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Consultez nos parutions sur www.dunod.com © Dunod, 2022
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Éditorial : Laure Duclaud et Roxane Vincent Fabrication : Anissa Marzouk Conception de couverture : Studio Dunod Conseiller éditorial : Christian Pinson Mise en page : Belle Page
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© Dunod, 2022 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
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SOMMAIRE Couverture Page de titre Page de copyright Remerciements
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Préface
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PARTIE 1 Les enjeux du marketing de l'innovation .141
Chapitre 1 Les dilemmes du marketing de l'innovation
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1 • Innovation et marketing, un mariage difficile 7687
2 • Les sources de l'innovation et ses processus d'émergence 8893
3 • Les différents degrés d'innovation
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Chapitre 2 Les consommateurs face aux produits innovants
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1 • Pourquoi les consommateurs s'intéressent-ils à l'innovation ? e Ba
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3 • L'adoption d'une innovation
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4 • L'insertion de l'innovation au sein d'un écosystème
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PARTIE 2 Le développement des nouveaux produits
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Chapitre 3 Le processus d'innovation
1 • Les étapes du processus d'innovation en marketing 2 • Les facteurs influençant la démarche d'innovation des entreprises 3 • L'organisation de l'innovation Chapitre 4 Développer l'idée puis le concept 1 • L'émergence des idées 2 • Le filtrage des idées 344
3 • Le concept
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Chapitre 5 Élaborer une offre innovante .141
1 • L'élaboration de l'offre par l'entreprise
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2 • Le rôle des clients dans le développement d'une offre innovante 7687
3 • La détermination du prix
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4 • La conception du packaging 0901
PARTIE 3 La commercialisation des nouveaux produits :211
Chapitre 6 Prévoir les ventes d'une offre innovante
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1 • La prévision des ventes d'une offre innovante ure d
2 • Les marchés-tests simulés périe
3 • Les marchés-tests fondés sur des panels
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4 • Le lancement sur une zone limitée
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Chapitre 7 Lancer l'innovation sur le marché
1 • Les différentes tactiques de lancement 2 • L'orchestration du lancement dans le temps 3 • Promouvoir une offre innovante 4 • Le contrôle du lancement 5 • Les lancements internationaux Chapitre 8 Les stratégies concurrentielles de l'innovation
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1 • Les effets de l'innovation sur les marchés
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2 • Les réactions concurrentielles à l'introduction de nouveaux produits .141
3 • Faut-il être le premier a innover ?
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4 • Le lancement de nouveaux produits suiveurs
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Index
REMERCIEMENTS • Des quatre auteurs
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Cette nouvelle édition est la quatrième, et nous avons cherché à y refléter les profondes transformations des marchés et des organisations, au sein desquelles l’innovation joue un rôle de plus en plus fondamental. Nos étudiants, nos participants en formation continue, nos collègues, nous ont permis d’alimenter nos réflexions, et de nourrir cet ouvrage par de nouveaux exemples. Il serait trop long et à vrai dire impossible de les remercier tous, mais nous leur devons beaucoup. Nous tenons également à exprimer nos remerciements à Christian Pinson, conseiller éditorial chez Dunod, qui nous avait encouragées et accompagnées pour la première édition.
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• D’Emmanuelle Le Nagard
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Mes remerciements vont tout d’abord à mes co-auteures et amies Delphine Manceau, Sophie Morin-Delerm, Linda Hamdi-Kidar et Aurélie Hemonnet. Travailler avec des personnes d’un si grand talent, d’un si fort dynamisme et d’une si grande bienveillance est une chance et un réel privilège.
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Je remercie également l’ensemble de mes collègues du département Marketing de l’ESSEC, le doyen du corps professoral Michel Baroni, et l’équipe du K-Lab, notamment Sophie Magnanou et Benjamin Six, grâce auxquels j’ai pu mettre en œuvre l’innovation au sein de l’ESSEC, dans une période de turbulence pour tous, et notamment pour les institutions d’enseignement supérieur.
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Je ne peux terminer ces remerciements sans une pensée toute particulière pour mes enfants, Yaël et Noë, devenus adultes depuis la première édition de ce livre. Ils sont non seulement et à chaque instant la source de mon
bonheur, mais en m’aidant chaque jour à redécouvrir le monde et à rester en phase avec ses innovations, ils ont sans le savoir profondément influencé cet ouvrage.
• De Delphine Manceau
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Pour la quatrième édition de cet ouvrage, je souhaite adresser ma profonde gratitude à mes coauteures, quatre professeures, chercheuses, dirigeantes, passionnées et passionnantes. Cette équipe montre combien on peut s’amuser tout en travaillant, allier expertise et enthousiasme, combiner continuité et nouveauté dans la composition d’un groupe. Merci à Emmanuelle, Sophie, Aurélie et Linda pour le bonheur de travailler ensemble !
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Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à mes collègues de NEOMA Business School, école qui a mis l’innovation au cœur de son ADN et de ses projets, et où j’éprouve tant de plaisir à appliquer et mettre en œuvre ce que la recherche montre sur les manières de créer, réaliser, déployer et diffuser l’innovation, en l’appliquant à l’enseignement supérieur.
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Enfin, j’ai une pensée particulière pour Vincent, qui encourage et supporte (au sens anglais bien-sûr) mes travaux d’écriture depuis tant d’années, ainsi que Matthieu et Juliette, qui accompagnent avec tant d’énergie l’innovation sous toutes ses formes, sociétale, sociale, tech, digitale, conceptuelle, dans les projets qui sont les leurs. :211
• De Sophie Morin-Delerm
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Je vais compléter ces pages de remerciements en exprimant toute ma gratitude et mon amitié à mes deux co-auteures, Emmanuelle Le Nagard et Delphine Manceau, qui m’ont invitée à partager l’aventure dès la troisième édition de cet ouvrage. Cette collaboration a bien sûr été un honneur mais également un plaisir : plaisir de partager avec des collègues et amies de longue date un projet commun, plaisir de travailler sur un sujet passionnant, aux multiples facettes, et qui me tient à cœur. J’ai également eu grande satisfaction à poursuivre le chemin avec Linda Hamdi-Kidar et Aurélie Hemonnet. Leur participation a été l’occasion d’échanges toujours
stimulants et sympathiques. Cette quatrième édition, entièrement revue, a abouti grâce à une collaboration harmonieuse. L’ouvrage doit aussi beaucoup aux acteurs des innovations qui illustrent cette édition. Je remercie également tous ceux avec lesquels j’ai pu échanger pendant l’écriture de cette nouvelle édition : amis, collègues, doctorants, étudiants, auditeurs et professionnels experts. Leur soutien éclairé, amical et scientifique a participé à l’amélioration de cet ouvrage.
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Enfin, merci à Emmanuel pour son exceptionnelle érudition et son soutien indéfectible, à Félix et Ulysse pour la richesse de nos échanges et leur humour, à mes parents généreux et précurseurs ! Alors que l’écriture occulte parfois la vraie vie, leur exigence et leur bienveillance revêtent une double fonction : m’accompagner sur le chemin de la pensée et me ramener à l’essentiel. .141
• De Linda Hamdi-Kidar
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Mes premiers remerciements s’adressent à mes co-auteures, et plus particulièrement à Emmanuelle Le Nagard et Delphine Manceau, pour la confiance qu’elles m’ont témoignée en m’intégrant à ce projet si stimulant, sur un thème qui nous passionne. Ma profonde gratitude va également à Sophie Morin-Delerm et Aurélie Hemonnet pour les échanges constructifs et bienveillants qui ont nourri mes réflexions tout au long de la rédaction de cet ouvrage : ce fut un réel plaisir de partager cette première expérience avec vous.
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Je souhaite également remercier mes collègues du département Marketing de TBS Education. Je me sens chanceuse d’évoluer dans un environnement de partage, de collaboration et d’entraide. Leur regard sur les sujets liés à l’innovation sont éclairés, précieux tout comme leur bonne humeur.
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Enfin, je ne saurais terminer sans exprimer mon infinie reconnaissance à mes parents et Amira qui, malgré la distance, sont un soutien infaillible. À Mehdi pour toutes ses idées et réflexions foisonnantes lors de l’écriture et ses encouragements. À mes enfants, Neil et Yasmine, pour tout ce qu’ils m’apportent au quotidien et qui attendent maintenant leur « histoire » créative et innovante.
• De Aurélie Hemonnet Je tiens à remercier très chaleureusement Delphine Manceau, Emmanuelle Le Nagard et Sophie Morin-Delerm pour leur confiance. Participer à la rédaction de cet ouvrage qui m’accompagne depuis mes premiers pas en enseignement et en recherche est un honneur. Merci également à Linda Hamdi-Kidar pour cette première collaboration officielle. Cela a été un grand plaisir d’échanger et de travailler ensemble. Merci à toutes pour cette ambiance de travail à la fois joyeuse et sérieuse !
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Je remercie également tous mes collègues et co-auteurs qui contribuent à nourrir ma réflexion sur les pratiques d’innovation avec une pensée particulière pour Céline Abecassis-Moedas et Pierre Valette-Florence. Je tiens également à remercier Antonin Ricard et Nathalie Richebé de l’IAE d’Aix et du Cergam pour leur précieux soutien.
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Enfin, je n’oublie pas mon mari et mes enfants, Étienne, Antoine et Jules, dont la créativité ne cesse de m’étonner et de m’inspirer. Merci pour leurs encouragements, leur enthousiasme, et surtout pour leur infinie patience.
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L’innovation est au cœur de la transformation actuelle des entreprises et de la société. Les défis environnementaux et climatiques exigent la création de nouveaux produits et services, que ce soit vers plus de frugalité dans leurs modes de production ou de consommation, ou parce que de nouvelles technologies permettent de les rendre plus respectueux de l’environnement. La violence de la pandémie mondiale du Covid a remis la recherche au centre de nos préoccupations et montré combien l’efficacité de la recherche fondamentale et sa conversion en R&D puis en vaccin était essentielles. Les profondes évolutions géopolitiques du monde exigent que nous réorganisions nos processus de production et de logistique, conduisant à de nombreuses innovations et à des relocalisations qui modifient nos manières de concevoir les produits. Enfin, les entreprises transforment profondément leurs modèles économiques, que ce soit pour y intégrer davantage de digital, de responsabilité sociétale, de diversité, ou pour s’adapter aux nouvelles manières de travailler et de consommer. Les crises stimulent l’innovation, et nous avons connu plusieurs crises majeures depuis la dernière édition de cet ouvrage. Pour survivre et se réinventer, les entreprises ont dû et doivent encore investir massivement dans l’innovation et dans sa diffusion. En effet, pour réellement exister, l’innovation doit être adoptée par ses destinataires, qui sont bien souvent ses clients. Une innovation sans marché n’est qu’un concept. Et c’est tout l’enjeu du marketing de l’innovation : créer des produits et services qui font sens pour leurs destinataires, puis favoriser leur adoption et leur diffusion. Ce sont les sujets que nous étudions dans cet ouvrage. Décrypteur des attentes des clients, interface entre l’interne et le marché, responsable de la commercialisation des biens et des services, le
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marketing est aux avant-postes de l’innovation. Pourtant, les approches classiques du marketing, fondées sur la compréhension des besoins non satisfaits du marché, ne sont pas toujours adaptées à l’innovation et le marketing doit se réinventer quand il appréhende la nouveauté. Il ne peut se contenter d’identifier les insatisfactions exprimées et doit intégrer le fait que ce n’est pas toujours la demande qui crée l’offre, mais parfois l’inverse. La logique de marketing de l’offre existe dans de nombreux secteurs, la tech, la mode, les activités culturelles pour ne citer que quelques exemples. Notre propos dans cet ouvrage est donc d’étudier les spécificités du marketing de l’innovation et de décrire les différentes approches, méthodes, techniques, qui permettent au marketing de favoriser l’émergence et le succès commercial des biens et services innovants. Or, ces pratiques évoluent rapidement, qu’il s’agisse de cocréer avec les clients, d’utiliser les big data pour mieux comprendre leurs comportements, de renforcer le pouvoir des consommateurs, de favoriser l’innovation frugale, d’intégrer le métaverse comme possible évolution des manières de communiquer et de consommer... C’est pourquoi cette quatrième édition fait la part belle aux évolutions de ce champ disciplinaire et des pratiques des entreprises en la matière, avec de nouveaux développements sur des sujets tels que : les méthodes agiles, l’accélération des délais d’innovation, la reverse et l’open innovation, l’innovation éco-responsable, l’innovation de business model, la résistance des consommateurs, et le rôle de l’Intelligence Artificielle et du digital pour le lancement des nouveaux biens et services... Pour autant, certains fondamentaux restent et continuent de structurer cet ouvrage, avec notamment la distinction entre invention, innovation et nouveau produit à laquelle est dédiée notre premier encadré ci-dessous.
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FOCUS
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Invention, innovation et nouveau produit
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En guise de préalable, il convient de définir les termes invention, innovation et nouveau produit et de les distinguer. L’invention relève de la science et de la découverte, en opposition aux innovations qui ont vocation à être commercialisées. L’invention est donc l’apanage des chercheurs et des créateurs, tandis que l’innovation a vocation à être fabriquée en série et vendue. Le marketing se préoccupe d’innovations et non d’inventions.
Les notions d’innovation et de nouveau produit sont très proches. Les dictionnaires les associent, tel Le Robert pour lequel l’innovation est à la fois l’action d’innover – qui consiste à introduire quelque chose de nouveau – et le résultat de cette action. L’innovation est donc à la fois un résultat et une démarche, tandis que la nouveauté ou le produit nouveau sont seulement le résultat. Dans l’ensemble de l’ouvrage, nous désignerons les biens et services novateurs commercialisés par les termes « innovation », « nouveauté » ou « produit nouveau » en employant ces mots de manière équivalente. À noter également, le mot « produit » désigne à la fois des biens et des services et intègre donc l’ensemble des secteurs traités dans cet ouvrage.
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Pour analyser la place du marketing dans le processus d’innovation, sujet ô combien transversal et inter-organisationnel, et y présenter les approches et les méthodes du marketing, nous étudierons tous les types d’innovations, des plus révolutionnaires aux « simples » nouveaux produits qui renouvellent les gammes. Nous défendons une vision doublement large de l’innovation, large par l’origine de l’innovation ellemême (technologie, usage, modèle économique) et large par le degré d’évolution par rapport aux produits antérieurs. C’est le premier parti pris de cet ouvrage. Nous évoquons donc conjointement les biens et services perçus comme très novateurs par le marché et ceux qui font figure d’innovations incrémentales. Nous détaillerons les spécificités des innovations radicales lorsqu’il y a lieu. Mais nous sommes convaincues que la capacité d’innovation des entreprises se construit en multipliant les innovations, qu’elles soient radicales ou incrémentales, les unes nourrissant et entretenant les autres dans une économie de la quantité qui permet de construire un savoir-faire et une compétence organisationnelle où le marketing joue un rôle essentiel1. Notre deuxième parti-pris est de traiter conjointement tous les types de secteurs, les biens tangibles comme les services, les activités à destination des particuliers et celles qui s’adressent aux entreprises. Là encore, les grandes méthodes pour innover sont souvent les mêmes. Le transfert d’approches d’un secteur à l’autre est source de fertilisation croisée. Troisième parti pris, cet ouvrage est destiné aux spécialistes du marketing, actuels et futurs, chargés de développer ou de lancer des nouveaux biens et services, mais aussi aux autres fonctions impliquées dans le processus d’innovation et qui doivent collaborer avec le marketing : la R&D, le design, les bureaux d’études et l’ingénierie, le contrôle de gestion, la finance... Nous nous adressons à tous les
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responsables de l’entreprise travaillant sur des projets innovants en exposant le rôle et les méthodes du marketing en la matière, afin de favoriser un dialogue interfonctionnel et une meilleure efficacité dans la conduite des projets. En analysant les approches adoptées dans différentes entreprises et dans les sociétés d’études, en utilisant les travaux réalisés par les chercheurs en marketing et en management, nous dressons un état des lieux sur les connaissances actuelles en la matière. Pour ce faire, nous avons construit cet ouvrage autour de trois parties : une première partie consacrée aux enjeux du marketing de l’innovation, une deuxième dédiée au processus de développement des innovations et enfin une troisième partie portant sur la mise sur le marché. En conclusion, le dernier chapitre porte sur la dynamique concurrentielle de l’innovation avec ses effets sur la catégorie de produits et sur la position concurrentielle des entreprises. L’innovation, c’est aussi la capacité à se réinventer et à intégrer l’intergénérationnel dans une équipe. C’est pourquoi nous avons associé deux nouvelles coauteures pour la nouvelle édition de cet ouvrage : Aurélie Hemonnet et Linda Hamdi-Kidar ont apporté leur vision complémentaire du sujet et complété avantageusement notre équipe. Merci à elles pour leurs apports, dans une équipe constituée de cinq femmes passionnées par leur sujet. Nous espérons que vous apprécierez les nouvelles évolutions de cette nouvelle édition et vous souhaitons bonne lecture !
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LES ENJEUX DU MARKETING DE L’INNOVATION
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Les dilemmes du marketing de l’innovation Chapitre 1 Les consommateurs face aux produits innovants Chapitre 2
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La première partie de l’ouvrage est consacrée aux enjeux du marketing de l’innovation, à la fois pour les entreprises et pour le marché. Avant d’analyser comment réussir la conception et le lancement, il nous semble essentiel d’étudier pourquoi l’innovation est aujourd’hui impérative mais également si difficile. Dans le premier chapitre, nous étudions les dilemmes auxquels sont soumises les entreprises en matière d’innovation. Nous analysons les facteurs de succès et d’échec des nouveaux biens et services, et répertorions en quoi la manière d’innover a changé et change encore. Après avoir analysé les différents types d’innovation et leurs sources, nous étudions en quoi le degré d’innovation modifie la manière de concevoir et de lancer les produits. Nous nous intéressons alors aux spécificités des innovations de rupture. Le deuxième chapitre étudie la manière dont les clients perçoivent l’innovation et agissent face à elle, à la fois sur les marchés de consommation ou dans les secteurs business-to-business. Il s’agit d’analyser pourquoi les clients s’intéressent aux produits innovants, les motivations et les freins à leur adoption. Ainsi, on peut mieux comprendre les différentes étapes d’adoption et la manière dont se déroule la diffusion de l’innovation. Ces facteurs sont essentiels pour construire des innovations qui fassent sens pour le marché et pour bien choisir les cibles auxquelles s’adresser en priorité.
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CHAPITRE 1 LES DILEMMES DU MARKETING DE L’INNOVATION OBJECTIFS
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→ Nous avons évoqué en introduction l’impérative nécessité d’innover à laquelle sont soumises les entreprises dans l’économie actuelle et la quatrième révolution industrielle que nous vivons aujourd’hui. Le marketing constitue un enjeu essentiel en la matière : chargé d’analyser le marché sans obérer pour autant la capacité à imaginer des produits inédits, observateur et prospectif à la fois, il doit nourrir la capacité d’innovation tout en permettant une mise sur le marché réussie et en stimulant les ventes à la hauteur des investissements consentis. Face à des décisions souvent très difficiles, il génère une série de choix structurants pour l’entreprise, en termes de processus et d’approche de l’innovation. → Dans ce premier chapitre, nous dressons un panorama des enjeux et des dilemmes inhérents au marketing de l’innovation. Une première partie est consacrée au difficile mariage entre marketing et innovation en analysant les taux d’échec commercial rencontrés et les facteurs susceptibles d’influencer le succès. Cette analyse conduit à aborder les deux grandes démarches de l’innovation dans les entreprises selon qu’elle est guidée par le marché ou la technologie, et à distinguer le rôle du marketing suivant l’approche adoptée. Nous abordons ensuite les différentes sources et les différentes catégories d’innovations.
1 • INNOVATION ET MARKETING, UN MARIAGE DIFFICILE Le marketing de l’innovation est un sujet ambivalent par essence. D’abord parce qu’une des fonctions principales du marketing dans l’entreprise consiste à analyser les attentes et les motivations des clients, qui ne sont pas forcément très précises à propos de produits n’existant pas encore. Les techniques et les méthodes employées doivent être adaptées en conséquence.
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Ensuite, l’observation des marchés montre que le lancement des nouveaux produits est un exercice extrêmement délicat, qui se solde souvent par un échec. Selon les études et les secteurs, selon la définition que l’on donne au mot échec, entre 20 % et 95 % des nouveaux produits sont des échecs. Si les innovations réussies sont génératrices de ventes et de marges, elles restent relativement rares. Comme on le dit chez 3M, « il faut embrasser de nombreuses grenouilles pour trouver un prince charmant » !
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• Les taux d’échec des nouveaux produits 7687
Les innovations peuvent connaître l’échec à deux moments.
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D’abord lors de leur développement : environ 19 % des projets disparaissent avant d’être commercialisés1. Le cabinet d’études Novaction mentionne que 81 % des projets enregistrent des résultats insuffisants lors des tests préalables au lancement2, ce qui peut conduire à des modifications importantes ou à un abandon du projet. Cependant, ces chiffres ne sont pas forcément alarmants dans la mesure où le processus de développement et de tests a justement pour fonction d’identifier les projets à fort potentiel commercial et de les distinguer des projets trop incertains.
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Un échec lors de la phase suivante est plus grave : l’innovation a été commercialisée par l’entreprise après une phase de développement souvent fort coûteuse, un lancement en général associé à des investissements substantiels, et une mobilisation importante du personnel en interne. En outre, un échec peut entacher la crédibilité de l’entreprise auprès des clients, des distributeurs, et des différents partenaires. Or les taux d’échec se situent aux alentours de 20 à 25 % dans les secteurs industriels, 30 % dans les
services et de 70 à 90 % dans le high tech. Dans la grande consommation, les études aboutissent à des chiffres qui varient entre 35 et 95 %3. Ces chiffres élevés sont toutefois controversés à travers une synthèse de travaux de recherche4, qui rapporte un taux d’échec de produits de grande consommation nouvellement lancés sur le marché avoisinant les 40 %. Encore faut-il s’entendre sur la notion d’échec pour un produit innovant : s’agit-il de ne pas atteindre les objectifs de vente, les objectifs financiers, ou encore d’être retiré du marché ?
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– 45 à 48 % des nouveaux produits n’atteignent pas leurs objectifs de vente5. Ce chiffre est élevé, mais il n’est pas rare que les objectifs de vente soient surévalués par les responsables du projet afin de mieux vendre le produit aux distributeurs, voire de mieux négocier en interne les budgets associés au projet. – 44 % des produits sont en deçà de leurs objectifs de rentabilité, mais on peut se demander si ce chiffre révèle le taux d’échec des innovations ou la pertinence des modes de fixation des objectifs de rentabilité dans les entreprises. – Une autre définition de l’échec, plus drastique, repose sur le retrait du marché : si un produit reste très peu de temps sur le marché, c’est qu’il a échoué. Dans la grande consommation, Nielsen indique que 76 % des nouveaux produits ne survivent pas au-delà de la première année6. Novaction parle de 75 % de retraits dans un délai de deux ans, la deuxième année d’existence étant souvent un seuil critique.
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• Les facteurs susceptibles de favoriser le succès… et l’échec
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Le tableau 1.1 présente les facteurs favorisant le succès des innovations7. Ils sont à la fois liés aux caractéristiques spécifiques du nouveau produit, à la stratégie générale de l’entreprise, au processus de développement employé, ainsi qu’aux caractéristiques du marché. Certains de ces éléments sont donc maîtrisables par l’entreprise, d’autres non – comme la taille du marché potentiel. Ces différents thèmes seront évoqués tout au long de l’ouvrage.
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Tableau 1.1 – Les principaux facteurs influençant le succès des innovations
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Les facteurs de succès varient selon les secteurs. Dans les services, les synergies entre les compétences marketing existantes et l’innovation semblent particulièrement importantes, probablement parce que la marque et les réseaux de distribution jouent un rôle essentiel. En effet, la comparaison de l’ordre d’importance entre les facteurs clés de succès des services et des produits révèle des différences notables. Tandis que les avantages du produit, l’orientation marché et l’efficacité du lancement arrivent en tête pour les produits, les facteurs clés pour les services sont l’efficacité du lancement, la capacité d’absorption et d’intégration de nouvelles informations et l’organisation de l’entreprise8. Pour les services, la performance des innovations est favorisée par un processus moins structuré.
Dans les industries high-tech caractérisées par un environnement turbulent, la souplesse du processus compte également. La présence d’une équipe dédiée au projet, la sophistication technologique du produit et son avantage relatif y voient leur importance renforcée. Dans la grande consommation, le succès des nouveaux produits est accru par les campagnes de publicité et défavorisé par un prix au-dessus du niveau moyen du marché, montrant que les consommateurs ne sont pas prêts à payer des produits plus cher simplement parce qu’ils sont nouveaux9.
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Les comparaisons internationales montrent des taux d’échec proches en Europe, aux États-Unis et au Japon10, même si les facteurs clés de succès varient quelque peu. En Asie, par exemple, comptent particulièrement la sophistication technologique du nouveau produit, la préoccupation du client dans le processus d’innovation et les synergies, ainsi que le soutien des dirigeants de l’entreprise.
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Face aux risques d’échec élevés, on peut s’interroger sur la capacité du marketing à favoriser le succès des innovations ou au contraire souligner son utilité pour encourager la prise en compte du client dans le processus de développement. Nous adoptons la seconde approche, en insistant sur l’utilité d’intégrer le marketing dans le processus. Trop souvent, les entreprises rechignent à réaliser des tests et des études avant le lancement parce qu’elles les jugent trop longs, trop coûteux, ou contraires à la culture interne. Ou elles négligent leurs résultats parce qu’incohérents avec la stratégie définie.
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Globalement, les causes les plus fréquemment avancées pour expliquer l’échec des nouveaux produits sont souvent liées à un marketing inadéquat ou mal intégré au processus de développement11 : les études de marché ont été mal interprétées ou n’ont pas été prises en compte ; le marché a été surestimé ; on a voulu accélérer le développement à l’excès, bâclant certaines étapes ; à l’inverse, l’entreprise n’est pas arrivée à comprimer suffisamment son « time-to-market » et le lancement a eu lieu trop tard, à un moment où les attentes du marché avaient changé ; le produit a été mal conçu, mal positionné12, insuffisamment promu ou proposé à un prix trop élevé ; le moment de lancement était inadéquat.
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D’autres causes concernent d’autres services de l’entreprise : on a sousestimé les coûts de R&D, de développement ou de lancement ; le projet d’innovation n’était pas cohérent avec la culture de l’entreprise et n’a pas
reçu le soutien interne adéquat ; on a mal anticipé la réaction de la concurrence, qui a contre-attaqué plus vite et plus fort que prévu. Une troisième catégorie de causes tient à des facteurs externes liés à l’environnement et au marché : les marchés sont de plus en plus fragmentés et les nouveaux produits sont destinés à des segments de plus en plus petits, ce qui se traduit par un chiffre d’affaires et une rentabilité moindres ; la durée de vie des produits est de plus en plus courte ; l’environnement social et réglementaire est de plus en plus exigeant, notamment en matière de sécurité et de respect de l’environnement, ce qui peut ralentir le développement des innovations ; le coût élevé de la recherche exige des capitaux considérables.
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Un marketing efficace de l’innovation doit permettre, sinon de supprimer, du moins de limiter les risques d’erreur sur ces différents points. Son rôle est multiple : analyser les motivations et les besoins des clients afin que les produits en développement répondent à une véritable attente du marché ; faire en sorte que la vision des clients potentiels soit prise en compte lors de la conception et tout au long du processus d’innovation ; imaginer et optimiser les conditions de mise sur le marché ; analyser le rôle du nouveau produit dans la stratégie concurrentielle de l’entreprise.
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Pour autant, gardons à l’esprit que le risque d’échec est inhérent à la démarche d’innovation. Les entreprises doivent accepter que l’erreur et le risque sont indispensables pour imaginer et construire un bien ou service qui n’a jamais été réalisé. À trop vouloir maîtriser le risque, on peut assécher sa capacité d’innovation. Ce qui compte en effet est d’innover beaucoup et souvent pour construire un savoir-faire en la matière et, lorsque le projet tourne à l’échec, en tirer rapidement les enseignements sans s’obstiner mais en tirant les leçons de l’expérience : « fail but fast » disent les spécialistes.
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• Les évolutions dans la manière d’innover des entreprises
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Dans un environnement où les entreprises cherchent à innover plus et plus vite, mais où les contraintes budgétaires se durcissent, on assiste depuis quelques années au développement de nouvelles pratiques dans la manière de construire et de développer les innovations. En réalité, la manière d’innover change radicalement depuis quelques années.
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– l’innovation est de plus en plus ouverte et se fait en relation avec des acteurs externes : laboratoires de recherche publique, fournisseurs, agences de design, partenaires… Ces pratiques d’open innovation modifient radicalement la manière dont les entreprises appréhendent l’innovation, la confidentialité des projets devenant moins importante que la rapidité et la protection juridique. Les études sur le sujet montrent qu’une telle évolution exige une modification importante de la culture de l’entreprise, de l’organisation interne et du profil des personnes recrutées13 ; – la co-innovation avec les clients consiste à les associer directement au processus d’innovation14. Alors que, pendant longtemps, le processus de développement de nouveaux produits reposait sur des allers-retours avec le marché à travers des études, des enquêtes, des tests de concept et de produits, il s’agit désormais de solliciter directement les clients soit en amont du processus pour qu’ils donnent leurs idées de nouveaux produits et proposent des concepts ou en aval pour qu’ils évaluent les idées proposées, élaborent des messages publicitaires15… Longtemps réservées aux marchés business-to-business (BtoB), ces pratiques sont aujourd’hui courantes dans les marchés à destination des particuliers grâce à des appels à contribution ouverts à tous soit sur Internet, soit sur des sites spécialisés de crowdsourcing via des concours d’innovation, comme eYeka ou Agorize, soit sur des sites dédiés de marques ; – l’innovation cherche à être frugale (cf. focus) en s’appuyant moins sur de grands budgets de R&D mais en imaginant des manières astucieuses et peu coûteuses en ressources pour construire de nouveaux produits et services et renouveler l’expérience client. On parle désormais de Jugaad innovation pour reprendre le terme indien16, même si cette approche se développe aussi dans les économies et les groupes occidentaux. À l’heure où les entreprises font face à des difficultés financières et à la prise de conscience écologique des consommateurs, ce concept laisse entrevoir la possibilité de concilier innovation responsable et contraintes budgétaires ; – de nombreuses innovations sont développées pour les segments de clientèle pauvres du « bas de la pyramide », obligeant à repenser les modèles économiques du secteur. L’innovation inversée, quant à elle, consiste à concevoir des nouveaux biens et services à l’attention des
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marchés des pays émergents avant de les déployer dans les pays plus riches, à l’instar de Renault qui a commercialisé sa Kwid en Inde à un prix exceptionnellement faible pour une voiture (à partir de 3 500 euros) avant d’étendre son lancement aux pays européens17. Cette pratique de l’innovation inversée va à l’encontre de l’image traditionnelle selon laquelle les grands groupes développent des innovations pour les marchés les plus riches avant de les déployer dans les zones moins aisées quand les coûts sont amortis ; – dans des marchés saturés, les entreprises cherchent à identifier des créneaux inexplorés et à réinventer les contours des marchés pour éviter la concurrence directe et couteuse avec les acteurs en place. C’est la célèbre approche « océan bleu » (cf. focus, p. 98). Ce type d’innovation stratégique transforme le champ concurrentiel et redéfinit profondément la nature des avantages concurrentiels en vigueur18. :167
Ces approches seront analysées en détail tout au long de cet ouvrage.
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L’innovation frugale pour « innover mieux avec moins »
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Selon Hossain19, l’innovation frugale consiste à développer une nouvelle solution tout en utilisant le moins de ressources possible afin de répondre aux besoins des consommateurs à faibles revenus. Les premiers cas d’innovation frugale ont été documentés par Radjou en Inde sous le nom de « Jugaad »20 mais il s’avère que ce phénomène est répandu dans de nombreux pays émergents et pour différentes industries incluant notamment la santé, le transport, la finance et l’énergie. Au-delà de l’innovation produit, la réflexion BoP, « Bottom of Pyramid », peut aussi amener à des innovations et des optimisations en matière de processus de production, d’organisation ou de distribution. La frugalité tient à la réduction de la complexité et du coût de la chaîne de réalisation et de la solution créée. Ce cahier des charges très contraignant oblige non seulement à concevoir des produits adaptés au contexte mais aussi à repenser l’organisation de l’innovation.
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Un des objectifs affichés de l’innovation frugale est de se transformer en innovation inversée, c’est-à-dire d’être déclinée pour les pays riches. Cette transition constitue un enjeu majeur, qui nécessite souvent une phase supplémentaire d’adaptation des produits aux besoins des populations des pays développés.
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À titre d’exemple, Danone a lancé un yaourt sur-enrichi en éléments nutritifs au Bangladesh. Pour réussir le pari d’un bas prix malgré la taille beaucoup plus restreinte des unités de production (3 000 tonnes en moyenne contre 300 000 habituellement), l’entreprise a été contrainte de revoir totalement son mode de fabrication. La production a ainsi été repensée de manière à être malgré
tout trois fois moins coûteuse que dans les unités classiques. Ainsi, Danone avec son yaourt enrichi Shokti Doi a structuré un processus innovant de fabrication qui a pu être repris dans l’ensemble des usines du groupe. Les économies générées ont permis de rendre le projet bénéficiaire pour Danone avant même que cette branche de l’activité soit définitivement développée. L’électrocardiogramme de General Electric est un autre exemple emblématique d’innovation frugale devenue inversée. Ainsi, du fait de la nécessité de réduire les ressources mobilisées pour son développement, l’innovation frugale revêt souvent un caractère écologique. L’exemple du lave-linge pour les personnes en situation de grande précarité (camps de réfugiés, régions peu alimentées en eau et électricité…) montre que la production nécessite très peu de ressources (un tambour en plastique, des panneaux en contreplaqué et quelques composants faciles à trouver) et permet de limiter de manière significative les quantités d’eau nécessaires à chaque lavage (10 litres/cycle contre 30 habituellement).
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2 • LES SOURCES DE L’INNOVATION ET SES PROCESSUS D’ÉMERGENCE 46.4
• Les différentes sources d’innovation
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Les innovations qui marquent leur marché ont souvent plusieurs caractéristiques qui les distinguent des produits et services antérieurs. On peut identifier quatre leviers d’innovation sur les marchés actuels21 :
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1. La technologie : de nombreuses innovations se caractérisent par une technologie nouvelle. 0901
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Le système de cartographie intelligente permet de passer de cartes traditionnelles statiques à des cartes capables d’une part de collecter une grande quantité de données spatiales et d’autre part de calculer et présenter des résultats tels que des itinéraires. Les robots ménagers Roomba de iRobot sont équipés de cette technologie, qui leur permet d’enregistrer toutes les données spécifiques à un lieu grâce à la caméra intégrée pour le cartographier en temps réel. Ils sont alors capables de connaître le plan détaillé des lieux, de se repérer dans l’espace pour accomplir leurs tâches de nettoyage avant de retourner à l’emplacement de leur base de rechargement.
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Comme pour de nombreuses innovations centrées sur la technologie, l’enjeu est alors de justifier aux yeux du marché un changement d’équipement. Il faut que la qualité du nettoyage et du service rendu (gain de temps, d’énergie) soit suffisamment améliorée pour que les clients décident d’investir pour changer d’appareil et passer à un objet connecté.
D’un point de vue marketing, les innovations technologiques présentent des spécificités : elles sont souvent complexes aux yeux des clients potentiels, qui éprouvent des difficultés à bien comprendre les bénéfices qu’elles apportent. En outre, elles exigent un apprentissage pour savoir comment les utiliser. Notons que ces deux spécificités ont un poids différent selon l’échéance d’achat22 : pour un achat envisagé dans un délai lointain, le consommateur se préoccupe surtout de bien évaluer les bénéfices apportés par le produit ; pour un achat immédiat, il s’inquiète davantage des coûts d’apprentissage.
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2. L’usage : de nombreuses innovations modifient la manière dont les clients utilisent les produits. Les liseuses numériques (Kindle, Kobo) ou les premières compotes à boire de Materne, du fait des nouvelles conditions de consommation qu’elles permettent, constituent des innovations d’usage.
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À l’heure de la pandémie de Covid-19, la montre santé ScanWatch de Withings constitue une innovation d’usage majeure. Développé en collaboration avec des professionnels de santé, cet objet est surtout utilisé pour ses fonctionnalités d’analyse des paramètres vitaux, notamment la mesure de l’oxygène sanguin. Bien que la ScanWatch donne également l’heure et la date, elle est aujourd’hui utilisée essentiellement comme un dispositif médical pour le diagnostic de perturbations respiratoires.
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Pour de telles innovations, le marketing est primordial pour identifier les types d’usages susceptibles d’être acceptés par le marché. Dans un monde où la consommation relève de plus en plus d’une expérience, l’analyse de l’innovation par l’usage à travers les concepts du marketing expérientiel joue un rôle essentiel.
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3. Le modèle économique : de nombreuses innovations s’appuient aujourd’hui sur un changement de modèle économique, soit parce que le payeur n’est plus l’utilisateur/consommateur (exemple de la presse en ligne, accessible gratuitement et financée par la publicité), soit parce que la facturation repose sur l’abonnement plutôt que l’achat (jeux vidéo en ligne), soit parce que la gratuité est privilégiée pour le service initial et que seules les fonctionnalités avancées sont payantes (modèle « freemium » appliqué aux réseaux sociaux comme YouTube). La préoccupation environnementale incite à remettre en cause les modèles
économiques fondés sur la propriété pour favoriser le partage, la mise à disposition ponctuelle (abonnement, location, prêt) et le recyclage des produits, voire la vente d’occasion (succès des plateformes comme Vinted ou Le bon coin).
EXEMPLE
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Les systèmes d’abonnements à des box surprises reposent à la fois sur une innovation d’usage et de modèle économique. Sur l’usage, d’abord, ils modifient le rapport à l’achat de produits variés, qui n’est plus défini à l’avance par le consommateur mais qui correspond davantage à une surprise, à un cadeau que l’on peut soit recevoir, s’offrir ou encore offrir à d’autres et ce, pour une grande catégorie de produits (cosmétiques, œuvres littéraires, alimentation, tourisme…). Pour le modèle économique ensuite, l’innovation réside dans la capacité à proposer un système d’abonnement mensuel couvrant la livraison de plusieurs produits à un coût perçu par les abonnés comme intéressant.
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4. Le processus : de nombreuses innovations s’appuient sur des processus de fabrication ou de prestation du service différents, qui permettent ensuite de réaliser une offre novatrice. 46.4
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Les restaurants Le Relais de l’Entrecôte proposent un menu unique (salade de noix, entrecôte avec sa sauce, et frites) pour environ 25 euros. Le client peut seulement choisir la cuisson de sa viande, sa boisson et son dessert. Il le sait lorsqu’il entre dans les restaurants, qui remportent un grand succès. Cette prestation, différenciée, s’appuie sur un processus de prestation de service radicalement différent des restaurants traditionnels : nombre d’ingrédients très limité en cuisine, processus de préparation simplifié et accéléré, prise de commande rapide, service prompt. Si l’on y ajoute la qualité soignée et l’impossibilité de réserver, on comprend que ce service de restauration innovant est avant tout fondé sur une innovation de processus organisationnel.
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Aujourd’hui, la plupart des innovations reposent sur plusieurs sources, exigeant de s’appuyer à la fois sur la R&D et l’évolution technologique, sur une compréhension intime du consommateur et des usages, et sur une réflexion financière relative à l’ensemble de l’écosystème pour identifier qui pourrait payer pour quoi dans le modèle économique à construire. On parle alors d’innovation holistique fondée sur différents leviers.
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Présentée en 2019, la navette autonome Olli 2.0 de Local Motors constitue une innovation de processus puisqu’elle est fabriquée à 80 % grâce à l’impression 3D. En effet, les structures
supérieures et inférieures sont imprimées en 3D à partir de polycarbonates recyclables au sein de micro-usines. Ce nouveau procédé de production a trois avantages : (1) la personnalisation du véhicule suivant les usages, (2) la rapidité de production et (3) la réduction des déchets liés à la fabrication du véhicule. Local Motors a également innové en utilisant une stratégie de crowdsourcing – ou production participative – pour développer ses navettes, qui peuvent transporter jusqu’à 12 voyageurs et parcourir 160 km/h à une vitesse de 40 km/h23.
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Le rôle du marketing varie considérablement selon la nature des innovations. Lorsque l’innovation exige une évolution des usages chez les clients, l’acceptation par le marché devient critique et le marketing est amené à jouer un rôle essentiel dans la conception et l’explication de l’innovation au marché. Lorsqu’elle s’appuie sur un nouveau modèle économique, il convient d’analyser en détail qui est prêt à payer quels montants, exigeant une analyse fine de la valeur accordée à la prestation par chaque acteur de l’écosystème. Lorsque l’innovation est technologique, il faut être certain que les apports de la nouvelle technologie seront perçus et valorisés par les clients potentiels. Le marketing joue donc toujours un rôle essentiel mais de nature différente selon les cas de figure, et souvent multiple dans les cas les plus fréquents d’innovation plurielle.
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Ses missions varient également en fonction de l’origine de l’innovation, selon qu’elle est née d’une découverte scientifique ou technique ou d’un constat d’insatisfaction de la part du marché.
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– Dans de nombreuses situations, c’est une évolution de la technologie ou des processus de fabrication qui donne lieu à l’innovation. Ce cas de figure est habituellement désigné sous le terme technology push. – L’autre cas, souvent appelé market pull, correspond à l’approche marketing traditionnelle. C’est l’étude du marché, des comportements et des insatisfactions des clients face aux produits existants, qui donne des idées pour concevoir de nouveaux produits. e Ba
Ces deux approches sont détaillées ci-dessous.
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Notons que les entreprises choisissent rarement une démarche de manière délibérée. C’est souvent leur culture à orientation technique ou marketing et leur secteur d’activité qui déterminent les processus, même si elles peuvent l’influencer par le montant de leurs investissements dans les études de marché et la R&D.
• L’approche technology push Dans les approches technology push, le processus d’innovation part d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau procédé technique, sans que l’on sache forcément au départ à quoi ils pourront servir ni s’ils intéressent le marché (voir le cas historique du Post-it). Le rôle du marketing est alors délicat. Il doit identifier une application de la technologie qui réponde à une attente du marché, influencer la mise au point du produit et élaborer un plan de lancement qui explique aux clients en quoi consiste ce nouveau produit qu’ils n’attendaient pas forcément. Il faut stimuler la demande par un travail pédagogique expliquant l’intérêt de l’innovation et, parfois, offrir des conditions très avantageuses au départ pour inciter les clients à l’essayer.
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Pour les innovations radicales fondées sur une nouvelle technologie, interviennent souvent tard les raisonnements en termes de bénéfices clients et les réflexions sur la manière dont les clients réagiront à l’innovation. Deux raisons l’expliquent : d’abord, il est très difficile d’expliquer ces produits aux clients avant qu’un prototype n’existe ; ensuite, les secteurs étudiés se caractérisent par une faible orientation marché et un état d’esprit marketing peu développé. 7687
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Le cas historique du Post-it de 3M : quand il faut trouver un usage à un nouveau procédé technique24
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En 1968, Spencer Silver met au point un adhésif repositionnable au sein des laboratoires de recherche de 3M. Il présente son idée à de nombreux collègues, mais personne ne voit d’application pour cette colle non collante.
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Six ans plus tard, un autre chercheur de 3M, Art Fry, a l’habitude de chanter dans une chorale et voit son marque-page s’envoler, l’obligeant à chercher sans cesse la bonne page sur la partition. Il imagine alors un marque-page adhésif, que l’on pourrait ôter et déplacer d’une page à l’autre, et se souvient de l’invention de son collègue. La technique a trouvé une première utilisation.
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Cependant, les premiers tests réalisés en 1977 sont peu optimistes : les clients interrogés ne voient pas l’intérêt du marque-page adhésif ou de son extension à un support de correspondance adhésif. Les services marketing rejettent donc l’idée, soutenus par son coût de fabrication trois fois plus élevé qu’un bloc-notes classique. Cette réaction illustre bien la
difficulté à appréhender une innovation radicale : les clients l’associent à une catégorie de produits qu’ils connaissent déjà (ici les blocs-notes) mais qui n’est pas forcément pertinente pour comprendre en quoi consiste l’innovation. Malgré les mauvais résultats des premiers tests, un vice-président de 3M décide de tester luimême le produit auprès des secrétaires de son service. Les résultats montrent là encore un faible intérêt a priori, mais une rapide adoption après un premier essai. L’utilité du produit n’apparaît au client qu’une fois le produit remis entre ses mains et utilisé une ou deux fois.
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Les services marketing lancent alors un test à grande échelle fondé sur la distribution d’échantillons aux sociétés d’intérim et observent une intention d’achat de 90 % après un premier essai. Fort de ces résultats, un lancement à grande échelle est décidé en 1980 par la direction générale, avec le succès que l’on connaît. Au point que quelques années plus tard, 3M choisit pour le Post-it le slogan « Comment avez-vous pu faire sans eux ? » Si leur premier usage a été le bloc-notes adhésif, 3M a par la suite commercialisé des marque-pages, faisant écho au premier usage qui avait été identifié.
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Dans ce contexte, la grande difficulté est d’intégrer suffisamment tôt la vision du client afin d’éviter de négliger ses attentes. Plusieurs écueils guettent en effet les innovations tirées par la technologie.
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– D’abord, la R&D ne se transforme pas aisément en innovation : la R&D génère des inventions et éventuellement des brevets, mais le travail d’intégration des inventions en innovations est difficile et hasardeux. Ainsi, dans l’Union européenne, environ 40 % des brevets ne seraient pas exploités25 : ce sont des inventions qui n’ont pas donné lieu à des innovations. Cela révèle le difficile dialogue entre chercheurs et professionnels du marketing et la difficulté du processus d’innovation émanant de la technologie. – On croit trop souvent que, parce que le marketing n’est pas à l’origine de l’innovation, sa fonction porte uniquement sur l’aval du processus et le plan de lancement. C’est une erreur majeure ! Le rôle du marketing est d’autant plus crucial dans ce cas de figure, et il doit être intégré très en amont. L’analyse fine du marché doit identifier quels usages pourraient être développés à partir de la nouvelle technologie, en comprenant intimement les comportements et les attentes des clients. Il faut ensuite identifier les clients les plus réceptifs et construire des messages de communication adéquats pour les convaincre alors qu’ils n’attendaient pas l’innovation. En même temps, comme les approches drainées par la technologie génèrent souvent des innovations de rupture, il est difficile d’anticiper des changements radicaux de comportement.
Des méthodes d’études de marché fondées sur l’ethnographie et l’immersion, des approches hybrides comme le design thinking et le prototypage rapide aident à appréhender ce type de situations. Il est donc indispensable d’associer très tôt et très étroitement le marketing au processus pour intégrer la vision du marché, en recourant aux techniques et approches spécifiques du marketing de l’innovation. – Des investissements importants en communication sont nécessaires en phase de lancement pour montrer l’intérêt de l’innovation à des clients qui n’en ressentaient pas le besoin a priori, ou du moins pas explicitement. Doit alors être réalisé un véritable travail d’explication du produit et de démonstration de son intérêt.
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Dans ce contexte, certaines entreprises réorganisent leurs équipes de R&D en y adjoignant un responsable chargé de faire le pont entre marketing et R&D. Toute la difficulté consiste alors à identifier une personne susceptible de dialoguer avec les deux fonctions et de comprendre leurs préoccupations et leurs méthodes. D’autres entreprises s’organisent en structure tripartite, le dialogue entre R&D et marketing étant favorisé par la présence d’un tiers qui, selon les cas, appartient au service achats, à la fabrication ou au design.
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• L’approche market pull
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La rallonge multiprise pivotante « pivot power » de Quirky est née du constat que les consommateurs possèdent de plus en plus d’objets nécessitant d’être rechargés, notamment avec de gros adaptateurs, engendrant un encombrement sur les multiprises classiques. Un autre besoin est rapidement identifié : le chargement par port USB. D’où l’idée d’une multiprise flexible rotative pouvant se plier dans toutes les directions pour offrir la possibilité d’utiliser toutes les prises, et présentant également des ports USB pour satisfaire tous les besoins de chargement.
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La légitimité du marketing est beaucoup plus évidente lorsque le marché est à l’origine de l’idée. À travers l’observation et l’étude régulières des comportements et des perceptions des consommateurs, on identifie des insatisfactions et des souhaits inassouvis auxquels on décide de répondre par un nouveau produit. Les services de R&D et d’ingénierie travaillent ensuite pour élaborer une innovation qui réponde aux besoins identifiés. Le rôle du marketing consiste à s’assurer tout au long du processus de
conception que les prototypes répondent bien au cahier des charges initial et que l’on ne s’éloigne pas de l’idée de départ. Dans un troisième temps, le marketing est chargé d’élaborer les conditions de commercialisation de l’innovation, mais sa tâche est facilitée par le fait qu’elle réponde à un besoin clairement identifié au sein du marché. L’avantage principal des innovations tirées par le marché relève précisément d’un lancement facilité puisque la demande préexiste. Cela n’exclut pourtant pas les difficultés.
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– Les études de marché susceptibles d’aboutir à l’idée d’innovation peuvent être délicates à réaliser. Dans un monde caractérisé par la surabondance de l’offre, les besoins inassouvis sont rares et les insatisfactions sur les produits en nombre limité. Le rôle des études amont est alors d’identifier les usages que les clients aimeraient adopter et auxquels ils ont renoncé (et donc qu’ils n’énoncent pas forcément spontanément) ou les insatisfactions latentes et inconscientes, ce qui exige des méthodes d’études originales et des analyses très fines du marché. – L’approche market pull peut conduire à se centrer sur les clients actuels d’une catégorie de produits et à négliger les non-clients, qui pourtant pourraient devenir clients si une innovation répondait à leurs réticences face à la catégorie. Un exemple classique de ce phénomène est le marché des jeux vidéo où les entreprises se sont focalisées pendant des années sur les attentes des joueurs invétérés – les gamers – en concevant pour eux des consoles toujours plus puissantes et complexes au plan technologique. Puis, Nintendo a créé la Wii, une console simple et peu puissante, aux images peu réalistes, mais qui a réussi à attirer de nouveaux segments de clientèle en permettant de jouer avec son corps et en faisant du jeu vidéo une expérience collective amusante à vivre avec ses amis26 ou un outil thérapeutique utilisé pour entretenir sa forme physique. Le produit est devenu leader en attirant vers les jeux vidéo des personnes qui n’avaient pas de console jusque-là. Ainsi, il est essentiel de ne pas s’enfermer dans une trop grande proximité avec les clients actuels et de ne pas négliger les non-clients pour parvenir à élargir le marché et à changer les critères de qualité et de performance des produits, transformant ainsi les règles du jeu concurrentiel.
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– Les études de marché aboutissent plus à l’identification d’un besoin inassouvi qu’à une solution susceptible de donner lieu à un produit. Il est parfois difficile de concevoir techniquement un produit qui réponde réellement aux attentes des consommateurs. C’est alors aux responsables internes de transformer le besoin en idée opérationnelle. – Les responsables du projet pêchent parfois par excès de confiance dans le devenir commercial du produit parce qu’il a émané du marché. On observe alors des déconvenues, le projet ayant considérablement évolué entre l’idée de départ et le produit final, ou le marché ayant vu ses attentes évoluer entre le moment où l’idée a émergé et celui où le produit est commercialisé. – Il arrive aussi qu’une tendance identifiée soit moins porteuse que prévu ou ne concerne finalement que quelques clients atypiques. C’est toute la difficulté d’extrapoler sur des signaux faibles et des tendances naissantes dont on a du mal à déterminer s’ils sont anecdotiques ou symptomatiques.
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Plus fondamentalement, on reproche souvent aux études de marché de générer des idées peu novatrices, consistant plus en des améliorations de produits existants ou en la préparation d’une génération suivante qu’en des idées révolutionnaires. En effet, les consommateurs éprouvent des difficultés à se projeter dans des comportements de consommation et d’usage très différents de ceux qu’ils connaissent déjà. Mais les études de marché peuvent identifier des comportements jugés frustrants par les clients ou des insatisfactions profondes, parfois non exprimées, qu’il faudra ensuite combiner aux dernières avancées technologiques et de la recherche pour repérer des innovations potentielles.
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CAS
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Ces deux approches recouvrent indéniablement la question du degré d’innovation du produit par rapport aux offres existantes. Schématiquement, on considère souvent que l’approche market pull génère des innovations de la continuité, dites incrémentales, et le technology push des innovations radicales. Ce n’est pas aussi systématique. Pour examiner cette question, il semble essentiel dans ce chapitre introductif de bien distinguer les différents cas de figure.
Le développement des innovations chez Pierre Fabre, qui combine technologie et marketing27 Depuis plus de 50 ans, le groupe Pierre Fabre est connu pour sa forte capacité d’innovation dans le domaine de la santé et de la dermo-cosmétique. Le groupe se structure autour de deux branches principales : santé et dermo-cosmétique (54 % du revenu global). Véritable pionnier pour le soin et la santé de la peau et du cheveu, le groupe Pierre Fabre a investi près de 78 millions d’euros en R&D et compte aujourd’hui plus de 330 experts dédiés. Cette expertise se traduit par exemple dans le développement de 150 nouvelles formules en 2018 et le dépôt de dix familles de brevets.
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Le développement d’un nouvel espace, « Le Lab », dédié au dialogue entre des experts et les consommateurs constitue une des récentes innovations du groupe, qui ne commercialise habituellement ses produits qu’en pharmacie et parapharmacie, donc exclusivement en BtoB. Ce nouveau concept de boutique permet au groupe d’être au plus près des retours des consommateurs afin de mieux comprendre leurs besoins spécifiques, leurs routines et ainsi mieux les conseiller à travers une offre de services personnalisés, d’ateliers de prévention, de formation, etc. Le Lab constitue également une véritable mine d’or pour les services R&D et marketing du groupe, puisqu’il permet de recenser des informations directement auprès des consommateurs et de déceler les futures tendances du marché afin de proposer de nouvelles solutions plus en phase avec les besoins des utilisateurs.
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Comme l’explique Karine Kottin : « Le CRM, le search et le social listening sont de merveilleuses opportunités pour mieux connaître nos consommateurs et leurs besoins. Nous pouvons alors anticiper des offres de contenus et de services susceptibles de les intéresser. Cette approche Human Centric reflète notre volonté de comprendre et d’interagir de manière continue avec les consommateurs. » Elle explique également que le groupe privilégie un marketing « de précision » via l’utilisation de techniques comme le design thinking avec des méthodes ethnographiques (observation des usages, routines) et de la co-création à différents stades du développement de nouveaux produits. L’adoption de ces approches a conduit au recrutement de nouveaux profils comme les chief customer experience officers pour mieux gérer l’expérience client ou les « managers d’expérience » pour communiquer de façon efficace et engager une communauté. Il est d’ailleurs intéressant de noter que de nombreux salariés travaillant au sein des départements marketing ont au départ une formation scientifique (pharmacie, biologie, experts de la santé, ingénieurs…) permettant ainsi d’imbriquer les stratégies marketing aux résultats de la R&D.
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Ainsi, au-delà du minutieux travail de botaniste, récoltant et fabricant de nouvelles formules « art de la formulation » de Pierre Fabre, les équipes R&D travaillent en étroite collaboration avec les équipes marketing pour le développement de packagings innovants et la compatibilité « contenu-contenant ». En 2019, Ecocert Environnement a attribué le niveau « Excellence » à la démarche de responsabilité sociétale et environnementale du groupe (référentiel Ecocert 26 000).
3 • LES DIFFÉRENTS DEGRÉS D’INNOVATION
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Le terme d’innovation recèle des réalités disparates, depuis le logiciel Autopilot de Tesla, qui permettra de circuler en voiture autonome, ou la plateforme de visioconférence Zoom qui a modifié radicalement les comportements de communication, jusqu’au nouveau soft drink Fuze Tea, à la 3008 Peugeot ou au parfum Libre d’Yves Saint-Laurent, qui s’inscrivent dans la lignée des produits existants. Ces derniers cas constituent d’ailleurs la grande majorité des innovations puisque moins de 10 % des nouveaux produits correspondent à des innovations de rupture pour le marché28. Cet ouvrage traite tous ces cas de figure, et il s’agit maintenant d’identifier les critères de classification pertinents pour analyser en quoi le degré d’innovation modifie les approches marketing à mettre en œuvre.
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• La récence et la différence, les deux dimensions de la nouveauté :80.2
La notion de nouveauté regroupe deux critères29 :
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– la récence, c’est-à-dire le fait qu’un produit soit commercialisé depuis peu de temps ; c’est la dimension implicitement utilisée par les entreprises lorsqu’elles évoquent leurs nouveaux produits ; ainsi lorsque 3M ou Seb prouvent leur investissement dans l’innovation par la part de leur chiffre d’affaires réalisée sur des produits introduits depuis moins de trois ans, elles s’appuient sur le critère de la récence ; – la différence par rapport aux produits existants ; c’est ce critère qui permet d’établir une distinction parmi les nouveaux produits, entre ceux qui sont plus ou moins novateurs. Les caractéristiques distinctives de l’innovation par rapport aux produits existants peuvent être fondées sur de nombreux éléments : la technologie (par exemple le QR code), la performance (nouveau microprocesseur plus performant que les générations précédentes), le design (le mobilier de décoration), le conditionnement (le shampooing solide qui ne nécessite plus de plastique), l’usage (BlaBlaCar ou les stratégies d’upcycling pour valoriser un produit en lui offrant une seconde vie), des éléments
perceptuels liés à la marque et à l’image auxquelles le produit est associé (crème de jeunesse Orchidée Impériale de Guerlain aux extraits d’orchidée noire vendue à 1 230 euros pour 50 ml), ou encore le modèle économique (Uber ou Netflix). Par ailleurs, un produit peut être nouveau sans porter un nouveau nom. Ainsi, la Golf de Volkswagen porte toujours le même nom alors que les modèles se succèdent, chacun intégrant de nouvelles caractéristiques techniques et un nouveau design. Il s’agit bien à chaque fois d’un nouveau produit dès lors qu’il est récent et différent de l’ancienne Golf.
• Typologies des innovations
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Pour analyser le degré d’innovation associé à un produit, on peut employer les trois critères qu’Abell utilise pour définir les activités d’une entreprise30 :
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– la technologie employée (« c’est fait de… ») ; – les fonctions du produit (« ça sert à… ») ; – les cibles visées (« qui en a besoin ? »). 7687
On peut ajouter à ces trois variables le modèle économique évoqué précédemment.
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Les tenants de l’approche design de l’innovation (design-driven innovation) ajoutent une cinquième dimension : la signification attribuée aux objets31. Ils soulignent qu’au-delà des caractéristiques intrinsèques des innovations, c’est leur régime de signification qui influence leur conception, leur compréhension par le marché et leur usage. Verganti cite les exemples de la Wii qui permet de jouer aux jeux vidéo à plusieurs (et non plus tout seul devant sa console). D’autres exemples illustrent bien cette approche d’innovation par le design : la poussette pliable Yoyo est extrêmement légère et compacte, ce qui facilite son transport, ou encore le ventilateur (silencieux) sans palmes de Dyson, dont le design offre plus de sécurité et de confort.
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« The Frame » de Samsung n’est plus regardé et utilisé seulement comme un téléviseur, mais aussi comme un cadre décoratif puisqu’il permet d’afficher des œuvres d’art, des photographies,
etc. Doté d’un contour aluminium style noyer ou chêne et pouvant s’accrocher au mur ou être disposé sur un pied « studio » à la façon d’une œuvre d’art, ce téléviseur sert d’objet décoratif dès lors que la télévision se met en veille. Il offre de nombreuses possibilités d’affichage en termes de coloris et de formes de l’encadrement – panoramique, triptyque, carré… – tout en consommant très peu d’énergie. En effet, le téléviseur étant muni de capteurs de présence et de luminosité, son affichage ne s’active qu’en présence d’une personne tout en s’adaptant à l’éclairage de la pièce.
Face à tout projet d’innovation, une entreprise doit identifier dans quelle mesure il est innovant sur ces différents critères afin d’appréhender son degré d’innovation général. Pour affiner l’analyse, il peut être utile d’utiliser certaines typologies.
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1. Une typologie fondée sur les habitudes de consommation et la technologie
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En regroupant les deux dimensions d’Abell liées au marché (fonctions et cible) dans un indicateur fondé sur le changement de comportement attendu chez les clients, on peut identifier deux dimensions : le degré d’innovation technologique et le degré d’innovation comportementale selon que le nouveau produit modifie ou non les habitudes de consommation. Si l’on utilise une distinction dichotomique entre nouveau et ancien, on identifie alors quatre types d’innovations (tableau 1.2).
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Tableau 1.2 – Les différents types d’innovations
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• Les innovations de rupture, également appelées innovations radicales, correspondent à des produits innovants au plan technique et comportemental, dans la mesure où ils introduisent une nouvelle technologie et modifient les usages. C’est par exemple le cas des premiers téléphones mobiles, des imprimantes 3D, des appareils photo numériques à leurs débuts ou encore des innovations alimentaires comme l’entomophagie (le fait de manger des insectes)32. Dans le domaine des
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services, on peut citer les parcs d’attraction, lieux de divertissement créant de nouveaux types de vacances et de loisirs. Les innovations de rupture sont relativement rares. Elles sont associées à un double risque que l’entreprise doit maîtriser : le risque technique que la nouvelle technologie ne fonctionne pas comme prévu, et le risque commercial que les clients visés refusent de modifier leurs habitudes de consommation et n’adoptent pas l’innovation. • Les innovations technologiques sont fondées sur une nouvelle technologie mais ne bouleversent pas radicalement les habitudes des clients, à l’instar de la reconnaissance faciale ou de la voiture électrique. Dans l’alimentaire, les margarines anticholestérol, comme Pro.Activ de Fruit d’Or, sont enrichis en phytostérols mais s’utilisent comme une margarine traditionnelle. Ces innovations s’accompagnent avant tout d’un risque technique lié à la maîtrise d’une nouvelle technologie. Du point de vue commercial, si les bénéfices de la nouvelle technologie sont perceptibles par les clients, les freins à l’adoption de l’innovation sont inférieurs au cas précédent dans la mesure où elle n’exige pas de changement majeur des habitudes d’utilisation. • Les innovations comportementales induisent de nouveaux comportements sans s’appuyer sur une nouvelle technologie. C’est par exemple le cas des premiers cosmétiques pour hommes ou des premières compotes à boire. Un autre exemple, qui n’est pas resté longtemps sur le marché, est Vaisselle Express de Spontex, un bloc solide se substituant au liquide vaisselle, une espèce de savon vaisselle sur lequel on passait son éponge pour l’imprégner du produit. Ce produit créait un nouveau geste et exigeait de changer ses habitudes de lavage puisqu’il rendait impossible le trempage dans de l’eau imprégnée de produit vaisselle. Dans le secteur des services, citons les exemples du paiement sans contact qui totalise près de la moitié des paiements par carte bleue en 202033 ou encore le click and collect, nouveau système d’approvisionnement combinant l’achat en ligne et le retrait en magasin. • Les innovations incrémentales s’inscrivent dans la continuité de l’existant, tant sur le plan technologique que comportemental. Il s’agit de la grande majorité des nouveaux produits commercialisés, même si leur style ou leur performance les font percevoir comme novateurs par le marché. Les nouvelles crèmes glacées Nuii se sont rapidement imposées
sur un marché pourtant très concurrentiel. Combinant des ingrédients exotiques de qualité et des saveurs invitant au voyage, ces bâtonnets de glace au positionnement haut de gamme ont séduit les adultes malgré une offre de glaces gourmandes déjà importante. Si ce type d’innovations n’est pas sans risque, comme en témoignent leurs taux d’échec, ces échecs sont moins préjudiciables à l’entreprise, dans la mesure où elles ne nécessitent pas des investissements très élevés en communication pour modifier les comportements des clients, ni en R&D car elles n’exigent pas la maîtrise d’une nouvelle technologie.
2. L’intégration dans les normes de consommation et de perception
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Une autre typologie extrêmement utilisée en marketing a été proposée par Roberston34. Elle affine l’analyse de la manière dont l’innovation est intégrée dans les perceptions et les comportements des clients sans intégrer le critère technologique. 46.4
On distingue trois catégories.
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– Les innovations de discontinuité correspondent aux innovations de rupture et comportementales décrites précédemment dans la mesure où elles remettent en cause les repères des consommateurs et modifient profondément leurs comportements d’usage. Elles s’appuient ou non sur une technologie nouvelle. Ainsi, le premier monospace Espace de Renault, le laitage probiotique Actimel de Danone, les AirPods d’Apple ou les drones constituent des innovations de discontinuité. Ce type d’innovation se caractérise souvent par une grande difficulté pour le consommateur à définir en quoi consiste le produit et à le rattacher à une catégorie préexistante. En réalité, il crée une nouvelle catégorie. Ainsi, lorsque l’on demande à des consommateurs d’expliquer ce qu’est Actimel, ils emploient des périphrases pour indiquer que le produit ne s’intègre ni à la catégorie des yoghourts, ni aux desserts lactés, ni au lait. Une fois que l’innovation de discontinuité se diffuse et est imitée, elle peut donner lieu à un nouveau terme qui désignera la catégorie de produits, tel le monospace. – Les innovations de semi-continuité sont perçues comme novatrices par le marché, souvent parce qu’elles reposent sur un design original ou
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ressemblent peu aux produits antérieurs, mais elles s’inscrivent dans les normes de consommation actuelles. Ainsi, le VTT s’inscrit dans l’usage classique des vélos mais en l’élargissant aux chemins caillouteux. De même, les premiers biscuits à manger spécifiquement au petit déjeuner Prince Petit Dej ou les thermostats connectés et intelligents, capables de réguler la température suivant différents paramètres en temps réel, à distance et de faire d’importantes économies d’énergie, furent perçus comme très innovants par le marché à leur lancement, même s’ils étaient utilisés ou consommés de la même manière que les biscuits ou les thermostats existant avant eux. – Les innovations de continuité correspondent à un degré d’innovation limité et s’inscrivent dans les normes existantes : il s’agit de nouvelles références consistant en une amélioration de performance, une apparence renouvelée, un nouveau packaging ou une nouvelle variété. C’est par exemple le cas de la nouvelle voiture Renault E-TECH 100 % électrique.
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• Les conséquences du degré d’innovation sur le marketing du produit
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Lorsqu’une entreprise développe et commercialise une innovation, il est important pour elle de déterminer à quel cas de figure elle correspond en utilisant ces différentes typologies. Cela suppose de voir le futur produit avec les yeux des clients pour déterminer dans quelle mesure il est perçu comme novateur et s’inscrit dans les normes de consommation existantes. Un biais classique consiste, pour les responsables en charge du projet, à surestimer son degré d’innovation perçu par le marché parce qu’ils sont focalisés sur ce qui le différencie des produits existants sans forcément se rendre compte que ces éléments ne sont pas perçus ou valorisés par le marché. Or, c’est le degré d’innovation réellement perçu du produit qui influence son processus d’adoption par les clients et par conséquent, la manière dont l’entreprise doit le développer et le lancer.
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1. Une absence d’influence claire sur les taux de succès
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Une première question porte sur le lien entre risques d’échec et degré d’innovation. On croit souvent que plus les produits sont innovants, plus leurs chances de succès commercial sont minces. Ce n’est pas si clair. Les
études consacrées au sujet aboutissent à des résultats hétérogènes sur cette question (tableau 1.3). C’est pourquoi le degré d’innovation n’est pas apparu parmi les facteurs de succès ou d’échec évoqués au début de ce chapitre.
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Tableau 1.3 – Les résultats contradictoires des recherches sur le lien entre degré d’innovation et taux de succès35
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2. La rapidité de la diffusion
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En revanche, plus le degré d’innovation associé au produit est élevé, plus son adoption et sa diffusion sur le marché sont lentes dans la mesure où il exige une évolution plus importante des comportements. Pour l’entreprise, cela implique de fixer des objectifs de vente modestes au départ et de donner du temps au produit pour s’imposer sur le marché. La demande de résultats à court terme, si fréquente dans les entreprises et chez les distributeurs, s’accommode mal de produits très novateurs. La présence d’une nouvelle technologie ralentit également le processus si les clients attendent d’en savoir plus sur la technologie avant de l’adopter et s’ils souhaitent voir quel standard va s’imposer. Dans de tels contextes, de grandes campagnes d’information et parfois, la possibilité d’essayer le produit entrent efficacement dans les plans de lancement. Ces phénomènes expliquent que le degré d’innovation influence également les étapes et le déroulement du processus de développement de l’innovation, comme nous l’évoquerons dans le chapitre 3.
• Le cas particulier des innovations de rupture Les innovations radicales ou innovations de rupture posent des questions tout à fait spécifiques dans la mesure où elles créent une nouvelle catégorie de produits.
1. Qui les introduit ?
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Une question classique en marketing et en stratégie porte sur le profil des entreprises qui introduisent les innovations de rupture. Selon la célèbre théorie du dilemme de l’innovateur, développée par Christensen36, les entreprises en place ne sont pas armées pour le faire. Leurs clients et leurs salariés ne sont pas attirés par les innovations de rupture, souvent moins chères et moins performantes, du moins au début. Ils sont attachés aux technologies et aux compétences en place. En outre, les entreprises établies peuvent craindre de cannibaliser leurs activités existantes. Elles privilégient donc les innovations de continuité.
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À l’inverse, les nouveaux entrants n’ont rien à perdre. Ils commencent par servir un petit segment de clientèle, puis créent la rupture quand la nouvelle technologie parvient à mieux répondre aux attentes du marché que les systèmes en place.
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Cette théorie a beaucoup marqué la pensée en management. Elle est toutefois remise en cause par certaines études empiriques qui montrent que les firmes établies introduisent davantage de technologies disruptives que les nouveaux entrants37. Plus encore, les entreprises déjà présentes semblent ne pas rejeter les nouvelles technologies au départ moins performantes, qui sont introduites à 53 % par les firmes établies. À noter également : les technologies concurrentes coexistent souvent, montrant que la rupture n’est pas aussi radicale que son nom le laisse entendre. Nous détaillerons ces éléments concurrentiels dans le chapitre 8. ure d
2. Comment les développer ?
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Au-delà de la taille des entreprises, se pose la question du processus qui conduit à l’innovation de rupture. On se rend compte que les pratiques managériales habituelles sont peu efficaces, voire destructrices, quand on les applique à ces situations. En effet, il faut adopter des pratiques en cohérence avec le fort niveau d’incertitude qui accompagne ces projets et la
diversité des sources d’incertitude : la technique, le marché, l’organisation (résistance au changement, manque de continuité et de persévérance sur le projet et la manière de le piloter), et les ressources affectées au projet38. Les travaux de recherche montrent que le processus qui conduit à l’innovation de rupture est peu linéaire et laisse une large place aux étapes initiales et chaotiques qui précèdent la définition du concept39. La transition entre ces étapes préalables et un processus d’innovation plus formel doit être gérée avec soin. Enfin, comme nous l’avons évoqué dans les paragraphes précédents, il convient de travailler de manière tout à fait proactive sur l’acceptation par le marché, car les clients éprouvent souvent des difficultés à comprendre et à décrypter l’innovation de rupture. 344
3. Comment les consommateurs les appréhendent-ils ?
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De manière générale, lorsque les consommateurs appréhendent une innovation, ils la rattachent à une catégorie de produits existante et lui attribuent les caractéristiques de cette catégorie. Ce processus mental, qui permet de traiter rapidement l’information sur le nouveau produit, semble parfaitement adapté aux produits qui s’inscrivent dans des catégories préexistantes. Pour les innovations de rupture, en revanche, il peut être problématique. Il peut conduire à rattacher l’innovation à une catégorie à laquelle elle n’appartient pas et à lui attribuer de fausses caractéristiques40. Ainsi, l’Espace de Renault fut assimilé à une camionnette par de nombreux consommateurs à son lancement, les conduisant à supposer que la voiture était peu confortable.
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Dans un second temps, la prise de conscience des différences entre l’innovation et la catégorie dont on la rapprochait peut provoquer l’émergence d’une nouvelle catégorie dont la représentation se précisera au cours des contacts successifs avec le nouvel objet ou avec des objets similaires (voir focus). La nécessité de la répétition et même de la diversité explique que les nouvelles catégories cognitives émergent plus facilement lorsque l’innovation radicale est commercialisée sous la forme de plusieurs produits concurrents. Cela conduit certaines entreprises innovantes à souhaiter voir des concurrents arriver, de manière à crédibiliser leur innovation de rupture et à favoriser l’émergence d’une nouvelle catégorie cognitive. Ainsi, le téléphone mobile a véritablement décollé en France lorsque plusieurs opérateurs se sont trouvés en concurrence.
FOCUS Le processus d’émergence des nouvelles catégories mentales41 À partir des approches socio-cognitives, quatre chercheurs se sont intéressés au processus d’émergence des nouvelles catégories de produits cognitives. Ils ont mis en évidence un certain nombre de phénomènes. Les catégories de produit sont des représentations mentales, socialement construites, partagées par les fournisseurs des produits et par leurs acheteurs. Ces représentations ne sont pas imposées par l’un ou l’autre des acteurs concernés. Elles se créent et évoluent en fonction des interactions entre clients et fournisseurs.
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Ces représentations sont à la fois stables et évolutives en fonction de l’arrivée progressive de produits susceptibles de s’intégrer à la catégorie. Les représentations changent lorsque de nouveaux comportements provoqués par des modifications significatives de l’offre (lancement de nouveaux produits, modifications de l’usage de produits existants…) déstabilisent les catégories et les représentations existantes. On assiste alors à un processus de recombinaison des catégories mentales permettant aux acteurs de donner du sens à leurs expériences et aboutissant parfois à l’émergence d’une nouvelle catégorie.
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Les histoires vécues par les offreurs et les acheteurs et leur diffusion sous forme de discours font émerger les nouvelles catégories, puis les cristallisent. Ces discours apparaissent par exemple dans les outils de communication des fabricants, les articles des journalistes et les sites Internet où des clients racontent leur expérience avec le produit. Ces échanges permettent de construire collectivement des croyances partagées sur le produit, ses attributs, sa catégorie d’appartenance et ses liens avec d’autres catégories.
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Au fur et à mesure qu’une catégorie se stabilise, les clients la mentionnent de moins en moins lorsqu’ils évoquent les produits : ils l’intègrent tacitement et se focalisent peu à peu sur les modèles et leurs caractéristiques précises. À l’inverse, les fabricants la mentionnent de plus en plus dans leur discours commercial pour bien situer leurs produits dans une catégorie désormais identifiée. Les références faites à d’autres catégories préexistantes, proches mais distinctes, sont assez présentes au départ, puis se raréfient au fur et à mesure que la nouvelle catégorie s’impose. Si la catégorie peut initialement rassembler des produits assez différents les uns des autres parce qu’elle est peu stabilisée, elle s’homogénéise par la suite, les produits atypiques en étant progressivement exclus.
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4. Comment présenter les innovations de rupture au marché ?
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Face à l’émergence probable d’une nouvelle catégorie, les entreprises qui introduisent une innovation de rupture doivent choisir comment la décrire. Doivent-elles la rattacher à une catégorie existante, même si l’innovation ne lui ressemble que très partiellement, ou faire le lien avec plusieurs catégories ? Par exemple, rattacher les smartphones au téléphone mobile –
alors que la communication mobile ne représente qu’une faible partie des utilisations – a permis de favoriser la diffusion de cette innovation de rupture, mais a sous-estimé, dans la communication la diversité des usages (e-mail, accès Internet, appareil photo, GPS, etc.). Si l’on ne mentionne qu’une seule catégorie de produit pour introduire une innovation de rupture, les représentations mentales des clients seront durablement marquées par ce parallèle, et tout discours ultérieur sur une autre catégorie de produits sera plus difficilement intégré. La seconde catégorie mentionnée aura alors du mal à s’imposer dans l’esprit des consommateurs.
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C’est pourquoi évoquer d’emblée plusieurs catégories peut être plus pédagogique, à la fois pour montrer que l’innovation crée une nouvelle catégorie et pour expliquer ses caractéristiques spécifiques42. Cette approche se révèle souvent plus efficace pour bien expliquer ce qu’est l’innovation.
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Se pose ensuite la question de la dénomination de la nouvelle catégorie. Les dénominations rattachent souvent implicitement les innovations à une seule catégorie, tel le mot « appareil photo numérique » qui le rapproche des appareils photo ou « smartphone » des téléphones. Il incombe aux fabricants de proposer un nom générique pour leur innovation. Une telle dénomination favorise la compréhension qu’il s’agit d’une nouvelle catégorie et facilite sa désignation par les clients. Certaines entreprises évitent à dessein de le faire, espérant que l’appellation de leur produit s’impose comme nom générique. Cela arrive parfois, comme en témoigne l’exemple du Post-it, d’Actimel ou de Nescafé. Les spécialistes marketing y voient une consécration, les juristes un risque que la marque ne tombe dans le domaine public, à l’instar de Monopoly déclaré marque générique en 198343. Cependant, la plupart du temps, les innovations pour lesquelles les fabricants n’ont pas proposé de dénomination ont du mal à être catégorisées par les consommateurs et à s’imposer en tant que véritable catégorie de produit. Nous reviendrons sur le rôle de la catégorisation dans le chapitre 2, consacré à l’adoption de l’innovation par les consommateurs.
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• Le marketing de l’innovation apparaît comme une suite de dilemmes pour les entreprises. Elles savent qu’il leur est indispensable d’innover, mais se heurtent à des risques d’échecs extrêmement élevés. Comment identifier les pistes prometteuses et les distinguer des fausses bonnes idées ? Comment analyser les souhaits des consommateurs sans se limiter à des améliorations marginales de l’existant ? Faut-il commencer le processus par la technologie ou l’analyse du marché ? Faut-il privilégier l’innovation radicale, difficile mais payante lorsqu’elle réussit, ou au contraire l’innovation incrémentale ? Faut-il pratiquer l’innovation ouverte, frugale, inversée ? • Autant de questions auxquelles il n’existe pas de réponse univoque et aisée. Les leviers d’innovation sont multiples, mais doivent être combinés de manière pertinente pour créer des produits et services susceptibles de trouver leur marché : la technologie, l’usage, les modèles économiques, les processus de production et de distribution sont autant de sources pour innover. En conséquence, les entreprises font naître leurs innovations à partir de la R&D ou de découvertes technologiques (approches technology push) ou d’analyses fines du marché suggérant des opportunités pour de nouveaux biens et services (market pull). Chacune de ces approches donne une place différente au marketing et donne lieu à des écueils différents. • Pour réussir le marketing de l’innovation, il convient de bien analyser les sources d’innovation sur lesquelles se fonde le projet et d’identifier le degré d’innovation auquel il est associé. S’il s’agit d’une innovation de rupture, l’entreprise doit adapter son processus et sa manière de la présenter au marché.
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CHAPITRE 2 LES CONSOMMATEURS FACE AUX PRODUITS INNOVANTS
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→ Dans ce chapitre, nous nous attachons à mieux comprendre les raisons de l’adoption d’une offre nouvelle par les consommateurs, notamment en fonction de son degré d’innovation. Pour cela, nous procédons en plusieurs étapes. → D’abord, nous essayons de comprendre les raisons de la résistance à l’innovation en général, et d’un produit ou service innovant en particulier. Dans la section suivante, nous analysons les étapes et les mécanismes de l’adoption individuelle, et notamment la formation de la valeur perçue d’une innovation par les consommateurs ou usagers qui l’adoptent. → Ensuite, nous cherchons à établir les différents profils des individus, mais également des entreprises face à l’innovation, dans la diffusion d’une innovation au niveau national, puis international. Ceci permet de mieux comprendre comment promouvoir l’innovation, comment s’adresser aux adopteurs potentiels, à qui s’adresser en priorité et comment insérer l’innovation dans son écosystème.
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1 • POURQUOI LES CONSOMMATEURS S’INTÉRESSENT-ILS À L’INNOVATION ?
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La nouveauté est souvent présentée par les entreprises comme positive en soi. Or, les taux élevés d’échec des nouveaux produits, rappelés dans le
chapitre 1, démontrent que la création d’une offre n’induit pas nécessairement la création d’une demande, et qui plus est d’une demande solvable.
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Le groupe Danone a connu dans les deux dernières décennies plusieurs échecs retentissants dans le secteur des produits laitiers avec ses yaourts, à différents stades de lancement. Ainsi en mars 2009, le yaourt Essensis – dont la promesse était de « nourrir la peau de l’intérieur » – est retiré du marché moins de deux ans après son lancement, qui avait coûté plus de 10 millions d’euros. Quelques années plus tard, après un lancement en Bulgarie, le groupe Danone décide de ne pas lancer en France le yaourt Densia, destiné à solidifier les os. Les tests menés auraient montré que « les Français, grands consommateurs de produits laitiers frais, ne ressentent pas le besoin de consommer plus de calcium ». Enfin, malgré des investissements importants et des débuts prometteurs, puisque la gamme a compté jusqu’à 25 références, les ventes des yaourts hyperprotéinés commercialisés en France par Danone sous la marque Danio connaissent une baisse moins de deux ans après leur lancement, notamment du fait d’un prix au kilo jugé trop élevé. Ce produit disparaîtra peu après des rayons.
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Sources : MANCEAU J.-J., « Essensis donne grise mine à Danone », lexpress.fr, 2009 ; HERRARD G., « Danone subit une nouvelle défaite avec ses yaourts », lefigaro.fr, 2010 ; HAREL C., « Les yaourts hyperprotéinés ne font plus recette », lsa.fr, 2016.
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Il convient donc d’examiner dans quelles conditions peut se créer un nouveau marché, et s’il existe une motivation intrinsèque pour la nouveauté.
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• Le lancement d’un produit innovant crée-t-il un besoin nouveau ?
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Lorsqu’un produit très innovant arrive sur le marché, il ne répond pas forcément à un besoin fonctionnel exprimé par les consommateurs. Cependant, le produit peut rencontrer un succès sur le marché, car il peut répondre à un besoin symbolique, ou à un ou plusieurs besoins latents.
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Du besoin à l’achat
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Les besoins sont définis en marketing comme des manques, de nature physique ou psychologique. Il existe un débat entre les psychologues pour savoir si les manques naissent en réaction à l’environnement, ou s’ils sont innés.
Pour les partisans de la première approche, les besoins émergent à la suite d’expériences comme la confrontation au nouveau produit, ou encore l’envie de s’identifier ou de s’opposer à un groupe. Les psychologues qui définissent les besoins comme innés ont élaboré un certain nombre de classifications des besoins humains génériques. La plus connue est la pyramide de Maslow, qui distingue cinq catégories de besoins : les besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime et de réalisation de soi. Selon Maslow, il existe une hiérarchie entre les différents besoins. On ne commence à ressentir les besoins supérieurs, situés en haut de la pyramide, que si les besoins inférieurs sont suffisamment satisfaits. Hanna a proposé en 1980 une typologie spécifique des besoins des consommateurs, en sept catégories : besoin de confort, besoin de sécurité physique, besoin de sécurité matérielle (réduction du risque financier ou de mauvaise performance du produit), besoin d’acceptation par les autres, besoin de reconnaissance, besoin d’influence et besoin d’épanouissement. Les interactionnistes tentent de réconcilier les deux approches en décrivant les comportements comme le résultat de l’influence d’un environnement sur un état psychologique donné. C’est cette interaction qui déclenche la prise de conscience du besoin.
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Les besoins vont induire des motivations, qui permettent d’agir dans un sens donné, dans le but de supprimer la tension liée au besoin. Dans un contexte marketing, les motivations, focalisées sur un produit ou un service, conduisent à l’achat. Les motivations peuvent être positives ou négatives ; dans ce dernier cas, on parle de frein. Si les motivations sont plus importantes que les freins, les individus vont effectivement acheter.
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De manière opérationnelle, il est fondamental d’identifier les motivations et les freins à l’achat d’un nouveau produit. Ces motivations ne sont pas forcément liées à un besoin fonctionnel, mais fréquemment à un besoin symbolique. Ces besoins fonctionnels sont souvent assimilés, dans le langage courant, à l’« utilité » d’un produit. D’autre part, ces besoins ne sont pas forcément exprimés par les consommateurs, mais peuvent être latents, voire inconscients. En outre, certaines motivations peuvent être contradictoires, notamment dans le temps. Ainsi, des produits très caloriques peuvent répondre à un besoin physiologique immédiat d’apaiser la faim et procurer du plaisir, mais peuvent à long terme faire grossir ou être nocifs pour la santé. D’autre part, les individus peuvent ressentir individuellement certains besoins (par exemple, besoin de reconnaissance), dont l’assouvissement (acheter une voiture 4x4 gourmande en carburant) peut se révéler contraire à leurs valeurs (par exemple la protection de l’environnement) Il convient donc pour l’entreprise qui innove, de prendre en compte l’ensemble des motivations et des freins d’un individu donné, à court et long terme, et dans ses différents rôles (consommateur, citoyen, parent…)1.
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On peut identifier deux types de nouvelles offres.
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– Certaines innovations répondent à des motivations clairement identifiées par l’entreprise et présentes à l’esprit du consommateur. On a alors affaire à une innovation par la demande correspondant en général à l’approche market-pull présentée dans le premier chapitre, c’est-à-dire que l’entreprise cherche, par le biais de la recherche et développement, à résoudre un problème existant pour le consommateur.
EXEMPLE Dans la cosmétique, il existe des attentes révélées et anciennes pour avoir une silhouette plus fine et plus ferme. La marque Somatoline Cosmetic lance ainsi régulièrement des innovations dans sa gamme de crèmes amincissantes. La dernière référence, l’Amincissant ventre et hanches Cryogel, est une innovation incrémentale qui utilise un nouvel ingrédient, le Cryogel, et fait suite à une référence existante, l’Amincissant ventre et hanches Express.
– En revanche, d’autres innovations peuvent éveiller des besoins latents ou inconscients, de nature physiologique, fonctionnelle ou symbolique. On peut alors parler d’innovation par l’offre, car c’est la présence de l’innovation sur le marché qui déclenche une prise de conscience de l’existence d’une motivation. 344
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Ainsi, le lancement de l’image ultra-haute définition (UHD, parfois appelée 4K) pour les télévisions en France à partir de 2016 ne correspondait pas à une demande des consommateurs, mais plutôt à une volonté des constructeurs et des opérateurs de réseaux de relancer le marché. Cependant, cette innovation a rencontré un besoin de divertissement à domicile, grâce au home cinéma et au jeu vidéo.
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Un produit peut permettre de répondre à plusieurs besoins. Il existe de multiples façons de répondre à un besoin, et des nouveaux produits très différents peuvent y contribuer. La plupart des besoins ne peuvent jamais être entièrement satisfaits, ce qui laisse le champ libre à l’innovation.
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L’arrivée du smartphone a permis de répondre, mieux que les produits existant précédemment, à différents besoins génériques comme l’appartenance (en restant en contact plus aisément avec son entourage), l’estime (en exhibant un objet technologique démontrant son statut social) ou la sécurité (en étant joignable en permanence).
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Inversement, on peut répondre au besoin générique de sécurité par différents produits : des produits de communication, mais également des alarmes pour le domicile, des formations aux sports de combat, des systèmes d’airbag dans les voitures, ou encore des produits alimentaires traçables, ou luttant contre le cholestérol, etc.
• Les motivations à l’adoption d’une innovation Les produits innovants permettent une satisfaction des besoins des consommateurs de deux manières : – la première est la réponse à une recherche de nouveauté en soi ; – la seconde est liée à l’existence d’un avantage relatif du nouveau produit par rapport aux produits existants, permettant donc de mieux répondre aux besoins. Nous traitons successivement des deux types de motivation qui en découlent.
1. La motivation intrinsèque pour la nouveauté 344
La nouveauté peut en soi constituer pour certains individus une motivation à acheter, pour deux raisons principales :
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– La première est liée à l’image de soi que l’on souhaite donner. Le fait de se percevoir comme moderne, et de vouloir apparaître comme tel aux autres, peut être une motivation à l’achat de produits innovants. – La deuxième est une recherche de stimulation. Selon les psychologues, chaque individu possède un niveau optimal de stimulation. Si la stimulation est inférieure à ce niveau optimal, l’individu va chercher à l’augmenter, par exemple en consommant des produits nouveaux pour lui. Il ne s’agit pas nécessairement de produits innovants, ou plus performants, mais de produits différents destinés à assouvir un besoin de changement, ou de recherche de variété.
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Cette motivation intrinsèque pour la nouveauté varie selon les catégories de produits. Par exemple, dans la mode, les cosmétiques, ou encore les produits technologiques, les consommateurs s’attendent à la nouveauté et vont la rechercher. Un consommateur pourra pour cette raison regarder un nouveau type de programme télévisé, ou acheter un nouveau genre de livres, afin de varier ses distractions. périe
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Un exemple extrême est le marché des jeux vidéo, où les éditeurs sortent chaque semaine une ou plusieurs nouveautés, dont les prix décroissent rapidement. Certaines sorties sont très attendues, les éditeurs annonçant les lancements des mois auparavant. On peut penser que ce goût des consommateurs pour la nouveauté est à la fois lié à la volonté d’apparaître comme étant au courant des dernières nouveautés, et au fait qu’ils souhaitent éviter de se lasser, en passant à des
jeux nouveaux. Les joueurs les plus investis, qualifiés « d’investis technophiles » et dont 20 % jouent plus de 15 heures par semaine, finissent un jeu en quelques jours et passent à un autre. Des sites spécialisés répertorient ainsi le nombre d’heures nécessaires à un joueur pour finir un jeu, en fonction de son expertise et de sa volonté d’aller explorer plus ou moins profondément les différentes possibilités. Source : Étude SELL/Médiamétrie ; « Les Français et le jeu vidéo » ; howlongtobeat.com.
En revanche, pour des catégories de produits où il n’y a pas ou peu de composante ludique, comme dans les détergents ou les fournitures de bureau, la nouveauté n’est pas forcément recherchée, dans la mesure où elle va à l’encontre des habitudes. Le produit doit alors posséder un avantage relatif d’autant plus clair pour s’imposer sur le marché. 344
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Ainsi, dans le domaine des biens durables, la durée de renouvellement des produits est très variable d’une catégorie de produits à l’autre. Un Français garde en moyenne son smartphone 18 mois, mais renouvelle son téléviseur tous les 7,5 à 8 ans2. Dans les deux cas, une proportion importante de consommateurs ont acheté un nouvel appareil alors que l’ancien fonctionnait encore, parce qu’ils estimaient celui-ci obsolète par rapport aux innovations arrivant sur le marché.
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2. La valeur relative perçue de l’innovation
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S’il existe des motivations pour la nouveauté en tant que telle, les produits innovants sont principalement adoptés pour leur avantage relatif, c’est-àdire pour le gain de valeur perçue par le consommateur par rapport à la solution existante. Parmi les différents types d’approches de la valeur perçue, certaines mettent l’accent sur les bénéfices uniquement, d’autres sur le rapport bénéfices/sacrifices. Nous choisissons ici de conceptualiser la valeur perçue en mettant en relation les différents bénéfices perçus de l’innovation et les sacrifices perçus.
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L’encadré suivant propose une catégorisation classique des types de bénéfices perçus d’une expérience de consommation, celle de Holbrook et Hirschmann, et que l’on peut adapter à l’innovation3.
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Une typologie de la valeur appliquée à l’innovation
À partir des années 1980, le marketing a pris en compte les éléments hédoniques de la valeur, à côté des éléments plus fonctionnels, comme le décrit l’article fondateur de Holbrook et Hirschmann en 19824. En 1999, Holbrook définit dans son ouvrage huit types de valeurs perçues d’une expérience de consommation ou d’usage, qui peuvent utilement servir de cadre à l’analyse de la valeur relative d’une innovation de produit ou de services. Cette catégorisation en huit types de valeur repose sur trois distinctions : 1) la valeur extrinsèque/intrinsèque : la première catégorie recouvre les types de valeur de l’offre dans sa capacité à remplir sa fonction principale, alors que la valeur intrinsèque est la valeur perçue durant l’expérience de consommation ou d’usage ; 2) la valeur sociale/individuelle : le premier type de valeur est tourné vers les autres, le deuxième est tourné vers le consommateur/usager lui-même ; 3) la valeur active/réactive, selon le rôle plus ou moins proactif du client dans l’acte d’usage, ou de consommation.
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Ces trois dimensions permettent de différencier huit facettes de la valeur, comme le montre le tableau 2.1 :
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Tableau 2.1 – Les différentes facettes de la valeur
Source : d’après HOLBROOK, 1999.
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La valeur potentielle d’une innovation sera d’autant plus facilement perçue par le consommateur potentiel que le produit (ou service) innovant possède deux caractéristiques importantes :
– la possibilité d’essayer sur une base limitée, en minimisant les risques initiaux ; – le caractère observable des résultats5. Un élément important est donc la possibilité, pour le consommateur, d’évaluer le produit avant l’essai. Celle-ci dépend des attributs du produit. On peut, sur cette base, distinguer différents types d’attributs6 :
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– les attributs « d’apprentissage », que l’on peut évaluer sans essayer le produit, sur la base d’un simple descriptif ; – les attributs « d’expérience », que l’on ne peut évaluer qu’après avoir essayé le produit ; – les attributs « de croyance », que le consommateur ne peut évaluer, même après avoir consommé le produit.
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Plus le nouveau produit comporte d’attributs d’expérience, plus il sera difficile pour le consommateur d’évaluer son avantage relatif avant l’essai. Si le produit nouveau comporte des attributs de croyance, même l’essai ne permettra pas d’évaluer son avantage relatif. :80.2
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Un exemple d’attribut d’apprentissage est la taille de l’écran d’un ordinateur, car on peut l’évaluer à la simple vue du produit. Le goût d’un produit alimentaire est un attribut d’expérience, puisqu’il est nécessaire d’avoir goûté. La qualité du son d’une enceinte audio, l’efficacité des alicaments ou des compléments vitaminés sont des attributs de croyance, car le consommateur n’aura pas nécessairement les facultés ou les connaissances pour pouvoir les percevoir et les évaluer.
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Ainsi, la décision d’adoption va dépendre de la perception de la valeur perçue, qui dépend elle-même des bénéfices perçus, mais les consommateurs potentiels perçoivent également que l’adoption de l’innovation va les amener à consentir un certain nombre de sacrifices. Ceux-ci peuvent être de différentes natures et constituent autant de freins à l’adoption.
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Il est intéressant de noter que ces deux dimensions ont un poids différent selon l’échéance d’achat, notamment dans le cas des innovations radicales7 : ainsi, pour un achat envisagé dans un délai lointain, le consommateur se préoccupe surtout de bien évaluer les bénéfices apportés par le produit ;
pour un achat immédiat, il s’inquiète davantage des coûts, notamment des coûts d’apprentissage que nous évoquons dans la section suivante.
2 • LA RÉSISTANCE À L’INNOVATION S’il existe des motivations à adopter l’innovation, on observe également des nombreuses résistances. On peut distinguer deux grands types de résistance8 :
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– la résistance passive, antérieure à l’évaluation du produit, qui est situationnelle quand le client est tout à fait satisfait des solutions actuelles. La plupart des individus ont ainsi tendance à préférer le statu quo, et il sera nécessaire de leur démontrer la valeur additionnelle d’une innovation. Un autre motif de résistance passive peut être une résistance générale au changement, qui est un trait de personnalité, opposé à la recherche de stimulation évoquée précédemment ; – la résistance active, qui fait suite à une première évaluation du produit ou du service innovant. Ces barrières à l’innovation peuvent être de cinq types : la valeur, le risque, l’usage (barrières fonctionnelles), la tradition et l’image (barrières psychologiques) : – la barrière de valeur correspond à l’utilité perçue de l’offre innovante par rapport aux solutions existantes ; si celle-ci n’est pas supérieure, cela constitue un frein majeur à l’adoption de l’innovation. Il s’agit de la partie « bénéfices » de la valeur perçue de l’innovation, détaillée précédemment ; – la barrière du risque fait référence au risque perçu par les clients à adopter l’innovation ; il peut être de différents types, comme nous le développons dans l’encadré suivant ; – la barrière de l’usage est le fait que l’adoption de l’innovation peut remettre en cause un certain nombre d’habitudes, de routines, de processus d’utilisation existants ; – la barrière de la tradition intervient quand l’innovation contrevient à un certain nombre de valeurs personnelles de l’individu ou encore de normes sociales ;
– enfin, la deuxième barrière psychologique tient à l’image de la catégorie de produits à laquelle appartient l’innovation, la technologie employée, ou même à l’image de la technologie en général. Nous allons examiner dans la suite de cette section ces différents types de barrières, et les manières de les surmonter.
• Le risque perçu
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La notion de risque perçu va jouer un rôle important dans l’achat d’un produit innovant. En effet, dans la mesure où le produit est nouveau, le consommateur prend un risque en l’achetant, par rapport à un produit qu’il connaît déjà. Plus le risque perçu est important, plus l’adoption du nouveau produit sera lente et difficile.
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On peut identifier différentes catégories de risque perçu :
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– Le risque financier ; il est lié au montant des dépenses présentes et futures engagées pour l’adoption du nouveau produit, au premier rang desquelles le prix. Cela peut être le cas pour un contrat d’assurance, ou un placement financier. L’utilisation d’un site commerçant en ligne peut être perçue comme risquée du fait d’un piratage éventuel de son numéro de carte bleue.
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– Le risque fonctionnel ; c’est le risque que le produit ne fonctionne pas. On peut identifier ce risque pour un appareil électroménager, comme un lave-linge, ou un photocopieur.
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– Le risque physique ; c’est le risque sur la santé du consommateur ou de l’utilisateur du produit. C’est de plus en plus fréquent dans l’alimentaire, pour des médicaments, ou encore dans le choix d’une compagnie aérienne.
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– Le risque social ; c’est le risque d’être mal jugé et mal perçu par les autres à la suite de l’adoption de l’innovation. Cela peut être le cas pour une automobile, une bouteille de vin destiné à des invités, un vêtement ou une coupe chez le coiffeur.
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– Le risque psychologique ; c’est la crainte de commettre une erreur, et d’avoir des regrets, ou des remords. Cela peut se poser pour un achat très impliquant comme un appartement ou un voyage.
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– Le risque de perte de temps ; c’est notamment le cas lorsqu’un temps important est consacré à la recherche, avec de nombreux critères de choix. Cela peut être le cas pour un nouveau téléphone mobile, où l’offre est pléthorique et les critères de choix nombreux.
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– Le risque d’opportunité ; c’est le risque de ne pas adopter la meilleure des alternatives possibles. C’est notamment le cas lorsqu’il existe un choix entre un nombre important
d’alternatives, ou lorsque le progrès technologique est rapide. Cela est typiquement le cas pour un matériel informatique. Dans un contexte d’achat de nouveau produit, l’incertitude sur les conséquences négatives potentielles peut être grande. Cette incertitude peut être objective ou absolue. Le consommateur aura une impression de perte s’il perçoit un résultat inférieur à une situation de référence. Cette situation de référence peut être une expérience de consommation antérieure, une valeur cible à atteindre, le meilleur résultat possible, ou encore le regret par rapport aux performances perçues d’autres options. Une incertitude objective correspond à la situation où l’on connaît le montant des pertes potentielles, et où l’on peut leur attribuer une probabilité, même si celle-ci est subjective. Dans le cas d’une incertitude absolue, le consommateur ne peut même pas chiffrer le montant des pertes potentielles.
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Le montant du risque est généralement considéré comme étant le produit de la probabilité subjective de commettre une erreur, et du montant des pertes potentielles. Un même montant de risque peut donc découler du fait qu’il y a un faible risque de se tromper, mais que l’erreur sera lourde de conséquences, ou du fait que le risque d’erreur est important, même si cela se traduit par des pertes modestes.
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Source : adapté de VOLLE P., « Le concept de risque perçu en psychologie du consommateur : antécédents et statut théorique », Recherche et Applications en Marketing, vol. 10, no 1, 1995.
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L’importance du risque perçu dépend de différents facteurs :
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– Les caractéristiques des individus : la perception du risque est liée à un trait de personnalité souvent appelé « attitude face au risque ». Cette attitude face au risque en général est dépendante de la culture de l’individu, ainsi que de son milieu familial et professionnel. – Le type de produit : certaines catégories de produits sont perçues comme plus risquées. Notamment les catégories de produits faiblement standardisées génèrent une sensation de risque. Ainsi, de manière générale, les services sont perçus comme plus risqués, car la variation de qualité entre deux expériences de consommation est plus forte que pour les biens physiques. D’autre part, le risque perçu sera plus important pour des produits comportant de nombreux attributs « d’expérience ». – La situation d’achat : le manque de temps est une situation dont on a pu montrer qu’elle générait des stratégies d’évitement supplémentaire du risque. Le fait que l’on achète pour soi ou pour offrir, que l’on paie soi-même ou non, peut également expliquer des perceptions différentes du risque, même si on ne dispose pas de données générales sur ce sujet.
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– Le degré d’innovation du produit : dans le contexte d’adoption d’une innovation incrémentale, la référence pourra être liée à la perception des produits de la génération précédente, ou aux promesses faites sur les performances du nouveau produit. En revanche, pour les innovations radicales, on est fréquemment dans des cas d’incertitude absolue. On sait alors que les consommateurs vont raisonner par analogie avec la catégorie de produits la plus proche en termes de bénéfices. Par exemple, pour un service de téléchargement de films à la demande, le consommateur va l’évaluer en référence avec l’achat de DVD, ou l’abonnement à une chaîne de télévision payante, ou encore l’accès via un site de téléchargement gratuit, même s’il est illégal ; pour une cigarette électronique, il comparera à des cigarettes classiques.
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• L’insertion dans les usages
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Lorsqu’une innovation arrive sur le marché, les consommateurs doivent l’intégrer dans leurs habitudes de consommation, d’achat, passer du temps pour choisir, apprendre à l’utiliser, la consommer, etc. Ils doivent donc faire un arbitrage en faveur de l’innovation, s’ils pensent que les avantages ultérieurs vont surpasser les efforts nécessaires.
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Ces efforts peuvent être assimilés à des « coûts de changement » entre les solutions existantes, et l’innovation proposée sur le marché. Le montant des coûts de changement dépend de la nature et des caractéristiques de l’innovation. On peut classer ces coûts de changement en quatre grandes catégories :
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– Les coûts psychologiques liés aux habitudes acquises, par exemple si les consommateurs sont très fidèles à un produit existant. e Ba
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Dans le domaine des transports, la mise en place de portiques dans les gares pour « embarquer » à bord des TGV a bousculé de nombreuses habitudes, en ne permettant plus d’accompagner les passagers jusqu’à l’entrée du train, et en rendant plus difficiles les séparations sur le quai9.
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– Les coûts d’apprentissage : plus le nouveau produit est complexe, plus le consommateur doit se former à l’utilisation de l’innovation.
La complexité d’un produit comporte en réalité deux dimensions distinctes : la difficulté de compréhension et la difficulté d’utilisation d’une innovation. Cette dernière dimension est liée aux coûts d’apprentissage anticipés. À cet égard, plus un produit innovant est perçu comme facile à utiliser, intuitif, plus il sera adopté facilement. Cette perception intuitive des objets est également appelée « affordance ». Ainsi, l’utilisation et la fonction d’un produit fortement affordant seront immédiatement perçues par les consommateurs. Cette affordance peut être dépendante de certaines références culturelles, ou propres à un groupe, et doit être prise en compte lors de la conception d’un nouveau produit. Par exemple, la facilité perçue d’utilisation de l’iPhone a clairement favorisé son adoption. 344
Plusieurs éléments peuvent réduire l’affordance perçue d’un produit, et donc gêner son adoption :
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– La difficulté à le catégoriser : lorsque le produit ne peut être rattaché simplement à une catégorie existante, les consommateurs ne savent pas intuitivement quelle est sa fonction principale, ni comment l’utiliser, et peuvent hésiter à l’adopter. Ils peuvent alors le classer dans plusieurs catégories, il s’agit alors d’un produit hybride. Ils peuvent également créer une nouvelle catégorie. C’est le cas par exemple, lors de la modification d’un attribut « central », c’est-à-dire indissociable de la catégorie de produits d’origine, comme le degré d’alcool pour le vin. Cette création nécessaire d’une nouvelle catégorie mentale peut freiner l’adoption de l’innovation concernée. – Le nombre des attributs et fonctionnalités du produit : il a ainsi été montré que l’augmentation du nombre de fonctionnalités d’une innovation pouvait augmenter la valeur perçue pour un produit peu complexe, mais risquait de la faire diminuer pour un produit perçu comme déjà complexe. La valeur perçue dépend également de l’adéquation perçue entre la nouvelle fonctionnalité et le produit initial10.
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Par exemple, une machine à café dont un nouveau modèle pourrait être utilisé pour faire également du thé et qui nécessiterait pour cela des réglages particuliers peut gagner ou perdre en valeur, en fonction de la simplicité perçue du modèle initial.
Les difficultés à la première utilisation d’un produit ou service peuvent être importantes, et les consommateurs peuvent mettre en place différentes stratégies d’apprentissage pour les surmonter. Dans certains cas, si ces difficultés sont trop importantes, elles peuvent même conduire les consommateurs à abandonner l’utilisation du produit, qui ne sera finalement pas adopté. Cela pourra également générer un bouche-à-oreille négatif sur le produit.
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Parallèlement, la difficulté de compréhension du principe de fonctionnement du nouveau produit, si elle est trop forte, peut également nuire à la crédibilité de celui-ci, ou effrayer les consommateurs. Par exemple, un four micro-ondes peut être très facile à utiliser, mais son principe de fonctionnement reste souvent mystérieux pour les utilisateurs. On peut sans doute expliquer les nombreuses rumeurs sur les dangers d’utilisation du four à micro-ondes par cette complexité de fonctionnement.
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– Les coûts contractuels : pour se désengager de la génération précédente, il faut parfois résilier un contrat ou un abonnement. – Les coûts d’appropriation : pour changer de produit, le consommateur doit investir du temps pour adapter les produits ou services complémentaires, ou mettre à jour ses informations personnelles. Par exemple, il doit avertir ses différents créditeurs en cas de nouvelles coordonnées bancaires ; il doit saisir sa liste de courses sur un nouveau site d’hypermarché en ligne. Ces coûts peuvent également être liés au fait de devoir acquérir des produits complémentaires nécessaires au fonctionnement du produit innovant, par exemple un chargeur ou un câble de raccordement pour un nouvel équipement informatique. nque
Tous ces coûts peuvent être présents simultanément pour un même produit. e Ba
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Ainsi, lorsque l’on change de fournisseur d’accès à Internet, on doit à la fois subir un coût psychologique en prenant le risque d’un mauvais fonctionnement, un coût d’apprentissage, un coût contractuel éventuel en résiliant l’abonnement antérieur, et des coûts d’appropriation en avertissant ses correspondants de sa nouvelle adresse e-mail.
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Les conséquences de l’existence de ces coûts de changement peuvent ainsi être importantes, et rendre l’adoption difficile pour le consommateur. En
effet, plus ces coûts de changement sont importants, plus il va hésiter à adopter l’innovation. Il ne le fera que si les avantages perçus de l’innovation contrebalancent ces coûts. Du point de vue de l’entreprise qui promeut un nouveau produit, il est donc tout d’abord nécessaire de bien prendre la mesure des différents coûts de changement subis par le consommateur. L’entreprise peut alors avoir deux types de stratégies :
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– Chercher à compenser ces coûts, par une baisse de prix, par exemple sous forme de promotion d’accueil. C’est par exemple le cas des bouquets de télévision payante, ou des opérateurs de téléphonie mobile. – Chercher à réduire ces coûts, en concevant des produits intuitifs ou faciles à assimiler, ou en ayant recours à des technologies compatibles. La compatibilité est la cohérence perçue par les utilisateurs potentiels entre l’innovation et leurs expériences passées, leurs habitudes, leurs idées préconçues, mais également la possibilité d’utiliser le nouveau produit avec les produits qu’ils possèdent déjà.
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Pour réduire les coûts d’apprentissage à l’utilisation d’un nouveau produit, les entreprises mènent ainsi de plus en plus fréquemment des réflexions sur les notices d’utilisation et les modes d’emploi, voire élaborent des stratégies de formation de leurs clients à l’utilisation des produits. Cette formation permet également aux consommateurs de mieux tirer parti de la performance des innovations, et donc aux entreprises de mieux se différencier11.
