leur condition«normale».Mettrela main au cul d'une «bourgeoise»,comme de touteautrefemmed'ailleurs,n'estpas un plaisirni unepulsionsexuels,on s'en doute. C'est une façonde la rappeler,et de se rappeler,au sensde la hiérarchie «vraie».Pourles metteurs de mainau cul et pourles hommesen général,l'appartenancede sexe doit l'emportersur «l'appartenance de classe».C'est ce que manifestel'indignation provoquéepar les instancesoù elle ne l'emportepas : où une femme,en qualitéd'épousede bourgeois,donnedes ordresà un homme; ce que les injuresagies,écritesou parléesadresséesà ces femmes. manifestent du statutde sexeparle «statutde L'indignation provoquéepar la mitigation classe» révèleque le genreest conçucommedevantl'emporter surla classe.Il est donc clairque l'hostilitévis-à-vis des «bourgeoises»est due au sentiment qu'elles ne sontpas à leurplace, qu'elles sont des usurpatrices (en sus d'êtredes objets indûmentappropriés).Cette hostilitéest donc fondée sur le contrairede la «théorie»qui la rationalise.Cettethéoriedit que les femmesde bourgeoissont avantd'être femmesc'est-à-direoppri«bourgeoises»,c'est-à-direoppresseuses, en mées,et qu'elles sonthaies à l'instarde leurshomologuesmâlesprécisément raisonde ce que leurclasse- leurqualitéd'ennemies- l'emportesurleurgenre.

39 ce n'estpas parce si les «pouvoirs»des «bourgeoises»indignent, Or, au contraire, sont comme des mais sont bourgeois, parcequ'elles perçuescomme qu'elles perçues n'étantpas des bourgeois- ne devantpas en être.Ce qui indignedans le fait bourgeoises,c'est qu'elles exercentou semblentexercercertainesprérogatives une les exercent indûment, qu'ellesusurpent position.Et non seulement qu'elles «norainsi se dérobent à leurtraitement et aux elles l'usurpent, bourgeois posent mal» ; maisc'estjustementparcequ'ellessontpossédéespar des bourgeois, parce qu'elles sont des possessionset non des bourgeoisqu'elles peuventposer aux et nierqu'ellessontdespossessions! bourgeois Ainsiles attaquesmenéescontreles «bourgeoises»au nom d'uneconscience surle genre- révèlent-elles une «de classe» - pourlaquellela classel'emporterait : consciencediamétralement opposée,pourlaquelle - les femmesde bourgeoissontperçues(correctement) commen'appartenant pas non en tantque sujetsmaisen à la mêmeclasse que les hommes(y appartenant tantqu'objets); - les femmesde bourgeoissont perçuescommeétantfemmesavantque d'être «bourgeoises»; - le genre- ce qui est dû à tous les hommespar toutesles femmes - doitl'emla sur classe. porter

... et fondementdu féminismemasculin. Quand on sait quelle culpabilité- quelle oppression(cf. infra)- sont à on réaliseà quel pointil est du «mythede la bourgeoisie» chezles femmes, l'origine de s'appuyer ou tout simplement odieux de la partd'un hommede les renforcer sur elles.Mais aprèstout,Alzon(La Femmepoticheet la femmebonniche,Paris, librede le faireou de ne pas le faire: il suitle Maspero,1973) n'estpas vraiment mythedans sa versionmasculine,c'est-à-dire pour des raisonsqui ne sontpas la dans son exposétoutesles attihainede soi maisla hainede l'autre: on retrouve tudesmasculines exposéesplushaut. La premièreindicationque nous avonsaffaireà un mytheest Yirrationalité S' appuyantsurune lectotalede ce qu'on n'ose pas appelerune argumentation. une distinction turepersonnelle arbitraire d'Engels,Alzon introduit parfaitement mais entre«oppression»et «exploitation».Non que celle-cine noussoitfamilière, on saitqu'elle ne veutriendiresinonque le locuteurou la locutriceexprimeainsi, en termesqu'il ou elle estimepluspolis,que l'oppressiondes femmesest «secondaire».Cettedistinction est donc une sorted'injureraffinée, maison ne s'attend certespas à voirtoutun pamphletbasé suret consistant en unevariauniquement tionsurce thème.On attenddoncautrechosed'Alzon,d'autantplusqu'il annonce lesmainsavecl'airde celuiqui a trouvéun trucvraiment ça au débuten se frottant et dont la toute bouillevous dit : «Vous allezvoirce que vousallezvoir!» original Maisnon,rien.On ne voitRien. Alzon ne définitaucundes deuxtermes, ce qui va : maisil s'en fout,de cettedifficulté, rendreleurdistinction diffìcile car il n'essaie mêmepas de justifier On pourraitpenserque cettedistinction, la distinction. cette etjustifie «idée»,bonneou mauvaise,prouvéeou non,puisqu'elleouvre,introduit l'existencedu pamphlet,va en sous-tendre la suite,parcourir la «démonstration»

40 et n'en entière.Mais non : il l'abandonnederechef ' juste aprèsl'avoirmentionnée, reparlera plus. Pourquoi? C'est qu'elle a servison propos: tenirlieu de semblant de formulation théoriqueà l'éternelmythe,à la divisionentre«bourgeoises»et «travailleuses». dansle faitqu'il ne se réfère Qu'il s'agissed'un myteest encoremanifeste jamais à aucungroupesocial concret.Pour décrirecette catégoriequ'il dit exister né et mort aujourd'hui,il utiliseen toutet pourtoutunecitationde Paul Lafargue, au XIXèmesiècle.Ceci ne nouséclairepas beaucoupsurqui sontces «bourgeoises», surce qu'ellesfont,suroù on les trouve(apparemment, silui ne les a pas trouvées, non pourquoiLafargue...).Apparemment encore,ce ne sontpas des femmesde mais «bourgeois»au sensmarxistepuisqueleursmarisnon seulementtravaillent tirentleurrevenude ce travailII ne s'agitdonc pas de possesseurs des moyensde productionpercevantla plus-value.Ou la plus-valuea disparusans que je m'en «cadres» et ne s'en aperçoive,ou bien Alzon utilise«bourgeois»pour signifier excuseni ne s'en explique.Mais il a d'autreschiennesà fouetter, c'estpeut-être là son excuse.Ces bourgeoisesne fontrien,vous entendezstrictement RIEN, sinon d'allerà descocktails.Là, je reconnais bienla description que toutle mondedonne des OdieusesOisives,maisje n'y reconnaispersonneque j'aie jamaisrencontrée, ni ait Alzon étant de socialement ces exclus milieux comme les rencontrée, qu' jamais autrespetits-bourgeois. D'abord, les sociologues,dontmoi,dontAlzon,n'ontaucune chancede jamaispouvoirpénétrer ou enquêterdans les milieuxoù ces créaturesfabuleusesrisqueraient de se trouver.Tant que ses sourcesd'information restentcelles de tout le mondec'est-à-dire et une opinion de France-Dimanche MonsieurLafargue, il serait sinon Paul, plus sage, plushonnête,de se taire.D'autre le à des sache conduit femmesqui ne fontstrictement part, peu qu'on penserque la ont des d'autant n'existe rien, enfants, ça pas, pourla bonneraison que plupart des c'est ou une ou même avec commeles inimpossible(sans que domestiques, le le le téressées saventet diraientsi on leurdemandait).Mais qu'importeà Alzon l'absenced'information surces créatures mane que rien mythologiques, qu'importe ne prouvequ'ellesexistent! Ce qui comptepourluice sontles raisonnements auxde et aux dépensdes femmes quels il va pouvoirse livrersurce groupemythique, chairet de sang.Par exemple,leursmarisont été définiscommedes travailleurs ? Ce mais leursfemmessont des bourgeoises. Qu'importeencorela contradiction entreles marisqui peinentet qui compteici, c'est bien de marquerla différence à la sueurde leursfronts(c'est les femmesoisivesque les premiers entretiennent sans doute pourquoiils ont été décrétés«travailleurs» : si les susditsmarisentreà la sueurde leursdividendes, tenaientleursfemmes la conclusiond'Alzonmanqueraitsingulièrement d'impact). On reconnaîtlà la théorievulgaireselonlaquelleles femmes«à la maison» sont «entretenues à ne rienfaire»: ne gagnentpas leurvie,brefne méritent pas a portéun rudecoup à cettevisiondes choses.On a leurpitance.Le féminisme montréque le travailménagerestun travailet que l'entretien, loind'êtreun cadeau, estune formede rémunération en nature- nonen montant- au salaire. inférieure Alzon n'y a riencompriset le démontreabondamment par la suite; maisceci sort de monpropos.L'important c'est que, sansl'avoircompris,il l'accepte.Pourquoi? Parceque en l'acceptant,en «accordant»à certainesfemmes- mercimonsieurqu'elles sont exploitées,et en le refusantà d'autres,il trouveune nouvellebase,

