Le Musee A Lere Du Crowdsourcing Analyse [PDF]

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Zitiervorschau

UNIVERSITÉ DE PARIS IV – PARIS-SORBONNE

École des hautes études en sciences de l’information et de la communication

MASTER 2ÈME.ANNÉE Mention : Information et Communication Département : Médias Spécialité : Médias Informatisés et Stratégies de Communication

« LE MUSÉE À L'ÈRE DU CROWDSOURCING : ANALYSE DE L'OPÉRATION YOUTUBE PLAY, QUAND UN MUSÉE D'ART CONTEMPORAIN S'ASSOCIE À UNE PLATEFORME DE VIDÉOS EN LIGNE

PRÉPARÉ SOUS LA DIRECTION DU PROFESSEUR VÉRONIQUE RICHARD

NOM ET PRÉNOM : BABEANU, JEAN-VICTOR PROMOTION : 2009-2010 OPTION : MÉDIAS INFORMATISÉS ET STRATÉGIES DE COMMUNICATION SOUTENU LE : NOTE DU MÉMOIRE : MENTION :

»

REMERCIEMENTS

Merci à Gigi, et à Reza.

2

« Il s'agit, très exactement, qu'on cesse de considérer l'art comme le luxe des sociétés avancées ou comme un ensemble de "curiosités", exotiques ou non. L'art n'est pas un objet de jouissance, de délectation esthétique pour les hommes de goût. C'est une formation sociale qui engage à la fois la pensée et l'action humaine. C'est un mode de communication et de transformation du monde, irréductible à tout autre. » Encyclopaedia Universalis, tome 18, à propos de l’ouvrage : la réalité figurative et du projet de « sociologie historique comparative » de Pierre Francastel

3

TABLE DES MATIERES Remerciements .................................................................................................................... 2 Table des matières............................................................................................................... 4 Introduction ......................................................................................................................... 6 Objet de l’étude ............................................................................................................... 6 Démarche de recherche ................................................................................................. 11 Plan................................................................................................................................ 14 Chapitre 1 .......................................................................................................................... 15 Valeur des opérations de crowdsourcing pour les musées d’art contemporain ................ 15 1

2

Capacite de mobilisation des publics ....................................................................... 17 1.1

L’avènement d’une pratique amateur............................................................... 17

1.2

Une opération d’hybridation avec la promotion publicitaire ........................... 26

Du paradigme de la rareté au paradigme de l’abondance ........................................ 36 2.1

La masse des contributions .............................................................................. 37

2.2

Des systèmes de compréhension globaux ........................................................ 45

2.3

Tendance affichée à l’institutionnalisation de l’art en réseaux ........................ 50

Chapitre 2 .......................................................................................................................... 54 Portée de l’opération YouTube Play ................................................................................. 54 3

4

Illusion de rupture des codes traditionnels du musée............................................... 56 3.1

Le pouvoir de consécration du Musée.............................................................. 56

3.2

La participation du public mise en scène de manière épisodique et limitée .... 61

YouTube Play, une médiation qui se cache ............................................................. 64 4.1

Une opération de communication qui ne s'affiche pas comme telle ................ 64

4.2

Une opération de légitimation d’un média ....................................................... 66

Conclusion......................................................................................................................... 69 Bibliographie..................................................................................................................... 71 4

Références en Français.................................................................................................. 71 Livres......................................................................................................................... 71 Articles ...................................................................................................................... 72 Travaux de recherche universitaire ........................................................................... 72 Entretiens................................................................................................................... 73 Presse......................................................................................................................... 73 Références en Anglais................................................................................................... 73 Ouvrages et articles ................................................................................................... 73 Presse......................................................................................................................... 73 Sites Web .................................................................................................................. 74 Annexes............................................................................................................................. 75

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INTRODUCTION

Objet de l’étude

Cette recherche est le fruit d’une rencontre avec la naissance d’un événement du monde des musées d’art contemporains, à savoir l’organisation par la Fondation Solomon R. Guggenheim1 d’une « biennale de la vidéo créative » sur le célèbre site de vidéos YouTube, broadcast yourself. L’opération débute au cours de l’été 2010 et par le lancement d’un vaste concours auprès de l'ensemble de "la communauté YouTube"2, qui est appelée à envoyer des vidéos en ligne créatives "qui auront le pouvoir de captiver et de faire rêver les spectateurs du monde entier". 20 vidéos sélectionnées par un jury auront l’opportunité d’être diffusées dans les musées Guggenheim du monde durant 4 jours, et les 200 autres « meilleures » vidéos seront accessibles par les internautes sur le site YouTube via la chaine Play Biennale. Les deux institutions partenaires indiquent sur le site de l’opération3 qu’il s’agit de tirer parti de « l’explosion de la création en ligne » notamment grâce à YouTube, qui constitue une évolution dans la manière de produire, de distribuer et de visionner des vidéos.

1

La Fondation Solomon R. Guggenheim est une organisation à but non-lucratif créée en 1937 par Solomon R. Guggenheim et l'artiste Hilla Rebay. Ses principales réalisations sont la construction de plusieurs musées à travers le monde dont le musée "Guggenheim" à New York, le musée Guggenheim à Bilbao, la collection Peggy Guggenheim à Venise et le Deutsche Guggenheim à Berlin. 2 Potentiellement tout internaute majeur qui a accès à youtube.com, le troisième site web le plus consulté au monde selon Google Doubleclick Ad Planner http://www.google.com/adplanner/static/top1000/ et l’inscription y est libre. 3 YouTube - playbiennial's Channel - YouTube Play is a collaboration between YouTube and the Guggenheim Museum, presented by HP and Intel, to unearth and showcase the very best creative video ... http://www.youtube.com/playbiennial http://youtube.com/play

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Pour la première fois, un musée mondialement reconnu et respecté, l’institution du Guggenheim, capitalise sur l’User Generated Content (UGC) en ligne pour créer des « œuvres » qui seront exposées dans son enceinte. Cette étape semble marquer un changement radical dans les règles traditionnelles de sélection des œuvres, de constitution des collections et de conception du public des musées. Cette démarche s’inspire fortement d’une tendance de fond à la participation, constatée sur les sites web depuis l’avènement de ce qu’il est coutume d’appeler le Web 2.0. Les termes d’« UGC » et de « crowdsourcing4 » sont apparus ces dernières années pour désigner cette contribution des publics à la création.

Les nouvelles technologies et les institutions muséales

Les musées sont déjà impliqués dans le déploiement de nouveaux médias et de technologies numériques pour remplir leurs missions de médiations. Jean Davallon analyse d’ailleurs le musée comme un « média » et plus particulièrement un « archéo-média5 » dont la dimension technique et matérielle organise la réception directe des messages par la disposition et les agencements des espaces d’exposition. Il est de plus en plus courant que les musées mettent à profit les avancées de la technologie pour servir un objectif d’immersion des visiteurs dans leurs expositions ou permettre la délivrance d’éléments d’interprétation des œuvres. Ainsi les « bornes interactives » se sont démocratisées dans les musées à partir de la fin des années 1990 sans marquer d’ailleurs une étape décisive dans la meilleure compréhension des expositions. Les audio-guides sont un autre exemple de cette appropriation par les musées. Ceux-ci sont d’ailleurs remplacés progressivement par des Podcasts, accessibles sur des lecteurs Mp3 ou des téléphones mobiles, ce qui est facilité par la démocratisation de ce type d’appareil - 76% des Français de 12 ans et plus possèdant un téléphone portable6 - et l’externalisation des coûts de maintenance sur les visiteurs.

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Le crowdsourcing, littéralement "approvisionnement par la foule", est calqué sur l'outsourcing (externalisation), qui consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre d'internautes, et ce, au moindre coût pour externaliser des tâches qui ne sont pas du métier fondamental de l'entreprise. Ce néologisme est conçu en 2006 par Jeff Howe et Mark Robinson, rédacteurs à Wired magazine. (Source: Wikipedia) 5 DAVALLON Jean, L'exposition à l'œuvre: stratégies de communication et médiation symbolique, Harmattan, 2000 6 Enquête TNS/SOFRES réalisée pour l'Association Française des Opérateurs Mobiles, Le téléphone mobile dans la société française, http://www.afom.fr/sites/default/files/OBS_2009_AFOM_TNS_Sofres.pdf

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La forme la plus répandue de participation dans le Musée reste le livre d’or, qui laisse une liberté de commentaire très importante pour les visiteurs. Poursuivant cette lignée des expériences éducatives, le Tate Modern’s Educational Pilot Project7 proposait à des groupes scolaires d’enregistrer leurs commentaires audio et dessinés via un PDA fourni par le musée. En 2008, le Centre Pompidou a mis en place un système d’annotation de l’exposition « Traces du sacré » grâce au logiciel d’annotation audio ou vidéo « Lignes de temps » (voir annexe – Figure 2), en libre téléchargement sur le site de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) du Centre Pompidou8. Des expériences de créations d’UGC en ligne ont même eu lieu sans toutefois consacrer les productions des internautes au rang d’œuvres. Il s’agirait uniquement d’activités ludiques, de l’ordre du jeu et cantonnées à la sphère numérique. Ainsi, pour célébrer les 30 ans de la création du Centre Pompidou, l’opération « depuis 1977 » proposait aux publics de créer, sur le site internet www.depuis1977.centrepompidou.fr, des images sur lesquelles ont pouvait inscrire un texte, choisir la disposition et les couleurs parmi une liste. Il y avait le choix entre trois images prédéterminées, le tout était censé pouvoir laisser le visiteur exprimer sa subjectivité dans le cadre du Centre Pompidou (voir Annexes – Figure 3). Il y avait bien ici une « participation » du public à la création mais celle-ci se limitait à l’octroi de la charte graphique par le Musée. Les productions étaient visibles aux yeux de tous sur le site web et elles ont même été diffusées sur le parvis du Centre Pompidou. Ainsi, la « participation » aux œuvres grâce aux outils collaboratifs est limitée, à l’image de ce que les musées autorisent dans l’espace physique de leurs galeries. Souvent limité à un espace « enfant », la co-création est envisagée sous son aspect ludique mais non dans l’optique de découvrir de vraies perles de créativité, ni de détrôner la place des artistes institués. Exceptionnellement, une place est réservée dans une exposition aux contributions du public, quand cela apporte une valeur ajoutée justifiée. En 2007, le musée Tate Britain a sollicité la contribution de photographes amateurs du public pour son exposition « How We Are : Photographing Britain » grâce au site de partage de photos Flickr. Les photographies gagnantes de cette compétition en ligne ont été incluses dans l’exposition et sont toujours accessibles sur le site de l’événement9. A l’occasion des expériences de « participation » des publics via l’internet, les imaginaires dont sont empreints les nouvelles technologies sont convoqués pour s’associer à 7

PROCTOR Nancy, User-Generated Content: The (Re)birth of the Visitor as Author of the Museum Experience, page 17, 2007 ([email protected]) 8 http://www.iri.centrepompidou.fr/ 9 http://www.tate.org.uk/britain/exhibitions/howweare/slideshow.shtm http://www.flickr.com/groups/howwearenow

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l’image du musée. Une mythologie du progrès, de la collaboration, de la participation est convoquée par l’usage de ces médiums. Comme le montre Patrice Flichy10, ces imaginaires font appel à des conceptions profondes de ce réseau qui est né sur des promesses de partage, de gratuité, et même de contribution à une intelligence collective. Limiter l’observation de ces phénomènes complexes à un déterminisme technologique serait une erreur. Ce dernier conduit à penser que la technologie est l’élément principal responsable des transformations de la société. Ce déterminisme minimise la complexité des phénomènes en œuvre dans les transformations sociétales et la variété des modes sociaux d’appropriation des innovations. Nancy Proctor, conservatrice en chef de la Fondation Guggenheim et des musées Smithsonian à Washington DC, véritable avocate des outils participatifs dans les musées, affirme dans un article11 qu’il n’est pas attendu des visiteurs qu’il produisent des contenus « de meilleure qualité que ceux du musée », mais que cette démarche est « pédagogique » et qu’elle met le visiteur dans un mode actif de consommation de bien culturels. Cette affirmation réactualise un fantasme de « l’interactivité » comme moyen de dépassement d’une réception supposée passive dans la visite des musées. En reprenant la célèbre phrase de McLuhan, « the medium is the message », il est possible d’affirmer que ce n’est pas tant la qualité des contenus générés par les publics qui importe, que la démarche et la posture adoptée par l’institution . Une question se pose donc : que penser des discours d’accompagnement de ces expériences participatives, comme YouTube Play Biennale, qui affirment s’inscrire dans une démarche de recherche véritable de nouvelle créativité ?

YouTube et l’art contemporain

YouTube dont le modèle de fonctionnement repose presque exclusivement sur l’UGC a annoncé12 en mars 2010 avoir atteint le chiffre de 24 heures de contenus téléchargés chaque minute par la communauté, et cette tendance est en constante progression. Le mode de fonctionnement de YouTube, c'est-à-dire la mise à disposition de vidéos d’une quinzaine de minutes, se prête bien à la culture fragmentaire décrite par Milad Doueihi 10

FLICHY Patrice, L’imaginaire d’Internet, Paris, La Découverte, 2001 PROCTOR Nancy, User-Generated Content: The (Re)birth of the Visitor as Author of the Museum Experience, 2007 ([email protected]) 12 http://youtube-global.blogspot.com/2010/03/oops-pow-surprise24-hours-of-video-all.html 11

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dans son ouvrage La grande conversion numérique13. La facilité d’accès du service et la démocratisation des outils de traitement vidéo permettent une explosion du nombre de vidéos mis en partage. Le Widget du player exportable YouTube donne aussi des fenêtres d’accès aux contenus de la communauté sur potentiellement toutes les pages du web, que ce soit des réseaux sociaux, blogs ou autres sites web. Ceci en fait un réservoir sans précédent d’idées artistiques potentiellement novatrices. De cette façon, YouTube n’est pas un média inconnu du monde de l’art contemporain. Les praticiens des nouvelles formes artistiques, notamment le Palais de Tokyo, identifiaient déjà YouTube, moins d’un an après son ouverture, comme « le réservoir le plus fou de films d’amateurs et de vidéos d’artistes »14. Mais dans la multitude, il faut pouvoir s’y retrouver. C’est peut-être là l’enjeu de ce type de dispositif ultra performant : trouver des moyens de filtrer, classer, hiérarchiser les contributions entres elles, car l’ensemble constitue un catalogue de qualité disparate. Le site est envahi de vidéos commerciales, de vidéos humoristiques qui « buzzent », de mèmes, de traces du quotidien à côté d’ébauches créatives d’étudiants ou de professionnels. Ces vidéos démontrent qu’il existe des échelles de valeur très différente entre le milieu de l’art contemporain et l’hétérogénéité des contributions numériques. Des espoirs sont nés, moins d’un an après la création de YouTube, avec les « YouTube Battle » du Palais de Tokyo entre étudiants des Beaux Arts de Paris et de Cergy (ENSBA et ENSAPC). Ces étudiants se sont livrés à « une compétition d’images délirantes, toutes trouvées sur le célèbre site internet youtube.com » pour établir les meilleures « play-list » de vidéos. Cette tentative est née de l’intuition qu’un réservoir de vidéos alimenté par les utilisateurs pouvait représenter un potentiel de création et de valeur impressionnant. De manière étonnamment comparable, la télévision a inspiré dans les années 1970 beaucoup d’espoirs auprès des artistes qui y voyaient un moyen de rapprocher, par la désintermédiation, l’art et la société en général, et la possibilité de diffuser et de rendre accessible les œuvres au plus grand nombre. Des émissions d’artistes sont mêmes nées à cette époque. Ces espoirs ont été déçus la plupart du temps au vu de l’évolution commerciale du paysage audiovisuel mondial et de la culture de l’audimat. Comme sur l’internet qui sanctifie les modes de classements ante-chronologiques et par popularité, la culture de l’audimat a du mal à s’accorder avec le milieu de l’art qui se voudrait dégagé des contraintes financières. La raison de ce désamour du « grand public » pour ces incursions d’entreprises artistiques sur des

13 14

DOUEIHI Milad, La grande conversion numérique, Paris, Seuil, 2008 http://www.palaisdetokyo.com/index2002.php?npage=fo/programmes/manif.php?id_eve=1487

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médias dits « de masse » peut se lire dans un ouvrage de Bourdieu de 1985 sur les fréquentations des musées français et européens15, qui montre que l’ouverture matérielle d’un accès à l’art n’est pas suffisant pour rendre l’art accessible au plus grand nombre. L’ouvrage démontre qu’un « capital culturel » qui s’acquiert par l’éducation, est nécessaire au préalable, pour déchiffrer, interpréter et in fine apprécier une œuvre artistique. Bourdieu écrit : « L’œuvre d’art considérée en tant que bien symbolique n’existe comme telle que pour celui qui détient les moyens de se l’approprier, c'est-à-dire de la déchiffrer. » Ainsi, l’accès aux œuvres culturelles serait le privilège de la classe cultivée, non pas pour des raisons pratiques d’accessibilité, mais pour des raisons sociologiques d’habitude de « classes ». Au regard de ces observations, il est légitime de se poser la question des motivations du partenariat YouTube-Guggenheim, notamment par l’étude des discours d’escorte tenus par les protagonistes. Quelle est au juste cette valeur que peuvent retirer les musées de tels dispositifs participatifs au regard de leur mission principale de conservation et mise à disposition des œuvres ? En effet, la désintermédiation entre le grand public et les artistes promise par YouTube Play n’est-elle qu’une illusion ou s’agit-il d’une véritable volonté de trouver un nouveau vecteur de création de valeur artistique.

Démarche de recherche

La « participation » à l’ère du numérique est un phénomène marquant de la révolution culturelle de la société de l’après médias de masse16. Les tentatives de quelques musées montrent que cette pratique commence à toucher l’institution du musée. Il n’est d’ailleurs pas anodin de voir que ces initiatives ont lieu, le plus souvent, dans des pays anglo-saxons dans lesquels la conception du musée est marquée par une mission de pédagogie, de vulgarisation scientifique et de transmission du savoir. Il est aussi notable de remarquer que l’émergence de ces dispositifs se fait par le moyen de la vidéo, média qui est entouré de promesses et d’une mythologie particulière et dont les codes artistiques sont diffus et non arrêtés17. Bien que l’art 15

BOURDIEU Pierre, DARBEL Alain, L’amour de l’art, les musées d’art européens et leur public, Paris, les éditions de minuit, 1985 16 MARTIN Alban, Et toi, tu télécharges ?, Industries du divertissement et des médias à l’ère du numérique, Paris, Pearson Education, 2010 17 Pour s'en convaincre il faut comparer le travail esthétisant des films de Matthew Barney avec les vidéos sous formes de documentaires de Valérie Mrejen et Sylvie Blochet qui se focalisent sur les rapports humains.

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vidéo existe depuis les années 1970, nous assistons aujourd’hui à une explosion de la création en ligne, ce qui constitue une évolution dans la manière de produire, de distribuer et de visionner des vidéos. « Aujourd’hui, n’importe qui peut créer et regarder des vidéos à tout moment et dans n’importe quel endroit, que ce soit sur un téléphone mobile, une caméra, un ordinateur ou une tablette » indique le discours promotionnel du service YouTube Play. Dans ces conditions, le statut du public et celui d’artiste semble être remis en cause dans sa conception traditionnelle. Il n’y aurait plus un émetteur et un public récepteur « passif ».

Problématiques et Hypothèses

Afin d’éviter tout déterminisme technologique, auquel certains auteurs18 nous somment de prendre garde, notre étude se propose de mettre au jour la généalogie de ce mouvement des musées vers la « participation ». L’étude propose aussi l’analyse critique d’une telle démarche affichée dans les discours d’accompagnement euphorique sur les progrès et les possibilités des technologies, compte tenu de la tradition institutionnelle des musées. Notre problématique : quelle redistribution effective du pouvoir le mouvement de « participation » dans les musées opère-t-il ? Nous nous demanderont aussi quelle est la validité du terme « participation » pour décrire ces nouvelles activités des musées. 1. Notre première hypothèse affirme que les productions discursives des musées sur la remise en cause des hiérarchies traditionnelles et le recul de la médiation du musée dans le choix des œuvres est une mise en scène. Notre démarche tentera de montrer que si l’UGC semble permettre l’ouverture de la création à tous, il y a en réalité, un retour très fort des instances de médiation du musée et une détention de « capital culturel » nécessaire pour pouvoir prétendre au statut d’artiste.

