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Sommaire Première Partie Approche Générale Des Pathologies Inflammatoires Et Auto-Immunes En Pédiatrie Chapitre 01 • Concepts Physiopathogéniques Généraux Chapitre 02 • Investigations Pratiques .
Deuxième Partie Pathologies Rhumatismales Auto-Inflammatoires Et Auto-Immunes Chapitre 03 Chapitre 04 Chapitre 05 Chapitre 06 Chapitre 07
• • • • •
Arthrites Juvéniles Maladies Auto-Inflammatoires Chez L'Enfant Maladies Auto-Immunes Vascularites Infections Ostéoarticulaires De L’Enfant
Troisième Partie Pathologies Inflammatoires De L'Appareil Locomoteur Chapitre 08 Chapitre 09 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15
• • • • • • • •
Manifestations Osteo-Articulaires Des Hémoglobinopathies Arthropathies Dans Les Déficits Constitutionnels De L'Hémostase Néoformations De L'Appareil Locomoteur Pathologies Rachidiennes Pathologies Douloureuses D'Origine Mécanique Pathologies Diverses De La Douleur Pathologies Nutritionnelles Et Métaboliques Expression Articulaire Des Maladies Constitutionnelles
Quatrième Partie Thérapeutique Chapitre 16 • Diagnostic Des Douleurs De L’Appareil Locomoteur Chez L’Enfant Chapitre 17 • Prise En Charge De La Douleur Chez L’Enfant Chapitre 18 • Nouveaux Traitements En Rhumatologie Pédiatrique
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Première Partie Approche Générale Des Pathologies Inflammatoires Et Auto-Immunes En Pédiatrie
1 CONCEPTS PHYSIOPATHOGENIQUES GENERAUX
IMMUNITE INNEE ET ADAPTATIVE
C. PICARD et F. RIEUX-LAUCA T La fonction du systerne imrnunitaire est de proteger l'hote des differents pathogenes, tout en assurant la tolerance au soi. En effet, l'une des proprietes importantes de notre systeme immunitaire est sa capacite a discriminer entre Ies antigenes etrangers et les determinants du soi. La capacite du systerne imrnunitaire a ignorer les composants du soi est un processus actif que J' on designe SOliS Le terme d'induction de tolerance. En cas de rupture de cette tolerance, l'individu peut alors presenter
des manifestations auto-imrnunes. Concernant les defenses anti-infectieuses, les premieres [ignes de defense de I'organisme, importantes dans la lutte antimicrobienne, sont les barrieres anatomiques cornme la peau, les epitheliums digestifs et respiratoires. La flore microbienne, les secretions et les mouvements ciliaires jouent, entre autres, lin role important au niveau de ces barrieres cutaneomuqueuses pour eviter le developpement de processus infectieux. Lorsque les agents pathogenes parviennent a franchir ces barrieres, le systeme immunitaire hematopoietique est alors solllcite, avec tout d'abord la mise en jet! de la reponse immunitaire innee, puis dans un deuxierne temps de la reponse imrnunitaire adaptative (Figure 1-1). La reponse immunitaire innee est initiee en quelques minutes apres le debut de I'infec-
Cellule NK
----- 6 semaines)
S ignes curanes
* Emption
** Atthralgie (> 2 semaines) ** Eruption maculaire non prurigineuse,
fugace
39°C pour au moins 1 semaine
rose saumone, apparaissant surtout au moment de Ia fievre
Douleurs pharyngees
Non retenu
Oui
Atteinte sereuse
* Oui
Non retenu
Adenopathies
* Oui * Oui
Oui
Hyperleucocytose
Non retenu
**
Augmentation des transaminases
Non retenu
Oui
Pas ct' auto-anti corps
Non retenu
Oui
Exclusions
Psoriasis chez Ie patient ou un parent du premier degre Arthrite chez un garcon HLA-B27 positif debutant apres 6 ans Presence de facteur rhumatoide IgM II au moins deux occasions it au moins 3 mois d'intervalle
Infections Mononucleose Neoplasie (en particulier Iymphome) Maladie rhumatismale (notamment periarterite noueuse, polyarthrite rhumatoide avec signes extra-articulaires)
Le diagnostic est evoque devant
Arthrite + fievre + au moins un critere (*)
Au moins cinq criteres, avec au moins deux majeurs (**)
Splenomegalie
ou hepatomegalic
Oui (hepatomegalic
Par ailleurs, rnerne si l'arthrite est parfois retardee de plusieurs mois ou annees et si nous sommes convaincus de I'existence de formes purement febriles, associees a des arthralgies mais sans arthrite, il faut reconnattre que
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40 mrn/h), une hyperleucocytose et line augmentation des proteines reactives de l'inflammation. II n'y a pas d'auto-anticorps. L'evolution est variable, se faisant soit vers line regression progressive des symptomes, soit vel'S la persistance de I' atteinte inflammatoire pou vant conduire, apres plusieurs annees, a un certain degre de bandicap. Dans ce groupe peuvent exceptionnellement s'observer des polyarthrites a lymphocytes, recidivantes et repondant mal aux traitements. Ces polyarthrites sont particulieres par I' absence de risque de lesions cartilagineuses a long terme [18] ; - Ia troisieme est une forme avec peu OU pas de synovite (6
~2
~6
~4
>2
>6
>4 ND
ND
ND
ND
ND
(mois)
3 6
12 6
12 6
12 12 12
Polyarthrite avec FR Systernique Patients avec uveite
Selon I'uveite
ANN: anticorps antinucleaires ; AJI : arthrite juvenile idiopathique ; FR : facteur rhumatoide ; ND : non determine.
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I'ILAR [187, 200] (Tableau 3-XIV). Une reunion de travail internationale sera organisee en 2009 afin de determiner le rythme de surveillance optimal.
Surveillance clinique des enfants atteints d'uveite assoclee I'AJI par photornetrie automatlsee du Tyndall
a
Le tyndallornetre laser est un instrument qui pennet une mesure non invasive, quantitative, reproductible et independante de I'operateur [188]. Les photons ernis par un faisceau laser de puissance constante sont reflechis par les proteines presentes dans la chambre anterieure et captes par un scanner couple a un photomultiplicateur. L'intensite des rayons reflechis est proportionnelle a la concentration et a la tai lie des proteines contenues dans I'humeur aqueuse. La quantite de lumiere ainsi mesuree est exprimee en photons par milliseconde (pb/ms). La validite et les limites de cette methode ont ete demontrees afin de quantifier et de surveiller I'evolution de J'inflammation oculaire lors d'une uveite touchant Ie segment anterieur [173, 179, 180, 183], mais aussi lors d'une uveite avec atteinte predorninante du segment posterieur [185]. Nous avons retrospectivernent analyse 54 enfants (99 yeux) atteints d'uveite rhumatismale et ayant beneficie d'une photometric autornatisee du Tyndall. Une decroissance de plus de 50 p. 100 des valeurs du tyndallometre laser a ete obtenue pour 59 yeux (66 p. 100), par rapport aux valeurs initiales au sein du groupe 1. Les enfants de ce groupe developpent statistiquement moins de complications au cours du sui vi, conservent une meilleure acuite visuelle et requierent un traiternent systernique moins agressif en comparaison avec Ies enfants chez lesquels une decroissance aussi importante du Tyndall n'a pas pu etre obtenue (groupe 2). Le pourcentage de decroissance du Tyndall evalue au laser 1 mois apres l'intensification therapeutique est un facteur predictif clinique, non invasif, de I'uveite anterieure chronique de l'enfant. Desormais, il est souhaitable de prendre en C0I11pteles resu Itats de cet examen au cours de la surveillance, au merne titre que Jes differents parametres de l'examen clinique.
Prise en charge des enfants atteints d'arthrite et d'uveite Une collaboration etroite entre I'ophtalmologiste et Ie pediatre est essentielle pour la prise en charge therapeutique. Le but de cette collaboration est de prevenir les complications et les sequelles oculaires. Le pediatre s'assure que les enfants sont examines par un ophtalrnologiste, rneme en I'absence de syrnptorne. En retour, I'ophtalmologiste doit connaitre Ie caractere asymptomatique de l'uveite anterieure chronique qui cornplique la maladie et la necessite d'une surveillance rapprochee. Cette surveillance doit etre maintenue a l'age adulte car certains patients peuvent presenter les premiers signes cliniques d'uveite de facon tardive. L'atteinte inflamma-
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PATHOLOGIES RHUMATISMALES AUTO-INFLAMMATOIRES
toire oculaire et rhurnatologique peut ne pas etre simulranee. La decision therapeutique doit tenir compte des deux entites. Traitements des uveites assoclees
a I'AJI
Le but du traitement de l'uveite associee a I' AIJ est Ie contrcle parfait et permanent de toute inflammation intra-oculaire, afin de prevenir et de minimiser Ie risque de developpement des complications. Les difficultes therapeutiques chez les enfants sont possibles en raison d'une faible compliance et des effets secondaires du traitement systemique. Le traitement initial repose sur Ia corticotherapie locale intensive adaptee a la severite de I'atteinte. Une forte dose peut initialement etre necessaire, suivie par une decroissance progressive et I'emploi de molecules moins puissantes. II faut egalernent associer des AINS topiques et discuter, lorsque cela est necessaire, des mydriatiques. Le risque d'amblyopie est reel et doit etre evalue regulierernent, il faut preferer des mydriatiques d'action courte. En Europe, I'echec de ce traitement topique conduit a la mise en place d' un traiternent par injections perioculaires de corticoides (si necessaire SOllS anesthesie generate) ou d'une corticotherapie systernique a fortes doses avec une decroissance progressive. Malheureusement, les effets indesirables de ce traiternent au long cours incitent de plus en plus a introduire precocement des immunosuppresseurs. Par aiJleurs, etant don nee le caracrere chronique de I' inflammation, Ie traitement peri-oculaire doit etre reserve a quelques cas particuliers. L' agent pour lequel il existe Ie plus de recul est incontestablement le methotrexate [192]. Pour etre efficace, les doses utilisees devraient etre superieures a ceJles necessaires pour les indications rhu matologiq ues, Certains cas echappent toutefois a cette association. De nombreuses etudes recentes ont porte sur l'efficacite des agents biologiques, en particulier les anticorps antiTNF-cx,(adalimumab et infliximab) dans ce type d' indication [181-183, 190, 196, 201]. Cependant, aucune etude controlee n'a ete realisee jusqu'a present. De plus, Ie recul est faible et des effets secondaires hernatologiques sont possibles au long cours. Une surveillance drastique est donc indispensable et ces molecules doivent etre reservees aux cas les plus severes. Les molecules comme le recepteur soluble du TNF, letanercept, ne semblent pas actives sur l'uveite malgre leur efficacite sur I'atteinte articulaire [199]. En general, les enfants souffrant d'uveites severes ont une atteinte oligo-articulaire relativement moderee. La decision therapeutique incombe done principalement a l'ophtalmologiste. Toute aggravation avec survenue de synechies multiples, hypertonie oculaire, cataracte et redeo1e maculaire impose l'intensification therapeutique. La delnande sera fornlldee par l'opbtallnologiste et la strategie mise en place par Ie pediatre. Une surveillance reguliere est instauree et son rythme est fonde sur la severite de l'atteinte oculaire.
ET AUTO-IMMUNES
COMPLICATIONS OPHTALMOLOGIQUES En rapport avec I'inflammation L' hypotonie et/ou la phtisie du globe sont des complications irreversibles associees a l'uveite de I'AIJ et elles surviennent entre 7 et 14 p. 100 des cas [205]. Les autres complications sont les synechies iridocristalliniennes posterieures, Ia cataracte, la keratopathie en bandelette, Ie glaucome secondaire et l'cedeme maculaire [205]. La cataracte est une complication frequente des uveites chez l'enfant. Ces cataractes surviennent sur des yeux inflarnmatoires avec des synechies iridocristalliniennes posterieures, une elevation de la pression intraoculaire et une keratopathie en bandelette, Ces conditions anatomiques locales en font un defi lors du traitement chirurgical. La survenue de la cataracte depend de l'importance de l'inflammation intra-oculaire, rnais egalement du niveau de corticotherapie. Le traiternent chirurgical doit etre Ie plus possible retarde, dans la rnesure ou l'acuite visuelle demeure respectee. En effet, la phaco-exerese chez Ie tres jeune enfant (moins de 5 ans), surtout atteint d' An, ne doit pas etre associee a une implantation, car I'agressivite du traiternent anti-inflammatoire et immunosuppresseur necessaire pour eviter les complications majeures liees a la presence de I'implant est particulierement importante et contraignante [175]. Apres 6 ans, la mise en place de limplant se fera au cas par cas apres discussion avec Ia famille et prise en compte de la cause de l'uveite. Le capsulorhexis pesterieur et la vitrectomie anterieure sont des gestes indispensables en cas d'iInplantation chez Ie jeune enfant. L' hypertonie oculaire peut etre due a l'Inflarnmation intra-oculaire ou a la corticotherapie. Ces deux facteurs doivent etre differencies afin de ne pas provoquer un glaucome resistant au traiternent antihypertenseur. 11 s'agit d'une complication redoutable de la maladie oculaire qui met en jeu serieusernent Ie pronostic visuel a long tenne. Les differentes classes therapeutiques seront utilisees, en privilegiant les berabloquants et les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique. Les analogues de prostaglandine seront parfois necessaires. En revanche, I' emploi des n.-stimulants doit etre evite chez l' enfant. Malheureusement, le traitement medical est parfois ins uffisant, et la chirurgie filtrante est alors indispensable. La sclerectornie profonde ou la trabeculectornie sont defendues selon les equipes. Le risque de synechie anterieure est un element incitant a preferer une trabeculectomie. En cas d'echec, l'utilisation des valves de drainage pourrait devenir indispensable. La keratite en bandelette est une accumulation de calcium au sein de la membrane de Bowman de I'epitheliutn corneen (voir Planche couleurs, Figure 3-37). Elle d6bute a 3 et 9 heures et resulte de la chronicite de l'infJanunation. Le traitement ilnpose d'abord Ie contr61e strict de celle-ci. II est ensuite possible de nettoyer la cornee en utilisant des agents chelateurs comme I'EDT A calcique en application topique, habituel1ement sous anesthesie generale.
ARTHRITES JUVENILES
Uceaeme macula ire cystoide (OMC) peut survenir en rapport avec l'Inflammation intra-oculaire chronique. Il est sou vent associe aux uveites intermediaires ou pesterieures, rnais des alterations rnaculaires ont recernrnent ete decrites par notre equipe en cas d' AJI (voir Planche couleurs, Figure 3-38) [178]. Cet cederne met en jeu Ie pronostic fonctionnel visuel par alteration des photorecepteurs foveolaires et necessite une intensification therapeutique.
En rapport avec I'age La premiere particularite concerne Ie problerne d'information avant toute demarche therapeutique. L'accord sera parental.
Amblyopie La correction de l'amblyopie fera partie integrante du traitement de restauration de la fonction visuelle chez ces enfants.
Retard scolaire La baisse de l'acuite visuelle, les complications systemiques, les hospitalisations repetees et les effets secondaires du traiternent font que la scolarisation est parfois discontinue ou interrompue. La communication entre Ie personnel medical, la famille et Ie corps enseignant doit permettre Ie maintien d' une scolarisation en adaptant les methodes d'apprentissage. Les resultats scolaires de ces enfants restent cependant satisfaisants dans Ia majorite des cas.
letroqenie Les deux complications majeures du traitement corticoide chez les enfants sont Ie retard de croissance et l'immunosuppression induite en cas d'utilisation systemique, la cataracte et Ie glaucome cortisonique en cas d'instillation topique et, plus rarement, de traitement
systemique.
CONCLUSION L'association arthrite et uveite chez I'enfant n'est pas rare. Les complications oculaires sont a la fois celles relatives a l'inflammation oculaire proprement dite et ceUes liees a ['age. La prise en charge de ces enfants necessite un bilan etiologique precis et oriente, une therapeutique adaptee pour I'age, une communication etroite et constante entre les pediatres et les ophtalmologistes, une ecoute attentive et une information appropriee des parents. Un point essen tiel a connaitre de tout medecin est la necessite d'un examen ophtalmologique avec lampe a fente systematique tous les 3 mois chez Ies enfants avec An a risque d'uveite (oligo-arthrites, polyarthrites sans facteur rhumatoide) pendant au moins Ies cinq annees qui suivent les tout premiers signes articulaires de la maladie, afin de depister precocement et d'initier aussi tot que possible Ie traitement,
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NOD2
RICK ••
RICK
j
Activation NF-KB et caspases
~
I
Apoptose
_
~
.
A)
Reponse immunitaire
(
CARD Kinase 0 NOD
Peptidoglycane
•••
,
ETIOPATHOGENIE Des cas familiaux se manifestant par la triade clinique classique, avec une transmission aurosornique dorninante, ont ete rapportes et qualifies de syndrome de Blau [115]. En 2001, Miceli-Richard et al, ont identifie des mutations dans Ie dornaine central NOD du gene A'OD2 dans quatre familles francaises et allemandes atteintes du syndrome de Blau [112]. Des mutations identiques ont ete rapportees chez des patients avec Ia forme sporadique du merne phenotype d' arthrite granulornateuse, deruption et d'uveite, forme qualifiee de sarcoidose a . ' debut precoce [107, 11.7]. A I'heure actuelle, Ia sarcoidose it debut precoce et Ie syndrome de Blau sont consideres cornme une entire specifique, qui fait partie du spectre des maladies au to- inflamrnatoires hereditaires [118]. En revanche, les mutations NOD2 ne sont pas associees aux formes variantes de sarcoidose pediatrique se presentant avec une beterogeneite de manifestations cliniques, ni aux sarcoidoses telles qu' elles sont observees chez I'adulte [121, 123]. Le gene lVOD2 code line proteine de 1 040 acides amines, C0l11pOSee de deux dornaines Nvterminaux recrutant des enzymes caspases (CAspase Recruitment Domain, CARD), d'un domaine central implique dans l' association de nucleotides et I' oligomerisation des proteines NOD2 (Nucleotide-binding Oligomerisation. Domain, NOD) et d'une region Cvterminale comprenant de multiples motifs riches en leucine (leucine-rich repeats, LRR). Aujourd' hui, douze mutations differentes secondaires a des substitutions d'acides amines dans le dornaine central NOD de la proteine ont etc documentees chez des individus atteints (Tableau 6-IX). Les mutations R334W (remplacant l'arginine par la glutamine a la position 334) et R334Q (rernplacant I'arginine par le tryptophane a la position 334) sont les plus frequernrnent retrou vees. En revanche, des mutations concernant le dornaine Cvterminal L.RR de NOD2 sont associees a une susceptibilite pour la n1aladie de Crohn [102, 114]. La proteine NOD2 appartient a 1a famille de proteines NOD-like receptor (NLR) , cOlnposees de differents dOluaines fonctionnels et iinpliquees dans la reponse
•
Secretion de cytokines pro·inflammatoires (TNF, IL-1 ?)
