37 0 646KB
Université Hassan II de Casablanca, Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Mohammedia
Licence en droit privé
La responsabilité pénale des dirigeants sociaux : La délégation de pouvoirs Projet de fin d’études
Réalisé par : Naiouf Amir Encadré par : Professeur Mouhib Milouda 1
Année universitaire : 2019 /2020
REMERCIEMENTS:
Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont prodigué conseils, critiques et encouragements pour l’élaboration du présent rapport dont la compétence et la gentillesse ont été exemplaires. Ma reconnaissance s’adresse envers mon encadrante professeur Mouhib Milouda, pour sa sympathie, son soutien moral et ses recommandations tant précieuses durant mon intervention. Mes remerciements sont également adressés au corps professoral de la FSJES de Mohammedia. Merci à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l’élaboration de ce modeste travail.
2
SOMMAIRE Introduction Partie 1 : L’étendue de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux Chapitre 1 : Les fondements et les caractéristiques du régime de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise Section 1 : La responsabilité au sens juridique et la spécificité de la responsabilité pénale I. II.
Une responsabilité de droit commun Les éléments constitutifs de l’infraction
Section 2- La notion de dirigeant pénalement responsable I. II.
Le dirigeant de droit Le dirigeant de fait
Chapitre 2 : infractions aux règles générales Section 1 : Infractions prévues par le code pénal I. II.
L’escroquerie L’abus de confiance et faux et usage de faux
Section 2 : les infractions prévues par le code commerce I. II.
Le délit de Banqueroute Les sanctions encourues en cas de délit de Banqueroute
3
Partie 2 : L’exonération de la responsabilité pénale des dirigeants Chapitre 1 : La délégation de pouvoirs comme un facteur d’exonération de la responsabilité pénale du chef d’entreprise Section 1 : L'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant social I. II.
Le contexte de l’exonération Les caractères spécifiques de la délégation de pouvoirs
Section 2 - les conditions de validité de la délégation de pouvoirs I. II.
Les conditions concernant le délégataire Conditions tenant à la personne du délégant et à la délégation elle-même
Chapitre 2 : Le transfert de la responsabilité pénale Section 1 : Le transfert de la responsabilité pénale au seul délégataire I. II.
Les moyens de transfert de la responsabilité pénale Le principe directeur du transfert de responsabilité
Section 2 : Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation » en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux au Maroc et en France I. II.
Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation » en matière de responsabilité pénale Le principe du droit comparé en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux au Maroc et en France
Conclusion
4
5
Introduction « Un dirigeant d’entreprise est une personne qui prend un peu plus que sa part du blâme et un peu moins que sa part d’honneur. » Cette citation montre qu’être un dirigeant d’une entreprise ne se limite pas à un titre, un prestige ou une autorité, c’est surtout une responsabilité. Le dirigeant occupe le rôle du pouvoir exécutif dans la société, et prend les décisions importantes au nom et pour le compte de celle-ci. C’est le représentant de la société ainsi que les associés. Ses décisions peuvent être déterminantes : en conduisant la société vers la prospérité ou au contraire vers une décadence. Ce poste peut engager aussi bien une responsabilité civile qu’une responsabilité pénale. Le dirigeant d’entreprise est responsable de ses actes personnels, mais il est également responsable des infractions effectuées dans son entreprise. Il appartient au dirigeant de s’assurer que la législation soit respectée au sein de sa société. Dans le cas contraire, il endosse toutes les responsabilités liées aux infractions commises dans l’entreprise, car « Ce ne sont pas les sociétés qui font des erreurs, ce sont les dirigeants » Le législateur avait investi le gérant de pouvoirs énormes en matière de gestion et direction de la société. Cependant ces pouvoirs exorbitants correspondent à des obligations pouvant mettre en cause la responsabilité du gérant tant au niveau civil que pénal. 6
En effet, le monde des affaires repose de plus en plus sur le principe de la bonne gouvernance, à tel point que le vocable « corporate governance » : gouvernance d’entreprise a émergé en tant que système de réglementation, de lois, d’institutions destinés à encadrer la manière dont l’entreprise est dirigée, administrée, contrôlée qui implique une responsabilisation de l’entreprise et de ses organes. Cette équation a une importance considérable dans le monde des affaires reposant sur l’activité des sociétés. En vue de ne pas compromettre le développement du tissu sociétaire, le législateur a mis sur pied des dispositions pénales, un arsenal répressif impressionnant : le droit pénal commun qui incrimine l’escroquerie, l’abus de confiance. Il est complété par un véritable arsenal d’infractions spéciales tel que l’abus des biens, du crédit, du pouvoir, des voix, la présentation ou la publication de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle. « La direction d’une société est rarement une sinécure. Un jour vient où l’orage se déclare et le dirigeant redescendu sur terre fait l’apprentissage de la responsabilité civile, pénale ou fiscale » Dans le paysage historique, c’est avec les mutations de la conjoncture économique en général et des sociétés en particulier qu’a émergé la volonté d’encadrer pénalement les organes de la société, cette notion de responsabilité pénale des dirigeants n’a pas toujours existé. Or, le droit pénal des sociétés et des entreprises en difficultés est un droit jeune. Au Maroc, des années 40 à 90, le droit des affaires et le droit des sociétés marocains étaient caractérisés par leur « sous pénalisation ». A partir des années 90, la modernisation du droit marocain des sociétés s’est inscrit dans un vaste mouvement de mise à niveau du droit marocain des affaires à travers sa pénalisation et notamment le régime de la responsabilité des dirigeants de l’entreprise. Au moment où le législateur marocain « mettait à niveau » le droit des sociétés par une transposition des mêmes infractions et sanctions de la loi française, une réflexion a été engagée vers le milieu des années 90 pour proposer une modernisation qui a pris la forme d’une dépénalisation d’une partie de cette loi. Au Maroc, à partir de 1995, dès la promulgation, le 30 Août 1996, de la loi sur les sociétés anonymes, des critiques se sont élevées pour souligner les limites d’une «modernisation » par le biais d’une transposition formelle du titre II de la loi française 66-537 du 24 juillet 1966 sans adaptation des infractions édictées par les lois françaises au milieu marocain en mettent l’accent précisément sur le fait qu’ au moment même où les lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la dépénalisation du droit des sociétés était très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi n’aient pas mis à profit ces réflexions lors de son élaboration. Les dirigeants sociaux exercent une fonction dangereuse, pour eux-mêmes, pour la société et envers les tiers. Ce danger se manifeste par la gravité de certaines fautes qu’ils peuvent
7
commettre .C’est ainsi que la responsabilité pénale des dirigeants sociaux est aux cœurs des débats entre partisans et détracteurs de la dépénalisation. Elle présente à la fois un intérêt théorique et un intérêt pratique. La responsabilité du chef de l’entreprise prend une importance particulière dans le contexte marocain caractérisé par la volonté des pouvoirs publics d’introduire une plus grande transparence, sauvegarder l’éthique dans les affaires et d’assainir le fonctionnement de l’économie afin d’améliorer l’attractivité des investissements, notamment étrangers, à la recherche d’un environnement juridique sain et d’une justice impartiale. D’un point de vue pratique, ce sujet a fait l’objet d’une jurisprudence abondante. Le fait de se baser sur les solutions dégagées notamment par la jurisprudence et la doctrine marocaine en la matière, paraît donc pertinent et pourrait permettre de préciser la portée du régime de la responsabilité pénale à appliquer au cas marocain et contribuer ainsi à éclairer les tribunaux marocains sur les solutions à retenir aux cas d’espèces. Le but de ce travail est de mettre l'accent sur les principaux aspects constitutifs du régime de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise et de les illustrer par quelques exemples pertinents. Or nous estimons que ce régime s'est d'abord forgé dans le terreau du droit des sociétés commerciales et du droit de l'entreprise en difficultés, notamment en France. C'est souvent à l'occasion de l'application de règles relevant à ces deux catégories du droit des affaires que des éléments de ce régime ont pris corps ou font débat, qu'il s'agisse de la notion de dirigeant, de l'identification légale ou jurisprudentielles du dirigeant pénalement responsable, de la notion d'intérêt social ou encore des conditions d'exonération de cette responsabilité. Au regard du caractère translatif de la délégation de pouvoir, on se demande est ce que le transfert des pouvoirs du dirigeant à un tiers fait il obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité pénale du dirigeant ? Notre sujet sera donc traité en deux temps : Dans un premier temps nous présenterons l’étendue de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux en illustrant ce régime à travers le cas des infractions prévues par le code pénal et le code de commerce qui nous paraissent les plus pertinentes par leur actualité et leur importance du point de vue de la problématique de la responsabilité pénale des dirigeants (Partie 1). Dans un deuxième temps, nous essayerons de que pour s'exonérer de leur responsabilité personnelle, les dirigeants peuvent être tentés d'invoquer les délégations de pouvoirs qu'ils ont données (Partie 2).
8
Partie 1 : L’étendue de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux Tout dirigeant d’entreprise est responsable à la limite de la loi et par les statuts de la société. Toute faute en dehors des pouvoirs qui lui sont attribués engage sa responsabilité. La responsabilité du dirigeant social peut être recherchée soit par une faute de gestion, soit par la violation des statuts de la société (par exemple, il signe un acte alors qu’il n’en a pas le pouvoir) ou le non-respect des dispositions légales et réglementaires (par exemple, il n’adapte pas les équipements aux règles de sécurité en vigueur). La législation marocaine incrimine la responsabilité pénale des dirigeants sociaux à travers les dispositions de la loi 17-95 et la loi 5-96.
CHAPITRE I : Les fondements et les caractéristiques du régime de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise La responsabilité pénale du dirigeant social n’est pas soumise à un régime dérogatoire du droit pénal commun. Classiquement en droit pénal, dans son art. 3 du Code pénal énonce « Nul ne peut être condamné pour un fait qui n'est pas expressément prévu comme infraction par la loi, ni puni de peines que la loi n'a pas édictées », et l’art. 4 du Code pénal prévoit ainsi que « Nul ne peut être condamné pour un fait qui, selon la loi en vigueur au temps où il a été commis, ne constituait pas une infraction». En conséquence, pour entrer en voie de condamnation, les tribunaux doivent établir la commission personnelle par le dirigeant social de l’ensemble des éléments matériel et intentionnel constitutifs des crimes ou délits qui sont mis à sa charge, à moins qu’il ne s’agisse d’une contravention, celleci étant, par nature, purement matérielle. 9
Dans ce chapitre, nous essaierons de cerner la notion de responsabilité dans le domaine des affaires à travers la précision de la spécificité de la responsabilité pénale (§1), pour ensuite définir ce qu'on entend par dirigeant auquel cette responsabilité est appliquée (§2).
Section 1 - la responsabilité au sens juridique et la spécificité de la responsabilité pénale I.
