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French Pages 256
PARLONS BAMILÉKÉ Langue et culture de Bafoussam
@ L'Harmattan, 2008 5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.Iibrairieharmattan.com [email protected] harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-07441-5 EAN : 9782296074415
Dieudonné
TOUKAM
PARLONS BAMILÉKÉ
Langue et culture de Bafoussam
L'Harmattan
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A ma fille Fabiola, A mes adorables neveux et nièces, ainsi qu'à tous les jeunes désireux de s'investir dans leur langue maternelle.
INTRODUCTION
Le bafoussam est la langue que parle le peuple du même nom, à l'Ouest du Cameroun. Les Bafoussam font partie de l'ethnie bamiléké. Autochtones de la ville de Bafoussam, ils habitent le cœur de la province bamiléké. Le bafoussam est la langue bamiléké de base, puisqu'il existe quelques dizaines de variantes dialectales plus ou moins distinctes. Sur ce plan, il est très souvent désigné comme la langue bamiléké, ce que plusieurs spécialistes suggèrent). Dans le cadre de l'étude des langues bamiléké, il a fait partie du groupe aka'a, la structure de base que l'on a jugée commune aux variantes dialectales bamiléké du département de la grande Mifi. Comme pour toutes les autres langues bamiléké, on estime que la langue bafoussam est née d'une très probable langue bamiléké unique que parlaient les premiers Bamiléké installés dans la plaine tikar vers les années 1200 de notre ère, en provenance d'Egypte. La langue bafoussam, à l'instar de la plupart de ses autres variantes de l'Ouest Cameroun, demeure prisonnière de l'oralité, sans système d'écriture. Après le bamoun, il était temps que le bafoussam s'offre une graphie et une grammaire harmonisée. Nous avons choisi d'y faire un travail d'amorçage; et plus on se consacre à cette langue, plus on lève le voile sur des richesses grammaticales et phono logiques étonnantes. A titre d'exemple, cette langue possède, entre autres originalités, des futurs du subjonctif et des futurs du conditionnel, elle apporte des graphèmes assez particuliers dans l'histoire de la linguistique: ow, gp.t,kh (différent de kh [Kh] du thaï, par exemple), pC,etc. Le présent ouvrage propose un alphabet de 33 lettres pour la langue bafoussam ainsi qu'une grammaire dont les aspects I On comprendra pourquoi en lisant, ci-dessous, « Le choix de la langue bafoussam ». 9
essentiels sont assez largement étudiés. C'est ainsi que l'on y trouve, entre plusieurs autres points de grammaire, d'importants éléments de phonétique, les traits particuliers de la langue, les règles de formation du pluriel des noms et adjectifs, la règle de formation de genres, la typologie et la morpho-syntaxe des déterminants, la conjugaison, la morpho-syntaxe tout court, l'influence mutuelle existant entre l'idiosyncrasie bamiléké et la langue, les proverbes et autres idiotismes, etc. Une langue étant le véhicule d'une culture, de nombreuses références culturelles viennent éclairer la compréhension de bien d'aspects sociolinguistiques.
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LE CAMEROUN Quelques repères géographiques et historiques
Géographie et population La République du Cameroun, pays d'Afrique centrale situé légèrement au-dessus de l'équateur, dans le Golfe de Guinée, est délimité à l'Ouest par le Nigeria, à l'Est par la République Centrafricaine, au nord par le Tchad et au sud par la Guinée Equatoriale, le Gabon et la République Populaire du Congo. S'étendant sur une superficie d'à peu près 375.400 km2, il est recouvert de trois types de végétation correspondant aux climats équatorial, tropical humide et tropical sec. La population du Cameroun est estimée à quelque 17 millions d'âmes réparties inégalement sur son étendue de forme triangulaire. Cette population est constituée de plus de 280 ethnies. Les principaux groupes ethniques sont, selon les chiffres de 1998, les Fangs IBétis (19,6 % de la population du pays), les Bamiléké et Bamoun (18,5 %), les Douala, les Loumdous et les Bassas (14,7 %), les Peuls (9,6 %), les Tikar (7,4 %), les Mandaras (5,7 %), les Makas (4,9 %), les Chambas (2,4 %), les Mbum (1,3 %) et les Haoussas (1,2 %). Depuis 1983, le Cameroun est divisé en dix provinces: l'Ouest (dont Bafoussam est le chef-lieu), le Littoral, le Nord-ouest, le Sud-ouest, le Centre, le Sud, l'Est, l'Adamaoua, le Nord et l'Extrême Nord. Histoire Le Cameroun fut baptisé en 1472 par des explorateurs portugais, qui s'étonnèrent de la présence de nombreuses crevettes dans l'estuaire du Wouri qu'ils nommèrent Rio dos Camaroes (rivière de crevettei). Le terme « Camaroes » 2
Ce qui est, en réalité, une fausse traduction, parce que l'estuaire du Il
évoluera en « Camarones », puis avec les Allemands, Kamerun. Colonisé en effet par des Allemands, dont les premiers débarquent à Douala en 1882, le Cameroun (appelé Kamerun) devient un territoire sous mandat de la Société des nations (SDN) dès 1919 après la défaite de l'Allemagne lors de la Première guerre mondiale. Il est donc administré, de deux manières différentes, par la France -qui occupe la partie orientale- et la Grande Bretagne -qui occupe le Cameroun occidental. Au lendemain de la création de l'Organisation des Nations unies (ONU) en 1945, consécutivement à la fin de la Deuxième guerre mondiale (1939-1945), le Cameroun - qui avait participé à la guerre aux côtés des Alliés- fut maintenu sous tutelle de l'ONU et administré par les mêmes « pseudo-colonisateurs ».
L'indépendance du pays intervient le 1er janvier 1960 après d'âpres luttes pour la libération menées aussi bien diplomatiquement - cf. les incessantes visites des leaders de la Résistance au siège des Nations Unies- que militairement. En effet, l'Union des populations du Cameroun (UPC) et son Armée de Libération durent combattre les Français, notamment, pour arracher la liberté du peuple camerounais. On se souviendra encore longtemps du lourd tribut qu'en paya le peuple bamiléké: plusieurs dizaines de milliers de morts et disparus. Depuis les vents du pluralisme politique de 1990, avec à la clé la naissance du plus important parti politique d'opposition (le Social Democratie Front), contrepoids du RDPC -qui est le transfuge de l'UNC des années 1950 à 1980-, le Cameroun est passé à l'ère de la «démocratie », comme toute l'Afrique d'ailleurs. De la «démocratie apaisée» à la « démocratie aux grandes ambitions », des concepts se sont multipliés, et on attend encore l'alternance politique, même si le parlement pluraliste et les libertés individuelles deviennent une réalité, Wouri n'a jamais eu de crevettes, mais plutôt des écrevisses -la nuance est de taille.
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dans un environnement économique qui suit son bonhomme de chemin. Carte d'identité Superficie: 475.442 km2 Population: autour de 17 millions d'habitants (estimation de 2005) Capitale politique: Yaoundé Quelques grandes villes: Douala (capitale économique), Bafoussam, Garoua, Bamenda, Maroua, Bertoua, Ngaoundéré, Buea, Elolowa. Situation: Afrique centrale, entre le 2e et le Be degré de latitude, et le 8e et le l6e de longitude Climats: humide au Sud (équatorial et semi-tropical), et tropical sec dans les deux provinces les plus au Nord Ressources économiques: agriculture (63% du PIB), industrie, mines, services Potentiel minier: Réserves: gaz naturel, 116 milliards de m3 ; pétrole, 200 millions de tonnes; bauxite, 1,2 milliard de tonnes. . . Quelques groupes ethniques (parmi les 286 inventoriés): les Bantous (Fang, Ewondo, Bulu, Etoa, Douala, Sawa, Bakwéri, Bafia, Banen); les Semi-bantous (Tikar, Bamiléké, Bamoun); les Soudanais (Kapsiki, Makakam, Mousgoum, Toupouri, Boum) ; les Hermites (Foulbé, Bororo) ; les Sémites (Arabe Choa) Langues officelles : français et anglais Monnaie: le franc CFA (lFCFA = 655 euros) Source: Les Atouts économiques du Cameroun, une publication de la Présidence de la République du Cameroun, Yaoundé, éd. Office Central de Promotion Extérieure, 2007.
LES BAMILEKE ET LES BAFOUSSAM Les Bamiléké sont le peuple autochtone de l'Ouest Cameroun. Ethnie reconnue pour son dynamisme et son sens 13
particulièrement élevé des affaires, on lui concède volontiers une place de choix dans la culture, l'histoire et l'économie du Cameroun. Les Bamiléké se reconnaissent également ancêtres de nombre d'ethnies voisines, en particulier plusieurs du NordOuest et d'une partie du Sud-Ouest. Ceux de Bafoussam, pour leur part, sont reconnus comme les ancêtres les plus proches de la plupart des Bamiléké et, à cet égard, ceux-ci leur attachent la même importance que celle accordée au pays tikar. Les Bafoussam ont fondé le groupement et la ville éponyme: Bafoussam. Au plan urbain, il s'agit de la troisième ville du Cameroun. Géographiquement et culturellement, c'est le carrefour du pays bamiléké. Histoire Les Bamiléké, donc les Bafoussam aussi, se déclarent descendants des Egyptiens, comme bien d'autres peuples d'Afrique sub-saharienne. Mais le fait qu'ils aient migré d'Egypte récemment par rapport aux autres (vers l'an 800 de notre ère, il n'était plus question de pharaons depuis longtemps) et qu'ils aient conservé l'essentiel de leur culture originelle, leur confère une force historique et culturelle majeure. Installés dans la plaine tikar vers 1200, les Bamiléké se désorganisèrent à la mort de leur dernier chef, sa majesté Ndeh, et du départ des princes Yendé (futur Yendé 1er), et, plus tard, de Ncharé. Le premier traversa la rivière du Noun pour fonder la dynastie bafoussam tandis que le second fonda le royaune bamoun dans la plaine du Noun. De Bafoussam naîtront beaucoup d'autres villages bamiléké, entre autres, Baleng, Balengou, Bandjoun, etc., entre le XIVe et le XIXe siècle (un ou deux groupements naîtront en plein XXe siècle). Croyances et religion De par ses origines, le Bamiléké est polythéiste. Mais avec le temps, il s'est résolu à croire en un seul Dieu, un Dieu pouvant s'incarner en toute chose. Le Bafoussam dira: « Tsapo Sîh» (Seigneur Dieu), sans autre idée que celle d'un seul être transcendental. En invoquant le « Dieu du village» (Sîh bè), le 14
« dieu des ancêtres» (en langue locale: Sîh pe ma'a, sîh pe ta'a), il se réfère à un seul dieu, à la façon d'un chrétien invoquant le dieu d'Isaac, le dieu de Salomon, le dieu d'Israël. Par ailleurs, le Bamiléké pratique un culte bipolaire: il peut s'adresser directement à Dieu dans ses prières - et très souvent, le fait dans des sanctuaires prévus à cet effet (lieu où les anges et autres esprits divins sont mieux à l'écoute des humains)- ; il peut aussi requérir la médiation de ses ancêtres décédés pour entrer en communication avec Dieu (culte des ancêtres ou culte des crânes), sans prétendre que l'ancêtre équivaut à Dieu. Pour ce qui concerne les rites, les Bafoussam, et avec eux tous les Bamiléké, regorgent de pratiques rituelles liées aux croyances, aux us et coutumes. Cest ainsi qu'au-delà des rites proprement religieux, il en existe pour les jumeaux, pour le veuvage, il en existe dans le cadre de l'initiation aux pratiques adultes, etc.