~
,
•..
NOD2 Leu1007fsinsC Gly908Arg _ Arg334Trp, Arg334Gln
I
T Signalisation excessive
B)
Maladie de Crohn
1
Syndrome de Blau
FrGURE6-6. - A) Les proteines NODI et NOD2 reconnaissent les molecules LPS et peptidoglycane bacteriennes de leur dornaine LRR. La signalisation par NOD 1 et NOD2 est realisee par la kinase RICK, a travers des interactions C,~RDCARD avec les molecules NOD. RICK stirnule I'activation de NF-KB et des capsases, induisant la secretion des cytokines pro-inflarnmatoires. B) Les mutations NOD2 associees 11 la rnaladie de Crobn (Leul007fsinsC, Gly9081\rg, Arg702Trp) sont localisees au niveau de la region LRR. Ces mutations ernpechent la liaison des peptidoglycanes bacteriens, rnenant 11une signalisation diminuee ou absente. Les mutations NOD2 associees au syndrome de Blau (Arg334Trp, Arg334Gln) se retrouvent dans Ie domaine NOD et constituent des variantes du gene avec un gain de fonction, induisant une activation de NF-KB constitutionnelle,
immunitaire par des voies de l'inflamrnation et de I'apoptose [104, 105]. Les deux domaines CARD N-terminaux de NOD2 ont un role effecteur par leur interaction avec une proteine kinase RICK qui mene a I'activation de NF-J l'int1alnination oculaire. L'interferon (,1..2a (1,5-3 MUI 3 fois par senlaine) est efficace dans Ie maintien de la remission des uveites [140]. L'infliximab (5 ou 10 mg/kg en perfusion IV toutes les 6 a 8 semaines) diminue la recurrence et la gravite des nouveaux episodes d'uveite. L'utilisation de la benzathine penicilline associee a la colchicine perinet de prevenir de fac;on significative la survenue des arthrites de Beh~et en agissant sur la prevention des infections a SlTeptocoque.
GRANULOMA TOSE DE WEGENER
B. FLORKIN La granulomatose de Wegener (GW) est nne vascularite necrosante rouchant les arteres de moyen et petit calibre, associee a des granulomes [177]. Elle fait partie des vascularites a anticorps anticytoplasme des polynucleaires neutrophiles (ANCA) et touche classiqucment le systerne respiratoire et le rein. L'age de survenue moyen est de 45 ans (avec des extremes de la naissance a 80 ans) Chez I'adulte, la prevalence est estimee a 3 cas pour 100000 habitants. Chez I' enfant, il y a moins de 100 cas decrits dans la Iitterature [172,174,185,187]. On ne dispose pas de donnees epidemiologiques chez I'enfant. Contrairement aux adultes, il semble y avoir une nette preponderance ferninine (80 p. 100). La majorite des patients pediatriques declarent la maladie a I' adolescence.
PHYSIOPATHOLOGIE L'etiologie exacte de la G'vV est inconnue. Certains agents infectieux pourraicnt induire, par mimetisme, une reaction idiotype-anti-idiotype, dont Ies anticorps reagiraient de maniere croisee avec l'antigene cytoplasmique PR3 [178]. Un polynucleaire neutrophile sensibilise devoile a sa surface les auto-antigenes, qui interagissent avec les ANCA et provoquent une activation du neutrophile, une modification de I'interaction avec I'endothelium et, finalernent, une lesion vasculaire cytotoxique. II y aurait egalement nn recruternent des monocytes qui pourraient avoir un role dans la formation subsequente de granulornes.
ANCA Classiquelnent, dans la GW, les ANCA ont une localisation cytoplasmique (cANCA) et une specificite antiPR3 dans 90 p. 100 des cas. Cependant, chez I'enfant, on peut egalement retrouver line specificite anti-MPO dans une proportion plus itnportante de cas [189]. La combinaison de I'etude en imtnunofluorescence indirecte et ELISA perulet d'atneliorer la sensibilite et la specificite de la recherche.
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212
PATHOLOGIES RHUMATISMALES AUTO-INFLAMMATOIRES ET AUTO-IMMUNES
DIAGNOSTIC
T AI3LEAU 6-XIV. - Signes Wegener.
Chez l'adulte, Ie diagnostic d'une GW est fondee sur Ia presence de deux des quatre criteres de l' American College of Rheumatology [179] : - presence d' une hematurie ; - anomalies pulrnonaires radiologiques (nodules, cavites ou infiltrats fixes) ; - inflammation de Ia muqueuse buccale ou nasale ; - presence de granulome a la biopsie. La classification actuelle de Chapel Hill [177] a isole les patients qui ne presentaient aucun lesion granulomateuse et qui ont alors une polyangeite microscopique. En pediatric, de nouveaux criteres de classification ont recernment ete proposes [181] sur la base d'un panel d'experts de I'EULAR et de la PReS et doivent etre valides. Pour la premiere fois, ils integrent la presence d' ANCA dans la definition de la maladie et mettent en avant la presence accrue, chez les enfants, de lesions stenosantes au niveau de I'arbre respiratoire [185] (Tableau 6-XUI).
cliniques
de la granulornatose
de
Signes generaux Fievre, fatigue, perte de poids
Atteinte ORL ,
Epistaxis, sinusite, perforation de Ia cloison nasale, destruction du cartilage du nez Aphtes Otite, mastoidite, perte d' audition Stenose sous-glottique ou tracheale ou bronchique
Atteinte pulmonaire Nodules pulmonaires Hernorragie pulmonaire,
infiltrats persistants, hernoptysie
Pleuresie Atteinte renale
Glornerulonephrite
pauci-irnmune avec, frequemment,
la presence de croissants epitheliaux,
parfois insuffisance
renale terminale Atteintes ophtalmiques Keratite, conjonctivite,
dacryocystite
Sclerite, uveite Pscudo-tumcur rctrobulbaire, proptosis Diplopie
Atteintes diverses Arthralgies et arthrites Purpura cutane, panniculite, urticaire
6-X111. - Criteres de classification pour la granulomatose de Wegener.
TABLEAU
de l'EULARIPReS
Atteinte digestive Atteinte neurologique
(centrale ou peripherique, paralysie
des ncrfs craniens) Trois des six criteres suivants doivent etre presents: - hemarurie/proreinurie (et glomerulonephrite pauci-irnmune
a I'histologie)
- granulorne preuve par la biopsie - inflammation nasale ou sinusale - stenose sous-glottique, tracheale ou endobronchique - anornalie radiologique pulmonaire - presence de cANCA ou d' ANCA de specificite PR3
- une atteinte cutanee dans 49 p. 100 des cas, essentiellement avec des lesions de purpura evoquant en premiere intention un purpura rhurnatoide d'HenochSchonlein, mais egalernent des lesions de panniculite et une urticaire, ,
SIGNES CLINIQUES
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La GW provoque une atteinte vasculitique multisystemique, frequemment associee des signes generaux. L'atteinte peut predorniner sur le plan granulomateux ou plutot vasculitique [172] (Tableau 6-XIV). II existe quelques series rerrospectives regroupant 71 enfants [172,174, 185,187]. De ces etudes pediatriques, on retiendra globalernent : -l'atteinte ORL predominante (87 p. 100 des cas) avec notamrnent des sinusites (62 p. 100), des epistaxis (52 p. 100), des otites (28 p. 100) et des stenoses 5011Sglottiques (27 p. 100, bien plus frequentes que les 10 p. 100 decrits chez l'adulte). Les symptornes ORL sent souvent presents des Ie debut de l'affection ; - une atteinte rena Ie dans 70 p. 100 des cas, avec une glornerulonephrite pauci-irnrnune avec formations de croissants epitheliaux ; - des plaintes articulaires dans 69 p. 100 de cas, dont probablement une moitie d' arthrites vraies ; -la presence dinfiltrats pulmonaires dans 51 p. 100 des cas, dont 37 p. 100 de nodules radiologiques ; -l'atteinte ophtahnogique frequente (49 p. 100), avec essentiellernent des conjonctivites et des episclerites, mais egalernent, dans un cas sur dix, un proptosis, avec effet de masse retro-orbitaire .,
II faut distinguer la GW des autres syndromes renopulmonaires [177] tels que la polyangeite microscopique, le syndrome de Churg et Strauss, le syndrome de Goodpasture, un lupus systernique ou une cryoglobulinemie. L'atteinte ORL peut egalernent faire discuter une polychondrite atrophiante [188]. II faut egalement penser au tres rare deficit en l-ILA de classe I (deficit en proteine TAP1, TAP2 ou tapasine). II s' agit d' nne immunodeficience primaire rare, qui associe des lesions inflammatoires chroniques au niveau ORL et pulmonaire a des lesions cutanees granulornateuses et de vascularire ainsi qu' ~ldes lesions destructives de Ia sphere ORL. Une patiente deficiente en tapasine a egalernent presente une glornerulonephrite. L'evolution pejorative sous immunosuppresseurs est la regie et peut faire evoquer Ie diagnostic [175].
a
TRAITEMENT II n'existe evidernment aucune donnee controlee sur l'efficacite des traitements en pediatric. Les schernas therapeutiques utilises chez I'adulte ont ete appliques
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VASCULARITES
213
[180]. Des recomrnandations therapeu tiq ues francaises ont ete proposees en 2007. Le traiternent des formes ORL pures tres limitees par
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trimetboprirne-sulfamethoxazole peut s'envisager, mais doit systernatiquement etre discute avec une equipe de reference. Dans les autres cas, Ie traiternent initial repose sur l'association d'une corticotherapie par prednisone orale, eventuellement precedee de bolus de methylprednisolone et d'un traitement immunosuppresseur par cyclophosphamide par voie intraveineuse jusqua l'obtention de Ia remission .. La voie orale est possible et egalement efficace pour le cyclophosphamide, mais plus toxique, car Ia dose cumulee est rapidement plus elevee. Cette voie orale doit donc etre reservee aux situations dechec de la voie intraveineuse. En cas de formes stricternent limitees a la sphere ORL (rhinite crouteuse, sinusite, otite, etc.), un traiternent par methotrexate peut se discutel' au lieu du cyclophosphamide, Des echanges plasmatiques peuvent etre indiques en association dans les formes severes diffuses.
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Ie
Une fois la remission obtenue, un traiternent dentretien par corticoides et azathioprine (2 mg/kg/] par voie orale) ou methotrexate (0,3 mg/kg/sern par voie orale ou intrarnusculaire) est initie. Le mycophenolate mofetil peut egalernent etre propose. La duree habituellement conseillee de ce traiternent d'entretien est de 18 24 mois, Dans des formes refractaires aces traiternents, un traitement par rituximab peut se discuter [173, 184, , 186]. A l'Issue de ce traiternent, la prescription de trimethoprime-sulfamethoxazole est conseillee afin de diminuer le taux de rechute pendant un minimum de 2 ans (duree optimale non deterrninee).
a
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,
EVOLUTION La maladie evolue par poussees et Ies rechutes sont frequentes chez I'enfant [172J et I'adulte [176]. Les complications principales sont J'insuffisance rena Ie terrninale, les evenernents throm bo-ern bo Iiques, I' hernorragie massive et la stenose sous-glottique. La survie a 10 ans est superieure a 80 p. 100 chez l'adulte [183]. II n'y a pas de donnee pediatrique specifique.
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o
Absence 1 geode > I geode
o
Destruction des surfaces articulaires
Absence Presence
o
Modification des rapports des surfaces articulaires
Absence
o
Leuere
1
Irnportante
2
Absence
o
Presence
1
Tmportante
2
Osteoporose Hypertrophic epiphysaire
Irregularite des surfaces articulaires (rnicrogeodes)
Pincernent de I'interligne
Geodes sous-chondrales
1
2 1
2 1
I:>
,
Evolution spontenee L'cvolution se fait vers l'aggravation progressive ct insidieuse des lesions avec I' apparition de douleurs rnecaniques, une limitation plus ou rnoins importante de la mobilite articulaire, la fixation dans une attitude vicieuse associee a une amyotrophie. L'atteinte des tissus peri-articulaires (zones de croissance, muscles) peut donner des deviations articulaires et des retractions musculotendineuses. L'evolution ultime est I'ankylose de I'articulation qui se fait regulierernent en position vicieuse, compte tenu des troubles de croissance et des retractions musculaires associees. L'evolution vers l'arthropathie hernophilique chronique devrait de moins en moins etre observee de nos jours en raison de I'acces au traiternent de plus en plus frequent dans le monde. En outre, I'existence d'une arthropathie hernophilique chronique est une indication a un traiternent substitutif de type prophylactique dans Ies pays qui en ont les rnoyens. Examens cornplementaires
Radiographie Les lesions se rnanifestent precocement par une hypertrophie epiphysaire, une osteoporose et, plus tardivernent, par l'apparition d'un pincement articulaire et de geodes sous-chondrales. L'importance de J'atteinte articulaire a ete classifiee par le score de Pettersson (Tableau 9- V) qui codifie Ie stade evolutif de l'arthropathie. Le score le plus eleve est de 13 par articulation. Cependant, Ie recours aux radiographies est mal approprie dans Ies formes precoces darthropathies, car elles ne montrent que les alterations importantes et ne prennent pas en consideration Ies changements precoces que l'on peut observer dans Ies tissus mous ou la synoviale.
271
Deformation de I' articulation avec angulation et/ou dcsaxation osscuse
,
Echographie L'echographie peut etre utile pour Ie diagnostic d'une hernarthrose d'une articulation profonde (articulation coxofernorale) ou le suivi du traiternent d'une hernar-
throse.
IRM L'utilisation de J'IRM sest beaucoup developpee ces dernieres annees. C'est une technique tres sensible qui peut detecter des anomalies minimes Iors des stades precoces du developpernent d'une arthropathie. Plusieurs classifications a I'IRM sont proposees. L'IRM permet detudier les depots persistants dhemosiderine (en hyposignal). ElJe pent egalernent rnettre en evidence l'hypertrophie synoviale et les lesions destructives cartilagineuses et osseuses. Compte tenu de son accessibilite et de son cout, fIRM nest pas utilisee en technique courante, mais il semble qu'il y ait line evolution pour l' utiliser a titre systematique dans certaines equipes.
PRISE EN CHARGE DES MANIFESTATIONS ARTICULAIRES La prise en charge des manifestations articulaires doit se faire en equipe entre medecins de centres d'hemophilie, rhumatologue, physiotherapeute et chirurgien
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PATHOLOGIES NON INFLAMMATOIRES
DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
orthopediste. Compte tenu des disparites geographiques, d'ordre econornique et dacces aux produits substitutifs, les modalites therapeutiques sont differentes selon les pays. ,
HEMARTHROSE La prise en charge depend de l'importance et de la localisation de l'hemarthrose. Le traiternent substitutif doit etre administre le plus rapidement possible. Les rnodalites dadministration sont resumees plus haut (voir « Traiternent a la demande »). La correction des anomalies de l'hemostase et Ie controle des saignements articulaires sont les seuls moyens de ralentir l'cvolution vers I' arthropathie. La douleur doit etre prise en compte en plus du traitement su bstitu tif. Dans Ia majorite des situations, Ies antalgiques de classe r suffisent (I'aspirine, nous I'avons vu, est contre-indiquee en raison du risque hernorragique surajoute). En cas de douleurs importantes, les antalgiques de classe superieure sont utilises et sans centreindication particuliere. Une imrnobilisation (par attelles ou pansements de maintien) peut etre utile, voire une traction collee pour reduire une attitude vicieuse (articulation coxofernorale). Elle doit etre cependant breve pour eviter les enraidissernents et les amyotrophies et doit etre relayee par la kinesitherapie. Cette derniere est fondamentale dans Ie traitement des sequelles fonctionnelles, mais egalernent dans la prevention (reeducation proprioceptive). La ponction articulaire est indiquee lorsque l'hernarthrose est irnportante et entraine nne tension importante de la capsule articulaire. Elle doit etre realisee dans des conditions d' asepsie rigoureuse et immediaternent apres la fin de l'injection du facteur antihernophilique, avant que le sang ne coagule dans J' articulation. L' 1I tilisation d 'une aspiration chirurgicale et d'un trocart peut etre necessaire lorsque Ie sang est gelifie. L' hernarthrose de hanche, tres particuliere en raison du risque de necrose de la tete fernerale, doit etre ponctionnee en milieu chirurgical. D''apres Ies travaux experimentaux recents sur la toxicite directe du sang et Ie risque d'arthropathie, les indications qui ont beaucoup diminue ces dernieres annees dans les pays developpes vont peut etre revenir au premier plan.
pour ralentir l'evolution de la rnaladie. Les doses Ies plus couramment utilisees sont de 30 VI/kg de FYIII 3 fois par semaine ou de 40 VI/kg de FIX 2 fois par semaine.
La aussi, la kinesitherapie a pour but I'entretien et la recuperation des rnobilites articulaires ainsi que la trophicite musculaire. Des traiternents orthopediques plus contraignants comme nne immobilisation ou nne traction peu vent etre indiq ues en cas d' attitude vicieuse. Les techniques employees doivent etre donees et progressives, en association a un traiternent substitutif bien conduit. Les anti-inflamrnatoires associes a un protecteur gastrique peuvent etre utilises en cas de douleurs dues a la deterioration articulaire ou lors de la persistance d'une synovite chronique.
cortlcotheraple intra-articulaire Les injections intra-articulaires de steroides sont courarnment utilisees dans les maladies inflammatoires. Elles peuvent etre employees cornrne traiternent palliatif pour diminuer I'mflammation synoviale. Dans les pays ou l'acces aux produits substitutifs est limite, des resultats encourageants sur Ia diminution de I'hypertrophie synoviale sont rapportes.
Synovectomies En cas de resistance aux traitements suscites, I'Indication d'une synovectomie peut etre posee. Deux grands types de synovectomies peuvent etre proposes.