Une responsabilité de droit commun
Lorsque l’incrimination ne tient pas compte de la qualité de dirigeant social, elle peut être commise par n’importe quelle personne physique et les poursuites à l’encontre du dirigeant seront subordonnées à la caractérisation précise et personnelle des éléments intentionnel et matériel de l’infraction. La qualité de dirigeant est indifférente à la mise en œuvre de sa responsabilité pénale et ses fonctions ont, tout au plus, donné à celui-ci une occasion de commettre une infraction. Dans ces conditions, le dirigeant social est susceptible d’être poursuivi sur le fondement des infractions intentionnelles du droit pénal commun, qui ne sont pas spécifiques à la vie de l’entreprise (notamment les infractions de blanchiment, de faux et usage de faux, d’escroquerie, de corruption, de vol ou encore d’abus de confiance) mais également de toutes celles qui sont disséminées dans des lois spéciales (notamment Code du commerce, Code, Code du travail… etc.) La responsabilité juridique étant fondée sur l'exigence du « paiement d'une dette » en « compensation » de la faute, est organisée et codifiée par le système juridique prévalant dans la société à une époque donnée. A l'origine, « la distinction de la réparation et de la répression est demeurée incertaine » en raison de la prééminence de la « vengeance privée » et « lorsque l'autorité étatique s'est affirmée...une nette distinction des responsabilités s'est opérée : dans le plan de la responsabilité pénale, l'Etat inflige des peines corporelles ou pécuniaires (amendes) ; dans le plan de la responsabilité civile, la victime peut obtenir en nature ou en argent la réparation du dommage subi »1. Aujourd'hui, la séparation de la responsabilité pénale et de la responsabilité civile est nettement affirmée quant à leur domaine, à leur fonction, à leurs démarches et à leurs sanctions 2 : La responsabilité civile peut être engagée pour tout fait, même involontaire et normal causant à autrui un dommage alors que la responsabilité pénale ne peut être engagée que pour des comportements dangereux pour la société, prévus et définis comme tels par la loi (pas d'infraction sans texte). La responsabilité pénale, la sanction est proportionnée à la faute. En matière de responsabilité civile, « la sanction-réparation » peut être déconnectée de la gravité de la faute car elle vise la réparation intégrale du préjudice subi. Sur le plan des démarches de mise en œuvre des deux types de responsabilités, c'est le ministère public qui déclenche, « au nom de la société » l'action publique tendant à sanctionner, par les juridictions répressives, les auteurs d'infractions pénales. L'action en responsabilité civile demeure de la compétence de la victime pour obtenir réparation. 1 2
François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette : Droit Civil- Les obligations- 8ème édition p.656 idem
10
II.
Les éléments constitutifs de l’infraction
En définitive, la responsabilité pénale d'une personne est engagée lorsqu'elle commet une infraction à la loi sanctionnée par une peine (amende, emprisonnement, etc...), laquelle infraction comprend quatre trois éléments constitutifs : - Un élément légal : l'infraction doit être prévue par une disposition légale ; - Un élément matériel : il s'agit du comportement humain, de la manifestation extérieure de l'infraction (par une action ou une omission) ; - Un élément moral : il s'agit de l'intention ou de la volonté de commettre l'infraction. Ce sont évidemment ces mêmes principes qui président au régime juridique de la responsabilité pénale en droit des affaires et plus précisément de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Engage donc sa responsabilité pénale tout dirigeant d'entreprise qui, dans l'exercice de sa fonction de « chef d'entreprise ayant un pouvoir de commandement et d'instruction » commet une infraction prévue par la loi et pour lequel sont retenus un fait matériel et une intention délibérée et volontaire de commettre ce fait. Encore faut-il définir ce qu'on entend par « dirigeant de l'entreprise »3. Ce sont évidemment ces mêmes principes qui président au régime juridique de la responsabilité pénale en droit des affaires et plus précisément de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Engage donc sa responsabilité pénale tout dirigeant d'entreprise qui, dans l'exercice de sa fonction de « chef d'entreprise ayant un pouvoir de commandement et d'instruction » commet une infraction prévue par la loi et pour lequel sont retenus un fait matériel et une intention délibérée et volontaire de commettre ce fait. Encore faut-il définir ce qu'on entend par « dirigeant de l'entreprise ».
Section 2- La notion de dirigeant pénalement responsable En droit pénal du travail sont pénalement responsables l’employeur personne physique, le délégataire et l’employeur personne morale. Dans certaines circonstances les syndicats des travailleurs, les organisations d’employeurs peuvent être responsables en matière pénale dans la relation du travail4. Le code du travail établit par l’article 548 la responsabilité pénale de certaines catégories de personnes en cas d’infractions aux dispositions législatives et réglementaires régissant les relations du travail. Il s’agit essentiellement de personnes physiques qui sont « tout employeur5,
3
Thèse Professionnelle pour l'obtention du Diplôme de Mastère en droit de l'Entreprise sur la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise par Ahmed HALOUI ISCAE et Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de l'Entreprise 2006. 4 Bouharrou Ahmed, le droit pénal du travail et de la sécurité sociale, édition Friedrich Ebert Stiftung, 2012. 5 L’article 6 du code du travail considère « comme employeur, toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui loue les services d’une ou plusieurs personnes physiques ».
11
directeur ou chef au sens de l’article 7 6 » du code du travail. Le fondement de la responsabilité pénale réside aussi dans l’article 132 du code pénal disposant que : « Toute personne saine d’esprit et capable de discernement est personnellement responsable : • des infractions qu’elle commet ; • des crimes et délits dont elle se rend complice ; • des tentatives de crimes ; • des tentatives certains délits qu’elle réalise dans les conditions prévues par la loi ». Cet article précise qu’ « il n’est pas dérogé à ce principe que lorsque la loi en dispose autrement». Etant responsables pénalement, ces personnes physiques sont passibles de peines de mesures de sûreté édictées par le code du travail et ce, en vertu de l’article 126 du code du travail. En outre, il n'existe aucune définition juridique de la notion de dirigeant de l'entreprise bien qu'elle soit parfois utilisée par les textes sous des appellations diverses dont la plus usitée est celle de chef d'entreprise. La question présente un intérêt évident du point de vue de l'identification des personnes, dites dirigeantes, pénalement responsables et les réponses ne semblent pas être aisées, notamment en ce qui concerne le droit marocain des sociétés. Pour approcher utilement cette notion pour la présente étude, on notera que la doctrine et la jurisprudence (notamment françaises) s'accordent pour considérer comme dirigeant, celui qui exerce des pouvoirs d'administration et/ou de direction et de gestion de l'entreprise, prend à cet effet des décisions qui engagent l'entreprise vis-à-vis de ses partenaires internes et externes et veille à leur exécution par des instructions données aux structures de la société. Sur cette base, elles distinguent, ainsi d'ailleurs que la loi, le dirigeant de droit et le dirigeant de fait d'une part, et le dirigeant en fonction et le dirigeant ayant cessé ses fonctions d'autre part.
I.
Le dirigeant de droit
Le dirigeant de droit est la personne titulaire de la fonction de direction, désignée par les statuts de la société ou par la loi pour exercer les pouvoirs qui s'attachent à cette fonction de direction et de gestion prévue par le texte régissant le type de société considérée. Partant de ce double critère de la fonction et des pouvoirs, il est relativement aisé d'identifier les dirigeants pénalement responsables pour ce qui est des dirigeants de la société à responsabilité limitée, et de la société en nom collectif, et de la société en commandite simple et de la société anonyme simplifiée. Pour ce qui est de la société anonyme et de la société en commandite par actions, elle semble poser, à notre avis, quelques problèmes au regard du double critère de la fonction et des pouvoirs. Dans la SARL, la direction de la société est désignée sous l'appellation de gérance et la fonction de dirigeant est assurée par un ou plusieurs gérants personnes physiques. Aux termes de l'article 63 de la loi 05-96 du 13 Février 1997, dans leurs rapports avec les associés, leurs pouvoirs sont déterminés par les statuts et, dans le silence de ceux-ci chaque associé peut effectuer tout acte de gestion dans l'intérêt de la société. Cet article ajoute que dans leurs rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute Cet article dispose que « les salariés visés aux 1ièr et 2ième de l’article 2 ci-dessus sont assimilés à des directeurs chefs d’établissement et ils assument la responsabilité de l’application des dispositions du livre II de la présente loi, lorsqu’ils fixent à la place de leurs employeurs, les conditions de travail des salariés telles que prévues par le livre II. Ils sont également responsables de l’application de l’ensemble des dispositions de la présente loi, aux lieu et place du chef d’entreprise avec laquelle ils sont liés contractuellement, en ce qui concerne la fixation des conditions de travail et du licenciement desdits salariés ». 6
12
circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Le principe de la responsabilité pénale des gérants est posé par l'article 67 qui prévoit que ceux-ci sont responsables individuellement ou collectivement, envers la société ou envers les tiers, s'ils commettent des infractions aux dispositions légales applicables aux sociétés à responsabilité limitée. « Les dirigeants de droit » de la SARL, au sens des dispositions ci-dessus, ce sont soit l'associé nommément désigné par les statuts, soit tous les associés en l'absence de désignation par les statuts et qui sont, dans les deux cas, « investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société », étant précisé que' en cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément ces pouvoirs (5èmè alinéa de l'article 64). Par conséquent, dans la SARL, à une pluralité de gérants, correspond une pluralité de dirigeants pénalement responsables. A l'inverse de la SARL, la pluralité des gérants est de droit en ce qui concerne la gérance de la Société en nom collectif (SNC), sauf si les statuts désignent un ou plusieurs gérants parmi les associés qui doivent tous avoir la qualité de commerçants. Les associés peuvent nommer un gérant non associé. Le dirigeant de droit pénalement responsable dans la SNC peut donc être un gérant associé ou un gérant non associé. Comme pour la SARL, « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social et « en cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément » les pouvoirs de gestion et de direction (article7 de la loi 05-96). En ce qui concerne les SA, le titre XIV intitulé sanctions pénales, de la loi 17-95 sur les SA mentionne « les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion » et qui sont, aux termes de l'article 373 de la loi 17-95 : « - dans les sociétés anonymes à conseil d'administration, les membres du conseil d'administration y compris, le président et les directeurs généraux extérieurs au conseil; « - dans les sociétés anonymes à directoire et à conseil de surveillance, les membres de ces organes ». A priori, cette précision est de nature à permettre une identification aisée des dirigeants de droit de la SA. En fait, du point de vue des critères cumulatifs de la fonction et des pouvoirs, elle nous semble poser quelques difficultés en ce qui concerne la qualité de dirigeants pénalement responsables de certains autres membres des organes en question..
II.
Le dirigeant de fait
Est celui qui, sans avoir été nommé dirigeant par les statuts ou par une décision de l’organe compétent, en assume les fonctions. (Article 100, loi 5-96) Il est susceptible de recevoir application d’une partie du régime des dirigeants sociaux, plus particulièrement des conséquences de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale des dirigeants. Néanmoins, la qualité de dirigeant de fait ne pouvant être présumée, il appartient à celui qui en soutient l’existence d’en apporter la preuve. Sauf prescription de l’action, il est à noter que le dirigeant licencié ou démissionnaire peut être poursuivi pour des fautes antérieures à la cessation de ses fonctions, par conséquent, la révocation ou la démission d’un dirigeant ne le met pas à l’abri de poursuites pénales. Qu’il soit de droit ou de fait, le dirigeant fait face à un risque pénal très important relatif aux différentes infractions qui peuvent lui être imputables et engager de ce fait sa responsabilité pénale. 13
La faute de gestion peut être définie comme étant tout acte ou omission commis par un dirigeant de société qui peut s’analyser comme une erreur dans la direction de l’entreprise, une imprudence, une négligence ou une transgression des obligations légales ou des dispositions statutaires. Citons quelques fautes à titre d’exemple : • La publication ou la présentation de faux états de synthèse 7 • La présentation et la publication de comptes annuels infidèles réprimées par les mêmes textes que ceux relatifs à l’abus de biens sociaux (article 107 relatif aux SARL, article 384 relatif aux SA). • La distribution des dividendes fictifs (article 384 de la loi 17-95 modifié et complété par la loi 20-05) • La tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière • L’abus des biens sociaux (Article 384 de la loi 17-95)… L’article 706 du Code de Commerce détermine les faits constituants une faute de gestion grave ou lourde et justifiant la soumission du dirigeant au redressement et liquidation judiciaire. Ces faits concernent généralement l’atteinte aux biens de l’entreprise et de l’épargne ainsi que l’inobservation des règles comptables. Pour la répression pénale de ces infractions, les articles 106 à 117 de la loi 5-96 prévoient une peine d’emprisonnement de 1 à 6 mois et d’une amende pouvant aller jusqu’à 100000 Dhs pour les dirigeants des SNC, SCS, SARL. L’article 384 de la loi 17-95 prévoit l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100 000 à 1 000 000 Dhs pour les membres des organes d’administration, de direction ou de gestion d’une SA. Il existe également des sanctions patrimoniales qui peuvent être encourues par les dirigeants principalement en matière de difficultés des entreprises. De ce fait, l’action en comblement de passif, réglementée par l’article 704 du Code de Commerce prévoit que le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d’entre eux. Il faut néanmoins que la société soit en état de cessation de paiement, qu’elle ait un actif insuffisant pour répondre au passif et qu’une faute de gestion ait contribuée à cette insuffisance. Il faut savoir que le non acquittement de la dette expose le dirigeant concerné au redressement ou liquidation judiciaire personnelle ou à la déchéance commerciale8 . En plus, l’article 706 du Code de Commerce prévoit également une autre action qui tend à étendre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux dirigeants sociaux9 .