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PREMIÈRE PARTIE
DESCRIPTION
DE LA LANGUE
I -LA QUESTION DE FOND Dans la première moitié du XVe siècle, un certain Wandze (alias « Silah »), probablement le 3e successeur du fondateur de la dynastie bafoussam, posa un acte qui reste encore louable aujourd'hui: il réunit les notables de sa cour pour leur demander ce qu'il fallait faire pour que le peuple Bafoussam «survive à jamais et demeure lui-même» (entendez: qu'il évolue en gardant toute sa culture). Des réunions se multiplièrent donc et accouchèrent de deux stratégies qui, aujourd'hui encore, devraient servir de guide aux villages bamilékés: a) Il faut assurer la pérennité du village en faisant en sorte qu'il ait, chaque jour un peu plus, des enfants, et beaucoup d'enfants. Nous y reviendrons. b) Il est impératif de préserver l'identité culturelle du village. En quoi les sociétés d'hommes sont différentes les unes des autres? C'est à cette question, ô combien d'actualité, à laquelle les Bafoussam d'il y a cinq siècles tentaient déjà de répondre. On peut arguer avec Alain Finkielkraue que, dans le règne animal, tous les individus d'une même espèce sont pareils, que les chats sont égaux, les vaches aussi, etc.; et que c'est la dimension sociale et économique chez les hommes qui induit leurs différences et leur inégalité. Soit! Mais, si on mettait sur le tapis la question culturelle, n'y aurait-il pas là un creuset générateur de différences entre les peuples? Car l'homme bamiléké-bafoussam est une entité identitaire différente du Baleng, du Bafou ou du Batié, en dépit de la minceur des divergences culturelles existant entre eux. On sait que les Bamiléké constituent une civilisation, les villages se réduisant, pour l'essentiel, à la résultante de quelques différences. Si différence il y a, il est indéniable que l'identité culturelle de chaque village bamiléké, pour le cas d'espèce, est bien réelle et 3 Philosophe, auteur de l'ouvrage intitulé L'imparfait au présent (Gallimard, Paris, 200 I). 19
que sa pérennisation devient un impératif catégorique, à moins que le village concerné n'ait rien à offrir et reste voué aux gémonies, par l'incurie affichée face aux ravages du tandem aliénation-assimilation. Alors, que les Bafoussam s'interrogent: quelle est la marque identitaire qui fait d'eux un peuple unique, différent des autres, y compris de leurs cousins baleng, avec qui ils partagent quasiment les mêmes valeurs culturelles? S'agit-il des us et coutumes? C'est presque la même chose dans les deux villages. Les croyances et mentalités? A un iota près, c'est les patates d'un même billon. Les modus vivendi et operandi? On n'est pas loin de deux réalités jumelles! Cette comparaison peut être multipliée avec d'autres villages, en particulier de l'Ouest et Nord-ouest du pays. A l'analyse, il ressortira que la différence fondamentale réside dans la langue. Certes, la nuance est souvent négligeable (dans le cas du bafoussam et du baleng). Pourtant, il faut compter aussi avec la psychologie de la langue, reflet du psychisme profond de celui qui la parle en tant que langue maternelle. Le Négus de l'identité culturelle du peuple bafoussam, c'est bien sa langue. Imaginez-vous alors un village dont les natifs, en particulier les jeunes, ne comprennent, ni ne parlent la langue du terroir. Inéluctablement, ce village perdra, au fil de nombreuses décennies, ce qui est sa marque distinctive d'avec les autres villages: sa langue, et, avec elle, sa culture. Et si langue bafoussam venait à disparaître, cela signifierait qu'une autre langue, le bandjoun par exemple, occuperait sa place et amènerait avec elle à Bafoussam la culture du village bandjoun (c'est-à-dire, ce qui lui est propre). Conséquence: la ville de Bafoussam resterait, mais le village du même nom disparaîtrait.
II. LA NATURE DE LA LANGUE BAFOUSSAM En vertu des définitions que les linguistes de tout bord ont donné au concept de « langue », il est important de situer la nature de la langue propre au peuple Bafoussam. Est-elle une langue maternelle, un dialecte ou un patois?
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Reconnaissons d'emblée que le bamiléké-bafoussam est une langue telle que définie par des auteurs comme F. de Saussure, Gardiner, Greimas ou J. Roca-Pons, entre plusieurs autres: ensemble de signes (graphiques ou non) constituant un système de forme et de sens et servant de véhicule de communication. Un patois? Non! Il faut d'ailleurs se garder d'employer ce terme qui est, à l'évidence, péjoratif, et qui est défini comme étant « un parler propre à une région limitée, à l'intérieur d'un dialecte. » Et le dialecte? Il n'est autre chose qu'une variété régionale d'une langue. On en vient à penser, par exemple, à la langue bassa (Cameroun) avec ses variantes des départements du Nkam, de la Sanaga-Maritime et du Nyong-Ekellé; ou encore le swahili. En ce qui concerne la langue bamilékébafoussam, on ne peut pas nier qu'elle ressemble à toutes les langues bamiléké, donc influencées par les langues bantoues. Cet aspect du sujet est d'autant plus important qu'avec les travaux de Sep Pop, puis de Weinreich4, la dialectologie a reconnu que, malgré la complexité du concept de « dialecte », les variations régionales qui en constituent le socle impliquent qu'il a évolué à partir d'une langue. Il va de soi que les langues des Grassfields en général et bamiléké en particulier sont des langues nées d'une autre, le « bamiléké », qui était parlé par le peuple du même nom jusqu'à leur arrivée dans la plaine tikar au XIIIe siècle. Autrement dit, c'est un truisme que le bamilékébafoussam est un dialecte. Cela dit, c'est dans le contexte occidental que le concept «dialecte» sied le mieux, c'est-à-dire tel que défini comme langue régionale, à l'opposé d'une langue ayant une échelle nationale ou internationale. Les langues africaines, pour leur part, ne se sont pas imposées majoritairement à l'échelle nationale et encore moins internationale. D'où la pertinence de la teinte péjorative du concept de dialecte, tel que relevé par J. 4
S. Pop, La dialectologie. Aperçu historique et méthodes d'enquêtes linguistiques. I. Dialectologie romane. II. Dialectologie non romane. Lovaina, 1950. U. Weinreich, Languages in Contact. Findings and Problems. New-York, Linguistic Circle of New-York, 1953. 21
Roca-Pons : celui d'une langue dépourvue de culture littéraire ou scientifique.5 Vu sous cet angle, aucune langue camerounaise ne pourrait être considérée comme telle. Pis pour le bafoussam-bamiléké qui, jusqu'ici, n'a pas de graphie et demeure prisonnier de l'oralité. En tout cas, dialecte ou langue maternelle tout court ? Reste que le bamiléké-bafoussam est loin d'être un patois. A l'instar des autres langues des provinces de l'Ouest et du NordOuest Cameroun, il est perçu comme une variante du grand ensemble linguistique des Grassfields. Mais alors, quelle serait cette langue mère? Il n'existe ni une seule langue bamiléké (mais des langues bamiléké), ni une seule langue des Grassfields. Si seulement on avait là l'extrême certitude qu'à l'origine, il existait une seule langue bamiléké qui, dans le creuset de l'évolution linguistique, aurait alors donné naissance à plusieurs langues régionales? Bien sûr, on estime, à juste titre, que les Bamiléké, d'Egypte jusqu'à la grande vallée du pays tikar, gardèrent l'essentiel de leur culture, en particulier leur langue, dont on croit fort bien qu'elle était unique. En effet, s'ils n'oublièrent rien de leurs pratiques religieuses et coutumières, il est difficile de penser qu'au cours de leur long parcours (vers 800-1200 de notre ère), ponctué de longues périodes de sédentarisation et donc de métissage avec les Soudanais, les Peuls, etc., ils se soient séparés de leur langue. Ce n'est donc qu'à partir de la formation de différents clans en zone tikar suivie de la traversée, en groupes séparés, de la rivière Noun que, très probablement, les Bamiléké firent le lit de la division linguistique en leur sein, notamment en s'éparpillant en petits groupes. D'un autre côté, en admettant que les Bamiléké ont gardé leur langue depuis leur départ d'Egypte, on peut aisément penser que ce peuple a une langue d'origine égyptienne, et non pas bantoue - c'est-à-dire du grand Sud du continent africain. En pays bamiléké, de fait, nombre de vieillards soutiennent 5
J. Roca-Pons, El Lenguaje (Barcelona,Ed. Teide, 1981): "Es bien sabido
que es muy popular el concepto de dialecto en sentido peyorativo; entonces se entiende por dialecto una lengua sin cultivo literario 0 cientifico, etc." (p. 3). 22
mordicus cette thèse en s'appuyant sur la tradition orale. On suppose aussi qu'au cours de leur migration à travers la Nubie et la région soudanaise, les bamiléké ont vu leur langue subir une influence bantoue et, surtout, soudanaise. En tant que peuple issu des baladis d'Egypte (les Noirs irréductiblei devant les cultures romaine et arabe), les Bamiléké parlent aujourd'hui une langue nilo-égyptienne de par son origine, semi-bantoue en raison de l'influence des langues bantoues. A cet égard, nombre de linguistes et d 'historiens ont jusqu'ici, pour leur part, qualifié la famille linguistique bamiléké par l'épithète « semi-bantoue ».