2. Notre deuxième hypothèse affirme que la valeur ajoutée d’un processus d’UGC comme nouveau vecteur de création de valeur dans les musées est limitée, notamment en raison de la spécificité des biens culturels vidéo qui circulent sur internet. Nous posons donc l’hypothèse que la contribution, qu’elle soit appelée « crowdsourcing » 18

MIEGE Bernard, Communication, médias et sociétés, Vol. 2, La société conquise par la communication, Presses universitaires de Grenoble, 1997

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ou « UGC » est toujours un phénomène de masse. Ainsi l’UGC en ligne acquiert une valeur par la masse à condition d’institutionnaliser un tri efficace de la multitude des contributions. Il s’agit donc d’expliciter le pouvoir de la masse, des données qui acquièrent de la valeur du simple fait de leur masse et de leur organisation systématique.

3. Enfin notre troisième hypothèse de recherche énonce que la spécificité des bien culturels d’internet appellent à de nouveaux besoins de conservation adaptés au numérique et donc peut être à extension du domaine d’action des musées. Ces hypothèses sont posées en vue d’établir des recommandations stratégiques opérationnelles pour les institutions muséales.

Méthodologie

Notre démarche repose sur une analyse des discours d’escorte, en particulier ceux de YouTube Play. Il sera donc mis en œuvre une analyse des discours d’accompagnement (analyse du contrat d’énonciation, du lien construit avec le destinataire et le décalage entre la promesse et la réalité). Nous tenterons aussi d’entreprendre une analyse sémiotique de certains site web de musées, qui tentent une expérience « participative », et qui va objectiver les parcours induits et prescrits aux utilisateurs par ces dispositifs de participation. Enfin, un entretien avec Mark Alizart, ancien programmateur culturel à Beaubourg, nous permettra d’apporter des précisions sur les objectifs des dispositifs participatifs mis en œuvre dans les musées d’art contemporain. Le corpus se compose d’exemples historiques de « crowdsourcing » pour contextualiser de manière historique notre objet d’étude. Nous prendrons comme cas d’étude des expériences de crowdsourcing du monde de l’art et des institutions de musées, c'est-à-dire par une approche thématique, mais notre corpus intégrera aussi des cas de crowdsourcing particuliers au concours de vidéos sur internet, via une approche par moyens.

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Plan

1. La première partie de la recherche montre en quoi une opération de crowdsourcing peut être créatrice de valeur pour les musées d’art contemporain. A cette occasion nous tenterons de conceptualiser un phénomène de valeur par la masse. 2. La deuxième partie de l’étude questionne les effets communicationnels de la mise en place des opérations de crowdsourcing dans les musées et en particulier la réalité ou non d’une remise en cause des hiérarchies traditionnelles.

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CHAPITRE 1 VALEUR DES OPERATIONS DE CROWDSOURCING POUR LES MUSEES D’ART CONTEMPORAIN

Le « crowdsourcing »19 consiste à utiliser la créativité, l'intelligence et le savoir-faire d'un grand nombre d'internautes pour externaliser des tâches qui ne sont pas du métier fondamental de l’entité qui l’initie. Cette technique connait un essor depuis 2006 dans le vocabulaire de l’entreprise et en particulier dans les départements marketing et elle s’avère être (comme) une technique pour construire des produits toujours plus proches des attentes des consommateurs. Le crowdsourcing peut être considéré comme une démarche d’écoute des désirs et insights des consommateurs, rendue possible par un média global et peu couteux qu’est le web. Mais ce vocable peut-il s’appliquer à des entités non productives qui se définissent comme des espaces d’arts, tels que les musées ? Il semble que plusieurs initiatives de ce type soient en train d’émerger. L’expérience YouTube play montre un musée d'art contemporain célèbre, qui s'associe avec une plateforme de vidéos en ligne pour permettre au public de créer des œuvres, lors d’un appel en ligne à la contribution de vidéos créatives. Cette pratique constitue manifestement un changement dans le mode de fonctionnement traditionnel des musées et il s’agit de déterminer ce que recherchent les musées dans de telles actions.

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Néologisme conçu en 2006 par Jeff Howe et Mark Robinson, rédacteurs à Wired magazine. Définition de Wikipedia.org « The Rise of Crowdsourcing », Wired Magazine, 2006.

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En premier lieu, l’appel à la contribution des internautes est une technique utilisée par le marketing pour mobiliser l’attention des publics. Notre première hypothèse pose que le crowdsourcing aurait une portée publicitaire première. Dans un second temps, les musées d’art contemporain semblent se servir du crowdsourcing pour essayer d’institutionnaliser les pratiques émergentes de l’Art en Réseau, c'est-à-dire « tout art qui prend le réseau (internet) pour support »20 et qui sont apparues comme étant une source importante de créativité dans les milieux artistiques ces dix dernières années. Ainsi, l’objet de ce chapitre est de déterminer quelles sont les opportunités et les risques que prennent les musées d’art contemporain quand ils engagent des interactions avec les internautes et en particulier lorsqu’ils engagent une opération de crowdsourcing vidéo auprès des internautes. A première vue, les objets d’UGC présentent peu de valeur pour les institutions muséales. Pourtant, la démocratisation du numérique et ses implications en termes de pratiques culturelles permettent d’identifier deux nouveaux leviers de valeur qui tirent partie du développement des plateformes participatives telles que YouTube, Facebook etc. Nous verrons que le crowdsourcing apporte une valeur dans le domaine du marketing muséal (A°) mais aussi qu’il est en phase d’institutionnalisation dans les musées d’art contemporain comme nouveau vecteur de créations artistiques innovantes (B°).

20

Introduction de la conférence Art en ligne, art en réseau, art en mouvement au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, Belgique, le 6 mars 1999. Le site, (partiellement) archivé, se trouve à l’adresse http://web.archive.org/web/*/http://simsim.rug.ac.be/mariemont/

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1

CAPACITE DE MOBILISATION DES PUBLICS

Dans un contexte marqué par la compétition internationale des musées, notamment d’art contemporain, pour devenir ou rester des centres culturels de référence, le crowdsourcing apparait comme une nouvelle arme aux mains des équipes de communication et de marketing pour fédérer les internautes autour des activités d’un musée et bénéficier d’un gain de notoriété. En effet, la compétition internationale se jouent entre grandes capitales ou centres économiques et culturels du Monde – Londres, Paris, New York, Venise, Berlin, Tokyo – qui ont leur musée d’art contemporain comme faire valoir et pour répondre à une attente importante des publics qui sont de plus en plus familiers avec le genre de l’art contemporain. Voir internet comme un outil marketing n’est pas nouveau. Le média Web a toujours eu une portée commerciale importante et Internet dépend juridiquement du département du commerce de l’administration des Etats-Unis. Ce qui est plus récent, c’est la propension à utiliser les espaces du Web qui ne sont pas strictement publicitaires – autres que les bannières et encarts publicitaires – pour promouvoir une marque. Il s’agit de capitaliser sur les pratiques des internautes telles que l’échange d’information, le regroupement pour soutenir des causes, la mise en contact de gens isolés, le rassemblement de collectionneurs, en prenant acte du fait que le Web est un média qui peut non seulement être lu, mais sur lequel on peut aussi écrire. Ces pratiques d’échanges et d’écriture sur le réseau sont facilitées par les sites de réseaux sociaux, dont le fonctionnement même repose sur la gestion des contenus créés par les utilisateurs (User Generated Content).

1.1 L’avènement d’une pratique amateur

La production de contenus culturels n’est plus le monopole des médias institués. La « vague numérique »21, dont les sites web d’User Generated Content en sont la manifestation actuelle, traduit cette prolifération de contenus uploadés par les utilisateurs. Ce changement 21

DONNAT Olivier (sous la direction), Passionnés, fans et amateurs, Réseaux, n°153, 2009

17

de rôles entre émetteurs de produits culturels et récepteurs se manifeste par une terminologie qui change. Le rapport gouvernemental sur « Les pratiques culturelles des Français » adopte le terme de culture « plus expressive » lorsqu’est abordé la question des contenus culturels autoproduits. Les entreprises ont su, elles aussi, tirer partie de cette capacité de production nouvelle avec ce qui a été appelé le « crowdsourcing22 ».

a. Déprofessionnalisation de la production culturelle

Le passage technologique au numérique a permis une explosion de la production de « contenus culturels autoproduits » par l’effet de la baisse du prix des matériels d’acquisition et de montage et les capacités de diffusion de ces productions via des plateformes d’échanges sur le Web. Webcam et microphones équipent en série les ordinateurs. Parallèlement au progrès technologique des matériels qui a, entre autres choses, permis la miniaturisation et l’ubiquité, les possibilités de captation ou de mise en scène pour la réalisation d’une vidéo se sont démultipliées et le coût de la réalisation est devenu négligeable. Récemment le phénomène des FlashMob est venu conforter la tendance à l’autoproduction des contenus et une première médiatisation hors des sphères des médias institués. Des sites de gestions en ligne des contenus tels que YouTube et Flickr symbolisent cette vocation à l’automédiatisation des contenus produits. Cette transformation profonde a affecté tous les champs de l’audiovisuel, de la photo à la vidéo, en passant par la musique. Plusieurs initiatives collaboratives, plus ou moins commerciales, ont su tirer partie du crowdsourcing, phénomène récent depuis la deuxième moitié des années 2010, et de la tendance collaborative caractéristique du « Web 2.0 », pour développer de nouveaux services ou collecter des masses d’informations. Il s’agit de l’externalisation d’une tâche hors de l’entreprise par le concours et la mobilisation des internautes. Ainsi Wikipedia adopte ce fonctionnement de contribution et d’auto-régulation par ses membres. De même le projet « NetFlix Prize23 » aux Etats-Unis mettait à contribution les internautes pour trouver un algorithme de probabilité capable de déterminer, avec une marge d’erreur de 10%, les

22 23

« The Rise of Crowdsourcing », Jeff Howe, Wired Magazine, 2006 http://en.wikipedia.org/wiki/Netflix_prize

18

notations futures des utilisateurs après le visionnage d’un film sur la base de leur historique de notation. En ce qui concerne la vidéo, la dernière étude des « pratiques culturelles des Français24 » (figure 1 et 2) révèle que « la proportion de Français, ayant réalisé un film ou une vidéo dans l'année, a doublé depuis 1997 (27% contre 14%) ». Ces figures montrent la montée en puissance des pratiques amateurs dans le cadre du temps libre depuis 10 ans sur un échantillon français. Il s’agit d’une pratique culturelle de « loisir ». De même, le nombre d’heures de vidéos téléchargées toutes les minutes sur YouTube n’a cessé de croître depuis sa création pour atteindre près de 25 heures actuellement25. Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer cet engouement amateur, en particulier, la généralisation des accès haut débit, la massification de l’accès à l’enseignement supérieur, l’accès à l’auto-formation via des tutoriaux gratuits ou l’émergence des offres payantes de formation26. Ces pratiques prennent souvent sur le temps libre et relèvent du loisir plus que d’une activité professionnelle bien définie.

Figure 1 - Pratiques en amateur traditionnelles et sur ordinateur

24

DONNAT Olivier, Les pratiques culturelles des Français à l'ère du numérique, éléments de synthèse 1997-2008, www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/ 25 http://youtube-global.blogspot.com/2010/03/oops-pow-surprise24-hours-of-video-all.html 26 Par exemple, le site d’auto-formation en ligne http://www.lynda.com/sur le Web Design

19

Figure 2 - Pratiques en amateur

Il faut toutefois relativiser les chiffres de cette étude qui se base sur des questions figées depuis 1997 et qui montre les limites de la comparaison dans le temps ainsi que les lacunes dont font état les catégories traditionnelles pour rendre compte des nouvelles pratiques. Ainsi, l’étude (de dit) ne précise pas le (quel) niveau d’investissement que ces productions vidéos ont nécessité. L’étude met sur le même plan, la réalisation d’un petit film et la captation d’un concert avec son téléphone portable. Il est aussi notable qu’une grande partie des productions actuellement téléchargées par les utilisateurs sur YouTube constitue des remix et détournements de contenus déjà existants.

Certaines entreprises, comme Eyeka, ont pour objet de tirer partie de ces nouvelles pratiques amateurs et se sont spécialisées dans l’externalisation d’un savoir-faire technique auprès de la communauté des internautes. Concrètement, le site Web se propose de mettre en 20

relation les designers, amateurs ou non, pour créer des visuels pour des campagnes de pub contre rétribution. Il s’agit de la professionnalisation d’une pratique amateur ou de loisir. Ainsi, les internautes sont mis en concurrence au bénéfice de l’annonceur donneur d’ordre. L’opération lui revient souvent moins chère que de passer par des agences ou des studios spécialisés. Ce changement des pratiques peut-il être mis à profit par les musées ? C’est ce que semble faire YouTube Play et le musée Guggenheim. Les conditions de participation27 mentionnent l’objet de l’opération : une « biennale innovante des vidéos les plus créatives du monde téléchargées sur YouTube » et tous types d’utilisateurs-contributeurs sont acceptées « amateur, étudiant ou professionnel » si la candidature ne répond pas à un objectif commercial et qu’elle n’entre pas dans le cadre d’une activité professionnelle.

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Annexe : YouTube Play - Conditions de participation « YouTube Play Terms and Conditions » : https://sites.google.com/site/ytplayterms/fr

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b. Les réseaux sociaux encouragent la participation

Selon des études récentes, les productions culturelles des internautes s’échangent dorénavant sur les réseaux sociaux. Il existe un transfert de l’audience des sites Internet « traditionnels » vers les réseaux sociaux ou les plateformes de médiatisation de contenus à dimension participative28. L’analyse de la motivation des internautes et du système de rétribution qui est mis en œuvre dans les réseaux sociaux qu’il soit conscient ou non pour les utilisateurs, est éclairant pour étudier les dynamiques des opérations de crowdsourcing. Le cas particulier des musées, en tant qu’entités organisatrices de tels événements, présente l’intérêt d’être un espace de démonstratif de son appartenance sociale comme les réseaux sociaux seraient le lieu de revendications ostentatoires d’un capital culturel.

Un mécanisme de diffusion « virale »

Les réseaux sociaux fonctionnent selon un système d’affirmation de la personnalité de l’utilisateur par la médiatisation auprès des contacts qui lui sont attachés (groupe « d’amis » sur Facebook) des choix et des préférences qu’il déclare, mais aussi des contenus qu’il publie et des réactions qu’il manifeste à l’égard des contenus publiés par les utilisateurs de son cercle de connaissance. Les plateformes d’échange comme Flickr pour la photo ou YouTube pour la vidéo ont contribué à cet engouement en donnant une dimension « sociale » et en valorisant la contribution des internautes par un système de rétribution qui tourne autour de la notion d’égo. En effet, les réseaux sociaux visent à la création d’une identité qui s’affirme au fur et à mesure des choix d’appartenance à tel ou tel groupe ou contenus. Les choix culturels s’affirment aussi par la nature des contenus qui sont partagés avec la communauté. En ce sens, les réseaux sociaux sont un moyen d'afficher un attribut de la personnalité, de revendiquer sa classe sociale et ses choix culturels. Ces mécanismes d’appartenance sont multiples et revêtent plusieurs formes : le vote, le retweet, l'avis des « amis » ou même le bouton « like » de Facebook qui permet aux utilisateurs d’affirmer leurs préférences en minimisant l’effort d’expression. Chacune de ses actions aura pour effet de déposer des commentaires pré-écrits 28

Annexe 10, source: ComScore, comscore.com

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sur toutes les activités du newsfeed (« like » ou « unlike ») du profil utilisateur et portera à la vue de tous ses contacts ses choix et contenus. Ces choix sont autant de signaux de « recommandation » envoyés consciemment ou non à l’ensemble de ses contacts. Cette évolution prend acte du fait que l’engagement de l’internaute est inversement proportionnel à l’effort qui lui est nécessaire de déployer pour s’engager. La recommandation fait donc partie intégrante du fonctionnement des réseaux sociaux par le biais des notifications et des actualités personnalisées à l’aune du cercle de connaissance de l’utilisateur. Selon une étude récente, « les membres se fient de plus en plus à l'avis de leurs pairs pour l'achat de produits ou pour l'affiliation à une marque29. ». Ces deux facteurs devanceraient les « avis d'experts » sur internet (51%), les contenus diffusés par les marques elles-mêmes, et les articles publiés par les « blogueurs influents » (26%). Ainsi, plus les « recommandations » directes ou indirectes proviennent d’une personne proche du cercle intime, plus l’impact sur l’utilisateur est grand. Cette étude confirme les travaux théoriques de Lazarsfeld qui s’est efforcé de démontrer l’importance des relais d’opinions dans la diffusion d’un message (two step flow theory30). Selon lui, l’influence d’une campagne de communication dépend des opinions de l’entourage du récepteur. Un système de valorisation social est à l’œuvre quand les internautes peuvent voter pour certaines contributions plutôt que d’autres, permettant d’attribuer une reconnaissance à celui qui aura permis la mise en relation avec le contenu, créé ou non par lui. Mais les mécanismes de partage de contenus et de valorisation des pratiques amateurs sur les réseaux peuvent être détournés au profit de la promotion d’une marque ou d’un produit. La campagne de « tagmarketing » menée par Ikea à l’occasion de l’ouverture d’un magasin en Suède fin 2009 proposait aux internautes de « tagguer » des photos d’un maximum de leurs amis sur , la page Facebook de marque représentant des contenus de la marque. Des articles étaient à gagner pour les plus grands contributeurs. Le « tag » permettait d’envoyer une notification très large à tout le cercle de connaissances de chaque contact et la perspective de gain incitait les personnes tagguées à reproduire l’action sur leur propre liste de contacts. Cette diffusion, que les spécialistes du Web Marketing appellent « virale » permet de ne plus considérer les destinataires du message comme de simples récepteurs, mais de considérer qu’ils ont une 29

Etude E-tailing / Power Reviews réalisée aux Etats-Unis sur une échantillon de 1000 consommateurs http://www.e-tailing.com/content/?p=1310 30 Lazarsfeld, P.F., Berelson, B. & Gaudet, H. (1944). The People’s Choice: How The Voter Makes Up His Mind in a Presidential Campaign. New York: Columbia University Press D’autres auteurs, comme Stanley Milgram ont poursuivit l’analyse avec les six degrés de séparation.

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potentialité à s’emparer du sujet et à devenir des ambassadeurs du message auprès de leur cercle d’amis. A cet égard, l’image figurée du biologique et de la diffusion des virus est très révélatrice de la dimension que peut prendre cette diffusion quand la tous les facteurs de succès sont réunis. Les annonceurs ont pris acte de l’impact croissant de la recommandation sociale sur les choix de consommation. Le célèbre site d’e-commerce Amazon a d’ailleurs lancé un outil de recommandation sociale lié à Facebook qui se base sur les goûts et centres d'intérêts de l'usager déclarés dans Facebook ainsi ceux de sa liste de contacts.

Une affirmation identitaire

La logique d’affirmation d’une identité se retrouve à plusieurs niveaux des architextes31 de réseaux sociaux. Ceux-ci présentent des mécanismes de rétribution et d’attribution de marque de reconnaissance, souvent basés sur la « loi du nombre de vues » : c'est-à-dire la popularité des contenus et l’impact viral des contenus. De la même façon, l’objectif du concours YouTube Play n’est pas une récompense pécuniaire ni matérielle directe pour les contributeurs mais bien une marque de reconnaissance et une fenêtre de visibilité dans tous les musées Guggenheim du monde. Le cadre dans lequel s’inscrivent les opérations de crowdsourcing n’est donc pas anodin. Ceux-ci permettent autant qu’ils contraignent la liberté des contributeurs et fonctionnent comme des catalyseurs de constructions identitaires qui se retrouvent dans les productions médiatisées par ces dispositifs. Dès lors on peut se demander si ces contenus sont compatibles avec les institutions de musée et le monde de l’art ? Un début de réponse réside dans l’utilisation des réseaux sociaux par les artistes émergents pour se faire connaitre. Les artistes, amateurs ou non encore reconnus, se sont emparés très tôt des réseaux sociaux pour faire leur auto-promotion et médiatiser leurs productions. Le site communautaire MySpace a ainsi révélé le groupe Artic Monkeys en 2005, et la chanteuse française Yelle. En effet, les médias sociaux présentent des avantages de promotion à bas coût par le mécanisme de diffusion virale. Il s’agit d’utiliser la désintermédiation qu’offrent les réseaux sociaux, pour diffuser directement les contenus au public et espérer « sortir du lot ». L’onction de légitimité qu’offre la reconnaissance 31

Un architexte (du grec arkhè, “origine”, “commandement”) est, dans les médias informatisés, un outil d’écriture situé en amont du texte. Il le régit et lui permet d’exister. JEANNERET Yves & SOUCHIER Emmanuel, «Pour une poétique de l'écrit d'écran», Xoana, n°6-7, « Le multimédia en recherche », 1999

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populaire, qui se manifeste par « un buzz », permet de valoriser l’artiste notamment auprès des maisons de disques.