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Pour aller plus loin : La résistance à l’adoption des services intelligents dans le domaine bancaire
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Mani et Chouk étudient la résistance à l’innovation dans le cas des services intelligents (banque en ligne, services bancaires sur smartphone) dans le domaine bancaire. Leur étude se base sur un échantillon de 653 personnes en France, en partant du modèle de Ram et Sheth (1989). Ils montrent que la résistance à l’adoption de ces services est liée à des barrières de type fonctionnel, comme la perception d’une complexité d’utilisation du service et d’un prix élevé, mais également de deux types de risques (risque sur la santé du fait de la nécessité
d’une connexion wifi, et risque de sécurité dans les transactions). Des barrières psychologiques sont également à l’œuvre, comme une incongruence entre l’image que le client a de lui-même et le recours à l’utilisation de ces services de banque en ligne, ou encore le besoin d’interaction humaine dans les services en général. Les auteurs mettent en évidence un nouveau type de barrière, non mentionné dans le modèle initial de Ram et Sheth : la barrière de la vulnérabilité technologique. Les individus peuvent en effet ressentir une anxiété à l’égard de ce type de technologie et un sentiment de dépendance, qui entraînent un scepticisme envers l’utilisation des objets connectés en général. Ce scepticisme peut être interprété comme une barrière de nature idéologique. Les auteurs vérifient également l’hypothèse de la préférence pour le statu quo. Enfin, si l’âge n’est pas significatif dans leur étude, ils montrent que les femmes ont une tendance plus importante à résister à l’innovation dans le cas des services bancaires intelligents. Cette analyse conduit les auteurs à recommander aux banques cherchant à promouvoir ces services de travailler à baisser chacune des barrières identifiées, mais également de laisser aux clients potentiels le choix d’adopter ou non. En effet, la crainte d’une dépendance à la technologie pourrait provoquer un rejet durable de ces services si on force leur adoption, en n’offrant pas d’alternative.
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Source : MANI Z., CHOUK I., « Consumer Resistance to Innovation in Services: Challenges and Barriers in the Internet of Things Era », Journal of Product Innovation Management, vol. 35, no 5, 2018.
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• Les barrières psychologiques : tradition et image :80.2
D’autres types de barrière peuvent générer de la résistance à l’égard de l’innovation.
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Certaines innovations vont à l’encontre de valeurs sociales ancrées chez les consommateurs, ce qui peut générer des barrières liées à la tradition, et les conduire à rejeter l’innovation, même si les barrières fonctionnelles ou financières à l’adoption sont faibles. :211
EXEMPLE
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Les technologies permettant l’encaissement automatique par les clients (self-scanning) peuvent ainsi générer des résistances « idéologiques » de la part de ceux qui estiment que la généralisation de ces dispositifs conduit à une déshumanisation et à des suppressions d’emplois12.
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D’autres barrières, parfois très fortes, sont liées à la représentation ou l’image que les individus peuvent avoir de l’innovation elle-même, de la technologie sous-jacente, voire de la technologie en général (voir encadré « Aller plus loin »).
EXEMPLE Une étude menée sur l’acceptation des robots sociaux a ainsi montré que leur anthropomorphisation influait sur leur acceptation. Cependant cette apparence humaine ne favorisait l’acceptation que chez les personnes ayant une forte familiarité avec la technologie, alors que cela la dégradait chez les autres13.
L’entreprise qui promeut l’innovation doit prendre en compte ces différentes barrières psychologiques, en les analysant et en les intégrant dans sa politique de communication.
3 • L’ADOPTION D’UNE INNOVATION 3974
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• Les différentes phases de l’adoption des innovations
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Il est tout d’abord nécessaire de définir ce que l’on appelle « adoption » d’une innovation, par rapport à la simple notion d’« essai ». Cette définition varie selon le contexte :
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– dans le secteur des biens durables, le marketing a longtemps considéré que l’adoption est équivalente au premier achat, sans forcément envisager l’utilisation régulière, ou a fortiori les ventes de renouvellement, or il est important de prendre en compte l’usage satisfaisant dans la durée, qui est seul générateur d’intention de réachat et de bouche-à-oreille positif ; – pour les produits d’achat fréquent, la répétition de l’achat est nécessaire pour considérer que le produit a été adopté.
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Le processus d’achat d’un nouveau produit varie selon la catégorie de produits et la situation d’achat. Ces deux éléments déterminent notamment le type de risque perçu, comme on l’a vu précédemment, et le degré d’implication du consommateur. L’implication (durable ou situationnelle) du consommateur dans la catégorie de produits peut expliquer le type de processus d’achat, qui peut être très rapide et inconscient, ou plus réfléchi et coûteux en temps dans le cas d’achats très impliquants.
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Le sociologue américain Everett Rogers, dont les travaux seront plusieurs fois évoqués dans ce chapitre14, propose une modélisation en six étapes du processus d’adoption des innovations, présentée dans le tableau 2.2.
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Tableau 2.2 – Les étapes de l’adoption d’une innovation
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Ce modèle est plus adapté dans un contexte d’achat impliquant, pour des produits avec un degré d’innovation élevé, relativement complexes, et justifiant donc un effort cognitif relativement important de la part du consommateur.
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Dans le cas d’un faible effort cognitif, soit parce que le produit est peu complexe, soit parce que l’implication est faible, l’essai suit immédiatement la prise de conscience, et précède donc la formation d’une attitude. On parle alors parfois d’achats « d’impulsion ». Cette impulsion peut être, dans le cas des nouveaux produits, déclenchée par la curiosité et la recherche de nouveauté et de variété. Cela pourrait être le cas pour l’achat d’une nouvelle confiserie dans un présentoir près des caisses.
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Il est intéressant de décrire les différentes phases de l’adoption d’un nouveau produit, car l’achat ne survient que si ces différentes étapes ont été parcourues par le consommateur. À un instant donné, il peut donc être intéressant de faire une cartographie du marché, afin de comprendre quels
sont les consommateurs qui sont parvenus aux différents stades, et de déterminer quelles sont les actions à envisager pour mieux promouvoir l’innovation.
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Il est également important de comprendre, dans le cas des biens durables, quels sont les facteurs explicatifs de l’obsolescence perçue des produits de la génération précédente. L’obsolescence détermine la valeur résiduelle du produit actuellement possédé, et est un des antécédents de l’intention d’achat d’un produit innovant. Les travaux menés sur ce thème15 identifient plusieurs dimensions de l’obsolescence perçue : l’obsolescence technologique (le fait qu’il existe à la vente des produits plus avancés technologiquement), l’obsolescence esthétique, l’obsolescence économique (perte de valeur du produit sur le marché, y compris d’occasion), mais également l’obsolescence sociale (gêne sociale à posséder un produit trop ancien), ou encore l’obsolescence écologique (à savoir le fait pour un produit de consommer trop d’eau ou d’énergie, ou de polluer excessivement par rapport aux modèles plus récents). 46.4
EXEMPLE
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Ainsi, selon l’ARCEP, en 2021, les achats de smartphones ne sont qu’à 12 % des premiers achats. Dans 26 % des cas, l’ancien est déclaré comme n’étant plus utilisable et dans 37 % comme ne fonctionnant plus correctement, ce qui signifie que dans 25 % des cas, l’achat d’un nouvel appareil correspond simplement à une envie de changer pour un modèle considéré comme « de dernière génération ».
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• Le principe de la catégorisation des adopteurs
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Deux choses expliquent le délai avec lequel un consommateur va éventuellement adopter une innovation, à partir du moment où celle-ci est disponible sur le marché :
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– le délai avec lequel il prend connaissance de l’existence de l’innovation ; – le temps pris par le processus de décision, entre le moment de la prise de connaissance et l’adoption. Or, on observe que les personnes qui ont pris connaissance de l’innovation le plus tard sont également celles qui prennent le plus de temps pour parcourir les différentes phases du processus d’adoption identifiées précédemment. Ce phénomène augmente encore le temps total de la diffusion d’une innovation.
À la suite de nombreuses études empiriques réalisées sur des innovations dans des contextes différents (innovations technologiques, innovations de procédés dans le domaine agricole ou celui de la santé…), Rogers a proposé une répartition des individus en cinq groupes sur la base de leur innovativité, c’est-à-dire de leur vitesse à adopter une innovation. La courbe ci-après décrit ex-post la façon dont les adoptions se sont distribuées dans le temps. Comme de nombreuses caractéristiques et traits de personnalité des individus, cette caractéristique est répartie dans la population selon une loi quasi-normale, et peut être représentée sous la forme d’une courbe en cloche (voir figure 2.1).
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Figure 2.1 – La courbe de diffusion des innovations
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Si m est le temps moyen d’adoption, et s l’écart type, on peut découper le temps total de diffusion des innovations en cinq intervalles comme sur la figure. Comme on le voit, si la distribution est symétrique, la répartition ne l’est pas puisque la partie gauche de la courbe est divisée en deux sousgroupes, les innovateurs et les adopteurs précoces.
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Tous les consommateurs ne sont cependant pas représentés sur la courbe, dans la mesure où certains d’entre eux ne vont jamais adopter l’innovation. Ceci peut s’expliquer par différents facteurs, comme le revenu, la complexité de l’innovation, ou le fait que celle-ci ne concerne qu’une partie de la population. Par exemple, pour être intéressé par un scanner ou une imprimante, il faut posséder un micro-ordinateur. Cependant, même dans le cas d’innovations à potentiel universel, et d’un prix limité, une frange d’individus choisit délibérément de ne pas adopter. Ceux-ci sont souvent
appelés des réfractaires. La pression sociale joue pour ces individus de façon opposée : c’est parce que la majorité de la population a déjà adopté qu’ils ne souhaitent pas adopter eux-mêmes, par effet de saturation. Par exemple, certaines personnes ne veulent pas s’inscrire sur Facebook, non par manque de compétences sur Internet, mais pour se démarquer de l’ensemble de la population. Dans le domaine de la mode, la généralisation d’un certain type d’accessoires peut inciter certains consommateurs à ne pas l’adopter, pour ne pas « ressembler à tout le monde ». Ce caractère réfractaire peut se rapprocher de la notion de résistance des consommateurs, pour des motifs idéologiques (refus de la société de consommation) ou écologiques (crainte de générer des déchets). 344
• Les innovateurs
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Dans la mesure où les innovateurs initient le processus de diffusion, ils ont une importance toute particulière, et de nombreux travaux ont cherché à mieux les caractériser. L’objectif est de déterminer si les consommateurs qui achètent en premier un produit innovant ont un profil particulier, afin de mieux pouvoir les cibler. 7687
1. Une définition comportementale
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Rogers définit les innovateurs par leur comportement ; ce sont ceux qui adoptent en premier une innovation, soit parce qu’ils ont eu connaissance de l’innovation plus tôt, soit parce qu’ils ont pris leur décision plus vite, soit les deux. Pour les identifier, il faut mesurer le temps écoulé entre l’introduction de l’innovation sur le marché et la date d’adoption.
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Une autre méthode de mesure, toujours basée sur le comportement, consiste à identifier le nombre de produits innovants (c’est-à-dire disponibles sur le marché depuis peu de temps), possédés ou déjà essayés par un individu ou un foyer à un instant donné.
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Le tableau 2.3 présente le lien entre le comportement d’adoption précoce et les caractéristiques individuelles, en termes socio-économiques, de traits de personnalité ou de comportements de communication.
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Tableau 2.3 – Les caractéristiques des adopteurs rapides des innovations
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Source : d’après ROGERS E. M., 2003, op. cit.
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Cependant, plusieurs critiques peuvent être émises par rapport à ces résultats :
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• ces résultats sont fortement dépendants de la catégorie de produits, ce qui explique qu’ils soient parfois contradictoires. Ce qui est vrai dans le domaine de la mode ou de l’alimentaire ne l’est pas pour les produits informatiques. Ces résultats ont principalement été validés sur des produits durables, avec une composante technologique, une complexité et un niveau de prix assez élevés ; • ils sont descriptifs et amalgament deux effets : – l’effet d’une innovativité innée du consommateur ; – l’effet de l’influence sociale et de facteurs extérieurs comme les efforts marketing déployés par l’entreprise, ou la disponibilité du nouveau produit en distribution.
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Philips HUE et la lumière connectée
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Philips, co-leader mondial dans le domaine de l’éclairage, a développé depuis 2012 une gamme de luminaires et d’ampoules connectés, sous le nom Philips HUE, permettant de diffuser un éclairage personnalisé à la maison, en le pilotant depuis son smartphone.
Le groupe avait également lancé dès 2004 un téléviseur baptisé Ambilight, disposant de bandeaux lumineux sur le côté, qui s’adaptaient à l’image diffusée. Les modèles étaient devenus au fil du temps de plus en plus sophistiqués, permettant une expérience de visionnage plus immersive. En 2020, Philips complète la gamme HUE en lançant la Philips « HUE HDMI Play Sync Box » permettant de synchroniser en temps réel l’ensemble des ampoules connectées de la gamme HUE à l’ambiance lumineuse des images diffusées sur le téléviseur, et de brancher jusqu’à quatre appareils audio ou vidéo. Cela permet de créer une expérience plus immersive, pour le visionnage de films (home cinéma), les jeux vidéo ou la musique. Philips doit relever de nombreux défis pour faire adopter cette innovation par les clients français : une perception de prix élevé – avec un prix public indicatif de 249,99 euros au lancement –, la nécessité de posséder des ampoules connectées de la gamme HUE, une perception de complexité à l’installation, la difficulté de tester le produit chez soi pour ressentir l’expérience immersive, et un certain scepticisme à l’égard de l’utilité des objets connectés en général.
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Pour faire face à cela, la stratégie adoptée est la suivante :
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Le ciblage des technophiles, amateurs de home cinéma ou passionnés de jeux vidéo, et en priorité ceux déjà possesseurs de produits de la gamme HUE.
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Le recours à des influenceurs, experts de la technologie, notamment dans le domaine de l’image, afin de crédibiliser la technologie et d’augmenter la valeur perçue de l’innovation. La marque est par exemple en partenariat avec Jérôme Keinborg, de NowTech, très actif sur Instagram et YouTube.
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La mise en place sur le site de Philips HUE, d’un « démonstrateur » permettant de visualiser l’ambiance lumineuse dans un salon équipé de home cinéma, avec ou sans la mise en place de la Sync Box HUE.
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La capitalisation sur les avis et témoignages des premiers adopteurs, permettant de diminuer la perception de complexité du produit. Le site Philips mettait ainsi en ligne les vidéos de la communauté Philips HUE.
Source : Philips.
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La mise en place d’une offre de lancement, avec des offres de remboursement au lancement, et d’un pack à prix réduit contenant la box et deux ampoules connectées.
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2. La tendance à innover
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Une autre approche de la notion d’innovateurs est celle introduite par Midgley et Dowling : pour eux, un innovateur est « un consommateur qui prend ses décisions indépendamment des opinions des autres ». Cette prise de décision est liée à trois éléments :
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– une capacité d’autonomie dans leurs décisions ; – un goût pour le risque plus élevé que les autres consommateurs, dans la mesure où, dans un contexte d’innovation, l’incertitude est forte ;
– un goût pour la nouveauté. Pour mesurer cette tendance à innover, la plupart des recherches se basent sur l’autoperception des innovateurs. Il existe ainsi différentes échelles (séries de questions) permettant d’identifier si les consommateurs se considèrent comme des innovateurs. Ces échelles se répartissent en deux catégories : – celles qui considèrent la tendance à innover comme un trait de personnalité, indépendant de la catégorie de produits ; – celles qui mesurent la tendance à innover au niveau d’une catégorie de produits.
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Certains individus peuvent être innovateurs dans certaines catégories de produits, et très conservateurs dans d’autres. La tendance à innover dans une catégorie de produits donnée dépend à la fois de la tendance générale à innover, de l’implication dans la catégorie de produits, et de l’expertise possédée. Cette dernière variable a deux effets sur l’adoption du nouveau produit :
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– les experts fréquentent les points de vente spécialisés, et lisent la presse consacrée à la catégorie de produits. Ils sont donc au courant des innovations avant les autres ; – d’autre part, les experts sont capables de mieux mesurer les avantages et les inconvénients de l’innovation et de ne pas surévaluer les risques.
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Ceci se révèle particulièrement vrai dans les cas d’innovation continue. En revanche, pour des innovations radicales où il n’existe pas véritablement de catégorie de référence, une expertise importante dans une catégorie de produits proche peut au contraire conduire les individus à surestimer les risques. En effet, une innovation radicale remet en cause à la fois des habitudes très ancrées et l’expertise acquise. Les innovateurs dans ces catégories de produits ne seraient donc pas nécessairement des experts. Par exemple, les innovateurs dans le domaine des caméscopes numériques n’étaient pas nécessairement des experts des caméscopes traditionnels. le Su
• Les autres catégories d’adopteurs
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D’un point de vue opérationnel pour l’entreprise qui cherche à faire adopter une innovation, les enjeux de ce qui précède sont multiples : 1) comment
déterminer les consommateurs qu’elle doit cibler en priorité lors du lancement d’un nouveau produit ? 2) Quels nouveaux arguments doit-elle apporter pour convaincre les adopteurs plus tardifs, dont le profil est très différent ? Comment cibler les innovateurs ?
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– La notion de tendance à innover permet d’identifier quels consommateurs sont susceptibles d’adopter le nouveau produit en premier. Il faut pour cela établir un lien entre la propension à innover, les caractéristiques individuelles, et le comportement d’adoption des innovations. – Certains travaux de recherche ont mis en évidence des corrélations entre les trois variables. Le comportement d’adoption des innovations est mesuré par le nombre de produits possédés parmi dix produits d’électronique grand public lancés récemment. Les caractéristiques individuelles étudiées sont des variables socio-démographiques comme l’âge, le revenu, le niveau d’éducation, et la durée de résidence dans le logement actuel. Il existe une corrélation significative mais relativement faible entre le comportement global d’innovation et la tendance globale à innover, d’une part, et le comportement et les variables sociodémographiques, d’autre part. En revanche, les corrélations entre les variables socio-démographiques et la tendance globale à innover ne sont pas significatives. Ceci peut s’expliquer par le fait que la tendance globale à innover, évaluée de manière autodéclarative, peut ne mesurer que l’intention et l’envie des individus. Si la notion de tendance globale à innover reste pertinente, cette recherche tend cependant à montrer que d’autres facteurs importants expliquent le comportement effectif d’achat des innovations, notamment des facteurs socio-démographiques. – Il peut être intéressant de cibler les innovateurs dans la mesure où ils exercent une influence sur les autres consommateurs. Cependant, même s’ils partagent certains traits des leaders d’opinion, comme l’expertise et l’implication dans la catégorie de produits, les innovateurs ne sont pas nécessairement les meilleurs influenceurs. La notion de leader d’opinion est bien conceptuellement différente de celle d’innovateur. – Les innovateurs restent par définition peu nombreux en proportion du potentiel total des ventes du produit. Une stratégie alternative consiste donc à cibler d’emblée la majorité des consommateurs, notamment pour
des produits de grande consommation, lorsque l’acceptation par le marché est lente, et lorsque l’influence des innovateurs sur les autres consommateurs est faible et décroît fortement au cours du temps.
• L’adoption d’une innovation en milieu interentreprises La plupart des études sur l’adoption et la diffusion des innovations ont été menées auprès de consommateurs individuels. Cependant, l’importance économique des marchés interentreprises, aussi appelés « business-tobusiness » (BtoB), est considérable. Il est donc particulièrement important de comprendre comment les entreprises adoptent des innovations, et comment ces dernières se diffusent sur les marchés interentreprises.
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Ces marchés regroupent des produits industriels, au sens de produits de transformation, mais aussi des produits finis, comme les fournitures de bureau ou les services de restauration collective.
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Dans un contexte interentreprises, l’achat implique un certain nombre d’individus, qui ont des rôles et des critères d’achat différents. Le processus d’adoption est donc plus complexe. L’existence d’un centre d’achat et la formalisation des différents rôles vont avoir un impact important sur le processus d’adoption.
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La notion de centre d’achat et les différents rôles dans une situation d’achat
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De manière générale, un achat est rarement un processus individuel. Dans un contexte d’achat interentreprises, il impliquera différentes personnes, qui vont avoir des rôles variés. L’ensemble des personnes qui interviennent dans le processus est appelé centre d’achat. On peut distinguer quatre grands types de rôles :
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– les utilisateurs du produit, qui peuvent élaborer ou plus généralement influer sur le cahier des charges initial. Si le produit est complexe, le cahier des charges sera élaboré par un service technique spécialisé ou un bureau d’études. Les utilisateurs vont être d’autant plus influents qu’ils jouissent d’un prestige important dans l’entreprise. Par exemple, des pilotes aériens seront plus écoutés que des conducteurs de poids lourds ;
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– les prescripteurs, qui exercent une influence sur une des dimensions de l’achat. Il s’agit de prescripteurs externes (consultants) ou internes. Les prescripteurs internes peuvent être le service qualité, le service maintenance, le service recherche et développement, le service marketing, ou encore le service commercial. On distingue deux types de rôles, selon qu’il
s’agit de prescripteurs favorables, qui recommandent une solution ou un type de solution, et ceux qui posent une contrainte sur le choix ; – les acheteurs, donc les membres du service achat. Leur rôle consiste à collecter l’information sur les différentes solutions possibles, à établir une présélection des fournisseurs qui sont en mesure de répondre au besoin, et à participer à la sélection finale. Ils négocient les conditions commerciales et effectuent formellement la transaction ; – les décideurs, qui ont le pouvoir de décision effectif. Dans la plupart des cas, cette fonction est assumée de façon collective. Le pouvoir de la direction générale dépend de l’importance de l’achat, de sa complexité, et de l’existence d’un consensus parmi les membres du centre d’achat.
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La prise de décision au sein du centre d’achat peut se caractériser par la centralisation et la formalisation. La centralisation est définie comme le degré de concentration du pouvoir et du contrôle par un nombre restreint d’individus. La formalisation est l’importance accordée aux règles et aux procédures dans l’accomplissement des missions confiées à chaque individu. Chaque membre du centre d’achat peut intervenir à différentes étapes de l’achat, et avoir des critères de décision différents. Il est donc particulièrement important pour un fournisseur de comprendre qui sont les différents membres, et quels sont les critères de décision et leurs rôles respectifs.
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Source : d’après MALAVAL P., BENAROYA C., Marketing Business-to-Business, 5e éd., Pearson Éducation, 2013.
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Du fait de l’intervention de plusieurs personnes, le processus de décision peut se caractériser par des délais importants et par des conflits au sein du centre d’achat.
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En effet, dans un contexte d’achat de produits ou services innovants, l’ensemble des acteurs est mobilisé, contrairement à des achats plus routiniers, où l’on peut avoir affaire à un simple renouvellement de commande, sans nouvelle consultation des fournisseurs et mise en concurrence.
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D’autre part, la nouveauté du produit a souvent pour conséquence une plus grande difficulté à évaluer ses performances réelles et sa valeur pour l’entreprise. Or, la fonction des acheteurs est de rationaliser les approvisionnements, ce qui explique qu’ils soient souvent focalisés sur le prix. Cela induit un risque de conflit dans l’entreprise, qui peut ne pas adopter l’innovation.
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Dans un contexte d’achat interentreprises, on distingue deux grandes phases :
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– l’initiation, qui comprend toutes les phases antérieures à la décision d’adoption par l’entreprise : prise de connaissance du nouveau produit,
prise d’information, formation d’une attitude, et finalement prise de décision ; – l’implémentation, qui concerne toutes les phases postérieures à la prise de décision. Cela comprend l’utilisation et l’évaluation du nouveau produit par les individus au sein de l’entreprise. Dans certains cas, l’innovation peut n’impliquer qu’un nombre restreint de personnes dans l’entreprise, notamment lorsqu’elle concerne un nouveau procédé de production. Cependant, dans d’autres cas, l’innovation porte sur une nouvelle méthode de travail dans l’entreprise, et est susceptible de concerner un grand nombre d’utilisateurs. Cela peut être le cas pour un nouveau progiciel comme Salesforce, une nouvelle plateforme de visioconférence comme Zoom (voir cas), etc. 3974
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Du point de vue même du fournisseur, cette deuxième phase est alors très importante pour différentes raisons :
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– le chiffre d’affaires réalisé peut être lié au nombre d’utilisateurs au sein de l’entreprise (nombre de licences pour un logiciel) et de leur degré d’utilisation du produit (commission prélevée pour une carte bancaire) ; – l’évaluation du produit ou du service se fera en fonction du nombre d’utilisateurs ayant adopté l’innovation et de leur satisfaction. Or cette évaluation sera importante au moment du réachat.
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Le premier stade peut souvent ne représenter qu’une expérimentation pour l’entreprise cliente afin de tester la fiabilité, la facilité d’utilisation et les coûts induits par l’adoption du nouveau produit. L’enjeu se situe alors au niveau de la généralisation du nouveau produit à l’intérieur de l’entreprise. :211
On va donc en réalité distinguer deux types de processus :
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– la prise de décision de l’adoption de l’innovation par l’entreprise ; – l’adoption de cette innovation par les individus au sein de l’organisation.
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Les motivations et les freins à l’adoption par l’entreprise peuvent être très différents – voire contradictoires – chez les membres qui la composent. C’est pourquoi il importe d’analyser finement les deux stades du processus.
L’adoption de logiciels de visioconférence dans l’enseignement supérieur Au mois de mars 2020, au début de la pandémie de Covid-19, la France est confinée et les établissements d’enseignement sont fermés. Pour assurer la continuité pédagogique, ces derniers sont donc contraints de « basculer » les cours en ligne, en déployant dans l’urgence des plateformes de visioconférence. Plusieurs systèmes existent déjà et sont parfois utilisés à petite échelle, principalement Teams (Microsoft), Blackboard et Zoom.
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Dans le choix de la plateforme comme dans la phase de déploiement intra-organisationnelle, plusieurs acteurs interviennent : les directions des systèmes d’information, les enseignants et les directions des programmes, mais également un type d’acteurs plus nouveau dans les universités et les écoles : il s’agit des ingénieurs pédagogiques, ou équipes support à la pédagogie. Ces équipes sont chargées de l’intégration pédagogique de l’enseignement en ligne, de la formation des enseignants permanents et occasionnels, du support aux étudiants, etc.
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Le choix de la plateforme se fait selon différents critères, comme la flexibilité, la simplicité d’appropriation par les enseignants et les étudiants, l’ergonomie, la stabilité du système, la consommation en bande passante, le coût, mais également des critères de sécurisation des données personnelles et de protection par rapport aux cyber-attaques.
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Chacun des acteurs cités plus haut a une appréciation et une pondération différentes de ces critères, ce qui a conduit à des choix variés.
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Ainsi, plusieurs alertes de sécurité concernant Zoom, notamment aux États-Unis, sont médiatisées et conduisent certains établissements (parfois publics) à écarter cette solution au profit de Teams, par exemple. En revanche, la souplesse d’utilisation de Zoom, avec en particulier la création de salles virtuelles pour les sous-groupes, est plébiscitée par les enseignants.
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Les équipes support, qui jouent un rôle clé dans le déploiement, gagnent ainsi en visibilité et en pouvoir dans les établissements. L’adoption de l’innovation influe de ce fait sur la répartition des rôles dans l’organisation, autant que l’inverse.
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En définitive, la start-up Zoom connaît une progression fulgurante pendant les premiers mois de pandémie, au point que le nom de la plateforme devient quasiment synonyme de « cours à distance ». On lui attribue ainsi les qualités mais également les défauts de toutes les plateformes de visioconférence, si bien que l’on a pu parler de « zoom-fatigue ».
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Sources : MAILLÉ P., « Existe-t-il des alternatives à Zoom ? », usbeketrica.com, 2020 ; LE NAGARD E., « Continuité ou reconfiguration pédagogique », Le Libellio d’Aegis, vol. 16, no 2, 2020.
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1. La diffusion d’une innovation par une entreprise
De la même façon qu’il est intéressant d’identifier les consommateurs innovateurs, on s’efforcera, afin de maximiser les chances et la vitesse de diffusion d’une innovation destinée aux entreprises, d’identifier les entreprises « innovatrices ». De nombreuses études ont cherché à caractériser les entreprises les plus susceptibles d’adopter en premier un nouveau produit. Plusieurs facteurs apparaissent :
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– la taille du centre d’achat est déterminante. En effet, plus le nombre de personnes impliquées dans la décision est important, plus la prise de décision peut être longue ; – on a souvent trouvé que les entreprises les plus importantes en taille étaient les plus promptes à adopter un nouveau produit. On l’explique par le fait qu’elles sont à même de dégager des moyens plus importants pour l’achat de produits nouveaux ; – cependant, plus que la taille elle-même, c’est la nature du processus de décision qui est en cause. En effet, un processus plus informel et plus décentralisé peut permettre une prise de décision plus rapide. :80.2
Ces deux variables sont susceptibles de jouer en sens opposés, dans la mesure où les petites entreprises ont souvent des processus plus informels.
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En ce qui concerne l’adoption de nouvelles technologies, on constate que certaines entreprises sont plus promptes que d’autres à identifier et à répondre à l’émergence de celles qui sont radicales. Cette notion d’opportunisme technologique implique à la fois la capacité à identifier assez tôt l’émergence d’une nouvelle technologie, et à formuler une réponse stratégique adaptée. Elle a été utilisée pour expliquer l’étendue de l’adoption des technologies de e-business dans les entreprises américaines. Il en ressort que les entreprises ayant le mieux intégré le e-business sont celles qui se préoccupent plus fortement du long terme, ont une culture plus orientée vers la créativité, la flexibilité et l’adaptabilité, et moins vers le formalisme et le contrôle. Elles sont plus fréquemment situées dans un environnement technologique turbulent, et bénéficient d’une forte préoccupation de la direction générale à l’égard des nouvelles technologies.
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En réalité, les entreprises les plus innovatrices développent des activités d’adoption de l’innovation de façon proactive, en identifiant leurs besoins en amont, et en cherchant sur le marché les technologies susceptibles de
leur permettre d’y répondre. Elles peuvent pour cela développer des relations privilégiées avec leurs fournisseurs, mais également avec leurs concurrents ou des entreprises d’autres secteurs. Plusieurs éléments favorisent le développement de ces activités d’adoption de l’innovation, comme des objectifs clairs, et la présence d’individus clés au sein de l’organisation qui ont une vision claire du futur, et la capacité de persuasion en interne16.
2. La diffusion d’une innovation au sein d’une entreprise
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Au sein d’une entreprise donnée, l’adoption d’une innovation ne se limite généralement pas à une décision centralisée, mais implique une prise de décision de chacun des utilisateurs au sein de l’entreprise. Il est donc nécessaire de se pencher sur les conditions de la diffusion intraorganisationnelle. On peut définir le degré de diffusion intraorganisationnelle par le pourcentage d’adopteurs potentiels dans l’entreprise qui utilisent ou ont déjà utilisé le nouveau produit. S’intéresser au nombre d’adopteurs au sein de l’organisation est d’autant plus important que le revenu généré est fonction du nombre d’utilisateurs.
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La vitesse de diffusion intra-organisationnelle peut s’expliquer par différents facteurs :
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– la structure organisationnelle, et notamment le degré de centralisation et de formalisation dans la prise de décision. Comme évoqué précédemment, plus le degré de centralisation et de formalisation sera élevé, plus la prise de décision d’adoption sera longue pour l’entreprise. En revanche, une fois cette décision prise, un processus formel et centralisé permettra aux différents membres de l’entreprise une adoption plus rapide ; – la fréquence de collaboration entre les différents services, et l’interdépendance des tâches des membres de l’organisation. Plus les collaborations sont fréquentes, plus l’innovation se diffusera rapidement au sein de l’entreprise ; – la présence de facilitateurs organisationnels, qui sont de différentes natures : il peut s’agir d’une personne dédiée pour argumenter l’intérêt de l’innovation et en expliquer le fonctionnement, d’incitations financières, de l’organisation de groupes d’utilisateurs, etc.
Plusieurs conséquences découlent de ces spécificités du processus d’adoption dans une entreprise, pour le promoteur de l’innovation :
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– Il est nécessaire d’avoir une connaissance fine des entreprises clientes, de leurs besoins, de leurs structures de pouvoir et de décision, de leur culture, voire des personnalités influentes. Pour cela, il est nécessaire de s’appuyer sur les commerciaux, qui doivent donc être consultés dans le processus de conception du nouveau produit, soit directement, soit pour identifier les « utilisateurs leaders ». – Il est souhaitable de prêter une grande attention non seulement à l’adoption par l’entreprise, mais également à l’adoption du produit au sein de l’entreprise. Une adoption massive du nouveau produit permet d’augmenter non seulement le chiffre d’affaires induit, mais également les coûts de changement de fournisseur, et donc la fidélité du client. Cela peut se traduire dans la politique marketing de l’entreprise par une communication directe à l’intention des utilisateurs, ou par l’existence d’une double force de vente : – des commerciaux avant-vente, qui vont convaincre les décideurs de l’entreprise d’adopter le nouveau produit. Ceux-ci doivent notamment être rompus aux techniques de négociation ; – des commerciaux après-vente, qui vont convaincre les différents utilisateurs d’adopter le produit, et les former à son utilisation. Ils doivent avoir une forte compétence technique, et une grande connaissance du produit.
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4 • L’INSERTION DE L’INNOVATION AU SEIN D’UN ÉCOSYSTÈME
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Qu’il s’agisse d’une innovation en BtoC, c’est-à-dire s’adressant à des individus, ou en BtoB, c’est-à-dire destinée à des entreprises, son adoption est influencée par des acteurs divers au sein d’un écosystème. L’influence principale est exercée par ceux que l’on appelle des leaders d’opinion, qui vont faire connaître l’innovation et avoir un impact sur l’attitude des adopteurs potentiels par rapport à celle-ci.
• Le rôle des leaders d’opinion Un leader d’opinion est un individu qui exerce une influence sociale sur les autres, soit directement, en communiquant avec eux, soit indirectement, parce qu’ils observent son comportement. L’influence directe s’exerce auprès des personnes de son entourage, ou encore par un vendeur auprès de ses clients. Elle joue un rôle très important. Par exemple, certains films de cinéma ne bénéficiant pas d’une forte promotion médias, connaissent des chiffres d’entrée importants du fait d’une bonne appréciation par les premiers spectateurs, qui vont ensuite influencer d’autres personnes, qui iront voir le film sur la base de leurs recommandations positives.
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La définition est donc extrêmement large. Chacun peut, à un moment ou à un autre, exercer une influence sur le comportement d’autrui. Le leadership d’opinion est donc plus une question de degré d’influence exercée qu’une variable dichotomique, où certains individus seraient des leaders d’opinion, alors que d’autres ne le seraient pas.
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L’influence indirecte se manifeste notamment pour les produits à forte visibilité sociale. Elle peut s’exercer par l’observation des personnes côtoyées dans la rue, ou sur le lieu de travail, ou encore par la fréquentation des médias. Les stars de la chanson, du cinéma, les sportifs peuvent jouer un rôle important de leaders d’opinion dans certaines catégories de produits, visibles socialement.
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Enfin, la généralisation de l’usage d’Internet pose la question de l’influence grandissante du bouche-à-oreille en ligne et de l’émergence de nouveaux types de leaders d’opinion, influents sur les réseaux sociaux ou dans les communautés en ligne.
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Certains types de leader d’opinion ont un rôle particulier, notamment les prescripteurs ; un individu est prescripteur s’il peut exercer une contrainte sur une ou plusieurs dimensions de l’achat, comme le choix du fournisseur, la marque, ou certaines caractéristiques du produit. Le leader d’opinion n’est donc pas nécessairement prescripteur. Par exemple, un prescripteur peut être un enseignant dans le cas du manuel scolaire, ou un médecin pour un produit pharmaceutique.
Les leaders d’opinion jouent un rôle important dans le lancement d’un nouveau produit. Certains travaux estiment ainsi qu’un petit nombre d’individus dans une population peuvent déterminer l’adoption de la majorité. Plusieurs questions se posent : – Comment les leaders d’opinion exercent-ils leur influence ? – Quelles sont les caractéristiques des personnes exerçant la plus grande influence sociale ? – Comment peut-on utiliser ces personnes pour favoriser le lancement d’un nouveau produit ? – Quels sont les contextes où l’influence sociale est la plus forte ?
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• Comment les leaders d’opinion exercent-ils leur influence ? Les leaders d’opinion jouent deux rôles dans la diffusion d’une innovation :
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– un rôle de transmission de l’information : les leaders d’opinion, fortement exposés aux médias, reçoivent un message concernant une innovation, et le démultiplient, en en faisant part aux membres de leur entourage ; – un rôle de renforcement de l’impact et de la crédibilité de l’information : une information transmise par les leaders d’opinion gagne en impact et en crédibilité. Elle devient un sujet de discussion et d’interaction entre le leader d’opinion et les individus, qui la décodent et la complètent. :211
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Pour jouer ce rôle de transmission et de renforcement de l’information, deux types de communication sont à l’œuvre.
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– La communication homophile est facilitée par la similarité entre les interlocuteurs, par exemple en termes d’âge, de CSP, de niveau d’éducation, de statut social, etc. La facilité de communication s’explique alors par un vocabulaire, des valeurs et des perceptions communes, ainsi que la facilité à se mettre à la place de son interlocuteur, et une meilleure possibilité de comprendre ses besoins. – Si la communication ne pouvait se faire qu’entre individus homophiles, elle serait vite limitée à des groupes (ou réseaux) restreints. Les réseaux peuvent être une entreprise, une association professionnelle, un club
sportif ou de loisirs, une communauté scientifique, un réseau de voisinage, une école, etc. En réalité, il existe également une communication entre individus hétérophiles, qui fonctionne de manière verticale, entre des individus qui bénéficient d’un fort statut social au sein d’un réseau, et ceux qui se considèrent inférieurs, du fait de leur niveau hiérarchique, de leur légitimité technique, scientifique, en termes d’expérience sur le sujet, ou encore de leur statut économique. Les meilleurs leaders d’opinion se situent dans un large réseau de personnes qui leur ressemblent, et bénéficient d’un fort statut dans ce réseau, pour les différentes raisons invoquées. Il y a alors communication hétérophile, puis homophile.
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En définitive, trois types d’éléments expliquent l’influence sociale d’un leader d’opinion dans le domaine des innovations : « qui il est », « ce qu’il sait », et « qui il connaît ».
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Tout d’abord, il est nécessaire de distinguer deux types de leadership d’opinion, le leader d’opinion « global », et le leader d’opinion « spécialiste » :
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– Certains traits de personnalité peuvent expliquer un leadership d’opinion global, qui peut concerner de nombreuses catégories de produits et services. On parle alors de leaders d’opinion polymorphiques. Certains auteurs les appellent également « gourous », et les définissent comme « des individus qui possèdent de l’information sur beaucoup de produits, de magasins, et d’autres aspects commerciaux, et répondent aux sollicitations des clients sur ces informations ». Cette disposition générale peut être expliquée principalement par trois des cinq principaux traits de personnalité utilisés dans la littérature : – le faible niveau de neuroticisme : les leaders d’opinion ont tendance à être plus stables émotionnellement, plus aptes à faire face aux critiques, et globalement plus sûrs d’eux ; – l’ouverture d’esprit et la curiosité ; – l’extraversion, la sociabilité et la capacité à communiquer avec les autres. – Les variables socio-démographiques classiques se révèlent ainsi très peu utiles dans l’identification des leaders d’opinion, d’autant que cette
disposition générale est complétée par un leadership d’opinion spécifique à un domaine ou une catégorie de produits. Deux autres caractéristiques vont avoir un impact déterminant sur la crédibilité perçue des informations fournies par le leader d’opinion : le désintéressement perçu et l’expertise perçue.
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L’importance du désintéressement perçu explique que l’utilisation des personnalités dans la publicité ne puisse avoir qu’un impact limité sur les ventes, car les consommateurs sont conscients de l’existence d’un lien commercial entre la personnalité mise en avant et l’entreprise. En revanche, ce désintéressement perçu est plus ambigu dans le cas des blogueurs ou des influenceurs sur les réseaux sociaux numériques comme Twitter ou Instagram. En effet, les entreprises s’intéressent fortement à leur influence, et les sollicitent de plus en plus, notamment lors du lancement de produits ou de services innovants. Dans une recherche récente menée sur le lancement d’un nouveau téléphone mobile équipé d’un appareil photo, les auteurs montrent que les blogueurs sollicités ont différentes stratégies pour gérer cette potentielle contradiction, en rendant plus ou moins explicites pour leur audience la sollicitation de la marque. Selon les normes affichées sur leur blog, ou selon le réseau social où ils sont présents, mais également la complexité du produit, ces différentes stratégies sont comprises comme plus ou moins légitimes par leur audience, et l’influence exercée en conséquence plus ou moins grande. 748:
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Une célèbre animatrice américaine a posté il y a quelques années sur son compte Twitter (suivi par plus de 16 millions de personnes) deux messages vantant les mérites de la friteuse sans huile Actifry, fabriquée par Tefal (propriété du groupe Seb). « Cette machine T-Fal actifry a changé ma vie. Et ils ne me paient pas pour dire ça », puis « Le plat entier de frites, une cuillère à soupe d’huile. Délicieux avec mon burger végétarien. » Elle poste également deux photos sur Instagram. Immédiatement après, l’action du groupe Seb monte fortement, sans aucune autre explication. Les responsables marketing de la marque constatent également une forte hausse de la notoriété du produit aux États-Unis, et une augmentation des ventes.
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La capacité à influencer les autres en matière d’adoption d’une innovation est également liée à ce que sait le leader d’opinion, autrement dit l’expertise perçue : un bon leader d’opinion est perçu comme expert de la catégorie de produits.
Cependant, il est important de noter que l’expertise perçue peut être significativement différente de la connaissance objective que le leader d’opinion possède sur le sujet. Ainsi, les consommateurs qui cherchent des conseils commettent fréquemment des erreurs de calibrage, en ayant recours à des « pseudo-leaders », qui se ressentent comme experts, sont perçus comme tels, mais ne le sont pas véritablement. En revanche, les véritables experts, mais qui ne se ressentent pas comme des leaders d’opinion, ne sont pas identifiés comme tels et sont insuffisamment sollicités.
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Enfin, la place occupée dans le réseau par le leader d’opinion dans le réseau ou la communauté joue un rôle-clé. Ainsi l’étude des réseaux montre que le nombre de liens est très inégalement réparti entre les individus au sein d’un réseau. Certains individus ont ainsi un nombre de connexions très important et jouent le rôle de « hubs ». Du fait du nombre de leurs liens, ils vont adopter plus vite car ils sont plus rapidement au courant de l’existence des innovations.
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La structure du réseau, et les caractéristiques des nœuds de ce réseau peuvent ainsi avoir un impact sur la vitesse de diffusion de l’innovation. Un autre facteur est le caractère influençable des consommateurs qui constituent ce réseau ; en effet, si les leaders d’opinion sont des experts et recherchent des informations « de première main » sur les produits, les individus « chercheurs d’opinion » auront tendance à se reposer sur l’opinion de ces experts, et à adopter les innovations plus tard. L’influence des leaders d’opinion sur l’adoption d’une innovation sera donc d’autant plus grande que les autres consommateurs sont aisément influençables.
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• Comment identifier les leaders d’opinion ?
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Il existe plusieurs méthodes pour identifier les leaders d’opinion et mesurer leur capacité d’influence. La première méthode, dite « sociométrique », consiste à demander à des consommateurs de désigner qui les a influencés dans leur choix. La seconde consiste à observer, dans un milieu donné, par exemple dans le contexte d’un réseau social, quels individus paraissent les plus influents. Du fait des difficultés de mise en œuvre à une grande échelle des deux méthodes précédentes, une troisième méthode, celle qui est la plus couramment employée, consiste à interroger les individus sur leur auto-
perception de leur influence sur leur entourage. Une échelle de ce type en cinq items a été développée et validée dans un contexte français17 :
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– 1. Je parle très souvent à mes amis et mes voisins de [cette catégorie de produits]. – 2. Quand je parle à mes voisins et mes amis de [cette catégorie de produits], je leur donne beaucoup d’informations. – 3. Durant les six derniers mois, j’ai parlé à un grand nombre de personnes de [cette catégorie de produits]. – 4. Dans une discussion [concernant cette catégorie de produits], le plus probable serait que je parvienne à convaincre mes amis de mes idées. – 5. Mes amis et mes voisins me considèrent comme étant de bon conseil [en ce qui concerne cette catégorie de produits].
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Cette méthode d’auto-évaluation, si elle comporte de nombreux avantages pratiques, présente également des biais, les leaders d’opinion auto-déclarés ayant tendance à surestimer leur influence.
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Ces dernières années, le rôle des influenceurs sur les différents réseaux sociaux n’a cessé de croître en importance, notamment pour la diffusion des innovations. Les trois critères énoncés ci-dessus permettent également de guider le choix de ses influenceurs pour faire la promotion d’une innovation. Il conviendra pour cela de se poser plusieurs questions :
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– Quel est son lien avec sa communauté ? Cela peut notamment s’évaluer par le taux d’engagement de celle-ci. – Quelle est la taille de son audience ? Cela peut se mesurer grâce à son nombre de followers ou d’abonnés. – Quelle est sa crédibilité ? Il conviendra notamment d’apprécier son domaine d’expertise, mais également la fréquence de ses partenariats avec des marques, et la façon dont il communique avec sa communauté sur celles-ci. En effet, un manque de transparence et des relations perçues comme trop étroites avec des marques peuvent altérer la confiance de la communauté dans l’influenceur et lui faire perdre son leadership d’opinion.
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Il est difficile pour un influenceur de posséder simultanément toutes les caractéristiques qui font un bon leader d’opinion, c’est pourquoi il peut être
intéressant pour l’entreprise qui promeut l’innovation de mobiliser différents types d’influenceurs, comme le propose le tableau 2.4.
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Tableau 2.4 – Les différents profils d’influenceurs
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Source : d’après DE KERVILER G., GRIFFITHS P., « Marketing sur les réseaux sociaux : à chaque produit son influenceur », The Conversation, 2020.
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D’une part, un individu donné adopte sous l’influence des personnes de son entourage proche ou moins proche qui ont déjà adopté. Comme évoqué précédemment, chaque personne se caractérise par un « seuil d’influençabilité » différent : certains ont besoin qu’un grand nombre de personnes de leur entourage aient adopté une innovation avant de l’adopter eux-mêmes, d’autres, comme les innovateurs, adoptent de façon autonome. Si l’on se réfère à la courbe de Rogers présentée précédemment, on observe les éléments suivants :
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– la majorité précoce est circonspecte à l’égard des innovations et a besoin d’être entraînée par des leaders d’opinion ; – la majorité tardive, particulièrement sensible aux normes sociales, a besoin de la pression de son entourage pour adopter des innovations, qu’elle juge souvent avec prudence. Il faut de fortes incitations économiques pour qu’elle adopte ; – enfin, les retardataires ont souvent des valeurs traditionnelles et sont fréquemment isolés dans leur réseau social. Ils ont souvent des moyens
économiques limités. D’autre part, l’adoption d’une innovation est liée à la perception que chaque personne a de sa diffusion parmi les personnes qu’elle côtoie, ou observe. Elle est donc subjective. Si certaines personnes très en vue ont adopté une innovation, un nombre important de personnes peut penser qu’elle est déjà répandue. Elle peut également rester cantonnée à un groupe particulier, même si les membres de ce groupe ont la perception qu’elle est répandue dans l’ensemble de la population. C’est souvent sur ce mécanisme qu’est basée la mode vestimentaire.
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La difficulté pour les entreprises consiste en ce que le comportement d’achat des différentes catégories d’adopteurs varie sensiblement. En effet, les innovateurs sont constamment à l’affût d’informations, valorisent fortement la nouveauté et ont donc tendance à être peu sensibles au prix, et tolérants vis-à-vis des défauts éventuels du produit. En revanche, les adopteurs suivants sont moins experts de la catégorie de produits, moins au courant des innovations, et vont principalement raisonner en termes d’avantage comparatif par rapport aux générations de produits précédentes, et de rapport qualité-prix. Plus sensibles au risque, ils cherchent un produit qui s’appuie sur un standard dominant, pour lequel le service après-vente et les produits complémentaires sont disponibles.
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L’entreprise qui lance un produit innovant doit donc d’abord s’appuyer sur les innovateurs, puis sur les autres catégories d’adopteurs si elle souhaite donner une large diffusion au produit. Elle devra changer de politique marketing au fur et à mesure de la diffusion de l’innovation. :211
• Les autres acteurs de l’écosystème
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Une innovation se situe également au sein d’une filière industrielle, qui elle-même existe au sein d’un écosystème d’acteurs, que l’on peut appeler des acteurs « intermédiaires » dans la diffusion des innovations.
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Comme nous l’avons vu précédemment, l’adoption d’une innovation est notamment et principalement déterminée par la valeur ajoutée apportée par l’innovation au client. Il est nécessaire de prendre en compte la valeur ajoutée perçue non seulement pour le client final ou pour le client direct, mais aussi pour l’ensemble des acteurs de la filière (qui va des fournisseurs de matières premières aux transformateurs, puis aux distributeurs). Un
certain nombre d’échecs dans la diffusion peut en effet s’expliquer par le fait que si l’innovation apporte une valeur au client final, elle la dégrade pour d’autres acteurs intermédiaires dans la filière tels les clients directs ou les distributeurs. Une innovation peut ainsi être difficile à intégrer dans un processus de production, car difficile à manipuler, complexe à maîtriser, plus onéreuse. Dans le domaine de l’alimentation, le bio peut ainsi être prisé des consommateurs, mais les techniques de production et les intrants bio sont plus coûteux, et peuvent entraîner une baisse des marges pour les agriculteurs et les intermédiaires.
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Les distributeurs peuvent également faire obstacle à la diffusion d’une innovation, si elle se révèle plus difficile à vendre, ou plus coûteuse à présenter en magasin, parce que prenant plus de place ou nécessitant des conditions particulières d’exposition (par exemple, des rayons réfrigérés). Il est également fréquent que, même si les prix sont plus faibles, la marge réalisée par le distributeur l’étant également, celui-ci n’a pas intérêt à favoriser l’innovation. 46.4
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La vente en vrac a connu un développement important dans les dernières années, plébiscitée par les consommateurs à la fois pour des motifs écologiques et économiques. D’abord opérée dans les enseignes spécialisées, cette forme de vente se généralise dans les grandes surfaces, malgré des réticences des distributeurs, qui soulignent notamment les risques en termes d’hygiène et la nécessité de repenser tous les flux logistiques. Cependant, ils n’ont guère le choix dans la mesure où la loi Climat et Résilience va imposer à tous les commerces de détail de plus de 400 m² de dédier au vrac au moins 20 % de leur surface de vente à horizon 2030.
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Source : BEVILACQUA-POLETZKI C., « La course au vrac des grandes enseignes », Challenges, 2021.
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Les autres acteurs intermédiaires comprennent les fournisseurs de produits complémentaires, mais également les régulateurs, les législateurs, ou encore les groupes de pression, comme les associations de consommateurs.
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Ainsi, les produits ou les services innovants mobilisent souvent des produits ou services complémentaires pour pouvoir fonctionner, que ce soit des consommables (de l’essence pour les véhicules thermiques), des infrastructures (les bornes de recharge pour les véhicules électriques), des logiciels, des programmes ou des systèmes d’exploitation (cas des smartphones, des ordinateurs ou des consoles de jeux).
Dans ce cas, il est indispensable de créer les conditions d’une création de valeur pour ces acteurs, afin de stimuler la production de ces produits ou services complémentaires. Si le marché de ces produits ou services n’est pas suffisamment attractif financièrement, il ne se développera pas, ce qui handicapera la diffusion de l’innovation.
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Les régulateurs et législateurs jouent fréquemment un rôle fondamental dans la diffusion de l’innovation. En effet, les normes, règlements et lois déterminent fortement la valeur que peut avoir une innovation sur le marché. Une norme nouvelle – de sécurité, environnementale – peut ainsi pousser, voire forcer les consommateurs à adopter le produit innovant, en excluant du marché la génération précédente de produits. Elle peut ainsi avoir pour effet de créer une opportunité de marché nouvelle, à laquelle va répondre l’innovation.
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L’étiquette énergie, introduite en 1994, indique en magasin la consommation énergétique des appareils électroménagers, sur une échelle de A à G. Cela a poussé les fabricants à innover et à concevoir des produits plus économes, ce qui a conduit progressivement à introduire des notes avec des A+, A++ ou même A+++. En 2017, 90 % des modèles sur le marché avaient une note supérieure à A. Les pouvoirs publics ont donc introduit une nouvelle étiquette énergie, plus exigeante et plus complète, qui est devenue obligatoire en France à partir de mars 2021.
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Source : « L’étiquette énergie évolue enfin », quechoisir.org, 2020.
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L’ensemble de ces acteurs « intermédiaires » peuvent directement influencer la diffusion en jouant un rôle de « courtier », c’est-à-dire en achetant l’offre innovante et en la mettant à disposition du plus grand nombre, à des coûts réduits ou en en facilitant l’accès (installation, mise à disposition d’infrastructures).
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Ils peuvent également jouer un rôle de facilitation plus indirect en fournissant un environnement physique (lieux de distribution), social, (information et formation), culturel (crédibilisation ou caution symbolique), économique (subventions ou aides) ou réglementaire. Un cas extrême est celui où l’État interdit à la vente certains produits, donnant ainsi un coup de pouce décisif aux produits de la génération technologique suivante, comme ce fut le cas pour les ampoules à filament, interdites à la vente, et permettant aux ampoules basse consommation, puis aux ampoules LED de se diffuser sur le marché.
Cependant, ces différents acteurs peuvent également jouer un rôle négatif dans l’adoption et la diffusion des innovations, comme l’illustre l’exemple de l’encadré ci-après.
CAS Le rôle des intermédiaires dans le déploiement des compteurs Linky Le déploiement des compteurs d’électricité intelligents en France offre un exemple de l’adoption d’une innovation radicale, pour laquelle des acteurs intermédiaires, en l’occurrence les municipalités et les associations, ont joué un rôle de résistance important.
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Le déploiement de ces compteurs est intervenu dès 2016, et est inscrit dans la loi sur la transition énergétique, avec un objectif de remplacement de 80 % des compteurs en 2020, et de 100 % fin 2021. À cette date, cependant, seuls 90 % des compteurs, soit environ 35 millions, avaient été remplacés par des modèles de compteurs intelligents Linky.
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Les compteurs dits « intelligents » présentent des bénéfices objectifs importants : pour les consommateurs/abonnés, ils permettent de suivre en temps réel leur consommation appareil par appareil et donc notamment de détecter des consommations aberrantes ; pour les opérateurs, ils évitent le déplacement d’employés pour le relevé des consommations ; enfin, pour la planète, en rendant possible un pilotage précis de de la consommation par les usagers, ils ouvrent la voie à une réduction importante de la consommation d’énergie.
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Cependant, leur déploiement s’est heurté partout en Europe à de fortes résistances. Les réticences des consommateurs portent notamment sur la protection de la vie privée, sur les enjeux en termes de cybersécurité. Certains craignent également pour leur santé du fait d’émissions d’ondes de radiofréquence, ou du risque de départ de feu. Enfin, d’autres dénoncent le coût de remplacement de compteurs qui fonctionnaient encore, alors même que les motifs invoqués par l’État sont écologiques.
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En France, le déploiement est opéré par l’opérateur public Enedis, qui a recours à des soustraitants pour l’installation. Le contrat qui lie les clients particuliers à Enedis stipule bien que l’opérateur, même s’il n’en est pas propriétaire, doit avoir accès au compteur, notamment si celui-ci n’est pas à l’intérieur d’un domicile privé. Ceci a été interprété comme le fait que l’installation était obligatoire, ce qui a généré encore plus de résistance de la part des particuliers et de certaines associations de consommateurs, qui ont porté des actions en justice. Des particuliers se sont également opposés à l’entrée des installateurs à l’intérieur des domiciles.
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Une particularité française est le fait que les municipalités sont légalement propriétaires des compteurs, et sont liées par un contrat de délégation de service à Enedis. Elles ont ainsi joué un rôle important dans le ralentissement des installations, puisqu’en 2019, elles étaient plus de 700 à avoir décidé de refuser l’installation de compteurs Linky sur leur commune, par l’intermédiaire d’un vote du conseil municipal.
Sources : enedis.com ; CHAMARET C., STEYER V., MAYER J., « Hands Off my Meter ! », When Municipalities Resist Smart Meters: Linking Arguments and Degrees of Resistance, Energy Policy, 2020.
L’ESSENTIEL
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• Il est essentiel pour une entreprise qui introduit une innovation sur le marché de comprendre quels seront les déterminants de son adoption par les consommateurs. Il importe également de prendre en compte les différentes sources de résistance à l’innovation par les consommateurs, et d’y apporter des réponses. • Tous les consommateurs n’ont pas les mêmes attentes et les mêmes profils vis-à-vis de l’innovation. Identifier les innovateurs, puis les attentes des autres types d’adopteurs est donc fondamental. • Les influences interpersonnelles entre les consommateurs jouent un rôle prépondérant pour les produits innovants, du fait de l’absence d’expérience préalable et donc d’une prise de risque supplémentaire. Or ces effets de bouche-à-oreille, positif et négatif, sont difficiles à contrôler. • Pour mieux comprendre l’adoption et favoriser cette diffusion de l’innovation, il est nécessaire : – d’identifier les motivations et les freins à l’adoption, et la formation de la valeur ajoutée relative de l’innovation ; – de comprendre quels sont les différents segments de consommateurs et d’entreprises clientes, et quels sont ceux qui sont susceptibles d’adopter en premier ; – de comprendre qui sont les leaders d’opinion, et comment ils agissent ; – d’analyser les rôles des différents acteurs de l’écosystème, au sein de la filière et au-delà. • Ces principes doivent être présents tout au long du processus de conception, puis lors du lancement d’un nouveau produit. C’est ce que nous examinons dans les prochains chapitres.
PARTIE 2
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LE DÉVELOPPEMENT DES NOUVEAUX PRODUITS
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Le processus d’innovation Chapitre 3 Développer l’idée puis le concept Chapitre 4 Développer une offre innovante Chapitre 5
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Cette deuxième partie est consacrée au processus de développement des produits et services innovants. Après avoir analysé dans la première partie de l’ouvrage, les enjeux inhérents à l’innovation, il s’agit à présent de montrer comment les entreprises élaborent concrètement les offres et d’identifier les principales étapes du processus. Nous détaillons le rôle du marketing en lien avec d’autres services de l’entreprise, et les méthodes qu’il emploie à chaque étape pour analyser le marché et prendre les décisions les plus pertinentes. Dans le chapitre 3, nous donnons une vision d’ensemble du processus d’innovation et des facteurs qui affectent la manière dont il se déroule. Nous identifions et décrivons également les nouvelles pratiques telles l’open innovation, le crowdsourcing, l’innovation frugale… Les deux chapitres suivants sont consacrés aux premières étapes du processus : la transformation de l’idée de nouveau produit ou service en concept marketing (chapitre 4) et l’élaboration de l’offre (chapitre 5). La partie 3 de l’ouvrage portera enfin sur les étapes de préparation et de réalisation du lancement et ses conséquences.
CHAPITRE 3 LE PROCESSUS D’INNOVATION OBJECTIFS
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→ Les questions soulevées par le processus d’innovation sont complexes. Elles relèvent davantage de la stratégie et de l’organisation que du marketing. De nombreux écrits ont été consacrés aux étapes du processus et à leur articulation, aux structures et aux cultures organisationnelles propices à l’innovation, ainsi qu’aux méthodes de travail de la R&D. Il sort du cadre de cet ouvrage de les présenter en détail1. Nous nous focalisons ici sur les aspects qui sont du ressort du marketing et sur ses interactions avec d’autres fonctions.
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1 • LES ÉTAPES DU PROCESSUS D’INNOVATION EN MARKETING
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Si chaque histoire d’innovation est différente2, les grandes étapes suivies sont souvent similaires. Elles sont schématisées dans le tableau 3.1. Chacune d’entre elles sera détaillée dans les chapitres suivants.
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Tableau 3.1 – Les principales étapes du processus d’innovation
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• Le rôle du marketing à chaque étape
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La première étape consiste à faire émerger l’idée du nouveau produit. Comme nous l’avons expliqué dans le premier chapitre, cette idée peut émaner de la technologie (market push) ou du marché (market pull), ce qui modifie sensiblement le rôle ultérieur du marketing. Quel que soit son point de départ, cette étape doit être accompagnée d’une réflexion stratégique interne sur les priorités de l’entreprise en matière d’innovation. C’est finalement au carrefour entre ces trois éléments – besoin des clients ou utilisateurs, solution, et stratégie de l’entreprise – que naît l’idée de l’innovation. Cette phase d’émergence des idées se poursuit par une phase de filtrage dans laquelle on sélectionne les idées les plus pertinentes en évaluant leur potentiel de marché et leur potentiel interne. Cette étape est réalisée de concert entre les responsables de la R&D (cf. cas et exemple ciaprès), les bureaux d’études, les responsables marketing et les spécialistes de finance et de contrôle de gestion. Les responsables développement durable interviennent également de façon systématique depuis que les enjeux environnementaux s’imposent.
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Les idées pertinentes sont transformées en concepts marketing. Il s’agit là de préciser les clients visés et de définir les avantages que le nouveau produit ou service pourra leur apporter. Cette phase, sous la responsabilité des services marketing, consiste à comprendre comment le produit sera appréhendé par les clients et comment il se différenciera des produits
existants. On pourra réaliser des tests de concept pour connaître la perception des clients, identifier les moteurs et les freins que présenterait l’adoption d’un tel produit, et parfois mesurer un premier potentiel commercial. Cette phase est essentielle pour le marketing des produits innovants. Si son importance est reconnue dans les secteurs traditionnellement tournés vers le marketing, comme la grande consommation, elle est souvent négligée dans d’autres secteurs comme les services, la high-tech ou l’industrie.
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L’étape suivante consiste à élaborer concrètement le produit. La conception échoit aux spécialistes techniques, chercheurs, designers et membres des bureaux d’études. Les préoccupations relatives à l’écoconception, de la naissance au recyclage du produit, sont omniprésentes dans la plupart des entreprises. Le marketing doit faire entendre la voix du client pour s’assurer que les bénéfices-clients définis lors du concept sont bien perceptibles lors de l’utilisation du produit. Il participe donc à l’élaboration du cahier des charges. Une fois les premiers prototypes réalisés et au fur et à mesure que l’on s’achemine vers les produits de présérie, le marketing peut préconiser des tests de produits auprès des clients pour analyser comment ils perçoivent le produit à l’usage.
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Le choix des conditions de commercialisation incombe aux responsables marketing, en coordination avec d’autres interlocuteurs. Il s’agit à la fois de choisir le nom du produit, d’élaborer le packaging éventuel (avec les designers), de définir le prix de vente (avec le contrôle de gestion) ainsi que les modalités de distribution (avec la force de vente) et de communication.
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La préparation du lancement relève à la fois d’une évaluation financière fondée sur l’élaboration d’un business plan et de la prévision des ventes. On peut à ce stade simuler le lancement grâce à des marchés-tests simulés ou fondés sur des panels si l’on souhaite encore ajuster la politique marketing et affiner les prévisions. Les ingénieurs sont souvent impliqués dans cette phase. Le lancement à proprement parler et le début de la production peuvent ensuite avoir lieu.
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Outre les acteurs internes mentionnés, le marketing travaille tout au long du processus avec des acteurs externes à l’entreprise : directement avec les consommateurs dans des cadres plus ou moins formalisés, des sociétés d’études lorsque l’entreprise souhaite tester selon un protocole précis ses idées auprès de clients ou réaliser des marchés-tests, des agences de design
pour l’élaboration du produit, des agences de communication et de publicité lors de la préparation des conditions de commercialisation, des distributeurs, etc. Le cas qui suit décrit l’innovation dans l’industrie cosmétique et montre qu’après une période où la recherche investiguait tous azimuts et précédait toute initiative innovante, le marketing et la mise en scène de l’offre constituent aujourd’hui l’essentiel des innovations, même de rupture.
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L’innovation dans l’industrie cosmétique : le marketing au cœur du dispositif
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Le secteur de l’hygiène-beauté compte 60 nouvelles références par jour en moyenne dans le monde. Dans les plus grands groupes, les investissements en R&D atteignent 3 % du chiffre d’affaires tandis que les investissements marketing sont près de dix fois supérieurs, c’est à dire entre 25 et 30 % selon les années3.
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Longtemps, dans ce secteur, le marketing choisissait la solution qui lui convenait dans le panier technologique que la R&D proposait. Il la développait ensuite de manière appropriée pour la cible visée, selon le marché, le type de peau ou de cheveux, et tentait de répondre ainsi à un besoin précis. Ce fut le cas par exemple pour le développement des anti-âge dans les années 90, avec les liposomes. Une technologie issue d’un domaine différent a pu être adaptée en vue d’introduire des actifs performants dans les crèmes de soin.
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Mais une telle recherche fondamentale multidirectionnelle est onéreuse et de plus en plus, la R&D doit s’adapter aux exigences du marketing. Alors que les actifs et technologies se sont répandus (les produits ont, pour la plupart, la même efficacité), les marques développent la texture, le parfum, la couleur, le packaging… C’est dans ce travail de formulation et de positionnement (nom, communication, prix, cible…) que se trouvent aujourd’hui l’essentiel de l’innovation et de la création. Cette évolution est également à mettre en regard de l’évolution de l’image du produit cosmétique. Sa fonction essentielle – le plaisir – portée par le concept a autant d’importance que le produit. Même la parapharmacie adopte cet esprit : avec le programme Reload my Pharmacy, de L’Oréal, le but est d’apporter une dimension plaisir et expérientielle à ce circuit spécialisé, habitué à des produits plus techniques.
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Ainsi, parmi les 40 000 matières premières que contient l’INCI (International Nomenclature of Cosmetics Ingredients4), seuls 20 % sont utilisées dans les nouvelles offres. En effet, la plupart des nouveaux produits sont des mélanges d’actifs déjà connus. Néanmoins, ces innovations peuvent créer de nouveaux segments de marché. Par exemple, les cosmétiques bio ne sont pas le fruit d’une avancée technique, mais constituent la réponse à une prise de conscience environnementale et sanitaire, exprimée par des consommateurs mieux informés. Les dentifrices en pastilles sont ainsi le résultat d’un processus d’éco-conception moins
consommateur d’eau, conformément aux souhaits des consommateurs responsables. De même, les BB Crèmes, importées de Corée, répondent aux besoins des femmes qui souhaitent optimiser leur routine beauté. La R&D détermine des modes de fabrication et des matières premières conformes à ces demandes. Enfin, certaines substances sont bannies par les marques (parabènes ou sulfates) uniquement pour répondre à la demande. Ces exigences amènent donc sur le marché de vraies nouveautés.
L’exemple suivant se situe sur le marché de la bière. Il montre comment la R&D répond aux études marketing, en proposant une offre qui correspond aux souhaits des consommateurs.
EXEMPLE
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• Le passage d’une étape à l’autre
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Les équipes des Brasseries Kronenbourg (Carlsberg) souhaitaient concevoir une bière moderne pour exister sur un segment en forte croissance (7 % des ventes de bières, + 10 % par an), créé et dominé par Desperados (Heineken) et la bière mexicaine Corona. Pour se faire une place sur ce segment, le marketing a choisi de se distinguer du positionnement exotique des concurrents en proposant une bière venue du Nord : Skøll (qui signifie « à la vôtre »,) paré des codes des Vikings. Ainsi, c’est un « thorkill » (un casque de Viking) très design qui orne les canettes, bouteilles et packs et un code couleur bleu, très différenciant sur le marché de la bière. En réponse aux études marketing, le centre R&D de Carlsberg a associé des arômes de vodka et du citron pour proposer un goût nouveau, peu amer. Enfin, l’ergonomie, avec une ouverture sans décapsuleur (système « pull off cap ») facilite la consommation.
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La clarté du processus décrit correspond davantage à un effort pédagogique qu’à la réalité : en pratique, les boucles, les retours en arrière, les temps d’arrêt sont nombreux. L’innovation est par essence source de perturbations. En outre, les processus de décision à chaque étape ne sont pas toujours absolument rationnels du fait notamment de facteurs sociopolitiques liés à l’influence du chef de projet et à la difficulté d’arrêter.
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1. Approches séquentielles, concourantes ou processus tourbillonnaire ?
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Les différentes étapes du processus d’innovation peuvent être plus ou moins formalisées. Au milieu des années 1980, Cooper invente le terme Stage Gate©, pour décrire un processus de développement des innovations fondé sur un recensement systématique des projets d’innovation, et leur examen à différents stades lors de revues de projet. Chaque innovation se termine par
une décision « go/no go » dans laquelle on décide de poursuivre le processus ou de l’arrêter. La nature de la décision varie selon l’avancement du processus : – les deux premières phases, antérieures au développement du produit luimême, visent à générer des informations nécessaires pour lancer la conception ; elles aboutissent soit à la décision de passer à la phase suivante, soit à l’arrêt momentané du projet, soit encore à un retour en arrière visant à retravailler le projet5 ; – à partir de la phase de conception et la réalisation des premiers prototypes, les dépenses engagées deviennent importantes ; la décision d’arrêter totalement le projet doit alors être envisagée à chaque étape.
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Les décisions sont prises sur la base de l’examen des profits prévisibles et du risque financier évalué à chaque étape.
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De nombreuses entreprises, comme Johnson & Johnson, ont adopté le modèle Stage Gate©, ce qui a permis une gestion plus rigoureuse du processus de développement, et une réduction du délai de développement moyen, c’est-à-dire du temps qui s’écoule entre la génération de l’idée et la mise (éventuelle) sur le marché. Cependant, la capacité de ce modèle à traiter de façon efficace tous les projets d’innovation tend à être remise en question. En effet, dans certains cas, il manque de flexibilité, et un degré de formalisation excessif tend finalement à ralentir le processus, pour des projets qui ont besoin d’être développés rapidement, afin de saisir une opportunité de marché ou arriver avant un concurrent. À l’inverse, pour certains projets très risqués, pour lesquels l’urgence n’est pas avérée, il est au contraire plus efficient de se documenter davantage, et d’être plus précis dans l’évaluation des risques.
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Dans l’approche séquentielle, il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre le degré de formalisation de la décision (détail des informations demandées, nombre de décisionnaires, nombre de critères) et la nature de l’innovation, notamment l’urgence et le risque6.
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Les étapes du processus d’innovation chez Henkel Henkel est un groupe international qui intervient dans trois secteurs : les cosmétiques (marques Fa, Diadermine, Schwarzkopf) les détergents (Mir, Le Chat, X-Tra), et les produits adhésifs (Loctite, Rubson, Pattex). Le processus d’innovation chez Henkel compte cinq phases essentielles. La première est une phase préalable à celle du processus d’innovation lui-même, qui est celle dite de l’inspiration. Elle s’appuie sur des analyses de tendance, des analyses de la concurrence directe et indirecte sur les différents marchés, des entretiens de groupes avec des consommateurs. Elle permet d’alimenter la première phase du processus proprement dit, qui est celle de la génération des idées.
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À l’issue de la phase de formulation des idées, le marketing international met au point puis valide, avec la R&D et le service packaging, la formule du produit et le type d’emballage.
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La phase suivante est celle du concept, qui comprend trois rubriques : l’insight (le problème consommateur à résoudre), la solution (l’innovation à développer), et la « reason to believe » (justification ou raison d’y croire). Le concept est testé auprès des consommateurs potentiels.
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La phase de développement proprement dite (Projet) démarre à 12 mois du lancement prévu. À huit mois du lancement, un test de la formule a lieu dans le contenant choisi pendant 12 semaines, afin de tester la stabilité du produit. La commande des matières premières a lieu à six mois du lancement. À quatre mois du lancement a lieu le « Zéro run », c’est-à-dire la production en condition réelle d’un premier lot de produits, qui est ensuite stocké pendant six semaines dans différentes conditions climatiques. Durant cette phase sont également réalisés des tests pour vérifier l’adéquation du produit avec les attentes du marché et avec l’image de la marque. Des prévisions de rentabilité sont établies.
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Le groupe projet est constitué de membres des équipes marketing des différents pays, et du marketing international, des membres équipes R&D des pays et de l’international, et intègre d’emblée des personnes travaillant sur le packaging, sur les fragrances et sur les achats de matières premières.
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Enfin, un contrôle du lancement a lieu six mois après celui-ci.
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Cette vision séquentielle de l’innovation est parfois remplacée par une approche dans laquelle les phases se chevauchent. Ainsi, l’entreprise pourra commencer la conception technique du produit avant d’avoir finalisé le concept et défini les bénéfices offerts au client. Pour reprendre l’image de Takeuchi et Nonaka7, on passe d’une course de relais entre métiers dans laquelle chacun transmet le projet à l’autre lorsqu’il a terminé, à un match de rugby où chaque membre de l’équipe progresse en même temps.
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Ces types de processus sont souvent désignés sous le terme d’innovation concourante. Ils se caractérisent par une suite de décisions conditionnelles
puisque le passage à la phase suivante est autorisé de manière temporaire dans l’attente des conclusions des étapes en cours. Si les résultats sont positifs, cette approche aura permis d’accélérer le processus d’innovation. S’ils sont négatifs et le projet abandonné, elle aura consommé davantage de ressources puisqu’un nombre plus important d’étapes aura été commencé8.
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Cette approche conduit à des décisions complexes et génératrices de risques, qui exigent des managers compétents et expérimentés. Le gain de temps s’accompagne donc d’investissements supérieurs et d’une prise de risque accrue. C’est pourquoi on recommande souvent l’approche par chevauchement pour des produits peu innovants, de faible ampleur ou destinés à des marchés stables et à maturité9, tandis que l’approche séquentielle, plus longue mais plus facile à gérer, s’applique aux secteurs en évolution rapide, aux innovations radicales et aux grands projets.
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Récemment, Cooper a proposé une évolution du modèle Stage-Gate, intitulée l’« Agile Stage-Gate »10. Ce processus d’innovation allie les outils des méthodes agiles au Stage-Gate. Ce modèle hybride offre plusieurs avantages : il apporte une réponse plus rapide et plus pertinente aux besoins changeants des clients, une meilleure communication au sein des équipes d’innovation, une meilleure productivité du processus de développement et une mise sur le marché plus rapide.
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Au-delà des approches séquentielles et concourantes, le processus d’innovation peut être « tourbillonnaire »11 : le nouveau produit est non plus issu d’une approche fonctionnelle et cloisonnée, mais réalisé grâce à une action collective, inter-organisationnelle, intégrée au sein de réseaux d’innovation. L’accent est mis sur le processus itératif de la démarche d’innovation et sur l’importance de pouvoir passer rapidement des étapes d’identification d’opportunités aux étapes de tests, tout en ayant la possibilité de revenir en arrière. Cette approche repose sur l’obtention rapide et fréquente des informations de la part de la R&D et du marketing.
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La méthode « Agile Stage-Gate » chez LEGO
Lego Education, une entité du groupe Lego, a lancé en 2011 un projet innovant appelé le Story Starter. Il s’agit d’une solution éducative pour aider les enfants de l’école primaire à prendre confiance dans leurs activités de lecture et d’écriture. Le produit ayant des composants numériques (logiciel, accès en ligne), une nouvelle méthode de développement hybride a été mise en place. Cela a abouti au lancement réussi du nouveau produit seulement 12 mois plus tard.
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Le processus d’innovation était particulièrement complexe, car la nature hybride du produit engendrait de l’incertitude liée à un degré d’innovation élevé pour l’entreprise. Au départ, le projet a été géré selon le processus d’innovation traditionnel par étapes de LEGO (selon le modèle Stage-Gate). Ce modèle n’était toutefois pas adapté aux itérations de concepts et à l’interaction intensive avec les clients, le projet nécessitant de procéder à de nombreux essais clients. L’entité Digital Solutions de LEGO utilisait déjà les méthodes agiles pour le développement de logiciels. Lorsqu’il s’est agi d’intégrer un outil de documentation numérique pour documenter les expériences d’apprentissage des enfants, l’équipe du projet Story Starter a décidé d’introduire les méthodes agiles dans leur processus d’innovation. Cependant, elle ne souhaitait pas perdre les avantages du processus d’innovation par étapes. Elle a donc choisi de le conserver tout en mettant en œuvre la méthode agile. La fusion de ces deux procédés a conduit à l’apparition d’un modèle hybride, l’ « Agile Stage-Gate », applicable aux logiciels comme aux composants physiques.
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Ce modèle hybride a conduit à l’organisation de sprints, de réunions quotidiennes de 15 minutes, d’élaboration d’un cadre structurant les différentes étapes du projet (scrum), d’une liste des tâches à accomplir (backlog) et de création de journaux d’activité quotidiens. La méthode agile a été intégrée au projet pendant la phase de développement et s’est poursuivie pendant la phase d’implémentation. Lors de la phase de développement, des enseignants de plus de 50 écoles ont participé aux essais du produit. Des tests avec des enfants ont aussi été régulièrement réalisés. Le nombre de membres actifs de l’équipe, entre cinq et dix, a fluctué au cours du projet en fonction des expertises nécessaires. L’introduction de cette méthode hybride a permis une accélération remarquable du projet Story Starter, marquée par une augmentation de la productivité, principalement due à une meilleure communication au sein de l’équipe. En outre, les membres de l’équipe ont constaté une amélioration du flux de travail quotidien, en partie parce qu’ils se sentaient rassurés de savoir que leurs problèmes seraient facilement résolus lors de la réunion scrum du lendemain matin. Enfin, le modèle « Agile Stage-Gate » a favorisé une excellente communication entre les membres de l’équipe, malgré de fréquents déplacements et des tâches imprévues.
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À la suite de cette expérience positive, un deuxième grand projet d’innovation produit, More to Math, solution d’enseignement de la résolution de problèmes mathématiques au niveau élémentaire, a été développé de la même manière en utilisant le nouveau modèle hybride. Il s’est également avéré concluant. Depuis 2016, l’ensemble des nouveaux produits LEGO Education sont développés à l’aide de cette nouvelle méthode hybride.
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Source : ce cas est tiré de COOPER R. G., SOMMER A. F., « The Agile Stage-Gate Hybrid Model: A Promising New Approach and a New Research Opportunity », Journal of Product Innovation Management, vol. 33, no 5, 2016.
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2. Processus en entonnoir ou en tunnel ?
Du fait de ces décisions successives de poursuite ou d’abandon des projets, le processus d’innovation apparaît comme un entonnoir (funnel)12 qui consiste à éliminer des pistes à chaque étape. Pour s’assurer de lancer un nouveau produit, il faut disposer de nombreux projets initiaux dont seuls les plus pertinents seront poursuivis jusqu’à leur terme. L’élimination des projets permet d’allouer progressivement plus de ressources à ceux qui sont poursuivis.
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Cependant, il n’y a pas forcément d’élimination à chaque étape : on peut maintenir le même nombre de projets sur deux ou trois étapes, par exemple s’il faut terminer la conception des produits pour évaluer la capacité de l’entreprise à proposer les bénéfices envisagés dans différents concepts. Pour ce type de situations, on évoque un processus de développement en tunnel (tunnel) où plusieurs projets sont poursuivis en parallèle avant de faire une sélection. :167
3. Des processus de décision rationnels ou sociopolitiques ?
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À chaque étape, la décision de poursuite ou d’arrêt est en partie rationnelle. Elle s’appuie sur des critères établis au préalable. Elle est nourrie par des informations objectives, notamment les tests et les études marketing qui indiquent la réaction du marché au projet, les évaluations techniques de la capacité à concevoir le produit envisagé et des simulations financières liées à la rentabilité du produit en fonction des coûts engagés. Elle comporte une évaluation intrinsèque du projet et une comparaison avec les autres projets en cours.
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Cependant, les décisions revêtent également une dimension sociopolitique fondée sur les jeux d’acteurs13. Le projet d’innovation est mené par un responsable, souvent appelé « le champion de l’innovation », qui porte l’idée et s’identifie à elle. Son charisme influence le devenir du projet. Le champion multiplie les informations et les discussions avec les personnes intervenant à chaque étape du processus de manière à former des coalitions et à créer un large agrément autour du projet. Il emploie des arguments rationnels mais dans la mesure où, en matière d’innovation, les atouts du projet peuvent rarement être démontrés de manière simple ou indiscutable, il peut jouer sur les seuils d’acceptabilité des projets ou employer des arguments stratégiques pour mieux convaincre. Dans le cas emblématique du Walkman par exemple, le PDG de Sony, Akio Morita, a utilisé
l’incertitude relative à la taille du marché, qu’il jugeait sous-estimé, pour convaincre ses partenaires d’essayer et de commercialiser le produit à petite échelle.
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Au fur et à mesure qu’on avance dans le processus d’innovation et que les tests marketing et les simulations financières s’accumulent, les éléments objectifs permettant de recourir à des décisions rationnelles se multiplient. Si les processus sociopolitiques peuvent dominer au départ, ils ont donc tendance à diminuer. Cependant, les projets très innovants se heurtent à une incertitude persistante jusqu’à la fin du processus, notamment parce que l’évaluation du potentiel de marché et les tests marketing sont souvent peu fiables ; la dimension sociopolitique des décisions subsiste alors tout au long du processus.
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Le cas emblématique du Walkman de Sony14
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Le cas du Walkman, bien qu’ancien, illustre bien la coexistence des décisions rationnelles et sociopolitiques en matière d’innovation. C’est le président honoraire de Sony, Monsieur Ibuka, qui a l’idée en 1979 lorsqu’il voit dans les laboratoires un nouveau lecteur de cassettes miniature. Il pense alors à substituer des écouteurs aux haut-parleurs, ce qui va à l’encontre des priorités de l’époque centrées sur la qualité associée aux haut-parleurs et les fonctions d’enregistrement. N’ayant pas le pouvoir de lancer le projet, Monsieur Ibuka demande un assemblage rapide avec une paire d’écouteurs lourds et fait essayer le produit au président en exercice : Akio Morita. Ce dernier apprécie beaucoup le son et pense que l’appareil peut séduire les adolescents. Il lance la conception du produit.
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Les responsables du département magnétophone chargés du projet sont réticents devant les prototypes, satisfaisants au plan technique mais extrêmement coûteux : le prix de vente envisageable, de l’ordre de 190 euros, est nettement supérieur aux quelque 130 euros que les adolescents semblent prêts à payer pour un tel produit. Le responsable du projet, Monsieur Kuroki, organise alors une réunion avec le département et le P-DG devenu le véritable champion du projet. Mais le département est responsable des risques financiers et refuse de baisser le prix de vente envisagé. Akio Morita respecte ce veto. Il commence toutefois à diffuser l’idée que le Walkman n’est pas un magnétophone mais une nouvelle catégorie de produits ayant un potentiel important. Lors de nouvelles réunions, il obtient que le département essaie de réduire les coûts pour obtenir un prix de 150 euros puis de 125 euros.
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La première série de production décidée porte sur 60 000 pièces, un volume jugé très optimiste. À ce prix et en supposant que tous les exemplaires soient vendus, chaque unité entraîne une perte de 27 euros pour Sony. Le chef de production négocie avec le chef de projet pour acheter les composants nécessaires à la fabrication de ces 60 000 pièces mais
n’en produire que la moitié et aller plus loin si le premier lot se vend bien. Cela réduira les dépenses engagées. Tous les budgets sont réduits au minimum : une petite campagne de publicité assortie de quelques échantillons est prévue. Le lancement a lieu le 1er juillet 1979. Le produit est accueilli chaleureusement par la presse, mais les ventes sont quasiment nulles le premier mois. Elles démarrent en août. La première semaine de septembre, les 30 000 pièces fabriquées sont écoulées. Ce ne sont pas les adolescents qui achètent, mais les actifs (18-60 ans) et notamment les jeunes cadres aisés peu sensibles au prix. Sony oriente alors sa campagne de communication vers le style de vie, la qualité du son et l’innovation technologique. L’entreprise décide ensuite de lancer dans le monde entier la deuxième génération du produit, qui connaîtra un succès colossal.
4. La difficulté à interrompre les projets d’innovation et l’escalade de l’engagement
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Un autre facteur susceptible de défavoriser la rationalité des décisions prises est la difficulté pour les entreprises de se retirer des projets d’innovation et l’escalade de l’engagement. Alors qu’un processus d’innovation fondé sur la rationalité devrait conduire à l’abandon lorsque les signaux négatifs se multiplient, il n’est pas rare que les entreprises poursuivent le processus envers et contre tous les indicateurs. Parfois, cela aboutit à des résultats catastrophiques tant sur le plan financier que celui de l’image comme dans l’exemple de la plateforme de jeux vidéo, Stadia Games, développée par Google décrit ci-dessous. L’entreprise aurait pu arrêter le projet plus tôt mais a choisi de le poursuivre en engageant des ressources et en fragilisant son image. 0901
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En 2019, Google s’est lancé sur le marché du jeu vidéo grâce à une nouvelle plateforme : Stadia. Elle permet de jouer depuis un écran connecté à Internet, sans avoir besoin d’une machine dédiée (PC ou console). Cette version streaming du jeu vidéo, qui repose sur le cloud, permet de lancer un jeu en moins de cinq secondes sans avoir à le télécharger. Stadia propose à la fois ses propres jeux et la possibilité d’accéder à des jeux d’autres éditeurs. Néanmoins, Stadia nécessite une connexion fibre à très haut débit ainsi qu’une manette, un téléphone Google Pixel et une connexion à Android et Chromecast. Le catalogue de jeu restreint est accessible pour un montant de 10 euros par mois auquel l’utilisateur peut ajouter des jeux à prix neuf, souvent plus chers que chez les concurrents. Après 18 mois d’existence, Stadia n’a pas atteint les objectifs commerciaux. En 2021, Google a décidé d’arrêter les studios internes dédiés à la conception de jeux. La plateforme reste néanmoins fonctionnelle.
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L’escalade de l’engagement est fréquente dans le développement de nouveaux produits, et ce pour plusieurs raisons. Les investissements ne génèrent des revenus qu’à l’issue du projet, lors de la mise sur le marché, et se révèlent difficiles à valoriser si celui-ci est abandonné avant la fin. La présence d’un champion de l’innovation, par définition extrêmement engagé, joue également, dans la mesure où il souhaite mener le projet à bien et est souvent davantage sanctionné par un abandon du projet en cours de route que par un échec commercial, observé après son affectation à d’autres fonctions. Dans les entreprises circulent des histoires de nouveaux produits qui se sont révélés des succès malgré les difficultés rencontrées et où les champions ont réussi à « terrasser le dragon de l’inertie organisationnelle ». Royer15 a mis en évidence plusieurs facteurs qui favorisent l’escalade de l’engagement :
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– les entreprises en situation difficile ou ayant subi des pertes prennent davantage de risques pour tenter de se redresser ; – l’effet « des fonds perdus » les conduit à poursuivre pour ne pas avoir l’impression d’avoir gaspillé de l’argent, et ce de manière d’autant plus marquée que les investissements déjà engagés sont importants ; – la visibilité du projet en interne et en externe ainsi que son éventuelle médiatisation rendent le retrait délicat ; – la présence d’un modèle de référence, souvent un projet antérieur qui s’est soldé par un succès, incite à poursuivre le processus d’innovation jusqu’à son terme ; – l’institutionnalisation du projet avec la mobilisation de nombreux acteurs internes et son intégration dans la stratégie de l’entreprise rendent délicat un retour en arrière ; – l’articulation du projet avec d’autres décisions, par exemple le redéploiement des capacités de production ou l’investissement dans de nouveaux réseaux de distribution, élargit les conséquences d’un éventuel abandon ; – l’apparition d’un problème qui était prévisible incite le décideur à se justifier en allant au bout du processus ; – un fort degré d’innovation du produit en développement génère des incertitudes importantes laissant la place à l’ambiguïté dans l’interprétation des signaux négatifs reçus par l’entreprise à propos de
son projet. Ainsi, l’information financière sera ignorée ou réinterprétée lorsqu’elle est défavorable. De manière générale, l’escalade de l’engagement est plus présente pour les innovations de rupture en comparaison des innovations incrémentales16.
2 • LES FACTEURS INFLUENÇANT LA DÉMARCHE D’INNOVATION DES ENTREPRISES
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Plusieurs facteurs affectent le déroulement du processus. Ils sont liés à la nature du projet (son degré d’innovation et sa proximité avec les activités antérieures de l’entreprise), mais également à la culture de l’organisation, au délai assigné pour concevoir et commercialiser le nouveau produit ou service, et au type de marché auquel l’entreprise s’adresse.
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Trois catégories de facteurs clés de succès des innovations
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Pourquoi certains nouveaux produits ont-ils tant de succès ? Pourquoi certaines entreprises sont-elles plus performantes que d’autres en matière de développement de nouveaux produits ? Une étude révèle trois catégories de facteurs clés de succès :
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1. Les facteurs de réussite au niveau du produit. Ces facteurs, dits « tactiques », sont liés aux bonnes pratiques d’exécution (intégration de la voix du client ; travail intensif dans les phases amont du processus d’innovation (idéation et concept) ; orientation internationale ; bonne exécution du lancement produit), ainsi qu’à la nature du produit (proposition de valeur convaincante).
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2. Les facteurs de réussite au niveau de l’organisation. Il s’agit de facteurs organisationnels et stratégiques, tels que la stratégie d’innovation de l’entreprise, la façon dont elle prend ses décisions d’investissement en R&D, les ressources disponibles, la collaboration interfonctionnelle, la culture d’entreprise favorable à l’innovation et le soutien du top management.
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3. Les facteurs de réussite liés aux méthodologies mobilisées pour gérer le processus d’innovation, par exemple l’approche Stage-Gate, le développement agile ou encore les méthodes d’idéation.
Source : COOPER R. G., « The Drivers of Success in New-Product Development », Industrial Marketing Management, vol. 76, 2019.
• Le degré d’innovation du produit Quel que soit le degré d’innovation du projet, les phases de conception et de lancement sont essentielles dans le processus d’innovation. On observe en revanche des divergences sur les autres étapes, non pas tant sur leur nature que sur les méthodes et les critères employés17.
1. Des méthodes et des critères différents à chaque étape
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Pour les produits particulièrement innovants, l’évaluation de l’idée doit être centrée sur la réflexion stratégique interne, fondée sur les ressources et compétences de l’entreprise. Elle peut être pénalisée par une analyse extensive du marché potentiel du fait de l’incertitude qui le caractérise. L’absence de concurrents directs limite également l’analyse concurrentielle. L’inverse s’applique aux produits moins innovants : une analyse particulièrement soignée du potentiel de marché et de l’environnement concurrentiel favorise le déroulement ultérieur du projet.
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La phase de concept est toujours extrêmement utile. Cependant, plus le produit est novateur, plus le test de concept est délicat parce que les clients ont du mal à appréhender un produit ressemblant peu à ce qu’ils connaissent et à se projeter dans de nouveaux comportements. Il importe alors de vérifier soigneusement la bonne compréhension du concept avant le test lui-même.
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En matière d’études et de tests, les produits les plus innovants semblent bénéficier d’un recours à des méthodes qualitatives, visant à comprendre les perceptions, les moteurs et les freins à l’achat et à l’utilisation, plutôt que des méthodes quantitatives associées à des seuils d’acceptabilité fixés. Il convient alors d’interroger des clients hétérogènes afin de s’appuyer sur une diversité de perspectives, de compétences et d’expériences18, et de privilégier les clients en avance sur le reste du marché, appelés « utilisateurs-leaders » (lead users) ou les clients particulièrement créatifs (emergent consumers). On interrogera également des experts du secteur, souvent plus au fait des évolutions radicales susceptibles de survenir. À
l’inverse, les méthodes quantitatives appliquées à un grand nombre de consommateurs représentatifs du marché semblent particulièrement adaptées aux produits moins innovants consistant en des extensions ou des améliorations de produits existants.
2. Des méthodes particulières employées pour les innovations de rupture
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Afin d’affiner cette analyse, il semble important de se pencher sur le cas particulier des innovations de discontinuité et de rupture. Des auteurs américains ont mené une recherche auprès de 19 entreprises matures coutumières d’innovations de rupture réussies19. Ils ont montré que les processus de lancement des « innovateurs en série » revêtent quatre caractéristiques spécifiques qui leur permettent de surmonter les obstacles organisationnels pour créer et commercialiser avec succès ces innovations radicales. Ainsi, les processus de lancement :
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– ne sont absolument pas linéaires ; – souvent chaotiques au début, consomment beaucoup de temps et d’efforts lors des toutes premières phases ; – passent d’abord par des étapes chaotiques où les problèmes sont résolus progressivement puis par une phase de développement plus formelle et institutionalisée ; – sont proactifs pour créer l’acceptation par le marché.
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Dans le cas des innovations de rupture, l’acceptation par le marché est une vraie préoccupation. En effet, ces innovations présentent de nouvelles fonctions, sont perçues par les clients comme ayant un faible degré de substitution vis-à-vis des produits existants et génèrent de nouveaux comportements. En conséquence, les clients ont souvent besoin de temps pour comprendre en quoi elles consistent, ce qui réduit la fiabilité les méthodes d’études de marché traditionnelles20. Trois sources d’erreur peuvent apparaître dans les réponses obtenues lors des tests et des études :
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– les clients interrogés ont du mal à évaluer l’utilité des nouveaux bénéfices qu’ils retireront du produit : par exemple, il est difficile d’évaluer précisément l’intérêt d’une caméra filmant des images en trois dimensions par rapport à une caméra 2D ;
– ils sous-estiment les changements de comportement induits par l’adoption de l’innovation de rupture ; – pour évaluer l’intérêt du produit, ils doivent supposer acquis certains bénéfices associés au produit sans l’avoir essayé et sans disposer d’une information neutre qui n’émane pas de l’entreprise. En conséquence, les clients interrogés dans le cadre d’une étude font face à une incertitude très forte pour évaluer les bénéfices associés au nouveau produit, ce qui rend leurs réponses peu stables ou peu fiables.
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Cette spécificité des innovations de rupture explique que les professionnels du marketing soient souvent peu à l’aise avec de tels cas de figure. Cela impose d’adapter leurs méthodes à ce contexte différent. Ainsi, il peut être nécessaire de :
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– modifier les techniques d’interrogation dans le cadre des études de marché apparaît comme une première technique. Ainsi, Vellera21 a montré le rôle de l’imagerie mentale dans l’amélioration de la créativité des utilisateurs. Précédemment, Hoeffler22 a suggéré de recourir à la simulation mentale et à l’analogie avec d’autres produits. La simulation consiste à demander aux clients interrogés de penser pendant quelques minutes aux différentes sources d’incertitude associées à l’évaluation du nouveau produit qu’on leur demande de faire. Par exemple, on leur demande d’imaginer qu’ils utilisent le produit pour la première fois et de penser aux sources de facilité et de difficulté qu’ils ressentent pour apprendre comment l’utiliser. On peut également leur suggérer plusieurs scénarios d’utilisation du produit en leur demandant de s’imaginer dans une situation précise. L’analogie, pour sa part, consiste à demander aux clients de faire un parallèle avec d’autres innovations qu’ils ont achetées ou utilisées par le passé. Cependant, l’analogie est parfois source de confusion et peut conduire à inférer à l’innovation des caractéristiques qu’elle n’a pas. Les expériences montrent que la simulation, en particulier, améliore sensiblement la fiabilité des réponses données sur un concept de nouveau produit sans qu’il soit essayé ; – privilégier des méthodes d’analyse qualitative du marché, fondées sur l’ethnographie et l’entretien avec quelques clients, apparaît comme une deuxième piste. Il s’agit de s’imprégner des perceptions et des comportements des clients potentiels plutôt que de réellement tester le
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concept et le produit envisagés. Ces méthodes, qui seront décrites en détail dans le chapitre 4, consistent à nourrir « l’intuition des marchés futurs23 » que les responsables d’un projet d’innovation de rupture doivent avoir pour concevoir le produit ou service. Il s’agit donc plus ici d’intuition24 que de données chiffrées sur le marché à venir. Cette réflexion doit accompagner une analyse stratégique des compétences de l’entreprise. En effet, l’innovation radicale consiste à modifier l’environnement et il s’agit de créer un nouvel espace adapté aux forces de l’entreprise. L’entreprise adopte ainsi explicitement la démarche de création d’un nouveau marché ; – réaliser des tests formalisés avec les clients peut éventuellement apparaître dans un second temps lorsqu’un premier prototype est réalisé. Le soumettre à des clients connus de longue date et identifiés pour leur capacité d’innovation permet de comprendre comment ils pourront percevoir et utiliser le futur produit. L’apprentissage du marché est alors inductif. On peut également faire participer des partenaires ou des fabricants des produits complémentaires connaissant bien le marché ; – réduire les études pour privilégier un lancement itératif à petite échelle est également une pratique fréquente, notamment dans les secteurs de haute technologie soumis à une évolution extrêmement rapide. L’entreprise commercialise une première version proche du prototype. Elle effectue son apprentissage du marché à travers les réactions des clients et des distributeurs, puis modifie son produit et sa politique marketing en fonction des résultats du « test en grandeur réelle ». On assiste alors à un co-apprentissage, les clients découvrant le produit et apprenant à l’utiliser en même temps que l’entreprise observe leurs réactions25. Cette méthode semble particulièrement adaptée lorsque les clients ont besoin de beaucoup de temps pour bien comprendre l’intérêt que présente une innovation de rupture qu’ils n’attendaient pas forcément, dans le cadre d’une démarche « technology push » par exemple. Ce processus itératif est au cœur de la technique dite de « test and learn ». Il s’agit d’expérimenter, d’analyser, d’apprendre pour corriger, puis valoriser les résultats26. C’est également cette notion d’itération qui est au cœur de la démarche du design thinking.
Motorola a adopté cette approche pour le développement du téléphone cellulaire. Une première version a été commercialisée dans trois villes américaines en 1973 afin d’identifier les caractéristiques du produit les plus importantes pour les clients. L’entreprise a ensuite retravaillé le produit et a présenté de nouvelles versions successives en 1975, 1979 et 1981. Ces itérations lui ont permis de mieux comprendre le marché et d’évaluer son potentiel. C’est finalement en 1983, soit dix ans après la première version, que Motorola a proposé une version définitive du téléphone cellulaire.
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Toutes les entreprises ne sont pas en mesure d’adapter leurs méthodes et leurs organisations habituelles pour réussir une innovation de rupture. On croit souvent que les firmes absentes d’un secteur sont plus efficaces en la matière, parce qu’elles ne seront pas pénalisées par le changement de règles du jeu induit par l’innovation et que leurs raisonnements ne sont pas imprégnés des produits actuels. En fait, il n’en est rien. La présence antérieure dans le secteur n’affecte pas la capacité d’innovation radicale. En revanche la taille compte : les petites firmes lancent plus d’innovations radicales que les grosses, surtout parmi les sociétés absentes du secteur. À l’inverse, parmi les sociétés déjà présentes, les grosses entreprises innovent davantage que les petites27. :80.2
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La stratégie Océan bleu comme source d’innovation28
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Selon W. Chan Kim et R. Mauborgne, trop d’entreprises raisonnent en fonction de « l’océan rouge » en menant des batailles concurrentielles frontales et sanglantes qui s’inscrivent dans le marché existant et consistent à proposer des produits classiques aux clients actuels. Avec une telle approche, il leur est difficile de trouver des opportunités de croissance et les marchés évoluent vers des produits de commodité.
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Kim et Mauborgne recommandent à l’inverse la stratégie Océan bleu visant à appréhender des territoires inexplorés et à inventer une activité qui n’existe pas encore, en créant une nouvelle demande dans un espace stratégique non contesté. Au lieu de s’inscrire dans les frontières conventionnelles d’un secteur, il s’agit d’identifier des positions de marché inoccupées qui créent de la valeur pour le client.
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Les auteurs citent le Cirque du Soleil qui a réinventé le cirque en mettant en scène les trapézistes et les clowns avec des costumes originaux et des décors spectaculaires, tout en éliminant des sources de coûts importants, comme les numéros avec des animaux ; les clubs de golf Big Bertha de Callaway, avec une tête large et une surface de frappe étendue qui permet aux golfeurs d’obtenir des trajectoires plus droites ; NetJets qui offre les services d’un jet privé à moindre coût à travers des systèmes de propriété partagée…
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Ainsi, l’approche Océan bleu consiste à concevoir des activités originales d’une manière qui affecte à la fois la structure de coût de l’entreprise et la proposition de valeur faite aux clients. On
réduit ou supprime des éléments habituellement intégrés à l’offre. On crée de la valeur en introduisant des éléments que le secteur n’a jamais proposés.
3. L’approche du design
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De nombreuses entreprises ont identifié que le design contribuait positivement à l’innovation et aux performances de l’entreprise29. Elles cherchent alors à l’élever à un niveau stratégique et à le déployer, en utilisant des méthodes telles que l’innovation design-driven ou le design thinking. Le design thinking, méthodologie d’innovation inspirée du design, est formellement né à Stanford dans la Design School, et est aujourd’hui employé de plus en plus fréquemment dans les entreprises, notamment pour des projets que l’on souhaite à fort degré d’innovation. Cette méthodologie a été notamment popularisée par l’agence de design désormais très connue Ideo, qui définit le design thinking comme « une approche de l’innovation centrée sur l’humain, qui part des outils du design pour intégrer les besoins des gens, les possibilités de la technologie et les exigences des affaires30 ». 46.4
Elle repose sur un certain nombre de principes, qui sont illustrés dans le cas suivant :
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– une prise en compte très approfondies des besoins et des désirs des individus ; ceux-ci sont notamment appréhendés par des méthodologies d’observation des usages des produits et services existants ; – une perspective très large au début du projet, en allant s’inspirer de problématiques d’usage proches, mais dans des secteurs parfois très différents ; – la pluridisciplinarité dans les équipes31 ; celles-ci sont composées d’ingénieurs, de designers, mais également de spécialistes des sciences humaines, comme des sociologues, des psychologues, des anthropologues… ; – une itération des projets ; celle-ci démarre par la conception très en amont de prototypes, qui peuvent être très grossiers au début, mais permettent de se figurer ou de simuler l’usage. Les retours des utilisateurs peuvent alors servir à concevoir un prototype plus élaboré, puis un autre etc. Cela suppose notamment des techniques de prototypage rapides et bon marché (voir chapitre 5) ;
– une prise en compte de l’ensemble de l’expérience des utilisateurs, depuis la prise de connaissance, jusqu’à l’élimination du produit ou la fin de l’expérience de service, en passant par toutes les phases de l’utilisation. La méthodologie du design thinking32 vise à répondre à trois contraintes : la désirabilité (ce qui fait sens pour le consommateur), la faisabilité (ce qui est techniquement possible dans un futur proche) et la viabilité (ce qui permet de développer un projet économique rentable). Elle se déroule en trois grandes phases, qui peuvent elles-mêmes compter de nombreux allersretours :
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– une phase d’inspiration, qui consiste à identifier les circonstances à l’origine de la recherche d’une solution. Cela peut être un problème commercial, une insatisfaction des consommateurs, une technologie émergente… ; – une phase d’idéation, pendant laquelle des idées de solutions sont générées, testées et développées ; – une phase d’implémentation, où l’idée retenue sera finalisée et offerte sur le marché.
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Le design thinking, qui guide tout le processus (et pas seulement la phase de développement), permet souvent une forte différenciation par rapport à la concurrence, en s’appuyant sur une reconception globale de la prise en compte d’un usage, et non sur une logique d’incrémentation par rapport à des produits/services existants. Depuis peu, le design thinking intègre des préoccupations responsables33.
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Les approches de l’innovation par le marketing et le design sont alors complémentaires. Tandis que le marketing cherche à cerner la promesse centrale du produit innovant, à la valider auprès des acheteurs potentiels, et définit la valeur de l’innovation comme la valeur qu’elle apportera à l’entreprise sur un marché, le design, centré sur les utilisateurs, s’attache à définir la valeur pour les utilisateurs, et à concevoir le produit ou service capable de délivrer cette promesse de valeur34. Le processus créatif de design thinking s’exerce dans de multiples domaines, et auprès de divers types de clients. Avec ses designers, ingénieurs, web-architectes et artistes visuels, Idéo intervient dans des secteurs et des univers variés : de la création d’un portefeuille virtuel pour une banque à la mise au point
d’outils médicaux, comme des pompes à insuline jetables ou le design d’un vaccin transcutané sous forme de patch, de l’ouverture de magasins pour Samsung, à la mise en place de Divvy le système de vélo partage de Chicago, jusqu’à l’éducation.
CAS La conception du nouveau masque Easybreath par Decathlon
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Pour le grand public, les freins à la pratique du snorkelling sont nombreux : la respiration avec un tuba n’est pas naturelle et l’embout est jugé inconfortable. Le champ de vision d’un masque est étroit et la formation de buée altère la découverte des fonds marins. Face à l’identification de cette problématique d’usage, les équipes de Decathlon ont mis au point Easybreath, le premier masque intégral, pour « voir et respirer dans l’eau comme sur terre ».
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Les équipes de conception ont d’abord collecté des idées en observant les pratiques des plongeurs et des non-plongeurs. Elles ont également collecté des idées auprès de leur communauté grâce à la plateforme collaborative, Decathlon Creation.
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Elles ont ensuite développé une trentaine de prototypes pour mettre au point le produit. Ces prototypes fonctionnels ont permis de réaliser près de 50 tests, nécessaires à l’élaboration du masque. Ces tests ont été réalisés en grande majorité dans le centre de R&D des sports d’eau Decathlon. À la suite des tests effectués sur le premier prototype, l’équipe de conception a relevé une anomalie majeure provoquée par la courbure de la vitre, qui entraînait une perturbation de la vision et des nausées. Sur le deuxième prototype, le champ de vision a été solutionné, mais un problème de buée subsistait. De nombreux ajustements ont été réalisés pour améliorer la circulation de l’air dans le masque et trouver une solution qui n’altère ni le confort de respiration ni la vision. Le prototype final a ensuite été travaillé pour améliorer l’esthétique.
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Pour assurer sa diffusion sur le marché, l’enjeu a été de proposer un masque à un prix abordable. Un assemblage du masque par clip a été privilégié, plus rapide, donc moins coûteux en production. L’équipe de conception a ainsi réduit le prix de 25 %. Le masque Easybreath Subea by Decathlon est aujourd’hui disponible au prix de 25 euros. Source : www.decathlon.media
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Le design thinking, comme la co-création place le consommateur au centre du processus de développement de l’innovation.35 Ces deux méthodes sont comparées par Fabbri, Hemonnet-Goujot et Manceau36 dans une recherche qualitative menée chez un grand opérateur et fournisseur d’accès français. Le cas ci-dessous présente cette comparaison.
CAS Design thinking vs crowdsourcing
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Un grand opérateur et fournisseur d’accès français souhaitait générer des idées de nouveaux outils ludo-éducatifs en optant pour des méthodes centrées sur les utilisateurs : deux méthodes de design thinking avec une agence de design d’une part et une méthode de cocréation par crowdsourcing d’autre part ont été mises en œuvre. Les auteurs montrent que les deux démarches sont apparues complémentaires dans la phase d’idéation. Le crowdsourcing permet de générer un grand nombre d’idées au regard du temps investi et d’identifier les tendances du marché, sans être toutefois plus rapide ou plus économique. Le design thinking apparaît, quant à lui, comme une grille d’analyse pertinente pour donner du sens aux idées générées par le crowdsourcing, mais ne propose pas toujours de solutions opérationnelles. Le crowdsourcing créatif a permis à l’opérateur d’obtenir un nombre important de nouvelles idées et de propositions concrètes et originales (vidéos, images 3D, dessins) bénéficiant au consommateur, telles qu’une loupe connectée ou un objet communicant en forme de pomme. Il a également favorisé la capacité d’innovation des entreprises grâce à sa fonction de réassurance. Il a permis de réactiver et de légitimer des idées que l’opérateur avait déjà eues et qu’il n’osait pas lancer.
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Le design thinking, quant à lui, s’est caractérisé par une approche plus abstraite, prospective et convergente. Quatre story-boards proposant différents scénarios d’usage sous forme de bande dessinée ont été soumis à l’opérateur. Il s’agissait d’apporter une vision dynamique de l’usage des offres ludo-éducatives en intégrant l’expérience de l’utilisateur et les problématiques d’usage dans la phase d’idéation. Le design thinking s’avère également être une démarche pertinente pour développer la capacité d’innovation des entreprises, la grille d’analyse pouvant être réutilisée sur d’autres projets d’innovation. Cette recherche suggère que les deux méthodes de crowdsourcing et de design thinking peuvent être utilisées conjointement pendant la phase de création d’idées.