Chapitre 2 : infractions aux règles générales : Il existe un certain nombre d’infractions dont les textes d’incrimination désignent expressément l’auteur susceptible d’être poursuivi. On trouve notamment dans le Code de commerce ou du 7 8
9
LAZRAK, Rachid, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Rabat, Ed. La Porte, 1997, p.52. Cour d’appel Commerciale de Casablanca, arrêt n°173, dossier n°2018/8321/126, date du 2018/12/27 Cour d’appel commerciale Casablanca, arrêt n°135, dossier n° 271/8321/2017, date du 05/11/2018
14
travail, une multitude d’infractions qui ne peuvent être commises que par le dirigeant social ou «l’employeur »10. Dans ces hypothèses, parce qu’il est tenu de veiller de manière générale au bon fonctionnement ou à la sécurité de l’entreprise, le dirigeant, de droit ou de fait, répond très largement des infractions qui sont mises à sa charge dans l’exercice de ses pouvoirs de gestion et d’administration, les tribunaux ayant une appréciation plus extensive de l’élément intentionnel de ces infractions, en méconnaissance à notre sens des articles 1 et 3 du Code pénal. Elles sont générales parce qu’elles peuvent mettre en jeu la responsabilité de tout dirigeant social. Elles sont notamment prévues par le code pénal (§1) et par le code du commerce (§2).
Section 1 : Infractions prévues par le code pénal L’étude de ces infractions revêt, pour nous, une importance particulière et il ne saurait être question de les écarter car elles permettent de mieux comprendre les autres infractions spéciales qui seront précisées à l’occasion. Les délits de droit commun, communément appelés des infractions aux règles générales, peuvent être relevés dans la constitution et l’administration d’une société : escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux.
I.
L’escroquerie
Est un délit tendant comme le vol à l’appropriation frauduleuse de la chose d’autrui, mais la méthode d’appropriation en diffère très nettement. Au lieu de soustraire la chose qu’il convoite, l’escroc en provoque la remise volontaire par son possesseur à l’aide de moyens frauduleux destinés à l’induire en erreur. L’escroquerie constitue par excellence le domaine de délinquance d’astuce et les tribunaux demeurent parfois impuissants en face de l’habilité sans cesse renouvelée pour ne pas parler de génie déployé par certains délinquants. A ce propos nous relevons deux remarques : • La première est d’ordre sociologique, l’escroc à la différence du voleur est généralement intelligent car la fraude exige souvent une mise en scène perfectionnée. Il est presque toujours adulte, souvent récidiviste. • La deuxième remarque est d’ordre juridique. Bien que complexe et s’étendant souvent sur une longue période, l’escroquerie est une infraction instantanée et non successive. Ainsi, les gérants de la SARL sont déclarés coupables, en règle générale, lorsqu’ils ont employé des manœuvres frauduleuses aux fins de procurer des fonds à leur entreprise. Les manœuvres frauduleuses sont des plus diverses, et notamment : • Présentation de bilans falsifiés pour obtenir un emprunt auprès d’une banque ; • Réalisation d’une augmentation fictive de capital aux fins de tromper un prêteur éventuel ;
10
E. Dreyer, « L’imputation des infractions en droit pénal du travail », RCS 2004, p. 813.
15
D’un point de vue jurisprudentiel, le fait de se baser sur une présomption tirée des déclarations de l’inculpé devant la police judiciaire sans préciser les éléments constitutifs de l’escroquerie constitue une insuffisance de motifs qui équivaut à leur absence.11 La loi prévoit une peine unique (emprisonnement d’1 à 5 ans et d’une amende de 500 à 5.000 Dhs) pour l’escroquerie et les infractions assimilables. L’article 540 du Code Pénal prévoit une circonstance aggravante en cas d’appel au public. L’aggravation des pénalités est attachée non à la qualité de l’agent mais à la circonstance que l’infraction a été réalisée par le moyen de l’appel au public. Ainsi, la circonstance aggravante a un caractère réel et non personnel. Cependant, il y a appel public dès qu’une SARL en vue de se procurer un capital ou des moyens d’action supplémentaires sollicite le public par des procédés de publicité quelconque annonces, journaux, prospectus, circulaires…
II.
L’abus de confiance et Faux et usage de faux
-L’article 547 du Code Pénal définit cette infraction : « quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au préjudice des propriétaires possesseurs ou détenteurs soit des effets, des deniers ou marchandises…est coupable d’abus de confiance ». Ce texte ne sanctionne que les abus matériels, c’est-à-dire les détournements, les dissipations d’une chose remise à charge de la rendre ou de l’utiliser d’une certaine façon. D’un point de vue jurisprudentiel, l’abus de confiance ne suppose pas uniquement la remise d’une chose à charge de la rendre mais aussi la mauvaise utilisation ou exploitation d’un salarié, d’un mandataire ou un associé des choses communes ou du fonds social ce qui constitue son élément matériel. Quant à l’élément moral, celui-ci suppose que l’associé ou le mandataire ait procédé frauduleusement au détournement ou à la dissipation de la chose qu’elle lui a été remise à moins que son acte ne constitue pas une autre infraction.12 L’auteur de l’abus de confiance, qui détourne une chose qui lui a été remise d’une manière parfaitement normale, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 200 à 2.000 Dhs conformément à l’article 547 du code pénal. La confiance suppose qu’une chose ait été remise par contrat, c’est-à-dire que celui qui a remis la chose a fait confiance à celui à qui il l’a remise. Quant à l’abus de confiance, il suppose l’existence tout d’abord d’un détournement ou dissipation, ensuite d’un préjudice et enfin une intention frauduleuse. Les gérants de la SARL sont déclarés coupables d’abus de confiance le plus souvent pour avoir détourné des fonds qu’ils avaient reçus en qualité de mandataire. Exemple : L’année 2019 s’est clôturée sur une tache noire pour le secteur immobilier, notamment avec l’affaire Bab Darna. Ce qui se veut comme la plus grande arnaque immobilière du royaume pousse l’État à durcir le ton avec les promoteurs, qui souffrent déjà des conditions d’un marché délaissé par les acheteurs, « intimidés » par des prix jugés hauts. Plus de 800 victimes et 400 millions de dirhams sont au compteur de Mohamed El Ouardi et son entourage, dans le cadre de l’arnaque immobilière « Bab Darna ». Cette arnaque pèse lourd sur
Arrêt de la cour de cassation marocaine N°703 -29-03-95 Dossier N°99592-2, publié dans l’ouvrage : arrêts de la chambre pénale de la cour suprême édition 2007, page 14. 12 Arrêt de la cour de cassation marocaine N°256 -17-03-11, Dossier N°507/6/10/2011, publié dans l’ouvrage : rapport annuel de la cour de cassation, édition 2011, page 131. 11
16
le secteur immobilier, notamment des prometteurs qui se voient bloqués avec un stock de biens invendus, mais qui refusent toutefois de baisser les prix. Le Code pénal marocain prévoit des peines de 1 à 5 ans dans les affaires d’escroqueries, avec des amendes allant de 500 à 5000 Dhs, alors qu’il prévoit des peines d’emprisonnement de 6 mois à 3 ans pour les cas d’abus de confiance, assorties d’amendes de 200 à 2000 Dhs. Suite au scandale de l’affaire Bab Darna, il n’a été que chose logique que le gouvernement réagisse pour mettre les choses au clair. Ainsi lors du Conseil de gouvernement du 2 janvier dernier, l’exécutif a décidé d’apporter du changement dans la loi n° 44-00 relative à la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), à travers le projet de décret 2.17.318. Celui-ci vise à «contraindre» les promoteurs immobiliers à présenter des garanties pour la restitution des versements des acquéreurs encaissés en cas d’annulation du contrat de vente d’un immeuble ou tout autre bien foncier en construction.Si l’on tente de rassurer, il n’empêche que les acheteurs ont de quoi devenir encore plus méfiants pour l’achat du neuf, surtout lorsque l’on sait que seulement 80 millions de dirhams ont été exposés par Bank Al-Maghrib (BAM). Mais le problème, c’est qu’il y’a bien eu manipulation à un moment ou un autre, tout aussi bien que l’on ait profité de « l’ignorance » des acquéreurs pour ce qui est de la législation en vigueur. La loi n° 44-00 indique dans son article 618-3 que les promoteurs sont tenus de préciser les délais de livraison des biens, en plus de fournir un cahier de charges avec les détails complets des projets, selon les dispositions de l’article 618-4. De plus, ceux-ci sont légalement obligés de disposer d’une caution bancaire (article 618-9). Mais, il reste à savoir si les victimes recevront la totalité des sommes versées, ou l’on se limitera aux 10 % fixés par l’article 618-14 de ladite loi, qui indique qu’« en cas de résiliation du contrat par l’une des parties, la partie lésée a droit à une indemnité ne dépassant pas 10 % du prix de vente ».13
-Selon Garraud « on peut comprendre sous la qualification générique de faux, toute
manœuvre, tout procédé, employés par un individu pour en tromper un autre »14. Sous sa forme primitive, le faux consiste donc essentiellement dans un mensonge, c'est-à-dire dans l'affirmation d'un fait que l'on sait être contraire à la vérité, accompagné ou non de manœuvres destinées à corroborer cette affirmation. Le droit français moderne n'incrimine pas tous les faux au sens moral du terme : le mensonge n'est pas en lui-même punissable ; de même, une conception religieuse jugée erronée n'est pas incriminable, bien que ses tenants tâchent de la faire prospérer. Le faux n'est donc incriminé que lorsqu'il lèse un bien juridique appartenant à autrui15. En effet le législateur marocain distingue entre plusieurs types de faux à savoir le faux en écriture, en témoignage et en serment ; mais ce qui nous intéresse dans ce travail c’est le faux en écriture. Il s’agit, selon l’article 351 du Code pénal, d’une altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice à autrui, et accompli par quelques moyens que ce soit. Cette définition juridique très vague avait pour objet d’élargir le champ d’intervention de la loi et veut surtout suivre l’évolution technique des moyens servant au faux. 13
https://fr.hespress.com/119037-pai-2021-25-lindustrie-se-met-au-2-0-au-moment-ou-les-acteurs-du-secteur-se-font-rares-au-maroc.html Traité théorique et pratique du droit pénal français. Tome 1, troisième édition / par R. Garraud 15 https://www.universalis.fr/encyclopedie/faux-et-usage-de-faux/ 14
17
Le faux englobe toutes les formes de tromperies, mensonges et déformations d’écritures. L’élément moral dans cette infraction est très déterminant dans la sentence prononcée par le juge. Devant le juge, ce sont les preuves matérielles qui prévalent. Le juge mesure aussi le degré du préjudice causé par l’usage du faux. Au même titre que le degré de la réparation demandée. Souvent, les amendes pénales accompagnant les sentences contre l’usage de faux sont très élevées. Ceci pour dissuader les auteurs potentiels quant à la possibilité de réaliser des gains au détriment d’autrui. Est ainsi constitutif de délit de faux, l’établissement de procès-verbaux d’assemblées prétendument tenues et non effectivement réunies. Cela dit, les gérants peuvent se rendent coupables aussi d’autres infractions prévues par le code pénal qu’on ne pourrait pas toutes traitées ; il s’agit notamment du recel, du blanchiment et de la banqueroute. Cette dernière sera envisagée dans la deuxième section sous la lumière du droit commercial. Cette dernière sera envisagée dans la deuxième section sous la lumière du droit commercial.