Le phénomène de crowdsourcing fédère donc essentiellement des amateurs ou des artistes qui ne sont pas encore institués. La contribution est encouragée notamment sur les réseaux sociaux, là où acquière une dimension de marketing viral à bas coût. En effet, les productions et contributions demandées au public ne sont pas recherchées que pour elles-mêmes, elles présentent aussi un intérêt marketing qui se manifeste dans l’hybridation publicitaire. Pour autant, l’opération YouTube Play pose une question stratégique : la dimension marketing d’une opération à vocation artistique est-elle conciliable avec les activités d’un musée ?

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1.2 Une opération d’hybridation avec la promotion publicitaire

Le numérique augmente la dimension de désintermédiation dans l’accès à l’art. A l’époque de la reproductibilité des œuvres32, les contenus culturels peuvent être accessibles sur tous les écrans de la vie quotidienne : écran d’ordinateur, télévision, téléphone portable etc. Les musées, notamment d’art contemporain, doivent composer avec un nouveau contexte où ils ne sont plus les lieux privilégiés de la mise en relation des contenus culturels avec les publics. De plus les musées d’art contemporain se font concurrence entre eux sur la scène internationale et doivent de plus en plus se démarquer tout en étant à la pointe des nouvelles vagues. C’est la spécificité d’un « art » qui est toujours à actualiser. Dans ce contexte, les opérations de crowdsourcing restent un territoire que les marques tentent d’investir pour faire la promotion de leurs produits et services, et les musées n’y font pas exception. Elles peuvent même apporter une valeur ajoutée expérientielle aux visiteurs, en plus de la visite des lieux d’exposition.

a. Le musée comme marque

Contrairement aux entreprises, le musée n’est pas concerné, en premier lieu, par la vente de produits, mais plutôt par une problématique de fréquentation, d’attractivité, et d’alimentation de sa programmation. En effet, de sa renommée dépend la pérennité de ses financements publics ou privés de mécénat. Pour exister et attirer les meilleurs talents de la société artistique, le musée d’art contemporain doit apparaître comme innovant et se différencier par rapport à l’offre de musées existants. Les musées apparaissent de plus en plus comme des marques capables de caractériser une différence auprès de divers cibles : le grand public, les collectionneurs, les revues spécialisées, les critiques d’art, et la société artistique internationale dans son ensemble. Le musée peut caractériser sa différence dans la sélection

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BENJAMIN Walter, L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, essai, 1935.

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d’une programmation – pouvoir d’agenda – et dans la qualité des « expériences » qu’il offre à ses visiteurs. Sur la scène internationale, la fréquentation des musées ou biennales d’art contemporain par les touristes de courte durée citadins connait un essor important. Dans ce contexte international de compétition entre marques muséales et biennales, les musées sont appelés à être inventifs ; le crowdsourcing peut apparaitre comme un nouvel outil au service de cet objectif. YouTube Play apparait donc comme une nouvelle manière d’engager la marque Guggenheim dans une activité innovante et créative. D’ailleurs, le vocable de la différenciation et de l’innovation, c'est-à-dire de ce qui ne se retrouve pas ailleurs, est sans cesse rappelé à l’occasion du concours33. Le musée devient une marque et un label d’excellence dans un double mouvement de valorisation réciproque entre les œuvres auxquelles il octroie la légitimité de sa sélection et les œuvres dont la notoriété internationale est telle qu’elle se répercute sur le musée. Ainsi, les programmations et le choix des artistes définissent une « identité » propre au musée et à sa marque. Le musée légitime autant les objets qu’il désigne aux visiteurs en tant qu’œuvres, que les productions des artistes légitiment l’institution muséale. Et la programmation ou l’offre expérientielle qu’offre chaque musée peut se décliner selon une multitude de marques affiliées pour profiter de la notoriété ainsi acquise d’une institution. Il en va ainsi de la construction du Centre Pompidou-Metz, avec le concours de la collectivité territoriale urbaine et régionale, qui caractérise pleinement cette ambition de transposer un savoir-faire dans un nouveau lieu dont la légitimité est ainsi acquise malgré sa jeunesse. C’est une certaine manière de présenter et de choisir les œuvres qui est transposée dans un nouvel endroit. L’échange de visibilité ici, se fait entre plusieurs acteurs locaux et une nouvelle institution. C’est le capital humain, et le choix des curateurs qui est valorisé. Un équilibre doit être trouvé par le musée d’art contemporain dans sa programmation entre l’exposition d’artistes reconnus, et des artistes émergents34. En effet, l’expérience est déterminée par la qualité des œuvres exposées et les médiations mises à disposition.

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Les critères de sélection (YouTube Play Terms and Conditions – Annexe 2) sont sans équivoques: "Nous désirons voir des VIDÉOS CRÉATIVES : Art, animation, graphisme animé, narration, non-narration, etc. Quelle que soit l’approche, la candidature doit se distinguer par sa créativité ; Nous voulons découvrir des travaux innovants, originaux et surprenants, sans considération du genre, de la technique ou du budget ; et Nous voulons un travail qui suscite un débat, une discussion, qui teste, expérimente, et élève la vidéo de toutes les façons. Nous voulons quelque chose de différent. Nous ne cherchons pas ce qui est là, nous cherchons ce qui arrive." 34 Œuvres offertes par des fondations qui organisent des concours, tel que le Prix de la Fondation Ricard.

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Figure 3 - Centre Pompidou Metz. © Centre Pompidou, ADAGP, Paris, 2007

Le crowdsouring pourrait être appelé à prendre part à l’équation complexe de l’échange de notoriété et de légitimité qui a toujours caractérisé l’activité muséale et ses interactions avec les artistes et les publics. Le crowdsourcing pose comme objet, d’engager les internautes dans une « interaction » avec une marque dans l’optique de créer des contenus en rapport avec la marque. C’est une occasion de préparer les internautes à la visite du musée, pour leur donner les clés de compréhension préalable au décodage des œuvres, mais c’est aussi l’occasion de faire contribuer les internautes dans des espaces de participatifs et d’UGC (User Generated Content). Il semble que ces dispositifs soient le lieu privilégié d’une hybridation et d’un partenariat avec une entreprise soucieuse d’associer son image à ces postures hors du commun et novatrices. Dans cette optique, ce n’est pas tant les contenus produits qui importent mais plutôt la posture abordée par le musée. Ces expériences associent à l’image du musée, tous les imaginaires dont sont emplies ces nouvelles technologies, (la mythologie du progrès, la collaboration, la participation. Ces thèmes sont parfois chers aux publics pour juger de la vitalité d’une programmation ou d’une place culturelle. Ceci explique la mise à l’honneur des partenariats dans les musées, contrairement au mécénat philanthropique et désintéressé, qui hybrident les contenus de l’exposition du musée dans un mélange publicitaire et artistique encore timidement affiché par les musées.

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Le musée comme faire valoir des marques

Une légitimité est acquise par la marque du musée qui devient un gage de qualité, synonyme d’une certaine « expérience », qu’il est possible de revendiquer personnellement, notamment sur les réseaux sociaux grâce au bouton « I like » de Facebook. Cette légitimité peut aussi profiter à des marques lors d’un partenariat. L’initiative de la « Hype Gallery » au Palais de Tokyo est symptomatique d’une mise à disposition d’un espace muséal au profit de la valorisation d’une marque. L’exposition a été imaginée par deux directeurs artistiques35 de Publicis à Londres pour mettre à l’honneur du « matériel d’impression et de projection de qualité » de la marque Hewlett Packard. Graphistes, photographes, réalisateurs, étudiants ou professionnels étaient invités à apporter leurs créations par CD, DVD ou clé USB et du matériel de marque HP était mis à leur disposition pour projeter les œuvres ou les imprimer. Cette galerie temporaire reprenait de nombreux codes de la contribution en ligne » et les imaginaires propres à internet : la gratuité, l’organisation anté-chronologique des œuvres (les nouvelles remplacent les anciennes), l’adresse e-mail qui est écrite au dos et qui permet de contextualiser chaque création. Une « galerie virtuelle » était même accessible en ligne36. Cela a permis a des amateurs d’être valorisés dans l’enceinte d’une prestigieuse institution d’art contemporain pendant près d’un mois. La marque était toujours présente de manière discrète pour valoriser qualitativement l’institution. Plutôt que de s’afficher de manière très visible, la marque faisait partie de l’expérience de manière intime. Les artistes avaient l’obligation de faire comporter les lettres « H » et « P » dans le titre de leurs œuvres. Pourtant, l’hybridation publicitaire et créative est-elle conciliable sans conditions avec les institutions muséales ? Il semble que la mise en place de tels partenariats, qui hybrident contenus publicitaires et démarche artistique, soient discrètement affichés par les musées pour préserver leur crédibilité artistique.

35 36

Chris Aldhous et Peter Hodgson http://www.hypegallery.fr/

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Figure 4 - Opération “? depuis 1977” au Centre Pompidou http://www.depuis1977.centrepompidou.fr/

Il peut arriver que cette hybridation avance de manière cachée, comme dans l’opération « Depuis 1977 » lancée à l’occasion des 30 ans du Centre Pompidou. La charte graphique, élément identitaire structurant d’un musée d’art contemporain37, était octroyée aux visiteurs du site web qui pouvaient s’en emparer et y inscrire le texte de leur choix. Ainsi, les marques investissent ce créneau du crowdsourcing pour fédérer et créer l’événement autour de leurs sujets d’actualité et pour contribuer à écrire une histoire de marque. L’objet est de toujours mettre l’élément à valoriser au centre de l’attention, en le désignant comme élément à manipuler, mais en y ajoutant un couche ludique qui ne fait pas apparaitre l’exercice comme promotionnel au premier abord.

b. Valeur expérientielle des démarches de crowdsourcing

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Le designer Ruedi Baur a réalisé la nouvelle identité visuelle du Centre Pompidou, il dirige l’institut de recherche Design2context de Zurich.

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L’intérêt de la démarche de crowdsourcing est qu’elle s’adresse à des « masses ». Quand elle réussit, c’est une opération qui fédère un grand nombre de personnes. Cette tendance s’accorde bien avec la mouvance de démocratisation de l’art constatée depuis les années 1980. De plus, permettre à tout à chacun de créer et de valoriser ses créations, c’est briser le monopole de l’artiste institué. Conformément au dogme de démocratisation de l’art, il s’agit d’engager chaque visiteur dans une expérience créative. Cette démarche comporte des similitudes avec le « marketing expérientiel » qui, chez les publicitaires, désigne la vague attachée à « mettre en avant les usages, les contextes de consommation et les émotions qu’ils vont engendrer, plutôt que le descriptif factuel du produit »

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. Cette démarche permet de

favoriser l’attachement affectif à une marque et d’engager une motivation personnelle d’achat chez tous les individus.

Une stratégie de contenus basée sur les utilisateurs

L’expérience de la « HypeGallery » au Palais de Tokyo est un élément intéressant pour comprendre ces phénomènes de participation de tous les visiteurs et d’hybridation des contenus publicitaires et créatifs. Pourtant, en premier lieu, il n’est pas dans l’objet du musée de créer des œuvres d’art. D’ailleurs chaque vidéo en elle-même n’a pas autant de valeur pour le musée, si ce n’est son potentiel de notoriété et la possibilité de rattacher le nom du musée à une œuvre qui pourrait connaitre un destin glorieux. Mais alors quel est le sens de telles opérations pour les institutions de musée ? C’est une volonté assumée d’innover et de tenter de trouver des créations originales qui n’auraient pas encore été « découvertes » par les procédés d’institutionnalisation traditionnels. Ces expériences réinventent la relation artiste – public, au point que la notion d’artiste et de public se confonde. L’artiste est aussi son propre public. Le phénomène des concours vidéos sur internet participent de cette tendance des marques à engager leurs clients potentiels dans des « conversations », et de faire un pas vers les préoccupations du public. Le ressort marketing des opérations d’appel à la contribution du public ou de crowdsourcing, ne réside pas uniquement dans la production ainsi obtenue à la

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MARTIN Alban, Et toi, tu télécharges ?, Industries du divertissement et des médias à l’ère du numérique, Paris, Pearson Education, 2010, p8-9

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suite du processus participatif (dans le cas de YouTube Play une sélection de vingt-cinq vidéos qui ont été exposées aux musées Guggenheim pendant 3 jours), mais surtout, de l’événement et du niveau d’engagement qu’à crée l’opération auprès du public. Ainsi, l’opération participative serait moins recherchée par les annonceurs pour sa faculté d’externalisation que pour sa faculté de promotion d’une « expérience » autour d’une marque. Ce faire valoir que l’autorité du musée confère aux marques se développe aussi sur le territoire numérique, notamment grâce aux concours de vidéos en ligne. Que ce soit pendant la visite, grâce aux téléphones mobiles notamment, en amont de la visite grâce au site internet ou après la visite pour prolonger la découverte de telle ou telle œuvre. Les visiteurs sont ainsi habitués depuis quelques années au développement conjoint du numérique dans le musée. Cette préparation permet une transition facilitée des publics vers un concours de création de vidéos par le musée.

La force de mobilisation des concours de vidéos en ligne

La forme des concours vidéo organisés par le moyen de dispositifs participatifs sur internet semble avoir pris une importance croissante ces dernières années. Grâce à l’accroissement des capacités d’émission et de réception vidéo sur le réseau internet mondial, il est désormais possible pour tout un à chacun de se filmer par webcam et d’envoyer sa vidéo en partage sur un « mûr de publication ». Une campagne vidéo majeure de 2009 invitait les internautes à contribuer et à partager leurs expériences dans un concours pour gagner le meilleur « job » du monde39. Les internautes devaient télécharger des vidéos d’une minute qui expliquaient, de manière divertissante, pourquoi ils devraient être choisis comme gardien des îles paradisiaques de la grande barrière de corail du Queensland. Toutes les vidéos étaient diffusées sur une chaine vidéo YouTube et un site internet dédié. L’opération a été un grand succès en termes de retombées médiatiques, plus de 30 000 personnes ont contribués par une vidéo. Un internaute 39

The Best Job in the World, Tourism Queensland, 2009, http://www.youtube.com/user/islandreefjob par l’agence publicitaire australienne CumminsNitro (www.cumminsnitro.com) et l’agence de relations presse de New York Quinn & Co. Le titre et le visuel de cette campagne ont été repris à l’automne 2010 par le Medef de la ville de Marseille par des affiches et un encart dans la PQR pour dénoncer les conditions sociales « avantageuses » des grutiers grévistes du port de Marseille durant le conflit des retraites en France. « Le meilleur job du monde »

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a été choisie, et a continué l’expérience avec un blog co-brandé par Tourism Queensland. France-soir a aussi lancé une campagne similaire baptisée « ReporTour du monde, le meilleur CDD du monde ». Ces campagnes qui prennent en compte les centres d’intérêt de leurs cibles, à savoir les inquiétudes face au chômage dans un contexte de crise économique, bénéficient d’un réel écho dans l’opinion.

Figure 5 - Blog du gagnant de la campagne vidéo de France Soir "ReporTour du monde"

Evidement, l’objectif affiché par la campagne, celui de faire un simple recrutement, ne coïncide pas avec l’objectif caché qui est celui de faire parler de la marque. L’opération permet de produire des contenus qui mettent en scène la marque, d’inviter les contributeurs à partager cette vidéo avec leurs contacts, par le mécanisme des votes. Les contenus n’auront rien coûté et auront fait parler de la marque, seule la mise en place du dispositif et l’encadrement de l’opération sont à la charge de l’annonceur. C’est donc aussi un moyen de faire parler, c'est-à-dire un levier de communication que d’impliquer les acteurs de la communication dans le projet pour qu’ils soient intimement attachés au succès de l’opération. La vidéo en streaming est donc un outil qui favorise la viralité grâce à ses « lecteurs » exportables, sous forme de widgets, sur les réseaux sociaux et les pages personnelles des utilisateurs. C’est un échange de visibilité et un partenariat.

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Dans le domaine artistique, la sollicitation vidéo a été mise en place notamment par l’opération « Life in a day »40 avec Youtube et le Festival de films indépendants de Sundance. Les internautes étaient invités à envoyer des vidéos qui avaient toutes pour point commun d’avoir été filmées et postées le 24 juillet 2010. L’ensemble va faire l’objet d’un film dirigé par Ridley Scott et Kevin Macdonald et présenté au Festival de films de Sundance. Les internautes participent ainsi indirectement à la constitution d’un film cinématographique, sans pour autant être les responsables du choix final des séquences à l’écran. C’est ce qui a pu faire dire à certains que cette forme de participation vidéo s’approchait d’une vision démocratisée de la production culturelle41. En creux, il y a la glorification, non pas de la production des internautes, mais plutôt du dispositif qui a rendu possible la contribution des internautes. Les galeries artistiques en ligne partagent cet imaginaire de libre accès permis par les nouvelles technologies et de démocratisation de l’art42. Même si l’institution muséale représente une symbolique, dans sa forme plénière, qui tolère un degré d’hybridation moindre avec la promotion publicitaire que les annonceurs traditionnels du numérique, YouTube Play s’inscrit dans cette filiation riche qui repose sur des leviers de marketing viral qu’il est intéressant d’objectiver et de réactualiser dans le champ particulier du contexte des institutions d’art contemporain. Il est possible de retrouver, pour YouTube Play Biennale un attachement personnel des contributeurs au succès de l’opération43. Le musée devient partenaire de l’internaute dans le cadre d’un échange réciproque de notoriété et de carnets d’adresse. La forme ludique et originale d’une telle opération pour un musée a surpris et provoqué de nombreux articles de médias curieux de l’opération. L’opération a connu une mobilisation qui a entrainé 23 000 contributions en l’espace de deux mois et des retombées de presse importantes (cf. Figures 6 et 7 ci-après. Les données de ces graphiques correspondent à la quantité de recherches ayant été effectuées pour un terme donné, par rapport au nombre total de recherches effectuées sur Google au cours de

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« Un jour dans la vie : le récit d’une journée sur terre ». L’opération de crowdsourcing a généré 4 600 heures d'images, 80 000 vidéos venues de 197 pays dans 45 langues différentes : bilan du projet Life in a Day, initié par Ridley Scott et Kevin Macdonald en partenariat avec Youtube et le Festival de films indépendants de Sundance. 41 Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou, vendredi 15 octobre 2010 42 C’est le pari de la Gallerie numérique Saatachi online Saatchi Online - Show your art to the world - "Saatchi Online at The Saatchi Gallery allows artists to showcase their work for thousands of visitors to this site to view." http://www.saatchi-gallery.co.uk/yourgallery/ 43 Annexe 3: entretien avec Hanne Mugaas, curateur associé, YouTube Play/Guggenheim, Artlog (Twitter Interview), 27 septembre 2010. http://artlog.com/posts/3111-artlog-interview-with-guggenheim-youtube

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la même période). Le pic constaté au mois d’octobre correspond à l’annonce de la « shortlist » des vidéos sélectionnées, ainsi qu’à la soirée d’annonce des résultats.

. Figure 6 - Graphique de Google Tendances des recherches actualités et événements pour 'Guggenheim'

Figure 7 - Graphique de Google Tendances des recherches sur le web pour ‘Guggenheim Youtube’

En conclusion, le numérique joue un rôle de plus en plus important dans les pratiques d’accès et de « consommation » culturelle - que ce soit par la promotion des artistes émergents sur le réseau ou par l’usage de dispositifs de médiation. Les concours de vidéos en ligne fleurissent sur plusieurs événements organisés par les marques. Il s’agit d’un levier pour de marketing viral. Pourtant, quelle valeur créative permet le numérique, entre l’abondance des contenus et les nouvelles formes d’engagement que portent les nouveaux médias ? 35

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DU

PARADIGME

DE

LA

RARETE

AU

PARADIGME

DE

L’ABONDANCE

La participation dans le cadre de concours vidéos en ligne, et pour ce qui est du numérique en général, est caractérisé par l’abondance et l’ampleur des contenus générés et des informations qui sont traitées. De par sa thématique, le musée d’art contemporain est toujours en construction et à la recherche de la création « contemporaine ». Il a une nature existentialiste qui l’oblige sans cesse à se renouveler. L’« art en réseau » représente pour les musées un nouveau territoire de différenciation de leur offre d’expériences culturelles. Pourtant, dans le contexte traditionnel des musées où les œuvres d’arts sont sacralisées pour leur unicité, les productions issues des dispositifs de participation numérique dénotent par leur nombre. Le numérique brise en quelque sorte une hiérarchie traditionnelle du musée, avec une mise en relation directe des contributeurs et de leur productions avec le jury d’un grand musée d’art contemporain. L’ampleur des contributions appelle deux remarques. En premier lieu, le cadre institutionnel du musée est-il adapté pour évaluer un nombre aussi important de contributions (23 000 pour YouTube Play Biennale 2010) ? En second lieu, est-il possible d’identifier une innovation artistique et créative en gardant une grille de lecture adaptée aux codes des musées traditionnels ? La question présente une difficulté tant la notion de créativité ou même la notion de valeur est contingente d’une époque, d’un contexte ou de subjectivités personnelles. Certains voient le crowdsourcing comme un capital créatif dont les entreprises et même les musées pourraient tirer partie. En premier lieu, les créations issues des dispositifs de partage en ligne peuvent apparaitre, bien qu’hétérogènes, comme des capteurs efficaces des tendances artistiques actuelles (B.1). En second lieu, il semble que la valeur créative de cette masse contributive réponde à des logiques propres qui tiennent aux spécificités du média sur lequel elles ont été produites (B.2). Enfin, il y a une tendance à l’institutionnalisation et à l’internalisation par les musées de certaines formes de l’art en réseaux (B.3).