41 plus habile,plus «féministe», pour le même vieux projet : diviserles femmes. femmes en Certes,ce «refus»d'accorderla qualitéd'exploitéesà certaines provient de ce mais elle de son qu'est l'exploitation domestique proincompréhension partie vientsurtoutde son propospolitiquequi à son tourest la causede son incompréhension. Il n'a admisla théoriede l'exploitation domestiqueque pourpouvoir,en en En effet,en ce qui conmieuxdiviserles femmes. déniantl'applicationà certaines, il reprendla visionidéologiqueselonlaquellel'entretien cerneles «bourgeoises», fournipar le mariest un cadeau, donnécontrerien.(Sans compterqu'en ce qui : comme il voitleurexploitation en termesquantitatifs concerneles «travailleuses», - qu'il postulenégative- entrela valeurvénalede l'enen la différence consistant - où, comment? - percetretienet la valeurvénaledu salairequ'ellespourraient voir.La femmetravailleplus que le mariet consommejuste autant: la femmeest «volée» : voilà l'exploitationpour Alzon ; donc, si, tout restantinchangé,les femmesmangeaient plus que leursmaris,le problèmeseraitrésolu.)Mais,ou bien est toujoursun conceptidéologiqueou bien il ne l'estjamais ; on ne «l'entretien» à moitié.Mais encoreune fois,qu'importeà Alzon : son peut pas le démystifier : dansla bourgeoisiece est d'amener cette véritableperle,accrochez-vous propos sontles femmesqui exploitentleursmaris! (A ce compte,les enfants«exploitent» leursparents,les conscrits«exploitent»l'Armée,les vieillards«exploitent»l'hôpital.) Il n'expliquepas commentces marisqui sont «dominants»peuventêtreen une mêmetempsexploités,ce qui est un paradoxelogiqueet serait,si cela existait, de dans l'histoire l'humanité si cela absolument occurrence existe,eh (et unique à bien,ils l'ontméritéparcequ'ils sontvraiment tropbêtes; leurplacej'utiliserais Maiscette un peu de monpouvoirpour fairecessercetteintolérable exploitation). la dépendanceéconomique énormitéest une vétilleaux yeuxde qui a transformé des femmesen exploitationpar elles exercée.AussiAlzon n'est-ilpas là pour résoudrece mystère.Ayantdit,il procède,car son proposn'estpas de justifierdes de trouver maissimplement des insultes doncinjustifiables, aberrantes, propositions . inéditesà lanceraux «bourgeoises» Mais,hélas pour lui, sa passionest trop vive,elle l'entraîneplus loin qu'il n'auraitvoulu: à se démasquer.En effet,pour «mieuxprouverson point»- l'oides «bourgeoises» siveté,donc,selonlui,la non-exploitation -, Alzonlescompare de luxe. Il révèleainsil'étenduede sa compréhension de l'oppresà des prostituées sion des femmes qui exploite (pour lui,ce n'estpas le client,commeon le croirait, la prostituée mais la prostituéequi exploitele client)et la qualitéde son «fémide luxe,c'est pour des fénisme».Dire que les «bourgeoises»sontdes prostituées sont des bien femmesexploitéescomme les autres.Pour ministesdire qu'elles Alzon c'est direle contraire (puisquec'est le nœudde la «théorie»selonlaquelle ces femmesexploitent leursmaris).En effetil utilisecettecomparaison commeun les Or ce d'avec femmes. leur autres différence argument imparablepour prouver en tant n'estcertainement les diffèrent des que prostituées que «bourgeoises» pas autres femmes.Alors pourquoi Alzon a-t-ilcru cet argumentdécisif? Les de luxe diffèrent bien des autresfemmes,d'un certainpointde vue. prostituées Alzonpense«prouver», Maisce n'estpas d'unpointde vueféministe. en les traitant de prostituées de luxe,que ces femmessontnonexploitéesdoncpolitiquement inaux autres.Or,c'est précisément surce pointqu'ellessontsemblables férieures aux

42 n'estpas féministe, autres.Alzonrévèleainsique son pointde vue,non seulement Car le pointde vue d'où ces femmessont appréhendées mais est anti-féministe. d'une façonpéjorative, c'est le pointde vue de l'ouvrierqui traitela «bourgeoise» de «salope». En termes«universitaires», Alzonditla mêmechose: qu'est-cequ'elles sont se croient,ces femmes à moi inaccessibles, qui ne sontpas (parmoi) oppriqui alors sont comme les autres ! Le seulpointde vued'où des mables, qu'elles putains d'Alzonsurles «bourgeoises»sontcompréhensibles, les assertions le seul pointde vued'où ellespeuventêtreémises,c'estceluidu sexisme: pourlequelil estinadmissibleque certainesfemmeséchappentou aientl'aird'échapper, mêmeen partie,au sortcommun; le pointde vuedeshommesindignés de sexede voirleurprivilège en particulier l'accèssexuelà toutesles femmes misen échecpardes «privilèges», de classe ; car le pirepour eux est qu'ils savent plus exactementdes protections, sont dérivésde, obtenuspar une oppressionde sexe : par la que ces «privilèges» la mêmeque celle dontils espéraient maisréservéeà des bénéficier, prostitution, hommesdominants. Ce n'estpas le pointde vue de •quelqu'un qui réclamela fin de l'oppressiondes femmes, mais au contraire celui de quelqu'un- de la majorité des hommes qui réclamel'applicationtotale- sansexemptions nimitigations à toutesles femmessansdistinction, du sortdes plus opprimées.C'est le pointde vue des «partageux»sexuels,ceux qui veulentque cesse la distribution inégaledes femmes. Cettehaine des «bourgeoises»n'est pas, de touteévidence,provoquéepar l'amourdes f«urneset de leurlibération. Maisce n'estmêmepas unehainelimitée à une catégorieparticulière de femmes.C'est la haine de toutesles femmes.Les viséesque dansla mesureoù ellessemblent «bourgeoises»ne sontparticulièrement à l'oppression, ou à certaines ou à l'oppression échapperpartiellement oppressions, de certains hommes. La haine activeest bien réservéepratiquementaux «bourgeoises»,à celles qui paraissentbénéficierd'un statutd'exception,d'une et exemptionscandaleuse.Mais que cetteexemptionsupposéesuscitel'indignation la haineà l'égardde ses «bénéficiaires» montrequelle est la conditionseulejugée convenableaux femmes: la seulequi n'éveillepas l'hostilité estune situationd'oppressiontotale. Cette réactionest classiquedans les annalesdes relationentre et dominés,et a été amplement étudiéedansle Sud des Etatsgroupesdominants Unis en particulier.La bienveillance des blancs pour les noirsqui paternaliste «connaissentleur place» et y restentse transforme en une fureur curieusement meurtrière fémiquandces noirscessentde connaîtreleurplace. Les mouvements nistesaméricains ont aussi analyséles réactionsmasculinesaux tuppitywomen», littéralement les femmes qui ne baissentpas les yeux. Les fameuses«bourgeoises»ne sontpas de ces femmes«arrogantes»: des leurrôle,maisplutôtdes femmesà qui une soumission femmesqui contestent clasà la couchesupésique à un hommevauten retour,quand cet hommeappartient rieurede son sexe,quand cet hommedomined'autreshommesaussibienque des une protection contreces autreshommes.Ceci estvécu,commeje l'ai dit femmes, de la règleidéalequi deplushaut,commeune anomalie,commeunetransgression de toutesles femmesà tous les hommes,et d'autantplus vraitêtrela soumission à outrageantequ'elle est le résultatde l'obéissanceà cette règle.L'attachement cettenormeest rarement verbaliséchez les intelconscient,encoreplus rarement lectuelsde gauche.Il n'estrévéléque négativement que sa transpar l'indignation susciteen eux. gression

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//.- LA HAINE DE SOI COMME FONDEMENT DU "GAUCHISME" FEMININ Ou les originesdes droitesféministes,ou l'imagede soi dans le miroir de la mauvaiseconsciencedes femmes. C'est dansce contextequ'il fautcomprendre les débatsde consciencede cerde libérationdes femmeset la «politique;)adoptainestendancesdes mouvements tée par certainsgroupes.Ces débatsde consciencene portentpas surune situation concrète réelle,etlesprisesde positionne découlentni d'uneanalysede la situation de catégories nia fortiorid'uneanalysedes implications concrètesde femmes, politiquesde telleou telleposition,ce qui exigeraitque ces positionssoientconnues, dans la luttede libération.Ils sontsimplement une expression pour rengagement de la mauvaiseconsciencedes femmes, mauvaiseconsciencequi, inutilede le dire, est à la foisproduitet signede l'oppression.Les femmes- commeleshommesestimentillégitime que la classe l'emportesur le genre: que leur «appartenance à l'oride classe»- qui est d'ailleurstoujoursfaussement évaluéeet/ouidentifiée se classentd'aprèsla positionde leurpèreou ces femmes gine de classe(c'est-à-dire de leurmari; si ellesse classaientd'aprèsleurpositionpropre,elless'apercevraient qu'aucuned'ellesn'est bourgeoise)- les mettedans des situationsde supériorité totale» vis-à-visde certainescatégoriesd'hommes.Elles ou de «non-infériorité cettemauvaiseconscience- sous formed'hostilité- surune catégorie projettent de femmes censéesexemplifîer cetteanomalie. mythique Cettemauvaiseconscienceestparticulièrement articuléeet expriméesystématiquementdans l'idéologie«gauchiste»: les prisesde positiondes groupesdits «gauchistes»(à cause de leursliensavec l'extrêmegauchemasculine)des mouvements.Mais elle n'y a pas sa source : elle y trouveseulementune formulation mâlescommerationalitoute faite: élaboréepar les gauchistes pseudo-théorique de leursintérêts sation«révolutionnaire» d'hommes. n'estdu pointde vuedes femmes Cetteformulation qu'uneformeparticulière d'unemauvaiseconsciencegénérale,et sansrapportstructurel avecl'idéologieou le mouvement «révolutionnaire». des femmesdans la luttedite«proléL'engagement resteà vérifier3) semble la luttegauchiste(dont le caractèreprolétarien tarienne», 3. Tout ce que j'ai dit pages 28 à 29 à propos des noirss'applique mutatismutandisaux rapportsentreles groupesgauchisteset les prolétaires.«Prolétarien»,dans l'usage qu'ils en font, n'est pas à «prolétaire»comme «ouvrier» (adjectif) à «ouvrier» (nom), mais comme «ouvriériste»(adjectif) à «ouvrier»(adjectif). La critiquede l'extrêmegauche,de ses prétentionsavantgardistesaggravéespar - et hélas, causées par - sa composition exclusivement,ou à peu près, petite-bourgeoise,n'est pas mon propos ici. Elle reste à faire. On peut cependant mentionner dès à présentque, à la critiqueque cette lutte «prolétarienne»n'est ni dirigéeni même suivie par des prolétaires,la pratique du mouvementdes femmesen a ajouté une autre, symétrique mais non semblable : que le combat des petits-bourgeoisrévolutionnairesne part pas de leur propreoppression.Ceci rendraplus claire une note qui aurait dû venirlogiquementà la finde la premierepartie,en réponseà la question qu'on ne peut manquerde se poser : «Mais alors,les hommesne peuventrienfairedans le cadre de la lutte anti-patriarcale ?» A cette question,c'est une autre pratique qui répond ; celle de certainshommesqui, au lieu de nous donnerdes conseils,travaillentsur eux, surleurs problèmessexistes; qui, au lieu de nous interpeller,s'interrogent,au lieu de prétendrenous guider, cherchentleur voie ; qui les conparlentd'eux et non pas pour nous. Ceux-là cherchenten quoi la lutteanti-patriarcale cerne directement,dans leur vie quotidienne.Et ils le trouventsans difficulté,inutilede le dire. Car c'est pour l'ignorerqu'il faut se donner du mal. Quel aveuglement,quelle mauvaise foi ne faut-ilpas pour prendrele point de vue d' Uranus - de Dieu -, pour se prétendreen dehorset

