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Principaux apports de la loi n° 19-20 modifiant la loi n° 17-95 sur la société anonyme et la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation La loi n° 19-20 modifiant la loi n° 17-95 sur la société anonyme et la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation a été publiée au BORM n° 7006 du 22 juillet 2021. La loi n° 19-20 introduit deux modifications majeures : la recherche d’un équilibre entre les deux sexes dans le cadre des organes de contrôle et de gestion de la société anonyme faisant appel public à l’épargne d’une part, et l’introduction d’une nouvelle forme de société, à savoir la société par actions simplifié (SAS), d’autre part. 1. Recherche d’un équilibre entre les deux sexes dans le cadre des organes de contrôle et de gestion (conseil d’administration et de surveillance et comités techniques) de la société anonyme faisant appel public à l’épargne Concernant l’équilibre entre les deux sexes dans les organes de direction et de contrôle de la société anonyme faisant appel public à l’épargne, le texte prévoit en substance les éléments suivants :
toutes les sociétés anonymes doivent, à travers leurs statuts, rechercher un équilibre entre hommes et femmes dans la composition du conseil d’administration et du conseil de surveillance (Loi n° 19-20, art. 1, modifiant les articles 39 et 83 de la loi n° 1795) ; le conseil d’administration, comme le conseil de surveillance des sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne, doit comporter au moins 40 % de membres (administrateurs ou surveillants) de chaque sexe (Loi n° 17-95, art. 105-1, al. 1, introduit par l’article 4 de la loi n° 19-20) ;
Remarque : L’avant-projet de loi prévoyait un seuil de 30 % dans toutes les sociétés anonymes et de 40 % dans les sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne.
lorsque le conseil d’administration ou de surveillance comporte plus de huit membres, la différence entre les membres de chaque sexe ne doit pas dépasser deux administrateurs ou surveillants (Loi n° 17-95, art. 105-1, al. 2, introduit par l’article 4 de la loi n° 19-20) ;
la loi n° 19-20 (Loi n° 17-95, art. 105-4, introduit par l’article 4 de la loi n° 1920) prévoit, par ailleurs, que, dans la société faisant appel public à l’épargne, il est obligatoire de désigner un représentant au moins de chaque sexe dans les comités techniques prévus par l’article 51 de la loi n° 17-95.
Il est à noter que toutes les sociétés anonymes faisant public à l’épargne, mêmes celles déjà constituées, sont, selon la loi (art. 7), tenues de se conformer aux prescriptions relatives à l’équilibre entre hommes et femmes dans les organes de direction et de contrôle et doivent le faire dans un délai précis :
elles doivent désigner 30 % de membres de chaque sexe dans le conseil d’administration et de surveillance et un membre de chaque sexe dans les comités techniques, au plus tard le 1er janvier de la troisième année qui suit l’année de publication de la présente loi, soit avant le 1er janvier 2024 ; le nombre ci-dessus doit atteindre 40 % au plus tard le 1er janvier de la sixième année qui suit l’année de publication de la loi, soit avant le 1er janvier 2027.