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2.1 La masse des contributions

L’opération de crowdsourcing peut-être recherchée non seulement pour son effet créateur de visibilité sur l’internet mais aussi pour sa valeur créative. En effet, les plateformes de diffusion de vidéos ont pris une place importante dans le milieu de l’art comme l’un des meilleurs moyen pour surveiller ce qu’il se fait de « nouveau » dans l’art vidéo. Mais il résulte de l’ensemble des contributions, représenté par un regroupement de contenus de qualités disparates et inégales, d’une valeur propre qu’il faut mettre en évidence.

a. Hétérogénéité des contributions et des nouveaux modes de diffusion des contenus culturels autoproduits

Nous l’avons dit, le musée d’art contemporain est existentialiste et les œuvres qu’il propose autant que les manières d’interagir avec le musée doivent être innovantes et créatives. Il est possible de retrouver cette volonté disruptive dans l’ensemble des traits identitaires des musées : typographie, signalétique, site internet etc. Mais c’est aussi par son dispositif d’interaction que le musée affirme sa créativité.

Disparité des dispositifs et des contributions et disparité des objets vidéo issus de ces dispositifs

L’ère de la participation en ligne est marquée par des contenus autoproduits personnalisés et diversifiés, de qualité disparate autant techniquement que thématiquement. Cette tendance a été appelée le « Web 2.0 ». Elle se caractérise par une multiplicité des formes et une disparité qualificative des contributions. Dans la perspective existentialiste, le média se définit par ce qu’il diffuse ; ce qu’il donne à voir. Cette absence de légitimé explique les réticences des musées et de leurs programmateurs44, en tant qu’organes de culture institués, à sanctifier des productions issues des réseaux sociaux. Ainsi, Youtube est le site de téléchargement de vidéos 44

Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou ,vendredi 15 octobre 2010

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par les utilisateurs le plus visité au monde depuis sa création en avril 2005. La disparité de ses contributions tient à son ouverture et à son accès mondial et donc à la diversité de l’imagination de ses contributeurs. Mais la variété des dispositifs de captation vidéo participe aussi à cette disparité. En tant que pratique amateur, la réalisation de films autoproduits est caractérisée par la diversité des moyens de captation de vidéos qui va de paire avec la multiplicité des formats vidéo, et de la qualité graphique des contributions. En particulier, l’apparition de normes haute définition et d’équipements qui permettent ces résolutions provoque une disparité de qualité avec les vidéos réalisées à l’aide d’appareil de définition autre définition45. Indépendamment des appareils de captation, la diversité des appareils de réception – ordinateurs, téléphones portables, télévisions, tablettes – sur lesquels les sites web de vidéo en streaming sont accessibles donne un accès différents aux mêmes contenus. La taille de l’écran d’un téléphone portable compte aussi dans la réception du contenu vidéo. La démocratisation des outils vidéos amorcée dans les années 1970 avec le caméscope personnel a offert la possibilité pour une grande partie de la population d’effectuer ses propres films familiaux et vidéo. Le numérique a accéléré ce phénomène, notamment sur le support photographique qui a connu un essor lui aussi fulgurant. Ainsi Flickr, reprend le modèle de partage de photos issues du vivier de création des internautes. Les appareils photos numériques sont maintenant équipés en série de moyens de captations vidéo courtes adaptées à un téléchargement sur YouTube. Les ordinateurs personnels se sont aussi équipés de microphones et webcam de manière de plus en plus large, donnant les moyens aux internautes de s’exprimer et de contribuer non seulement par le texte mais aussi par la voix et l’image. Non seulement les vidéos sont de qualités différentes, mais les plateformes qui permettent les contributions, les architextes46, sont différents et ont des objets différents. Vimeo est considéré dans les milieux artisitiques comme une plateforme plus qualitative que YouTube. Il s’agit principalement de contributeurs professionnels qui sont actifs sur cette plateforme et la capacité de téléchargement de vidéo de grande qualité technique est facilité sur Vimeo par rapport à toutes les autres plateformes. Ainsi, l’intérêt des personnes de l’art va donc « naturellement » pour ces plateformes où l’on retrouve une certaine qualité formelle47 et un 45

Ainsi, Youtube récence plusieurs centaines de codecs et formats vidéos qu’il est possible de charger sur sa plateforme. 46 Un architexte (du grec arkhè, “origine”, “commandement”) est, dans les médias informatisés, un outils d’écriture situé en amont du texte. Il le régit et lui permet d’exister. JEANNERET Yves & SOUCHIER Emmanuel, «Pour une poétique de l'écrit d'écran», Xoana, n°6-7, « Le multimédia en recherche », 1999 47 Le règlement de l’opération YouTube Play prévoit d’ailleurs que la vidéo soumise à évaluation doit être formatée et encodée en accord avec les exigences listées sur le site Internet YouTube disponibles sur http://www.google.com/support/youtube/bin/answer.py?answer=57924&cbid=1n9u1ginv5z3y&src=cb&lev=index

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certain élitisme de statut. L’imaginaire de démocratisation qui accompagne les médias numériques est alors tempéré. Il en résulte que les vidéos en ligne, c'est-à-dire en réseau, forment un « conglomérat d’objets disparates » qui ne sont pas classés selon un ensemble logique, homogène et fermé. La disparité touche non seulement l’apparence sémiotique des contributions, mais aussi les thématiques, qui sont singulières au média utilisé.

Un virage des contenus au croisement de la culture, de l'« Entertainment » et de la communication interpersonnelle

Parce que l’internet est un média qui permet la lecture et l’écriture48, de tout à chacun, il a pu apparaitre comme un média qui prédispose à la mise en exergue d’une catharsis de la personnalité sur les réseaux sociaux comme nous l’avons vu par un système de valorisation des contributions (cf. Chap 1. A.1.b). L’internet est un média récent par rapport à l’invention de la presse écrite, de la radio ou encore de la télévision. Même si la plupart des médias institués d’information ou de diffusion de contenus considèrent aujourd’hui qu’il s’agit d’un média incontournable, il n’en reste pas moins que le média internet n’a pas encore gagné toute légitimité face aux autorités culturelles traditionnelles. La variété des thèmes et contenus disponibles sur ce média est une cause de cet état de fait. Il est possible de constater un virage des contenus au croisement de la culture, du divertissement-Entertainment et de la communication interpersonnelle, entre la médiagénie de l'insolite, du populisme, des vidéos humoristiques ou d’auto-représentation à côté de contenus plus sérieux. Non sans paradoxes et dans le même moment, ce média permet de construire une encyclopédie dont la fiabilité est comparable avec les plus prestigieuses encyclopédies traditionnelles. Wikipedia, constitué essentiellement de contributions d’utilisateurs est devenu une source légitime utilisée quotidiennement par des millions d’individus. Des contenus disponibles divers, il ne reste dans l’opinion que celui qui n’est pas légitime. Ces contenus issus de ces dispositifs ont pu apparaître comme futiles et sans intérêt pour beaucoup. C’est tout un média qui est décrédibilisé selon les critères classiques des canons artistiques. Ainsi, la multitude des vidéos disponibles sur les plateformes de vidéos en 48

JEANNERET Yves (Dir), SOUCHIER Emmanuël, LE MAREC Joëlle, Lire, écrire, récrire: Objets, signes et pratiques des médias informatisés. BPI, 2000.

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streaming, dessert à priori la légitimité d’internet à être un médium qualifié pour la production d’un contenu artistique original. L’opération YouTube Play caractérise aussi cette hybridation d’une intention créative artistique désintéressée et d’une opération de promotion de YouTube et de ses partenaires (HP et Intel). Comme le dit Jean Baudrillard à propos de l’art contemporain « rien ne le distingue de l’opération technique, publicitaire, médiatique, numérique. Plus de transcendance, plus de divergence » et à plus forte raison le numérique accentue cet état de fait parce qu’il engage une tolérance plus grande à l’hybridation des contenus. Dans cette mise en scène de démocratisation de l’art, c’est plus les moyens que les fins qui sont mis à l’honneur. L’ampleur du volume des contributions va de pair avec un intérêt très relatif pour chaque contribution prise dans son individualité, mais l’intérêt est accentué sur la démarche de donner la parole au public. Cette disparité des contributions décrédibilise le média. Face à l’hétérogénéité des contributions, à la diversité des objetsterminaux et architextes, il y a nécessité d’un traitement systématique des contributions pour faire émerger une « valeur par la masse ».

Valeur par la masse

Du point de vue économique, la valeur des œuvres d’art et donc leur circulation répond depuis l’antiquité au critère de la rencontre de l’offre et de la demande. Le modèle utilisé par les économistes pour appréhender ce phénomène est pour une grande partie basé sur la rareté. A l’inverse, dans le monde numérique, les créations sont caractérisées par leur abondance et leur profusion, mais moins par leur valeur unitaire. Nous nous proposons d’apporter une contribution à la théorie de la valeur dans le monde numérique. La théorie de la valeur en économie est un concept complexe qui connait beaucoup de discussions doctrinales. Pour rendre opératoire cette notion extrêmement contingente, il faut la regarder à l’aune des objectifs qui sont ceux des musées, à savoir la volonté d’apparaître comme une institution qui « déniche » des talents avant les autres. Par l’ampleur qu’a pris le phénomène participatif YouTube Play, le risque est limité de ne pas trouver des vidéos qui correspondent à la ligne éditoriale du musée et qui pourrait le faire apparaître comme novateur. Mais ce n’est pas le résultat des 25 vidéos sélectionnées qui aura la plus grande portée communicationnelle, c’est surtout la démarche et l’action de 40

contribution de plus de 23 000 personnes à travers le monde qui est en soit une démarche « artistique » nouvelle. En effet, la notion d’avant-garde d’art contemporain est une question toujours controversée entre experts de l’art. Avec le crowdsourcing, le musée ne sanctionne plus une œuvre déjà légitimée, mais il réinvestit sa fonction de consécration d’objet au rang d’œuvres. La valeur par la masse émerge par la mise à disposition du public des 23 000 vidéos, dans le cas d’espèce sur une chaine YouTube, dans un cadre normalisé qui valorise l’événement global plutôt qu’une création en particulier. En effet, l’ampleur du crowdsourcing nécessite la mise en place d’un traitement systématique et de systèmes auto-régulateurs de leur diffusion pour rendre palpable l’opération. Ces dispositifs reposent en particulier sur le pouvoir de tri des foules, grâce au vote et aux commentaires, mais aussi à la diffusion virale, grâce aux plateformes en réseaux.

Figure 8 - Chaine YouTube Play Biennale

Ce qui est considéré comme de l’art est ce qui est désigné comme art par les autorités sociales légitimes. Une œuvre doit passer par des instances de consécration. En exposant une œuvre, l’institution légitime celle-ci, autant qu’elle se légitime dans sa fonction d’institution d’art. La nouveauté dans l’initiative YouTube Play Biennale réside dans le fait que la masse des contributeurs bénéficie sans autres pré-requis, d’une fenêtre de visibilité, de la possibilité 41

d’associer leurs noms à celui de l’institution et de l’accès à la vue du public sur un dispositif informatisé. De plus, les 25 vidéos sélectionnées sont exposées dans les musées Guggenheim de New York, Bilbao, Venise et Berlin. Cette possibilité, nouvelle, s’inscrit dans un mouvement plus global de démocratisation de l’art qui est censé lutter contre l’élitisme de ses médias culturels. L’accès à la légitimité artistique est désintermédié et gagne en transparence face aux modes de sélections traditionnels souvent opaques et parfois soupçonnés de copinage, de réseautages qui répondent aux intérêts catégoriels d’une classe bien déterminée, qui se perpétue par et pour elle-même49. Toutefois la dimension numérique n’est pas sans risques pour l’institution muséale. La rétribution des auteurs n’est pas garantie dans un système d’achat et de vente traditionnel. Ce qui n’est pas le cas des modèles hybrides qui monétisent les audiences et qui tirent partie des possibilités d’enrichissement et de participation des récepteurs par les dispositifs numériques. Les œuvres numériques auraient même pour spécificité de se répondre les unes aux autres dans un système de compréhension global. En outre, le phénomène de gratuité, imaginaire constitutif de l’internet, qui se retrouve dans YouTube Play Biennale, déconnecte les créations des enjeux pécuniaires. Les contributions sont en quelques sortes dépréciées par le média sur lequel elles se trouvent, et par la mise à disposition à tous, sans distinction. L’objet culturel ainsi créé perd sa fonction de revendication d’appartenance à une classe sociale, comme l’écrivait Bourdieu. La dimension massive de ces dispositifs engendre des outils spécifiques. Ces outils qui nous permettent d’apprivoiser l’Internet sont de l’ordre du « statistico-linguistiques » tels que les moteurs et index qui répondent à une conception technique du traitement de l’information50. Ainsi, l’unité de ces contributions tient dans le système de traitement de l’information et de navigation de YouTube qui fonctionne par le biais d’un moteur de recherche, et de recommandation de vidéos sur la base de tags et d’un algorithme de connexité.

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Charle Christophe. Ezra N. Suleiman, Les élites en France. Grands corps et grandes écoles, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1979, vol. 34, n° 4, pp. 828-831. « Les élites dans la société française. Tout change pour que rien ne change ? », avec Ezra Suleiman, professeur à l’Université de Princeton, Colloque France’s New Cleavages, Princeton, 9-12 octobre 2003 50 SOUCHIER Emmanuel, “Histoires de page et pages d'histoire” in ZALI Anne (Dir), L'Aventure des écritures: La page, Bibliothèque nationale de France, 1999.

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b. Veille sur les nouvelles tendances de l’art vidéo et phénomènes émergents

La dimension artistique et créative que YouTube Play passe donc par l’abondance des contributions et la prise d’acte de leur qualité hétérogènes. Une valeur ajoutée est à trouver dans le traitement systématique des contributions mais aussi dans leur capacité à refléter les évolutions du monde et à les influencer. Ainsi, les dispositifs d’UGC, du fait de leur ouverture plus large et sans contraintes fortes aux contributeurs, constituent un vivier créatif sans précédent. Le suivi des contributions permet d’opérer une fonction de veille sur les nouvelles tendances vidéo d'art en ligne, comme phénomène émergent. La rapidité des évolutions dans ce domaine pousse les musées et curateurs à être à l’affût d’un nouvel artiste, d’une nouvelle pratique pour être en phase avec le discours de contemporanéité de l’art contemporain. Dans cette quête, les usagers sont aidés par des outils d’ordre statistico-linguistiques tel que les classements par popularité, par nombre de visionnage, par nombre de fois où le lien a été partagé sur les réseaux sociaux ou par e-mail. Ces possibilités confirment la place centrale des dispositifs donnée par les musées d’art contemporain51 ainsi que leur intérêt pour les réseaux sociaux dans le but de capturer les productions contemporaines d’UGC. Par exemple, les sites de partage des créations utilisateurs, qui révèlent pourtant un contenu de qualité hétéroclite, sans cesse en mouvement, constituent un réservoir de matières premières sans précédent qui attire de plus en plus l’intérêt du milieu de l’art. En témoigne les « battle » de Fan Footage au Centre Pompidou ou au Palais de Tokyo, c'est-à-dire, la création d’une vidéo à partir de contenus trouvés sur YouTube ou Dailymotion.. Ceci ne va pas sans poser des problèmes de droit d’auteur. Le simple fait de « décontextualiser » un contenu provenant de YouTube ou Dailymotion dans le cadre du musée constitue en soi une démarche artistique. Celle-ci est d’ailleurs mise en œuvre lors du festival Hors Pistes du Centre Pompidou. Dans ce contexte le crowdsourcing se pose comme une technique avant-gardiste de découverte de nouveaux talents. Les institutions ne sont pas les seules à s’emparer du phénomène, il semble que de plus en plus d’artistes institués, en particulier d’art contemporain, se servent des créations issues de l’User Generated Content de sites web populaires comme matières premières à leurs créations artistiques. Certains artistes se sont même spécialisés dans la récupération de contenus

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Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou, vendredi 15 octobre 2010

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téléchargés par les utilisateurs52. De même, les médias institués piochent dans du contenu produit par des médias jeunes comme YouTube pour alimenter leur propres contenus. L’internet devient un phénomène social qui crée sa propre médiatisation. Dans la partie précédente, nous avons vu à quel point l’objectif de popularité et de reconnaissance sociale des musées pouvait être servi par les opérations de crowdsourcing. Mais ces opérations peuvent-elles surfer sur les tendances de Fan Footage de l’art en réseau qui réutilisent très souvent les productions des utilisateurs issues de sites participatifs à succès ou d’échange de vidéos. Mieux, est-il possible d’objectiver une valeur d’identification de la création et de nouveaux talents par ces dispositifs ? Pour déterminer si la technologie du crowdsourcing peut permettre aux musées d’améliorer leurs offres d’expériences culturelles, il faut comprendre le cadre d’interprétation dans laquelle elle s’inscrit.

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Par exemple : Olivier Laric, avec son œuvre « Versions », « investigating the re-appropriation and manipulation of images in our culture. », http://oliverlaric.com/ Ou encore : Kutiman, musicien israélien qui a composé un album uniquement à partir de samples pris sur You Tube. Son album est intitulé "Thru You".

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2.2 Des systèmes de compréhension globaux

Le numérique est parfois décrié en tant que médium pouvant faire transiter d’une part, beaucoup d’informations parfois fausses, mais aussi, des contenus de qualité médiocre. Même si elles constituent un terrain riche pour les sociologues, ces nouvelles pratiques peuvent aussi être à l’origine de formes nouvelles de créativité. A considérer les créations numériques à l’aune de critères traditionnels, c'est-à-dire l’unicité et la valeur d’une œuvre prise dans son unité, ne passe-t-on pas à côté d’une valeur spécifique aux objets issus de l’User Generated Content qui fait échec aux typologies traditionnelles ?

a. Systèmes de compréhension qui prennent leur place dans un ensemble

Traditionnellement, les acheteurs d’œuvres d’art adoptent une démarche spéculative dans leur processus d’achat. Outre les qualités esthétiques subjectives qu’ils acquièrent dans l’œuvre, ils achètent une valorisation sociale de « collectionneur » ainsi qu’un capital qui peut faire l’objet d’une spéculation si l’œuvre est plus ou moins recherchée, et qui à la revente, pourra faire aussi l’objet d’une spéculation. La stratégie adoptée doit donc prendre en compte le caractère unitaire et non reproductible de l’œuvre pour garantir une revente à moyen ou court terme. En effet, on constate une valeur d’échange limitée pour les œuvres qui ont comme support un format reproductible même si des stratagèmes sont utilisés pour réintroduire de l’unicité et de la particularité à ces œuvres (exemplaires numérotés, versions intégrales etc.). Le numérique, par son ouverture plus large aux aspirant artistes des musées d’art contemporain, permet d’internaliser une palette beaucoup plus large de la production sociale. En effet, ce serait un appauvrissement de réduire le numérique à son aspect économique en oubliant la richesse sociale que cet outil diffuse et fait au monde. Pourtant il est difficile d’identifier une valeur en soi à l’objet vidéo issu de la participation sur internet, tant les codes y sont différents. Les œuvres d’arts traditionnelles ont été amenées au rang d’objet de consommation. Au même titre que des biens de consommation, les biens culturels peuvent 45

faire l’objet d’une spéculation, être achetés puis revendus. Ces biens répondent à la caractéristique d’ « unicité » qui permet d’organiser sa rareté. Même les mouvements artistiques conceptuels et le Popart qui ont pour objet de détourner des objets de consommation courants produit en série, érigent en réalité un objet courant au rang d’œuvre d’art unique. Qu’en est-il de cette valeur d’échange à l’heure de la reproductibilité et du numérique ? Par sa globalité, les phénomènes participatifs s’éloignent de la rareté. Chaque objet vidéo pris dans son unicité représente un tout - car il est pris dans un système d’interdépendances -. L’appel au concept de monade formulé par Leibniz permet d’éclairer cette vision de l’objet vidéo. En effet, le concept de monade désigne un sujet en tant qu’il exprime la totalité du monde. Appliqué à un objet et pour décrire un autre objet, la vidéo numérique s’exprime en tant qu’elle exprime la totalité de l’internet. Le changement pour le musée réside dans le changement de posture, qui passe à une vision subjective du monde, en partant des utilisateurs. Cette démarche s’accorde avec celle du marketing expérientiel.

b. Valeur culturelle des objets d’UGC

Plusieurs codes d’interprétations propres à l’univers numérique permettent d’aborder la question de la conciliation des œuvres numériques avec les musées. En effet le média internet présente des spécificités et des postulats initiaux dont le système de représentation est apparemment très différent de celui des musées. Egalité des contributeurs entre eux L’abondance et la gratuité des contenus présupposent l’égalité des contributeurs entre eux qui ont tous le même cadre d’exposition à l’origine, à savoir la fenêtre YouTube. La différenciation provient du système de rétribution de la popularité par les votes et les commentaires. Même s’il y a un nombre plus faible d’utilisateurs qui participent par rapport au nombre des utilisateurs passifs53. Une spécificité importante du média internet, et à fortiori de l’art en réseau est cette propension à l’auto-représentation et au culte de l’égo organisé par 53

Sur Wikipedia, l’encyclopédie participative en ligne, 10 % des internautes contribuent.