44 impliquerune exclusiondes «bourgeoises»,non en tant qu'individuesconcrètes - puisquepersonnen'a jamaisvu la queue d'une-, maisde la définition du peuple à la libérer.D'une certainefaçonces femmes(les gauchistes)reproduisent dans leursgroupesnon mixtesla mauvaiseconsciencedes membrespetits-bourgeois de la gauchemasculinevis-à-vis des «masses»c'est-à-dire desprolétaires. C'estbien - une imitation- dansle sensqu'elle est fondéesuruneidentiune reproduction à ceux-cique ficationdes femmesà «leurs»hommes.Ce n'estqu'en s'identifiant ces femmespeuventse sentir«privilégiées» et «coupables».Cetteidentification a elle-même : d'une sources à l'identification plusieurs part l'oppresseur «personnel» pris comme modèle,c'est-à-direl'aliénationféminineclassique,d'autrepart la estproduitepar le désirde croireà, et produit fausseconscience.L'identification la croyanceà, la similitude au delà de la barrièredes sexes.Elle est typiquement une réactionmagique,une façon d'annuleren rêve l'oppressionqu'on ne peut dans la réalité.Commetout recoursà la magie,elle portesa propre supprimer sa propreannulation, est la preuvepérempcontradiction, puisquel'identification toirede la non-identité. La croyancetenuepar des femmesnées de bourgeoisou mariées- légalementou non - à des bourgeoisqu'elles sont elles-mêmes des «bourgeois»est un produitde la fausseconscience: car elles ne participent pas commeellesle croientaux privilèges de cetteclasse,et ellesne le croientque grâce à un processusd'identification. Donc ces femmesse sentent des coupablesvis-à-vis : d'une fausse se faussement conscience,parcequ'elles croient prolétaires partpar dansla mêmesituationet dansle mêmerapportobjectifaux prolétaires que leurs «mecs». Mais cette culpabilitéest aussi le produitde ce qui est en un sens le contrairede la fausseconscience: la mauvaiseconscience: le sentiment que ces de dont classe la fausse les les exercent à conscience privilèges persuadequ'elles l'instarde leurshommes,sont,par elles,usurpés.Ce processusest distinctdu premieranalytiquement, bienque les deuxaillentle plussouventensemble. En effet, on peutdistinguer troissituations théoriques: Io celle d'une femmequi estvraiment c'est-à-dire Il y a en bourgeoise, capitaliste. Franceonze millefemmes«Patronsde l'Industrieet du Commerce» . CettecatégoriecomprendRothschildet l'épicierdu coin. Etantdonnéle nombred'épiceries tenues par des femmes,on peut penser que la majoritéde ces onze mille «Patronnes»sont plus vraisemblablement des épicièresou assimiléesque des Rothschild. 2° celled'unefemmemariéeà un bourgeoiset bénéficiant de certaines délégations de pouvoir. 3° celle d'unefemmemariéeà un petit-bourgeois de riendu tout et ne bénéficiant (le cas de nosgauchistes). Dans les cas 1 et 2, les privilèges dérivéssoitde l'appartenance de classe(1) soitde la possessionparla classe(2) sontentachésde culpabilité; redoubléedansle cas 2 parla façondontilsontété acquis(la prostitution que leshommesprolétaires au senspropred'absenceà sa propreexpérience au-dessusde la mêlée,quellealiénation, : en «êtreà côté de ses pompes».Cest pourtant le pointde vue du militantisme languevulgaire, traditionnel. Cest cettetradition oui expliquequ'unSamirAminpuisseécriresérieusement que «les quelquesintuitions des femmes du Tiers-Monde», il les doità un [qu'il a] de l'oppression et de à G. un livre surcroît est Une livre, (de Tillion).Or,SamirAmin égyptien. telle français déclaration suffità invalider nonseulement les analysesqui l'accompagnent, maisce typede militantisme de entier. tout (et militants)

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leurreprochent avectantde vertu).Dans les cas 2 et 3, ces privilèges peuventêtre en : ils en sont et 2 ils le aux 3, peuvents'ajouter imaginaires toujours privilèges dérivésmais réels.En d'autrestermes,la mauvaiseconsciencejoue danstous les Elle est redoubléedans le secondcas, celui des cas : le sentiment d'usurpation. des femmesde bourgeois, c'est-à-dire «bourgeoises»classiques parla consciencede masculine(cf. p. 38). Dans le troisième la tricheriequi provoquel'indignation fausseconscience,qui peut cas, elle est fondéesurla fausseconscienceuniquement trèsbien fonctionner dansle deuxièmecas aussi : ce n'estpas parcequ'on.a quell'avoirtout entier,au conques miettesde pouvoirqu'on ne peut pas s'imaginer traire. Les femmes«gauchistes»partagent avec leurshommesla culpabilitéd'avoir des privilèges de classe ; mais à cetteculpabilitéde gauches'ajoutepour ellesla indûmenten tant que femmes,c'est-à-dire culpabilitéde posséderces privilèges de de la à classe (qu'elles croientexercer)un renversement d'ajouter l'oppression hiérarchienormaledes sexes. La consciencedouloureusede ce renversement comportedeuxvolets: - le sentiment des hommes; que rienne devraitles mettreà mêmed'opprimer - le sentiment même ne sont vraiment dans la situation pas que leurs qu'elles «font n'est subir» aux hommes,que l'oppressionqu'elles pas fondée prolétaires surlesmêmesbases: estencoremoinslégitime. Le premierest la Ces deux sentiments contradictoires. sont,ironiquement, est d'être des le deuxième la bourgeoises, culpabilitéde n'êtrepas culpabilité ! d'en et même les bourgeoises, privilèges posséderquand La formepolitique- en termede «théorie»- que prendcette mauvaise conscience est systématiséedans certainsgroupes de femmes,généralement mais elle est utiliséeaussi dans des groupesnon gauchistescomme trotskystes, : dansle groupe«Psychanalyse et Politique». Son prétexteest moyende gouverner la luttedes classeset la luttedes femmes»- ce qui exige le projetde «réconcilier «fâchées». Mais au lieu que cette«réconciliation» proqu'on les ait préalablement les rendincapables-, elleprocède cède d'une analyse- ce dontleursmotivations de la magie.On ne cherchepas à analysercommentl'oppressiondes femmes- en - en tantque telle.Il tantque telle - s'articuleavec l'oppressiondes prolétaires et ellesne veulent des femmes faudraitd'abordsavoiren quoi consistel'oppression estefpas le savoir.C'est donc au niveaude groupesconcretsque cettearticulation On metl'accentsurlesfemmesproléfectuée,ou plutôtest censéeêtreeffectuée. - la distinction n'estpas faite,ce qui en dit taires- ou lesfemmesde prolétaires c'est-à-dire longsurl'analysede la positionde classedes femmes, qu'on substitueà une coincidencede fait incarnéeparune et articulations l'analysedes connections un est faiteparcequ'on privilégie situationempirique.On croitque l'articulation groupequi se trouveêtreoppriméà la fois par le capitalismeet par le patriarcat. entreces Maisl'existenced'un tel groupen'éclaireen rienla questiondes relations de ce groupene remplacepas une analyse,qui deux systèmes,et la glorification resteà faire.De surcroît, mentionnée la contradiction plushaut demeureintacte: les femmesquisoutiennent cettepositionnefontpas partie- d'aprèsleuranalysedes femmesseulesdignesd'être«sauvées»puisquedansleurauto-classification elles sontdespetites-bourgeoises, et ne sontdoncpas opprimées. La haine des femmesà l'égarddes «bourgeoises»est le résultatde trois

46 : mécanismes d'oppression une hainede soi puisqueces 1. -Elle est premièrement et objectivement Il est mêmeplus que probablequ'elles commebourgeoises. femmesse définissent se définissent ainsipourtrouver uneassise«objective»à cettehainede soi 2. - Elle est le produitde la fausseconsciencedes femmes: la croyanceerronnéequ'elles possèdentles mêmesprivilèges que les hommes«de leurclasse». 3. -Et surtoutelle a pour sourceleurmauvaiseconscience: le sentiment d'êtreindûmentdans une situationde brefle sentiment d'usurperces privilèges, à ce leur dont elles culpabilitéque contrairement «bourgeois», prouventpar réservée aux hommes. disent elles l'estiment qu'elles Cette haine manifesteencore une autre mauvaiseconscience: car non contentesde se sentirparticulièrement les femmesse sentent d'opprimer, indignes forment d'être les femmes une L'idée classen'estjamais opprimées. indignes que et mais d'une réfutéeavec des arguments façonpassionnelle. théoriques logiques, Ce que cettepassionrévèle,c'estle refusprofondde se considérer surle mêmepied les autres en les que opprimés, particulier que oppriméstype,les prolétaires. ? aussi le La «classe ouvrière» (mais Pourquoi «peuplenoir»)est toujoursreprésentéesous les traitsd'un grouped'hommesdans des attitudesparticulièrement «viriles»: portantdes casques,armés,brandissant le poing.Pour des femmes«rédu est celle statut le cette volutionnaires», image plus élevé.Se penserune classe, c'est se penserhommed'abord,et de surcroîtse penserhommede la catégorie la plusglorieuse: se hisserau rangdes hérosculturels. Or ceci està ce doubletitre la psychologiquement impossiblepour,impensablepar, majoritédes femmes.Ce : de la dignitéd'hommeet de la seraitun doublesacrilège, une doubleprofanation du Mais comme cette s'étend à desopprimésnonnécesdignité prolétariat. dignité tant sont sairement à hommes, prolétaires, qu'ils j'incline penserque c'estla virilité en son au Là encore,c'est le sentiment qui l'occurrence prestige prolétariat. prête et ce sentiment invalidele d'indignitéqui conduità la craintede l'usurpation, discoursrationalisant puisqu'ilreposesurdesprémisses opposées: le discoursratiode la classesurle genre,maisle refus nalisele refussurla base d'une prééminence du genre. reposesurla prééminence Un autreexemplede ce sentiment des femmes estla théoriemasd'indignité surles raisonset lesbutsde l'oppresculine,maisreprisepar beaucoupde femmes, siondes femmesdansla famille.Dans cettethéorie,l'oppressiondes femmesdans des personnalités la familleest causée par la nécessité,pourle Capital,de former des travailleurs dociles: d'où deviennent soumisesafínqu'en grandissant les enfants la répression aussi-, nécessaire sexuellede toutle monde- doncdes femmes pour canaliserl'énergielibidinaleversle travail(W. Reich) ; d'où la structure autoritaire de la famille,les femmesétantopprimées par leurmariparce qu'ils sontopprimés ne leurs et dirigent patrons pour qu'ils pas leurcolèreversle dit patron,et par à etc.. leur les tour enfants, opprimant Ce qui est passionnantdans cettethéoriec'est que mêmel'oppressiondes femmesne les visepas elles.Le rôlede la familledanscettethéorieest purement un certaintypede personnalité est ; et cetteformation idéologique: il estde former un des moyens,un moyenidéologique,d'exploiterles prolétaires. Donc l'oppression matérielleet trèsconcrètedes femmesn'estqu'un moyenou un résultat, de d'uneoppression et toutesfaçonun sous-produit vise les travailleurs idéologiquequi