Synovectomies medicates Elles ont I'avantage de ne pas reclamer un traitement substitutif lourd. De nombreux agents ont ete utilises; chez I'enfant, ce sont principalement l'acide hyaluronique, certains agents chirniques comrne Ia rifamycine et les radio-isotopes. Les synovectomies sadressent a des atteintes articulaires moderees de grade I et II. II faut cependant noter que deux cas de leucernie aigue dans l'annee suivant une synovectomie au 132p ont ete rapportes chez I'enfant et qu' elle est contre-indiquee en France chez I'enfant. Les synovectomies par agent chimique gardent des indications dans les pays ou I' acces au traitement substitutif est limite.
Synovectomies chirurgicates ,
ARTHROPATHIE
HEMOPHILIQUE
Une hospitalisation ou un SejOllr en centre de reeducation peuvent etre necessaires 10rs d'une chirurgie ou d'atteintes articulaires severes et multiples.
Traitement medical Le developpement d'une arthropathie pose I'indicahon d'lIne nlise SOliSprophylaxie si celle-ci est possible
Lorsqu'une articulation cible continue a saigner malgre Ia prophylaxie ou lorsque cette derniere n'est pas disponible ou faisable, une synovectonlie peu t etre proposee pour stopper Ie cycle auto-entretenu entre I'inflamlnation et Ie saignenlent. Le but de ces interventions est de realiser I'ablation la plus cOlnplete du tissu synovial pathologique pour prevenir la recidive des helnarthroses , assecher l'articulation et retarder la deterioration progressive de I'articulation. Les techniques initiales etaient a ciel ouvert et ne s'adressaient qu'a certaines articulations: genou, che-
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,
ARTHROPATHIES
,
DANS LES DEFICITS CONSTITUTION NELS DE L'HEMOSTASE
ville et coude. Afin d'exciser completement Ia synoviale, deux voies dabord chirurgicales sont necessaires. Les suites operatoires (reeducation, duree d' hospitalisation) de ces interventions sont lourdes, et elles ont la reputation de dirninuer la mobilite articulaire. Au coude, la transposition du nerf cubital est sou vent necessaire et l'on peut associer une resection de la tete radiale chez l'enfant ayant une maturite osseuse suffisante pour arneliorer la mobilite en prosupination. Les synovectomies sous arthroscopie ont ete developpees pour diminuer la morbidite et faciliter les suites operatoires. Elles necessitent egalernent plusieurs voies d' abord chirurgical. Elles ont l'incon venient, theorique, de ne pas faire une excision complete de la synoviale (region poplitee pour Ie genou, region retromalleolaire pour I'articulation tibiotarsienne), Ie developpernenr de la synoviale prenant un aspect pseudotumoral dans les formes severes, En revanche, eIles sont particulierement indiquees en cas de corps etrangers intra-articulaires entrainant des blocages articulaires. Les suites operatoires en terrnes de saignement sont peu differentes. La recuperation de la mobilite est plus facile, la duree d'hospitalisation ainsi que la consommation de medicaments antihemophiliques sont moins irnportantes avec Ies interventions realisees so us arthroscopie. Les resultats a long terme obtenus avec, les differentes techniques sont difficiles a cornparer. A distance, il n'y a pas de difference de mobilite avec les deux techniques si la reeducation a ete bien conduite (arthromoteur, blocs antalgiques ... ), la mobilite residuelle dependant essentiellement de la degenerescence articulaire. La frequence des hemarthroses est notable-
rnent diminuee apres synovectornie. Concernant I'evolution radiologique, il est rare dobtenir une veritable reparation des lesions constituees. Les alterations articulaires continuent devoluer et
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1'0n observe, le plus souvent, une degradation radiologique progressive. Paradoxalernent, une fonction articulaire acceptable est longtemps conservee.
Chirurgie des lesions avancees Osteotomies Les osteotomies de reaxation concernent essentiellement Ie genou ou la cheville. Les indications sont soit pour un defaut d'axe avec surcharge d'un compartiment, soit, en cas d'attitude vicieuse, pour amener Ie secteur de mobilite d'une articulation dans une zone plus fonctionnelle. Arthrodeses Les arthrodeses peuvent etre indiquees en cas de destruction articulaire importante. Elles donnent de tres bons resultats fonctionnels a la cheville et au pied et ne perturbent pas Ie schema de la marche (Figure 9-4). Une arthrodese du genou donne un resultat fonctionnel correct en cas datteinte pauci-articulaire des deux membres inferieurs.
Arthroplasties Les arthroplasties sent realisables en fin de croissance, notamment au genou et a la hanche. La substitution doit etre parfaite pour eviter les hematornes postoperatoires. La duree de vie des implants (80 p. 100 a 10 ans) est inferieure a celle observee chez les patients atteints darthrose. La principale raison est le taux eleve dinfections des protheses a distance, la repetition des injections intraveineuses augmentant Ie risque de fixation septique sur les implants.
FIGURE9-4. - Arthropathie evoluee de l'articulation tibio-astragalienne. Persistance des douleurs rnalgre le traiterncnt medical (substitution et antalgique). Traitemenr chirurgical par line arthrodese tibio-astragalienne.
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PATHOLOGIES NON INFLAMMATOIRES
DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE EN FRANCE Depuis Ie milieu des annees 1980, une quarantaine de centres de traitement de l'hemophilie se sont crees en France pour la prise en charge de I' hemophilic et des deficits constitutionnels de I' hemosrase autres. lis sont composes d'hematologues, de pediatres, dinfinnieres, de psychologues, travaillant en etroite collaboration avec Ie rhumatolcgue, le kinesitherapeute, le chirurgien orthopediste, I'assistante sociale ... En effet, la maitrise du traitement substitutif et la bonne connaissance de ces
pathologies et de leurs complications (arthropathie, inhibiteur ... ) ne peuvent etre realisees quau sein d'une equipe rnultidisciplinaire.
CONCLUSION Les manifestations osteo-articulaires, notamment I'arthropathie, grevent lourdement le pronostic fonctionnel de ces deficits constitutionnels de I' hemostase dont I'hemophilic est Ie plus frequent (Figures 9-5 et 9-6). Leur traitement repose essentiellement sur le traitement
FIGURE9-5. - Exemple devolution radiologique d'une arthropathie du genou de l'ftge de 12 it 25 ans. Pincement articulaire, apparition d' osteophytes et condensation de I' os sons-chondral.
FIGURE9-6. - Deviation angulairc du gcnou en flessurn ct valgus par attitude vicicusc articulairc ct deforrnation osscuse due I' atteinte des zones de croissance juxta-articulaires.
a
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Médecine & enfance
Les tumeurs osseuses malignes de l’enfant L. Brugières, département de cancérologie de l’enfant et de l’adolescent, Institut Gustave-Roussy, Villejuif
Les tumeurs malignes sont rares chez l’enfant. Elles sont souvent découvertes devant une douleur d’aspect banal chez un enfant en apparence bien portant. Il est important de savoir évoquer le diagnostic devant une douleur durable et adresser sans tarder l’enfant vers une équipe multidisciplinaire qui pourra le prendre en charge. Avec les traitements actuels, les chances de guérison sont importantes et les progrès des traitements locaux permettent le plus souvent la préservation d’une bonne fonction.
es principales tumeurs osseuses malignes chez l’enfant sont l’ostéosarcome et le sarcome d’Ewing qui constituent à eux seuls 90 % de l’ensemble des tumeurs osseuses chez l’enfant et l’adolescent [1, 2].
L
DIAGNOSTIC CLINIQUE Le principal signe d’appel des tumeurs osseuses est la douleur. Classiquement, c’est une douleur de type inflammatoire, plus intense la nuit et pendant les périodes de repos. Elle est le plus souvent localisée à la zone tumorale, mais peut être projetée, en particulier dans le cas des tumeurs du bassin, qui peuvent être révélées par des douleurs du genou, ou dans le cas de tumeurs vertébrales à l’origine de douleurs radiculaires. L’existence d’une tuméfaction palpable est inconstante. Elle est plus fréquente dans les sarcomes d’Ewing, qui s’accompagnent de tumeurs des parties molles souvent volumineuses, en particulier au niveau des os plats. Les fractures consécutives à un traumatisme mineur sur un os fragilisé par une tumeur ne sont pas exceptionnelles. Des
signes généraux, notamment de la fièvre, peuvent être observés en particulier dans les sarcomes d’Ewing.
RADIOLOGIE Le diagnostic de tumeur osseuse maligne est souvent évoqué sur le cliché standard devant une lésion mal limitée, lytique ou condensante, associée à une réaction périostée et à une rupture de la corticale, et à une tuméfaction des parties molles (figure 1). Parfois le diagnostic est plus difficile et peut nécessiter la réalisation d’un scanner. Ce dernier permet une meilleure analyse des os difficiles à évaluer sur le cliché standard, en particulier les os courts et les os plats. Dès que le diagnostic est suspecté, l’enfant doit être dirigé rapidement vers une équipe pluridisciplinaire habituée à prendre en charge ce type de pathologie, qui organisera le bilan d’extension et la biopsie. Devant une tumeur osseuse dont l’aspect est en faveur d’une lésion maligne, le bilan d’extension locorégional doit être pratiqué avant la biopsie. L’IRM est l’examen de choix pour évaluer l’extension locale d’une tumeur maligne [3]. Par contre, elle n’a pas beaucoup d’inté-
rêt diagnostique, puisque la plupart des tumeurs se manifestent par un hyposignal T1 se rehaussant après injection de gadolinium et un hypersignal T2 (figures 2 et 3). L’IRM doit explorer toute la longueur de l’os et permet de mesurer l’extension en hauteur de la tumeur, de préciser ses rapports avec l’articulation et le cartilage de croissance et de rechercher des « skip métastases » (petites métastases osseuses développées sur le même os mais séparées de la tumeur primitive par du tissu sain). Le bilan d’extension métastatique comporte un scanner thoracique à la recherche de métastases pulmonaires et une scintigraphie osseuse au technétium, qui montre toujours une hyperfixation au niveau de la tumeur primitive mais dont l’intérêt est surtout de rechercher d’autres localisations osseuses. Depuis quelques années, le TEPscan (tomographie par émission de positons couplée au scanner) complète souvent ce bilan [4]. Cet examen est moins sensible que le scanner classique pour rechercher les métastases pulmonaires de petite taille, mais semble plus efficace que la scintigraphie au technétium pour détecter les localisations ostéomédullaires. Enfin, dans le cas des tumeurs
Médecine & enfance
d’Ewing, le bilan doit être complété par des ponctions de moelle (réalisées le plus souvent sous anesthésie générale).
Figure 1 Ostéosarcome de l’extrémité inférieure du fémur
BIOPSIE Les impératifs du traitement local ultérieur rendent souhaitable que la biopsie soit faite par le chirurgien qui prendra en charge la suite du traitement. Une biopsie mal faite peut parfois rendre impossible la réalisation ultérieure de la résection, ou du moins en compliquer la réalisation. La voie d’abord doit être longitudinale, selon l’axe du membre, mener directement sur la tumeur, sans disséquer des éléments anatomiques nobles comme les vaisseaux ou les nerfs. Les fragments prélevés doivent être de quantité suffisante, porter sur des tissus vivants et comporter un prélèvement pour analyse bactériologique et un fragment destiné à la congélation. Le diagnostic histologique des tumeurs osseuses peut être difficile et nécessite une confrontation des données cliniques radiologiques et histologiques. Il est indispensable que ces examens soient faits par des pathologistes expérimentés pour ce type de tumeur.
OSTÉOSARCOMES ÉPIDÉMIOLOGIE L’ostéosarcome est la plus fréquente des tumeurs malignes primitives de l’os. En France, son incidence annuelle est d’environ 3,6 nouveaux cas par million d’enfants de moins de quinze ans [1]. L’âge moyen de survenue est quatorze ans. Ces tumeurs sont exceptionnelles avant six ans, mais peuvent survenir à tout âge après cet âge, avec une prédominance au moment de la poussée de croissance pubertaire. Il existe une nette prédominance masculine. Ces tumeurs sont le plus souvent sporadiques mais peuvent également survenir dans le cadre de syndromes de prédisposition génétique : rétinoblastome héréditaire, syndrome de Li-Fraumeni, syndrome de Rothmund-Thompson [5]. Elles peuvent parfois aussi se développer sur des lésions préexistantes, com-
me la dysplasie fibreuse, les exostoses multiples de la maladie d’Ollier ou la maladie de Paget, mais ces phénomènes ne concernent généralement que l’adulte. Enfin, il a été décrit des agrégations familiales d’ostéosarcomes qui ne paraissent pas s’intégrer dans le cadre de syndromes de prédisposition connus. Les localisations préférentielles sont les atteintes de l’extrémité inférieure du fémur et de l’extrémité supérieure du tibia, qui représentent plus de la moitié des cas. L’humérus vient en deuxième position (10 %). Les localisations aux os plats sont plus rares et concernent en général l’os iliaque, la mandibule et exceptionnellement le crâne ou l’omoplate. Les formes métastatiques au diagnostic représentent 10 à 20 % des patients et concernent le poumon dans 90 % des cas. Les métastases osseuses sont plus rares. Les autres sites métastatiques sont exceptionnels.
DIAGNOSTIC Le diagnostic repose sur l’examen histologique de la biopsie. Sur le plan histologique, l’ostéosarcome est défini comme une tumeur maligne caractérisée par la
Figure 2 Ostéosarcome de l’extrémité inférieure du fémur avec skip métastase : IRM initiale
Figure 3 Tumeur d’Ewing du bassin : IRM initiale
production de matrice ostéoïde, dont la présence est nécessaire pour porter le diagnostic mais qui n’est parfois présente qu’en très faible quantité. Chez l’enfant, la grande majorité des ostéosarcomes sont des tumeurs de haut grade de malignité. Deux formes sont considérées comme de bas grade : l’ostéosarcome parostéal ou juxtacortical et l’ostéosarcome intramédullaire de bas grade.
TRAITEMENT Le traitement comporte une chimiothérapie préopératoire d’une durée de
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Figure 4 Ostéosarcome de l’extrémité inférieure du fémur : résultat à long terme après mise en place d’une prothèse
deux à trois mois, suivie de l’exérèse chirurgicale de la tumeur primitive puis d’une chimiothérapie d’entretien d’environ six mois [6]. Les principaux médicaments utilisés sont le méthotrexate à haute dose, la doxorubicine, le cis-platinum et l’ifosfamide. L’objectif de la chimiothérapie préopératoire est de débuter rapidement l’éradication des micrométastases et de réduire le volume tumoral afin de faciliter la chirurgie conservatrice. Par ailleurs, la période de chimiothérapie préopératoire est utilisée pour planifier et préparer le geste chirurgical, notamment lorsqu’il faut préparer une prothèse sur mesure. Enfin, l’évaluation de l’efficacité de la chimiothérapie préopératoire sur la tumeur primitive est un élément important du pronostic et conduit dans certains protocoles à adapter la chimiothérapie postopératoire en fonction de la réponse histologique. Les protocoles de traitement utilisés chez l’enfant et l’adolescent sont diffé-
Figure 5 Tumeur d’Ewing du fémur : reconstruction par péroné vascularisé
rents de ceux de l’adulte. En effet, le méthotrexate à haute dose, qui est le médicament de base pour le traitement de l’ostéosarcome de l’enfant et de l’adolescent, est moins bien toléré chez l’adulte que chez le sujet jeune. L’ensemble des études menées depuis les années 80 par les différents groupes coopératifs internationaux donnent, avec l’utilisation du méthotrexate à haute dose, des chiffres de survie sans récidive à cinq ans qui varient entre 60 et 70 % chez les patients n’ayant pas de métastases au diagnostic [7-10]. Les principaux facteurs pronostiques sont la présence de métastases, la réponse histologique à la chimiothérapie, la taille et l’opérabilité de la tumeur primitive. Un essai clinique commun aux patients
adultes et pédiatriques a été activé récemment en France pour étudier l’intérêt de l’adjonction de bisphosphonates (zolédronate) à la chimiothérapie. Celle-ci est basée sur le méthotrexate à haute dose et l’association étoposide-ifosfamide chez l’enfant et l’adolescent, et sur une combinaison de cis-platinum, doxorubicine et ifosfamide chez l’adulte. Lorsqu’il existe des métastases pulmonaires au diagnostic, le principe du traitement reste le même que pour les tumeurs localisées, l’exérèse chirurgicale des métastases étant réalisée au décours du traitement de la tumeur primitive. Le pronostic est alors beaucoup plus réservé [11]. L’existence de métastases osseuses, souvent multiples, est de très mauvais pronostic. Sur le plan chirurgical, la résection monobloc sans effraction de la tumeur est nécessaire. Elle est le plus souvent possible sans mutilation grâce à l’amélioration des procédés chirurgicaux de reconstruction et aux techniques d’imagerie (IRM, Angio-IRM), qui permettent de réaliser des gestes moins mutilants. L’amputation est rare aujourd’hui, mais elle est parfois le seul geste possible, notamment chez les patients ayant des tumeurs très volumineuses ne permettant pas de garder une marge de tissu sain autour de la tumeur, ou chez les très jeunes enfants. La reconstruction se fait soit par la mise en place d’une prothèse, si la résection nécessite l’exérèse de l’épiphyse, soit par auto- et allogreffe osseuses si l’épiphyse peut être conservée [12] (figures 4 et 5). Chez les jeunes enfants, l’utilisation de prothèses de croissance permet aussi d’envisager des traitements conservateurs. Toutefois, le suivi à long terme de ces traitements est parfois décevant, et la fréquence des complications (infections, descellement, fracture) altère la qualité de vie de certains patients en ayant bénéficié [13, 14].
SUIVI Le surveillance après la fin du traitement doit être très prolongée. Sur le plan oncologique, les rechutes surviennent le plus souvent dans les cinq ans suivant le diagnostic (délai mé-
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dian de survenue : deux ans). Il s’agit essentiellement de métastases pulmonaires. Les rechutes locales sont rares, représentant moins de 10 % des événements. La surveillance porte donc essentiellement sur la radiographie de thorax, trimestrielle pendant les trois premières années, puis répétée tous les quatre mois pendant deux ans, puis annuelle jusqu’à dix ans du diagnostic. La surveillance orthopédique est également très importante pour surveiller les résultats fonctionnels du traitement local et ses conséquences sur la croissance. Ses modalités dépendent des modalités du traitement chirurgical qui a été réalisé. Il n’est pas exceptionnel que des interventions itératives soient nécessaires pour bloquer la croissance du membre controlatéral ou pour un changement de prothèse par exemple.