SECTION 2 : les infractions prévues par le code commerce I.
Le délit de Banqueroute
Les origines répressives de la faillite ont toujours conduit le législateur à instituer des dispositions de droit pénal dans les lois portant sur les procédures collectives. Le législateur de 1996, sans renoncer à cet héritage, a été animé par la volonté de simplifier et d’adoucir les sanctions pénales, traditionnellement dénommées « banqueroutes ». -Le délit de Banqueroute est prévu par la loi 05-96 formant code de commerce aux articles 721 à 723. Ces articles figurent au chapitre III, titre V du livre V de cette loi intitulé les difficultés de l'entreprise. Ces articles font partie du dispositif régissant la responsabilité des dirigeants de l'entreprise en difficulté prévue par ledit titre V. En effet, l'article 702 dispose que les « dispositions du présent Titre s'appliquent aux dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale ayant fait l'objet d'une procédure qu'ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou non ». Ce titre prévoit trois catégories de sanctions : • • •
les sanctions patrimoniales qui sont de deux ordres : l'action en comblement du passif et l'extension de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire aux dirigeants (articles 703 à 710) ; la déchéance commerciale (articles 711 à 720) ; la banqueroute et autres infractions (articles 721 à 723). 18
S'agissant de la Banqueroute l'article 721 réprime les faits constitutifs de cette infraction comme suit : « En cas d'ouverture d'une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article 702 contre lesquelles a été relevé l'un des faits ciaprès : Avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ; avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ; avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ; avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait obligation ». La banqueroute frauduleuse exige l’intention frauduleuse, c’est l’élément qui la distingue de la banqueroute simple. Cette intention est présumée dans les cas de banqueroute frauduleuse prévu par l’article 56116 du code pénal constituant ainsi l’objet de la présente section. D’une part nous allons mettre le point sur l’intention frauduleuse et d’une autre part nous allons identifier les cas qui matérialise la banqueroute frauduleuse tels qu’identifiés par le code susvisé. -On suppose chez l’auteur de la banqueroute frauduleuse l’intention de nuire à ces créanciers «volontairement ». C’est cela qu’on désigne par intention frauduleuse à la différence de la simple omission ou négligence, il faut que le commerçant failli se soit rendu coupable de certaines fraudes17. Les fraudes caractéristiques de l’infraction sont des actes susceptibles de porter atteinte aux droits des créanciers en d’autres termes diminuer leurs chances d’être payés. En unifiant les cas de banqueroute, on a fait disparaitre le qualificatif « frauduleux » d’autant plus qu’en matière commerciale, la mauvaise foi n’est plus posée comme dénominateur commun aux cas de banqueroute qu’elle a défini18. Par ailleurs, sur le volet pénal, on place la banqueroute au même niveau que l’escroquerie, cette analyse nous conduit à considérer que la banqueroute suppose toujours une intention délictueuse et que l’emploi de moyens ruineux, l’augmentation du passif du débiteur ou le détournement d’actifs sociaux ne sauraient être le fruit de la simple négligence. Au niveau jurisprudentiel, on affirme clairement la nécessité d’établir l’élément intentionnel, celui-ci consistant dans « la conscience de la faute et la mauvaise foi » de l’auteur19. A vrai dire, il arrive souvent que les juges se fondent sur la matérialité des faits pour en déduire que l’élément moral se trouve ou non réalisé. -Le détournement d’actif ou sa dissimulation constitue la banqueroute frauduleuse. En effet cette infraction est matérialisée à travers ces deux cas qui sont définis par la loi commerciale et pénale. Selon plusieurs décisions jurisprudentielles, tous les deux supposent que le débiteur ou le dirigeant d’une entreprise en difficulté prive les créanciers sociaux de leur droit de gage général sur les biens de l’entreprise. •
Banqueroute par détournement d’actif : le détournement d’actif est défini comme le fait d’avoir détourné ou dissipé tout ou partie de l’actif du débiteur ce qui
16
Article 561 du code pénal : Est coupable de banqueroute frauduleuse et puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans, tout commerçant en état de cessation de paiement qui a soustrait sa comptabilité, détourné ou dissipé tout ou partie de son actif ou qui, soit dans ses écritures, soit par des actes publics ou des engagements sous signatures privées, soit dans son bilan, s'est frauduleusement reconnu débiteur de sommes qu'il ne devait pas. 17 Michel VERON « Droit pénal des affaires » 2013, P292, Dalloz 18 Jean LARGUIER et Philippe CONTE, droit pénal des affaires, 11 édition Dalloz, 2004, p.246 19 Bernard BOULOC, le détournement d’actif par usage, Revu. Sociétés, 1999, p174.
19
causerait un préjudice grave aux créanciers, la jurisprudence établit deux conditions sine qua none à la constatation du détournement : 1- Un usage des biens détournés contraire à l’intérêt social. 2- Un usage des biens contraire à l’objet social. C’est dans ce contexte que cette même jurisprudence a estimé que le détournement d’actif était constitué lorsque le président du conseil d’administration d’une société avait prélevé sans autorisation des fonds de sa société pour les prêter à des sociétés dans lesquelles il était associé. Plusieurs exemples concrétisent la banqueroute par détournement « prélèvements injustifiés » ; « Virement de fonds sociaux sur le compte personnel du dirigeant » ; « l’attribution de primes ou commissions sans justifications » ; « Faire prendre en charge par la société des voyages personnels sans intérêt pour elle20» etc. •
Banqueroute par dissimulation d’actifs : La dissimulation consiste dans la soustraction volontaire d’un élément de l’actif du patrimoine du débiteur (Article 754-2 de la loi 73-17)21. Il suffit que cet élément d’actif ait été volontairement caché de manière à ce qu’il ne soit pas appréhendé au profit des créanciers. De ce fait, la dissimulation peut être entendue comme une omission « frauduleuse » de certains biens de l’actif de l’entreprise en difficulté afin de les cacher aux yeux des tiers. Néanmoins, la dissimulation peut accompagner le détournement, l’ensemble ne forme qu’une seule qualification celle de la banqueroute frauduleuse.
-Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur.
-Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait obligation. Pour examiner la portée de chacun des termes de ces faits constitutifs de Banqueroute, on peut s'inspirer des interprétions de la jurisprudence française22. Est fictive une comptabilité qui ne retrace pas des opérations réelles de l'entreprise, et qui donne en apparence une image avantageuse de l'entreprise, par exemple l'enregistrement de factures fictives ; la disparition de documents comptables peut être totale ou partielle et réalisée par soustraction ou destruction. Le retard dans la fourniture des comptes aux organes de la procédure est assimilé à une absence de comptabilité ; Il faut donc déduire de cette jurisprudence que la non-production spontanée d'une comptabilité dont l'existence n'est pas apparemment remise en cause puisque sa réalité était attestée par l'expert-comptable, est assimilable à une disparition de documents comptables. Cette « solution est critiquable car elle est contraire à deux principes fondamentaux en matière pénale : le principe de l'interprétation stricte de la loi et celui, qui en découle, de l'interdiction faite aux juges répressifs de recourir à l'interprétation analogique. » L'absence de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation
Cour d’appel de Colmar, décision du 30 avril1985, Note : J.P STORCH, p.833 Article 721 du code de commerce : En cas d'ouverture d'une procédure de traitement, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article 702 contre lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après: 1) avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de traitement, soit fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds 2) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur 3) avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur 4) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque la loi en fait l'obligation. 22 Corinne Mascala, Cours sur le risque pénal, polycop, ISCAE - Université de Toulouse 1, Casablanca, année 2006-2007 ; 20 21
20
s'entend de l'absence totale de comptabilité exigée par ces textes pouvant concerner des exercices comptables antérieurs à l'ouverture de la procédure considérée23. Selon l’art 724 les gérants peuvent être punis des peines de la banqueroute s’ils ont : • Soustrait, recelé ou dissimulé tout ou partie des biens, meubles ou immeubles de celles-ci; • Frauduleusement déclaré dans la procédure, soit en leur nom, soit par interposition de personne, des créances fictives. Il n’en demeure pas moins que ces infractions sont déjà prévues par le code pénal ce qui pose un certain problème au niveau du droit applicable par les juridictions répressives. Le législateur dans le nouveau code de commerce a résolu le problème en disposant dans son art 733 que : « les dispositions de la présente loi abrogent et remplacent celles relatives aux mêmes objets telles qu'elles ont été modifiées ou complétées… ». Néanmoins la jurisprudence n’est pas constante sur ce point dans la mesure où les juridictions répressives continuent à appliquer les dispositions du code pénal en faisant encore une distinction entre la banqueroute simple et la banqueroute frauduleuse… alors que le code de commerce ne prévoit que la banqueroute frauduleuse.24
II.
Les sanctions encourues en cas le délit de Banqueroute
Les banqueroutiers, leurs complices et toute autre personne coupable de banqueroute simple ou frauduleuse, sont sanctionnés à la fois pénalement et civilement. Toutefois, la tentative de banqueroute n’est pas punissable, puisque ce délit est caractérisé par une faute, à l’exclusion de toute intention frauduleuse25. •
Sanctions pénales : De manière générale, la loi 73-17 spécifie les peines applicables aux banqueroutiers, sans préciser s’il s’agit de banqueroute simple ou frauduleuse. Selon l’article 755 de cette loi, « la banqueroute est punie de un an à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou d'une de ces deux peines seulement (...)». Cette peine est portée au double lorsque le banqueroutier est dirigeant, de droit ou de fait, d’une société dont les actions sont cotées à la bourse des valeurs. A la différence, selon le code pénale, la durée d’emprisonnement varie selon qu’il s’agisse de banqueroute simple ou frauduleuse. Ainsi, aux termes respectivement des articles 557et 561 du code pénal, tant le banqueroutier que son complice coupable de banqueroute simple est puni de l'emprisonnement de trois mois à trois ans alors que celui coupable de banqueroute frauduleuse est puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans. Par ailleurs, selon l’article 564 du code pénal, le conjoint, les descendants ou ascendants du débiteur ou ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement coupable de banqueroute qui, sans avoir agi de complicité avec lui, ont détourné, diverti ou recélé des biens meubles susceptibles d'être compris dans l'actif de la faillite, sont punis de l'emprisonnement de six mois à trois ans et d'une amende de 200 à 3.000 Dhs.
23
Thèse Professionnelle pour l'obtention du Diplôme de Mastère en droit de l'Entreprise sur la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise par Ahmed HALOUI ISCAE et Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de l'Entreprise 2006 24 608 صفحة2007لرباط, محمد السفريوي صعوبات المقاولة وميدان التسوية القضائية من خالل اجتهادات المجلس االعلى مطبعة االمنية 25 PATIN Maurice, CAUJOLLE Paul, AYDALOT Maurice, « Droit pénal général et législation pénale appliquée aux affaires », Editions PUF, 1961, p.324
21
•
Sanctions civiles : il s’agit des sanctions accessoires à la sanction pénale, prévues par le code pénales et la loi 73-17, dont on note : La déchéance commerciale : Elle emporte, aux termes de l’article 745 de la loi 7317, interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, et toute société commerciale ayant activité économique ; L’interdiction d’exercice des droits civiques26, civils ou de famille : Selon les dispositions du dernier alinéa de l’article 561 du code pénal, cette interdiction est prononcée pour une durée de cinq à dix ans contre toute personne coupable du délit de banqueroute, simple ou frauduleuse. L’interdiction d’exercice de la profession : Lorsque la juridiction constate que l’infraction commise a une relation directe avec l’exercice de la profession, elle prononce, sur base de l’article 87 du code pénal, cette interdiction d’exercer cette profession pour une période qui ne peut excéder dix ans, à compter du jour où la peine a été subie. La publicité et les frais de la condamnation : L’article 569 du code pénale prévoit que tous arrêts et jugements de condamnation rendus en matière de banqueroute, simple ou frauduleuse, sont aux frais du condamné, affichés et publiés dans un journal habilité à recevoir les annonces légale.