2. Introduction d’une nouvelle forme de société : la société par actions simplifiée (SAS) L’un des apports majeurs de la loi n° 19-20 reste incontestablement la consécration en droit marocain d’une nouvelle forme de société, à savoir la société par actions simplifiée, société connue en droit comparé, notamment français. Il est, à cet égard, intéressant de relever tout d’abord que, si l’avant-projet de loi prévoyait la réforme de la société anonyme simplifiée régie par la loi n° 17-95, en y introduisant les règles de la société par actions simplifiée, le texte définitif a opté pour la consécration d’une société indépendante dans le cadre de la loi n° 5-96. Dans ce cadre, la loi n° 19-20 (art. 5) modifie l’intitulé même de la loi n° 5-96, celui-ci comprenant désormais, outre les sociétés classiques, la société par actions simplifiée : « Loi n° 5-96 relative à la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société par actions simplifiée, la société à responsabilité limitée et la société en participation ». En parallèle, la nouvelle loi (art. 6) introduit dans la loi n° 5-96 un titre spécial réservé à la société par actions simplifiée, à savoir le Titre III bis (art. 43-1 à 43-14). Globalement, la loi, à travers le régime de la société par actions simplifiée, consacre une souplesse et une flexibilité inégalables que l’on ne trouve dans aucune des autres formes de sociétés, pas même dans la SARL dont la souplesse explique son succès jusqu’à présent, ce qui augure a priori d’un bel avenir pour cette nouvelle forme de société. Comme éléments révélateurs de cette souplesse/ flexibilité, l’on peut citer notamment les aspects suivants :
la SAS peut être constituée par une personne seule (caractéristique commune avec la SARL), auquel cas elle est dite société par actions simplifiée à associé unique (SASU, art. 43-1) ; si la société ne peut pas faire appel public à l’épargne (art. 43-3), son capital est, contrairement aux autres sociétés par actions (SA notamment), librement fixé par les
statuts (art. 43-5, al. 1), le quart devant être libéré immédiatement, le reliquat devant l’être dans les trois années qui suivent la date d’immatriculation (art. 43-5, al. 5 et 6) ; comme dans les sociétés par actions, le capital est réparti en actions négociables représentant des apports en numéraire ou en nature (art. 43-5, al. 2) ; la société peut toutefois émettre des actions non négociables représentant des apports en industrie (art. 43-5, al. 3) (ce qui n’est possible que dans la SNC) ; les statuts peuvent prévoir la non-négociabilité des actions pour une période de dix ans (directive discutable dans toutes les formes de sociétés par actions) (art. 43-6, al. 1), comme ils peuvent (chose possible uniquement dans la SA) conditionner la cession des actions à l’agrément des associés (art. 43-6, al. 2) ; exclusivité de la SAS : le mode d’organisation et de direction est librement fixé par les statuts (art. 43-1) ; la société est dirigée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales (alors que dans les autres formes de sociétés le chef d’entreprise, gérant ou PDG, doit être une personne physique obligatoirement) (art. 43-6, al. 1) ; la société est représentée vis-à-vis des tiers par un président (et non un gérant comme dans les sociétés de personnes) désigné selon les stipulations statutaires (souplesse exclusive), doté (comme dans la SA) des pouvoirs étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, même en dehors de l’objet, sauf l’hypothèse du tiers de mauvaise foi (art. 43-8, al. 1 à 4) ; autre caractère exclusif, les relations des dirigeants à l’égard des associés sont régies par les dispositions statutaires (art. 43-8, al. 5) ; la société peut, par la décision de ses membres, désigner un commissaire aux comptes (art. 43-11, al. 1) et, contrairement à la SA, n’est tenue d’en désigner un que lorsque (comme c’est le cas pour les sociétés autres que la SA) son chiffre d’affaire dépasse un seuil fixé par voie réglementaire (art. 43-11, al. 2) ; toute société peut (art. 43-1), par la décision unanime de ses membres, se transformer en société par actions simplifiée (disposition particulière, la transformation en une autre forme étant, dans les autres formes de sociétés, parfois interdite).
Larbi ABBAS Enseignant-chercheur, Université Mundiapolis, Casablanca …………………
Apports de la nouvelle loi n° 21-19 modifiant et complétant les dispositions légales relatives aux SARL 14 Octobre 2019 La loi n° 21-19 modifiant et complétant la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation est entrée en vigueur le 29 avril 2019 date de sa publication au Bulletin Officiel n° 6773[1]. Son champ d’application ne concerne que les SARL.