TUMEURS D’EWING ÉPIDÉMIOLOGIE La tumeur d’Ewing est une tumeur rare, avec une incidence d’environ 3,2 nouveaux cas par million d’enfants de moins de quinze ans en France, soit environ 75 nouveaux cas par an [1]. C’est une tumeur de la seconde décennie de la vie ; l’âge moyen au diagnostic est de quinze ans. Elle est rare avant cinq ans et après trente ans. Il existe une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,2 à 1,5 selon les séries. Il n’existe pas de facteurs environnementaux identifiés dans la survenue de cette maladie. Les tumeurs d’Ewing sont le plus souvent à point de départ osseux, mais elles peuvent aussi siéger dans les parties molles. Les sarcomes d’Ewing sont le plus souvent localisés au niveau des os plats, en particulier au niveau du bassin, mais peuvent intéresser également les os longs ; ils sont alors le plus souvent diaphysaires. La fréquence des métastases au diagnostic est élevée dans la tumeur d’Ewing (20 à 30 % des cas). Elles intéressent les poumons, les os et la moelle osseuse.
DIAGNOSTIC Sur le plan histologique, il s’agit d’une tumeur à petites cellules rondes indifférenciées, caractérisées par l’existence d’un marquage membranaire avec l’anticorps antiCD99. La tumeur d’Ewing fait partie de la famille des tumeurs neuro-ectodermiques (PNET). Elle se distingue par la présence d’une translocation fusionnant de façon constante le gène EWS porté par le chromosome 22 avec d’autres gènes comme le gène FLI1, porté par le chromosome 11, ou plus rarement le gène ERG, porté par le chromosome 21, ou le gène E1AF, porté par le chromosome 17 [15]. Toutes ces translocations aboutissent à l’expression au niveau des cellules tumorales de protéines de fusion qui exercent leur action oncogénique par une activation anormale de la transcription de gènes cibles. La présence de ces translocations, qui peuvent être recherchées par PCR ou par FISH, est devenue un marqueur génétique de cette tumeur et est utile dans le diagnostic, surtout lorsque l’histologie est atypique.
TRAITEMENT Comme pour l’ostéosarcome, le traitement fait appel à une chimiothérapie initiale, suivie d’un traitement local, puis d’une chimiothérapie d’entretien [16]. Le traitement chirurgical est basé sur les mêmes principes que celui de l’ostéosarcome (nécessité de réaliser l’exérèse complète de la tumeur sans effraction tumorale), mais les localisations au niveau des os plats (notamment du bassin et du rachis) ne sont pas toujours opérables. Dans ces situations, le traitement chirurgical peut être remplacé par une irradiation à doses élevées. Dans les cas où l’exérèse est incomplète ou la réponse histologique à la chimiothérapie insuffisante, le traitement chirurgical doit également être complété par une irradiation. La dose recommandée varie de 55 à 60 Gy. L’administration de cette dose n’est pas toujours possible lorsque la tumeur est proche d’organes critiques comme la moelle épinière ou le tube di-
gestif. Chez le jeune enfant, les indications de la radiothérapie sont limitées le plus possible en raison des complications à long terme : risque notamment d’un défaut de croissance des tissus osseux et musculaires irradiés, et risque de tumeur radio-induite. Avec les protocoles utilisés jusqu’à la fin des années 90 et basés sur l’association d’une chimiothérapie (vincristine, doxorubicine, actinomycine, cyclophosphamide et/ou ifosfamide) et d’un traitement local (chirurgie et/ou radiothérapie), les taux de survie sans récidive étaient aux alentours de 55 à 65 % pour les formes non métastatiques [16]. Pour tenter d’améliorer ces résultats, un protocole basé sur une chimiothérapie initiale intensifiée a été mis en place en Europe pour les adultes et les enfants (protocole EuroEwing 99) [17]. La chimiothérapie initiale comporte six cures de chimiothérapie intensive associant vincristine, ifosfamide, doxorubicine et étoposide [18]. La chimiothérapie postopératoire est adaptée à la réponse histologique évaluée sur la pièce de résection osseuse après les six cures préopératoires. La place de la chimiothérapie haute dose est évaluée pour les patients de mauvais pronostic, c’est-à-dire pour ceux porteurs de métastases au diagnostic ou ayant une très mauvaise réponse histologique [19]. Ce protocole, mis en place en 1999, est toujours en cours ; les résultats semblent prometteurs mais n’ont pas encore été publiés.
SUIVI Après la fin du traitement, la surveillance doit être très prolongée comme pour les malades atteints d’ostéosarcomes. Sur le plan oncologique, la surveillance associe des radiographies de thorax trimestrielles pendant trois ans, puis plus espacées jusqu’à dix ans du diagnostic, et une surveillance du site de la tumeur primitive, dont les modalités dépendent de la localisation et des modalités du traitement local. Les rechutes sont essentiellement métastatiques (localisations pulmonaires et/ou ostéomédullaires), mais les rechutes locales sont un peu plus fréquentes que dans les ostéo-
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QCM 1. Devant une suspicion de tumeur osseuse sur un cliché simple chez l’enfant, le premier geste à réaliser est : le scanner. l’IRM. la biopsie. le PETscan. 2. Le médicament principal pour la chimiothérapie des ostéosarcomes de l’enfant est : le méthotrexate. l’adriamycine. l’ifosfamide. la vincristine. le cis-platinum. 3. Dans le cadre des tumeurs d’Ewing : la radiothérapie : est indispensable. est préférable au traitement chirurgical car elle donne un meilleur contrôle local. n’est réalisée que si la chirurgie est incomplète ou impossible. entraîne un risque élevé de tumeur radio-induite. Réponses
1. La bonne réponse est . Le scanner n’est pas indispensable dans la majorité des cas. L’IRM est indispensable pour préciser l’extension locale et doit être faite avant la biopsie, car celle-ci peut donner de fausses images liées au geste opératoire. 2. La bonne réponse est . L’introduction du méthotrexate a radicalement transformé le pronostic des ostéosarcomes. L’adriamycine, l’ifosfamide et le cis-platinum sont également des médicaments importants pour l’ostéosarcome, alors que la vincristine n’est pas utilisée pour cette tumeur. 3. Les réponses et sont exactes. En raison des risques à long terme, les indications de la radiothérapie sont limitées chez l’enfant.
lée ou s’associer à d’autres localisations tumorales dans le cadre d’un lymphome multifocal. Leur traitement est basé sur une chimiothérapie adaptée au type histologique du lymphome. Les chondrosarcomes sont exceptionnels chez l’enfant. Ils sont le plus souvent développés sur des lésions préexistantes (chondrome, exostose). Leur traitement est chirurgical. Les adamantinomes sont des tumeurs de la diaphyse des os longs ; leur traitement est exclusivement chirurgical. Les chordomes sont des tumeurs développées sur des vestiges embryonnaires de la notochorde, le plus souvent dans la région du clivus. Leur traitement est basé sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur, complétée si nécessaire par l’irradiation du résidu tumoral, laquelle est souvent réalisée par protonthérapie du fait de la proximité de la moelle épinière.
CONCLUSION
sarcomes, surtout pour les grosses tumeurs des os plats. Le délai médian de survenue des rechutes est aux alentours de vingt mois. Par ailleurs, comme pour les patients traités pour un ostéosarcome, une surveillance orthopédique adaptée aux modalités du traitement local est associée à la surveillance oncologique pour évaluer le retentissement fonctionnel du traitement local, non seulement pendant toute la croissance mais également à l’âge adulte. Enfin, avec les chimiothérapies récentes plus intensives, les risques de complications viscérales tardives, en particulier ré-
nales (liées à l’ifosfamide), cardiaques (liées aux anthracyclines) et endocrines (stérilité liée aux alkylants), nécessitent également un suivi spécifique.
Les autres types de tumeur osseuse maligne sont beaucoup plus rares chez l’enfant. Les lymphomes osseux peuvent se présenter comme une tumeur osseuse iso-
Malgré l’amélioration considérable des résultats obtenus depuis le début des années 80, des progrès restent à faire, d’une part pour augmenter les taux de guérison, d’autre part pour diminuer les complications immédiates et à long terme des traitements. Un des éléments clés est la prise en charge de tous ces patients atteints de tumeurs osseuses par des équipes pluridisciplinaires spécialisées dans le cadre de protocoles coopératifs permettant d’évaluer les thérapeutiques et les effets à long terme des traitements. Une meilleure connaissance de la biologie de ces tumeurs devrait permettre dans le futur le développement de thérapeutiques ciblées et l’identification de nouveaux facteurs pronostiques qui permettront d’améliorer les choix thérapeutiques.
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AUTRES TYPES DE TUMEURS MALIGNES OSSEUSES
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Manifestations ostéoarticulaires des hémopathies malignes (myélome exclu) S. Roux L’atteinte osseuse au cours des leucémies et lymphomes est rare, en dehors des leucémies/lymphomes associés au human T-lymphotropic virus type 1. Il s’agit de lésions ostéolytiques préférentiellement localisées sur la métaphyse des os longs ou sur le squelette axial. La survenue d’une localisation osseuse reflète l’évolutivité du lymphome, dont le pronostic reste lié à son type histologique et à son extension. Les manifestations articulaires des hémopathies malignes sont le plus souvent liées à un processus infectieux (arthrite septique) ou métabolique (goutte). Les arthrites spécifiques sont l’apanage des leucémies aiguës. Des manifestations articulaires satellites d’une vascularite paranéoplasique sont surtout fréquentes dans les leucémies à tricholeucocytes et les leucémies myélomonocytaires chroniques. Mais ces manifestations ont été rapportées dans toutes les hémopathies malignes, qu’elles peuvent parfois précéder. Ces manifestations ostéoarticulaires peuvent précéder le diagnostic de l’hémopathie, ou traduire une rechute ou une transformation aiguë. Leur connaissance est essentielle dans le diagnostic des douleurs osseuses et des arthrites, et il faut évoquer la possibilité d’une hémopathie en l’absence de réponse aux traitements usuels, en présence de signes systémiques tels qu’une fièvre ou un syndrome inflammatoire biologique persistant, ou de lésions radiologiques atypiques. L’existence de rares localisations osseuses ou articulaires spécifiques ne doit bien sûr pas faire méconnaître les complications infectieuses ou métaboliques, bien plus fréquentes dans ce contexte. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Hémopathie maligne ; Lymphome non hodgkinien ; Leucémie ; Ostéolyse ; Hypercalcémie ; Arthrite
Plan ■
Introduction
1
■
Manifestations osseuses des hémopathies malignes Atteintes osseuses des hémopathies malignes Mécanismes de l’atteinte osseuse et de l’hypercalcémie Implications pronostiques et thérapeutiques de l’atteinte osseuse
1 1 4 5
■
Manifestations articulaires des hémopathies malignes Atteintes articulaires spécifiques des hémopathies malignes Manifestations articulaires et vascularites au cours des hémopathies malignes Atteintes articulaires « paranéoplasiques »
6 6 7 7
Introduction Les manifestations ostéoarticulaires des hémopathies malignes regroupent de nombreuses entités de mécanismes pathogéniques variés. Toutefois, les causes infectieuses (arthrite septique, ostéomyélite) et métaboliques (goutte) sont largement prédominantes et doivent être éliminées en premier lieu. Plus rares sont les atteintes spécifiques (infiltration tumorale de l’os ou de la synoviale), ou d’évolution satellite (arthrite ou vascularite paranéoplasique).
Manifestations osseuses des hémopathies malignes À la différence du myélome multiple où la destruction osseuse est presque constante, l’atteinte osseuse et l’hypercalcémie sont beaucoup plus rares au cours des autres hémopathies malignes, en dehors des leucémies/lymphomes liés à HTLV-I (human T-lymphotropic virus) (adult T-cell leukemia/lymphoma [ATLL]) [1] (Tableau 1).
Atteintes osseuses des hémopathies malignes Lymphome osseux primitif : une forme clinique des lymphomes non hodgkiniens (LNH) Dans les cas où des localisations osseuses de LNH existent sans autre localisation ganglionnaire ou viscérale, le terme de « lymphome osseux primitif » est utilisé. Ces lymphomes représentent moins de 1 % de l’ensemble des LNH, 38 % des lymphomes avec atteinte osseuse et 3 % de l’ensemble des tumeurs osseuses malignes [2] . Les études histologiques ne trouvent pas de spécificité à cette localisation ; le pronostic et le traitement restent conditionnés par le type histologique (folliculaire ou diffus, petites ou grandes cellules), le caractère indolent ou aggressif
14-027-A-20 Manifestations ostéoarticulaires des hémopathies malignes (myélome exclu)
Tableau 1. Atteinte osseuse au cours des hémopathies malignes. Hémopathies malignes
Lésions osseuses (%)
Hypercalcémie (%)
Lymphomes non hodgkiniens :
5–15
< 10
- leucémie-lymphome lié au virus HTLV-I
50–90
50–90
- leucémie lymphoïde chronique
5–12
TDM et radios
Signal variable T1
< 1 % TOP(a) M > F (légèrement)
Corps vertébral +++
« vertebra plana », disques adjacents normaux (aspect rare pour rachis cervical)
Hyper T2
8 % à 25 % touchent le rachis
Lombaire > cervical (atteinte C2 ++)
1re décennie Kyste anévrismal 1 % à 1,5 % TOP(a)
Contraste + (intense) Rare extension parties molles et espace épidural
Cervical, thoracique
TDM et radios
Hyper T1
20 % touchent le rachis
Arc postérieur
Hyper T2
F > H (légèrement)
Corps vertébral
Aspect en « coquille d’œuf » avec cortical respecté
80 % < 20 ans 30 % à 50 % associés à des lésions préexistantes (TCG(b), ostéoblastome, dysplasie fibreuse)
Angiographie : hypervascularisation
Lésion lobulée cernée d’une couronne hypointense avec niveau liquide-liquide +++ Contraste + (intense)
Douleurs Signes déficitaires Masse palpable (25 %) (a)
TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TCG : tumeurs à cellules géantes.
La radiographie standard révèle une vertèbre complètement plate (vertebra plana), avec des disques adjacents normaux. Néanmoins ce signe est rare dans les atteintes cervicales. Sur l’IRM la lésion a un signal variable en T1, et un signal hyperintense en T2, avec une prise de contraste intense à l’injection de gadolinium. L’extension aux parties molles et à l’espace épidural est rare. Après confirmation histologique par ponction-biopsie sous contrôle scanner, une radiothérapie (10 Gy) est proposée, associée à une corticothérapie. Cependant, la plupart des auteurs s’accordent aujourd’hui sur l’intérêt du traitement conservateur associant repos et immobilisation par minerve ou corset. En effet, la diminution des contraintes mécaniques sur la vertèbre permet une reconstitution rapide de la structure somatique. La chirurgie n’est indiquée qu’en cas d’apparition de signes neurologiques déficitaires. La vertébroplastie transcutanée est parfois proposée avec de bons résultats [50]. Jusqu’ici réservée à l’adulte, cette technique a été réalisée récemment avec succès chez un enfant porteur d’un granulome éosinophile vertébral de la deuxième vertèbre cervicale [51]. Kyste anévrismal [3, 39] (Tableau 2). Il s’agit d’une tumeur caractérisée par une dilatation de l’architecture osseuse par des canaux vasculaires. Bien que bénin histologiquement, le kyste anévrismal est une tumeur expansive et destructrice, le diagnostic différentiel peut ainsi être difficile avec une tumeur à cellules géantes, un ostéoblastome et un ostéosarcome. De plus, il est constaté dans 30 % à 50 % des cas une lésion osseuse préexistante de type tumeur à cellules géantes, ostéoblastome, ou dysplasie fibreuse. Il représente 1 % à 1,5 % des tumeurs osseuses primitives. La localisation rachidienne est observée dans 20 % des localisations osseuses. Cette tumeur survient chez l’adolescent et l’adulte jeune (80 % des patients ont moins de 20 ans avec une légère prédominance féminine). Elle prédomine au niveau du rachis thoracique et lombal, et intéresse presque toujours l’arc postérieur de la vertèbre. Il existe une extension vers le corps vertébral dans 75 % des cas. Outre le syndrome rachidien, il peut exister des signes de compression radiculaire et/ou médullaire. On peut retrouver une masse palpable dans un quart des cas. Les radiographies standards et le scanner montrent une lésion lytique soufflante, cernée de microcalcifications, amincissant l’os cortical. Le périoste est respecté. Il existe un aspect en
« coquille d’œuf ». Dans 20 % des cas on objective un envahissement des parties molles. L’IRM objective une lésion lobulée cernée d’une couronne hypo-intense avec un niveau liquideliquide très évocateur. Il existe une prise de contraste franche à l’injection de gadolinium. Le traitement est chirurgical, en réalisant si possible une exérèse complète souvent par un abord combiné. Une greffe osseuse et une ostéosynthèse sont souvent requises. Une embolisation préopératoire est souhaitable pour diminuer le saignement. Si l’exérèse est incomplète, une radiothérapie peut se discuter. Tumeurs à cellules géantes (TCG) [39, 52] (Tableau 3). Ces tumeurs sont classées bénignes mais elles peuvent être très agressives et ont une véritable transformation maligne dans 10 % des cas. Elles contiennent des monocytes, des macrophages et des cellules géantes multinucléées ostéoclastiques. Leur localisation rachidienne est rare et représente moins de 7 % des tumeurs à cellules géantes. Elles représentent 5 % des tumeurs osseuses primitives et surviennent entre la deuxième et la quatrième décennie, avec une petite prédominance féminine. Elles sont essentiellement localisées au sacrum où elles constituent le troisième type de tumeur le plus fréquent après le plasmocytome et le chordome. Les douleurs rachidiennes sont constantes et un déficit neurologique est observé dans près de la moitié des cas. Les radiographies standards et le scanner montrent une lésion kystique, soufflante, expansive, aux bords mal limités parfois condensants. Il existe de multiples septas et parfois des calcifications. La lésion est souvent destructrice, localisée au sacrum. Sur l’IRM, la TCG apparaît comme une masse kystique, compartimentée avec un signal hétérogène dû à l’hémorragie. La TCG du sacrum donne souvent une image de « beignet » (donut sign) avec un centre fantôme et un liseré périphérique renforcé [53]. Le traitement chirurgical est la règle. L’exérèse totale est souvent difficile lorsqu’il existe une atteinte de la totalité de la vertèbre et/ou un envahissement des parties molles paravertébrales. En outre, il s’agit d’une tumeur habituellement très hémorragique. Ces difficultés rendent compte d’un risque important de récidive. Une radiothérapie adjuvante peut alors être proposée si l’exérèse est incomplète et/ou en cas de récidive. Elle n’est proposée que dans l’une de ces deux situations, car elle peut induire une transformation sarcomateuse.