III. LE CHOIX BAFOUSSAM
DE
LA
LANGUE
BAMILÉKÉ-
Il convient de rappeler I'histoire afin de faire comprendre que le bamiléké-bafoussam et le bamoun sont les deux premières langues bamiléké qui sont nées des cendres de la «langue bamiléké» au lendemain du départ du peuple en question du pays tikar. Qu'il soit loisible de rappeler que les Bamiléké, une partie des irréductibles Baladis (Noirs) d'Egypte, partirent d'Alexandrie vers le IXe siècle7. Ndeh, le chef des Bamiléké installés dans la plaine tikar, mourut en laissant des enfants, notamment Ncharé et son grand frère Yendé. Ce dernier abandonna le trône à son cadet et, en tant que chasseur, conduisit un groupe d'hommes dans la plaine du Noun, puis traversa - avec eux- la rivière Noun, au moyen de la lévitation, et s'installa sur l'autre rive du cours d'eau. On sait également que Ncharé abandonnera Mbankim pour aller dans la plaine du Noun fonder le pays bamoun, tandis que, de l'autre côté, Yen dé avait fondé le groupement Bafoussam plusieurs années auparavant (vers la 2émemoitié du XIVe siècle). 6 Que l'éminent égyptologue Moustapha Gadalla appelle « la majorité silencieuse d'Egypte ». 7 Lire: Dieudonné Toukam, Peuples bamiléké et bafoussam. Des repères historiques et culturels (à paraître). 23
La plupart des autres groupements bamiléké -hormis les Bamoun, et les Bangous- naîtront du groupement Bafoussam8. En d'autres termes, la langue bafoussam fut à l'origine de la plupart de ses sœurs de la région de l'Ouest-Cameroun, avec l'effet désastreux de la Tour de Babel, qui marquera la langue bamiléké de sa lugubre empreinte. Jusqu'à ce que, au fil des siècles, le Bamoun ne parle plus exactement la même langue que le Bafoussam, que le premier Balengou parti de Bafoussam se retourne dans sa tombe en constatant que sa descendance parle une autre langue, etc. Il était donc normal qu'après le bamoun, le bamiléké-bafoussam fasse l'objet d'une étude, et, surtout que des recherches sur certaines langues bamiléké prennent pour point de départ le bafoussam. Dans ce contexte, on ne saurait parler, dans le pire des cas, d'un sous-groupe linguistique, d'une plateforme d'étude phonétique, comme le gham'a-Iah (ou ghomala'), l'aka'a, qui se fonde sur le bafoussam dans le grand département de la Mifi, au Cameroun. Car, qu'on se le dise de manière formelle, il n'existe pas, dans les faits, de langue bamiléké appelée gham'a-Iah (terme générique signifiant « langue maternelle» /« langue du terroir »), ou toute autre appellation de circonstance. C'est bien connu: la langue des Bapi, quoiqu'un groupement numériquement très minoritaire, est le bapi, celle des Bandjoun, le bandjoun, au même titre qu'il existe le bafou, le batcham, le batié, le bana, etc. Les velléités de regroupement linguistique, ne serait-ce que pour des besoins d'étude, restent encore entachées d'égocentrisme et d'égoïsme dans les Grassfields camerounais, malheureusement. Cela dit, si le sous-groupe gham 'a-Iah rassemble plusieurs langues bamiléké (variantes dialectales), au même titre que d'autres sous-groupes tels le yemba, le ngomba, etc., il ne semble pas réaliste d'élaborer une grammaire et un dictionnaire qui s'impose à tous les locuteurs des langues d'un groupe linguistique. Un Bafoussam ou un Baham ne dira jamais qu'il parle le gham'a-Iah, mais le bafoussam ou le baham, par exemple.
8 Lire: Dieudonné
24
Toukam, op. cil. (ci-dessus).
Encore une fois, le bafoussam est la base du « bamiléké », très probable langue unique du peuple du même nom jusqu'à ce que l'effet de la Tour de Babel à partir du XVe siècle soit à jamais irréparable. Il est par conséquent normal que le bafoussam, encore appelé le bamiléké, soit une référence, tout au moins, en matière de recherche. La très grande diversité ethnique du Cameroun lui vaut une myriade de langues parmi lesquelles le bamoun, le bassa, , le fufuldé, le douala, l' ewondo, le bulu, le bakweri, le bamiléké et ses sous-ensembles (gham'a lah, nufi, yemba, medumba, ngomba'a.. .), eux-mêmes constitués d'une multitude de variantes dialectales (bafoussam, bansoa, bafou, bana, baleng, batcham, bangang, bazou, bandja, bandenkop, bamougoum, bamendjou, batoufam, batié, bandjoun, bangoulap, etc.), qui sont les véritables langues parlées dans les différents groupements baliméké de l'Ouest Cameroun. Nous reproduisons ci-après la liste des 281 langues vivantes du Cameroun publiée sur le site muturzikin.com (avec leur aimable autorisation). Les noms sont en anglais: abar, afade, aghem, akoose, akum, ambele, arabe shuwa, atong, awing, baba, babanki, bafanji, bafaw-balong, bafia, bafut, baka, bakaka, bakoko, bakole, baldemu, balo, bamali, bambalang, bambUi-bambui, bamenyam, bamukumbil, bamun, bamunka, bana, bangandu, bangolan, bankon, barombi, basaa, bassossi, bata, batanga, bati, beba, bebe, bebele, bebil, beezen, befang, bekwil, beti, bikya, bishuo, bilare, bokyi, bomwali, bonkeng, bubia, buduma, bulu, bum, bung, busam, busuu, buwal, byep, caka, cung, cuvok, daba, dama, dek, denya, dU, dimbong, doyayo, duala, dugun, dugwor, duupa, dzodinka, ejagham, elip, eman, english, esimbi, eton, evant, ewondo, fali north, fali south, fang, fang, fe'fe', français, fulfulde adamawa, fulfulde kano-katsina-bororro, gavar, gbaya northwest, gbaya southwest, ghomala', gidar, gimme, gimnime, giziga north, giziga south, glavda, gude, gvoko, gyele, hausa, hdi, hijuk, hya, iceve-maci, ipulo, isu, isu, iyive, jimi, jina, jukun takum, kako, kamkam, kanuri central, karang, kare, kemezung, kendem, kenswei nsei, kenyang, kera, kol, kolbila, kom, koma, koonzime, korop, koshin, kuk, kung, kuo, kutep, kwa', kwaja, kwakum,
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kwanja. la'bi, lagwan, laimbue, lamnso', lefa, leti, limbum, longto, luo, mada, mafa, majera, makaa, malgbe, malimba, mambai, mambila cameroon, manta, masana, maslam, matai, mazagway, mbe', mbedam, mbembe tigon, mbo, mbonga, mbu', mbuko, mbule, mbum, medumba, mefele, mendankwe-nkwen, mengaka, mengisa, menka, merey, mesaka, meta', mfumte, mina, mmaala, mmen, mofu north, mofu-gudur, mokpwe, moloko, mom jango, mono, mpade, mpiemo, mpongmpong, mser, mundabli, mundang, mundani, mungaka, musey, musgu, muyang, naki, ncane, ndai, ndaktup, nda'nda', ndemli, ndoola, ngamambo, ngambay, ngemba, ngie, ngiemboon, ngomba, ngombale, ngong, ngoshie, ngumba, ngwe, ngwo, nimbari, njen, njyem, nkongho, nomaande, noone, nsari, nubaca, nugunu, nyong, nzakambay, nzanyi, oblo, oku, oroko, osatu, pam, pana, parkwa, peere, peve, pidgin cameroon, pinyin, pol, psikye, samba leko, sharwa, so, suga, tibea, tikar, tiv, to, tsuvan, tuki, tunen, tuotomb, tupuri, twendi, usaghade, vame, vemgo-mabas, vengo, vute, wandala, wawa, weh, wumboko, wushi, wuzlam, yamba, yambeta, yangben, yasa, yemba, yukuben, zhoa, zizilivakan, zulgo-gemzek, zumaya. Langues disparues: duli, gey, nagumi, yeni @ Muturzikin.com (http://www.muturzikin.com/carteafrique.htm )
IV. COMMENT BAFOUSSAM
ÉCRIRE
LA LANGUE
BAMILÉKÉ-
Il est temps, pensons-nous, que la langue bamiléké / bamiléké-bafoussam ait désormais une écriture et que le natif du village en question exprime enfin mieux ses particularités culturelles. A cet égard, nous proposons ici un canevas en vue de l'adoption d'un alphabet de cette langue. Nous avons constitué un vocabulaire écrit asez consistant, des mots qui ont fait l'objet, pour la plupart, d'une analyse et d'une transcription phonétiques. En voici les conclusions:
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1) L'alphabet français doit être la base de toute recherche pour un alphabet de la langue bafoussam, étant entendu que la majorité des Bafoussam sont francophones; 2) A propos de l'apport de l'alphabet français, il cadre bien avec nos habitudes de prononciation, et reste à résoudre le problème lié aux particularités phonétiques et grammaticales de la langue bamiléké-bafoussam. 3) Conséquence de ce qui précède, il est important d'éviter des signes tels que a avec accents (aigu, grave ou circonflexe), â, 6, a, 9, t, ci, Ô, à, etc., c'est-à-dire un mélange confus de lettres des alphabets latin, grec, arabe, turc, espagnoL.. A l'heure où les langues ont à cœur de se simplifier chque jour un peu plus (le mandarin, le chinois, le portugais, l'allemand, le peul, le fufuldé, l'arabe, etc.), il n'est pas bon pour les langues de l'Ouest Cameroun de compliquer leur orthographe.
GRAMMAIRE BAFOUSSAM
DE
LA
LANGUE
BAMILEKE-
Nous proposons ci-après une ébauche de ce qui conviendra d'appeler la grammaire de la langue bafoussam-bamiléké. Comme on s'en doute, il ne s'agit que d'un premier coup de pioche consécutif à l'idée d'une graphie et d'un alphabet pour cette langue. Nous nous sommes basés sur des études sur le terrain assorties de notre propre expérience en tant que locuteur du bamiléké-bafoussam, langue maternelle. Si cette grammaire venait à être homologuée et acceptée de tous, cela impliquerait que les autres langues bamiléké devraient s'en inspirer, standardisation linguistique oblige. Avant tout, il convient de relever les particularités d'ordre phonétique et orthographique du bamiléké-bafoussam. Elles se retrouvent également dans les autres dialectes bamiléké, du moins pour la plupart de ces propriétés singulières.