Si les modifications relatives aux modalités de paiement des dividendes nous apparaissent minimes (2), celles relatives aux associés minoritaires sont à l’inverse significatives dans la mesure où elles renforcent incontestablement leurs droits (1). 1. Renforcement des droits des associés minoritaires Le législateur a abaissé la fraction de droits sociaux que les associés minoritaires doivent détenir pour avoir le droit de demander au gérant la convocation de l’assemblée générale (a) et leur a conféré le droit de faire inscrire des projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale (b). Par ailleurs, la loi n° 5-96 donne désormais le pouvoir à l’assemblée générale d’autoriser toute cession de 50 % au moins des actifs de la société (c). a. Droit de demander la convocation de l’assemblée générale (art. 71 al. 4 de la loi n°5-96) Auparavant, la réunion de l’assemblée générale pouvait être demandée par les associés détenant la moitié des parts sociales ou détenant le quart des parts sociales s’ils représentaient au moins le quart des associés. La loi n° 21-16 abaisse le seuil de détention au dixième des parts sociales sous réserve que les associés représentent au moins le dixième des parts sociales. b. Droit de demander l’inscription de projets de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée Le législateur ouvre la possibilité à un ou plusieurs associés représentant au moins 5 % du capital social, de demander au gérant l’inscription d’un ou plusieurs projets de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée générale[2]. – Conclusion. En fonction de la fraction de capital social qu’il détient, l’associé minoritaire se voit doté de nouveaux moyens d’actions pour protéger ses intérêts qu’il estimerait menacés[3], étant précisé que toutes clauses contraires aux dispositions des alinéas 4 et 5 de l’article 71 sont réputées non écrites. c. Autorisation de l’assemblée générale préalablement à la cession de plus de 50 % des actifs de la société Les statuts des SARL ne limitent pas toujours les pouvoirs des gérants. Dans ces conditions, un gérant peut librement céder des actifs de la société. Malheureusement de telles décisions ne sont pas toujours prises dans l’intérêt de la société. Aussi afin d’éviter de telles situations, le législateur a complété l’article 75 de la loi n° 596[4] afin de soumettre à l’autorisation de l’assemblée générale la cession de plus de 50 % des actifs de la société intervenant pendant une période de 12 mois. Ce processus soulève différentes interrogations. Ainsi le législateur n’a pas défini à quoi correspond la période de 12 mois. On peut cependant légitimement considérer qu’il s’agit de toute cession intervenant au cours de l’exercice social.
Par ailleurs, il est précisé que le seuil de 50 % est calculé sur la base du dernier bilan de la société, ce qui pose la question de la détermination de la valeur des actifs concernés inscrite au bilan. Sur ce point, il est mentionné que lorsqu’un actif a fait l’objet d’une évaluation faisant ressortir une valeur supérieure à sa valeur nette comptable, ce sont les valeurs d’évaluation qui sont prises en compte pour le calcul du seuil précité. Faut-il comprendre qu’à défaut d’évaluation, il faille retenir la seule valeur comptable ? Une telle interprétation viderait le texte de toute sa portée notamment parce que le bilan reflète la valeur des actifs à la date à laquelle il a été établi. Afin de donner toute sa portée à ce nouveau dispositif, la valeur de l’actif à prendre en compte est, à notre avis, celle retenue dans l’acte de cession. En outre, par cession d’actifs, est visé, à notre avis, la vente ou toutes autres modalités de transfert à l’exception toutefois d’un transfert intervenant à l’occasion d’une fusion ou d’une scission, ces opérations étant soumises à des dispositions particulières. Dès lors que les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif sont remplies le gérant doit convoquer l’assemblée générale extraordinaire afin qu’elle autorise ou non la cession[5]. Afin que les associés puissent se prononcer en connaissance de cause, le vote de l’assemblée intervient sur la base d’un rapport établi par le gérant précisant la nature des actifs à céder, les motifs et les modalités de la cession, son impact sur l’activité de la société et les méthodes de fixation du prix, leur valeur comptable et leur poids dans l’actif de la société. Lorsqu’il s’agit d’actifs immobiliers, le rapport doit inclure une évaluation desdits biens, réalisée par un tiers indépendant et qualifié. On se demandera pourquoi une telle évaluation n’est pas requise pour la cession d’un fonds de commerce ou de droits de propriété industrielle par exemple. Le gérant pourra procéder à la cession des actifs concernés selon les conditions mentionnées dans le rapport du gérant après l’autorisation de l’assemblée générale. 2. Modalités de mise en paiement des dividendes La loi n° 21-19 a introduit un nouvel article 83 bis qui définit les modalités de paiement des dividendes. A l’instar de ce qui est prévu pour les sociétés anonymes, il appartient à l’assemblée générale qui a approuvé les comptes et constater l’existence d’un bénéfice distribuable ou, à défaut, au gérant, de fixer les modalités de la mise en paiement des dividendes votés. La distribution des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximum de 9 mois après la clôture de l’exercice, sauf prorogation de ce délai par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé, à la demande du gérant.