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 3. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes (suite du Tableau 1). Tumeur
Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice)
Localisation
Tumeurs à cellules géantes (TCG)
5 % TOP(a)
Sacrum+++
TDM (± radios standards)
IRM
Autres imageries
Lésion destructrice +++
Masse kystique multicompartimentée
Angiographie :
Aspect en « beignet » (donut sign)
- envahissement du tissu adjacent
2-4e décennie
Kystique, soufflante, expansive, aux bords flous
F>H
Multiples septas
< 7% touchent le rachis
- hypervascularisée
Hypo T1
Douleurs
Iso ou hyper T2
Déficit neurologique 50 % Récidive fréquente Transformation maligne 10 % Ostéochondrome
40 % à 50 % des TOB(b)
Cervical 50 %
Radios ++ :
Signal mixte en T1, T2
(synonymes : chondrome, chondroblastome, fibrome chondromyxoïde)
5 % touchent le rachis
(C2 +++)
- pertinentes si tumeur volumineuse
Recherche d’une extension intracanalaire
3e décennie H=F Forme solitaire ou formes associées à la maladie des exostoses multiples Transformation maligne : - 1 % si forme solitaire - 10 % à 20 % si exostoses multiples
(a)
- masse multilobée en « chou-fleur », calcifiée, sessile TDM ++ : - exostose avec cortex tumoral en continuité avec cortex os adjacent - capsule cartilagineuse périphérique < 1 cm. Si > 1 cm évoquer une transformation maligne en chondrosarcome
TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TOB : tumeurs osseuses bénignes.
Ostéochondrome [39, 54] (Tableau 3). Elle est l’une des tumeurs ostéocartilagineuses bénignes le plus fréquemment retrouvées chez l’adulte, avec une localisation essentiellement dans les os longs. Moins de 5 % des ostéochondromes solitaires se trouvent sur le rachis, durant la troisième décennie. Chez les patients porteurs d’une ostéochondromatose (ou maladie des exostoses multiples ou maladie de Bessel-Hagen), l’atteinte rachidienne est plus précoce (deuxième décennie) et plus fréquente (10 % des ostéochondromes). Le sex-ratio est de 1. Sur le plan anatomopathologique il s’agit d’une tumeur osseuse bénigne de la lignée chondroblastique, encore appelée chondrome, chondroblastome ou fibrome chondromyxoïde. La transformation maligne en chondrosarcome est observée dans moins de 1 % des cas dans les formes solitaires. Elle peut aller jusqu’à 20 % dans les formes associées à une ostéochondromatose. Longtemps asymptomatique, cette tumeur peut être responsable de douleurs rachidiennes associées à une tuméfaction locale dans un quart des cas. La compression médullaire est rare dans les formes solitaires, mais une myélopathie est observée chez près de trois quarts des patients avec une ostéochondromatose. La tumeur touche électivement le rachis cervical (50 % des cas) et surtout C2. Les radiographies standards sont souvent pertinentes en montrant une tumeur d’aspect inhomogène, multilobée en « chou-fleur » à contour plus ou moins net et cernée par un liseré d’hyperclarté. Les calcifications sont fréquentes. Néanmoins, la tumeur doit être volumineuse pour être diagnostiquée sur une radiographie standard. Le scanner rachidien avec des coupes fines est l’examen le plus adéquat pour faire le diagnostic en objectivant une lésion osseuse en forme d’exostose avec une continuité entre le cortex de la lésion et le cortex de l’os sous-jacent. Cette lésion est entourée d’une capsule cartilagineuse périphérique, habituellement de moins de 1 cm d’épaisseur. Une capsule cartilagineuse plus épaisse fait craindre un chondrosarcome. L’IRM donne une image avec un signal mixte en T1 et T2. L’examen permet de mieux analyser une éventuelle extension intracanalaire, éventuellement des signes de dégénérescence maligne.
Le traitement est chirurgical avec une exérèse complète. Il est essentiel d’examiner l’ensemble de la pièce anatomopathologique, car il peut exister des plages de dégénérescence sarcomateuse. Angiolipome [55, 56] (Fig. 4). Ce sont des tumeurs exceptionnelles constituées d’une composante angiomateuse et lipomateuse, prédominant dans la région thoracique moyenne au niveau de l’espace épidural. Elles ne représentent que 0,04 % à 1,2 % des tumeurs rachidiennes. Entre 1890 et 2006 il n’a été rapporté que 118 cas, avec une nette prédominance féminine. Il semblerait qu’un index de masse corporel élevé soit un facteur clé dans le développement d’un angiolipome rachidien, mais sans preuve formelle jusqu’à ce jour. Plus fréquentes dans la cinquième décennie, elles s’expriment cliniquement par des signes de compression médullaire lente. L’IRM permet le diagnostic, montrant une tumeur iso- ou hyperintense en T1, hyperintense en T2, prenant souvent le contraste après injection de gadolinium, située dans l’espace épidural postérieur. Parfois, dans les formes infiltrantes, on peut observer un comblement tumoral des foramens intervertébraux. Le traitement est l’exérèse complète. La récidive est exceptionnelle. Tumeurs primitives malignes ou à malignité locale Myélome et plasmocytome solitaire [39, 57] (Fig. 5) (Tableau 4). Le myélome multiple est une prolifération maligne de plasmocytes sécrétant en excès une immunoglobuline le plus souvent de type G, plus rarement de type A. Devant une suspicion clinique, le diagnostic de myélome multiple repose sur : • la biologie : électrophorèse des protides plasmatiques (pic monoclonal d’immunoglobulines souvent de type IgG) ; immunoélectrophorèse plasmatique (détermine le type de chaînes légères et lourdes), protéinurie des 24 heures augmentée, immunoélectrophorèse urinaire (protéinurie de Bence Jones) ; • les radiographies du squelette et du crâne à la recherche de lésions osseuses ostéolytiques ; • le myélogramme, si besoin par biopsie ostéomédullaire, qui objective plus de 30 % de plasmocytes dans la moelle osseuse (pour une normale à 5 %).
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
A
B
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C
Figure 4. Tumeur épidurale thoracolombaire postérieure hyperintense en T2 (A) en T1 (B) et prenant le contraste après gadolinium (C) : angiolipome.
Figure 5. Imagerie par résonance magnétique cervicothoracique T2. Importante compression médullaire thoracique haute sur tumeur osseuse de la deuxième vertèbre thoracique (Th2) avec tassement vertébral et composante intracanalaire postérieure : plasmocytome.
La scintigraphie osseuse n’a aucun intérêt car les lésions de myélome multiple ne fixent pas, sauf si une fracture pathologique est associée. L’âge moyen au moment du diagnostic est d’environ 65 ans avec une prédominance masculine (ratio homme/femme de 2 à 3/1). Les localisations rachidiennes s’observent lors de l’évolution de la maladie dans 25 % à 50 % des cas, le plus souvent au niveau du rachis thoracique. Il s’agit de lésions ostéolytiques (les ostéoclastes sont activés par l’osteoclast activating factor, produit par les plasmocytes myélomateux), avec parfois un envahissement myélomateux épidural. Les douleurs sont au premier plan à type de rachialgies ou de douleurs radiculaires mais les complications neurologiques déficitaires ne sont pas rares. Les radiographies standards et le scanner rachidien objectivent des lésions lytiques focales ou diffuses avec une lyse vertébrale en « mottes ». L’IRM rachidienne objective des zones arrondies lytiques de 1 à 5 mm, sans condensation périphérique, avec des fractures-tassements hypo-intenses en T1, hyperintenses en T2. Le plasmocytome représente la forme solitaire de la maladie, pouvant survenir chez des patients plus jeunes. Son diagnostic ne peut être posé que si la lésion est unique, sans signes
biologiques de maladie disséminée avec une biopsie ostéomédullaire normale. Le diagnostic histologique est obtenu par biopsie sous scanner. Le traitement du myélome multiple et du plasmocytome associe souvent la radiothérapie à la chimiothérapie, et il convient de noter l’effet fréquemment spectaculaire des corticoïdes sur les phénomènes douloureux. Dans certains cas, la vertébroplastie par ballonnet donne d’excellents résultats, stables dans le temps, sur le contrôle des douleurs rachidiennes invalidantes [58]. La chirurgie peut être indiquée lorsqu’il existe des signes neurologiques et/ou une instabilité rachidienne. La récidive locale est fréquente et la dissémination métastatique s’observe dans plus de la moitié des cas. Le taux de survie est de 85 % à 10 ans. Ostéosarcome [39, 57] (Tableau 4). L’ostéosarcome est la tumeur maligne primitive osseuse la plus fréquente après les myélomes. Mais seulement 3 % des ostéosarcomes sont localisés au rachis et au sacrum, représentant un peu moins de 5 % des tumeurs osseuses primitives du rachis. L’ostéosarcome rachidien survient chez l’adulte entre la quatrième et la cinquième décennie, les patients étant un peu plus âgés que ceux atteints d’un ostéosarcome des os longs. Le sex-ratio est de 1 alors qu’il existe une prédominance masculine pour les ostéosarcomes des os longs. Les douleurs rachidiennes sont constantes et les signes neurologiques présents dans 70 % des cas au moment du diagnostic. Contrairement aux ostéosarcomes des os longs, il n’existe pas de signe radiologique typique sur les clichés standards ou le scanner dans l’ostéosarcome rachidien (comme par exemple l’éperon de Codman, qui correspond à une réaction périostée en forme de spicules perpendiculaires, souvent divergents, en « coucher de soleil »). La lésion peut être initialement ostéolytique ou ostéoblastique ou les deux. Il peut exister des calcifications de la matrice osseuse visibles au scanner. La plupart des lésions rachidiennes affectent la partie antérieure du corps vertébral, mais la moitié postérieure et les pédicules peuvent être atteints. L’IRM permet une meilleure analyse de l’atteinte des parties molles et d’une extension intracanalaire. Le traitement des ostéosarcomes rachidiens est identique à celui des ostéosarcomes des os longs : il repose sur une chimiothérapie néo-adjuvante suivie d’une chirurgie radicale de résection et d’une chimiothérapie postopératoire [59]. La prise en charge est multidisciplinaire. Le pronostic de ces localisations rachidiennes reste médiocre avec une moyenne de survie variant entre 6 et 10 mois. Il n’a pas été rapporté de cas de long survivant [57]. Chondrosarcome [60] (Fig. 6) (Tableau 4). Le chondrosarcome est une tumeur d’origine cartilagineuse, dont les cellules plus ou
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 4. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes malignes. Tumeur
Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice)
Localisation
TDM (± radios standards)
Myélome
La plus fréquente des TOP(a)
Corps vertébraux
TDM et radios
Âge moyen : 65 ans M > F (ratio 2 à 3/1) Douleurs
Myélome : lésions multiples Plasmocytome : lésion unique
IRM
Zones arrondies lytiques, sans condensation Lésion lytique focale ou diffuse avec lyse vertébrale périphérique en « mottes » Fracture-tassement hypo T1, hyper T2 Intérêt de la radio du
Autres imageries Scintigraphie osseuse Négative sauf si fracture pathologique associée
squelette et du crâne ++
Fractures spontanées Intérêt de la biologie Ostéosarcome
Seuls 3% touchent le rachis Partie antérieure corps vertébral ++
4 - 5e décennie M=F Douleurs +++
Arc postérieur peut être atteint
Signes neurologiques fréquents Chondrosarcome
3 % à 12 % localisés dans le Thoracique > sacrum rachis Arc postérieur 4 - 5e décennie M>F Douleurs, masse palpable, signes déficitaires +++ Primitif souvent Parfois secondaires à ostéochondrome
(a)
TDM et radios
Signal variable
Lésion mixte ostéolytique et/ostéoblastique Calcifications matrice osseuse sur TDM
TDM et radios Lésion lytique à bords condensés avec calcifications diffuses en « mottes ». Masse au sein d’un tissu mou
Signal variable (cartilage hyalin) Intérêt pour bilan extension parties molles et espace épidural
Extension vertèbre adjacente
TOP : tumeur osseuse primitive.
Figure 6. Tomodensitométrie en coupe osseuse passant par la vertèbre Th5. Lésion lytique arrondie à la jonction costovertébrale gauche (flèche). L’histologie conclut à un chondrosarcome.
moins différenciées dispersent une substance chondroïde, myxoïde ou œdémateuse. La localisation rachidienne représente 3 % à 12 %. La plupart des lésions surviennent entre la quatrième et la cinquième décennie de vie avec une prédominance masculine. Le rachis thoracique est le plus touché avec une atteinte préférentielle des éléments postérieurs de la vertèbre dans 45 % des cas. Les signes cliniques comprennent des douleurs localisées et une masse palpable au niveau du rachis, ainsi que des signes neurologiques déficitaires dans près de la moitié des cas. Les chondrosarcomes rachidiens sont habituellement des tumeurs de bas grade (grade 1 ou 2) et sont pour la plupart des tumeurs primitives. Il existe néanmoins des chondrosarcomes secondaires à la transformation maligne d’ostéochondromes [61]. Les radiographies standards montrent une destruction lytique. L’aspect caractéristique de calcifications diffuses en « mottes » au sein d’une zone lytique à bords condensés est retrouvé dans 70 % des cas. Les calcifications au-delà de la vertèbre atteinte représentent une masse au sein des tissus mous. Dans un tiers des cas il existe une atteinte de la vertèbre adjacente par
extension à travers le disque et les côtes adjacentes peuvent également être infiltrées dans les localisations thoraciques. Le scanner révèle les calcifications au sein d’un tissu mou. L’aspect à l’IRM est variable (cartilage hyalin), mais cet examen est très utile pour l’étude de l’extension dans les parties molles et l’espace épidural. Les diagnostics différentiels sont les tumeurs à cellules géantes, le plasmocytome et le chordome. Le traitement est chirurgical avec une résection la plus complète possible car la radiothérapie conventionnelle et la chimiothérapie n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Une chirurgie radicale est cependant rarement possible, ce qui explique le fort taux de récidive et un pronostic défavorable. Sarcome d’Ewing [62] (Tableau 5). Il s’agit de la tumeur maligne primitive lymphoproliférative du rachis la plus fréquente de l’enfant et de l’adolescent. La moyenne d’âge des patients est de 16,5 ans avec des extrêmes de 10 à 40 ans. Il représente 3,5 % des tumeurs rachidiennes. La localisation rachidienne, essentiellement sacrococcygienne, de tous les sarcomes d’Ewing varie entre 3 % et 10 %. Les signes cliniques sont les douleurs au premier plan, et un déficit neurologique est constaté chez plus des deux tiers des patients. L’intervalle entre le début des symptômes et la prise en charge médicochirurgicale est souvent bref à cause des fréquentes compressions médullaires. L’imagerie ne donne pas de signe spécifique. Devant une suspicion de sarcome d’Ewing il est nécessaire d’organiser une biopsie (éventuellement guidée sous scanner) pour faire rapidement le diagnostic histologique. L’histologie montre des petites cellules rondes et bleues. Le diagnostic anatomopathologique reste cependant difficile à cause des nombreux diagnostics différentiels de tumeurs à petites cellules tels que le neuroblastome, les rhabdomyosarcomes, les lymphomes osseux et les tumeurs neuroectodermiques primitives. Bien que l’histogenèse précise du sarcome d’Ewing ne soit pas encore élucidée, de nombreux éléments plaident en faveur d’une origine neuroectodermique de cette tumeur. Les radiographies standards et le scanner peuvent montrer des lésions de destruction osseuse lytique, ou une expansion osseuse, ou une lésion sclérosante. Une sclérose diffuse associée à une ostéonécrose de la vertèbre atteinte est objectivée dans plus de 70 % des cas. L’intérêt de l’IRM est la délimitation du
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
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Tableau 5. Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes malignes (suite du Tableau 4). Tumeur
Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice)
Sarcome d’Ewing La plus fréquente des TOP(a) malignes chez enfant et adolescent
Localisation Sacrococcygienne
3 % à 10 % touchent le rachis
IRM
Non spécifique
Hypo, iso T1
Intérêt d’une biopsie
Hyper T2
TDM et radios
Étude extension épidurale et tissus mous
Lésion lytique ou expansive ou sclérosante
Âge moyen 16,5 ans M>F
Sclérose diffuse associée à une ostéonécrose vertébrale dans 70 % des cas
Douleurs +++ Déficit neurologique > 65 % Chordome
TDM (± radios standards)
2 % à 4 % TOM(b)
Sacrum 50 %
TDM et radios
Masse polylobée
1 % à 2 % TOP
Clivus 30 %
2 pics : 10-20 ans et 40-60 ans
Rachis (C2) 15 %
Lésion lytique d’un ou plusieurs corps vertébraux avec condensation périphérique et calcifications
Extensions épidurales et parties molles fréquentes
M > F (sex-ratio 2/1) Métastases tardives 5-40 % Douleurs
Recherche d’une volumineuse masse antérieure présacrée
Signal hétérogène : hypo ou iso T1, fortement hyper T2 Contraste + (modéré)
Signes rectovésicaux Hypertension intracrânienne Dysphagie (a)
TOP : tumeur osseuse primitive ; (b) TOM : tumeur osseuse maligne.