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1) Phonétique et orthographe Au-delà des emprunts de la phonétique française, le linguiste qui se penchera sur la langue bafoussam aura maille à partir avec des singularités insoupçonnées. Nombre d'entre elles sont dégagées ci-après, lesquelles sont assorties de propositions consécutives à une première étude de la langue. Il faut aussi noter que dans les langues bamiléké, la grammaire, notamment la morphologie lexicale, est souvent tributaire de l'orthographe. Ce sont des langues à intonation, par excellence. Voici quelques traits essentiels de la langue bamilékébafoussam : (1) L'existence des triphtongues et diphtongues Il est important de compter avec des diphtongues et triphtongues9 particulières telles que ouo, ouô, oua, ouâ, a'a, 0'0, a'a, a'â ..., en dehors de celles du français: ie, ai, au, ua, oi, io, uie, etc. Toutefois, il faut résolument se faire à l'idée que la langue bamiléké-bafoussam ne possède les sons eu ([0] et [œ]JO) que dans des interjections; pas de un/urn, ei, non eau et au pour traduire le son 0 accentué ([au]), le ô (accentué) étant suffisant. (2) Les glottales (') en milieu de mot On devrait s'accoutumer, en attendant des améliorations ultérieures, à l'usage -souvent nécessaire- de glottales (apostrophes) entre les mots d'un terme ou d'une expression, à l'effet de marquer le lien souvent très étroit qui existe entre les différentes composantes du termell, ou pour marquer des sons 9
Il est à rappeler que les diphtongues sont des groupes de deux voyelles où la prononciation de chacune est séparée; en termes linguistique, là où il y a hiatus. Quant aux triphtongues, on a trois voyelles (avec le plus souvent une seule voyelle forte et deux faibles). 10 En transcription phonétique internationale ([0] comme dans feu, [œ] comme dans seul) lIOn entendra par terme (souvent différent du mot), tout mot ou groupe de mots qui forment un groupe nominal renvoyant à un concept. Ainsi, comme l'entend Alain Rey (Terminologie: noms et notions, Paris, PUF, 1979), un 28
longs; ils servent aussi à donner un sens plausible à la prononciation. A ce sujet, il est souhaitable d'en utiliser en cas de nécessité. Par exemple: pé yo mouenn'â12? (littéralement: avez-vous vu l'enfant?) ; é ti nong'é, il dansera; kam'sÎ, da'sÎ (qui peuvent, sans gêne, être écrits simplement: kamsi, dassÎ). Faut-il plutôt donner la préférence aux traits d'union, en lieu et place des apostrohes, comme en swahili? La question reste à l'ordre du jour. D'autre part, il est conseillé d'utiliser l'apostrophe pour lier les pronoms personnels compléments d'objet direct aux verbes. Ainsi, on devrait écrire: poe ka yo'f nous ne l'avons pas vu ; pé souong'f gue é kia'wok, dites-lui qu'il nous appelle. De même, on devrait utiliser la même glottale pour lier la particule de l'interrogation et de l'exclamation au verbe, sauf si la dite particule est une syllabe. Exemples: o tsa'! ? as-tu passé? ka tsè-è-wou ba ! je ne t'ai pas salué! e zouom-o 10? t' a-t-il insulté? gue ho'!. ! je suis parti! (3) Les glottales en fin de mot Comment traduire en écriture le son à l'arrêt brusque qui caractérise la fin de beaucoup de mots en bamiléké-bafoussam ? En effet, dans beaucoup de cas, le son final d'un mot terminé par une voyelle s'arrête assez brusquement, et il est important de faire transparaître cette donnée phonétique dans l'orthographe. Nous avons, pour notre part, préconisé l'usage d'une glottale (apostrophe) pour marquer cet arrêt peu orthodoxe. Alternativement, on pourrait également opter pour un h final (nasale vélaire), bien qu'il existe souvent un h à la fin
mot n'est pas toujours un terme (exemple des prépositions) et un terme ne se limite pas toujours à un mot (da sih est, par exemple, un terme à deux mots). 12Différent de pé yo mouenn'a (regardez mon enfant). 29
des mots n'étant pas affectés par le son d'arrêt brusque en question. Cette pratique se retrouve par exemple dans: kou'/ kouh (tabouret, chaise), di'/ dih13 (discussions intransigeantes, position ferme...), pou'/ pOUhl4(canif, couteau). Pour des besoins de forme, il serait mieux d'adopter uniquement le h final pour les mots terminés par des voyelles portant un accent orthographique. A titre d'exemple, né wâh youa (jeter quelque chose, égarer quelque chose) ; néh gnil5 (le corps de quelqu'un); téh (marmite); kéh (miroir); né sah (juger) ; kéh m'mîh (lunettes). Pour marquer l'intonation dans la conjugaison à certains temps, l'apostrophe est également nécessaire à la fin de plusieurs verbes. Par exemple, pa Iou nong'é, nous allons danser. Un détail sur l'usage de h: tout h utilisé en début de mot est aspiré. (4) L'accent circonflexe sur i, 0 et a Pour marquer l'intonation, capitale dans la langue bafoussam, il paraît impératif d'utiliser nombre d'accents, surtout l'accent circonflexe. D'où, par exemple, souôc/souôk (piment, différent de souoc/souok, savon), nkedé (banane) ; â pôh (littéralement: cela s'est brisé, différent de poh, champignon) ; nwalâ (un titre de fonction à la chefferie) ; tchîh (hibou) ; mkien (pluriel de nekien, magie, différent de mkién, assiettes); mbè l6(village, concession paternelle)...
13Cas de mots sans m- initial, mais pouvant se rendre en français par un terme pluriel. En bafoussam, ce genre de mots est minoritaire. 14 La lettre h finale ne s'avère pas nécessaire pour les mots terminés par la voyelle;} qui, en soi, induit un arrêt court. Ceci dit, pouh doit se prononcer sans accent. 15Synonyme de: oéh goi msouoo. 16Différent de mbé (hanneton) et de mbe (fruit noir, du nom de l'arbre appelé vulgairement « fruitier noir» au Cameroun). 30
(5) L'omniprésence de [3] Le son 3 que nous proposons à la langue bafoussam, qui ne ressemble en rien au [ 3 ] de la transcription phonétique internationale du e muet français, doit être appréhendé comme celui-là qui soit à même de convenir à des mots bamilékébafoussam tels que ki3 (eau), W3p (eux), tOU3 (tête). Au demeurant, la prononciation exacte de ces mots en bamilékébafoussam requiert que l'on prononce la voyelle /3/ un comme si l'on toussotait, c'est-à-dire, en optant pour une région articulatoire particulière: l'intérieur de la cage thoracique. Ce son est unique; il ressemble un peu au a svarabhactique17, mais ce dernier est souvent compris à mi-voilé alors que le g bafoussam est totalement audible dans un mot. Ce son est atone, plus sourd que e, et son point d'articulation est singulier. C'est pourquoi nous militons en faveur de l'introduction de 3 dans l'alphabet de la langue bafoussam. Ainsi, on écrira et lira, à titre d'exemple, ki3e (eau), W3p (eux), d3p (fil), tOU3gni (la tête d'autrui), goû nOU3(année de désastres); ki318(terme intraduisible); tSOU3 (bouche); tâh méguÎ SOU3mouenn (une femme afait une fausse couche19). Par ailleurs, convient-il d'ntroduire le son 3 portant un accent visible, afin d'établir la différence entre, par exemple, dzou3 (habit) et dzou3 (pois) ? En voulant absolument mettre l'accent sur le second mot, on n'aurait qu'à recourir à la typographie manuelle, ce qui alourdirait le travail. Il faut donc classer de tels mots dans le registre des homonymes; et l'usage s'occupera des nuances d'intonation. 17
Il se trouve, par exemple,dans une articulationposée de « aptitude» : [a p::J
ti ty : d]. 18 Prononcer cette fois en produisant un more final (on finit par une accentuation bien audible). Terme sans équivalent réel dans des langues nonbamiléké car renvoie à une réalité exclusivement bamiléké. Traduit à tort par « paria », ce dernier étant un concept qui n'a rien à voir avec la notion de « ki;) ». Mais si l'on admet qu'un « ki;)>>est ostracisé tel un paria, alors on peut affirmer qu'il ressemble à un paria dans la société. 19 On parlera d'avorter ou de faire une fausse couche selon que l'acte soit provoqué ou non. Le bafoussam n'a pas encore résolu la donnée terminologique découlant de cette différence, quand bien même on dira aussi: tâh megüi thiâ mouenn ; tâh megüi SOU;)mouenn. 31
(6) Le phonème Ipfl Le mot bamiléké-bafoussam rendu en français par veuf veuve constitue un réel casse-tête pour tout lexicographe voulant restituer la réalité avec une exactitude phonétique en bafoussam. En effet, comment faire comprendre aisément que la lettre f doit être particulièrement appuyée, les dents serrées dans un mouvement où les lèvres se ferment et s'ouvrent brusquement pour que ce son résonne plus ou moins exactement? Nous proposons l'introduction de la langue bafoussam du graphème pf, comme en allemand (même si la prononciation diffère légèrement). D'ailleurs, ce graphème traduit parfaitement la réalité phonétique sous-jacente: pfôk (veuf, veuve) ; né pféh (verser, différent de né féh, juger) ; né pfouh (mourir); né pfoué (manger); pfouenn (sorte d'animal) ; mpfouh (le «kuî ») ; pfe'gni (cadavre) ; lepfô (jour de la semaine). (7) L'existence d'un son particulier traduit par Ighl Le son bamiléké-bafoussam qu'il convient de rendre par gh est étranger aux langues comme le français. Il s'agit d'un son plus ou moins à mi-chemin entre le gu- français et le kh- arabe. Il se rapproche phonétiquement de la jota (j) espagnole. En bafoussam, on le retrouve dans des mots et des expressions comme Taghe (patronyme), ghihi mÎh (cupidité), né ghe youa (littéralement: avoir quelque chose), mghe gni (les agissements de quelqu'un, les actes de quelqu'un.. .). On évitera donc de prononcer gh comme les sons français ge, je ou gue. Il n'est pas non plus semblable au gh italien, d'ailleurs transcrit par [g]. (8) Le « m » prononcé à mi-voix dans « m + consonne» en début de mot Il est de bon ton de signaler que dans le parler d'un locuteur bamiléké-bafoussam, m est aspiré en début de mot et, au regard de la prononciation, laisse presque toujours sentir son existence dans le mot. C'est le cas de plusieurs mots au singulier et de la plupart des pluriels de mots. On écrira ainsi: 32
Msap (danse Msap) ; mtou2 (barbio) ; msack (jesses) ; mye (chèvre-s-) ; mkién (assiettes, disques) ; m'mih (yeux)... (9) La gémination de « m » en début de mot Subséquemment, m peut subir un doublement de consonnes consécutives. C'est un cas de gémination. Henri Morier définit ainsi le terme: « La gémination n'est autre que l'articulation de deux consonnes consécutives. »21 Il est d'ailleurs important de relever que le pluriel des noms terminés par m induit le doublement de la consonne m en début de mot. Puisque l'articulation doit faire entendre que m est bel et bien doublé, il intervient là le concept de gémination dans la langue bamiléké-bafoussam. Elle en existe trois instances, mais c'est celle de la consonne m initiale qui paraît particulière dans notre langue. Exemple: m'mâ I mmâ (les miens, les miennes) ; m'mokl mmok (les feux) ; m'mÎhl mmÎh (les yeux) (10) Le doublement de « n » en fin de mot Le bamiléké-bafoussam possède des sons longs, à base de consonnes nasales, notamment en fin de mots. Pour être exact, il convient d'allonger le -n final de certains mots pour leur donner un caractère duratif. Alors que le locuteur anglophone ou hispanophone réussit facilement à produire ce son (begin, pen; pan, Carmen), il est nécessaire, croyons-nous, que le Bafoussam double la consonne -n en fin de mot. Souvent, elle est précédée d'une voyelle tonique portant un accent orthographique. A titre d'illustration, on a: tÎnn (jer); né tinn (être fort) ; tchenn (nom donné à toute danse d'hommes masqués à la place de la Chefferie) ; nepouenn (le sein) ; né pouenn (s'agiter) ; souenn (l'ami); mouenn (l'enfant); penn (paille); bouenn (haine) ; kouenn dah (lit) ; né chenn (noircir), etc. 20 Se traduit aussi par: des (les) têtes, mais ici l'intonation est ascendante, contrairement au cas de la barbe; le contexte indiquera le sens et guidera la prononciation. 21Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, PUF, 1981, p.217. 33