Partie 2 : L’exonération de la responsabilité pénale des dirigeants Les dirigeants d'entreprise sont confrontés à un accroissement des cas de mise en jeu de leur responsabilité, tant sur le plan civil que sur le plan pénal. Ils encourent, en effet, une responsabilité pénale personnelle, non seulement lorsqu'ils sont les auteurs matériels ou « intellectuels » de l'infraction, mais également, selon le principe dit de «responsabilité pénale du chef d'entreprise», lorsque l'infraction a été commise par un salarié de l'entreprise. Les dirigeants sont alors présumés avoir manqué à leur devoir de contrôle et de surveillance. Afin d’éviter la rigueur d'un tel principe, les tribunaux admettent depuis longtemps le procédé de la délégation de pouvoirs, considéré comme un mode naturel de gestion de l'entreprise. Ce transfert juridique de compétence entraîne l'exonération de la responsabilité du chef d'entreprise si certaines conditions sont réunies. Tout d'abord, le chef d'entreprise ne doit pas participer à la réalisation de l'infraction. Ensuite, il doit rapporter la preuve que ses pouvoirs ont été délégués à une personne dotée de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice effectif des pouvoirs ainsi délégués. En outre, la délégation de pouvoirs doit être antérieure à la commission de l'infraction. Enfin, la délégation étant un contrat, elle doit avoir été acceptée par le délégataire.27
Chapitre 1 : La délégation de pouvoirs comme un facteur d’exonération de la responsabilité pénale du chef d’entreprise : 26 27
Articles 26 du code pénal https://www.usinenouvelle.com/article/un-cadre-strict-pour-s-exonerer-de-sa-responsabilite-penale.N62718
22
Le dirigeant de la société peut en effet être exonéré de sa responsabilité pénale de chef d’entreprise lorsqu’il a donné une délégation de pouvoirs à un préposé pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour faire assurer le respect des mesures réglementaires28. En matière pénale, la délégation de pouvoir ou de compétence est l’un des multiples mécanismes exonératoires de responsabilité par lequel un dirigeant social apporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour veiller à la bonne observation des dispositions en vigueur, avec pour effet de transférer sa responsabilité au délégataire29. Dans ce chapitre nous essaierons de définir le contexte d’exonération de la responsabilité pénale des dirigeants (§1), et de déterminer les conditions d’admission de la délégation de pouvoir (§ 2).
Section 1 : L'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant social I.
Le contexte de l’exonération
Les dirigeants pénalement responsables étant identifiés par la loi ou les statuts (dirigeants de droit) ou précisés par la jurisprudence (dirigeants de fait), le principe est que la responsabilité qu'ils encourent est une responsabilité personnelle quel que soit l'auteur du fait générateur de cette responsabilité dès lors que ce fait est accompli dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi et les statuts pour réaliser l'objet social de la société. En réalité, la mise en œuvre de ces pouvoirs exige l'intervention, dans le processus décisionnel et exécutif, d'autres personnes que les dirigeants de droit mais qui sont sous les ordres de ces dirigeants. Cette intervention est effectuée au moyen de la délégation de pouvoirs consentie par les dirigeants de droit à leurs collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise afin de s'assurer que les décisions prises dans le cadre de l'exercice des pouvoirs du dirigeant produisent leurs effets aux différents échelons de l'organisation de l'entreprise. Cette délégation peut être simple comme elle peut être complexe dans le cas d'entreprises de grandes tailles où elle peut revêtir la forme sophistiquée de manuels de procédures et de fiches de fonction et des postes correspondant aux différents échelons des activités et métiers de l'entreprise30. Dans les grandes entreprises, leur éloignement géographique et la diversité des activités justifient le transfert des responsabilités des employeurs à leurs préposés. C’est la délégation du pouvoir en droit du travail. Celle-ci consiste en « le fait pour un dirigeant d’entreprise de transférer Note d’information sur « dirigeants et délégation de pouvoirs », rubrique « Droit des sociétés ». CCI Alsace. https://www.ohada.org/index.php/en/ohada-doctrine/studies/448-la-responsabilite-penale-des-dirigeants-sociaux-du-fait-d-infraction-nonintentionneles#:~:text=En%20mati%C3%A8re%20p%C3%A9nale%2C%20la%20d%C3%A9l%C3%A9gation,n%C3%A9cessaires%20pour%20veiller%20%C3%A 0%20la 30 Thèse Professionnelle pour l'obtention du Diplôme de Mastère en droit de l'Entreprise sur la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise par Ahmed HALOUI ISCAE et Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de l'Entreprise 2006. 28 29
23
ses pouvoirs à un employé, en vue de s’exonérer de la responsabilité pénale, en sorte qu’il n’existe plus de responsabilité anonyme ou plurale».31
II.
Les caractères spécifiques de la délégation de pouvoirs
La délégation de pouvoirs doit être précise, pour exonérer l’employeur. Elle ne doit pas être formelle pour jeter la responsabilité pénale sur le délégataire. Pour Serio Dominique « le caractère officiel et le consentement du salarié délégataire devront être rapportés »32. La délégation de pouvoirs ne doit pas être imposée. Elle suppose le consentement du salarié et doit revêtir un caractère officiel. Dans le domaine de la conciliation des conflits collectifs du travail, l’article 558 du code du travail prévoit que les parties au conflit «doivent comparaitre en personne devant la commission33 ou se faire représenter par une personne habilitée à conclure l’accord de conciliation ....». Il ajoute que « toute personne morale, partie au conflit, doit déléguer un représentant légal habilité à conclure l’accord de conciliation». Dès lors, « pour s'exonérer de leur responsabilité personnelle, les dirigeants peuvent être tentés d'invoquer les délégations de pouvoirs qu'ils ont données. Cette excuse n'est en principe pas admise puisque la gestion de la société relève toute entière du dirigeant. Toutefois, la jurisprudence s'est assouplie, pour des raisons pragmatiques, et notamment en raison des situations injustes que ce principe peut susciter en matière pénale »34. En effet, dès 1902, la cour de cassation de Paris a, dans un arrêt de principe35, inauguré cet assouplissement en admettant, après avoir rappelé que « le chef d'entreprise est tenu pénalement responsable, comme s'il en était l'auteur, des contraventions commises dans l'entreprise qu'il administre directement », que «la responsabilité pénale de celles qui se produisent dans des départements dont il a délégué la direction, pèsent au même titre sur le directeur, gérant ou préposé qui l'y représente comme chef immédiat, avec les compétences et l'autorité nécessaires pour y veiller efficacement à l'observation des lois ». Cet arrêt allait par la suite, et en l'absence de dispositions légales spécifiques, ouvrir la voie à la construction jurisprudentielle d'un véritable régime de la délégation de pouvoirs en tant que cause d'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise. Elle a peu à peu affiné ce régime pour l'adapter à la subdélégation. Retenant à l’encontre du dirigeant social l’existence d’une « omission volontaire ». En raison de son imprécision, cette expression laisse une large marge d’appréciation aux juges pour caractériser l’élément intentionnel de l’infraction. En conséquence, certains auteurs considèrent l’exigence de cet élément comme étant réduit à l’état de pure fiction36.
31
Hamdouchi Miloudi, La délégation de pouvoirs en droit du travail, Publications de la REMALD, collection Manuels et travaux universitaires, n° 7, première édition 2007, p 13. 32 Serio Dominique, Le droit pénal du travail, Ellipses, 2010, p 44. 33 Il s’agit de la commission provinciale/préfectorale d’enquête et de conciliation et de la commission nationale d’enquête et de conciliation crées par le code du travail pour régler les conflits collectifs du travail. 34 Le Cannu, page 285 35 Cité dans : « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005. 36 « D. Rebut, « L’abus de biens sociaux par abstention », Rec. Dalloz 2005, p. 1290.
24
Confortant cette jurisprudence, la Cour de cassation37 a jugé que « le dirigeant de droit d’une société ne saurait s’exonérer de sa responsabilité pénale par le seul fait qu’il n’exerce pas réellement ses fonctions ». En l’espèce, le dirigeant ne disposait d’aucune indépendance dans l’exercice de ses fonctions, et ne faisait qu’exécuter les instructions qui lui étaient dictées par la société mère.38 Exemple : Le Président Directeur Général d'une entreprise industrielle poursuivi en raison de la pollution d'un cours d'eau par déversement de cyanure de potassium, voilà qui fait penser à une actualité assez récente. Pourtant les faits remontent au mois d'août 1969 et la Cour de Cassation a exonéré en février 1973 le chef d'entreprise de toute responsabilité pénale, la reportant sur le directeur technique en s'appuyant notamment sur deux faits marquants : l'entreprise employant plus de 1 000 salariés, comportait deux usines séparées de plusieurs kilomètres ; le PDG, lui-même salarié, était en congé annuel « droit absolu consacré par le Code du travail ». Pour la Cour de cassation, « le PDG avait la faculté légale et même le devoir d'organiser un service technique assurant la sécurité. Aucun texte ne prohibe les délégations de pouvoirs concernant les règlements de salubrité et de sécurité dans les entreprises »39. Le chef d’entreprise doit veiller personnellement au respect des dispositions légales et réglementaires, notamment celles prescrites par le droit du travail, parce qu’il est légalement présumé en avoir le pouvoir. Mais en pratique, cela peut se révéler matériellement difficile voire impossible. Les tribunaux admettent dans de tels cas que l’employeur se décharge d'une partie de ses fonctions sur un subordonné par le biais de la délégation dès lors que la nécessité du fonctionnement de l'entreprise, l'organisation, la taille l'y contraignent. Cela débouche sur un transfert de responsabilité : - La délégation de pouvoirs permet au chef d’entreprise de s’exonérer de sa responsabilité pénale en rapportant la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à un préposé, mais son efficacité n'est pas sans limite. - Pour le salarié délégataire, les conséquences de la signature d’une telle délégation de pouvoirs peuvent être très lourdes. Sa responsabilité pénale est engagée dans les mêmes termes que celle du chef d’entreprise. Le délégataire est en conséquence responsable de ses fautes personnelles mais aussi des fautes commises par les subordonnés placés sous sa responsabilité. D’où la nécessité d’une réflexion de fond préalablement à la signature de toute délégation de pouvoirs… Pratique de plus en plus répandue, la délégation de pouvoirs est pourtant souvent imposée aux salariés et soumise à leur signature sans possibilité de négociation collective ou individuelle préalable. Ses conditions de mise en place et de validité sont cependant assez précises, comme nous allons le voir.40
Section 2 - les conditions de validité de la délégation de pouvoirs
37 38 39
40
Crim., 31 mai 2012, n°11-86.234 H. Matsopoulou, préc. RCS 2013, p. 351. Cass. Crim., 14 fév. 1973, Bull. Crim. N° 81, p .191 RÉUNION DES JURISTES CFE-CGC DU 17 JUIN 2003 - LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE DU SALARIÉ
25
La jurisprudence admet que le chef d’entreprise puisse transférer sa responsabilité pénale par délégation de pouvoirs, établie sous certaines conditions et dans certaines limites, à un préposé pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires. Ainsi, le chef d’entreprise qui n’aura pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction, pourra s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il apporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à un préposé. Une telle délégation, lorsqu’elle est valable, déplace la responsabilité de la tête du dirigeant de la société sur celle du délégué, c’est souvent le cas pour les ingénieurs à la sécurité, les chefs de garage dans les entreprises de transports, etc. La délégation de pouvoir doit être circonstancier, c’est-à-dire de ne pas porter sur l’ensemble des pouvoirs du chef de l’entreprise et avoir un minimum de durée et de stabilité. Si on se place dans le cadre d’une infraction pénale, la délégation doit avoir été décidé avant, et doit être accepté par le bénéficiaire et un chef d’entreprise ne doit pas l’imposer à l’un de ses salariés. La délégation de pouvoir n’a aucun effet sur la responsabilité pénale de la société, celle-ci demeure pénalement responsable dans les conditions habituelles fixées par la loi. Mais il arrive que la délégation ne soit pas valable juridiquement, dans ce cas elle n’a aucun effet, et la responsabilité pénale du chef d’entreprise demeure pleine et entière. Des fois en effet, on a précisé que la délégation de pouvoir est dépourvue d’effets dans certains domaine, notamment pour certaines infraction boursières et fiscales, mais aussi en matière de ressources humaines, de publicités mensongères, de contrefaçon, et dans le domaine de la concurrence et de la distribution. Mais attention, même après une délégation de pouvoir, le chef d’entreprise demeure pénalement responsable s’il commet volontairement une infraction, il en est de même lorsqu’il est coauteur ou complice de l’infraction commise par le bénéficiaire. Néanmoins, pour être valable, cette délégation nécessite d’être faite de manière permanente à un subordonné ayant la compétence et l’autorité nécessaires. NB : la rédaction d’une délégation de pouvoir est à prendre très au sérieux, car en cas de problème elle sera étudier à la loupe par les juges. Les bases de ce régime ont été posées par cinq arrêts de principe de la chambre criminelle de la cour de cassation du 11 Mars 1993 en ces termes : « Sauf dans les cas où la loi en décide autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ». Tout d'abord, ces arrêts posent une règle générale selon laquelle, la délégation de pouvoirs dans l'entreprise est possible sauf si la loi en dispose autrement. Cette règle est venue mettre fin à l'ambiguïté d'une règle inverse qui avait longtemps prévalu qui « établissait que la délégation était exclue pour les actes relevant des fonctions de direction, lorsque la loi ne la prévoyait pas »41. Le champ d'application de la délégation s'en trouve donc élargi et par conséquent celui de l'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant délégant.