Figure 7. Masse polylobée de localisation sacrée, avec extension épidurale et dans les parties molles, fortement hyperintense en T2 : chordome.
tissu mou et l’étude de l’extension épidurale. Le traitement de référence est une chimiothérapie agressive associée à une radiothérapie, ce qui permet un excellent contrôle local et une survie à long terme chez plus de 70 % des patients si la tumeur n’est pas de localisation sacrée. Dans ces derniers cas, le pronostic est moins bon avec un contrôle local de 60 % et une survie à long terme de moins de 25 % [39]. Le facteur principal du pronostic est en effet la taille tumorale, qui est nettement plus importante dans la région sacrococcygienne au moment du diagnostic. La chirurgie est indiquée dans les formes déficitaires. Chordome (Fig. 7) (Tableau 5). Le chordome est une tumeur embryonnaire provenant de reliquats de la notochorde. Elle représente 2 % à 4 % des tumeurs osseuses malignes. Le myélome multiple mis à part, le chordome est la plus fréquente des tumeurs malignes primitives du rachis chez l’adulte. Il existe deux pics de fréquence, le premier entre 10 et 20 ans et le second entre 40 et 60 ans avec une prédominance masculine (sex-ratio de 2/1). Cette tumeur progresse lentement et se situe préférentiellement aux deux extrémités du rachis : la région sacrococcygienne (50 %) et le clivus (30 %) [63]. Le chordome est
localement agressif mais métastase lentement avec une incidence variant de 5 % à 40 %. Le délai d’apparition des métastases est en général au minimum de 1 an et au maximum de 10 ans après le diagnostic initial. Ces métastases intéressent en général les nodules lymphatiques, les poumons, le foie et plus rarement le cerveau, les os et/ou des sites inusuels comme le cœur ou la peau. La doléance principale est la douleur, qui est liée à la pression locale. Il n’est pas rare de découvrir un chordome sacrococcygien devant des signes rectovésicaux du fait de la lente et importante progression de la tumeur. Les chordomes du clivus peuvent être responsables de signe d’hypertension intracrânienne, d’une dysphagie, d’une parésie de paires crâniennes. Les signes sur la radiographie standard et le scanner varient avec la localisation tumorale : les chordomes sacrococcygiens apparaissent le plus souvent sous la forme de lésions lytiques, touchant plusieurs segments avec une condensation périphérique et quelques calcifications. Une importante masse antérieure présacrée est souvent visible. Le principal diagnostic différentiel dans cette région est la tumeur à cellules géantes (TCG). Les autres chordomes rachidiens se localisent volontiers dans le corps vertébral, les éléments postérieurs étant habituellement épargnés. L’IRM recherche une masse polylobée avec une extension épidurale et dans les parties molles. La lésion a un signal hétérogène : hypo- ou iso-intense en T1, fortement hyperintense en T2. La prise de contraste après injection de gadolinium est modérée. Le traitement est chirurgical avec une résection la plus large et la plus complète possible. Dans les chordomes sacrococcygiens, la préservation des racines sacrées, et en particulier S3, est primordiale pour préserver les fonctions vésicosphinctériennes. La radiothérapie est peu efficace et devrait être réservée dans les résections incomplètes. Néanmoins, de bons résultats ont déjà été obtenus sur des chordomes du clivus, car cette région peut supporter de plus fortes doses d’irradiation [64]. Lymphomes. Le lymphome rachidien est rare. Une localisation osseuse du lymphome n’est observée que chez 15 % des patients avec un lymphome et parmi ceux-ci seuls 15 % ont une localisation rachidienne. Le lymphome hodgkinien n’a habituellement pas de localisation osseuse alors que le lymphome non hodgkinien peut donner des lésions osseuses solitaires ou, plus fréquemment, des lésions diffuses. La tumeur envahit préférentiellement la moitié antérieure du corps vertébral. Les signes radiologiques ne sont pas spécifiques. Le traitement est celui de n’importe quelle autre localisation du lymphome malin non hodgkinien et associe chimiothérapie et radiothérapie. Une biopsie vertébrale est alors recommandée
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 6. Principales tumeurs intradurales et extramédullaires. Tumeurs
Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice)
Schwannome (ou neurinome) Les plus fréquentes tumeurs et neurofibrome intradurales extramédullaires Schwannome (ou neurinome) : le plus fréquent Souvent unique
Localisation
TDM (± radios standards)
IRM
Intradurale (70-75 %)
TDM et radios
Iso ou hypo T1
Extradurale (15 %)
Hypersignal hétérogène T2 Élargissement du foramen vertébral (forme en « sablier ») Contraste + (intense) TDM Pas de prise de contraste
Mixte en « sablier » (15 %)
Lésion spontanément hypoou hyperdense
Neurofibrome (dans neurofibrome type I) : plus souvent multiple et parfois malin
durale linéaire
Contraste +
H=F 40-60 ans Douleurs radiculaires nocturnes Méningiome
40 % tumeurs intradurales extramédullaires F > H (sex-ratio 3/1)
Thoracique (80 %)
Peu contributifs
Cervical localisation C1-C2 +++
Contraste + (intense et homogène)
Surtout > 60 ans
Prise de contraste durale linéaire inconstante au contact de la tumeur mais très évocatrice (dural tail sign)
20 % compressions médullaires tumorales
6 mois après ce traitement pour détecter un résidu tumoral. La chirurgie est réservée aux lésions vertébrales avec fractures ou compressions entraînant un déficit neurologique. Il est alors fortement conseillé de préférer une décompression nerveuse chirurgicale par voie antérieure avec stabilisation, suivie d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie [65]. Le taux de survie des patients avec une localisation osseuse d’un lymphome non hodgkinien est de 30 % à 10 ans [66]. Hémangiopéricytome [67]. Il s’agit d’une tumeur exceptionnelle au niveau rachidien avec une cinquantaine de cas rapportés dans la littérature. Elle est habituellement localisée dans les tissus mous profonds du pelvis, du tronc et des cavités otorhino-laryngologiques. Cette tumeur est localement agressive avec une potentialité de métastases dans les os et les poumons par voie hématogène. Elle se développe à partir des péricytes de Zimmermann qui sont des cellules péricapillaires, proches des cellules musculaires, mais sans fibres contractiles. L’hémangiome rachidien survient plutôt chez l’adulte entre la quatrième et la cinquième décennie. Il n’y a pas de signe radiologique spécifique et les diagnostics différentiels radiologiques comprennent les métastases, le plasmocytome solitaire, le lymphome, voire la tuberculose. Le traitement de choix est une chirurgie d’exérèse en monobloc. Celle-ci étant difficile (tumeur très hémorragique, infiltrante), un traitement par radiothérapie et/ou chimiothérapie adjuvante est souvent nécessaire. La récidive est fréquente. La médiane de survie des formes anaplasiques est de 62 mois contre 144 mois pour les formes différenciées [68]. Angiosarcome [69]. Il peut être d’emblée malin ou correspondre à la dégénérescence d’un angiolipome épidural. La dissémination métastatique est rapide et le pronostic mauvais malgré un traitement associant chirurgie et chimiothérapie. Fibrosarcome [70]. Exceptionnel, il s’agit d’une tumeur dont l’exérèse complète est souvent difficile compte tenu de son caractère infiltrant et de l’extension locorégionale quasi constante. La radiothérapie est réalisée en complément, tandis que la chimiothérapie est proposée pour les formes différenciées.
Tumeurs intradurales et extramédullaires Un certain nombre de traits communs caractérisent ces tumeurs : • elles sont souvent révélées par des signes neurologiques, réalisant des phénomènes douloureux à type de douleurs radiculaires, dysesthésies, causalgies, parfois mal systématisées ;
Iso ou hypo T1 Iso ou hypo T2
“
Points forts
Les tumeurs primitives du rachis sont rares. Avant 18 ans : nette prédominance des tumeurs bénignes (ostéoblastome, kyste anévrismal, granulome éosinophile) à l’exception du sarcome d’Ewing. Après 18 ans : prédominance des tumeurs malignes (myélome multiple/plasmocytome, chondrosarcome, ostéosarcome) ou à malignité locale (chordome). Les douleurs rachidiennes sont quasi constantes. Les radiographies standards gardent leur utilité car elles montrent des signes dans 99 % des cas.
• les signes cliniques sont souvent dissociés, tel un syndrome d’hémicompression de moelle de Brown-Séquard, et l’évolution est généralement lente ; • la plupart de ces tumeurs sont bénignes et sont donc de traitement presque exclusivement chirurgical.
Schwannomes [71] (Tableau 6) Les schwannomes ou neurinomes rachidiens sont les plus fréquents dans cette catégorie topographique. Ils se développent à partir des cellules de Schwann, produisant la myéline dans le système nerveux périphérique. La « racine » porteuse est souvent une racine sensitive, expliquant ainsi la fréquence des douleurs radiculaires révélatrices. Plus fréquent chez l’adulte jeune, au niveau cervical inférieur, le schwannome peut s’étendre, dans 15 % à 20 % des cas, à travers le foramen intervertébral qu’il élargit en réalisant le classique aspect en « sablier » (Fig. 8). C’est dans cette configuration que l’on observe habituellement une double composante tumorale, intra- et extradurale. Il convient de rechercher systématiquement un contexte de neurofibromatose de type II, surtout s’il existe des localisations multiples. Dans le cadre d’une neurofibromatose de type I (maladie de von Recklinghausen), la tumeur rachidienne la plus souvent observée est le neurofibrome (Fig. 9), parfois malin, composé de cellules de Schwann, mais également de fibroblastes et de cellules périneurales enveloppées dans une matrice collagène. Le scanner montre une tumeur spontanément isodense, refoulant souvent la corticale osseuse adjacente sans lyse, et
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
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Figure 8. Imagerie par résonance magnétique T2 coronale : schwannome géant en « sablier » L2 droit soulevant la loge rénale.
A
A Figure 9. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium cervicale sagittale (A) et axiale (B). Tumeur cervicale intradurale extramédullaire, hétérogène, avec extension intraforaminale droite (aspect en « sablier ») dans le cadre d’une neurofibromatose de type I : neurofibrome.
prenant le contraste. Cet examen peut montrer un élargissement du foramen vertébral dans les formes « en sablier ». L’IRM est l’examen de choix [72], montrant une tumeur en iso- ou hyposignal en T1, en hypersignal hétérogène en T2 et se rehaussant très fortement après injection de gadolinium. La tumeur est arrondie ou oblongue dans les formes intracanalaires pures (Fig. 10). Dans les formes en « sablier » au niveau cervical, certains préconisent la réalisation d’une artériographie afin d’étudier les rapports entre tumeur et artère vertébrale. Le traitement est chirurgical et il est rarement possible de conserver la racine porteuse. L’exérèse microchirurgicale est relativement aisée, à l’exception de certaines formes en « sablier » et/ou de la localisation intrasacrée de schwannomes géants. Il est parfois nécessaire de réaliser une double approche, antérieure et postérieure.
Méningiomes [15, 73] (Tableau 6) Ils représentent 40 % des tumeurs intradurales extramédullaires et 20 % des causes de compressions médullaires d’origine tumorale. Plus fréquents chez la femme (sex-ratio 3/1), surtout après 60 ans, ils prédominent en région thoracique haute et à la jonction craniorachidienne (méningiome du foramen magnum). Ils s’expriment cliniquement par des troubles de la marche et/ou des signes cordonaux postérieurs, selon leur localisation pré-, latéro- ou rétromédullaire. Les méningiomes proviennent de cellules arachnoïdiennes persistantes et non de la dure-mère. Ils peuvent avoir une attache sur la racine nerveuse, la moelle épinière ou la duremère. La plupart des méningiomes spinaux sont bien circonscrits et ont une évolution lente.
B
C Figure 10. Imagerie par résonance magnétique sagittale T2 (A), T1 avec gadolinium sagittale (B), axiale (C). En regard de la vertèbre Th3, tumeur intradurale, extramédullaire, « écrasant » la moelle à droite et en arrière, sans extension extracanalaire, bien limitée, avec prise de contraste intense au gadolinium : neurinome intracanalaire.
Le scanner est peu contributif et c’est l’IRM qui montre une tumeur extramédullaire, en iso- ou hyposignal en T1 et se rehaussant franchement d’une manière homogène après injection de gadolinium (Fig. 11). La présence d’un rehaussement linéaire dural au contact de la tumeur (dural tail sign) est inconstante mais hautement évocatrice. Le diagnostic différentiel avec un neurinome strictement intracanalaire n’est pas toujours facile et les séquences IRM pondérées en T2 prennent alors toute leur importance. Le diagnostic de neurinome intrarachidien est hautement probable si la lésion est hyperintense en T2 et qu’il n’existe pas de prise de contraste durale linéaire au contact de la tumeur intraspinale. Dans le cas contraire, le diagnostic de méningiome intrarachidien est hautement probable [72]. Histologiquement on distingue des formes méningothéliales, psammomateuses avec des calcifications, angiomateuses et fibroblastiques. Le traitement est microchirurgical et la difficulté tient compte surtout de la localisation prémédullaire et/ou des formes calcifiées. Les résultats postopératoires sont habituellement satisfaisants, avec une franche amélioration fonctionnelle dans 85 % des cas même si le déficit neurologique était important en préopératoire [74]. La chirurgie est proposée également chez les patients âgés car l’évolution se fait inéluctablement vers l’impotence fonctionnelle en l’absence de traitement. La morbidité de cette chirurgie est faible et les résultats fonctionnels sont souvent très satisfaisants, permettant une reprise de la mobilité dans cette population fragile [73]. Si l’exérèse n’a pu
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
A
A
B
B Figure 11. Imagerie par résonance magnétique T2 coupe sagittale (A) et axiale (B). Tumeur hyperintense étalée, intradurale, prémédullaire cervicale : méningiome.
être complète ou s’il existe une récidive précoce, un traitement adjuvant par radiothérapie peut être proposé.
Lipomes Les lipomes du cône et du filum terminal s’intègrent souvent dans le cadre des dysraphies lombosacrées congénitales. Les lipomes du cône ou lepto-myélo-lipomes sont insérés sur les 2 derniers centimètres de la moelle terminale. Ils sont habituellement intra- et extraduraux, mais peuvent être intraduraux purs. Ils représentent 75 % des lipomes intrarachidiens. La masse graisseuse se répartit de part et d’autre d’un spina bifida, d’une part en sous-cutané où elle se poursuit avec la graisse voisine normale, et d’autre part en intrarachidien où elle se poursuit dans l’espace sous-arachnoïdien pour se fixer au cône. La moelle est exceptionnellement normale, se terminant presque toujours trop bas. Elle est souvent le siège d’anomalies anatomiques : hydromyélie, torsion, duplication et plus rarement agénésie segmentaire. Les racines sont presque toujours anormales soit dans leur direction, soit dans leur conformation ou distribution. D’un point de vue chirurgical, il convient d’opposer les cas où le trajet sous-dural des racines est extralipomateux à ceux où il est pour partie intralipomateux. Des malformations intralipomateuses sont parfois associées : sinus dermique, kystes dermoïdes, kystes, tératome. Les lipomes du filum terminal ou fibrolipomes représentent 15 % des lipomes intrarachidiens. Ils sont le plus souvent confinés à l’espace sousarachnoïdien, mais ils peuvent s’étendre à l’espace épidural en traversant le fourreau au niveau de sa face postérieure ou de son extrémité distale. D’autres rares formes anatomopathologiques ont été décrites : lipomyélocèle, lipo-myélo-méningocèle, lipomyélo-cystocèle ou lipome sur diastématomyélie. Il existe une nette prédominance féminine. Les manifestations neurologiques sont observées dès la naissance dans un quart des cas et avant
Figure 12. A. IRM T1 gadolinium : lésion arrondie de la queue de cheval, avec intense prise de contraste. B. Forte suspicion de schwannome en peropératoire. Anatomopathologie définitive : exceptionnel paragangliome du filum terminal.
l’âge de 15 ans dans 80 % des cas. Les anomalies cutanées lombosacrées sont visibles dans 90 % des cas (hémangiome, masse sous-cutanée, hypertrichose, sinus dermique). L’existence de signes neurologiques n’est pas toujours facile à affirmer chez un nouveau-né ou un nourrisson. Il s’agit habituellement de dysfonctionnements vésicosphinctériens (mieux objectivés sur un bilan urodynamique) et de troubles moteurs des membres inférieurs. Un syndrome neuro-orthopédique avec un déficit moteur, un syndrome pyramidal, un pied dysmorphique, une amyotrophie, des maux perforants, peuvent se voir isolément ou en association dans 5 % à 30 % des cas. Des malformations viscérales, en particulier anorectales, génitales ou urinaires sont observées dans 14 % à 20 % des cas. D’autre part, la fréquence des troubles neurologiques évolutifs est difficile à évaluer et il est nécessaire de suivre régulièrement ces jeunes patients sur le plan clinique et radiologique. Le traitement chirurgical du lipome du filum terminal est relativement aisé. Il apparaît bénéfique et efficace à long terme. En revanche, pour le lipome du cône, beaucoup plus complexe et spontanément plus invalidant, la chirurgie est difficile et fonctionnellement risquée. Elle n’apporte pas l’efficacité espérée sur le long terme. En effet, l’exérèse du lipome et la libération médullaire ne mettent pas à l’abri du risque de dégradation neurologique ultérieure puisque, à long terme, 50 % des patients continuent de s’aggraver. Ainsi, il est actuellement préconisé de surseoir à une intervention chirurgicale systématique chez les enfants pauci- ou asymptomatiques et porteurs d’un lipome du cône médullaire.
Paragangliome [3] (Fig. 12) Le paragangliome est une tumeur neuroendocrine bénigne qui se développe aux dépens du tissu paraganglionnaire. Il s’agit habituellement d’une tumeur bénigne pouvant sécréter des catécholamines. Dans 70 % des cas elle survient d’une manière isolée. C’est la forme extrasurrénalienne du phéochromocytome, le plus souvent située dans le glomus jugulaire ou carotidien. Le
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
paragangliome spinal est rare et souvent localisé au niveau du cône médullaire, de la queue de cheval ou du filum terminal. L’IRM révèle une lésion souvent arrondie, limitée, iso-intense en T1, hyperintense en T2 prenant très fortement le contraste. Les principaux diagnostics différentiels à l’imagerie sont alors l’épendymome et le neurinome de la queue de cheval. Le paragangliome est par ailleurs souvent le siège de remaniements hémorragiques bien visibles à l’IRM. La croissance tumorale est habituellement assez lente, néanmoins elle peut être variable et des cas de tumeurs agressives avec métastases sont possibles [75]. Le traitement est chirurgical par une exérèse complète. .
Métastases intradurales Les métastases intradurales leptoméningées sont beaucoup plus rares que les métastases épidurales. Elles sont secondaires de néoplasies en dehors du système nerveux comme les cancers du sein ou du poumon, ou de néoplasies du système nerveux comme les astrocytomes anaplasiques, les épendymomes ou les médulloblastomes. Dans ce dernier cas, on les appelle les métastases en « gouttes » ou drop metastasis. L’IRM n’est pas spécifique et seul l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire permet le diagnostic. Néanmoins, si le contexte est évident (comme dans les médulloblastomes où l’IRM spinale fait partie du bilan initial et de la surveillance), il n’est pas nécessaire d’avoir une confirmation histologique.
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Points forts
Tumeurs intradurales, extramédullaires : ce sont essentiellement des schwannomes (plutôt chez l’adulte jeune) et des méningiomes (plutôt chez la femme de plus de 60 ans). Elles sont le plus souvent bénignes et leur traitement est chirurgical.