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les réseaux sociaux. L’appel à la contribution du public n’est pas un phénomène isolé sur internet. L’un des traits caractéristique de ce média est qu’il permet la lecture ainsi que l’écriture des pages affichées. Dès lors, l’engagement des internautes dans la participation à l’édition des sites est apparu comme une tendance lourde pour de nombreux sites. Si tous les sites ne reprennent pas le mode de fonctionnement du Wiki qui est le principe même d’une co-construction entre internautes, beaucoup incorporent des modules participatifs, tels que sont les commentaires et les forums. L’architexte YouTube à l’œuvre, prescrit une mise en scène de l’impact social des vidéos. L’autolégitimation des contenus par le nombre de vues s’impose au monde comme une réalité qu’on ne peut plus ignorer et qui fait partie intégrante de l’expérience de découverte d’une vidéo. L’agrégation et le mimétisme Il est frappant de voir la récurrence du mode d’exposition des créations d’utilisateurs en mode tabulaire sur les sites de crowdsourcing vidéo (cf. figures 9 à 12). Ce traitement sémiotique égalitaire est une manifestation de plus du principe d’égalité dans la multitude des contributions. Au-delà du vote et des systèmes de tri, cela suppose un mode d’entrée dans le répertoire des vidéos par le moteur de recherche. Il est possible de constater un usage à minima du texte éditorial pour introduire les vidéos. L’apparence tabulaire, sous forme de système clôt donnant déjà une représentation du monde. L’hypothèse qu’il est possible de formuler est que les vidéos sont ainsi, sans cesses, présentées de manière comparative par rapport aux autres et confrontées les unes à côté des autres. Elles se définissent non pas toute seule, mais dans un ensemble d’assertions qui se répondent les unes aux autres.

Figure 9 - "Depuis 1977"

Figure 10 - "Life in a Day"

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Figure 11 - "YouTube Play"

Figure 12 - "The best job in the world"

En effet, cette disposition tabulaire permet d’inscrire les contributions dans un système d’interdépendances. En organisant l’information selon des critères qui leurs sont propres, les dispositifs renvoient une représentation du monde. Ils sont des univers à eux tout seul. L’analyse du site Libération.fr54 est évocatrice de cette volonté d’autosuffisance. Pourtant, même pauvres dans leurs individualités, les contributions prennent sens dans un ensemble qu’il s’agit de définir. Le détournement Toutes les créations téléchargées sur les sites d’échanges de contenus ne sont pas des créations originales. Le numérique est particulièrement exposé à la reproductibilité, au détournement qui laissent place à des possibilités créatives par « communautés », dans un mécanisme basé sur l’interaction et l’échange. « Mèmes », « Remix », « Mash ups », « Flashmob », « Machinima » sont autant de possibilités de rebondir sur la création d’un autre, de l’enrichir. Sa valeur s’acquière par la circulation. La diffusion gratuite et massive sur le réseau d’un bien immatériel est la particularité des biens numériques qui contrevient le plus au principe de l’unicité de l’œuvre d’art. Selon l'essayiste, Serge Soudoplatoff, « quand on partage un bien matériel il se divise, quand on partage un bien immatériel il se multiplie. ». La circulation des œuvres et leur enrichissement contribue à l’histoire d’un phénomène 54

Analyse de cas Libération.fr, Etienne Candel, année d’enseignements universitaires 2008 – 2009, Celsa

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médiatique. Il est, en effet, plus juste de désigner ces objets comme des « phénomènes » médiatiques vu qu’ils ne sont pas des biens finis et que leur construction est toujours à poursuivre. C’est le cas du « même » qui est apparu dans les usages d’internet comme une pratique de détournement et de déclinaison d’une contribution humoristique entre internautes. Chaque contribution d’internaute enrichit l’œuvre globale. Il est possible d’y voir une forme de « co-création » entre plusieurs internautes qui participent à la création commune d’un objet culturel, parodique ou non. Ces phénomènes web recouvrent de nouvelles formes de narrations telles que les ARG (Alternate Reality Game). Enfin, cette posture d’œuvre « coconstruites » combat l'idée de l'auteur unique et s’inscrit dans la vague de démocratisation de l’art et même d’une remise en cause de l’art conceptuel où l’artiste passait avant l’œuvre55.

Figure 13 – Extrait de l’oeuvre “Versions”, “investigating the re-appropriation and manipulation of images in our culture”, Olivier Laric, 2010

Une valeur de système Ces opérations de participation montrent à tous les spécificités des UGC numériques. Par leur présence sur les réseaux sociaux, elles permettent d’accéder à des leviers de communication virale par la recommandation aux cercles de connaissances. Ainsi, elles répondent à des normes propres, par leur abondance, leur traitement hiérarchique égalitaire, leur système d’interprétation se répondant les uns aux autres. Les contributions prennent sens dans un système mais peu individuellement. La particularité du support numérique fait de ces créations des œuvres fugaces toujours sur le point de disparaître. En définitive, ces biens culturels alimentent un patrimoine commun de l’internet. 55

En particulier pour l’œuvre de Marcel Duchamp.

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2.3 Tendance affichée à l’institutionnalisation de l’art en réseaux

Au-delà de l’intérêt éphémère provoqué par le côté novateur d’une campagne de crowdsourcing vidéo, les objets numériques issus de dispositifs participatifs présentent un intérêt propre : celui d’une valeur par la masse. Par leur abondance, la théorie traditionnelle de la valeur caractérisée par la désutilité marginale de tout bien de production se trouve inopérante pour caractériser ces systèmes dont l’abondance fait la valeur et où chaque contribution enrichit la précédente.

a. Reconnaissance par l’institution de l’art en réseau

D’une certaine manière, les créations issues des dispositifs d’UGC sur internet se sont construites contre l’institution et l’idée d’auteur. Aujourd’hui ce mouvement est en train d’être internalisé par le musée. En effet, dès l’époque du pop’art, a été institué l’idée que l’artiste ou bien l’œuvre est à chercher, non pas à l’intérieur des musées, mais dans la vie de tous les jours56. Il y a de plus en plus d’« autonomie » des œuvres d’art par rapport à leur lieu d’exposition. Une autre problématique propre à l’art contemporain est la découverte de nouveaux talents toujours à recommencer pour garder un caractère d’« avant-garde » aux collections. Il y a donc une affinité conceptuelle entre le crowdsourcing, qui délègue la création à tout à chacun et l’art contemporain qui porte des idéaux de démocratisation et dans une certaine mesure de dépassement de la notion d’artiste institué. La spécificité des créations de l’art en ligne s’inscrit dans cette filiation avec l’art contemporain. En effet, ces œuvres font parfois une critique conceptuelle du réseau et « jouent avec la façon dont l’information est structurée en ligne »57, elles reposent souvent sur un jeu de mise en abimes entre les cadres propres au média de réseau et ses spécificités. Par exemple : le jeu sur les bulles d’annotations qui permettent d’incorporer des liens incrustés dans les vidéos, comme le jeu sur l’utilisation 56

La dernière campagne « Non au quotidien du quotidien » de Monoprix joue sur cette quotidienneté de l’art en changeant les packagings de ses produits avec les codes du pop’art, elle les élève au rang d’œuvres d’arts. (agence Havascity, automne 2010). 57 Annexe 4 : introduction de la conférence Art en ligne, art en réseau, art en mouvement au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, Belgique, le 6 mars 1999. Le site, (partiellement) archivé, se trouve à l’adresse http://web.archive.org/web/*/http://simsim.rug.ac.be/mariemont/

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des « tags » sur Twitter. En ce qui concerne YouTube Play Biennale, l’ambition affichée est de vouloir trouver : « un travail qui suscite un débat, une discussion, qui teste, expérimente, et élève la vidéo de toutes les façons ». En effet, l’art en ligne doit susciter une réflexion, et avoir une signification dans la démarche et dans le résultat. Ainsi, plusieurs vidéos de la sélection YouTube Play ont été choisies parce qu’elles rendaient compte de la spécificité du média « YouTube »58 (voir la figure 14). C’est aussi l’une des raisons qui fait qu’il y a une difficulté à appréhender à l’art en réseaux pour les institutions muséales. La sacralisation d’une œuvre dans le musée revient à l’arracher à son média d’origine et lui fait perdre sa dynamique de « phénomène web ». Ainsi, les œuvres ne sont jamais vraiment appréhendées et internalisées par l’institution muséale quand elles sont décontextualisées de leur média d’origine59. Entre circulation sur les réseaux et captation par l'Establisment du musée : les "phénomènes" culturels d’internet sont au mieux capturés à un moment donné de leur vie. Ainsi décontextualisé ils courent le risque de perdre leur signification, car sorti du cadre de co-dépendances dans lequel ils s’inscrivent. C’est un des effets de la sacralisation que confère l’entrée au musée. Il s’agit donc d’une classe à part, qui revêt des formes diverses. Par exemple, l’artiste japonais Sayuri Michima a choisi une « page Facebook » pour être le lieu de son expérience artistique60. La terminologie pour désigner ces créations oscille entre biens culturels, œuvres, expériences, travaux… Même consacrée par l’institution, la création pâtit toujours de ses origines impures. Cette chimère ni d’ici, ni d’ailleurs, exposée dans l’enceinte du musée sera exposée aux yeux du public du musée physique, pas forcément le même que celui de la biennale numérique. Déraciné de son cadre d’agrégation de vidéos d’art, l’objet peut perdre en signification. La valeur ajoutée de cette expérience résiderait dans une forme d’extension numérique au musée. Les plateformes de participation et de consultation des contributions peuvent être vues comme une incarnation du « musée imaginaire » de Malraux. Pour les musées physiques, il faudra toutefois veiller à recontextualiser les œuvres par des éléments de médiation. Cette forme d’art très empreinte de technologie remet en question les concepts habituels d’exposition et exige, à la fois des conservateurs et du public, des connaissances nouvelles.

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Annexe 3 : entretien avec Hanne Mugaas, curateur associé, YouTube Play/Guggenheim, Artlog (Twitter Interview), 27 septembre 2010. http://artlog.com/posts/3111-artlog-interview-with-guggenheim-youtube 59 Capturing Unstable Media, Sandra Fauconnier, Rens Frommé, March 2003, v2.nl 60 http://www.facebook.com/pages/370ba725/390481962391 http://sayurimichima.info/

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Figure 14 - Captures d'écrans de deux vidéos de la sélection YouTube Play qui rendent compte de la spécificité du "média-YouTube"

b. Le marketing et la démarche artistique

Une autre interrogation concerne la conciliation d’une démarche artistique classique du musée et l’émergence de phénomènes médiatiques internet. L’art a toujours eu besoin de faire avec les contraintes des mécènes et autres donneur d’ordres, mais les phénomènes médiatiques internet sont très influencés par le mécanisme du nombre et de la popularité, qui est, sur le plan théorique, normalement étranger à la démarche artistique. De même, 52

l’institutionnalisation d’une biennale de vidéo créatives s’inscrit dans une démarche de légitimation et de durée. La récurrence de la pratique est l’une des traces de son caractère institué. Il est intéressant de voir que dans l’exemple de YouTube Play, un tâtonnement a pu être observé dans les premiers temps de l’annonce de ce dispositif. Le mot « biennale » n’est venu compléter le titre de l’opération que quelques semaines plus tard. Pour preuve, l’URL de la participation et soumission des vidéos a été changé en cours de route (De http://youtube.com/play à http://www.youtube.com/playbiennial). Cette institutionnalisation annonce la volonté de Guggenheim et YouTube d’éviter les phénomènes d’acculturation, en donnant des habitudes, en plus d’une technique, pour actualiser la démarche créative sur le « média-YouTube » et lui donner du sens. Si le crowdsourcing revêt une dimension marketing, ce n’est pas forcément de nature à sacrifier la créativité. Les controverses ont toujours accompagné les projets avant-gardistes d’art. Le Centre George Pompidou, les pyramides du Louvre, l’œuvre des quatre colonnes au Palais Royal ont toutes déclenché des attitudes de rejet avant d’être tolérées et pour certains acceptés totalement comme emblème de la ville. Il reste que les frontières deviennent de plus en plus floues entre la dimension promotionnelle et la démarche de l’art contemporain. De plus, la démocratisation de l’art présente le risque d’un accès direct au public et du jugement populaire qui n’est donc pas « expert » du domaine en question et qui ne possède pas forcément tous les codes pour décrypter une œuvre.

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CHAPITRE 2 PORTEE DE L’OPERATION YOUTUBE PLAY

De plus en plus d’opérations « participatives » apparaissent dans les espaces de médiations culturelles, pour améliorer les expériences de découverte du patrimoine ou d’expositions à thème. Ainsi, grâce à des tablettes numériques et à la réalité augmentée, l’intégralité de l’Abbaye de Cluny peut être reconstituée in situ61 ou bien la cathédrale d’Amiens regardée sous divers angles62. En octobre 2010, une exposition63 du MoMa (Museum of Modern Art) de New York mettait à l’honneur des œuvres accessibles uniquement par l’intermédiaire de la réalité augmentée par sur-impression à partir de l’image captée dans le musée par la caméra des téléphones mobiles des visiteurs. Le numérique permet, par des technologies attractives et ludiques de mettre les visiteurs au centre de l’expérience muséale, plutôt que les œuvres ou les artistes.

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Abbaye de Cluny / Centre des Monuments Nationaux. Clunny.monuments-nationaux.fr La Cathédrale en couleurs – Amiens. www.amiens-cathedrale.fr 63 DIY Augmented Reality exhibition, MoMa (Museum of Modern Art) de New York, octobre 2010 par Sander Veenhof (expérimentateur néerlandais de réalité augmentée) et Mark Skwarek (artiste « new media » new-yorkais). 62

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Un pas de plus semble être franchit par le Guggenheim avec l’invitation de tout internaute majeur à créer des œuvres d’art qui feront l’objet d’une exposition. Cette opération se situe au carrefour de la médiation culturelle, de l’accès en ligne à l’art, de la découverte d’un nouveau vecteur de création artistique, et d’une opération de marketing pour les entités organisatrices. Il s’agit désormais de mettre en question le discours d’escorte64 de l’opération YouTube Play Biennale qui vante une initiative novatrice qui renverse la pyramide de valeur traditionnelle. En effet, bien que le numérique offre des possibilités nouvelles d’interactions, il ne peut, à lui seul, changer la place et le rôle du musée, notamment en ce qui concerne le rôle de prescripteur culturel. En creux, il apparait que l’opération marketing, qui est l’un des aspect de l’opération de crowdsourcing, ait été mis en place pour positionner le Guggenheim sur l’actualité et l’innovation de ses sélections, mais aussi pour élever et légitimer YouTube au rang de média capable de proposer des contenus « haut de gamme ». Il n’en reste pas moins que la communication, en tant qu’activateur des changements culturels contemporains, met en question l’impact du crowdsourcing sur la société. La performativité d’actions de participations du public dans les musées pourrait aboutir à un changement dans les modes d’accès et de consommation de l’art.

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Annexe 2 : YouTube Play - Conditions de participation

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3

ILLUSION DE RUPTURE DES CODES TRADITIONNELS DU MUSEE

En admettant que des vidéos puissent être soumises à l’examen de l’institution du Guggenheim par tout internaute majeur, YouTube Play marque une rupture symbolique forte dans l’accès et la démocratisation de l’art. Pour autant, le pouvoir de sélection des œuvres estil complètement dévolu à la foule ? (3.1°) et s’agit-il d’un renversement durable des rôles sociaux de prescription culturelle ? (3.2°).

3.1 Le pouvoir de consécration du Musée

La démarche innovante initiée par YouTube Play semble faire voler en éclat les codes traditionnels des musées – la place de l’auteur, de l’œuvre et du public en particulier. A l’analyse, loin d’être une fragilisation de son rôle de prescripteur culturel, le musée garde son monopole de sélection des œuvres.

a. Simulacre d’accès démocratique

L’univers artistique peut être analysé en tant que champ social, au sens de Bourdieu. Tout comme le champ scientifique65, le champ artistique est définit par « des rapports de forces et des monopoles, des luttes et des stratégies » pour le « monopole de l’autorité », en l’occurrence, artistique. La compétence pour juger de la valeur du travail artistique est historiquement restreinte à ceux qui ont la connaissance des techniques – critiques d’art, beaux arts, artistes institués –. Dès lors que l’art prend des formes de plus en plus libres, dans

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BOURDIEU Pierre, La spécificité du champ scientifique et les conditions sociales du progrès de la raison, Sociologie et sociétés, vol. 7, n° 1, 1975, p. 91-118.

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l’art contemporain notamment, la tentation est grande pour le public de s’arroger un droit de jugement esthétique sur l’art. La critique qui émerge est celle qui concerne la compétence de tous sur tous les sujets. Ce présupposé démocratique à la base de plusieurs imaginaires globalisant de l’internet – et même d’une intelligence collective des internautes – est présent dans de nombreuses fictions populaires66. La réalité de l’ouverture de tous aux plateformes créatives, aboutit à une sclérose des intérêts et des créations. Tous, auteurs d’une œuvre et chacun, unique spectateur de celleci : les œuvres ainsi crées ne deviennent accessibles qu’entre spécialistes et elles deviennent confidentielles à mesure que la notion de public disparaît. Toutefois le vote, le commentaire et le nombre de consultation des vidéos, composant le principe intrinsèque à YouTube, permettent de véhiculer l’ « avis » du public d’internautes sur les œuvres. Ce système de jugement personnel, valorisé et sacralisé sur les réseaux sociaux, s’oppose à celui de l’expert. Considéré comme l’aboutissement ultime de l’affirmation de soi, le jugement sur les réseaux sociaux présente des parallèles importants avec l’acte d’achat, considéré comme discrétionnaire et subjectif. Il peut être aussi vu comme un effet de la marchandisation de l’art qui restitue à l’usage de tous l’accès aux œuvres artistiques67. Le crowdsourcing artistique favorise aussi la prétention à une certaine égalité entre les créateurs. En même temps que le crowdsourcing participe à la démocratisation de l’art, il place au même niveau sémiotique les artistes ayant produit de nombreuses œuvres et les artistes débutants. Ainsi, toutes les contributions YouTube sont-elles homogénéisées par le cadre invariant de la « page YouTube » ; celle-ci harmonise l’accès aux contributions autant qu’elle facilite les consultations. En transformant tous les internautes en créateurs de même rang, sans considération pour la qualité des contributions, le dispositif ne met-il pas en scène la fin de l’auteur, au sens fort du terme ? D’autre part, l’analyse autrefois déployée par Bourdieu quant à l’accès aux infrastructures culturelles et muséales68 peut être opposée au discours naïvement démocratique de l’opération YouTube Play. Le jugement esthétique ainsi exprimé demeure une compétence sociale apprise et intériorisée qui entache d’arbitraire le choix des contributeurs, contrairement au choix de l’expert qui repose sur des critères objectifs (même si les critères artistiques sont 66

Notamment dans le film français « 8th Wonderland » qui met en scène un monde de « cyberdémocratie », d’intelligence collective et d’émergence d’une gouvernance mondiale 67 AGAMBEN Giorgio, Profanations, Rivages, 2005 68 BOURDIEU Pierre, DARBEL Alain, L’amour de l’art, les musées d’art européens et leur public, Paris, les éditions de minuit, 1985

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contingents des époques). L’art contemporain a aussi une vocation contestataire difficilement conciliable avec la démocratisation de l’art dans la mesure où il s’affirme en opposition, ou bien par rapport, à l’art classique. Les grilles d’évaluations traditionnelles sont donc inopérantes pour juger de son innovation. Une fois institutionnalisée, la pratique contestataire perd son aspect disruptif. De plus, le capital culturel qui est nécessaire pour déchiffrer les œuvres d’art et avoir le « réflexe » de fréquenter les institutions muséales, est d’autant plus décisif dans une opération qui invite les internautes à créer des œuvres. Toutefois l’opération YouTube Play présente la particularité de prendre place sur un site internet et non pas dans l’espace physique du musée. L’accès à l’art s’opposerait alors par principe aux valeurs et idéologies véhiculées par internet. Internet permet la mobilisation de publics extrêmement divers et nombreux par sa globalité. Il peut s’agir de contributions politiques, artistiques, philosophiques, littéraires. Cette avalanche de contenus est de nature à remodeler une théorie économique de la valeur basée sur le concept de rareté. La spécificité des créations issues d’un dispositif d’UGC en ligne s’inscrit en faux par rapports aux canons de la démarche artistique. De par sa fonction contestataire, l’art ne « buzz » pas, et s’oppose au principe de popularité qui sacralise les formes propres à circuler sur internet : la rumeur, le divertissement, l’insolite... En effet, une dichotomie peut apparaître entre la sélection des experts du musée – commissaires d’exposition – qui choisissent ce qui sera exposé à la vue du public, et les préoccupations de la société. D’autres limites tenant aux contenus mis en résonnance sur internet tempèrent la notion de démocratisation. Il en va ainsi de la nature des contenus qui se caractérisent par une propension au divertissement et à la communication interpersonnelle. Enfin, l’objet numérique n’est jamais appréhendable totalement, il reste un phénomène toujours en évolution et difficilement capturé par le musée. Il en résulte que si des rapprochements entre les plateformes de vidéos en ligne et le monde de l’art se constatent, il n’en reste pas moins qu’il subsiste une grande méfiance à l’égard de ces plateformes qui rassemblent des contenus de qualité disparate et sur lesquelles tout un chacun peut s’improviser créateur à partir d’un contenu « impur »69.