47 de l'exploitation des qui n'estelle-mêmequ'un moyende l'oppression«véritable», le fondde cettethéorie,maisla Il n'estpas questionde discuter mêmestravailleurs. place qu'y occupentles femmes: ellessontdeuxfois éloignéesdu but- de ce qui est posé commefinalitédu processusqui les opprime.Non seulementleuroppresmais la conséquenceà la limite sion matériellen'est pas une finen elle-même, non seulement cetteoppression«idéolod'une contingente oppressionidéologique, de matérielle n'est leur est la raison oppression pas encoreune finmais gique» qui des maisaucunde un relaispourla véritable (l'exploitation prolétaires), oppression en tantque telles. ces moments- ni les relaisni les fins- ne concerneles femmes Non seulement ellessontexploitées,maisellesne sontexploitéesque dansla meuneautreexploitation. où cela sert sure En d'autrestermes,il est clairque les femmessontperçuescommeindignes même d'être exploitées.On ne peut trouverd'explication,donnerde statut théoriqueà leuroppressionqu'en la posantcommemédiationd'une autreoppression. Cela signifieclairement qu'on ne les estimepas plus dignesd'êtreexploitées Il fautque leurexploitapour elles-mêmes que dignesde vivrepour elles-mêmes. tion,commeleur existence,soitjustifiéepar autrechose qu'elle-même: par son deshommes.Que les femmesne soientpas dans utilitépourla vie ou l'exploitation reflètebien le faitque dansla sola théorieles sujetsde leurpropreexploitation ciétéellesne sontpas les sujetsde leurproprevie. Que le statutthéoriquede leur exploitationsoit médiatisédans la théoriereflètebien que leurstatutdans la société est médiatisé,dans les deux cas par les hommes.Le sens profondde cette ne le seraient «théorie»,c'est que si les hommesn'étaientpas opprimésles femmes que la questionest posée en ces termes: Pourquoiopprimer pas ; cet qui signifie deshommes? desfemmes, sinonpouropprimer La préoccupation passionnée«d'articuler»oppressiondes femmeset oppresen faitla preà peinecachéede rattacher recouvrel'entreprise siondes prolétaires . danscette«articulation» mièreà la seconde,caril n'ya pas l'ombred'unesymétrie des femmesà l'oppression Le pireest que cettehâte à intégrer capital'oppression ne procèdepeut-être liste,avantmêmede savoiren quoi consistela première, pas tantd'unemauvaiseque d'unebonnevolontépolitique: du soucid'établirla réalité en la rendantvisible. de cetteoppression, des et ces hommes,l'oppression Ce que ceci révèle,c'estque pources femmes femmes,si elle n'est pas ainsi «rattachée»,tend à s'évanouirde sous leursyeux, commetoutfait dénuéede signification ; que seule l'oppressiond'hommesa un des sensen soi ; et que, non rattachéeà une oppression auto-justifiée, l'oppression INSENSÉE. femmes estpourelleset eux,proprement

La photo de classedes femmesou limage inversée. Ce que les réactiondes femmescommedes hommesà la suggestion que les ce que l'hostilité femmessont oppriméespoint à la ligne : pour elles-mêmes, partagée mais non semblable des femmes et des hommes à l'égard des mêmede ce mythe-bouc-émissaire, ce que la construction révèlent, «bourgeoises», coincideavecce que l'analyseobjectivedévoile.Cetteanalyseobjectiveestinscrite caché.Les en filigrane danslespositionsqui la nient,elleen constituele fondement

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femmesde bourgeoisne sontpas des bourgeois.Elles ne doiventleur«positionde classe», censél'emporter surle statutde femmes, qu'à ce statut. Ceci esttrèsclairdansle faitque sociologievulgaire commesociologiesavante attribuent aux femmesla classede leurmari: utilisentpourles femmesun critère de celuiutilisépourleshommeset doncpour de classe» différent «d'appartenance les maris,un critèrequi, de surcroît,est totalement non seulementà la étranger définition des catégories marxistedes classesmais à toutedéfinition sociales.Pour les femmes, et pourles femmesseulement, le mariaged'unepartremplacela place dans le processusde productioncommecritèred'appartenance de classe ; d'autre même les femmes ont une dans ce part, quand place propre processusc'est-à-dire travaillent à l'extérieur, le mariagel'emportenéanmoins.Les «bourgeoises» sont donc appeléestelleset identifiées à leursbourgeoisd'époux,non parce qu'on a utilisépourles classerle mêmecritèreque pourleursmarismaisau contraire parce qu'on a utiliséun critèrequi les en distingue: celui du mariage.C'est-à-dire qu'avantde et pour pouvoirles prétendre identiquesà leursmaris,il fautles avoir considéréeset traitéescomme radicalement dissemblables. Ainsi,en mettantles et leurs femmes dans même le on démontre sac, bourgeois par cetteopération mêmequ'ils ne sontpas dansle mêmesac. On ne peut assimiler les unes aux uns en les traitant en différemment les uns classant que précisément par leurplace dans le processusde productionet les unespar leurstatutmatrimonial. Et ce qui f les hommes des emmes dans le distingue bourgeois «bourgeoises» processusde est ce les femmes des femmes classement, précisément qui rapproche «bourgeoises» elles sont aussi la classe de leursmaris.Ainsi «prolétaires», qui cataloguéesd'après on ne peutparlerdes différences de classeentrefemmes- sourceparaît-ilde divi- qu'en les traitant sionspolitiqueséventuelles d'abordtoutesde la mêmefaçon: en déterminant leur«classe»par leurrapportà un homme.Ces différences classificatoires sontdonc fondéessurce que les femmesont toutesen commun: le fait d'être«la femmede quelqu'un». ne faitque refléter la situationobjectivequi est aussi L'usage classificatoire communeà toutesles femmes: le faitque leurexistencematérielle estdéterminée par leur relationà un homme.Cette dépendanceest elle-mêmela cause de leur réelet analytique, danslesclasses- les lieuxsociauxet géographiques placement, où se trouvent les hommesauxquelsellessontattachées.Il ne s'agitdoncpas d'une de classeau senspropre,maisde son contraire. Le faitque cet attaappartenance chementsoitutiliséen lieuet placede l'appartenance de classeréellemanifeste que cettedépendance- le statutde femme,termesynonymeavec celui d'épousede classe : là place dansla production Elle l'emportesurl'appartenance capitaliste. l'emportedansle classement parcequ'ellel'emportedansla réalité: parceque, soit les femmesn'ont pas de place dans la productioncapitaliste, soitcetteplace est moinsimportante pour leur existencematérielle que leurdépendancepatriarcale, de classe,les deux qui constitueleur rapportde productionet leurappartenance - lire étantnon capitalistes. la «théorie»qui pose «l'appartenance» Ironiquement, le rattachementdesfemmes aux classesdu système commeplusimporcapitaliste tantque leurstatutcommunde femmes, est fondéesurle postulatinverse(et sur une lecturecorrecte,quoique niée, de la réalité): sur le postulatimplicite(ou en sociologie)de la prééminence du statutde sexe. explicite,

49 Commeon l'a vu, l'hostilitéà l'égarddes «bougeoises»reposeen dernière à pas réellement analyse,sur la perceptionjuste que ces femmesn'appartiennent de genre,la classe la classebourgeoise; cettehostilitérévèleque l'appartenance sur estperçuecommel'emportant sur,maissurtoutdevantl'emporter patriarcale, terme la au d'une retrouve même chose Si on de classe*. analyse «l'appartenance objectivequ'on a trouvédans les prisesde position«politiques»(émotionnelles), dans ces positions, et souterrainement c'estque cetteanalyseexisteimplicitement sur une sont réalitéen.contraémotionnelles d'autant sont fondées plus qu'elles qui Si la réalitéqui sertde baseau discours dictionabsolueavec le discoursmanifeste. des positionsréacest niée par celui-ci,c'est que ce dernierestdestinéà justifier comme surcetteréalité; pourque celles-cin'apparaissent tionnaires telles,c 'est pas s 'on le aux ne donc la réalitéqui estinversée pas que 'aperçoive par discours, finsqu ce sontlespositionsqui sontà l'envers. de l'oples modalitésdifférentielles Il restecependantà trouveret à définir formes les différentes des que prendl'oppressionà parpressiongénérale femmes, on s'en doute,surune retird'unebase commune.Ceci débouchenécessairement, Maiscetterecherche femmes. les et pas seulement définition de l'oppression, pour de la problématique ne peut procéderà partirdes conceptsutiliséscouramment, selonles lignesdesclassestraditionnelles, de la divisiondes femmes pourles raisons en réalité sur sont fondées ce qui est au : «divisions» qu'on a vues parce que ces de La femmes. ces les contrairecommunà toutes «divisions»,telle perception mais due non à la seulement dépendancematérielle est qu'elle existeactuellement, de Loin d'être une aussià la mauvaiseconsciencequi sontle lot toutesles femmes. et une c'est une manifestation analyse,encoremoinsune analyserévolutionnaire, C'est doncd'ailleurs,d'un ailleursanalytiqueet popreuvede plus de l'oppression. qui connaît et litique, à partird'une problématiquetotalementdifférente, et ne procéderasde la mauvaiseconsreconnaîtcettecommunauté fondamentale, à partird'une problématique féministe, que cette cience,c'est-à-dire proprement de libération. et êtreune recherche recherche peutêtreentreprise,

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Dans une usine pendantla RévolutionRusse de 1917

51 Nicole-ClaudeMathieu

Masculinité/féminité

Un fauteuil,unechaise Un bureau,une table Un livre,une revue Unjournal,une feuille Un bol,unetasse Un lit,unecouchette Un bouquet,une fleur Un tout,unepartie Un homme,une femme Un «grandhomme»,une «petitefemme» . la prostitution. Le Panthéon,

pourdébuter? C'estque nousutilisonsquoPourquoicet exercicede français masculinisé absolument où tout,estobligatoirement une tidiennement langue tout, du obsessionnelle sexe,où véritablement dire ou féminisé; languequ'on pourrait voir se sans adjoindre aucun être exprimé, concept aucunmot ne peut prononcé, son sexegramun article,un adjectif,etc.,qui marquerason «genre»,c'est-à-dire et fémasculins termes des les choisi,pour opposer, matical Si j'ai volontairement relaune certaine elles entre notions des ou des choses ayant mininsqui désignent totaou maisrespectivement plusgrandes, plus tion catégorielle, plusimportantes, pour les lisantes,pour les termesmasculinset plus petites,ou plus parcellaires, article de cet suite la avec sans qui bien ce n'estpas, sûr, rapport termesféminins, la dans nôtre, mais sociétés des bien dans particulièrement tenterade montrer que, l'idée de masculinporteune valeurde «plus» et celle de fémininune valeurde «moins». Mais centrons-nous pour le momentsur le rapportqui pourraitéventuelleet leur mentexisterentrele sexe (le genre)attribuéaux chosespar la grammaire de constater est Force sorte. en que ce leur«essence» quelque qualitéintrinsèque, vous et France en table déménagez une que rapportn'existepas. Si vous prenez cette même table en Allemagne,voilà qu'elle va changerde sexe ! En France, nous avonsla tableet le journal,en Allemagnele tableet la journal(der Tischet dieZeitung).Quantau livre,il devientneutre(das Buch).