(11) Le digramme ts [ts] et le trigramme tch [ti] Les sons ts [ts] et tch [tI] sont légion et d'une extrême importance en bamiléké-bafoussam. Aussi est-il légitime de revenir par exemple sur des noms, comme ceux des jours, qui, bien que souvent écrits au mépris de la prononciation standard, sont déjà gravés dans les mémoires. Ces groupes consonantiques, en langage technique, sont appelés des affriquées. «L 'affrication, écrit Henri Morier22, consiste en l'union, dans une même syllabe, d'une (consonne) plosive et d'une spirante: [ts] [ps](...). On la rencontre dans des mots , , comme tse-tse, psaume, tc heque. »23 L e son [ts] eXIste en russe ' (tsar) tandis que [d] est par exemple celui du nom italien Cecilia [de di lia], de l'anglais chat [tIret] ou de l'espagnol techo [te tIo]. Dans la langue bafoussam, on a: né tsoû (piler); tsa (jeune sissongho); tsoupou (choléra); tsou (guerre); tsé (gonococcie) ; tséh (porte) ; né tsi' (être sale) ; etc. De même: né tchiam (invoquer; maudire); né tchite (sécouer); tchimâh (prostituée) ; tcho (puceau, pucelle) ; tchÎh (hibou) ; né tchi' (tamiser / se prostituer) ; etc. '
(12) La double valeur phonétique de «u» ( p] woussanek, témoin [de l'anglais «witness »], synonyme de « kuitan » wassenek, veilleur de nuit [de l'anglais «watch night »] pulover, pull-over [de l'anglais «pull-over»] modé, lundi [de l'anglais «Monday»] sassedè, samedi [de l'anglais «Saturday»] sodé / soodé, dimanche [de l'anglais «Sunday»] bigdè, jour férié [de l'anglais « big day»], synonyme de léh dze cout, veste [de l'anglais « coat»] sarno kap / sarno moni, petite monnaie [de l'anglais « small money»] kouk, boy / bonne, domestique [de l'anglais « cook»] bouè, valet /domestique [de l'anglais « boy»] docfawélé, canard [de l'anglais «duckfowl »] kissiam, cuisine [de l'anglais «kitchen »], synonyme de toh-mok flépa, poèle [de l'anglais «frying pan»] fipa glassi, citronnelle [de l'anglais «fever grass »] sekoû, école /collège [de l'anglais «school »] balek / blek, pain [de l'anglais « bread»] Nadjélia, Nigeria [de l'anglais, par prononciation, « Nigeria»] Afica, Afrique [de l'anglais «Africa »], avec r > 0 pipa, papier [de l'anglais «paper»] ki, elef[de l'anglais« key»] ; synonyme de ki'dah (elefde la maison) 117
titcha, enseignant [de l'anglais « teacher»] tâm, temps / heure [de l'anglais « time»] hawa, heure [de l'anglais «hour », avec la consonne h bien aspirée] metchèssi, allumette [de l'anglais «matchstick »] drossam / dalossam, caleçon [de l'anglais «trousers », avec t > d] messa, monsieur [de l'anglais «mister », avec st > ss] lontchia, fauteuil !chaise avec dossier [de l'anglais « long chair» ] docta, 1. médecin /docteur / infirmier; 2. centre de soins (hôpital, dispensaire, clinique...) [de l'anglais « doctor»] menek, lait [de l'anglais «milk »] chigon, chewing gum [de l'anglais «chewing-gum »] fléwa,fleur [de l'anglais «flower »] woûdou, fenêtre [de l'anglais «window»], synonyme de fouè-dah (= orifice sur la maison) pia, avocat [du pidgin english «pea »], en raison du fait qu'en pidgin english «pea» renvoie à l'avocat (en anglais, avocat = avocado). wessiki, whisky (anglais) Allemand: kassa, chef suprême / président de la République [de l'all eman d « kaiser»] Français: Il s'agit, pour la plupart, de termes récents, notamment des néologismes liés à l'adoption des mots de l'évolution technique et technologique plan, planche [du français « planche»] sofè, chauffeur [du français «chauffeur »], synonyme de fon'metoua (qui conduit la voiture) taplé, table [du français « table»] télé, télé odinatè, ordinateur figo,frigo latré, électricité bato, bateau 118
avion, avion moto, moto baliè, barrière [synonyme de tséh gwia I pfapté gwia (= grande porte)] kamion, camion [synonyme de metoua kaalek] bissiku, biscuit foto, photo antè, antenne motè, moteur bague, bague [synonyme de figalé] (Le son « gue » se fait bien entendre quand on prononce l'emprunt « bague », qui vole de plus en plus la vedette à « figalé ») bonbon, bonbon tossalam (litt : torche de lampe), torche sida, sida licé, lycée CS, CES balon, ballon avocat, avocat [avocat défenseur] cinéma, cinéma cakton, carton casset, cassette Noms de pays: la plupart sont calqués ou empruntés au français Cameloum ICamelan, Cameroun Gabon, Gabon FlancÎ I Flassi, France Togo, Togo Senega, Sénégal Tchade, Tchad Sipagne I Issipagne, Espagne Djapon, Japon Alabi, Arabie Saoudite [synonyme de Gouon Meka, pays de la Mecque] Malok, Maroc Gouon Mandela (= pays de Mandela), Afrique du Sud Amélica, Amérique / USA. 119
Termes étran1!ers assimilés assez récemment pour lesquels le Bafoussam a for1!é un équivalent sans emprunter: Téléphone portable, ko'ho poû [litt: chose que l'on tient en main, vademecum] Ventilateur, youa fouok [litt : objet pour le froid] Climatiseur, youa fouok [aucune distinction avec le ventilateur] CD, kiang (litt : assiette) Machine à écrire, mechong ne nwoua youa [simple calque] Soutien / soutien-gorge, bolé Bière, mlou tsoua-tsoua [litt : vin amer] (même s'il existe bia, dérivé de l'anglais « beer») Casque, tcho tsou [litt : chapeau de guerre] Béret, tcho mkétoû [litt: chapeau de la force de l'ordre allusion faite du chapeau des policiers et gendarmes au Cameroun] Ampoule (d'électricité), môk [= feu] / lâm latré [litt : feu de l'électricité] Remarque: Il importe de savoir que les Bamiléké en général et les Bafoussam en particulier n'ont quasiment pas adopté ou calqué de verbes des langues étrangères. En bamiléké-bafoussam, on se contente d'expliquer l'action du verbe étranger au travers des périphrases verbales ou des verbes de la langue qui seyent à la situation: téléphoner, né kia né khe tÎnn (= appeler au moyen du fil) condamner (un justiciable), né lok (gni) [enfermer (quelqu'un)] condamner quelqu'un avec sursis, né lok gni da'hâ tak'é djÎ [= litt : enfermer quelqu'un, mais en le laissant libre] glacer la boisson, né ghe mlou miam [= faire en sorte que la boisson soit humide] congeler le poisson, né ghe bapgou gl1am [= faire en sorte que le poisson se solidifie] climatisez la salle de danse, pé ghe dah bouom miam [= faire que la salle du bal soit humide] 120
réchauffons le reste de la nourriture d'hier, pa lapté vou'oû yitchi bouèdjî (le verbe équivalent existe) je vais vous conduire à bord de ma voiture pour la mairie, gue si go Conwé tsam metoua-wa ne ho youa mèè (les verbes équivalents existent). Réalités bamiléké traduisibles par emprunt: le terme ori!!inel est reconduit dans les lan!!ues étran!!ères ba'bong, le ba 'bang [spécialiste qui retarde ou dévie la pluie], différent du« faiseur de pluies» nah pè, le nah pè [sauce jaune à base d'huile et de vinaigre de cendre], différente de la «sauce jaune» italienne, par exemple nah pah (litt : « sauce pour la maison»), synonyme de nah pè nah nké, le nah nké (sauce fortement assaisonnée, mais sans huile, ni tout autre condiment moderne; accompagne le taro) tchiap, le tchiap (sorte de malédiction qui requiert un rite de purification) kiah, le kiah (maladie rationnelement inexplicable due à une malédiction: le/la malade qui ne respecte pas les interdits et ne se débarrasse pas rapidement du mal au moyen d'un acte sexuel -au cours duquel le mal-malédiction est transmis- meur au terme d'une accumulation mystique d'eau dans le ventre. Le kiah désigne aussi le/la malade; il/elle est le plus souvent ostracisé par la société, ce qui fait de lui/d'elle un paria) Les noms de notables. de sociétés secrètes. d'associations. de rites particuliers. etc. En voici quelques-uns, qui ne peuvent qu'être empruntés par d'autres langues: Nwalâ, un Nwalâ (titre de fonction et de notabilité à la chfefferie ; un Nwalâ ressemble, en quelque sorte, à un général d'armée, un collaborateur spécial du chef) TchoCo / Tcho'Co, un Tchofo (dignitaire de la Chefferie supérieure) Nwembè, un Nwembè (titre de notabilité) DeCo, un Defo (titre de notabilité) 121
Sa'diè, un Sad'diè / Sadiè (autre titre de notabilité), et bien d'autres. Réalités bamiléké-bafoussam dont les noms ont été , . 91 ( ) crees neo I021smes : " tchouo gam'sÎ, mygalomancien [Néologisme que nous avons forgé selon le modèle « nécromancien» et « géomancien » Mygalomancien : spécialiste de la divination se servant des révélations des mygales divinatrices] gam'sÎ, mygalomancie si'khou,frotteur de mains magnétiques [Autre néologisme créé pour désigner un Spécialiste de la recherche de trésors cachés, de crânes introuvables, des poudres souterraines de malédiction, etc., qui se sert d'une substance magnétisante qu'il frotte dans ses paumes de mains pour être conduit vers le lieu ù se trouve l'objet recherché] khouh, frottememts de mains magnétiques / recherche par frottements de mains magnétiques Les vides lexicographiques du bamiléké-bafoussam La langue bamiléké-bafoussam, comme quasiment toutes ses sœurs du Cameroun et d'Afrique, souffre de l'absence d'un vocabulaire concernant les découvertes plus ou moins récentes opérées dans l'hémisphère Nord. Par exemple, en ce qui concerne les sciences médicales, il n'existe pas grand-chose pour traduire les termes français ou anglais. Le gap est également énorme dans le domaine des sciences dites rares (nucléaire, astronomie, astrologie...), de la technique et des technologies (ingénieries diverses: électronique, génie civil, informatique, mécanique automobile, armements, aviation, ...), des arts, de la recherche expérimentale, etc. Pour se limiter à quelques cas, le locuteur du bamilékébafoussam ne trouvera pas de mot ou expression -si ce n'est une longue phrase explicative- pour traduire: mitochondrie, 91
Lire: Dieudonné Toukam, Peuples bafoussam et bamiléké; des repères historiques et culturels, Yaoundé PUA, 2007. 122