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Source : FABBRI J., HEMONNET-GOUJOT A. et MANCEAU D., 2016.
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4. Les spécificités du processus d’innovation dans les services
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De nombreux auteurs soulignent que les processus d’innovation dans les services sont moins formalisés et comportent moins d’étapes que dans le domaine des biens tangibles. Ce processus peut être décliné en trois phases principales (tableau 3.2).
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Tableau 3.2 – Le processus d’innovation dans les services
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Sources : JALLAT F., « Le management de l’innovation dans les entreprises de services », in BLOCH A., MANCEAU D., Vuibert, 2000 ; ETTLIE J. E., ROSENTHAL S. R., « Service Versus Manufacturing Innovation », Journal of Product Innovation Management, vol. 28, no 2, 2011.
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Dans les services, l’adhésion et la participation du personnel en contact sont cruciales. Il convient donc de s’interroger sur l’impact du déploiement du nouveau service sur la nature et la difficulté de la tâche du personnel en contact. Le cas échéant, il est nécessaire de prévoir un plan de formation adéquat afin de familiariser l’ensemble des personnels au nouveau service.
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Depuis 2016, le groupe Eram (détenteur des marques Eram, Bocage et Gemo) a choisi d’équiper ses vendeurs de tablettes. L’objectif est multiple. Il s’agit de répondre aux clients souhaitant commander depuis la boutique un produit lorsque celui-ci est indisponible en point de vente, de permettre aux équipes de vente d’avoir accès à l’ensemble du catalogue produit, et de procéder à l’encaissement mobile. Cette digitalisation de la force de vente renforce la relation de proximité avec le client. En visualisant l’état des stocks, le lieu de disponibilité du produit et les modes de livraison, le vendeur peut apporter une solution sur mesure au client et l’accompagner jusqu’à l’achat. Pour s’approprier cette nouvelle technologie, les vendeurs ont bénéficié d’une formation avancée à l’utilisation de l’outil37.
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• La cohérence entre le projet d’innovation et les activités antérieures de l’entreprise
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Au-delà du degré d’innovation intrinsèque du produit par rapport au marché, le processus d’innovation est affecté par son degré d’innovation
pour l’entreprise. Autrement dit, le contenu et la complexité des différentes étapes seront sensiblement différents selon que l’entreprise peut ou non s’appuyer sur ses activités antérieures et capitaliser sur les connaissances, l’expérience et les ressources qu’elle a déjà développées par le passé.
EXEMPLE
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Le développement et le lancement de la X-Box ont impliqué un apprentissage important et un processus complexe pour la société Microsoft. Cette console de jeu était le premier produit de hardware qu’elle concevait. En outre, Microsoft s’adresse habituellement à une clientèle d’adultes, professionnels ou particuliers qui recherchent à travers ses produits de l’efficacité et pas tellement d’amusement. Il a donc fallu construire une nouvelle image pour la X-Box. En comparaison, la tâche a été plus facile pour Sony lors de la préparation de la PlayStation du fait d’une proximité accrue entre les matériels hi-fi et les consoles de jeu, une cible d’adolescents et de jeunes adultes, et grâce à une image de performance technologique associée au hardware.
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Il s’agit ici d’analyser les différentes synergies possibles entre la nouvelle activité et les anciens produits, en s’aidant de la matrice d’Ansoff. Bien entendu, ces synergies doivent être recherchées pour simplifier le processus et réduire les coûts. Les choix marketing de l’entreprise peuvent d’ailleurs aider à les maximiser, en optant par exemple pour une marque existante ou en privilégiant un segment de clientèle habitué des anciens produits. Cependant, un excès en la matière peut également conduire à un risque de cannibalisation des anciens produits si le nouveau produit offre les mêmes fonctions et s’adresse aux mêmes clients à travers la même marque et les mêmes circuits de distribution.
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1. La matrice d’Ansoff, outil d’analyse de la proximité entre l’innovation et les anciens produits
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La cohérence entre le projet et les produits antérieurs de l’entreprise peut être analysée à travers deux critères :
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– La catégorie de produits : l’innovation entre-t-elle dans une catégorie de produits que l’entreprise commercialisait déjà ? – La clientèle : l’innovation s’adresse-t-elle aux clients antérieurs de l’entreprise ou à de nouveaux clients ?
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En distinguant deux cas de figure sur chaque critère, on aboutit à quatre catégories d’innovation pour l’entreprise, schématisées dans la matrice du
tableau 3.3. Tableau 3.3 – Le degré d’innovation pour l’entreprise (d’après la matrice d’Ansoff)
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– Un produit de fidélisation est une innovation s’inscrivant dans les catégories actuellement couvertes par l’entreprise et s’adressant à ses clients antérieurs. Ainsi, lorsque la société Clarins lance en France un nouveau produit cosmétique à destination des femmes, il s’agit de les fidéliser. L’entreprise peut alors s’appuyer sur sa connaissance technique de la catégorie de produits et sur sa connaissance marketing du marché visé. Dans le processus de développement, les phases d’évaluation de l’idée, de préparation du concept et de conception du produit sont facilitées par la connaissance que l’entreprise a du secteur et du marché. Si le produit est commercialisé sous une marque existante, le lancement est facilité par sa notoriété et son image. – Un nouveau produit relève de la vente croisée s’il s’agit d’une nouvelle catégorie à destination de la clientèle habituelle de l’entreprise. Ainsi, lorsque Louis Vuitton a lancé une gamme de parfums, la marque s’adressait aux clients de ses produits précédents (bagages, maroquinerie, souliers), mais entrait dans une nouvelle catégorie, et utilisait un savoirfaire très différent. De même, lorsqu’Honda a lancé sa tondeuse robot Miimo, elle s’adressait potentiellement à la fois aux consommateurs de véhicules de la marque et aux amateurs de technologie et du robot humanoïde Asimo. Dans ce cas de figure, l’entreprise doit développer un double apprentissage : la technologie liée à la conception et à la fabrication d’un nouveau type de produit et la connaissance des attentes de ses clients face à la nouvelle catégorie. Elle doit également construire des capacités de production de la nouvelle catégorie et, parfois, développer des relations avec de nouveaux canaux de distribution.
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– Un nouveau produit élargit la clientèle s’il s’adresse à de nouveaux types de clients tout en s’inscrivant dans une catégorie habituelle de l’entreprise. Il peut s’agir d’un nouveau segment de clientèle, tel Pommery développant un nouveau champagne (Pop) destiné à une clientèle plus jeune, ou Citroën proposant sa nouvelle voiture sans permis Ami accessible dès l’âge de 14 ans. Il peut également s’agir d’un nouveau marché géographique associé à une stratégie d’exportation, comme la marque Michel et Augustin qui exporte, entre autres, en Chine et à Dubaï. De même, l’entreprise française de box de méditation Morphée qui s’étend en Europe et investit les États-Unis depuis 2021, ou le fabricant de mobilier de jardin Fermob qui s’intalle en Chine. L’entreprise s’appuie sur sa maîtrise technique de la catégorie, ce qui l’aide lors de la phase de conception. Elle doit toutefois développer sa connaissance des nouveaux clients et distributeurs (taille du marché, attentes, besoins, motivations) et acquérir une légitimité à travers la performance de ses produits, la construction de sa marque et tous les éléments de sa politique marketing. Ainsi, Michel et Augustin a adapté une gamme de produits destinée à la Chine d’une part et aux pays arabes d’autres part. Les recettes et les packagings ont été repensés pour correspondre aux habitudes de consommation de ces pays. Dans de tels cas de figure, un soin particulier doit être apporté à la phase d’élaboration et de test du concept, ainsi qu’au choix des conditions de mise sur le marché. – Le quatrième cas de figure correspond à une diversification de catégorie et de clientèle. Ainsi, la maison de couture Armani s’est lancée dans la conception et la fabrication d’ameublement d’intérieur. Cela exigeait le recours à de nouveaux procédés de fabrication, visait une nouvelle clientèle, et surtout la mise en place de nouveaux circuits de distribution. Un tel projet s’appuie sur un minimum de synergies et implique un processus d’innovation complexe et risqué. L’entreprise ne peut s’appuyer ni sur sa compétence technique dans la catégorie ni sur sa connaissance de la clientèle. Les entreprises font souvent appel à des partenaires pour réaliser de tels projets et ont parfois recours à la croissance externe.
Premier groupe de divertissement au monde, Disney s’est développé dans les quatre catégories d’innovation. Le groupe fidélise ses clients en lançant régulièrement de nouveaux dessins animés, comme Encanto en 2021. Disney a également élargi sa clientèle en proposant des films à destination des adultes grâce notamment aux franchises Marvel et Star Wars. Le groupe propose également des ventes croisées en offrant un service de streaming, Disney +, à ses clients actuels. Enfin, Disney s’est diversifié avec la création de parcs d’attraction, comme Disneyland Paris ou Shanghai Disney Resort.
2. Les synergies possibles La matrice d’Ansoff permet d’identifier les synergies sur lesquelles l’entreprise peut s’appuyer pour développer et lancer son innovation :
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– La clientèle visée permet des synergies liées à la connaissance des clients par l’entreprise, ce qui réduit les études à faire pour évaluer la pertinence de l’idée initiale et imaginer des bénéfices-clients en phase de concept. – Si le nouveau produit s’appuie sur une marque préétablie, le lancement est facilité par sa notoriété et son image auprès des clients visés. Ainsi, Bonne Maman n’a pas eu besoin d’investir massivement en communication pour expliquer que ses biscuits avaient un goût proche des biscuits faits maison et les rattacher à une évocation de tradition familiale, puisque la marque qui les portait évoquait déjà ces valeurs à travers ses confitures. La présence d’une marque connue favorise l’essai du nouveau produit par les consommateurs et le référencement par les distributeurs. Cela réduit les coûts de lancement. C’est pourquoi les entreprises lancent souvent leurs nouveaux produits sous une marque existante, même si cela réduit le degré d’innovation perçu du produit. Cette stratégie sera abordée en détail dans le chapitre 7 consacré aux stratégies de lancement. – Certaines synergies fondées sur les compétences techniques facilitent la conception du nouveau produit s’il entre dans la même catégorie que les activités antérieures ou contient une technologie commune. Ainsi, en son temps, Hewlett Packard a utilisé la technologie d’impression à jet d’encre de ses imprimantes pour fabriquer des fax. De même, Samsung s’appuie sur ses deux piliers, l’innovation et la connectivité, pour créer des synergies entre ses différentes catégories de produits – de la télévision au smartphone en passant par les appareils ménagers et la domotique.
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– Des synergies relatives aux sites de production et aux infrastructures permettent de réduire les coûts de fabrication du nouveau produit. Les constructeurs automobiles travaillent ainsi à l’élaboration de plateformes de fabrication communes à plusieurs modèles. De même, le service ferroviaire Ouigo de la SNCF utilise des rames et des rails disponibles. – Enfin, les canaux de distribution antérieurs peuvent être exploités, facilitant le lancement du produit et générant parfois des économies. Lorsque Midas propose de changer les plaquettes de frein dans les mêmes garages que les pots d’échappement, l’entreprise s’appuie sur son réseau de distribution. Lorsqu’une entreprise ne mobilise pas suffisamment les atouts précédents lors du lancement d’une innovation, les risques sont évidemment très nombreux.
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• La culture de l’entreprise
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Les facteurs d’influence du processus d’innovation évoqués jusqu’ici relèvent du projet lui-même et de son degré d’innovation par rapport au marché et à l’entreprise. Cependant, indépendamment du projet, le processus est influencé par l’entreprise qui l’accueille. De nombreux travaux en organisation et en stratégie ont cherché à comprendre pourquoi certaines entreprises parviennent mieux que d’autres à faire naître et grandir l’innovation, à la maintenir dans la durée38. Ils ont mis en évidence plusieurs éléments de culture organisationnelle favorables. Le rôle des RH est souvent questionné39. Dans la mesure où ces éléments relèvent davantage de l’organisation que du marketing, nous ne les abordons que brièvement et nous invitons le lecteur à lire des ouvrages et articles de stratégie et management s’il souhaite approfondir la question.
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1. Le rôle du dirigeant
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Le dirigeant joue souvent un rôle clé dans la dynamique d’innovation. le Su
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Lors d’une journée de présentation et de test de prototypes réunissant les développeurs de produits avec le PDG de la société Salomon, un des développeurs parla sans grande conviction d’un de ses projets, un « demi-ski » : « C’est un gadget, il n’existe pas vraiment de marché pour
ce produit, c’est un jouet. » Chacun souhaita alors voir l’objet. Pendant une demi-heure, le groupe l’essaya et y prit plaisir. Pourtant, la journée de tests se poursuivit sans que le sujet soit abordé à nouveau. C’est le PDG qui en reparla et relança le sujet. Il dut insister pour que cette piste soit poursuivie. L’année suivante, Salomon vendit plus de 100 000 paires de Snowblade40.
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Cet exemple est emblématique de l’importance de plusieurs éléments culturels propices à l’innovation. L’innovation est d’abord une question de culture et d’acceptation de la prise de risque. C’est souvent le dirigeant lui-même qui insuffle cet esprit en interne. Dans l’exemple de Salomon, on pourrait s’étonner que le PDG d’une grande entreprise prenne une journée de son temps pour assister à des tests de prototypes. Il encourage les idées qui vont à l’encontre de la vision habituelle du secteur (des « demi-skis »). On retrouve le rôle du leader dans de nombreux récits d’innovation, que celui-ci en soit à la source même (Bill Hewlett et Dave Packard chez HP) ou qu’il crée un climat favorable (Monsieur Ibuka chez Sony, Steve Jobs chez Apple, James Dyson chez Dyson, Elon Musk chez Space X et Tesla). Le dirigeant stimule un sens de la communauté autour de l’innovation et promeut auprès de ses collaborateurs une forme de turbulence, d’opportunisme et de plaisir associé aux nouveaux produits, créant ainsi un enthousiasme des équipes sur ce qu’elles sont capables de faire, une certaine fierté et la volonté de réussir41.
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Ainsi, la culture d’orientation marché, selon laquelle le marché devient la source d’information fondamentale et conditionne la stratégie d’innovation, est favorisée par la posture du dirigeant. Le choix du leader, influencé par son profil sociodémographique, son profil psychologique, son style de leadership et son mode de résolution de conflit, est alors décisif pour favoriser ou non la diffusion de cette culture au sein de l’entreprise42. nque
2. Interactions et décloisonnement
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Une culture favorable à l’innovation se caractérise également par la souplesse, l’interaction, le partage de l’information, un fonctionnement décloisonné, la capacité à se confronter aux problèmes à résoudre et une culture collective favorisant le travail de groupe. Il faut disposer de connaissances approfondies sur les possibilités techniques et sur leur contexte d’application, et favoriser une confrontation fructueuse des points de vue43. On retrouve l’importance des interactions entre le marketing et la R & D, déjà évoquée au début de l’ouvrage. Les organisations qui
souhaitent favoriser l’innovation doivent stimuler le partage et la confrontation de manière formelle et informelle. L’exemple qui suit illustre la stimulation de l’innovation chez Pixar. Le rachat de ce dernier par Disney n’a pas entamé les principes de cohésion et de synergie des équipes qui fondent la génération d’idées innovantes44.
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Chez Pixar, le processus de développement d’un film est basé sur des principes très forts de cohésion et de synergie entre les différentes équipes (animation, éclairage, musique, effets sons…). L’ensemble des équipes est fortement encouragé à présenter de façon très fréquente les différents projets en cours de développement. Une présentation a ainsi lieu quotidiennement au sein de l’entreprise. Ceci permet de réduire les phases où le développement doit être repris, en intégrant à chaque micro-étape les retours de chacun sur chaque séquence de film. L’entreprise travaille sur très peu de projets simultanément, et les employés sont poussés à améliorer ensemble les idées existantes plutôt que d’utiliser leur temps à développer individuellement des idées nouvelles. Ils peuvent consacrer jusqu’à quatre heures par semaine à se former. De façon emblématique, le programme de formation interne est baptisé alienus non diutus (plus jamais seul). Même l’aménagement des locaux a été pensé pour que les employés se croisent le plus fréquemment possible.
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Source : HART M., « From Mediocre Concepts to Very Successful Launches-Insights from Pixar on Developping Great Products », Visions, PDMA, 2010, vol. 34, no 3, 2010.
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Les équipes en charge de l’innovation doivent se caractériser par leur flexibilité, une hiérarchie légère et des procédures susceptibles d’être contournées. Le personnel est incité à explorer en permanence de nouvelles idées et, si nécessaire, à enfreindre les règles. Il s’agit de tolérer la dissidence. Chez Google, par exemple, les chercheurs peuvent consacrer 20 % de leur temps à des projets d’intérêt personnel.
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3. L’équilibre entre exploration et exploitation
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Cependant, si ces caractéristiques favorisent l’innovation, elles peuvent nuire à son exploitation rentable. La culture organisationnelle doit donc trouver un équilibre entre exploration et exploitation45 : l’exploration se caractérise par la recherche, le changement, la prise de risque, l’essai, l’amusement, la découverte ; l’exploitation évoque la précision, la décision, l’efficacité, l’application, l’exécution. Des entreprises trop tournées vers l’exploration sont créatives mais très coûteuses. Celles qui sont fondées sur la seule exploitation sont peu aptes à l’innovation. L’équilibre est délicat à articuler : favoriser l’exploration en phase de créativité, puis repérer les
projets qui émergent et choisir les plus pertinents pour les exploiter efficacement. Les grandes entreprises existant de longue date, qui sont souvent des bureaucraties mécanistes46, sont peu propices à l’exploration. Il faut donc modifier leur fonctionnement habituel pour permettre la zone de liberté nécessaire à l’innovation. On parle alors d’intrapreneuriat, lorsque l’on reproduit les conditions d’une création d’entreprise nouvelle dans un contexte d’un groupe existant.
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Le site ColivMe est né d’une initiative d’intrapreneuriat portée par BNP Paribas Real Estate. En 2018, deux collaborateurs de la branche immobilière de BNP Paribas ont eu l’idée de proposer une place de marché d’offres de coliving. Respectivement fund manager à l’Investment management et responsable développement à la promotion Résidentiel, ils ont intégré l’incubateur du groupe BNP Paribas, BivwAk !, où ils ont développé leur projet pendant six mois en mode start-up. En juin 2019, encore en période d’incubation, ColivMe a reçu le prix du Public lors des Futur Awards 2019, qui récompensait des projets innovants à fort impact sociétal. ColivMe facilite l’accès au logement en recensant l’ensemble des offres de coliving en France sur une seule et même plateforme. En 2020, Colivme.com est devenu le site de référence d’annonces de logement en coliving.
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Une autre piste fréquemment utilisée est de créer une liberté géographique à travers des « isolats », structures externalisées dans lesquelles des équipes dédiées ont pour mission de faire aboutir un projet. C’est ainsi que sont nés le PC chez IBM, Nespresso chez Nestlé, et France Info chez Radio France. Un chef de projet est détaché avec ses équipes et dispose d’un délai donné pour faire émerger l’innovation. Une alternative consiste à créer de la liberté temporelle : l’entreprise décide de faire émerger toutes les pistes d’innovation sans aucun contrôle pendant quelques semaines. La section 3 du présent chapitre est consacrée aux modes d’organisation favorables à l’innovation.
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Les ateliers « putois »
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Pour innover rapidement et favoriser les innovations radicales, de nombreuses entreprises ont créé des « ateliers putois ». Plus connus sous l’anglicisme skunkworks, ces ateliers se
caractérisent par trois éléments : le secret absolu, leur autonomie totale par rapport à l’organisation centrale de l’entreprise, et la protection directe de la seule direction générale. L’organisation skunkworks a été explorée la première fois en 1943 par l’entreprise Lockheed Martin. Le constructeur américain construisit en seulement 143 jours (sept jours de moins que la date fixée pour le projet) le premier Jet XP-80 capable de dépasser 800 km/h. Le top management de Lockheed Martin qui commandita le projet nomma une équipe d’ingénieurs, qu’il localisa dans une tente sur un terrain éloigné de l’organisation centrale. Par référence à l’odeur qui imprégnait la tente et à l’exclusion des collaborateurs confinés au plus grand secret, le projet fut baptisé « atelier putois ». Inspirés par le succès de Lockheed, d’autres entreprises dans divers secteurs ont fait du skunkworks leur tremplin pour l’innovation. En high-tech, Google a développé le Google X Lab et Apple le Design Lab de Macintosh, dans les biens de grande consommation et la distribution, Motorola a développé le Razr et Nike l’innovation kitchen. Dans l’automobile, Ford, Audi et Michelin ont également eu recours aux skunkworks.
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La fonction marketing joue un rôle structurant dans le succès des skunkworks. L’inclusion systématique de la fonction marketing dès les premières phases de travail favorise l’orientation marché et prépare la possible commercialisation des innovations réalisées par le skunkworks. De plus, les compétences de la fonction marketing créent les conditions favorables à l’intégration des bénéfices du skunkworks dans l’organisation centrale47.
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Un autre élément fondamental est la capacité de l’entreprise à savoir capitaliser sur ses expériences antérieures d’innovations, que celles-ci aient abouti ou non. La R&D est par essence un système d’apprentissage caractérisé par l’essai, l’erreur et la réitération d’essai.
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Mais l’entreprise développe également un apprentissage pour le travail en équipes plurifonctionnelles et la cohésion des équipes-projet, la détection et la correction des erreurs, l’ordonnancement et le traitement des problèmes, ou encore la recherche de combinaisons nouvelles. L’apprentissage doit être à la fois individuel et collectif48. On parle alors d’entreprise apprenante. Cependant, parce que l’apprentissage exige du temps, il est parfois freiné par la volonté actuelle des entreprises de raccourcir les délais de conception des nouveaux produits. ure d
4. L’intégration du développement durable
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Enfin, la présence d’un département RSE-développement durable exprime la culture de l’entreprise ou tout du moins son positionnement. Les contraintes et les opportunités du développement durable orientent la démarche d’innovation dans son ensemble et certainement les choix marketing (sélection des idées) et de R&D. Lorsque Renault crée la Zoé,
Malongo la machine ek’oh ou Patagonia ses vestes polaires, au-delà de la satisfaction des besoins des consommateurs ou de la défense d’une position concurrentielle, ce sont les préceptes du développement durable et de la responsabilité sociétale qui guident le processus d’innovation.
FOCUS Définition de l’innovation responsable L’innovation responsable a pour objet d’intégrer, tout au long du processus d’innovation, des mesures favorisant le respect de l’environnement, l’utilisation de matériaux non polluants, le tri des déchets, le recyclage, la protection des ouvriers, des clients, des collaborateurs, etc. Elle vise également à évaluer les conséquences d’une innovation.
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Xavier Pavie49, enseignant-chercheur et expert en innovation responsable, insiste sur trois questions permettant de comprendre cette notion de façon opérationnelle et d’identifier les endroits où agir : faut-il toujours répondre aux besoins des individus ? Quelles sont les conséquences directes des innovations sur les consommateurs ? Quelles sont les conséquences indirectes des innovations sur la société ?
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Les équipes marketing s’efforcent de détecter les besoins des consommateurs et d’apprécier s’ils constituent un marché justifiant de s’y investir. Mais dans le même temps, elles doivent se demander s’il est responsable de répondre à ces besoins au-delà des promesses de rentabilité. Par ailleurs, l’entreprise doit questionner /anticiper les conséquences à long terme de l’innovation (produit ou service) sur la santé ou le mode vie de l’utilisateur. Là encore, il faut aborder ces questions en dépassant les limites économiques court-termistes de l’entreprise. Enfin, si une innovation concerne directement ses clients, elle peut également avoir un impact sur la société et ses acteurs.
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La proposition de l’innovation responsable est donc celle d’innover conformément à des processus qui s’articulent autour de la performance et du leadership, mais aussi à des méthodes qui préservent l’intégrité de l’écosystème, de l’idée à la fin de vie du produit ou son recyclage. On parle alors d’éco-conception, processus mené conjointement avec les ingénieurs, les marketeurs et les responsables du développement durable.
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Une étude50 réalisée auprès de dirigeants d’entreprises et de répondants internationaux de tout secteur, intitulée « Innovation + Développement durable = nouveaux business models », montre l’impact du développement durable sur les stratégies d’innovation. Le cas suivant décline sept idées structurantes que l’on retrouve dans les préceptes de l’éco-conception.
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Innovation et développement durable
1. Intégrer le développement durable dans les stratégies d’innovation constitue un enjeu majeur mais fortement déstabilisant pour l’entreprise. 2. L’innovation durable est abordée comme une démarche incrémentale avant de générer de nouveaux business models. 3. Organiser l’innovation durable exige de remettre à plat les stratégies et les choix d’organisation. 4. Implémenter l’innovation durable suppose de recourir à de nouvelles compétences et à de nouveaux critères d’évaluation. 5. Pour favoriser l’innovation durable au sein de l’entreprise, deux acteurs jouent un rôle clé mais ambigu : le consommateur final et l’État. 6. Le développement de l’innovation durable demande d’apprendre de ses échecs pour mieux réussir à travers une démarche itérative. 7. L’innovation durable nécessite de changer d’échelle et de faire émerger des écosystèmes d’innovation durable.
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Source : ACOSTA P., ACQUIER A., CARBONE V., DELBARD O., FABBRI J., GITIAUX F., MANCEAU D., RONGE C., 2013.
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Le schéma de la figure 3.1 met en exergue les axes à exploiter et le partage organisationnel pour une innovation durable réussie.
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Figure 3.1 – L’organisation de l’innovation durable
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Source : ACOSTA P. et al., op. cit.
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• Les délais de développement du nouveau produit
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1. La préoccupation omniprésente des délais
Depuis plusieurs années, les entreprises cherchent à réduire leurs délais de conception des nouveaux produits. Ce facteur, appelé time to market en anglais, est jugé essentiel pour plusieurs raisons : la réduction de la durée de vie des produits sur le marché, la volonté de répondre au plus vite aux attentes des clients, l’évolution accélérée des technologies, la concurrence accrue qui repose de plus en plus sur la rapidité.
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En 2019, le groupe Renault a introduit le programme FAST (Future-ready At Scale Transformation, ou Transformation d’échelle pour le futur). Alors que le développement d’une nouvelle voiture peut prendre cinq ans entre la naissance du projet et sa commercialisation, l’objectif est de ramener ce délai à trois ans. Cela permettra de rester au plus près des attentes des clients tout en optimisant les coûts de R&D et en réduisant les coûts fixes de 5 %51.
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Cependant les études indiquent que l’accélération du délai de développement n’est pas systématiquement liée au succès du nouveau produit. En effet, lorsque le degré d’innovation technologique est élevé, la relation entre le délai du processus d’innovation et le succès du nouveau produit est curvilinéaire (courbe en U inversé)52.
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De fait, cette rapidité d’innovation a des contreparties. Le processus d’innovation apparaît comme un arbitrage entre d’une part les délais de développement que l’on souhaite les plus courts possibles et, d’autre part :
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– les coûts de développement : une étude célèbre de McKinsey indique que le doublement des dépenses de R&D engendre une baisse des profits de seulement 3,5 % alors qu’un retard de six mois conduit à une baisse dix fois plus forte (– 32 %) ; elle recommande donc de privilégier la rapidité, même au prix d’investissements accrus ; – les performances du nouveau produit et son degré d’innovation : un développement accéléré exige de réduire ses ambitions quant au différentiel de performances entre les produits existants et celui que l’on crée. En outre, l’innovation radicale exige souvent du temps et une modification profonde de la démarche d’innovation. La volonté de développement rapide diminue le nombre des innovations radicales au profit d’innovations plus marginales ; – les risques associés au lancement : la multiplication des tests techniques et marketing (qui allongent le processus) permet de mieux garantir la
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fiabilité du produit et sa cohérence avec les attentes du marché. La suppression de certaines étapes de développement peut réduire la visibilité sur les erreurs de développement ; – la prise en compte des préceptes du développement durable : la notion de durabilité (ou soutenabilité) désigne la capacité d’une organisation ou d’un individu à assurer sa pérennité. Une certaine contradiction peut donc être soulignée entre l’innovation, qui évoque un renouvellement fréquent, et le durable, qui exprime une conservation dans le temps. La réalité estelle aussi tranchée ? L’innovation est-elle systématiquement éphémère et le durable est-il vraiment stable ? Selon Acquier et al.53, « l’innovation de demain se doit d’être durable dans les deux sens du terme : porteuse de pérennité pour l’entreprise et son activité, et porteuse de pérennité pour la société en général. Il s’agit bien pour les entreprises d’intégrer les nouveaux enjeux environnementaux, sociaux et économiques dans leurs démarches d’innovation pour se préparer à une transformation plus large de leurs organisations, de leurs métiers et de leurs marchés ».
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Comme le disent les auteurs, la question des temporalités est centrale dans la définition même du développement durable et cruciale dans la réussite des projets d’innovation. Anticiper les impacts d’un projet d’innovation sur les plans environnemental et social demande de prendre le temps d’y réfléchir, de prendre du recul, ce qui n’est pas toujours évident dans les organisations soumises à une forte pression des délais. C’est ainsi qu’il apparaît nécessaire de faire évoluer les indicateurs et critères d’évaluation traditionnellement utilisés dans les entreprises pour s’adapter à cette notion de temps long. Le Baromètre de l’Innovation 202154 indique l’urgence à changer l’entreprise en intégrant systématiquement les enjeux de la RSE dans les projets d’innovation. Cette étude réalisée auprès de 450 dirigeants, DAF et directeurs de l’innovation montre que c’est le marketing qui est principalement à l’origine des innovations (devant la production et la R&D), dans les PME comme dans les grandes entreprises. En outre, on apprend qu’en France la priorité numéro 1 est l’innovation responsable, devant l’innovation pour le marché ou pour l’efficacité opérationnelle. Selon cette même enquête, 83 % des PME et 89 % des grandes entreprises estiment que l’innovation environnementale et sociale est un vecteur indispensable pour rester compétitif. L’éco-conception est citée comme un moyen d’innover de façon responsable. Le développement des innovations
autour de l’économie circulaire est un des cinq objectifs listés par les répondants. Garel met également en évidence le coût social d’une conception accélérée : le travail sous pression des équipes en charge du projet peut marquer durablement les individus et créer des tensions. Le droit à l’erreur n’est pas répété. La pression peut également détériorer les relations de l’entreprise avec ses partenaires externes qui participent au processus d’innovation, notamment ses fournisseurs.
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Finalement, l’entreprise ne doit pas raisonner uniquement en termes de réduction du temps de développement d’un nouveau produit, mais de temps idéal de développement et de capacité à choisir une date de lancement appropriée. 3974
2. Les méthodes pour réduire la durée du processus
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L’entreprise ne maîtrise pas totalement ses délais de développement. Ils s’allongent avec la complexité du projet, la croissance des procédures de contrôle55 et de certifications, la nature des technologies en jeu et leur degré d’innovation, le nombre de métiers impliqués, ainsi que l’incertitude associée au projet sur les plans technologique et commercial56. Par exemple, la mise au point des pods Ariel 3 en 1 a nécessité plus de 100 chercheurs, huit ans de développement, 5 000 tests auprès des consommateurs, et fait l’objet de plus de 50 brevets57. 0901
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Cependant, plusieurs facteurs permettent de raccourcir la durée du processus, notamment :
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– la définition en amont d’une stratégie d’innovation en se concentrant sur peu de projets, mais chacun avec un fort potentiel ; – un travail initial approfondi sur les spécifications du produit et les phases amont du processus d’innovation (idéation et concept), qui permet de gagner un temps considérable par la suite ; – la réalisation de plusieurs étapes en parallèle et le chevauchement des étapes, selon les préceptes déjà évoqués de l’ingénierie concourante ou la mobilisation de l’agile Stage-Gate ; – la création d’un climat favorable à l’innovation et à la prise de risques, favorisé par le soutien inconditionnel de la direction générale ;
– les nouveaux outils numériques comme l’IA ou l’utilisation d’outils digitaux comme les hackatons en réalité virtuelle ou les digital twins (jumeaux numériques) ; – l’organisation en équipes-projet interdisciplinaires, autonomes et responsabilisées, associée à un système de contrôle subtil et autoréalisé fondé sur la cooptation des membres, un environnement de travail ouvert en open space, un partage permanent de l’information et la tolérance aux erreurs58.
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On le voit, le processus d’innovation est fortement influencé par le mode d’organisation adopté. En la matière, deux arbitrages doivent être réalisés par l’entreprise : définir les étapes du processus réalisées en interne et le rôle éventuel attribué à des partenaires externes, puis choisir à quel type d’équipe confier l’innovation en interne. :167
• Le marché
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Parmi les facteurs influençant la démarche d’innovation des entreprises, la singularité des marchés auxquels elles s’adressent constitue un critère essentiel. Aujourd’hui, un type de marché intéresse particulièrement les organisations pour sa taille et son potentiel : le marché des consommateurs pauvres ou Bottom of the Pyramid (BoP). Ses caractéristiques obligent les entreprises à repenser leur démarche d’innovation.
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Le terme de BoP a été popularisé en 2004 par S. Hart et formalisé avec C.K. Prahalad59, dans un ouvrage paru en 2006 et réédité pour la cinquième fois en 2015. Ils y développent l’idée que près de 4 milliards de consommateurs pauvres sont délaissés par les entreprises, car ils vivent avec moins de 3 dollars par jour. Pourtant, chaque jour, ces personnes doivent s’habiller, se loger, se nourrir, communiquer, se déplacer, se laver…
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L’idée n’est pas de proposer un produit sur le mode du top down, c’est à dire de calquer les besoins des consommateurs des pays développés sur celui des consommateurs pauvres, mais plutôt de proposer une offre de valeur partagée, appuyée sur une réelle écoute et une adaptation aux besoins des consommateurs. Faire le choix de créer une offre à destination des consommateurs pauvres, c’est aussi positionner la marque auprès d’un public et sur un territoire qui voit ses revenus augmenter chaque année.
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À l’époque de la première édition de l’ouvrage de Hart et Prahalad, les organisations non gouvernementales (ONG) et les entrepreneurs sociaux étaient presque seuls à tenter de donner aux pauvres accès à la consommation. Aujourd’hui les entreprises sont de plus en plus nombreuses à travailler aux côtés de ces institutions. Pour réussir à mettre en place ce type de politique, des collaborations avec des entrepreneurs sociaux60, qui proposent un business model à l’équilibre, appuyé sur une réelle connaissance des territoires et des populations, se nouent. Des associations comme ASHOKA (qui regroupe près de 4 000 entrepreneurs sociaux à travers le monde) mettent en relation ces entrepreneurs avec les différentes parties prenantes de l’entreprise afin de faire émerger des projets pilotes. Ainsi, l’entrepreneur nourrit le projet de son expérience, et de sa connaissance du marché et l’entreprise de sa force de développement. Des subventions de type ISR (Investissement Socialement Responsable) peuvent également être sollicitées. .141
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Dans le monde, 1,3 milliard de personnes vivent sans électricité. Pour leur permettre d’accéder à l’énergie, l’ONG Liter of Light (qui se traduit par « un litre de lumière »), présente dans plus de 30 pays, a conçu un système d’éclairage peu coûteux. Fondé sur le respect de l’environnement avec l’utilisation d’énergie solaire, ce système offre une solution plus efficace et plus sûre que les bougies ou les lampes à pétrole. Le dispositif n’utilise que des matériaux peu coûteux et facilement accessibles : une lampe fonctionnelle ne nécessite rien de plus qu’une bouteille d’eau recyclée, un tube en PVC, un circuit, une ampoule LED, une batterie rechargeable et un panneau solaire, le tout pour un montant total de 10 euros environ. Une fois installé, le système capte l’énergie solaire dans la journée et peut produire de la lumière dès que la nuit tombe avec une autonomie de dix heures. La puissance est suffisante pour éclairer une pièce de 15 mètres carrés et permettre à une famille de poursuivre ses activités.
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Sur le plan interne, se positionner sur le BoP peut permettre de catalyser les énergies et les compétences et de fédérer les collaborateurs autour d’un projet partagé et responsable. De nombreuses études ont montré que mobiliser les salariés sur des actions porteuses de sens a des répercussions sur l’engagement, la motivation et le bien-être au travail. Impliquer ses salariés dans un projet plus humain à l’objectif et à la plus-value sociale visibles, c’est travailler à un objectif commun et redonner du sens au travail quotidien. Fédérer ainsi ses équipes c’est créer un vecteur de compétitivité fort.
EXEMPLE L’Occitane s’est construit, à travers sa Fondation, une image d’employeur responsable. Selon L’ONU, 783 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté international, fixé à 1,9 dollar par jour. Les femmes africaines vivant en zone rurale figurent parmi les plus touchées. Depuis plus de 40 ans, L’Occitane travaille en étroite collaboration avec les femmes qui produisent du beurre de karité au Burkina Faso. En plus de garantir un approvisionnement équitable de karité pour l’entreprise, la Fondation développe des programmes de soutien à l’indépendance des femmes. Ces programmes se concentrent sur l’éducation des filles et sur la formation aux métiers et à l’entrepreneuriat à travers le développement d’un incubateur social. Cette collaboration a permis à L’Occitane d’être reconnue en 2013 comme entreprise exemplaire dans le pays par le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) et 42 000 femmes ont été soutenues depuis le début de l’engagement de la marque.
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Faire du BoP, c’est aussi revenir aux fondamentaux, et remettre en question l’existant, en créant un terreau d’innovation stimulé par l’échange en interne et avec les parties prenantes. Dans le cadre de cette démarche, l’entreprise est contrainte de questionner son fonctionnement, ses modes de production, de distribution, de cerner le besoin du client en s’immergeant en profondeur dans la vie des consommateurs, et de recentrer le produit sur son cœur de métier. Une telle démarche conduit nécessairement à de l’innovation produit.
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Près de la moitié des habitants du continent africain ne sont pas bancarisés, soit 700 millions de personnes. L’attrait de la téléphonie mobile associé à la faible bancarisation de la population a conduit à la création de la néo-banque sud-africaine TymeBank, Tyme étant l’acronyme de Take Your Money Everywhere (« emportez votre argent partout »). TymeBank propose un compte bancaire, un service de transfert d’argent, un compte d’épargne et une application éducative. La néo-banque a plus particulièrement identifié que les femmes étaient peu enclines à utiliser les distributeurs automatiques, qui étaient perçus comme coûteux, difficiles d’accès et peu sécurisés. Elle a donc adopté une stratégie hybride mêlant technologie et contact client. 85 % de sa clientèle a ainsi été conquise grâce à ses kiosques dédiés. Cette stratégie attire un grand nombre de femmes, TymeBank comptant plus de 50 % de clientes dans sa base, et lui permet d’offrir une couverture géographique inédite sur le continent. TymeBank comptait en 2021 4 millions de clients et en accueille 100 000 nouveaux chaque mois.
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De nombreuses entreprises mondiales utilisent le BoP comme un laboratoire pour l’innovation, qui si elle semble convaincante, sera proposée aux pays riches. C’est ce qu’on appelle la reverse innovation ou innovation inversée61.
EXEMPLES GE Healthcare a développé une machine à électrocardiogramme (ECG) pour l’Inde rurale. Compte tenu de l’environnement (pas d’électricité, manque de médecins formés, grande pauvreté), le cahier des charges de la machine était exigeant : elle devait fonctionner sur batteries, être utilisable par des ambulanciers, être légère et robuste (pour être transportée partout), être en mesure d’imprimer les résultats des ECG sur place pour identifier les éventuelles pathologies et afficher un prix abordable. Les ingénieurs de GE Healthcare ont créé un produit remplissant toutes ces fonctions au prix de 1 000 dollars pour l’Inde et de 1 500 dollars pour l’Europe (aux États-Unis, le produit traditionnel avec des fonctions similaires mais moins pratique était vendu 10 000 dollars).
3• L’ORGANISATION DE L’INNOVATION
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L’organisation de l’innovation et de son processus peuvent prendre plusieurs formes et répondent à des choix divers. Ainsi, toutes les étapes de l’innovation peuvent être intégrées mais certaines peuvent également être le fruit de coopérations. La logique de collaboration peut être poussée encore plus loin en optant pour l’open innovation. L’innovation peut aussi être guidée par le principe de frugalité en décidant de « faire plus avec moins » (voir chapitre 1). Par ailleurs, et quelles que soient les configurations – interne, externe, ouverte, frugale- il convient de définir les modalités de structuration des équipes en affectant un rôle à chacun. Enfin, lorsque le produit est voué à un lancement international, les choix organisationnels et marketing impacteront sa réussite. Le cas qui suit reprend l’organisation de l’innovation chez Tesla, telle qu’elle est décrite sur le site de l’entreprise.
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L’organisation de l’innovation chez Tesla périe
L’organisation de l’innovation chez le constructeur automobile de voitures électriques créé par Elon Musk est organisé autour de quatre principes :
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• Partir d’une vision ambitieuse. La marque Tesla est construite autour du crédo suivant : « Accélérer la transition mondiale vers l’énergie durable. » L’ambition de Tesla se résume en des termes à la fois clairs, simples et inspirants. L’objectif est d’inciter les salariés à coopérer efficacement et de créer une émulation collective. Les équipes de Tesla cherchent
néanmoins à rythmer ces objectifs ambitieux grâce à des objectifs opérationnels intermédiaires plus accessibles pour encourager la motivation. • Chercher la bonne question plutôt que la bonne réponse. Pour aborder l’innovation dans les véhicules électriques, il s’est agi de répondre à la question : « Comment construire une batterie à bas coût ? » L’objectif était de se détacher des habitudes de l’industrie, d’éviter de raisonner par analogie, et de ne pas faire référence au passé pour analyser les défis du présent. Jusqu’alors le coût de développement des batteries était élevé et la plupart des constructeurs sous-traitaient cette partie, ne conservant que de l’assemblage, de la conception du moteur, des ventes et du marketing. Par son approche originale, Tesla a pris le contre-pied de ces pratiques pour en faire une force. Les équipes de Tesla ont ainsi pu inventer, tester et lancer des procédés innovants pour tous les composants de l’automobile : batteries, transmissions, carrosserie, aménagements intérieurs, robotique.
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• • Adopter une organisation en ruches. Les équipes, volontairement de petites tailles, travaillent en open space avec une forte proximité physique. Les ingénieurs et informaticiens côtoient les mécaniciens, les soudeurs et les techniciens qui travaillent sur les machines. L’objectif de cet environnement de travail collaboratif est de favoriser la communication, l’échange d’informations et l’émergence de nouvelles idées, sans passer par une ligne hiérarchique spécifique. Les équipes disposent d’une très grande autonomie pour inventer des solutions. Là où les procédures, l’organisation en silo et l’éloignement des centres de décision entraînent une inertie chez les concurrents, Tesla encourage le processus de test and learn ainsi que le principe d’essais-erreurs et valorise la prise de décision rapide. Comme le dit Elon Musk : « Il faut surtout laisser de la place à l’échec, car une innovation entraînera par nature de nombreux dysfonctionnements. »
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• Procéder par étapes. La culture du processus d’innovation itératif est au cœur de Tesla. L’objectif de ce processus inspiré des méthodes agiles est de faire avancer les projets à travers des points réguliers, de délivrer fréquemment des prototypes opérationnels (entre plusieurs mois et plusieurs semaines) et d’accueillir positivement les changements, même tard dans le projet. Par exemple, tous les vendredis après-midi, les équipes de conception et de design sont réunies pour faire évoluer le projet de façon itérative jusqu’au produit final en prenant en compte les contraintes d’ingénierie, esthétiques, économiques ou réglementaires.
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Malgré des résultats commerciaux qui ont tardé à porter leurs fruits, cette nouvelle organisation de l’innovation dans l’automobile a permis à Tesla de dépasser la valorisation boursière de l’ensemble des constructeurs traditionnels réunis en 2021.
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Sources : www.capital.fr, avril 2019 ; www.tesla.com.
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• Innovation interne ou externe : la coopération entre entreprises
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La plupart des entreprises innovantes intègrent toutes les étapes de conception et de développement des nouveaux produits. C’est le modèle classique. Cependant, pour faire face à l’étendue des risques et des coûts associés à l’innovation, les entreprises mettent parfois en place des
coopérations et des alliances avec d’autres sociétés. Cela permet de répartir les investissements et de disposer de compétences absentes de l’entreprise. La coopération peut porter sur la technologie, la R&D, le design, la fabrication ou la commercialisation du produit. La plupart du temps, cette coopération est organisée avec des entreprises amont ou aval de la même filière, par exemple des fournisseurs qui participent à la conception du nouveau produit et en fabriquent certains éléments.
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Dans l’habillement, on assiste à une reconfiguration des modalités de conception des nouveaux produits avec une répartition des rôles de plus en plus variable au sein de la filière. Classiquement, le fabricant intégrait un designer et se chargeait de la conception. Aujourd’hui, le développement des marques propres de distributeurs et l’éclatement de la fonction de fabrication – avec le recours accru à la sous-traitance internationale – favorisent trois autres modes d’organisation : des structures dans lesquelles le distributeur prend en charge la conception et sous-traite la production, à l’instar des hypermarchés français ou des grands magasins britanniques et américains ; des formats contrôlés par le design dans lesquels une marque se charge de la conception et de la distribution à travers une chaîne spécialisée ; des formats de « co-branding » où les fabricants collaborent avec des designers externes sur des collections spécifiques dites capsules, comme H&M et Balmain. Alors que le recours au design interne permet d’être plus flexible et réactif par rapport aux clients, le recours au design externe stimule le degré d’innovation62.
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La coopération avec des partenaires permet à l’entreprise à l’origine de l’innovation de ne prendre en charge que certaines étapes. Ainsi, certaines firmes se concentrent sur la commercialisation ; d’autres se chargent seulement de la conception et vendent l’innovation à une autre entreprise qui assure la commercialisation. Andrew et Sirkin appellent les entreprises de la première catégorie les « orchestrateurs », les seconds les « bailleurs de licence »63.
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– La position d’« orchestrateur » exige moins d’investissements qu’une prise en charge de tout le processus d’innovation en interne et permet à l’entreprise de s’appuyer sur les actifs et les compétences de ses partenaires. Ainsi, lorsque Porsche fut dans l’incapacité de répondre à la demande pour le cabriolet Boxter en 1997, elle eut recours à la société finlandaise Valmet pour le fabriquer. Se concentrer sur la commercialisation exige de disposer d’une marque connue, de bien connaître les clients et leurs attentes, d’être rapide et réactif. Les principaux écueils résident dans la difficulté à gérer les relations avec
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les partenaires et la nécessité de se protéger des risques de copie et de piratage. En outre, il n’est pas toujours facile pour une entreprise de se concentrer sur les activités où elle apporte de la valeur tout en se sentant responsable du succès du nouveau produit. La position d’orchestrateur est particulièrement pertinente sur les marchés caractérisés par une technologie évolutive, des produits de substitution reconnus, une concurrence intense associée à une succession rapide de nouveaux produits et une base stable de fournisseurs. – Les « bailleurs de licence » se chargent de la conception seulement. Ils sont nombreux dans les activités de biotechnologie, de pétrochimie et dans les technologies de l’information caractérisées par des changements technologiques rapides et des risques élevés. Ainsi, GlaxoSmithKline a transféré en 2003 les droits relatifs aux brevets et au marketing d’un nouvel antibiotique à Affinium Pharmaceuticals en échange d’une partie du capital et d’un siège au conseil d’administration. En 2014, Technip a fourni sa technologie éthylène pour un nouveau craqueur d’éthane64 à Odebsrecht et Braskem dans les Appalaches. Les entreprises optent pour cette posture lorsque l’innovation n’entre pas dans leurs priorités stratégiques ou s’inscrit dans un marché qu’elles ne connaissent pas. D’autres la choisissent parce qu’elle exige les investissements les plus bas. Ce type d’approche requiert une bonne gestion des brevets, une excellente R&D, une capacité à influencer les standards et de bons talents de négociateur. Elle est particulièrement pertinente dans les secteurs caractérisés par une bonne protection de la propriété intellectuelle (brevets) et lorsque la marque compte peu.
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Une entreprise ayant un projet d’innovation doit donc déterminer dans quelle mesure il lui est utile de le prendre en charge en interne en fonction de ses priorités stratégiques, de ses compétences spécifiques, de ses moyens financiers, des synergies qu’elle peut développer avec ses activités actuelles, du poids de la marque et des modalités de commercialisation. Si elle fait le choix des alliances avec d’autres entreprises, elle peut conclure des partenariats ponctuels ou mettre en place des coopérations de long terme pouvant aller jusqu’à la création d’une joint-venture.
La société CFM International, qui fabrique des moteurs à réaction pour avions et notamment la série des CFM56 qui équipe de nombreux courts et moyens courriers de Boeing et Airbus, est une filiale 50/50 de General Electric et Snecma. Depuis plus de 40 ans, cette alliance a permis de partager les investissements et d’associer les compétences techniques et commerciales des deux sociétés et d’obtenir un grand succès commercial65.
• L’innovation ouverte
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La logique de collaboration entre entreprises a été poussée plus loin avec le concept d’innovation ouverte (open innovation)66. Celle-ci ouvre la voie à de nouvelles pratiques67 et peut être définie comme la combinaison d’idées et de moyens externes et internes d’accès au marché pour développer de nouvelles technologies. Son développement est basé sur le constat que la plupart des entreprises n’ont plus aujourd’hui les moyens de générer et de développer seules l’ensemble des nouvelles technologies nécessaires à l’innovation, et qu’il est nécessaire de fonctionner en réseau pour pouvoir développer des offres réellement innovantes sur le marché.
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Les principes fondamentaux de l’open innovation sont présentés dans le tableau 3.4, qui met en regard les certitudes « traditionnelles » de la R&D et la vision de l’innovation ouverte :
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Tableau 3.4 – Les principes fondamentaux de l’open innovation
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Source : CHESBROUGH H., « Open Innovation The New Imperative for Creating and Profiting from Technology », Harvard Business School Press, 2003.
Deux approches peuvent coexister : l’inbound innovation, lorsque l’entreprise cherche à importer des connaissances ou technologies pour les intégrer, et l’outbound innovation, lorsqu’elle cherche à exporter ses innovations, sous forme de brevets ou de licences par exemple. Les entreprises déclarent qu’elles n’ont jamais eu autant recours à l’open innovation68. Ces principes conduisent à chercher des collaborations à l’extérieur, auprès de différents types d’organisations, comme :
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– des entreprises, qui peuvent être des fournisseurs, des partenaires issus d’autres secteurs, parfois très différents, voire des entreprises potentiellement concurrentes. Dans ce cadre, les pôles de compétitivité, écosystèmes d’affaires69 ou clusters70 favorisent la collaboration et stimulent l’innovation ; 3974
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Aldyne© est une technologie d’enduction développée par Air Liquide, permettant une impression facilitée du plastique, avec une réduction des coûts et du nombre d’étapes dans la production. Le principe de cette technologie a été découvert par hasard et la mise au point nécessitait un partenariat avec une entreprise dans le domaine des compresseurs à hydrogène. Une alliance de long terme a été nouée avec une PME allemande, Softal Electronic GmbH, pour développer la technologie et les équipements. Les deux entreprises sont à présent codétentrices des brevets et intéressées financièrement à la commercialisation des applications.
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– des consultants ou des prestataires ; – des laboratoires de recherche, des écoles ou des universités, des organismes publics71 ; – des clients (le chapitre 4 insiste sur ce point) ; – des inventeurs indépendants, voire le grand public ; – des financiers.
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Plusieurs plateformes sur Internet se sont développées pour faciliter ces mises en relation. périe
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InnoCentive est une place de marché, créée en 2001 par le laboratoire Lilly, qui met en relation des « demandeurs » (entreprises, laboratoires ou financeurs publics de la Recherche) et des entités susceptibles d’avoir une solution aux problèmes posés (ce sont les « Solvers »). Les solveurs, qui proposent des solutions aux demandeurs, sont en 2021 environ 500 000 membres
inscrits à la plateforme InnoCentive. Les « demandeurs » soumettent des problèmes en ligne, et offrent des dotations pour ceux qui proposent les meilleures solutions, jusqu’à 1 million de dollars. 60 millions de dollars ont déjà été versés à quelques milliers de solvers. Cette plateforme permet ainsi de mettre en relation des personnes et des organisations qui ne se seraient jamais rencontrées auparavant. InnoCentive offre également la possibilité de faire des appels d’offres pour des matériaux ou des pièces, ou encore pour une expertise ponctuelle en vue de résoudre un problème donné. Les solveurs soumettent une réponse, qui, si elle est sélectionnée par le demandeur, fait ensuite l’objet de la négociation d’un contrat spécifique.
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Le cas des plateformes de financement participatif (crowdfunding) telles que Kickstarter, KissKissBankBank ou Ulule est intéressant car elles sont à la fois un acteur (en appelant les internautes à abonder des projets innovants) et un bénéficiaire (en s’appuyant sur des compétences et des collaborations diverses pour faire croître leur modèle de financement innovant) de l’open innovation.
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Ulule.com est un site de financement participatif français créé en 2010. Fonctionnant sur un modèle proche du site de crowdfunding américain Kickstarter, Ulule permet aux internautes de participer au financement de projets innovants. Ces projets sont tout d’abord modérés par l’équipe d’Ulule pour sélectionner les plus créatifs et les plus aboutis. Une fois cette sélection passée, les projets sont publiés sur le site qui crée l’interface entre les créateurs du projet et leurs contributeurs. La campagne de recherche de fonds est en cours. Les internautes peuvent s’engager à faire un don sans contrepartie (minimum : 1 euro) ou avec une des contreparties proposées par le projet. Les projets sont décrits avec un budget chiffré, un temps imparti pour la collecte et des contreparties fixées par le créateur selon les montants engagés. L’objectif financier fixé peut être dépassé pendant la période de collecte, mais il doit atteindre 100 % au moins à la date butoir pour que les contributions soient débitées ; si le montant minimum n’est pas atteint, les internautes ne sont pas prélevés.
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Ulule touche une commission totale de 5 % sur les projets financés avec succès sur la plateforme. Le site connaît un succès croissant : ainsi, en 2021, Ulule a bénéficié de plus de 4 millions de contributions et soutenu plus de 50 000 projets dont près de 40 000 ont vu le jour72.
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• La constitution des équipes en charge de l’innovation
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Une fois déterminées les étapes du processus gérées en interne, il convient de définir les modalités organisationnelles de l’innovation : à qui confier le projet, au sein de quelle structure et selon quelles modalités.
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1. Les structures de développement des produits nouveaux
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Tout projet d’innovation exige la participation d’acteurs divers issus de fonctions différentes. La recherche sur ce sujet a permis de montrer que l’intégration entre les différentes fonctions, et notamment entre les fonctions R&D, marketing et ventes, est un des facteurs-clés de succès du développement des nouveaux produits73. Des entreprises comme Seb ou Pernod Ricard ont bien compris l’intérêt de faire collaborer au plus près ces trois fonctions. Chez Seb74 par exemple, le changement d’organisation de l’innovation a été rendu visible dans l’organigramme. La direction Recherche et Technologie est devenue une direction Innovation. Elle assume le pilotage des projets dans les différents centres de R&D, le partage d’expériences et la gestion des partenariats académiques avec des laboratoires extérieurs (le CNRS pour les revêtements, l’Inserm sur le vieillissement et certaines pathologies handicapantes, l’Inra pour modéliser et formuler la cuisson des aliments). Une direction Partenariats a aussi été créée pour instaurer une démarche proactive vers les industriels de l’agroalimentaire, afin de développer des fonctionnalités et des produits. Dans l’idée de répondre au mieux aux besoins des clients, Seb a également créé une direction Marketing des programmes des produits transversaux. Elle a pour mission de mettre en musique dans toutes les gammes les grands sujets de préoccupation des consommateurs. Le plaisir et le bien-être, par exemple, sont un axe fort d’innovation. Ainsi, le groupe travaille sur la réduction du bruit. L’aspirateur Silence Force de Rowenta a été un succès. L’idée et la technologie ayant conduit à sa conception ont été reprises pour les ventilateurs Arno, fabriqués au Brésil, ainsi que pour les sèche-cheveux. Seb s’est également doté d’une direction qui pilote les designers maison, répartis dans les différents centres de R&D, mais aussi les agences extérieures, responsables chacune d’une seule gamme de produits. Dans le petit électroménager, le design permet d’être différent et de valoriser la fonction. Le couvercle transparent et la poignée de l’Actifry ont sans doute contribué au succès du produit.
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En tout, ces quatre directions – Innovation, Partenariats, Design, Marketing des programmes des produits transversaux – occupent une trentaine de personnes au siège d’Ecully (Rhône). Le reste des équipes impliquées dans le développement sont réparties dans 41 sites industriels en France, Allemagne, Italie, États-Unis, Russie, Chine, Brésil ou Colombie. Cette plurifonctionnalité permet un meilleur partage de l’information, l’analyse approfondie de celle-ci, et l’intégration d’un plus grand nombre de
perspectives pour la prise de décision. Cette prise en compte de perspectives variées a un impact d’autant plus important sur la rentabilité du futur nouveau produit qu’elle intervient à un stade précoce du processus de développement. L’intégration d’une contrainte dans les premiers stades de développement peut ainsi être sans coût, alors qu’elle se révélera beaucoup plus coûteuse par la suite.
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Une méta-analyse75 des différentes recherches sur le sujet de l’intégration fonctionnelle dans les équipes de développement de nouveaux produits montre qu’il est absolument nécessaire d’intégrer la R&D et le marketing dans le processus, mais que l’intégration d’un trop grand nombre de fonctions peut finalement nuire à l’efficacité. De plus, il est plus efficace, d’intégrer les différentes fonctions au niveau du projet qu’au niveau de l’organisation tout entière.
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En effet, cette inter-fonctionnalité peut s’organiser de différentes manières, soit au niveau d’une équipe, soit au niveau plus global de l’organisation tout entière. On peut ainsi lister quatre types principaux d’organisations76 :
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– la structure fonctionnelle consiste à intégrer l’innovation dans la structure classique de l’entreprise. Chaque métier suit le projet conformément à sa fonction, sans qu’il existe de coordination transversale ou de responsable du développement. Le marketing a ici une fonction de prescription auprès des autres métiers pour expliquer ce que doit être le produit du point de vue du marché. Ce type d’organisation est largement employé dans la grande consommation pour les nouveaux produits prolongeant la ligne actuelle : le chef de produit travaille sur le projet en plus de ses fonctions habituelles, ce qui ne favorise ni l’investissement dans le projet, ni le recul nécessaire à la prise de distance par rapport aux produits existants ; – la structure fonctionnelle matricielle se distingue de la précédente par la nomination d’un responsable de projet chargé de coordonner les différentes unités fonctionnelles intervenant dans le développement. Son autorité est limitée par son lien non hiérarchique avec les personnes intervenant dans le projet. Chez Mondelez ou Johnson & Johnson, par exemple, ces responsables des nouveaux produits relèvent de la fonction marketing et dépendent des chefs de groupe ou des directeurs de catégorie de produits. Dans d’autres secteurs à orientation plus technique, il peut s’agir d’ingénieurs ;
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– la structure projet matricielle se caractérise par l’autorité directe du directeur de projet sur les choix d’allocation de ressources et le pilotage des activités. Il est responsable de la définition du produit et de sa réalisation. Il dirige l’équipe-projet, chaque métier ayant un rôle d’expertise technique. Il fait figure de chef d’orchestre. Il comprend les préoccupations de chaque fonction et fait les arbitrages nécessaires. Son autorité est renforcée par son rattachement direct à la direction générale de l’entreprise ; – la structure en équipe-projet correspond à une équipe plurifonctionnelle de responsables détachés à plein temps sur le projet et dirigés par un chef de projet désigné par la direction générale. L’équipe travaille en dehors des frontières habituelles de l’entreprise. On parle d’« équipes commando de produits nouveaux » et d’intrapreneurs. Cette structure se caractérise par sa flexibilité et son autonomie, la rapidité de la prise de décision, la communication intense et l’existence d’un esprit de corps au sein de l’équipe. Elle est particulièrement adaptée aux innovations radicales et à un processus de développement fondé sur le chevauchement des étapes et l’ingénierie concourante. De façon générale, le format « équipes plurifonctionnelles » est le mode d’organisation de l’innovation qui s’est le plus développé dans les entreprises. 8893
EXEMPLE
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Le groupe Pernod Ricard s’est doté de la structure BIG (Breakthrough Innovation Group) en 2012. Celle-ci est dévolue à la recherche exclusive d’innovations de rupture. Elle est constituée de 7 personnes placées à l’extérieur de l’organisation, et rattachées directement à la Direction Générale. La structure est composée d’assembleurs capables d’associer différentes ressources autour d’un projet, en lien avec des designers, des artistes, des ingénieurs, etc. Elle dispose d’une équipe baptisée Discovery qui assure la veille et la prospective pour détecter des talents, rechercher des profils innovants. Discovery suit quotidiennement 800 sources. Par ailleurs, une équipe de correspondants régionaux constituent un relais dans une douzaine de villes. Au total, un réseau de 500 personnes travaille pour BIG. Dès qu’un projet est sélectionné, une équipe de 10 à 20 personnes de cultures variées est constituée. Après trois années d’existence, BIG gère sept projets disruptifs, dont le projet Gutenberg qui ambitionne de réinventer l’expérience du « cocktail à la maison ». Celui-ci prend la forme d’une bibliothèque composée de « livres-contenant », renfermant chacun hermétiquement un spiritueux et connectés à une plateforme de services, de la simple livraison à domicile (déclenchée automatiquement en fonction du niveau du contenant), à tout une gamme de tutoriels autour de la mixologie (recettes de cocktails, offres personnalisées, etc.).
Sources : JULLIEN B., « Avec BIG, Pernod Ricard veut libérer la créativité. Entretien avec Alain Duffossé », La Revue des Marques, no 90, 2015 ; CASENAVE É., « Impact du décideur marketing sur l’“accountability” financière du marketing : propositions pour améliorer la prise de décision managériale », Décisions Marketing, 2013.
2. Les facteurs à prendre en compte dans la composition des équipes de développement
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Afin de renforcer l’efficacité de l’équipe en charge du développement des nouveaux produits, une attention particulière doit être portée au choix du chef de projet. Idéalement, celui-ci devrait à la fois favoriser la communication au sein de l’équipe, y maintenir un bon climat, développer pour elle des objectifs et une stratégie, et assurer la liaison avec le reste de l’entreprise et notamment la direction générale77. Plus le projet est complexe, plus le niveau d’expertise du responsable doit être élevé. Sa jeunesse semble favoriser la rapidité du processus pour les innovations radicales, tandis qu’une grande expérience préalable semble paradoxalement le ralentir lorsqu’il s’agit d’innovations incrémentales.
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D’autres facteurs organisationnels favorisent la performance des équipes en charge de développer de nouveaux produits :
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– la définition d’objectifs clairs et définis dans le temps sur chaque étape du processus ; – un système de récompenses plus collectif qu’individuel, fondé sur des formules autant symboliques que financières et portant sur le bon déroulement des processus suivis et pas seulement sur les résultats (qui ne sont connus qu’à la fin du projet) ; – l’inter-fonctionnalité qui repose sur les vertus de la diversité et qui permet d’intégrer au processus différentes fonctions78. Cependant, elle peut également créer des difficultés : une moindre cohésion, un langage différent, des horizons temporels hétérogènes (court terme pour le marketing et la production, long terme pour la R&D), des orientations sociales divergentes (permissives pour le marketing et la R&D, directives pour la production) ; – la qualité et l’intensité de la communication au sein de l’équipe. Celle-ci est notamment liée à la familiarité entre les membres de l’équipe, et donc à la stabilité de celle-ci, ainsi qu’à la capacité de créer un sens commun
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entre les différentes fonctions, par exemple entre le marketing et le design79 ; – la stabilité de l’équipe. Elle permet une plus grande richesse du débat entre les différents membres de l’équipe, et la recherche et la prise en compte d’un plus grand nombre d’informations et d’idées. La familiarité entre les membres de l’équipe apparaît comme une condition nécessaire au bon fonctionnement d’une équipe diversifiée car elle leur permet de communiquer et de travailler ensemble. Si cette condition est remplie, la diversité favorise l’utilisation d’informations sur les consommateurs, les concurrents et la technologie dans le cadre du projet et accroît ainsi la performance de l’équipe80. Cependant, une trop grande stabilité peut avoir l’effet inverse, car les membres de l’équipe développent une vision commune qui n’est plus remise en cause par des membres externes. De plus, cette condition de stabilité est souvent difficile à remplir car les compétences nécessaires au développement d’un nouveau produit évoluent au fur et à mesure de l’évolution du projet ; – la motivation de l’équipe. Elle constitue un point clé, d’autant que bien souvent les membres de l’équipe se voient attribuer cette tâche en plus de leurs fonctions habituelles et y consacrent peu de temps. L’exigence accrue d’une équipe plurifonctionnelle, associée à l’incertitude autour du projet, exige un changement des habitudes de travail qui peut se révéler déconcertant, voire démotivant. Il importe alors de soigner la suite de la carrière des membres ayant travaillé aux projets d’innovation afin de motiver ceux qui pourraient y entrer.
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Comme évoqué dans la partie dédiée à l’open innovation, le processus d’innovation évolue vers des systèmes ouverts. Les structures de développement de produits nouveaux et les facteurs à prendre en compte dans les équipes de développement peuvent être différents dans le cadre des collaborations inter-organisationnelles81.
EXEMPLE
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Avec l’essor de l’open innovation, les agences de design deviennent une ressource stratégique pour les entreprises pour développer des produits innovants. Dans les grands pays européens, jusqu’à 50 % des budgets design des entreprises sont consacrés au design externe. L’industrie des parfums et des cosmétiques de luxe se caractérise par plusieurs centaines de lancements de produits par an. Dans cet environnement compétitif intense, où les présentoirs sont de plus en plus encombrés, le design apporte une forte valeur ajoutée. Nina Ricci, par exemple, a collaboré
avec Philippe Starck pour renouveler son parfum emblématique, l’Air du Temps, et Kenzo a travaillé avec le designer Karim Rashid pour concevoir ses nouveaux flacons de parfum. On pourrait aussi citer le lingot d’or de Paco Rabanne dessiné par Noé Duchaufour-Lawrence, ou encore le flacon sac à main pour le parfum Decadence dessiné par Marc Jacobs. Le marketing est alors souvent l’interlocuteur clé. La capacité à collaborer avec des designers externes devient un atout stratégique pour garantir le succès du processus d’innovation. L’importance de trois facteurs clés de succès a été identifiée : l’existence d’une collaboration antérieure entre la marque et l’agence de design, l’implication des décideurs clés (de la marque et de l’agence) dans la collaboration, et l’importance de la qualité relationnelle – à savoir la confiance et l’engagement. Trois nouveaux facteurs clés de succès ont également été révélés : l’implication du designer externe dans le respect de l’identité de la marque, le nombre d’étapes impliquant le designer externe et le type d’expertise du designer (designer orienté client, designer orienté processus, comme Ideo, ou designer orienté créativité, comme Philippe Starck)82.
• L’organisation à l’international
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Pour développer un nouveau produit international, il est nécessaire de disposer d’une organisation marketing adaptée. Il existe différentes possibilités d’organisation, selon la taille de l’entreprise et les objectifs qu’elle poursuit. Nous les décrivons dans la suite.
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1. Les différents types d’organisation du développement de nouveaux produits à l’international
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L’hétérogénéité entre les différents pays, ainsi que la volonté de lancer des nouveaux produits internationaux, se traduisent également dans l’organisation marketing au niveau international, et dans la répartition des tâches entre le niveau local et le niveau central dans les phases de la conception et du lancement d’un nouveau produit.
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FOCUS
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Les différents types d’organisation marketing à l’international périe
L’exportation d’un nouveau produit à l’international peut se faire selon différentes modalités :
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– la cession de licences ou de franchises ; cela peut concerner des licences de marque, ou l’exploitation d’un brevet par une entreprise locale. Dans les services, on a fréquemment recours à la franchise ;
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– le recours à un agent ou à un distributeur local ; l’agent est un intermédiaire entre l’entreprise et les clients locaux, payé à la commission, tandis que les distributeurs se
rémunèrent sur la marge ; – la présence de filiales dans les différents pays ; il peut s’agir de filiales de commercialisation, et/ou de production. Elles peuvent être à 100 % propriété de la maison mère ou être en partenariat (joint-venture) avec une entreprise locale. Ces différentes modalités déterminent le degré de contrôle que l’entreprise a sur l’adaptation du produit et la politique marketing du nouveau produit. Lorsque l’activité internationale se développe, se pose le problème de son organisation, notamment par rapport à l’activité sur le marché domestique. On distingue trois grands types d’organisations marketing internationales : – les organisations où l’ensemble des activités internationales est regroupé dans un « service export » ; ceci est possible dans les petites organisations, où l’internationalisation est encore relativement peu développée et est principalement organisée autour d’agents ou de distributeurs locaux. De ce fait, les adaptations de produit sont réactives et limitées au strict minimum, en général pour se conformer à la législation et aux exigences des distributeurs des pays où l’on est présent ;
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– lorsque l’entreprise développe des filiales, on assiste souvent à la création d’une division ou d’une direction internationale ;
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– enfin, quand le volume d’affaires et le nombre de pays est plus important, on parle d’entreprises multinationales. Elles peuvent être structurées de différentes façons :
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• par zones géographiques ; cela peut être une organisation par pays, groupe de pays, ou par continent. Ceci facilite un plus grand degré d’adaptation aux différentes zones ;
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• par lignes de produits ; ce type de structure permet au contraire de mieux coordonner la standardisation de l’offre produits dans les différentes zones ;
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• de manière matricielle ; cette organisation combine les deux types précédents d’organisation, en cherchant à cumuler les avantages. Elle présente l’inconvénient principal d’être plus complexe, et donc plus difficile à contrôler.
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Les fonctions marketing sont fréquemment réparties en deux niveaux :
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– le marketing stratégique ou développement, qui a la charge de la conception des nouveaux produits. Sur la base des idées émergeant des différents pays83, le marketing stratégique ou développement aura en charge les phases de développement du concept, de test de concept, de développement et de test de produit. Cette fonction peut être située dans les différents pays, ou – plus fréquemment en ce qui concerne les multinationales – à un niveau plus global. Ainsi le marketing développement est fréquemment organisé, par catégorie de produits, au niveau mondial, ou par continent ;
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– le marketing opérationnel, qui est en charge des décisions relatives aux autres éléments du mix : le prix, l’organisation de la distribution du produit, et l’orchestration du lancement du nouveau produit. Pour cela, il organise
les opérations promotionnelles, et va également jouer un rôle dans la conception et/ou la localisation de la communication du nouveau produit. Cette fonction est organisée au niveau des différents pays.
EXEMPLE Chez Philips, le développement de nouveaux produits se fait en trois temps, à trois niveaux. Chaque grande catégorie de produit (appareils domestiques, éclairage, électronique grand public, téléphonie, composants) est structurée en business units. La conception et le développement des nouveaux produits se font au sein de ces business units au niveau international, au siège situé aux Pays-Bas. Pour chaque nouveau produit, cette entité fournit aux différents pays le produit conçu et un « kit de lancement », qui comprend généralement le film télévisé de lancement, et des lignes directrices pour les actions promotionnelles et la publicité sur le lieu de vente.
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Les régions, qui correspondent à des groupes de pays, coordonnent les actions de lancement de nouveaux produits, et organisent notamment les réunions régionales au cours desquelles les nouveaux produits sont présentés aux différents pays. Certains produits stratégiques doivent obligatoirement être lancés dans tous les pays, mais d’autres lancements sont optionnels. Les régions vont également fédérer les meilleures pratiques d’un pays pour pouvoir les généraliser à d’autres.
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Enfin, les différents pays (National Sales Organisations) sont chargés de l’aspect opérationnel du lancement, comme la finalisation de la PLV, la négociation du référencement auprès des enseignes nationales, la localisation de la communication, les relations presse, etc.
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Les entreprises multinationales peuvent donc se caractériser par un degré plus ou moins grand de décentralisation dans le processus de développement des nouveaux produits. Il faut distinguer trois types de responsabilité dans le processus :
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1. La conception du nouveau produit : de façon générale, les phases amont comme la recherche des idées de nouveaux produits peuvent être décentralisées. En revanche, le développement et la mise au point du produit lui-même nécessitent une plus forte coordination et sont souvent centralisés. e Ba
On peut trouver deux types de modèles d’organisation :
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– un premier modèle d’organisation consiste à centraliser le processus de développement au siège. Les équipes marketing des pays auront alors la charge de la seule organisation du lancement du nouveau produit ; – un deuxième modèle est celui du pays « leader » ; chaque grand pays est responsable du marketing développement pour une catégorie de produits, et ce pour le monde entier, ou pour un continent.
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2. La décision de lancement du nouveau produit dans un pays donné : elle peut être centralisée, prise en concertation avec les équipes marketing des différents pays, ou laissée à la seule responsabilité de ces derniers. L’équipe marketing développement devra alors convaincre les différents pays de l’intérêt de lancer le produit dans leur propre zone de responsabilité. 3. La détermination des actions relatives au lancement du nouveau produit : celles-ci doivent nécessairement être décentralisées, car adaptées au contexte local. Cela comprend la détermination de la date de lancement, le positionnement publicitaire, le choix des médias et des supports, la conception des actions promotionnelles et hors médias, la motivation des forces de vente, les rapports avec les journalistes. 3974
2. La coordination des équipes marketing internationales
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Pour la conception et le développement d’un nouveau produit international, plusieurs questions relatives à la gestion des équipes de développement de nouveaux produits se posent :
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– Comment faire travailler des équipes internationales ? – Quelles sont les différences culturelles qui ont un impact sur l’efficacité du processus de développement de nouveaux produits ? – Quel degré de centralisation adopter ?
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La coordination des équipes internationales entraîne un certain nombre de difficultés qui peuvent avoir un impact sur les délais de conception du nouveau produit et le succès du projet. Les difficultés pratiques dues aux barrières linguistiques, à la distance, et au décalage horaire sont de mieux en mieux surmontées grâce aux outils modernes de communication comme Internet, la téléconférence, et à une maîtrise généralisée de l’anglais dans les équipes marketing. Cependant, des différences culturelles importantes subsistent, qui peuvent conduire à des incompréhensions et des dysfonctionnements. Il est donc important de mieux comprendre ces différences.
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L’organisation à l’international d’Electrolux L’entreprise de produits électroménagers Electrolux vend 60 millions de produits par an dans 150 pays. Elle conçoit et vend des réfrigérateurs, congélateurs, cuisinières, lave-vaisselle, lave-linge et des petits appareils électroménagers (principalement des aspirateurs), proposés sous différentes marques telles qu’Electrolux, AEG, Zanussi ou Frigidaire. Electrolux opère dans les régions suivantes : Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA), Amérique du Nord, Amérique latine, Amérique du Sud et Asie-Pacifique (APAC). Le siège social d’Electrolux est situé à Stockholm, en Suède.
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En 2014, Electrolux a déployé mondialement sa technologie de « lavage concentré » intégrée dans plusieurs de ses lave-linge. Pour la marque AEG, cette technologie s’appelle « Okomix ». La plupart des lave-linge actuels mélangent le linge, l’eau et le détergent, ce qui implique que le détergent prend du temps à se dissoudre et à être actif. Avec cette nouvelle technologie, le détergent est d’abord ajouté à l’eau pour obtenir un mélange instantané et concentré. Le système du lave-linge délivre ensuite ce mélange directement au cœur du linge, où il commence à agir immédiatement. Le lavage est alors plus efficace tout en utilisant moins de produit. Cette technologie a été conçue par les départements R&D et marketing au siège d’Electrolux et lancée mondialement. Néanmoins, au sein d’Electrolux, les régions sont responsables des profits et pertes ainsi que de la stratégie de mise en œuvre et de l’exécution des innovations. Les arguments de vente ont alors été adaptés selon les zones géographiques en fonction des différentes attentes des consommateurs. Aux ÉtatsUnis, l’argument clé a été la possibilité de laver le linge plus rapidement. En Europe, l’argument de vente principal a été que la technologie permettait d’économiser jusqu’à 50 % d’énergie (électricité) par rapport à un lavage ordinaire.
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Grâce à sa stratégie dite de « glocalisation », Electrolux a réussi à trouver un équilibre entre mondialisation et localisation dans les différentes fonctions clés, en cherchant à tirer le meilleur des deux.
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Source : adapté de HOLLENSEN S., MØLLER E., « Is “Glocalization” Still the Golden Way for Electrolux? Is There More to Be Done?” », Thunderbird International Business Review, vol. 60, no 4, 2018.
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L’ESSENTIEL
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• Ce chapitre a mis en évidence la complexité du processus d’innovation et l’importance des facteurs stratégiques, culturels et organisationnels pour son bon fonctionnement.
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• L’entreprise doit veiller à élaborer un processus d’innovation adapté à sa stratégie, et aux atouts dont elle dispose, en veillant à lancer le plus rapidement possible des innovations sans brûler les étapes. Le marketing constitue un acteur majeur qui doit collaborer avec de nombreuses autres fonctions dans la meilleure entente. Son rôle varie selon les secteurs. Ainsi, si le marketing tient une place prépondérante dans le développement des produits de grande consommation et dans les entreprises comme Procter & Gamble ou Danone, il se situe au même niveau que les départements production, ingénierie, design, achats et même que certains fournisseurs dans des entreprises plus industrielles, comme Renault. • Pour accomplir sa tâche, le marketing doit analyser les synergies qui caractérisent le projet en matière de connaissance du marché, de politique de marque et de leviers d’actions marketing (distribution par exemple). Il doit également s’appuyer sur des méthodologies de prise de décision et des techniques d’études et de tests distinctes à chaque étape du processus. • Dans les deux chapitres suivants, nous entrons dans le détail des étapes citées ici en analysant les décisions à prendre et les outils dont le marketing dispose pour arbitrer entre les alternatives disponibles.
OBJECTIFS
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CHAPITRE 4 DÉVELOPPER L’IDÉE PUIS LE CONCEPT
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→ Ce chapitre est consacré aux étapes qui précèdent le travail concret d’élaboration du produit ou du service. Il s’agit de faire émerger des idées, de les sélectionner puis de les approfondir sous forme de concept, tout cela avant d’amorcer le développement du produit. Cette étape préliminaire durant laquelle le marketing joue un rôle central s’avère pertinente dans tous les secteurs et pour tous les types de produits et services, qu’ils soient de consommation courante ou orientés business-to-business.
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1 • L’ÉMERGENCE DES IDÉES
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La naissance d’un nouveau produit résulte de la rencontre des objectifs de l’entreprise avec l’évolution générale du secteur et du marché telles qu’elles sont anticipées par les responsables en interne. Cette anticipation émane des informations collectées à l’extérieur de l’organisation mais aussi des développements technologiques élaborés au sein de l’entreprise. périe
• Le rôle clé de la double « vision » de l’entreprise
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Ce sont les responsables internes, imprégnés de leur connaissance du marché et des technologies du secteur, mais aussi de leur vision de la marque et de l’évolution souhaitée de leur entreprise, qui ont le plus
souvent des idées de nouveaux produits. Les compétences technologiques, les objectifs stratégiques et marketing doivent s’inscrire en cohérence avec l’évolution du secteur dans son ensemble.
1. Les objectifs de l’entreprise et de la marque Aux prémices d’un projet d’innovation, on trouve en général des objectifs stratégiques et marketing. Il peut par exemple s’agir de proposer une gamme cohérente avec les évolutions du marché, de relancer la demande pour la catégorie de produits, de faire évoluer l’image d’une marque, d’élargir la clientèle de l’entreprise ou d’entrer dans de nouvelles activités jugées porteuses. 463
En voici quelques exemples :
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– De nombreux nouveaux produits naissent de la volonté des entreprises de renouveler leurs gammes en permanence. Dans l’industrie cosmétique ou la mode, les collections se renouvellent plusieurs fois par an. Dans les loisirs (jeux vidéo, livres, films), les salons et plus généralement la communication stimulent la demande. – Dans d’autres secteurs comme l’agroalimentaire, les nouveaux produits cherchent à élargir les contextes et les moments de consommation de la catégorie de manière à faire croître le marché. Ainsi, Materne a créé il y a quelques années avec grand succès les Pom’Potes, ces compotes dans une gourde que les enfants peuvent manger au square ou dans la cour de récréation, permettant ainsi d’élargir considérablement les contextes et donc les volumes de consommation de la compote. – En matière d’élargissement de clientèle, lorsque la Wii de Nintendo a été lancée, elle n’était plus destinée aux seuls gamers « traditionnels », jeunes et solitaires comme les consoles qui la précédaient. En effet, elle a ouvert le jeu vidéo au cercle familial et a donné l’opportunité de partager une activité avec ses proches. Elle a permis aux femmes et aux personnes âgées de pratiquer du sport avec un coaching adapté. Les maisons de retraite ont opté pour cet outil car les activités sportives et d’équilibre ralentissent la progression des maladies neurodégénératives. – En matière d’évolution de l’image de marque, on peut citer Sérénissima de Guerlain qui résultait du souhait de l’entreprise de développer une offre cosmétique très haut de gamme pour une clientèle fortunée ; est
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alors née l’idée d’une formule très concentrée susceptible de combler chaque besoin de la peau et d’établir une analogie avec l’univers du parfum, dans le packaging notamment. – Enfin, certains nouveaux produits naissent de la volonté de l’entreprise d’élargir ses activités à d’autres secteurs jugés porteurs ou convergents avec les activités actuelles, du fait des évolutions technologiques notamment. Ainsi Hermès s’est lancé en 2021 avec son rouge à lèvres, puis sa gamme de produits cosmétiques (en 2022) à l’assaut d’un marché florissant, technologiquement éloigné de ses domaines de compétences mais complémentaire à son activité initiale. De même, La Poste a investi le secteur de l’aide à domicile en utilisant les liens de proximité entretenus par les facteurs avec les personnes âgées. Lorsqu’Amazon ouvre le supermarché Amazon Fresh près de Los Angeles en 2020, il poursuit l’élargissement de ses activités dans le retail, mais cette fois dans le secteur alimentaire, peu investi jusqu’alors. Il y adjoint des innovations technologiques remarquables tel le chariot connecté Dash Cart. Amazon s’est aussi lancé dans la livraison par drone, avec Amazon Prime Air, pour éliminer la contrainte du dernier kilomètre, en investissant une technologie que l’entreprise ne maîtrisait pas à l’origine.
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Ces exemples montrent que les idées d’innovations émergent d’abord d’une volonté interne et d’objectifs liés à la cible, à l’image ou au renouvellement de la gamme. Plus le projet se veut novateur, plus il sera important de comprendre et connaître la technologie, les clients, les marchés étrangers, la réglementation et les concurrents, pour construire un projet permettant d’atteindre les objectifs fixés.
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2. La vision des responsables de projet et des dirigeants de l’entreprise
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Les travaux sur le développement de projets d’innovation insistent sur l’importance de la vision du dirigeant de l’entreprise et du responsable de projet. Dans nos économies développées saturées de produits et de services, c’est davantage l’offre qui crée la demande qu’une demande insatisfaite qui crée des idées d’offres innovantes. On parle alors de marketing de l’offre. C’est le marketing qui construit et promeut l’offre novatrice, pas particulièrement attendue par le marché mais qui sera finalement bien
perçue et qui, par son existence même, révèlera des envies non ou mal assouvies. Pour entreprendre une telle démarche, il est nécessaire d’avoir une vision de l’évolution du secteur ou de la société, des attentes insatisfaites inconscientes du marché, des opportunités à créer plutôt qu’à saisir. Cette vision résulte d’une observation des évolutions externes à l’entreprise concernant les attentes des clients, les offres des concurrents, les approches des distributeurs… Elle intègre également les avancées technologiques internes et externes.
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Dans l’approche technology push décrite dans le chapitre 1, c’est une évolution de la technologie ou des processus de fabrication qui donne lieu à l’innovation. On commence par identifier une avancée technologique, avant de s’interroger sur ses applications possibles en fonction des attentes des clients. Ce fut par exemple le cas pour le Post-it, produit emblématique né de deux ratés : une colle qui collait mal (dimension technique) et une répétition de chorale perturbée par un vent excessif qui permit d’identifier une application pertinente pour le produit (voir le cas correspondant présenté dans le chapitre 1). Dans l’approche market pull, l’idée émane du marché, mais pas toujours de manière directe. Les études révèlent souvent des habitudes d’utilisation ou des tendances qui permettent aux responsables de l’entreprise d’imaginer comment l’offre devrait évoluer à l’avenir.
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Dans tous les cas, la compréhension du marché permet de nourrir la vision des responsables de l’entreprise sur les évolutions souhaitables, probables, possibles, du secteur et des produits. D’aucuns considèrent d’ailleurs les études de marché en amont du processus d’innovation comme inutiles car trop ponctuelles, l’important étant que le responsable du projet soit immergé dans le marché et ait des contacts étroits avec des clients de manière à bien avoir intégré leurs attentes et leurs désirs dans sa « vision »1.
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Pascal Le Masson et Peter Magnusson2 ont proposé un système d’interrogation des utilisateurs qui vise non à fournir des idées de nouveaux produits, mais plutôt à remettre en question la vision de l’équipe en charge du projet. Ils partent du constat que l’interrogation des clients sur leurs idées de nouveaux produits et services est peu satisfaisante pour les promoteurs d’un projet d’innovation, qui jugent les idées des utilisateurs soit peu originales, soit originales mais peu réalisables. Ils proposent alors
un autre usage à la démarche d’interrogation des clients : utiliser leurs idées pour remettre en question la vision de l’entreprise sur son activité et pour favoriser un changement. La démarche suit deux étapes. Tout d’abord, on explicite la vision de l’entreprise qui constitue le modèle générateur de nouveaux produits, en général en interrogeant des experts internes. Ensuite, on analyse dans quelle mesure les idées proposées par les clients sont cohérentes avec ce modèle générateur. Il ne s’agit donc pas de discuter les idées en tant que telles, en analysant leur originalité et leur faisabilité – comme on le fait habituellement – mais de travailler sur les idées incohérentes avec le modèle pour l’amender et aboutir ainsi à une nouvelle vision du métier, génératrice de nouvelles idées de produits.
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• Les sources d’informations utilisées pour faire émerger les idées
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Pour nourrir sa vision des évolutions probables du secteur et faire émerger des idées d’innovations cohérentes avec ses objectifs, l’entreprise peut avoir recours à de nombreuses sources d’informations. Un article récent insiste d’ailleurs sur ce thème en soulignant combien l’explosion des informations et des outils numériques dont nous disposons – sans pour autant avoir recours à des technologies et des méthodes analytiques complexes tel le Big Data – pourraient, s’ils étaient systématiquement exploités, créer de la valeur pour les clients3. Les sources d’informations principales sont :
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– les évolutions technologiques anticipées, à travers la R&D interne à l’entreprise mais également une veille des brevets déposés par les autres firmes et une participation aux colloques scientifiques ; les secteurs à forte intensité technologique, comme les biotechnologies, voient souvent des innovations émaner des découvertes de la R&D ; – les distributeurs et les vendeurs de l’entreprise, souvent extrêmement bien placés pour identifier les insatisfactions ressenties par les clients et formuler des idées de nouveautés ; les entreprises cherchant à stimuler l’émergence de nouvelles idées peuvent inciter leurs vendeurs à faire remonter systématiquement de telles informations aux services marketing de l’entreprise et les faire participer aux séances de créativité internes ;
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– les marchés étrangers, aux habitudes souvent différentes, permettent de faire évoluer la vision que l’on a de ses propres marchés ; l’observation des habitudes de consommation japonaises, par exemple, constitue souvent une source précieuse pour anticiper les modes survenant en Occident quelques années plus tard ; – les évolutions de la réglementation fournissent des opportunités de changement dans les emballages ou les produits eux-mêmes. Ainsi, le projet de loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire), adopté le 30 janvier 20204, qui prévoit une interdiction des emballages plastiques autour des fruits et légumes dès le 1er janvier 2022, incite les industriels à trouver rapidement des moyens de protection innovants et respectueux de l’environnement et des consommateurs. De plus, dans les services comme la banque ou l’assurance, toute évolution fiscale peut donner lieu à l’émergence de nouveaux placements ; – les évolutions sociétales : les nouvelles générations, de plus en plus sensibles à l’état de la planète et des populations, souhaitent des innovations respectueuses de l’environnement et des êtres humains. L’éco-innovation est à l’origine de nombreux projets de produits mais également de services. Ainsi, le développement des cosmétiques solides ou la substitution de plus en plus fréquente de la possession par l’usage illustrent la force des préoccupations des consommateurs dans les idées d’innovation et leur mise en œuvre ; – les pratiques des concurrents, sources importantes d’idées pour des produits peu innovants puisque l’entreprise peut copier les innovations de ses concurrents en les modifiant légèrement ; – les évolutions survenant dans d’autres secteurs peuvent donner lieu à des idées transposables ; – les experts doivent être sollicités régulièrement car ils ont souvent une vision d’ensemble des évolutions du secteur intégrant les tendances du marché, les stratégies des différentes entreprises, les évolutions technologiques et réglementaires, ainsi que les événements survenant sur d’autres marchés géographiques. On peut recourir à la méthode Delphi : on interroge en face-à-face des experts sur l’évolution du secteur telle qu’ils la perçoivent ; on envoie ensuite à chaque expert la synthèse des entretiens réalisés avec le compte-rendu de sa propre interview, avant de l’interviewer à nouveau. Cette méthode itérative
permet de converger vers quelques grandes tendances d’évolution sur lesquelles s’accordent les différents experts ; – les études du marché, dont nous détaillons les méthodologies dans la section suivante.
• Les études du marché comme sources d’idées pour les nouveaux produits
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De nombreuses entreprises suivent en permanence les évolutions de leur marché, à travers des études récurrentes et des observatoires. Salomon a par exemple un observatoire des usages de la glisse sur la côte Ouest des ÉtatsUnis où se situent les consommateurs les plus innovants. Lorsqu’elles cherchent à innover, les entreprises peuvent aussi lancer des études ponctuelles afin de faire le point sur les comportements et les attitudes à l’égard de la catégorie de produits qui les intéressent. Elles peuvent alors recourir aux méthodes classiques d’études de marché : entretiens individuels, réunions de groupe, enquêtes par un questionnaire portant sur chaque composante des produits existants afin d’identifier ce que les clients apprécient et leur reprochent. Ces méthodes classiques permettent d’identifier des pistes d’améliorations possibles et souhaitées par les clients sur les produits qui existent déjà.
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Lorsqu’une firme cherche à innover davantage pour surprendre le marché ou créer une rupture avec les modes de consommation habituels, les méthodes classiques sont moins efficaces. D’abord, parce que les clients ne sont pas forcément conscients des reproches qu’ils font aux produits existants. Ayant totalement intégré leur usage dans leurs habitudes de consommation, il leur est difficile d’avoir un regard extérieur sur leurs propres comportements. Ensuite, parce que la verbalisation, inhérente aux méthodes classiques d’études de marché, se prête mal aux univers fortement innovants. Enfin parce qu’il est difficile pour les clients d’anticiper leurs envies et leurs goûts à moyen terme (un à trois ans). On a alors recours à d’autres méthodes et outils. le Su
1. Les études usages et attitudes
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Les études « usages et attitudes » sont des études à grande échelle qui portent sur les usages, les attitudes, les critères de choix et les
comportements d’achat des consommateurs, parfois les images qu’ils ont des catégories de produits et des marques. L’objectif est souvent de décrire les gros, moyens et petits consommateurs de la catégorie. Les études « usages et attitudes », réalisées à partir de questionnaires, sont extrêmement utilisées dans les entreprises, car elles permettent de suivre les grandes évolutions relatives à une catégorie de produit.
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En 2014, sept ans après le lancement de la machine Beertender, Heineken décide de confirmer sa présence sur le marché de la bière pression à domicile et « revenir avec une nouvelle machine pour mieux répondre à la variété des besoins », indique le chef de groupe Heineken et systèmes pression chez le brasseur. Au préalable, la marque a étudié les nouveaux gestes et usages des consommateurs et constaté un nombre important de petits consommateurs occasionnels. En effet, avec des fûts de 5 litres – soit une vingtaine de demis –, et une date limite de consommation d’environ un mois, la Beertender convenait avant tout aux consommateurs réguliers ou festifs. La nouvelle machine dénommée The Sub propose des « torpilles » de 2 litres, adaptées à une consommation moindre et/ou plus occasionnelle. Les deux machines ont pour vocation de cohabiter pour accompagner la croissance du segment de la bière pression à domicile.
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Source : LEGOFF Y., « Un déploiement en douceur pour la machine à bière The Sub », LSA, 2014.
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Sur son site, l’institut d’études IFOP propose de « transformer les approches classiques d’Usages et Attitudes en études fondamentales, en partant du besoin consommateur, afin de proposer des approches plus opérationnelles, tournées vers l’innovation produits […] ». L’IFOP répond là à des critiques de longue date car les études « usages et attitudes » sont souvent jugées trop descriptives et pas suffisamment explicatives des comportements, ce qui les rend peu opérationnelles pour identifier des opportunités de développement de nouveaux produits ou de nouvelles clientèles5. D’un point de vue méthodologique, elles sont également remises en cause par les chercheurs et les professionnels qui dénoncent des interviews longues et peu motivantes sur des produits souvent peu impliquants, dont les consommateurs n’ont une perception claire qu’au moment où ils les utilisent, alors que les interviews sont rétrospectives et parfois faites à distance6. On leur reproche également des analyses des données parfois superficielles, aboutissant à des résultats imprécis et peu fiables. Pour tenter d’en améliorer l’efficacité, l’IFOP7 propose une approche :
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– fondée sur le besoin consommateur comme point de départ de la réflexion (ex. : le cheveu abîmé, les besoins d’une peau sensible ou la difficulté à avaler des pilules) ; – fondée sur les comportements des consommateurs au regard de leurs besoins, fonctionnels et émotionnels ; – « consumer centric », qui priorise la vision du consommateur et le moment de consommation/d’utilisation réel (« moment of truth ») grâce à des modes de recueil hybrides adaptés ; – qui favorise la multiplication des angles de regard, via des approches méthodologiques croisées ; – qui utilise des mesures directes et indirectes, pour éviter le biais du déclaratif pur. 3974
2. Les approches ethnographiques
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L’ethnomarketing est une méthode d’enquête inspirée de l’ethnographie et de l’anthropologie. Appliquées au marketing, ces approches consistent à partager la vie quotidienne des individus afin d’observer la manière dont ils utilisent certains produits du quotidien.
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Le lieu d’observation et les méthodes de recueil sont variés. L’étude peut avoir lieu à domicile ou dans un lieu ad hoc afin de reproduire les habitudes de vie des consommateurs et les observer. Dans le même esprit, certaines approches ethnographiques reposent sur des carnets de consommation ou des blogs dans lesquels les consommateurs racontent leurs comportements de consommation d’un type de produit donné.
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Ces observations sont en général complétées par un recueil de matériel (photos, vidéos, mesures) et par des questions visant à comprendre les habitudes observées. L’objectif est de croiser l’observation des comportements avec le discours afin d’identifier les éléments qui relèvent du non-dit, de l’ineffable ou de l’imaginaire.
EXEMPLE
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C’est ainsi que Seb, le numéro 1 mondial des articles culinaires, mène une politique d’innovation ambitieuse soutenue en interne, depuis 2009, par un anthropologue. Il formule pour les designers et concepteurs de nouveaux outils, « des scénarios d’usage », sortes de story boards qui racontent
la vie quotidienne locale des consommateurs. Cette démarche permet à la fois de proposer des nouveaux produits et d’imaginer des adaptations de produits existants.
FOCUS L’ethnomarketing8 Certaines entreprises et certains chercheurs en marketing emploient des méthodes empruntées à l’ethnologie et à l’anthropologie pour analyser les comportements de consommation et décrypter l’imagerie de certains lieux du commerce contemporain. Il s’agit d’observer les consommateurs dans leur environnement réel afin d’analyser les schémas de comportement face aux produits et services, d’identifier les substituts envisagés en situation, d’étudier les normes et les valeurs de consommation, et de décortiquer les heuristiques de décision. Précisons que l’ethnomarketing n’a rien à voir avec le marketing ethnique.
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Plusieurs méthodes sont utilisées. L’observation participante consiste à s’immerger dans un foyer pour partager ses expériences de vie. Il s’agit en pratique d’une « observation flottante », peu participante mais très ancrée dans les lieux de vie. Son principal intérêt est de permettre à l’observateur d’acquérir une « connaissance de l’intérieur », en tentant d’établir la signification des actes pour les membres du groupe étudié. Cette approche permet d’observer des moments importants dans les événements de la vie quotidienne et de rencontrer des « incidents critiques » révélateurs. Une recherche portant sur les rites de consommation lors de Thanksgiving aux ÉtatsUnis a ainsi consisté à participer au dîner en question dans des foyers très divers afin d’observer les habitudes culinaires, alimentaires et sociales des consommateurs américains lors de cette fête nationale. De même, des ethnographes ont observé des parents en train de changer les couches de leur bébé afin d’identifier des pistes d’innovation pour ces produits. Autre exemple, ColgatePalmolive a eu recours aux approches ethnographiques pour appréhender les comportements de nettoyage des femmes mexicaines : de nombreuses femmes furent filmées alors qu’elles nettoyaient chez elles, tandis qu’elles expliquaient oralement ce qu’elles faisaient (par exemple saupoudrer du talc sur les taches de graisse) et les problèmes qu’elles rencontraient.
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Aujourd’hui, de nombreuses recherches se développent autour du pendant virtuel de cette méthodologie : la netnographie, qui consiste à analyser les échanges des internautes sur les marques et les produits. Le chercheur s’immerge dans une communauté virtuelle et a accès aux échanges écrits entre les participants. Il peut ainsi analyser leurs discours. Comme le souligne Yohan Bernard, « en devenant l’un des leurs, il commence à voir le monde avec leurs yeux et perce leurs significations partagées ».
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Outre l’immersion, l’ethnographie s’appuie sur le journal de bord du chercheur composé d’observations verbales (descriptions, pensées), visuelles (dessins, photos, croquis) et audiovisuelles (films, enregistrements des conversations entre les personnes présentes). En complément, il interroge les personnes qu’il a observées et leur demande d’indiquer leurs émotions, leurs souvenirs et les raisons de tel ou tel comportement. Ces interviews peuvent être non structurées ou au contraire très directives, selon les objectifs poursuivis. Elles jouent un rôle important dans l’interprétation des données d’observation, à travers l’analyse des écarts entre ce qui est dit et fait, l’identification des surgénéralisations (les individus niant la spécificité de leurs propres comportements) ou au contraire des affirmations d’idiosyncrasie. On peut également, aujourd’hui, grâce au taux d’équipement en smartphones très élevé, demander aux consommateurs de prendre et de poster eux-mêmes des photos de leur intérieur, du contenu de leur assiette ou de leur placard.
EXEMPLES Au début des années 2000, la marque Findus a mené une expérience qui a marqué à jamais les entreprises du secteur et la communauté marketing. Elle a reconstitué pendant quelques mois un appartement parisien en y installant de très nombreuses caméras. Chaque soir, durant trois mois, une famille était invitée à y préparer son dîner avec des surgelés de la marque. Cette observation a montré à l’entreprise la désaffection pour le four classique au profit du micro-ondes, la conduisant à supprimer les barquettes en aluminium. De même, l’observation de la façon dont les foyers préparaient le produit Wok, un mélange de légumes commercialisé par la marque, en y ajoutant plusieurs autres ingrédients, a donné l’idée de développer les sachets Wok Dinner intégrant des légumes et de la viande. Source : DECLAIRIEUX B., « Findus ou comment on ressuscite une marque », Capital, 2004.
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Il y a quelques années, Nivea a lancé le déodorant « Invisible Black & White » qui évite les taches jaunes sur les vêtements blancs et les taches blanches sur les vêtements noirs. L’idée est née à la suite d’une analyse netnographique fondée sur les commentaires des internautes sur les forums de discussion. Dans le cas présent, avaient été analysés les propos des consommateurs concernant les déodorants sur les communautés en ligne, montrant que les taches constituaient pour eux une vraie préoccupation : il s’échangeait de nombreuses informations sur les différents types de taches, leurs causes et les solutions possibles. Une fois le problème identifié par l’entreprise, Nivea a lancé une phase d’émission d’idées en interne. Puis les consommateurs ont été sollicités pour évaluer et enrichir les concepts proposés. Une communauté virtuelle a été utilisée pour recueillir leurs réactions. Ainsi, ce déodorant a été conçu à partir de plus de 700 idées d’améliorations émanant des utilisateurs. En parallèle, les services de R&D se sont mobilisés et de nombreux investissements ont été nécessaires pour parvenir à élaborer un produit qui remplisse les spécifications requises et parvienne à tenir ses promesses9.
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En écoutant les commentaires des consommateurs sur les réseaux sociaux, l’entreprise Danone a perçu et saisi leur volonté de consommer plus de produits sans lactose. Ces informations ont été à l’origine d’innovations et de la production des yaourts sans lactose Activia. « L’écoute sociale place les consommateurs au centre de nos décisions », explique la responsable numérique et GRC, division marketing, chez Danone10. Outre le fait d’informer la marque sur les préférences en termes d’ingrédients, l’écoute sociale stimule l’innovation. Elle a par exemple aidé Danone à faire évoluer ses emballages. Les amateurs de yaourts A tu gusto ont demandé un autre système de fermeture du sachet. Cette innovation est en cours d’étude, et intégrera des caractéristiques d’éco-conception.
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En prolongeant la réflexion, les départements marketing et innovation des entreprises font évoluer le statut des consommateurs et le types d’études avec lui : il n’est plus seulement l’objet d’études prospectives mais il en devient le sujet11. C’est dans cet esprit que l’institut BVA a créé en 2013 un département intitulé la « BVA Nudge unit », devenu en janvier 2022 « BVA Nudge consulting ».
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Les études marketing innovent pour accompagner l’innovation
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Alors que les études Marketing puisaient traditionnellement leurs enseignements en psychologie du consommateur, de nouveaux champs de recherche sont venus enrichir leurs cadres d’analyse comme les neurosciences et l’économie comportementale. Avec moins de questions, et plus d’observations, l’institut BVA a par exemple fait évoluer ses études ethnographiques pour inspirer la conception de nouvelles offres. Proposant une focale sur les biais comportementaux systématiques des consommateurs, ces études sont complétées par des expérimentations de prototypes in-situ, pour ensuite inspirer un atelier de création de solutions, « les nudges »12. Cet atelier de création de nudges est lui-même documenté par une base de données internationale de nudges testés par des chercheurs dans divers secteurs d’application. Cette nouvelle forme d’études-conseil révèle ainsi les ressorts inconscients d’adoption d’un usage, ou bien les facteurs environnementaux et émotionnels qui guident les décisions des consommateurs. Et mieux comprendre la réalité des comportements des consommateurs (plus que les attitudes déclarées) c’est inspirer de nouveaux leviers d’actions : les nudges, sont une manière de re-designer une solution pour en permettre une adoption plus intuitive par ses utilisateurs. Pour institutionnaliser sa méthode, BVA a ainsi créé en 2013 un département, la « BVA Nudge Unit », dont la mission est d’accompagner les stratégies de changements comportementaux pour ses clients : qu’il s’agisse d’usages vertueux (éco-gestes, vote, sécurité routière, observance médicale…) ou d’adoption d’un nouveau produit ou service (parcours client, nouveaux usages…).
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Source : BORDENAVE R., CEO BVA Nudge Consulting Asia & Directeur Marketing Global.
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3. Le suivi de tendances
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Une autre source importante d’idées consiste à identifier les tendances de consommation, les valeurs et les styles de vie qui émergeront quelques mois ou quelques années plus tard. Les cabinets de tendance sont spécialisés dans ce métier. S’ils travaillaient à l’origine beaucoup pour les secteurs de la mode et de l’habillement, d’autres activités font aujourd’hui appel à eux, même dans des secteurs à forte orientation technique (téléphonie, automobile) ou de service. Une agence comme Carlin, par exemple, a des clients aussi variés qu’Aubade, Luminarc, Don Perignon, Danone, Accor ou Carrefour.
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La détection de tendances consiste à repérer des signaux faibles produits par la société dans le domaine social, culturel, artistique, politique, économique ou commercial, en cherchant à croiser des données relatives à différents domaines et secteurs d’activité13. Les méthodes employées ont un degré de formalisation variable : flâneries sémiologiques fondées sur l’observation et l’interprétation des objets, des attitudes et des comportements des personnes ou des points de vente ; suivi de l’art le plus contemporain ; lecture des
médias et participation aux colloques et salons ; approches ethnographiques ; études de marché plus traditionnelles, mais réalisées auprès des clients innovateurs ; étude spécifique de certains comportements marginaux… On utilise parfois une « chambre des signes » qui consiste à tapisser son environnement de signes évoquant les formes, les couleurs, les personnages, les sons et autres produits afin de baigner dans un univers d’avant-garde.
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À l’aide de ces outils, les agences spécialisées produisent des cahiers de tendances qui présentent les couleurs et les matières qui seront présentes quelques années plus tard dans la mode et les autres catégories de produits. Elles organisent également des ateliers de créativité pour déterminer comment une entreprise donnée peut capitaliser sur les tendances anticipées pour concevoir un nouveau produit ou service.
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Dans cet esprit, BVA Group propose une méthode de conception d’innovations de rupture fondée sur son « carnet de Tendances digital14 ». Le focus suivant décrit succinctement cette méthode qualitative.
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Les tendances : une inspiration pour l’innovation de rupture ?
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Si la recherche d’insights et d’attentes consommateurs est utile pour générer des idées d’innovation incrémentales, elle s’avère nettement moins pertinente pour la création d’innovations de rupture (nouveaux marchés, nouveaux usages). Pour les innovations high tech par exemple, ce sont en effet les fonctionnalités technologiques proposées qui viennent à créer les usages, et leur diffusion sociale qui les installent comme de possibles nouveaux standards de consommation. Pour inspirer l’innovation de rupture, BVA propose ainsi à ses clients une méthode de conception d’innovation fondée sur son « carnet de Tendances digital ». Conçu comme un espace de navigation, ce carnet virtuel met en lumière les paradoxes et les tensions non résolues dans notre société de consommation, champs de forces de tendances souvent opposées. Il s’appuie sur une analyse socio-anthropologique autour de grands axes structurants (espace/temps, désir, identité, connaissance) regroupant de multiples observations issues des 4 continents. Illustré de nombreux exemples et de témoignages d’experts, il montre comment du croisement de briques technologiques et des tendances naissent des innovations. Lors d’un workshop, client et institut croisent ces deux sources d’inspiration (technologiques et tendances) pour créer des idées de nouveaux produits ou services. L’analyse socio-marketing permet ainsi d’inscrire les nouvelles offres générées dans un courant, faible ou fort, qui avec l’apport d’une utilité réelle facilitera leur diffusion sociale. En effet, dans un monde complexe, l’innovation construit la tendance autant qu’elle surfe dessus.
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Source : BORDENAVE R., CEO BVA Nudge, Consulting Asia & Directeur Marketing Global.
EXEMPLE Le cas particulier des insectes comme innovation alimentaire de discontinuité intéresse les entreprises de l’agro-alimentaire à l’écoute des tendances et des injonctions écologiques. Une recherche récente15 montre que le degré de transformation de l’insecte (« au naturel », avec un marqueur gustatif connu, tel l’ail, ou assimilé dans une farine) a un impact sur son acceptation par les consommateurs, et que ces produits font appel à des heuristiques différentes.
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Il est intéressant de noter que les agences de tendances s’appuient de plus en plus sur l’intelligence artificielle. Ainsi, l’agence américaine Fashion Snoops, leader mondial de la prévision des tendances et installée en France depuis 2019, adopte « l’intelligence artificielle en support des analyses. La tendance est un métier de sensibilité et la data vient valider cela. C’est une approche qui correspond aux évolutions du marché », estime Charlotte Delobelle, Europeen Brand Ambassador de Fashion Snoops.