52 dans mais fortutilesà conserver Nous partonslà d'évidencespremières1, non fois-ci le du cette d'aborder moment au genre plus problème appliqué l'esprit c'esttout aux choses,maisaux personnes.Car enfin,dira-t-on, pourlespersonnes, on le reconnaîtra bien : si un hommefrançais à faitdifférent voyageen Allemagne, commehomme,et les qualificatifs qu'on lui attribueraseronten cette langue en effet,il n'ya pas de procommeen la nôtredu genremasculin! Apparemment, entrehommeet femmeexisteà l'inblème,puisqu'ilest certainque la distinction térieurde chaque culture2(et qu'elle estmêmesansdoutele pointde départde Le l'extensionaux choses,danscertaineslangues,des genresmasculinet féminin). problèmecommencelorsqu'onveutbien considérerque les mots «masculin»et mais qu'ils ont, «féminin»ne désignentpas seulementun genregrammatical, un contenupropres: ce sontdes qualificatifs, commetoutterme,une signification, dérivésde substantifs (en lantin: masculus,le mâle,etfemina,la femelle); ils seunesubstance, ici ce qui estpropreà, ce raientdonccensésexprimer adjectivement en quelquesorteessentiellement l'hommeet dans,ce qui définit qui est permanent la femme. En est-onpourautantautoriséà penserqu'il y a un rapportd'essenceentrece que qualifiele terme«masculin»et la réalitébiologique«homme»d'unepart,et ce que qualifiele terme«féminin»et la réalitébiologique«femme»d'autrepart? Auou tellecapacitéque trementdit,a-t-onle droitde penserque tel comportement ont quelque rapl'on estimecouramment «masculins»ou au contraire«féminins» ? de le sexe ce soit avec l'individu biologique portque Le seul fait,de connaissance courante,qu'on puissedirede tel hommequ'il en toute est un peu féminin ou de tellefemmequ'elleestplutôtmasculinesuffirait de contradiction dans les une ces chacun jugementscomporte logique (puisque entre le a de substantif à faire termes) qu'il n'y pas rapportintrinsèque pressentir «femme»et l'adjectif«féminin»,par exemple- bref,que les «traitspsychosont qu'on désignecommemasculinsou féminins logiques»ou les comportements en le arbitrairement le sont tout aussi aux sexes français biologiques que appliqués à féminin table. Il faudra à et le une nous donc un bureau genremasculin genre tenterde comprendre que chaque sociétése sertdes sexesbiologiquespourconstruireune «grammaire sexuelle»- ou, commediraitKate Millet,une «politique de sexuelle»(sexual politics)- tout aussi arbitraire que les genresgrammaticaux la langue. C'est justementle termede «genre»que RobertJ. Stollera retenupour et la féminité entrela masculinité établirla distinction (l'identité psychologiques de genre)d'une part,et les sexes biologiques(auxquelsil réservele mot «sexe») est entresexe biologiqueet sexe psycho-social d'autrepart.La non-concordance à le cas des enfants la dans naissance qui présentent particulièrement frappante un certainsexealorsqu'il des anomaliesgénitalesexternesleurayantfaitattribuer 1. L'absence de rapportentrelangue et réalitédésignée est largementdémontrépar les rechercheslinguistiques.Voir par exemple A. Meillet, «La catégorie du genre et les conceptions indo-européennes»,in Linguistique historique et linguistiquegénérale, Paris, Honoré Champion,1965. 2. Toutefois,lorsqu arriveun étranger,ce n est pas forcementson sexe qui sera identifie en premier: lorsqu'un ethnologueparvientdans une population très isolée, il se peut qu'on le classe d'abord comme «mort» (revenant)ou comme «non-humain».

53 se révèlepar la suite,au coursdu développement, qu'ilssontconstitutionnellement des donnéescliniques,des traitements correctifs de l'autresexe3. La considération ces en est et résulté de ce pour individus psychologiquement parfoisentrepris qu'il de la déterminaetc. révèle inter-sexuels, façonfrappante pseudo-hermaphrodites, des facteurssociaux (avoirété élevé «commeun irréversible tion pratiquement garçon»ou «commeune fille») dans la fixationde l'identitépsychologiquede : «En fait,presquetoujours,de telles sexe, ou plutôtde «genre».Stolleraffirme sur forces[psychologiques] peuventl'emporter les forcesbiologiques.»4 un problèmefortcomplexe,il sembletoutefois Au risque de simplifier intéressant de citerici deux des exemplesprésentésdansce mêmearticle.Dans les deux cas, l'assignation du sexe à la naissances'estrévéléefaussepar la suite,mais de ce le traitement dansle sensd'uneconfirmation dansle cas n° 1 on a entrepris «faux sexe» biologiquequi était devenule «vraisexe», le genrepsychologique; dans l'autrecas, on a tentéde «rétablir»le véritablesexe biologique,allantainsi : à rencontre du genrepsychologique établià la (Cas n° 1) «Le diagnosticdu sexe n'a pas été correctement naissanceet ne le sera qu'à la périodede latence : deux enfants, mâles, dotés d'appareilssexuelsmâles internes chromosomiquement normauxet de testiculesnormauxétaient nés avec des testicules le méaturetral ; le pénisavaitla dimensiond'un clitoris, cryptorchides étaitsituéainsique chezunefilleet le scrotum, avait bifide, l'apparence des lèvres.Les organesgénitauxexternesse présentant commenormaon assignaaux deux enfantsle sexe féminin; ils lementféminins, furentélevéscommedes filles.Puisle diagnostic de masculinité futétaété éveillés les bli pourchacund'eux (des soupçonsayant par «tumeurs ; les inguinales»- en réalité,il s'agissaitdes testiculescryptorchides) au sexe deux enfantsne mettaientpas en questionleurappartenance Le diagnosticfutcommuniqué aux parentset femelle,ni leurféminité. l'on décidaque les enfantscontinueraient à êtreconsidérés commedes et à filles.Le traitement hormonal destiné créer une anatochirurgical Le diagnostic mie féminine a été faitil y a six ans ; aucun futentrepris. ne s'estposé depuis.» problèmepsychologique au sexe mâle est faità la (Cas n° 4) «Le diagnosticde l'appartenance est l'enfant élevé comme un naissance, garçon,tout en étantd'autre : il car part biologiquementfemelle, présenteun hyperadrénalisme le clitoris était un normal un urètre avec des lèvres [...] pénis pénien, externesfusionnées commedans un scrotummâle ; l'induration était telleque les lèvresavaientl'apparenced'un scrotumavecdes testicules non descendus.C'est pourquoion pensaque l'enfantétaitun garçon. à l'âge de six ans, une pubertéprécoce(caractérisMalheureusement, de ces L'orificevaginal cas) provoquale débutde la menstruation. tique 3. De tels cas sont notammentévoqués dans la Nouvelle Revue de Psychanalyse,n° 7 : «Bisexualitéet différencedes sexes», printemps1973 (Paris,Gallimard). 4. K.J. Stoller, «haits et hypotheses.Un examen du concept treudiende bisexualité», NouvelleRevue de Psychanalyse,nô 7.

54 étantbloqué par le péniset le scrotum, unecriseabdominaleaiguë(pédansla ritonite)se produisit,provoquéepar l'amasdu sangmenstruel correctdu sexe. Le cavitéabdominale.On fitalorsenfinle diagnostic pédiatreconseillaaux parentsde fairechangerle sexe et le genrede de filleet de lui faire l'enfant,leur dit de lui acheterdes vêtements Les les à une fille. cheveux comme consultations ultérieures couper à de contrôlerévélèrent cet enfant de était que incapable progresser l'école ; il avait un défautde prononciation n'avait important, pas de fille.» d'amis.Il étaitgaucheet ridiculedanssesvêtements Sans partager tout à faitl'optimisme qui conclutle cas n° 1 (car en fait,les se problèmespsychologiques poserontquandces garçonsbiologiques,transformés en fillespour adapterleuranatomieà leuridentitéde fille,sauront extérieurement ne icic'estla diqu'ils peuventmettreau mondeun enfant),ce qui nous intéresse mensionsocialedu sexe que ces cas mettenten évidence; puisqu'eneffetle problèmes'énonceapparemment ainsipourleurentourage: «on les éduque en filles» ou «on leséduqueen garçons» . Comme il n'y a, dans l'immensemajoritédes cas, aucune difficultéà le sexe d'un enfant,la décisionsocialed'opposerparl'éducationgarçons identifier et filles- autrement inadit,plustard,hommeset femmes- passegénéralement de Ou c'est et l'arbitraire social cette décision reste perçue. plutôt, qui inaperçu, les et croient l'orientation à l'éducaéducateurs différente donnent parents que qu'ils tiond'un enfantselonqu'il s'agitd'ungarçonou d'unefillen'estlà que pour«confirmer la nature»de son sexe, sa «biologie»,ou - dansun raisonnement un peu et ne devienne homosexuel» plus complexe, déjà sociologique «pour qu'il pas ou la femmemasculine (l'hommeféminin évoquésplushaut). Mais au fond,tout cela n'est-ilpas étrange? Cette obsessiondanslaquelle nous vivonsde renforcer à toutprixla dichotomienaturelledes sexes,de confirmerun enfantdansson sexe en l'opposantconstamment à l'autre,à quoi corres? Si la entre les était différence sexes si «naturelle»,pourquoiaurait-on pond-elle ? besoinde la construire l'éducation par a forgél'idéede La sciencecontemporaine (commenombrede mythologies) la «bisexualité»fondamentale de l'êtrehumainpourexpliquerles problèmespsydes sexes : ainsi,chacunayantau départbiolochologiquesque pose la différence et/oupsychologiquement (n'entronspas dansles querellesd'écolespsygiquement les des deux un difficile travailpour sexes,il faudrait chanalytiques5) potentialités et au mieuxsexe «psychologique» fairecorrespondre et sexe somaen définitive biensûr; mais- question tique.Nous disions«au mieux».Le mieuxde l'individu, - le mieuxde l'individu à laquelleles psychologues accordenttroppeu d'attention n'estjamais que ce que sa sociétédécidequi est le mieuxpourlui,c'est-à-dire en fait pour elle, pour le maintiende son ordre.Apparemment, dans notresociété les occidentale,ce maintiende l'ordreexigeencored'opposerpsychologiquement sexes...Nousy reviendrons. 5. Sans compter que les biologisteseux-mêmesdécouvrentde plus en plus l'extraordinaire complexité des mécanismeset des facteurs(génétiques,neuro-hormonaux,etc.) de la différenciation sexuelle...