41
« La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005, p15
26
Toutefois, pour qu’une délégation de pouvoir soit admise, elle doit être claire et mentionner l’ensemble des conditions de validité, ainsi que l’accord du salarié concerné42.
I.
Les conditions concernant le délégataire43 : • •
•
La compétence : l’aptitude professionnelle du délégataire à exécuter sa mission. Cette aptitude est à la fois technique et juridique puisque la responsabilité pénale est fondée sur la violation d’une règle de droit. L’autorité : c’est le pouvoir de donner des ordres, des consignes et de les faire appliquer au besoin par le recours à des sanctions. L’autorité sous-entend donc l’indépendance du délégataire pour la mise en œuvre effective des pouvoirs délégués. Les moyens nécessaires : La compétence et l’autorité sont insuffisantes pour qualifier une délégation d’acte valide. Il faut, en plus, doter le délégataire de moyens humains, techniques et matériels pour accomplir réellement la mission.
Le délégataire qui peut être également le représentant légal endosse la responsabilité pénale relative à l’application de la législation du travail et de la sécurité sociale. Il devient l’auteur de l’infraction et encourt la peine dont il est passible sauf les amendes qui sont supportées par l’employeur44. Ce dernier peut s’exonérer de toute responsabilité pénale en prouvant que les faits qui lui sont reprochés ne relèvent pas du domaine du pouvoir qui lui a été délégué où qu’il n’as commis aucune faute personnelle susceptible d’engager sa responsabilité. Le code du travail exige par l’article 548 que le directeur ou le chef au sens de l’article 7 précité ait dans l’établissement, par délégation de l’employeur, la compétence et l’autorité suffisante pour obtenir des salariés placés sous sa surveillance l’obéissance nécessaire au respect des dispositions législatives et réglementaires. Cet article constitue en quelque sorte en matière d’encadrement de la responsabilité pénale du délégataire. En principe, le bénéficiaire de la délégation doit avoir la qualité de préposé c’est-à-dire un salarié titulaire d’un contrat de travail, quel que soit sa situation par rapport à la hiérarchie de l’entreprise.
II.
Conditions tenant à la personne du délégant et à la délégation ellemême :
« Aucune règle de droit ne s’oppose à ce qu’un chef d’entreprise, qui délègue ses pouvoirs à une personne pleinement qualifiée, autorise cette dernière à subdéléguer sous sa responsabilité, tout ou partie des pouvoirs qui lui sont dévolus »45. La délégation de pouvoirs inclut donc la possibilité pour le délégataire de subdéléguer, dès lors que toutes les conditions de validité exigées pour la délégation sont remplies par la subdélégation. Il convient de noter que l’autorisation du délégant n’est pas une condition de validité de la subdélégation : 42
Le droit pour moi.rev./ Grégory Doranges, avocat spécialisé en droit pénal et droit pénal des affaires. Jen Paul Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 ; MEDEF, « la délégation de pouvoirs », GPA « droit de l'entreprise », Décembre 2004 44 Bouharrou Ahmed, le droit pénal du travail et de la sécurité sociale, édition Friedrich Ebert Stiftung, 2012. 43
45
Cass. Crim., 8 février 1983, n° 82-92.364, Bull. Crim. n° 48.
27
« L’autorisation [du chef d’entreprise] n’est pas nécessaire à la validité des subdélégations de pouvoirs, dès lors que celles-ci sont régulièrement consenties et que les subdélégataires sont pourvus de la compétence, de l’autorité et des moyens propres à l’accomplissement de leur mission »46. La subdélégation peut permettre d’optimiser la répartition des pouvoirs au sein des unités de travail. Toutefois, la jurisprudence veille à ce que la subdélégation ne soit pas détournée de sa finalité en faisant obstacle à la responsabilité de la personne qui détient réellement l’autorité dans l’entreprise ou l’établissement. La délégation de pouvoirs doit avoir un « caractère limité »47, « stable » et « exclusif »48. Le chef d’entreprise ne peut déléguer l’intégralité de ses prérogatives d’organisation et de surveillance pour l’ensemble de ses établissements ou de ses services à un seul délégataire : ceci découle du caractère d’ordre public de sa responsabilité pénale, et il ne peut y avoir substitution totale du chef d’entreprise au délégataire. Ce caractère limité ne l’empêche pas d’avoir un objet étendu. Ainsi, la responsabilité d’un directeur de production, investi d’une délégation ayant un large objet, a été admise. En effet, dans ce cas, le délégataire « disposant des pouvoirs les plus larges afin de contrôler l’exécution des consignes par la totalité des salariés […] n’avait pas subdélégué comme il en avait la faculté »49. En l’espèce, il avait été reproché au délégataire de n’avoir pas subdélégué, ce qui aurait permis d’éviter l’accident puisqu’il ne lui était matériellement pas possible de contrôler les 2 000 salariés de l’entreprise. Enfin, la délégation de pouvoirs doit présenter un caractère stable. Pour être valable, la délégation de pouvoirs doit posséder un minimum de stabilité et de durée. En effet, seule une délégation ayant une certaine stabilité permet au délégataire de remplir efficacement la mission qui lui est confiée. Quant au caractère exclusif, la délégation de pouvoirs implique un réel transfert de pouvoir. Ceci exclut en pratique une pluralité de responsabilités pour un même objet. Une même délégation à plusieurs salariés n'a aucun sens. La jurisprudence considère de façon constante que le cumul de plusieurs délégations pour l'exécution du même travail est « de nature à restreindre l'autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires » 50. Elles ne sont donc pas admises. Il paraît en revanche tout à fait possible de faire coexister dans une même entreprise plusieurs délégations de pouvoirs lorsque le champ de chacune d’elles peut être aisément identifié et circonscrit : « pour que la pluralité de délégations soit valable, l'objet de chaque délégation doit être distinct »51. Il importe de rajouter que ni l’autorisation administrative, ni la tolérance administrative ne peuvent constituer une autorisation de la loi et ne peuvent donc servir de causes d’exonération. Ainsi dans le cas d’un redressement judiciaire, un administrateur est assigné aux mêmes pourvois incombant au chef d’entreprise dans le but d’entretenir la gestion de l’entreprise. Il est ainsi soumis aux obligations légales du même titre que le chef d’entreprises. Par conséquent les infractions commises lors de sa mission engagent sa responsabilité pénale.
46
Cass. Crim., 30 octobre 1996, n° 94-83.650, Bull. Crim. n° 389. Cass. Crim., 29 mai 1990, n° 89-84.177, précité Cass. Crim., 25 février 1986, n° 80-91.713 49 Cass. Crim., 28 février 1995, n° 94-82.577 50 cf. notamment Cass. Crim., 26 juin 1990, n° 89-82.022 51 Cass. Crim., 19 mars 1996 47 48
28
En principe, une fois les conditions sus-évoquées remplies, la délégation entraîne l'exonération de la responsabilité pénale du délégant, pour ce qui concerne les missions et pouvoirs qu'il a confié au délégataire.52 Toutefois, des nuances sont à apporter. A cet égard, la délégation de pouvoir doit être consentie par les dirigeants de droit à leurs collaborateurs pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise afin de s’assurer que les décisions prises dans le cadre de l’exercice des pouvoirs du dirigeant produisent leurs effets aux différents échelons de l’organisation de la société.
Chapitre 2 : Le transfert de la responsabilité pénale Section 1 : Le transfert de la responsabilité pénale au seul délégataire I.
Les moyens de transfert de la responsabilité pénale
La délégation de pouvoirs opère un transfert de responsabilité pénale et produit un effet exonératoire au profit du délégant. Par exemple si la délégation de pouvoirs porte sur la santé et la sécurité au travail, seul le délégataire pourra voir sa responsabilité pénale engagée pour ne pas avoir veillé à l’application effective des règles relatives à la santé et à la sécurité. Différents niveaux de délégation sont possibles : la délégation, la codélégation et la subdélégation. La codélégation consiste pour un dirigeant à déléguer ses pouvoirs entre différentes personnes, tandis que, dans la subdélégation, le délégataire délègue à son tour tout ou partie des pouvoirs dont il a été investi par son propre délégant, dès lors que ce dernier n’a pas interdit une telle subdélégation. Ces délégations ont des conséquences sur la responsabilité pénale du délégant, du délégataire et de la personne morale.
II.
Le principe directeur du transfert de responsabilité
En déléguant ses pouvoirs, le délégant transfère au délégataire sa responsabilité pénale dans la limite des pouvoirs délégués. A condition qu’il n’ait pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction, il sera donc exonéré de sa responsabilité pénale pour les infractions commises qui relèvent du domaine de compétence délégué. A noter qu’en aucun cas le délégant ne peut invoquer une délégation de pouvoirs pour s’exonérer de sa responsabilité civile. Celle-ci pourra d’ailleurs être engagée si la société peut lui imputer des fautes commises à cette occasion (défaut de surveillance du délégataire, mauvais choix de ce dernier, non-respect des conditions de validité de la délégation de pouvoirs…). Par l’effet de la délégation, le délégataire endosse de son côté la responsabilité pénale qui pèserait normalement sur le délégant. En cas de mise en cause, il ne pourra se dégager qu’en prouvant qu’il n’a pas commis la faute au titre de laquelle sa responsabilité est recherchée, ou s’il a usé lui-même de la faculté de subdéléguer une partie de ses pouvoirs, en rapportant la preuve de cette subdélégation. Dans l’hypothèse où il existe des codélégataires au sein d’une entreprise, le juge devra rechercher lequel d’entre eux dispose des pouvoirs liés aux actes litigieux. La 52
Cass. Crim, 19 novembre 2002, n° 02-81730 : « hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ».