[1] La loi a été publiée dans la version française du Bulletin Officiel numéro 6784 du 6 juin 2019. [2] Art. 71, nouvel al. 5, loi n° 5-96. [3] Tout associé non gérant peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (art.81, loi n°5-
96) ; un ou plusieurs associés représentant au moins le quart du capital social peuvent, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion (art.82, loi n°5-96) . [4] Nouveaux alinéas 4, 5 et 6 de l’art. 75. [5] Elle statue à la majorité des trois-quarts du capital social. …………………
Sociétés anonymes: nouvelle réforme, le Maroc vise le top 50 du classement Doing business Un avant-projet de loi, modifiant la loi 17-95 sur les sociétés anonymes, a été déposé au Secrétariat général du gouvernement. Le texte prévoit plusieurs nouveautés juridiques, dont la consécration de la parité hommes-femmes au sein des organes de gouvernance.
Après une première réforme en avril 2019, la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes (S.A) fera l’objet d’un nouveau relifting. En effet, le ministère de l’Industrie et du commerce vient de déposer au Secrétariat général du gouvernement (SGG), pour consultation, un avant-projet de loi modifiant et complétant la loi susmentionnée. Avec cet avant-projet de loi, le département que dirige Moulay Hafid Elalamy vise à poursuivre la progression du Maroc dans le classement annuel de la Banque mondiale relatif au climat des affaires (Doing business). L’objectif est d’entrer, dès cette année, dans le top 50 de ce classement, dont le Maroc occupe actuellement le 53e rang, conformément à l’objectif fixé dans le programme gouvernemental. Au Maroc, les femmes sont largement sous-représentées dans les organes de gouvernance des entreprises. Selon le Club des femmes administrateurs, une association qui milite pour une présence accrue des femmes au sein des conseils d’administration, sur les 602 administrateurs au sein des 73 sociétés cotées que compte la Bourse de Casablanca, 89 sont des femmes, ce qui représente un taux de 15 % seulement. Concrètement, cet avant-projet de loi propose de simplifier le cadre juridique régissant les S.A pour encourager les initiatives entrepreneuriales. Il s’agit notamment de revoir le système lié à
la création des Sociétés par actions simplifiées (SAS) dans le but de permettre aux personnes physiques de créer une SAS et de fusionner avec elle en tant qu'associés. Il s’agit aussi de renforcer la transparence des S.A, faciliter l’accès à l’information et soumettre les acteurs intervenant dans le domaine de la gouvernance à la responsabilité. L’autre nouveauté majeure consiste à établir la parité entre hommes et femmes au sein des organes de gouvernance des sociétés anonymes, notamment celles faisant appel public à l’épargne, et ce, conformément aux dispositions de l’article 19 de la Constitution de 2011, qui stipule que «l’Etat œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes». A cet égard, les statuts de la S.A doivent prévoir la réalisation d'une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans la composition du Conseil d'administration et du Conseil de surveillance. Le texte de cet avant-projet de loi est ouvert à la consultation sur le site du SGG pour une période de 29 jours. Par Amine Kadiri ………………………………………….