Tumeurs intramédullaires Les tumeurs intramédullaires sont des affections rares, représentant 2 % à 4 % de l’ensemble des tumeurs du système nerveux central. Elles sont le plus souvent observées chez l’adulte jeune, avec une moyenne d’âge de 35 ans, sans prédominance de sexe. Elles représentent 20 % des tumeurs intraspinales chez l’adulte et 30 % à 35 % des tumeurs intraspinales chez l’enfant. La grande majorité des tumeurs intramédullaires sont des tumeurs gliales avec 60 % d’épendymomes (dont 10 % à 15 % d’épendymomes myxopapillaires) et 30 % d’astrocytomes [76]. Les astrocytomes sont plus fréquents en région thoracique et cervicale, alors que les épendymomes sont plutôt localisés dans la région du cône médullaire, du filum terminal et de la queue de cheval. L’hémangioblastome est la troisième tumeur intramédullaire la plus fréquente. Les symptômes cliniques ne sont pas spécifiques mais il faut souligner la fréquence des douleurs, souvent révélatrices. Il peut s’agir d’algies et/ou de paresthésies cordonales postérieures, d’algies rachidiennes ou d’origine radiculaire. L’expression clinique est évidemment liée à la topographie lésionnelle et tous les signes habituels d’une atteinte médullaire peuvent être observés : atteinte motrice au niveau des membres inférieurs (fatigabilité à la marche, boiterie) et/ou des membres supérieurs (maladresse manuelle, etc.), atteinte sensitive subjective et/ou objective, troubles vésicosphinctériens. Plus rarement, une hydrocéphalie, une hypertension crânienne avec œdème papillaire [77], voire une hémorragie méningée intracrânienne peuvent être des modes de révélation des tumeurs intramédullaires. Chez l’enfant, une scoliose peut être le premier signe de l’affection. L’évolution peut se faire insidieusement, brutalement ou par poussées.
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L’IRM est l’examen clé, même si elle ne permet pas de faire le diagnostic histologique. Elle permet la localisation précise de la lésion intramédullaire et l’analyse systématique des composantes tumorales (charnues et kystiques), sans et après injection de gadolinium. Toute infiltration tumorale occasionne un élargissement médullaire, bien que tout élargissement de la moelle ne soit pas toujours d’origine tumorale. La plupart des tumeurs intramédullaires ont un hyposignal plus ou moins marqué ou un isosignal sur les séquences pondérées en T1, et un iso- ou un hypersignal sur les séquences pondérées en T2. Les images kystiques associées à la portion charnue sont fréquentes et il convient de distinguer plusieurs types de kystes. Les kystes intratumoraux ont souvent un signal différent du LCS, surtout s’il est riche en protéines ou s’il existe une hémorragie intrakystique. Ils apparaissent en hyposignal T1 et hypersignal T2. Les kystes polaires ou satellites peuvent être présents aux pôles supérieur et inférieur de la portion charnue et leur signal est celui du LCS. Les cavités hydrosyringomyéliques ont des extrémités effilées et peuvent coexister avec un kyste satellite sans toutefois communiquer avec lui. La paroi de ces deux types de kystes ne se rehausse pas après injection. Enfin, les kystes bulbaires, de même signal que le LCS, bombant sous le plancher du IVe ventricule, sont très particuliers. Ils siègent à distance de la tumeur et communiquent ou non avec la cavité hydrosyringomyélique sous-jacente. La prise de contraste de la portion charnue peut être modérée ou forte, rarement absente. Elle peut être partielle ou totale et il n’existe pas forcément de correspondance entre le volume lésionnel prenant le contraste et le volume réel de la tumeur ; si le rehaussement peut correspondre à une zone d’infiltration tumorale, à l’inverse, l’absence de prise de contraste ne permet pas de conclure [78]. Des explorations neurophysiologiques, avec en particulier l’enregistrement des PES, peuvent faire partie du bilan préopératoire. L’enregistrement des PES renseigne sur l’état fonctionnel de la moelle et objective les signes de souffrance des voies somesthésistes, révélant parfois des anomalies infracliniques. Bien qu’il soit difficile de démontrer l’impact du monitorage peropératoire par l’enregistrement de PES ou PEM sur le résultat fonctionnel postopératoire, l’absence de modification de conduction cordonale postérieure semble être un élément de bon pronostic sensitif [79]. Le seul traitement efficace des tumeurs intramédullaires est la microchirurgie avec parfois l’utilisation du bistouri ultrasonique pour réaliser un évidement intratumoral, en préalable à la recherche d’un plan de clivage. Le risque d’aggravation neurologique postopératoire est relativement élevé, estimé à 30 % dans les plus grandes séries [80] . Le pronostic fonctionnel postopératoire est d’autant meilleur que le diagnostic de tumeur intramédullaire est précoce et qu’il existe un plan de clivage entre la tumeur et la moelle [80] . L’exérèse complète de la tumeur est réalisée chaque fois que cela est possible, c’est-à-dire lorsque la détermination d’un plan de clivage entre tumeur et tissu sain est réalisable sans ambiguïté. La radiothérapie et la chimiothérapie n’ont pas leur place à l’heure actuelle dans l’arsenal thérapeutique, sauf éventuellement pour les tumeurs malignes, qui sont surtout observées chez les enfants.
Tumeurs de nature gliale Épendymomes (Tableau 7) Les épendymomes sont les tumeurs intramédullaires les plus fréquentes de l’adulte avec un pic d’incidence entre la quatrième et la cinquième décennie [81]. Le sex-ratio est de 1. Ces tumeurs sont surtout localisées dans la moelle cervicale, où l’anatomopathologie conclut souvent à des épendymomes cellulaires, et dans le cône médullaire ou le filum terminal où les tumeurs sont des épendymomes essentiellement myxoïdes. Cette distinction peut être visible à l’IRM [76], examen de choix permettant de fortement suspecter le diagnostic et de faire le bilan d’extension de ces lésions. Les épendymomes de la moelle cervicale (donc surtout les épendymomes cellulaires) sont habituellement des masses bien
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Tableau 7. Principales tumeurs intramédullaires (TIM). Tumeur Épendymome
Épidémiologie, sexe, âge (± clinique évocatrice)
Localisation
TDM (± radios standards)
65 % TIM adulte
Cône médullaire et filum terminal pour formes myxopapillaires
Peu contributifs hormis Cône médullaire et filum terminal élargissement du canal Iso ou hyper T1 rachidien et érosion osseuse Hyper T2 (20 %) Contraste + (intense)
4-5e décennie H=F Douleurs Déficits neurologiques (20-25 %)
Moelle cervicale pour épendymome cellulaire
IRM
Moelle cervicale
Évolution lente
Élargissement de la moelle Iso ou hypo T1 Hyper T2 Contraste +, hétérogène Formations kystiques polaires fréquentes Position centromédullaire : 30 % Signe de la « coiffe » (absence de signal aux extrémités tumorales): 30 %
Astrocytome
30 % TIM adulte TIM la plus fréquente chez enfant
Moelle cervicale > moelle thoracique haute
Peu contributifs
Élargissement de la moelle Limites tumorales irrégulières
Âge moyen : 30 ans, mais 1/3 d’enfants < 15 ans
Hypo, iso T1
M=F
Contraste négatif ou positif homogène ou positif bigarré pour astrocytome grade I
Douleurs
Hyper T2
Contraste positif uniforme ou hétérogène pour autres astrocytomes
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circonscrites responsables d’un élargissement de la moelle, hyperintense en T2 et iso- ou hypo-intense à la moelle en T1. La prise de contraste est souvent marquée mais hétérogène et il existe fréquemment des formations kystiques polaires et des signes d’hémorragie intratumorale. Ils sont en position centromédullaire dans un tiers des cas, et le signe de la « coiffe », décrit par Brotchi et Fisher [78] et correspondant à des plages d’absence de signal aux extrémités tumorales, est observé dans un tiers des cas. Les calcifications sont rares. L’astrocytome intramédullaire est le principal diagnostic différentiel de l’épendymome intramédullaire cervical. Les épendymomes du cône médullaire et du filum terminal (donc surtout les épendymomes myxopapillaires) sont de croissance lente et peuvent être de taille considérable. Sur le plan anatomique les épendymomes du filum terminal ne sont pas intramédullaires stricto sensu mais s’invaginent en « doigt de gant » dans le cône médullaire. De croissance lente, ils peuvent être de taille considérable et s’associer à une érosion du corps vertébral, une scoliose ou un élargissement des foramens intervertébraux. Ils sont habituellement hyperintenses en T2 et iso- ou hyperintenses en T1. Cette possible hyperintensité en T1 est liée à la présence de mucine ou de composants hémorragiques. Ils prennent habituellement fortement le contraste, d’une façon inhomogène à l’injection de gadolinium. Les principaux diagnostics différentiels à ce niveau sont le neurinome intradural de la queue de cheval ou le paragangliome du filum terminal. Les signes cliniques sont très variables, non spécifiques. Les déficits neurologiques apparaissent tardivement à un stade évolué de la maladie. Le traitement est chirurgical et l’exérèse complète est possible dans la majorité des cas. Les épendymomes médullaires sont habituellement bénins sur le plan histologique. En effet, seuls de rares cas de formes malignes ont été rapportés dans la littérature. Les subépendymomes, proches des astrocytomes, sont désormais rattachés aux épendymomes dont ils ne se distinguent que par de faibles particularités histologiques. L’irradiation reste encore controversée dans les cas d’exérèse subtotale et a fortiori totale. Classiquement, elle ne devrait être réservée qu’aux cas d’exérèse incomplète [82]. Même majoritairement bénins, les épendymomes ont un potentiel de récidive non négligeable (variant de 4 % à 29 % selon les séries [82]) ainsi
qu’un risque de dissémination à travers les voies d’écoulement du LCS récemment bien mis en évidence [83]. Le pronostic des épendymomes intramédullaires reste cependant très favorable avec une survie globale à 10 ans de 95 %. Astrocytomes [84] (Tableau 7) Moins fréquents que les épendymomes (30 % des tumeurs intramédullaires), les astrocytomes sont observés plus souvent chez l’enfant que chez l’adulte. La moyenne d’âge est de 30 ans avec cependant un tiers d’enfants de moins de 15 ans. Ils siègent plus volontiers dans la moelle cervicale suivie de la moelle thoracique haute. Sur l’IRM les astrocytomes intramédullaires sont responsables d’un élargissement de la moelle. Les limites tumorales sont souvent irrégulières et des composantes hémorragiques associées à l’œdème ne sont pas rares. Les astrocytomes sont habituellement hypo- ou iso-intenses en T1 et hyperintenses en T2. Ils peuvent prendre toutes les caractéristiques IRM des épendymomes. Les astrocytomes pilocytiques de bas grade (OMS grade I) (Fig. 13) peuvent avoir un rehaussement homogène ou bigarré ou ne pas avoir de rehaussement du tout au gadolinium [85]. Mais la plupart des autres types d’astrocytomes (OMS grade II) ont un rehaussement uniforme ou hétérogène. La portion charnue est habituellement plus étendue en hauteur que les épendymomes et ils sont également plus souvent excentrés. Il s’agit pour la très grande majorité de tumeurs primitives de la moelle. Néanmoins de rares cas d’astrocytomes secondaires à une irradiation médullaire ont été décrits [86]. Classiquement considérés comme inextirpables dans leur totalité, l’exérèse complète est cependant possible dans un tiers des cas du fait des progrès des instruments microchirurgicaux et de l’utilisation du bistouri ultrasonique. La difficulté principale est due à l’absence de plan de clivage dans les formes infiltrantes. Les astrocytomes de bas grade (pilocytiques, fibrillaires, protoplasmiques, gémistocytiques) sont plus fréquents que les hauts grades. La radiothérapie n’est habituellement pas prescrite dans les bas grades. Cependant, elle est discutée si l’exérèse est incomplète et dans les formes malignes. Quel que soit le type histologique, le pronostic vital est nettement moins bon que pour les épendymomes (40 % de survie à 10 ans). Dans les formes malignes, la médiane de survie n’excède pas 10 mois.
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
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B Figure 13. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium (A) et T2 (B). Volumineuse tumeur intramédullaire élargissant la moelle avec des limites irrégulières et une importante portion charnue du cône médullaire. Prise de contraste irrégulière : astrocytome pilocytique récidivant intramédullaire.
Figure 14. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium, coupe sagittale. Métastase dans le cône médullaire d’une néoplasie primitive pulmonaire.
Autres tumeurs gliales Elles sont exceptionnelles, ne représentant que 3 % des tumeurs intramédullaires. Il convient de citer les oligodendrogliomes, les gangliogliomes et les gangliocytomes. Leur pronostic dépend du grade histologique. Il est comparable à celui des astrocytomes.
Tumeurs malignes de nature non gliale [78] Les métastases intramédullaires (Fig. 14) sont rares et représentent moins de 5 % des métastases du système nerveux central. Les principales tumeurs primitives sont les cancers du poumon, du sein, les lymphomes, les mélanomes, les cancers du système nerveux central. La moelle thoracique est la plus souvent atteinte suivie de la moelle cervicale et de la moelle lombaire. L’IRM n’est pas spécifique. Elle peut objectiver un élargissement de la moelle avec une image hypo- ou iso-intense en T1, hyperintense en T2 prenant contraste à l’injection de gadolinium. Il est parfois difficile de distinguer une métastase intramédullaire d’une tumeur primitive intramédullaire, ou d’une lésion non tumorale telle que la sclérose en plaques ou une lésion infectieuse. Le pronostic est très mauvais avec une médiane de survie de 2 à 4 mois [87] mais la chirurgie peut être indiquée pour certaines lésions uniques avec déficit neurologique. Les mélanomes intramédullaires sont également exceptionnels, plus souvent d’origine secondaire que primitive. Les mélanomes secondaires ont également de multiples localisations extramédullaires et réalisent une véritable mélanomatose leptoméningée de très mauvais pronostic. Les lymphomes intramédullaires sont très rares et représentent moins de 1 % de tous les lymphomes non hodgkiniens [88]. Ils surviennent dans la majorité des cas chez des sujets immunocompétents au cours de la cinquième décennie avec une légère prédominance féminine. Les facteurs de risque sont l’immunodépression acquise (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], transplantation, chimiothérapie entre autres), ou congénitale. Ils peuvent survenir à partir de la diffusion méningée d’un lymphome cérébral ou s’intégrer dans le cadre d’un véritable lymphome multicentrique du système nerveux central. La fréquence accrue des lymphomes primitifs des lymphomes cérébraux depuis trois décennies, en particulier liée à l’augmentation de fréquence de l’infection par le VIH ne s’est
pas accompagnée d’augmentation proportionnelle des lymphomes intramédullaires. L’immunophénotype B est le plus souvent retrouvé à l’examen anatomopathologique [89]. La plupart des lymphomes intramédullaires sont localisés dans la moelle thoracique haute ou cervicale. L’IRM montre une lésion le plus souvent en isosignal en T1 et hypersignal en T2 avec une prise de contraste homogène. Le traitement est le même que dans les autres localisations du lymphome non hodgkinien, et repose sur la chimiothérapie, la corticothérapie, et l’irradiation après une confirmation histologique par biopsie. Bien que légèrement meilleur que dans les formes encéphaliques, le pronostic des lymphomes intramédullaires reste pauvre avec une durée moyenne de survie de 15 à 17 mois [88].
Tumeurs bénignes de nature non gliale La plupart de ces tumeurs ne sont pas simplement intramédullaires dans la mesure où elles affleurent largement la surface du cordon médullaire (hémangioblastomes, lipomes), ou ont un développement intra- et extramédullaire (schwannomes, méningiomes). Les hémangioblastomes sont des tumeurs bénignes, bien limitées, souvent accompagnées d’un kyste, parfois multifocales, et représentant 2 % à 4 % des tumeurs intramédullaires de l’adulte. Ces tumeurs surviennent surtout chez l’adulte avec un pic d’incidence dans la quatrième décennie [90]. La majorité (75 %) des hémangioblastomes est intramédullaire avec une atteinte préférentielle de la moelle thoracique suivie de la moelle cervicale. Dans 80 % des cas les hémangioblastomes se présentent sous la forme de tumeur solitaire. Chez 30 % des patients porteurs d’un hémangioblastome médullaire, il est retrouvé une maladie de Von Hippel-Lindau (VHL). Il s’agit d’une maladie autosomique avec des hémangioblastomes médullaires et/ou cérébelleux, des angiomes rétiniens, un carcinome rénal et/ou un phéochromocytome à des degrés variables. Le pronostic de cette maladie est lié au carcinome rénal [91]. L’hémangioblastome médullaire est responsable de troubles sensitivomoteurs. Dans les cas de maladie de VHL, la symptomatologie est souvent liée à l’atteinte cérébelleuse.
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Histologiquement, l’hémangioblastome est composé d’une portion solide très vascularisée avec de petites artères, des capillaires et de larges veines de drainage. Ce nidus tumoral est essentiellement composé de cellules endothéliales. Un large kyste délimité par des cellules fibrillaires entoure le nidus. La plupart des hémangioblastomes sont responsables d’un élargissement de la moelle avec un aspect hypo- ou iso-intense en T1 et hyperintense en T2. Le kyste apparaît avec un signal proche du LCS, mais sa richesse en protéines peut lui donner un signal plus intense en T1. L’IRM avec injection montre une forte prise de contraste, homogène, limitant parfaitement le nodule tumoral. L’embolisation préopératoire peut être utile pour faciliter le geste chirurgical, mais est en pratique rarement réalisée. La chirurgie doit permettre une exérèse complète mais ne doit pas être proposée systématiquement dans les formes silencieuses s’intégrant dans une atteinte multifocale de maladie de VHL. Les lipomes strictement intramédullaires sont rares et doivent être distingués des lipomes de la queue de cheval. Leur exérèse chirurgicale est souvent difficile avec des risques fonctionnels importants. Il convient de n’opérer que les formes franchement symptomatiques. Les schwannomes intramédullaires [92] sont exceptionnels (moins de 50 cas dans la littérature) et prédominent au niveau de la moelle cervicale. Il est difficile d’évoquer le diagnostic sur l’IRM qui montre une tumeur bien limitée, prenant fortement le contraste et parfois associée à une cavité syringomyélique. La pathogénie reste obscure car ces tumeurs naissent toujours à partir des cellules de Schwann qui sont normalement absentes des tissus médullaires. La chirurgie permet l’exérèse complète dans la majorité des cas. Enfin, les méningiomes intramédullaires sont encore plus exceptionnels, avec moins de dix cas rapportés.