29
responsabilité pénale du délégant et du délégataire ne peut être cumulativement retenue au titre des mêmes faits dommageables, sauf si le délégant a participé personnellement à la commission de l'infraction en tant que coauteur ou complice. Outre sa responsabilité pénale, le délégataire est susceptible d’engager sa responsabilité civile à l’égard d’une tierce victime de l’infraction dont il est déclaré coupable, et ce, même s’il l’a commise dans l’exercice de ses fonctions. Quant à la personne morale, en dépit de la délégation, elle reste responsable pénalement des infractions commises pour son compte par ses organes et représentants, ce qui recouvre les salariés délégataires. Leurs responsabilités pénales peuvent se cumuler. Enfin, outre sa responsabilité pénale, la société peut voir sa responsabilité civile mise en cause du fait des dommages causés par son préposé (le délégataire) à un tiers, sauf si elle peut établir que ce dernier a agi en dehors du cadre de sa mission, sans autorisation, et dans un but étranger à ses attributions.53 Le code du travail considère que la responsabilité pénale est alternative : cela signifie qu’une même infraction ne peut être retenue à la fois contre l’employeur et son délégataire. Il s’ensuit que, dans le cas où l’employeur a participé personnellement à la réalisation de l’infraction, les effets de la délégation de pouvoirs sont purement et simplement neutralisés : il peut être poursuivi pénalement en tant qu’auteur de l’infraction. Ainsi, si, sur le fondement du Code du travail, seul le délégataire peut en principe voir sa responsabilité pénale engagée pour ne pas avoir veillé à l’application effective des règles relatives à la santé et à la sécurité, le délégant peut aussi être reconnu coupable d’homicide ou de blessures involontaires lorsque la violation d’une règle de santé ou de sécurité a concouru à la survenance d’un accident du travail. Sur le plan pénal, en revanche, la responsabilité est cumulative. En ce cas, tous ceux qui ont concouru à la survenance du dommage peuvent être reconnus pénalement responsables, dès l’instant où il y’a atteinte involontaire à la personne Ainsi, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement dès lors qu’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. En conséquence, l’employeur n’est pas à l’abri d’une condamnation pénale pour homicide ou blessures involontaires du seul fait de l’existence de la délégation de pouvoirs. En ce cas, la faute qui lui sera reprochée ne résultera pas de la violation d’une prescription de santé ou de sécurité puisqu’il ne lui appartient plus de veiller à son application, mais le cas échéant d’une imprudence ou d’une négligence. La responsabilité pénale et civile du délégataire, mais aussi celle du déléguant, peuvent ainsi être mises en jeu à due proportion de leur implication dans la réalisation des faits. Lorsque le chef d’entreprise ou le supérieur hiérarchique du délégataire s’immisce dans le déroulement de la mission qui est confiée à ce dernier, cette implication annihile l’autonomie de décision qui conditionne l’effectivité de toute délégation de pouvoirs. Le transfert de responsabilité est également inopérant lorsque l’employeur a personnellement commis, ou participé à l’accomplissement de l’infraction. Enfin, le délégataire n’est pas non plus responsable si le chef d’entreprise, qui avait connaissance de l’infraction, n’a pris aucune mesure visant à la faire cesser.
53
file:///C:/Users/LAP/Downloads/La_d%C3%A9l%C3%A9gation_de_pouvoirs.pdf
30
Nous avons déjà souligné plus haut la fonction sociale du droit pénal des affaires en tant qu'outil de moralisation de la vie des affaires et de la sauvegarde de l'éthique qui devrait sous-tendre les relations commerciales. Le régime de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise tel que prévu par le dispositif législatif et encadré par les constructions jurisprudentielles procède donc du même souci. L'élaboration de ce régime a été fortement influencée par les transformations économiques et sociales observées à travers l'histoire et plus particulièrement tout au long du 20ème siècle et qui ont elles-mêmes marqué, et continuent à marquer, la politique pénale des gouvernements et particulièrement en matière de droit pénal des sociétés. L'étude de cette évolution a montré qu'au même titre que pour le droit pénal des affaires en général, le droit pénal des sociétés, qui fait une très large place à la responsabilité pénale du dirigeant, permet d'observer un double mouvement de « pénalisation » et de « dépénalisation » de ce droit. C'est même dans le droit des sociétés et le droit des entreprises en difficultés qu'il s'est montré le plus important eu égard aux considérations de politique économique des gouvernements et aux orientations idéologiques qui les sous-tendent.54 En raison de la forte inspiration du droit pénal marocain des sociétés du droit français, il paraît utile de montrer l'évolution comparative de ce double phénomène en France puis au Maroc en ce qui concerne la responsabilité pénale du dirigeant de l'entreprise, tout en essayant d'en montrer la spécificité dans chacun de ces droits et des contextes particuliers qui les expliquent. Auparavant, il convient de préciser ce qu'on entend par « dépénalisation » et « pénalisation ».
Section 2 : Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation » en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux au Maroc et en France I.
Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation » en matière de responsabilité pénale
La « dépénalisation » est un processus qui commence par une « désescalade d'une incrimination » qui consiste en un « adoucissement des peines encourues en fait, puis en droit, se poursuit par un « changement de qualification » (correctionnalisation puis contraventionnalisation) et se termine par une « décriminalisation qui sera parfois relayée par la mise en place d'un système de régulation concurrent au droit pénal.»55 La pénalisation est un processus inverse « de création (criminalisation) ou de renforcement des incriminations (élargissement du champ d'application d'une incrimination et/ou d'alourdissement de la peine) mais aussi, de façon plus générale, comme l'augmentation du recours au droit répressif ».
II.
Le principe du droit comparé en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux au Maroc et en France
54
Gatien-Hugo RIPOSSEAU : « Pénalisation et dépénalisation » (1970-2005), Mémoire de Master II- recherche droit pénal et sciences criminelles, sous la direction de Jean-Paul Jean , Université de Poitiers, Faculté de droit et sciences sociales , année 2004/2005 55 Gatien-Hugo RIPOSSEAU
31
Partant de ces notions, on observe en France et au Maroc des évolutions opposées en ce qui concerne la pénalisation ou la dépénalisation du régime de la responsabilité des dirigeants de l'entreprise. Alors qu'en France, on est passé d'une pénalisation croissante au lendemain de la seconde guerre mondiale à une dépénalisation substantielle de ce régime, au Maroc, on peut relever la relative jeunesse du droit pénal des sociétés en tant que corps de règles autonomes et du droit des difficultés de l'entreprise dans ses aspects relatifs à la responsabilité des dirigeants de l'entreprise. En d'autres termes, pendant la période où, en France, une véritable « inflation » du pénal a envahi tous les aspects du droit des sociétés commerciales et du droit de l'entreprise en difficulté, au Maroc le droit des affaires et le droit des sociétés marocains étaient caractérisés par leur « sous pénalisation » qui s'explique largement par le caractère désuet de ces droits. A l'inverse, alors que sous la pression des critiques de la doctrine et des milieux des affaires un mouvement de dépénalisation de larges pans du droit français des sociétés a été amorcé à partir des années quatre-vingt-dix, à la même époque, la modernisation du droit marocain des sociétés, qui s'inscrit dans un vaste mouvement de mise à niveau du droit marocain des affaires, s'est accompagné d'une pénalisation de ce droit et notamment du régime de la responsabilité des dirigeants de l'entreprise. Ainsi, on se trouve au Maroc à partir de 1995, avec un nouveau droit pénal des sociétés largement inspiré du titre II de la loi française 66-537 du 24 juillet 1966. Cette pénalisation s'explique par la volonté du législateur marocain d'assurer une exhaustivité de la sanction des obligations prévues par les nouvelles lois sur les sociétés et mettre à la disposition des opérateurs « un instrument de prévention et de répression au service d'objectifs clairement définis par lui et tenant essentiellement à la transparence, au renforcement de la protection des associés, à l'amélioration de la structure du fonctionnement des organes d'administration, de gestion et de direction et à l'amélioration du droit des affaires »56. Pour illustrer la volonté du législateur marocain de réaliser l'exhaustivité dans la pénalisation de la société commerciale, il suffit de constater que ces infractions et leurs sanctions accompagnent la vie de l'entreprise jusqu'à sa mort puisqu'elles couvrent aussi bien les phases de sa création que celles où elle est en activité jusqu'à sa cessation. A ces sanctions il faut ajouter celles qui sont prévues par le nouveau code de commerce dans son titre V du livre V consacré aux difficultés de l'entreprise et qui concernent les dirigeants de l'entreprise ayant fait l'objet d'une procédure de traitement. En ce qui concerne la France, force est de constater qu'au moment où le législateur marocain « mettait à niveau » le droit des sociétés en le faisant accéder à l'exhaustivité, au besoin par une transposition des mêmes infractions et sanctions de la loi française, une réflexion a été engagée vers le milieu des années 90 pour proposer une modernisation qui, s'agissant de l'aspect pénal, a cette fois pris la forme d'une dépénalisation d'une partie de cette loi. Au Maroc, dès la promulgation, le 30 Août 1996, de la nouvelle loi sur les sociétés anonymes, des critiques se sont élevées pour souligner les limites d'une « « modernisation » par le biais d'une transposition formelle, sans adaptation, des infractions édictées par les lois françaises au milieu marocain en mettent l'accent précisément sur le fait que,' au moment même où les lois marocaines ont vu le jour, la réflexion sur la dépénalisation du droit des sociétés était très avancée et regrettant que les rédacteurs de la loi n'aient pas mis à profit ces réflexions lors de son élaboration. Comme pour la loi française de 1966, les effets pernicieux de la prolifération des sanctions pénales prévues par ladite loi risquent d'être amplifiées dans le contexte marocain où le 56
Rachid Lazrak, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, editions La Porte, 1997, p.12
32
dispositif pénal pesant sur les dirigeants « risque d'être utilisé comme un élément de négociation, de menace ou de représailles dans les relations entre dirigeants et associés » et la migration des dirigeants des SA vers la forme de SARL observée depuis la promulgation de la loi sur les SA s'explique en partie par ce risque et aussi par le caractère familial et personnel prédominant dans les entreprises marocaines. Ces entreprises, devraient, selon ces critiques, bénéficiés d'un dispositif allégé et moins contraignant par le maintien de l'incrimination des seuls comportements intentionnels ou frauduleux, le renvoi pour certains délits au droit pénal général, la possibilité, chaque fois que c'est possible, de réparer les omissions ou erreurs non intentionnelles et le renforcement des peines civiles telles l'astreinte ou l'amende57.
Conclusion Le régime de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise constitue la pierre angulaire du droit pénal des affaires en général et du droit des sociétés et des entreprises en difficulté en particulier. En effet, l'étude de ce régime révèle la place centrale que la loi et la jurisprudence confèrent au dirigeant de l'entreprise dans la mise en œuvre du dispositif pénal qui accompagne la naissance, le fonctionnement de l'entreprise qu'elle soit in bonis ou en difficulté. Gardienne de l'éthique et de la morale des affaires qui sont le fondement de la responsabilité, la jurisprudence a joué un grand rôle dans la construction de ce régime en s'attachant à définir les éléments constitutifs de la direction de fait que la loi s'est contentée de reconnaître pour étendre le champ d'application de la responsabilité pénale aux dirigeants sans en préciser les contours. En reconnaissant la délégation de pouvoir comme cause possible d'exonération de cette responsabilité, elle a tenu compte de la réalité de la vie économique des entreprises et des impératifs d'une organisation moderne et efficace pour l'accomplissement de ses missions et la réalisation de leur objet social. Cette réalité que le législateur a également intégrée dans sa politique pénale pour adapter le régime de la responsabilité à l'impératif d'efficacité et d'utilité de la sanction pénale en insérant cette politique dans le double mouvement de pénalisation des actes les plus graves et de dépénalisation des actes ayant un caractère non intentionnel ou une portée limitée58.