corps de Golgi, gène, groupe sanguin, électrophorèse, puce, clavier, batterie, culasse, vilebrequin, centrale nucléaire, phosphore, soufre, nitrate, condensateur, pixel, moteur de recherche, réseau LAN, intranet, tuile de noue, table vibrante, séchoir tunnel, macro, jumper, web, piercing, clinker, etc. Il devient donc impérieux de forger des néologismes pour la langue, soit en acceptant certains termes étrangers et en les adaptant à la phonétique locale, soit en en créant. Maintenant que la langue bafoussam dispose d'une graphie, les linguistes de la région bamiléké ou d'ailleurs devraient se pencher enfin sur un dictionnaire, des lexiques spécialisés, afin de venir à bout de cette énorme lacune lexicographique et terminologique. La situation du bamiléké-bafoussam et des autres langues nationales au Cameroun Le gouvernement camerounais s'efforce de faire ce qu'il peut pour promouvoir les langues maternelles du pays. Des organismes privés y sont encore plus impliqués. C'est surtout le cas de SIL Cameroun qui travaille sur de nombreux groupes et sous-groupes de langues au Cameroun. Mais le travail est titanesque, surtout quant à imposer la langue d'étude d'un sousgroupe linguistique d'une demi-douzaine de langues, le yemba par exemple, aux locuteurs de ces langues. La loi 98/004 du 14 avril 1998 portant orientation de l'éducation au Cameroun consacre la promotion et l'enseignement des langues nationales, qui sont à peu près au nombre de 286. L'article 5 de cette loi dispose: «Au titre de la mission générale définie à l'article 4 cidessus, l'éducation a pour objectifs: [...] 4) la promotion des langues nationales ». Et l'article Il déclare: « L'État assure l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique de L'éducation à laquelle concourent les collectivités territoriales décentralisées, les familles ainsi que les institutions publiques et privées. À cette fin, il [...] veille à l'adaptation permanente du système éducatif aux réalités économiques et socio-culturelles nationales ainsi qu'à l'environnement international, 123
particulièrement en ce qui concerne la promotion des enseignements scientifiques et technologiques, du bilinguisme et l'enseignement des langues nationales; » En ce ce qui concerne le bamiléké-bafoussam, cette langue n'est enseignée nulle part, tout comme la grande majorité des langues nationales au Cameroun. Mais elle bénéficie, au même titre que deux ou trois de ses sœurs de la Province de l'Ouest du pays, des tranches d'émission à la CRTV Radio Ouest, la station provinciale de la Radio-Télévision d'Etat. Deux ou trois fois par semaines, des journalistes et animateurs locuteurs de cette langue y animent des émissions à caractère informatif et culturel. D'un autre côté, la station locale de Radio Bonne Nouvelle, chaîne chrétienne, organise hebdomadairement plusieurs émissions d'études bibliques, de débat et de culture en langue bafoussam. Cela dit, on estime que seulement 20 à 25% d'émissions radiodiffusées au Cameroun sont en langues nationales, le reste étant en français et en anglais. Mais aucune des langues nationales n'est utilisée dans des émissions télévisées, ni dans la presse écrite, la plupart manquant encore de système d'écriture.
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DEUXIÈME PARTIE
CONVERSATION
COURANTE
L'expression de politesse ou de respect Avant tout, il faut rappeler que l'essentiel du comportement sociologique reconnu aux Bafoussam l'est également pour les Bamiléké en général, au même titre que les traditions et coutumes. La langue bamiléké-bafoussam, comme ses sœurs de l'Ouest et du Nord-Ouest Cameroun, ne dispose pas de formules de politesse à l'image du vouvoiement dans ses homologues européennes, par exemple. Dans ce cas, pas besoin de chercher des équivalents standard au «vous» français de vouvoiement, ou au « usted / ustedes » espagnol, ou encore au «vocé /vocès» portugais: le vouvoiement est étranger à la cultutre bamiléké, donc aux Bafoussam. En revanche, les Bafoussam ont une manière d'exprimer le respect dû aux aînés d'un certain âge. D'ailleurs, le respect à devoir aux aînés, corollaire du droit d'aînesse, est d'une importance monumentale en pays bamiléké. Cette tradition y est presque légendaire! L'expression du respect se cristallise sous plusieurs formes: Dans le langage courant, les mots hn et ô (oui) ainsi que guieng (non) expriment du respect au moment où l'on les étire à la fin, c'est-à-dire en utilisant la glottale 00 (oui) et guieng'é (non). Soit l'entretien suivant au cours duquel une femme reçoit un ami de son mari: - Bonjour! Soyez le bienvenu, Monsieur! -Merci! Le chef de famille est-il là ? -Pardon? Ha oui! il est à l'intérieur. Veuillez entrer. En faisant fi de tout signe de respect, on a la traduction suivante: - 0 tiâ ? Cho'â pouon ! - Hn !92Guien bè si'â ? Ehn93 ? Éh, hn ! É dâ. Konenn dâ. 92
Le Bafoussam répond à un souhait de bienvenue par hn /ô'%r (litt : oui), contrairement à l'Européen, par exemple. Cela dit, il faut retenir que « merci!» se traduit par gue penn !, et par metokwa! ou gue tâm ga'a touo'o!, quand on reçoit un présent ou bénéficie d'un service rendu. L'emprunt français « merci» est également bien implanté dans la langue du quotidien. 93Ou bien ééh ? ou encore gue'kéé? 127
Si la femme s'exprime avec beaucoup de respect, on a ceci (constater la glotallisation) : - 0 tia'a ? Cho'â pouonh'é, Ta'a94. - Hn! Guien bè si'â? - Ehé? (ou Gue kéhé? Ka zou'ou !) Éh, 00 ! é dâha. Soussouë5 kouenn dâha. Ainsi ô tia ? (bonjour) devient ô tia'a ? ; ehn ? (quoi ?) se transforme en ehnn ? / ééh ; hn / 0 (oui) devient « 00» ; ka zoû (je n'ai pas compris) sera ka zou'ou, etc. . En pays bamiléké, tout homme ou femme dont l'âge (ou l'apparence) permet de croire qu'il aurait pu vous mettre au monde est interpellé par « papa »/ « père» ou « maman» / « mère ». Cela a induit une transposition de cette réalité sociologique en français, en anglais ou en pidgin english, entre autres langues de la région. En outre, il peut se trouver que l'homme rencontré ne soit pas nécessairement âgé, mais qu'il soit successeur d'un « papa» connu ou d'un notable suffit pour qu'on l'appelle « papa ». En vérité, cette réalité n'est pas seulement le propre des Bamiléké, mais de toute la région des Grassfields qui pratique quasiment les mêmes coutumes, les mêmes idiolectes et idiosyncrasies. Ainsi, traduire 0 tiâ, papâ?; gue tsèhè wou Ta'a Souop Talâh par « Bonjour, Monsieur,. je te (vous) salue, Monsieur Souop Talâh », c'est être non seulement trop formel, mais aussi se départir de la culture des Grassfields camerounais. . Certes ta'a et ma'a traduisent les termes français « monsieur» et « madame» / « mademoiselle ». Pourtant, ces mots bamiléké-bafoussam sont foncièrement empreints de respectabilité. En effet, dans les faits, ils sont employés soit pour marquer du respect, notamment à l'égard de dignitaires et autres personnalités, soit pour exprimer une certaine affection. D'un autre côté, on s'en sert souvent de manière ironique, notamment dans un contexte familier. 94
On peut aussi associer le nom ou le titre de notabilité, le cas échéant, à Ta'a. D'autre part, on a coutume d'entendre également des noms d'éloge (Ta'a belon, ta'a pékou, etc.) 95 Veut dire « s'il vous plaît» : il est régulièrement utilisé pour appuyer le sens du respect dû. Il est à noter que, selon les cas, soussoué peut se rendre par: « s'il te plaît» ou « s'il vous plaît ». Soussoué yé (litt: pardon I) est traduit par « s'il vous plaît », mais sans vouvoiement. 128
. En matière de salutation, on sait à l'Ouest Cameroun qu'il appartient seulement à l'aîné de tendre la main, que sa main est reçue dans les deux mains de l'autre, qui, en plus, peut, selon les cas, se voûter quelque peu le dos lors du geste de salutation. Pendant la courte conversation liée aux civilités, un certain écart physique est respecté entre l' âiné et son interlocuteur, alors que ce dernier doit éviter des gestes peu orthodoxes, croiser ses bras dans le dos ou se tenir les poignets tout en les gardant au niveau des cuisses. Le reste est observable dans toute société d'hommes: le plus petit évite de couper la parole à l'aîné, baisse le ton, se rapetisse dans la discussion, pose sagement des questions, etc. . Un fait terminologique essentiel qu'il convient de mentionner se rapporte à l'horreur que le Bamiléké éprouve pour les mots « demi-frère» et « demi-sœur ». A l'unanimité, on pense que ces noms sont plus réducteurs et dégradants que « frère consanguin» ou « sœur consanguine ». Il faut se rappeler qu'en pays bamiléké, le mariage polygamique, depuis des lustres, est la règle d'or. Il s'ensuit naturellement que l'homme a des enfants issus de plusieurs femmes alors coépouses, et que les enfants ne sont pas tous des frères et sœurs utérins. Alors que la notion reconnue de consanguinité englobe, dans son acception la plus large, tout lien de parenté du côté paternel (démi-frère de père, cousins et petits cousins paternels...)96, à l'Ouest Cameroun, le même concept subit un glissement sémantique, une enthropie imputable à l'envie de trouver un nom plus respectueux que « demi-frère» et « demisœur ». Car, dans la mentalité bamiléké, il n'existe que de frères et sœurs, et jamais de frères et sœurs « à moitié ». Dans ce contexte, c'est la définition de consanguinité la plus restreinte
96Consanguinity: "... kindred relationship by descent, either lineally, as in the case the father and son, or collaterally, by descent from a common ancestor: thus, cousins are related by collateral consanguinity, being descended from the same grandfather or grandmother" (Jowitt's, 2nded., 1977). 129
qui est acceptée: père».97
« lien qui unit les enfants issus du même
Salutation A l'Ouest Cameroun, en dehors du chef à qui l'on s'adresse en employant le terme Mo (cas des Bafoussam et leurs voisins), toute autre personne est désignée par Ta'a (litt : monsieur) ou Ma'a (madame, mademoiselle). Ainsi, si l'on peut traduire « Sa Majesté» ou « Son Altesse Royale» par Mo en bamiléké, il reste que les autres vocatifs ou formules d'appellation/salutation ne disposent pas d'équivalents. Il s'agit de: Monseigneur, Mon Révérend Père, Mon Général, Mon Colonel, Maître, Honorable, etc. A cet égard, inutile de rappeler que tous ces titres sont étrangers à notre culture, du moins à l'origine. On le sait de toute façon: la langue est le véhicule d'une culture donnée. En bafoussam, le verbe né tsè'hè (saluer) traduit également le substantif « salutation ». Mais on peut dire aussi: tsè'hè ou ntsè'hè, salutation. Les Bafoussam, comme tout Bamiléké, saluent à tout moment de la journée ou de la nuit. Par le passé, on saluait toute personne qu'on rencontrait dans la rue, au champ, au marigot, dans la forêt, partout. De nos jours, eu égard à l'urbanisation et à l'arrivée d'étrangers dans le territoire bafoussam, on n'assiste à des salutations touts azimuts qu'en zone rurale. La salutation est fonction de I'heure, de la personne que l'on a devant soi -inconnue, familière, notable, etc.), et, parfois, de l'humeur. A toute heure, les expressions suivantes sont employées indistinctement: - Gue tsè'hè.