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Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou , vendredi 15 octobre 2010

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b. Une autorité de sélection des œuvres

Il y a une valeur symbolique et culturelle forte de l’œuvre d’art. Ce qui est désigné comme art devient, à tort ou à raison, légitime aux yeux du public. Jean Baudrillard avait identifié ce mécanisme dans une critique70 acerbe du monde de l’art et des mécanismes de reconnaissances passivement intégrés par les publics. Un faisceau d’indices est nécessaire pour désigner un objet comme œuvre d’art : il est montré, mis en scène dans un espace muséal ; il faut aussi un public. C’est avant tout une affaire de discours par lesquels on justifie les œuvres71. En particulier pour « un art qui s’appuie sur la transgression continuelle des règles » et qui confère à l’institution qui héberge ces œuvres des qualités « subversives et novatrices ». Cet aspect confirme la dimension marketing de l’opération YouTube Play qui consiste à conférer au musée Guggenheim un positionnement innovant. Mais c’est le dispositif de participation, c'est-à-dire l’architexte qui rend possible le partage des créations, qui est légitimé et sanctifié. Les contributions ne sont valorisées que dans ce cadre restreint. D’ailleurs le retour à l’élitisme artistique n’est jamais très loin, il se manifeste par les impératifs de qualités matérielles imposés à chaque vidéo (Le festival Hors Pistes de Beaubourg impose ainsi la HD et la plateforme Vimeo pour valoriser l’aspect qualitatif). L’affirmation du pouvoir muséal de dernière main se manifeste surtout par le pouvoir de sélection du jury qui conforte le musée dans son rôle de prescripteur culturel, c'està-dire dans celui de pouvoir désigner des œuvres d’art.

Le choix du Jury ou le retour de l’institution

Les institutions muséales peuvent être assimilées à des médias de masse. A l’analyse, ces institutions jouissent des caractères constitutifs du média. Ainsi, quand elles donnent à voir une exposition à un public, elles bénéficient d’un pouvoir d’agenda. Média de masse, que l’on 70

BAUDRILLARD Jean, Le Complot de l'art, 1997 COLOMBI Denis (doctorant en sociologie), L'art contemporain et le kilt écossais : à propos de Murakami à Versailles, 3 octobre 2010 (blog de sociologie de la culture) http://uneheuredepeine.blogspot.com/2010/10/lart-contemporain-et-le-kilt-ecossais.html 71

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peut assimiler à la télévision ou à la presse, les musées nécessitent un contact direct avec leur public pour opérer une médiation et à ce titre, ils sont qualifiés d’ « archéo médias » par Jean Davallon. Cette conception traditionnelle du média cache en creux la définition d’un public, que l’on suppose passif, et qui reçoit les messages provenant de l’institution. Avec la démocratisation des dispositifs numériques, les institutions muséales n’échappent pas à une tendance dite de « personnalisation des services » et de « participation » avec les publics. Mais surtout, le numérique ouvre la voie à une médiation non plus directe, mais véritablement distanciée par le moyen de dispositifs numérisés. Pour autant les hiérarchies traditionnelles du musée semblent être ré-investient à l’occasion de la sélection. Le Jury de YouTube Play, composé de curateurs de l’institution Guggenheim, ainsi que d’artistes d’art contemporain plus ou moins reconnus est l’instance décisionnaire sur la sélection de la « shortlist » des contributions et des 25 vidéos gagnantes finales. D’après les conditions générales de YouTube Play Biennale, le critère principal de cette sélection est le caractère innovant des vidéos. Réaffirmé à l’occasion d’une interview72, ce critère sert un positionnement particulier pour Guggenheim et YouTube et réaffirme l’autorité dans le choix et la hiérarchisation des productions culturelles des musées. Cette sélection forcément porteuse d’une idéologie s’inscrit en faux par rapport au mythe démocratique espéré lors du crowdsourcing. Le musée apparaît comme une fonction de label face à l’abondance des contributions, mais aussi face à la surcharge d’informations des sites de plateformes vidéos. Au final, YouTube Play marque une nouvelle séparation dans la création des œuvres audiovisuelles en ligne. L’opération sanctifie une poignée de vidéos élues par la grâce du jury et portées au rang d’œuvres sacrées qui auront désormais le droit de se prévaloir du label « Guggenheim ». A cet égard, l’organisation d’opérations de crowdsourcing par les musées et la construction d’une programmation vivante d’un musée autour de cette pratique traduit une volonté des curateurs et des programmateurs de réaffirmer leur pouvoir de consécration de certaines œuvres plutôt que d’autres. Le musée impose un regard sur le monde. Ce phénomène peut être accentué par la présence de discours très directifs sur l’interprétation d’une œuvre, comme les audio-guides qui sont décriés comme du « prêt à penser », mais qui sont souvent peu utilisés par les musées d’art contemporain. L’opération permet à la fois de

72

« We were looking for videos that were original, had cohesion, meaning, resonance; works that were poetic & universal. We were also looking for videos that challenged and represented the unique nature of the medium », in Entretien avec Hanne Mugaas, Annexe 3, curateur associé, YouTube Play/Guggenheim, Artlog (Twitter Interview), 27 septembre 2010. http://artlog.com/posts/3111-artlog-interview-withguggenheim-youtube

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remplir des objectifs marketing de notoriété mais aussi de faire émerger un nouveau vecteur de création artistique de masse, par l’agrégation de contributions.

3.2 La participation du public mise en scène de manière épisodique et limitée

L’opération de crowdsourcing présente quand même un pas vers une ouverture de la création à d’autres contributeurs que les seuls artistes institués. Pourtant, il n’entre pas en principe dans les activités traditionnelles du musée celle de créer des œuvres d’art, il s’agit plutôt pour le musée d’établir des programmations et d’intéresser les publics à l’art. YouTube Play est-elle une initiative qui modifie l’activité principale du musée ? Il semble que la réponse soit négative. Le retournement de la pyramide de valeur du musée apparaît de façon limitée. Le dispositif autorise un dépassement toujours temporaire et parcellaire, dans le cadre bien précis de l’activité ludique et pédagogique.

a. Le cadre du jeu

Les initiatives muséales de participation du public s’inscrivent presque toujours dans le cadre du jeu. Souvent initiées dans les départements destinés aux jeunes publics, elles ambitionnent une « initiation à la création artistique ». Le statut d’artiste n’est pourtant pas aussi facilement dévolu : le jeu offre un cadre différent et momentané, comme pour « de faux », ce qui permet de préserver la sacralité de la non-disponibilité des œuvres d’art. De plus, l’opération YouTube Play apparaît comme éphémère avec une périodicité événementielle : il ne s’agit pas du mode de fonctionnement normal du musée mais plutôt d’une activité de loisir. Cette mise à disposition d’un cadre aménagé pour l’expression du publique est rarement une initiative pérenne. Elle prend le nom de « festival »73 ou de « biennale ». Il s’agit toujours d’un évènement épisodique mais pas de la création durable d’un poste d’écoute du public, qui prendrait acte du fait que le public peut devenir un vecteur normalisé de création de valeur dans les musées. Les « véritables » auteurs de créations seraient donc ceux à l’origine du dispositif participatif, et les modes d’accès à la production 73

Le Festival Hors Pistes, au Centre Pompidou, par exemple.

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culturelle ne sont pas durablement changés. Ainsi, toute l’expérience participative part du postulat démocratique que tout le monde est apte à contribuer, et que la valeur d’une idée gagne de l’importance si elle arrive à convaincre d’autres personnes. C’est le postulat que tout le monde peut créer dans les mêmes proportions et se retrouve à égalité devant la création. Cette posture prend tout son sens en réalité dans la dimension pédagogique de transmission du savoir. Il ne s’agit donc pas vraiment de trouver un nouveau talent ; mais de proposer une expérience ludique via des outils informatisés.

b. Limites à la consécration des œuvres issues de ces dispositifs

Les productions issues de l’UGC constituent des transgressions aux normes du musée qui les empêchent d’accéder au statut d’œuvres d’art. En premier lieu, la nature des vidéos, souvent constituées de remix et de détournement, contreviennent aux législations du droit d’auteur, ce qui n’est pas sans poser des problèmes. Même si certaines exceptions, à titre d’éducation et de citation, sont tolérés dans certains pays, cette transgression est rédhibitoire pour des institutions souvent publiques, comme les musées qui doivent inscrire leur action dans le cadre de la loi. Une nouvelle séparation peut être ainsi observée entre l’activité muséale et la démarche artistique. D’autre part, le continuum entre le cadre de participation numérique et l’espace physique du musée n’est pas toujours acquis. Le risque est que les conventions qui régissent le duo signifiant-signifié ne soient pas partagés du fait de l’utilisation de médiums différents. En effet, les écrits d’écrans dans leur ensemble sont définis tout autant par le texte qu’ils affichent que par la nature, la forme et la matérialité tout entière de l’écran qui permet d’activer le texte. Et ce n’est pas l’œuvre qui donne du sens pour elle-même, mais le discours accompagnateur qui l’encadre et sur lequel les contributeurs n’ont pas la main. Pour l’opération « Depuis 1977 » les productions des internautes étaient affichées à l’extérieur, sur le parvis du musée. Lors de l’opération YouTube Play, les vidéos sélectionnées étaient exposées dans les musées Guggenheim pendant seulement trois jours, et la scénographie restait à la main du musée. Le choix de la disposition est un choix stratégique, tant l’agencement renvoi à une représentation du monde et à l’identité du musée. Ainsi, la sphère physique de l’enceinte du Musée garde son caractère sacré, inaccessible aux œuvres du profane.

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L’ampleur du phénomène rendu possible par le passage des « injonctions à contribuer » dans la sphère numérique invite à des usages différents. Comme il a été vu précédemment, la valeur des créations issues du numérique ne répond pas aux même caractéristiques que les créations traditionnelles. Ces opérations sont à relier aux initiatives d’ateliers de création d’œuvres destinées à des publics souvent jeunes. Ainsi, les dispositifs de participation online sont à joindre aux dispositifs de participation physiques dans les musées. Mais ils ne contribuent pas à une redéfinition des missions du musée mais plutôt à une augmentation de la capacité immersive et de médiation du musée.

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4

YOUTUBE PLAY, UNE MEDIATION QUI SE CACHE

L’opération YouTube Play recèle en elle-même, des indices qui assurent la continuité de la fonction de consécration du musée. Désormais nous nous interrogeons sur les motivations profondes qui poussent l’institution muséale et une plateforme en ligne de vidéo à s’unir. En prenant le point de vue de YouTube, il apparaît que l’opération est une posture de communication pour légitimer sa plateforme et l’élever au rang de média (1.2). L’aspect novateur essentiel de cette biennale étant la participation du public, elle se révèle toujours partielle et limitée dans le temps. L’opération de crowdsourcing se résume-t-elle à une opération marketing qui ne s’affiche pas comme telle (1.1) ? Nous tenterons d’analyser la performativité de telles opérations ainsi que leur rôle de moteur des changements sociaux.

4.1 Une opération de communication qui ne s'affiche pas comme telle

C’est sous forme de jeu que les codes institutionnels du musée traditionnel peuvent être inversés, de manière partielle et épisodique. Les hiérarchies sont mises en scène et il y a la promesse d’être exposé dans le musée. Les équilibres traditionnels du musée et sa place par rapport à un public ne sont donc pas remis en cause pas l’opération de crowdsourcing. Une déduction possible serait de reléguer la problématique affichée de création d’œuvres d’art à sa véritable place, au deuxième plan, et de révéler le véritable enjeu de l’opération qui est de créer une notoriété pour les instigateurs du projet. En premier lieu, il faut constater que les pratiques culturelles en ligne s’inscrivent, non pas en concurrence face à l’accès au musée physique, mais en complémentarité. L’étude française sur les comportements culturels semble aller dans ce sens. Ainsi, l’usage d’internet est-il intimement lié aux autres activités culturelles. La probabilité de s’être rendu, au cours des douze derniers mois, dans une salle de cinéma, dans un théâtre, un musée ou celle d’avoir lu un nombre important de livres, croît avec la fréquence des connexions (graphique ci-après).

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Figure 15 - Indicateur global de fréquentation des équipements culturels 1997-2008

L’opération semble avoir pour objectif une valorisation des partenariats, en l’espèce Intel et HP (annonceur déjà impliqué dans une opération similaire, la Hype Gallery). Cette réalité correspond à la majorité des contenus publiés sur le Web qui présentent une dimension commerciale, ne serait-ce que pour avoir un modèle économique pérenne pour garantir l’existence d’un média. L’hybridation d'un concours sponsorisé et d'une démarche artistique peut donc être identifiée.

Prégnance du dispositif sur l'œuvre

Comme il a été vu, la sélection par le jury, basé sur des grilles de lectures anciennes, limite la faculté d'identification de l'innovation. Les musées ne semblent pas prêts non plus à déléguer leur pouvoir de sélection à la foule, malgré l’abondance des contributions (23 000), ce qui présente un coût de revue important. Il en résulte que l’indication du nombre de vues, des commentaires ou des votes n’est pas prise en compte sur YouTube Play. C’est donc l’artistique propre à YouTube, en tant que médium, qui est valorisé. Souvent par un jeu de cadres, les vidéos qui mettent en valeur le dispositif sortent du lot. Il ne s’agit donc plus de trouver des vidéos créatives, mais de trouver des vidéos qui valorisent le processus créatif mis en place par le musée. Il est possible d’observer une apologie du dispositif technique dans le discours promotionnel de YouTube Play, avec une avalanche de 65

chiffres et de caractéristiques techniques. C’est un domaine dans lequel s’exercent les imaginaires traditionnels d’internet74 et qui donne son empreinte à toute la campagne. Les vidéos valorisées seront celles qui mettent en œuvre une prouesse technologique. L’aspect subversif et artistique pour la société est moins prégnant, relégué au deuxième plan. Cet aspect technique annonce l’objectif réel de l’opération qui est celui de légitimer YouTube en tant que dispositif médiatique. Le numérique semble ainsi montrer une plus grande tolérance aux opérations promotionnelles et d’échange de visibilité que les autres supports, cela tient au fait que l’internet véhicule déjà une image technologique à laquelle certaines marques peuvent s’associer facilement.

4.2 Une opération de légitimation d’un média

En application du discours promotionnel de désintermédiation et de rupture des codes traditionnels du musée, YouTube Play favorise l’émergence de contenus directement produits par les utilisateurs. Il s’agit donc d’une stratégie de contenus pour valoriser un média en quête de légitimité : YouTube.

Une opération événementielle qui met à profit les capacités du dispositif En s’associant à l’institution Guggenheim, Youtube assure une montée en grade communément reconnue de la qualité de ses contenus. Une démarche similaire a été menée, avec l’opération YouTube Symphony Orchestra75 qui associe au nom de YouTube un autre prescripteur culturel : le London Symphony Orchestra en 2009 et le Sydney Opera House en 2010. Comme pour la biennale de vidéos créatives, les internautes étaient invités à contribuer et à participer à une audition mais aussi à élaborer une œuvre commune grâce aux meilleurs musiciens de YouTube. Il s’agit ici de prendre acte d’une pratique de mise en scène du savoir 74

FLICHY Patrice, L’imaginaire d’Internet, La Découverte, Paris, 2001 Extrait du discours promotionnel de YouTube Symphony Orchestra 2011 : « Cette année, vous pouvez soit auditionner pour l'orchestre, soit soumettre une improvisation solo sur un morceau écrit spécialement pour l'occasion par le compositeur américain Mason Bates. Les musiciens les plus talentueux et les plus créatifs seront sélectionnés pour former le YouTube Symphony Orchestra 2011. Ils auront la chance de se produire en mars, à l'Opéra de Sydney, sous la direction du célèbre chef d'orchestre Michael Tilson Thomas, également conseiller artistique pour le YouTube Symphony Orchestra. » 75

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faire musical qui s’est développée avec les utilisateurs par le chant ou la maîtrise d’un instrument de musique. Ces opérations contribuent à ériger YouTube en tant que média à part entière, dont les contenus ne sont pas seulement un « conglomérat d’objets disparates » mais aussi des contenus sous forme d’expériences, qui ne seraient pas possible sur d’autre support puisque précisément ils prennent partie des possibilités du médium pour mieux le légitimer et le consacrer.

Figure 16 - YouTube Symphony Orchestra 2011 http://www.youtube.com/user/symphony

Le mode opératoire semble être le même que pour YouTube Play, avec un sponsor commercial (Hyndai) et un partenaire institutionnel à forte légitimité culturelle (l’Opéra de Sydney). Cette démarche est symptomatique de la volonté de YouTube de valoriser l’ensemble de son dispositif médiatique et de l’élever au même titre que d’autres programmateurs culturels parfois décriés, comme les chaines de télévisions par exemple. Ainsi, comme le dit Giorgio Agamben, « le dispositif est avant tout une machine qui produit des subjectivations et c’est par quoi il est aussi une machine de gouvernement »76. La place centrale du dispositif est encore une fois réaffirmée, car les œuvres créées n’existent pas pour elles-mêmes mais uniquement de manière agrégées (voir supra Chapitre 1 - 2.1) pour légitimer le dispositif. Ainsi, la participation du public est sur-évaluée et sanctifiée dans cette démarche « artistique » d’institutionnalisation d’un vecteur de création artistique. Il ne s’agit 76

AGAMBEN Giorgio, Qu'est-ce qu'un dispositif ?, Rivages, 2007

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donc pas d’une rupture symbolique dans l’institution du musée, mais d’une apparence qui sert un objectif de communication. Toutefois, si la participation à la création d’œuvres s’avèrerait pérenne il s’agirait d’un glissement de la mission et de la vocation du musée.

Au final, qu'est ce que les opérations de crowdsourcing vidéo changent dans notre accès à l'art ? Elles s’inscrivent dans un mouvement participatif qui met le visiteur au centre de son expérience muséale. De plus en plus de musées et de centres d’art prennent alors la forme d’ateliers où il n’est plus seulement question de contemplation de l’ « art » mais aussi de « création ».