es au maximum. De ce fait, leurs missions expirent après la réunion de l’assemblée générale ordinaire qui statue sur les comptes du troisième ou du sixième exercice, selon les cas. Egalité des genres: une obligation pour les entreprises Autre grand changement à opérer, à travers le projet de loi 19.20: l’égalité des genres. Le texte met l’accent sur le nécessaire équilibre au niveau de la représentation des femmes et des hommes au sein des organes
de gouvernance, puisqu’il s’agit d’un élément que l’on retrouve dans plusieurs articles modifiés par ce projet de loi. En effet, le texte prévoit que les statuts de l’entreprise devront stipuler l’obligation de réaliser un équilibre entre les sexes dans la composition du conseil d’administration (article 39) et du conseil de surveillance (article 83). De plus, les articles 76 et 106 bis disposent que les sociétés faisant appel public à l’épargne devront veiller à ce que les comités techniques chargés d’étudier les questions soumises par le conseil d’administration, soient composés d’au moins un représentant de chaque genre. Il est même prévu, à travers l’article 83 bis qu’à partir du 1er janvier de la troisième année suivant la publication de ce texte au bulletin officiel, « la représentation de chaque genre, au sein du conseil de surveillance, ne peut être inférieure à 30%, dans les sociétés faisant appel public à l’épargne ». A partir du 1er janvier de la sixième année suivant l’entrée en vigueur dudit texte, la représentation de chaque genre ne peut être inférieure à 40%. La même chose est prévue par l’article 40 bis pour mettre en place une représentation équilibrée des genres pour les administrateurs, dans les sociétés faisant appel public à l’épargne.
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Les apports et enjeux de la réforme de la Société Anonyme : loi 19-20 Date de publication : 17 novembre 2021 Rubrique : Regards d'experts
Nawal Ghaouti, Avocat près la Cour de Cassation La Société Anonyme demeure une forme sociale adoptée par une part minime des opérateurs économiques marocains en raison de ses nombreuses règles impératives qui sont jugées trop contraignantes et inadaptées aux attentes de nos structures, essentiellement petites et moyennes et à caractère familial. La SA reste néanmoins un véhicule incontournable pour les grandes entreprises dont les besoins en capitaux sont importants, car elle donne des gages particulièrement solides de sécurité et de crédibilité aux yeux des investisseurs et des partenaires, notamment étrangers. Soucieux de maintenir un cadre juridique conforme aux standards internationaux et veillant à accroitre l’attractivité économique du Maroc, le Législateur marocain s’attache à harmoniser par différentes touches successives le cadre juridique de cette société. La loi 19-20 du 14 juillet 2021 constitue à cet égard une réforme profonde et ambitieuse de nombreuses dispositions de la loi 17-95 avec de nouveaux apports majeurs dont nous présentons succinctement les principales mesures ci-après : 1 – La représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils des sociétés faisant appel public à l’épargne La proportion des membres du Conseil d’Administration ou de surveillance de chaque sexe ne pourra être inférieure à 40 %. De plus, un représentant au moins de chaque sexe devra siéger dans les comités techniques : comités des investissements, des traitements et rémunérations et d’audit. Les échéances :
Au 1er janvier 2024 pour atteindre une proportion de 30 % et la présence d’au moins un représentant dans les comités. Au 1er janvier 2027 pour atteindre la proportion de 40 %.
Les sanctions :
La nullité de la nomination de l’administrateur intervenue en violation du texte tout en préservant néanmoins la validité des délibérations des conseils auxquels il a participé Aucune rémunération à titre de jetons de présence ne peut être versée aux membres des conseils qui ne sont pas composés selon ces règles
Nous observons qu’aucune sanction ne concerne les comités d’audit. Nous devons saluer l’audace du Législateur marocain qui a opté pour un dispositif de quota ayant fait ses preuves dans d’autres pays et notamment en France où la loi dite Copé Zimmerman a propulsé l’Hexagone en tête des nations européennes en termes de représentation féminine dans les Conseils. Une telle avancée présage un mouvement de mesures concrètes d’accompagnement visant à réaliser une égalité économique et professionnelle réelle entre les hommes et les femmes. 