- Je
te (vous) salue; salut.
- Gue tsè'hè woû. - Je te salue; je vous salue (vouvoiement). - Gue tsè'hè wé .-Je vous salue (vous, pluriel). - A mgueke ? - Comment vas-tu? ; comment allez-vous (littéralement: c'est comment?, avec m- qui se prononce). 97 Paul Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paris, éd. Société du nouveau Littré, 1975. 130
- Tchouong gue'ke? / Tchouong wa'ha? - Comment vas-tu ?; comment allez-vous? - A wa'hâ? -Comment vas-tu 7; comment allez-vous 7 (Régistre familier). N.B: En face d'un notable ou d'une personne âgée, il convient d'étirer les mots de fin de phrase, en signe de respect (lire ci-dessus: Expression de politesse ou de respect). En matinée, entre Ih du matin et Il h, le Bafoussam dit bonjour en se servant de l'une ou l'autre interrogtion suivante: o tia? (littéralement: as-tu dormi 7; avez-vous dormi 7 vouvoiement) ; Pé tia ? (avez-vous dormi? -vous pluriel ); A ti be wa'ha ? (littéralement: comment a été la nuit 7) ; 0 ti be wa'ha? /0 ti be gue'ke ? (Comment a été la nuit pour toi ?; comment a été la nuit pour vous? - vouvoiement) ; Pé ti be wa'ha ?/ Pé ti be gue'ke ? (comment a été la nuit pour vous? - vous pluriel) ; Djîh ti dè'a ? (littéralement: le jour s'est-il levé -pour toi, pour vous 7) ; etc. Entre llh et minuit, le Bafoussam dit bonjour, bon aprèsmidi ou bonsoir en employant les mêmes expressions -il ne distingue pas l'après-midi de la soirée dans la salutation. Il dira alors: 0 zoué'a ? / 0 zoué you'a ? (Littéralement: l'as-tu bien tué, le temps 7; l'avez-vous bien tué, le temps 7 -vouvoiement- ; c'est-à-dire: as-tu bien meublé ton temps ?..) ; Pé zoué'a ? / Pé zoué yé'a? (Avez-vous bien mueblé le temps? -vous pluriel) ; 0 dzouok né ba'a ? (Littéralement: tu t'es bien porté tout ce temps 7; vous-êtes-vous bien porté tout ce temps 7vouvoiement) ; A dzouok be wa'ha ? / A dzouok be gue'ke ? (littéralement: comment a été la journée 7); 0 zoué be wa'ha? / 0 zoué be gue'ke? (Comment a été la journée pour toi ?/ Comment a été la journée pour vous? - vouvoiement) ; Pé zoué be wa'ha ? /Pé zoué be gue'ke ? (Comment a été la journée pour vous? -vous pluriel) ; etc. Exemples de scènes de salutation:
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(1) Gue tsè'hè, - Salut.
A mgue'ke ? - Comment ça va ? 131
A pièè., Bien [Sam youa ka ghe = Rien ne s'est passé. / Youa Ceka tam = Rien de neuf] o le mghe ? - Tu vas où ? Gue go msiam
/ De msiam.
- Je
vais au marché.
Te médah. Nwouak bé-â. - A bientôt. Garde-moi des provisions.
Hu! - Oui! / D'accord!
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(2) Pé zoué be wa'ha ? -Bonjour /Bonsoir (littéralement: Avez-vous bien passé du temps ?) Djî chenn / Poc zoué te djî chenn. -Bonjour /Bonsoir (littéralement: Nous l'avons meublé jusqu'à ce que la nuit est tombée). Oho ba ! -Aurevoir. Hn. A tchia mo' dih. - Aurevoir (littéralement: Oui. A plus tard.). . (3) o tia, Melia. -Bonjour Marie (litt : As-tu bien dormi, Marie ?) [avec dans Marie, : r > I et a > e] Djî lè, Souenn'ékié. -Bonjour, Chéri (litt : Jusqu'à ce que le jour se lève, Ami du blanc). o koû vok vouenn gouenn'a ? -As-tu pu supporter les douleurs dues aux travaux champêtres? A né be. 0 ka noua kafè te tam'o ? -Tant bien que mal. Tu ne prends pas du café avant de sortir? Gue we diè tè. Pok gni kè'hè Hièlâ. Tchi' cho - Je suis très pressé. J'ai rendez-vous Je reviens bientôt.
avec quelqu'un
à la Chefferie.
En résumé, le principe de salutation est simple: le Bafoussam (comme tout Bamiléké), en saluant en matinée, se préoccupe de la qualité de la nuit de son interlocuteur (ô tia ? signifie littéralement: as-tu passé une bonne nuit ?). Et le reste du jour (jusque dans la nuit), il s'intéresse plutôt à ce que son interlocuteur a fait en journée (ô zoué yé'a? signifie littéralement: as-tu bien meublé ta journée ?). En cela, la 132
salutation n'est pas un souhait de bonne journée ou de bonne nuit que l'on adresse à autrui 4:omme en français, par exemple, mais plutôt une occasion pour demander comment l'autre a passé sa précédente nuit ou journée. En revanche, il existe des formules pour souhaiter une bonne nuit ou une bonne journée à quelqu'un: Zoué be tinn / Zoué ba'ba tinn ! -Bonne journée I (= Porte-toi bien toute lajournée I; Portez-vous bien... I-cas du vouvoiement) ; Pé zoué be tinn / Pé zoué ba'ba tinn ! - Bonne journée (litt : Portez-vous bien toute la journée I -à plusieurs) ; Ti a pouon! - Bonne nuit! (littéralement: Dors bien I; Dormez-bien I -vouvoiement) ; Pé ti a pouon ! - Bonne nuit I (litt : Dormez bien I -à plusieurs). * Remarque: Il existe en pays bamiléké un aspect assez particulier de la culture de ce peuple: non seulement on dit « Bienvenue! » (Cbo a pouon I), mais également on souhaite à celui ou celle qui s'en va de « bien monter» (pouenn dze ! / pouenn dze'o !) -si c'est une colline qu'il ou elle amorce-, de « bien descendre» (Fib dze ! / Fib dze'o !) -s'il ou elle est en train de descendre. Mais ce qui est plus singulier encore c'est de souhaiter à une personne qui s'assied de « le faire bien» (Tsou3'a98 pouon I). En fait, il s'agit pour l'assistance qui l'accueille de montrer combien on est content de sa présence. Et c'est alors l'occasion pour l'intéressé de clamer bien des interjections en signe de satisfaction, souvent en frisant un narcissisme destiné à provoquer une hilarité générale.
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Quand on souhaite
à quelqu'un:
Pouenn
dze ou Fi'
dze, il répond par « 00 ! », la forme la plus respectueuse de « bn » ou « ô» (oui). . Quand on souhaite à quelqu'un de « prendre plaisir à s'asseoir» (né tSOU3a pouon), il peut répondre simplement par « 00 ! » (oui !), mais aussi par des interjections les unes plus croustillantes que les autres. Soit une conversation entre deux personnes (l) et (2) ; on a la configuration suivante: o 1. TSOU3a pouon, Ta'a Sa'diè ! o 2. Â di ! 98
C'est-à-dire
tSOU3 â pouon.