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CONCLUSION

« Manifestation », « festival », « biennale », tous ces termes expriment un lien de relation avec une foule, et ils deviennent la forme usuelle de l’accès à l’art. Le musée tend ainsi à devenir un espace neutre, où la sélection se fait par thématique et notoriété, mais où les interprétations sont laissées à la discrétion de chacun. Le crowdsourcing se marie donc bien avec cette nouvelle tendance participative. Une des missions du musée post-moderne est de prendre en compte les nouvelles formes artistiques numériques placées dans un « perpétuel devenir »77 et qui, par la métamorphose et les réappropriations successives en réseaux, ne sont jamais immuables. Paradoxalement, la démarche de crowdsourcing se passe en dehors de l’enceinte du musée et semble confirmer le déplacement des créations en dehors des musées, et la transformation des institutions en lieu d’apprentissage. Certains « musées » en ligne ont développé un concept qui prend partie de la spécificité numérique. Il en va ainsi de « Post-secret »78, qui ressemble à un exutoire de confessions contemporaines où les contributeurs s’expriment sous forme artistique. Les biens numériques, d’une nature très singulière, annoncent peut-être la fin du musée comme lieu de la sacralité et de la contemplation et celui, au contraire, d’un lieu de l’apprentissage à l’usage et à la démarche artistique. Il est caractéristique de voir que les centres culturels prennent de plus en plus la forme d’ateliers ludiques pour se présenter face aux publics. Il s’agit de mettre en scène l’activité de « co-construction » qui est autant un positionnement communicationnel qu’un geste vers une médiation. Il apparaît que ce pas vers la transmission d’un savoir-faire, et que ce passage à la pratique de l’art correspondent d’avantage à la conception nord77

Mouna Mekouar in Chefs- d’œuvre ?, Centre Pompidou-Metz, Sous la direction de Laurent Le Bon, avril 2010 p 501 78 « projet artistique collaboratif organisé par Frank Warren, né à la fin de l'année 2004. L'artiste se propose de recevoir des cartes postales dans lesquelles les expéditeurs dévoilent anonymement un secret personnel. Ces cartes sont ensuite exposées chaque semaine sur un site internet de type blog. » Wikipedia

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américaine des musées, que celle des musées européens, moins axée sur un rôle éducatif. Le crowdsourcing pourrait permettre d’impliquer les publics aux activités des musées, avec la promesse, de permettre à chacun d’accomplir son potentiel créatif.

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Entretiens Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou ,vendredi 15 octobre 2010 [email protected], Festival HORS PISTES, un autre mouvement des images Entretien avec Hanne Mugaas, curateur associé, YouTube Play/Guggenheim, Artlog (Twitter Interview), 27 septembre 2010. http://artlog.com/posts/3111-artlog-interview-with-guggenheim-youtube

Presse WARLIN Ariane, Community manager, Le nouvel Economiste, 18 mai, 2010

Références en Anglais Ouvrages et articles PROCTOR Nancy, User-Generated Content: The (Re)birth of the Visitor as Author of the Museum Experience, 2007 ([email protected]) MEERMAN SCOTT David, The New Rules of Marketing and PR: How to Use Social Media, Blogs, News Releases, Online Video, and Viral Marketing to Reach Buyers Directly, John Wiley and Sons, 2010 RIDGE Mia, Sharing authorship and authority: user generated content and the cultural heritage sector, Museum of London Group, 2007 Web Adept - UK Museums on the Web, Museums Computer Group conference. http://www.miaridge.com/projects/usergeneratedcontentinculturalheritagesector.html VICKERY GRAHAM, Participative web and user-created content: web 2.0, wikis and social networking, Sacha Wunsch-Vincent, Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD Publishing), 2007 HOWE Jeff, « The Rise of Crowdsourcing », Wired Magazine, 2006

Presse [Documentaire] The Social Galaxy, ZDF, (Allemagne, 2009, 40mn) Blogs, Twitter, Facebook... : si les jeunes n'hésitent pas à révéler les détails les plus croustillants de leur univers personnel sur Internet, ils savent aussi utiliser la Toile pour y faire reconnaître leur talent et leur créativité. http://videos.arte.tv/

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[Film] 8th Wonderland, 12 mai 2010, Nicolas Alberny, Jean Mach, Long-métrage français, Mad Films / Help Distribution, 2009 http://www.8thwonderland.com/

Sites Web eYeka - the co-creation community - Video contests, animation ... http://en.eyeka.com/ YouTube - Broadcast Yourself. http://www.youtube.com/ YouTube - lifeinaday's Channel http://www.youtube.com/lifeinaday Internet For Peace http://www.internetforpeace.org Saatchi Online - Show your art to the world - "Saatchi Online at The Saatchi Gallery allows artists to showcase their work for thousands of visitors to this site to view." http://www.saatchi-gallery.co.uk/yourgallery/ YouTube - playbiennial's Channel - YouTube Play is a collaboration between YouTube and the Guggenheim Museum, presented by HP and Intel, to unearth and showcase the very best creative video ... http://www.youtube.com/playbiennial http://youtube.com/play Opération “? depuis 1977” au Centre Pompidou http://www.depuis1977.centrepompidou.fr/ Le blog du Reportour France-Soir Le reportour/voyage de Guillaume autour du monde en 80 jours, sous l'égide de France-Soir. http://reportour.blog.francesoir.fr/ The Best Job in the World (Queensland, Australia) http://www.islandreefjob.com/

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ANNEXES

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  Annexe I. Annexe II. Annexe III. Annexe IV. Annexe V. Annexe VI. Annexe VII. Annexe VIII. Annexe IX. Annexe X.

Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou (Vendredi 15 octobre 2010] YouTube Play - Conditions de participation Entretien avec Hanne Mugaas, curateur associé, YouTube Play/Guggenheim, Introduction de la conférence Art en ligne, art en réseau, art en mouvement au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, Belgique, le 6 mars 1999. Projet Pilote éducatif, Tate Modern Lignes de temps est un dispositif d’annotation et de partage d’annotation de films développé par l’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou. Opération “? depuis 1977” au Centre Pompidou http://www.depuis1977.centrepompidou.fr/ Progression du nombre d'heures de contenus téléchargées sur YouTube chaque minute Evolution des retombées médiatiques de YouTube Play Biennale et de la marque Guggenheim Publication interne, société iWidgets

 

 

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  Annexe I.

Entretien avec Géraldine Gomez, Programmatrice au Centre Pompidou (Vendredi 15 octobre 2010]

  [email protected]  T: +33 (0) 1 44 78 43 60  Festival HORS PISTES, un autre mouvement des images      Qu’est ce que le Fan Footage ?  Il s’agit d’un mouvement important du cinéma expérimental qui consiste à récupérer des vidéos déjà  existantes pour en créer une nouvelle, grâce à un jeu de montage et de doublage.  Le Web Fan Footage est basé sur ce principe, avec des vidéos trouvées sur le web. Il peut aussi s’agir  de vidéos numérisées de jeux vidéos comme les Machinima, qui sont partagées sur l’internet. Cette  pratique de captation d’une séance de jeu vidéo (Second Life, Sims etc) pour en faire un « film »  scénarisé, est directement issue d’un phénomène web.    Quels sont les événements de Web Fan Footage organisés par des musées auquel vous avez  participé ?  J’étais membre du jury de la Battle YouTube au Palais de Tokyo avec Alain de la Negra et Marc  Alizart. Cette « battle » opposait les étudiants des Beaux Arts de Paris (ENSBA) et ceux de l’école d’art  de Cergy (ENSAPC). On  a pu voir les traditions des deux écoles s’exprimer différemment, l’une plus  thématique et l’autre plus décalée et « freaks », très caractéristique de l’univers YouTube.    Depuis 6 ans j’organise le festival « Hors pistes » au Centre Pompidou autour de la thématique de  l’image en mouvement. Nous choisissons une thématique et notre choix de programmation est  résolument transdisciplinaire : documentaires, fictions, animations.  Nous avons décidé de nous inspirer de la Battle du Palais de Tokyo sans en faire une bataille pour  être plus dans la ligne éditoriale du Centre Pompidou. Des étudiants de Paris 1, Paris 8, des Beaux  Arts de Paris et depuis 2010, les étudiants des Beaux Arts de Nancy et de la FEMIS doivent créer un  film de 10 minutes à partir de vidéos trouvées sur le réseau (en particulier Viméo et YouTube). Cette  année nous abordons la thématique du sport.    LA FORCE DE L’ART1 au Grand Palais est aussi une tentative pour exposer des œuvres issues du Web.    Pourquoi choisir des vidéos qui proviennent de l’internet ?   

                                                             1

Manifestation triennale, organisée à l’initiative du Ministère de la Culture et de la Communication, LA FORCE DE L’ART a pour ambition d’offrir une scène à la création contemporaine en France et aux artistes qui l’animent, dans la diversité de leurs origines et de leurs choix esthétiques. La diffusion des photographies des œuvres est limitée à mon cercle d'amis en raison des risques d'intervention de l'ADAGP auprès de FICR qui interdit toute diffusion sur internet et tout partage public.

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L’internet permet de sentir les tendances de l’image contemporaine plus rapidement. Les  programmateurs participaient autrefois uniquement aux Biennales et aux Festivals pour repérer de  jeunes réalisateurs.  Cette pratique complète un dispositif de veille. En effet, l’internet est un réservoir de tendances qui  permet de découvrir des œuvres amateurs récupérées sur le réseau ou bien de jeunes artistes qui  n’ont pas la possibilité d’accéder aux institutions (galeries ou musée).    Cette pratique croissante est aujourd’hui reconnue par le monde de l’art. Les programmateurs se  servent de plus en plus de ces réservoirs à vidéos pour sentir les tendances de l’image  contemporaine. C’est le cas notamment du Festival Visionsonic2.    En ce qui concerne le festival Hors Pistes, nous diffusons des vidéos en boucles trouvées sur internet  et issues du monde du skateboard (historiquement très lié à l’art contemporain avec le graffiti). Il  s’agit d’images plutôt télévisuelles mais qui ont une tendance artistique, une touche d’art. On a  trouvé qu’il était intéressant de les exposer.    Finalement, ne pourrait‐on pas dire que c’est le programmateur qui est le véritable « artiste » ? Il  choisit, sélectionne et diffuse les vidéos selon une certaine scénographie…    Oui les vidéos en elles‐mêmes n’ont pas un grand intérêt. C’est le fait de les décontextualiser et de  les déplacer dans l’espace institutionnel muséal qui est intéressant. Nous avons la même démarche  lorsque nous faisons venir des sportifs au musée. Ainsi, nous faisons un travail de scénographie pour  disposer les vidéos issues de ces provenances numériques.    Utiliser le matériel vidéo trouvé surle web est‐il une pratique totalement acceptée dans les centres  d’art contemporain ?    Tous les programmateurs et les curateurs n’ont pas la même ouverture face aux œuvres issues du  numérique. Certains sont même très traditionnalistes et élitistes face à la provenance de telles  vidéos. Je suis personnellement contre la sacralisation de l’art.  Nous essayons tout de même de garder un certain niveau de qualité. Nous insistons notamment  pour avoir les vidéos sources en haute définition (c’est pour cela que Viméo est d’ailleurs préféré).    La vidéo d’art devient le vecteur majeur des œuvres actuelles. Ainsi, 80% des œuvres de la biennale  de Berlin concernent la vidéo d’une manière ou d’une autre.     Est‐ce que ces expériences posent des problèmes juridiques, notamment concernant la propriété  industrielle et intellectuelle ?     Oui, c’est un réel problème qui a nécessité d’embaucher une personne supplémentaire à plein temps  au service juridique du Centre Pompidou. Le domaine est encadré par la législation du droit d’auteur,                                                               2

« Festival d'art numérique du 29 au 31 Octobre 2009 au centre Madeleine Rebérioux (Créteil) et au Cube (Issyles-mlx). Spectacles jeune public, concerts Audio/Vidéo, installation, ateliers, ... » http://vimeo.com/channels/visionsonic

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qui se concilie mal avec les phénomènes de l’internet, de remix, de mash ups, de Fan Footage, et de  détournements qui se basent sur la transgressionet la transformation pour créer une autre œuvre.    Google France nous a donné son accord l’année dernière pour utiliser les vidéos de YouTube sous  réserve que nous le notifions aux contributeurs dont les vidéos étaient utilisées et que nous nous  limitions à mixer les vidéos en streaming, sans les télécharger véritablement.    Nous avons eu un souci de droit avec la Warner Company pour la diffusion de « la classe  américaine »3. Les ayants‐droits, acteurs et studios s’opposent à la diffusion institutionnelle des  détournements de leurs films. Pourtant elle a eu un franc succès d’affluence lors de sa diffusion au  Centre Pompidou.    Cette pratique de détournement des films Blockbusters américains a été reprise sur internet de  façon large, notamment par Mozinor (créateur français à succès de détournements de vidéos qu'il  diffuse sur Internet) dont nous avons aussi passé des extraits mais qui a tenu à rester anonyme pour  ne pas être inquièté par ces problèmes de droits.    Cette année le court‐metrage « Logorama »4 a aussi suscité certaines plaintes d’ayants‐droits et de  dépositaires de l’image de certaines marques.  Le président du Centre Pompidou est plutôt pragmatique face à ces détournements, et considère  que ce sont des œuvres d’art encore « trop avant‐gardistes ».     

                                                             3  [La Classe américaine ou Le Grand Détournement est un film de 1993, écrit et réalisé par Michel Hazanavicius  et Dominique Mézerette. Il est exclusivement composé d'extraits de films de la Warner réalisés entre 1952 et  1980, montés et doublés afin de créer un nouveau film inédit. Le titre du film provient de l'expression populaire  classe américaine.  La première diffusion a eu lieu sur la chaine Canal+ le 31 décembre 1993. Une seconde diffusion a eu lieu en  2004 sur la chaîne Festival (devenue depuis France 4). Le film n'a jamais été édité officiellement en VHS ou en  DVD. Il connaît néanmoins une nouvelle jeunesse grâce à des versions numérisées qui circulent sur Internet.  Le 11 avril 2009 une projection officielle est enfin faite, au centre Pompidou lors du festival Hors Pistes en présence des deux auteurs.] Extrait de l’article Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Classe_am%C3%A9ricaine, du 15 octobre 2010 4

Logorama est un court métrage d'animation français, réalisé par le studio H5 (François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain) en 2009. Le film détourne près de 3 000 logos, utilisés pour constituer à la fois les personnages et le décor dans lequel ils évoluent. Le récit met notamment en scène une course-poursuite entre des policiers à l'effigie de Bibendum, figure historique de la marque Michelin, et, dans le rôle du gangster, Ronald McDonald, mascotte des restaurants McDonald's.

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Annexe II. YouTube Play - Conditions de participation « YouTube Play Terms and Conditions » : https://sites.google.com/site/ytplayterms/fr    YouTube Play – Biennale de la Vidéo créative        Bienvenue au “YouTube Play,” une biennale innovante des vidéos les plus créatives du monde  téléchargées sur YouTube.  YouTube Play est une biennale de vidéos (la “biennale”) présentée par la Fondation  Solomon R. Guggenheim (“Guggenheim”) et hébergée sur le site Internet YouTube par Google, Inc (“Google”).   Cette biennale présentera certaines des vidéos les plus intéressantes et innovantes de ces deux dernières  années, sélectionnées par un panel d'experts internationaux (le “jury”), et s'achèvera sur une présentation des  vidéos sélectionnées au Solomon R. Guggenheim Museum de New York (“Guggenheim Museum”).  Cette biennale commence par la soumission de votre propre vidéo, une vidéo que vous estimez digne  de considération par les conservateurs du Guggenheim et le jury.  Vous pouvez déposer votre vidéo entre  12:00 PM PST le 14 juin 2010 et 12:00 PM PST le 31 juillet 2010 (“période de candidature”).  Pour ce faire,  rendez‐vous sur www.youtube.com/play (la “Play Channel”) et suivez les instructions. Un dépôt pour prise en  considération n'est pas une inscription à un concours, mais plutôt une demande de votre part auprès de  Guggenheim et du jury d’étudier la possibilité de diffusion de votre vidéo sur Play Channel, ainsi qu’une  éventuelle exposition pendant trois jours au Guggenheim Museum de New York, incluant une soirée  d'ouverture qui se tiendra au musée le 21 octobre 2010 (l’“événement”). Si votre vidéo est sélectionnée pour  une présentation à l'événement, vous recevrez peut‐être une invitation pour participer à cette soirée, ainsi  qu’une enveloppe pour le déplacement et le logement au moment de l'événement, sur décision exclusive de  Guggenheim.   1.  Eligibilité : pour pouvoir participer à cette biennale, Guggenheim impose de remplir les critères suivants :  a.     Vous devez être âgé de 18 ans minimum au 14 juin 2010 (ou être majeur dans votre pays de résidence) et  être enregistré comme utilisateur du site Internet YouTube.  b.     Vous pouvez être amateur, étudiant ou professionnel, mais votre candidature ne doit pas avoir d’objectif  commercial, ni être créée dans le cadre de votre activité professionnelle. Si vous êtes étudiant ou  professionnel, vous devez vous assurer que votre participation n'enfreint aucun contrat, accord, règle ou  règlement auxquels vous êtes lié (incluant, sans être limité à, toutes écoles, associations ou obligations  syndicales) ;  c.   Vous ne pouvez pas être employé, officier, directeur, agent ou représentant de Google, Inc, de la  Fondation Solomon R. Guggenheim, de Marden‐Kane, Inc., ou de la société Hewlett‐Packard ni de leur  panels respectifs d'experts internationaux, de leurs sociétés affiliées ou filiales, de leurs agences de  publicité et de promotion, de leurs conseillers légaux et financiers, ou de tout autre société associée à  cette biennale, ou un membre de la famille proche (signifiant parent, époux, enfant, frère ou sœur,  membre de la famille par alliance, grands‐parents ou petits‐enfants), ni résider dans le même foyer (par un  lien légal ou non) que l'une de ces personnes ;  d. Vous ne pouvez pas être résident ou citoyen de Cuba, de l'Iran, de la Corée du Nord, du Soudan, de la  Birmanie, de la Syrie, du Zimbabwe ou de tout autre pays sanctionné par les États‐Unis ; et  e.       Vous devez être en mesure d'organiser vos propres documents de voyage (par exemple, visas ou  passeports) exigés par votre pays de résidence si vous êtes invité par Guggenheim pour assister à  l'événement. L'organisation du voyage, incluant les aménagements liés à ce voyage, sont sur décision et  sur invitation exclusive de Guggenheim.  2.  Critères techniques : Vous ne pouvez soumettre qu'une (1) de vos vidéos pour candidature. Si vous en  désignez plus d'une, la première que vous aurez soumise sera la seule étudiée. Afin de pouvoir être prise en  considération par Guggenheim, votre vidéo devra remplir les critères techniques suivants :  a.       La vidéo ne doit pas avoir été diffusée au public (incluant, sans être limité à, la diffusion sur le site  Internet YouTube, la diffusion sur un autre site Internet ou tout autre mode de diffusion au public) au‐delà  de deux années précédant le 14 juin 2010 (soit avant le 14 juin 2008). Bien sûr, des vidéos totalement  nouvelles créées ou rendues publiques pour la première fois au moment de la période de candidature sont  bienvenues et encouragées, dans la mesure où la vidéo est mise en ligne sur le site Internet YouTube et la  soumission faite avant la fin de la période de candidature ;  b.       La vidéo ne doit pas avoir d’objectif commercial (par exemple, la vidéo ne peut pas être un spot  publicitaire télévisé ou une publicité pour un produit ou un service) ; 