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Ce travail de compréhension des tendances et de traduction en innovations peut se faire à différents horizons temporels. On distingue en effet trois types de tendances :
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– les tendances à court terme, par définition éphémères, durent trois à six mois. Elles font l’objet de nombreux articles dans les médias et se traduisent dans la mode vestimentaire, le maquillage et la cosmétique. Pour les autres secteurs, ces tendances peuvent être repérées pour organiser des événements de relations publiques susceptibles de générer du rédactionnel autour de nouveaux produits et services en lancement ; – les tendances de moyen terme durent deux à trois ans. Lors de leur naissance, elles sont relayées par des innovateurs et des leaders d’opinion, avant de passer en phase de croissance à d’autres populations, puis de se banaliser. Ces tendances peuvent être intégrées à plusieurs dimensions d’une offre produits (attributs, design), et ce, dans de nombreux secteurs. Par exemple, la tendance favorable au macaron a donné lieu à de nombreux parfums et produits dans l’alimentaire biensûr, mais également dans le domaine de la décoration (coussins macaron, meubles décorés de dessins de macarons), du maquillage (palettes de couleurs) et des bijoux (bagues Boucheron) ;
– les tendances de long terme portent sur cinq ans et plus. Par exemple, la nostalgie est une macro-tendance qui nourrit à la fois les marques autour du terroir (recettes à l’ancienne, retour des marques de tradition) et le vintage dans la mode (affirmée par l’économie circulaire et les vêtements de seconde main). Le cas qui suit montre comment le groupe de presse Prisma Media fait émerger des concepts de nouveaux magazines en observant les tendances du marché.
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Le secteur de la presse magazine fournit une bonne illustration des étapes de développement entre l’idée et le concept. Son fondateur Axel Ganz expliquait16 le processus de création des nouveaux titres de presse, toujours d’actualité.
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Les étapes de l’idée au concept au sein du groupe Prisma Media
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« […] C’est une intuition, basée sur l’observation permanente du marché, et le travail quotidien. Après, on vérifie, on regarde les études de comportements, on se pose des questions sur la manière dont les gens vivent, passent leur temps, consomment. On essaie de valider cette intuition qui, dès qu’elle est un peu concrétisée, devient une idée. Lorsque l’on a vérifié l’idée, on se dit, là, on essaie ensemble. Ça vaut peut-être la peine d’investir un peu d’argent pour former une cellule de rédaction […]. Au moment où l’idée passe au stade de projet, il faut examiner le potentiel de marché. C’est là où l’intuition rejoint le marketing. […] Au début, vous ne pouvez rien tester, un produit rédactionnel ne peut être testé qu’à partir du moment où vous avez quelque chose à soumettre, idéalement une maquette avec du texte. Les lecteurs et les focus groups ne vous diront jamais ce qu’il faut faire. Il faut leur soumettre quelque chose pour qu’ils puissent s’exprimer, réagir. » Ces propos mettent en évidence plusieurs étapes :
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1. l’émergence de l’idée à partir des tendances du marché ;
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2. le filtrage des idées en fonction des études de marché ;
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3. une étude de faisabilité avec l’analyse du marché potentiel et la construction d’un premier business-plan ;
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l’élaboration d’un prototype (maquette et texte) testé auprès des clients.
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Cette description n’intègre donc pas le test de concept préalable à la construction du prototype et qui, dans de nombreux secteurs, se fait en parallèle à l’étude de faisabilité – et en faveur de laquelle nous plaidons.
• L’analyse avancée des données comme source d’innovation
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En matière d’études, si les démarches hypothético-déductives classiques permettent de prendre les bonnes décisions dans un champ des possibles préalablement balisé, elles deviennent moins opérantes en période de mutation ou lorsqu’une organisation s’engage dans une démarche d’innovation. L’évolution des connexions à très haut débit dans le monde au cours de la dernière décennie a modifié radicalement les usages des consommateurs. Leur observation montre aujourd’hui qu’un système complet de pratiques se décompose et se recompose en permanence. Ainsi, le marché de la voiture cède la place à celui de la mobilité, l’économie collaborative pose la question de la frontière du privé et du public, du personnel et du professionnel…
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Le Big Data offre des espoirs prometteurs dans le domaine de la localisation des pratiques, des motivations et des besoins des consommateurs17. Les entreprises innovantes y font appel, avec l’intelligence artificielle, pour croiser une multitude de données variées issues de champs potentiellement éloignés, mais dont la rencontre est souvent fertile. Dans un article très intéressant, Cécile Godé et Amandine Pascal18 insistent sur la complexité du Big Data, « liée à l’hétérogénéité et à la multiplicité des combinaisons de données indépendantes qui interagissent et se transforment de façon imprévisible. Les modèles d’analyse de réseaux (qui permettent d’identifier les rôles des nœuds et de ne pas dissocier la partie du tout), les modèles hiérarchiques bayésiens (qui permettent de traiter les variations du comportement individuel) ou encore les modèles économiques structurels (qui tiennent compte de l’anticipation des acteurs et de leur interconnectivité) sont à privilégier dans la mesure où ils facilitent le traitement et l’analyse du caractère complexe du Big Data19. De la même façon, les technologies orientées analyses prédictives et intelligence artificielle permettent d’adresser la nature non structurée des données, d’en comprendre les enchevêtrements et d’en extraire la valeur ».
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Le Big Data en quelques mots
Si le sujet du Big Data n’est pas nouveau, les tentatives de synthèse et de définitions20 sont encore nombreuses et d’actualité. Dès 2012, le Big Data est caractérisé par Douglas Laney, alors vice-président de Gartner Research par 3 « V » : le volume, la vélocité/vitesse et la variété. Le premier V symbolise le volume sans précédent des données accumulées par les entreprises principalement grâce aux progrès technologiques (par exemple les objets connectés et les infrastructures d’échanges de données) et aux modes d’échanges et de communication évoluant vers toujours plus de partage d’informations. Le deuxième V exprime la vitesse à laquelle ces données sont générées instantanément, collectées, partagées et stockées, laquelle est accélérée par les échanges web. Les données sont dynamiques, en mouvement permanent. Elles peuvent de ce fait devenir rapidement obsolètes, leur cycle de génération étant très rapide.
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Le troisième V manifeste la variété des sources d’information (par exemple, les médias sociaux, les interactions Machine-to-Machine, les terminaux mobiles) et des types de contenus (texte, audio, vidéo). Les données récoltées ne s’inscrivent plus dans des structures nettes, traditionnelles, mais sont diversifiées, incluant contenus, données géolocalisées, de mesure, mobiles, de connexion, etc.
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Un quatrième V a été ajouté pour la véracité, qui met en avant l’importance de la qualité et de l’intégrité des données récoltées. Ces dernières peuvent être incomplètes, voire inexactes pour certaines : la fiabilité de la source et la qualité du contenu doivent donc être vérifiées. Aujourd’hui, les contributions spécialisées (essentiellement issues de revues professionnelles en management) énoncent jusqu’à dix V pour caractériser le Big Data, insistant notamment sur la valeur créée à destination des clients et la vulnérabilité des données produites. C. Godé et A. Pascal indiquent que « ces contributions sont certes éclairantes en ce qu’elles permettent de comprendre, de façon simple et didactique, le phénomène Big Data. Elles restent cependant limitées dans leur capacité à appréhender l’ensemble de ses dimensions21 ».
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Toutes les informations stockées et collectées grâce au web (analyses d’audience internet, bases de données clients, historique d’achat des consommateurs, parcours de navigation, données démographiques, interactions des clients et prospects sur les réseaux sociaux, etc.) sont potentiellement exploitables et mises en lien. Les sources de génération de données étant multiples, on comprend que, dans une perspective de compréhension améliorée du comportement des consommateurs, les données observées ne se limitent plus désormais au panier moyen et à la fréquence d’achat mais vont très au-delà, et permettent entre autres de mettre au jour des idées d’innovations.
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Tant de données disponibles ont poussé le législateur à mettre en place le RGPD22 (Règlement général sur la protection des données, entré en application le 25 mai 2018) qui encadre le traitement des données personnelles sur le territoire de l’Union européenne. Ce nouveau règlement
européen s’inscrit dans la continuité de la Loi française Informatique et Libertés de 1978 et renforce le contrôle par les citoyens de l’utilisation qui peut être faite des données les concernant. Le RGPD harmonise les règles en Europe en offrant un cadre juridique unique aux professionnels. Il permet de développer leurs activités numériques au sein de l’UE en se fondant sur la confiance des utilisateurs. Parallèlement, les consommateurs ont la possibilité de limiter la collecte des informations par les entreprises en le leur spécifiant, en cochant des options sur les sites internet qu’ils fréquentent et en refusant les cookies par défaut.
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Les instituts d’études ont chacun été particulièrement sensibilisés au sujet de la protection et de la confidentialité des données à caractère personnel. Dans ce contexte, un Code international d’éthique du secteur des études rédigé par l’International Chamber of Commerce et Esomar23 a été présenté dès 2017. Il a été conçu pour être un cadre complet d’autorégulation des parties prenantes impliquées dans les études marketing et d’opinion, qu’ils soient instituts, sous-traitants ou clients finaux.
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Si la prédiction des comportements d’un consommateur ne peut être fiable avec certitude, il est néanmoins primordial pour le marketeur de tendre vers des schémas le plus réalistes possible. Le Big Data sert ainsi à identifier les barrières à l’achat ou les causes d’insatisfaction des clients. Il permet également aux annonceurs de prévoir le succès d’un produit auprès de son public. Qu’il s’agisse d’un film, d’une innovation cosmétique ou d’un véhicule automobile, le Big Data étudie et segmente les données diffusées sur les réseaux sociaux.
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Volume, Variété et vitesse sont tels que les données ne peuvent être traitées avec les outils d’analyse traditionnels. Le Big Data impose donc également une réflexion sur le traitement de ces données massives, permanentes, aux formats diversifiés. William Faivre, PDG de Catalina International, spécialiste du ciblage marketing pour les marques de grande consommation affirme : [grâce au Big Data…] « on commence à élaborer des modèles prédictifs du comportement des consommateurs, à déduire ce qu’ils vont acheter demain24 ».
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Le Big Data devrait par ailleurs permettre aux études qualitatives de repousser leurs frontières et d’approfondir leur vocation originelle : « partir à la recherche de ce qu’on ne sait pas déjà, en explorant la complexité des relations entre l’imaginaire, les usages, et le contexte dans lequel ils
s’inscrivent, pour trouver de nouvelles voies possibles en innovation ou en communication25 ». Dans une perspective d’innovation, les entreprises attendent que les données déclaratives issues des études classiques soient enrichies par des données comportementales mises en dialogue par le Big Data. En s’appuyant sur le Big Data, l’intelligence artificielle peut être à la source d’innovations en rendant visibles des signaux faibles enfouis sous une masse de données.
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L’intelligence artificielle en quelques mots26
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Les termes intelligence artificielle (IA) ont vu le jour vers le milieu du XXe siècle. Cependant, cette notion a fait son apparition pratiquement avec la création des premiers ordinateurs. En faisant appel à l’IA, les hommes s’attendent à ce qu’elle soit capable de raisonner correctement, de traiter une masse importante de données, d’analyser des modèles et d’en comprendre les résultats. L’IA a ainsi recours à l’apprentissage supervisé pour développer les programmes souhaités.
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Avec l’IA sont également apparues les notions de machine learning et de deep learning. Au moyen du machine learning, les ordinateurs ont libre accès aux data afin d’effectuer un apprentissage sans aucune intervention humaine. Livrés à eux-mêmes, ils apprennent et s’améliorent de manière autonome afin d’acquérir progressivement de nouvelles capacités. Quant au deep learning, l’idée est de faire appel à un réseau de neurones artificiels, capables de résoudre un problème assez complexe en le subdivisant en des couches successives.
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L’IA a bouleversé de nombreux secteurs d’activités. Le marketing n’y a pas échappé.
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Xavier Oliel, DG France de Qualtrics27, explique : « L’IA permet d’explorer des millions de mots et d’en tirer des enseignements sur les avis, sentiments et attentes des clients, grâce à de puissantes analyses textuelles. Le traitement du langage naturel et l’analyse de sentiments, appliqués automatiquement à des dizaines de milliers de commentaires, permettent de dégager clairement des tendances et de déterminer l’opinion prédominante, le tout en temps réel. Il devient ainsi plus facile de traiter et d’exploiter efficacement la formidable quantité de données collectées […]. Les entreprises, petites ou grandes, pratiquent la recherche secondaire (ou documentaire) lorsqu’elles s’intéressent à de nouveaux marchés […]. Or celle-ci prend du temps et cède de ce fait souvent le pas à la recherche primaire. L’IA peut analyser des mines de documents en l’espace de quelques secondes et révéler des tendances et des thèmes parmi les données. »
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Par ailleurs, la technologie de l’IA alimente aujourd’hui de nombreux outils en ligne qui participent à révéler des nouveaux besoins ou des insatisfactions qui pourront donner lieu à des innovations. Ainsi, l’outil NetBase permet l’écoute des médias sociaux en l’amplifiant grâce à l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond. Sa technologie fondée sur l’IA analyse des millions de conversations sur les réseaux sociaux pour fournir des informations en temps réel sur les réactions du public aux dernières nouvelles communiquées par une marque.
• Les clients comme sources d’innovation De plus d’entreprises travaillent directement avec les clients pour développer avec eux de nouveaux produits. Ceux-ci passent donc du statut de source d’information à un rôle actif dans l’identification des idées et la réalisation du projet d’innovation. Dans certains cas, ce sont les clients qui conçoivent l’innovation et l’entreprise doit alors la repérer et se la réapproprier, c’est ce que Éric von Hippel intitule la « user innovation ».
1. Les lead users et les emergent-nature consumers
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Plutôt que de réaliser des études auprès d’échantillons de clients représentatifs du marché mais souvent assez conservateurs, les entreprises qui cherchent à innover privilégient souvent l’interrogation de clients innovateurs, atypiques. Ceux-ci peuvent se décliner en deux familles : les utilisateurs leaders d’une part et les utilisateurs de nature émergente d’autre part.
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Les utilisateurs leaders, en plus d’être innovateurs et atypiques, sont également en avance sur les tendances générales du marché. On les appelle en anglais lead users (voir le focus ci-après). Von Hippel les a décrits en 1986 et propose une méthode pour les identifier. Il insiste sur deux points :
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1. les répondants ne sont pas des clients représentatifs du marché mais, au contraire, des clients atypiques ; 2. la méthode ne s’arrête pas à l’expression de problèmes non réglés et de besoins inassouvis mais suggère des solutions. e Ba
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Les lead users le Su
Le concept de lead user, ou utilisateur leader, à distinguer de la notion de leader d’opinion, a été défini par Éric von Hippel28. Les utilisateurs leaders sont des utilisateurs du produit :
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• qui sont particulièrement motivés par l’innovation, dont ils attendent une solution à leurs besoins ;
• qui éprouvent des besoins nouveaux plus tôt que le reste du marché, vivant ainsi « dans le futur ». En réalité, l’utilisateur leader idéal remplit les deux caractéristiques ci-dessus à un tel degré qu’il a souvent conçu de lui-même des solutions aux problèmes qu’il rencontre parce que les produits existants ne lui fournissaient pas de réponses satisfaisantes. Cette troisième caractéristique est souvent utilisée pour identifier les utilisateurs leaders en business-to-business car, dans un secteur donné, les entreprises qui investissent en R&D sur des problèmes spécifiques sont souvent connues. E. Von Hippel insiste sur quelques éléments à prendre en compte lorsqu’une entreprise cherche à identifier des utilisateurs leaders :
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• ne pas se cantonner à ses propres clients et aller interroger les clients des concurrents, voire des entreprises en dehors du marché visé si elles perçoivent très fortement des problèmes que le marché ressent également et si elles doivent absolument y trouver des solutions. Ainsi, un constructeur automobile cherchant à réduire le poids de ses véhicules par le recours à des matériaux légers mais solides pour limiter la consommation d’énergie pourra interroger des entreprises du secteur aéronautique qui ont la même préoccupation mais de manière accentuée ;
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• ne pas rechercher à tout prix des utilisateurs capables d’éclairer le processus d’innovation dans son ensemble, mais accepter de se limiter à des utilisateurs leaders sur un seul ou quelques attributs du produit ;
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• tenir compte du fait que certains utilisateurs leaders ne ressentent plus le problème étudié parce qu’ils l’ont déjà résolu en développant leur propre solution. Ignorer de tels clients serait dommage. En pratique, l’expérience montre que les utilisateurs leaders innovent sans cesse lorsque le besoin ressenti est une tendance lourde et qu’ils ne sont pas pleinement satisfaits des solutions qu’ils ont développées.
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La démarche repose sur quatre étapes :
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Cette présentation du concept pourrait laisser penser qu’un client est ou n’est pas utilisateur leader. En réalité, cette variable n’est pas dichotomique mais continue29, les clients étant plus ou moins utilisateurs leaders. Les entreprises doivent alors identifier les cas extrêmes.
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1. La formation de l’équipe en charge du projet et la définition de l’objectif poursuivi. Chez 3M, par exemple, de telles équipes rassemblent habituellement trois à cinq collaborateurs expérimentés issus des services techniques et marketing, l’un d’entre eux étant nommé responsable du projet ; ils consacrent chaque semaine entre 12 et 20 heures au projet, et ce pendant quatre à six mois30. Cette étape consiste à définir, en relation avec les dirigeants de l’entreprise, le marché visé ainsi que le type et le degré d’innovation souhaitée. 2. L’identification de tendances. Il s’agit d’identifier et de bien comprendre les tendances actuelles dans le domaine technique et sur le marché, en interviewant notamment des experts. On choisit alors une ou plusieurs tendances importantes sur lesquelles le projet sera focalisé. Le
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recours à l’intelligence artificielle pour localiser les signaux faibles ou forts est de plus en plus efficace. Elle permet de compléter l’apport des lead users. 3. L’interview d’un réseau pyramidal d’utilisateurs leaders. On recherche les clients à la pointe des tendances identifiées dans la phase 2. On leur demande d’indiquer d’autres interlocuteurs possibles à rencontrer sur le sujet. La technique de la pyramide repose sur le fait que les personnes très intéressées par un sujet connaissent souvent d’autres personnes encore plus expertes qu’elles. 4. L’atelier intégrant les utilisateurs leaders et l’amélioration des idées. Cette phase finale repose sur un atelier dans lequel des utilisateurs leaders travaillent avec le personnel de l’entreprise à l’amélioration des idées générées dans la phase précédente, et génèrent parfois des idées totalement nouvelles. Habituellement, ces ateliers regroupent dix à quinze personnes, dont un tiers de l’entreprise. Les participants travaillent d’abord en petits groupes puis tous ensemble pour affiner les idées, choisir les plus porteuses compte tenu des objectifs et des contraintes de l’entreprise, et évaluer leur faisabilité technique, leur attrait pour le marché et leur adéquation aux priorités de l’entreprise. Cette phase va parfois jusqu’au développement de concepts finalisés tels que nous les décrirons ultérieurement dans ce chapitre.
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Cette approche peut être utilisée dans de nombreux secteurs (construction et BTP, circuits imprimés, ordinateurs). Elle est mise en œuvre chez 3M en complément des approches classiques de collecte des idées auprès des clients plus représentatifs du marché, et ce dans plusieurs divisions de l’entreprise. À titre d’exemple, c’est par cette méthode qu’est née l’idée d’une nouvelle approche pour prévenir les infections associées aux opérations chirurgicales par des mesures spécifiques aux caractéristiques biologiques de chaque patient, générant plusieurs nouvelles lignes de produits. De même, c’est par cette méthode qu’est apparu un nouvel équipement de test et de communication électronique permettant aux travailleurs isolés physiquement comme les réparateurs d’équipements télécoms de travailler en équipes.
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Les comparaisons entre cette approche qui intègre les utilisateurs leaders et les méthodes plus classiques montrent que les idées générées par les utilisateurs leaders sont souvent plus novatrices, correspondent à des besoins plus originaux ou plus nouveaux, et sont souvent préférées par les utilisateurs potentiels31. Les projets identifiés donnent souvent lieu à de
nouvelles lignes de produits, tandis que les méthodes classiques correspondent davantage à des améliorations de produits existants ou à des extensions de lignes de produits. Les projets issus des utilisateurs leaders sont jugés plus importants au plan stratégique et aboutissent à des projets plus performants de ventes et de parts de marché. Dernier avantage, l’approche semble favoriser le travail en équipes plurifonctionnelles ainsi que l’écoute de la « voix du client » dans toute l’organisation et dans les négociations avec les fournisseurs. En revanche, des difficultés opérationnelles peuvent émerger dans la mise en œuvre de la méthode. En effet :
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– elle est plus consommatrice de temps et plus coûteuse. Il faut des efforts importants pour identifier et recruter les experts pour l’identification des tendances (phase 2) et les utilisateurs leaders pour la génération d’idées (phases 3 et 4) ; – les personnes identifiées peuvent se révéler a posteriori peu en avance sur le reste du marché et pas suffisamment expertes pour générer ellesmêmes des solutions. On se heurte à l’absence possible de véritables utilisateurs leaders dans le secteur, ou à la difficulté de les identifier. Chez l’entreprise norvégienne Cinet, par exemple, la mise en place d’un processus d’innovation avec les utilisateurs leaders d’ordinateurs PC s’est heurtée au fait qu’aucun client identifié sur le marché n’avait d’idées réellement novatrices, ce qui rendait difficile l’émergence d’idées allant au-delà des améliorations des produits existants. Probablement en raison de la complexité des composants constitutifs des PC, aucun utilisateur leader identifié n’avait développé ses propres solutions technologiques, à l’exception d’un client ayant mis le PC dans une boîte spéciale afin d’en réduire le bruit ; à l’inverse de cet exemple, certains utilisateurs de la méthode craignent parfois de développer des solutions trop novatrices pour le marché, et une question classique se pose alors : quel est le moment opportun pour commercialiser une innovation ? ; – certains considèrent que la méthode qui intègre les utilisateurs leaders aboutit à des projets moins cohérents avec les réseaux de distribution existants, les capacités de production ou les plans stratégiques des divisions ; – enfin, on souligne parfois la difficulté de protéger légalement des idées d’innovations qui émanent d’individus extérieurs à l’entreprise. Si les
idées sont issues d’un collectif constitué d’acteurs extérieurs à l’entreprise mais sont gérées par elle, cela n’apparaît pas forcément comme un obstacle. 3M, par exemple, a pu garantir la protection intellectuelle d’un concept très novateur né en phase 4, dont le but était de se protéger contre les infections post-chirurgicales car il était le fruit de suggestions de plusieurs acteurs (un expert en guérison de blessures, un chirurgien vétérinaire et un spécialiste du maquillage théâtral expert dans les matériaux adhésifs à la peau).
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Cette démarche, à l’origine surtout développée pour les activités businessto-business, est aujourd’hui utilisée également dans les activités destinées à une clientèle de particuliers. Il s’agit là aussi d’identifier des clients atypiques, en avance sur le reste de la population, et d’analyser leurs comportements de consommation afin de faire émerger des idées de nouveaux produits.
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Lorsque Levi’s a souhaité concevoir un nouveau jean afin de moderniser son image auprès des jeunes, l’entreprise a réalisé une étude auprès de jeunes gens urbains à la pointe de la mode, évoluant dans les milieux artistiques et souvent baignés de culture hip-hop. Il s’agissait de comprendre ce qu’ils jugeaient branché et sexy, puis de leur faire expliquer comment ils portaient, utilisaient et transformaient leurs jeans au moyen de croquis, photos et notations. Tout ce matériau a ensuite constitué une source d’inspiration pour le modèle Levi’s Engineered (LEJ). La marque a en outre modifié son système de distribution en implantant des « boutiques icônes », plus proches de l’atelier que de la boutique traditionnelle, dans les quartiers à la mode des différentes capitales européennes32. En 2019, on a repensé l’Engineered en introduisant des nouvelles technologies comme le tricot 3D et le denim stretch quatre directions.
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Précisons toutefois que la démarche qui intègre les utilisateurs leaders est uniquement adaptée au développement de produits très innovants, voire d’innovations de rupture. Parce qu’ils sont innovateurs et avant-gardistes, les utilisateurs leaders peuvent moins bien percevoir que le reste du marché une idée ou un projet peu novateur33.
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En 2004, Hoffman, Kopalle et Novak34 introduisent, dans le domaine du marketing et de l’outsourcing, une nouvelle catégorie de consommateurs : les consommateurs de nature émergente. Ils définissent ces consommateurs comme des individus créatifs qui disposent d’une « capacité unique à imaginer et à visualiser comment des concepts nouveaux pourraient être développés afin qu’ils soient couronnés de succès sur le marché ». Ils
montrent notamment que des concepts de produits développés dans le domaine de la grande consommation par des consommateurs de nature émergente conduisent à de meilleurs résultats et notamment à des produits significativement plus attractifs commercialement et plus utiles, que ceux émanant de consommateurs ordinaires, de consommateurs innovateurs (les premiers adopteurs) et même de lead users. Selon les auteurs, le consommateur de nature émergente, faiblement distribué dans la population, revêt une combinaison particulière de facteurs, tels que des capacités cognitives de traitement de l’information et des traits de personnalités particuliers. Le focus qui suit liste ses caractéristiques.
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Les caractéristiques de l’emergent-nature consumer sont :
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• l’ouverture aux nouvelles expériences et aux idées (curiosité vis-à-vis du monde extérieur et intérieur). Selon les auteurs, un individu présentant un score élevé d’ouverture sera plus imaginatif et appréciera les expériences à forte teneur esthétique, émotionnelle et intellectuelle ; • la réflexion ;
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• la propension à exécuter un traitement expérientiel (valorisant la réflexion intuitive, une sensibilité holistique et l’expression des émotions) et rationnel (valorisant un traitement analytique, logique, causal et systématique), ces deux modes opérant en synergie et agissant sur l’utilité du concept ;
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• la capacité à s’engager simultanément dans une modalité de traitement de l’information verbale (préférence pour un traitement linguistique de l’information / style rationnel) et visuelle (préférence pour un traitement visuel de l’information / style expérientiel). Cette double capacité vise à favoriser la visualisation et la rationalisation du concept ;
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• un haut niveau de créativité ; • l’optimisme.
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Selon Hoffman, Kopalle et Novak35, bien que présentant une étroite proximité conceptuelle, les consommateurs de nature émergente, à la différence des lead users, ne sont pas nécessairement experts dans un domaine spécifique.
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Outre les travaux pionniers de Hoffman, Kopalle et Novak poursuivis en 201036, les consommateurs de nature émergente ont fait l’objet de peu de recherches. En France, Hamdi et Vernette37, sur la base d’un échantillon en ligne de 995 personnes représentatif de la population française, mettent en
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avant deux résultats majeurs. Tout d’abord, ils montrent que les lead users et les consommateurs de nature émergente s’engagent significativement plus fréquemment dans des activités de co-création que des individus ordinaires (en partageant des expériences de consommation en postant, par exemple, des commentaires sur un produit/service, en proposant des idées de nouveaux produits ou services sur des plateformes collaboratives, en imaginant une campagne publicitaire à venir, en intervenant dans des discussions sur des forums dédiés à un produit/une marque). De plus, ils mettent en exergue que les lead users et les consommateurs de nature émergente ont des compétences plus développées pour la co-création que les consommateurs ordinaires (les lead users et les consommateurs de nature émergente ont une expertise significativement plus élevée et sont plus enclins à déposer des brevets) confirmant ainsi la nécessité de cibler ces deux types d’utilisateurs lors d’une démarche de co-création. Enfin, les auteurs montrent que la compétence pour la co-création est un médiateur des effets du type d’utilisateur (lead user et consommateur de nature émergente) sur l’engagement dans des activités de co-création. Dernièrement, Hamdi-Kidar38 s’est attelée à étudier les motivations potentielles des lead users et des consommateurs de nature émergente à cocréer des produits/services avec des entreprises dans le domaine des jeux vidéo. L’auteur stipule que les deux cibles sont davantage motivées à s’engager dans des activités co-créatives que des consommateurs ordinaires (les scores de motivation relatifs à la reconnaissance financière et sociale, au plaisir lié à l’activité créative et à la réalisation de soi étant significativement plus élevés) et identifie des motivations à co-créer respectives divergentes. En effet, les lead users semblent être plus motivés à co-créer pour des raisons de reconnaissances financière et sociale que pour le plaisir anticipé d’exercer une activité créative. La dimension réalisation de soi n’a, quant à elle, pas d’effet. A contrario, les consommateurs de nature émergente sont davantage motivés par la réalisation de soi, puis par le plaisir hédonique lié à l’expérience. Les dotations financières et la reconnaissance sociale agissent sur la motivation des consommateurs de nature émergente à s’engager dans des activités cocréatives mais dans une moindre mesure que les précédentes.
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Nous l’avons compris, les lead users et les emergent-nature consumers présentent un potentiel créatif élevé. Ainsi, ces deux profils constituent des sources d’innovations de grande valeur pour les entreprises. Mais elles se
heurtent à une difficulté majeure. En effet, il est difficile d’enrôler de tels acteurs dans des démarches d’innovation en raison de leur faible proportion dans la population et de leur difficulté d’identification. Ainsi, des efforts conséquents sont nécessaires pour identifier et recruter ces deux cibles.
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2. La co-innovation avec les clients
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Face à ces limites, il convient de se demander si l’on ne devrait pas, de manière plus générale et sans se contenter de focaliser l’attention sur les seuls lead users ou consommateurs de nature émergente, chercher plutôt à identifier des utilisateurs créatifs39 et à agir sur la créativité de ces utilisateurs ordinaires afin de les amener à développer des idées tout aussi créatives et attractives que celles émanant de lead users et d’emergentnature consumers (considérés comme naturellement plus créatifs). Ainsi, une telle approche éviterait aux entreprises de se lancer dans des démarches fastidieuses de sélection de ces profils et ouvrirait la voie à de nouvelles perspectives visant à enrichir et à dynamiser le champ de l’innovation. La clé serait donc dans l’identification d’individus ayant un potentiel de créativité. La partie 6 de cette section abordera la notion de créativité, reconnue comme un moteur essentiel pour favoriser l’émergence de nouvelles idées et d’opportunités d’affaires prometteuses.
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La co-innovation est une généralisation de l’approche précédente. On imagine et développe l’innovation en coopération avec les clients40, mais de manière plus ouverte que précédemment, sans forcément les sélectionner sur leur profil psychologique. Ces démarches de co-innovation existent de longue date dans les activités business-to-business caractérisées par la présence d’un faible nombre de clients avec lesquels on construit des relations de long terme. Ainsi, Alstom et la SNCF travaillent systématiquement ensemble pour la conception des nouvelles générations de TGV, avec des équipes associant du personnel des deux entreprises qui échangent sur les projets de spécification et les cahiers des charges. De même, Valeo travaille souvent avec les constructeurs automobiles pour élaborer les nouveaux phares, boîtes de vitesse et autres équipements qui seront adaptés aux futurs modèles automobiles en développement dans les groupes Stellantis ou Renault-Nissan-Mitsubishi.
La co-innovation chez Xerox Dès 2006, Xerox a créé quatre groupes « Customer-Led Innovation » (CLI) afin d’aider les chercheurs du Xerox Innovation Group à être davantage en contact avec les clients et à trouver des scénarios d’application autour des technologies. Les clients sont des entreprises, sélectionnées sur la base de leur capacité à prendre des risques, de leur enthousiasme et de leur intérêt pour les technologies.
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Une problématique stratégique est identifiée avec le client. Le CLI identifie alors les chercheurs qui travaillent sur des technologies potentiellement pertinentes. Lors des sessions de travail, le client commence par expliquer ses usages, l’évolution de son métier, ses enjeux stratégiques en présence des chercheurs de Xerox. La journée se poursuit avec une alternance de présentations sur des technologies et des discussions. Des designers industriels peuvent également participer et faire parler les clients sur des concepts. En fin de session, le développement d’un pilote peut être décidé ; il est développé conjointement avec le centre de recherche, puis testé avec le client. Enfin, une analyse formelle est réalisée et assortie de verbatim des clients, pour transmission aux groupes de développement de produits et au marketing.
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Du point de vue de la propriété intellectuelle, un accord de confidentialité n’est signé en amont que si la technologie est nouvelle ou en cas de pilote. Il est clair pour un client qu’il ne pourra revendiquer la paternité d’une idée développée lors de ces sessions.
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Source : LE NAGARD E., RENIOU F., « Co-innover avec ses clients : opportunités et risques perçus », travail de recherche, 2011.
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Aujourd’hui, la co-innovation se développe également dans les activités à destination des consommateurs finaux sous l’effet conjugué de deux phénomènes : la multiplication des approches d’innovation ouverte41 (open innovation) fondées sur la conviction que les compétences et les énergies propices à l’innovation sont plus nombreuses hors de l’entreprise qu’en interne (voir chapitre 1) ; la capacité à avoir accès facilement à un grand nombre de clients grâce à Internet. En pratique, les clients sont sollicités par l’entreprise pour donner leur avis ou leurs idées et deviennent ainsi des acteurs actifs du processus d’innovation42.
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Quelques caractéristiques individuelles pertinentes à mobiliser dans une démarche de co-innovation avec les clients
Plusieurs caractéristiques évoquées à la fois par les experts et dans la littérature (Béji-Bécheur, 1998) rendent les clients intéressants dans un processus de co-innovation : • l’implication dans la catégorie de produits : le concept est lié à l’importance personnellement accordée à une catégorie de produits. Il s’agit d’une variable individuelle représentant l’intérêt général et à long terme qu’un consommateur porte à un produit ; • la créativité : il s’agit de la capacité d’un individu à générer un contenu cognitif nouveau dans un contexte de résolution de problème. Le niveau de créativité dépend de la nature du problème rencontré et de la capacité de l’individu à le résoudre ; • l’expertise : l’expertise est l’habileté à réaliser facilement des tâches liées au produit. L’expertise et la familiarité (nombre d’expériences relatives aux produits que le consommateur a pu accumuler) informent sur la connaissance du consommateur ; • l’innovativité : c’est le fait d’adopter les innovations dès leur lancement sur le marché. L’innovativité désigne « la tendance à acheter des produits nouveaux et une attitude générale de l’individu qui le rend sensible à la nouveauté » ; • l’avant-gardisme : il s’agit de ressentir en avance les besoins des consommateurs.
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Certaines de ces caractéristiques peuvent être corrélées, comme celles d’expertise et d’implication, car elles sont liées à un facteur commun : l’intérêt pour la catégorie. Les lead users, selon von Hippel, combinent à la fois la créativité et l’avant-gardisme. Les consommateurs émergents possèdent également cette capacité d’avant-gardisme.
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Source : LE NAGARD E., RENIOU F., « Co-innover avec les clients : entre intérêt et réticence pour les entreprises grand public », Décisions Marketing, no 71, 2013.
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L’implication des clients peut survenir à différentes étapes, par exemple lors de :
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– l’émergence des idées : les clients peuvent être sollicités pour donner des idées de nouveaux produits ou d’améliorations des produits existants. Les sites web des marques contiennent parfois des forums où les consommateurs échangent des astuces pour améliorer les performances de leur produit ou réparer certaines pannes, astuces qui peuvent être mises à profit par l’entreprise pour préparer la prochaine génération de ses produits. Dans d’autres cas, les entreprises peuvent utiliser des plateformes Internet de crowdsourcing43 telle Agorize pour faire émerger des idées d’innovation en dehors de leur clientèle habituelle ; – le tri et le choix des idées et des concepts : certaines entreprises mettent en ligne les idées de nouveaux produits et demandent aux clients de voter pour les idées qui leur semblent les plus prometteuses. Dans d’autres cas, les entreprises mettent en ligne les concepts de nouveaux produits qu’elles envisagent, parfois des visuels de modèles imaginés, en
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demandant aux clients de voter pour leur option préférée. Le recours au client est alors un substitut au test de concept et d’idées ; – l’identification de solutions : certaines marques indiquent en ligne des problèmes ou des besoins qu’elles éprouvent, demandant aux consommateurs qui auraient des solutions de les proposer ; elles peuvent également s’appuyer sur des plateformes de marketing participatif, comme l’entreprise française Eÿeka44, qui permet de mettre à contribution les internautes et de profiter de leur potentiel créatif ; – la réalisation de prototypes : certaines entreprises organisent des concours entre les clients pour leur proposer de concevoir ou dessiner un nouveau produit. Coca-Cola propose d’imaginer une nouvelle canette, Adidas de dessiner une nouvelle chaussure. Dans certains cas, les entreprises mettent à disposition des tool kits pour les aider à élaborer un produit ; – la mise en œuvre du test de produit : on peut soumettre aux clients volontaires des versions non finalisées du produit ou les faire participer à des expérimentations de services afin de recueillir leurs idées d’amélioration.
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Ces pratiques de co-innovation sont donc multiples et particulièrement en vogue, même si elles relèvent parfois davantage de l’opération de communication visant à créer du buzz autour de la marque que de la vraie démarche d’innovation. Elles peuvent compléter les processus d’innovation classiques mais ne s’y substituent pas. Elles soulèvent en outre plusieurs questions liées à la propriété intellectuelle (à qui appartiennent ces innovations co-développées avec le client ?), au choix des profils de consommateurs à solliciter (tous les volontaires ou une sélection selon le profil d’innovateur)45 et aux indicateurs de performance et de rentabilité à utiliser pour ces outils. ure d
3. Les innovations conçues par les clients seuls
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Depuis quelques années, certains chercheurs s’intéressent aux innovations développées par les clients seuls, sans l’aide de l’entreprise46. Ainsi, les poussettes à trois roues ou les sacs à dos avec poche à eau, un système d’hydratation intégré adapté aux trails intenses, ont été développés initialement par des clients qui ont bricolé les produits existants pour les
adapter à leurs besoins, en modifiant leurs caractéristiques et en créant finalement une innovation. Cette pratique, intitulée « innovation utilisateur » (user innovation en anglais), concerne particulièrement les produits pour lesquels il existe une forte implication, conduisant les clients à ressentir fortement les problèmes d’utilisation et à chercher eux-mêmes une solution. C’est par exemple le cas du matériel médical, des produits sportifs ou pour bébés. Le tableau suivant liste les auteurs dont les recherches ont montré la part des produits développés ou modifiés par des utilisateurs dans divers secteurs. Son pourcentage varie selon les secteurs étudiés47.
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Tableau 4.1 – La part des produits développés ou modifiés par des utilisateurs
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Sources : VELLERA C., 2013 ; LÜTHJE C., HERSTATT C., 2004.
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Ce phénomène a toujours existé mais, aujourd’hui, les clients qui ont créé une innovation peuvent en faire part sur les forums Internet, incitant
d’autres consommateurs à reproduire l’innovation et ainsi à la diffuser. L’enjeu pour les entreprises est alors de repérer ces innovations et de les commercialiser à grande échelle. Les difficultés d’une telle démarche sont multiples. Il faudra :
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– parvenir à repérer en réel ou sur Internet les innovations d’utilisateurs qui représentent un vrai potentiel. Leur identification est d’autant plus délicate que ces « user innovations » ressemblent souvent, au départ, davantage à un assemblage bricolé qu’à un véritable produit. Seb est ainsi très attentif aux modifications artisanales opérées sur les produits de petit électroménager culinaire, qui répondent aux caractéristiques d’usage des ingrédients et des spécialités locales ; – se réapproprier l’innovation en évitant le syndrome « not invented here » qui peut nuire à l’adhésion interne au projet, puis la transformer en produit manufacturé au design adéquat ; – définir à qui appartient l’innovation en termes de propriété intellectuelle, ce qui n’est pas évident ; – lancer l’innovation sans que les communautés d’adeptes de ces produits aient l’impression de s’être fait voler l’idée mais se sentent au contraire reconnues et valorisées par la transformation et la commercialisation par une entreprise.
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Cette approche de l’innovation constitue donc la pratique ultime d’intégration du client dans le processus, posant à l’extrême les questions et enjeux liés à l’intégration du client dans la démarche d’innovation. :211
4. Innover pour et avec les consommateurs pauvres
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Comme nous l’avons déjà évoqué dans les chapitres précédents, l’innovation frugale48 répond aux besoins du marché des consommateurs pauvres appelé Bottom of the Pyramid (BoP). Nous avons développé ce sujet dans le chapitre 1 de l’ouvrage. Ce type d’innovation est singulier puisqu’il répond aux conditions de vie et d’usages de vastes marchés et est inspiré par les utilisateurs eux-mêmes. L’idée n’est pas ici de proposer un produit adapté venu des pays riches mais d’imaginer un produit et un procédé de fabrication originaux et réalisés dans des conditions de sobriété extrêmes, dans les pays concernés, avec les utilisateurs locaux. L’innovation
frugale dépasse souvent le marché d’origine auquel il était dédié. On parle alors d’innovation inversée (voir chapitre 1).
EXEMPLES Best Buy et Cisco ont développé des solutions de télémédecine qui permettent aux médecins de communiquer à distance avec leurs patients – en particulier les personnes âgées – et de surveiller en permanence leur état, offrant ainsi de meilleurs soins proactifs à moindre coût. En France, la plateforme de téléconsultation Hellocare a vu la demande pour ses services exploser durant le confinement. PepsiCo a mis à profit son Global Value Innovation Center en Inde pour créer des systèmes de chaîne d’approvisionnement rentables, écologiques et agiles – comme les chaînes du froid – qui peuvent livrer ses produits plus rapidement, mieux et pour moins cher. Imaginez une chaîne du froid intelligemment optimisée pour livrer à la fois des boissons et des vaccins salvateurs ? CocaCola en a déjà bâti une en Afrique !
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Source : extrait de Radjou N., « L’innovation frugale : les entreprises qui l’adoptent s’en sortent mieux que les autres », ADN, 2020.
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• La créativité comme source d’innovation
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Les entreprises se nourrissent des différentes sources d’information évoquées ci-dessus pour construire leur vision du marché à venir et faire émerger les idées de nouveaux produits49. Mais les entreprises ne peuvent s’appuyer ni uniquement, ni directement, sur les idées qui proviennent de l’extérieur. Elles doivent faire preuve de créativité pour transformer l’analyse du marché en idées de nouveaux produits.
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La créativité au restaurant El Bulli… et le renouveau avec la fondation El Bulli 1846
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Le restaurant El Bulli, lieu emblématique de la gastronomie moléculaire, a ouvert ses portes en 1961 et est entré dans le club fermé des restaurants 3 étoiles Michelin en 1997 avec le chef Ferran Adrià, sacré meilleur cuisinier du monde par le magazine britannique Restaurants en 2003. En juillet 2011, il a annoncé qu’il fermait son restaurant pour prendre deux années sabbatiques qui devaient stimuler son inspiration et sa création : « Il est impossible avec le format actuel d’El Bulli de continuer à créer », expliquait le chef. Un lieu
appelé El Bulli 1846 et équipé d’un laboratoire de créativité devait ouvrir en mars 2016. Diverses difficultés, suivies de la crise sanitaire de 2020, ont repoussé le projet. La créativité est en effet au cœur des préoccupations de Ferran Adrià, avec un credo clair : « La créativité d’abord, le client ensuite. » Il veut que ses plats « provoquent » et génèrent une « expérience holistique » fondée sur les cinq sens et sur de nouvelles textures culinaires comme les glaces, les gélatines et des mousses. Le restaurant originel était connu pour l’originalité des 25 plats qui composaient son menu, par exemple le papier de fleurs, la truffe glacée de carotte et de fruit de la passion, le caramel d’huile de courge, les bonbons à l’huile de potiron, les pétales de rose en tempura, ou encore les sorbets aux amandes parfumés à l’ail.
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Le restaurant n’était ouvert que six mois par an, afin de libérer le reste de l’année pour la création. L’objectif constant était de concevoir de nouvelles recettes, mais aussi de nouvelles textures, de nouvelles techniques et même de nouveaux équipements. Pour stimuler la créativité, Adrià a mis au point un processus formalisé de création fondé sur la déconstruction permettant de repenser les recettes traditionnelles espagnoles comme la tortilla. Il associait volontiers le sucré et le salé et se réappropriait des produits de consommation courante comme les marshmallows et les sucettes.
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Il a également créé un laboratoire de R&D appelé « El Taller » (l’atelier), où il disposait d’équipements high-tech et d’ingrédients atypiques comme l’azote liquide, reprise par la plupart des grands chefs depuis lors. Toutes les intuitions et les idées novatrices y étaient encouragées et retravaillées, avant le développement de prototypes pouvant donner lieu à plusieurs centaines d’itérations fondées sur des techniques et des ingrédients différents. L’équipe créative était composée de huit à neuf personnes et de trois chefs, répartis en trois groupes de recherche travaillant séparément sur différentes sources de créativité qu’ils nourrissaient par des voyages et des cours. Avait ensuite lieu une confrontation des idées, en vue de choisir les priorités et de concevoir les nouveaux mets par expérimentation et itération. Le processus comprenait plusieurs moments clés de décision.
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« Nous cherchons à explorer les frontières de la cuisine, expliquait Ferran Adrià. Plus de techniques et de concepts culinaires ont été développés chez El Bulli en quinze ans que dans le monde entier au cours du siècle dernier… » générant parfois des polémiques intenses sur la cuisine moléculaire.
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En 2021, la Fondation El Bulli 1846 devient un centre d’étude, une sorte de laboratoire d’idées, de recherche et d’expérimentation, un outil de travail permettant de générer de la connaissance et de l’innovation. Les résultats seront disponibles sur différents formats à l’attention de tout public.
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Sources : NORTON M., VILLANUEVA J., WATHIEU L., « El Bulli : The Taste for Innovation », Harvard Business School Case Study, 2009 ; GAUDRY F. R., « Pourquoi Ferran Adrià ferme son restaurant », lexpress.fr, 2010, mis à jour avec DIXLER H., « Ferran Adrià on Closing elBulli, Starting a Foundation, and ‘Decoding’ Creativity », eater.com, 2014 ; FOOD & SENS, « 12 points à connaître pour comprendre le fonctionnement de El Bulli », 2020.
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Dans le sillage de Ferran Adrià, la plupart des grands chefs mettent en avant leur créativité. Ainsi, le chef Thierry Marx et le chercheur en physiquechimie à l’Université Paris-Saclay Raphaël Haumont collaborent au sein du
Centre français d’innovation culinaire (CFIC). Une question les stimule : quelle sera la cuisine du futur ? C’est ainsi qu’à l’occasion de sa deuxième mission en 2021, Thomas Pesquet, l’astronaute de l’Agence spatiale européenne (ESA), a embarqué à bord de la station spatiale internationale (ISS) avec une sélection de plats gastronomiques innovants, soigneusement étudiés et conçus par Thierry Marx et Raphaël Haumont selon un processus d’innovation collaboratif. Véritables défis gustatifs mettant en œuvre des techniques de fabrication innovantes, les créations ont été appertisées par l’entreprise industrielle Jean Hénaff. Les enjeux étaient multiples : garantir le goût, l’esthétique, l’équilibre nutritionnel, les propriétés nutritives et une sécurité microbiologique sans faille50.
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Le cas qui suit décrit la stimulation de la créativité et le développement des idées de nouveaux produits chez Pixar. Le réalisateur et scénariste Brad Bird énonce dix principes omniprésents chez ce concepteur de films d’animation.
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La stimulation de la créativité et le développement des idées de nouveaux produits chez Pixar
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• Leçon no 1 : Refuser l’autosatisfaction
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La question posée à Brad Bird était la suivante : quel est le rapport entre stimuler la créativité de dessinateurs/animateurs et le développement de nouvelles idées de produits ou d’idées radicales ?
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Quand Steve Jobs recruta Brad Bird, ce dernier rapporte que, malgré les trois derniers succès que Pixar venait de remporter (Toy Story, A Bug’s Life et Toy Story 2), Jobs lui dit : « La seule chose dont nous ayons peur c’est de devenir autosatisfaits, comme si nous avions tout vu et tout fait. Nous voulons que tu nous secoues. » • Leçon no 2 : Recruter des « moutons noirs »
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« Pour réaliser le film Les Indestructibles, j’ai dit : “Donnez-nous les moutons noirs. Je veux des artistes frustrés. Je veux des gens qui font les choses autrement que nous et que personne n’écoute.” J’ai donné à ces moutons noirs une chance de prouver leur théorie et cela nous a amenés à changer notre façon de faire un certain nombre de choses chez Pixar bien que la façon de procéder en cours fonctionnât très bien. »
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• Leçon no 3 : Ne pas chercher la perfection à tout prix
« Pixar avait l’habitude de sur-élaborer les storyboards. Or toutes les images créées n’ont pas besoin d’être du même niveau de qualité : quelques-unes doivent être parfaites, d’autres doivent être bonnes et d’autres encore doivent être assez bonnes. Tout dépend de l’angle de vue, de la durée de passage à l’écran, etc. » • • Leçon no 4 : Des collaborateurs impliqués et passionnés sont de bons innovateurs « Des collaborateurs n’innovent pas mieux parce qu’ils sont heureux au travail, ils innovent parce qu’ils sont centrés sur des missions telles que “je veux résoudre ce problème” ». • Leçon no 5 : Manager les équipes de façon collaborative et ouverte
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« Pendant la réalisation du film The Iron Giant, j’ai invité toute l’équipe dans une pièce. Précédemment, l’équipe avait l’habitude d’être convoquée individuellement en face à face dans un bureau. J’ai dit : “c’est une équipe jeune. En tant qu’individus, nous avons tous nos forces et nos faiblesses, mais si nous interconnectons toutes nos forces, nous sommes collectivement les plus grands dessinateurs/animateurs de la planète. Nous allons donc regarder les scènes devant tout le monde. Tout le monde sera humilié et encouragé à la fois. S’il y a une solution, je veux que tout le monde l’entende afin que chacun puisse la rajouter à sa boîte à outils. Je vais donner mon point de vue sur la scène, mais si quelqu’un n’est pas d’accord et voit différemment les choses, qu’il le dise ! Soyez en désaccord !” »
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• Leçon no 6 : Accepter de changer
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« Quand Pixar m’a demandé de reprendre la réalisation du film Ratatouille, le projet avait été lancé depuis plus de cinq ans déjà. À ce moment du projet, les rats avaient des pattes articulées et ne marchaient que sur deux pattes pour ne pas effrayer les futurs spectateurs ; j’ai pensé que c’était une erreur. Les rats doivent marcher sur leurs quatre pattes. Toute l’équipe était écœurée, car ils avaient travaillé un an sur la conception des membres articulés… Un des dessinateurs m’a demandé pourquoi nous devions faire ça. J’étais à deux doigts de lui répondre : “Parce que je suis le boss”, mais je me suis arrêté, j’ai réfléchi, et voici ce que j’ai expliqué : “Ce film, c’est l’histoire d’un rat qui veut entrer dans le monde des humains. Nous devons faire ressortir ce choix visuellement. Si vous avez tous les rats qui marchent sur deux pattes, il n’y aura aucune différence entre Ratatouille et les autres rats. Si nous proposons ce truc visuel, nous pouvons alors laisser le personnage opérer sa propre transformation selon son état émotionnel et choisir d’être sur quatre pattes quand il veut être rat ou sur deux quand il veut se rapprocher des humains.” Et petit à petit toute l’équipe a dit : “OK, nous avons enfin une direction claire.” »
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• Leçon no 7 : Avoir l’esprit d’équipe
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• Leçon no 8 : Penser que l’impossible est accessible
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• Leçon no 9 : Développer des nouveautés que l’on aurait envie d’acheter pour soi
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« Chez Pixar, nous n’écoutons pas les spectateurs pour savoir ce qu’ils auraient envie de voir. Mon objectif consiste à faire des films que j’ai envie de voir. Si je fais mon métier assez sincèrement – si je suis exigeant avec moi-même et pas complètement coupé de la base, c’est-à-dire pas foncièrement différent du reste de l’humanité – alors d’autres auront aussi envie de voir mes films et s’amuseront en les regardant. » • Leçon no 10 : Culture Innovation = espace + émotions + interconnexions + formation
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« Les gens sont autorisés à créer ce qu’ils veulent comme décor pour leur bureau. Ensuite, le bâtiment est construit autour d’un atrium qui ressemble initialement à une perte d’espace, en
fait Steve y a mis les boîtes aux lettres, les salles de réunion, la cafétéria, les toilettes pour que tout le monde ait l’occasion de se croiser dans une journée. Steve pense que c’est quand on se croise qu’il peut se passer des choses. Enfin, nous avons mis en place la Pixar University. Si vous travaillez sur l’éclairage et que vous avez envie de vous initier à l’animation, alors vous pouvez suivre des cours. Pixar encourage fortement ses collaborateurs à apprendre en dehors de leur domaine de compétence, ce qui les rend plus “complets” dans leur approche et plus créatifs. Nous incitons aussi nos collaborateurs à exprimer leur choix ou leur décision de façon posée car ce qui mine l’innovation ce sont les gens passifs ou agressifs qui dénigrent tout dans leur coin dès que les dos sont tournés. » Source : Extrait de DEKEYSER M., « Les 10 leçons d’innovation de Pixar », lesideesquiparlent.fr, 2008.
1. Le processus de créativité individuelle
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Depuis de nombreuses années, des chercheurs et des consultants se sont intéressés à la créativité dans sa double dimension organisationnelle et individuelle51. Nous avons déjà évoqué les aspects organisationnels. Sur le plan individuel, la créativité exige à la fois de l’expertise dans le domaine traité, une forte motivation intrinsèque pour le sujet et la capacité à penser de manière créative. La créativité se manifeste davantage lorsque les compétences des individus coïncident avec leurs centres d’intérêt. À niveaux d’expertise et de motivation donnés, la différence entre individus relève de :
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– leur style cognitif, favorisant ou non l’adoption de nouveaux points de vue sur les situations à résoudre ; – un style de travail contribuant à la poursuite opiniâtre des objectifs ; – l’application de techniques d’exploration de nouvelles voies cognitives.
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Les compétences créatives peuvent donc être améliorées par des techniques visant à accroître la flexibilité cognitive et l’indépendance intellectuelle52. Si de nombreuses entreprises proposent des séminaires relatifs à ces techniques de créativité, leur efficacité est parfois jugée décevante par les participants car les pratiques et les décisions de l’entreprise n’évoluent pas au même rythme que les approches des individus qui ont assisté à ces séminaires.
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Avant de revenir sur ces techniques, exposons quelques principes favorisant l’émergence de nouvelles idées chez un individu53. La créativité est l’objet d’idées reçues souvent fausses, oscillant entre l’image d’un processus
soudain et inattendu – telle la pomme tombant sur la tête d’Isaac Newton et faisant naître en lui l’idée de la gravitation universelle –, et l’image d’un « don » qui serait l’affaire de quelques-uns : les gens créatifs. La créativité se prépare et se favorise. Les spécialistes considèrent ainsi qu’il n’y a pas d’idées nouvelles sans :
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– énoncer un problème sur lequel réfléchir et travailler ; – formuler ce problème de manière atypique pour éviter de reproduire des idées déjà émises, ce qui implique souvent un travail de redéfinition dudit problème ; – avoir collecté une masse critique d’informations sur le problème et les solutions existantes ; – oublier momentanément les solutions existantes, dans une phase souvent appelée unlearning ou « divergence » visant à trouver des idées nouvelles, même fantaisistes ; – accomplir un travail mental inconscient sur le problème, ce qui implique souvent certains délais ; – avoir des moments de prise de conscience au cours desquels les idées vont émerger.
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2. Les techniques de créativité
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Compte tenu de ces principes, le processus de créativité suit quatre étapes distinctes : la préparation (l’analyse préliminaire du problème et sa redéfinition, associée à la collecte d’informations), l’incubation (activité mentale inconsciente autour du problème), l’illumination (prise de conscience d’une idée prometteuse) et la vérification de la pertinence de l’idée.
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Les techniques de créativité les plus courantes pour faire émerger des idées de nouveaux produits et services sont les suivantes :
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• le brainstorming, inventé par Osborne dans les années 1950, est la méthode la plus connue et la plus utilisée. Il s’agit de réunir pendant 30 à 45 minutes quatre à huit personnes de profil et de formation différents et ayant un degré d’expertise varié sur le problème étudié. On cherche à émettre le plus grand nombre d’idées possible – la quantité générant la qualité –, à encourager les idées les plus étranges et à ce que chacun
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rebondisse sur les idées des autres. Aucune critique des idées émises n’est autorisée. De manière à éviter l’autocensure, il est souhaitable d’éviter tout lien hiérarchique entre les membres du groupe. Un modérateur anime le débat et veille à son bon déroulement ; il relance parfois le groupe à partir de ses propres idées. Notons toutefois que plusieurs travaux de recherche en psychologie54 et en gestion55 remettent en cause l’efficacité des brainstormings, en montrant que l’entretien individuel avec le même nombre de personnes produit davantage d’idées que leur travail en commun. Trois raisons peuvent être invoquées : la tendance à être moins actif en travail de groupe, l’appréhension du jugement des autres participants, et le blocage de la production d’idées lié à l’impossibilité de parler tous en même temps ; face à cette troisième difficulté, on peut recourir au brainstorming électronique qui formalise toutefois davantage le processus. Des travaux relativement récents développent une méthode intitulée « suspending group debate »56. Cette méthode s’appuie sur un processus de génération d’idées et de développement de concept alternativement collectif et individuel. Les groupes débattent d’un problème, des idées de solutions sont alors générées individuellement et ces idées sont ensuite débattues et développées collectivement. Cette méthode, moins onéreuse que les réunions de groupes extensives, donnerait de bons résultats : elle permettrait de générer un plus grand nombre d’idées, un nombre plus élevé d’idées originales, et des idées plus variées, qui se traduisent par des concepts de meilleure qualité ; • la synectique57 repose sur la métaphore et l’analogie avec des problèmes comparables rencontrés dans des univers différents. On part de l’expression très générale d’un problème afin que les participants ne découvrent pas sa nature précise, ce qui évite de revenir aux solutions utilisées habituellement avant d’avoir envisagé de nouvelles perspectives. Le recours aux métaphores permet de laisser s’établir des analogies entre des choses apparemment sans lien et de rendre l’insolite familier et le familier insolite. Cette méthode requiert la participation de spécialistes pour pouvoir fonctionner ; • on peut également avoir recours à des modèles inventifs systématiques58 (en anglais inventive templates). Par exemple, le modèle de dépendance entre attributs consiste à établir une liste des attributs du produit et à lier deux attributs jusque-là indépendants. Ainsi, Domino’s Pizza a associé
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prix et rapidité de livraison en offrant une réduction dès que le délai de livraison à domicile dépasse 30 minutes. Cette association pourrait être transposée à d’autres secteurs (pressings, supermarchés) et à d’autres attributs (par exemple faire le lien entre la couleur d’un récipient et sa température, de manière à indiquer qu’un biberon est à la bonne température pour être bu, ou… entre prix et température de la pizza lors de sa livraison) ; • d’autres méthodes reposent également sur une analyse combinatoire et systématique des caractéristiques des produits, des modes de consommation ou de concepts existants : – la liste d’attributs est une méthode fondée sur l’établissement de la liste des attributs d’un produit ; on modifie ensuite chacun d’entre eux de manière à identifier de nouvelles combinaisons ; – dans le même esprit, l’analyse par contexte part d’un processus de consommation habituel et cherche à le transférer à d’autres contextes d’utilisation (par exemple l’utilisation d’un parfum sur les animaux, les lieux ou les meubles) ; – les matrices de découverte identifient les différents paramètres d’une situation de consommation (par exemple pour un produit alimentaire : le lieu, le moment, le nombre de personnes partageant le plat, etc.), étudient toutes les options possibles sur chaque paramètre (un produit alimentaire à manger à plusieurs dans la rue ou seul dans sa voiture) et identifient les options non couvertes par l’offre actuelle de l’entreprise ; – l’analyse morphologique d’un problème repose sur le même principe en énonçant explicitement le problème et en identifiant ses différentes dimensions, en établissant une liste de toutes les combinaisons possibles de ces dimensions, puis en examinant la faisabilité des alternatives avant de choisir la meilleure ; – la combinaison conceptuelle59 sous-tend l’aptitude créative à combiner des concepts existants pour en créer de nouveaux. Deux processus de création existent : le transfert de propriétés qui consiste à combiner des concepts en transférant la propriété d’un concept vers un autre (par exemple : la forme dans le cas des montres qui mesurent les constantes vitales) ; et la liaison des relations qui consiste à lier deux concepts combinés par une relation thématique (par exemple : la relation professionnelle pour des véhicules de fonction). Les recherches montrent
que les nouveaux produits élaborés à partir de liaison des relations sont plus faciles à interpréter pour le consommateur que les nouveaux produits créés à partir de transfert de propriété.
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Ces méthodes de créativité peuvent être utilisées en interne ou dans des réunions de groupe avec les clients pour faire émerger leurs propositions. On peut par exemple leur demander d’exprimer spontanément des idées pour améliorer les produits existants lors d’un brainstorming, d’imaginer le produit idéal ou d’inventer le produit à un horizon de 20 ans. Des méthodes plus sophistiquées reposent sur un « cycle créatif en voyage imaginaire » où l’on commence par une phase d’échauffement et de baisse de vigilance (phase 1), avant de stimuler l’imagination (phase 2) par association d’idées, émergence d’émotions et de souvenirs enfouis, portraits imaginaires et autres techniques d’analogie.
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Nathalie Herbeth a mené une recherche60 sur le poids des émotions dans le développement des nouveaux produits appliquée au secteur de l’automobile. Elle a réalisé une enquête auprès de cent répondants soumis à l’évaluation de leur ressenti émotionnel face à dix photographies de tableaux de bord automobiles. L’analyse des résultats a abouti à une cartographie émotionnelle (analyse en composantes principales sur les moyennes des notes obtenues). La confrontation de ces résultats aux styles et composants des tableaux de bord a permis d’identifier des pistes de conception pour les futurs systèmes. Par exemple, le rétroéclairage des compteurs et notamment la couleur bleue sont plébiscités pour leur originalité et leur caractère innovant, les fonds clairs et le cerclage chromé des compteurs pour leur caractère haut de gamme, l’affichage digital de la vitesse pour sa précision et sa facilité de lecture. L’ensemble de ces perceptions suscite des émotions positives de joie, désir et confiance.
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L’étape suivante vise à canaliser et enrichir ces idées (phase 3) de manière à mieux les organiser et à les rendre plus opérationnelles pour la création de nouveaux produits ; elle peut reposer sur le brainstorming ou sur les méthodes d’analyse combinatoire évoquées précédemment ; la dernière étape (phase 4) consiste à évaluer les idées formulées en vue de les trier61.
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Notons que les différentes techniques de créativité évoquées correspondent à des objectifs différents. Ainsi, les brainstormings aboutissent à un grand nombre d’idées mais relativement peu originales, qui s’inscrivent dans le paradigme dominant sur le sujet. À l’inverse, les techniques fondées sur la
visualisation créatrice aboutissent à un nombre d’idées plus limité mais plus originales62. Enfin, certaines approches combinent créativité interne, approches psychosociales et interrogation des clients sur les idées identifiées, telle la méthode de Plan créatif autour des scènes d’usage (voir cas ci-après).
CAS La méthode de Plan créatif User First centrée sur les scènes d’usage
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La société de design Plan créatif conçoit des produits innovants en collaboration avec les services marketing et R&D de ses clients à partir de la méthode « user first ». Cette approche repose sur la visualisation de scènes d’usage en retardant au maximum la représentation visuelle des objets. Cette approche permet de transcender les catégories de produits et de s’extraire de l’existant pour appréhender les situations d’usages et les besoins, favorisant ainsi un fort degré d’innovation. La méthode de conception repose sur quatre phases :
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1. Identifier les évolutions du marché à quatre ou cinq ans, en ayant recours à la sémiotique et aux approches psychosociales. On analyse autour de quelles valeurs fondamentales est structurée l’offre existante en identifiant les signes émis par les produits. Par exemple, si on analyse le marché actuel de l’électronique grand public, quatre registres apparaissent : le fonctionnel, le technologique, le ludique et le mythique. Pour l’hygiène bucco-dentaire : l’entretien, l’expertise, le plaisir et l’identitaire. En ayant recours aux sciences humaines et en analysant les marchés sur d’autres territoires géographiques, on identifie de nouvelles valeurs autour desquelles construire l’innovation.
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2. Imaginer et construire des scènes d’usage. Lors de séances de créativité, les designers travaillent sur les différentes valeurs identifiées et génèrent un certain nombre de schémas, de croquis et de mots. Ceux-ci sont ensuite transmis aux services études qui les utilisent pour écrire des scènes d’usage et de comportement. Les designers visualisent ensuite ces scènes en représentant visuellement le comportement et le besoin sous forme de story-board associant des descriptifs visuels et verbaux, tout en essayant de ne pas représenter le produit qui répond au besoin.
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3. Valider les scènes d’usage et sélectionner les plus pertinentes. Deux types de réunions de groupe sont organisés pour tester la pertinence des scènes d’usage : des réunions de consommateurs afin de déterminer s’ils parviennent à se projeter dans les scènes imaginées, et des réunions d’experts (services marketing et R&D du client, spécialistes du secteur, leaders d’opinion…). Les experts ont souvent une vision à plus long terme sur les évolutions possibles du secteur, tandis que les consommateurs réagissent davantage en fonction de leur vécu immédiat. Cette phase permet de sélectionner quelques scénarios pertinents en fonction de l’horizon temporel choisi pour l’innovation.
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4. Écrire le cahier des charges de l’innovation. L’analyse image par image des scénarios choisis permet d’analyser le contenu comportemental associé à la situation décrite et de
rédiger le cahier des charges de l’innovation. Dans la majorité des cas, le cahier des charges est ensuite transmis au centre de design interne du client qui travaille à la conception du produit. Dans les autres cas, l’agence est chargée du design du produit.
2 • LE FILTRAGE DES IDÉES Une fois les idées formulées, il faut opérer un premier tri pour choisir lesquelles travailler en priorité. Nous examinons d’abord les enjeux d’un tel filtrage avant de présenter les critères à prendre en compte.
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• Les enjeux du filtrage des idées
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Le filtrage des idées est une étape essentielle car il conduit à la sélection des idées auxquelles l’entreprise consacrera du temps et des investissements. Deux erreurs sont possibles à ce stade :
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– une erreur de sélection consiste à privilégier une idée qui se révélera peu porteuse et conduira à un échec commercial. Les cas de la tablette Surface de Microsoft ou des Google Glass illustrent cette erreur de sélection ; – une erreur d’abandon consiste à écarter une idée qui aurait pu conduire à un succès commercial. Contrairement aux erreurs de sélection, celles-là sont invisibles, sauf si un concurrent juge l’idée porteuse et la conduit au succès. Ainsi, à la fin des années 1960, IBM et Kodak n’ont pas vu le potentiel des machines à photocopier, tandis que Xerox s’en est emparé. Dans le même esprit, IBM a initialement renoncé à investir dans les ordinateurs personnels en estimant le potentiel de marché mondial à quelques unités seulement. Procter & Gamble, quant à elle, a écarté pendant plusieurs années l’idée des lessives en tablettes tandis que ses concurrents l’ont exploitée.
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Les directions des entreprises sanctionnent souvent les responsables de projet ayant réalisé des erreurs de sélection, sans voir qu’une telle politique favorise la prudence et donc les erreurs d’abandon. En réalité, les entreprises ne peuvent en parallèle chercher à limiter les deux types d’erreur : soit elles assouplissent les critères de sélection des projets et limitent les erreurs d’abandon, au risque d’accroître les erreurs de
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sélection ; soit elles durcissent leurs critères avec les effets inverses. L’arbitrage doit dépendre de la période d’évolution technologique dans laquelle se trouve le secteur63. Il convient de limiter au maximum les erreurs d’abandon en période d’effervescence technologique, dans laquelle de nombreuses options technologiques coexistent et peuvent finalement aboutir. Les spécialistes de R&D et les responsables de projet doivent alors être incités à prendre des risques dans le but d’explorer des voies alternatives dont certaines se révéleront infructueuses. En période de changement incrémental où les technologies et les comportements d’usage sont plus figés, on peut en revanche privilégier la réduction des erreurs de sélection dans une optique d’allocation optimisée des ressources consacrées à l’innovation.
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• Les critères de sélection des idées
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L’intérêt d’une idée pour une entreprise dépend en principe de quatre paramètres :
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– sa faisabilité technique (probabilité de succès de son développement) ; – sa probabilité de succès commercial en cas de développement réussi ; – sa rentabilité espérée ; – son coût de développement.
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Cependant, il est difficile de chiffrer précisément ces quatre paramètres à ce stade du processus. Les étapes évoquées à la fin de ce chapitre commenceront à le permettre : le test de concept évaluera la probabilité de succès commercial et les prix de vente possibles, tandis que les études de faisabilité analyseront la probabilité de réussir le développement technique, les coûts de développement et de fabrication (ce qui donnera une indication de la rentabilité). ure d
À ce stade, pourtant, il est nécessaire de hiérarchiser les idées et de choisir lesquelles poursuivre. Les entreprises procèdent en général en deux temps.
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D’abord, elles évaluent de façon approximative le potentiel de marché de chaque idée en fonction de sa cohérence avec les attentes des clients, du nombre de clients concernés par le produit et de la concurrence directe et indirecte (produits de substitution) à laquelle le produit fera face.
Ensuite, les entreprises évaluent le potentiel interne de chaque idée en tenant compte de deux aspects :
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– la stratégie de l’entreprise : priorités en termes de marchés et de catégories de produits, volonté de lancer des produits innovants et de prendre des risques, volonté de faire évoluer la clientèle et l’identité des marques… ; – les capacités de l’entreprise à conduire l’idée vers un succès commercial. Ce second critère repose sur une analyse des facteurs clés de succès du produit et de leur maîtrise par l’entreprise (compétences technologiques et R&D, procédés de fabrication, connaissance des clients, marque, réseau de distribution, capacités de communication et de mobilisation de la force de vente, moyens financiers, etc.). Lorsque l’entreprise ne dispose pas des compétences nécessaires, on évalue l’intérêt pour elle de les acquérir compte tenu de sa stratégie et de leur coût d’acquisition.
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Le cas qui suit illustre parfaitement cette double injonction : mener une stratégie résolument favorable à l’innovation, avec une organisation adaptée, et dédier des ressources financières importantes pour conduire les idées vers une réussite commerciale.
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Les capacités de l’entreprise à conduire l’idée vers le succès commercial
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Barry Calpino, vice-président de Kraft Foods (devenu Mondelez en 2012) et en charge des innovations relate qu’en 2008, 17 des 19 lancements de produits de la société ont été des échecs. Les ventes de ces nouveaux produits tels que Bagelfuls, (bagels congelés farcis au fromage crémeux) ou les Macaroni & Cheese crackers (biscuits en forme de pâtes) ne répondaient pas aux prévisions. En 2009, les résultats étaient tout aussi préoccupants.
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Selon Calpino, idées sans envergure, manque de concentration investissements faibles ont entravé les développements et les lancements. À cette époque, dit-il, l’innovation était considérée comme un « un emploi sans avenir », et les employés avaient fini par se résoudre que Kraft n’était pas bon dans ce domaine.
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Les nouvelles priorités de l’entreprise ont permis de renverser la tendance. Ainsi, Kraft Foods a élaboré des stratégies d’innovations qui appellent davantage d’investissements et un meilleur accompagnement financier pour des idées moins nombreuses mais plus ambitieuses.
Ainsi en 2011, Calpino rapporte que l’entreprise a concentré ses efforts sur 13 gros projets dont par exemple la marque d’eaux aromatisées MiO. Ce faisant, la société a augmenté son soutien moyen en marketing et communication pour chacun de ces lancements à près de cinq fois, soit environ 25 millions de dollars au lieu de 5 millions. MiO a ainsi bénéficié de plus de 50 millions de dollars de soutien en marketing et communication. Par ailleurs, depuis leur lancement en 2011, Kraft, a investi 100 millions de dollars sur les produits MiO, ce qui correspond à la moyenne de l’industrie agroalimentaire pour les lancements de produits réussis. Le vice-Président rapporte également que Kraft maintient son effort sur ses grands lancements pendant les trois premières années de vie du produit même si la première année n’est pas aussi prometteuse que prévu.
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Calpino relate aussi que des modifications organisationnelles ont été entreprises pour favoriser l’innovation. Par exemple, les équipes de vente participent de près au développement des produits afin qu’elles puissent mieux expliquer l’importance de chacun aux distributeurs, et s’investir davantage dans chaque lancement. De plus, l’entreprise veille à l’amélioration du niveau de compétences des salariés et mène un travail de repérage des talents en son sein. Enfin, pour mieux répondre aux besoins des marchés d’Amérique du Sud, Kraft a choisi d’intégrer plus d’Hispaniques lors des phases de développement de produits et dans le service marketing.
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Selon une estimation de l’entreprise, alors que 13 % des ventes de 2012 étaient le fait de nouveaux produits, en 2009, seuls 6,5 % des ventes étaient attribuées aux nouveaux produits.
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Source : BRYSON YORK E., « Kraft Back on Successful Flight Path for New Product Launches », Chicago Tribune, 2013.
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Concernant le potentiel interne de chaque idée, il est nécessaire d’arbitrer entre deux objectifs conflictuels : identifier les idées compatibles avec la vocation de l’entreprise tout en favorisant la diversité.
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Concrètement, les entreprises établissent souvent à ce stade des grilles d’évaluation des projets à partir d’une liste de critères dont quelques exemples sont mentionnés dans le tableau qui suit. Elles notent ensuite chaque projet sur chacun des critères de manière à les hiérarchiser. Elles peuvent utiliser différentes approches pour cela64 :
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– l’approche compensatoire, probablement la plus utilisée, consiste à affecter une pondération d’importance à chaque critère et à calculer le score pondéré de chaque projet ; elle suppose donc que les critères se compensent les uns les autres ; – l’approche conjonctive commence par l’identification des notes minimales que tout projet devra satisfaire sur chacun des critères retenus avant d’appliquer l’approche compensatoire aux projets jugés acceptables ;
– l’approche lexicographique consiste à évaluer les projets sur chaque critère retenu successivement, en partant du plus important. Le score observé sur les projets pourra éventuellement être comparé au potentiel d’autres projets passés ayant abouti à des succès ou des échecs commerciaux.
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Tableau 4.2 – Exemples de critères intégrés dans une grille d’évaluation des idées
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Dans un article relativement récent fondé sur une étude empirique réalisée auprès de la communauté en ligne de LEGO, Jensen, Hienerth et Lettl65 montrent ainsi comment filtrer les idées et dessins générés par les communautés d’utilisateurs en ligne, qui deviendront une réussite commerciale.
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À l’issue de cette étape d’évaluation des projets fondée sur différents critères, l’entreprise dispose d’une liste hiérarchisée d’idées sur lesquelles elle souhaite travailler de manière approfondie. L’étape suivante consiste à les préciser et à les compléter de manière à les transformer en véritables « concepts » marketing, puis à les tester auprès des clients potentiels.
3 • LE CONCEPT
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La phase de formulation et de test de concept est tout à fait essentielle dans le processus de développement des innovations. Elle constitue un des moments clés de la participation du marketing au processus. Parce qu’elle impose d’appréhender le produit avec la vision des clients, parce qu’elle permet d’intégrer leur point de vue avant même que le produit n’existe physiquement, elle permet d’éviter de nombreuses erreurs et de gagner un temps considérable sur la suite du processus. Par conséquent, cette étape est souvent jugée essentielle dans les secteurs à forte tradition marketing comme la grande consommation ou la cosmétique. Elle est sans doute plus importante encore dans les secteurs à forte orientation technique parce que l’adoption du point de vue du client y est moins systématique. La notion de concept incite à raisonner comme les clients à venir et les tests de concept permettent de confronter l’avis des spécialistes du produit avec celui de la cible. En outre, parce que tester un concept peut être fait avec des investissements limités en temps et en argent, cette étape peut également se révéler très utile pour les PME aux moyens limités.
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• Qu’est-ce qu’un concept de nouveau produit ?
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Un concept de nouveau produit est une idée travaillée et approfondie sous un angle marketing. Il s’agit de répondre aux questions suivantes : par qui, quand, comment et pourquoi le nouveau produit sera utilisé ? La formulation d’un concept implique donc de définir :
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– la cible, autant dans une perspective d’usage que d’achat (« par qui ») ; – la proposition faite aux clients à travers le contexte d’utilisation (« quand et comment ») et les bénéfices qu’ils retireront du produit (« pourquoi »). Il importe de définir ces éléments dans les termes employés par les clients eux-mêmes et non en termes techniques. Concrètement, un concept indique qu’un produit alimentaire donne une impression de goût crémeux, voire éveille la gourmandise, alors que les techniciens du secteur parlent de teneur en matière grasse ;
– une énumération des attributs du produit qui concrétisent ses bénéfices, de manière à les justifier (« raison de croire »). Le bénéfice de lutte contre les caries pour un dentifrice sera donc complété par sa teneur en fluor. Définir un concept de nouveau produit a deux objectifs : – développer l’idée avec le point de vue des clients en précisant ce que sera l’innovation pour eux et ce qu’elle leur apportera, et ce même si les services marketing ne sont pas à l’origine de l’idée ; – tester ce concept auprès de la cible de manière à intégrer leur opinion dès le début du processus de développement.
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La notion de concept appelle plusieurs remarques. D’abord, on se situe encore à un stade virtuel où le produit n’existe souvent pas physiquement. Même lorsque l’idée a émergé de la R&D ou des usines, il s’agit ici de définir puis de tester le potentiel du produit à travers sa description verbale ou visuelle. Dans les secteurs où l’apparence d’un produit compte beaucoup, la description verbale du concept peut être complétée ou remplacée par une représentation visuelle en deux ou trois dimensions (photo, schéma, maquette).
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Ensuite, une même idée de départ peut donner lieu à plusieurs concepts, selon que l’on modifie la cible, le contexte d’utilisation ou les bénéfices. Ainsi, un nouveau produit alimentaire mangé dans son véhicule peut s’adresser à des professionnels de la route pendant une pause ou à des enfants qui se nourrissent pendant que leurs parents conduisent. Les bénéfices peuvent aller de la gourmandise ou du maintien de sa ligne à la préservation de la propreté dans le véhicule. Ces diverses options donneront lieu à des produits très différents.
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En outre, les questions générales auxquelles doit répondre un concept cachent de grandes disparités entre les secteurs et entre les entreprises. Parfois, on commence par une phrase clé avant de détailler les bénéfices produits. Dans d’autres cas, on commence par décrire l’environnement général dans lequel s’inscrit le produit et les problèmes que rencontrent les consommateurs, avant de décrire le bénéfice rempli par le produit et les attributs justifiant la référence à ce bénéfice. Un schéma d’utilisation ou un dessin du produit complètent parfois la description verbale.
EXEMPLE Pour la crème anti-acné de référence de la gamme Effaclar, La Roche Posay (groupe L’Oréal) a formulé un concept commençant par une description du problème (les déséquilibres hormonaux expliquent les imperfections et la peau grasse), avant de présenter le bénéfice (actions de prévention, de rénovation, anti-récidive et hydratante) et les attributs le justifiant (eau thermale apaisante, acide salicylique nettoyant, zinc cicatrisant).
Dans certains secteurs comme l’automobile, un concept est avant tout une forme de voiture, d’abord représentée sous forme de schéma puis par une coque en 3D. Il est complété d’un descriptif de la cible et des bénéfices que les clients devraient associer à cette forme.
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Enfin, la présence du mot « concept » ne doit pas créer de confusion entre la notion marketing que nous présentons et le produit-concept, objet qui incarne les réflexions techniques et design les plus récentes sous forme de prototypes, et qui sert souvent d’outil de communication dans des salons, mais qui n’a pas vocation à être commercialisé. Dans l’automobile, les concept-cars sont des produits-concepts et non des concepts au sens marketing. :80.2
• L’écriture des concepts
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Comment définit-on un concept ? Deux méthodes existent. La plus fréquente consiste à partir de l’idée ou d’un problème rencontré par le consommateur et à créer les concepts en interne. Une autre approche consiste à collaborer avec les clients de manière à intégrer leur opinion sans idée préconçue et à définir avec eux les bénéfices associés au futur produit. Concrètement, des concept-labs consistent en une succession de réunions de groupes de consommateurs durant plusieurs jours au cours desquels on leur propose des concepts que l’on modifie avec eux.
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EXEMPLE
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Par exemple, la société Procter & Gamble a eu recours à cette méthode pour élaborer plusieurs concepts de lingettes pour enfants (qui allaient devenir Kandoo de Pampers). Pendant une semaine, l’équipe en charge du projet a assisté à plusieurs réunions de consommatrices d’une demi-journée dans lesquelles elle recueillait des réactions et suggestions sur plusieurs bénéfices. À l’issue de chaque réunion, les responsables formulaient de nouveaux concepts tenant compte des commentaires recueillis avant de les tester lors de la réunion de groupe suivante. C’est ainsi qu’ont émergé cinq bénéfices possibles autour du nettoyage doux, de la propreté associée au
confort, de la propreté associée à la fraîcheur, de l’hygiène, et de l’indépendance de l’enfant – cinq concepts qui ont ensuite fait l’objet de tests par questionnaire. En 2022, cette démarche aurait sans doute conduit à un bénéfice supplémentaire incontournable : la propreté responsable, avec des lingettes en matière recyclable et imprégnées de nettoyant respectueux de la peau et de la nature.
• Le test du concept Une fois les concepts formulés, il est essentiel de les tester auprès des clients potentiels. Le test de concept répond à trois objectifs :
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– approfondir le concept et identifier des pistes d’amélioration : comme on se situe encore à une phase très amont du processus de développement, il est facile de modifier les éléments composant le concept et les commentaires des clients visés sont extrêmement utiles pour cela ; – évaluer son acceptabilité par les clients potentiels en analysant son potentiel de séduction, mais également les freins et les motivations face aux bénéfices envisagés ; – commencer à réfléchir aux modalités de lancement et aux caractéristiques du produit en fonction des motivations et des freins identifiés.
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Les entreprises réalisent également des tests de concept lorsqu’elles envisagent de lancer dans un nouveau pays un produit qui a déjà été commercialisé ailleurs. Il importe alors de vérifier la pertinence du concept d’origine dans le nouveau pays visé afin de déterminer s’il faudra modifier les bénéfices associés au produit en lien avec les habitudes de consommation, voire modifier le produit lui-même.
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1. La formulation du concept en vue du test
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Lors de la mise en œuvre du test, on reformule le concept rédigé en interne en enlevant la description de la cible car elle est intégrée au choix des personnes interrogées. La nouvelle formulation est donc centrée sur le bénéfice, le contexte d’utilisation et éventuellement les attributs. Dans certains secteurs et certaines situations, on ajoute :
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– un visuel ou une maquette du produit ou de son packaging lorsque l’appréhension physique du produit est un élément essentiel pour les
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clients ; – le nom de la marque si le produit s’inscrit dans une marque existante et si l’on souhaite analyser la cohérence perçue du concept avec l’image de la marque ; – le nom du produit s’il est déjà choisi et s’il constitue un élément clé de communication du bénéfice client ; – un schéma d’utilisation ou un story-board présentant le contexte lorsque le produit crée de nouveaux gestes ou une nouvelle catégorie de produits66 ; ce fut par exemple le cas lors du test de concept d’Ace Délicat, détachant avant lavage, qui n’arrivait pas en substitution de produits existants ; – un prix approximatif si l’on souhaite réaliser une prévision plus fine des intentions d’achat.
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Lorsqu’on teste plusieurs concepts dans une même étude, il est préférable de les présenter avec les mêmes outils de manière à pouvoir comparer les résultats. En effet, un concept intégrant un visuel est en général mieux accepté par les clients. Ainsi, une expérimentation, présentée dans le tableau suivant, a montré qu’un concept moins aimé (le concept A) peut générer des intentions d’achat plus élevées s’il est testé avec un visuel (46 %), tandis que le concept B (globalement préféré) est montré sans visuel (35 %).
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Cependant, il ne faudrait pas surévaluer l’importance des modalités de présentation du concept sur les réactions des consommateurs : lorsqu’on compare les résultats des tests de concept dont la présentation est factuelle et relativement neutre à une présentation avec des termes laudateurs proches d’un discours publicitaire, et avec une intégration éventuelle d’un visuel, on n’observe pas de changements majeurs dans la hiérarchie des concepts67. Ce constat plaide en faveur de concepts simples et factuels, faciles et peu coûteux à mettre en scène par les entreprises.
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Tableau 4.3 – L’influence de la présentation du concept sur son acceptation
2. Les méthodologies d’études68
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Deux types de méthodologies sont employés par les entreprises pour tester leurs concepts69. La réunion de groupe est la plus fréquente car elle permet à la fois de recueillir les réactions des consommateurs à l’égard des concepts et de stimuler leur créativité si l’on souhaite les modifier. Il s’agit alors surtout de faire un « screening » des concepts plutôt que d’arbitrer. Cette méthode présente en outre l’avantage de la rapidité et de l’économie. Elle permet d’identifier les concepts peu porteurs et d’analyser en profondeur les principaux freins et motivations face aux concepts envisagés. On a souvent recours à la technique du portrait chinois et aux approches projectives pour analyser la personnalité du futur produit perçue par les clients. Dans certains secteurs comme l’automobile ou les activités business-to-business, on privilégie des entretiens individuels pour approfondir davantage les motivations et les freins suscités par le projet. Le concept de la Mercedes Classe A, présenté sous la forme d’une coque en 3D représentant l’apparence future de la voiture, a par exemple fait l’objet d’entretiens en Allemagne, en France et au Japon.
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Lorsqu’elles souhaitent arbitrer entre plusieurs concepts jugés acceptables à l’issue de la phase qualitative, certaines entreprises réalisent ensuite une phase quantitative par questionnaire soumis à plusieurs dizaines de consommateurs.
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EXEMPLE
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Dans le cas de la crème hydratante Hydra-Protect de la marque Diadermine, Henkel a commencé par élaborer cinq concepts. Des réunions de groupe ont conduit à l’élimination de trois d’entre eux, puis un questionnaire administré à 100 jeunes femmes achetant des cosmétiques en grandes surfaces (la cible) a conduit à la sélection d’un des deux concepts restants.
Étant donné la nécessité de faire lire et parfois de montrer le concept aux clients, l’évaluation quantitative de concepts se déroule soit en face à face, soit par Internet. Si l’on détaille de nombreux bénéfices associés au futur produit, on peut parfois procéder à une analyse conjointe en demandant aux clients de choisir entre plusieurs profils de concepts, afin de hiérarchiser les bénéfices envisagés et de connaître la valeur marchande qui leur est associée.
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Les éléments étudiés dans le cadre d’un test de concept sont présentés dans le tableau suivant. Leur importance varie selon la méthodologie choisie. Les freins et motivations associés au concept, les conditions d’utilisation envisagées pour le produit, les problèmes prévus et les changements possibles et souhaités sont particulièrement étudiés dans les études qualitatives par réunions de groupe ou entretiens individuels. À l’inverse, les évaluations d’intérêt et d’intention d’achat sont surtout mesurées au moyen d’enquêtes par questionnaire.
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Tableau 4.4 – Les éléments mesurés lors d’un test de concept70
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Source : LE NAGARD E., MORIN DELERM S., « Comment choisir le test de concept adapté ? La validation de l’idée du nouveau produit ou service », in BLOCH A., MORIN DELERM S. (dir), Innovation et Création d’entreprise : de l’idée à l’organisation, Eska, 2011.
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Pour des raisons d’économie et de gain de temps, les tests de concept quantitatifs sont souvent associés à d’autres tests afin d’employer le même échantillon de clients interrogés. Cela présente plusieurs avantages :
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– lorsque l’on précise les modalités de commercialisation ultérieure du produit (prix, mais aussi parfois visuel de packaging, story-board de campagne publicitaire), les mesures d’intentions d’achat gagnent en fiabilité et le test de concept s’apparente à un marché-test simulé tel qu’ils seront présentés dans le chapitre 6 ; on demande alors non seulement une intention d’achat, mais également la fréquence et les volumes d’achat envisagés ;
– lorsqu’un prototype du produit a été développé en parallèle, on fait souvent suivre le test de concept par un essai du produit ; il s’agit alors d’un concept-use test permettant de tester le concept et d’évaluer la cohérence du prototype avec le concept (voir chapitre 5).
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À l’issue de ces tests, on détermine si l’on peut anticiper un succès commercial (à condition que le produit réel corresponde bien au concept testé), s’il est nécessaire de retravailler le concept ou s’il est préférable de l’abandonner. Certaines sociétés d’études comme Research International (devenue Kantar TNS) ont mis au point une grille d’analyse des concepts en fonction de leur utilité pour les clients et de leur originalité perçue par rapport aux produits existants : si les concepts utiles et originaux sont bien sûr les plus porteurs, les concepts utiles mais peu originaux doivent être retravaillés de manière à préciser en quoi ils se différencient de la concurrence et si un positionnement sous forme de « me-too » est ou non gênant. Les concepts originaux mais générant peu d’intérêt font quant à eux l’objet des décisions les plus délicates : le faible intérêt est-il dû à une trop grande originalité du concept qui rend le test peu fiable parce qu’il faut du temps aux clients pour bien comprendre l’intérêt de l’innovation et imaginer des situations d’utilisation, ou le concept est-il inadapté aux attentes des clients ? Les études qualitatives peuvent alors permettre d’affiner le diagnostic.
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• Les études de faisabilité comme complément au test de concept :211
En complément, il convient d’analyser la faisabilité du projet. L’étude de faisabilité porte sur trois axes :
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– la faisabilité technique du produit, évaluée par les services de R&D, qui tient compte des objectifs de prix ; – la faisabilité de la production et les lieux de production envisagés ; – la faisabilité financière du projet repose sur l’élaboration d’un business plan prévisionnel en fonction des coûts de fabrication et des volumes de vente envisageables (avec souvent plusieurs hypothèses sur ces deux aspects).
On complète souvent cette analyse par une analyse des synergies avec les activités actuelles de l’entreprise de manière à identifier les compétences et les outils à acquérir pour l’innovation, et à lister ceux dont on dispose déjà. On reprend à ce stade les points clés de la grille d’évaluation des idées décrites en fin de section 2 de ce chapitre, en affinant l’évaluation de chaque critère à partir des informations collectées depuis cette étape. Cette analyse est donc réalisée en collaboration avec plusieurs services, en général les ingénieurs des bureaux d’études, les chercheurs, les contrôleurs de gestion et les responsables marketing.
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En fonction des résultats des tests du concept et de l’étude de faisabilité, on décide ou non de se lancer dans la conception de l’offre. Il s’agit de passer d’un projet virtuel au stade concret en donnant une réalité physique au produit. Dans de nombreux cas, cependant, le concept a été construit et testé parallèlement à l’élaboration physique du produit, ce qui impose de bien vérifier la cohérence des deux a posteriori.
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• Ce chapitre, consacré aux étapes qui précèdent le travail concret d’élaboration du produit ou du service, insiste sur l’émergence des idées grâce, par exemple, à des sources d’informations de plus en plus nombreuses, des études de marché variées et novatrices, une observation et une participation de certains types de consommateurs, une valorisation de la créativité. Après cette phase d’émergence de l’offre innovante, l’étape de sélection des idées est primordiale : comment éviter les erreurs de filtrage ? Et quels critères mobiliser pour finalement sélectionner la/les meilleures idées ? Autant de questions nécessaires avant d’amorcer le développement du produit sous la forme d’un concept. • Il est essentiel de souligner ici l’importance de l’étape du concept et de son évaluation. Le test de concept constitue sans aucun doute un des apports fondamentaux du marketing au développement des innovations. • Trop souvent, l’évocation des tests relatifs aux produits qui n’existent pas encore conduit à envisager des tests de produits, de packaging, de prix… et insuffisamment systématiquement des tests de concepts. Pourtant, s’il fallait n’en choisir qu’un, ce serait sans doute celui-ci.
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• De nombreuses PME et firmes industrielles considèrent que les coûts de l’innovation sont tels qu’elles n’envisagent pas de réaliser des études marketing ou des tests. Parce qu’il peut être effectué de manière qualitative à petite échelle, le test de concept est peu coûteux en temps et en argent. Il a le mérite d’obliger à formuler un concept – et donc à adopter le point de vue du client – avant de le confronter à quelques clients, dont les avis sont souvent révélateurs des principaux moteurs et freins à l’adoption de l’innovation. Le test de concept est assurément l’étude à privilégier lors du processus de développement.
OBJECTIFS
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CHAPITRE 5 ÉLABORER UNE OFFRE INNOVANTE
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→ Il s’agit maintenant de passer d’un concept à une offre prête à être commercialisée. → Cette phase de conception répond à deux logiques complémentaires : → – une logique d’élaboration, au cours de laquelle on fait appel à la créativité de différents métiers en interne à l’entreprise ; → – une logique de tests, dans laquelle on cherche à vérifier que l’offre de l’entreprise reçoit l’agrément du consommateur. Ce dernier est d’ailleurs de plus en plus souvent sollicité, à différents stades du développement de l’offre innovante.
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1 • L’ÉLABORATION DE L’OFFRE PAR L’ENTREPRISE
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Le processus d’élaboration et de mise au point d’une offre innovante comporte un certain nombre d’allers-retours entre les services marketing et les services « conception » au sens large. Comme le rappelle Cova1, il existe un triangle d’or dans la création de produit, composé des trois pôles suivants :
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– le marketing, qui est le garant de l’analyse et de la traduction des attentes des consommateurs ;
– le design, qui conçoit le produit en termes de forme, de matières, de couleurs ; – la fonction ingénierie et recherche/développement, qui permet la réalisation concrète du produit. Le marketing établit un cahier des charges initial (souvent sous forme d’un « brief »), sur lequel travaillent les deux autres pôles. Les différents acteurs évaluent ensuite conjointement les propositions des concepteurs. Le marketing les fait éventuellement tester par les clients potentiels, puis les concepteurs les retravaillent. Nous examinons successivement ces différentes phases, représentées dans la figure 5.1. Celle-ci montre que les différentes étapes ne sont pas strictement linéaires, et qu’il existe un certain nombre d’itérations entre les fonctions marketing, design, et production.
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Par ailleurs, depuis quelques années, de plus en plus d’entreprises intègrent un pôle RSE (Responsabilité sociétale de l’entreprise) pour répondre aux enjeux du développement durable. En effet, au-delà des enjeux sociétaux et environnementaux, cette intégration répond également aux attentes de plus en plus fortes des consommateurs à ce sujet. Ainsi, un Français sur deux déclare avoir modifié ses habitudes de consommation pendant la crise sanitaire. À titre d’exemple, 68 % des Français se préoccupent des conséquences des activités humaines sur l’environnement2 et plus des deux tiers s’accordent sur l’importance du facteur humain au sein des entreprises, notamment concernant la gestion de leurs relations avec les acteurs locaux, leurs employés, etc.
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Figure 5.1 – Les phases de conception
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À partir du concept, on peut par exemple prendre deux directions différentes, d’ailleurs non exclusives : élaborer un cahier des charges qui permettra d’entrer dans une phase de développement de l’offre, ou conformément à l’approche du design thinking décrite dans le chapitre 3, passer tout de suite à une phase de prototypage qui permettra notamment de recueillir d’emblée les réactions des clients et des utilisateurs. Nous commencerons par décrire la phase de formulation du cahier des charges, puis montrerons l’intérêt de passer très tôt par un prototype.
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• La formulation du cahier des charges
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Dans une phase précédente, les responsables marketing ont recueilli des informations sur les souhaits et les aspirations des consommateurs, qui ont été formalisées sous forme d’un concept de produit. Ce concept a le plus souvent été testé, ce qui a permis de mieux en comprendre les forces et les faiblesses aux yeux des clients potentiels. Le marketing doit en effet être la
« voix du client » pour déterminer les éléments clés à faire figurer dans le produit. Pour cela, il doit exprimer au mieux ce que le consommateur devra ressentir lorsqu’il va voir, essayer, puis utiliser le produit. Ceci est traduit dans un cahier des charges, destiné aux concepteurs du produit. Celui-ci revêt une grande importance, car la qualité de la conception dépend notamment de la qualité du cahier des charges. Ce dernier doit être clair et explicite sur les attentes du marché, tout en laissant place à une certaine créativité. S’il est trop imprécis, les risques sont de diverger de l’objectif initial ou de dépenser une énergie inutile, en concevant quelque chose d’impossible à commercialiser pour des raisons techniques, de coûts, etc.
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La précision du cahier des charges dépend notamment de l’expertise des clients dans la catégorie. S’ils sont experts, il est plus facile de les interroger directement sur les caractéristiques du produit qu’ils souhaitent. En revanche, si les consommateurs de la catégorie ne sont pas experts ou sont insuffisamment impliqués, ou encore lorsque de nouvelles catégories de produit sont constituées, il est plus difficile de déterminer avec précision les fonctionnalités du produit, et une marge de manœuvre plus large est laissée aux concepteurs.
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On peut classer les caractéristiques d’un produit en trois catégories, selon leur degré de précision :
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– les bénéfices pour le consommateur : ils sont déterminés par l’analyse marketing, et ont été formulés dans le test de concept ; ils découlent de « l’insight » consommateur identifié dans la phase amont. Ce sont les déterminants du positionnement du produit, de sa différenciation par rapport à la concurrence, et également les supports de la promesse qui seront exprimés dans la communication. Il existe en général un bénéfice central, et éventuellement des bénéfices secondaires. Ce sera par exemple la santé et la blancheur des dents pour un dentifrice, ou le respect des délais pour un service de livraison ; – les attributs perceptuels du produit : ils sont obtenus en décomposant les bénéfices consommateurs, plus généraux, en différentes perceptions : pour qu’un dentifrice soit évalué comme efficace, il sera vraisemblablement nécessaire qu’il soit perçu comme assainissant, rafraîchissant, etc. Ces perceptions sont subjectives ;
– les caractéristiques techniques : elles sont la traduction des attributs perceptuels en caractéristiques techniques à intégrer dans la conception ou la composition des produits et services. Pour être perçu comme assainissant par la majorité des consommateurs visés, le dentifrice doit avoir une certaine teneur en agents moussants et en bicarbonate de soude ; pour être rafraîchissant, une certaine teneur en arômes mentholés est nécessaire, etc. Il s’agit ici d’éléments objectifs.
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Ainsi, pour un matelas, un bénéfice peut être de mieux dormir, un attribut qui lui correspond est la sensation de confort, et les caractéristiques techniques permettant d’affirmer le confort seront les types de mousse et de ressorts. Pour une crème de jour, un bénéfice peut être l’hydratation, un attribut correspondant peut être la texture fluide, et une caractéristique technique la teneur en eau. Pour un pneu, ce sera respectivement la longévité, mesurée par la rapidité d’usure ou de remplacement, traduite ensuite par le type de gomme.
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Pour simplifier, on peut dire que le marketing doit définir les bénéfices consommateurs, que le design doit imaginer les attributs produit, et que les bureaux d’étude et les services de production doivent traduire ces attributs en spécifications techniques.
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Selon la complexité du produit, la maturité du marché, l’expertise des consommateurs, le cahier des charges peut être formulé soit en termes de bénéfices, soit en termes d’attributs, plus ou moins nombreux.
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1. La définition des attributs par le consommateur : l’utilisation des méthodes d’analyse conjointe
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Une façon de procéder pour cadrer la conception du produit consiste à se tourner vers le client dès cette phase, pour comprendre quel serait pour lui le produit idéal. Il est alors nécessaire de hiérarchiser les différents attributs qui peuvent avoir de la valeur pour lui. L’analyse conjointe ou analyse de trade-off (compromis) a pour objectif d’établir l’utilité associée par les consommateurs à chaque attribut du produit ou du service et d’analyser les arbitrages entre des caractéristiques qui peuvent être contradictoires, notamment lorsqu’il s’agit de respecter une contrainte de prix. Par exemple, il est nécessaire d’arbitrer entre la sécurité et la durabilité pour un pneu, à un prix donné, ou la composition en agents nettoyants et le respect de
l’environnement pour un détergent, etc. La mise en œuvre de cette méthode suppose cependant que les clients potentiels soient suffisamment impliqués et experts de la catégorie de produits pour exprimer des choix pertinents. Les différentes étapes de cette méthode sont les suivantes :
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• la génération des attributs : cette phase permet de déterminer les caractéristiques du produit importantes pour le consommateur, et donc susceptibles d’influencer son évaluation. On peut procéder à ce recensement en interrogeant des experts du marché, ou en procédant à une enquête qualitative auprès de clients potentiels ; • la conception des profils : pour chaque attribut, on définit un certain nombre de modalités. Par exemple, pour l’attribut « capacité de stockage » pour un téléphone portable, les différentes modalités peuvent être 32 Go, 64 Go, 128 Go, 256 Go, etc. En multipliant le nombre de modalités de chaque attribut, on obtient le nombre théorique de combinaisons pour le produit. En réalité, on ne teste pas toutes les options possibles, car certaines sont impossibles à réaliser ou forcément dominées par d’autres (par exemple les caractéristiques de performance les plus élevées associées au prix le plus bas). On ne garde donc que les combinaisons pertinentes. Les consommateurs interrogés doivent opérer un choix entre ces différents profils. Les profils sont alors présentés un par un sur des cartes ou sur des supports numériques ; • la collecte et l’exploitation des données : il existe différentes procédures : – la méthode des profils complets : on présente les différents profils de produits possibles à des consommateurs, qui doivent les noter. On peut leur demander d’indiquer une intention d’achat, une attractivité, une note de satisfaction globale. On peut également leur demander de classer les profils par ordre croissant de préférence, ou d’exprimer une préférence parmi chaque paire de profils. En pratique, la méthode des profils complets n’est utilisable que si le nombre d’attributs est inférieur à six, car au-delà, le nombre de combinaisons (qui dépend également du nombre de modalités de chaque attribut) devient trop élevé pour les présenter toutes aux consommateurs ; – la méthode auto-expliquée : les consommateurs doivent noter les modalités des différents attributs selon leur niveau d’attractivité, puis
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répartir 100 points entre les différents attributs selon leur importance ; – il existe des modèles hybrides où l’on demande aux consommateurs de noter des attributs, puis des profils complets en nombre plus réduit que dans la première méthode ; • la détermination des utilités partielles : le logiciel d’analyse conjointe permet d’associer une utilité partielle à chaque modalité de chaque attribut, considéré comme indépendant des autres. L’utilité totale d’un produit aux yeux d’un consommateur moyen sera alors calculée en faisant la somme des utilités partielles des modalités retenues pour un profil de produit donné. Les utilités partielles permettent de déterminer le profil du produit idéal. Bien entendu, ce profil n’est pas toujours exploitable directement, car ce produit n’est pas forcément faisable techniquement ou rentable. Cependant, ce profil de produit idéal peut être très utile dans la conception de la future offre pour arbitrer entre deux profils possibles, comprendre les différences de préférences entre deux sous-segments de la population, ou encore déterminer les seuils d’arbitrage des consommateurs. :80.2
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La conception de nouvelles campagnes publicitaires grâce à l’analyse conjointe chez Linney
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Afin de concevoir de nouvelles campagnes publicitaires avec la méthode d’analyse conjointe, l’agence de communication multicanal Linney a fait appel, en Angleterre, à Qualtrics, institut d’études international spécialisé dans l’identification d’insights clients. Ce changement a été opéré par Linney en raison d’une part du nombre restreint de propositions de créations publicitaires qui résultaient du processus traditionnel et d’autre part du fait de la subjectivité des designs proposés à ses clients. Ainsi, la problématique de Linney consistait à augmenter considérablement le nombre de propositions testées en vue de trouver la combinaison idéale pour les campagnes publicitaires des annonceurs.
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Pour cela, Linney a d’abord utilisé un logiciel de conception automatisé capable de décomposer chaque élément d’un design créatif : un titre, une image, un arrondi de prix, une couleur, etc. Cette démarche a permis de créer une multitude de combinaisons qui ont toutes ensuite été testées par les consommateurs. Ainsi, en multipliant le nombre de modalités pour chaque attribut d’un design créatif, l’agence de communication a considérablement augmenté le nombre de designs testés pour chaque campagne publicitaire. À titre d’exemple,
23 468 combinaisons d’affiches ont été testées pour un annonceur leader dans le domaine de la grande distribution, et 10 800 designs différents ont été testés pour Carlsberg, l’entreprise brassicole danoise. L’adoption de la méthode d’analyse conjointe a donc permis à Linney de hiérarchiser les différents attributs et de proposer à ses clients uniquement les publicités les plus impactantes. Matt Geeleher, responsable des études quantitatives chez Linney, affirmait que « l’analyse conjointe nous permet de lier la création à l’étude comportementale. Elle nous révèle exactement ce qui motive la décision du consommateur et elle peut aussi la quantifier ». Source : Qualtrics.
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Une autre manière de faire participer les consommateurs à la définition des caractéristiques des produits nouveaux est l’étude des caractéristiques des produits passés qui ont connu le meilleur succès commercial. Ainsi, dans la mode, l’analyse des collections antérieures peut montrer l’impact d’une caractéristique particulière sur les ventes. Ceci permet d’identifier les caractéristiques les plus appréciées, et de bâtir des profils nouveaux qui devraient être jugés attractifs par les consommateurs futurs3. On peut également faire l’hypothèse, généralement fondée, que les prix sur le marché reflètent les préférences des clients. En analysant les prix de différents modèles d’une gamme, on peut reconstituer la valeur que les différentes options possèdent aux yeux des consommateurs. Cette méthode, appelée méthode des prix hédoniques, peut alors servir à mettre au point des combinaisons nouvelles de ces options, et donc à proposer des offres innovantes, à un prix adapté. 0901
2. Le cahier des charges marketing
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L’intérêt de l’utilisation des méthodes d’analyse conjointe à ce stade est de comprendre l’arbitrage réalisé par les consommateurs entre les différents attributs du produit. Dans la majorité des cas, on « briefe » des concepteurs – ingénieurs, créatifs, designers –, en leur laissant une grande marge de manœuvre. Le cahier des charges écrit par les responsables marketing présente en général les bénéfices stratégiques et les attributs qui en découlent. Un enjeu majeur de la conception du produit réside dans la traduction des attributs sous forme de caractéristiques techniques. Le cahier des charges marketing comporte également des indications sur les valeurs de la marque, le prix visé, la performance par rapport au reste de la gamme et/ou aux produits concurrents.
EXEMPLE Pour développer sa nouvelle brique de lait, la marque « C’est qui le patron ?! » (CQLP) a souhaité faire participer les consommateurs sociétaires à l’élaboration du cahier des charges puis a ouvert le vote à tous les consommateurs. Cette démarche de co-création a consisté à recenser en 2016 le vote de 6 823 consommateurs qui ont pu choisir parmi plusieurs options pour les critères suivants : rémunération des producteurs, origine du lait, type de pâturage, alimentation des vaches, origine des fourrages et emballage. Cette recherche collective a donc permis d’établir le cahier des charges définitif et d’identifier les producteurs français capables de le respecter. Le résultat est un produit solidaire qui répond aux attentes de nombreux consommateurs, puisque cette brique de lait est devenue en décembre 2021 le produit agro-alimentaire équitable le plus vendu de sa catégorie (source Nielsen). Source : lamarqueduconsommateur.com.
• Le rôle du prototypage
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Une démarche plus itérative, en ligne avec les principes du design thinking, consiste à développer dès la définition du concept, un prototype de l’offre, que celle-ci soit un produit, un service, ou une combinaison des deux. Les objectifs de cette démarche sont multiples :
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– tout d’abord, cela permet de tester la faisabilité de l’offre, ou la robustesse de la technologie. Construire un prototype permet de simplifier grandement les spécifications, car un objet a souvent un pouvoir de communication beaucoup plus grand que des mots ou même des images. Ainsi, les ingénieurs ont traditionnellement besoin de « penser pour construire », alors que les designers vont plutôt « construire pour penser » ; – ensuite, la fonction du prototype n’est pas uniquement technique, mais cette approche présente également un avantage majeur d’un point de vue marketing : elle permet de recueillir très en amont les réactions des futurs consommateurs, et d’identifier des points bloquants potentiels au niveau des usages, en faisant utiliser le prototype. « Cela nous permet de tester très vite les nouvelles idées auprès des consommateurs »4. Il est en effet plus facile et beaucoup moins onéreux de réorienter le projet en phase amont que plus tard. Pour cela, il n’est pas forcément nécessaire que le prototype soit, dans un premier temps, sophistiqué. L’objectif est plutôt de le concevoir le plus tôt possible, même s’il est « bricolé ». Les itérations suivantes permettront d’intégrer les remarques des consommateurs, et de renforcer le caractère fonctionnel et esthétique du produit ;
EXEMPLE Les développeurs et éditeurs de jeux vidéo font souvent appel aux joueurs pour tester les jeux à différents stades de leur développement, que ce soit très en amont avec le test de scénario ou encore un peu plus tard avec le test de prototypes de jeux par des bêta-testeurs, qui doivent reporter les éventuels bugs et évaluer le rythme et l’expérience des jeux avant leur sortie auprès du grand public. Source : www.jeuxonline.info/actualites/beta-test.