2- La généralisation de la tenue des réunions du Conseil d’Administration et des Assemblées Générales par visioconférence Sous l’impulsion de la crise du Covid-19 et au regard des conséquences liées aux restrictions sanitaires qui ont paralysé le bon déroulement de la réunion des organes des entreprises, la loi 19-20 a généralisé à l’ensemble des Sociétés Anonymes le dispositif introduit par la loi 2005 du 23 mai 2008 permettant, pour le calcul des quorums et de la majorité, que certains administrateurs assistent aux réunions du conseil par visioconférence ou moyens équivalents permettant leur identification. À charge pour les sociétés réfractaires à ce dispositif de modifier leurs statuts afin de l’exclure. La même option est prévue pour les actionnaires siégeant au sein des Assemblées Générales Ordinaires et Extraordinaires. Ce procédé vise à conforter la place du Maroc comme hub financier et à renforcer l’attractivité du pays pour les investisseurs étrangers en facilitant leur participation à la vie sociale de l’entreprise sans avoir à se déplacer physiquement. 3 – La généralisation du vote par correspondance dans les Assemblées Générales Le corollaire de la participation des actionnaires par mode de visioconférence est la généralisation du vote par correspondance au moyen d’un formulaire nonobstant toute clause contraire des statuts. Si ce moyen ne suffit pas à résoudre la problématique de l’abstention des actionnaires, le vote électronique devra être envisagé comme une solution complémentaire utile afin de préserver les équilibres démocratiques nécessaires à la bonne gouvernance des SA. 4 – Le principe de rotation des Commissaires aux Comptes au sein des sociétés faisant appel public à l’épargne
La réforme limite à 12 années la période de certification par le même Commissaire aux Comptes (CAC). Une période de « viduité » de quatre ans lui interdit par ailleurs de certifier les comptes de la même société après la fin de ce mandat. La question de la rotation des CAC est posée avec acuité dans différents pays depuis la crise financière de 2008 et vient répondre à des préoccupations liées à une plus grande indépendance de ces tiers de confiance, mais aussi à la nécessité de permettre à des méthodes de contrôle diverses de s’appliquer à la même entreprise. 5 – L’instauration d’une fréquence obligatoire des réunions du Conseil d’Administration et de Surveillance. La loi 19-20 impose désormais au Conseil d’Administration comme au Conseil de Surveillance de se réunir au moins deux fois par an et aussi souvent que la bonne marche des affaires le nécessite. De nombreuses études et analyses ont en effet établi un lien direct entre la performance économique de l’entreprise et le mode de fonctionnement de ses Conseils dont le nombre de réunions constitue l’un des critères objectifs de bonne gouvernance. Le Conseil d’Administration, dans la conception nouvelle de la SA, est appelé en effet à revêtir, au-delà de son rôle traditionnel disciplinaire de contrôle et de sanction des dirigeants, une fonction dite « cognitive » de production d’idées nouvelles et d’innovations visant à collaborer activement à la mise en place de la vision stratégique de la société. La nécessaire limitation du cumul des mandats d’administration n’a pas été abordée, pour l’heure, par la réforme. 6 – La refonte et mise à jour du régime des obligations Le régime des émissions obligataires a été réformé en profondeur par la nouvelle loi pour répondre à deux impératifs :
permettre aux sociétés en période de sortie de crise sanitaire et de forte contraction des crédits bancaires de trouver une alternative salutaire de financement par le recours à l’emprunt obligataire ;
rassurer les créanciers obligataires par une mise à jour de nos dispositions devenues désuètes et insuffisantes pour encadrer les opérations financières de plus en plus sophistiquées induites par l’internationalisation de la structure du capital de nos sociétés.
Les modifications :
Il est désormais permis à une société qui ne justifie pas de deux années d’existence d’émettre des obligations à une triple condition : (1) que le capital social soit entièrement libéré ; (2) que l’émission soit précédée d’une vérification de l’actif et du passif par un CAC ; (3) que le placement de l’émission soit réalisé exclusivement auprès des investisseurs qualifiés tels qu’ils sont définis dans la législation et la règlementation en vigueur.
Cette disposition vient mettre en cohérence le cadre légal avec les opérations courantes en matière de financement de projet et permettra de soutenir les jeunes entreprises à forte croissance rapide.
Le spectre des garanties est élargi pour permettre aux maisons mères de garantir leurs filiales le cas échéant, ce qui représente une alternative heureuse pour les sociétés fortement endettées ayant déjà engagé leur panier de sûretés auprès de leurs banques.
Les emprunts obligataires peuvent être libérés par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société, à condition que le Commissaire aux Comptes certifie l’arrêté de compte établi par le Conseil d’Administration ou par le Directoire.