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c.       La vidéo doit être conforme aux Conditions d'utilisation de YouTube, disponibles à l’adresse  http://www.youtube.com/t/terms et au Règlement de la communauté YouTube disponible sur  http://www.youtube.com/t/community_guidelines ;  d.       La vidéo doit vous appartenir, et seule une personne par vidéo sera considérée comme l'auteur. Si  votre candidature est sélectionnée par Guggenheim pour être diffusée sur Play Channel, vous devrez  apporter la vérification que la vidéo a bien été créée par vous, et préalablement à la diffusion sur Play  Channel ou lors de l'événement, vous devrez produire tous les droits nécessaires sur la vidéo auprès de  Guggenheim, dans le cadre de la Biennale ;  e.       La vidéo ne doit pas excéder une durée de dix (10) minutes ;  f.   Votre vidéo doit être formatée et encodée en accord avec les exigences listées sur le site Internet  YouTube disponibles sur http://www.google.com/support/youtube/bin/answer.py?answer=57924&cbid=‐ 1n9u1ginv5z3y&src=cb&lev=index ; et  g.       Votre vidéo doit avoir la fonction de partage paramétrée sur « actif ». Pour ce faire, suivez les étapes  suivantes :  ƒ Sélectionnez “Mes vidéos” sur votre compte.  ƒ Cliquez sur le bouton « Modifier » à droite de la vidéo en question.  ƒ Cliquez sur la section « Options de diffusion et de partage ».  ƒ Cliquez sur « Partager votre vidéo avec le monde entier »   ƒ Cliquez sur le bouton « Mettre à jour » en bas de la page.  3.  Lettre d'accompagnement : Afin de soumettre votre vidéo pour une prise en considération par  Guggenheim, vous devez accompagner celle‐ci d'une lettre d'un maximum de 1 000 caractères. Ce courrier doit  au minimum expliquer l'intention de votre vidéo, l'année de sa production et les techniques utilisées pour sa  création.   4.  Procédure de sélection : Durant et après la période de candidature, Guggenheim peut sélectionner des  vidéos à diffuser sur Play Channel. Il est prévu jusqu'à 200 vidéos qui pourront être présentées par ce biais. À la  fin de la période de candidature, le jury commencera le processus de sélection de vingt (20) vidéos environ,  parmi celles diffusées sur Play Channel, qui seront présentées à l'événement.  La décision concernant le  nombre total de vidéos diffusées sur la chaîne et le jour de l’événement appartient exclusivement à  Guggenheim.  Votre vidéo ne sera pas diffusée sur Play Channel à moins d’être sélectionnée par Guggenheim,  et d'avoir apporté la preuve de l'éligibilité de la vidéo et de la vôtre à Guggenheim ou son agent. Avant toute  diffusion sur Play Channel ou à l’occasion de l’événement, il peut vous être demandé de documenter votre  éligibilité de façon officielle, par exemple en signant des documents additionnels et/ou en fournissant toutes  les vérifications écrites additionnelles que Guggenheim peut exiger.     5.  Critères de sélection :   Guggenheim (y compris ses agents) et le jury prendront en compte les objectifs  suivants de la biennale lors de la revue des vidéos de candidature :  1.     Nous désirons voir des VIDÉOS CRÉATIVES : Art, animation, graphisme animé, narration, non‐ narration, etc. Quelle que soit l’approche, la candidature doit se distinguer par sa créativité ;  2.     Nous voulons découvrir des travaux innovants, originaux et surprenants, sans considération du  genre, de la technique ou du budget ; et  3.     Nous voulons un travail qui suscite un débat, une discussion, qui teste, expérimente, et élève la  vidéo de toutes les façons. Nous voulons quelque chose de différent. Nous ne cherchons pas ce qui  est là, nous cherchons ce qui arrive.  Veuillez noter : Dans la mesure où il s’agit d’une mise en compétition de projets artistiques, Guggenheim et le  jury ont l’entière responsabilité et décision sur tous les sujets relatifs à la revue, la sélection et la diffusion des  vidéos pour la biennale, Play Channel, et l’événement. Toutes les décisions de Guggenheim et du jury sont  définitives.      6.  Participation à l’événement : Les auteurs des vidéos sélectionnées par le jury pour l’événement peuvent  recevoir une invitation par personne pour se rendre à l’événement en personne, invitation incluant un voyage  d’environ quatre (4) jours/trois (3) nuits (durée du voyage selon le pays d’origine et les heures de trajets  associées sur décision de Guggenheim) pour une personne pour New York, afin de se rendre à l’événement. La  date, l’heure, et le lieu de l’événement peuvent être modifiés sur décision exclusive de Guggenheim, et les  auteurs des vidéos sélectionnées pourront être informés de leur voyage quinze (15) jours ou moins à l’avance.  Si l’auteur d’une vidéo sélectionnée ne peut pas voyager durant la période sélectionnée par Guggenheim, sa  vidéo pourra tout de même être diffusée lors de l’événement, sur décision exclusive de Guggenheim. Tous les  frais liés aux documents nécessaires au voyage pour l’événement, et toutes les taxes en vigueur, sont sous la 

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responsabilité de l’auteur de la vidéo. Tous les éléments de détail liés au déplacement pour l’événement seront  déterminés exclusivement par Guggenheim.     7.  Conditions supplémentaires : En cas de sélection pour une diffusion sur Play Channel, ou lors de  l’événement de Guggenheim, vous serez notifié par le système de messagerie de YouTube dans une période  comprise entre le 14 juin 2010 et le 1er octobre 2010 environ. Veuillez noter qu’une demande d’informations  complémentaires ou de vérification  concernant votre vidéo ou vous‐même ne signifie pas que vous êtes  sélectionné pour une diffusion sur Play Channel ou une participation à l’événement.  Si vous avez été  sélectionné pour une diffusion et/ou une participation, le message établira clairement cette sélection.  Ni  Guggenheim ni aucune des entités mentionnées ci‐dessous ne pourra être tenu pour responsable en cas de  non‐réponse de votre part au système de communication de YouTube ou de tout autre mode de  communication dans le délai escompté. Cette biennale est encadrée par la loi des Etats‐Unis. Cette biennale  (incluant Play Channel, la date de l’événement et toute autre composante de l’événement ou de la biennale)  peut être modifiée ou annulée à tout moment sur décision de Guggenheim et de Google.  Vous acceptez que  toute action légale ou réclamation liée à cette biennale soit présentée à un tribunal de la juridiction légale de  New‐York, état de New York.   VOUS ACCEPTEZ PAR AILLEURS QUE, DANS LA MESURE AUTORISÉE PAR LA LOI  EN VIGUEUR, NI GOOGLE, INC, LA FONDATION SOLOMON R. GUGGENHEIM, MARDEN KANE, INC. OU LA  SOCIÉTÉ  HEWLETT‐PACKARD NE PEUVENT ÊTRE TENUS RESPONSABLES POUR TOUTES RÉCLAMATIONS,  PERTES, OBLIGATIONS, ET DOMMAGES DE TOUTES SORTES (INCLUANT FRAIS DE PROCÉDURE ET  HONORAIRES D’AVOCATS)  (“RÉCLAMATIONS”),  DÉPOSÉES CONTRE L’UN D’ENTRE EUX, CONTRACTÉES,  SOUTENUES, OU ÉMERGENTES EN LIEN AVEC L’UTILISATION, L’ACCEPTATION OU L’ABUS DE TOUTE VIDÉO  SOUMISE OU DE TOUT MATÉRIEL FOURNI PAR VOUS, NI POUR TOUTES RÉCLAMATIONS CONCERNANT  VOTRE PRÉPARATION, VOTRE PARTICIPATION, ET/OU VOS DÉPLACEMENTS DANS LE CADRE D’ACTIVITÉS  RELATIVES À LA BIENNALE OU À L’ÉVÉNEMENT, INCLUANT, SANS SE LIMITER À, TOUTE BLESSURE,  DOMMAGE, DÉCÈS, PERTE OU ACCIDENT DE PERSONNE OU DE PROPRIÉTÉ, OU POUR TOUTE INFRACTION DE  TOUT ACCORD OU GARANTIE ASSOCIÉS AU PROJET (QUE CE SOIT DANS LES CONDITIONS PRÉSENTES OU  DANS TOUT DOCUMENT SÉPARÉ QUE VOUS AUREZ ACCEPTÉ). MALGRÉ LA REVUE DE TOUT CONTENU PAR  GUGGENHEIM, LE JURY OU LEURS REPRÉSENTANTS OU AGENTS, VOUS COMPRENEZ ET ACCEPTEZ DE PORTER  LA RESPONSABILITÉ UNIQUE DU CONTENU DE VOTRE VIDÉO NOMINÉE ET ACCEPTEZ D’INDEMNISER LES  PARTIES CI‐DESSUS POUR TOUT DOMMAGE ET/OU COÛTS ENGENDRÉS PAR L’ACTION D’UNE TROISIÈME  PARTIE LIÉE AU CONTENU DE VOTRE VIDÉO NOMINÉE OU DE TOUT MATÉRIEL SOUMIS.   En soumettant votre vidéo pour une prise en considération par la biennale, vous déclarez avoir compris et  accepté les conditions ci‐dessus. 

 

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  Annexe III.

Entretien avec Hanne Mugaas, curateur associé, YouTube Play/Guggenheim,

Artlog (Twitter Interview), 27 septembre 2010. http://artlog.com/posts/3111-artlog-interview-with-guggenheim-youtube  

Last week's YouTube Play shortlist announcement made waves of interest, excitement, and confusion around the internet and the art world - to clear things up we brought in YouTube Play Curatorial Associate Hanne Mugaas for a live interview over Twitter. Did they actually watch all 23,000 submissions? In case you missed the interview, you can find the transcript below, edited for readability (i.e. we ditched the hashtags). Artlog First question: Did you see all 23,000 submissions? (via @tylergreenDC) All the way through? (via @juliaxgulia) Guggenheim Yes, I can confirm that a team of YouTube Play curators, including myself, watched all 23,000 videos. DylanFareed Ha. Well that solves that mystery. Do we know how many total minutes of submissions that makes? Guggenheim Among the 23,000 YouTube Play submissions, videos ranged ranged from 25 seconds to 9 min 21 sec. DylanFareed I'm not sure it's really even possible but it'd be neat to have a total length of all submissions together. Artlog 2. Did you notice any affinities with internet video artists like Oliver Laric in the submissions? (via @mdotlu) Guggenheim We received a wide range of submissions, including videos from Internet artists. We have at least 1 on the shortlist.   viii  

Artlog 3. What's the difference between YouTube Play and how people normally interact with YouTube? (via @owcz) Guggenheim With YouTube Play, your work is being viewed by a jury of film & video experts, then may be presented at the Guggenheim. Artlog 4. Why do you think the shortlist was weighted towards animation and high-def video? (via @mdotlu) Guggenheim The YouTube Play shortlist reflects the range of work submitted, many happened to be in animation/HD video formats. Artlog 5. Was YouTube just a platform for the videos or were you also looking at the YouTube video as a medium in itself? (via @Artlog) Guggenheim Both. We were open to any kind of video, many used YouTube as context/medium and they are reflected in the shortlist. Artlog 6. How do you judge YouTube videos without taking the number of views into account? Isn't that the point of YouTube? (via @hragv) NishNYC Can't find an artist with more youtube views than Murakami? Did this factor in? Is he a fan? Guggenheim YouTube Play aims to discover new talent. We wanted to find the most creative videos online, regardless of view counts. James_Reeder Glad to know that view count was not an indication of quality for YouTube Play Artlog 7. Shouldn't creating a meme & a video that others want to remix or reply to get special credit? (via @hragv) Guggenheim We were interested in all video types without giving special credit to a specific category. Memes are included on the shortlist. Artlog 8. Why weren't there categories to separate professional and amateur videos? (Emailed by Timothy Tang) Guggenheim YouTube Play encouraged submissions from anyone: amateurs & professionals. Terms/conditions stated no commercial work. Guggenheim Therefore, professionals could submit to YouTube Play, as long as videos were made without commercial interest. Artlog 9. By what standards did you judge artistic quality in the videos? (Emailed by Timothy Tang) Guggenheim We were looking for videos that were original, had cohesion, meaning, resonance; works that were poetic & universal.   ix  

Guggenheim We were also looking for videos that challenged and represented the unique nature of the medium. Artlog Opening up the flood gates to YouTube like that was a bold and risky move. Are you happy with the results? (via @juliaxgulia) Guggenheim Yes, we are happy with the response of 23,000+ submissions & process of working with the medium of online video. Manbartlett What was the biggest surprise the jury had in regards to the (23K) submissions? Guggenheim Biggest surprise was definitely the number of submissions. Also the range of people; internationally, from very young to old etc. JeanVictorB Selected YouTube Play videos will be shown next to well-known artist work at the Guggenheim? Guggenheim Yes, the top 20 videos (that have yet to be revealed) will be presented at the Guggenheim in New York, Bilbao, Berlin & Venice. AGoatLover When is the deadline? Guggenheim Submission deadline closed July 31, but YouTube Play is a biennial so there will be another chance to participate in 2 years.

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Annexe IV.

Introduction de la conférence Art en ligne, art en réseau, art en mouvement au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, Belgique, le 6 mars 1999. Le site, (partiellement) archivé, se trouve à l’adresse  http://web.archive.org/web/*/http://simsim.rug.ac.be/mariemont/ 

Première Question: Comment définir l'Art en Réseau? La définition la plus concise sinon la plus précise est celle-ci: Art en Réseau est tout art qui prend le réseau (Internet) pour support. Par exemple: un site sur la toile qui se veut projet artistique, une 'mailing-list', un applet java, un MOO, un acte de 'désobéissance civil électronique', une application pour navigateurs ('browser'), un engin de recherches... Cette définition se limite cependant à la matérialité de l'œuvre artistique, tout comme l'on pourrait également définir l'art vidéo en partant des moyens et des produits physiques qui ont été utilisés pour y parvenir. Mais ceci n'est pas suffisant - en effet, qu'est ce qui fait qu'un travail, un artefact, soit une œuvre d'art? C'est à ce moment qu'il faut parler en termes de réflexion et de signification. Une bande vidéo devient art à cause de son contexte, de son intention, et de l'histoire à l'intérieur de laquelle elle se situe et qui nous est contée. Souvent l'art vidéo formule une critique ou une réflexion, voilée en général, mais parfois explicite, sur son propre vecteur (médium) et les images qu'il génère, et d'ailleurs le vecteur lui-même n'est souvent pas utilise à bon escient. La même chose vaut pour l'art en ligne - les projets les plus intéressants sont ceux qui formulent une critique visuelle ou conceptuelle du réseau, et qui (se) jouent par exemple avec, ou de la façon dont l'information est structurée en ligne (l'architecture du réseau, les 'mèmes', les nœuds, les liaisons, les atteintes à la hiérarchie informatique, etc.), ou de la manière à la quelle la communication, la discussion, ou même les affaires, ont lieu. Deuxième Question: D'où cela vient-il? Strictement parlant, l'évolution de l'art en ligne est parallèle à la naissance et l'évolution de l'Internet public. Et 'l'explosion' de la toile (Le "World Wide Web") a été un phénomène fondamental pour les deux. En effet, grâce à la toile, l'art en ligne est devenu tout d'un coup visible au très grand nombre - il put enfin se manifester, s'afficher, voir se 'vendre', aux yeux de tous. Au niveau du concept, les racines de l'art en réseau trouvent évidement leurs fondements dans le contexte nettement plus étendu de l'art numérique (ou 'digital'), qui, jusqu'aux années nonante (quatre-vingt-dix) menait une existence obscure dans le cadre exigu d'un petit nombre d'organisations culturelles et de manifestations artistiques. Le Festival Ars Electronica, à Linz, existe par exemple depuis vingt ans déjà. Pourtant, il fallut attendre la dixième Documenta de Kassel ("documentaX"), en été 1997, pour voir l'art sur ordinateur mis officiellement à l'affiche. Mis à part l'apport manifeste de la technologie, il est clair que l'on peut rapprocher les mobiles de l'art en réseau à ceux de mouvances artistiques tels que l'art postal ("Mail Art"), le pop art, l'art conceptuel et autre flux artistiques 'post-modernes' qui en sont issus. Bien que peu d'artistes en lignes aient des liens directs avec le Mail Art, l'analogie néanmoins s'impose: l'art en ligne lui aussi gomme la ligne qui sépare l'artiste du public, et invite à la participation active de ce public, l'on pourrait peut-être même y voir une forme 'd'interactivité' avant la lettre. Tout comme l'art postal, l'art en ligne circule à l'intérieur d'un cercle restreint 'd'initiés' - l'œuvre servant de ciment social pour une communauté artistique et culturelle. C'est sur la toile surtout que l'on voit une forme nouvelle d'art à implication sociale (ou politique, voir même économique), là ou implicitement ou explicitement, la publicité est commentée, simulée, ou parodiée. Maintenant que la grande majorité du contenu de la toile a un caractère commercial, ou sert de support publicitaire pour des personnes, groupes ou institutions, l'art en réseau, tout comme le pop art en son temps, a trouvé dans la critique ou l'esthétisation - de la réclame et de la consommation un thème majeur. Ayant en commun avec l'art conceptuel une tendance à la dématérialisation de l'œuvre d'art, il n'est pas surprenant de voir les concepts postmodernistes dominer le discours de l'art en ligne. Pour ce qui est de filiation sociale de l'art en ligne, il suffit d'indiquer l'existence, depuis assez longtemps déjà, de communautés culturelles 'branchées', de groupe de 'hackers' et autres 'bidouilleurs' dans les domaines de la recherche technologique, et cela jusque dans les milieux universitaires et scientifiques. Troisième Question: Quels en sont les auteurs?

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L'importance de notions telles que nationalité, origine culturelle, sexe, et même identité personnelle va en s'amenuisant sur le réseau - et à cause du réseau. L'art en ligne est par définition un phénomène de caractère international, les artistes collaborent de plus en plus par delà des frontières, ce qui ne veut pas dire que cet apparent engouement pour le global se fasse nécessairement au dépends du local (ce 'glocal' véhément dénoncé par Paul Virilio), bien au contraire. De plus, les œuvres d'art elles-mêmes sont souvent des travaux collectifs, issus dediscussions multiples et où finalement, une attribution individuelle devient impossible. Il arrive même que des personnages fictifs, c'est à dire virtuels, se profilent en tant qu'artistes, ou qu'un artiste bien réel camoufle son identité derrière celle, hermétique, d'un appareil. Et par ailleurs, le public est également de plus en plus amené à être un participant au lieu d'être un spectateur, et un créateur au lieu d'un usager. Quatrième Question: De quoi s'agit-il, en fait? Les thèmes qu'abordent les projets artistiques sur le réseau Internet sont souvent les mêmes que ceux que discute la philosophie dite post-moderne. Il est question de la technologie (évidement), mais aussi de la ville, du domaine public - et privé, des relations entre les sexes, de l'activisme, des structures de la communication et de l'information, de la guerre de l'information ("InfoWar"), de la commercialisation et de la pensée unique, de la relation entre le corps humain et la machine (les 'cyborgs'...) Cinquième et dernière question: Où en est-on maintenant, et où cela va-t-il nous mener? L'art en ligne est irréédiablement lié au réseau - ce qui fait sa force et sa faiblesse. Beaucoup de projets touchent un public enthousiaste mais restreint, 'd'initiés' qui se sentent directement concernés par le travail en question, et qui sont eux-mêmes même hautement 'branchés'. Certains estiment que cela est positif et intéressant, d'autres pensent qu'il s'agit là d'un mal nécessaire, et pour beaucoup cela pose problème. Présenter l'art en ligne dans le cadre classique d'un musée ou d'une galerie, 'n'est pas évident' comme on dit. Depuis 1994, un nombre croissant de 'galeries virtuelles' se sont établies sur la toile. Certaines se sont fait une réputation, d'autres végètent. Le support lui-même, c'est `a dire l'environnement logiciel et matériel, n'est pas sans risque. L'organisation V2_, le temple de l'art électronique aux Pays-Bas ne se définie pas en vain en tant que "Institut pour les Médias Instables": de la bête panne de courrant au gros accident informatique, la mort instantanée de l'œuvre numérique est un danger constant. L'art en ligne est, entre autre, un "art de l'accident". C'est pourquoi de plus en plus de musées et de galeries 'classiques' font des efforts pour présenter l'art en ligne à leur public dans un environnement physique et concret. Il faut dire que le choix se porte alors de préférable sur les travaux qui ont déjà au moins une composante physique, car dès que cela n'est plus le cas la présentation devient techniquement problématique - ou est perçue comme telle. Il faut donc s'attendre à l'avenir à ce que ces deux pôles, le pole 'physique' et le pole 'visuel', à l'intérieur de l'art en ligne, vont se profiler de plus en plus séparément, alors que les musées intensifieront leur efforts pour inclure cet art dans leurs collections et le présenter à leur public. Cela pourrait amener à la marginalisation, voire a l'exclusion d'un art en ligne qui serait purement visuel - ce qui serait dommage. Mais il faut dire aussi que les possibilités de 'métissage' entre les deux sont légions... Ce qui est clair, c'est que une forme d'art qui s'est à ce point impliquée (d'autre diront: 'inféodée') à la technologie informatique lance un défi d'envergure au monde de l'art traditionnel. L'art en réseau remet en question les concepts habituels d'expositions, et exige à la fois des conservateurs et du public des connaissances nouvelles une maîtrise du numérique liée à une attitude critique en face de la technologie qui est encore loin d'être monnaie commune. Voici encore quelques liens vers des 'expositions' en ligne et des sources sur l'art en réseau:

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My Favorite Websites Are Art (curateurs: Rachel Greene et Alex Galloway, Rhizome) Beyond Interface (une exposition virtuelle qui était part de la conférence 'Museums and the Web' 1997)

Web-specific art. Het World Wide Web als artistiek medium. Mémoire par Sandra Fauconnier (en néerlandais). 

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  Annexe V.

Projet Pilote éducatif, Tate Modern

 

  Annexe VI.

Lignes de temps est un dispositif d’annotation et de partage d’annotation de films développé par l’Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou.

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  Annexe VII.

Opération “? depuis 1977” au Centre Pompidou http://www.depuis1977.centrepompidou.fr/

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  Annexe VIII.

Progression du nombre d'heures de contenus téléchargées sur YouTube chaque minute

 

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Annexe IX.

Evolution des retombées médiatiques de YouTube Play Biennale et de la marque Guggenheim

Graphiques : Google Tendances des recherches      

       

 

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Annexe X.

Publication interne, société iWidgets

source: ComScore, comscore.com

  Figure 1 - "Le traffic des sites Web baisse"

  Figure 2 - "L'audience s'est déplacée" (sur les réseaux sociaux) "Nombre d'utilisateurs actifs sur Facebook"

 

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  Figure 3 - "Temps de consultation des réseaux sociaux en hausse "

 

  Figure 4 - Nombre de visiteurs uniques pour Facebook, Myspace et Twitter

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