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– un autre rôle du prototype peut être de communiquer sur la technologie, le type de design ou sur le principe du produit très en amont. Cela peut présenter plusieurs avantages, comme d’influencer positivement l’image de marque, ou de jouer un rôle de signal auprès des futurs consommateurs, des concurrents ou des distributeurs. Cela peut également permettre de faire parler de l’entreprise.
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Les technologies récentes permettent d’élaborer de plus en plus tôt des prototypes dont le rendu peut être proche du rendu final, à des coûts très bas. Il paraît alors judicieux d’élaborer plusieurs types de prototypes, à différents stades, chacun préparé pour un objectif particulier, pour tester une solution technique, vérifier une hypothèse sur l’usage, etc.
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Dans l’automobile, les concept cars sont exposés lors de différentes manifestations publiques, comme le Salon de l’automobile, pour recueillir des réactions, et communiquer autour du caractère innovant de la marque. Parallèlement, d’autres prototypes sont élaborés pour tester la sécurité, par exemple pour des crash tests.
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Source : SUZUKI S., « Le pouvoir du prototype », Paris Tech Review, 2010.
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Le Lab Pierre Fabre à Toulouse
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Le Lab Pierre Fabre est un lieu d’expérimentation situé au cœur de Toulouse. Cet espace permet à la marque leader en dermo-cosmétique d’être au plus près de ses consommateurs. En effet, les produits Pierre Fabre sont quasi exclusivement vendus en pharmacie. Cette interaction directe avec les clients offre la possibilité de mieux comprendre le consommateur et de recenser de nombreux insights qui constituent autant de pistes de réflexions intéressantes pour la marque. L’activité du Lab est centrée autour de l’innovation de deux façons : l’innovation retail (qui a trait au point de vente) et l’innovation produit (en lien avec les nouvelles offres proposées par la marque).
Dans le cadre des innovations de type retail, la marque propose aux clients de tester de nouvelles expériences afin de mieux cerner leurs routines de soins personnelles et individuelles en lien avec la peau, le cheveu et l’oral care. Le test du miroir connecté est un bon exemple. Ce miroir permet, grâce à l’intelligence artificielle, de proposer aux clients un diagnostic poussé de l’état de leur peau au niveau du visage. Sur la base de ce diagnostic, les clients peuvent ensuite bénéficier de conseils personnalisés et adaptés à leurs besoins et contraintes propres. Mais au-delà des expériences mobilisant de nouvelles technologies, les tests peuvent porter sur la compréhension des réactions des clients face à de nouvelles pratiques innovantes en dermo-cosmétique telles que l’utilisation du vrac pour des shampooings, des gels douches ou des crèmes. Les utilisateurs sont invités à tester les solutions proposées au sein du Lab, afin d’améliorer les versions bêta et de transposer ces changements aux distributeurs, autrement dit en pharmacie.
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Concernant l’innovation produit, bien qu’aucun test de formule ne soit réalisé au sein du Lab en raison des nombreuses contraintes sanitaires et réglementaires, ce lieu est dédié à de nombreux autres tests de prototypes, dont la plupart portent sur le packaging de nouveaux produits comme le test de l’ajout d’un système de pompe pour une crème, ou d’un nouvel argumentaire. L’objectif principal est d’être en contact direct avec la cible et de pouvoir recueillir des informations qualitatives, d’échanger et de mieux comprendre l’usage. Ces observations sont ensuite remontées aux services R&D pour améliorer les offres existantes et en développer de nouvelles.
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Source : Responsable le Lab, Pierre Fabre.
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Enfin, le prototypage rapide représente aujourd’hui une solution intéressante. Il consiste en une méthode de fabrication par superposition, commandée par ordinateur. Cette méthode regroupe un ensemble d’outils qui, agencés entre eux, permettent d’aboutir à des projets de représentation intermédiaire de la conception de produits comme des maquettes, et les préséries. Ces prototypes contribuent à valider les différentes fonctions que doit remplir le produit (fonctions de signe, d’usage, d’échange et de productibilité).
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Le plus souvent, le prototypage rapide désigne l’« impression 3D » et les procédés qui en font partie. Il intègre trois notions essentielles : le temps, le coût et la complexité des formes. Ainsi, l’objectif du prototypage rapide est de réaliser rapidement des modèles éventuellement complexes et personnalisés. Il doit aussi permettre de réaliser des prototypes sans qu’il soit nécessaire de recourir à des outillages coûteux, tout en garantissant les performances du produit final. On est donc en mesure d’explorer différentes variantes du produit en cours d’élaboration afin de retenir la solution la plus appropriée. Par ailleurs, les machines procédant par ajout de matière sont capables de réaliser des formes extrêmement complexes (inclusion, cavité,
etc.), irréalisables par des procédés tels que l’usinage. Il est donc aujourd’hui possible de tout imprimer : cela va de simples petits objets de décoration à des maisons entières en passant par des steaks vegans. En effet, les matériaux pouvant être utilisés pour l’impression incluent les plastiques, les métaux, les céramiques et même les matières organiques.
• Le rôle du design « Le design n’est pas uniquement lié à l’apparence de l’objet, mais aussi à son fonctionnement. » – J. Dyson.
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Le design a pour fonction de concevoir des produits en intégrant la facilité d’utilisation et la perspective esthétique sous des contraintes de faisabilité et de coût. Il s’agit donc d’articuler harmonieusement la forme du produit et sa finalité. Cette articulation peut se faire dans les deux sens : la forme peut suivre la fonction, le design devenant alors fonctionnel – c’est la perspective du Bauhaus, ou de l’école d’Ulm, célèbres écoles allemandes de design, d’art et d’architecture – ; à l’inverse, la forme peut être considérée comme relativement autonome par rapport à la fonction, la dimension esthétique devenant alors prépondérante comme chez certains concepteurs d’accessoires de mode ou de meubles5.
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Le design doit prendre en compte les cinq sens, dans la mesure où ils exercent une influence sur la perception globale de l’offre par les consommateurs. On peut ainsi parler de design sonore ou de design olfactif. Cependant, il existe une hiérarchie entre les différents sens : le consommateur voit d’abord le produit, avant de l’entendre, puis de le sentir ; les dernières phases consistent à le toucher et le goûter. Le design s’intéresse donc d’abord à l’aspect visuel du produit. e Ba
1. L’importance du design des produits
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Dans de nombreux secteurs, on sait que les bénéfices associés à un produit ou un service sont non seulement fonctionnels, mais également esthétiques. C’est le cas pour de nombreuses catégories de produits comme les vêtements, les accessoires, mais aussi les meubles, l’automobile, etc. Certaines entreprises ont su donner une dimension esthétique à des produits souvent considérés comme purement fonctionnels.
Dans le domaine de la téléphonie mobile par exemple, le design permet de se distinguer de la concurrence sans pour autant être segmentant. Ainsi, sans son écran tactile, ses touches très visibles et son bouton central permettant de manier le téléphone avec une seule main, le premier iPhone présenté en 2007 n’aurait certainement pas connu un tel succès.
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Aujourd’hui, deux méthodes de design sont principalement privilégiées : « le modèle double diamant du British Design Council et la CCU (Conception centrée utilisateur) traditionnelle avec ses itérations d’observation, d’idéation, de prototypage et de tests ». La première méthode se base sur la capacité d’explorer toutes les questions concernant un problème donné – soit d’adopter une pensée divergente – autour d’un objet, puis d’approfondir une des solutions à travers un processus de convergence. Véritable succès commercial depuis déjà 15 ans, le gobelet froissé en porcelaine de la marque française Revol pour les amateurs de café est un bon exemple pour illustrer l’importance du design pour un produit avant tout considéré comme fonctionnel.
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Source : NORMAN D., Le design des objets du quotidien, Eyrolles, 2020.
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De plus, comme on l’a vu précédemment, le design des produits a un impact important sur la perception qu’ont les consommateurs de leurs bénéfices et de leur performance.
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La société Tetley avait modifié en Angleterre la forme de ses sachets de thé, en proposant des sachets ronds à la place des rectangulaires. Le succès commercial fut important. Les études ont montré que les consommateurs n’évaluaient pas de façon plus positive la forme ronde en tant que telle, mais percevaient le thé en sachet rond comme meilleur6. Cette différence de perception a également été mise en évidence par une autre étude portant cette fois sur des cuillères, dont les résultats révélaient que le yaourt était perçu comme étant significativement plus dense et plus onctueux consommé dans une cuillère en plastique que dans une cuillère en métal7.
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Le design peut donc être une source d’avantage concurrentiel importante dans de nombreux secteurs, notamment lorsqu’une différenciation fondée sur la performance technique ou les fonctionnalités intrinsèques du produit est difficile à obtenir. Les exemples d’entreprises comme Apple, Dyson ou Bang et Olufsen sont particulièrement probants. Certains produits ont marqué une rupture dans le design d’une catégorie de produits, comme les voitures électriques de Tesla et le SUV Peugeot 3008. On assiste d’ailleurs de plus en plus fréquemment à une médiatisation des designers et des créateurs, non seulement dans la mode (Tom Ford ou Yohji Yamamoto),
mais également dans le domaine industriel (Philippe Starck chez Speeta, Franz von Holzhausen chez Tesla, Patrick Le Quément chez Renault). Un design de rupture est souvent lié à l’utilisation d’une nouvelle matière, d’une nouvelle couleur, d’une nouvelle technologie, ou à l’importation d’une technologie existante dans un nouveau champ d’application. On peut citer l’arrivée du PET pour les bouteilles compactables ou l’utilisation des résines pour les packagings des cosmétiques et des parfums.
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« Découvrir ce qui est vraiment spécial à propos de chaque élément de menu » et « trouver l’expression la plus spéciale, la plus reconnaissable et la plus emblématique de chacun » : tels sont les objectifs de McDonald’s, qui a revu en 2022 les graphismes du packaging de chaque produit pour qu’il soit « fonctionnellement unique, facile à identifier, esthétiquement minimal et surtout, émotionnellement joyeux ». Cette stratégie vise à être déployée à l’échelle internationale au cours des deux prochaines années8.
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Notons que le design peut constituer un outil de différenciation durable dans la mesure où il est protégé juridiquement, même s’il relève de trois régimes juridiques distincts (le dessin et modèle, le droit d’auteur et le droit des marques9). De nombreuses mesures permettent de se prémunir contre la copie par des concurrents, et ce dans des secteurs aussi variés que le textile, l’électroménager, l’automobile, l’alimentaire ou le luxe. Il importe toutefois d’identifier au préalable les risques inhérents à chaque cas de figure afin d’élaborer une protection juridique pertinente. Aujourd’hui, certains secteurs comme la parfumerie ou la mode ont le réflexe de la protection juridique tandis que, dans d’autres domaines, les responsables juridiques sont souvent consultés trop tardivement dans le processus de création, ce qui nuit à l’anticipation des risques et à l’identification du régime le mieux adapté.
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Les étapes du design
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Lors de la réflexion nécessaire à l’intégration générale des principes d’un système à concevoir, qu’il s’agisse d’un objet ou d’un service, les designers passent par différentes étapes d’un processus méthodologique. Chacune d’entre elles se caractérise par une partie d’analyse (fonctionnelle, ergonomique, ou d’usage) et une partie de synthèse (schématique, iconographique,
illustrative). Ils utilisent des outils de représentation de leurs idées de plus en plus détaillés qui permettent de les formaliser en concepts, en intentions puis en orientations afin de les communiquer, voire de les tester en interne. Plus spécifiquement, en matière d’élaboration de produit cela s’opère en trois phases. Dans un premier temps, les designers analysent les produits ou l’univers existant, recherchent des parallèles avec d’autres univers connexes, opèrent les transferts par analogie et observent l’expérience pour établir une carte (mapping) systémique. Grâce à des planches de tendance évoquant les aspirations sociétales en termes de matières, de couleurs, de type de matériaux, ils démontrent très schématiquement la ou les directions envisagées pour la création du nouveau produit en termes d’architecture et de principe.
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Dans un second temps, ils choisissent une ou des direction(s) parmi celle(s) qui sont suggérée(s) dans le mapping et élaborent un ou plusieurs croquis à la main suggérant les concepts. Ces avantprojets seront progressivement affinés grâce à du dessin numérique 2D (palette graphique) où couleurs et effets apparaissent plus clairement. À ce stade, après la validation du choix d’une orientation, on passe simultanément au développement CAO 3D (Conception assistée par ordinateur en trois dimensions) et à la simulation photoréaliste par ordinateur (rendering) conséquence du fichier 3D. Cette phase aide à réduire le temps nécessaire aux études de matières, de couleurs, de types de matériaux afin de créer l’effet d’innovation d’aspect.
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À ce stade et toujours grâce au numérique on réalise l’élaboration d’une maquette à échelle réduite ou grandeur nature suivant la nature du projet. Après validation définitive, Design et Bureau d’étude élaborent conjointement la conception puis l’élaboration d’un prototype (détermination du prix de revient d’élaboration) dans une matière proche de celle du produit fini qui servira d’étalon pour la pré-série industrielle. Si le bureau d’étude choisit les matières et les pièces à utiliser et garantit l’assemblage du produit, les designers ont surtout un rôle de qualiticien (qualité perçue) en veillant à la conformité d’aspect de la série, en assurant la cohérence d’ensemble du couple marque/produit. Certaines pièces ou certains composants pourront être produits en interne, d’autres seront sous-traités ou achetés. On peut alors avoir une idée assez précise du coût de production final du produit.
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Source : Cet encadré a été rédigé par M. Andrieux, enseignant à Strate College Designers, et créateur du cabinet Adsight Conseil.
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2. L’intégration du design dans le processus d’élaboration :211
La place du design varie selon la taille de l’entreprise et le secteur.
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La plupart des entreprises ont recours à des agences ou à des designers indépendants. Cette externalisation des tâches liées au design serait source d’innovations plus radicales10. En parallèle, de plus en plus d’entreprises possèdent un service de design interne. Cependant, seules quelques grosses entreprises peuvent se prévaloir d’une véritable direction du design, comme les constructeurs automobiles (Renault), les entreprises du luxe (Vuitton), ou encore des sociétés comme Décathlon. Ces services ont alors un poids important dans l’entreprise, qui les place souvent en concurrence avec les services marketing.
Face à l’internalisation des services de design, les agences de design ont vu leur rôle évoluer. De plus en plus souvent, on ne leur demande plus de dessiner les produits mais de travailler au cahier des charges afin d’aider les services de design interne.
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Les relations entre les services design et marketing sont fréquemment conflictuelles. Les premiers reprochent aux seconds d’être focalisés sur le court terme et d’être insuffisamment innovants par crainte du risque. Les seconds ne reconnaissent pas toujours la valeur ajoutée du design ou lui reprochent de concevoir des produits déconnectés des attentes des consommateurs11. Cependant, les dernières années ont vu une reconnaissance de plus en plus grande, à la fois du métier de designer, mais également de la valeur ajoutée de l’approche design dans la conception des offres innovantes, qu’ils s’agissent de produits ou de services12. Les récents travaux d’Hemonnet-Goujot et ses collègues13 révèlent d’ailleurs que les conflits entre le design et le marketing peuvent être évités dès lors que les conditions suivantes sont réunies : la présence d’un historique entre la marque et l’agence de design ; l’implication des responsables des deux entités dans le partenariat ; la présence et le développement d’une relation fondée sur la confiance et l’engagement. 7687
3. La dimension sensorielle des produits
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Même si le design a vocation à s’intéresser aux cinq sens, il privilégie fréquemment l’aspect visuel des produits. Les autres sens ont cependant un impact important sur leur évaluation par les consommateurs, ce qui explique que le design et le marketing s’intéressent également au toucher, au son et à l’odeur/au parfum des produits, et ce dans un nombre croissant de secteurs. Si le goût reste naturellement cantonné aux secteurs alimentaires, les autres sens peuvent être source d’innovations dans des secteurs variés.
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L’analyse sensorielle dans l’agroalimentaire : l’exemple d’AGRO ÉMERGENCES
AGRO ÉMERGENCES est une association loi 1901 créée à l’initiative des collectivités territoriales et des chambres consulaires du département des Pyrénées Orientales et de la région Languedoc Roussillon. Elle réalise pour le compte des entreprises ou des associations des analyses sensorielles, selon deux types de protocole : • des évaluations hédoniques, avec des consommateurs dits « naïfs », donc non entraînés, qui décrivent le plaisir procuré par un produit en évaluant son acceptabilité ou sa préférence ; • des évaluations analytiques, où des sujets sélectionnés et entraînés mesurent les caractéristiques sensorielles d’un produit en le comparant, le suivant dans le temps ou le contrôlant. On peut trouver dans cette famille de méthode des tests discriminatifs ou des tests descriptifs. Ces deux démarches sont bien distinctes mais peuvent être mises en relation. Elles se révèlent très utiles en phase de Recherche et Développement, pour la caractérisation organoleptique d’un produit, et donc le choix des axes de développement, l’optimisation de la formulation du produit. Elles permettent en effet de mettre en relation des données sensorielles objectives avec les préférences déclarées des consommateurs.
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Les tests sont réalisés dans un environnement qui doit permettre l’obtention, de la part du sujet, d’une réponse qui ne dépende que du stimulus évalué et qui ne soit pas biaisée par l’environnement. Pour cette raison, on contrôle la température, l’humidité, le son et l’éclairage, mais également l’odeur ambiante. Les dégustateurs sont affectés à des postes de dégustation indépendants, les produits sont présentés de façon anonyme, et les ordres de dégustation varient.
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Un exemple d’application de ces méthodes a été l’étude des préférences des consommateurs pour une gamme de vin. Grâce à l’analyse sensorielle menée, le choix d’un assemblage a été fait parmi plusieurs sur la base d’un classement hédonique pour une cible de consommateurs précise. On a également évalué l’acceptabilité de cette gamme de vins par la méthode de la notation hédonique.
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Un autre exemple est l’aide à l’obtention de l’AOC « Pomme de terre primeur du Roussillon », grâce à l’analyse des différences de goût perçues par un échantillon de consommateurs entre différentes variétés de pommes de terre. L’analyse auprès des sujets entraînés a mené à une description organoleptique précise, permettant un contrôle et un suivi de la qualité pour les années futures.
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Source : ALLAIN H., « L’analyse sensorielle au service des professionnels de l’agroalimentaire », www.transferts-lr.org.
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L’exemple qui suit met en évidence l’influence de la couleur sur la perception. périe
EXEMPLE
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Basée sur une expérimentation réalisée en laboratoire auprès de 40 étudiants nord-américains, une étude menée par des chercheurs montre que la couleur d’un packaging influence la perception du goût sucré et du caractère sain des produits contenus dans cet emballage. Ainsi, quatre emballages alimentaires différents ont été présentés aux étudiants (céréales pour petit-
déjeuner, crème glacée, thé glacé et yaourt) en trois couleurs distinctes (bleu, vert ou rouge). Les produits contenus dans les emballages rouges sont perçus comme étant plus sucrés et moins bons pour la santé14. Une autre étude15 a également montré que la perception du goût citron fruité d’une boisson dépendait de la couleur de l’étiquette apposée sur la bouteille. En effet, bien qu’exposés à la même boisson, en l’occurrence de la bière, les 142 participants ont été servis à partir de trois bouteilles en verre brun différentes : l’une sans étiquette, l’autre avec une étiquette marron et la dernière avec une étiquette vert-jaune. Les participants ayant été servis à partir de la bouteille avec l’étiquette vert-jaune ont jugé que les notes d’agrumes et de fruits étaient 10 % supérieures à celles des deux autres bouteilles. Les résultats en termes de goût, de qualité perçue et d’intention d’achat vont dans le même sens.
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La dimension olfactive est depuis longtemps prise en compte pour les aliments et les cosmétiques, mais également aujourd’hui pour les produits ménagers, l’industrie, la distribution.
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Exxon a développé un gazole à l’odeur de fraise, l’Arbre Vert une crème lavante pour les mains antiodeurs, Dim commercialise des collants à l’odeur d’abricot et Corolle des poupées à l’odeur de vanille.
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Le toucher des produits provoque également des sensations agréables ou non au consommateur, qui intégrera cette sensation dans son évaluation. Ainsi, certaines matières comme le cuir ou le bois ont un toucher évoquant un caractère plus luxueux que d’autres.
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L’équipementier automobile Faurecia travaille sur le toucher des tableaux de bord automobiles, pour qu’ils soient perçus comme plus qualitatifs par les consommateurs. L’injection de mousse, donnant un toucher plus souple, permet ainsi une meilleure impression de qualité pour le client. Dans un tout autre domaine, l’entreprise Lush, connue pour sa cosmétique éthique, soigne la texture de ses produits en vue de surprendre agréablement les utilisateurs comme avec ses « gelées/jellies ».
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La dimension sonore et plus particulièrement le son émis par les produits est également l’objet d’une attention croissante16. Ainsi, le « clac » d’un poudrier que l’on referme doit rassurer – la poudre ne coulera pas dans le sac à main – et en même temps participer de l’image luxueuse du produit ; le bruit d’un moteur automobile – appelé par les amateurs « la musicalité »
– peut donner une impression de puissance et/ou de sécurité, incitant les constructeurs à le travailler particulièrement. Dans le même esprit, les toits ouvrants sont étudiés avec attention pour s’assurer que leur son évoque la fiabilité du mécanisme. Enfin, la taille des chips a été calculée pour que l’on « entende le croustillant ». Finalement, l’évaluation globale prend en compte, de façon consciente ou non, l’ensemble des sens, et leur cohérence. Une incohérence entre différents sens pourra produire un rejet chez le consommateur. Ainsi, l’odeur de fraise du gazole a été mal évaluée par les consommateurs car non congruente avec la nature du produit.
4. L’ergonomie
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Complémentaire de la perspective du design, l’ergonomie a pour objet de vérifier la facilité et le confort d’utilisation des produits par les consommateurs. On peut ainsi réfléchir à la facilité d’utilisation d’une machine, à la prise en main d’un packaging, etc. Par rapport à l’analyse précédente, elle s’intéresse plus particulièrement à l’utilisation du produit dans la durée plutôt qu’à la perception avant achat.
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L’analyse part souvent de l’observation des comportements d’utilisation des consommateurs.
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En recueillant les plaintes des individus attablés devant leur ordinateur 8 heures par jour, la société Herman Miller a eu l’idée de proposer un bureau ergonomique dont la hauteur est ajustable électriquement. Ce mécanisme a pour but d’inciter les consommateurs à bouger régulièrement et à alterner position assise et position debout. Selon les orthopédistes, grâce à cette nouvelle table, les maux de dos se feraient à la fois moins fréquents et moins intenses. Le développement massif du télétravail a d’ailleurs accéléré l’adoption d’innovations ergonomiques développées en lien avec le travail. Source : www.hermanmiller.fr.
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C’est en observant les comportements des consommateurs que le fabricant de sacs poubelles Handy Bag fait évoluer son offre. Des liens pratiques, des cordons élastiques, des sacs allongés pour s’adapter aux contenants qui grandissent… Toutes les innovations de confort sont une réponse aux attentes exprimées des consommateurs.
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Source : Briard C., « Comment Handy Bag réinvente son marché », Les Échos, 4 avril 2014.
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Pour répondre aux attentes des consommateurs qui recherchent de façon croissante des solutions « zéro déchet », et faire barrage à l’augmentation fulgurante de la pollution plastique, l’entreprise Bee Wrap propose des films alimentaires naturels 100 % naturels en « cirophane », en cire
d’abeille. De plus, contrairement au film plastique dont il est difficile de retrouver le bord et qui se roule en boule dès le découpage, ce nouvel emballage alimentaire peut être découpé aux ciseaux selon la taille des plats à couvrir et est très malléable, s’adaptant ainsi facilement à la forme souhaitée. Source : Hiloo-environnement.com.
• Les tests de produit
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Une fois le produit conçu, il est essentiel de tester son adéquation au cahier des charges techniques et aux attentes du marché. Trois types de tests sont réalisés lors du processus de conception : des tests techniques mesurant les performances objectives du produit, des tests sensoriels mesurant objectivement les caractéristiques sensorielles des produits, et des tests marketing évaluant sa perception subjective par les clients visés. Ces tests sont donc complémentaires. :167
1. Les tests techniques
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Les tests techniques visent à vérifier la conformité au cahier des charges techniques sur des critères « objectifs ». Bien entendu, ces critères sont très divers et varient selon la catégorie de produits. Ils peuvent par exemple concerner la sécurité, la résistance, la durée de conservation, l’usure, etc. Parmi ces tests on trouve ainsi les « crash tests » de l’industrie automobile au cours desquels on teste la résistance aux chocs de la voiture. Dans l’industrie cosmétique, on observe comment les produits résistent à des températures très élevées. Dans l’informatique ou les jeux vidéo, ces tests sont désignés sous le terme « d’alpha-tests ».
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Les tests techniques peuvent être obligatoires en vue de vérifier que le produit respecte des normes particulières et obtenir l’autorisation d’être vendu sur un territoire donné (par exemple, les normes européennes).
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D’autres tests techniques sont faits à l’initiative de l’entreprise. Il s’agit alors souvent d’analyser comment le produit réagit dans des conditions extrêmes d’utilisation, afin d’éviter tout problème ultérieur avec des consommateurs qui ne respecteraient pas les consignes idéales d’utilisation. Les tests techniques sont souvent faits dans l’entreprise elle-même, mais peuvent parfois être sous-traités.
EXEMPLES Ainsi, la division éclairage de Philips, qui produit notamment des luminaires extérieurs, leur fait subir des « torture tests » en les soumettant à des conditions de chaleur et d’humidité extrêmes, afin de s’assurer qu’ils résistent à des conditions climatiques exceptionnelles. Dans l’alimentaire, les fabricants de pizzas congelées ont conscience que ce type de produit est, le plus souvent, réchauffé dans l’urgence et sans égard par les consommateurs. Les fabricants, qui veulent s’assurer qu’elles restent mangeables malgré tout, les soumettent à des fours à très haute température et trop longtemps. De même, IKEA maltraite certains fauteuils pour s’assurer de leur longévité et de leur résistance à la déformation. Enfin, les crash-tests effectués dans l’industrie automobile ont pour objectif de vérifier la capacité du véhicule à absorber les chocs et à protéger les passagers.
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Diversité des tests techniques
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Avec plus de 130 ans d’existence, la société britannique Intertek emploie aujourd’hui 44 000 employés, répartis dans une centaine de pays. Cette entreprise assure les tests de produits, services et processus dans de nombreux domaines d’activité, tant en grande consommation qu’en industrie, afin de garantir leur sécurité et leur qualité.
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Une batterie de tests techniques spécifiques adaptée à chaque catégorie de produits est proposée. Ainsi, dans le domaine des jouets et jeux pour enfants, Intertek propose un laboratoire de tests de sécurité des jouets où sont vérifiés les risques mécaniques, chimiques et d’inflammabilité. D’autres tests peuvent être réalisés, comme le test de résistance des produits à la lumière, en vue d’étudier leur processus de dégradation en présence de lumière naturelle ou artificielle (éclairage en magasin, par exemple) ou encore des tests de résistance aux intempéries. Dans le domaine de l’électroménager, d’autres tests encore sont prévus afin d’évaluer la durabilité (conditions maximales que le produit peut supporter, test de vieillissement accéléré), le fonctionnement (test en conditions d’usage normal) et l’ergonomie (test de la facilité d’utilisation).
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Chez Well, les collants et mi-bas sont d’abord testés par un panel d’experts. « Ils répondent à des questionnaires très précis, sur le modèle des goûteurs en alimentaire, et notent la brillance, l’élasticité… », relève Stéphanie Courtois, directrice du marketing. Une fois le prototype validé, place aux tests en usine. Outre les robots, les produits passent aussi souvent entre les mains d’utilisateurs. Les testeuses de Well « portent au moins dix fois nos produits, parfois en aveugle ou, pour les mi-bas, mixés avec des produits concurrents : la testeuse porte un mi-bas différent à chaque pied ; ses deux chaussures étant les mêmes, nous pouvons ainsi évaluer nos produits en conditions réelles d’utilisation », précise Stéphanie Courtois.
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2. Les tests sensoriels
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Sources : Intertek-France.com ; adapté de YVERNAULT V., « Quand les produits passent au crash test », LSA, 2013.
Lorsque le produit met en jeu différents sens sur lesquels on souhaite travailler, il est intéressant de faire l’analyse sensorielle des produits en caractérisant de manière objective les sensations visuelles, olfactives, gustatives, auditives et tactiles perçues par un individu face au produit. Ce type de test, également qualifié d’analyse organoleptique dans le domaine agro-alimentaire, est généralement réalisé en laboratoire et incombe à des experts formés pendant plusieurs mois à cette activité et capables de discriminer les saveurs, les goûts, les touchers, de les caractériser et de les mémoriser.
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Ces personnes émettent un certain nombre de descripteurs (adjectifs caractérisant le produit ou la matière), définis de manière précise. Seule une partie d’entre eux est retenue de manière à éviter les redondances et à garantir une hétérogénéité suffisante.
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Une étude sur le cuir, réalisée à la demande de la société Cartier17, a permis d’identifier les descripteurs suivants : accrochant, adhérent, chaud, marquable, brillant, ferme. Différents cuirs ont ensuite été caractérisés selon ces descripteurs à partir d’échelles.
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Le résultat de cette analyse sensorielle sert à mieux communiquer avec les fournisseurs, qui ont souvent un vocabulaire spécifique : ils parleront d’un toucher sec, gras, « bougie », ou soyeux.
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L’analyse sensorielle permet également de trouver des voies d’innovation en élaborant des matières présentant des combinaisons nouvelles des descripteurs. Par exemple, un travail sur les plans de travail stratifiés pour les cuisines utilisant l’analyse sensorielle a permis d’élaborer des prototypes de matières nouvelles permettant un toucher plus « qualitatif » pour le consommateur, différencié par rapport à la concurrence, et jouant notamment sur le relief18.
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Une fois l’analyse sensorielle réalisée et les prototypes du produit ou de la matière achevés, on peut réaliser des tests sensoriels afin d’évaluer le nouveau produit sur les descripteurs générés lors de l’analyse sensorielle. Ainsi, dans la cosmétique, il peut être intéressant d’évaluer la rapidité d’absorption perçue d’une crème hydratante, dans la parapharmacie d’étudier les sensations d’élasticité et d’adhérence d’un pansement, ou dans l’industrie automobile les sensations provoquées par des systèmes de freinage électroniques et hydrauliques.
Ces tests sont souvent réalisés en salle ou en laboratoire, afin de placer le testeur dans un environnement le plus neutre possible, où les caractéristiques intrinsèques de l’offre dominent.
FOCUS La démarche des tests sensoriels • La première étape consiste à sélectionner des experts potentiels, sur la base de leurs capacités à reconnaître les saveurs, les odeurs, les textures. Ils doivent également être capables de distinguer les produits les uns des autres, et de mémoriser leurs évaluations.
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• Ils sont ensuite entraînés à reconnaître les différents produits, en réalisant des tâches de notation, de classement, de discrimination entre produits. Il faut en moyenne quatre à cinq mois pour former un juge.
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• Ils sont ensuite prêts à évaluer les produits en aveugle. Une dizaine de juges est en général mobilisée pour effectuer ces évaluations. Différentes tâches peuvent être proposées : reconnaître les produits qui sont différents, classer des produits dans des catégories, noter les produits sur des échelles préétablies ou non.
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• Les résultats des notations des différents juges sont ensuite analysés, notamment en essayant d’identifier par des tests statistiques d’analyse de la variance, s’il existe un « effet juge ».
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• Enfin, les résultats sont utilisés pour déterminer si les différences entre le nouveau produit et un produit existant sont perceptibles, s’il existe un seuil de perception pour une caractéristique donnée (par exemple, un arrière-goût pour un produit alimentaire), ou pour sélectionner la meilleure formulation ou recette pour un cahier des charges donné.
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Source : DORION F., MORIN-DELERM S., « Les tests sensoriels », Décisions Marketing, no 9, 1996.
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3. Les tests marketing du produit
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Les tests marketing du produit ou service sont effectués auprès de ses consommateurs potentiels. La perspective est très différente de celle des tests techniques ou sensoriels, dans la mesure où l’évaluation est hédonique, c’est-à-dire subjective, et non plus objective. Il s’agit de déterminer si les clients potentiels apprécient l’offre, ce qu’ils aiment et n’aiment pas. L’exemple suivant se situe à la frontière entre un test marketing et un test de de marché en magasin (voir le chapitre 6). le Su
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Au Royaume-Uni, plus précisément à Londres, l’enseigne de hard-discount Lidl s’est associée à la start-up chilienne Algramo pour tester auprès de ses clients la lessive en vrac. Durant les six
mois d’essais, le test de ce nouveau dispositif d’approvisionnement en lessive liquide est réalisé grâce à l’utilisation d’une station de recharge (ou de remplissage) qui utilise des bouteilles intelligentes éco-responsables. Les principaux objectifs de ce test en magasin sont de mesurer la performance du nouveau dispositif et l’engagement des consommateurs envers ce dernier. Le « testing in store » revêt plusieurs objectifs : il vise à évaluer le succès des produits proposés, limiter les taux de retour ainsi que le showrooming et renforcer l’image de l’enseigne. Source : « Refill Stations for Laundry Detergent Launched at Lidl », packagingeurope.com, 2022. En Espagne, le distributeur IKEA s’est transformé en hôtelier deux nuits durant, lors de la SaintValentin en ouvrant « El Hotel Amour ». Ce lieu éphémère était destiné aux couples pour tester les matelas de la marque dans un environnement idéal. Les chambres étaient ainsi dépourvues de toute source de distraction (pas de wi-fi, pas de télévision). Pour gagner la possibilité de dormir dans cet établissement hors du commun, l’inscription s’effectuait sur un site dédié, ou il fallait donner quelques informations personnelles (poids, type de literie et couchage préféré).
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Si certains tests de produits peuvent prendre des formes originales où le client est pleinement acteur (exemples d’IKEA et de Lidl cités précédemment), les tests produits sont généralement réalisés par des sociétés prestataires, qui apportent leur expertise en termes de recrutement des personnes interrogées, de méthodologie d’études (formulation et administration des questionnaires), mais également d’interprétation des résultats en les mettant en perspective par rapport à d’autres tests de produits.
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Les buts poursuivis dans les tests marketing sont cependant multiples, et donc parfois ambigus19. Deux grands types d’objectifs ressortent, qui peuvent se classer en différents sous-objectifs :
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– l’évaluation pour prise de décision : le choix entre différents projets élaborés, l’évaluation d’un produit radicalement nouveau et la prise de décision go/no go sur un projet donné ; – l’optimisation du produit en cours de développement : l’identification de la différence perçue entre le produit élaboré et les produits existants ou entre différents projets de nouveaux produits, ainsi que l’optimisation du nouveau produit.
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Il est important de clarifier l’objectif avant de choisir une méthodologie. Il existe une grande diversité de tests de produits, avec des dénominations souvent différentes selon les entreprises et les sociétés d’études. Cette diversité peut parfois confiner à l’anarchie. Pour clarifier les choses, on peut choisir de classer les tests de produit selon différentes dimensions :
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– la méthodologie d’étude et la taille de l’échantillon : les tests de produits se font le plus souvent par questionnaires sur de petits échantillons (60 à 300 individus) lorsqu’ils ont pour but de valider une décision de lancement ou d’évaluer un projet de façon comparative. En revanche, des méthodologies qualitatives seront plus appropriées pour comprendre les raisons de cette évaluation en vue d’améliorer le produit ; – le profil des personnes interrogées : certaines entreprises ont recours, pour des raisons de coût et de commodité, à des échantillons internes (collaborateurs de l’entreprise). Cela peut poser des problèmes de représentativité de l’échantillon en termes d’implication et de connaissance du produit. Le plus fréquemment, on a donc recours à des échantillons de consommateurs potentiels. Idéalement, l’échantillon doit alors refléter la composition de cette population. Cependant, on peut dans certains cas n’interroger qu’une seule catégorie de consommateurs, très impliqués, par exemple les consommateurs de la marque ou des consommateurs particulièrement ouverts à l’innovation. Certains individus sont ainsi reconnus comme des utilisateurs leaders20, car ils combinent à la fois une expertise dans la catégorie de produits et un caractère avant-gardiste. Ils sont plus à même de repérer ce qui plaira à la majorité dans le futur. Cette distorsion dans l’échantillon n’est pas gênante dans la mesure où l’on cherche à optimiser le produit ou à faire un choix entre différents projets. Elle peut être plus problématique si on veut comparer les résultats du test à des tests antérieurs qui ont été réalisés avec des échantillons différents, ou faire des projections en termes de prévision des ventes ; – le lieu du test : il peut se faire dans un lieu ad hoc, souvent appelé de manière galvaudée « laboratoire », ou au domicile des consommateurs. On privilégie la seconde option lorsque l’utilisation du produit doit être répétée (produit cosmétique), exige un contexte d’utilisation particulier (gel douche) ou se faire dans la durée (appareil). Les chercheurs et les praticiens notent depuis longtemps l’influence des facteurs environnementaux sur les résultats des tests21. On comprend alors que si les caractéristiques évaluées sont contrôlées, il est également nécessaire de maîtriser les facteurs externes. Lorsque réaliser le test au domicile des interviewés se révèle trop onéreux ou contraignant, et que l’on souhaite préserver les caractéristiques environnementales de la consommation, la salle immersive permet une évaluation contextualisée. C’est dans cette
optique de test que le CEA (Centre d’étude atomique) de Paris-Saclay a conçu une salle 3D immersive cinq faces de 19 m3. Celle-ci est dotée des dernières technologies en matière de projection, de son, d’expérience sensorielle et de confort. Elle est utilisée pour plusieurs travaux concernant l’ensemble du cycle de vie des installations nucléaires incluant le prototypage virtuel et l’aide à la conception de systèmes robots collaboratifs. Les conditions de test de cette salle permettent donc de plonger l’utilisateur dans un environnement très réaliste, d’interagir avec les objets qui l’entourent et d’avoir des sensations, comme la résistance d’un objet. Il est ainsi possible de simuler tout type d’interventions tout en garantissant la sécurité des opérateurs ; 821
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Gillette dispose d’un laboratoire à Reading, à une soixantaine de kilomètres de Londres où chaque jour, environ 80 hommes viennent se raser. Face à un miroir sans tain, dans des box équipés de lavabo, ils procèdent à leur rituel, avec des prototypes ou des produits existants. De l’autre côté, des caméras les filment et des scientifiques du centre d’innovation de Gillette observent leurs pratiques, très diverses. Après le rasage, les consommateurs notent leurs remarques et expriment éventuellement leur satisfaction. Cette démarche de tests pour être au plus près des consommateurs se révèle être une stratégie payante, puisque la marque ne cesse d’innover comme avec le récent lancement de sa nouvelle gamme de produits King C. Gillette22.
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– le degré de finalisation du produit : on peut faire des tests de produit à différents stades de finalisation, avec des objectifs variés : chercher à faire un choix entre différents projets, optimiser le projet choisi, ou prendre une décision de lancement… C’est ainsi que Philips fait systématiquement tester ses produits avant commercialisation par 20 à 200 consommateurs23 ; – le nombre de produits testés indépendamment ou simultanément : on oppose ainsi les tests monadiques (un seul produit testé) aux tests comparatifs dans lesquels deux ou parfois trois produits sont essayés simultanément afin de déterminer les préférences des consommateurs. Le tableau 5.1 présente une comparaison entre les tests monadiques et comparatifs.
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Tableau 5.1 – Tests de produits monadiques et comparatifs
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Source : Adapté de MORIN-DELERM S., op. cit.
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Au-delà de ces différentes dimensions, tous les tests de produits partagent deux caractéristiques communes :
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– une évaluation en aveugle (blind test) ou en identifié (avec la marque), c’est-à-dire que l’entreprise choisit si la marque concernée est connue ou non des consommateurs interrogés. L’objectif est différent dans les deux cas. La connaissance de la marque place implicitement le produit dans son environnement concurrentiel et influence considérablement le jugement des consommateurs. Ces derniers s’estiment souvent capables de distinguer les produits de deux marques différentes, alors qu’ils en sont en fait incapables si l’on cache la marque. En blind, la garantie d’évaluer le produit sur la base de ses qualités intrinsèques, sans influence de l’image, est assurée.
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L’exemple historique du test aveugle en comparatif de Diet Coke et Diet Pepsi réalisé aux ÉtatsUnis a ainsi montré une préférence du premier par la moitié des consommateurs et du second par l’autre moitié, alors que lorsque les marques sont révélées, les préférences se situent à 35 % pour Coca et 23 % pour Pepsi (les consommateurs restants jugeant les produits équivalents)24.
– une évaluation globale et hédonique (le produit plaît ou ne plaît pas), puis par items. Cependant, les consommateurs peuvent rencontrer des difficultés à analyser les raisons de leur évaluation. Ceci pose le problème de « l’effet de halo » par lequel une caractéristique du produit mal évaluée par les consommateurs peut entraîner une perception négative (réelle si l’item est essentiel pour le consommateur, ou seulement logique si le consommateur dégrade la note globale parce qu’il a mis une mauvaise note sur un item) sur l’ensemble des critères. Il peut alors être difficile d’identifier la raison précise du rejet. Il faut parfois avoir alors recours à des méthodes qualitatives, qui permettent de comprendre pourquoi le produit est mal jugé.
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Dans d’autres industries que la grande consommation, notamment les jeux vidéo ou les logiciels, les entreprises procèdent à des bêta-tests, qui correspondent à des tests de produit prolongés. Le produit en cours d’élaboration est confié à des clients-pilotes, qui en bénéficient gratuitement sous réserve de collaborer à sa finalisation. Il s’agit souvent d’utilisateurs intenses de la catégorie de produits, particulièrement impliqués. Ils permettent ainsi d’identifier un certain nombre d’imperfections n’apparaissant que lors de l’utilisation prolongée du produit.
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Mettre en lien les résultats des tests sensoriels et ceux des tests de produits est un enjeu pour les équipes de R&D et de marketing. En effet, faire se rejoindre les caractéristiques sensorielles optimales, le positionnement marketing et l’adhésion des consommateurs augmenterait les chances de réussite du nouveau produit. Des auteurs ont par ailleurs travaillé sur l’impact de la mémoire sur les perceptions sensorielles, qu’elles soient auditives, de toucher ou gustatives. Cuny et Faure (2012) ont ainsi développé une méthodologie de tests de produit gustatifs.
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Les exemples qui suivent illustrent le lien étroit qui unit les tests sensoriels objectifs et les tests de produits subjectifs. périe
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La recette du Nutella est-elle universelle ? Non, elle diffère sensiblement entre l’Allemagne et la France, notamment en termes de saveur et de goût par la proportion de cacao et de noisettes, de texture et de sucre. Côté allemand, le Nutella aurait un goût plus prononcé en cacao, une texture plus ferme et un goût moins sucré que le produit français. Côté français, les noisettes auraient un goût plus fort, la pâte une texture plus fondante et un goût plus sucré. D’ailleurs, en octobre
2017, une association de consommateurs allemande dénonçait un changement de recette du Nutella qui n’avait plus le même goût, changement qui a été confirmé par la marque un mois plus tard. Source : GRANDMONTAGNE M., « De moins en moins de différences entre le nutella allemand et le nutella français », France Bleu, 8 novembre 2017. De la même façon, le goût de Coca-Cola n’est pas strictement le même dans tous les pays du monde. En effet, afin de répondre aux attentes des consommateurs, le centre de recherche CocaCola de Bruxelles s’est chargé de doser au plus juste le sucre pour séduire les palais européens en ajustant légèrement la teneur en sucre. Source : LEBOULENGER S., « Cinq questions sur Coca Cola Life », LSA, 2014 ; LENTSCHNER K., « Un Coca-Cola à la stévia bientôt lancé en France », figaro.fr, 2014.
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Enfin, notons que les tests de produits internationaux, destinés à des marchés éloignés géographiquement nécessitent une bonne connaissance de l’environnement et de ses consommateurs, et de prendre un certain nombre de précautions. Par ailleurs, ces marchés sont très hétérogènes et dupliquer des méthodologies d’études connues est souvent voué à l’échec.
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Les tests de produits à l’international
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Chez Nielsen Norman, les tests d’un nouveau site en ligne dans différents pays servent à identifier l’expérience d’utilisation suivant différents contextes culturels. En effet, il s’agit d’identifier les modes d’interaction des utilisateurs avec le nouveau site en ligne et d’en recenser les similitudes et les différences entre pays. Certains peuvent par exemple davantage s’appuyer sur une fonctionnalité en particulier, tandis que d’autres peuvent la trouver inutile. Ces tests offrent également l’opportunité de mieux saisir les processus cognitifs et la façon dont les individus interagissent avec la technologie et leur environnement, de façon plus globale25.
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Ipsos a diffusé un document sur les tests de produits à l’international et plus particulièrement sur les tests réalisés dans les pays émergents. Plusieurs conseils sont formulés à destination des chargés d’études et des responsables marketing qui souhaitent tester un nouveau produit dans un pays émergent :
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• ne présumez pas de l’homogénéité des modes de consommation au sein d’un pays. En effet, les consommateurs peuvent avoir des styles de vie extrêmement différents qui impacteront la façon d’utiliser le produit, et donc son évaluation lors des tests. Ipsos conseille alors d’inclure dans l’enquête des questions sur la façon dont le produit sera utilisé, partagé, stocké et jeté (et pas seulement sur la consommation produit) ;
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• observez les réactions mitigées à l’égard des produits alimentaires et des boissons avec précaution car les goûts et les préférences peuvent varier avec le climat (qui aura un impact significatif sur le transport de produits, le stockage et les perceptions des consommateurs d’un produit mais aussi sur la performance réelle du produit donc sur son évaluation). Par ailleurs, un même pays peut présenter divers climats. Dans ce cas, la question de la standardisation ou
de l’adaptation du nouveau produit se pose avant toute conclusion hâtive. En Chine par exemple, une crème de jour qui est perçue comme hydratante par les consommateurs de Pékin (climat continental) sera vraisemblablement jugée trop grasse à Guangzhou (climat tropical) ; • les aliments transformés et marqués seront plus ou moins bien évalués en fonction des habitudes des consommateurs. S’ils sont habitués aux produits faits maison, les produits industriels peuvent les séduire ou les rebuter, selon les cas. En Inde par exemple, la pénétration des produits brandés est faible (à l’exception de quelques catégories comme le shampooing et le savon) et les consommateurs ont donc l’habitude de personnaliser les produits qu’ils achètent, de les utiliser et les consommer à leur manière. De plus, de nombreuses catégories de produits sont nouvelles dans les marchés émergents et les répondants ne savent pas exactement comment utiliser les produits. Par exemple, lors du test d’un assouplissant, il faut informer le répondant du cycle de lavage à utiliser pour que les résultats du test soient valides ; • il faut enfin réfléchir au circuit de vente qui sera privilégié pour que le produit d’une part et les conditions de tests d’autre part soient adaptées à la vie du pays. En Afrique par exemple, le commerce traditionnel et les vendeurs ambulants déballent leurs produits en vrac et vendent à l’unité. Le test pourra alors reproduire ce mode de présentation.
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Sur le plan méthodologique, trois difficultés sont soulignées par l’étude Ipsos. La variété des expériences et des habitudes de consommation rend difficile l’appareillage des échantillons lors de tests monadiques à visée comparative. De plus, la perception du risque (problème de sécurité alimentaire) est une contrainte importante lors du test d’aliments transformés. En Chine par exemple, les questionnements sur l’innocuité des aliments peuvent affecter la volonté de participer aux tests de produits. Enfin, jusqu’en 2019, les tests de produits dans les marchés émergents étaient principalement réalisés en face à face car le téléphone et Internet ne sont pas adaptés pour collecter aisément les données partout (le taux d’équipement des ménages étant encore faible dans certaines zones géographiques). Mais la crise de la Covid-19 a forcé les instituts d’étude à mettre en œuvre d’autres méthodes pour respecter la distanciation sociale et limiter les contacts. Cela s’est traduit par l’utilisation de « virtual labs », où la réalité virtuelle et augmentée a permis d’être plus réaliste lors du test des produits.
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À noter toutefois que les récentes et nouvelles réglementations qui sont entrées en vigueur depuis 2017 au sujet de la protection des données personnelles, tel le RGPD (Règlement général sur la protection des données) en Europe sont également source de difficultés supplémentaires pour les marques. En effet, en Chine, la loi sur la cybersécurité réduit très fortement les capacités à collecter et stocker des données qui doivent rester sur les serveurs chinois.
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Sources : LIU F., « International Usability Testing : Why You Need It », nngroup.com, 2021 ; LIU F., « International Usability Testing : Why You Need It », nngroup.com, 2021 ; REYNOLDS N., NETKACH A., TARANYAN A., « The Evolution of Product Testing in the New Digital World », 2020 ; « Tests produits dans les BRICS : évitez les retards ! N’oubliez pas votre passeport ! », ipsos.com, 2013.
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4. Les concept-use tests
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Les résultats des tests de produits sont fréquemment confrontés au résultat du test de concept du produit correspondant, afin de comprendre si le produit remplit la promesse faite par le concept. En cas de mauvais résultats, on pourra comprendre si ceux-ci sont dus à un concept déficient
ou à un produit qui traduit mal le concept aux yeux du consommateur. Afin de garantir méthodologiquement que les résultats traduisent bien cette différence, on utilise le même échantillon de consommateurs et les mêmes questions. On parle alors de « concept-use tests ». Les étapes sont les suivantes :
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– on présente le concept du produit par une description verbale ou imagée afin de recueillir les réactions des consommateurs ; cette première phase s’apparente donc à un test de concept classique ; – ensuite, on confie le produit à tester aux consommateurs interrogés en leur permettant de l’utiliser à domicile ; – on les rappelle quelques semaines plus tard pour les interroger sur leur perception des différentes caractéristiques du produit testé, et sur leur intention de réachat. La difficulté méthodologique est alors que les personnes interrogées risquent d’être influencées par la première partie de l’étude dans leurs réponses à la deuxième. Le test de produit peut donc être influencé par la manière dont le concept a été présenté et jugé au départ. Si on craint cet effet, on peut utiliser non pas des échantillons strictement identiques, mais des échantillons appariés, c’est-à-dire composés de façon identique.
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Un concept-use test réalisé sur Febrèze a permis de vérifier que les scores en termes de valeur, de sympathie à l’égard du produit et de caractère distinctif étaient quasi identiques lors du test de concept et après utilisation du produit. En revanche, les intentions d’achat étaient plus faibles, notamment pour le format le plus petit (118 ml). En effet, les personnes utilisaient ce format « pour essayer », vaporisaient moins de produit, et étaient donc moins satisfaites du résultat.
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5. La pré-industrialisation
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Lorsque les différents tests ont été effectués et que l’on parvient à une solution satisfaisante, les services production travaillent à la production industrielle en grande série, à partir du prototype ou des préséries testées. Il n’est cependant pas rare que l’on se heurte à différents problèmes à ce stade, la phase industrielle posant des problèmes spécifiques de production, de qualité ou de coût. Il peut alors être nécessaire de réaliser des ajustements. Ces ajustements, s’ils sont importants, peuvent parfois nécessiter un retour à une phase de tests marketing ou de tests techniques.
Pour résumer cette section sur les tests de produits, la figure d’Herbeth26 issue de ses recherches dans le secteur de l’automobile, est appropriée. En effet, elle met en parallèle – et montre ainsi la concomitance des actions – les étapes du processus de développement, les tests marketing et leurs objectifs respectifs.
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Figure 5.2 – Les étapes du processus de développement et les tests marketing
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Source : HERBETH N., Prendre en compte les émotions dans le développement des nouveaux produits. Application au produit automobile, thèse de doctorat, École Polytechnique, 2014.
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• Comment tester les services ?
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La caractéristique permettant de distinguer formellement produits et services est essentiellement le caractère intangible des services, même si les
offres combinent toujours une partie tangible et une partie intangible. Dans les offres relevant principalement du service, l’intangibilité se combine au fait que la production et la consommation ont lieu simultanément, puisque la participation du client est le plus souvent nécessaire pour que le service soit rendu. Ces caractéristiques posent la problématique du test d’un service innovant de façon particulière. En effet, on ne peut pas séparer la partie test et la partie « déploiement sur le terrain », et il est d’emblée nécessaire d’impliquer des clients, ou des personnes jouant le rôle de clients. Un autre élément spécifique est le fait que, dans la plupart des activités de services, l’élément humain est clé dans la qualité de la prestation. La satisfaction finale du client dépendra donc fortement du personnel en contact, ce qui est difficile à standardiser, et donc à tester en amont.
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En conséquence de ces deux éléments, le décalage entre l’expérience envisagée par le client et la réalité peut être plus grand que pour un bien physique, car la mise en œuvre effective est cruciale. Or, elle dépend du personnel en contact, des autres clients, de l’implication du client lui-même, et peut être variable dans le temps.
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On peut distinguer deux types de tests :
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Il est donc nécessaire de tester non seulement le scénario du service (son concept), comme vu précédemment, mais également sa mise en œuvre effective, pour avoir l’équivalent de tests de produit.
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– des tests visant à valider le système permettant de délivrer le service : temps, organisation et séquence des tâches, fiabilité des éléments tangibles, etc. Ce type de test peut être réalisé en interne, par les employés en contact, d’autres employés pouvant éventuellement jouer le rôle des clients ; – des tests consommateurs, ayant pour objet de mieux comprendre le comportement des clients et leur appréciation du service. On peut pour cela adopter deux logiques : • une logique représentative, où l’on essaie de recueillir les évaluations d’un consommateur moyen. Cela a notamment pour objectif de prendre des décisions sur le lancement ou non du nouveau service ; • une logique expérimentale, où l’on cherche à tester des situations extrêmes. Ceci permet ainsi de former le personnel en contact à pouvoir
faire face à toutes les situations, même si celles-ci se révèlent improbables. Ces différents tests requièrent un temps important dans la réalisation, qu’il convient de ne pas sous-estimer. Le cas suivant décrit l’ensemble des tests qui ont été mis en place pour la mise au point, le lancement et l’optimisation du système Navigo à la RATP.
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Les différents tests réalisés pour la mise au point, le lancement et l’évolution de Navigo par la RATP
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Navigo est une carte magnétique sans contact permettant l’accès aux transports publics parisiens. Le projet initié à la fin des années 1980 a été développé à partir de 1998, et les premiers systèmes d’accès ont été installés en 2002. Ce projet est né à la fois de la nécessité de faire des gains de productivité et de gagner du temps lors de l’accès. En termes de délais, il correspondait également à une nécessité de renouvellement des portillons automatiques. Les contraintes pour le déploiement du projet étaient nombreuses, notamment du fait du nombre très élevé de voyageurs utilisant le réseau RATP. Il fallait donc mettre au point un badge facile d’utilisation, pouvant être lu rapidement, de faible poids, autonome, et qui n’accepte qu’un seul passage à la fois. Pour cette raison, un grand nombre de tests ont été réalisés.
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• En 1992, un test de faisabilité technique en laboratoire est réalisé avec 100 employés RATP. Le but était de vérifier que le badge correspondait bien aux spécifications fonctionnelles demandées.
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• En 1993, un test dans un contexte réel a été réalisé avec 900 agents RATP sur la ligne 11 du métro. À certains points de passage, il était nécessaire d’utiliser le badge, alors qu’à d’autres un système mixte était installé. Ceci permettait notamment d’observer le comportement des agents ayant le choix entre le système traditionnel et le nouveau système sans contact.
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• En 1994, deux tests ont eu lieu. Le premier avait pour objet de vérifier la fiabilité du badge dans un environnement de foule. 200 bornes ont été installées à l’entrée d’un bâtiment de la RATP, et 2 000 agents RATP y ont participé. Le deuxième test avait pour but de tester le mode de paiement et a impliqué 4 000 agents administratifs de la RATP, jouant le rôle de consommateurs sur l’ensemble des modes de transport public parisien.
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• En 1997, le système a été étendu en interne auprès de 40 000 agents. En outre, 1 000 « vrais » consommateurs ont été recrutés. Dans la mesure où un nombre limité de stations était équipé, il était nécessaire de recruter des voyageurs effectuant régulièrement un trajet précis. En outre, un dispositif original a été mis en place : des acteurs professionnels ont été embauchés pour jouer le rôle de consommateurs, rencontrant des problèmes
spécifiques, afin d’observer les réactions des agents dans ces situations particulières. Ces tests, qui devaient initialement durer six mois, ont finalement duré un an et demi. • En 1999, deux expérimentations en environnement réel ont été organisées afin de tester plusieurs scénarios de paiement des abonnements. Elles ont impliqué plus de 2 000 voyageurs dans 50 stations sur une période de six mois. Elles avaient pour but de tester un scénario d’extension du badge auprès des voyageurs non abonnés. Quoique positifs, les résultats de ce test n’ont pas encore été mis en œuvre à grande échelle, du fait de contraintes de coûts.
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• Fin septembre 2018, la RATP a recruté, via son site internet et l’application « Navigo Lab », des consommateurs pour tester l’achat et la validation de titres de transport en Île-deFrance, à partir de smartphones dotés de systèmes Android et de la technologie NFC. Cette expérimentation a duré près d’un an et a permis de tester la dématérialisation des tickets et abonnements pour les usagers franciliens. Avec plusieurs milliers de testeurs, l’objectif était d’avoir un panel de smartphones et de mesurer leur interaction avec les bornes d’accès. Pour les utilisateurs possédant un iPhone ou une Apple Watch, la mise en œuvre est programmée pour 2023 avec une phase d’expérimentation prévue avant le lancement. L’organisation des Jeux Olympiques à Paris en 2024 aura certainement fini de convaincre la marque à la pomme de conclure cet accord pour cinq ans. Ces services innovants ont pour buts de limiter la consommation de papier (550 millions de tickets par an) et de réduire les files d’attente aux guichets.
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Sources : ABRAMOVICI M., BANCEL-CHARENSOL L., « How to Take Customers Into Consideration in Service Innovation Project? », The Service Industries Journal, vol. 24, no 1, 2004 ; DOCTEUR J., « RATP : voici quand vous pourrez valider votre titre de transport avec un iPhone », capital.fr, 2022.
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2 • LE RÔLE DES CLIENTS DANS LE DÉVELOPPEMENT D’UNE OFFRE INNOVANTE
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Parallèlement à cette démarche d’allers-retours entre les différents services de l’entreprise, et des échantillons de consommateurs, mobilisés pour des tests, apparaît une autre logique, qui est celle d’impliquer directement les clients futurs ou potentiels dans le développement de la nouvelle offre. Nous avons déjà évoqué ces pratiques de co-création au stade du concept, mais elles existent également dans la phase de mise au point et de développement de l’offre.
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Plusieurs aspects peuvent être distingués, selon le type de collaboration et le stade du processus de développement de l’offre, mais également selon l’origine de la démarche : dans un certain nombre de cas, ce sont les
consommateurs eux-mêmes qui font la démarche de proposer leur collaboration, par l’intermédiaire de plates-formes communautaires, notamment dans le domaine du design. L’entreprise peut également solliciter l’aide des futurs clients dans la conception de l’offre, notamment en mettant à leur disposition des outils de développement (toolkits). L’implication des clients peut également intervenir en toute fin de processus, lorsque le client est invité à innover en personnalisant lui-même ses produits.
• Le rôle des communautés d’utilisateurs dans le développement des produits
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Il existe aujourd’hui de nombreuses communautés en ligne, qui travaillent sur des problématiques sectorielles, où même sur des marques en particulier, et peuvent proposer des solutions techniques, des designs de produits, voire proposer des projets qui peuvent être repris par les marques. 46.4
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La communauté des AFOL – Adults fans of Lego – ne cesse de surprendre par sa créativité. En effet, sur sa plateforme en ligne « Lego ideas », de nombreux fans de la célèbre marque danoise peuvent proposer des designs de jeux via les outils de conception mis à leur disposition. Ils peuvent également voter pour leurs designs préférés et ainsi les faire évaluer par la marque dès l’obtention de 10 000 votes. C’est ainsi qu’en 2022, un jeune étudiant français a imaginé et développé un globe terrestre nécessitant près de 2 600 briques Lego. Ce globe a obtenu les votes nécessaires, et convaincu la marque de le commercialiser dans le monde entier.
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Source : « Il crée un globe terrestre commercialisé par Lego dans le monde entier », YouTube, France 3 Grand-Est, 2022.
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Füller, Jawecki et Mühlbacher27 distinguent trois modes possibles de travail de la marque avec des communautés, dans le cadre de la conception de nouveaux produits et services. Le premier est celui de l’observation de ces communautés, par ce que l’on appelle la netnographie. Il est possible de s’inspirer des tendances, de consulter les projets de produits proposés, et leur évaluation par les autres membres de la communauté. Dans ce cas, la marque n’intervient pas dans la communauté, et se place en situation d’observateur.
Le deuxième mode possible est ce que les auteurs appellent « l’innovation basée sur la communauté », où il s’agit toujours d’approcher des communautés existantes, indépendantes de la marque, mais en entrant en interaction avec les membres, pour leur proposer des tâches bien précises. Il peut s’agir d’apporter des solutions à un problème identifié dans le processus de développement d’un nouveau produit, de tester un nouveau produit encore non finalisé pour recueillir des réactions ou des idées d’améliorations, etc.
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Le troisième mode de collaboration va encore plus loin : il s’agit de créer, à l’initiative de l’entreprise, une communauté d’innovation permettant d’interagir et de coopérer de façon continue avec des consommateurs identifiés innovants, et que l’on souhaite voir s’engager dans la durée.
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• Le développement de produits par des communautés créées par l’entreprise
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La création de communautés de consommateurs experts qui peuvent aider l’entreprise au stade de la conception du produit s’est développée depuis longtemps dans le domaine du BtoB, et plus récemment dans des produits grand public28. 8893
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La marque de motos italienne Ducati a suscité la création d’une communauté de passionnés, les ducatisti, qui se retrouvent sur Internet, mais également dans le monde réel au cours des World Ducati Weeks, en Italie, pendant lesquelles ils présentent leurs motos, souvent modifiées dans leur propre garage. Sur le site, un forum spécialisé est dédié aux discussions techniques. L’entreprise a pu s’inspirer de certaines solutions techniques trouvées par les membres de la communauté, ou utiliser les créations des membres sur le thème « La Ducati de 2050 ». Les membres sont sélectionnés sur leurs compétences techniques, et les plus qualifiés et avantgardistes sont invités à travailler directement avec les ingénieurs de l’entreprise29.
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De même, l’exemple de Decathlon avec sa plateforme « Decathlon co-création » est emblématique. Les clients peuvent proposer une idée de produit, rejoindre des communautés centrées sur un sport ou une pratique spécifique, comme la marche athlétique ou le camping, pour suivre le développement de certains projets innovants.
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Source : PICARD M., VELLERA C., MUNZEL A., TEXTORIS V., « Decathlon crée sa plateforme digitale internationale de crowdsourcing », Les communautés d’innovation, EMS éditions, 2017.
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Fuchs et Schreier30 ont mené deux études sur le rôle des consommateurs dans le processus de développement des nouveaux produits, sur trois
catégories différentes de produits (des T-shirts, des meubles et des bicyclettes). Ils ont montré que faire participer les clients à l’émergence des idées et à leur sélection avait un impact fort sur l’image de l’entreprise et le succès des produits lancés. Ainsi par exemple, lorsqu’Harley Davidson a pris en compte l’avis des clients concernant les modifications qu’ils aimeraient voir apporter à l’Ultra Classic, 120 points de changements ont été opérés. Le modèle ainsi renouvelé a entrainé une croissance des ventes de 30 % de toute la gamme Touring31. Von Hippel, à la suite de ses travaux sur les lead-users, a commencé à montrer l’intérêt de confier à ces communautés des « boîtes à outils », leur permettant de développer eux-mêmes des offres innovantes32.
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Cette pratique des tool kits tend également à se diffuser dans le domaine des biens destinés au grand public, ce qui permet d’élargir la base des développeurs potentiels.
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Leader dans le domaine des chaussures de sport, la marque Nike a développé en 1999 « Nike ID », un service de personnalisation sur mesure. Plus tard, elle a proposé ce même service sur une plateforme qui génère aujourd’hui une part importante du chiffre d’affaires en ligne, récemment rebaptisée « Nike by you ». En effet, les clients ont accès à des outils de design leur permettant de créer des sneakers aux formes, couleurs et motifs variés qui leur correspondent ; ils deviennent ainsi des co-designers.
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• La customisation de masse
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Enfin, l’entreprise peut solliciter la créativité des clients en bout de chaîne, en leur permettant de créer un produit unique, totalement personnalisé. Merle, Chandon et Roux définissent la customisation comme « la capacité donnée au consommateur de définir lui-même certains éléments de l’offre, au sein d’un ensemble prédéfini par l’entreprise ». C’est par exemple ce que pratiquent de plus en plus les constructeurs automobiles. Ainsi, sur le segment premium, Mercedes n’a jamais vendu deux modèles de classe E identiques. De même, la marque danoise de bijoux Pandora propose plus de 600 breloques (charms) pour créer des bracelets personnalisables. Grâce à cette offre, l’entreprise de joaillerie s’est rapidement hissée dans le top 5 mondial, derrière Cartier et Tiffany. Le prêt-à-porter, s’essaie également au sur-mesure à des prix accessibles. Ainsi, « Les Nouveaux Ateliers »,
fabricants de vêtements pour hommes, proposent au client de prendre ses mesures complètes par système de scanner, et de lui fournir chemises et costumes parfaitement à sa taille. Enfin, l’exemple d’Harley Davidson est emblématique de la customisation. En moyenne, un client de la marque dépense 3 000 euros d’accessoires divers et de produits dérivés1.
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La beauté personnalisée grâce à l’intelligence artificielle chez YSL de L’Oréal
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Présentée sous forme d’un prototype lors du CES (Consumer Electronic Show) 2020 à Las Vegas, l’innovation brevetée et développée par L’Oréal permet de personnaliser et de créer en temps réel un rouge à lèvres, un fond de teint ou encore un soin sur mesure. Un an plus tard, L’Oréal a choisi d’associer cette innovation baptisée « Perso » à sa marque de luxe Yves Saint Laurent Beauty et de se concentrer sur le rouge à lèvres « le rouge sur mesure ». L’appareil connecté à une application mobile compte révolutionner le monde de la cosmétique. En effet, à partir d’une simple photo, l’application pourra, grâce à l’intelligence artificielle, suggérer la teinte la plus adaptée selon la tenue vestimentaire ou le teint de la personne parmi 1 000 nuances disponibles.
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Ce niveau de personnalisation est rendu possible par les trois cartouches de teintes différentes pouvant être placées dans un étui de forme cylindrique ; la marque propose actuellement quatre trios de teintes pour les cartouches : les nudes, les oranges, les roses et les rouges. Guive Balooch, le dirigeant de l’incubateur technologique de L’Oréal, indiquait : « Avec Perso, nous mettons la technologie de la personnalisation directement dans les mains des consommateurs (…) Perso utilise l’intelligence pour optimiser les formules et il devient de fait plus intelligent au fur et à mesure que vous l’utilisez. »
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Aujourd’hui, comme pour de nombreux produits sur mesure, cette innovation a un coût : l’étui est commercialisé en exclusivité au Bon marché à Paris ou en ligne au prix de 315 euros et les cartouches à 31,50 euros l’unité.
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Source : BELLIOR I., « L’Oréal Perso pour créer un rouge à lèvres ou un soin personnalisé chez soi », LSA, 2020 ; cosmopolitan.fr ; yslbeauty.fr.
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3 • LA DÉTERMINATION DU PRIX
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• Le prix, source d’innovation
On considère généralement le prix comme une conséquence des choix faits lors de la conception d’une offre innovante. Cependant, le prix peut également être la principale caractéristique innovante de l’offre. C’est notamment le cas pour toutes les innovations faites dans le domaine du low cost que ce soit dans le secteur de l’automobile (Dacia Sandero), du transport aérien (Easyjet), de l’accès à Internet (Free), de la distribution (hard-discount), ou de l’hôtellerie (Formule 1). Il s’agit alors pour l’entreprise qui innove, de conserver ou d’améliorer le rapport valeur perçue/prix, en offrant une valeur équivalente au consommateur, pour un prix beaucoup plus bas que les offres existantes. Il est pour cela important de comprendre ce qui fait l’essentiel de la valeur de l’offre, et de confronter cette analyse avec celle des coûts.
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Une autre source d’innovation par le prix consiste à jouer non sur le niveau de prix lui-même, mais sur les modalités de paiement, et la perception du prix par les consommateurs. Ainsi, une des innovations majeures dans la téléphonie mobile a été l’invention du forfait. Pour un prix identique, l’entreprise peut innover en permettant de payer de façon étalée, en donnant accès à une offre illimitée, en offrant une garantie sur le prix final payé par le consommateur, ou en groupant des offres que l’on devait autrefois payer de façon séparée. 8893
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Ainsi, le lancement en 2000 de la carte UGC illimité a constitué une innovation majeure et une première mondiale, en proposant une formule d’abonnement à l’année permettant à son détenteur de voir autant de films qu’il le souhaitait. Après avoir tenté de faire interdire ce concept par le Conseil de la concurrence, le réseau MK2 s’est allié à Gaumont pour offrir un service similaire, le Pass, cinq mois plus tard. Cette innovation-prix a eu un impact majeur sur le comportement des clients du cinéma. Dans le même esprit, la SNCF propose depuis janvier 2017 la carte TGVMax qui permet aux jeunes de 16 à 27 ans de prendre la plupart des TGV et Intercités, tous les jours de l’année, sur 94 % des trains. Une carte similaire, MaxSenior, cible les personnes de plus de 60 ans.
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Grâce aux nouvelles technologies et aux données clients qu’elles permettent de recueillir, de nouveaux modèles de tarification arrivent dans le domaine des assurances. Un des premiers modèles, le « Name Your Price Tool »33 de l’assureur automobile américain Progressive offre une tarification transparente suivant le prix que le client souhaite payer. Cette solution de tarification innovante se base sur de nombreux facteurs prédictifs visant à évaluer les risques selon le mode de vie des assurés (hygiène de vie, sports pratiqués, mode de transport…) et non leur historique. Cette solution se rapproche du « pay how you drive » de certains assureurs qui tiennent compte (1) du nombre de kilomètres, (2) du nombre de fois où la voiture est utilisée et
(3) des données au sujet de la conduite. Direct Assurance annonce ainsi une remise pouvant aller jusqu’à 30 % de la prime mensuelle.
On peut également innover dans le modèle économique même de l’innovation, par exemple en faisant financer par un tiers ce qui était autrefois pris en charge par les consommateurs. C’est notamment le fondement de tous les modèles publicitaires qui fleurissent sur Internet.
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Mondial Relay est une filiale d’Inpost qui exploite le premier réseau national de points relais et de « lockers » pour la livraison aux particuliers. Il s’agit d’un réseau de 700 lockers et de 12 000 commerçants à travers la France, qui réceptionnent et remettent au destinataire leurs colis. Les commerçants – des supérettes, fleuristes, opticiens, bureaux de tabac, etc. – sont rémunérés pour ce service, mais l’essentiel de la valeur créée pour eux est la création de trafic dans leur point de vente. Ils peuvent également compléter leurs revenus en retournant les colis à l’expéditeur, en remettant des publicités personnalisées ou en participant à des opérations promotionnelles. Finalement, le modèle économique permet de fournir un service logistique à des sites de commerce électronique, de rémunérer des commerçants, et de faire vivre l’entreprise Mondial Relay.
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Un exemple de modèle économique innovant est celui du « freemium », proposant à la fois une offre de base, gratuite, et une offre premium, payante, avec des fonctionnalités exclusives. Ceci est basé sur le fait que l’offre gratuite va permettre une diffusion rapide de l’offre, qui devient ainsi une référence et un standard. Cette diffusion rapide est avantageuse en termes de notoriété, pour vendre des espaces publicitaires. Elle peut ensuite inciter une proportion d’utilisateurs à acheter la version payante. :211
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Depuis quelques années, les modèles freemium prospèrent dans divers domaines sur Internet. Que ce soit pour la presse quotidienne, la plateforme de transfert de fichiers volumineux WeTransfer ou la solution de visioconférence Zoom, l’avantage de ce type de tarification réside principalement dans les possibilités de test et d’expérimentation gratuites de l’offre de base. Cette gratuité des services de base donne ainsi la possibilité de convertir les utilisateurs satisfaits en clients, prêts à payer pour des services exclusifs (lecture d’un article en entier, envoi de fichiers très volumineux, durée illimitée pour la visioconférence). Un autre modèle économique innovant est celui du mode et du moment de paiement. Des entreprises américaines comme Uber ou françaises comme OuiCar proposent aux consommateurs de payer le service à la commande et promettent d’être un intermédiaire de transaction. En effet, divers sondages réalisés par ces sociétés de services montrent qu’un consommateur de transport individuel ou de restaurant n’apprécie guère de prendre en charge la relation financière avec le prestataire. Un autre exemple innovant relatif au moment de paiement est celui des magasins japonais GU qui proposent aux
clients de payer en fin de journée les vêtements choisis et testés. Cette possibilité de paiement après usage serait préférée au « satisfait ou remboursé » bien connu.
Enfin, les offres de services collaboratifs ou de produits partagés ont un impact sur le mode et le niveau des prix. BlaBlaCar propose un tarif aux utilisateurs en fonction du véhicule, du trajet et de la date choisis. Ce montant est reversé essentiellement au prestataire, avec une partie destinée au tiers de confiance.
• L’intégration du prix dans le processus de conception
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Lorsque le prix n’est pas à l’origine même de l’innovation, il doit intervenir, de façon itérative, à différents stades de la conception du nouveau produit :
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– dans l’élaboration de la stratégie, le niveau de prix envisagé doit être cohérent avec le positionnement choisi ; – dans le test de concept, on intègre souvent une question relative au prix ; – dans la phase de conception, le prix cible est intégré dans le cahier des charges. 7687
Ce prix cible permet de faire des arbitrages dans le choix des matières, des techniques de fabrication, des fonctionnalités, etc.
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Le prix d’un produit est un élément déterminant dans la décision d’achat. La fixation du prix revêt donc une importance particulière et se révèle souvent difficile. De manière générale, le prix d’un produit est fixé par référence à trois éléments :
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– le coût de production ; – la valeur du produit aux yeux des consommateurs potentiels ; – le prix des produits concurrents34.
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Pour les produits innovants, ces trois éléments sont particulièrement difficiles à évaluer :
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– le coût de production dépend des caractéristiques du produit. Or cellesci ne seront entièrement fixées qu’à la fin de la phase de conception. En outre, les caractéristiques dépendent du prix cible que l’on indique dans
le cahier des charges. Il faut donc déterminer à quel moment le prix sera intégré dans la conception ; – dans la mesure où le produit est innovant, il est difficile pour le consommateur de l’imaginer avec précision, et donc de lui attribuer une valeur. Cela est d’autant plus vrai qu’il s’agit d’une innovation radicale ; – si le produit est très innovant, il n’existe pas de concurrence directe. Si les capacités de substitution pour le consommateur sont limitées, l’entreprise peut alors s’écarter des prix des produits de la catégorie. Cependant, cette situation de monopole n’est en général que temporaire. Il faut donc tenir compte de la concurrence à venir dans la stratégie de fixation du prix.
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Il est nécessaire de poser la question du niveau de prix à chaque étape de la conception, afin de l’affiner progressivement, au fur et à mesure que les choix effectués permettent de préciser les hypothèses sur les coûts de production, la valeur de l’offre et la concurrence. Il convient notamment de vérifier à chaque étape que ces trois éléments demeurent compatibles.
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La conception en fonction d’un prix cible : l’enseigne « C’est deux euros »
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Depuis plus de 20 ans, la marque « C’est deux euros » s’est implantée dans le centre des grandes villes de France. Avec plus de 45 magasins, cette enseigne s’est développée en se fondant sur un double constat : la croissance du secteur du bazar avec des prix low cost et les tensions de plus en plus fortes sur le pouvoir d’achat des Français. Ainsi, la promesse est simple et bien résumée dans le nom de marque, puisque tous les articles, sans aucune exception, sont au prix fixe de 2 euros, et ce toute l’année. Avec plus de 1 500 références, les magasins commercialisent une large gamme de produits du quotidien en tous genres organisée en huit rayons : décoration, culture, arts de la table, produits utiles, entretien, loisirs, bien-être et textile. Toujours implantés en centre-ville, lieu stratégique de fort trafic, les magasins attirent une clientèle soucieuse de maîtriser son budget puisque le panier moyen est estimé entre 6 et 10 euros. Ainsi, la localisation des magasins couplée à l’originalité du concept permettent de générer du trafic « drive to store » et, de fait, un important chiffre d’affaires, ce qui est un vrai atout compte tenu de la part croissante du e-commerce. Cet atout se traduit notamment par la fidélisation du client et l’amélioration de la notoriété de l’enseigne. Par ailleurs, le concept de prix unique à 2 euros a pu être construit grâce à l’achat des marchandises en très grande quantité (plus de trois millions de produits stockés dans un entrepôt près de Toulouse), une négociation très poussée avec les fournisseurs et des achats
réalisés au moment le plus propice (c’est-à-dire lorsque les fournisseurs souhaitent déstocker). Sources : BUNDY L., VILLENEUVE K., « C’est deux euros : développer sa notoriété dans une logique drive-to-store », cas CCMP, 2021 ; « Ils vendent tout à deux euros », YouTube, 2015.
• L’approche du prix par la valeur
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Pour comprendre le prix que le consommateur est prêt à payer pour une offre innovante, il est essentiel de comprendre quelles sont les sources de valeur qu’offre l’innovation. Pour évaluer la valeur, on se base fréquemment sur l’analyse de l’utilité marginale que procure le nouveau produit par rapport aux générations précédentes. Par exemple, le prix d’un smartphone peut être évalué par rapport à celui d’un téléphone simple35. De même, le prix du carburant additivé peut être évalué par rapport à celui d’une essence standard.
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Il est cependant essentiel de prendre en compte l’ensemble des sources de valeur pour le client, celles-ci n’étant le plus souvent pas directement comparables avec les solutions existantes. Ainsi, pour reprendre l’exemple ci-dessus, le poids et l’encombrement d’un smartphone sont en général inférieurs à ceux d’un téléphone simple, mais comment quantifier la valeur liée au fait de pouvoir envoyer des mails, surfer sur Internet, prendre des photos, obtenir des applications et stocker sa musique ? Il est donc nécessaire de prendre en compte toutes les sources de valeur tout au long de l’expérience client.
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Par ailleurs, il est fréquent que les solutions existantes combinent des produits et des services qui appartiennent à un tout autre secteur économique, ou qui n’appartiennent tout simplement pas au secteur marchand. Il importe également de prendre en compte des éléments de valeur symbolique, qui sont particulièrement difficiles à quantifier.
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Ariaké a créé une petite révolution dans les bases culinaires avec le lancement des premiers bouillons en sachet à infuser chez Monoprix. Nés au Japon et utilisés en restauration par des chefs connus comme Joël Robuchon, ces produits mettent en avant leur naturalité et leurs hautes qualités gustatives et nutritionnelles. Ces bouillons se présentent sous forme de sachets tissés prédosés qu’il suffit d’infuser cinq minutes dans une casserole d’eau frémissante ou dans une tasse d’eau bouillante, comme du thé. Grâce au maillage du sachet qui retient les lipides naturellement
contenus dans les ingrédients, la restitution du bouillon est limpide et d’une couleur naturelle. Son goût est celui d’un bouillon fait maison. Il apporte à la fois une plus grande simplicité d’utilisation, car il ne nécessite pas, comme les bouillons déshydratés classiques, une grande quantité de liquide pour être dissous, mais également une valeur plus symbolique, car il est naturel et non gras, et donc vu comme une aide culinaire valorisante pour les cuisiniers et cuisinières. Avec plus de 10 % de croissance en 2020, le marché des aides culinaires est en forte croissance, car il combine une adéquation aux modes de vie contemporains, et une part de « fait maison ».
Il est également possible que l’innovation détruise de la valeur, en étant plus complexe d’utilisation, plus encombrante… Il convient évidemment d’en tenir compte.
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Dans un contexte Business to Business, cette valeur doit être évaluée pour l’ensemble des acteurs de la filière industrielle, en incluant les distributeurs. On peut alors, en prenant en compte la position de l’entreprise cliente au sein de la filière industrielle, distinguer différents types d’avantages pour le client :
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– une production à moindre coût, qui permet de réaliser une marge accrue, ou d’être plus compétitif en termes de prix face aux concurrents ; c’est ainsi que 3M cherche à développer des abrasifs industriels que l’on peut utiliser plus longtemps ; – un plus grand confort d’utilisation pour les membres de l’entreprise ; c’est le cas des chariots élévateurs Fenwick, plus ergonomiques, et minimisant les risques d’accidents pour les caristes ; – une meilleure performance visible pour le client final ; c’est par exemple le cas des systèmes air bag dans l’industrie automobile, qui permettent d’offrir au conducteur et aux passagers une sécurité accrue ; – une moindre nuisance pour l’environnement, qui permet à l’entreprise d’être mieux acceptée par l’opinion publique, ou les pouvoirs publics. Ce peut être le cas pour des machines de chantiers moins bruyantes, ou des composants moins polluants. Cela dit, même si le consommateur est de plus en plus en recherche de durabilité dans les produits et les services qu’il consomme, il ne peut pas toujours se les offrir ou les préférer à des offres moins chères. Le facteur prix reste un élément déterminant du succès des innovations durables, qu’elles soient de nature environnementale ou sociale36.
EXEMPLE Xerox produit ainsi depuis plusieurs années un toner qui utilise une nouvelle technologie, moins polluante. Ces cartouches nécessitent moins d’énergie pour être produites, donnent un rendu d’impression plus qualitatif car plus brillant, et utilisent moins d’énergie pour l’impression.
Il est donc nécessaire de prendre en compte, mais également de mettre en exergue la valeur que peut avoir l’offre innovante, non seulement pour le client direct, mais également pour des acteurs extérieurs à l’entreprise, clients, citoyens, pouvoirs publics. Il sera alors éventuellement possible de leur demander d’en supporter le prix.
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Source : lighting.philips.fr.
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Ainsi dans le domaine de l’éclairage public, Philips possède dans la région de Lyon un centre baptisé OLAC (Outdoor Lighting Application Center) où l’entreprise invite les décideurs, notamment des collectivités locales, à venir constater les effets de l’éclairage extérieur. Une portion d’autoroute, grandeur nature, y est reconstituée, pour montrer qu’en faisant varier l’éclairage, on peut avoir une meilleure vision et limiter le risque d’accident. Une place typique de petite ville est également aménagée permettant de montrer l’intérêt esthétique d’un éclairage avec des LED, mais également de visualiser l’impact sur la sécurité perçue par les habitants. Le coût de l’éclairage peut donc être comparé, en termes de coûts à celui d’une présence accrue d’un personnel de surveillance.
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Pour bien faire comprendre quelle peut être la valeur ajoutée de son offre auprès du client final, un fournisseur peut également choisir de financer luimême des tests.
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Le vine program d’Amazon, également connu sous le nom de « club des testeurs », permet à certains fournisseurs de soumettre leur produit à un échantillon de consommateurs identifiés par le géant du e-commerce en vue d’obtenir des avis et ainsi améliorer le référencement et, de fait, générer plus de ventes. Pour intégrer ces tests qui durent généralement moins d’un mois, les fournisseurs doivent directement approvisionner la plateforme (comme les éditeurs, labels, studios, fabricants ou tout fournisseur) et financer leur entrée au club à des prix élevés (entre 500 euros en Europe et 5 000 euros aux États-Unis).
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Source : EBRARD Q., « Vine program : comment fonctionne la boîte à avis d’Amazon », JDN, 2018.
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Cette approche par la valeur permet de considérer le prix du point de vue du consommateur ou du client, et de le déconnecter des coûts, qui sont parfois
bien en deçà de la valeur. Elle est notamment appropriée lorsque la concurrence directe n’est pas encore présente.
• L’évaluation du prix acceptable par les consommateurs En pratique, l’évaluation de ce différentiel de prix présente plusieurs difficultés :
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– la première, déjà évoquée, est le fait que la valeur d’un produit pour un consommateur, et donc le prix qu’il est prêt à payer, dépend des caractéristiques du produit. Or, ces caractéristiques ne sont pas entièrement fixées. Parry et Kawakami ont mené en 201437 une étude sur l’impact du buzz communautaire autour de futures innovations électroniques (smartphones et liseuses) au Japon. Ils ont montré que le bouche-à-oreille sur internet est positivement corrélé à la crédibilité des informations sur la future innovation, elle-même positivement corrélée à la perception de la valeur du produit et à son pouvoir hédonique. Le consentement à payer est lui-même lié à la perception de la valeur du produit ; – la deuxième, qui n’est pas spécifique aux nouveaux produits, est qu’il est difficile d’interroger directement les consommateurs sur le prix qu’ils sont prêts à payer. En effet, ils ne sont pas forcément enclins à révéler ce prix, et auront parfois tendance à le sous-estimer. Par ailleurs, la connaissance spontanée des prix des produits est faible ; – le prix a un double effet. De façon classique, plus il est élevé, plus le nombre de personnes prêtes à acheter diminue, notamment pour des raisons de revenus. Cependant, le prix a aussi un rôle de signal, notamment sur la qualité et l’exclusivité. Dans le cas des nouveaux produits, où le consommateur dispose encore de peu d’informations sur le produit et où le risque perçu est élevé, ce deuxième effet peut jouer de façon importante ; – enfin, la propension à payer et la valeur attribuée à telle ou telle caractéristique d’un produit sont très subjectives, et donc variables d’un individu à l’autre.
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Il faut donc prendre en compte ces difficultés lors de la réalisation des tests de prix. Ceux-ci peuvent être réalisés à différents stades de la conception du produit :
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– lors d’un test à grande échelle du concept ou du produit, on mesure la sensibilité au prix en interrogeant les clients potentiels sur leur intention d’achat ou de réachat pour différents niveaux de prix. L’agrégation des réponses obtenues donne lieu à une courbe de prévision des ventes en fonction du prix, appelée courbe achatréponse ; – on peut également lors d’un test spécifique, interroger les consommateurs sur la perception de cherté du produit pour différents prix envisagés. La méthode Adam-Stoetzel consiste ainsi à demander aux personnes interrogées le montant maximal au-dessus duquel le produit serait jugé trop cher, et le montant minimal en dessous duquel la qualité du produit semblerait douteuse. Deux méthodes d’interrogation peuvent être utilisées : • une méthode directe, en présentant une carte avec différents niveaux de prix, en posant à la personne interrogée les deux questions suivantes : 1. « en pensant au produit décrit ci-dessus, à quel prix, sur cette carte, diriez-vous que vous n’achèteriez pas le produit parce que vous ne pouvez pas vous le permettre, ou parce que vous n’en avez pas pour votre argent ? » 2. « en-dessous de quel prix sur cette même carte, diriez-vous que vous n’achèteriez pas le produit parce que vous commencez à douter de sa qualité ? » • une méthode indirecte, en proposant les différents prix dans un ordre aléatoire, en demandant à chaque fois à l’interviewé s’il serait prêt à acheter le produit, et de préciser à chaque fois si c’est parce que le prix lui semble trop bas ou trop élevé.
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Les courbes obtenues par ce type de méthode ont la forme présentée dans la figure suivante. La courbe inférieure représente le nombre de personnes qui considèrent que le prix est suffisamment bas. La courbe supérieure représente le nombre de personnes qui trouvent le prix suffisamment élevé. Cette courbe est obtenue en faisant la différence entre le nombre total de personnes interrogées et le nombre de personnes qui pour un prix donné, déclarent qu’elles n’achèteraient pas le produit car elles doutent de sa qualité. L’écart entre les deux courbes représente donc les personnes qui sont prêtes à acheter car elles ne trouvent le prix ni trop bas, ni trop élevé.
Le prix qui permet de maximiser le nombre d’acheteurs est donc celui pour lequel l’écart entre les deux courbes est maximal. Cependant, ce prix n’est pas forcément celui qui maximise la rentabilité. Il est nécessaire pour cela de simuler le chiffre d’affaires généré pour chaque prix, et la marge obtenue en fonction de la structure des coûts.
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• Cette méthode a été complétée par van Westendorp, qui propose, dans sa méthode baptisée PSM (Price Sensivity Meter), d’ajouter deux questions au test : – la première porte sur la perception du caractère bon marché du produit, et est formulée de la façon suivante : « À partir de quel prix ce produit vous semble-t-il bon marché, c’est-à-dire, quand vous paraît-il être une bonne affaire ? » ; – la seconde porte sur la perception de cherté, et est la suivante : « À partir de quel prix ce produit vous semble-t-il cher ? ».
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Les quatre courbes ainsi formées déterminent deux zones de prix : une zone des prix acceptables (TBM-TC), et une zone de prix optimal, plus restreinte, (B-C) dans laquelle un maximum de personnes considèrent le prix comme ni élevé ni bon marché. 7687
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Le cas suivant montre l’utilisation de cette méthode pour fixer le prix d’un nouveau produit de Philips.
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– lors de la conception du bien ou du service par analyse conjointe selon la méthode exposée au début de ce chapitre, on peut ajouter le prix aux attributs testés et déterminer dans quelle mesure les préférences sont affectées par les différents niveaux de prix envisagés. Cette méthode de simulation permet d’étudier la sensibilité au prix et les arbitrages à faire par rapport aux caractéristiques intrinsèques du produit ; – lors d’un marché-test (simulé ou réel), tel qu’ils sont présentés dans le chapitre suivant, on peut faire varier le prix selon les échantillons de consommateurs, les magasins ou les zones géographiques afin d’analyser en quoi le niveau de prix affecte les ventes du produit. Source : Philips.
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Figure 5.3 – Représentation des fuseaux de prix
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Les tests peuvent parfois révéler que le prix acceptable par les consommateurs est supérieur à celui qui est estimé initialement par l’entreprise, qui ne valorise pas suffisamment l’innovation, ou répugne à s’éloigner du prix de référence sur son marché. 7687
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Les tests de prix menés pour le simulateur d’aube « Éveil Lumière » de Philips
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Pour le lancement de son « simulateur d’aube » Éveil Lumière, Philips avait fait procéder à un test de prix. Celui-ci a été mené en France auprès de 80 personnes, âgées de 25 à 55 ans, ouvertes aux nouvelles technologies et connaissant des difficultés de réveil. Une planche présentant le concept du nouveau produit et ses bénéfices leur était présentée, puis trois produits concurrents (deux radio-réveils classiques et un simulateur d’aube), et finalement les deux produits testés (une version basique et une version premium).
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Après quelques questions d’évaluation du concept, du design, et des questions d’intention d’achat sans faire mention du prix ni de la marque, le thème du prix était abordé. Conformément à la méthode « van Westendorp », quatre questions ont été posées aux personnes interrogées : (a) Quel serait un niveau de prix bon marché pour ce produit ? (b) Quel niveau de prix serait élevé, mais toujours acceptable ? (c) Quel niveau de prix serait trop bon marché, de sorte que vous douteriez de la qualité du produit ? (d) Quel niveau de
prix serait trop élevé, de sorte que vous n’envisageriez pas de l’acheter ? Cette première série de questions permet de déterminer trois niveaux de prix : • un prix optimal, au sens où il maximise la pénétration. Ce prix a été évalué à 65 euros ; • un prix minimal raisonnable, qui correspond au prix pour lequel le nombre de personnes considérant le prix comme « bon marché » (question a) est égal à celui considérant le prix comme « trop bon marché » (question c). Ce prix a été évalué à 54 euros ; • un prix maximal raisonnable, qui correspond au niveau de prix pour lequel le nombre de personnes considérant le prix comme trop élevé (question d) est égal au nombre de personnes considérant le prix comme élevé, mais acceptable (question b) Ce dernier prix a été évalué à 114 euros. Cette première analyse a été complétée par une analyse de trade-off. Des prix ont été affichés pour la gamme proposée (les produits concurrents et les produits Philips), et les consommateurs ont été interrogés sur leur choix de produits dans cette situation de prix. Ainsi, une part de marché théorique a pu être calculée dans chacune des situations, en ne faisant varier qu’un prix à la fois. Une sensibilité au prix a donc pu être calculée.
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À la suite de ce test, et en confrontant ces résultats à l’analyse des coûts, un objectif de prix public sur le marché français pour les deux versions du produit Éveil Lumière a été élaboré. Compte tenu des comportements de marge habituellement adoptés par les distributeurs, un prix de vente à la distribution a été fixé.
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Source : PIRAUD J.-C., RENIOU F., LE NAGARD E., « Cas Éveil Lumière de Philips », CCMP, 2008.
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• Les stratégies de fixation du prix d’un nouveau produit
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Le choix du prix d’un nouveau produit dépend également des objectifs stratégiques qui lui sont assignés, et du comportement attendu de la concurrence38.
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On peut choisir un prix élevé au départ, dit prix d’écrémage, qui garantit une forte marge unitaire, et confère une image « haut de gamme » au produit. Ce choix se fera cependant au détriment du volume des ventes et réservera, dans un premier temps du moins, l’achat aux consommateurs les plus impliqués ou les plus aisés. Ce prix peut devenir un prix de référence pour les consommateurs, et avoir une influence sur tout le devenir de la catégorie. Par exemple, lorsque Danone a lancé Actimel, le prix choisi, assez élevé, est devenu la référence pour cette nouvelle catégorie qu’est la « santé active à boire ». Les concurrents qui ont cherché par la suite à imiter cette innovation se sont positionnés juste en dessous de ce prix de référence. On peut en effet par la suite facilement baisser ce prix de référence, mais il est plus difficile de l’augmenter. On peut donc choisir dans un premier
temps un prix de lancement élevé, puis le baisser, en fonction des résultats de vente et des réactions concurrentielles.
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La société Babolat, leader sur le marché des raquettes de tennis avec un positionnement haut de gamme, a mis au point la première raquette connectée qui permet au joueur d’analyser ses frappes, de suivre ses performances et de comparer son jeu à celui d’autres joueurs (amis et champions sponsorisés par Babolat). Lancée d’abord aux USA, la raquette connectée Play Pure Drive a été distribuée pour la première fois en France en mai 2014 de manière très sélective à un prix d’écrémage de 400 euros. Une enquête auprès de la cible des joueurs de Babolat a été réalisée pour mieux évaluer les prix psychologiques que les acheteurs potentiels étaient prêts à payer39. Aujourd’hui, pour faire face à l’arrivée sur le marché de plusieurs concurrents comme Sony, Babolat a opté pour une stratégie de diffusion plus large, avec des prix compris entre 200 et 250 euros.
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Pour maintenir un prix moyen suffisamment élevé et préserver les marges, il est intéressant de diversifier la gamme dans le temps, en faisant baisser le prix du modèle d’entrée de gamme pour démocratiser l’accès à l’innovation, tout en lançant des modèles haut de gamme comportant des options exclusives, ou offrant des séries limitées pour préserver l’aspect « privilège ». 7687
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L’exemple emblématique de la machine à café en dosettes Senseo reflète bien cette stratégie de prix. En effet, la première cafetière à dosettes individuelles a été lancée en 2001 en France par Philips au prix de 69,99 euros, soit le double de la moyenne du marché des machines à café. Aujourd’hui, la gamme Senseo comprend plusieurs sous-marques (Viva Café, Original, Original plus, Quadrante…), disponibles dans de très nombreux coloris, avec des prix variés qui commencent à 34,90 euros.
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On peut à l’inverse choisir un prix volontairement bas, dit prix de pénétration, afin de maximiser les ventes et d’accélérer la diffusion du produit. Cette deuxième solution présente en outre l’avantage de dissuader l’arrivée des concurrents, qui auraient été encouragés en cas de perspective de rentabilité élevée. Cependant, l’entrée des concurrents peut parfois être souhaitée car elle peut favoriser la diffusion du produit dans une logique de standard ouvert.
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Enfin, le niveau de prix dépend fortement de la structure des coûts. Si les coûts fixes sont élevés et qu’il existe une courbe d’expérience, l’entreprise
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peut avoir intérêt à choisir un prix bas afin d’atteindre rapidement un volume de vente important et de bénéficier d’une baisse des coûts unitaires. C’est notamment le cas pour la bière d’Abbaye qui, grâce à un prix de pénétration bas et une qualité reconnue, a pu concurrencer les acteurs majeurs de ce marché – Leffe, Grimbergen et Affligem – qui détiennent pourtant près de 90 % du marché40.
4 • LA CONCEPTION DU PACKAGING • Les fonctions du packaging dans l’innovation41 1. Les formats
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L’emballage d’un produit permet de le transporter, de le stocker, de le conserver. Il est manipulé par le client et doit être éliminé après consommation. Toutes ces fonctions sont sources potentielles d’innovations, et de nombreux produits sont principalement innovants par leur packaging. On assiste depuis quelques années à la multiplication des innovations de packagings, que ce soit des mini-doses, des packagings à conserver, ou des emballages prêts à l’emploi dans l’alimentaire pour faciliter l’utilisation, des packagings comportant un assortiment de produits pour inciter à tester plusieurs références, des packagings à conserver/réutiliser dans une optique de développement durable, etc. :80.2
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La fontaine à eau Volvic n’est pas innovante par son contenu (de l’eau Volvic classique), mais par son emballage en gros volume avec un robinet utilisable dans le réfrigérateur. La bouteille compactable d’Évian permet une élimination plus facile par le consommateur. En février 2009, Kraft Foods (devenu Mondelez en 2012) a lancé en France sous les marques Toblerone et Milka des emballages de produits chocolatés contenant exactement 100 calories, afin de permettre aux consommateurs de doser mieux leur alimentation. De même, le P’tit Oasis, lancé en 2013, a permis à Orangina- Schweppes France (OSF) d’être présent sur les petits formats, ceux du pôle « petites soifs », qui concernent 6,5 millions de foyers avec enfants. Cette petite poche au toucher doux, munie d’une paille télescopique et d’une bulle d’air pour une bonne préhension du produit a permis à Oasis de recruter un million de foyers consommateurs et de se positionner sur les très dynamiques formats de 20 cl.
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Source : LEBOULENGER S., « P’tit Oasis, un format nomade adopté par les enfants », LSA, 2013.
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Les exemples d’emballages innovants prennent également de plus en plus fréquemment la forme d’emballages recyclables.
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Chez Soapbottle, fini les emballages en plastique pour les shampooings et gels douche. Développée par Jonna Breitenhuber durant son master à Berlin, cette solution zéro déchets
innovante consiste à remplacer les contenants en plastique par des emballages faits de savon solide. Ce savon est lui-même fabriqué à partir de produits naturels qui peuvent donc contenir 100 ml de liquide et se dissoudre au cours du temps. Le design de ce packaging innovant est soigné, puisque les formes et les couleurs sont très attractives et associées à des parfums connus comme la myrtille, le citron ou l’aloe vera. En octobre 2021, 2 848 contributeurs ont participé à la levée de fonds sur kickstarter et réuni 125 497 euros pour soutenir le projet.
2. La communication
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Par ses fonctions de communication, le packaging constitue souvent un élément essentiel du succès d’un nouveau produit, notamment dans le contexte d’une vente en libre-service où l’emballage est souvent le premier (et parfois le seul) contact entre le produit et le client potentiel. C’est souvent par une mention sur le packaging que le produit signale au consommateur sa nouveauté. De plus, un packaging recyclable ou des suremballages supprimés42 – fruits d’une démarche d’éco-conception43 – communiquent par eux-mêmes les valeurs de la marque et revendiquent un positionnement respectueux de l’environnement et des préoccupations de consommateurs de plus en plus nombreux.
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En 2018, « La boulangère », marque connue pour son pain de mie, change de packaging pour communiquer ses engagements environnementaux et éthiques. Ce changement se traduit notamment par l’évolution de son logo avec le coquelicot, censé traduire le respect de la biodiversité et de la naturalité. De nombreuses autres informations figurent sur ces nouveaux emballages pour attester des engagements de la marque envers l’environnement et ses consommateurs.
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Fabriquées à Toulouse, les fontaines à yaourt au lait de vache frais de la marque Yogourmand permettent de communiquer de nombreuses informations de façon claire et ludique. Le message principal est très clair : une fontaine à yaourt constitue un choix éco-responsable grâce à la réduction d’emballages (remplace douze pots de yaourts) d’une part, et la production locale d’autre part.
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Les fonctions du packaging vues sous l’angle de la sémiotique
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Le packaging peut s’analyser comme un discours que tient une marque sur un produit. Pour s’exprimer, l’entreprise dispose d’un certain nombre d’éléments : les matériaux, les formes, les
couleurs, les éléments scripturaux, les éléments graphiques. On peut ainsi attribuer au packaging les six fonctions classiques de la sémiotique : • une fonction référentielle : c’est la fonction de base, qui consiste à indiquer sur le packaging ce qu’est le produit. Il s’agit d’une part d’informer sur les caractéristiques objectives et observables du produit afin de construire chez le consommateur potentiel une image du produit. Dans le cas des nouveaux produits, il est important que cette description ne génère pas de déception chez le consommateur. D’autre part, les informations sur le mode de fabrication, de conservation, d’utilisation, de traçabilité, ainsi que les spécificités techniques permettent de réduire le risque perçu par le consommateur ; • une fonction expressive : le packaging renseigne sur l’entreprise et la marque qui fabriquent le produit. Il met plus ou moins en valeur la marque, et par le ton du discours tenu (technique, ludique, persuasif…), exprime le rapport de cette marque avec ses clients ; • une fonction impressive : le packaging propose souvent une image du client potentiel du produit afin que celui-ci se sente impliqué ;
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• une fonction poétique ou esthétique : le consommateur sera attiré par un packaging qu’il juge beau. Cette perception est cependant très variable selon les individus et les cultures ;
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• une fonction métalinguistique : il existe dans toutes les catégories de produits des codes packaging, facilement compréhensibles des consommateurs ;
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• une fonction phatique : il s’agit d’établir et maintenir le contact avec le consommateur. Dans le cadre du packaging, cela signifie en pratique être vu et être pris en main. Trancher avec les couleurs du rayon dans lequel le produit est placé peut ainsi être un bon moyen d’attirer l’attention.
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Source : DANO F., « Packaging : une approche sémiotique », Recherche et Applications en Marketing, vol. 11, no 1, 1996.
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Dans un contexte de lancement de nouveau produit, il importe, par l’intermédiaire du packaging, à la fois de communiquer la nature du nouveau produit et la catégorie de produits à laquelle il appartient, mais également parfois de se démarquer de catégories proches. En pratique, l’entreprise hésite donc souvent entre utiliser les codes classiques, notamment en termes de couleurs, pour que le consommateur rattache facilement le nouveau produit à une catégorie, ou rompre avec ces codes pour signifier la nouveauté44. ure d
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Procter et Gamble ne souhaitait pas utiliser le blanc pour le packaging de son détachant Ace Délicat, afin de se démarquer de l’eau de Javel, rattachée à la couleur blanche. Pour connoter le respect du linge délicat, c’est le vert pâle qui a été utilisé.
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Du jambon orange ou des saucisses vertes, ces nouveaux produits ont été développés par la marque Madrange, bien connue sur le marché de la charcuterie. En incorporant des légumes et des féculents dans ses jambons et saucisses, la marque a innové et amélioré les qualités nutritionnelles de ses produits qui enregistrent des nutriscores de A ou B. Ainsi, la recette du
jambon aux carottes et patates douces ou les saucisses fumées aux légumes verts ne manqueront pas de surprendre les consommateurs, habitués à la couleur standard de ces produits.
La rupture des codes peut également permettre d’attirer l’attention sur le produit nouveau, notamment dans des catégories de produits très encombrées. Cette stratégie est cependant risquée, car cela peut nuire à la compréhension du produit et à l’évaluation esthétique du packaging.
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On peut citer l’exemple emblématique du packaging rose pour le sucre Daddy, qui se démarque des concurrents depuis des années, ou les succès du flacon de shampooing Fructis de L’Oréal, de couleur verte très vive dans un univers plutôt pastel, et du yaourt Activia de Danone, également de couleur verte dans un univers bleu et blanc. De même, le chocolat Milka au packaging de couleur parme rompt avec les codes de la catégorie de produits et est ainsi visible dans les linéaires. À l’inverse, le lancement de Coca-Cola life avec un packaging vert, qui cherchait à modifier l’incontournable code couleur rouge et blanc de la marque, n’a pas rencontré de succès commercial. En effet, le vert, qui devait traduire la naturalité et le côté santé de ce nouveau produit, demeurait très sucré.
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• Les tests de packaging
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Une fois que l’entreprise a élaboré un ou plusieurs projets d’emballage pour son nouveau produit, elle cherche souvent à les soumettre aux consommateurs pour tester leur pertinence45. Sirieix46 avait montré en 1999 que la forme, la taille ou la couleur des produits ou de leur packaging sont en mesure d’influencer la qualité perçue des produits, Radford et Bloch47 (2011) soulignent que la nouveauté d’un produit alimentaire est largement communiquée par son design. Pantin-Sohier et Miltgen (2012)48 montrent enfin que les stimuli informationnels (dont le packaging et les informations qu’il porte) d’une nouvelle boisson peuvent influencer les évaluations gustatives du consommateur. ure d
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Pour évaluer le packaging, on peut utiliser des méthodologies différentes selon les objectifs :
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– les tests de praticité. Ces tests ont pour objectif de vérifier si l’emballage se manipule facilement et s’il est facile à utiliser par les consommateurs, si l’ergonomie est adaptée ; – les tests de visibilité. Il s’agit de vérifier que le packaging est vu de loin, que les couleurs et la forme attirent le regard, même auprès d’un
public légèrement myope. Ces tests, réalisés en laboratoires, reposent souvent sur le tachistoscope, un appareil qui permet de projeter des images à des vitesses variant entre 1/1000e de seconde et quelques secondes, et le diaphanomètre, appareil qui permet de faire varier la netteté d’une image. On utilise aussi des écrans d’ordinateurs visualisant des rayons pour voir ce que choisissent les consommateurs ; – la perception globale du packaging. Ces tests ont pour but de tester quelles associations mentales le packaging génère chez les consommateurs, et leur adéquation avec le positionnement du produit. Cette évaluation peut se faire selon une méthodologie qualitative, en réunion de groupe, ou quantitative, par enquête.
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Les réunions de groupe, utilisées dans ce contexte, permettent d’analyser en profondeur la manière dont les clients potentiels perçoivent l’emballage envisagé. On les interroge sur le type de personnes susceptibles d’acheter le produit. On peut également recourir au portrait chinois en leur demandant qui serait ce produit si c’était une fleur, un animal, un personnage célèbre, etc. Ce type d’approche permet d’étudier la cohérence entre l’image dégagée par le packaging et le concept du nouveau produit49.
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L’approche quantitative consiste à interroger un large échantillon de personnes sur une série d’items. On privilégie alors la représentativité des réponses collectées à l’analyse approfondie des perceptions. En général, chaque item donne lieu à une évaluation sur une échelle en cinq, six ou sept points. Les items sur lesquels les consommateurs sont interrogés évoquent les qualités perçues du produit. Elles dépendent donc de la catégorie concernée. Par exemple, pour un nouveau gel WC, les questions peuvent porter sur l’efficacité du produit, sa fiabilité, sa capacité à désinfecter et à détruire les bactéries, sa concentration, ou encore sur la fraîcheur du parfum. On demande également aux personnes interrogées leur perception globale du packaging testé. Rappelons que les attributs perçus sont ici évalués à partir d’une photo ou d’une maquette du packaging, et sans que le produit ait été essayé : on teste donc bien l’impression que donne l’emballage sur les vertus intrinsèques du produit. C’est ainsi que le Flacon Stop-Gouttes de Lesieur ou le bouchon refermable de la bière SkØll ont été testés auprès de consommateurs.