57 58
Rachid Lazrak, le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, éditions Laporte, 1997, p.106 Cours de Madame le Professeur Corinne Mascala
33
Mais que ce soit au Maroc ou en France, force et de constater que les infractions phares fondatrices du noyau dur du droit pénal des sociétés, à savoir le délit d'Abus de Biens Sociaux et le délit de Banqueroute n'ont pas connu de bouleversements importants. Ceci dénote sans doute l'importance que le législateur continue à attacher à ces délits qui sont symptomatiques de la dimension éthique et morale que la société et les règles modernes de gouvernance d'entreprise attachent à une saine gestion des affaires. L'étude du régime des infractions de l'abus de biens sociaux et de la Banqueroute, comme exemples d'illustration de la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise marocaine a permis de relever la forte similitude des deux infractions en droit pénal marocain et français des sociétés et des entreprises en difficulté quant à leurs éléments matériel et moral. Cependant, l'interprétation de certaines dispositions marocaines révèle la particularité de ce régime en droit marocain. Bien que la jurisprudence française offre une source d'inspiration précieuse pour la mise en œuvre éventuelle de solutions appropriées par le juge marocain, ce dernier devra sans doute tenir compte des spécificités des dispositions marocaines afin de faire œuvre d'interprétation originale notamment en ce qui concerne la notion d'« intérêt économique » de l'entreprise dans le cas de l'abus de biens sociaux et le champ d'application de la banqueroute. Ces deux infractions cristallisent des enjeux juridiques, sociaux et économiques très importants et il appartient au juge marocain de faire œuvre d'ingéniosité afin de concilier entre différentes exigences : liberté individuelle et exigence d'éthique dans les affaires, liberté d'entreprendre et exigence de transparence du système économique, paix sociale et sens de responsabilité du chef d'entreprise.
Bibliographie Ouvrages et revues : -
ANDRE, akam, La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA in Rev internationale de droit économique 2007/2 (t. XXI, 2), p. 211-243. ROZES, Jean-Baptiste, la responsabilité des dirigeants, édition AFNOR, 2012, p.3. LAZRAK, Rachid, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, Rabat, Ed. La Porte, 1997, p.52. VERON M., « Droit pénal des affaires », éd. Dalloz, 2013. LARGUIER J. et CONTE P., « droit pénal des affaires », éd. Dalloz, 2009. BOULOC B., « le détournement d’actif par usage », Rev. Sociétés, 1999. Corinne Mascala, Cours sur le risque pénal, polycop, ISCAE - Université de Toulouse 1, Casablanca, année 2006-2007. 608 صفحة2007لرباط, محمد السفريوي صعوبات المقاولة وميدان التسوية القضائية من خالل اجتهادات مطبعة االمنية المجلس االعلى PATIN M., CAUJOLLE P, AYDALOT M, « Droit pénal général et législation pénale appliquée aux affaires », Ed. PUF, 1961. Traité théorique et pratique du droit pénal français. Tome 1, troisième édition / par R. Garraud Note d’information sur « dirigeants et délégation de pouvoirs », rubrique « Droit des sociétés ». CCI Alsace. E. Dreyer, « L’imputation des infractions en droit pénal du travail », RCS 2004, p. 813. « D. Rebut, « L’abus de biens sociaux par abstention », Rec. Dalloz 2005, p. 1290. H. Matsopoulou, préc. RCS 2013, p. 351. Le Cannu, page 285 34
-
-
-
-
-
Cité dans : « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 2004-2005. « D. Rebut, « L’abus de biens sociaux par abstention », Rec. Dalloz 2005, p. 1290. Jen Paul Antona, Philippe Colin et François Lengarlt : la responsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires, Dalloz-Delta, 1996 ; MEDEF, « la délégation de pouvoirs», GPA « droit de l'entreprise », Décembre 2004 Le droit pour moi.rev./ Grégory Doranges, avocat spécialisé en droit pénal et droit pénal des affaires Bouharrou Ahmed, le droit pénal du travail et de la sécurité sociale, édition Friedrich Ebert Stiftung, 2012. Hamdouchi Miloudi, La délégation des pouvoirs en droit du travail, Publications de la REMALD, collection Manuels et travaux universitaires, n° 7, première édition 2007, p 13. Serio Dominique, Le droit pénal du travail, Ellipses, 2010, p 44. Il s’agit de la commission provinciale/préfectorale d’enquête et de conciliation et de la commission nationale d’enquête et de conciliation crées par le code du travail pour régler les conflits collectifs du travail. Gatien-Hugo RIPOSSEAU Rachid Lazrak, Le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, editions La Porte, 1997, p.12 Gatien-Hugo RIPOSSEAU : « Pénalisation et dépénalisation » (1970-2005), Mémoire de Master II- recherche droit pénal et sciences criminelles, sous la direction de Jean-Paul Jean, Université de Poitiers, Faculté de droit et sciences sociales, année 2004/2005 Cours de Madame le Professeur Corinne Mascala Rachid Lazrak, le nouveau droit pénal des sociétés au Maroc, éditions Laporte, 1997, p.106
Mémoires : -
Thèse Professionnelle pour l'obtention du Diplôme de Mastère en droit de l'Entreprise sur la responsabilité pénale des dirigeants de l'entreprise par Ahmed HALOUI ISCAE et Université de Toulouse I- Sciences Sociales - Mastère Spécialisé en Droit de l'Entreprise 2006.
Conférences : -
RÉUNION DES JURISTES CFE-CGC DU 17 JUIN 2003 - LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE DU SALARIÉ
Textes de lois : -
Loi 5-96 formant code de commerce. Loi 17-95 formant code de commerce. Le code pénal. LOI N° 65.99 FORMANT CODE DU TRAVAIL Chapitre III, titre V du livre V de la loi 05-96 formant code de commerce L’article 6 du code du travail considère « comme employeur, toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui loue les services d’une ou plusieurs personnes physiques ». Cet article dispose que « les salariés visés aux 1ièr et 2ième de l’article 2 ci-dessus sont assimilés à des directeurs chefs d’établissement et ils assument la responsabilité de l’application des dispositions du livre II de la présente loi, lorsqu’ils fixent à la place de leurs employeurs, les conditions de travail des salariés telles que prévues par le livre II.
35
Ils sont également responsables de l’application de l’ensemble des dispositions de la présente loi, aux lieu et place du chef d’entreprise avec laquelle ils sont liés contractuellement, en ce qui concerne la fixation des conditions de travail et du licenciement desdits salariés ».
Jurisprudence : -
-
-
Cour d’appel Commerciale de Casablanca, arrêt n°173, dossier n°2018/8321/126, date du 2018/12/27. Cour d’appel commerciale Casablanca, arrêt n°135, dossier n° 271/8321/2017, date du 05/11/2018. Arrêt de la cour de la cour de cassation marocaine N°703 -29-03-95 Dossier N°99592-2, publié dans l’ouvrage : arrêts de la chambre pénale de la cour suprême édition 2007, page 14. Arrêt de la cour de la cour de cassation marocaine N°256 -17-03-11, Dossier N°507/6/10/2011, publié dans l’ouvrage : rapport annuel de la cour de cassation, édition 2011, page 13. Cour d’appel de Colmar, décision du 30 avril 1985. Cass. Crim., 14 fév. 1973, Bull. Crim. N° 81, p .191 Cass. Crim., 8 février 1983, n° 82-92.364, Bull. Crim. n° 48. Cass. Crim., 30 octobre 1996, n° 94-83.650, Bull. Crim. n° 389. Cass. Crim., 29 mai 1990, n° 89-84.177, précité Cass. Crim., 25 février 1986, n° 80-91.713 Cass. Crim., 28 février 1995, n° 94-82.577 Cass. Crim., 26 juin 1990, n° 89-82.022 Cass. Crim., 19 mars 1996 Cass. Crim., 8 janvier 1991, n° 90-82.792 Cass. crim. 15 mai 1974 n° 73-92.401 Cass. crim. 30 octobre 1996 n° 94-83.650 Cass. Crim, 19 novembre 2002, n° 02-81730 : « hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ». Cass. Crim, 19 novembre 2002, n° 02-81730 : « hors le cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à un personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ». « La responsabilité des dirigeants des sociétés commerciales », mémoire collectif préparé sous la direction du Professeur Yves Chaput, Université de paris I Panthéon, année académique 20042005, p15
Webographie : -
-
https://fr.hespress.com/119037-pai-2021-25-lindustrie-se-met-au-2-0-au-moment-ou-les-acteursdu-secteur-se-font-rares-au-maroc.html https://www.ohada.org/index.php/en/ohada-doctrine/studies/448-la-responsabilite-penale-desdirigeants-sociaux-du-fait-d-infraction-nonintentionneles#:~:text=En%20mati%C3%A8re%20p%C3%A9nale%2C%20la%20d%C3%A9l% C3%A9gation,n%C3%A9cessaires%20pour%20veiller%20%C3%A0%20la https://www.universalis.fr/encyclopedie/faux-et-usage-de-faux/ https://www.usinenouvelle.com/article/un-cadre-strict-pour-s-exonerer-de-sa-responsabilitepenale.N62718 file:///C:/Users/LAP/Downloads/La_d%C3%A9l%C3%A9gation_de_pouvoirs.pdf
36
TABLE DES MATIERES Remerciements………………………………………………………………………………....2 Sommaire……………………………………………………………………………………….3 Introduction…………………………………………………………………………………......6 Partie 1 : L’étendue de la responsabilité pénale des dirigeants sociaux………………………...9 Chapitre 1 : Les fondements et les caractéristiques du régime de la responsabilité du dirigeant de l'entreprise…………………………………………………………………………………….....9 Section 1 : La responsabilité au sens juridique et la spécificité de la responsabilité pénale…….9 III.
Une responsabilité de droit commun…………………………………………...9
IV.
Les éléments constitutifs de l’infraction………………………………………...10
Section 2- La notion de dirigeant pénalement responsable………………………………………..11 37
III.
Le dirigeant de droit………………………………………………………………12
IV.
Le dirigeant de fait………………………………………………………………...13
Chapitre 2 : infractions aux règles générales………………………………………………………14 Section 1 : Infractions prévues par le code pénal……………………………………………………14 III.
L’escroquerie………………………………………………………………….........15
IV.
L’abus de confiance et faux et usage de faux……………………………………….15
Section 2 : les infractions prévues par le code commerce………………………………….................18 III.
Le délit de Banqueroute……………………………………………………………..18
IV.
Les sanctions encourues en cas de délit de Banqueroute……………………….........21
Partie 2 : L’exonération de la responsabilité pénale des dirigeants…………………………………….22 Chapitre 1 : La délégation de pouvoirs comme un facteur d’exonération de la responsabilité pénale du chef d’entreprise………………………………………………………………………………………….......22 Section 1 : L'exonération de la responsabilité pénale du dirigeant social………………….....................23 III.
Le contexte de l’exonération…………………………………………………................23
IV.
Les caractères spécifiques de la délégation de pouvoirs………………………...............23
Section 2 - les conditions de validité de la délégation de pouvoirs……………………………………….25 III.
Les conditions concernant le délégataire………………………………………………...26
IV.
Conditions tenant à la personne du délégant et à la délégation elle-même.......................27
Chapitre 2 : Le transfert de la responsabilité pénale……………………………………………………....28 38
Section 1 : Le transfert de la responsabilité pénale au seul délégataire…………………………………...28 III.
Les moyens de transfert de la responsabilité pénale……………………………………..28
IV.
Le principe directeur du transfert de responsabilité……………………..........................29
Section 2 : Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation » en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux au Maroc et en France…………………………………………………………………31
III.
Notion de « pénalisation » et de « dépénalisation » en matière de responsabilité pénale…………………………………………………………………………………….31
IV.
Le principe du droit comparé en matière de responsabilité pénale des dirigeants sociaux au Maroc et en France……………………………………………………………………31
Conclusion…………………………………………………………………………………………...........33 Bibliographie……………………………………………………………………………………................34
39