Lorsque la trésorerie d’une société est affaiblie notamment par les effets de la pandémie et ne permet pas d’honorer ses dettes, mais que l’activité de ladite société est encore solide, celle-ci peut valablement procéder à leur remboursement en proposant à son créancier des obligations en lieu et place des moyens de paiement ou des titres exécutoires qu’il détient.
Le cadre juridique du représentant de la masse des obligataires est considérablement revisité par de nouvelles dispositions qui renforcent la protection des droits des créanciers obligataires. Les incompatibilités sont élargies et précisées : il ne peut être désigné notamment parmi les Commissaires aux Comptes, les administrateurs, les membres du conseil de surveillance ou du directoire, les salariés de la société débitrice, des sociétés garantes de l’emprunt, de la société mère ou l’une de ses filiales…
Le texte impose par ailleurs que le représentant de la masse justifie d’une expérience suffisante en matière financière et juridique. Les conditions de sa rémunération sont précisées. Il peut désormais, s’il l’estime nécessaire, consigner dans un rapport de gestion établi annuellement les actions et diligences qu’il a réalisées, outre les faits significatifs intervenus dans la situation financière de l’émettrice. 7- La Société par Actions Simplifiée La loi 19-20 abroge les anciennes dispositions de la Société Anonyme Simplifiée (articles 425 et suivants de la loi 17-95) et adopte un texte qui définit le nouveau cadre de la SAS, désormais renommée Société par Actions Simplifiée en l’intégrant au corpus de la loi 5-96 tout en conservant sa soumission à de nombreuses dispositions de la Société Anonyme. Conçue à l’origine comme un outil de coopération et de gestion des groupes réservé aux personnes morales, grandes sociétés, la SAS marocaine est demeurée une forme sociale confidentielle adoptée essentiellement par des entreprises étrangères familières de ce statut. Inspirée par le succès considérable de la SAS française post-réforme de 1999, la nouvelle loi adopte cette seconde version hexagonale dans la continuité de la première formule et assouplit le cadre juridique initial pour autoriser désormais la création d’une Société par Actions Simplifiée entre personnes physiques également ou par un actionnaire unique (SASU).
Son esprit et ses fondements originels ne changent cependant pas. Nous en rappelons les principes généraux :
Elle demeure largement soumise à la libre volonté de ses associés : « l’organisation et le fonctionnement de la SAS sont librement fixés par les Statuts de la société, sous réserve de quelques règles impératives ». Il lui est toujours interdit de faire appel public à l’épargne. Sa gouvernance reste centrée sur la personne du Président, seul organe obligatoire de cette société, et représentant légal unique. Le Président peut être une personne physique ou morale, ce qui facilite dans ce dernier cas la gestion des filiales contrôlées à 100 % par de grands groupes. Les associés sont toujours libres de prévoir des directeurs, des administrateurs, des organes de contrôle ou de surveillance et toute autre forme d’administration idoine à leur projet et à la configuration du partage du pouvoir décidé entre capital et management. Les statuts constituent encore le lieu de consignation des relations entre associés, des droits de vote assignés, du mode de partage des dividendes comme celui des modalités de prise des décisions en l’absence d’Assemblée Générale. Ce qui nécessite une rédaction rigoureuse, ajustée et complète de leurs dispositions.
L’avenir nous dira si la SAS saura concurrencer ou supplanter l’attachement traditionnel de nos TPME à la SARL. Conclusion La Société Anonyme marocaine est appelée à évoluer lors de prochaines réformes au diapason de l’uniformisation du droit des sociétés à l’échelle mondiale, pour intégrer les exigences toujours plus importantes des investisseurs institutionnels et étrangers en termes de règles dites de bonne gouvernance. Des mesures liées aux impératifs RSE, au statut de société à mission, aux règles de « say on pay » et à l’engagement des actionnaires sur le long terme ne manqueront pas d’être transposées dans les prochaines années et accentueront sans nul doute la désaffection des opérateurs économiques ne faisant pas appel public à l’épargne pour cette forme sociale. …………………