133
o 1. Tsoua a pouon, Titcha ! o 2. Benn te m'ho tchihi! (litt: j'accepte de faire secouer mes joues I) o 1. Tsoua a pouon, Ta'a DeCo! o 2. Poû tong-a lé dze! (litt: que l'on m'enterre le jour de sacrifices aux ancêtres des chefi !) o 1. Tsoua a pouon, Ta'a Dje Foka ! o 2. Gni le pégüî Diambou souong'é pa'a-ya ! (litt : que les femmes du quartier Diambou me soient offertes en récompense de mes prouesses I) o 1. Tsoua a pouon, Ta'a Souop ! o 2. Poû le bèyok de tchouop ! (litt : que l'on m'arrache la concession paternelle sans que je ne lève le petit doigt I) Il faut noter que plusieurs personnes déjà présentes se prêtent à l'exercice qui consiste à dire: « Tsoua â pouon ! » et chaque fois, l'interpellé peut amuser davantage en variant ses réponses, au gré de son intelligence ou de sa bonne connaissance des us et coutumes du village. Il a également là une occasion pour taquiner, à travers des interjections, ses amis et les membres de clans d'âge supérieurs, etc., le tout dans la convivialité. A la vérité, c'est davantage pour demander à quelqu'un d'être prudent qu'on lui exprime des souhaits. On traduira donc « tsoua a pouon ! » ou « tsoua dze ! » par «sois prudent /soyez prudent 1»; tout comme souhaiter que quelqu'un, littéralement, «descends bien» (fih a pouon! / fih dze) ou «monte bien» (pouenn a pou on / pouenn dze), c'est lui demander d'être prudent sur le parcours. On traduira donc l'un ou l'autre cas par «Sois prudent / soyez prudent ». Remerciements Le Bamiléké en général et le Bafoussam en particulier a plusieurs formules lui permettent d'exprimer un remerciement. Au-delà de l'emprunt français « merci» qui gagne du terrain de nos jours, on a toujours aimé employer des mots de la langue locale. Après avoir reçu un cadeau ou bénéficié d'un service inestimable, le Bafoussam remercie ne déclarant: gue tâm ga'a 134
toua-o (litt : [je suis si content que) je te tire un coup de canon au-dessus de la tête). Il peut également dire: metokwa ! merci ! o tâm ou encore 0 tâm noua neme (litt: tu m'as fait quelque chose !) ; Gue penn! 99, synonyme de Gue wamté (litt : je te loue, je loue ton geste) Lâh we tchong ! (Sens implicite: Que Dieu te /vous donne laforce de travailler pour aider ceux qui ne peuvent en avoir) Mèssi [Emprunt hybride au français « merci »]. Exemples de salutation: Tchouong wa'ha, mama? (litt: quelles sont les nouvelles ?) -Comment vas-tu, maman? Sam mo'ho ka tam. We tam-o lé? - Il n y a rien de nouveau. Qui t'envoie? Tékhoû Samuel né tam-a gue me cho ha pa'a-yo boû. C'est Samuel, père de jumeaux, qui m'envoie te donner ce paquet/sac. Gue penn ba? Tarn ga'a toua-é bime, 0 dzou'a? Metokwa ! - Merci. Transmet-lui mes remerciements. Encore merci ! Hn, marna. Gue si go sè'hè diâ. - Oui, maman. Je vais rentrer maintenant. Déplacements Quelques termes et expressions pratiques: hong poû gwap (litt : côté de la main gauche), côté gauche hong poû tinn, côté droit né sap / né fang'é, tourner /bifurquer mtéhé dze, carrefour né souong /né gham, dire / parler né té'té, indiquer / préciser né fih, descendre né pouenn, monter 99
Pris au pied de la lettre, signifie: «) 'accepte» ; «) 'apprécie ». 135
né le metoua,
emprunter une voiture [né le = 1. prendre, 2.
gagner, 3. emporter, emmener] né kou' tche metoua, monter à bord d'une voiture né lenn, remarquer /reconnaître Gue tchong wa dze ne go Houkaha. Medze ya wok'a ghe si? - Je cherche la route pour Houkaha. Quel est le chemin qui est court? o pouenn te nwak ka'wé-é, khoû poû kouop, ké ho don'dong te yo mâ tche zouom, â le sèhè sak. - Vous allez monter jusqu'en haut-là, bifurquer à gauche, continuer tout droit jusqu'au gros safoutier, et ce ne sera plus loin. Soussoué, la'té-a medze ne go Pardon (excuse/excusez-moi), montre / montrez-moi le chemin pour (aller à...) Fih ne dze-ye. - Descend/descendez sur la rue-là (la rueci). Honté boû moo gni. Kaze tsâ. -Demande à quelque d'autre. Je ne sais pas. Ho hooo ! 0 hè-è dze. Sè'hè te kouom mté'hé dze. -Q la la, tu (vous) t'es trompé. Rebrousse (rebroussez) chemin jusqu'au carrefour. Né honté (se renseigner, demander -avec le h de « honté » qui est aspiré). Né téhé be pah dekdek (se placer -s'arrêter- devant la maison en étage). Né tsamé (contourner). Chièhè dze (raccourci). Pâm chièhè dze. Chongouop le wong chièhè dze ! (Evite le raccourci. Une perdrix eut des ennuis en empruntant un raccourci I). Né ze (savoir, connaître). Né kouapté /né kouamté (se rappeler, se souvenir). Né hè-è (se tromper -avec h aspiré). Né pi (s'égarer). Te 0 dzoua ghe? Vous vivez (restez) où donc? Ge dzoua Douala. Soussoué, tchî go. Mèssi. -Je vis (reste) à Douala. Pardon, je m'en vais. Merci. 00 10. Te médah ! -Qui. A bientôt 1
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La nourriture Soussoué. Ye nam so'ho ? -Pardon (ou: s'il vous plaît), quelle heure est-il ? Nam'évou'ou we dzak meyoué. - Il en faut de peu pour neufheures. Gue penn, memâ! Yo be dih tseh kéke? Te bé gni yo guefoué si;Jm'â? Gue fe mkouop. -Merci, mon frère (ma soeur). Car c'est la période de faim, n'est-ce pas? Est-ce que quelqu'un peut trouver du maïs au marché? Je viens de « la région côtière» (très souvent Douala). A gnignéné gue pa si be dih tse, da'hâ bé 0 yo guefoué si;Jm diâ. - C'est vrai que nous sommes en période de faim, mais on peut trouver (voir) le maïs au marché maintenant. Achats Le commerce est une activité qui, dans toute civilisation, existe depuis la nuit des temps. Voici quelques termes utiles pour faire le commerce en bamiléké-bafoussam : si;Jm, marché né t:mg si;Jm (= faire le marché), 1. faire des achats; 2. vend né tang si;Jm mka'a (= faire le marché de sissongos),faire une affaire dont on ne révèle jamais la perte ou le gain yo'o la'a ? (Ceci coûte combien ?) a khepa'a doulèham, ça coûte 250F gue 0 zouenn yi;J tsab;Jm. 0 ha mekebé bime dze so'o ? (J'achète pour JOOOF. Tu me donnes combien de tas de macabo ?) nouong'é k;Jp na. (Paie l'argent /verse l'argent) dze, tas tsâh, grappe, tas né zouenn, acheter né ha k;Jp /né nouong'é k;Jp, payer l'argent, verser l'argent né zah (lift: couper), 1. donner à crédit; 2. prendre à crédit né hou, 1.prêter; 2. emprunter pé, bénéfice 137
né tchi pé, engranger un bénéfice m'mah,1. bonus; 2. intérêt (en matière de prêt) né fo', mesurer Z3p paa guéfoué-ye d3m YOU3 ne fo'. -Mets ce sac de maïs sur cette bascule fo' tah kilou mkouéné lèssi boume. -Mesure-moi un kilo de riz né koué, emballer YOU3mtè, marchandise (Pluriel: TSOU3 mtè) YOU3fenn-fenu'é (= chose à vendre), marchandise né tia tSOU3 mtè magaziu, enlever des marchandises du magasin ué fenn gwop pa'a, vendre la poule dans le sac; sens figuré: Pas d'enseigne, point de marchandise né tchen,faire le troc, échanger né senté tsoua mtè, étaler les marchandises kou'dah, étagère (intérieur) kouenn siam (= lit du matché), étagère, étalage fatelé / fatré, boutique tsi'si3m, lieu où l'on commerce, marché.
Nzouenn tah agnossi ne doulèham, Achète un oignon à 50F A doua'tè, ça coûte 25F Msekoû dah sekoû-poc tchouopto'o-muamtok'o, il y a 66 élèves dans notre classe Fok-é tchi pah mto'ékoua ne dông, sa coépouse a gagné une maison de 4 pièces à la loterie Gue fenn kouenh'é-wa ne tsatchouoptè-muamba d3m tsâkhetÎ, J'ai vendu mon vélo/ma moto à 325.000 F. A ho ne mboulOOba'a yo ghe'a poua tsa ghesam-ma, be ka' a t3m dah, Entre les deux millions de francs que tu as et mes sept cents mille francs, il n Jia pas match (littéralement: je ne suis pas sorti de la maison). 100Littéralement: boule / gros tas; est utilisé au sens figuré pour désigné le million, dont l'emprunt domestiqué ménéyon est le plus utilisé. Notez que le singulier de mbou est népou. 138
De lâ gouwa'a nzouenn m'nwouè-è dolar tsapa'a mdouatè, L'an dernier, j'ai acheté des livres à 2025 dollars. A ke nzouo, Tagne tam noba tÎ ne pe khou'di, Hier, Tagne est sorti ime parmi les coureurs. A tsem nwouè-è tsouté, 0 we noba tchouptÎmuamékoua, Dans le registre (le cahier) de la réunion, tu es le 43ème. Pé ti nzouo dzouenn lon-trossi noba tchouop'ékouamuamtÎ bime, Demain, achetez-moi un pantalon de pointure 34.
Néliè-tsoo metÎ / tsetÎ (1), Ces ignames jaunes sont trois. Ta'a Souop le mtche ta'tÎ(2) ne feh kouop kaa, M Souop a ramené trois bambous de la raphiale. Mpah meba'a tsam yoû, Il y a deux maisons derrière la tienne. Dans yetÎ, qui signifie trois, « ye » chute et cède la place à « tse» ou «me» à (1), ce qui est plus approprié pour le substantif correspondant; c'est pareil pour (2) où «yetλ devient «ta'tλ en raison du fait que les bambous sont des tiges. On dira également koukoû ta'tÎ = trois tiges de canne à sucre, kia mta 'tî = trois cours d'eau, etc. Bon à savoir: tsetÎ est utilisé uniquement pour les animaux et les choses (gouop tsetÎ, trois poules), ta'tÎ uniquement pour les choses, notamment des objets longs, et petÎ exclusivement pour des personnes. Le temps et l'heure Yoo léh dze: mkam si go kouenn néfâm te tam'a bouèdji -Aujourd'hui est un jour d'inactivité (champêtre notamment) : les notables vont entrer dans le panthéon (site d'inhumation des chefs) pour n'en sortir que le soir. o ti apta zouô ne kédjÎ we he ? A so thcong gue 0 ti tsiawa ne tsi, soussoué. -Où seras-tu après-demain? Il faudra que tu m'accompagnes quelque part, s'il te plaît. DjÎ chenn te mtouapah yenn ; 0 si djo wa'ha pégwÎ dia guienté mtsoû'a la ? -Traduction littérale: Quand la nuit
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tombe, les toits de maison marchent. Est-ce que tu vois comment les femmes se promènent maintenant dans la nuit ? Tam bon lanè khou, tséhé pégwî f;}ng ts;}rn rntou;}p;}plOl.-En période de fêtes de nouvel an (