L’ESSENTIEL
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• Comme on l’a vu au cours de ce chapitre, la conception et la mise au point d’une nouvelle offre suppose une multitude d’allers-retours entre marketing et production, émaillés de nombreux tests. Ces tests, souvent longs et coûteux, sont justifiés pour optimiser l’offre et limiter les risques lors du lancement. • Le nombre et la nature des tests effectués sont très variables selon les secteurs. Dans la grande consommation, où les potentiels de vente et donc les budgets alloués à la conception et au lancement des produits sont importants, les tests se succèdent et sont très formalisés. En revanche, en milieu industriel, certaines des étapes décrites dans le chapitre ne sont pas forcément respectées, soit parce que le chiffre d’affaires escompté est trop faible, soit du fait de contraintes techniques. • Le recours à des tests consommateurs dépend également de la culture de l’entreprise, de l’importance relative de la fonction marketing, ainsi que du rôle dévolu à la création. • Enfin, le degré d’innovation influence l’étendue des tests. Si le produit est fortement innovant, on aura tendance à réaliser beaucoup de tests pour contrôler le risque commercial. S’il est relativement proche de ce qui existe déjà sur le marché, le risque apparaît moindre, et on réduira le nombre des tests pour gagner du temps et économiser de l’argent. Les innovations de rupture constituent un cas singulier. En effet, les tests auprès des clients potentiels apparaissent souvent peu fiables car il faut du temps aux clients pour appréhender les fonctionnalités et les caractéristiques des produits. L’entreprise pourra alors renoncer aux tests consommateurs pour privilégier un lancement à petite échelle50, dont elle pourra retirer des enseignements. • Nous avons présenté ici un panorama des tests existants mais les entreprises ne procèdent jamais à la totalité d’entre eux. En fonction des caractéristiques du produit, des connaissances de l’entreprise sur les attentes des acheteurs potentiels, des risques et des ambitions associés au projet, des contraintes de temps et d’argent, mais aussi de la culture interne, l’entreprise réalisera un nombre important de tests ou prendra au contraire la plupart de ses décisions en fonction des convictions personnelles des responsables du projet.
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• Il reste ensuite à tester l’ensemble de ces composantes simultanément pour proposer une offre complète à commercialiser, dans une optique d’optimisation et de prévisions des ventes, puis de définir la politique de lancement. Ces deux aspects sont présentés successivement dans les chapitres 6 et 7.
PARTIE 3
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LA COMMERCIALISATION DES NOUVEAUX PRODUITS
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Prévoir les ventes d’une offre innovante Chapitre 6 Lancer l’innovation sur le marché Chapitre 7 Les stratégies concurrentielles de l’innovation Chapitre 8
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Cette troisième partie de l’ouvrage est consacrée à la mise sur le marché des innovations. De nombreuses organisations éprouvent le besoin de prévoir les ventes, afin d’organiser au mieux la production, mais également le lancement. Les différentes méthodes permettant cette prévision sont présentées dans le chapitre 6, en ayant bien conscience toutefois que la prévision, si elle est importante, s’avère un exercice d’autant plus périlleux que l’offre est innovante. Le chapitre 7 aborde un élément fondamental pour le succès d’une innovation sur le marché, celui du lancement. Son orchestration réussie est un facteur-clé du succès, et il importe de le planifier et de l’exécuter avec soin, sachant qu’à chaque type d’innovation correspond une stratégie de lancement appropriée. Le chapitre décrit ces stratégies, mais également les moyens opérationnels pour réussir un lancement. En conclusion, le chapitre 8 porte sur la dynamique concurrentielle de l’innovation. Il aborde tout d’abord les effets du lancement d’une innovation sur le marché, et sur la catégorie de produits dans son ensemble. Il décrit ensuite les réactions concurrentielles face au lancement d’une innovation. Enfin, un débat essentiel dans les stratégies d’innovation est posé pour clore l’ouvrage : celui des avantages relatifs du premier entrant et du suiveur sur un nouveau marché.
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CHAPITRE 6 PRÉVOIR LES VENTES D’UNE OFFRE INNOVANTE OBJECTIFS
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→ En parallèle au développement du concept et du produit, le responsable marketing doit construire un compte d’exploitation prévisionnel pour son projet d’innovation. Ce sujet, bien qu’essentiel, est peu traité dans les manuels de marketing, probablement à cause de sa complexité. Le résultat prévisionnel est multicausal. Nous nous focaliserons ici sur les outils marketing de prévisions. → De nombreux chercheurs ont élaboré des modèles de prévisions des ventes. Ces modèles ont diffusé dans les cabinets de conseil spécialisés, qui les ont adaptés aux contextes et aux besoins de leurs clients. C’est ainsi que les marchés-tests permettent d’observer comment les consommateurs réagissent aux conditions de lancement envisagées, de procéder à des ajustements dans les politiques marketing et de vérifier la cohérence des différentes variables du marketing-mix. → Notons que le sujet de la prévision des ventes dans l’absolu, et de la prévision des ventes d’une offre innovante en particulier est délicat et, le plus souvent, confidentiel. Nous touchons à des modèles soigneusement construits et à des résultats de vente qui sont, les uns comme les autres, jalousement conservés par les entreprises concernées (cabinets de conseil et clients). → L’intelligence artificielle1 permet, depuis quelques années, d’améliorer la fiabilité des prévisions des ventes des offres innovantes.
1 • LA PRÉVISION DES VENTES D’UNE OFFRE INNOVANTE
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Une question essentielle pour l’entreprise qui prépare le lancement d’un nouveau produit/service porte sur la prévision des ventes. En effet, il est indispensable de disposer d’observations et de chiffres fiables de manière à fabriquer des volumes adaptés et, en amont, à prévoir les capacités de fabrication adéquates. Il est très difficile de modifier les capacités de production des usines ou les capacités de prestation d’une entreprise de service. L’ajustement en temps réel à la demande atteint vite ses limites. Il est par conséquent important de réaliser longtemps avant le lancement des prévisions les plus exactes possibles.
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Si, pour dimensionner la production, une prévision de long terme qui indiquera des ordres de grandeur est nécessaire, une prévision plus tardive quelques semaines avant le lancement peut également s’avérer utile pour ajuster un planning de production, optimiser la logistique, ou adapter les efforts en termes de référencement dans la distribution, de stratégie promotionnelle, ou de budget de communication.
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Le lancement d’une nouvelle offre est complexe et nécessite, nous l’avons dit dans les chapitres précédents, une approche holistique de l’entreprise et de son environnement. L’étape de prévision des ventes n’échappe pas à la règle2. Comme le dit Kahn3, « la prévision des ventes d’un nouveau produit est un processus qui engage toutes les fonctions de l’entreprise. Malgré l’incapacité des organisations à maîtriser la totalité des problèmes qui pourraient surgir, un effort de prévision partagé et organisé permet de préparer, exécuter et soutenir les lancements de nouveaux produits pour les conduire au succès. »
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• Les enjeux et les difficultés associés à la prévision des ventes des innovations le Su
Les risques associés à une prévision des ventes erronée sont doubles :
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– une sous-estimation des ventes. Elle entraîne des ruptures de stock4 et oblige à refuser des ventes immédiates, ce qui soit incite les clients à se tourner vers les produits concurrents, soit provoque des listes d’attente
pour le nouveau produit, et donc des insatisfactions. Ainsi, à son lancement, la Zoé de Renault a fait l’objet de plusieurs mois d’attente car l’entreprise avait sous-estimé le succès de son nouveau modèle. – une surestimation des ventes. Elle provoquera des stocks d’invendus coûteux pour l’entreprise et les distributeurs, et jettera le discrédit sur le nouveau produit ; elle pourra parfois remettre en cause l’équilibre économique du projet, voire la santé financière de l’entreprise si le nouveau produit revêt pour elle une importance capitale.
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Le compte de résultat prévisionnel du nouveau produit repose sur des hypothèses de volume de ventes, qui permettent de calculer des coûts de production. Dans la mesure où il existe des coûts fixes, si les volumes à produire diminuent, les coûts unitaires augmentent. Parallèlement, les hypothèses de prix sont, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, fondées sur les hypothèses de coût. La prévision des volumes de vente est donc un élément clé du système. .141
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Les premières prévisions de ventes des téléviseurs LCD ont conduit les différents acteurs du marché à investir dans de grosses capacités de production. Lorsque le démarrage des ventes a démenti ces prévisions, les prix ont fortement chuté, ce qui a obéré les profits des acteurs de cette industrie.
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New Coke fut lancé par Coca-Cola en 1985, après deux ans d’études et de très nombreux tests réalisés. Il s’agissait pour l’entreprise de commercialiser une nouvelle formule de sa célèbre boisson, qui pâtissait de mauvais résultats en tests aveugles face au concurrent Pepsi-Cola. Les tests aveugles réalisés pour le New Coke avaient montré que les consommateurs préféraient la nouvelle formule à l’ancienne dans 60 % des cas. Cependant, après quelques jours de ventes relativement élevées, montrant que les consommateurs américains essayaient le nouveau produit, les ventes retombèrent rapidement. Coca-Cola reçut des milliers d’appels téléphoniques de consommateurs lui demandant de revenir à l’ancienne formule. Les ventes n’atteignirent jamais les prévisions réalisées, conduisant Coca-Cola à commercialiser l’ancienne formule à côté de la nouvelle, puis à retirer la nouvelle. Pourquoi une telle erreur ? Le chiffre du test comparatif de New Coke était-il trop bas pour justifier la perte affective liée au changement de formule ? L’implication était-elle trop forte pour subir tout changement ? Cet exemple illustre la difficulté de la prévision des ventes des nouveaux produits même lorsqu’ils remplacent un produit existant et lorsque les chiffres s’appuient sur des études extensives.
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Les sources d’erreur concernant les ventes futures des innovations sont nombreuses et expliquent l’extrême difficulté à établir des prévisions de ventes fiables pour des produits ou services très innovants. Les sources d’erreur suivantes sont répertoriées :
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• la difficulté des consommateurs à se projeter dans une situation radicalement nouvelle pour fournir des intentions d’achat réellement fiables ; • le décalage entre l’offre telle qu’elle est testée et la réalité du lancement sur le marché. Notamment, les écarts peuvent porter sur : – le niveau de prix ; – l’environnement concurrentiel ; – la composition finale de la gamme. Les tests sont fréquemment réalisés sur une version de l’innovation, alors qu’une gamme est lancée avec des niveaux de prix et de rentabilité différents selon les références. Ceci biaise souvent les prévisions de volume et plus encore de rentabilité ; • le dimensionnement du plan marketing peut être différent des prévisions ; • la définition erronée du profil des consommateurs potentiellement intéressés par l’innovation. Si l’entreprise se trompe de profil, les tests qu’elle pourra réaliser seront biaisés ; • des études préalables insuffisantes en nombre et en qualité. Une série de méta-analyses a en effet permis d’établir que l’ampleur et la qualité des études marketing menées avant lancement impactent positivement le succès d’une nouvelle offre5.
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Le cas suivant est emblématique des difficultés à prévoir les ventes d’un produit réellement innovant.
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Les difficultés de la prévision des ventes de produits innovants : le cas de l’iPad le Su
Avant le lancement de la première génération de la tablette d’Apple en avril 2010, les pronostics allaient bon train du côté des analystes, avec des prévisions très hétérogènes :
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Le cabinet Berstein tablait sur 300 000 unités écoulées lors du lancement et 2,2 millions avant fin septembre 2010. De son côté, Barclays avait estimé qu’Apple vendrait 5 millions de tablettes avant la fin septembre, tandis que Morgan Stanley avançait le chiffre de 6 millions
d’unités vendues à la même date. Enfin, iSuppli prévoyait 7 millions d’unités pour l’année 2010 et plus de 20 millions en 2012. Les analystes attribuaient leurs incertitudes au positionnement hybride de la tablette, et au fait qu’il s’agissait d’un produit très innovant en termes d’usage, à défaut de l’être technologiquement.
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Pour annoncer ces chiffres, les différents instituts et organismes s’appuyaient sur différentes sources : les précommandes, des sondages auprès des clients potentiels, ou les commandes passées auprès de fournisseurs de composants. Ainsi, 120 000 précommandes avaient déjà été préenregistrées avant le lancement. AdMob, la régie publicitaire sur mobiles, avait interrogé 963 possesseurs d’iPhone (244 personnes), d’iPod Touch (356), de smartphones sous Android (318) et WebOS (45) pour connaître leurs intentions d’acheter ou pas un iPad. 16 % des personnes possédant un iPhone déclaraient qu’elles se laisseraient tenter par la tablette d’Apple. Le pourcentage tombait à 11 % pour les utilisateurs de terminaux sous WebOS et 6 % pour ceux ayant choisi un smartphone Android. Un autre sondage réalisé aux États-Unis par le site marchand Retrevo, indiquait que 52 % des 1 000 personnes interrogées n’achèteraient pas l’iPad. En France, une étude avait été menée auprès de 1 000 internautes ayant entendu parler de l’iPad, par l’institut GfK, et faisait état de 73 % des personnes prêtes à l’acheter. La proportion était encore plus élevée chez les possesseurs de produits Apple (de 89 à 96 %). GfK pariait ainsi sur 400 000 à 450 000 tablettes vendues en France en 2010. Pour faire ses prévisions, la banque Morgan Stanley se basait, elle, sur les commandes d’Apple auprès de ses fournisseurs asiatiques, en indiquant que ceux-ci devraient expédier de 8 à 10 millions de tablettes en 2010, dont 2,5 millions juste pour les trois premiers mois suivant le lancement.
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Si l’on confronte ces différentes prévisions aux réalisations, on constate que même les prévisions les plus optimistes ont été dépassées. En effet, si l’on s’en tient aux communiqués officiels de la marque, Apple avait écoulé 3,27 millions d’iPad jusqu’en juillet 2010 et 4,19 millions d’août à fin septembre 2010, ce qui faisait un total de près de 7,5 millions d’iPad vendus à fin septembre 2010. Strategy Analytics a annoncé début 2011 qu’Apple avait vendu 14,8 millions de tablettes en 2010 soit une part de marché de plus de 80 % sur le segment des tablettes.
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Ceci explique sans doute que les prévisions de vente pour l’iPad 2, lancé en mars 2011 aux États-Unis se soient envolées. Les fournisseurs ont fait état avant le lancement de 2 à 3 millions d’iPad 2 dans les circuits de distribution au premier trimestre 2011, et de 10 à 12 millions au deuxième trimestre. Sur l’année 2011, l’estimation tourne autour de 40 millions d’unités, versions 1 et 2 comprises. Selon les analyses compilées par Fortune, les livraisons minimales pour le premier trimestre auraient atteint 500 000 à 1 million d’exemplaires, tandis que sur l’année, la fourchette variait entre 35 et 49 millions d’unités.
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Le week-end du lancement, selon un sondage de Piper Jaffray, 400 000 à 500 000 unités auraient été vendues. Des ruptures de stock ont été constatées dès le samedi dans la majorité des enseignes américaines. Cependant, ces prévisions de vente ont été rapidement battues en brèche pour des raisons de difficultés d’approvisionnement en différents composants, liées à la crise japonaise suite au tremblement de terre à Fukushima. Les nouveaux acquéreurs n’ayant pas envie d’attendre quelques mois leur iPad 2, IHS iSuppli a revu ses prévisions à la baisse fin avril 2011. Alors que le nombre de ventes initiales était prévu à près de 44 millions d’exemplaires vendus, le cabinet annonçait que moins de 40 millions d’unités seraient achetées par les particuliers, soit un manque à gagner avoisinant les 2,4 milliards de dollars.
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À la fin de l’année 2021, après plusieurs confinements dus à la crise sanitaire durant lesquels le marché des tablettes a été soutenu par les difficultés d’approvisionnement en ordinateurs, il a fortement décru. En 2021, « seulement » 6,9 millions de tablettes ont été vendues, ce qui
représentait une chute de 20 % par rapport à l’année précédente. Mais l’iPad d’Apple s’accaparait encore 45 % de l’ensemble des ventes de tablettes (3,1 millions). Malgré un marché difficile à prévoir (conséquences du Covid) et moins dynamique, l’iPad reste la vedette du secteur. C’est notamment parce que la firme dévoile chaque année une nouvelle tablette tactile et continue d’innover pour s’adresser à une clientèle de plus en plus diversifiée.
Les enjeux portent donc à la fois sur :
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– une bonne intégration des informations disponibles, en interne et en externe ; – une bonne utilisation des prévisions des ventes, en prenant en compte le nécessaire aléa ; – la divulgation ou non des prévisions des ventes à l’extérieur.
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Rendre publics des objectifs de vente peut permettre de crédibiliser le lancement et de signaler l’engagement de l’entreprise dans le projet d’innovation, comme nous le verrons dans le chapitre suivant lorsque nous évoquerons l’annonce préalable de lancement6. Cette stratégie peut également permettre à toutes les parties prenantes de l’écosystème de l’innovation (partenaires, fournisseurs de produits complémentaires, distributeurs, etc.) de préparer l’arrivée de la nouvelle offre sur le marché. Cependant, l’annonce des objectifs peut comporter des risques, entre autres sur l’évolution du cours de l’action7, notamment lorsque les ventes effectives s’avèrent décevantes. 0558
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Tenet, le film de Christopher Nolan produit par la Warner et sorti en 2020 à grand renfort de communication, a terminé plus tôt que prévu sa carrière au cinéma. On estime son score au boxoffice mondial à 350 millions de dollars. Avec un budget officiel supérieur à 200 millions (sans les frais marketing), le film aurait dû, selon les analystes, amasser quelque 500 millions pour atteindre son seuil de rentabilité. Si la pandémie mondiale est en partie responsable de cet échec, la sortie ultérieure sur Netflix, en format digital et en Blu-Ray, n’a pas permis de renouer avec la rentabilité.
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Par ailleurs, il est fréquent, pour des innovations importantes provenant d’entreprises connues, que les analystes produisent et publient eux-mêmes des prévisions de ventes « publiques », qui ont-elles-mêmes un effet sur le
marché. C’est notamment ce qui s’est passé pour l’iPad, comme le montre le cas précédent. Compte tenu des enjeux associés à une erreur, la prévision des ventes demeure donc un exercice extrêmement délicat. Les chercheurs et les praticiens se sont penchés sur la question depuis de très nombreuses années, élaborant des modèles de plus en plus sophistiqués. La prévision est en général décomposée en deux éléments : une prévision de la part de marché du nouveau produit et une prévision de la taille globale du marché. On peut/doit, par ailleurs, raisonner différemment selon la nature de l’innovation.
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Certaines innovations sont de nature technologique, au sens où elles améliorent les performances d’une génération existante. Elles interviennent donc sur un marché de référence, dont les contours sont relativement déterminés, et le profil de la clientèle assez stable. L’incertitude majeure portera par conséquent sur la part que va prendre l’innovation au sein de ce marché. Les actions des concurrents seront importantes à prendre en compte. Une autre incertitude porte sur l’évolution de la taille de ce marché, qui peut évoluer sous l’influence de facteurs conjoncturels, économiques par exemple.
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Chez Michelin, les passerelles entre la compétition moto et la route sont étroites et la compétition, utilisée comme un laboratoire, est un véritable accélérateur de l’innovation. C’est ainsi qu’en 2020, la division deux-roues de Michelin a lancé neuf nouveaux pneus destinés à équiper les motos. À elles seules, ces innovations représentaient 25 % des ventes de Michelin.
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Le pneu Power 5, qui succède au modèle Pilot Road 4, cible en priorité les utilisateurs de motos sportives qui en font un usage intensif sur la route. Les principales exigences des utilisateurs interrogés étaient le kilométrage, l’adhérence en toutes conditions et notamment sous la pluie, une bonne motricité et un comportement rassurant au freinage. Les objectifs en termes de part de marché étaient ambitieux, sur un marché dont la taille est relativement facile à prévoir. Elle dépend en effet principalement du parc de motos sur ce segment, et donc des ventes des années et des mois précédents. Il convient également de tenir compte des difficultés de déplacement croissantes dans les métropoles qui participent au dynamisme du marché de la moto.
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D’autres innovations, tout en restant ancrées sur un marché de référence, sont de nature à en modifier profondément les contours, par exemple en termes de profil de clientèle. Cela peut être par exemple le cas d’innovations sur le prix, permettant à une nouvelle clientèle d’accéder à la
catégorie. Cela peut également concerner des innovations qui permettent de lever un frein majeur à la consommation de la catégorie de produits, ou trouver une motivation complémentaire importante.
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Les batteries électriques personnelles Tesla Powerwall, vendues systématiquement avec le toit solaire depuis 2021, sont destinées aux particuliers et lèvent plusieurs freins : le prix d’une part, la capacité d’autre part. Elles répondent également à une triple promesse d’autonomie électrique, de réduction de la facture électrique et, contrairement aux panneaux solaires par exemple, de conservation de l’électricité produite en excès pendant les heures creuses pour l’utiliser ou la vendre aux heures pleines. Enfin, ces batteries constituent une réponse aux contraintes environnementales (substitution au nucléaire et aux énergies fossiles) et sociétales (les zones les plus pauvres pourront se passer de réseau électrique). Le marché est donc sans doute important, mais les contours restent difficiles à dessiner.
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Enfin, certaines innovations introduisant un usage radicalement nouveau créent également un marché, pour lequel on a beaucoup de mal à trouver des références en termes de taille de marché. La concurrence existante n’est que très indirecte, partielle, et peut être multiple. Il y a des incertitudes majeures sur le profil des clients potentiels. Pour ces offres, on parle alors de nouvelle catégorie de produits ou de services. 7687
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La start-up Getir, née en 2015 en Turquie, a lancé le concept de livraison ultrarapide de courses à domicile. En juin 2021, elle investit le marché français. En soi, ce service peut paraître peu innovant mais l’immédiateté constitue une vraie nouveauté. La prévision de la taille de ce marché potentiel est rendue difficile car la concurrence est indirecte et les consommateurs français ne sont pas habitués à une telle rapidité. En effet, les drives, les livraisons proposées par les enseignes (physiques et virtuelles) et les livreurs de repas à domicile tels Deliveroo ne remplissent pas la promesse proposée par Getir. En outre, la pandémie a redéfini les contours du marché de la livraison avec l’arrivée d’acteurs nouveaux et inattendus comme les vendeurs des marchés qui proposent, dans certaines villes, de livrer leurs clients. Enfin, le télétravail institué dans la plupart des entreprises crée de nouveaux comportements domestiques où coexistent des injonctions contradictoires : des demandes de livraisons de plus en plus nombreuses et un temps journalier utilisé différemment qui ne rend pas indispensable la livraison ultrarapide.
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On le constate dans l’exemple précédent, il n’est pas exclu que différentes formes d’incertitudes se cumulent, relatives au comportement de la concurrence, de l’évolution conjoncturelle et des contours du marché.
EXEMPLE Évaluer le potentiel du site de rencontre GlutenfreeSingles, destiné aux intolérants au gluten, constituait une gageure car le marché des célibataires réfractaires au gluten et en quête de rencontres est mal connu. La concurrence directe des sites de rencontres plus ou moins segmentants est féroce, d’autres solutions de rencontres existent et le nombre d’intolérants au gluten n’est pas arrêté.
Dans la suite de cette partie, nous allons présenter tout d’abord les modèles de prévisions de part de marché, puis ceux relatifs à la prévision de taille du marché.
1. Les modèles de part de marché
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La plupart des modèles visent à prévoir la part de marché du nouveau produit à partir de modèles de choix. Il existe en réalité deux types de modèles8 :
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– Les modèles agrégés cherchent à prévoir directement la part de marché en fonction du marketing-mix du nouveau produit9 et des produits concurrents (niveau de prix, investissements en publicité, promotion, force de vente, etc.) On suppose par exemple que la part de marché du nouveau produit dépend de la part que représentent les investissements marketing dont il fait l’objet par rapport aux efforts faits par l’ensemble des marques du marché (le nouveau produit et ses concurrents), avec une formule du type où PDM désigne la part de marché, i le
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nouveau produit, p l’ensemble des produits de la catégorie et Mi l’effort marketing sur le produit i. Ces modèles peuvent également intégrer des données relatives aux attributs des produits.
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Afin de prendre en compte les interactions entre les différents éléments du mix, ces modèles prennent souvent une forme multiplicative. Par exemple, dans un modèle très simple, l’effort marketing du produit i Mi sera modélisé comme où Pi, Ai et Di sont respectivement le prix du produit, les dépenses publicitaires et les efforts de distribution (le pourcentage de magasins référençant le produit), les paramètres p, a et d reflétant l’importance de chaque composant du mix et ei un terme d’erreur.
Cependant, les effets d’interaction entre variables du mix varient selon la situation. Par exemple, des dépenses accrues en publicité peuvent augmenter l’élasticité-prix si la publicité montre que le produit est une bonne affaire correspondant à un excellent rapport qualité/prix ou au contraire faire décroître cette élasticité si la publicité différencie le produit et valorise la marque aux yeux des consommateurs. Ces éléments doivent être pris en compte dans le modèle. D’autres formes possibles de modèles sont présentées ci-dessous.
FOCUS Les différentes formes de modèles de part de marché
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Il existe différents types de modèles de part de marché. Les formes les plus connues sont les suivantes :
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1. le modèle linéaire où la part de marché est calculée directement comme une fonction linéaire des variables marketing, avec ;
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2. le modèle multiplicatif, évoqué ci-dessus, auquel on peut ajouter d’autres variables et une constante a ; le calcul de part de marché prend alors la forme suivante : , où X désigne les investissements consentis pour le
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produit sur K variables marketing ou attributs du produit et b représente les -paramètres reflétant l’importance de ces variables d’action ;
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3. le modèle exponentiel où
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4. le modèle logit multinomial où l’attractivité correspond à l’équation10
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La part de marché est alors considérée comme proportionnelle à l’attractivité du produit.
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Les modèles individuels établissent des prévisions de part de marché à partir d’une analyse de la probabilité des consommateurs de choisir le nouveau produit à un instant donné en fonction de son environnement concurrentiel.
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Il faut donc évaluer l’utilité que les consommateurs retirent des différents produits proposés pour évaluer la probabilité de choix de chacun. Cette utilité peut être une fonction linéaire, multiplicative ou exponentielle des attributs du produit et de son marketing-mix. On raisonne alors à utilité constante pour chaque produit (modèle de Luce). Il existe également des modèles à utilité aléatoire dans lesquels l’attrait qu’un individu éprouve pour chaque produit dans une situation donnée comporte une variable aléatoire. De tels modèles stochastiques permettent de prendre en compte la part de hasard dans les processus de choix. Ils s’appliquent particulièrement aux produits peu impliquants pour lesquels le processus de décision des consommateurs est souvent peu réfléchi. Certains de ces modèles prennent en compte les choix passés des consommateurs dans la catégorie de produits, d’autres non.
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Le passage des modèles individuels à des prévisions agrégées exige d’intégrer la fréquence des achats des consommateurs et éventuellement d’établir une segmentation sur ce critère. On a donc quatre types de modèles selon que les consommateurs sont homogènes ou hétérogènes dans leur valorisation de l’utilité des produits et dans leur fréquence d’achat. :80.2
3. La prévision de la taille du marché d’une offre innovante
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Parallèlement à l’anticipation des parts de marché, il faut évaluer la taille du marché. Si le nouveau produit/service s’intègre à un marché en maturité dont il affecte peu la taille globale, on peut raisonner à volume de marché stable, ou extrapoler les tendances d’évolutions récentes, à la hausse ou à la baisse, de ce marché. On raisonne souvent de cette manière pour les nouvelles offres arrivant en substitution d’offres existantes (nouvelle voiture, nouvelle lessive…).
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Cependant, dans ce cas, il est important de prendre en compte les évolutions conjoncturelles du marché. Si celles-ci ne sont pas dues à l’arrivée de l’innovation, elles peuvent tout de même avoir une influence déterminante sur l’avenir de celle-ci, si les fluctuations, par exemple sous l’influence de facteurs économiques, politiques, environnementaux ou sanitaires, sont importantes. Or elles peuvent parfois être difficiles à anticiper. L’exemple suivant met en évidence la difficulté d’anticiper la taille et la structure du marché de l’hygiène-beauté qui évolue fortement à la faveur de plusieurs facteurs cumulés.
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En 2021, après une année de crise sanitaire, l’industrie de la beauté a constaté, dans le même temps, une baisse importante de la consommation de rouge à lèvres et une augmentation des produits de maquillage pour les yeux. Avec le port du masque d’une part et la généralisation des réunions en visioconférence d’autre part, les femmes ont modifié leurs habitudes et pris conscience que l’intensité du regard était importante dans la « nouvelle vie » qui s’ouvrait. Les entreprises de produits de beauté, depuis lors, repensent leurs gammes. Parallèlement, les confinements successifs ont accéléré les comportements de retour à la nature. Le secteur de l’hygiène-beauté, vilipendé pour la composition de ses produits, a répondu aux injonctions nouvelles en créant en 2022 des gammes innovantes utilisant moins d’eau (« Waterless beautyproduct ») ou des produits fermentés contenant des probiotiques. Les contenants sont également de plus en plus critiqués par les consommateurs. Un travail d’éco-conception, de sobriété et de traçabilité des matières a été engagé par les marques. Ainsi, en juin 2021, la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA) a présenté son « Plastic Act », un plan d’actions qui vise à réduire de 15 % les quantités d’ici à 2025. Une démarche qui s’inscrit dans le cadre de la loi antigaspillage (la France est le premier pays à se doter d’un objectif de sortie du plastique à usage unique d’ici à 2040). « La cosmétique représente 5 % des emballages plastiques en France, soit environ 55 000 tonnes, précise le délégué général de la FEBEA, Emmanuel Guichard. Notre ambition est d’en supprimer 8 500 tonnes d’ici à quatre ans. »
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Source : adapté de Les Échos, 24 juin 2021.
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En 2014, année fortement affectée par la crise économique mondiale, le Gartner Group a annoncé des chiffres de prévision des ventes sur le marché du PC moins mauvais qu’attendu avec une infime croissance (+0,1 % à 318 millions d’unités), là où les conjoncturistes attendaient – 7 %. En revanche, les smartphones ont affiché des résultats moins bons que prévu. Avec 1,838 milliard d’unités livrées, ils ont réalisé un modeste 1,8 % au lieu des 4,9 % attendus. Au total en 2014, PC et terminaux mobiles confondus ont péniblement atteint une croissance de 1,9 % au lieu des 7,5 % prévus, c’est à dire 2,378 milliards d’unités.
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Mais la crise sanitaire de 2020, les confinements successifs et les changements dans les habitudes de travail et de loisir ont fait mentir toutes les prévisions : les ventes de PC ont enregistré une croissance de 13 % en 2020 selon le cabinet IDC, de 10 % selon Canalys et de 4,8 % selon Gartner.
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Les différents instituts d’études n’ont pas tout à fait la même définition d’un PC mais leurs chiffres s’accordent : il faut remonter à 2010 pour constater un semblable dynamisme pour un appareil que l’on disait dépassé par le smartphone et la tablette. D’après IDC, il s’est vendu plus de 300 millions de PC en 2020 – autant qu’en 2014.
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Source : adapté de GARTNER, janvier 2015 ; « Les ventes de PC au plus haut en dix ans », Les Échos, 2021.
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Si le nouveau produit est susceptible de provoquer une croissance globale du marché, soit parce qu’il attire vers la catégorie des nouveaux acheteurs, soit parce qu’il provoque une augmentation des volumes consommés par chaque individu, les prévisions sont encore plus délicates à établir.
EXEMPLE À titre d’exemple, lors de la création de l’Eurostar, l’équilibre économique du projet était impossible à atteindre si l’on raisonnait à volume de marché égal ; autrement dit, pour que le projet soit rentable, il était nécessaire que le nombre de voyageurs entre Paris et Londres augmente de manière spectaculaire par rapport au marché préexistant du ferry et du transport aérien. C’est le pari qu’a fait Eurostar en communiquant massivement sur l’intérêt d’un court voyage à Londres, voire d’un aller-retour dans la journée pour faire des achats ou profiter des soldes londoniennes. La pandémie de 2020 et le Brexit ont remis en cause le modèle. Entre les confinements successifs et le temps d’attente dans les gares pour répondre aux nouvelles réglementations liées au Brexit, la rentabilité de l’Eurostar est à nouveau questionnée et la prévision de taille du marché reposée.
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Si, enfin, le produit est extrêmement novateur et crée à lui seul une nouvelle catégorie de produits, la prévision devient hasardeuse. Ainsi, Piaggio a lancé en 2022 Gitamini, un petit robot suiveur qui peut transporter jusqu’à 10 kg de marchandises. Au lieu de tirer un chariot à roulettes lourd et encombrant, le propriétaire de Gitamini charge son robot, qui le suit et adopte la même trajectoire que lui en évitant les obstacles et les trottoirs. Prévoir le succès d’un produit aussi innovant n’est évidemment pas aisé. Pour pouvoir prévoir l’évolution des ventes dans ce cas, il peut alors être utile de décomposer le problème en plusieurs sous-problèmes. :80.2
La prévision de la taille de la cible
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Il s’agit d’évaluer tout d’abord le nombre de clients potentiels de l’innovation. Dans le cas de figure où nous nous plaçons, on ne peut se référer à un marché préexistant, il est donc nécessaire d’approcher ce chiffre en évaluant le nombre de personnes qui peuvent être susceptibles d’être intéressées par les bénéfices offerts par l’innovation, et qui peuvent y avoir accès. nque
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Ainsi, pour évaluer la taille de la cible potentielle en France de son produit Éveil Lumière, un simulateur d’aube qui permet un réveil en douceur par la lumière, Philips a mené une étude sur les Français (entre 25 et 55 ans) et le sommeil, et a établi que 52 % des personnes interrogées déclaraient avoir des problèmes de réveil, et que 64 % n’étaient pas satisfaites des méthodes de réveil actuelles. Par ailleurs, 24 % appartenaient à un groupe appelé « Préventifs », soucieux de leurs problèmes de santé, et ayant une attitude favorable par rapport aux médecines douces. En croisant ces données avec des informations sur le revenu, Philips a pu calculer une taille de cible correspondant à presque 3 millions de personnes, potentiellement intéressées par cette innovation. Source : Philips.
Pour évaluer la taille de la cible potentielle des bénéficiaires de la lumière pulsée, une des techniques de photorajeunissement, les fabricants de ces machines à destination des dermatologues peuvent s’appuyer sur les analyses de l’institut d’études Mordor Intelligence, selon lequel le nouveau marché du photorajeunissement devrait enregistrer un taux de croissance annuel cumulé de 6,5 % sur la période de prévision. Le photorajeunissement est un type de traitement de la peau qui permet de traiter efficacement les affections cutanées graves (de la dermatite atopique au cancer) et participe également à la réduction des rides. Or les principales raisons de la croissance du marché sont l’augmentation des maladies de la peau (selon le Globocan, le mélanome malin augmente au rythme d’environ 3 % à 7 % dans de nombreux pays européens et de 2,6 % aux États-Unis), le vieillissement de la population et la préférence pour des procédures médicales non invasives.
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L’Asie-Pacifique affiche le taux de croissance annuel cumulé du marché le plus élevé sur la période 2021-2026. L’Amérique du Nord détient la part de marché la plus élevée en 2021 (environ 52 millions de personnes sont âgées de 65 ans et plus). Les fabricants de ces machines de photorajeunissement disposent ainsi d’éléments divers pour tenter de prédire la taille du marché européen.
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En BtoB, où les produits sont parfois très spécialisés, ce calcul peut être relativement facile. Ainsi, une entreprise vendant des chariots élévateurs saura évaluer quels types d’entreprise seront clientes d’un nouveau produit de la gamme, en fonction par exemple de la taille et de la hauteur de leur entrepôt. 7687
La fréquence d’achat
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Dans le cas de produits achetés régulièrement, la taille du marché dépend également de la fréquence d’achat future pour chaque client potentiel. Elle peut être évaluée à partir d’enquêtes lors des tests de concept ou de produits. Sinon, il est nécessaire de raisonner en fonction des « occasions de consommation » les plus appropriées pour le produit ou le service. :211
La prévision de la vitesse de diffusion e Ba
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À partir de la taille du marché potentiel ultime, il va falloir établir à quelle vitesse11 les clients potentiels vont être « convertis » à l’innovation.
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Des travaux de recherche récents illustrent cette notion. Dans leur étude, Xiao et Spanjol étudient les raisons pour lesquelles les utilisateurs de produits numériques peuvent retarder la mise en œuvre de leurs intentions d’adoption des mises à jour (tels que les applications mobiles ou les logiciels). Les trois études expérimentales réalisées montrent que si les utilisateurs ont l’intention d’adopter les nouvelles versions, ils retardent délibérément leur adoption dans certaines conditions. Plus précisément, les
auteurs identifient la façon dont les changements perçus dans la nouvelle version peuvent déclencher une gêne, conduisant à la procrastination de l’adoption. Ils notent également le regret anticipé de l’inaction comme un mécanisme de contrepoids, qui réduit la procrastination de l’adoption. Précédemment, Jahanmir et ses co-auteurs12 se sont concentrés sur les adopteurs tardifs de produits technologiques et proposent une échelle en trois dimensions : la lenteur d’adoption, la résistance à l’innovation et le scepticisme. Ils montrent, entre autres, que le scepticisme est associé à une préférence élevée pour les produits simples et à une faible implication dans la catégorie de produit, et qu’une des clés pour accélérer le taux d’adoption réside dans la réduction de ce scepticisme à l’égard de la catégorie de produit.
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Dans le cas de produits durables13, on peut recourir aux modèles de diffusion des innovations puisque, dans un premier temps du moins, l’innovation considérée représente la catégorie tout entière. L’arrivée des concurrents conduira ensuite à changer de logique pour privilégier un modèle de part de marché.
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La fiabilité des modèles de diffusion des innovations sur la prévision des ventes a été largement discutée par les chercheurs14. Si ces modèles parviennent à rendre compte de façon très précise des formes de diffusion des innovations, ils requièrent parfois les chiffres de plusieurs années de premières ventes pour pouvoir donner des résultats satisfaisants, alors qu’il serait utile de pouvoir établir des prévisions fiables avant même le lancement.
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FOCUS
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Les modèles de diffusion : Bass et ses variantes
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Pour modéliser la diffusion des innovations, c’est-à-dire la pénétration d’un nouveau produit ou service au sein d’une population donnée, il est nécessaire de prendre en compte les différentes interdépendances entre les consommateurs et les différents acteurs sur le marché. L’interaction entre consommateurs qui a été le plus largement prise en compte est le bouche-à-oreille, notamment dans les premiers modèles de diffusion des innovations.
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Le modèle de diffusion le plus répandu et qui a fait l’objet des applications les plus nombreuses est le modèle présenté par Bass en 1969. Il est formulé de la façon suivante : où :
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nt = (a + bNt ) (M – Nt )
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• t représente le temps écoulé depuis le lancement ;
• M le potentiel ultime de diffusion de l’innovation, c’est-à-dire le nombre total de personnes pouvant potentiellement adopter le nouveau produit ; • Nt les ventes cumulées à la période t, depuis le lancement ; • nt les ventes à la période t ; • a et b des paramètres d’influence15. À chaque période, N(t) représente le nombre de personnes ayant déjà adopté et M – N(t) le nombre de personnes n’ayant pas encore adopté. Le paramètre « a » représente l’importance de l’influence externe, via la communication faite par l’entreprise ou les médias. À chaque période t, le modèle suppose qu’une fraction constante de la population n’ayant pas encore adopté adopte. On parle de coefficient d’innovation. Le paramètre « b » représente l’influence interne, c’est-à-dire l’adoption de l’innovation par observation directe du comportement des autres consommateurs, ou du fait de l’influence des leaders d’opinion par le bouche-à-oreille. À chaque période, le nombre de personnes (n’ayant pas déjà adopté) qui adoptent par ce biais est supposé proportionnel au nombre de personnes ayant déjà adopté. On le désigne souvent par le terme coefficient d’imitation.
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Plus les ventes cumulées augmentent, plus les ventes augmentent par influence interne, mais à un rythme décroissant, car le nombre de personnes restant à convaincre (M – Nt) diminue.
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Un tel modèle, ainsi que les modèles dérivés, peut-être mis en œuvre de deux façons :
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– la première consiste à utiliser les données relatives aux premières années pour estimer les paramètres a et b, et éventuellement M. Cette dernière valeur est cependant souvent estimée de façon exogène. Pour cela, une première façon de faire est de l’estimer par rapport au potentiel de produits proches. On peut également retenir le nombre total d’unités (foyers, consommateurs, entreprises) techniquement susceptibles d’adopter. On pourra par exemple prendre le nombre de personnes possédant le permis de conduire pour une automobile, le nombre de foyers avec jardin pour un nouveau produit de jardinage, etc. ;
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– une autre utilisation du modèle de Bass consiste à estimer les différents paramètres par analogie avec des innovations comparables, ce qui permet de faire des prévisions sur les toutes premières années.
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Le modèle de Bass a fait l’objet de nombreuses applications empiriques, avec des résultats satisfaisants. Une méta-analyse réalisée en 1990 sur 213 applications du modèle de Bass fait état d’une valeur moyenne de 0,03 pour le paramètre d’innovation (a), et de 0,38 pour le paramètre d’imitation (b), qui est beaucoup plus variable selon les innovations considérées. En utilisant ces valeurs moyennes pour les paramètres a et b, on obtient un temps pour atteindre les ventes maximales de 5,3 ans en moyenne.
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Le modèle de Bass, s’il a l’avantage de la simplicité, souffre de nombreuses hypothèses restrictives :
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• l’innovation est considérée comme indépendante de toutes les autres sur le marché. Or, certains produits complémentaires ou des générations précédentes de produits peuvent avoir un impact sur la diffusion d’un produit donné sur le marché ;
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• l’adoption est unique par unité (foyer ou entreprise), c’est pourquoi le modèle est utilisé uniquement dans un contexte de biens durables ;
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• le marché de renouvellement n’est pas pris en compte, et l’éventualité d’un double ou d’un triple équipement n’est pas envisagée. Or, à partir d’une certaine maturité du marché, les ventes proviennent plus des multi-équipements et des renouvellements que d’une progression
de la pénétration. C’est par exemple le cas pour des produits largement diffusés, comme la télévision, le réfrigérateur, ou aujourd’hui le smartphone ; • le potentiel ultime est considéré comme fixe. Or, il peut évoluer au cours du temps, par effet démographique, ou parce que le niveau de prix a fortement baissé. Par ailleurs, les limites géographiques du marché sont supposées fixes ; • le modèle peut manquer de précision lorsque les données utilisées pour le calibrer ne comprennent pas le pic des ventes ; • le montant des efforts marketing de la ou des entreprises qui promeuvent l’innovation, ainsi que leur évolution au cours du temps, ne sont pas modélisés. Les paramètres a et b sont ainsi considérés comme fixes au cours du temps. Or le montant des investissements publicitaires peut varier au cours du temps et exercer une influence sur la diffusion ; • le nombre d’imitateurs est considéré comme proportionnel au nombre d’innovateurs. Cela signifie que le réseau social est homogène ;
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• le bouche-à-oreille est uniquement considéré comme ayant des effets positifs. Or, de nombreux travaux ont montré que non seulement le bouche-à-oreille négatif existe, mais qu’il a un effet plus important que le bouche-à-oreille positif. Cela est dû à deux phénomènes : d’une part, les consommateurs insatisfaits, qui sont ceux qui génèrent un bouche-à-oreille négatif, ont tendance à communiquer plus autour d’eux que ceux qui sont satisfaits, et d’autre part, les consommateurs qui reçoivent cette information ont tendance à lui accorder plus de crédit que s’il s’agit d’une information positive. Il est donc important de prendre en compte la possibilité de bouche-à-oreille négatif dans la diffusion de l’innovation, même si cet effet passe inaperçu dans la plupart des modèles.
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Pour pouvoir prendre en compte ces limites, de très nombreuses extensions du modèle de Bass ont été proposées.
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Le paramètre b du modèle de Bass peut également être interprété de manière différente, comme prenant en compte l’hétérogénéité des consommateurs, en termes de tendance à innover, de sensibilité au prix, ou de besoins, ce qui explique qu’ils adoptent à différents moments du temps. L’évolution du marché dépend donc de la distribution de la « patience » des consommateurs, et de la vitesse avec laquelle les prix de l’innovation baissent.
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Il peut également être interprété comme l’effet d’un signal social donné aux adopteurs potentiels par ceux qui ont déjà adopté, soit en termes de statut social, soit en termes de réduction du risque perçu. Dans le premier cas, les adopteurs suivants imitent pour atteindre le même statut social que les premiers adopteurs ; dans le second, l’imitation est facilitée par le fait que les imitateurs sont rassurés sur la qualité du produit, ou son utilité, car un certain nombre de personnes ont adopté avant eux.
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Ces différentes interprétations sont compatibles avec la structure du modèle de Bass, même si dans les deux derniers cas, l’influence des premiers adopteurs peut évoluer au cours du temps, et le paramètre b se modifier.
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D’autres modèles de diffusion ont adopté, ces dernières années, une structure radicalement différente, comme le modèle des avalanches16 prenant en compte une structure hétérogène du réseau social, des phénomènes de bouche-à-oreille négatif, ou encore les externalités ou effets de réseau.
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Sur les marchés de haute technologie plus spécifiquement, Decker et Gnibba-Yukawa17 montrent qu’un certain nombre de phénomènes ne sont
pas pris en compte dans les modèles de diffusion classiques, pouvant ainsi fausser les prévisions de vente :
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– la baisse rapide des prix, entraînant une démocratisation de l’innovation, et donc une augmentation de la taille du marché potentiel ; – les anticipations des consommateurs, qui peuvent avoir tendance à geler leurs achats, dans l’attente d’une version améliorée, ou de prix plus bas ; – l’hétérogénéité18 19 des consommateurs ; en effet, comme nous l’avons déjà dit, les innovateurs et les adopteurs qui suivent n’ont pas les mêmes comportements et critères de décision à l’égard de l’innovation, ce qui nécessiterait de calibrer deux sous-modèles pour une meilleure précision. En 2017, Fautrero, Lejealle et Rayna montrent une rupture (gouffre de Moore) dans la diffusion de la technologie de la fibre optique en France. Malgré des caractéristiques très favorables, la technologie s’est diffusée lentement, contrairement à la technologie plus ancienne, l’ADSL. Selon les auteurs, cela s’explique par l’hétérogénéité des profils des utilisateurs. Franchir ce gouffre requiert d’effectuer une segmentation par les usages et de faire évoluer les discours en les axant sur les niches d’usages. De même, Lee et Coughlin ont travaillé sur les taux d’adoption de produits technologiques par une cible particulière, les personnes âgées. Ces taux sont faibles malgré les avantages potentiels qu’ils entendent apporter. La réponse du marché suggère que l’adoption de la technologie par les personnes âgées n’est pas simplement une question de performance et de prix, mais une question complexe qui est affectée par de multiples facteurs. Les auteurs ont identifié les facteurs qui influencent les perceptions et les décisions d’adoption et d’utilisation de produits et services technologiques de cette cible, en intégrant les résultats obtenus dans différents domaines. Dix facteurs – la valeur, la facilité d’utilisation, le caractère abordable, l’accessibilité, le soutien technique, le soutien social, l’émotion, l’indépendance, l’expérience et la confiance – s’avèrent facilitateurs ou déterminants de l’adoption de la technologie par les personnes âgées. Alors que les études précédentes se sont concentrées sur la conception et la facilité d’utilisation physique, ces dix facteurs fournissent un cadre holistique qui couvre les contextes sociaux d’utilisation et les canaux de livraison et de communication ainsi que les caractéristiques individuelles et les caractéristiques techniques. L’objectif de cette recherche est de montrer, entre autres, une forme d’hétérogénéité
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de consommateurs et son impact sur l’adoption et l’utilisation. Elle fournit une base pour une compréhension plus complète des motivations des adultes âgés à adopter et consommer les nouveaux produits technologiques. En 2021, Murtaja et Azham20 confirment les résultats de cette recherche et poursuivent en montrant que les personnes âgées sont prêtes à adopter une nouvelle technologie à condition qu’elles en tirent un bénéfice substantiel ; – les effets ou externalités de réseau, qui correspondent au cas où la valeur qu’un consommateur accorde au produit est liée positivement au nombre de personnes possédant le même produit, comme dans le cas des produits de communication. Cet effet peut également être indirect, du fait de la présence de produits complémentaires au produit principal, indispensables à son utilisation, ou permettant d’en améliorer la performance. Ceci a alors pour effet d’augmenter l’utilité de l’innovation pour un utilisateur donné. .141
EXEMPLE
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L’utilité d’un réseau social est directement liée au nombre de personnes avec lesquelles le consommateur va pouvoir communiquer. L’utilité du service de streaming Netflix est fonction du nombre de titres de films/séries/documentaires disponibles. De même, l’utilisation d’un système d’exploitation comme Windows est fonction du nombre de logiciels et de la qualité de leur mise à jour, mais également du nombre de personnes susceptibles d’apporter leur aide en cas de dysfonctionnement. Or, cette disponibilité des produits complémentaires est fonction de la base installée du produit principal. On a donc ici affaire à des effets indirects.
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Decker et Gnibba-Yukawa proposent une approche fondée sur l’utilité : pour chaque période, le modèle calcule l’utilité pour chaque client potentiel d’acheter l’innovation, comparée à celle d’attendre une période supplémentaire.
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Pour chaque période t, on a alors les ventes yt = ht (m –Yt –1), où m est le potentiel de marché, calculé de façon exogène, et ht la probabilité conditionnelle d’achat. À chaque période, un individu adopte l’innovation si l’utilité d’acheter à cette période est supérieure à celle d’adopter plus tard. L’utilité d’acheter à une période donnée est fonction du rapport qualité-prix perçu, et de l’anticipation faite sur l’évolution du prix et de la qualité. Ce modèle a permis d’établir des prévisions de vente de très bonne qualité (entre 3% et 10% d’erreur pour des prévisions à deux ans) sur les CD audio
en France et sur les DVD et appareils photo numériques en Allemagne, en se fondant sur les données des cinq premières années. Les conséquences de ces effets de réseau sur la diffusion des innovations sont importantes, à la fois sur le décollage des ventes et sur la notion de masse critique, deux sujets qui sont abordés dans les prochains paragraphes. Le décollage des ventes
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Lorsqu’une innovation apparaît sur le marché, on observe fréquemment une phase de latence, parfois très longue, pendant laquelle les ventes sont quasi nulles. Ces phénomènes sont très difficiles à prendre en compte, car on ne dispose en général de données qu’à partir du moment où les ventes deviennent significatives. On peut observer, dans le domaine des biens durables, qu’il existe un moment crucial de décollage des ventes, où cellesci croissent brusquement. Golder et Tellis21 ont ainsi étudié la diffusion de 31 innovations aux États-Unis, et montrent que le temps moyen de décollage des ventes est de six ans. Au moment du décollage des ventes, la pénétration moyenne est de 2,9 %, ce qui est cohérent avec les théories de Rogers. Il est en effet nécessaire qu’un nombre minimal de personnes aient adopté pour que se produise l’effet d’imitation. Ce temps de décollage peut être expliqué par le prix de l’innovation, qui baisse au cours du temps. Une forte croissance des ventes ne peut avoir lieu que lorsque le prix atteint un seuil compatible avec une diffusion dans le grand public. Une autre explication est celle des effets de réseau, définis précédemment. En effet, au démarrage d’une innovation, la base installée est par définition nulle, et donc l’utilité attachée au produit par le consommateur également. C’est le phénomène de « la poule et l’œuf ».
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Pour que l’innovation puisse commencer à se diffuser, il est souvent nécessaire que ses promoteurs adoptent une stratégie d’introduction très volontariste :
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– des prix très bas au lancement ; – des alliances permettant, dans le cas des externalités indirectes, de disposer d’une gamme minimale de produits complémentaires. Ce fut par exemple le cas lors du lancement du DVD, les industriels ayant conclu des accords avec les principaux studios de cinéma pour commercialiser un certain nombre de titres sous format DVD ;
– une politique de communication très en amont, ayant pour objectif de développer des anticipations positives de la part des consommateurs. C’est notamment le cas lors de chaque lancement d’une nouvelle console de jeux vidéo. Fréry définit les produits éternellement émergents comme des produits dont les ventes ne décollent presque jamais, malgré des prévisions toujours optimistes (voir cas ci-après).
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La voiture électrique
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La voiture électrique fut inventée en 1834, et la première commercialisation eut lieu en 1852. En 1900, les voitures électriques pouvaient rouler jusqu’à 100 km/h et avoir 300 km d’autonomie. Elles représentaient une part significative de ce marché encore totalement confidentiel aux États-Unis. Les voitures électriques, plus faciles à démarrer et plus propres, avaient la faveur des femmes. En 1910, l’invention de la batterie fer nickel, plus légère et plus fiable que la batterie au plomb, redonna un intérêt à la voiture électrique, pour laquelle les prévisions étaient optimistes. Cependant les améliorations techniques sur les voitures à essence, et surtout la baisse des prix de la Ford T, firent rapidement disparaître les voitures électriques.
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Les ventes, hormis un modeste soubresaut au moment de la guerre, restèrent confidentielles jusqu’aux années 1960. Un nouvel attrait pour l’écologie, ainsi que le premier choc pétrolier attirèrent alors à nouveau l’attention sur la voiture électrique, et les prévisionnistes lui promirent à nouveau un bel avenir. Ces prévisions ne se réalisèrent cependant pas, les ventes restant très faibles. Au début des années 1990, plusieurs gouvernements et certains États américains imposèrent des quotas de voitures électriques dans les ventes des constructeurs ou dans les achats des collectivités publiques. Les experts prévoyaient une explosion du nombre de voitures électriques. Cette explosion n’eut pas lieu.
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Les nouvelles préoccupations écologiques du début des années 2000 relancèrent encore l’intérêt de cette innovation sur des perspectives de marché mondial estimées à 7 millions de voitures électriques pour 2020, ce qui correspondait à 7 % du marché. Tous les constructeurs ne partageaient cependant pas la même vision du futur : Volkswagen ou PSA tablaient sur un marché de 2 % à peine, alors que Renault l’imaginait à plus de 10 % avec déjà 3 millions d’unités pour 2016. Ni les uns ni les autres n’auront eu raison. Fin 2014, le marché européen était de seulement 57 000 voitures électriques particulières, soit un peu plus de 0,4 %. Mais la progression des ventes était de 61 % par rapport à 2013 et les perspectives étaient encore meilleures pour les années à venir. Cette fois, les défenseurs de la voiture électrique y croyaient encore plus. Ils apportèrent de nouveaux arguments environnementaux, sociaux (le contexte favorable à l’autopartage à la suite du succès d’Autolib), technologiques (le développement des superchargeurs et la connectivité), réglementaires (les subventions étatiques) ou économiques (la diminution du coût des batteries).
Si le suspense a perduré jusqu’en 2019, les incitations/obligations ont induit ensuite une croissance importante des ventes de voitures électriques en France et dans le monde. Après les batteries au plomb des années 1990 (trop encombrantes et lourdes pour être adoptées en masse), la technologie Lithium-ion (voire NiMH parfois) s’est imposée grâce à la multiplication des appareils mobiles (ordinateurs portables, appareils photo, smartphones, etc.). En effet, et même si le Lithium-ion a été découvert dans les années 1980, la technologie n’est arrivée à maturité que bien plus tard. C’est enfin en 2019 que les parts de marché de la voiture électrique, tirées par Tesla, commencèrent à devenir substantielles (bonus écologique), et que les constructeurs, fortement incités, s’engagèrent dans cette technologie (seuil de CO2). Et c’est bien en 2020 que l’explosion des ventes se produisit. La diversité des modèles proposés (portée par le bonus écologique) associée à des malus importants sur les voitures thermiques, l’installation de très nombreuses bornes de recharge et la communication gouvernementale ont enfin permis de gagner la confiance des prospects hésitants.
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Dans ces conditions artificielles, peut-on parier sur un volume des ventes en croissance ou au moins pérenne ? Les débats de plus en plus intenses sur le recyclage des batteries, la raréfaction des métaux, la capacité à produire de l’électricité en très grande quantité et l’impact sur les emplois dans l’automobile laissent penser que cette croissance est temporaire.
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Sources : FRÉRY, 2000, op. cit. ; BRAFMAN N., « La voiture se met à l’électrique », LeMonde.fr, 2010 ; DONADA C., « Une auto-mobilité dans tous ses états », Essec Knowledge Reflet, 2014 ; DONADA C., « Les sciences de gestion, boussole du politique. Étude sur l’émergence d’une nouvelle industrie de l’électromobilité », Revue française de gestion, vol. 40, no 245, 2014 ; Fiche-auto.fr, 11 janvier 2022.
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La notion de masse critique
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À partir du moment où la pénétration atteint un niveau satisfaisant, l’innovation a toutes les chances de continuer à se diffuser dans la population, car il y a suffisamment d’adopteurs pour influencer la majorité de la population.
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C’est la notion de masse critique22. Heidenreich, Spieth et Petschnig ont montré en 2017 que seuls quelques consommateurs étaient prêts à adopter les véhicules à carburant alternatif. Pour accroître la diffusion de ces véhicules, il apparaît crucial d’atteindre une masse critique d’adoptants de 20 %. Les auteurs confirment l’importance d’utiliser des politiques externes (infrastructures, aides financières et communication sur les avantages) pour transformer la majorité précoce, et peut-être aussi la majorité tardive, en adopteurs précoces.
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La notion de masse critique est d’autant plus importante qu’il existe des effets de réseau et une compétition entre différents standards. En cas
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d’effets de réseau il faut, afin de contourner le problème de démarrage initial, convaincre les consommateurs que l’offre sera largement diffusée dans le futur. C’est notamment important lorsqu’il existe un risque de guerre de standards, incompatibles entre eux. Une situation que l’on retrouve par exemple dans les jeux vidéo, où les fabricants principaux (Sony, Nintendo et Microsoft) proposent des consoles qui fonctionnent avec des programmes qui leur sont spécifiques. Dans un autre domaine, les multiples services de streaming vidéo (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, MyCanal, OCS, AppleTV+, Salto, FilmoTV, etc.) proposent chacun leur propre catalogue, une interface spécifique, une qualité vidéo donnée et des tarifs distincts. La guerre des standards est très intense (les différentes marques se battent pour détenir les caractéristiques les plus populaires) et les consommateurs peuvent éprouver des difficultés à faire leur choix dans cette jungle d’abonnements et de services de streaming.
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Dans ces situations de guerre de standards, les consommateurs vont chercher à réduire l’incertitude en se focalisant sur la comparaison des systèmes plutôt que sur leurs éléments communs. Le risque pour le consommateur est d’acheter une innovation dont le standard va rapidement disparaître : il lui sera alors impossible d’acquérir de nouveaux produits complémentaires, de disposer de services d’assistance, de formation, de réparation, etc. On peut alors comprendre que les consommateurs potentiels adoptent une position d’attente, pour voir quel standard va émerger. Cette attitude va freiner la diffusion de l’innovation et parfois provoquer l’échec de tous les standards. Lorsqu’un standard parvient à atteindre la masse critique, il est systématiquement préféré aux autres par les consommateurs, et peut se diffuser rapidement, excluant ses concurrents du marché. C’est par exemple ce qui s’est passé lors de la compétition entre les différents formats de magnétoscope, avec VHS promu par Matsushita, Betamax soutenu par Sony et V2000 lancé par Philips. Le standard Betamax, pourtant plus performant techniquement, s’est rapidement retrouvé cantonné au segment professionnel, tandis que le standard V2000 a disparu du marché.
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• Les données utilisées pour établir des prévisions de ventes de nouveaux produits
On a vu dans les différents exemples de modèles et de méthodes pour établir des prévisions de vente que ceux-ci peuvent se baser sur divers types de données :
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– les données les plus utilisées sont en général les intentions d’achat23 formulées par les clients potentiels interrogés au cours du processus de conception de l’offre innovante ; – d’autres données émanant des clients, comme les commandes préalables passées par les clients individuels ou les distributeurs (voir exemple et cas ci-après), sont mobilisables ; – le développement d’Internet et des médias sociaux permet également pour les entreprises de mieux surveiller l’accueil qui est fait de l’annonce du lancement d’un nouveau produit ou d’une innovation sur le marché. Des méthodes se sont ainsi développées pour prévoir les ventes effectives d’une innovation à partir des commentaires préalables au lancement émanant des internautes24.
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1. L’utilisation des données de précommandes
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Lorsque le produit a été annoncé à l’avance, comme cela arrive fréquemment pour les voitures ou les jeux vidéo, on peut utiliser les commandes passées avant le lancement pour prévoir la réaction du marché après le lancement effectif. L’exemple suivant illustre cette situation. 044:
EXEMPLE
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Le site de vente de vêtements responsables et durables français Asphalte évolue dans une industrie réputée être la deuxième plus polluante du monde après l’industrie du pétrole. Asphalte prévoit les ventes de ses nouveaux produits en lançant des précommandes à prix légèrement inférieur au prix de mise sur le marché. Les périodes de précommandes durent de un à trois mois. Ce délai permet au bouche-à-oreille de faire son œuvre et à l’idée du futur produit de se diffuser auprès de la cible. Les nouveaux produits revêtent plusieurs atouts : ils sont coconçus avec les futurs clients, les matières sont sourcées auprès des fournisseurs les plus responsables et situés à une distance raisonnable. Enfin, le mécanisme de précommande aboutit en moyenne à la fabrication de 3 400 pièces et permet de mieux calibrer le volume des ventes à venir, répondant ainsi en partie aux injonctions de l’interdiction faites aux producteurs, distributeurs et sites de vente en ligne de jeter leurs produits textiles invendus. Ces derniers devront obligatoirement être donnés, réemployés, réutilisés ou recyclés pour n’avoir pas été produits pour rien.
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Il peut également s’agir des commandes passées par des distributeurs, ou en BtoB, de précommandes passées par des clients importants.
2. L’accueil du marché préalable au lancement Comme souligné précédemment, le lancement d’un nouveau produit ou service est souvent connu avant sa disponibilité commerciale. Il est donc fréquent que le bouche-à-oreille sur les offres innovantes précède le lancement. Les médias digitaux et les réseaux sociaux, ou encore les sites de tests de produits nouveaux, instaurant un dialogue entre les internautes, permettent d’observer et de garder trace de ces communications entre clients potentiels, et entre experts du marché.
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Ainsi, l’annonce du lancement aux États-Unis du nouveau produit Fairlife de Coca-Cola a suscité de très nombreuses réactions sur les médias sociaux, négatives dans 41 % des cas. La perception négative des consommateurs a préfiguré un lancement décevant (voir cas suivant).
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L’accueil de la boisson Fairlife de Coca-Cola
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La recette de Fairlife, produit lacté lancé en 2015 (et toujours référencé chez les distributeurs malgré une polémique sur la maltraitance animale en 2019), est affichée saine et alléchante. Mais est-elle perçue ainsi par les consommateurs ? À son lancement, 1 000 commentaires d’internautes américains postés sur les réseaux sociaux ont été étudiés.
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Selon Coca-Cola, ce produit contient 50 % de plus de protéines et de calcium, moitié moins de sucre que le lait ordinaire, pas de lactose et serait produit avec du lait issu de fermes « engagées dans le développement durable ».
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Près d’un tiers des commentaires étudiés concernent la composition de la boisson, et dans 53 % des cas de façon négative (contre 12 % de perception positive). Bon nombre d’internautes ne perçoivent pas le lait comme un produit « sain » ou « bon pour la santé » et, au contraire, rappellent que la consommation de lait est même déconseillée chez les adultes.
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De plus, de nombreux internautes estiment que le fait de filtrer du lait puis de le recomposer « de façon à lui apporter toute sa valeur nutritive » est en totale contradiction avec le positionnement « sain » et « naturel » du produit mis en avant par la marque. Certains consommateurs vont jusqu’à parler des conséquences extrêmement nocives qu’un tel processus pourrait avoir sur la santé.
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Par ailleurs, la communauté outrée que Coca-Cola prétende que son lait provienne de « l’élevage responsable », rappelle que la marque s’était opposée en 2012 à l’étiquetage automatique des produits issus de l’agriculture OGM, qualifiant son discours de « propagande » visant à masquer ses actions pro-OGM.
Enfin, le fait que les boissons Fairlife soient fabriquées à partir de produits issus de Monsanto, firme célèbre pour ses scandales alimentaires à répétition, n’a pas échappé aux détracteurs du géant des sodas, qui surnomment les produits Fairlife « Monsantomilk » et ne se privent pas d’appeler à leur boycott. Source : GUILLEMOT A. C., « Fairlife : pas du “petit lait” pour les Américains », Dynvibe.com, 2015.
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La mesure de l’accueil par le marché peut être utilisée pour réaliser des prévisions de vente, en tenant compte de deux effets ; tout d’abord, elle permet de rendre compte en avant-première des réactions des consommateurs potentiels vis-à-vis de l’innovation. Ensuite, elle donne des clés pour expliquer le succès ou l’échec futur, car les opinions exprimées, notamment par des consommateurs experts ou des leaders d’opinion, peuvent exercer une influence sur les décisions des autres consommateurs.
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Si l’on souhaite mettre en œuvre une telle démarche, il convient de faire un recensement le plus exhaustif possible des commentaires exprimés avant le lancement, et de construire des indicateurs permettant d’évaluer deux dimensions : la quantité des commentaires (nombre de mentions) et leur valence (caractère positif ou négatif).
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Le cas suivant présente quelques recherches ayant utilisé ce type de données pour prévoir les entrées au cinéma pour un film donné, la semaine de sa sortie, puis les semaines suivantes. Même si ces éléments d’information ne peuvent seuls fournir des prévisions de vente totalement fiables, elles devraient être prises en compte en complément d’autres sources, par exemple l’intention d’achat.
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La prévision des entrées au cinéma pour un nouveau film en fonction de l’accueil du marché
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Plusieurs recherches se sont appuyées sur l’accueil fait sur Internet à un film pour tenter d’en déduire des prévisions d’entrées pour la première semaine, la plus critique.
En 2006, Mishne and Glance utilisent les mentions dans des blogs et montrent une corrélation positive entre le sentiment positif exprimé dans ces blogs et les performances du film (en termes de nombre d’entrées). Utiliser le nombre de commentaires positifs et non le nombre total de commentaires permet d’améliorer la prévision. Mais les auteurs soulignent que cette corrélation ne permet pas de faire des prévisions réellement précises. En 2007, Larceneux a mobilisé les données du site allociné.com pour prévoir les entrées de la première semaine pour 554 films en France, en 2005 et 2006. Il utilise à la fois le buzz généré par les experts (critiques de cinéma, dont les appréciations figurent sur le site) et celui généré par les internautes. Il exploite à la fois le nombre de commentaires et leur valence (opérationnalisée ici par le nombre d’étoiles). Si on ne peut montrer que ce buzz influence les entrées de la première semaine, l’introduction de ces variables permet d’améliorer significativement le modèle de prévision des entrées des semaines suivantes. Il conclut également qu’il est préférable d’introduire des variables séparément plutôt qu’en les multipliant.
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Asur et Huberman, chercheurs aux laboratoires de Hewlett Packard, ont extrait en 2010 2,89 millions de tweets se référant à 24 films sur une période de trois mois. Ils ont calculé un taux de tweets (nombre de tweets par heure se référant au film considéré) pour chacun des 7 jours précédant le lancement. Ils ont ensuite utilisé ces variables, ainsi que le nombre de salles dans lesquelles le film était programmé, pour prédire les entrées de la première semaine, et des trois semaines suivantes. Dans un deuxième temps, ils ont introduit dans le modèle la polarité des tweets, en calculant le ratio entre le nombre de messages positifs et le nombre de messages négatifs. Ils montrent que cette variable permet d’améliorer les prédictions d’entrées pour les semaines suivant la sortie du film.
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En 2014, Popma a étudié sur une période de deux ans les 200 films qui ont suscité le plus de buzz avant lancement. Il a montré que le succès des films et l’intérêt manifesté lors de la période de préannonce sont fortement corrélés (0,5 à 0,71) cinq semaines avant le lancement et que le succès atteint un niveau de prédiction très satisfaisant et stabilisé (0,75) deux semaines avant la sortie du film.
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Ces différents travaux montrent qu’on peut utiliser différentes sources pour rendre compte de l’accueil du marché pour un nouveau film. Il importe de prendre en compte à la fois le nombre de mentions et leur caractère positif ou non. Cependant, ces commentaires sont surtout utiles pour prévoir les ventes après le lancement. En effet, les commentaires émanent alors d’internautes ayant vu le film et influencent alors l’opinion des visiteurs suivants.
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Sources : LARCENEUX F., « Buzz et recommandations sur Internet : quel effet sur le boxoffice ? », Recherche et Applications en Marketing, vol. 22, no 3, 2007 ; MISHNE G., GLANCE N., « Predicting Movie Sales from Blogger Sentiment », Spring Symposium on Computional Approaches to analysing weblogs, AAAI, 2006 ; ASUR S., HUBERMAN B., « HP Study Shows Twitters Predicts Success of Movies », siliconvalleywatcher.com ; POPMA W. T., « The Timing of New Products Announcements in the Cinematic Film Industry-Relating Pre-Launch Consumer Behavior to the Financial Success of Movies », International Conference Marketing from information to decision, 7e éd., 2014.
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3. La prévision des ventes qui utilise les données d’intention d’achat
Pour faire des prévisions de ventes, les entreprises utilisent en général les intentions d’achat issues des études de marché réalisées lors des premiers tests d’idées, puis lors de toutes les phases de validation des choix opérés au cours du développement. L’approche classique, la plus simple et la moins onéreuse, consiste à interroger un échantillon de consommateurs cibles pour évaluer le degré d’acceptation de la nouvelle offre. Deux types d’échelles de mesure des intentions d’achat sont habituellement utilisés : l’échelle de Juster25 en dix points progressifs (de « je suis absolument certain de ne pas acheter » à « je suis absolument certain d’acheter ») et l’échelle d’intention d’achat simplifiée en cinq points (de « je ne l’achèterai certainement pas » à « je l’achèterai sûrement »).
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Ces scores d’intentions d’achat ne doivent évidemment pas être utilisés tels quels, mais doivent être interprétés en comparaison avec d’autres scores d’intentions d’achat, dont on connaît la concrétisation sur le marché. Par exemple, si le projet a obtenu un score d’intention d’achat de 70 % lors d’un test de concept quantitatif, les prévisions seront fondées sur un produit d’une catégorie assez proche ayant obtenu des scores comparables lors d’un test similaire. On peut ainsi avoir différentes bases de comparaison :
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– les intentions d’achat sur des produits de la même catégorie lancés précédemment sur le même marché ; il faut alors vérifier que l’échantillon utilisé est comparable ; – si le produit a déjà été lancé dans d’autres pays ou sur d’autres continents, les prévisions peuvent se fonder sur les chiffres obtenus sur place, ajustés en fonction des caractéristiques du marché local. Les prévisions spatiales tiennent compte de la structure du réseau de distribution, des réactions au nouveau produit des éventuels distributeurs présents sur le nouveau marché et sur des marchés où le produit a déjà été lancé (ce qui permet d’anticiper leur comportement en termes de prix de vente, de référencement et d’activité promotionnelle), ainsi que des caractéristiques socio-démographiques des habitants de la nouvelle zone26.
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On retient en général les scores d’intention d’achat correspondant aux pourcentages de réponses aux questions « j’achèterais certainement » ou « j’achèterais probablement ».
La validité de ces intentions d’achat dans un but de prévision des ventes va aussi dépendre d’éventuels biais cognitifs. En effet, si les répondants s’attendent à être interrogés sur l’évaluation de leur achat, trois réactions peuvent survenir :
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– soit ils se focalisent sur les aspects négatifs de la nouvelle offre, ce qui entraîne une sous-évaluation du taux de transformation de l’intention d’achat ; – soit ils se comportent de manière artificiellement cohérente avec les évaluations intermédiaires et donnent une intention d’achat non représentative de leur réelle volonté d’acheter ; – soit, et ce biais existe dans toutes les enquêtes, ils veulent satisfaire l’enquêteur et surévaluent leur intention d’achat.
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La validité des intentions d’achat dans un but de prévision des ventes va également dépendre du degré d’innovation du produit ou service27. Pour les clients potentiels, l’incertitude la plus grande concerne les produits pour lesquels de nouvelles habitudes d’usage doivent être prises, et pour lesquelles les coûts et les bénéfices perçus sont difficiles à évaluer. Pour ces produits radicalement nouveaux, une recherche récente a montré que les intentions d’achat étaient d’autant plus faibles que les produits étaient perçus comme nouveaux, et que la différence entre intention et comportement était également plus élevée pour les produits perçus comme radicalement nouveaux. Cette différence entre intention et comportement est plus importante lorsque les intentions d’achat sont exprimées longtemps à l’avance. Cela s’explique notamment par le fait que les représentations des consommateurs sur l’usage et sur l’achat sont beaucoup plus abstraites pour les produits radicalement nouveaux que pour des offres marginalement nouvelles.28 De plus, lorsque l’achat est envisagé dans un délai proche, les consommateurs se focalisent sur les coûts d’apprentissage liés au produit. Au contraire, lorsque le délai est plus long, les adopteurs potentiels se projettent davantage dans les bénéfices dérivés d’une utilisation future29.
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Il convient de tenir compte de ces difficultés lors de l’utilisation des données d’intention d’achat collectées lors des tests de concept. Plusieurs sources de variation dans les réponses peuvent être identifiées, comme évidemment les concepts eux-mêmes, leur présentation, le nombre de répondants, leur profil, et la formulation des questions posées. Une métaanalyse30 menée sur des données académiques et issues de sociétés d’études
montre que pour améliorer la fiabilité du choix entre les concepts, sur la base de ces intentions d’achat, il est nécessaire : – d’avoir un échantillon plus important que la taille moyenne utilisée dans les données utilisées (92). Un nombre minimal recommandé par les auteurs est 200 répondants. Ceci est lié au fait qu’il y a souvent une forte variation entre les réponses des individus, mais peu de différences entre les différents concepts testés ; – d’utiliser plusieurs items, et non une simple question d’intention d’achat. Il convient de disposer de mesures sur la valeur perçue ou la nouveauté, pour mieux comprendre les résultats.
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Les intentions d’achat constituent donc une source majeure d’information pour la prévision des ventes des produits ou services innovants. Leur collecte peut se faire à différents stades du processus de conception de l’offre, et dans des contextes variés. Il existe diverses méthodes de marchéstests simulés, qui varient selon les secteurs d’application, et le stade du processus d’innovation. Nous les présentons successivement en allant de la procédure la plus simple et la moins coûteuse, à la plus réaliste et la plus complexe à mettre en œuvre.
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Avant d’exposer ces méthodes en détail, présentons les objectifs poursuivis lorsqu’une entreprise opte pour une telle procédure. Si le premier d’entre eux consiste à réaliser des prévisions de ventes fiables fondées sur le marché local en tenant compte des modalités de lancement anticipées pour le nouveau produit, d’autres objectifs sont également visés :
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– vérifier la politique marketing dans sa globalité ; en effet, les tests réalisés sur les différents éléments du mix ont pu permettre de valider plusieurs choix traités isolément, mais non de tester leur cohérence globale ; – tester plusieurs options dans le plan de lancement, par exemple plusieurs niveaux de prix ou d’investissements publi-promotionnels, ou encore plusieurs campagnes publicitaires ; – valider la décision globale de lancement en fonction des chiffres de ventes obtenus et ajuster le business-plan en conséquence.
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UMI, un outil de test de marché à grande échelle grâce au machine learning Grâce au machine learning et au Web sémantique, l’outil de test de marché UMI offre la possibilité aux entreprises de tous secteurs d’activité, d’interroger leur marché rapidement et à grande échelle, pour augmenter les chances de succès de leurs projets d’innovation. Si de nombreuses entreprises, avant de lancer leur projet d’innovation, testent le marché en s’adressant à quelques clients, l’outil UMI permet d’atteindre jusqu’à un milliard de professionnels.
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« Nos clients commencent par décrire leur projet et les questions à poser aux acteurs du marché. Notre outil et ses algorithmes vont alors identifier des milliers de professionnels dans un ou plusieurs pays prédéfinis. Ce matching est rendu possible grâce au machine learning et au Web sémantique », précise Julien Oger, CEO d’UMI. À partir des réponses obtenues, l’outil UMI propose une synthèse du marché complète et précise.
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« Notre système de data visualisation des feedbacks permet de détecter automatiquement où le marché perçoit le plus de valeur dans l’innovation testée : quel secteur est le plus intéressé, quelle fonctionnalité est plébiscitée, quel business model est accepté, etc. », détaille Julien Oger.
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Après avoir été employé sur près de 1 000 projets d’innovation, l’outil UMI a permis d’emmagasiner un grand nombre de données issues des centaines de milliers de réponses de professionnels qualifiés. Une masse de données de plus en plus vaste, utile pour détecter de grandes tendances quant aux attentes futures de différents marchés en matière d’innovation.
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« Avec ce volume de données nous pouvons par exemple détecter que les innovations les plus plébiscitées dans le secteur de l’énergie en Europe sont des offres de services visant à renforcer la sécurité des installations, alors qu’en Amérique du Nord ce sont les dispositifs permettant un contrôle à distance des équipements qui sont les mieux accueillis. Ces données sont donc extrêmement précieuses : elles permettent d’orienter la stratégie d’innovation des entreprises vers les attentes marché les plus fortes », conclut Julien Oger.
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Source : LES PARTENAIRES DE CHALLENGES, « UMI : l’outil de test marché à grande échelle pour les projets d’innovation », Challenges.fr, 2021.
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4. La connaissance du caractère innovant d’un marché périe
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Cette connaissance permet une meilleure précision dans la prévision des ventes, du rythme et du délai de la diffusion.
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La diffusion d’une innovation dans un pays donné dépend de trois éléments qu’il convient de considérer pour estimer les ventes : tout d’abord la propension des habitants d’un pays à adopter l’innovation plus ou moins
vite, ensuite, la vitesse avec laquelle cette innovation se diffuse sous l’effet de l’imitation, et enfin, le taux de pénétration maximal. Plusieurs études comparatives31 ont ainsi montré qu’il existe des différences importantes dans la vitesse de diffusion des innovations selon les pays.
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Talukdar et al.32 ont mené une étude sur la diffusion de huit innovations dans 31 pays, développés ou en voie de développement, représentant 60 % de la population mondiale. À l’époque, ils ont établi qu’il fallait en moyenne 19,25 ans à une innovation pour atteindre le niveau maximal des ventes dans un pays en voie de développement, contre 16,33 ans dans un pays développé – soit 18 % de moins. En outre, le potentiel de pénétration était en moyenne de 51,3 % dans les pays développés pour ces innovations, contre 17,1 % dans les pays en voie de développement. Ces pourcentages ont sans doute évolué depuis la réalisation de cette recherche mais la conclusion générale semble encore valable aujourd’hui.
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Tellis et al.33 ont, eux, étudié le temps de décollage des ventes pour 137 innovations, représentant dix catégories de produits dans 16 pays européens. Le temps moyen pour l’ensemble des pays est de six ans, mais il est presque deux fois plus élevé pour les pays méditerranéens que pour les pays scandinaves (7,4 ans contre quatre ans). Dans ce cas également, les chiffres ont sans doute changé mais l’idée générale a, a priori, peu évolué. 8893
Le caractère innovant d’un pays donné a été étudié de deux façons :
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– la première consiste à évaluer la propension à innover autodéclarée des habitants d’un pays donné, et à expliquer les différences par les caractéristiques du pays. On a notamment pu constater que l’innovativité avait un lien avec les dimensions culturelles définies34, de manière classique, par Hofstede35. La tendance à innover est ainsi en moyenne plus forte dans des pays plus individualistes, à orientation plus masculine, et moins hostiles au risque. Certains résultats peuvent parfois paraître contradictoires ; ainsi, le caractère collectiviste de certaines cultures peut jouer un rôle positif dans la diffusion de l’innovation dans le pays. En Europe, il a été montré que les pays scandinaves étaient les plus prompts à adopter une innovation, alors que la France se situait, lors de l’étude, généralement en queue de peloton36 ; – la seconde méthode consiste à calculer le coefficient d’influence externe dans différents pays pour une innovation donnée en s’appuyant sur le
modèle de Bass, et à expliquer les différences de valeur de ce coefficient par les caractéristiques du pays. Il a été montré que ce coefficient est positivement lié au cosmopolitisme de la population (défini comme l’orientation d’une population vers des populations étrangères37), au taux d’utilisation des médias dans la population, et au niveau d’éducation. La structure des réseaux de distribution, leur densité, le degré d’urbanisation sont des éléments qui donnent un indice sur la capacité des consommateurs à avoir accès à l’innovation et à être des adopteurs plus ou moins rapides et nombreux. Ils permettent de prévoir les ventes et leur évolution.
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Concernant la propension à imiter, qui correspond au coefficient d’influence interne du modèle de Bass, elle sera d’autant plus élevée dans un pays donné que sa population sera homogène en termes de niveau et de style de vie, ou encore de différences ethniques. On a également trouvé qu’il est une fonction croissante de la mobilité de la population dans le pays, de son caractère cosmopolite, et du taux d’activité des femmes dans la mesure où ce sont souvent elles qui apportent des innovations dans le foyer38.
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La diffusion de la génération précédente de produits, si elle existe, joue également un rôle important, qui peut être paradoxal : en effet, la diffusion d’un nouveau produit peut alors être plus rapide dans un pays moins riche, qui n’avait pas pu adopter la première génération de produits. C’est clairement le cas pour la téléphonie mobile, qui s’est bien diffusée dans les pays où la pénétration du téléphone fixe n’était pas saturée.
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En essayant d’identifier dans quel pays il peut être intéressant de lancer en premier une innovation, les chercheurs ont pu montrer l’existence de deux effets complémentaires :
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– le premier est un effet d’interaction entre deux pays, lorsqu’une innovation est lancée simultanément dans deux pays voisins. Cette innovation aurait tendance à se diffuser plus vite que si elle avait été introduite dans un seul pays. L’existence de cet effet renforce donc les avantages d’un lancement simultané dans tous les pays. Le connaître permet d’affiner les prévisions de vente ; – le second est un effet d’entraînement (lead lag effect) dans l’adoption des innovations dans différents pays39,40. Cela signifie que la vitesse de
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diffusion augmente avec le rang d’entrée du pays, ou encore que l’innovation se diffuse, toutes choses égales par ailleurs, d’autant plus vite dans un pays donné, qu’elle a déjà été lancée dans d’autres pays précédemment. Cela peut notamment s’expliquer par le fait que certains consommateurs ont déjà été exposés à l’innovation dans d’autres pays et vont pouvoir se décider plus vite, que les médias se focalisent davantage sur une innovation déjà lancée dans un autre pays, et que les distributeurs, au fait du succès dans un autre pays, vont être plus prompts à promouvoir cette innovation. Cet effet est d’autant plus important que les pays ayant déjà adopté le produit et le pays où il va être lancé sont similaires, et que l’innovation est continue, et standardisée dans les différents pays. Prendre en compte le lead lag effect constitue donc une variable supplémentaire pour prévoir les ventes d’une offre innovante.
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2 • LES MARCHÉS-TESTS SIMULÉS
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Les marchés-tests simulés (MTS) consistent, comme leur nom l’indique, à travailler en dehors d’un contexte réel pour simuler le comportement d’achat des consommateurs et établir des prévisions de vente. Ils sont réalisés à partir d’un échantillon de consommateurs choisis pour leur conformité à la cible visée. On commence par les soumettre à des stimuli présentant le concept et/ou la publicité du nouveau produit. On leur demande ensuite de formuler une intention d’achat soit de manière déclarative, soit en procédant à un achat dans un rayon reconstitué. Si le produit existe déjà, les consommateurs ayant manifesté une intention positive peuvent ensuite emmener le produit chez eux pour une utilisation à domicile. Ils sont à nouveau contactés quelques semaines plus tard pour connaître leur perception après usage et leur intention de réachat41.
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Cette manière de procéder est commune à tous les marchés-tests simulés, même s’il existe des variantes méthodologiques importantes présentées dans les paragraphes ci-dessous. Ce fonctionnement revêt des avantages considérables pour les entreprises :
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– la confidentialité : le recueil des données ayant lieu en laboratoire, les concurrents ne sont pas avertis ;
– le délai relativement bref : les résultats peuvent être obtenus en 6 à 8 semaines ; – le coût relativement limité : de l’ordre de 40 à 100 K€, il dépend de la taille de l’échantillon et des éventuelles études complémentaires ; – le degré d’engagement : il n’est pas nécessaire que le produit et la communication soient entièrement finalisés pour effectuer des marchés-tests simulés. Même ceux qui recommandent le stade de finalisation le plus abouti ne supposent pas la mise en place d’une production industrielle de masse comme c’est le cas pour les autres types de marché-tests. Quelques centaines d’exemplaires du produit suffisent pour faire un MTS.
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Ces avantages expliquent que ces techniques, surtout mises en œuvre en grande consommation et dans l’industrie pharmaceutique, soient très utilisées.
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La plupart des marchés-tests simulés sont issus du modèle Assessor, développé aux États-Unis dans les années 1970 par deux professeurs du MIT, Alvin Silk et Glenn Urban42. Il a ensuite été complété et amélioré au cours du temps, mais le principe de modélisation reste le même. Il s’agit d’un modèle essai-réachat, en deux temps, inspiré du modèle classique de Parfitt et Collins43 (1968). La part de marché à long terme est modélisée de la façon suivante : M = p . r, où :
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– M est la part de marché à long terme prévue ; – p est le taux de pénétration à long terme. Ce taux est estimé à partir du taux d’essai expérimental et des valeurs estimées pour la notoriété et la présence en magasin. Le taux d’essai expérimental correspond à une situation fictive où tous les consommateurs connaissent le produit et l’ont trouvé en rayon ; – r est le taux de réachat à long terme. Il est modélisé de la façon suivante : où R est la « probabilité de réachat », c’est-à-
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dire la probabilité qu’un consommateur qui a acheté le produit au temps t, l’achète à nouveau en t + 1 ; s est la « probabilité de retour », c’est-à-dire la probabilité qu’un consommateur qui n’a pas acheté le nouveau produit en t l’achète en t + 1. Les deux paramètres s et R sont estimés à partir des résultats obtenus lors de l’expérimentation.
Il existe deux types de marchés-tests simulés : les MTS monadiques dans lesquels le nouveau produit est présenté et analysé seul et les MTS concurrentiels dans lesquels il est présenté face à ses concurrents dans un rayon reconstitué, et où ses concurrents sont également analysés.
• Les marchés-tests simulés monadiques
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Les MTS monadiques sont fondés sur des bases de données qui permettent de convertir les intentions d’achat déclarées en prévisions de volume de ventes. En France, les principaux systèmes commercialisés sont Launch eValuate (TSN-Sofres) et Bases (filiale de Nielsen). Dans la mesure où les deux modèles sont très proches, nous présentons ici Bases, puis les différences que présente Launch eValuate.
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En 2022, Bases (à l’origine Booz Allen Sales Estimating System), société américaine basée à Cincinnati, annonce sur son site44 avoir testé 300 000 projets de nouveaux produits sur plus de 80 marchés.
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En France, cette filiale de Nielsen travaille principalement dans des activités de grande consommation. Elle propose de nombreux services parmi lesquels quatre catégories de MTS différentes (Bases I à IV) selon l’avancement du projet de développement du nouveau produit et la taille des échantillons de consommateurs interrogés.
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Les résultats d’un test Bases I pour un produit de parfum d’intérieur
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Beauty est le nom de code d’un nouveau concept de parfum d’intérieur « décoratif ». Il s’agit d’un petit récipient en verre contenant un liquide parfumé qui se diffuse dans la maison, et surmonté d’un capot plastique. Ce test a été réalisé dans les mois suivant la naissance de l’idée et avant d’engager des études pour développer industriellement le produit. Les résultats sont ici comparés à ceux d’un produit également « décoratif » mais sur le segment des gels, leader sur son marché. Ces résultats sont encourageants, même s’ils permettent de voir que le concept est perçu comme un peu cher au prix proposé. Dans la suite de la
Source : Reckitt-Benckiser.
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conception du produit, les éléments permettant de lui donner de la valeur, tels l’esthétique et les fonctionnalités de réglage de l’intensité du parfum, ont été particulièrement travaillés.
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Ainsi, Bases I, réalisé au stade du concept, relève des modèles de diffusion. Les prévisions de volume sont établies à partir d’un échantillon de 250 personnes environ et d’un questionnaire d’une vingtaine de minutes, ce qui permet d’entrer dans le détail des différents attributs perçus du produit. Pour Bases I, la collecte d’informations se fait en trois phases :
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– le recrutement des personnes interviewées parmi la cible des consommateurs potentiels ; – l’exposition de ces personnes à un board (format A4 ou A3) ou à une vidéo présentant le produit et exposant son argument publicitaire principal. Le matériel présenté comporte les mêmes informations que celles qui seront apportées par la publicité et la présence en linéaire. Ces informations sont notamment les prix, les tailles ou contenances, les différentes références disponibles, et éventuellement le rayon dans lequel le produit sera vendu ; – un entretien individuel de 20 à 25 minutes avec administration d’un questionnaire portant sur les éléments suivants : intention d’achat,
quantité achetée par acte d’achat, fréquence d’achat, agrément du produit, valeur estimée et perception du caractère unique du produit. Les autres questions permettent de détailler l’évaluation du produit sur différents attributs, en spontané puis en assisté, de collecter des informations sur les caractéristiques démographiques des consommateurs ainsi que leur expérience avec la marque et la catégorie de produits et enfin de déterminer en substitution de quel produit le nouveau est acheté afin de connaître les sources de volume.
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Comme Bases I, le test Pré-Bases est également réalisé au stade du concept mais il respecte une procédure simplifiée. Il permet d’évaluer le potentiel d’un concept à travers une procédure allégée. L’échantillon, d’environ 150 personnes, répond à un questionnaire d’une douzaine de minutes. L’objectif est de donner une estimation approximative des volumes que l’on pourra atteindre au cours de la première année de commercialisation du produit et d’identifier les principales forces et faiblesses du concept. Cette procédure peut être appliquée alors qu’aucun prototype du produit n’est prêt.
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Les phases II, III et IV de Bases s’appliquent après le lancement du produit. Elles permettent d’étudier l’adoption de la nouvelle offre et de poursuivre la prévision en tenant compte des données de répétition d’achat du produit. Bases II, par exemple, complète la collecte d’information réalisée lors de la phase I par un test de produit à domicile pour les personnes ayant déclaré une intention d’achat positive. Les consommateurs sont donc exposés au concept et sont incités à l’utiliser. Ces personnes sont rappelées au bout d’une à deux semaines afin d’être soumises à un questionnaire de 20 à 25 minutes sur la perception du produit après usage et l’intention de réachat. Cette procédure complète permet à Bases II d’atteindre deux objectifs dans l’analyse du potentiel d’un nouveau produit :
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– un objectif d’évaluation : prévoir le volume de ventes en fonction du taux d’essai et du taux de réachat. Comme le montre le tableau suivant, on commence par évaluer la taille du marché visé à partir de données externes. Le test réalisé permet ensuite d’évaluer le pourcentage d’individus de cette cible susceptible d’essayer le produit. En intégrant une prévision des volumes achetés lors de ce premier achat, on aboutit à une prévision des volumes de ventes correspondant au premier essai du produit par les nouveaux clients. Parmi ces clients ayant acheté le produit
une première fois, certains renouvelleront leurs achats. Le test après usage permet d’anticiper le pourcentage de premiers acheteurs qui achèteront à nouveau le produit, la fréquence de leurs achats et le nombre d’unités acquises. On aboutit ainsi au volume de ventes fondé sur les réachats. Les ventes globales sont la somme des deux composantes calculées ; – un objectif de diagnostic : cette décomposition entre essai et réachat permet d’évaluer les raisons pour lesquelles on atteint ce volume.
Source : Bases.
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Tableau 6.1 – Les éléments intégrés à Bases pour établir des prévisions de volume (année 1)
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On utilise en réalité trois types d’informations pour établir ces prévisions de volume :
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– les données collectées lors de l’expérimentation, notamment le taux d’essai, le taux de réachat, la fréquence d’achat, et le volume par acte d’achat ;
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– les données fournies par l’entreprise sur le plan marketing envisagé pour le lancement de la nouvelle offre. Trois grandes rubriques sont renseignées, comportant à la fois un indicateur quantitatif et des indicateurs qualitatifs : (1) le niveau de distribution, mesuré par la DV (distribution valeur), mais également la place en rayon, le nombre de facings et l’impact du packaging ; (2) la publicité, mesurée par le nombre de points GRP (Gross Rating Point), le type de média, la longueur du spot publicitaire et les résultats des prétests publicitaires éventuels ; (3) l’activité promotionnelle, mesurée par le nombre de coupons de réduction, le montant de la réduction, le nombre et la qualité des échantillons ainsi que leur mode de distribution ; – les données issues de la base de données. Pour réaliser ses prévisions, Bases s’appuie sur une base de données collectées depuis des années, comparant les données collectées avec la même méthodologie avec les ventes effectivement enregistrées par les produits. Cette base de données permet d’ajuster les prévisions fondées sur un déclaratif d’intentions d’achat en prenant en compte le fait que tous les acheteurs déclarant avoir l’intention d’acheter un produit ne le font pas effectivement. On applique donc un taux de conversion aux données expérimentales. Ce taux de conversion varie en fonction de cinq critères principaux : (1) le pays dans lequel ont été collectées les données : en Europe, les coefficients de correction à la baisse s’avèrent d’autant plus élevés que les données ont été collectées dans un pays du Sud ; (2) le type de produit ; (3) la longueur du cycle d’achat : plus celui-ci est long, plus les consommateurs ont tendance à surestimer leurs intentions d’achat par rapport à ce qu’ils feront effectivement ; (4) l’âge du répondant, les consommateurs plus âgés surestimant moins leurs comportements que les consommateurs plus jeunes ; et (5) le niveau de prix du produit : plus le prix est élevé, plus le taux de conversion intention/achat réel est faible.
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Pour comprendre le passage entre les données expérimentales et les ventes réelles, Bases cherche à réaliser des validations à chaque utilisation de son modèle. Pour cela, la société collecte des informations sur le plan marketing réellement utilisé et le volume de vente effectivement réalisé.
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Récemment, Bases a proposé des outils performants fondés sur l’intelligence artificielle. Ainsi, Bases Optimizer fournit des prévisions qui intègrent de milliers de possibilités grâce à une interface rapide et intuitive.
2. Launch eValuate Depuis le rapprochement entre Kantar TNS-Sofres et Research International, l’autre marché-test simulé monadique, fondé sur le même principe que Bases, est baptisé Launch eValuate. Il revendique lui aussi plusieurs milliers de cas étudiés et des centaines de validations.
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Cette méthodologie prend en compte l’hétérogénéité des consommateurs dans leur propension à essayer puis à adopter les nouveaux produits. Pour cela, on interroge les consommateurs sur leur propension à essayer les nouveaux produits en général et sur leur perception des différents risques associés à l’essai d’un nouveau produit (risque financier, risque physique, risque social, risque sociétal). Ces mesures sont combinées à l’intention d’essai déclarée pour déterminer un taux d’essai prévisionnel.
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Selon le même principe, les consommateurs sont interrogés sur leur fidélité à l’égard des nouveaux produits en général et sur leur fidélité dans la catégorie de produits étudiée afin de corriger la valeur du taux de réachat déclaré.
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Ceci permet également de classer les consommateurs en quatre catégories en fonction de leur probabilité d’essai et d’adoption : les adopteurs (qui essaient et adoptent), les déçus (essayeurs non adopteurs), les réfractaires (qui n’essaient pas) et les adopteurs potentiels (qui n’essaient pas mais sont susceptibles d’adopter par la suite). L’analyse du profil des consommateurs des différents groupes peut donner des implications intéressantes et des pistes d’amélioration pour le produit, afin notamment de retenir les déçus et d’attirer les adopteurs potentiels.
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Comme Bases, TNS-Sofres propose depuis quelques années des outils performants fondés sur l’intelligence artificielle. Ainsi en 2014, eValuate Express, nouvelle solution de test de concept, a été déployée en France après avoir été lancée aux États-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Chine, en Allemagne, en Australie et en Afrique du Sud. Les entreprises de ces différents marchés accèdent à tous les indicateurs clés « leur permettant d’identifier en moins de 48 heures les concepts innovants au plus fort potentiel de croissance incrémentale. Nous avons constaté une demande de rapidité extrême de la part de nos clients. Les entreprises génèrent en permanence beaucoup d’idées de nouveaux produits, idées qui doivent être priorisées. eValuate Express répond à ce besoin en screenant en deux jours
afin d’identifier les concepts performants et ceux qui le sont moins. L’outil permet notamment à une entreprise de vérifier si telle innovation ou tel nouveau produit présente ou non un risque de cannibalisation de l’offre existante », explique Raphaël Ventura, managing director innovation, Département grande consommation chez TNS-Sofres.
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L’entreprise cliente indique au préalable à l’institut d’études auprès de quel type d’utilisateurs elle souhaite tester son innovation. Le questionnaire, qui intègre un « trial index » et mesure par exemple le degré d’innovation de rupture d’un futur produit chez les early adopters, est programmé et lancé auprès de clients potentiels de la base de données TNS-Sofres. Perception du prix, pertinence, originalité du produit sont mesurées automatiquement auprès d’un panel45. 3975
3. Avantages et limites des MTS monadiques
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Les MTS monadiques, dont les prévisions sont fondées sur les taux de conversion, sont les plus utilisés. Ils sont faciles à mettre en œuvre car ils ne nécessitent pas une représentation de la concurrence. Ils sont réputés fiables. Ils sont principalement utilisés aujourd’hui en grande consommation, mais des applications existent dans d’autres secteurs comme le cinéma. Cependant, on reproche parfois aux MTS monadiques d’être fondés sur l’extrapolation de données passées (qui donnent lieu aux calculs des taux de conversion), ce qui peut s’avérer gênant si le nouveau produit attaque un marché mal défini ou crée une catégorie, ou lorsqu’il est prévu de le lancer dans des zones géographiques émergentes46 où l’on ne dispose pas d’un recul temporel suffisant. Korotkov et ses co-auteurs (2011, 2013) déplorent ainsi que la majorité des MTS classiquement utilisés par les grandes entreprises soit calibrée à partir de données empiriques obtenues sur les marchés matures d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale. Il n’est alors pas surprenant que ces modèles atteignent une précision bien moindre lorsqu’ils sont appliqués à des marchés émergents relativement inexplorés, comme la Russie, où aucune donnée historique n’est disponible pour le calibrage. Les auteurs proposent dans plusieurs articles successifs une approche de MTS applicable aux marchés émergents, « autocalibrés », fondée sur des modèles de type Assessor, co-créés avec les entreprises de grande consommation internationales.
Les MTS concurrentiels, quant à eux, reposent uniquement sur les données expérimentales et les estimations relatives au plan marketing fournies par l’entreprise.
• Les marchés-tests simulés concurrentiels
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Les MTS concurrentiels consistent à présenter aux consommateurs le nouveau produit au milieu de ses futurs concurrents dans un rayon reconstitué, après avoir identifié au préalable le répertoire d’achat des consommateurs. Les prévisions élaborées portent ensuite sur les parts de marché ou les volumes. Le leader mondial des MTS concurrentiels est Designor, qui fait partie du groupe Ipsos depuis septembre 2001. Nous présentons ici Designor. Il faut noter que, comme Bases, il existe plusieurs versions de Designor (dont Early Designor, qui permet le screening de concepts avec prédiction de volumes ; Concept Designor, qui détermine le potentiel d’un ou plusieurs concepts ; STM Designor, qui détermine le potentiel d’un mix complet) adaptées aux différents stades de développement du nouveau produit. Designor revendique 10 000 « mix complets » dans 60 pays dans le monde, sur 250 catégories de produits/services avec une précision de plus ou moins 8,9 % (écart entre prévision et réalité)47. 8893
1. Principes et méthode de collecte des données
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On commence par interroger les consommateurs sur leur répertoire d’achat, c’est-à-dire sur les marques, produits ou solutions utilisés dans le passé, actuellement, ou dans le futur, y compris les marques distributeurs. La préférence entre ces marques, produits, solutions mentionnés par le consommateur est évaluée en lui demandant de répartir 11 jetons entre les options prises deux à deux. Puis la perception de chaque option est évaluée grâce à une notation sur une liste d’attributs fonctionnels ou émotionnels.
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On présente ensuite la nouvelle offre au consommateur. Il s’agit dans la majeure partie des cas d’une planche concept board décrivant le produit/service verbalement et avec un dessin ou une photo, parfois un animatic publicitaire (c’est-à-dire un montage d’images ou de dessins correspondant à une prévision grossière de ce que sera le film final), ou encore un film publicitaire finalisé. Dans tous les cas et contrairement aux
MTS monadiques, le produit/service est présenté au milieu de quatre concurrents, avec le même degré de finalisation, afin de ne pas focaliser les consommateurs interrogés sur la nouvelle offre.
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On confie alors au consommateur un bon d’achat, en lui proposant de faire un achat dans un rayon reconstitué présenté dans une salle voisine. Selon les cas, il s’agit d’un véritable rayon, d’une photo de linéaire, ou d’un linéaire virtuel sur ordinateur. Si le consommateur n’utilise pas l’intégralité de la somme nominative du bon d’achat, la différence lui est remboursée. Si ses achats dépassent le montant du bon, il doit payer la différence avec son argent. Le linéaire présenté est censé représenter un linéaire moyen afin de reconstituer les conditions de visibilité habituelle du produit en rayon. On peut éventuellement faire varier les configurations de linéaire présentées. Ensuite, une série de questions est posée aux consommateurs afin de mesurer leurs perceptions du nouveau produit, et leur préférence par rapport aux produits de leur répertoire d’achat. Toutes les personnes interrogées repartent avec un exemplaire du produit à tester, soit parce qu’elles l’ont choisi en rayon, soit parce qu’on leur a confié un échantillon. Ceci permet notamment de mesurer l’effet d’un plan d’échantillonnage.
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Dans une quatrième étape, on contacte à nouveau les membres de l’échantillon afin de connaître leur évaluation du produit après utilisation, et de la comparer avec leurs attentes avant essai et avec leur marque habituelle. On leur propose de le racheter avec leur argent afin d’évaluer leur taux de réachat. Une nouvelle mesure de la préférence par rapport au répertoire d’achat est également effectuée.
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Les prévisions de vente sont réalisées en confrontant les résultats de deux modèles : le modèle de comportement d’achat en rayon(s) puis réachat et le modèle de prix, préférence (entre le produit testé et ceux du répertoire d’achat du consommateur). Les deux modèles doivent logiquement converger. Ceci permet notamment de repérer d’éventuels biais de tests. Plus spécifiquement, Designor prend en compte quatre indicateurs, baptisés REDE que sont la Pertinence (Relevance), la Cherté (Expensiveness), et la Différentiation (Differentiation) et la Réalisation (Execution), qui permettent de mieux comprendre les résultats issus des questions d’intention d’achat, et de faire des meilleures prévisions, mais également des recommandations d’amélioration.
2. Avantages et limites des MTS concurrentiels La présentation et l’analyse du produit à tester dans son univers concurrentiel présente plusieurs avantages :
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– elle permet une meilleure incorporation dans le modèle des sources de marché, c’est-à-dire des différentes provenances des volumes de vente. Ceci se révèle notamment utile dans les cas très fréquents de relancements ou d’extension de gamme afin d’évaluer l’étendue de la cannibalisation48 des produits de l’entreprise. Shanshan a montré dans sa thèse l’importance d’incorporer les effets de cannibalisation dans le modèle de prévision. À partir d’un problème réel de prévision de la demande de produits vraiment nouveaux chez Body Shop, il propose une approche pour estimer la cannibalisation alors qu’on ne dispose d’aucune donnée historique de ventes. Il élabore un modèle de demande hybride qui combine un modèle linéaire et des modèles de choix (qui incorporent la cannibalisation avec des données limitées). Le modèle linéaire capture les effets des facteurs variables dans le temps tels que les remises, les promotions et les jours fériés, qui affectent non seulement les ventes d’un produit donné mais aussi la demande totale. Le modèle de choix est utilisé pour modéliser la part de marché des produits en estimant la part de cannibalisation lorsqu’un nouveau produit est introduit. L’auteur montre que les résultats du MTS permettent éventuellement de faire un choix entre différentes références dont on envisage le lancement. Ils permettent également de déterminer dans quelle mesure le nouveau produit apporte de nouveaux acheteurs à la catégorie, un argument souvent important pour les distributeurs ; – certains produits sont peu présents dans l’esprit des consommateurs, mais peuvent être choisis en magasin. C’est notamment le cas des produits à cycle d’achat long ou des marques de distributeurs, qui communiquent peu, mais sont souvent bien mises en valeur en rayon. La visualisation du rayon permet également de mieux modéliser les achats d’impulsion (pour des catégories de produits comme les boissons, les brosses à dents, les rasoirs, la confiserie, etc.). Enfin, sur certains segments très encombrés, la visibilité du produit en rayon est un élément clé, difficile à évaluer si l’on ne présente pas le produit dans son environnement.
Pour tester un nouveau produit avec l’ensemble de ses caractéristiques, un magasin laboratoire virtuel (3D) peut offrir une alternative attractive au magasin laboratoire réel sur le plan opérationnel.
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Le magasin laboratoire virtuel reconstitue l’assortiment du magasin laboratoire réel dans un espace numérique avec un réalisme qui peut être remarquable. L’espace intérieur du magasin est reconstitué de manière réaliste (chariot, allées, gondoles et présentation des produits) et le produit est représenté par son packaging numérisé en 3D. Le déplacement dans le magasin virtuel s’effectue par des mouvements de la souris ou par l’utilisation des flèches sur le clavier. Un agrandissement du produit est obtenu par un clic de souris et le produit peut ensuite faire l’objet d’une rotation. Après s’être rapproché de la gondole à l’équivalent d’une longueur de bras, l’interviewé peut déposer le produit dans son chariot et effectuer un passage en caisse sans paiement. Desmet, Bordenave et Traynor49 préconisent que le choix d’un type de magasin laboratoire (virtuel ou réel) doit dépendre du niveau de développement de l’initiative marketing étudiée (comparaison de concepts ou validation d’un potentiel) et des résultats-clés attendus (attitude ou comportement). Leur recherche montre que les différences constatées sont plus ou moins importantes selon l’objet de la mesure (comportement, achat, attitude et perceptions). Pour des tests en amont du processus de développement, pour lesquels des mesures attitudinales sont nécessaires pour hiérarchiser des options peu connues des consommateurs, les deux méthodologies fournissent des résultats proches. Les avantages de coût et surtout de mise en œuvre conduisent alors à recommander le magasin laboratoire virtuel. En revanche pour le test d’initiatives produit plus avancées, pour lesquelles on recherche l’évaluation du taux d’achat dans un contexte plus réaliste pour la décision de poursuite du projet, ou pour le test d’opérations en magasin (merchandising, promotion), le magasin laboratoire réel doit être privilégié car il permet une mise en condition plus réaliste et une meilleure sollicitation des routines d’achat. Les différences observées dépendent aussi du rôle de l’expérience du consommateur dans le processus d’achat. L’univers virtuel semble peu adapté à l’étude des comportements d’achat des produits courants à forte fréquence d’achat, pour lesquels la fidélité et les habitudes d’achat jouent un rôle important. En effet, le rôle modérateur de l’achat habituel de la marque indique que le consommateur traite de manière moins extensive les informations en univers virtuel et fait plus
appel à sa mémoire. Au contraire le magasin laboratoire virtuel pourrait être mieux adapté aux catégories de produit d’achat occasionnel, pour lesquels le processus d’achat est plus analytique (médicaments, biens durables, produits onéreux, etc.).
FOCUS Les marchés-tests basés sur des magasins expérimentaux
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Certaines sociétés d’études comme PRS In Vivo-BVA ont mis en place un type légèrement différent de marché-test simulé concurrentiel, basé non sur la reconstitution d’un rayon mais sur un magasin expérimental permanent. PRS In Vivo possède ainsi de nombreux magasins dans le monde (Europe, Asie, US), dont sept en France, d’environ 250 m2. Chaque magasin est recréé par des « merchandisers » pour les besoins d’une étude particulière avec son ambiance sonore et lumineuse. Les consommateurs participant au test utilisent un chariot pour « faire leurs courses ». Selon la société d’étude, cet environnement permet de recréer les automatismes d’un véritable achat et ainsi de mieux tester les performances d’un packaging en termes de visibilité et d’arbitrage comportemental (l’objet et la catégorie testée sont inconnus au départ). Les différentes étapes de l’étude sont les suivantes :
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• les enquêteurs recrutent les personnes interviewées dans les environs du magasin expérimental ; en temps normal, le magasin est fermé au public ;
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• les personnes sont invitées à faire des achats dans cinq catégories du faux magasin, quatre catégories leurres et celle du nouveau produit à tester ;
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• les personnes sont observées (manipulations des produits, hésitations, sniff) et le temps passé à l’achat est chronométré ;
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• en sortant, la personne est soumise à des tests de « première impression » sur exposition courte au nouveau produit (eyetracking, compréhension immédiate). Un questionnaire sur son comportement d’achat est ensuite administré avec exposition attentive au nouveau produit, qui peut aussi être déposé pour un usage à domicile.