55 de jetersur Voyonsd'abordquelquessociétésqui nouspermettront peut-être Mead a étudié en notreproprecultureun regardétonné.L'ethnologueMargaret Nouvelle-Guinée troispopulationsvoisinesmaisfortdifférentes quant à leurinterA de du la de sexe. sociale prétation propos «personnalité» chaque sexe, elle conclut: n'ontéprouvéle besoind'instituer «Ni les Arapesh,ni lesMundugumor entreles sexes. L'idéal arapeshest celui d'un homme une différence doux et sensible,mariéà une femmeégalement douceet sensible.Pour d'un c'est marié les Mundugumor, celui hommeviolentet agressif à une femmetout aussiviolenteet agressive. Les Chambuli,en revanche, nous ont donnéune imagerenversée de ce qui se passedansnotresociété.La femmey est le partenaire dominant; elle a la têtefroide,et c'est elle qui mènela barque ; l'hommeest,des deux,le moinscapableet le plus émotif.D'une telle confrontation se dégagentdes conclusionstrès commetraditionque nous considérons précises.Si certainesattitudes, nellementassociéesau tempérament féminin- tellesque la passivité, la sensibilité, l'amourdes enfants- peuventsi aisémentêtretypiques des hommesd'une tribu,et dansune autre,au contraire, êtrerejetées par la majoritédes hommescomme des femmes,nous n'avonsplus aucune raisonde croirequ'elles soient irrévocablement déterminées 6 parle sexede l'individu.» D'une façon générale,les donnéesde l'ethnologienous apprennent que le contenudes qualitésphysiquesou psychologiques attribuées à charespectivement cun des sexes varieconsidérablement (et souvents'opposeabsolument)d'une société à l'autre,de mêmeque les rôlesmasculinset féminins et les tâcheséconoles hommeset les femmes, commele noteencoreM. Mead miquesque remplissent (ibid.) : «... qu'il s'agissede l'opinionconventionnelle chez une tribudes Philippinesqu'aucunhommene peut garderun secret,de l'allégationdes Manusque seulsles hommesaimentjouer avec les enfants, du faitque la plupartdes travauxdomestiquessont décrétéstropsacréspourles femmespar les Toda, de la croyancearapeshque la têtedes femmes estplusrobusteque celledeshommes.» L'exempledes Chambulicité plus haut est particulièrement frappantpour nous puisque les comportements, les rôles économiqueset rituels,les attitudes mentalesdes hommeset des femmesy sont presquetermeà termele contraire de cheznous. Mais ce que nous apprennent de plus les Arapeshet les Mundugumor, c'est qu'il existe des sociétéshumainesoù - bien que les tâches quotidiennesdes - il ne vientà l'idéede personnede raphommeset des femmessoientdifférentes porterà son sexe les qualitésou les défautsd'unindividudonné.Si un enfantmundugumorest violent,ce n'estpas «parcequ'il estun garçon»,puisqu'ons'attend, 6. M. Mead, Mœurs et sexualité en Oceanie [réunion de deux livresparus aux U.S.A. en 1935 et 1928Î Paris,Pion, 1963, pp. 251-252.

56 dans cette culture,à ce que n'importequel individusoit violent.Si une enfant arapeshse metà faireune colère,on ne mettrapas davantageson sexe en cause ; on ne lui dirapas «une petitefilledoitêtresage»,mais«on ne doitpas fairecela». Ainsi,dans ces sociétés,un individun'est-iljamais misen questiondansl'un des : son identitéde sexe,son «genre» les plus fondamentaux aspectspsychologiques - au contrairede ce qui se passe constamment chez nous,où une fillequi siffle au tricotvontrencontrer une réprobation dansla rueou un garçonqui s'intéresse violenteou provoquerun malaisedont ils ne pourrontignorer qu'ils portentsur en et mettent à leur sexe, plusprécisément questionla «norqu'ils l'appartenance sexuel. malité»de leurfuturcomportement Il semblebien,en effet,qu'une extrañeoppositionpsychologique et sociale entreles sexes dans une sociétédonnées'accompagned'une tout aussi extrême craintede l'homosexualité, en mêmetempsd'ailleursque de l'existenceinstitutionnellede cette dernière.Institutionnelle, c'est-à-diresocialement,et souvent de comportement reconnuecommetypeparticulier ialite» ; r«offîc officiellement, contre«les» hopouvantaussibien se traduirepar l'existencede lois répressives mosexuel(le) s que par une entérination à travers des ritespériodiques: les deux existentdansnos sociétésoccidentales; et, chez les Chambulipar exemple(où les sexessont,commechez nousbienqu'avecun contenuinverse, censésposséderdes M. Mead décritdes cérémoniesoù le travestissecontraires), personnalités-types mentsexuelet les parodiesde comportement homosexuelde la partdes hommes ontunegrandeimportance.7 et desfemmes Un autrepoint,tout à faitessentiel, le rapportd'opposition qui caractérise entreles sexesdansnotresociété,et donc les notionsde «masculin»et de «féminin»,estqu'il ne s'agitpas - commeon le prétend(ou le préconise)souvent- d'un maisbien d'un (l'égalitédansla différence), simplerapportde «complémentarité» soutenant (la différence l'inégalité).Les comrapportd'oppositionhiérarchique à mentaires entendus de récemment d'enfants 2-3 ans,sontéclaisuivants, propos rantsà ce sujet: de soi). D'un garçon: «II commenceà 1) D'enfants«volontaires» (affirmation devenirterrible(intonationd'effroimélangéde respect); c'est bienun garçon!» D'une fille: «Elle commenceà avoirun fichucaractère (intonationde fortedésapprobation).» 2) D'enfantsnus surune plage(identitécorporelle).D'un garçon: «Celui-là,au moins,on peut voirque c'est un garçon...»A une fille: «Veux-tute cacher,les petitsgarçonsvontse moquerde toi !» Nous saisissonsici dansla quotidienneté la plusbanale,ces notionsde valode et de attachéesau sexe «moins»,respectivement risation/dévalorisation,«plus» de notre masculinet au sexe féminin haut à «exercicede (et évoquéesplus propos 7. Mead note aussi qu'en revanche,chez les Arapesh et les Mundugumor(sociétés où la personnalitén'est pas définieprincipalementen termesde sexe), elle n'a pas trouvéd'homosexualité. On peut avancer à cet égard deux interprétations, qui ne sont pas contradictoires: d'une part,que l'extensionstatistiquedu comportementhomosexuel est directementfonction de la politique sexuelle d'une société (les sexes comme si «contraires»socialement...qu'ils ne peuvent se rencontrer); d'autre part, que, dans une société qui ne porte pas, contrairement aux nôtres,une attentionforcenéeà la «différencedes sexes», un comportement(dit par nous) homosexuel, même s'il existe, n'est tout simplementpas «vu», parce que non visible socialement,non essentieldans les catégoriesde la connaissanceet de la morale.

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français»).Ainsion admetmoinsd'une fille- sous prétextede son sexe biolosa volonté,son indépendance (limitationqui va devenir gique - qu'elle affirme la honte on de mais lui son sexe imposeégalement psycho-social), partieintégrante de son sexegénital,sous prétextequ'il n'a pas 1'«évidence»de celuidu garçon.Le sexegénitalde la fille(et donc de la femme)est en quelque sortenié : on dità la foisqu'il fautle cacheret qu'il est caché(ce qui est faux,surtoutchez les petites une encyclopédierécented'éducationsexuelle,diviséeen filles!). En parcourant on peutvoirdes planchesanatomiquesoù, à côté volumesselonl'âge des enfants, de des organesgénitauxmasculinscomplets,figurel'ensembledes organesinternes du une sans la femme, maisoù le vaginse termine tracé, que par simpleinterruption ni le clitorisni les lèvres(qui sontpourtantdesorganesessentiels soientreprésentés de la sensationsexuelle).Que de fantasmes de notreculturece genrede dessin à ! toute la ce Voir sujet sculptureoccidentale,où le sexe extépas n'exprime-t-il rieurde la femmen'estjamaisreprésenté (alorsmêmeque la positiondes statues ! la contraste statutaire africaine et voir par l'exigerait parfois) Nous avonslà donnédes exemplesqui se situentau niveaudes normesmode la culture,maisil ne fautpas oublier ralesde l'éducationou au niveauesthétique des femmespar rapport tout des faits. L'infériorisation cela qu'à correspondent une hiérachiede «valeurs»,elleestunehiérarchie aux hommesn'estpas seulement dans les statistiques du travailou de l'accès de fait,qui s'exprimetrèsclairement . Non on seulement ne trouve à la formation pratiquement professionnelle8 pas de femmesdansles professions qui manientle pouvoirpolitique(hautesinstances des partisou des syndicats, etc.) ou le pouvoirde l'argent(bangouvernement, de alors constituent la quasi-totalité des «personnels qu'elles quiers,notaires,etc.), de mais à l'intérieur une est déservice»; encore, catégorie chaqueprofession, plus valorisée(par rapportaux «responsabilités supérieures»)ou mal payée (cela va ensemble),plus on y trouvede femmes.Et dans presquetous les généralement même celle-cigagnemoinsd'argent, couplesoù l'hommeet la femme«travaillent», à égalitéd'horaires, mêmeà égalitéde qualification. Que dire alors- dans une commela nôtre,où celuiqui a le pouvoirestceluiqui possède économiemonétaire : situation l'argent descouplesoù la femmeest«au foyer»(travailnonrémunéré) de totaledépendance,qui ne se révèle,mais avec quelle acuité,que le jour où la femmedevientveuve ou divorcée9(en général,avec la chargedes enfants), «obligée»de travailler. Ainsidonc le rapportentreles sexes est dans notresociétéun rapportde pouvoirtantau plan des valeursqu'au plan économiqueet juridique,rapportde de la prévalenceet de l'autoritédu pouvoirqui s'exprimedansl'idée hiérarchique sexemasculinsurle sexeféminin. Le rapportde pouvoiréconomiqueet idéologiquen'estcertespas l'apanage des seuls rapportsde sexes,mais il est régulièrement nié pourles relationsentre hommeset femmes.Chaque renouveaude l'analyseféministe se voit opposer: 8. Les données ne manquent pas à ce sujet. Voir par exemple,pour l'historique,Evelyne Sullerot,Histoire et sociologie du travailféminin,Paris, Gonthier, 1968 ; et pour des statistiques françaisesplus récentes,JeannineVerdès-Leroux,«Le travaildes femmes»,Les Temps Modernes,n° 337-338, août-septembre1974. 9. Sur le fait que le divorcen est, pour les femmes,que la parfaitecontinuationde l'état de mariage,voirl'articlede Christine,«Mariage et divorce.L'impasse à double face», Les Temps Modernes,n° 333-334 : «Les femmess'entêtent»,avril-mai1974.

58 entreles sexes,par les uns(plutôtla Droite) ; 1) la grandepeurde l'indistinction de de générations, ou éventuellement ou de la des classes, 2) primauté rapports les la autres races,par (plutôt Gauche). Or, pour répondred'abordau point 2, le faitqu'une bourgeoisepuissese fairetraiterde salopeparun ouvrierà qui soncomportement déplaît; le faitqu'un de ans à une femme de vingt-deux douze les fesses sous gamin puisse pincer de demander l'heure le fait la lui Etats-Unis l'on connaît ; (où qu'aux prétexte violencede l'antagonisme a demandé à des blancs racial),lorsqu'on petitsgarçons s'ilspréféreraient êtredespetitesfillesblanchesou despetitsgarçonsnoirs,ils aient 1° répondu«êtredes petitsgarçonsnoirs» ; le faitque pourune réclameprésentant un jeune hommenu (dans l'ombre),les boucliersde la «pudeur»se soientlevésen Francealors que dans le silencequasi généralles affiches danstoutes manipulent les positionsdes femmesnues ou diversement harnachées; le faitque l'immense soitdes femmes (et qu'au surplusleshommesse prostituent majoritédes prostitués aux alors également hommes) (car il s'agitbiend'une qu'il n'y a pas d'institution institution) équivalentepourles femmes; toutcela, commedes centainesd'autres socialedes sexesn'estpas exemplesqu'il faudraitdonner,montreque la hiérarchie un vainmot. Au niveaudu vécuquotidiencommedes normessociales,la masculinité sociale c'est la possibiliténon remiseen questiond'entreprendre, de «faire».C'estla le Panthéon.La féminitésociale,c'est la limitation avantmême «responsabilité», et dès qu'une difficulté se présente, c'estle recours que l'actionne soitentreprise, à l'homme.La masculinité mieuxparler, sociale,c'estde «savoir»mieuxexpliquer, la roue,mieuxcomprendre mieuxpenser,mieuxdémonter pourquoila machinene fonctionne pas, tendrela mainaux femmesquandellescouraientaprèsles autobus en jupe étroiteet talonsde 7 centimètres. A la «BelleEpoque», lesjeunesouvrières du textiletravaillaient douze heuresparjour avec des corsetsaux montantsde fer leurrentraient dansle ventrechaqui, lorsqu'ilsse cassaient(ce qui étaitfréquent), que fois qu'elles se baissaient(c'est-à-diredes centainesde foispar jour) pour mettredansles caissesles pelotesde laine; au moins,lesmalheureuses étaient-elles sûresd'êtreféminines... La féminitésociale,c'est aussi et surtoutles maternités du qui vous «tombent»dessus,parce qu'on laisse encorede nosjours l'initiative contrôleà l'homme(trèspeu de femmes utilisent les contraceptifs féminins), parce alorsqu'on vousa refusélesmoyensd'éviter qu'on risquela prisonpouravortement 1 à une ce calvaire1 où , époque où la puissancede la science est fantastique, l'hommea atteintla lune et où l'on greffedes cœurshumains.La masculinité c'est la libertéde fairedes enfants, maisde «ne pas savoir»les sociale,en revanche, élever,les fairemanger,les laver,etc. ; c'est aussila faculté,dansle divorce,de ne même pas payerla pensionalimentaire. La masculinitésociale,c'est la lâcheté 10. MargaretMead & James Baldwin, Le racisme en question, Paris, Calmann-Lévy, 1972, p. 136. 11. Aujourdnui, la distinctionentreavortement«légal» et «illegal», avec les inculpations qu'elle entraîne,comme les complicationsmatérielleset morales imposées aux femmesqui désirentavorterpermettentde laissertelle quelle cette phraseécrite en 74. «[La loi Weil du 1701-75] tolère quelques avortementsen hôpitaux : 24 000 avortementslégaux en 6 mois, alors qu'il y avait 800 000 avortementspar an quand c'était interdit! Oue fontles autresfemmes?» (Questions pratiques sur la contraceptionet lavoriement, supplémentau n° 49, janv. 1976, de l'hebdomadairela Criée,Marseille).

59 de cet homme(par ailleurs«gentil»)qui me racontaitses exnaive et meurtrière : «Alors,je lui ai faitune queue de poisson; commec'était ploitsd'automobiliste une femme, je ne risquaispas qu'elledescendepourme casserla gueule!» La fémisocialec'est qu'il nitésociale,c'est encorela prostitution parceque la masculinité est normalde payerpour avoirce qu'on veut,mêmeun êtrehumain.Les prostiet la tués masculinsfontjustementpartiede la féminitésociale.Car la féminité avec n'ontpas de sexe,ou plutôtellesn'ontqu'un rapportstatistique masculinité commenous l'avonsdit,et le sexe biologique,et de plusce rapportest arbitraire, dansune sociétéhistorique. doncprovisoire De nos jours,le meilleurmoyend'asseoirun pouvoirsocial,une hiérarchie, 12 Mais naturel. est de les présenter commeayantun fondement l'hypothèsede la de hommeset sociale entre comme «cause» la hiérarchie différence biologique f«runesn'estpas toujoursfacileà tenirouvertement, carenfin,mêmesansrecourir une mémoirehistoriquetrèscourtesuffirait à la aux connaissances ethnologiques, de nosmèresqui étaientexclues fairetomber: on peut supposerque la physiologie du droitde voteavant1945 (et ce, en tantque femmes biologiquespuisquele fait ou riches ou fussent célibataires etc.,n'y changeaitrien) mariées, pauvres, qu'elles n'avaitpas variéen 1946... pas plus que ne s'estmodifiéela «différence» physiologiqueentrehommeset femmesd'hieret d'aujourd'hui? Forceestbiende reconnaîtreque les (lentes)acquisitionsdans le droitet dans les faitsqui tendentvers non pas les sexes, une égalité(encoreà venir)entrehommeset femmesaffectent et la féminité sociales. maisla masculinité entreles devantune tendanceactuelleversl'indistinction Certainss'affolent font se traiter de «péhommes aux cheveux sexesdansl'aspectextérieur (les longs dales» et les femmesen chaussuresplateset pantalonsde «moches»et de «mal dont on prétendque «ce sont toutesdes baisées», en un mot, de «féministes» : se et les femmes se viriliseraient. Ils hommes les féminiseraient lesbiennes») bref, raison; là où ils ont tort,c'estde prétendre croirequ'ils ont au fondparfaitement parlenten termesbiologiques; ilsparlenten réalitédes sexessociauxet ne fontque d'un changement social,leurcrainte projetersur le biologiqueleurappréhension de fait ne soit ce détruit encore aujourd'huide la mascuque rapport pouvoirqui et irréductibles. Ce que dénotenttoutes des entitéscontraires linitéet de la féminité c'est le refusde l'imagination le ces craintes, sociologique, vertigedevantl'infinité desconstructions socialespossibles. ne perdentpas pied.La théoriede C'estpourquoiles assertions biologisantes en effetpossèdeun atoutmajeurqui estmoinsla possession la «petitedifférence» du pénispar l'hommeque cellede l'enfantparla femme(Freud,qui a en faitdécrit en faisait socialdes sexes,maissansle reconnaître, les résultats du conditionnement d'ailleursdes équivalents).Car s'il devientaprèstout diffìcilede soutenirde nos jours qu'un pénisvous autoriseà votermais qu'un vaginvous rendincapablede 12. Dans les siècles antérieurs,on parlait de droit divin ; depuis le XI Xe siècle on parle biologie, qu'il s'agisse de sexe, de classe ou de race. C'est ainsi que la classe au pouvoira justifié par l'ideologie des «aptitudes naturelles»le moindreaccès des enfantsd'ouvriersà renseignement (voir Noëlle Bisseret,Les inégauxou la sélectionuniversitaire, Paris,PressesUniversitaires de France, 1974). C'est égalementainsique l'idéologie racisteutiliseles caractèresphysiquesdu minoritaire comme «marque» garantissant la permanence d'une différence socialement instaurée(voir Colette Guillaumin,L'idéologie raciste. Genèse et langageactuel, Paris-LaHaye, Mouton, 1972.