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Comme dans le cadre des autres marchés-tests simulés, les taux d’essai expérimentaux observés, combinés à un questionnaire post-utilisation, permettent d’établir des prévisions de ventes du nouveau produit.
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Pour éviter les « habitués », les magasins expérimentaux sont placés dans des zones de fort passage, comme des axes très fréquentés, ou des galeries commerciales et procèdent sans rémunération des répondants. Les consommateurs se prêtent volontiers au jeu pour le caractère ludique de l’expérience (ils ne reçoivent qu’un petit cadeau symbolique en remerciement).
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Source : BORDENAVE R., DGA Marketing Innovation, Groupe BVA.
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• Avantages et limites des marchés-tests simulés
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Afin d’évaluer et d’améliorer la qualité des prévisions, les MTS procèdent à des validations, c’est-à-dire à la confrontation des données prévues par le modèle avec les ventes réalisées lors du lancement réel. Dans le cas des
marchés-tests simulés monadiques, ces validations sont cruciales dans la mesure où elles permettent d’alimenter les bases de données pour le calcul des taux de conversion. Pour effectuer ces validations, il est nécessaire que les entreprises clientes livrent leurs chiffres de vente à leurs prestataires, ce qui n’est pas toujours le cas. En outre, les lancements réels sont parfois effectués dans des conditions très différentes de celles annoncées lors du test. Il est donc nécessaire, lorsque cela est possible, de refaire tourner le modèle avec les véritables conditions du lancement, avant de confronter prévisions et ventes effectives.
1. Performances des modèles
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Les différentes sociétés commercialisant des MTS annoncent des performances sensiblement équivalentes quant à la fiabilité des prévisions : la différence entre les prévisions et les ventes actuelles en volume seraient en moyenne d’environ 9 %, en plus ou en moins. À notre connaissance, Assessor est le seul modèle qui ait fait l’objet de publications académiques, détaillant les différentes équations du modèle. Cependant, ces publications sont aujourd’hui anciennes. Urban & Katz mentionnent une corrélation de 98 % (après ajustement des moyens marketing effectivement utilisés par la marque) entre la part de marché prédite et la part de marché observée, sur 44 cas dans trois catégories de produits50.
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Lorsqu’ils sont effectués après finalisation de produit, les MTS conduisent rarement à une remise en cause radicale du projet. Ils permettent cependant assez fréquemment une optimisation du marketing-mix et un dimensionnement adéquat des différents moyens marketing. Par exemple, Danone avait réalisé un test Bases II avant le lancement d’Actimel. Les résultats ont conduit à une modification du packaging envisagé pour la France : une dose plus petite permettait de renforcer le positionnement médical du produit et augmentait le potentiel commercial. Par la suite, une fois la crédibilité établie sur le marché français, le packaging a été modifié, notamment pour homogénéiser les packagings européens. Lorsqu’en 2010, Danone a été contraint de retirer sa demande de validation des produits Actimel et Activia auprès de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments, les ventes de ces produits ont chuté. Cet événement n’était évidemment pas prévisible.
Bases comme Designor contiennent un module permettant d’actualiser les prévisions de ventes en temps réel en fonction des décisions mises en œuvre lors du lancement effectif du produit, et pour Designor, des réactions des concurrents.
2. Les limites inhérentes à l’utilisation des modèles
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Si les performances techniques des marchés-tests simulés s’avèrent assez satisfaisantes en moyenne, le principal obstacle pour obtenir des prévisions de qualité réside aujourd’hui dans la manière dont les entreprises les utilisent. En effet, les MTS sont fréquemment appréhendés comme un outil de prise de décision de type GO/NO GO pour un projet de nouveau produit. Les décisionnaires se focalisent alors principalement sur la prévision de volume la première année. Cette manière de raisonner souffre de plusieurs faiblesses :
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– les responsables marketing, soucieux de faire aboutir leur projet de nouveaux produits, ont souvent tendance à faire des hypothèses trop optimistes sur les moyens marketing et leur efficacité. C’est notamment le cas sur le référencement en magasin ; – les prévisions ne sont pas toujours actualisées lorsque les hypothèses sur les moyens marketing utilisés (budget de communication, de référencement) ou sur le produit lui-même (conditionnement, packaging) sont modifiées. Il est par ailleurs assez fréquent que les moyens prévus initialement pour soutenir un nouveau produit lors de sa deuxième ou troisième année soient réaffectés à d’autres projets plus récents ; – plus globalement, les volumes de ventes prévus pour la deuxième et la troisième années sont peu pris en compte, or ils sont essentiels pour déterminer la rentabilité financière globale du projet, d’autant que les ventes de la troisième année sont fréquemment inférieures à celles de la deuxième année ; – la prise en compte des réactions concurrentielles est souvent absente. Or les concurrents sont rarement passifs lorsqu’une entreprise lance un nouveau produit/service. Ils peuvent faire des promotions sur leurs produits actuels, lancer une campagne de communication, repositionner leur produit existant, ou encore lancer un produit concurrent, parfois dans des délais très courts51. Si les entreprises sont conscientes de ces risques,
leurs conséquences sont rarement modélisées à l’aide des marchés-tests simulés, même si cela est possible techniquement. Un indicateur pertinent de la qualité des prévisions effectuées par les MTS est la précision totale, c’est-à-dire l’écart entre les prévisions effectuées par le modèle et les ventes réelles. Designor s’enorgueillit d’une précision de plus ou moins 8,9 % (écart entre prévision et réalité) sur 250 catégories de produits/services52. Mais selon Procter & Gamble53, l’écart en année 1 est en moyenne de plus ou moins 60 %, avec 60 % des prévisions correspondant à un écart de plus de 50 % à la hausse ou à la baisse. Or 50 % à 75 % de l’écart est expliqué par des différences dans les moyens marketing employés par rapport aux conditions du test.
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Une autre limite réside dans la difficulté à prévoir les ventes des produits totalement innovants, dans la mesure où les consommateurs ont des difficultés à anticiper un comportement très nouveau. Pour contourner cette difficulté, Designor interroge les consommateurs sur leur répertoire de solutions alternatives face à un problème donné, en définissant l’ensemble de ces solutions de manière très large. Par exemple, pour un MTS sur les premiers médicaments aidant les consommateurs à arrêter le tabac, les solutions alternatives envisagées pouvaient être le sport, la consommation de chocolat, de chewing-gum, l’acupuncture, la cigarette électronique, etc. 8893
3. Les critères de choix d’un MTS
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Le principal critère de choix d’un MTS par une entreprise cliente est de bénéficier d’une méthodologie standardisée et reconnue à l’international. En effet, les entreprises internationales de grande consommation lancent de plus en plus fréquemment des produits à l’échelle mondiale. Le deuxième critère est bien sûr la fiabilité, critère sur lequel les chiffres annoncés par les différentes sociétés diffèrent peu. La différence peut cependant exister sur les prévisions relatives aux deuxième et troisième années de vie du produit. Le troisième critère, qui semble en réalité le plus important et qui est de plus en plus valorisé par les équipes marketing, est la qualité du diagnostic, afin de comprendre les prévisions de ventes obtenues et de faire évoluer le plan de lancement. Enfin, la facilité à appréhender et à expliquer le modèle peut également jouer un rôle.
Même si leur origine et leur utilisation majoritaire se situent dans le secteur des biens de grande consommation, les marchés-tests simulés se développent dans les secteurs des biens durables, de la pharmacie, et des services.
EXEMPLE La société Ipsos Novaction & Vantis propose un modèle de choix entre plusieurs concepts et une simulation de volume de ventes au stade du concept. La société revendique des milliers de tests dans des catégories de produits aussi différentes que l’automobile, l’assurance, les services énergétiques, les télécommunications, le tourisme et les loisirs, les produits pharmaceutiques… Source : www.ipsos.com.
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En 2022, Harz, Hohenberg et Homburg54 ont développé une approche de prévision des ventes de biens durables avant lancement grâce à la réalité virtuelle. Les résultats de leur étude révèlent que la nouvelle approche produit des prévisions de prélancement très précises dans les deux études de terrain menées, comparées aux données de ventes réelles suivies après le lancement des produits. Ainsi, les erreurs de prédiction pour les ventes agrégées de la première année sont relativement faibles et vont, selon l’expérience, de 1,9 % à 20 %. De plus, l’erreur moyenne absolue en pourcentage pour les ventes mensuelles n’est que de 23 % dans les deux études. Par ailleurs, les résultats de l’étude révèlent que la réalité virtuelle favorise la cohérence comportementale entre la recherche d’informations, les préférences et le comportement d’achat des participants. Enfin, la réalité virtuelle améliore les perceptions des participants lorsque les descriptions sont précises, mais ne les améliore pas lorsqu’elles ne sont pas suffisamment claires.
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Même si les MTS s’avèrent très performants, leur limite essentielle, outre leur coût et leurs modalités d’utilisation, réside dans la capacité à prévoir les ventes pour des innovations de rupture. Qu’ils soient monadiques ou concurrentiels, en effet, leurs prévisions s’appuient sur l’interrogation des consommateurs, soit sur des normes passées, soit sur un univers concurrentiel tel que se le représentent les consommateurs actuellement. Les ventes d’une innovation radicale restent donc souvent difficiles à prévoir.
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Face au défi que constitue la prévision de la demande pour une innovation de rupture, von Pechmann, Chamaret, Parguel et Midler55 ont proposé un modèle de prévision spatial original, USIDDI (User-centric SImulation for the Deployment of Disruptive Innovations), fondé sur l’étude de la compatibilité de chaque individu avec l’innovation. Leur recherche s’appuie sur le marché du véhicule électrique et teste empiriquement leur modèle en incluant une composante géographique et une hétérogénéité entre les consommateurs. Des recommandations à destination des industriels et des décideurs publics pour accélérer le déploiement des innovations de rupture sont formulées par les auteurs. Le modèle USIDDI vient en complément des modèles de prévision de type Bass.
3 • LES MARCHÉS-TESTS FONDÉS SUR DES PANELS Une autre méthode permettant d’anticiper les ventes d’un nouveau produit consiste à le commercialiser dans une ville représentative du marché visé en collaboration avec une société de panel qui recueillera des données de vente détaillées.
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Toutes nos innovations sont le fruit du travail de la centaine d’artisans pâtissiers d’Alba, en Italie, le siège historique de Ferrero. Et nous les testons, avant de les mettre sur le marché, auprès de panels situés notamment au Mans, à Angers et à Poitiers. Pour Nutella Biscuits, il fallait notamment arriver à réaliser un sablé croustillant de taille parfaitement constante pour s’assurer que le Nutella logé à l’intérieur ne s’oxyde pas au contact de l’air. Les deux parties du biscuit sont scellées avec du chocolat. Ferrero est le premier à avoir réussi cette prouesse, bien sûr brevetée. Pour Kinder Cards, notre dernier bébé composé de deux gaufrettes soudées à l’eau et nappées de crème, nous sommes parvenus à une finesse de biscuit jamais atteinte.
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Interview de SANTOUL J.-B., PDG Ferrero France, Capital, 2020.
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Jusqu’en 2011, deux sociétés commercialisaient ce type de marchés-tests en France : Scannel, lancé par Secodip et intégré ensuite à Kantar TNS Worldpanel (pour les villes de Chateau Thierry, Sens et Brive La Gaillarde) et MarketingScan, filiale commune de GfK et Médiamétrie Expansion (qui exploitaient le marché-test BehaviorScan à Angers, au Mans, et à Poitiers). En avril 2011, MarketingScan intègre Scannel pour augmenter le nombre de villes-tests et améliorer ainsi la qualité des prévisions. Désormais, MarketingScan est présent dans trois villes, Le Mans, Angers et Poitiers, avec trois enseignes : Cora, Auchan et U. Au total, MarketingScan compte 16 000 foyers panélistes, 16 millions de cartes de fidélité et 600 000 habitants couverts.
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• Principes et avantages
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Des équivalents existent aux États-Unis et dans les autres pays d’Europe Occidentale.
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On lance le nouveau produit dans la ville-test en suivant le plan de lancement national envisagé. Une publicité locale peut se faire par
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affichage, mais également par la presse, la radio, le cinéma (via un accord avec un multiplex local pour Angers, par exemple). Dans certaines villes, un décrochage par satellite permet également d’intégrer une publicité télévisée sur une chaîne hertzienne : alors que l’ensemble des téléspectateurs français verra un spot pour une marque A, tous ou une partie des habitants de la ville-test verront un spot qui concerne le produit en cours de test (avec l’accord de la marque A, non concurrente du produit en test). Des promotions en magasins et hors magasins ainsi que des opérations de marketing direct peuvent également être réalisées. On analyse ensuite les ventes obtenues pour le produit et pour ses concurrents. On étudie également le profil des acheteurs et les transferts de part de marché de manière à faire des projections sur les résultats d’un éventuel lancement national.
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Les villes susceptibles d’accueillir les marchés-tests sont choisies sur deux critères :
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– leur caractère représentatif du marché national, en termes de consommation et de profil socio-démographique ; – leur caractère « hermétique » : il s’agit d’identifier de manière exhaustive les grandes et moyennes surfaces dans lesquelles les habitants de ces villes font leurs achats, tout en étant certains, dans la mesure du possible, que ces GMS n’attirent pas les habitants d’autres grandes villes de la région. Selon Florence Bruetschy, Spe Unit Manager France Ferrero, le groupe Ferrero a toujours beaucoup mis en œuvre ce type de marché-test car il est selon elle « un moyen de garantir une prédiction proche de la réalité grâce aux zones hermétiques, représentatives du national via les panels foyers et sur lesquelles il est possible d’activer un vrai plan de soutien (média, promo) proche des conditions d’un lancement national ». En effet, un des éléments clés de la méthode est le recueil exhaustif des achats de la zone dans la catégorie de produits. L’entreprise conclut donc un accord de partenariat avec l’ensemble des GMS locales (hors hard discount, soit un taux de couverture de plus de 90 %) pour qu’elles acceptent de référencer le produit en respectant les conditions de commercialisation demandées (prix, promotions, rattachement à un rayon donné, etc.). Les données de ventes exhaustives sur la zone, associées aux conditions de vente (prix
payé, existence d’une promotion, etc.), sont ensuite transmises par voie scannerisée à la société organisatrice du marché-test.
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En parallèle à ces données de panel distributeurs, existe dans chaque villetest un panel consommateurs : les achats de quelques milliers de foyers sont suivis à l’aide d’une carte qu’ils présentent à chaque passage aux caisses des magasins de la ville. Sélectionné selon la méthode des quotas, ce panel consommateurs est essentiel car il permet de connaître le profil des acheteurs du nouveau produit et d’analyser comment leur comportement d’achat évolue dans le temps (marques remplacées par le nouveau produit, degré de fidélité et fréquence des achats, réactivité aux promotions et au marketing direct…). Des informations sur les comportements d’achat sont recueillies plusieurs semaines avant le début du test de manière à établir des comparaisons avant/après le lancement. Ainsi, dans la ville-test de Poitiers (90 000 habitants environ) BehaviorScan s’appuie sur un panel de consommateurs de 3 000 foyers. Les achats de 110 000 cartes de fidélité sont observés. Les ventes de huit magasins sont analysées, ce qui représente environ 100 000 tickets par semaine.
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Le focus qui suit explicite l’intérêt du marché-test en conditions réelles.
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Pourquoi le marché-test en conditions réelles à partir d’un panel de consommateurs est-il efficace pour évaluer le potentiel d’un nouveau produit ?
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La pertinence du marché-test en conditions réelles pour tester le potentiel d’un nouveau produit tient précisément au fait qu’il teste la « vraie vie » à partir d’un panel de consommateurs. Ce dernier offre en effet une lecture des comportements d’achat à différents niveaux. La première, le taux de réachat, est la variable clé dans la prédiction du succès d’un nouveau produit. Au-delà du taux de pénétration, il permet en effet d’évaluer la viabilité du nouveau produit à moyen terme. La seconde donnée est la mesure de la cannibalisation entre le nouveau produit et les produits existants pour l’industriel ou, à l’inverse, la mesure de l’apport du nouveau produit à la catégorie pour l’enseigne. Ces deux données permettent de construire des modèles de projection et de simuler le potentiel de ventes du nouveau produit au-delà de la durée d’un test en année 1 et en année 2. Ensuite, à un second niveau, le potentiel de ventes identifié est décomposé en fonction de la pénétration relative du produit, de son taux de réachat et de l’intensité de sa consommation parmi les clients recrutés (ces clients ont-ils acheté fréquemment le produit ? L’ont-ils acheté en grandes quantités à chaque acte d’achat ?). Enfin, à un troisième niveau d’analyse, l’identification de la clientèle du nouveau produit en termes de profil sociodémographique (CSP, âge, nombre de
personnes au foyer, présence d’enfants…) ou d’habitudes média fournit des informations qui seront primordiales pour optimiser le plan marketing de lancement du nouveau produit. Source : Adapté de l’entretien avec BATTAIS L., « Le marché-test en conditions réelles, portées et limites pour l’étude du lancement de nouveaux produits », Décisions Marketing, no 47, 2007.
Ces doubles données issues des panels distributeurs et consommateurs permettent d’élaborer des prévisions de vente et de part de marché pour un lancement national à partir des chiffres obtenus sur le taux de pénétration du produit et les taux de réachat.
EXEMPLE
Source : www.marketingscan.fr.
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Le marché-test de MarketingScan réalisé pour le lancement de Philadelphia en France a permis de reconsidérer les choix du mix marketing et le plan de lancement du produit. Ainsi, le responsable marketing de Philadelphia en France explique : « Les résultats nous ont amenés à nous interroger sur l’efficacité de nos campagnes TV et à optimiser par la suite la copy. De plus, nous avons également adapté notre stratégie promotionnelle, en sachant désormais la façon la plus efficace d’investir sur ce levier. Enfin, les consommateurs angevins ont eu la possibilité durant six mois d’acheter Philadelphia et de racheter la marque. Seul le marché-test pouvait nous apporter cet enseignement clef du réachat de Philadelphia. Cela nous donne des pistes d’action et de stratégie pour le futur. In fine, nous sommes désormais confiants sur le plan de lancement mis en place au national et le potentiel à terme de Philadelphia en France. »
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On peut également identifier le profil des foyers acheteurs et le comparer avec la cible visée initialement. L’étude des quantités achetées par chaque foyer aide à analyser les volumes consommés, la fréquence des achats et le degré de fidélité. Le suivi des achats dans le temps permet d’identifier les concurrents directs du nouveau produit et la manière dont ils résistent au lancement, ainsi que d’identifier les risques de cannibalisation des autres produits de l’entreprise.
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Ces données permettent également de comparer différentes options envisagées pour le plan de lancement, et ce de plusieurs manières. On peut adopter un plan de lancement distinct dans deux ou trois villes et comparer les résultats obtenus. On peut également scinder le panel consommateurs entre des groupes-tests qui percevraient certaines campagnes de publicité et certaines opérations de marketing direct, et un groupe de contrôle qui ne verrait pas ces actions-là. On peut également modifier les prix, les promotions ou les rayons de référencement selon les
magasins (voir par exemple le marché-test réalisé sur Swiffer dans le cas suivant). Enfin, on peut associer le marché-test à des études ad hoc sur la notoriété ou l’image du produit, ou encore sur la satisfaction générée par son utilisation, de façon à compléter la vision qui émane des relevés de ventes. On pourra ainsi comprendre les résultats obtenus et dégager des pistes d’amélioration. En définitive, les principaux avantages de cette méthode sont les suivants :
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– leur caractère réaliste, fondé sur le fait que l’on travaille sur des données de vente réelles réalisées dans un contexte proche du lancement, sans que les consommateurs ne soient conscients qu’ils participent à un test ; – la robustesse des résultats obtenus qui permet souvent de réaliser des prévisions de vente très fiables ; – une analyse détaillée des processus de réachat du produit semaine après semaine, qui est plus approfondie que dans les marchés-tests simulés (où un seul réachat est éventuellement possible) ; – l’analyse détaillée des profils d’acheteurs et de la nature de la concurrence ; – la possibilité de communiquer ces résultats lors du lancement effectif, notamment auprès des distributeurs pour les convaincre du potentiel commercial de la nouvelle offre et de l’intérêt de la référencer dans leurs magasins ; – la possibilité de tester quelques variations dans le plan de lancement, même si leur nombre est inférieur aux marchés-tests simulés ; – la possibilité de tester des moyens promotionnels innovants.
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Le lancement de Sunny Delight, boisson à l’orange commercialisée par Procter & Gamble, a été accompagné en Angleterre de la distribution d’échantillons de la taille réelle des bouteilles, ainsi que d’une offre de remboursement sur le premier achat, ce qui était inédit dans la société. L’efficacité de cette promotion avait été sous-estimée lors des marchés-tests simulés.
Le marché-test réalisé sur Swiffer Lorsque Procter & Gamble a décidé de commercialiser sa nouvelle lingette dépoussiérante Swiffer en France, la société a choisi de réaliser au préalable un marché-test. Cette décision répondait à plusieurs objectifs : • prévoir les ventes, la pénétration, les taux de réachat et la fréquence d’achat pour un produit aussi innovant que l’étaient à l’époque une lingette associée à un balai. En effet, les lingettes n’existaient pas encore en dehors du marché des changes pour bébés. De plus, le kit de démarrage coûtait environ 15 euros dans un rayon où la moyenne des prix allait de 1 à 3 euros ; • choisir dans quel rayon implanter le produit : nettoyants ménagers aux côtés de Mr Propre et Ajax ou bazar avec les balais ; • évaluer l’impact du marketing direct et de la promotion ;
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• connaître les profils des acheteurs de Swiffer et leurs habitudes antérieures d’achat en matière de nettoyants ménagers.
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La société a donc eu recours à la zone-test de la ville de Sens pour une commercialisation locale d’une durée d’un an. Les trois formats du produit furent mis en place sur les cinq GMS de la zone au rayon des nettoyants ménagers, sauf dans un hypermarché où ils furent référencés dans les deux rayons envisagés puis uniquement au rayon bazar. Pendant les huit premiers mois, le produit fit l’objet d’une campagne publicitaire intense sur TF1. Le lancement intégra également de nombreuses promotions en magasin : têtes de gondole, démonstrations, affichettes « stop-rayon » et publicité sur le lieu de vente. 14 % des foyers furent soumis à une opération de marketing direct et cet échantillon fut scindé en trois groupes faisant l’objet d’une opération différente (bon de réduction de deux montants différents ou distribution d’échantillons).
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À l’issue du test, les résultats portèrent sur les points suivants :
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• les performances de Swiffer globalement et pour chaque format en termes de ventes et de parts de marché et en établissant une distinction entre essai et réachat ; on identifia ainsi que de nombreux consommateurs achetaient les lingettes sans avoir au préalable acquis le starter-kit contenant le balai, mais leur consommation de lingettes s’avérait par la suite plus faible ; on compara également les taux de réachat avec ceux des grandes marques de nettoyants ménagers existant de longue date ;
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• l’identification du meilleur lieu d’implantation en magasin : le rayon nettoyant ménager étant plus fréquenté que le rayon bazar ;
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• l’identification de l’univers concurrentiel de Swiffer, difficile à établir a priori pour un produit aussi novateur, en observant les comportements de substitution et les parts de marché ;
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• l’analyse du profil socio-démographique des acheteurs du produit, la comparaison avec les acheteurs de nettoyants ménagers et de sprays dépoussiérants et l’étude de leur comportement d’achat dans la catégorie de produits ;
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• l’analyse de l’impact du marketing direct en termes de recrutement, de fidélisation et de rentabilité et l’identification de l’opération la plus rentable parmi les trois testées.
À l’issue de ce test, le lancement national put avoir lieu. La catégorie « nettoyage facile » représentait alors un tiers du marché des nettoyants ménagers, et Swiffer possédait 45 % de cette catégorie. Source : P&G France.
• Limites et inconvénients des marchés-tests fondés sur des panels La méthode des marchés-tests fondés sur des panels se heurte à un certain nombre d’inconvénients, inverses de ceux des MTS :
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– son coût élevé de 40 à 200 K€ ; – le délai nécessaire à la mise en œuvre du test, en général de l’ordre de 6 à 12 mois, rarement moins de trois mois ; – l’absence de confidentialité, puisque les zones de test utilisées sont connues de tous les fabricants de grande consommation qui peuvent acheter le produit en cours de test et observer les modalités envisagées pour son lancement ; – la stabilité artificielle de l’environnement puisque l’on ne permet pas aux fabricants des produits concurrents de modifier leur prix ou leurs actions marketing en réaction au lancement : si cette stabilité garantit la fiabilité du test, elle est artificielle dans le sens où, lorsque le lancement à grande échelle survient, les concurrents ont le loisir d’adopter des mesures réactives pour contrer l’arrivée de ce nouveau produit ; – l’absence de réalisme sur les conditions du référencement. L’offre en test est référencée dans l’ensemble des GMS partenaires de la zone, alors qu’un lancement réel se fait rarement avec une distribution dans 100 % des points de vente. Cette remarque est d’autant plus vraie dans un contexte de référencement potentiellement multicanal. En outre, du fait du partenariat conclu avec les distributeurs locaux, le produit est commercialisé dans les conditions souhaitées par le fabricant en termes de prix, de mise en place en magasin, de promotions, ce qui n’est pas toujours le cas lors d’un lancement réel. Cependant, les chiffres de ventes obtenus lors du marché-test sont ensuite retravaillés pour tenir compte de ces variables et établir des prévisions selon différents scénarii
relatifs au référencement et aux conditions commerciales adoptées par les magasins physiques et virtuels. Notons enfin que ce type de test n’est pas forcément pertinent si l’entreprise doute encore de vouloir lancer le produit : dans la mesure où la mise en œuvre du marché-test exige de fabriquer des volumes importants sur une période étendue, il s’agit davantage ici d’optimiser les conditions du lancement que de véritablement aider à la décision de lancer ou de ne pas lancer… sauf bien entendu si les résultats sont catastrophiques. Ce type d’étude peut également être utile pour savoir s’il intéressant de lancer un produit déjà existant sur un nouveau pays.
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En 2022, Nestlé a prévu de lancer largement Vuna, un substitut végétal au thon. « Il s’agit d’un produit disruptif », déclare Arthur Duquesne De La Vinelle, directeur commercial de Garden Gourmet, la marque végétale de Nestlé. « Nous avons testé Vuna à petite échelle dans des magasins en Italie et en Suisse l’année dernière : les chiffres de vente et les achats répétés étaient très prometteurs. C’est pourquoi nous déployons maintenant ce produit dans d’autres pays européens, en commençant par le Benelux et l’Allemagne. » Environ 40 % de la population mondiale se considère aujourd’hui comme végétalienne, végétarienne ou flexitarienne, selon Nestlé. Le segment des alternatives au poisson est encore peu développé à l’heure actuelle : à peine 1 % de la catégorie végétale. Le potentiel est grand : le thon en conserve est un marché considérable, qui représente un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros en Belgique. À titre comparatif : la catégorie végétale dans son ensemble représente 50 millions d’euros.
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Les tests à venir dans des magasins situés en France montreront si Nestlé a intérêt à commercialiser Vuna sur ce territoire réputé pour son attachement à la gastronomie et dont les consommateurs se méfient des produits très transformés.
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Source : ROMPAEY S. (VON), « Nestlé lance le substitut de thon Vuna : “Nous travaillons sur la technologie alimentaire de demain” », retaildetail.be, 2022.
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Dernier inconvénient, cette méthode est réservée aux produits vendus dans les grandes surfaces. Elle ne s’applique donc pas à d’autres circuits de commercialisation (parfumerie, pharmacie, magasins spécialisés, ventes en ligne, ventes à domicile), a fortiori pas aux services et aux activités business-to-business. Ces secteurs-là peuvent alors avoir recours, s’ils veulent réaliser un marché-test, à un lancement réel sur une zone restreinte.
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4 • LE LANCEMENT SUR UNE ZONE LIMITÉE
Le lancement à petite échelle, dans un « pays pilote » ou sur une zone géographique limitée, s’apparente souvent à un marché-test. En fonction des ventes obtenues, l’entreprise décide ou non de procéder à un lancement élargi à d’autres pays ou d’autres continents. Les résultats obtenus lui permettent également de prévoir les ventes et donc les volumes à fabriquer. Lorsque le produit concerné est extrêmement innovant, ce premier lancement vise souvent à tester une première version du produit afin de recueillir les réactions des clients potentiels et de concevoir ensuite une version améliorée commercialisée à plus grande échelle56. En grande consommation, ce type de marché-test, appelé également marché-témoin, existe également. 229
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Pour développer une offre de service dans le covoiturage, Waze a d’abord testé son projet WazeCarPool dans cinq États américains, puis en Israël, avant de le lancer dans l’ensemble des États-Unis en 2018.
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Dans le secteur des produits lactés, Danone a lancé Actimel d’abord en Belgique avant de décider un lancement dans d’autres pays d’Europe.
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Cette pratique existe également dans d’autres secteurs, avec des variantes. Dans la distribution et les services, l’ouverture d’un magasin pilote fait souvent office de test avant l’élargissement du concept à d’autres points de vente, pour la création d’une nouvelle chaîne par exemple. Ainsi, Undiz a inauguré à Toulouse, en janvier 2015, un magasin-test qui devait permettre à l’enseigne de sous-vêtements du groupe Etam de vérifier sa pertinence sur une toute petite surface. En 2014, Auchan a lancé le magasin Prixbas de Mulhouse, un essai d’hypermarché discount. Le groupe a arrêté le test en février 2015 et decidé de céder le magasin sous enseigne Auchan à son franchisé Schiever. Cette expérience a inspiré les rayons orange « self discount » d’Auchan, qui sont une réussite, générant plus de 2 % des ventes des mastodontes de l’enseigne.
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On peut également commercialiser une version pilote d’un produit pendant une durée très courte, mais sur l’ensemble du marché géographique envisagé.
EXEMPLE Alors que l’innovation compte pour 20 % de la croissance du rayon bières, les innovations des Brasseries Kronenbourg contribuent pour 54 % à cette croissance. Lancée en France au printemps 2014 et diffusée dans toutes les enseignes sauf Monoprix, la bière fruitée K by Kronenbourg – aux fruits rouges et au citron-citron vert – a réussi le test des six premiers mois de commercialisation : il se sera vendu 43 000 hectolitres de K by Kronenbourg jusqu’à fin 2014, soit 13 000 hectolitres de plus que les objectifs de départ. K affichait un taux de réachat de 34 %, ce qui est important sur cette catégorie de produits. Cette nouvelle bière a réussi à capter 600 000 foyers acheteurs et atteint une part de marché de 0,4 % en volume sur le total bière (source : Iri, CAD au 20 octobre 2014). Un autre indicateur était encourageant puisque les ventes étaient 100 % incrémentales à la catégorie des bières tendance. Autrement dit, les ventes de K by Kronenbourg ne cannibalisent pas les autres produits de la marque. Source : LEBOULENGER S., « K by Kronenbourg, première innovation du rayon bière en 2014 », LSA, 2014.
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De même, dans la presse par exemple, on commercialise souvent un numéro zéro pour analyser la réaction du marché.
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Ces procédures se caractérisent par leur réalisme puisqu’il s’agit d’un véritable lancement. Elles présentent en outre le grand avantage d’être accessibles à divers secteurs d’activité, à l’inverse des autres méthodes évoquées dans ce chapitre dont l’application, comme nous l’avons déjà mentionné, se cantonne souvent à la grande consommation. Elles peuvent également être le fait d’entreprises de taille moyenne. Elles se heurtent toutefois à de nombreuses limites :
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– la longue durée nécessaire pour que les prévisions de ventes intègrent à la fois l’essai du produit et le réachat si le produit se prête à des achats fréquents, durée qui retarde d’autant le lancement du produit à grande échelle ; – un coût extrêmement élevé ; – le caractère souvent peu représentatif de la zone sur laquelle le test est opéré. Depuis 2018, la livre libanaise a perdu 95 % de sa valeur, le prix des produits de première nécessité a été multiplié par 10 et 80 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Jusqu’en 2019, de nombreux produits étaient testés au Liban avant un lancement plus général au Moyen-Orient, mais déjà à cette époque, pouvait-on considérer le Liban comme représentatif du Moyen-Orient ? – la nécessité de fabriquer le produit à grande échelle pour le lancer, ce qui implique d’avoir déjà équipé les usines de fabrication du produit.
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D’aucuns considèrent que cette procédure est inadaptée lorsque l’on hésite encore à lancer le nouveau produit ; – l’information des concurrents qui souvent observent qu’un nouveau produit est en cours de test, l’achètent, le démontent, et éventuellement le copient ; – l’absence de contrôle sur l’environnement marketing qui peut amener certains concurrents à casser leurs prix ou à multiplier les promotions de manière à réduire le succès du produit en test et à dissuader son fabricant de le lancer à grande échelle, et ce même si le concurrent n’a souvent pas les moyens d’appliquer sur le long cours de telles opérations de dissuasion.
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L’ESSENTIEL
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• La prévision des ventes d’une offre innovante s’avère un exercice indispensable pour les entreprises, afin d’anticiper les recettes et programmer la production ou la mise en place, mais est extrêmement délicate. Elle est d’autant plus périlleuse que l’offre est fortement innovante, et inaugure un nouveau marché, pour lequel il existe peu de références. • Si un certain nombre de méthodes éprouvées existent pour des produits de grande consommation, dans des catégories de produits existantes, il convient d’être créatif et réactif dans le domaine des biens durables ou les services. En effet, il faut être créatif pour inventer de nouvelles méthodes en fonction de l’innovation. Et il est nécessaire d’être réactif pour faire évoluer les prévisions en fonction des données disponibles, tant sur la conjoncture, que les intentions d’achat des consommateurs ou les actions des concurrents. • Quelle(s) que soi(en)t la ou les méthode(s) employée(s), celle(s)-ci peu(ven)t permettre d’affiner les prévisions de production, de vente, et d’optimiser le marketing-mix du nouveau produit. • Cette étape franchie, on pourra procéder au lancement effectif, dont les modalités et les stratégies sont présentées dans le chapitre suivant.
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CHAPITRE 7 LANCER L’INNOVATION SUR LE MARCHÉ OBJECTIFS
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→ Lorsque le produit est conçu et que les différentes décisions relatives au marketing-mix sont prises, l’entreprise peut préparer le lancement. Cette étape revêt une importance considérable. De nombreux échecs commerciaux sont dus à un lancement mal orchestré ou insuffisamment porté par la communication. En marketing, un produit a rarement une seconde chance : si le lancement est raté, les concurrents s’engouffrent dans la brèche, l’entreprise perd en crédibilité auprès de ses distributeurs et de ses clients. Ceci est d’autant plus vrai que les budgets de lancement sont souvent importants, même s’ils varient selon la taille de l’entreprise, la taille de la cible visée, les objectifs de vente, et l’intensité concurrentielle du marché. Dans tous les cas, il est crucial d’optimiser l’utilisation de ces sommes. → Nous examinerons tout d’abord dans ce chapitre les différentes tactiques de lancement possibles, et les choix à opérer en fonction de la nature et du degré d’innovation de l’offre. → Nous passerons ensuite en revue les différentes étapes, et la façon optimale de les planifier. Une question centrale est celle du recours ou non à une stratégie de préannonce. Les déterminants du choix et les modalités possibles seront examinés. → Dans un troisième temps, la question de la promotion de l’offre innovante sera abordée. Ceci recouvre la partie logistique, la mise en place en magasin, ou la prestation effective dans le cas d’un service. Une autre
étape essentielle est celle de l’information des clients potentiels, via la stratégie de communication. → Lorsque le lancement proprement dit est effectué, une étape qu’il convient de ne pas sacrifier est celle du contrôle, afin de s’assurer que les bons moyens ont été mis en œuvre et de mettre éventuellement en place des actions correctrices. → Enfin, nous nous intéresserons au cas spécifique d’un lancement international, voire mondial.
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1 • LES DIFFÉRENTES TACTIQUES DE LANCEMENT
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Le lancement se définit classiquement comme le démarrage de la commercialisation d’une nouvelle offre. Comme on le verra, la communication peut fréquemment précéder cette commercialisation. Il peut également arriver que l’on puisse réserver le produit ou le service pour plus tard. Le lancement précède alors la mise à disposition matérielle de l’offre. Les différentes actions envisagées pour le lancement dépendent de la situation financière de l’entreprise, du rôle joué par la nouvelle offre dans la stratégie de celle-ci, de son degré d’innovation, et de la situation concurrentielle.
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La tactique de lancement peut avoir un impact sur la survie même du produit sur le marché. Ainsi, une recherche1 menée sur la survie après un an de services de téléphonie mobile à valeur ajoutée montre l’impact de deux décisions tactiques relatives au lancement, à savoir l’ampleur du lancement (mesuré par le montant de l’investissement en communication), et le partenariat avec des organisations externes. L’impact de la communication publicitaire est significatif et positif dans tous les contextes, et l’implication de partenaires externes s’avère particulièrement efficace pour la survie à un an de services avec un fort degré d’innovation. Nous nous intéresserons, pour définir la tactique de lancement, à ces deux variables :
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– le rôle de l’écosystème associé au produit ou au service ; – l’intensité du lancement.
• L’écosystème du lancement Le lancement d’une innovation ne concerne pas seulement l’entreprise qui la commercialise. Il a également une incidence sur l’ensemble de l’écosystème associé. Ainsi, pour qu’une console de jeux vidéo réussisse à séduire des clients, il faut que les éditeurs de jeux aient, en amont, conçu et préparé des jeux vidéo compatibles avec la console et susceptibles de valoriser ses nouvelles fonctionnalités. Pour commercialiser la voiture électrique, il faut prévoir des lieux de recharge des batteries. Pour commercialiser un nouveau système informatique à destination des entreprises, il faut informer et convaincre les consultants en informatique qui pourront prescrire ou au contraire décourager le changement de système.
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L’écosystème comprend l’ensemble des acteurs qui participent à la commercialisation de l’innovation (distributeurs, entreprises de logistique), à sa communication (prescripteurs, leaders d’opinion) ainsi que les fabricants de produits et prestataires de services complémentaires. Pour que le lancement soit un succès, il faut qu’ils soient tous convaincus de son intérêt et se mobilisent, ce qui implique souvent des incitations financières conséquentes pour chaque type de partenaire. Ainsi, le modèle économique de l’innovation doit prévoir que les fabricants de produits complémentaires enregistreront des ventes et des niveaux de rentabilité suffisants sur leurs propres produits.
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Lancé en 2008, l’App Store est un marché d’applications qui réunit près de deux millions d’applications et reçoit chaque semaine la visite d’un demi-milliard de personnes issues de 175 pays. En 2019, l’écosystème de l’App Store a généré 519 milliards de dollars de facturation. Les partenaires bénéficiant des revenus les plus élevés sont les applications de commerce mobile (« m-commerce »), comme Leroy Merlin ou La Redoute, celles de biens et de services numériques, comme Uber, Just Eat ou Mario Kart Tour, ainsi que les applications avec de la publicité intégrée telles que Twitter, Pinterest ou Le Monde. 85 % de ces facturations reviennent uniquement aux développeurs tiers et aux entreprises partenaires2.
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• L’intensité du lancement et les moyens d’action
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Les moyens utilisés lors du lancement d’une innovation peuvent être classés selon les quatre rubriques classiques du marketing-mix : le produit, le prix,
la communication et la distribution.
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– Les décisions relatives à la politique de produit incluent la définition de la largeur de la gamme et du nombre de références. – En ce qui concerne le prix, l’entreprise peut choisir entre deux grands types de stratégie : un prix de pénétration ou d’écrémage. Dans le premier cas, le prix de lancement est relativement bas et vise à maximiser les ventes. Dans le second cas, il est élevé et s’accompagne de marges importantes ; il pourra ensuite diminuer au cours du cycle de vie du produit. – Les choix en termes de politique de communication concernent le montant du budget, la taille et la nature de la cible visée, la pression publi-promotionnelle exercée sur cette cible, le choix de la date de lancement, et l’utilisation du mix des communications. – Enfin, en termes de distribution, il s’agit de choisir entre l’utilisation des canaux de distribution traditionnels de la catégorie de produits (ou des catégories proches) ou une solution nouvelle. On peut alors créer ou utiliser des points de vente exclusifs, voire créer un nouveau canal de distribution, ou encore utiliser de manière originale un canal de distribution existant. Lorsque l’innovation crée une nouvelle catégorie de produit, il faut décider dans quel rayon l’implanter. Enfin, au sein de chaque canal de distribution, il faut déterminer si l’on opte pour une distribution sélective, en choisissant quelques points de vente particuliers, ou intensive, en essayant de faire référencer le produit dans le plus grand nombre de points de vente possible, physiques ou virtuels.
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Ces différentes décisions doivent être en cohérence avec le positionnement global du nouveau produit, mais également avec son rôle dans la stratégie de l’entreprise.
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On peut schématiquement adopter deux grands types de stratégies de lancement d’un nouveau produit, selon l’ampleur des moyens mis en œuvre au moment du lancement : le lancement de masse et la montée en charge progressive.
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Si on opte pour le lancement de masse, il s’agit de créer l’événement autour de l’innovation. On concentre donc les dépenses publipromotionnelles au moment du lancement. On peut choisir de fixer un prix
délibérément bas pour maximiser la vitesse de pénétration du nouveau produit, et favoriser le décollage des ventes. Cette stratégie est adaptée lorsque l’entreprise choisit d’investir fortement sur le nouveau produit sans attendre les résultats de vente, et souhaite établir des barrières à l’entrée face aux concurrents, dont l’arrivée est supposée imminente. L’exemple du lancement de la console de jeu PS5 illustre les différents choix tactiques d’un lancement de masse et les risques inhérents.
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La tactique de lancement de la PS5 de Sony
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La Playstation 5 a été lancée mondialement le 12 novembre 2020. Le positionnement prix de la console de Sony est identique à celui de la Xbox de Microsoft, avec un prix de 499,99 euros. La campagne de communication a été fortement axée sur le recours aux réseaux sociaux et à l’événementiel, malgré la période de confinement liée à la Covid19. Au Japon, Sony a privatisé le temple Kanda-Myôjin de Tokyo pour organiser un son et lumière aux couleurs de la marque. Au Royaume-Uni, il a monté un partenariat avec le métro londonien. À Paris, la façade de l’Olympia a été illuminée d’une publicité dédiée à la PS5.
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Conscient de la difficulté d’approvisionner l’ensemble du marché européen et américain, notamment à l’approche des fêtes de Noël, Sony a organisé un système de précommandes, qui a très bien fonctionné, puisqu’avant même le lancement des ruptures de stock ont été enregistrées. Les acheteurs qui n’avaient pas précommandé ont dû attendre février, voire mars pour se voir livrés.
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Au total, malgré la pénurie de composants liée à la pandémie, cette tactique de lancement semble avoir porté ses fruits, puisque Sony a vendu plus de 10 millions de consoles en sept mois et a connu une croissance à deux chiffres en termes d’engagement des joueurs par rapport à la PS4, calculé en référence au nombre d’utilisateurs mensuels et au temps de jeu.
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En définitive, Sony surclasse largement son concurrent avec 15 millions de PS5 vendues un an après son lancement, contre quelque 7,5 millions pour la Xbox Series.
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Sources : www.lesechos.fr, 8 octobre 2021 ; 28 juillet 2021.
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En outre, de nombreuses actions peuvent être menées avant même la disponibilité du produit en magasin pour accélérer ultérieurement le décollage des ventes. La phase d’introduction peut en effet être longue et coûteuse. Le décollage des ventes du four à micro-ondes ou du
magnétoscope, par exemple3, a mis plus de dix ans. Les actions les plus à même de favoriser une accélération du décollage des ventes sont :
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– la compatibilité avec les produits antérieurs, qui rassure les clients, en réduisant leurs coûts de changement ; – le choix d’un standard ouvert : certaines entreprises font le choix d’accorder des licences technologiques permettant aux concurrents de commercialiser leur technologie, avec l’idée que cela rassure le marché et accroît le marché global de l’innovation. Ils préfèrent partager avec leurs concurrents un marché plus large que d’essayer de convaincre seuls le marché de la pertinence de leur technologie ; – l’annonce préalable de l’innovation permet de préparer le marché, de construire sa notoriété, d’anticiper les processus de décision des clients, et donc d’accélérer les ventes. Cette stratégie est étudiée en détail dans la suite de ce chapitre.
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Le lancement de masse est un choix risqué. En effet, il nécessite une très bonne prévision des ventes, pour éviter le double risque des invendus et des surstocks. Or, le chapitre précédent a montré que ces prévisions pouvaient être difficiles à établir, et ce d’autant plus que le degré d’innovation est important4.
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Le deuxième type de stratégies de lancement d’un nouveau produit est la montée en charge progressive : il s’agit alors de répartir les moyens de communication sur une période assez longue, et de chercher à faire progresser de façon parallèle la production et les dépenses de communication. Le prix fixé est généralement assez élevé au départ, quitte à baisser par la suite. Le tableau 7.1 présente les caractéristiques des deux tactiques de lancement et les conditions dans lesquelles elles sont les plus adaptées.
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Tableau 7.1 – Les caractéristiques des deux principales tactiques de lancement
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Cette tactique, que l’on peut également qualifiée de « lancement souple »5, lorsqu’elle est utilisée avec un timing judicieux, est celle qui favorise le plus la performance financière du nouveau produit. En effet, elle suppose une optimisation des investissements en communication, une réduction au minimum des stocks, en ayant une réponse rapide à l’évolution de la demande. Pour cela, elle privilégie également des procédés de fabrication permettant une adaptation du produit en bout de chaîne de fabrication6.
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Pour son lancement, le réseau social premium gay, Jock, a adopté une stratégie de montée en charge progressive. L’application a d’abord été référencée dans les « stores » (boutiques en ligne) sans communication. Puis, des campagnes de communication ciblée ont été menées. Ce lancement progressif a permis d’améliorer certaines fonctionnalités de l’application comme le « live streaming », la messagerie, le service de localisation ou encore les pratiques de modération. Le taux de rétention des utilisateurs a ainsi été optimisé.
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Le degré d’innovation associé constitue également un facteur de décision important.
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Ainsi, une étude7 réalisée aux Pays-Bas, en Angleterre et aux États-Unis sur plus de 900 produits dans différents secteurs a permis d’identifier trois types de stratégies génériques :
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– les lancements de produits très innovants : il s’agit de produits basés sur une technologie nouvelle et dont le rôle stratégique est pour l’entreprise d’investir une nouvelle catégorie de produits prometteuse. Les tactiques associées sont le lancement d’un assortiment assez large, l’utilisation d’une marque nouvelle, de nouveaux canaux de distribution avec des dépenses assez faibles, et un prix élevé ; – les lancements d’amélioration de produits offensifs correspondent à des lancements de produits moins novateurs, mais pour lesquels l’entreprise souhaiterait acquérir une position concurrentielle forte face à des concurrents peu nombreux, en établissant des barrières à l’entrée. Les tactiques associées sont un large assortiment, des prix élevés, et l’utilisation de la promotion des ventes et de la publicité télévisée ; – les extensions de gamme défensives représentent des lancements de produits reformulés, en réponse à des besoins identifiés sur un marché plutôt en phase de maturité, comportant un grand nombre de concurrents. Les tactiques de lancement sont alors un assortiment assez étroit, des extensions de gamme, des prix plus bas, l’utilisation de techniques promotionnelles à destination des consommateurs et de la force de vente.
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2 • L’ORCHESTRATION DU LANCEMENT DANS LE TEMPS
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Le choix du moment du lancement est un élément crucial dans la réussite d’une innovation. Un lancement programmé trop tôt ou trop tard peut compromettre ses chances de succès, même si le produit est excellent.
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Plusieurs dates sont importantes dans le lancement d’une innovation : la date où l’on communique, la date à laquelle les clients potentiels peuvent commander l’innovation, et la date de commercialisation à laquelle le produit est effectivement disponible en magasin (ou en vente directe), ou date à laquelle le service est effectivement mis en œuvre. Apple ou Tesla savent particulièrement bien utiliser ces trois moments pour faire parler de leurs innovations.
• Fixer la date de lancement Trois éléments principaux rentrent en compte dans le choix du moment du lancement : les lancements concurrents prévus, la saisonnalité des marchés, qui détermine la période de l’année la plus propice au lancement, et les autres lancements réalisés par l’entreprise, qui conditionnent la disponibilité de moyens en interne.
1. La prise en compte des concurrents
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Le chapitre 8 décrit en détail les motivations des entreprises à arriver premières sur un marché et les sources d’avantage du pionnier. Les avantages du suiveur peuvent ne pas être négligeables, et il peut être pertinent d’adopter cette stratégie de manière délibérée. Cependant, ceci doit faire l’objet d’un choix en amont. Lorsque la conception et le développement de l’innovation sont achevés, il paraît en général plus pertinent d’arriver en magasin avant un produit très proche. Or, fréquemment, des informations parviennent à l’entreprise, faisant présager un lancement concurrent.
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Dans les faits, les dates de lancement de produits concurrents sont souvent assez proches. Ceci peut s’expliquer par le fait que les mêmes tendances et évolutions de marché sont observées par l’ensemble des entreprises d’un secteur, générant les mêmes idées de nouveaux produits et services. En outre, il existe de multiples sources de diffusion de l’information. Il peut s’agir d’informations provenant d’une veille concurrentielle sur les brevets déposés, d’anciens salariés, de la presse, des clients ou des distributeurs via les vendeurs, du lancement dans un autre pays, etc. nque
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Les deux géants de l’ultra-frais sur le marché français, Danone et Yoplait, ont lancé simultanément sur le marché deux yaourts hyperprotéinés, Danio, et Yopa. Bien que leur positionnement soit différent, à savoir le « snacking » d’une part, et le dessert, d’autre part, les produits sont basés sur le même procédé de fabrication, celui des yaourts dits « à la grecque », et s’inspirent de l’immense succès rencontré aux États-Unis par Chobani8.
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Cependant, il peut être risqué de précipiter le lancement pour arriver le plus tôt possible sur le marché. Le produit peut ne pas être totalement fiabilisé,
les distributeurs pris de court, et la campagne de communication encore en gestation.
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Le 4 avril 2012, Google postait sur YouTube une vidéo présentant son nouveau projet de lunettes connectées. En juin 2012, Google offrait la possibilité aux développeurs présents à la conférence Google I/0 d’acquérir un prototype pour 1 500 dollars, l’objectif étant de susciter leur collaboration pour améliorer le produit et développer des applications. En janvier 2013, 8 000 développeurs volontaires et privilégiés ont pu précommander une version Beta des fameuses lunettes, qui ont été finalement livrées non pas fin 2013 comme annoncé, mais début 2014. C’est finalement en mai 2014 que les Google Glass sont disponibles pour tous au prix de 1 500 euros. Au final, ce lancement anticipé via une version préliminaire du produit aura plutôt compromis le succès commercial, car il a généré une déception auprès des utilisateurs potentiels, qui pensaient qu’il s’agissait d’un produit finalisé. Google annonce en janvier 2015 l’arrêt de la commercialisation des lunettes. Depuis, les lunettes ont été repositionnées pour s’adresser à une cible d’entreprises comme DHL pour, par exemple, aider les employés à scanner les colis.
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Sources : CALIXTE L., « Pourquoi les “Google Glass” sont un échec… selon Google », www.challenges.fr, 2015 ; PIERROT V., « Project Glass : les lunettes à réalité augmentée de Google, www.zdnet.fr, 2012 ; « Project Glass : Google invite les développeurs à découvrir ses lunettes à réalité augmentée », 2013.
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2. La saisonnalité des marchés
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De très nombreux marchés sont saisonniers. Cette saisonnalité peut être due à des facteurs climatiques ou sociaux. Ainsi, les produits solaires, les crèmes glacées, ou les ventilateurs se vendent mieux pendant les mois ensoleillés. À l’inverse, le nombre d’entrées dans les cinémas est plus important durant les mois d’hiver. Parmi les facteurs sociaux, on peut citer la rentrée des classes, les grandes compétitions sportives, la Saint-Valentin, la Fête des mères, ou, dans les pays de culture chrétienne, les fêtes de Noël.
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Si le marché est fortement saisonnier, on a en général intérêt à lancer l’innovation juste avant la forte saison afin de bénéficier du pic de la demande et de l’attention portée à la catégorie de produits par les médias. Ainsi les sorties des films pour enfants à plus gros budget ont lieu pendant les vacances scolaires, et particulièrement pendant les vacances d’hiver (Toussaint, Noël, février).
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Cependant, l’entreprise peut avoir intérêt, notamment lorsqu’elle dispose de moyens limités, à adopter une stratégie de lancement à contre-cycle, en lançant dans les mois dits « creux ». Ceci peut permettre de mieux capter l’attention des consommateurs, des médias, ou des distributeurs. Ainsi
certains films français à petit budget sont lancés au mois d’août, ce qui leur permet d’alimenter la rubrique cinéma des magazines, en panne de sujets pendant les mois d’été, d’attirer les cinéphiles qui ne sont pas en vacances, ou les vacanciers victimes du mauvais temps, et d’avoir un accès plus facile aux salles, qui n’ont pas beaucoup de sorties à programmer à ces périodes.
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On peut également observer des lancements contra-cycliques si le lancement n’est pas prêt, pour des raisons internes, à une période plus favorable de l’année. Dans ce cas, l’entreprise peut chercher à être présente « virtuellement » sur le marché durant la haute saison, grâce à des actions publicitaires, ou plus fréquemment promotionnelles portant sur la génération précédente de produits, afin de contrer le lancement de produits concurrents. 3975
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Pour commercialiser son parfum star, La Petite Robe Noire, Guerlain a choisi de prendre le contre-pied de la saisonnalité classique du marché des parfums. Alors que les lancements de parfum ont lieu principalement à la rentrée pour anticiper les ventes de Noël, la marque a choisi de le lancer en mars. Elle a ainsi bénéficié de cette période creuse dans le marché des parfums, après Noël et avant les campagnes de promotion pour la fête des mères. La pression concurrentielle étant moins forte, les coûts de référencement dans la distribution, d’opérations commerciales et de communication étaient moins élevés. La visibilité auprès des clients était accrue. Depuis, La Petite Robe Noire est devenu l’un des parfums les plus vendus en France.
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3. La disponibilité en interne
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Lorsque l’entreprise lance de très nombreux nouveaux produits ou services, elle doit également veiller à ce que les lancements ne se chevauchent pas afin que le lancement d’une innovation particulière bénéficie de toute l’attention dont elle a besoin, notamment auprès des commerciaux et de la production.
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Lorsque de nombreux lancements ont lieu à la même période, les commerciaux ne peuvent mécaniquement pas consacrer le temps nécessaire pour se familiariser avec l’innovation. En outre, ils ne peuvent pas prendre le temps de présenter en profondeur tous les nouveaux produits lors de leurs visites aux clients. Un échelonnement des lancements est souhaitable, car il permet d’avoir toujours quelque chose de nouveau à présenter pour éveiller l’intérêt des clients, tout en consacrant un temps suffisant à chaque nouveau produit.
Ceci est particulièrement vrai dans des secteurs comme la banque ou l’assurance où les lancements de nouvelles offres sont nombreux car relativement peu coûteuses en termes de conception mais souvent complexes à maîtriser. Les commerciaux sont donc très sollicités, et les lancements peuvent fréquemment se heurter à leur manque de disponibilité.
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Dans le cas de produits industriels où l’outil de production est fortement mis à contribution, il est nécessaire de prêter particulièrement attention à la disponibilité des ressources de production et aux problèmes logistiques, pour fixer la date du lancement. C’est par exemple le cas dans l’automobile ou dans l’électronique grand public. C’est également crucial dans le domaine des services, où le stockage est impossible et où il faut disposer des capacités de prestation de services suffisantes pour répondre à la demande dès le lancement opéré.
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• Préparer le lancement
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1. Motiver la force de vente
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Le rôle de la force de vente de l’entreprise est essentiel lors du lancement. Dans un contexte industriel, le lancement repose fréquemment sur les seules actions des commerciaux en vente directe auprès de quelques clients bien identifiés, la taille de la cible rendant inutile le recours à la publicité dans les médias.
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Si le rôle de la force de vente est essentiel, le lancement est conçu par les équipes marketing, avec lesquelles les relations sont parfois conflictuelles. Les vendeurs reprochent souvent au marketing de ne pas être en prise avec le terrain, de ne pas connaître les aspirations réelles de leurs clients, ni la réalité de la concurrence. Il est donc particulièrement important de préparer les vendeurs avant le lancement, afin d’emporter leur adhésion et d’obtenir les meilleurs résultats. On peut pour cela travailler dans deux directions : la motivation et l’aide à la vente.
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Un premier élément de motivation peut être la mise en relief de l’importance que revêt l’innovation dans la stratégie de l’entreprise, en situant son lancement dans un contexte holistique, qui peut être le repositionnement global de la marque, la conquête d’une nouvelle clientèle,
la maîtrise d’une nouvelle technologie, l’extension des usages ou la préparation de lancements à venir. Un deuxième élément est bien sûr la motivation financière. Les offres innovantes sont par définition plus difficiles à vendre, car elles nécessitent un temps de présentation, d’explication, et parfois de formation. Si la rémunération du vendeur est uniquement basée sur le chiffre d’affaires total généré, celui-ci risque de privilégier les produits existants. Il est donc important de réfléchir à une rémunération spécifique sur les ventes du nouveau produit, sous forme monétaire ou non (par exemple en organisant un concours récompensant les meilleures performances de vente pour la nouvelle offre).
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Il est également nécessaire d’aider les commerciaux dans leur acte de vente. Pour cela, on rédige le plus souvent un argumentaire de vente, le plus précis et le plus attractif possible. L’argumentaire comporte généralement les rubriques suivantes :
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– la description du produit ou du service, de ses caractéristiques, de ses performances techniques, et/ou de son évaluation par les consommateurs ou utilisateurs lors des tests réalisés ; – la comparaison de ses caractéristiques et performances par rapport aux principaux produits identifiés comme concurrents ; – son positionnement par rapport aux autres produits commercialisés par l’entreprise ; – son mode d’utilisation, de préparation par le client ou le consommateur ; – le plan de communication et de référencement envisagé ; – les réponses aux questions qui seront le plus fréquemment posées par les clients.
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Ces différents éléments d’information (place du nouveau produit dans la stratégie, rémunération et motivation, argumentaire de vente) sont souvent présentés lors d’une convention de vendeurs, qui présente les différents lancements de l’année, ou lors d’un événement dédié, spécifiquement organisé pour le lancement d’un produit stratégique. Les lancements de nouveaux modèles dans l’automobile font ainsi presque toujours l’objet de telles réunions de présentation.
2. Établir la tactique de distribution en points de vente Le référencement du nouveau produit dans les différents points de vente fréquentés par les consommateurs potentiels est un des éléments déterminants du succès commercial, notamment dans les secteurs de grande consommation. En effet, il est rare qu’un consommateur change de magasin pour pouvoir trouver un produit particulier. De plus, c’est souvent dans le point de vente que le consommateur découvre le produit et prend sa décision d’achat, notamment dès qu’il s’agit d’achats spontanés, non planifiés à l’avance. De nombreux shampooings, yoghourts et autres boissons sont choisis par leurs acheteurs devant le rayon.
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Les deux indicateurs utilisés pour mesurer la qualité du référencement en grande consommation sont la DN et la DV. La distribution numérique (DN) représente le pourcentage de magasins de l’univers commercial considéré qui référencent le nouveau produit. La distribution valeur (DV), qui est l’indicateur le plus important, est le pourcentage du CA total de la catégorie de produits qui est réalisé par les magasins référençant le produit. Une distribution intensive cherche à maximiser la DN et la DV et, à DN égale, on cherche à avoir la DV la plus élevée possible en référençant le produit dans les magasins qui vendent le plus de produits de la catégorie.
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Selon l’organisation de l’enseigne, le référencement est négocié au niveau central pour l’ensemble des magasins, ou magasin par magasin. Dans la grande distribution, il est d’usage de faire payer au fabricant le référencement du nouveau produit, au prorata du nombre de magasins. Ces sommes peuvent représenter une part très importante du budget de lancement. Ces pratiques sont particulières à la grande distribution, et d’autant plus fréquentes que les relations entre producteurs et distributeurs dans un pays donné sont tendues. Une étude menée aux États-Unis9 a montré que le montant des frais de référencement pouvait être extrêmement variable selon le rapport de force entre le producteur et le distributeur. Les producteurs possédant les parts de marché les plus faibles et ne pouvant s’engager sur une forte activité promotionnelle sur le nouveau produit voient ainsi les frais de référencement augmenter.
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Pour négocier le référencement d’une innovation, plusieurs arguments peuvent être utilisés auprès du distributeur :
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– l’attractivité du nouveau produit auprès des consommateurs : elle dépend de sa qualité, mais également du montant et de l’efficacité des dépenses de communication. C’est pourquoi les argumentaires commerciaux auprès des distributeurs incluent généralement la description de la campagne de lancement et des investissements publipromotionnels prévus, ainsi qu’une brève description des résultats de tests consommateurs et des éventuels marchés-tests afin de convaincre les distributeurs que le produit a de fortes chances d’aboutir à un succès commercial ; – sa capacité à générer des ventes supplémentaires dans la catégorie de produits : plus que l’augmentation des ventes d’une marque particulière, les distributeurs sont intéressés par les ventes incrémentales de la catégorie de produits, soit parce que l’innovation augmente la consommation moyenne de la catégorie, soit parce qu’elle attire de nouveaux clients, soit encore parce qu’elle provoque une montée en gamme et fait augmenter les ventes en valeur ; – la marge unitaire réalisée : un distributeur est d’autant plus motivé à vendre un nouveau produit qu’il réalise une marge importante sur chaque produit vendu. Si le nouveau produit vient en substitution d’une ancienne génération de produits, il convient de calculer les différences de marge réalisées par le distributeur entre les deux générations. Il n’a intérêt à promouvoir le nouveau produit que si la marge totale réalisée par la nouvelle génération – compte tenu des différences de volume – est supérieure ; – les actions promotionnelles : la promotion du nouveau produit dans les différents magasins dépend également des actions des chefs de rayon dans chaque point de vente. L’organisation de jeux concours et la distribution d’objets publicitaires peuvent attirer leur attention et favoriser les ventes.
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Pour stimuler le segment du café, de nombreux distributeurs ont choisi de référencer les innovations de la marque Malongo. Certifiée par le label Max Havelaar, Malongo offre des cafés dits « équitables » qui garantissent aux producteurs un prix minimal, favorisent les contrats à long terme pour stimuler les investissements et aident à la transition vers l’agriculture biologique. Malongo a été le premier à lancer les dosettes 1, 2, 3 Spresso recyclables et protectrices, uniquement réalisées en carton écologique. En alliant innovation, qualité et éthique, l’innovation
de Malongo favorise l’attrait des clients, stimule les ventes de la catégorie café ainsi que la marge unitaire avec son positionnement prix premium.
FOCUS Les antécédents de l’adoption d’un nouveau produit alimentaire par les détaillants Une recherche extensive sur un échantillon de 392 produits alimentaires sur le marché néerlandais a permis d’identifier les principaux facteurs ayant conduit à l’adoption d’un nouveau produit par les détaillants. Trois types de facteurs ont été étudiés : • les facteurs liés au profit anticipé sur le produit : marge brute relative par rapport à la catégorie de produit, support promotionnel distributeurs et consommateurs, caractère unique du nouveau produit ;
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• les facteurs liés à la relation avec les distributeurs : qualité et ancienneté de la relation, dépendance à l’égard du fournisseur ;
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• enfin les facteurs liés à la catégorie de produit, notamment le rôle du produit dans la catégorie, la cannibalisation anticipée de la marque distributeur, et la croissance de chiffre d’affaires attendu dans la catégorie.
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Les résultats montrent que la marge brute relative joue un rôle significatif et linéairement positif, ainsi que le caractère unique du produit. En revanche, la relation entre le montant du support promotionnel à l’enseigne et le taux d’adoption est une courbe en U inversé, sans doute parce qu’un support promotionnel trop important est interprété par les distributeurs comme un signe d’incertitude du fabricant sur le succès du nouveau produit. Enfin, en ce qui concerne le support promotionnel aux consommateurs, les effets positifs sur le taux d’adoption ne se font sentir qu’à partir d’un certain seuil. Les variables relationnelles, l’ancienneté de la relation, comme la dépendance à l’égard du fournisseur sont également significatives. Contrairement à l’intuition, plus la dépendance est forte, moins le distributeur aura tendance à adopter le nouveau produit du fournisseur. Cela est lié au fait que les distributeurs cherchent à diversifier leurs approvisionnements, et en quelque sorte, à « diviser pour mieux régner ».
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Source : EVERDINGEN Y (VAN), SLOOT L., NIEROP E. (VAN), VERHOEF P., « Towards a Further Understanding of the Antecedents of Retailer New Product Adoption », Journal of Retailing, vol. 87, no 4, 2011.
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Dans le cas des produits de consommation courante, il convient également de faire des recommandations sur le rayon dans lequel sera vendu le produit, même si le choix appartient in fine à l’enseigne ou au point de vente lui-même. En effet, lorsque le produit crée une nouvelle catégorie, il n’existe pas forcément de rayon désigné pour le présenter. Or, le choix du rayon peut se révéler très important. Il se fera en fonction de deux critères principaux :
– le positionnement du nouveau produit : on peut, pour rattacher le nouveau produit à une catégorie particulière dans l’esprit du consommateur, chercher à le présenter dans le rayon correspondant ; – les caractéristiques des différents rayons, et notamment leur fréquentation : il est plus avantageux de présenter le produit dans un rayon où passent fréquemment les consommateurs, afin d’assurer une meilleure visibilité au nouveau produit.
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Lors du lancement des machines à gazéifier Sodastream, l’enjeu était non seulement de faire référencer les machines dans le rayon électroménager, mais également de placer les cartouches pour préparer les sodas aromatisés dans le rayon des boissons, près des sirops, beaucoup plus fréquenté que celui de l’électroménager.
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La publicité sur le lieu de vente (PLV) regroupe tous les éléments physiques présents en magasin pour mettre en valeur le produit et augmenter sa visibilité. On peut citer les affiches, les présentoirs, les têtes de gondole, les éléments de décoration des vitrines, les « stop rayons », les emballages géants, etc. Les délais de leur conception et de leur production, ainsi que de logistique pour les acheminer sur les différents points de vente peuvent être longs, c’est pourquoi il est souvent nécessaire de s’en préoccuper plusieurs mois avant le lancement.
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Il est également important de concevoir et de préparer le matériel nécessaire aux opérations promotionnelles qui accompagneront le lancement. Les actions promotionnelles peuvent avoir pour cible les distributeurs ou les consommateurs10 mais s’adressent de plus en plus à toutes les parties prenantes. e Ba
• Établir la stratégie de préannonce
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La préparation du lancement doit également inclure une réflexion sur l’opportunité d’effectuer une annonce préalable au lancement proprement dit11.
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1. Qu’est-ce qu’une préannonce ?
Contrairement à la communication de lancement, l’annonce préalable de lancement d’une nouvelle offre se fait avant la disponibilité en magasin, ou, si le produit n’est pas vendu en magasins physiques, avant qu’il ne soit possible de l’acheter. Il y a annonce préalable si l’information divulguée est le fait volontaire de l’entreprise qui lance l’innovation, et non la conséquence d’une révélation par des journalistes ou par des concurrents. La stratégie de préannonce est de plus en plus fréquemment intégrée au plan de lancement. Elle doit alors être planifiée, en prenant en compte les éléments suivants :
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– l’échelonnement dans le temps : il convient de déterminer combien de temps avant le lancement l’annonce doit être faite. Les délais observés varient entre quelques semaines et plusieurs années ; – la nature et le détail des informations divulguées : l’annonce peut simplement indiquer qu’un lancement est prévu dans une catégorie de produits, ou indiquer une date de lancement et des informations précises sur la nature du produit, son nom et plus rarement son niveau de prix. L’entreprise peut ainsi élaborer une stratégie de révélation progressive des informations ; – les médias et les supports utilisés : la plupart des annonces préalables sont réalisées lors de conférences de presse, souvent à l’occasion d’un événement ou d’un salon professionnel. Elles peuvent également prendre la forme d’un communiqué de presse officiel. Parfois, elles sont révélées à des journalistes pour être relayée sous forme plus officieuse. Certaines entreprises orchestrent même de « fausses fuites » afin de donner un intérêt plus grand à l’information.
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L’annonce préalable se distingue cependant des « coups de bluff » effectués par certaines entreprises en publiant des informations délibérément fausses sur des lancements futurs, souvent afin d’apparaître comme innovantes aux yeux des différents acteurs du marché, d’inciter les acheteurs potentiels à attendre le lancement du nouveau produit, et de décourager les concurrents. Cette pratique est notamment observée dans l’informatique, où un produit faisant l’objet d’une communication délibérément erronée, soit sur la date de lancement, soit sur les caractéristiques du produit, est désigné en anglais sous le terme vaporware12, et peut être considérée, notamment aux ÉtatsUnis, comme anticoncurrentielle et tomber sous le coup de la loi. Un nouvel entrant peut ainsi être tenté d’exagérer dans sa communication la qualité
future du produit, pour augmenter la probabilité que les acheteurs potentiels attendent sa sortie, et éviter qu’ils n’achètent le produit du concurrent. Cependant, si l’entreprise est incapable de remplir ses promesses, les ventes au lancement risquent d’être fortement pénalisées par un effet de déception. L’intérêt du bluff dépend donc de l’importance des conséquences de cette déception chez les futurs acheteurs, et également de la valeur ajoutée relative réelle du nouveau produit, un produit à faible valeur ajoutée n’ayant finalement « rien à perdre ». Un entrant avec une offre à forte valeur ajoutée pourra lui, utiliser un prix élevé comme signal de qualité pour se distinguer du premier13. Il faut également tenir compte des effets à long terme sur la réputation de l’entreprise, les prochaines annonces risquant de ne plus être crédibles.
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L’utilisation de la stratégie d’annonce préalable par Apple 7687
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Les annonces préalables de lancement de nouveaux produits sont depuis toujours un des éléments importants de la stratégie marketing d’Apple, comme en témoignent les deux exemples suivants, distants de huit ans.
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Ainsi, Steve Jobs a annoncé et présenté le premier iPhone le 9 janvier 2007, soit 6 mois avant le lancement aux États-Unis (29 juin) et 11 mois avant le lancement européen (9 novembre en Allemagne et au Royaume Uni, 29 novembre en France). Des rumeurs circulaient depuis plusieurs années sur l’intérêt d’Apple pour le secteur de la téléphonie mobile, rumeurs qui s’étaient accentuées depuis quelques semaines parmi les fans de la marque. Le discours de Steve Jobs lors du « Keynote Speech » du MacWorld de San Francisco était donc particulièrement attendu cette année-là. Steve Jobs commença par indiquer que la marque allait présenter une innovation majeure dans trois domaines : un navigateur Internet portable ; un téléphone mobile ; un iPod de nouvelle génération… avant d’expliquer que ces trois innovations étaient réunies dans un seul produit : l’iPhone.
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L’information fit immédiatement le tour de la planète et généra une hausse de l’action Apple pendant le discours même de Steve Jobs. Ensuite, la marque à la pomme ne donna presque plus d’information supplémentaire sur le produit jusqu’au lancement. Mais l’information se diffusa d’elle-même par le biais des blogueurs et des médias. 11 000 articles sur le produit parurent dans la presse papier avant le lancement. Le produit fit l’objet de 69 millions de recherches par mot-clé sur Google. La notoriété fut ainsi construite très rapidement et 64 % des utilisateurs de téléphonie mobile avaient entendu parler de l’iPhone avant même sa mise sur le marché. Cette préannonce avait ainsi permis de se conformer aux obligations légales de tests pour homologation, mais surtout de générer une notoriété et un engouement très importants pour le produit.
Le 20 juin parut sur YouTube un film sur le produit et eurent lieu des démonstrations sur l’activation et la synchronisation des contenus. Le 29 juin eut lieu le lancement, générant d’énormes files d’attente dans les rues des grandes villes américaines.
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Huit ans plus tard, c’est le nouveau PDG d’Apple, Tim Cook, qui présente la nouvelle montre connectée d’Apple, le 9 mars 2015, toujours lors du désormais fameux « Keynote Speech ». Après avoir décrit le nouveau MacBook, il révèle les fonctionnalités de l’Apple Watch, son autonomie, son prix et sa date de lancement, prévue le 24 avril 2015, avec une possibilité de précommander dès le 10 avril. Des rumeurs couraient depuis de nombreux mois sur le lancement de ce que les fans avaient baptisé l’iWatch, son prix, et ses fonctionnalités. Alors que tout le monde s’attendait au lancement fin 2014, la firme de Cupertino a annoncé en septembre un lancement début 2015. D’autres fabricants, comme Samsung, avaient lancé des montres connectées, mais les analystes ne prévoyaient le démarrage du marché qu’avec le lancement du modèle d’Apple. Au moment du lancement, les précommandes s’élevaient déjà à 2,3 millions d’unités, soit la moitié du marché total des montres connectées en 2014. En France, la stratégie de distribution est, contrairement aux lancements précédents, basée sur la rareté : la fameuse montre n’est disponible au lancement que dans le concept store « Colette », et même les Apple Store ne seront livrés qu’en juin ou juillet 2015.
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En septembre 2016, Apple annonce le lancement des AirPods, les oreillettes connectées sans fil. Initialement prévue fin octobre, la date de sortie a été décalée à fin décembre en « quantité limitée ». Les AirPods ont d’abord été disponibles en prévente avant d’être commercialisés dans les Apple Stores. Ce lancement a ouvert un marché estimé à 10 milliards de dollars et près de 28 millions d’AirPods ont été écoulés en 2018, suscitant l’intérêt des concurrents comme Microsoft, Amazon et Google, mais aussi Xiaomi ou Bose.
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Sources : DAHAN M., MANCEAU D., GEOFFROY L., « Les stratégies de lancement de nouveaux produits dans le secteur des télécommunications : le cas de l’iPhone d’Apple », Revue française du marketing, 2009 ; YOFFIE D., « Apple Inc., 2008 », Harvard Business Case Studies, 2008 ; « iWatch d’Apple : le lancement et les spécifications se précisent… », lexpress.fr, 2014 ; MOUTOT A., « L’Apple Watch lancée sans fanfare aurait 2,3 millions de précommandes », lesechos.fr, 2015 ; lesechos.fr, 18 octobre 2019.
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2. Les effets auprès des consommateurs
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Le fait d’annoncer aux consommateurs le lancement futur d’un nouveau produit peut permettre de meilleures ventes, et un décollage plus rapide de celles-ci. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet effet.
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Tout d’abord, on a pu démontrer que la distance temporelle jouait un rôle sur la perception des innovations par les consommateurs. Ainsi, lorsque l’achat est envisagé dans un délai lointain, les acheteurs potentiels auront tendance à se focaliser sur les bénéfices liés à l’utilisation, alors que si l’échéance est plus proche, ils se concentreront sur les coûts d’apprentissage. Annoncer à l’avance permet donc de générer des pensées
positives à l’égard de l’innovation, notamment si l’on incite les acheteurs à imaginer les situations d’usage futures14.
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De plus, on observe la croyance généralement répandue chez les consommateurs, que l’utilisation des offres futures reste plus bénéfique que celle des produits actuels, un phénomène que les chercheurs ont baptisé « nextopie ». Il est dû à plusieurs effets psychologiques. Tout d’abord, il existe un biais d’optimisme, ce qui signifie que la plupart des gens sont excessivement optimistes à propos de leur futur, et pensent que les produits futurs apporteront une plus grande valeur ajoutée. Par ailleurs, une incertitude liée à un événement positif est appréciée, c’est-à-dire que l’idée de ne pas savoir exactement ce que l’on va gagner apporte du plaisir. Enfin, la recherche a montré un biais de prévision affective, c’est-à-dire la tendance à surestimer la durée et l’intensité des événements positifs futurs, en oubliant les déceptions passées. Ces trois mécanismes psychologiques concourent à améliorer l’attitude à l’égard d’une offre qui sera commercialisée dans le futur, par rapport au même produit présenté comme étant disponible immédiatement, et justifient donc partiellement l’intérêt de recourir à une communication en amont du lancement15.
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Outre la génération d’une attitude positive, une préannonce permet également de stimuler le bouche-à-oreille entre les consommateurs, et de créer une attente. Ainsi une expérience récente16 a montré qu’une publicité faisant référence au futur générait plus d’intérêt et de bouche-à-oreille qu’une publicité pour un produit existant. 0558
EXEMPLE
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En 2019, Facebook a annoncé le lancement d’Horizon, un monde de réalité virtuelle sociale qui a pour but de s’ancrer dans l’univers du métavers. Puis, en 2020, l’entreprise a annoncé ouvrir ce nouvel espace à certains détenteurs du casque de réalité virtuelle Occulus afin de tester ses différentes fonctionnalités. En 2021, l’entreprise Facebook a changé de nom pour s’appeler Meta et accélérer le développement de Horizon Workrooms, des salles de travail virtuelles avec des avatars. Depuis l’annonce de sa création, les informations distillées au compte-gouttes sur cette nouvelle offre génèrent un bouche-à-oreille considérable17.
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Cette stratégie de préannonce peut également revêtir un intérêt particulier pour les biens durables, dont le prix peut être élevé. En effet, le consommateur peut avoir besoin d’un délai de réflexion important pour prendre sa décision, éventuellement convaincre son entourage, et mobiliser
les ressources financières nécessaires. L’annonce préalable peut lui permettre de démarrer sa réflexion plus rapidement, et donc d’avoir pris sa décision quand le produit est disponible. La préannonce peut également être associée à la possibilité de prendre des commandes pour le nouveau produit. L’effet de la préannonce peut alors être mesuré par le montant des commandes enregistrées avant le lancement effectif. Plus globalement, la perception d’une annonce préalable pour un nouveau produit entraîne une évaluation positive sur l’ensemble des autres produits de la marque18.
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L’annonce préalable peut inciter les clients à attendre la nouvelle génération de produit pour faire leur achat, afin de disposer du modèle le plus récent, ou de la technologie la plus perfectionnée. Ce gel des achats accroît le marché potentiel du futur produit. Il peut cependant être néfaste pour l’entreprise dans la mesure où cela peut ralentir les ventes de ses produits existants. Il convient donc de bien réfléchir à la cannibalisation possible, et de programmer la date de la préannonce en conséquence.
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Il existe d’autres effets négatifs potentiels au fait de préannoncer le produit aux clients. En effet, si le lancement doit être décalé, ou si l’on est contraint de modifier les caractéristiques annoncées du produit, cela peut entacher la crédibilité de l’entreprise. 8893
3. Les autres cibles des préannonces
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Outre les clients potentiels, l’annonce préalable peut avoir des effets – recherchés ou non par l’entreprise – sur d’autres acteurs du marché, comme les concurrents, les distributeurs ou les partenaires.
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• En informant ses concurrents, l’entreprise qui préannonce peut chercher à les dissuader d’entrer sur le même marché, notamment si elle est leader, possède des moyens très importants, ou encore dispose d’une marque très forte. Inversement, elle peut chercher à entraîner ses concurrents avec elle, pour développer un nouveau marché ou imposer un nouveau standard. Elle peut fournir des informations qui leur permettent de réagir de façon préjudiciable au nouveau produit, soit en le copiant, soit en faisant une contre-annonce, soit encore en baissant le prix de leur propre produit, ou en préparant une campagne de communication. C’est
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principalement pour ces raisons que les entreprises peuvent renoncer à une annonce trop précoce et trop précise19. • En informant les distributeurs, l’entreprise peut chercher à améliorer ses relations avec eux en apparaissant plus innovante que les concurrents. Elle peut également les inciter à anticiper le lancement par une autre organisation des rayons, une meilleure formation des vendeurs, etc. Les distributeurs peuvent en effet être un relais très efficace d’information auprès des clients. • Enfin, il peut être essentiel de prévenir certains partenaires de l’entreprise, et notamment tous les fournisseurs de produits ou services complémentaires, dont la disponibilité peut conditionner le succès du lancement du produit. C’est particulièrement le cas dès lors que le produit se caractérise par des externalités de réseau indirectes, c’est-àdire lorsque son intérêt dépend de la disponibilité de produits complémentaires développés par l’écosystème de l’innovation20 (jeux vidéo valorisant une nouvelle console, logiciels utilisant les fonctionnalités d’un nouveau système d’exploitation, etc.).
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3 • PROMOUVOIR UNE OFFRE INNOVANTE
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La promotion est ici prise dans son acception la plus large, c’est-à-dire l’information sur l’existence et les caractéristiques de l’offre, et les actions pour faciliter l’adoption par les clients et les utilisateurs potentiels. Les déterminants de l’adoption ont été largement présentés dans le chapitre 2, il s’agit ici d’en tirer les conséquences concrètes sur les actions à mener par l’entreprise qui cherche à promouvoir une offre innovante : quelle forme de message communiquer ? Auprès de qui ? Avec quels moyens ?
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• La définition du message
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Le chapitre 2 a étudié la formation de la valeur ajoutée perçue d’une innovation, qui intègre à la fois les coûts et les bénéfices perçus. C’est évidemment cette valeur ajoutée relative qu’il faut mettre en avant pour communiquer l’innovation. Il importe donc que le message permette de visualiser les bénéfices futurs. Pour cela, il peut être opportun d’utiliser la simulation mentale orientée vers les résultats, c’est-à-dire d’encourager le
consommateur à imaginer des scènes dans lesquelles il profite des bénéfices du futur produit21.
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Le degré d’innovation de la nouvelle offre joue également un rôle important, puisque plus celui-ci est élevé, plus, toutes choses égales par ailleurs, les intentions d’adoption sont faibles. Pour les innovations radicales, se pose également la question de l’appartenance à la catégorie de produit. Il s’avère payant de proposer au client potentiel une catégorie de produit de référence, ou encore de suggérer des analogies22. Il s’agira alors ensuite de communiquer sur la valeur ajoutée relative par rapport à cette catégorie, plutôt que d’essayer de créer une nouvelle catégorie mentale. Dans le cas de produits radicalement innovants et fortement incongruents avec la catégorie de référence (par exemple, du lait gazeux), l’acceptation du produit peut être très difficile. Cependant, un message faisant appel à l’affectif plus qu’au rationnel, orienté vers les usages futurs et faisant appel à la flexibilité cognitive des futurs consommateurs peut faciliter son adoption. Pour cela, on les incite à considérer plusieurs alternatives d’usage, à trouver eux-mêmes les justifications et à faire les associations nécessaires23.
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Dans un contexte de lancement, il s’agit à la fois de créer de la notoriété, de présenter ce qui fait l’originalité de l’innovation, et ses principaux avantages. Plusieurs techniques de communication spécifiques peuvent être utilisées dans ce contexte :
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– le teasing est basé sur une communication en deux temps : dans un premier temps, une communication elliptique est faite, sans mentionner le principe du nouveau produit, ni même parfois la marque. Ceci permet de créer une interrogation et de susciter de l’attention. Cela peut stimuler le bouche-à-oreille entre les personnes touchées par la première vague de communication. Dans un deuxième temps, la réponse à la question posée est apportée ; – le décalage avec les codes de communication classiques de la catégorie de produits permet de mettre en avant l’innovation apportée par le produit. Cette stratégie ne sera cependant véritablement efficace que si la création est pertinente par rapport au nouveau produit lui-même ; – l’effet de cadrage, c’est-à-dire la mise en valeur de bénéfices ou de pertes liés à l’innovation, a une influence sur l’intention d’achat. Un message de gains associé à un achat envisagé à long terme ou un
message de pertes associé à un achat envisagé à court terme sont les combinaisons les plus efficaces pour promouvoir un produit innovant, d’autant plus si le produit est très innovant24.
• Le choix des cibles de communication
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Les cibles de communication pour le lancement d’une innovation ne sont pas nécessairement les cibles marketing. En effet, comme nous l’avons évoqué dans le chapitre 2, trois groupes de personnes jouent un rôle particulier : les prescripteurs, les innovateurs et les leaders d’opinion. Il peut donc être judicieux de communiquer à destination de ces cibles particulières, qui peuvent être plus étroites ou différentes de la cible des consommateurs potentiels.
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• Les prescripteurs constituent une priorité, car ils peuvent jouer un rôle positif, mais également négatif s’ils ne sont pas pris en compte. Ainsi, de nombreux lancements de produits de parapharmacie s’appuient sur une communication à destination des médecins, des dentistes, des dermatologues ou des pédiatres concernés. De même, lorsque l’on cible un produit pédagogique à destination des lycéens, il est indispensable de communiquer à destination des professeurs.
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De nouvelles classes et filières apprennent désormais à coder avec le langage informatique Python. Cela a amené la marque Texas Instruments à lancer un nouveau modèle, le TI-83 Premium CE, permettant de s’exercer à programmer avec ce langage. Pour cela, la marque a proposé plus de 1 000 formations gratuites aux enseignants, qui sont les prescripteurs naturels du produit auprès de leurs élèves25.
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• Une autre cible importante de communication rassemble les leaders d’opinion, susceptibles de relayer le message auprès de l’ensemble des clients visés, soit directement, soit parce que leur comportement est copié par les autres26. Cette stratégie est particulièrement utilisée dans les secteurs de la mode et du luxe, mais peut se révéler efficace dans d’autres secteurs. Parmi ces leaders d’opinion, certains ont une « valeur sociale », c’est-à-dire une valeur liée à l’interaction sociale qu’ils ont avec d’autres adopteurs potentiels, plus importante que d’autres ; on peut ainsi distinguer :
– les « pivots » (hubs), qui ont un nombre de relations important ; – les « persuasifs » (persuaders) qui ont un pouvoir de conviction plus important que la moyenne ; – les « ponts » (bridges) qui assurent le relais entre deux réseaux différents. Il convient donc de cibler les plus efficaces pour le lancement, sachant que les leaders d’opinion peuvent avoir alors deux types d’impact : un impact sur l’accélération du marché, en influençant positivement plus tôt ceux qui auraient adopté le produit de toutes façons, et un impact sur l’expansion de ce marché, en convaincant des consommateurs supplémentaires27.
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Pour le lancement de son mascara « High Sky », la marque Maybelline New York a placé le produit entre les mains de célèbres influenceurs beauté sur TikTok. L’objectif était d’encourager les échanges et de nourrir l’enthousiasme autour du produit. Plusieurs vidéos « avant/après » ont créé un véritable buzz en devenant virales avec plus de 400 millions de vues. L’influenceuse beauté Kim Spader a cumulé plus de 30 millions de vues sur sa vidéo test. Cette viralité a engendré une rupture de stock dans différentes chaînes de magasins. Le produit est acheté toutes les trois secondes sur Amazon28.
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• Il peut également être intéressant de communiquer auprès d’une cible restreinte de clients au départ, ce qui permet de concentrer les moyens. • On peut ainsi chercher à communiquer auprès des innovateurs, qui, initialement, seront les plus ouverts à l’idée d’acheter l’innovation, comme nous l’avons vu au chapitre 2. • Certains auteurs ont suggéré de cibler les meilleurs contributeurs en termes de revenus, c’est-à-dire ceux qui ont la valeur client la plus élevée. Ceci permet non seulement de générer du chiffre d’affaires et du profit le plus rapidement possible, mais se révèle également intéressant, car ils ont tendance à entraîner à leur suite des individus qui leur ressemblent, ce qui a pour conséquence d’augmenter encore les recettes générées29.
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Afin de convaincre ces différentes cibles particulièrement utiles au lancement, les entreprises montent de plus en plus fréquemment des « programmes d’essaimage », permettant d’essayer l’innovation gratuitement ou à moindre coût, et éventuellement d’en faire profiter leurs
proches ou les membres de leurs réseaux. Ces programmes d’essaimage comportent classiquement la distribution ou le prêt de produits, ou encore d’échantillons ou de bons de réduction.
EXEMPLE Pour le lancement de son nouveau téléphone Moto X, Motorola a lancé une opération « essayer avant d’acheter ». Les clients étaient libres d’utiliser le téléphone pendant deux semaines, à l’issue desquelles ils avaient la possibilité de l’acheter ou de simplement le renvoyer.
• Les moyens de communication
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Une fois les cibles définies, il faut choisir quels outils de communication utiliser. On parle aujourd’hui de communication 360° pour montrer que les marques doivent mobiliser conjointement tous les leviers d’actions à leur disposition de manière à toucher efficacement la cible et à envoyer un message cohérent par différents moyens.
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1. Mobiliser toutes les sources d’informations du client
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Les consommateurs disposent de différentes sources d’informations sur les nouveaux produits et services. On peut classer ces sources selon deux critères :
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– le degré de personnalisation : on distingue les sources qui fournissent une information adaptée aux caractéristiques individuelles du récepteur du message, des sources impersonnelles qui fournissent une information standardisée ; – le caractère impartial : on séparera les sources commerciales, qui ont pour but d’influencer le consommateur dans un sens positif par rapport à l’innovation, de sources réputées indépendantes.
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Le tableau suivant classe les différentes sources d’information sur un produit innovant selon ces deux critères.
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Tableau 7.2 – Les différentes sources d’informations sur un produit nouveau
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Dans un contexte d’achat de nouveaux produits, l’incertitude du consommateur peut être forte. Les informations personnalisées peuvent alors jouer un rôle plus important que les sources impersonnelles. En outre, la crédibilité d’une source est généralement liée à son caractère désintéressé. Si l’on croise ces deux critères, il résulte que, de façon générale, le bouche-à-oreille et sa forme digitale, le buzz, ont une influence déterminante, alors que l’information diffusée par l’entreprise par le biais des médias est moins efficace. Pour favoriser le bouche-à-oreille, l’entreprise peut recourir à des consommateurs qui feront office d’ambassadeurs de la marque. Dans le cadre du marketing viral, le message est diffusé par l’intermédiaire des clients eux-mêmes. 8893
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Pour se lancer sur le marché de la literie, la start-up française Tediber a décidé de vendre directement sur Internet des matelas comprimés et roulés. Le modèle de Tediber repose sur une idée simple : proposer un seul modèle de matelas, décliné dans toutes les tailles du marché. Le client dispose de cent nuits pour tester le matelas. Il peut ensuite décider de le conserver ou de le renvoyer. Pour favoriser la diffusion de son innovation, Tediber a mis le client au cœur de sa stratégie. La marque compte aujourd’hui plus de 10 000 avis clients et bénéficie d’un bouche-àoreille très important30.
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Cependant, la publicité médias est celle dont l’entreprise contrôle le mieux le message et elle parvient très rapidement à toucher un nombre très élevé de clients. L’information commerciale et non personnalisée dispose donc d’atouts importants.
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Les autres outils de communication se trouvent dans une position intermédiaire face à ces critères.
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– Le marketing direct et l’e-mailing, notamment auprès de personnes déjà clientes de l’entreprise, comportent une dimension de personnalisation supérieure à la publicité médias, tout en diffusant des messages parfaitement contrôlés par l’entreprise. – Les distributeurs diffusent une information personnalisée et, lorsqu’ils appartiennent à des réseaux indépendants, sont perçus comme relativement neutres. Ainsi, la FNAC communique sur le fait que les vendeurs n’ont pas intérêt à recommander une marque particulière. – Dans le cadre des relations avec la presse et les blogueurs, les entreprises cherchent souvent à faire endosser le discours commercial sur un nouveau produit par les journalistes et les leaders d’opinion sur Internet. Ces leaders d’opinion sont soucieux de leur indépendance mais également férus d’information sur les innovations. Les entreprises organisent donc souvent des discours spécifiques à leur intention. – Une autre approche pour augmenter la perception de neutralité de la source est d’utiliser le publi-reportage, qui prend la forme d’un article du support dans lequel il paraît. Cela peut permettre à la fois une meilleure crédibilité, et une démarche très explicative favorisant la pédagogie sur l’innovation.
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Ainsi, les différents outils de communication sont extrêmement complémentaires, justifiant une approche 360° qui consiste à utiliser conjointement tous ces moyens pour mieux construire la notoriété et la crédibilité de l’innovation, personnaliser l’information qui la concerne tout en touchant de nombreux membres de la cible, inciter les clients potentiels à l’essayer et à effectuer un achat.
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Enfin, il importe que l’offre innovante soit également présente sur le lieu de vente, où se prennent beaucoup de décisions, grâce à des actions de promotion des ventes. Elles permettent notamment d’inciter à l’essai et donc de faciliter l’adoption. Les formes promotionnelles les plus adaptées pour un lancement sont :
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– les démonstrations en magasins : bien que ce moyen puisse être coûteux, car il nécessite la présence physique de démonstrateurs, il peut être particulièrement pertinent lorsqu’il est nécessaire de démontrer la simplicité d’utilisation, ou de crédibiliser un résultat en termes de valeur ajoutée de l’offre innovante ;
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– la distribution d’échantillons : elle favorise l’essai du nouveau produit par le consommateur, ce qui constitue la première étape d’une adoption potentielle. Ces échantillons peuvent être distribués directement en magasin, ou dans les boîtes aux lettres des consommateurs potentiels. Ils peuvent également être insérés dans la presse (cosmétiques, parfums), ou encore offerts avec un produit complémentaire de la marque ; – les offres de remboursement : elles permettent de minimiser le risque financier d’adoption, en réduisant le prix d’un premier achat. Par rapport à un prix de lancement réduit du même montant sur une période donnée, le coût est moindre car seuls les consommateurs les plus sensibles au prix demanderont le remboursement et profiteront de l’offre. Cette offre de remboursement est généralement présente sur l’emballage du produit. Certaines sociétés proposent aux magasins d’émettre des bons de réduction ciblés en fonction des achats effectués par le consommateur. Ceci permet de proposer un bon de réduction aux clients qui ont acheté un produit complémentaire ou concurrent. 46.4
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2. Coordonner le pull et le push
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Pour le lancement en France de sa marque Fairy, dédiée aux produits pour lave-vaisselle, Procter & Gamble a mené une vaste campagne publicitaire en distribuant près de 2 millions d’échantillons. La marque a également développé une édition limitée en petit format pour inciter les consommateurs à essayer le produit. L’objectif affiché était de « toucher 100 % des utilisateurs français en deux mois ». Six mois après son lancement, Fairy comptait plus de 3 millions d’acheteurs, soit 17 % des acheteurs de la catégorie31.
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Une stratégie de communication doit articuler les approches pull et push.
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– La communication pull vise à faire en sorte que les clients planifient l’achat du produit et sachent qu’ils veulent l’acheter lorsqu’ils se rendent en magasin. Elle repose sur les moyens de communication permettant de s’adresser directement au consommateur, comme la publicité, le marketing direct, Internet, etc. – La communication push consiste à mettre en avant le produit dans les magasins pour que les clients décident de l’acheter sur place lors d’achats spontanés, elle consiste à communiquer au consommateur par
l’intermédiaire des distributeurs par le biais de la promotion des ventes, de la publicité sur le lieu de vente et de la force de vente. L’utilisation de ces moyens n’est pas exclusive et le plus souvent, on combine les deux approches. Lorsque des contraintes budgétaires imposent un arbitrage, l’approche push sera privilégiée lorsque la décision d’achat se prend majoritairement aux points de vente, ou quand la cible est difficile à identifier ; le pull sera utilisé en priorité lorsque le produit nécessite une explication non susceptible d’être fournie par les distributeurs, lorsque le fabricant a des relations difficiles avec les distributeurs, ou lorsque les clients sont en faible nombre et faciles à identifier.
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Si l’on combine les deux approches, il faut réfléchir à la programmation des différentes actions dans le temps. Si la communication pull en direction des consommateurs intervient très en amont de la présence en magasin, le risque est de perdre l’efficacité de ces dépenses, voire de mécontenter les clients qui ne trouvent pas le produit promis dans les magasins. Inversement, si elle intervient trop tard, les ventes risquent de démarrer lentement car la notoriété du nouveau produit ne sera pas acquise. Si les relations avec les distributeurs sont tendues, ce qui peut être le cas dans la grande distribution, notamment en France, le nouveau produit peut alors être déréférencé. Il convient donc d’ajuster les plannings de manière à ce que les actions de communication prennent leur plein effet au moment où le produit est déjà bien référencé en magasin, sans attendre un référencement maximal. En grande consommation, on considère souvent qu’il est judicieux de programmer la campagne de publicité au moment où l’on atteint 60 % à 80 % de DV. Bien évidemment, cette décision dépend de la vitesse du processus de décision des consommateurs, de l’état des relations avec les distributeurs, et du rôle qu’ils peuvent jouer dans la présentation du nouveau produit.
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• La publicité dans les médias
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Beaucoup de lancements d’innovations s’appuient sur des campagnes de publicité, notamment lorsque la taille de la cible potentielle le justifie. Il convient alors de s’interroger sur la répartition des investissements selon les cinq grands médias, auxquels il faut aujourd’hui ajouter le Web, mais également d’imaginer le recours à des supports plus innovants. En effet, la
communication d’une innovation a souvent plus d’impact lorsque le support est lui-même innovant.
1. Le choix des médias Dans un contexte de lancement, plusieurs critères entrent en compte dans le choix des médias à privilégier :
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– le coût : le coût de communication dans les médias peut être élevé. Si le chiffre d’affaires attendu du nouveau produit est faible, il n’est ni possible ni nécessaire d’avoir recours aux grands médias classiques ; – la vitesse : certains médias peuvent mettre du temps à agir sur la cible ; or dans un cas de lancement, la vitesse de diffusion de l’information est cruciale, notamment lorsque l’on souhaite une coordination étroite avec la disponibilité en magasin, ou si la situation concurrentielle est tendue ; – la cible : lorsque la cible potentielle est très large, la télévision et la presse se révèlent souvent incontournables. Les médias ne permettant qu’une couverture plus faible sont utilisés en complément pour des lancements à grande échelle, ou en médias principaux pour des lancements plus ciblés s’ils présentent une forte affinité avec la cible ; – la capacité d’explication : dans le cas de produits très innovants ou complexes, il est parfois nécessaire d’expliquer le produit au consommateur. Or, la télévision, le cinéma, la radio ne permettent pas de consacrer beaucoup de temps à l’explication du nouveau produit. Il peut donc être intéressant de se tourner vers la presse, ou vers des techniques de communication hors médias.
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Les médias classiques que sont la presse, la télévision, la radio, l’affichage, le cinéma et Internet sont listés dans le tableau suivant avec leurs caractéristiques sur les différents critères décrits. Il est à noter qu’Internet en tant que média rassemble à la fois la publicité sur des sites tiers, via les pop-ups par exemple, et les sites Internet dédiés à la marque et au nouveau produit, qui donnent des nombreuses informations sur l’innovation. Les deux approches sont d’ailleurs complémentaires puisqu’il est essentiel de créer du trafic sur le site dédié, ce que permettent les pop-ups et autres publicités sur des sites tiers. Une fois que l’internaute est présent sur le site, il faut lui apporter une valeur ajoutée (informations, services…) afin de le retenir et éventuellement de l’inciter à revenir.
En termes de communication digitale, la communication sur les réseaux sociaux (partage de vidéos sur YouTube, communautés de marque sur Facebook et Instagram) est en moyenne plus efficace pour le lancement de nouveaux produits que la publicité en ligne (displays et publicité sur les moteurs de recherche)32.
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Tableau 7.3 – Les caractéristiques des différents médias
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2. Les nouveaux supports et formes publicitaires
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Face à la moindre crédibilité de la publicité classique et à la désaffection des médias traditionnels, les marques cherchent de nouveaux supports de communication pour faire connaître et aimer leurs produits et services. On peut notamment citer trois nouveaux modes de communication dans les médias qui se développent depuis plusieurs années.
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– Le placement de produits : plutôt que de recourir à un spot publicitaire classique, la marque fait en sorte (moyennant rémunération ou prêts de produits) que son produit apparaisse dans un film, soit dans le décor, soit parce qu’un personnage l’utilise ou le prend en main. Ainsi, les spectateurs associent l’impression qu’ils ont du personnage, voire l’identification qu’ils éprouvent à son égard, à la marque considérée. Le placement de produits concerne également les jeux vidéo dont le héros peut utiliser certains produits ou services. – Le contenu de marque, ou « brand content » : certaines marques vont plus loin en développant et finançant elles-mêmes des contenus éditoriaux. Ce contenu de marque a pour origine les « soap opéras » ces séries télévisées produites aux États-Unis dans les années 30 par les lessiviers américains, et notamment Procter et Gamble. Aujourd’hui, ces contenus de marque sont souvent diffusés sur Internet33. – Les insertions d’images dans les applications mobiles. Le développement des applications sur téléphone mobile ou sur tablettes a entraîné l’émergence d’un nouvel espace publicitaire : un visuel de la marque s’insère sur l’écran du mobile pendant que l’application se télécharge sur le mobile, permettant une visualisation d’une à deux secondes.
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De nouvelles tendances émergent pour la promotion des innovations, comme le « live shopping » ou l’immersion des marques dans l’univers du métavers.
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– Le live shopping tire son origine de la pratique de live streaming, qui consiste à diffuser des vidéos de jeux vidéo ou de sport sur les réseaux sociaux. Cet outil, qui est une version modernisée du « téléachat », permet de promouvoir et d’acheter en ligne des produits promus par les marques ou par certains influenceurs. – Le métavers, qui est la contraction des termes « méta » et « univers », est un univers virtuel et immersif où les interactions ont lieu en 3D grâce à la réalité virtuelle. Encore à ses débuts, le métavers est caractérisé comme étant la version 2.0 du ecommerce.
Pour le lancement de son nouveau parfum, Fairy Love, Escada a conçu un univers virtuel : « Fairy Love Land ». Cet espace s’inspire des codes colorés, joyeux et féériques du parfum. Grâce à leurs avatars, les utilisateurs entrent dans cet univers métavers aux allures de fête foraine et participent à des mini-jeux. Ils peuvent gagner des items virtuels et un parfum Fairy Love. Le lancement s’est effectué sur la plateforme Roblox et a été inauguré par deux streameuses populaires de la plateforme Twitch, Kunshikitty et Gemita34.
Ces approches ne sont pas spécifiques aux lancements de produits et services, mais elles les concernent tout autant que les autres types de campagnes.
• Le hors médias
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L’utilisation du hors médias dans un contexte de lancement peut offrir différents avantages : un coût d’entrée moins élevé, une personnalisation perçue plus forte du message, et une capacité d’invention plus importante. Il est souvent privilégié lorsque le budget de lancement est restreint.
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Le marketing direct peut être utilisé pour communiquer de façon très détaillée sur un nouveau produit, et permet de distribuer des échantillons. Il permet également de communiquer de façon plus ciblée, par exemple en utilisant son propre fichier clients. Cette technique est notamment utilisée en business-to-business, car les différents clients potentiels sont plus faciles à identifier et en nombre réduit. Les médias du marketing direct sont principalement le courrier, l’e-mail et, de plus en plus, le mobile qui permet d’envoyer des messages localisés en fonction de l’endroit où se trouve le destinataire (avec par exemple l’indication du point de vente le plus proche).
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Les salons professionnels sont l’occasion de rencontrer directement les clients, de collecter un fichier de prospects, et de leur faire une démonstration du nouveau produit. Les salons professionnels sont un lieu de prédilection pour les entreprises qui souhaitent présenter leur portefeuille de nouveaux produits prêts à être commercialisés. C’est un moyen de renforcer la valorisation financière de l’entreprise notamment lors de la présentation de nouveaux concepts produits35.
Le Consumer Electronic Show de Las Vegas, qui a lieu en janvier est l’occasion chaque année de lancement d’innovations dans le domaine de l’électronique grand public. Ainsi, la marque sudcoréenne Asus, cinquième constructeur mondial d’ordinateurs portables, a créé la sensation en présentant en 2022 le Zenbook 17 fold, un ordinateur équipé d’un écran tactile souple capable de se plier en deux. Le lancement de cette innovation était prévu courant de l’année 2022 à un prix de 4 000 euros.
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Les relations publiques : lorsque la cible est relativement restreinte, comme par exemple dans les secteurs du luxe ou du business-to-business, il peut être intéressant d’inviter directement les clients potentiels ou une partie d’entre eux à des présentations du nouveau produit. Afin de stimuler l’intérêt, cette présentation est souvent associée à un autre événement, qu’il s’agisse d’un petit déjeuner ou cocktail, d’un spectacle, d’une exposition, d’un événement sportif, etc. Lorsque l’on s’adresse à une cible plus large, on réserve ces événements aux journalistes, blogueurs et leaders d’opinion afin qu’ils collectent des informations et des impressions sur le produit, qu’ils pourront ensuite relayer autour d’eux.
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Pour le lancement de sa collection 1984 Reloaded, la marque de montres Swatch a organisé un événement privé : un musée expérientiel jouant sur les codes des années 1980 a été créé. Un parcours découpé en plusieurs zones a permis aux invités, des journalistes et des influenceurs, de participer à des animations ludiques et nostalgiques conçues autour d’objets emblématiques, comme les cabines téléphoniques londoniennes, les téléviseurs rétro, les jeux d’arcade ou les baby-foot36.
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Le parrainage : depuis longtemps utilisé pour la promotion d’une marque, le parrainage d’événements sportifs, culturels ou de causes sociales est de plus en plus fréquemment employé comme support de lancement de nouveaux produits ou services. Différents objectifs peuvent être poursuivis37 : construire la notoriété de l’innovation, stimuler l’essai, notamment lorsque des échantillons sont distribués lors de l’événement, et soutenir le positionnement du produit.
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La création d’événements autour du produit permet de faire parler de celui-ci. Le succès dépend de l’attractivité et de l’originalité de l’événement créé, ainsi que du lien entre l’innovation apportée par le produit et l’événement lui-même. La création d’événements peut s’accompagner
d’actions de marketing de terrain afin d’aller directement à la rencontre des clients.
EXEMPLE Durant la pandémie de la Covid19, la marque Yves Saint Laurent a créé une « zoom party » ouverte simultanément aux quatre coins du monde (Paris, Singapour, New York) à ses clients VIP. C’était la première soirée numérique rassemblant près de 1 500 personnes. Au programme de cette soirée virtuelle, un set de musique animé par la DJ Louise Chen, l’apparition du danseur Brandon Miel Maesele ainsi que la présence de Kaia Gerber, l’ambassadrice de la marque. Un photocall virtuel (ou mur d’images devant lequel les participants posent) avec plusieurs fonds d’écran reprenant les codes de la marque (néons, paillettes, jets de lumière) a également été proposé.
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La stratégie de communication du lancement de la voiture Alpine
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Alpine est une marque emblématique des voitures de sport françaises. Le modèle Alpine, qui appartenait au groupe Renault, a été lancé en 1955 avant que sa production ne soit arrêtée en 1995. Néanmoins la marque est toujours présente dans l’imaginaire collectif et bénéficie d’une forte communauté de collectionneurs. Le groupe Renault a donc décidé de la relancer. Pour cela, une stratégie de communication a été mise en place en capitalisant sur plusieurs éléments :
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• En 2012, le groupe a procédé à une annonce préalable en indiquant son projet de relancement de la marque.
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• Alpine a ensuite été présentée dans divers salons professionnels, comme lors du salon automobile de Monaco en 2016, avec la mise en avant du concept car coupé sport GT Alpine Vision, ou lors du salon de Genève en 2017 avec le lancement officiel de l’Alpine A110.
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• La marque a bénéficié d’un lancement étalé sur 12 mois en Europe (France, GrandeBretagne, Allemagne) et au Japon. Fin 2016, près de 2 000 exemplaires de l’édition limitée Alpine Première Édition, vendue à 58 500 euros, avaient été réservés en l’espace de cinq jours.
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• La communication a été initialement effectuée auprès de clients passionnés de sport automobile. Celle-ci s’est ensuite progressivement élargie auprès d’autres communautés comme les passionnés de design, d’innovation technologique ou encore de belles montres.
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• Une campagne digitale a été orchestrée en s’appuyant sur plusieurs outils, comme une application mobile ou la création d’un e-shop pour les précommandes et sur une adaptation du message selon les réseaux sociaux, comme Twitter avec le hashtag #Alpineisback qui diffuse des informations en temps réel auprès des leaders d’opinions et des influenceurs, Facebook qui regroupe les passionnés avec la diffusion d’informations
sur les coulisses du lancement, ou Instagram qui s’adresse à une communauté « lifestyle » et un public d’esthètes. • Différents événements ont été organisés comme des visites d’usine, des roulages sur circuit, ou des invitations dans les coulisses de compétitions sportives. Le relancement d’Alpine a été réussi avec près de 5 000 unités vendues en 2019 et l’engagement sur les circuits de Formule 1 en remplacement de Renault Sport en 2021. Plusieurs projets de développement sont envisagés pour l’avenir, comme le lancement de modèles électriques. Sources : www.lesechos.fr, 18 janvier 2022 ; 6 septembre 2018.
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Le marketing de terrain consiste à aller directement à la rencontre du consommateur à l’endroit où il se trouve, que ce soit dans la rue, dans les écoles, dans les entreprises ou dans les stades. Ces techniques de communication ont notamment été utilisées pour approcher la cible des jeunes, certains d’entre eux étant assez méfiants à l’égard des techniques de publicité classiques.
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À l’occasion de ses 30 ans et du lancement de sa nouvelle attraction, « Attention Menhir ! », le parc Astérix a mené une opération de street marketing : des pluies de menhirs se sont abattues dans plusieurs grandes villes de France, où les habitants ont découvert de faux menhirs tombés du ciel. Ils avaient la possibilité de remporter un séjour gratuit en partageant un cliché de cette curiosité sur les réseaux sociaux38.
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• Les consommateurs comme ambassadeurs des nouveaux produits nque
1. Le rôle crucial des avis des consommateurs en ligne
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Comme on l’a vu dans le chapitre 2, les avis des consommateurs revêtent une importance particulière pour une innovation, car cette source d’information est considérée comme crédible par les clients potentiels. Il est donc important, pour bâtir la crédibilité du produit, de générer des avis positifs, en faisant tester dans de bonnes conditions le nouveau produit.
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Un certain nombre de lancements s’effectuent avec des dépenses de communication très faibles voire nulles, grâce au bouche-à-oreille entre consommateurs. Celui-ci relève parfois du simple hasard, ou, de plus en
plus fréquemment, de stratégies de lancement savamment organisées. Dans le cadre des produits co-créés, il s’agit de trouver le bon équilibre entre la valorisation d’un récit authentique généré par le créateur de l’idée et les outils de communication marketing plus conventionnels pour stimuler l’adoption du nouveau produit39.
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Pour le lancement de la première BB Cream de Garnier, la marque, certaine de la qualité de son produit a choisi, en amont du lancement qui a eu lieu à la fin du mois d’octobre, de le faire tester, entre août et septembre, à de nombreuses YouTubeuses influentes, puis de relayer leurs avis par l’intermédiaire des médias sociaux. Puis Garnier a diffusé un court film publicitaire sous forme de teasing pour inviter les consommatrices potentielles à se rendre sur le site de Garnier pour tester en avant-première. La crème a été approuvée par 76 % des consommatrices Garnier, et 67 % des nouvelles clientes de la marque. Le lancement a dépassé les espérances de la marque en termes de ventes, et ce sont les conversations sur Internet qui ont généré le plus de retombées.
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2. Le marketing viral
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Ce type de succès fait évidemment rêver les annonceurs, qui tentent de recréer les conditions d’une telle réussite. Le moyen de communication idéal du marketing viral est Internet, car il permet à un consommateur de relayer un message très facilement à de nombreux correspondants. Des messages peuvent ainsi faire le tour de la planète en quelques jours. Certaines marques ont ainsi créé des goodies informatiques, fonds d’écran, mails humoristiques, films YouTube, ou programmes utilitaires que les internautes se transmettent ou dont ils se transmettent les liens.
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Cependant, les exemples de succès de nouveaux produits basés uniquement sur le marketing viral demeurent rares. En effet, les premiers succès étaient assez largement basés sur l’effet de nouveauté, et sur l’ambiguïté entretenue entre des messages émanant des consommateurs et des messages commerciaux. Dès lors que ce moyen de communication est mieux connu des internautes, seule une réelle valeur ajoutée du message à relayer permet une diffusion importante.
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Aujourd’hui, le marketing viral est principalement utilisé comme complément aux approches de lancements classiques, permettant de renforcer le message de communication par un bouche-à-oreille sur Internet et une curiosité relayée dans les médias. Tous les lancements s’accompagnent de la création d’une page Facebook. Les publicités sont
mises en ligne sur YouTube, avec parfois en complément des makings of. Certaines marques vont plus loin en mettant en ligne des films pastiches que les consommateurs se transmettront. Dans d’autres cas, elles encouragent les consommateurs à créer eux-mêmes des films sur l’innovation ou sur la marque, souvent au second degré, mais susceptibles par leur humour d’attirer une large audience et donc de construire la notoriété du produit.
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Lorsque la marque bénéficie d’une communauté de fans, qui souvent échangent sur des blogs ou sur des sites créés par la marque elle-même, ces lieux constituent des relais privilégiés pour diffuser des informations sur l’innovation, faire témoigner des clients qui l’ont déjà essayée, faire inventer de nouveaux visuels publicitaires, etc. Le marketing viral s’appuie alors sur cette communauté impliquée et motivée par l’innovation. Il convient toutefois de trouver un équilibre entre l’entretien et la mobilisation de cette communauté déjà conquise à la marque, et donc favorable à l’innovation, et un objectif de recrutement de nouveaux clients impliquant d’opérer un marketing viral plus large auprès de clients qui connaissent mal la marque ou ses produits. On aura alors recours à un marketing viral sur d’autres sites. 7687
3. Le parrainage par les consommateurs
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Le principe est de rémunérer les premiers consommateurs du produit, soit sous forme de cadeaux, soit sous forme de bons de réduction lorsqu’un nouveau consommateur est identifié par l’entreprise. :211
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La marque de déodorant Nuud a été lancée en 2017. Sa formule brevetée, sans aluminium ni produit chimique, neutralise les bactéries et les odeurs pour une efficacité entre trois et sept jours. Elle est vendue en tube en bioplastique de canne à sucre. Son lancement a notamment été fondé sur le parrainage entre consommateurs. En recommandant le site à un ami ou une connaissance, le parrain se voit attribuer 10 % de remise et le filleul une réduction de 20 %. Cette technique peut être considérée comme faisant partie d’une stratégie d’essaimage. Depuis son lancement, la marque compte plus de deux millions de followers.
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• La promotion des produits innovants en BtoB
Pour les lancements de produits et services destinés aux entreprises, les sources d’information des clients sont quelque peu différentes. Parce que la cible est plus réduite en nombre, que l’entreprise est souvent en contact direct avec ses clients, que les processus d’achat sont souvent plus longs et plus formalisés, et que les médias sont peu utilisés comme source d’informations crédibles, le mix de communication est donc sensiblement différent des marchés grand public.
1. Le rôle essentiel de la force de vente directe
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Dans de nombreuses activités industrielles, la commercialisation est assurée par l’intermédiaire d’une force de vente directe. Les vendeurs de l’entreprise sont alors directement en contact avec les clients et jouent un rôle essentiel pour faire connaître les innovations et convaincre les clients de leur pertinence. Ceci est particulièrement vrai lorsque les produits ont un contenu technique important. Les vendeurs doivent alors maîtriser la complexité du produit et pouvoir présenter ses avantages techniques pour le client.
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Un aspect important du lancement est alors la présentation du nouveau produit aux vendeurs. Elle comportera une formation sur le produit et des outils pour le présenter efficacement en tenant compte des caractéristiques d’utilisation par le client et de ses processus d’achat. 044:
2. Une forte utilisation du hors-média
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En BtoB, la communication hors médias joue souvent un rôle beaucoup plus important que sur les marchés de consommation courante. Les deux principaux leviers utilisés lors des lancements sont les suivants :
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– les événements de relations publiques avec les principaux clients potentiels de l’innovation, notamment les petits-déjeuners et les invitations dans les espaces VIP d’événements culturels ou sportifs ; périe
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Amazon Web Services (AWS) organise chaque année un événement, l’AWS Summit. Ses principaux clients bénéficient d’avis d’experts, de la présentation des grandes tendances du cloud, de sessions sur l’innovation numérique, de découverte d’exemples concrets de solutions innovantes. L’AWS DeepRacer League, un championnat de course de voitures miniatures fondé sur une forme avancée de machine learning, est également organisé40.
– les salons professionnels réunissent les différents acteurs de la filière sur un même site, soit dans un but de prise de commande, soit plus fréquemment à des fins de communication et de démonstrations. L’événement est fortement relayé dans la presse. Les nouveaux produits en phase de lancement ou en projet sont présentés aux acheteurs potentiels.
EXEMPLE Verallia, filiale de Saint Gobain a mis au point du verre fluorescent, utilisé notamment pour des bouteilles destinées aux spiritueux de luxe. Cette nouvelle gamme, appelée Selective Line a été lancée au Luxe Pack Monaco, salon consacré au packaging de luxe.
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3. Des médias spécifiques
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Lorsque le nombre de clients est relativement important, il peut être pertinent de faire de la publicité dans les médias, mais en privilégiant les médias lus par les acheteurs professionnels et les utilisateurs potentiels du produit. On privilégie en général la presse professionnelle. Celle-ci offre une diversité de titres pour chaque métier, permettant aux entreprises de se tenir au courant de l’actualité dans leurs différents métiers.
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1 • LE CONTRÔLE DU LANCEMENT
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Au fur et à mesure que se déroulent les actions relatives au lancement, ainsi que les premières semaines de la vie commerciale du produit, il est nécessaire pour l’entreprise de suivre étroitement les résultats du lancement. Ce contrôle est particulièrement important pour pouvoir identifier les difficultés éventuelles, comprendre leurs causes et réagir très vite, notamment lorsque les résultats sont en deçà des objectifs. C’est la raison pour laquelle il faut définir les différents indicateurs à suivre avant le lancement.
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• Les indicateurs
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Le tableau 7.4 présente un panorama des différents indicateurs qu’il est utile de suivre après le lancement de l’innovation. Selon les secteurs, il convient
de les adapter et de mettre en place les sources d’information adéquates pour pouvoir les suivre. En effet, lorsqu’il existe des panels, comme dans la grande distribution, dans les produits durables, ou encore dans la pharmacie, les différents indicateurs sont collectés de façon régulière et systématique. Dans d’autres secteurs, par exemple en business-to-business, il faut mettre en place des indicateurs dès le lancement. En amont de l’analyse de la performance de l’innovation produit, les managers doivent aussi analyser les performances des produits qu’ils ont déjà lancés, afin d’incorporer ces connaissances dans leurs nouveaux lancements produits41.
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Tableau 7.4 – Les indicateurs de contrôle du lancement
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Au niveau des ventes, il conviendra de distinguer le « sell in », correspondant au montant des achats par la distribution, et le « sell out », qui désigne les achats par les clients finaux. En effet, les distributeurs peuvent avoir des anticipations fortes sur le succès du nouveau produit, et commander de fortes quantités, qui ne sont pas toujours vendues par la suite. Selon la nature du contrat entre fabricant et distributeurs, on peut alors faire face à des retours de la part des distributeurs.
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Ces différents indicateurs permettent d’identifier la nature d’un éventuel problème, afin d’envisager une solution. Cependant, ils sont en général insuffisants car ils ne fournissent pas d’explications sur la source des difficultés. Il est donc souvent nécessaire de réaliser des post-tests, sous forme d’enquêtes qualitatives ou quantitatives auprès des premiers acheteurs, des prescripteurs, des vendeurs ou des distributeurs, afin de mieux comprendre les résultats obtenus. périe
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ShopAdvizor, un outil d’évaluation post-lancement
Depuis 2013 en France, a été déployé un outil d’évaluation post-lancement de nouveaux produits, à la frontière du test de produit et du panel, appelé ShopAdvizor. Lancé initialement par Brand Value en Argentine avec le distributeur Wallmart, ShopAdvizor est mis en œuvre en France par Mediaperformances et le distributeur Carrefour. Le système communautaire, qui repose sur l’application « MonAvisLeRendGratuit », se fonde sur les évaluations d’environ 2,5 millions de consommateurs dans le monde (100 000 foyers en France actifs tous les ans), et concerne plus de 7 000 produits et 4 500 marques. ShopAdvizor fournit des informations en temps réel aux fabricants : les consommateurs volontaires évaluent le nouveau produit (satisfaction globale et intention d’achat futur du produit testé) via l’application. Les industriels accèdent à un feedback instantané et une analyse de leurs innovations. Pour être désigné comme « Préféré par les consommateurs », l’innovation produit doit être la meilleure de sa catégorie, et obtenir une note supérieure à la moyenne de tous les lancements testés. En 2020, les céréales Bjorg bio, les pâtes au blé complet de Barilla, ou l’eau micellaire démaquillante de Nivea ont été élues par les consommateurs français meilleurs produits de leurs catégories et ont obtenu le label « Innovation Choice ».
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Les volumes traités sont très importants à la fois en termes de produits, catégories et marques et de tailles d’échantillon (environ 1 500 personnes par produit testé, 300 000 consommateurs). Ces volumes autorisent :
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• des analyses fines par sous-segments de clientèle (ce que ne permettent pas les post-tests réalisés sur des échantillons souvent réduits (60 à 300 individus) ;
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• une rapidité des éclairages (contrairement aux panels consommateurs) : dès qu’une centaine d’interviews a été réalisée, le fabricant sait globalement ce qu’il en est de la performance de son produit relativement aux produits concurrents.
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• une rapidité de compréhension des raisons de la performance ou de la sous-performance du produit.
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L’annonceur sait par exemple s’il y a un problème de visibilité du produit en rayon (auquel cas il peut se tourner vers le distributeur), si le niveau de prix est mal perçu ou si le conceptproduit est inadapté. Il lui est alors possible de réajuster sa stratégie marketing et d’analyser les retours clients dans le cadre de prélancement de produits ou de mises en rayon de nouvelles références. En revanche, le dispositif :
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• compte moins de seniors que la moyenne nationale ;
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• est un outil de post-test qui ne décide pas du lancement ou non d’un produit. Les suggestions de modifications de composantes intrinsèques du produit sont des reformulations limitées ;
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• est un outil qui guide essentiellement les décisions locales.
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Source : www.marketresearchnews.fr; www.ecommercemag.fr; www.lsa-conso.fr; www.shopadvizor.fr.
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• Les actions correctives possibles
Lorsque les ventes de l’innovation ne sont pas à la hauteur des objectifs, différentes actions correctives peuvent être envisagées au fur et à mesure de l’évolution des ventes. Elles dépendent du diagnostic posé, qui lui-même peut être établi en fonction des différentes étapes d’adoption présentées dans le chapitre 2.
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Tableau 7.5 – Les principaux problèmes apparaissant lors du lancement d’un nouveau produit
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Les actions correctives envisagées correspondent à des délais distincts :
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– certaines actions correctives peuvent être relativement faciles à prendre, moyennant un budget supplémentaire, et peuvent intervenir à court terme (quelques jours ou quelques semaines). Cela peut être le cas des promotions prix, du lancement d’une nouvelle campagne de communication à l’identique, d’actions promotionnelles en direction des distributeurs ;
– d’autres nécessitent des études supplémentaires, comme la conception d’une nouvelle campagne ou d’un nouveau packaging, ou la rédaction de nouvelles consignes d’utilisation, et ne peuvent intervenir qu’à moyen terme (quelques semaines à quelques mois) ; – d’autres enfin nécessitent une révision du produit lui-même ce qui peut se révéler long et coûteux (six mois à un an). Cela peut être le cas si les consommateurs sont insatisfaits des performances du nouveau produit. Dans les situations les plus graves, il peut se révéler nécessaire de retirer l’innovation du marché, voire de rappeler les produits déjà vendus. Cela peut être le cas lorsque l’on fait face à des malfaçons, comme cela est déjà arrivé dans l’alimentaire, l’industrie pharmaceutique ou l’automobile.
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Enfin, le lancement peut également générer des ventes supérieures aux attentes de l’entreprise. Il importe alors de pouvoir réapprovisionner au plus vite les points de vente, afin de profiter au maximum de cette tendance positive, et ne pas avoir de ruptures de stocks ! 46.4
EXEMPLE
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La première version de la tablette Surface de Microsoft, la Surface RT, a enregistré lors de son lancement des ventes très décevantes, entraînant des stocks d’invendus, et au niveau comptable, une dépréciation dans les comptes. Pour relancer les ventes, la firme américaine a tout d’abord baissé le prix de 150 dollars, puis lancé une nouvelle version plus performante, la Surface 2.
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5 • LES LANCEMENTS INTERNATIONAUX
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Les étapes du lancement décrites tout au long de ce chapitre présentent un lancement sur un marché donné, en supposant que l’entreprise dispose d’une marge de manœuvre complète. Or, aujourd’hui, la plupart des lancements émanent d’entreprises internationales et concernent plusieurs marchés nationaux, ce qui soulève plusieurs questions : quelles sont les décisions sur les modalités de lancement prises par le siège et quelles sont celles qui incombent aux antennes nationales ? Faut-il lancer en même temps l’innovation dans les différents pays visés ou est-il préférable d’étaler les lancements ? Quels sont les éléments de la stratégie de lancement qui sont standardisés et quels sont ceux adaptés au marché local ?
• La répartition des décisions entre le siège et les antennes nationales Le degré de centralisation des décisions de lancement varie énormément d’une entreprise à l’autre. L’entreprise peut, selon les cas :
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– prendre la décision de lancement de manière centralisée, par exemple en fonction de la taille des différents marchés nationaux ; – prendre cette décision zone par zone en concertation entre le siège et les antennes locales à même d’évaluer le potentiel de l’innovation sur le marché local ; – laisser la décision à la seule responsabilité des équipes locales. L’équipe marketing développement devra alors convaincre les différents pays de l’intérêt de lancer le produit dans leur propre zone de responsabilité.
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Les contraintes de production et la volonté de réduire les coûts rendent toutefois ce type de pratiques de moins en moins fréquentes, du fait d’une volonté d’avoir des usines de production qui approvisionnent plusieurs pays. Plus souvent, en revanche, ce sont les conditions de lancement qui vont être adaptées à chaque pays en fonction des habitudes marketing locales mais aussi du budget local de lancement, lui-même déterminé par le potentiel de ventes de la zone. 044:
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Dans le groupe Seb, les directeurs produit développent et suivent les lancements de produits pour le monde entier. Ainsi, sur le marché des friteuses électriques, un directeur produit est en charge du segment des friteuses « à bain d’huile » pour le monde entier, tandis qu’un autre est responsable de la gamme « sans huile », baptisée Actifry. Les friteuses sont vendues, selon les pays sous la marque Seb, Moulinex, ou Rowenta. Une fois le lancement décidé, les conditions de lancement peuvent être plus ou moins standardisées.
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La place centrale qu’occupe l’entreprise dans le réseau mondial représente une arme à double tranchant : elle favorise le succès des innovations incrémentales du fait de la densité de son réseau, mais nuit à ses lancements d’innovations radicales. Il s’agit alors pour l’entreprise de sortir des sentiers battus et de diversifier son réseau. Elle doit travailler avec des partenaires plus éloignés de son cœur d’activité pour stimuler ses capacités d’innovation42.
• Le calendrier des lancements internationaux Une fois les zones de lancement définies, il convient de décider du calendrier. Deux stratégies existent en la matière.
1. Le lancement simultané
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Un lancement simultané dans tous les pays permet d’avoir un meilleur impact dans les médias, par exemple en utilisant des événements mondiaux. Pour un même budget, un lancement simultané dans des pays voisins peut avoir une meilleure efficacité. Cela permet également de surprendre les concurrents, alors qu’un lancement échelonné prévient les concurrents et leur permet de se préparer dans les pays où le lancement est plus tardif. 3975
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Le jeu d’action Far Cry est l’une des sagas les plus populaires d’Ubisoft où les joueurs se mettent dans la peau d’un méchant. Chaque nouvel épisode de Far Cry est un événement pour les fans de cette série, l’une des plus importantes de l’éditeur français. Son dernier opus, Far Cry 6, a fait l’objet d’un lancement mondial le 7 octobre 2021 et était disponible sur de multiples supports : Xbox, Stadia, Playstation, Windows PC ainsi que l’Ubisoft store43.
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Cependant, un lancement global simultané est souvent très difficile à organiser pour différentes raisons :
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– des raisons logistiques et de production : il est souvent difficile de fabriquer des quantités suffisantes pour approvisionner l’ensemble du marché visé dans le monde et de livrer partout à la même date ; – des raisons de disponibilité des équipes : c’est notamment le cas lorsque les dirigeants de l’entreprise, des ambassadeurs et des égéries du nouveau produit (cas des parfums, ou des films de cinéma) se mobilisent pour le lancement et font des tournées de promotion dans les différents pays ; – des raisons financières : il peut être difficile de financer simultanément les campagnes de lancement dans les différents pays.
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2. Le lancement échelonné
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L’étalement dans le temps permet de faire face à ces difficultés mais également de tenir compte des conditions locales des marchés : saisonnalités distinctes, dates des lancements concurrents, contraintes
réglementaires. Dans le cas du médicament, par exemple, il est nécessaire d’obtenir des autorisations de mise sur le marché, dont les conditions et les délais d’obtention varient selon les pays. Dans le cas du 7e art, il existe en France des contraintes de délais à respecter entre le lancement du film au cinéma et sa diffusion sur d’autres supports. Cela explique que les DVD/téléchargements/streaming soient souvent disponibles dans d’autres pays avant la France. L’étalement permet également de bénéficier de l’expérience acquise dans d’autres pays, d’améliorer le produit ou les autres éléments du mix.
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Cependant, un lancement trop échelonné peut comporter un risque d’importation parallèle, si le produit est un succès médiatisé dans un pays et tarde trop à être lancé dans un autre. C’est par exemple le cas pour les albums musicaux, qui font l’objet de copies ou de téléchargements illicites sur Internet.
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Si la stratégie de lancement échelonné se révèle donc la plus facile à mettre en œuvre, il est nécessaire pour l’entreprise de s’interroger sur le ou les pays qui doivent lancer en premier, et sur le calendrier précis des lancements. La tendance est à la réduction des temps de déploiement des lancements dans les différents pays.
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Nutella B-Ready est l’une des innovations les plus réussies des dernières années. Ferrero, le groupe détenteur de la marque, a pris son temps pour affiner le concept, en ajoutant par exemple des billes croustillantes dans le fourrage au Nutella. B-Ready a été officiellement lancé en Italie en 2014, puis en Espagne fin 2015. Le biscuit a ensuite été lancé en France en 201644.
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• Standardisation et adaptation des lancements aux différents niveaux d’action
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Les autres décisions à prendre pour un lancement international concernent les modalités du lancement lui-même : son positionnement, son prix, la campagne de communication et la distribution. Les fortes différences entre les marchés nationaux, tant en termes d’habitudes de consommation que de réseaux de distribution, de fréquentation des médias, ou encore de pratiques marketing, expliquent qu’il soit difficile de standardiser totalement les lancements. Alors que les entreprises internationales aimeraient souvent
avoir des lancements standardisés pour réaliser des économies d’échelle et favoriser une perception identique des marques dans les différents pays, elles sont souvent contraintes d’adapter certains éléments à cause des situations différentes des marchés. Dans les activités business-to-business, ces contraintes à l’adaptation sont moindres, conduisant souvent à des lancements plus globalisés.
1. Un positionnement standardisé ou adapté
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Le positionnement pertinent pour une innovation dépend des habitudes d’usage du marché et de la situation concurrentielle. Dans les secteurs hightech et dans le luxe, la forte internationalisation des acteurs et la convergence des habitudes d’utilisation expliquent qu’il soit souvent possible d’adopter un même positionnement pour le monde entier. Ainsi, dans les jeux vidéo ou l’informatique, le positionnement des nouveaux produits est souvent identique d’un pays à l’autre. C’est moins vrai dans la téléphonie où les habitudes d’usage des Japonais sont très différentes du reste du monde, induisant des choix de positionnements spécifiques pour ce marché.
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Il en est tout autrement dans les secteurs d’activité pour lesquels les habitudes de consommation restent très différentes d’un pays à l’autre, par exemple l’alimentaire, la cosmétique ou les détergents. Plusieurs stratégies sont alors envisageables :
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– la première consiste à assumer les différences, en tentant d’imposer de nouvelles habitudes ou une nouvelle perception, identique selon les pays. L’origine géographique du nouveau produit peut alors être revendiquée ; – la seconde consiste à présenter un même produit de façon différente selon les pays.
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Exemple de positionnement différent d’un produit selon les différents pays européens : Ace
Ace Gentle est un produit qui permet de détacher les textiles délicats, notamment la soie et la laine, avec l’efficacité de l’eau de Javel. C’est ainsi que le concept du produit a été testé en Italie (Ace Gentile), puis en France (Ace Délicat). Il suffit de mettre un peu du produit directement sur les taches, ou dans le tambour de la machine, puis de laver immédiatement, pour obtenir un résultat bien meilleur que tous les produits existant de l’époque. Les problèmes rencontrés pour détacher les textiles délicats sont communs à tous les pays d’Europe, et le potentiel du produit paraissait donc très important. Cependant, un lancement paneuropéen s’est heurté à diverses difficultés : • réglementaires, tout d’abord. En France et en Belgique, il est interdit d’appeler un produit « eau de Javel » (bleach), s’il ne contient pas un certain pourcentage de chlore. Il a donc fallu appeler le produit « détachant », alors que son mode d’utilisation et son efficacité le distinguent nettement des détachants classiques, comme l’Eau écarlate, par exemple ; • les habitudes des consommateurs :
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– en Angleterre, en Allemagne, et dans les pays scandinaves, l’eau de Javel n’existe que sous forme de gel, et est utilisée uniquement dans les toilettes. Il n’était donc pas possible de faire référence à l’eau de Javel pour un produit pour le linge.
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– en France, les utilisateurs de lessive liquide ont l’habitude de mettre du produit sur la tache et de laisser agir ou tremper. Or, si l’on procède de cette façon avec Ace, cela endommage gravement le linge. Cela a conduit à modifier deux fois en six mois la rédaction des instructions d’utilisation sur le packaging.
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– les foyers français, italiens et espagnols ont un parc de lave-linge majoritairement à chargement par le dessus, alors que les foyers belges ont plutôt des lave-linge à hublot, ce qui rend l’utilisation du produit, qui doit être mis sur les taches ou dans le réservoir à lessive, plus difficile (nécessité d’avoir une boule doseuse).
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Ces différences expliquent qu’aujourd’hui Ace soit un immense succès commercial en Italie, un grand succès en France, en Espagne, et au Portugal, un succès plus mitigé en Belgique, mais qu’il ait été retiré du marché en Angleterre. Il n’a pas été lancé au nord de l’Europe.
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Il faut noter que les différences de positionnement entre les pays sont souvent subies plus que planifiées. Il est en effet fréquent que l’entreprise souhaite avoir un positionnement identique dans tous les pays, mais ne parvienne pas à construire une image conforme à ce positionnement dans tous les pays. ure d
2. Le prix d’un nouveau produit à l’international le Su
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Le prix d’une innovation est souvent assez différent d’un pays à l’autre, pour les raisons suivantes :
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– certains éléments de coûts varient selon les pays, par exemple lorsqu’il existe des taxes spécifiques ou des coûts logistiques particulièrement
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élevés dans certaines zones ; – le niveau de vie est différent entre les pays, imposant de fortes variations du prix facial si l’on veut garder le même positionnement. Un prix identique peut parfois induire un positionnement populaire dans certains pays à fort niveau de vie et haut de gamme dans des pays en développement. Il est toutefois nécessaire de considérer non seulement le revenu moyen du pays, mais également la répartition de ce revenu dans la population, car il peut exister un potentiel de demande important pour un produit à un prix élevé dans un pays à revenu moyen modeste s’il existe une frange de la population particulièrement privilégiée. C’est par exemple le cas au Brésil ou en Russie ; – la situation concurrentielle des marques est souvent différente d’un pays à l’autre, induisant une politique de prix agressive dans les pays où la marque est plus faible et les concurrents puissants.
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Le marché du streaming musical est en pleine expansion sur le continent africain. Plusieurs opérateurs ont choisi de lancer de nouvelles offres pour faire face à cet engouement. Néanmoins, alors qu’en Europe les utilisateurs optent le plus souvent pour un abonnement mensuel, cela ne concerne que 1 % des utilisateurs en Afrique. Certains acteurs, comme Spotify, diminuent le prix de leurs abonnements. D’autres, comme Orange, s’adaptent aux contraintes de la population en proposant des pass à la journée, sur trois jours, ou à la semaine. Une stratégie adoptée également par Boomplay, l’un des services de streaming les plus populaires en Afrique, qui met à la disposition de ses utilisateurs des abonnements à la semaine et à la journée45.
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Cependant, adopter des niveaux de prix très différents d’un pays à l’autre pose l’aigu problème des importations parallèles : certains acteurs peuvent acheter les produits dans les pays où les prix sont bas pour les revendre à un prix inférieur au prix officiel dans les pays où les prix sont élevés, produisant un fort manque à gagner pour l’entreprise. C’est d’autant plus difficile à gérer que les prix dans les différents pays sont exprimés dans la même monnaie et donc directement comparables, et que la circulation des biens est libre. C’est ce qui a obligé de nombreuses entreprises européennes à définir des « corridors de prix », c’est-à-dire des écarts de prix acceptables pour les clients (distributeurs et consommateurs). Ces corridors doivent être respectés lors de la fixation du prix d’un nouveau produit par les équipes marketing des différents pays.
3. La communication à l’international En ce qui concerne la création publicitaire, certaines entreprises choisissent de développer des supports de communication utilisés dans le monde entier, ce qui permet des économies d’échelle. C’est toutefois assez rare et la communication est, dans la majorité des cas, adaptée à certains pays, et ce pour deux raisons : les styles de publicités et la renommée des personnalités utilisées.
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– Les styles publicitaires sont souvent différents selon les pays, et l’adhésion à la publicité peut être très variable d’un pays à l’autre. Ainsi, dans certains pays, il convient d’adapter les visuels de femmes dénudées. – Lorsqu’une personnalité médiatique est choisie pour endosser l’image du nouveau produit, il n’est pas toujours possible de trouver une personne internationalement connue et véhiculant une image positive dans tous les pays, et qui de surcroît accepte de « porter » le produit dans tous les pays. .141
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Le groupe L’Oréal est connu pour ses égéries de renommée internationale comme Jane Fonda, Eva Longoria ou Kate Winslet. Le groupe fait également appel à des égéries reconnues localement, comme la chanteuse Yseult en France, la créatrice de mode Liya Kebede en Éthiopie ou la mannequin et actrice indienne Nidhi Sunil.
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Les plans médias varient très souvent selon les pays. D’abord parce que la structure de la consommation des médias est variable d’un pays à l’autre, et les différents supports ont des positionnements spécifiques dans chaque pays. Ensuite, parce que dans certains pays, certaines catégories de produit sont totalement interdites de publicité (comme les cigarettes ou les médicaments en France) ou de certains médias (dans certains pays nordiques, la publicité pour les produits destinés aux jeunes enfants est interdite à la télévision). En revanche, les opérations de parrainage peuvent avoir une envergure mondiale si l’événement sponsorisé, en particulier dans le sport, a une envergure mondiale (Jeux olympiques, Coupes du monde, etc.).
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4. L’adaptation de la distribution
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Enfin, la structure des réseaux de distribution est souvent la source d’hétérogénéité la plus forte entre les différents pays, à la fois au niveau des concepts de distribution que des enseignes elles-mêmes. Les modèles économiques (structure des marges, part des marques de distributeurs) et les degrés de concentration du secteur varient énormément d’un pays à l’autre. Cela peut conduire à des différences dans le pouvoir de négociation des fabricants et dans les types d’actions promotionnelles mises en œuvre. Ainsi, très peu de distributeurs ont une présence mondiale, à l’exception notable de certains distributeurs français comme Carrefour, Auchan et Casino, du néerlandais Ahold, de l’anglais Tesco, ou de l’allemand Metro. On assiste également à l’émergence de distributeurs européens, comme les Allemands Rewe, Aldi, Tengelmann, ou dans la distribution spécialisée Decathlon ou Habitat. Ceci peut permettre à l’entreprise lançant un nouveau produit de négocier globalement le référencement de celui-ci dans les différents pays.
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Ainsi, les conditions de lancement comportent une forte part de variation d’un pays à l’autre. C’est pourquoi le lancement d’une innovation doit souvent s’appuyer sur une structure locale chargée non seulement de mettre en œuvre le lancement, mais aussi d’identifier, sur plusieurs éléments du mix, les conditions de lancement adéquat. En ce sens, les antennes locales jouent un rôle essentiel dans la conception du lancement opérationnel.
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En ce qui concerne la motivation de la force de vente, la prise en compte des différences de cultures nationales en termes d’individualisme, d’orientation long terme, d’incertitude et de distance hiérarchique est importante. Pour les cultures dites « individualistes », les rémunérations variables et les primes indexées sur la vente des innovations sont pertinentes. Pour les cultures orientées vers le long terme, il s’agit de valoriser les bonnes appréciations des managers concernant les ventes de l’innovation46.
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L’ESSENTIEL
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• Le succès d’un lancement réside tout d’abord dans le choix d’une tactique adaptée à la problématique dans laquelle s’inscrit l’innovation. On peut
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distinguer deux extrêmes : le lancement souple ou montée en charge progressive, ou le lancement de masse. • Une fois cette tactique choisie, la mise en œuvre opérationnelle nécessite une programmation minutieuse. • Pour promouvoir l’innovation, il faut informer les clients potentiels et la mettre à leur disposition par l’intermédiaire des distributeurs, qui doivent eux aussi l’adopter. • L’entreprise doit s’interroger sur l’intérêt de communiquer avant le lancement, afin d’accélérer les ventes dès la mise sur le marché. Elle doit concevoir un message mettant en exergue la valeur ajoutée de l’innovation, choisir la cible de communication, les médias et supports de communication adaptés en envisageant des moyens innovants. • Enfin, lorsque le produit est en phase de démarrage, l’entreprise doit contrôler le lancement, et pouvoir être flexible pour réagir vite en cas de problème. • Lorsqu’il s’agit d’un lancement international, il faut choisir la chronologie des lancements dans les différents pays, et les éventuelles variantes de positionnement et de variables du marketing mix. • Vision stratégique, rigueur dans la préparation, et rapidité de réaction sont trois compétences complémentaires nécessaires pour réussir au mieux le lancement. Lorsque les tests marketing ont été correctement réalisés et pris en compte, et que les différentes étapes du lancement ont été planifiées avec soin, les plus gros risques d’échec sont écartés, même s’il reste toujours des facteurs impondérables. • L’élément le plus fréquemment sous-estimé dans la programmation du lancement et lors de la fixation des objectifs est la réaction des concurrents. Or l’intensité du lancement mesurée par l’envergure des différentes actions de communication et l’étendue de la distribution est souvent interprétée par les autres entreprises du secteur comme un signe d’agressivité concurrentielle, et provoque des réactions. La prise en compte de cette dynamique concurrentielle fera l’objet du prochain et dernier chapitre de l’ouvrage.
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CHAPITRE 8 LES STRATÉGIES CONCURRENTIELLES DE L’INNOVATION OBJECTIFS
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→ Tout au long de cet ouvrage, nous avons souligné la nécessité d’innover pour rester compétitif. Cependant, il est nécessaire d’approfondir cette vision en resituant l’innovation dans la bataille concurrentielle. L’innovation a une double fonction : – pour les entreprises déjà présentes sur le marché, elle constitue un moyen de se protéger de la concurrence, en fidélisant les clients et en créant des barrières à l’entrée pour les nouveaux entrants ; – pour une entreprise nouvelle, c’est souvent le meilleur moyen, sinon le seul, d’attaquer un leader installé. → Face à ces nouveaux entrants, les entreprises établies réagissent de différentes manières pour maintenir leurs positions concurrentielles, soit en lançant leurs propres produits, soit en mettant en place des actions de rétorsion. → Dans ce chapitre, nous nous intéressons dans les sections suivantes à l’intérêt pour les entreprises d’être les premières à introduire des innovations radicales ou au contraire à adopter une position de suiveur. En effet, un lancement plus tardif, s’il met en œuvre une amélioration du produit et qu’il est accompagné d’une politique de marque bien construite ou d’une campagne de lancement intensive, peut également permettre le gain de parts de marché importantes ; et un suiveur, notamment s’il réagit rapidement, peut devenir leader du marché.
1 • LES EFFETS DE L’INNOVATION SUR LES MARCHÉS La dynamique concurrentielle autour d’un nouveau produit peut se classer en quatre catégories d’effets : l’innovation peut accroître la taille et la structure du marché, modifier la manière dont les produits antérieurs sont perçus, et provoquer des réactions chez les concurrents. Plus encore, elle déstabilise parfois profondément le secteur en modifiant la nature de la catégorie et en mettant en concurrence des entreprises qui appartenaient jusque-là à des secteurs différents. 479
• Élargir le marché
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Le lancement d’une nouvelle offre a souvent pour conséquence d’élargir le marché. Plusieurs phénomènes peuvent opérer :
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– Le produit/service peut attirer vers la catégorie des clients qui ne l’achetaient pas précédemment, parce qu’il correspond à de nouvelles caractéristiques. 7687
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Les tablettes ont attiré vers l’informatique et l’usage d’Internet des clients qui estimaient l’utilisation de l’ordinateur trop complexe, et le lancement de la Wii de Nintendo a élargi le segment des joueurs de jeu vidéo au-delà des hommes jeunes. Des propositions de vins sans alcool comme Le Petit Béret ou FrenchBloom rencontrent le succès et permettent à des consommateurs qui ne boivent pas d’alcool, pour des raisons de santé ou religieuses, d’accéder à la catégorie de produits.
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– L’innovation peut inciter les clients actuels à consommer ou à acheter davantage, en volume. Tout d’abord, les volumes d’achat ou de consommation peuvent augmenter sous l’effet d’une innovation de prix. C’est notamment le cas lorsque se développe un marché low cost, ou lorsqu’un acteur introduit une tarification au forfait.
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Dans le domaine de la coiffure, l’enseigne Tchip, créée en 1996, a permis à des clients avec des budgets limités d’aller plus fréquemment chez le coiffeur, voire à certains d’accéder à cette
catégorie de services. L’enseigne a innové en 2021 en lançant une formule Smart, à prix fixe, mais variant selon la longueur des cheveux1. Dans le domaine du transport une formule comme TGVMax permet aux usagers âgés de 16 à 27 ans, moyennant une somme forfaitaire de 79 euros par mois, de voyager gratuitement sur le réseau TGV du lundi au vendredi, hors période de forte affluence. Cet abonnement a augmenté le recours des jeunes à ce mode de transport. Forte de ce succès, la SNCF a lancé en 2022 une formule identique pour les plus de 60 ans, baptisée TGV Max Senior.
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– Le deuxième effet correspond à une recherche de variété ; par exemple, dans le domaine alimentaire, une innovation peut, en offrant une alternative nouvelle au sein d’une catégorie ou d’une gamme de produits, faire augmenter la consommation globale de la catégorie. Cet effet est très fréquent, d’autant que le lancement d’une innovation est souvent l’occasion de grandes campagnes de communication qui incitent les clients à se tourner non seulement vers le produit mais également vers la catégorie tout entière, en la rendant présente à l’esprit. .141
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Ainsi la diffusion du Spritz, après le rachat de la boisson Apérol par le groupe Campari en 2003, a offert aux consommateurs une nouvelle alternative de cocktail, plus douce et plus photogénique. Combiné à une tendance à l’italophilie en France et à une stratégie marketing très efficace de la part de la marque, cela a abouti à une progression globale du marché de l’apéritif en France.
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– Enfin, le succès d’une innovation peut contribuer à faire progresser le marché en valeur, lorsque le produit ou service innovant est vendu à un prix supérieur à la moyenne du marché.
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Les ventes de vélos ont connu en 2021 une croissance en France de + 4 % en volume et de 15 % en valeur par rapport à 2020, notamment du fait de l’introduction et de la forte progression des vélos à assistance électrique (VAE)2. Ces derniers ont été vendus à plus de 660 000 exemplaires en 2021 (+ 28 % sur un an) et représentent désormais près d’un vélo sur quatre vendus en France, et 59 % du marché en valeur. En effet, le prix de vente moyen d’un VAE est de 1 993 euros, contre 423 euros pour un vélo classique.
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Cet effet de l’innovation sur la taille globale du marché explique que la part de marché en volume ne soit pas le seul indicateur pertinent pour évaluer le succès des nouveaux produits. Il est essentiel d’analyser la taille globale du
marché et sa composition pour déterminer si l’innovation a attiré de nouveaux clients vers la catégorie ou a augmenté la consommation individuelle. Si une marque, en innovant, maintient sa part d’un marché plus grand, elle a progressé. Et certains concurrents peuvent avoir maintenu leurs ventes globales tout en voyant leur part diminuer, ou maintenu leur part de marché volume, en progressant en valeur.
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Histoire de la création d’un marché : le café en dosettes
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Depuis son émergence au début des années 2000, le marché du café en dosettes en France a explosé et soutenu la croissance du marché du café, grâce à de nombreuses innovations et lancements de produits successifs. Il est structuré autour de trois segments répondant à deux logiques concurrentielles très différentes.
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Le premier est celui des dosettes compatibles Nespresso. Nestlé a en effet révolutionné le marché du café en lançant en 2000 en France le concept Nespresso, des machines permettant de faire un expresso de qualité à domicile avec des capsules d’aluminium colorées. Le produit, haut de gamme, est vendu au lancement environ 30 centimes la capsule (cinq fois plus que l’équivalent en paquet), sur Internet, par téléphone et dans des boutiques exclusives. Ce segment représente en 2019 30 % du marché des dosettes de café.
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La société a longtemps été seule sur ce segment de marché. En 2010, DEMB, qui a racheté Sarah Lee, lance en grande distribution des dosettes compatibles en plastique sous la marque L’Or, et en 2013, le géant Mondelez (ex-Kraft) des dosettes sur le même modèle, sous la marque Carte Noire. En réaction, Nespresso a choisi d’augmenter les prix de ses dosettes pour se positionner sur le haut de gamme. Nespresso a ensuite été régulièrement critiqué pour l’impossibilité, puis la difficulté de recyclage de ses dosettes en aluminium. En 2010, Jean-Paul Gaillard, un ancien de Nespresso, innove en créant ECC, Ethical Coffee Company, qui commercialise en grandes surfaces des capsules biodégradables et à un prix inférieur à Nespresso. Début 2015, à la suite d’une plainte de ECC et DEMB, qui l’accusent d’avoir équipé ses machines d’un système de perforation gênant ou bloquant l’utilisation des dosettes de certains de ses concurrents, Nespresso s’engage à informer ses concurrents des modifications techniques apportées à ses machines trois mois à l’avance. En 2016, Nespresso perd le brevet sur le système de dosettes en aluminium, et de nombreuses marques commercialisent des dosettes compatibles en grande distribution, à des prix inférieurs à celles vendues par Nespresso.
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L’entreprise contre-attaque la même année, en lançant la machine Vertuo, qui peut préparer le café en cinq volumes différents, de l’espresso au très grand « alto » qui permet de remplir sa thermos. Grâce à ce lancement, le groupe relance sa croissance sur le marché des dosettes compatibles, puisqu’il annonce que 30 % des consommateurs de Vertuo sont de nouveaux clients pour l’entreprise, et que 60 % des Français sont amateurs de café long.
Constatant ce succès, le groupe JDE, issu de la fusion de DEMB et de l’américain Mondelez, lance en 2019 une nouvelle machine fabriquée par Philips, L’Or Barista, aux fonctionnalités sensiblement identiques à celles de la Vertuo de Nespresso. Équipée de deux buses, elle permet de faire deux cafés en même temps et propose deux tailles de capsules, trois longueurs de café et l’équivalent du café filtre, à un prix plus modique que les capsules Vertuo. Le second segment est celui des dosettes souples. En 2002, la société Sara Lee, propriétaire de la marque Maison du Café, et Philips avaient lancé Senseo à un prix nettement inférieur à Nespresso (13 à 19 centimes la dosette). Avec une pression de 1,5 bar (contre 19 pour Nespresso), il s’agit plutôt de café filtre mousseux que d’expresso. Comme le papier-filtre n’est pas protégeable par brevet, Kraft (marque Carte Noire) a pu commercialiser des dosettes dès le printemps 2002. Les marques de distributeurs ont suivi et lancé leurs propres dosettes, offrant un large choix pour les consommateurs. Les dosettes souples représentent en 2019 37 % du marché.
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Le troisième segment est celui des capsules pour les machines multi-boissons permettant de préparer du café, mais également du thé ou du chocolat, et qui représentent 33 % du marché. On trouve sur ce segment Dolce Gusto (Nescafé) ou Tassimo, avec des systèmes incompatibles avec les autres machines.
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Au total, estimé à plus de 1,7 milliard d’euros, en croissance de 7,5 % entre août 2020 et août 2021, le marché français du café en dosettes est l’un des plus dynamiques du monde.
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De façon intéressante, la consommation globale de café progresse à la fois en volume et en valeur. Tandis que le café moulu traditionnel est en perte de vitesse, le café en grain connaît un nouvel essor, qui s’explique par plusieurs facteurs, comme un souci écologique, le relancement des machines avec broyeur, et la recherche de cafés d’origine.
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Sources : BERNARD G., « Le marché du café portionné égrène ses innovations », Marketing Magazine, 2010 ; COUGARD M. J., « Carte Noire déclare la guerre à Nestlé en lançant ses capsules compatibles Nespresso », Les Échos, 2013 ; YVERNAULT V., « Nespresso contraint d’ouvrir le juteux marché des dosettes », LSA, 2014 ; COUGARD M. J., « Café : la guerre des dosettes fait rage en France », leschos.fr, 2019 ; CAPITAINE C., « Le café, une vraie passion française », lsa-conso.fr, 2021.
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• Changer la perception des produits existants
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L’introduction d’un nouveau produit aux caractéristiques différentes modifie les points de repère des clients et leur représentation des produits en présence. Cette modification peut intervenir à différents niveaux.
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– Modifier l’évaluation de la performance des produits parce que l’introduction d’un nouveau produit modifie les attentes des clients : par exemple, le lancement des smartphones intégrant des appareils photo offrant un nombre de pixels de plus en plus important fait apparaître les modèles précédents insuffisamment performants et donc obsolètes. En effet, l’obsolescence perçue peut être définie comme la valeur relative
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perçue par le possesseur d’un produit, par rapport à celle des produits actuellement vendus sur le marché3. – Introduire de nouveaux critères d’évaluation des produits : un nouveau produit différencié sur un critère jusque-là non employé par les clients peut modifier leur manière d’analyser les offres en présence. Ainsi, Dyson a introduit l’esthétique dans les critères de choix d’un aspirateur, ce qui paraissait tout à fait insolite lors du lancement. Par ailleurs, l’impact environnemental est devenu un critère d’évaluation important dans de nombreux secteurs. – Changer la perception des produits sur les critères préexistants : par effet de contraste, l’introduction d’un produit aux caractéristiques différentes tend à provoquer une assimilation entre les produits existants. Ainsi, l’introduction par Apple des écouteurs sans fil AirPods a créé une nouvelle catégorie sur le marché, et a fait percevoir en comparaison les écouteurs filaires comme plus similaires les uns par rapport aux autres. – Modifier les perceptions et les attentes sur les autres éléments du mix : au-delà de la perception des caractéristiques intrinsèques des produits, l’introduction d’une innovation peut changer les règles de commercialisation. Si le produit est commercialisé par des canaux de distribution différents ou s’il adopte une nouvelle structure de prix, cela peut changer les habitudes et les perceptions des clients.
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Ainsi, en 2015, Deezer a choisi de s’aligner sur Apple Music, en lançant une offre famille permettant à six personnes de se connecter en même temps. Cette innovation prix avait changé la perception de la valeur des services de streaming musical et l’évaluation du prix.
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• Créer une nouvelle dynamique concurrentielle
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Parce qu’elle modifie le marché selon les mécanismes évoqués ci-dessus, en le faisant croître et en modifiant les critères de perception et les attentes des clients, une innovation qui rencontre un succès commercial change la dynamique concurrentielle. De nouveaux concurrents jusque-là absents ou mineurs sur la catégorie deviennent des acteurs majeurs, tandis que les
leaders historiques du marché peuvent voir leurs parts de marché décroître très rapidement, ou même disparaître.
EXEMPLE Ainsi dans le secteur des téléphones mobiles, Nokia possédait à la fin de l’année 2000 27 % de part de marché en volume, suivi par Motorola (15 %) et Ericsson (10 %). Une décennie plus tard, Nokia était encore numéro 1 avec 33 %, mais le canadien RIM (marque Blackberry) occupait la deuxième place avec 16 % grâce à sa messagerie instantanée BBM, plébiscitée par les adolescents, et Apple occupait la troisième place. En 2020, Samsung occupe la première place en volume, Apple a conservé son troisième rang et sa part de marché, grâce à l’innovation majeure qu’a constitué le lancement de l’IPhone et son écran tactile. Les acteurs historiques comme Nokia, Motorola, Alcatel, HTC ou encore Sony ont quasiment tous disparu du marché4.
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L’accélération du rythme de lancement de nouvelles références et générations de produits, en faisant percevoir les anciens produits comme obsolètes par les consommateurs, peut accroître cette rapidité d’évolution des positions concurrentielles. Cependant, cette accélération du rythme de lancement de nouvelles versions, si elle n’est pas justifiée par de réelles nouvelles fonctionnalités ou un gain de performance perceptible, peut raccourcir la durée de vie des produits et entraîner des conséquences négatives sur l’environnement, en générant des déchets ou en contribuant à l’épuisement des ressources. Cela peut, en conséquence, conduire à une méfiance, voire une résistance des consommateurs par rapport à la catégorie de produits tout entière5, ou à la perte de confiance en la marque.
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• Déstabiliser le secteur
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Dans le cas des innovations radicales, les changements relatifs au secteur peuvent être profonds. Elles peuvent bouleverser le modèle économique du secteur et modifier ses contours en mettant en concurrence des entreprises qui jusque-là n’exerçaient pas d’activités comparables. Contrairement au cas précédent, il ne s’agit plus alors pour les acteurs en place de raisonner en termes de part de marché et de lancer des innovations en améliorant des produits ou services existants, mais d’entrer sur de nouveaux secteurs, soit en développant de nouvelles compétences en interne, soit en procédant à des acquisitions externes.
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Une innovation radicale peut remettre en cause les frontières mises en place et gérées par les firmes installées. On parle alors de déverrouillage d’un
marché. Deux types d’innovation peuvent déclencher de telles mutations6 : – l’innovation organisationnelle : récemment de nouveaux marchés ont été déstabilisés par le fait que le marché a évolué de la possession à la location (cas de l’automobile, de l’outillage), ou de l’achat du neuf à celui de produits d’occasion ou de seconde main (cas des smartphones ou de l’habillement) ; – la rupture technologique : c’est par exemple le cas de la banque, de l’assurance, de la presse, ou encore celui de la vente de literie, avec les acteurs en ligne ayant une structure de coûts très différente de celle des acteurs traditionnels.
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Si les firmes installées ont mal anticipé ces évolutions, l’arrivée de ces nouvelles entreprises peut radicalement modifier la structure concurrentielle du secteur7.
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De telles innovations ont donc des effets collatéraux sur les secteurs des produits complémentaires et sur l’ensemble de l’écosystème en générant des innovations techniques, d’usage et de modèle économique tout en modifiant les rapports de force.
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BlaBlaCar a démarré son activité en 2004 sous la forme d’un site communautaire en ligne destiné au covoiturage entre grandes villes françaises, appelé à l’époque covoiturage.fr. Le covoiturage n’était alors pas encore un marché, mais une pratique fondée sur la confiance entre connaissances, et considérée comme ringarde. La valeur ajoutée de l’entreprise est la mise en relation via Internet, la création de la confiance entre conducteur et passager qui ne se connaissent pas et la sécurisation de la transaction. En 2021, BlaBlaCar affiche 20 millions de membres en France, pour une distance moyenne parcourue de 239 km par an, et un nombre de personnes par véhicule de 3,5. Elle concurrence de fait d’autres entreprises de transport comme la SNCF, d’autant que le coût de revient d’un trajet avec BlaBlaCar est bien moindre que celui d’un déplacement en TGV, par exemple. Ainsi, selon une étude réalisée par l’entreprise, si Blablacar n’existait pas, 78 % des conducteurs se déplaceraient en voiture, et 13 % via les transports publics, tandis que les passagers, eux, choisiraient les transports publics à 75 % comme principale solution pour se déplacer.
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Blablacar constitue donc clairement un concurrent pour les transports en commun.
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La SNCF a commencé à réagir dès 2009, en rachetant des sociétés de covoiturage, puis en lançant IDVRoom, qui complète le réseau Transilien et sera racheté par la start-up Klaxit, opérateur de covoiturage courte distance. Une autre illustration du déplacement des contours du marché est le fait que la SNCF a également développé une activité de bus low cost sous le nom IDBus, qui deviendra Ouibus et sera repris par… Blablacar. Il est donc important de considérer non pas le marché du transport ferroviaire, mais le marché du transport longue distance, en prenant en compte le covoiturage, mais également le transport en bus, ou aérien.
Cette reconfiguration du marché peut avoir un impact sur sa taille, mais également sur des marchés connexes, comme celui de l’achat de véhicules neufs, de véhicules d’occasion, ou encore de location de voitures. En effet, les limites du marché sont doubles : les besoins des clients, et leur budget. Ainsi en moyenne, en 2019, les Français dépensaient environ 204 euros par mois pour se déplacer selon IPSOS. Sources : HUSSON L. E., « BlaBlaCar : le covoiturage à l’assaut de la planète », challenges.fr, 2014 ; HUSSON L. E., « Pourquoi la SNCF s’intéresse tant au covoiturage », challenges.fr, 2013 ; CUNY D., « Qui a encore les moyens de prendre le train ? », interview de Frédéric Mazzella, La Tribune, 2014 ; IdVroom.fr ; Étude « Zero Empty Seats », blablacar.fr, 2019.
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2 • LES RÉACTIONS CONCURRENTIELLES À L’INTRODUCTION DE NOUVEAUX PRODUITS
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Lorsqu’une innovation est lancée par un de leurs concurrents, les entreprises présentes peuvent adopter plusieurs approches8 :
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– ne pas réagir, c’est-à-dire ne rien changer à leur politique marketing. Ainsi, lorsque Bic a lancé ses premiers rasoirs jetables, son concurrent Gillette fut mis dans une position très délicate, puisque tout lancement d’un produit similaire risquait de cannibaliser sa propre gamme ; – se retirer du marché de peur des effets négatifs de l’innovation sur leur propre activité. Ces réactions favorables à l’entreprise innovante surviennent en général lorsque celle-ci est très puissante dans le secteur. Il peut même arriver que certaines entreprises dominantes annoncent des nouveaux produits à l’avance dans l’objectif de dissuader leurs concurrents potentiels de commercialiser des innovations similaires, comme nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent. Ainsi, IBM, Kodak et Microsoft ont souvent annoncé très en avance le lancement de nouveaux produits, et ainsi découragé les autres firmes de développer des produits proches de ceux qu’elles envisageaient ; – contre-attaquer en adoptant des mesures susceptibles de diminuer le succès du nouveau produit concurrent : copier le nouveau produit, lancer un autre produit différencié, en annoncer un pour l’avenir, modifier les produits actuels, changer ses prix, faire une campagne de communication, modifier ses réseaux de distribution, ou tout autre action visant à limiter le succès de l’innovation concurrente.
L’immense majorité des entreprises réagissent à un lancement de produit concurrent9. Leurs réactions sont le plus souvent « simples », et consistent à lancer un produit plus ou moins directement concurrent. Cependant, les concurrents réagissent aussi souvent en modifiant leur prix, la plupart du temps en le baissant, mais parfois en l’augmentant. Ces réactions peuvent donc être analysées selon différents critères : leur nature, mais également leur intensité, leur ampleur – c’est-à-dire le nombre de leviers d’action mobilisés – et leur rapidité, qui peut aller de quelques semaines à plus d’un an.
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Les entreprises réagissent également à l’annonce de l’introduction future d’un nouveau produit10, mais de manière moins fréquente. Leur réaction dépend en effet de la manière dont elles évaluent la crédibilité de cette annonce, la probabilité que le produit soit lancé à la date et dans les conditions annoncées, ainsi que la menace qu’il représentera pour elles11. Les réactions adoptées reposent sur les mêmes armes qu’après un lancement effectif : lancement de nouveau produit, modification des produits existants, changement de prix, etc. Cependant, les entreprises choisissent également parfois de réagir au discours par le discours en annonçant à leur tour le lancement ultérieur d’un produit, ou la réalisation d’une autre opération marketing, par exemple une campagne de communication pour attirer l’attention des clients.
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Plusieurs facteurs influencent la nature des réactions concurrentielles aux nouveaux produits :
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– le degré d’innovation du produit à l’origine de la réaction : les produits plus innovants provoquent des réactions plus lentes, reposant davantage sur le levier d’action produit et moins sur le prix ; – un fort taux de croissance du marché accélère les réactions et intensifie les mesures relatives au produit. Cela est dû au fait que les entreprises préfèrent se battre pour des marchés en croissance et excluent alors les stratégies de partage ; – les entreprises puissantes ne réagissent pas forcément davantage que les entreprises plus petites, contrairement à ce que l’on pourrait penser spontanément : parce qu’elles pensent qu’elles seront moins affectées par l’innovation que des entreprises plus modestes, elles peuvent renoncer à des réactions vives même si elles en ont les moyens12. Ce
phénomène explique l’inertie dont font souvent preuve les entreprises dominantes face à des lancements d’innovations inattendues. À l’inverse, les entreprises de petite taille réagissent de manière plus rapide et plus agressive, tant sur le produit que sur les prix ; – les secteurs où il existe peu d’entreprises puissantes se caractérisent par des réactions plus rapides, plus diversifiées et plus intenses en matière de produit. La bataille concurrentielle y est donc exacerbée ; – plus l’entreprise qui introduit le nouveau produit dispose d’une forte part de marché, plus les concurrents réagissent lentement, probablement parce qu’ils redoutent des représailles, parce qu’ils craignent une faible efficacité de leurs réactions, ou parce qu’ils préfèrent prendre leur temps pour élaborer leur réaction.
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Pour comprendre, et anticiper la réaction concurrentielle à l’introduction d’une innovation, il importe de bien analyser « l’effet de signal » que produit celle-ci, c’est-à-dire le message perçu par les entreprises en place, sur deux aspects : l’impact sur leur rentabilité, et l’engagement de l’entreprise qui innove, par rapport au lancement effectué. Une recherche menée dans l’industrie agro-alimentaire et dans l’industrie chimique a montré que dans trois quarts des cas la réaction est simple, car l’introduction d’une innovation concurrente a été moyennement prise au sérieux. Cependant, si le signal est perçu comme plus fort, la réaction porte alors sur d’autres leviers marketing que le lancement de produits13.
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Les réactions concurrentielles à l’annonce de l’entrée de Netflix sur le marché français de la SVOD
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Lancé le 14 septembre 2014, le service de SVOD (diffusion à la demande de vidéo) Netflix avait alimenté les commentaires et les craintes des acteurs du secteur pendant de longs mois. Ces appréhensions étaient liées à la taille de Netflix, qui était déjà présent dans 40 pays et comptait plus de 50 millions d’abonnés, mais également à son succès fulgurant sur le marché anglais, face à Amazon déjà implanté depuis bien plus longtemps. Les différents acteurs du marché en place à l’époque ont alors réagi à l’annonce de l’arrivée de Netflix par des annonces de lancement et de repositionnement de leurs offres.
Ainsi Canal Plus a développé une offre double : une offre premium d’un côté, et une offre low cost de l’autre. Les services de SVOD déjà en place en France à l’arrivée de Netflix, dont le service OCS d’Orange, prenant très au sérieux la menace concurrentielle, ont musclé leur offre de programmes en prévision de l’arrivée du géant américain, à la fois en nombre et en qualité de programmes, l’offre totale de films et de franchises de séries a ainsi augmenté de 20 % entre octobre 2013 et octobre 2014. D’autre part, les concurrents ont augmenté leurs dépenses de publicité et de marketing. Ceci, combiné aux multiples articles de presse sur l’arrivée tant crainte de Netflix en France, a permis de mettre en valeur un secteur encore mal identifié par les clients potentiels à l’époque. Amazon, avec son service Amazon Prime Video, a adopté une stratégie différente, en ouvrant discrètement en avril 2016 son service international aux clients français, mais sans beaucoup de communication, avec peu de contenus en français et pas d’interface en français. Le relancement en fanfare, avec une offre complétée, n’aura réellement lieu qu’en avril 2020.
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Quant à Disney+, la plateforme n’a été annoncée qu’en 2018, et le lancement effectif a eu lieu en mars 2020, profitant à plein de l’effet du premier confinement en France, qui a boosté l’ensemble du marché.
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En 2021, selon Statista, la part des utilisateurs ayant payé pour les services d’une plateforme de VOD en France place Netflix largement en tête avec 80 %, suivi par Amazon Prime Video avec 56 %, Disney+ avec 39 %. OCS, qui bénéficie toujours d’un contrat d’exclusivité avec HBO (offrant notamment l’accès à la série Game of Thrones), et Canal VOD présentent des scores respectifs de 13 % et 12 %. En termes de prix, Netflix a amené la plupart des concurrents à s’aligner autour de son tarif à 8,99 euros par mois pour une offre souvent moins diversifiée.
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Sources : SALLÉ C., « Canal + se prépare à l’arrivée de Netflix », lefigaro.fr, 2014 ; « L’effet Netflix profite à la concurrence », lefigaro.fr, 2015 ; CNC.fr ; GAUDIAUT T., « Les plateformes VOD les plus populaires en France », statista.com, 2021 ; ARENA S., « La plateforme Disney + a une date de lancement en France », huffintonpost.fr, 2019 ; DURAND C., « Amazon Prime Video en France : chronique d’une première année décevante », numerama.com, 2018.
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Pour conclure cette analyse des réactions concurrentielles, observons leur efficacité. Selon Gatignon, Robertson et Fein14, les réactions rapides sont plus efficaces pour maintenir à leur niveau antérieur les ventes de l’entreprise qui réagit. Le recours à plusieurs variables du marketing-mix dilue l’efficacité. Il est donc souhaitable de se concentrer sur un seul levier. Les réductions de prix ne semblent pas très efficaces, à l’opposé des réactions relatives à la politique de produit, de communication, de vente et de distribution. Enfin, il est d’autant plus difficile de mettre en place une réaction efficace que la nouvelle offre introduite par le concurrent est innovante ou à bas prix.
Après ce panorama général de la dynamique concurrentielle associée à l’innovation, nous consacrons le reste du chapitre à une question clé qui n’a pas encore été abordée dans l’ouvrage : les entreprises ont-elles intérêt à introduire les premières des innovations ou peuvent-elles se contenter d’être suiveuses ?
3 • FAUT-IL ÊTRE LE PREMIER À INNOVER ?
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On lit souvent dans la presse que le pionnier bénéficie d’un avantage essentiel qui se traduit par une part de marché supérieure sur le long terme. Ainsi, Coca-Cola, Amazon, Orange ou Actimel restent année après année très largement leaders sur leur marché malgré les attaques répétées et le dynamisme de leurs concurrents. Pourtant, d’autres exemples montrent que certains pionniers sont parfois dépassés par des suiveurs, tels le navigateur sur Internet Mosaic, les premiers PC MITS aujourd’hui disparus, ou encore la marque de bifidus B.A désormais largement distancée par Activia. Qui se souvient que le pionnier du fast food fut White Castle, celui des enchères sur Internet en France IBazar, et celui de la carte de crédit Diners Club ? Au-delà des exemples, analysons si, globalement, les pionniers réussissent mieux que les suiveurs. La réponse dépend des critères employés pour évaluer le succès : la part de marché, la rentabilité ou la survie de l’entreprise.
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Définitions des termes de pionnier et de suiveur Le pionnier est la première entreprise à commercialiser une innovation sur le marché.
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Cette définition appelle plusieurs commentaires.
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• Le pionnier sur le marché n’est pas toujours la première entreprise à avoir fabriqué ou découvert une innovation, si celle-ci a fait le choix de ne pas la commercialiser immédiatement ou si le développement a été lent.
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• La définition peut porter sur l’entreprise ou sur la marque. Certains avantages du pionnier relèvent de la maîtrise de la technologie et des processus de fabrication ; toute l’entreprise en bénéficie alors. D’autres sont liés aux perceptions des consommateurs et s’appliquent donc au niveau de la marque. Ainsi, les premières lingettes de nettoyage furent commercialisées sous la marque Swiffer par l’entreprise Procter & Gamble. Les lingettes Mr Propre de la même entreprise sont une marque suiveuse aux yeux des consommateurs, ce qui l’empêche d’accéder
aux avantages perceptuels liés à la position de pionnier. Cependant, Mr Propre bénéficie de la maîtrise de la technologie et des économies d’échelle que son fabricant a construites avec sa marque pionnière. • L’identification des pionniers dépend bien entendu de ce que l’on appelle innovation : raisonne-t-on au niveau d’une nouvelle catégorie de produits ou considère-t-on comme un pionnier la première entreprise à créer une sous- catégorie ? Les lessives en tablettes, le cola sans calorie ou les smartphones, qui constituent des sous-catégories, génèrent certains avantages et inconvénients proches de ceux dont bénéficient les créateurs d’une catégorie tout entière. C’est pourquoi on les assimile souvent à des pionniers. Est suiveur toute entreprise introduisant son produit sur le marché après le pionnier, que ce soit quelques jours ou plusieurs années après lui. La notion de suiveur est donc très large. Pour refléter l’hétérogénéité des situations, on distingue souvent plusieurs types de suiveurs :
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• les suiveurs précoces entrent sur le marché peu de temps après le pionnier, à un moment où peu de clients ont essayé l’innovation et où leurs perceptions sont peu figées, à l’opposé des suiveurs tardifs ;
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• les suiveurs non innovants se contentent de copier le produit pionnier dans ses fonctionnalités et s’en distinguent principalement sur la marque et le prix, tandis que les suiveurs innovants modifient certaines fonctionnalités et parfois certaines conditions de commercialisation par rapport au produit pionnier.
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• La performance comparée des pionniers et des suiveurs 7687
1. Une part de marché accrue
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L’avantage du premier entrant est un sujet qui a fait l’objet d’un nombre très important d’études dans la littérature académique en stratégie et en marketing. Bien que les résultats de ces études soient parfois partiellement contradictoires, on peut globalement conclure à l’effet positif d’être le pionnier sur un marché15. De manière générale, les pionniers bénéficient sur le long terme d’une part de marché supérieure aux suiveurs16. Les études réalisées à partir de la base de données PIMS17 montrent que dans la grande consommation les pionniers conservent, des années après leur lancement, une part de marché moyenne supérieure à celle des suiveurs précoces et plus encore à celle des suiveurs tardifs18. Dans les secteurs industriels, l’avantage est légèrement atténué19. L’avantage des produits pionniers sur le long terme peut notamment s’expliquer par une moindre sensibilité de leurs ventes au prix et aux promotions20. En conséquence, les suiveurs doivent investir beaucoup plus dans des opérations marketing pour obtenir une part
de marché comparable. Notons cependant que les pionniers souffrent souvent d’une diffusion plus lente que les suiveurs21.
2. Une rentabilité qui évolue au cours du temps Plus d’une décennie après l’introduction d’une innovation radicale, les pionniers disposent d’une rentabilité plus élevée que les suiveurs, avant de voir les choses s’inverser22. Sur le long terme, ils souffrent d’une rentabilité inférieure liée à des coûts accrus. Cet effet existe dans la grande consommation et plus encore dans les activités business-to-business. La rentabilité supérieure des pionniers est plus durable :
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– dans les secteurs où les consommateurs comparent peu les produits concurrents puisqu’une inertie accrue des comportements d’achat joue alors en faveur d’une fidélité aux premiers produits essayés ; – pour les entreprises en position dominante en termes de part de marché ; – dans les secteurs où les brevets offrent une protection importante aux pionniers. :80.2
3. Des résultats ambigus quant aux chances de survie
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Plusieurs études ont mis en évidence des chances de survie de l’ordre de 50 % pour les pionniers23. On croit souvent que les pionniers font plus faillite que les suiveurs. Ce n’est pas si clair, et il est difficile de trancher sur le risque de disparition comparé des pionniers et des suiveurs : certaines recherches mettent en évidence des risques de faillite comparables, d’autres concluent à une mortalité accrue des entreprises pionnières24. Enfin, certains travaux récents montrent que dans les secteurs high tech, la durée de vie des entreprises pionnières est, en moyenne, inférieure à celle des suiveurs précoces (mais pas forcément des suiveurs tardifs). Une recherche25 a démontré l’intérêt de distinguer deux périodes, correspondant à deux types de risque de faillite très différents :
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– une période pendant laquelle le pionnier est en situation de monopole, et bénéficie donc d’un avantage lié à cette situation concurrentielle favorable, mais subit une forte incertitude sur le marché et la technologie. Cette incertitude est particulièrement forte dans les secteurs de haute technologie ;
– une période pendant laquelle il fait face à la concurrence des suiveurs, en bénéficiant toutefois de l’expérience accumulée. Cette distinction permet de mieux comprendre des différences entre les secteurs de haute technologie et les autres, et donc les résultats en apparence contradictoires. Elle permet également de classer les avantages du premier entrant, que nous examinons par la suite, en deux catégories, selon qu’ils impactent la première ou la deuxième période. Cependant, un pionnier ne bénéficie pas forcément mécaniquement des avantages liés à son entrée précoce sur le marché. Pour en bénéficier, il doit mettre en œuvre des stratégies spécifiques, que nous présentons à la section 2.9, « La mise en œuvre de stratégies d’exclusion ».
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4. Les facteurs augmentant ou réduisant l’avantage du pionnier
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Au-delà de ces données générales, l’avantage du pionnier varie selon les secteurs et les entreprises. Si certaines entreprises pionnières parviennent à rester leaders ou rentables dans leur secteur alors que, dans d’autres activités, elles sont dépassées, voire disparaissent, c’est parce que certains facteurs influencent l’étendue des avantages dont bénéficient pionnier et suiveurs. Certains sont liés au domaine d’activité, d’autres à l’innovation concernée, d’autres encore à l’entreprise qui la propose (tableau 8.1).
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Tableau 8.1 – Les facteurs influençant l’étendue des avantages du pionnier et des suiveurs
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Pour une entreprise confrontée à la question de savoir si elle a intérêt à se presser d’innover afin d’être pionnière ou doit au contraire adopter une position attentiste, il importe de comprendre la nature des avantages dont elle peut disposer dans l’une ou l’autre des positions pour déterminer si ses caractéristiques spécifiques lui permettront de capitaliser dessus. Le premier chapitre de l’ouvrage a ainsi présenté les avantages de la stratégie dite « Océan Bleu », qui consiste à agir en pionnier en ouvrant un nouveau marché.
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• Les avantages du pionnier
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La position de pionnier s’accompagne de deux types d’avantages : des avantages stratégiques et des avantages liés à la perception des clients (tableau 8.2)26.
Tableau 8.2 – Les avantages du pionnier
1. La protection relative des brevets
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Dans les secteurs où les brevets sont applicables, ils constituent, bien entendu, une protection majeure. Le pionnier peut alors choisir parmi deux stratégies :
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– soit garder la propriété exclusive de l’exploitation du brevet et maintenir sa position de monopole pendant la durée légale de protection ; – soit monnayer le brevet en vendant des licences d’exploitation à d’autres firmes. Chaque produit d’imitation vendu par un concurrent lui rapporte alors de l’argent, lui permettant de rentabiliser plus rapidement les investissements consentis pour développer l’innovation. Cette stratégie fut par exemple adoptée par Philips et Sony pour le CD audio : ces deux sociétés, qui avaient développé conjointement ce nouveau standard, vendirent de nombreuses licences aux autres acteurs de l’électronique grand public, ce qui leur permit de s’imposer rapidement sur le marché. La vente de la licence est particulièrement pertinente lorsque la présence simultanée de plusieurs firmes crédibilise l’innovation et accélère sa diffusion sur le marché, l’imitation élargissant le marché global.
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Il faut toutefois nuancer la portée des brevets au plan géographique et sectoriel. Le dépôt d’un brevet se fait au niveau national et une protection mondiale exige des investissements élevés. L’attaque en justice s’accompagne de procédures longues et coûteuses, rendant cette protection fragile pour les PME aux moyens limités. Ainsi, une étude ancienne avait montré que 60 % des innovations fondées sur des brevets étaient imitées dans les quatre ans suivant leur introduction sur le marché1, le chiffre étant probablement supérieur aujourd’hui. En conséquence, certaines entreprises choisissent parfois de ne pas déposer de brevet pour maintenir la confidentialité de leurs processus de fabrication (le dépôt d’un brevet exige
la publication de certaines informations), quitte à se trouver sans protection juridique lorsque les concurrents auront décomposé le produit et l’auront imité. En outre, si les brevets sont extrêmement protecteurs dans certains secteurs comme l’industrie pharmaceutique ou la chimie, ils ne peuvent être employés dans les services, la distribution et dans certaines activités agroalimentaires, puisqu’on ne peut pas protéger une recette ou un concept commercial, du moins en Europe.
2. L’avance technologique
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Parce qu’il a inventé le processus de fabrication, le pionnier le maîtrise particulièrement bien et se trouve souvent en meilleure position pour innover par la suite. Il peut par exemple améliorer la technologie sousjacente au produit, donnant lieu à l’émergence d’un cercle vertueux. :167
3. La courbe d’expérience
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Dans certains secteurs, les coûts de production unitaires décroissent avec la production cumulée depuis les débuts de la fabrication du produit, à cause de deux phénomènes :
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– un volume de production élevé qui permet de répartir davantage les coûts fixes ; – un apprentissage autour du produit.
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Or le pionnier se trouve au départ en position plus favorable que ses concurrents sur la courbe d’expérience dans la mesure où sa production a démarré plus tôt. Toutefois, si de nouvelles technologies apparaissent et s’accompagnent de coûts moindres, si le suiveur développe son propre produit avec de faibles investissements en R&D alors que le pionnier en a supporté beaucoup, cet avantage de coût peut être annulé et même inversé au profit des suiveurs.
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4. L’appropriation d’actifs rares
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Bien souvent, la production et la commercialisation d’une innovation exigent des ressources qui existent en quantités limitées. Le pionnier étant le premier à en avoir besoin, il peut faire les choix les plus avantageux ou les moins coûteux. Grâce à des contrats d’exclusivité, il réduit ensuite les
options à la portée des entrants ultérieurs. Ces actifs rares peuvent être de natures très différentes :
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– des matières premières nécessaires à la fabrication du produit ou des accords avec des fournisseurs ; ainsi, Nutella s’approvisionne auprès des meilleurs fournisseurs de noisette, ce qui, selon la marque, explique le goût inimitable de son produit ; dans la même optique, les opérateurs de téléphonie mobile ou chaînes payantes se battent pour négocier des accords d’exclusivité avec des fournisseurs de contenu afin d’être les seuls à proposer les images de certains championnats sportifs, les prévisions météo, ou les séries à succès ; on peut rapprocher cet exemple de la question des fréquences, ressources limitées dans le secteur de la radio, de la télévision ou de la téléphonie mobile ; – des collaborateurs ayant des compétences rares et pointues (ingénieurs spécialisés, chercheurs, designers, artistes…) ; – des emplacements ou des créneaux horaires particulièrement favorables, par exemple dans le domaine de la distribution ou des services pour lesquels ils constituent un avantage concurrentiel indéniable (site d’implantation d’un village de vacances ou d’un magasin, créneau horaire dans un aéroport pour une compagnie aérienne) ; On retrouve ce même effet dans le métaverse, où des entreprises développent leur présence afin de préempter les meilleurs emplacements ou les stratégies de communication les plus efficaces, faisant ainsi un pari sur l’avenir ; 0558
EXEMPLE
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Le groupe Carrefour a annoncé le 31 janvier 2022 avoir acquis un emplacement virtuel de 36 hectares sur TheSandbox, pour un montant équivalent à environ 300 000 euros27.
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– des possibilités de distribution : dans la grande consommation où les linéaires des magasins sont particulièrement difficiles et coûteux à obtenir, être innovateur constitue un argument non négligeable alors qu’un suiveur tardif éprouvera des difficultés à négocier de l’espace en rayon pour un produit similaire à d’autres références.
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5. La marge de manœuvre marketing
Le pionnier bénéficie d’une plus grande marge de manœuvre pour définir sa cible et son positionnement puisqu’il effectue son choix avant tout autre entreprise. Il peut alors opter pour le segment de marché le plus sensible à l’innovation ou le moins sensible au prix, ou se positionner sur un critère essentiel aux yeux des clients. La marge de manœuvre du pionnier dans la définition de sa politique de prix constitue un autre avantage majeur. Deux options lui sont ouvertes :
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– soit un prix élevé générateur de marge pendant la période durant laquelle il est seul sur le marché, ce qui permet de rentabiliser plus vite l’innovation – stratégie qui présente toutefois l’inconvénient d’attirer les concurrents ; – soit un prix bas dissuadant l’entrée des concurrents et allongeant la durée de monopole.
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L’avantage du premier entrant GoPro sur le segment des actions caméras
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En 2002, Nick Woodman, un jeune californien, alors qu’il surfait avec des amis en Australie a l’idée d’un système de caméra embarquée solidement fixée à l’aide de scratchs. Il fonde la société Woodman Labs en 2005, qui conçoit et fait fabriquer en Chine les premières caméras de la marque, les « Hero ». Le succès, fulgurant, ne repose pas sur une innovation technologique qui serait difficile à imiter, mais plutôt sur l’identification d’un nouvel usage, celui du sport extrême, qui s’inscrit dans une tendance de fond, les consommateurs ayant de plus en plus envie de se filmer. Cette intuition est également servie par une stratégie marketing qui s’est révélée très efficace, et qui s’appuie sur deux axes complémentaires.
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Le premier axe est la commercialisation d’une gamme très complète d’accessoires compatibles (boîtiers de plongée, écrans amovibles, fixations…), et également des produits « lifestyle » sur lesquels les marges sont plus importantes. Cette politique de marge profite également à la distribution, qui a donc d’emblée soutenu la marque, d’autant qu’elle permettait de développer le chiffre d’affaires du rayon caméra.
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Le second est de construire une communauté de clients fidélisés. L’entreprise s’est longtemps appuyée sur des contenus générés par les utilisateurs, notamment des photos et des vidéos réalisées avec des caméras GoPro, et mises en avant sur le site. Les GoPro Awards ont ainsi été créés en 2015, et ont généré l’envoi de plus de un million de vidéos en cinq ans, issues de 180 pays. La marque propose aujourd’hui un abonnement annuel GoPro, qui permet à ses clients d’accéder à des réductions, à une assurance, et de pouvoir stocker de façon illimitée leurs photos et vidéos.
GoPro a ainsi créé un nouveau segment, celui des action cams, ces petits caméscopes très résistants qui se fixent à peu près partout (poitrine, tête, vélo, voiture…). Ce segment à lui seul, a relancé un marché des caméscopes en perte de vitesse, en raison de la multiplication des appareils permettant de filmer (smartphones, appareils photo, consoles de jeux portables, tablettes…). Le nom de marque est ainsi devenu le nom générique de la catégorie de produits, et le terme GoPro est systématiquement utilisé pour désigner les action-cams. Prise de court par la croissance fulgurante du segment, la concurrence n’a commencé à arriver qu’en 2012. Sony et JVC, co-leaders du marché des caméscopes en France, ont lancé des produits moins chers, mais proposant des fonctionnalités complémentaires, tandis que Xiaomi a choisi de lancer un modèle équivalent en termes de performance, à un prix deux fois inférieur. De nouveaux entrants venus d’autres marchés ont aussi fait leur apparition comme Kodak, ou le groupe Tom Tom, qui a lancé un modèle d’action-cam en 2015.
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Cependant, la part de marché mondiale de la marque californienne s’est effritée au cours du temps, passant de 75 % en 2013 à 60 % en 2014 et 50 % en 2015. La croissance du chiffre d’affaires se ralentit, et les pertes se creusent. L’entreprise connaît une embellie en 2018, grâce à une rationalisation des coûts, qui permet une baisse prix, et à des innovations dans le domaine de la stabilisation logicielle de l’image. L’entreprise tente également de se diversifier en se lançant sur le segment des drones, ce qui va se révéler un échec. En 2020, on peut considérer que le marché créé par GoPro est mature, et que les avantages du premier entrant ne lui bénéficient plus.
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Sources : CHELET J., « La nouvelle caméra du chinois Xiaomi, le nouvel obstacle pour GoPro », capital.fr, 2015 ; BIANCHI F., « La conquête éclair de GoPro », lsa-conso.fr, 2013 ; BRANCO A., « Comparatif : quelle action-cam pourra détrôner GoPro ? », 01net.com, 2014 ; MATAS J., « Comment les caméras GoPro surfent sur la vague du succès », Journal du Net, 2012 ; CHELET J., « Pourquoi GoPro n’est plus “in” », capital.fr, 2016 ; WATTEZ E., « Pourquoi la caméra GoPro ne décoiffe plus », capital.fr, 2016 ; « GoPro a renoué avec les bénéfices au dernier trimestre », zdnet.fr, 2019.
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6. La structuration des préférences
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Les autres avantages du pionnier proviennent de facteurs psychologiques liés aux perceptions que les clients ont de l’innovation et de la marque qui l’a initiée. Lorsqu’une véritable innovation est introduite sur le marché, les consommateurs n’ont pas d’attentes claires sur ce qu’elle devrait être. Les critères de choix et leur importance respective ne sont pas encore fixés. Le premier produit du genre permet aux préférences de se structurer. Il sert ensuite d’« étalon », de point de comparaison pour tous les produits de la catégorie, qui seront évalués par rapport à cette référence28. le Su
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Lorsque les premiers clients ont acheté des livres sur Internet, leurs attentes face à ce nouveau mode de distribution étaient peu définies. Ils souhaitaient des prestations comparables à celles
des librairies classiques. Le pionnier Amazon a proposé des services différents : possibilité de lire les commentaires d’autres lecteurs sur les livres, conseils personnalisés liés aux achats antérieurs (du type « ceux qui ont acheté tel ouvrage ont également choisi celui-là »), proposition de faire envoyer le produit à des tiers sous papier cadeau. Ces prestations, qui n’étaient pas attendues a priori par les clients, sont devenues des attentes à l’égard de toute librairie en ligne. Elles ont progressivement constitué une norme dans le secteur. Tout nouvel acteur entrant sur le marché est comparé par les clients à ce pionnier omniprésent.
Ainsi, le pionnier bénéficie d’un avantage essentiel puisqu’il influence les goûts du marché. Les suiveurs doivent ensuite se conformer à ces attentes, au risque d’apparaître comme de simples copies, ou se différencier, au risque d’être moins appréciés.
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7. Une notoriété élevée et une image favorable
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Parce qu’il a été le premier du genre, le produit pionnier bénéficie souvent d’une notoriété élevée. Le Post-it de 3M est connu bien au-delà de sa clientèle potentielle et fait figure de nom générique pour désigner une catégorie de produit, il est même susceptible de devenir un nom commun. Notons toutefois que si cela confère un avantage certain en termes de notoriété, cela peut parfois conduire à une dilution de la spécificité de la marque, et même être négatif pour l’image.
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Le nom de l’entreprise de transport Uber est ainsi devenu d’usage courant pour désigner un VTC, et a même donné naissance au terme « uberisation », souvent négativement connoté.
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En outre, la position de pionnier s’accompagne souvent d’une image d’innovateur, de croyances avantageuses et d’une attitude favorable des consommateurs. Ainsi, les marques pionnières sont perçues en général comme supérieures, de haute qualité, à la pointe de la technologie29. Cette image favorable du pionnier peut dépendre du marché sur lequel on se trouve, et des moyens dont disposent les consommateurs pour évaluer de façon fiable la valeur ajoutée et l’innovation réelle de l’offre par rapport aux concurrents. Ainsi, dans une étude analysant l’attitude et l’intention d’achat de produits pionniers et suiveurs aux Etats-Unis et en Inde, il a été montré que les consommateurs indiens attachaient encore plus de valeur que les américains au statut de pionnier de l’entreprise30.
Ces avantages en termes d’image ont un impact sur les intentions d’achat. Ceci est renforcé par le fait que le processus d’achat se fait souvent en plusieurs étapes, le consommateur commençant par dresser implicitement une liste des produits dont l’achat est envisageable (liste appelée « ensemble de considération »), avant de se renseigner sur eux, de les comparer puis d’effectuer un choix. Du fait de sa meilleure notoriété, de son statut de produit de référence et d’une image favorable, la marque pionnière a plus de chances d’être présente dans l’ensemble de considération et d’être effectivement retenue31.
8. La fidélité et l’inertie des comportements
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Dans la mesure où le changement d’habitudes n’est jamais anodin, le pionnier bénéficie de l’inertie des comportements d’achat. Il a été le premier essayé et acheté par un grand nombre de clients. Tout changement ultérieur s’accompagnera de coûts financiers ou psychologiques32. Parmi les coûts financiers, citons la rupture de contrats de longue durée dans les activités fondées sur des abonnements (opérateur de téléphonie, télévision par câble…) ou le remplacement de produits complémentaires utilisés avec l’ancien produit (jeux vidéo si l’on change de console par exemple). Les coûts psychologiques sont nombreux et divers. On peut citer :
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– le sentiment de risque lié à l’achat d’une marque non essayée précédemment, qui favorise le pionnier qui a déjà été acheté ; – des coûts de transaction, si par exemple une nouvelle collecte d’informations est nécessaire ou s’il faut engager des démarches pour changer de produit ou de fournisseur ; – le développement d’une connaissance réciproque lorsque la qualité du service s’accroît au fur et à mesure des interactions avec un fournisseur. Dans les activités business-to-business, la fidélité à un fournisseur est favorisée par une connaissance approfondie des besoins du client par le vendeur, qui se construit au fur et à mesure des interactions et des achats.
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Les suiveurs doivent contrebalancer ces coûts en proposant des offres plus attractives ou moins coûteuses. Cependant, cet avantage disparaît si les suiveurs attirent de nouveaux acheteurs de la catégorie et non les clients du pionnier : ils n’ont pas alors à compenser les coûts associés à un changement de fournisseur. C’est pourquoi l’avantage du pionnier est
moindre dans les activités caractérisées par une forte croissance du marché, comme le vélo électrique ou la livraison de repas à domicile. En conclusion, comme le montre le cas GoPro, le fait d’être premier entrant sur un marché peut conférer un certain nombre d’avantages, mais ne garantit pas un avantage concurrentiel sur le long terme, notamment si des suiveurs précoces parviennent à avoir une croissance au moment où le marché décolle.
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Ainsi le marché de la location de voitures entre particuliers a été initié en 2007 par OuiCar, puis a connu une croissance en 2010 avec l’arrivée quasi simultanée en 2010 des start-up Deways et Drivy. En 2009, la SNCF prend une part majoritaire dans OuiCar, ce qui permet de financer son développement. Elle rend ses parts en 2020 à son président. En 2018, Deways, qui s’était repliée sur un segment plus spécialisé – la location par affinité, avec la mise en avant de l’idée de convivialité – arrête ses activités. Drivy, devenue Getaround est, plus d’une décennie après son démarrage, le leader du marché. Cette prise de leadership, alors que l’entreprise est la troisième arrivée sur le marché, peut s’expliquer par une forte croissance, notamment portée par des rachats externes, au moment où le marché prenait son réel envol33.
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9. La mise en œuvre de stratégies d’exclusion
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Les paragraphes précédents listent les avantages liés au fait d’être le premier entrant sur un marché, et leurs limites. Ils peuvent parfois être si importants que le pionnier demeure en quasi-monopole sur son marché.
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Cependant l’entreprise pionnière, si elle n’entretient pas un avantage concurrentiel pérenne dans le temps en termes de coût de production ou de supériorité technologique, peut avoir intérêt à développer des stratégies qui interdisent l’entrée du marché aux suiveurs. Pour cela, elle peut racheter activement des entreprises concurrentes ou présentes sur des marchés connexes, surinvestir en communication, ou pratiquer des prix délibérément bas, parfois appelés prix de prédation, afin de croître très vite et « d’occuper le terrain ». Ainsi, Facebook, devenue Meta, a fait l’acquisition d’Instagram en 2012 et de WhatsApp en 2014. Amazon, quant à elle, n’a jamais versé de dividendes à ses actionnaires, préférant investir dans une croissance de ses activités, notamment en ouvrant de nouvelles plateformes logistiques partout dans le monde, et en développant ses infrastructures dans le cloud.
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Ces stratégies sont notamment pertinentes pour les entreprises présentes dans le secteur du numérique, souvent affectées par des phénomènes
d’externalité de réseau, qui alimentent un effet d’accélération de la croissance, comme décrit dans le chapitre 234.
CAS La guerre concurrentielle entre pionniers et suiveurs sur le marché de la livraison de repas à domicile en France
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Le marché de la livraison de repas à domicile a démarré en France au début des années 2010, avec Allo Resto, racheté en 2012 par Just Eat. 2015 est marquée par l’arrivée de Deliveroo, une entreprise britannique fondée en 2013, puis par le lancement de Foodora deux mois plus tard. En mars 2016, l’entreprise américaine Uber lance en France son service UberEats, mais Deliveroo a déjà su convaincre, avant l’arrivée de son principal concurrent, plus de 1 000 restaurants partenaires. 2015 est aussi l’année où démarre Frichti, qui livre également des repas tout en fonctionnant sur un concept un peu différent, puisque l’entreprise n’est pas partenaire de restaurants, mais fabrique les plats elle-même. Démarre alors une période de concurrence acharnée entre les différentes plateformes pour l’emporter sur ses concurrentes, et les faire sortir du marché. Ce sera le cas pour Foodora en 2018, sans compter des start-up comme Take Eat Easy, ou Tok Tok Tok.
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Au 1er janvier 2020, Uber Eats possédait 52 % des parts de marché, Deliveroo 36 %, Just Eat 9 % et Frichti 3 %. Les deux principaux concurrents se battent sur deux fronts principaux :
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– le nombre de restaurants partenaires : pour démarcher ces derniers, ils sont prêts à de fortes négociations sur les commissions accordées aux restaurateurs. Si, officiellement, la commission de UberEats est de 30 %, la réalité est plus disparate selon le rapport de force avec le restaurant. Cependant, nombre de restaurants ne donnent pas l’exclusivité à une plateforme, et 29 % des clients Uber Eats fréquentent aussi son concurrent Deliveroo, tandis que 51 % des clients Deliveroo commandent aussi chez UberEats ;
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– les prix de livraison : la livraison est facturée 2,50 euros au client, alors que les coûts s’élèveraient en réalité à 6 euros environ. Il est donc crucial d’optimiser ces coûts. Pour cela, les deux plateformes se sont dotées d’un algorithme, qui à partir des masses d’informations collectées à chaque course, permet d’optimiser les courses, et de prépositionner les livreurs afin de prédire les flux et de réduire les coûts. Plus le nombre de commandes est important, plus cet algorithme est efficace, ce qui explique notamment la course à la taille. Just Eat, de son côté, a choisi de ne référencer quasiment que des restaurants dotés de leur propre flotte de livreurs pour pallier sa taille modeste.
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Les deux plateformes principales cherchent également à se différencier par les horaires de livraison et les services, en passant des partenariats avec la grande distribution (UberEats avec Carrefour, Deliveroo avec le groupe Casino) pour la livraison de courses, ou encore leur
image sociale, en améliorant les conditions de travail des livreurs. Ainsi Deliveroo propose à ses livreurs partenaires des réductions sur leur matériel professionnel, sur leurs repas dans les restaurants partenaires, ou des formations gratuites. Ces surinvestissements, correspondant à des stratégies d’exclusion du marché, expliquent pourquoi les deux plateformes, malgré leur volume d’activité et leur niveau de marge, ne sont pas encore rentables sur le marché français. Sources : BOUAZIZ D., « La crise sanitaire attise la guerre de la livraison de repas à domicile », ecommercemag.fr, 2021 ; « Livraison de repas : la start-up Deliveroo passe le cap du million de commandes », ladepeche.fr, 2016 ; CHAFFIN Z., « Deliveroo, Uber Eats… toujours plus de clients sans gagner le moindre centime », capital.fr, 2021 ; LENTILE R., « Uber Eats vs Deliveroo : qui gagnera la course ? », paylead.fr, 2021 ; riders.deliveroo.fr.
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4 • LE LANCEMENT DE NOUVEAUX PRODUITS SUIVEURS
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Face aux pionniers, les produits suiveurs bénéficient eux aussi d’avantages importants qui leur permettent souvent de contrebalancer les phénomènes évoqués dans la section précédente. Nous étudions ces avantages spécifiques avant d’analyser les stratégies de lancement dont ils font l’objet. 7687
• Les avantages de la position de suiveur
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Les avantages des suiveurs sont de trois types : la capacité à tirer des leçons de l’expérience vécue par les pionniers ; la limitation des risques et des coûts ; l’inertie des pionniers. :211
1. Les leçons de l’expérience
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Par rapport à leur prédécesseur, les suiveurs ont l’immense avantage de pouvoir s’appuyer sur l’expérience acquise. Alors que le pionnier a dû faire ses choix technologiques et marketing en situation de grande incertitude, les suiveurs peuvent s’inspirer de ses échecs et de ses succès. Cette expérience porte sur deux aspects :
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– la taille du marché : les suiveurs peuvent connaître les volumes vendus par le pionnier et s’en inspirer pour calibrer leurs propres volumes à fabriquer. De manière générale, les prévisions de vente sont extrêmement difficiles pour une innovation radicale, alors qu’elles se révèlent
essentielles pour prévoir les capacités de production. Les pionniers sont de ce fait souvent confrontés soit aux invendus s’ils ont été trop optimistes dans leurs prévisions, soit aux ruptures de stock s’ils ont été trop prudents. Pour les suiveurs, la tâche est beaucoup plus facile puisqu’ils peuvent s’inspirer de leur connaissance de la taille du marché actuel, son évolution et les budgets marketing investis par le pionnier ;
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La start-up Prêt-à-Pousser a été la première à commercialiser des potagers d’intérieur connectés, éclairés par des LED, et au design soigné. Elle a ciblé dès sa création des urbains, disposant d’un pouvoir d’achat assez élevé. Son produit phare, Lilo, est vendu à 149,99 euros dans les grandes surfaces spécialisées comme Darty, Boulanger, ou encore Truffaut. Observant le succès de ce produit, deux autres start-up se sont lancées sur ce marché de niche : Véritable, et Clickandgrow.
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– les attentes du marché face à l’innovation : si celles-ci étaient floues avant la commercialisation du premier produit de la catégorie, l’expérience acquise avec le produit pionnier a contribué à les préciser. Les études de marché susceptibles d’être réalisées par les suiveurs sont donc beaucoup plus fiables. Elles peuvent analyser les expériences vécues par les consommateurs de l’innovation afin d’identifier les sources de satisfaction et d’insatisfaction ressenties et explorer les axes de différenciation pertinents. Les suiveurs ont ainsi intérêt à réaliser des études de marché importantes pour déterminer s’ils doivent imiter le pionnier à l’identique ou concevoir un produit différencié en innovant par eux-mêmes35. Les études permettent également de faciliter les choix relatifs aux attributs du produit, à sa cible, à son positionnement et à son marketing-mix. nque
2. La limitation des risques et des coûts
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Au-delà de l’incertitude dans les choix, les risques mêmes d’échec commercial sont limités pour les suiveurs puisqu’ils ne copient que les innovations qui ont rencontré un certain succès sur le marché. Lorsque l’on connaît les risques d’échec et de faillite précoce des pionniers, ces avantages paraissent déterminants.
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Les suiveurs sont également avantagés par des coûts réduits, car l’imitation est souvent moins coûteuse que l’invention. D’abord il est moins cher
d’imiter une technologie que de la créer avec les tentatives infructueuses que cela implique. Ensuite, le pionnier supporte souvent des coûts de communication élevés afin d’expliquer au marché en quoi consiste l’innovation et lever les freins à son adoption. Le pionnier communique alors pour la catégorie de produit tout entière, il crée le marché. Les efforts de pédagogie qu’il réalise bénéficieront par la suite à ses concurrents. Le suiveur, lui, a une tâche plus aisée qui consiste à s’inscrire dans une catégorie préexistante et à s’y différencier du pionnier.
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Leurs coûts inférieurs permettent souvent aux suiveurs d’imiter l’innovation du pionnier en l’améliorant, soit en s’adaptant mieux aux goûts des clients désormais plus faciles à appréhender, soit en concentrant leurs investissements sur les facteurs clés de succès plus facilement identifiables a posteriori.
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3. L’inertie du pionnier
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Parce qu’ils arrivent plus tard sur le marché, les suiveurs peuvent recourir à une technologie plus récente et faire des choix correspondant à l’état actuel du marché. Le pionnier, pour sa part, est pénalisé par ses choix antérieurs qui lui laissent parfois une marge de manœuvre étroite, dans la mesure où il a pu investir massivement dans une technologie devenue obsolète et dans des actifs non mobiles. Ainsi, sur Internet, il est parfois difficile de reconfigurer un site pour proposer de nouveaux services ; un suiveur qui élabore son site pour la première fois dispose d’une marge de manœuvre accrue et des technologies les plus récentes.
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Globalement, les suiveurs peuvent bénéficier de l’inertie et du manque de réactivité des pionniers. Ceux-ci cherchent à rentabiliser leur innovation et à amortir les outils de production ou autres infrastructures logistiques parfois non transférables sur une nouvelle technologie. Il ne faut pas non plus oublier les réticences organisationnelles face à une innovation qui a décollé et assuré un certain succès à l’entreprise, ce qui conduit bien souvent à sous-estimer les nouveaux concurrents. le Su
• Les stratégies marketing des produits suiveurs
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Les avantages des produits suiveurs influencent leurs conditions de lancement. Une entreprise qui copie une innovation initiée par un
concurrent doit faire un certain nombre de choix pour se différencier et s’imposer. Sa première décision porte sur le moment d’introduction de son produit sur le marché. Depuis plusieurs années, les délais d’apparition des suiveurs raccourcissent et l’imitation est de plus en plus rapide36. On distingue toutefois les suiveurs précoces, arrivés sur le marché peu après le pionnier et qui disposent de certains de ses avantages, des suiveurs tardifs arrivant à moindre coût sur un marché à maturité.
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Les suiveurs choisissent fréquemment un prix inférieur au pionnier puisque la conception d’une copie s’accompagne d’investissements limités en R&D et capitalise sur les caractéristiques et les erreurs du produit pionnier. Lorsque le produit suiveur ne peut proposer une amélioration significative de ses fonctionnalités, la stratégie la plus réaliste consiste alors à offrir un produit comparable à un prix réduit pour compenser et gagner des parts de marché. Une autre stratégie consiste à offrir un prix très réduit et une réduction des performances du produit. La question principale qui se pose pour ces stratégies d’imitation est alors celle de la rentabilité du produit suiveur.
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À l’inverse, certains suiveurs se différencient sur les caractéristiques intrinsèques du produit. Deux types de caractéristiques peuvent être distinguées : la forme du produit, plus précisément son design, son apparence, et ses fonctionnalités, c’est-à-dire l’usage que l’on peut en faire. Plus récemment, apparaissent de nombreuses stratégies de différenciation sur le mode de production du produit ou du service (production locale, respect de l’environnement, respect des producteurs et des salariés…
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Lorsque les fonctionnalités ne peuvent être significativement améliorées notamment en intégrant des technologies plus récentes, il peut être intéressant pour le suiveur de mettre en avant une forme différente du produit. En effet, une forme identique incite à une comparaison stricte des performances sur les différentes fonctionnalités37.
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Deux stratégies peuvent être suivies, l’une dite « d’augmentation », consistant à améliorer la performance sur une caractéristique de forme ou de fonction déjà présente dans le produit pionnier (par exemple, le goût ou la vitesse d’action d’un médicament), et l’autre dite « distinctive », où l’on met en exergue une nouvelle caractéristique (par exemple, l’absence
d’effets indésirables). Le choix de l’une ou l’autre stratégie dépend de la pertinence perçue de la nouvelle caractéristique choisie par les clients. Si celle-ci est particulièrement pertinente, il est préférable de choisir la stratégie distinctive38. En réalité, de plus en plus de suiveurs combinent dans leur offre une amélioration du produit et un prix réduit39.
EXEMPLE
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Dans le domaine des steaks à base de protéines végétales, Nestlé France est largement leader grâce à sa gamme de produits, précédemment vendue sous la marque Herta, Le Bon Végétal, présente sur le marché depuis 2016 et rebaptisée en 2022 « Garden Gourmet ». La marque suiveuse « Les Nouveaux Fermiers », devenue depuis « Happyvore », s’est lancée en février 2020. Pour se différencier et gagner des parts de marché, elle met notamment en avant la production française de ses produits40.
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La politique marketing du produit suiveur peut également reposer sur les compétences et les ressources spécifiques de l’entreprise suiveuse, par exemple en utilisant une marque connue, en tablant sur ses propres réseaux de distribution ou en combinant la vente du produit copie avec d’autres produits phares. Cette approche concerne essentiellement les entreprises préexistantes et puissantes dans le secteur.
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Soulignons enfin qu’une entreprise n’est pas toujours pénalisée par l’introduction d’un produit concurrent. En effet, l’apparition de produits copies peut crédibiliser l’innovation aux yeux du marché et favoriser la croissance des ventes. Les campagnes de communication réalisées par les concurrents peuvent contribuer à convaincre un marché plus large de son intérêt. Ainsi, une étude sur le marché des téléphones portables aux ÉtatsUnis sur trois zones géographiques a montré que l’arrivée d’un troisième intervenant avait accru le marché potentiel de la catégorie sur une des zones, accéléré la diffusion de l’innovation sur une autre, et eu conjointement les deux effets dans la troisième41.
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La copie semble aujourd’hui tout aussi inéluctable que l’innovation ellemême. Toutes deux ont même tendance à s’accélérer. Les cycles de vie raccourcissent et les produits restent de moins en moins longtemps sur le marché. Ainsi, quand un modèle de voiture pouvait être commercialisé pendant plus de dix ans dans les années 1980, il est aujourd’hui renouvelé
après trois ou quatre années. Cette innovation accélérée apparaît d’ailleurs comme un engrenage en relation avec l’évolution de la demande : les produits sont renouvelés rapidement, favorisant une évolution des attentes des clients et obligeant les entreprises à rajeunir leurs gammes.
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L’innovation se trouve donc à la croisée des chemins entre la perspective purement marketing d’analyse des comportements des clients potentiels, auxquels nous avons fait une large place dans cet ouvrage, et une vision plus stratégique fondée sur l’étude de la dynamique concurrentielle. Un ouvrage sur le marketing de l’innovation se devait donc de terminer par une remise en perspective plus globale en montrant que l’innovation est un processus dynamique, l’innovation radicale entraînant la copie et la multiplication d’innovations incrémentales, jusqu’à la prochaine rupture de technologie, d’usage ou de business model.
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L’ESSENTIEL
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• Si le principe de l’innovation est admis dans quasiment toutes les entreprises, les questions de stratégie concurrentielle ne sont pas résolues pour autant. Le lancement d’une innovation peut créer un nouveau marché ou un nouveau segment, bousculer les parts de marché acquises, ou remettre radicalement en cause le jeu concurrentiel. Les entreprises doivent choisir42 entre une stratégie de pionnier ou de suiveur et opter pour des innovations radicales ou incrémentales, voire de simples copies. Ce chapitre a montré que les pionniers peuvent bénéficier d’avantages sur le long terme, notamment en part de marché, mais que leur rentabilité et leur survie ne sont pas toujours meilleures. On pourrait multiplier les exemples d’entreprises très innovantes, telles Alcatel Lucent, ou Nokia, qui n’obtiennent pas toujours des performances exceptionnelles ou ont même disparu, tandis que Microsoft ou Cisco, réputées moins innovantes, sont extrêmement rentables43. L’essentiel est donc de choisir la stratégie en fonction des caractéristiques du secteur et des compétences de l’entreprise, et de mettre en œuvre la stratégie de façon efficace.
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A Acteurs intermédiaires 1 Actifs rares 1, 2 Adopteurs 1 Adoption 1, 2, 3 au sein d’une entreprise 1 en milieu interentreprises 1, 2 Agences de tendances 1 Alliance 1 Alpha-tests 1 Analogie 1 Analyse conjointe 1, 2, 3, 4 de trade-off 1 morphologique 1 par contexte 1 sensorielle 1, 2 Analyse organoleptique 1 Annonce préalable de lancement 1, 2, 3, 4 Ansoff 1, 2 Apprentissage 1 nécessaire 1
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INDEX
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B Barrière de l’image 1 de l’usage 1 de la tradition 1 de valeur 1 du risque 1 psychologique 1 Bénéfice 1, 2 Bêta-test 1 Big data 1, 2, 3 Biotechnologie 1 Bottom of the Pyramid (BoP) 1, 2 Bouche-à-oreille 1, 2, 3 Brainstorming 1 Brevets 1, 2, 3, 4 Brief 1 Bureau d'étude 1
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Approche quantitive 1 Ateliers putois ou skunkworks 1 Attribut 1, 2, 3, 4 d’apprentissage 1 d’expérience 1 de croyance 1 du produit 1 Avantage(s) du pionnier 1 du suiveur 1 Avis des consommateurs en ligne 1
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C Cahier des charges 1, 2 Campagnes de communication 1, 2, 3, 4, 5, 6 publicitaires 1, 2, 3, 4, 5, 6 Carnet de consommation 1 Centres d’achat 1, 2 Ciblage des technophiles 1 Cible 1, 2, 3 Click and collect 1 Clientèle, élargissement 1 Clusters 1 Co-création 1, 2, 3, 4 Co-innovation 1, 2 Cognitives, approches 1 Collaboration 1, 2, 3, 4 Combinaison conceptuelle 1 Communauté 1, 2 Communication hétérophile 1 homophile 1 Compatibilité 1 Comportement des innovateurs 1 Concept 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 Concept-labs 1 Concept-use test 1, 2 Concours d'innovation 1
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Business-to-business 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Business-to-consumer 1
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D Date de lancement 1 Décision 1 d’adoption 1 processus de 1 Degré d’innovation 1, 2, 3, 4, 5, 6 pour l’entreprise 1 Délais 1 Delphi 1 Design 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
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Concurrent 1 Conflits entre design et marketing 1 Contrôle du lancement 1 Coopération 1 Courbe d’expérience 1, 2, 3 Courbe de diffusion de Rogers 1, 2 Coût contractuel 1 d’apprentissage 1 d’appropriation 1 de développement 1 de production 1 psychologique 1 Créativité 1 Crowdfunding 1 Crowdsourcing 1, 2, 3 Croyance 1 Culture organisationnelle 1 Customisation 1
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E Échantillonnage 1, 2 Échec (causes) 1, 2, 3 Éco-conception 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 Éco-responsable 1 Écosystème 1 Effet de réseau 1, 2 Emergent consumer 1, 2 Emergent-nature consumers 1 En aveugle 1 Entonnoir 1 Entreprise apprenante 1 Entretien individuel 1 Environnement 1 Équipe 1, 2, 3, 4, 5, 6
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Design-driven 1 Design thinking 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 Désintéressement perçu 1 Développement durable 1, 2, 3, 4, 5 Difficulté à catégoriser 1 Diffusion 1, 2, 3 de la génération précédente 1 des innovations 1 par une entreprise 1 vitesse de 1 Dirigeant 1 Distributeur 1, 2 Distribution 1, 2 Dynamique concurrentielle 1
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F Facteur (clés) de succès 1, 2, 3, 4 perception du risque (de) 1 Faisabilité 1 Filtrage des idées 1 Fonction 1 marketing 1 Force de vente 1, 2, 3 Freemium 1 Frein
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commando 1 projet 1 Ergonomie 1 Erreur 1, 2 Escalade de l’engagement 1 Ethnographie 1, 2 Ethnomarketing 1 Étude(s) 1, 2, 3 de faisabilité 1 de marché 1, 2 quantitatives 1 usage et attitude 1 Évolution sociétale 1 Expérimentation 1 Expertise perçue 1 Exploitation 1 Exploration 1 Externalités de réseau 1, 2