60 choisirune orientationpolitique,en revanchevoilà une chose (très importante pour la société)que seulun appareilgénitalféminin peut faire: porteret mettre au mondedes enfants. Sansnousattarder aux théories psychanalytiques qui veulent voirdans l'enviede l'enfant,la jalousie à l'égarddes femmes, la raisonde la prise du pouvoirpar les hommes,il nous sembleplusintéressant de considérer comment la sociétése sertde cettedonnéebiologiquequ'est l'enfantement pourparticularisersocialement la femme,pourdireque la femmea quelquechosede particulier, quelquechose qui lui estpropre,à accomplirdansla société: faire(et élever- là se situedéjà un premier Et du mêmecoup,on glissement sociologique)les enfants. en faitl'essencede sa définition : une femme,c'est quelqu'unqui aura,qui a, ou qui a eu des enfants. La vulgarisation actuelle(«jusqu'à deux ans au moins médico-pédagogique un enfanta absolument besoinde la présencede sa mère»),qui faitdes ravagesau moins dans les classesmoyennes,ignoretranquillement et hardiment non seulementl'ethnologie, mais aussi l'histoire,son propreconditionnement sociologique et ses proprescontradictions. L'ethnologie: parce que les sociétésoccidentales sontpratiquement les seulesà laisserl'entièrechargedesjeunesenfants à uneseule personne,leurmère.L'histoire: parceque cettesituationest en faitrécentedans nos sociétés; mone sans remonter à l'AncienRégime13,il suffîtde penserà la classe ouvrièreau XIXe siècle et au débutdu XXe où il ne pouvaitêtrequestion : les enfantsétaientrapidement qu'aucunepersonnevalidepuissene pas travailler donnésen nourrice(et contrairement à ce qu'on pense souvent,les «nourrices» n'allaitaient souventplusieurs, et de pas toujoursles enfants- ellesen recevaient elles étaient mais le rôle des crèches plus généralement âgées-, remplissaient plutôt actuelles).Le conditionnement sociologique: parceque cettevulgarisation psycholes femmes, matelas pédagogiquesert- dansune sociétéà chômage- à empêcher de main-d'œuvre, «d'encombrer» un peu plusle marchédu travail(ce qui rendpessimistesurla réalisation des promesses électoralesquantaux crèches).Les contraenfin: parceque d'uneparton mesuremieuxl'influence, dictionsde la psychologie et les parfoisnéfaste,que peut avoirsurle toutjeune enfantle comportement fantasmesdu parentqui s'en occupe14(c'est-à-dire la mère),mais généralement qu'en mêmetempselle continueà direque le petitenfanta besoinen prioritéde sa mère. en tantque Or, cettefemme,la sociétéen faitun êtredépendant,dévalorisé divisé... et de On facilement de femme, plus épuisé. parle aujourd'hui «la double de de travail la femme». Mais d'hommes journée peu peuventse rendrecomptede ce que représente une femme soit «au pour (qu'elle foyer»ou salariée,et qu'elle soit avec ou sanshomme)le poids desjeunesenfants: supporter lescris(car la vulaussi de ordonne laisser les enfants garisation pédagogique «s'exprimer»); traîner les gossesavec soi quand on crouledéjà sousle poidsdescourses,ou essayerdésespérémentde les «caser» chez une voisineou chez sa mère,le tempsd'allerà la 13. Il faut toutefoislire à ce sujet Philippe Ariès,L'enfant et la vie familialesous l'Ancien Régime, Paris,Pion, 1960, et son article«Le rôle nouveau de la mèreet de l'enfantdans la famillemoderne»,Les Carnetsde Venfance¡AssignmentChildren,n° 10, juin 1969 (UNICEF). 14. Voir par exemple Maud Mannoni,L enfantarriéréet sa mere, Paris,Seuil, 1964 ; et Bruno Bettelheim,La forteressevide. L'autisme infantileet la naissancedu Soi, Paris,Gallimard,1969 (1ère éd. américaine1967).

61 à la crècheou chez la nourricepour mairie,à la sécuritésociale...Se précipiter et préparerle aussivitepourles reprendre arriverà l'heureau travail,en ressortir dîner; chercher une autrefanniequandla crècheles refuseparcequ'ilsontun peu de fièvre; les laver,les relaver,les nourrir,les re-nourrir, nettoyerles dégâts, Cette écouter... contrainte sans fin,de jour et de nuit, soigner,porter,consoler, de soi, auxquellesaucunedifficulté n'estcompacettedépossession professionnelle ls . Ils ne sont à les les hommes décidés rable, partager l'ignorent. pas La sociétéabandonnedoncles enfantsaux femmes et attacheles femmesaux En de quoi,elleédicté: il et les les à leur vertu mari. enfants, par enfants, épouses de les vertueuses et a deux sortes femmes, y épouses-et-mèresles putains.Les pune sont les mais aussilesjeunes fillesqui vouce seulement tains, pas prostituées, obtenirle droità la viesexuellequ'on reconnaîtà leurs draientparlescontraceptifs Il y a donc plusieurs les divorcées, les célibataires... les mèresqui avortent, frères, sortesde «féminités»entrelesquelles«la femme»doit choisir...Mais de toute de faire),ça ne serajafaçon,quelque choix qu'elle fasse(qu'elle ait l'impression maissi bienque d'êtreun homme... 16. Toute femme Il se pose en faitaux femmesun graveproblèmed'identité està la fois: dansl'imageet Io) obligée,en tantque femmebiologique,de se reconnaître la la réalitésocialesde la féminité, lui comme dérivéede son puisqu'on présente vraide la masculinité sexebiologique(ceci estégalement pourl'homme); en tantqu'êtrehumain,de refuser mais 2°) obligéeégalement, cetteimage et dont la fondamentale est désintégrée destructrice signification que «c'est moins bien d'êtreune femmeque d'êtreun homme»(en revanchele modèlede la maset valorisé). culinitéestà la foisintégré Il est tellement honteuxd'êtreune femmedansnotresociétéqu'on ne doit car que l'on soit pas s'étonnerde ce que les femmessont si souventmisogynes, hommeou femme,êtremisogyne ou non : «De celles-là, c'est dire,consciemment de «ça», je n'en suispas.» Une femmemisogyneest quelqu'unqui dit : non,je ne suis pas une «chose mauvaise»,je suis une personne,alors: non-femme, horsde sexuée.Elle pratiqueindividuellement toute spécification (mais pour des raisons sociologiquesqu'elle ignore)cette séparationdu «mauvais»qu'est son sexe,pour ne plustourner sesregards le détenteur du pouvoirqui, que versla granderéférence, l'humanité,à laquelle elle aspire.Ce n'estpas de lui, a la chancede représenter qu'on lui présentecommeincarnéedans la pénisqu'elle a enviemaisd'humanité, Commentrésoudrecettecassure,ce morcèlement, masculinité. commentresceller ce miroir briséd'elle-même, commentvivreà la foisen tantque «femme»et en tant que Soi ? A cela, deuxsolutions.La première estde se fermer les yeuxet se boucherles oreilles,et ne penserqu'à faireson travail,son ménage,sa lessive,sa cuisine,dans 15. Même dans les sociétés socialistes,où l'égalitédes sexes faitthéoriquementpartiedes normes officielles(et où il est indéniable que des réalisationsont été faites en ce sens), le partagedes tâches domestiqueset éducativesdemeurele grandpoint d'achoppement,comme le montreAndrée Michel dans «Relations prémaritaleset conjugales dans la familleurbaine en Pologne, Russie et Biélorussie», Les Temps Modernes, août-septembre1974, nos 337-338. 16. Et qu on ne compte pas surles manuelsde psychologiepour éclairerla question : les chapitres«identité» sont muets surl'incidencedu sexe socialementimposé. De même la grande majoritédes manuelsde psychologiesociale parus ces dernièresannées.

62 nécessairepourvivre.Surtout,utiliserau moraleabsolument une auto-justification maximumce que la sociétévous présentecommeétantà la fois biologiquement propreaux «femmes»et socialement(enfin!) valorisé: l'enfant.Jouerle jeu de et féminité, mais en mêmetemps,et dans l'oppositionsociale entremasculinité une consciencediffuseque «quelque chose ne va pas», élaborerune sous-culture entrefemmes, occulte(la culturede nos mères,qui se transmet généralement igno- tousles à l'hommel'imageatrocede la féminité rée deshommes)où - renvoyant maux de l'humanité, tous les défautssont attribuésaux «hommes»en tantque tels : «les hommessont douillets,geignards, ils ne puérils; ils sont dégoûtants, pensentqu'à ça...» L'autresolutionest - que l'on soit hommeou femme- de prendreconset la féminité cienceque la masculinité tellesque nous les vivonsaujourd'huine sont pas des catégorieséternelles,car elles ne sontpas biologiques,mais historiques.Les uns,biensur,peuventpréférer que les chosesne changent pas (maisles si bien que cela ?). Mais les autrespeuventenvisager chosesvont-elles qu'unjour ne seraientplus,paradoxalement, que de peut-êtrela masculinitéet la féminité sur il ne besoin serait d'élaborernulfatras. simplescatégoriesbiologiques lesquelles tous Simplescatégories biologiques: c'est-à-dire que l'hommeet la femmeservent de l'espèce,et que la grandeur deux la reproduction de la société«humaine»serait justementde n'en pas faireporterle poids à un seul des sexes. Une sociétéoù du travail, du loisir... chacunauraitunepartégaleà cellede l'autre,de l'instruction, et des enfants.Utopie ? L'utopie faitpartiede la réalité- à preuveles utopies surles notionssocialesde «masculinité/féminité»... biologisantes

Ce textea été écritfin74, surcommanded'unhebdomadaire médicalà large diffusion. (On verra,d'aprèsla lettreci-dessous, qu'un accordne pouvaitse faire pour sa publication...).C'était à mon sens l'occasionde «fairepasser»auprèsdu corps médical(dont on sait l'influencequ'il exerce)et de résumerpour d'éventuelleslectricesun certainnombrede faitssociologiquesde base (d'analysesqui, à pour certainesfemmes,sont déjà des acquis),mais ausside voiesde recherche du «sexe». Et ce, en partantde faitsquoticoncernantla définition poursuivre diens,du vécu de tout un(e) chacun(e) ; car c'est bien de notrepratiquela plus nos «théories». quotidienne que s'élaborent Il est intéressant une foisencoreque - beaucoupplusque des de constater énoncés abstraitsqui pourtantparlentde la mêmechose - c'est souventl'évoet de la violencesubies cationsans fard,dans sa banalitémême,de la grossièreté par les femmesqui «choque» le plus, et entraînela dénégation.Car rienn'est plus«délicat»que lespouvoirsétablis...

63 «ChèreMademoiselle, Votre article : Masculinité/ féminité « Jepensequ'il a toutà faitsa place dans notrenuméro,maisje dois vous faire part d'un certainnombrede de notreComitéde lecture: remarques Io La longueur.Vouscomprendrez aisément que dans les conditions actuellesoù travaillent les journaux, en relationavec la gravecrisede l'imprimerie [...]