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Les tumeurs intramédullaires sont rares, le plus souvent observées chez l’adulte jeune. Elles sont essentiellement représentées par les tumeurs gliales : • les épendymomes : habituellement bénins. Le traitement est chirurgical avec une exérèse complète possible, • les astrocytomes : formes bénignes plus fréquentes que les malignes. Mais ces tumeurs sont infiltrantes. Le traitement est avant tout chirurgical mais l’exérèse complète est difficile et le pronostic est moins bon que pour les épendymomes. Le risque d’aggravation neurologique postopératoire est relativement élevé.
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré. .
■ Références [1]
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Pseudotumeurs intramédullaires
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Les cavernomes sont de véritables hamartomes vasculaires. Rares dans cette localisation, ils peuvent rester longtemps silencieux ou bien s’exprimer selon une forme lente ou aiguë (hémorragie). L’aspect en IRM est très évocateur, en particulier sur les séquences en T2 montrant un hypersignal central entouré d’un liseré d’hyposignal périphérique correspondant à un dépôt d’hémosidérine. La chirurgie doit être réservée aux formes symptomatiques. Les kystes dermoïdes et épidermoïdes sont exceptionnels et sont souvent associés à des anomalies de fermeture du type neural ou à un sinus dermique. Dans ce cas, la localisation est souvent lombosacrée et la communication entre le kyste et le sinus dermique peut être une source de complications infectieuses comme un abcès intramédullaire. Il convient également de n’opérer que les formes symptomatiques, ceci d’autant plus que l’exérèse complète n’est pas toujours aisée. Cependant, la conduite est résolument chirurgicale dans le cas du traitement d’un sinus dermique relié à un kyste dermoïde ou épidermoïde, pour prévenir des complications infectieuses qui peuvent être redoutables [93]. Les kystes intramédullaires épendymaires pseudotumoraux sont des lésions kystiques qui se comportent comme de véritables tumeurs [94]. Ils peuvent être à l’origine de signes neurologiques déficitaires conduisant à leur marsupialisation ou leur exérèse. L’histologie infirme leur nature tumorale : ils sont d’origine neurogliale. Ces kystes seraient produits par des cellules épendymaires histologiquement normales mais en position aberrante, proches des cordons antérieurs de la moelle au moment de la fermeture du tube neural. Ces cellules épendymaires se seraient détachées du plancher du tube neural durant l’embryogenèse pour des raisons inconnues [95]. Enfin, il faut citer l’existence de granulomes sarcoïdosiques qui peuvent survenir dans le cadre d’une sarcoïdose systémique ou être primitifs. Dans ce cas, le diagnostic différentiel avec une tumeur intramédullaire est difficile, et c’est souvent l’histologie qui conclut. Cependant, il s’agit d’une lésion infiltrante et inextirpable, et toute tentative d’exérèse est dangereuse et inutile. Seul le traitement médical suppresseur est susceptible d’améliorer l’état fonctionnel neurologique.
Points forts
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Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
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Médecine & enfance
Spondylodiscite non tuberculeuse de l’enfant C. Glorion, S. Pannier, service d’orthopédie et traumatologie pédiatriques, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
FORME TYPIQUE OBSERVATION Anaïs, âgée de dix-huit mois, présente des troubles de la marche depuis une semaine avec une perte d’appétit et des douleurs lombaires. Elle refuse de s’asseoir sur le pot. Elle a une fièvre à 38,5°. L’examen clinique retrouve une raideur importante du rachis avec des mobilités normales des membres inférieurs. L’examen neurologique est normal. Les radiographies montrent une diminution de hauteur du disque L1L2 (figure 1). Le bilan biologique retrouve 12 900 globules blancs, dont 55 % de polynucléaires neutrophiles, et une CRP à 16. Une IRM témoigne d’une atteinte des vertèbres adjacentes au disque L1L2, avec un hypersignal, et d’une anomalie de signal du disque, dont la hauteur est réduite (figure 2). Le diagnostic de spondylodiscite aiguë est posé devant ce tableau de raideur douloureuse du dos dans un contexte infectieux. Le traitement associe une antibiothérapie par Claforan® et Fosfomycine® par voie intraveineuse pendant trois jours et une immobilisation dans un corset bermuda. L’antibiothérapie initiale est relayée par un traitement par Rifadine® et Augmentin® par voie orale pendant trois mois. Les hémocultures sont négatives. Au bilan du dixième jour, les radiographies retrouvent la diminution de hauteur du disque L1L2 qui existait sur les premiers clichés. Le bilan biologique retrouve 4 900 GB, dont 22 % de polynucléaires neutrophiles, une VS à 46 mm à la première heure et une CRP à 8. Après six semaines de traitement, l’état
Figure 1 Les radiographies de profil (à gauche) et de face (à droite) montrent la diminution de hauteur du disque L1L2.
Figure 2 L’IRM de profil (à gauche) montre bien l’atteinte discale et l’anomalie de signal des corps vertébraux adjacents, alors que sur l’IRM de face (au milieu) on ne retrouve pas d’aspect évoquant un abcès en avant ou en arrière ; l’IRM avec injection (à droite) montre bien l’hypersignal des corps vertébraux adjacents traduisant l’inflammation.
général est bon, le bilan biologique normalisé et la radiographie sans change-
ment. Le bermuda est remplacé par un petit corset.
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PHYSIOPATHOLOGIE Ce que l’on appelle spondylodiscite est en fait au départ une ostéomyélite atteignant l’os qui est sous la plaque de croissance. Par le réseau vasculaire péridiscal, l’infection se propage au plateau de la vertèbre qui est de l’autre côté du disque. L’altération discale, qui correspond de façon imagée à un assèchement du nucléus, n’est que secondaire à ce processus infectieux osseux. En effet, il n’y a pas de vascularisation dans le disque. Les altérations importantes du disque, voire sa destruction, sont dues à la propagation de l’infection non traitée qui aboutit au maximum à la destruction complète du disque.
COMMENTAIRES Quand la maladie prend l’aspect d’une ostéomyélite vertébrale typique, comme chez Anaïs, le diagnostic est facilement posé. Installation brutale chez un enfant de dix-huit mois à cinq ans d’un syndrome infectieux associé à des douleurs osseuses rachidiennes de siège lombaire, le tronc est rigide, la percussion retrouve une apophyse épineuse douloureuse signant la nature osseuse de la douleur : ce tableau est suffisant pour parler d’ostéomyélite et rechercher une porte d’entrée, un facteur prédisposant (diabète, hémoglobinopathie), une autre atteinte infectieuse. Il faut traiter d’urgence après avoir fait le bilan biologique habituel d’une ostéomyélite.
Les examens complémentaires L’existence d’un syndrome biologique de
type infectieux est évidemment d’une valeur diagnostique essentielle. L’examen radiologique doit comporter de grands clichés du rachis en entier de face et de profil, complétés par des clichés centrés sur la zone suspecte. Les images radiologiques peuvent être retardées de dix à vingt jours par rapport aux signes cliniques. L’atteinte osseuse isolée à type de spondylite est exceptionnelle. L’image la plus fréquemment rencontrée est celle d’une spondylodiscite : le disque est atteint de façon quasi constante avec un pincement plus ou moins important.
Les lésions osseuses sont très variables. La première image d’atteinte osseuse est la disparition des lignes denses entourant le disque et représentant les plateaux vertébraux, dont les limites deviennent floues et imprécises. Les lésions sont le plus souvent lombaires, atteignant un seul segment articulaire rachidien, mais l’atteinte multiple doit être systématiquement recherchée, de même que l’image d’un fuseau paravertébral traduisant un abcès. Lorsque la radiographie est normale, la scintigraphie osseuse peut rendre service. L’examen le plus utile au diagnostic est la résonance magnétique nucléaire. Elle
montre au début de la maladie une simple anomalie de signal du disque, qui va ultérieurement perdre de sa hauteur. Elle met également en évidence des anomalies de signal des plateaux vertébraux adjacents. Elle peut surtout révéler un abcès, qui peut justifier une ponction et une évacuation, orientant ainsi le diagnostic bactériologique. Les examens de laboratoire. Dans notre pratique, en l’absence d’abcès et à condition, bien entendu, que l’on puisse éliminer de façon certaine une tumeur (qui souvent atteint une seule vertèbre tout en respectant le disque), nous ne faisons pas de ponction discale, car les résultats bactériologiques sont trop peu informatifs pour justifier ce geste qui demande une anesthésie générale. En revanche, il faut parfois, en fonction du contexte, savoir rechercher une brucellose ou une typhoïde par une sérologie. La vérification de la vaccination antituberculeuse et la pratique d’une intradermoréaction au moindre doute sont indispensables.
FORMES TROMPEUSES OBSERVATION Valentin est un petit garçon de trois ans et deux mois qui nous est amené pour une douleur rachidienne accompagnée d’une raideur apparue quatre jours auparavant dans un contexte fébrile. Il présente par ailleurs une pharyngite. Son bilan biologique montre une CRP à 2.
A l’examen, le rachis est raide. On ne réveille pas de douleur à la percussion des épineuses et l’examen neurologique est normal. La radiographie ne montre pas de lésion osseuse ni de pincement discal. Nous demandons une IRM (figure 3) et une scintigraphie osseuse à la recherche d’une spondylodiscite débutante, ainsi qu’une échographie du rétropéritoine. Ces trois examens sont normaux. L’enfant est surveillé et revu six semaines plus tard. A l’issue de ce délai, l’état clinique du garçon ne s’est pas amélioré : il marche toujours avec une raideur ; il n’a pas de fièvre mais son état général n’est pas très bon. De nouvelles images sont réalisées (figure 3). Les radiographies montrent un pincement L4L5 avec une irrégularité du plateau supérieur de L5. Un nouveau bilan biologique révèle une VS à 40 avec une CRP à 9. Le diagnostic de spondylodiscite est donc certain. La mère signale alors qu’à la fin du mois de mai son fils a eu une gastroentérite avec une diarrhée très importante. L’hypothèse d’un germe d’origine digestive est possible. Une ponction sous contrôle scopique est faite à visée anatomopathologique et bactériologique. Les cultures restent négatives. L’anatomopathologie confirme l’existence d’une spondylodiscite. On fait confectionner pour cet enfant un corset plâtré avec cuissard. Un traitement antibiotique est instauré. L’évolution est favorable. L’immobilisation plâtrée est maintenue trois mois. Avec un recul de sept ans, la fonction est normale, de même que l’examen clinique. Sur la radiographie, l’étage L4L5 est un peu diminué de hauteur, le plateau vertébral inférieur de L4 et celui supérieur de L5 sont un peu irréguliers et les corps vertébraux sont un peu moins hauts (figure 4).
COMMENTAIRES Souvent, la maladie se manifeste par un début trompeur qui fait errer longtemps le diagnostic : l’enfant boite ou présente même une psoïtis qui limite la mobilité de sa hanche, ou c’est un tableau subocclusif qui attire longtemps l’attention
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Figure 3 L’IRM de face initiale (à gauche) a été interprétée comme normale mais montrait peutêtre une diminution de hauteur du disque L4L5. Six semaines plus tard, sur la radiographie de profil (au milieu) le diagnostic ne fait pas de doute et l’IRM de profil (à droite) montre bien l’atteinte discale et l’anomalie de signal des corps vertébraux adjacents.
sur l’abdomen, ou bien l’enfant consulte pour une scoliose raide et douloureuse installée depuis quelque temps. A l’extrême, la latence de l’affection peut être si grande que ce sont parfois des signes neurologiques qui marquent l’entrée dans la maladie. Derrière tout cela peut se cacher l’ostéomyélite vertébrale, à l’origine d’une rigidité rachidienne qu’il faut savoir rechercher. Elle se manifeste souvent par le refus de s’asseoir sur le pot, par des pleurs de l’enfant quand la mère le prend dans ses bras, celui-ci se laissant soulever comme une planche quand on le saisit par la nuque et par les pieds. Il faut compléter l’examen par la recherche d’un abcès du psoas et des signes d’irritation médullaire. Il est important de vérifier la vaccination antituberculeuse et de pratiquer une intradermoréaction au moindre doute.
ÉVOLUTION L’évolution sous traitement institué d’urgence est le plus souvent favorable. Nous utilisons un traitement antibiotique double par voie intraveineuse pendant trois jours si les hémocultures sont négatives, dix jours si elles sont po-
sitives. Le traitement par voie orale est maintenu trois mois si l’évolution est favorable. Dans ce type d’évolution, la température se normalise, l’état général s’améliore, les examens biologiques témoignent d’un retour à la normale en quelques semaines. L’examen radiologique, pratiqué tous les quinze jours puis tous les mois, montre d’abord une absence d’aggravation des lésions, puis une stabilisation de l’image des plateaux vertébraux, qui sont souvent condensés avec un pincement discal qui reste stable. Une atteinte initialement sévère et/ou un traitement tardif peuvent aboutir à la destruction complète de l’espace discal et des plaques de croissance adjacentes. La formation d’un bloc osseux intervertébral est très exceptionnelle et ne se voit que dans les formes sévères et trop tardivement diagnostiquées et traitées. La stabilisation radiologique des lésions est obtenue en deux à quatre mois environ. Il arrive pourtant que l’évolution soit défavorable : la défervescence thermique n’est pas franche, les examens biologiques restent anormaux, les images radiologiques s’aggravent. Il faut alors évoquer trois possibilités : un abcès peut s’être formé, comme
Figure 4 Une radiographie de profil avec trois ans de recul montre le pincement discal et des plateaux irréguliers.
dans toute ostéomyélite ; il faut le rechercher dans le psoas et pratiquer une IRM qui peut le révéler. L’abcès reconnu doit être évacué par ponction ou chirurgicalement ; l’antibiothérapie entreprise n’est pas efficace (cette hypothèse doit d’autant plus être envisagée qu’il est très rare d’isoler le germe d’une spondylodiscite). Il faut donc essayer une autre association antibiotique ; enfin, il existe un doute diagnostique et l’on suspecte un mal de Pott. Dans les deux dernières hypothèses, l’abord direct du foyer est justifié pour isoler le germe et étudier sa sensibilité aux antibiotiques, mais ces cas sont rares. Le pronostic lointain de la spondylodiscite de l’enfant dépend de l’importance des lésions laissées sur la plaque épiphysaire vertébrale par la maladie. Aucun élément ne permettant initialement d’établir un pronostic, nous avons pour habitude de faire systématiquement porter un corset à ces enfants durant les six à douze mois qui suivent la guérison de l’infection. Si la statique rachidienne reste satisfaisante durant cet-
Médecine & enfance
te période, on peut arrêter le traitement. Si, en revanche, une cyphose ou une scoliose apparaissent, il faut poursuivre le maintien orthopédique et la surveillance. Le traitement est dans l’immense majorité des cas médical et orthopédique.
CONCLUSION La spondylodiscite est une ostéomyélite
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vertébrale qui réclame d’urgence une double antibiothérapie administrée durant les premiers jours par voie parentérale et visant essentiellement à combattre le staphylocoque doré, germe le plus fréquent ; une immobilisation en corset plâtré avec bermuda lui est associée. Un examen complet est fait au bout de dix jours de traitement puis à quarante-cinq jours. La bi-antibiothérapie est maintenue durant trois mois. Si
un abcès survient au cours de l’évolution, il faut l’évacuer chirurgicalement, puis poursuivre le traitement par plâtre et antibiotique. Une évolution défavorable liée à une résistance au traitement antibiotique peut également conduire à l’abord direct des lésions pour isoler le germe et tester sa résistance aux antibiotiques. Le bacille de Koch doit être systématiquement recherché pour éliminer un mal de Pott.
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Pathologie discale de l’enfant et l’adolescent Disk pathology in children and adolescents Thierry Odent ∗ , Alexandre Journe , Karen Lambot , Christophe Glorion Inserm UMR-S 747 pharmacologie, toxicologie et signalisation cellulaire, service de chirurgie orthopédique pédiatrique, université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, hôpital universitaire Necker-Enfants Malades, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Accepté le 4 juillet 2013 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Calcification discale Hernie discale Spondylodiscite IRM Enfant
r é s u m é La pathologie discale, même si elle est rare, doit être évoquée chez l’enfant et l’adolescent en cas de douleurs rachidiennes. À la différence de la population adulte où les lésions dégénératives dominent, les lésions malformatives, infectieuses, inflammatoires et traumatiques sont une part importante des pathologies affectant cette structure chez l’enfant. Le disque intervertébral est étroitement lié aux plateaux vertébraux et aux zones de croissances vertébrales adjacentes avec fréquemment une atteinte associée de ces structures (réseaux vasculaire interconnecté dans la spondylodiscite, ring fracture de l’adolescent. . .). L’examen diagnostique de référence est l’IRM qui va analyser avec le plus de précision ces structures anatomiques. En cas de douleur rachidienne de l’enfant, cet examen doit être demandé de fac¸on systématique en cas de douleur supérieure à trois mois, absence de contexte traumatique, irradiation radiculaire, déficit neurologique, signes inflammatoires ou contracture rachidienne. © 2013 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie.
a b s t r a c t Keywords: Disc calcification Disc hernia Discitis MRI Children
Disc pathology, although it is rare concern, should be suspected in children and adolescents in case of back pain. Unlike in the adult population where degenerative lesions dominate the disk pathology, malformative, infectious, inflammatory and traumatic process are an important part of pathologies affecting this structure in children. The intervertebral disc is closely linked to the endplates and areas adjacent vertebral growth impairment frequently associated with these structures (interconnected vascular networks in spondylitis, fracture ring adolescent. . .). The gold standard exam for diagnostic is MRI that will analyze with more accuracy these anatomical structures. In case of spinal pain in children, this clinical assessment should be asked routinely if greater pain at 3 months, no traumatic context, nerve root pain, neurological deficit, spinal inflammatory signs or back contracture. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de rhumatologie.
1. Introduction Le disque intervertébral est une structure anatomique qui va évoluer au cours de la croissance avec l’acquisition de la position érigée et le renforcement des contraintes biomécaniques appliquées sur le rachis. Chez l’enfant, cette structure est en continuité anatomique avec les structures cartilagineuses que sont le cartilage end plate et les plaques de croissance des corps vertébraux. À la différence de la population adulte où les lésions dégénératives dominent, les lésions malformatives, infectieuses, inflammatoires et traumatiques sont une part importante des pathologies affectant cette structure chez l’enfant. Les douleurs rachidiennes de l’enfant
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Odent).
sont fréquentes. Des revues récentes ont retrouvé une fréquence importante d’enfants souffrant de douleurs rachidiennes avec une incidence annuelle augmentant de 10 % dans l’enfance à 20 % à l’adolescence [1] dont l’origine discale peut être incriminée dans certains cas. 2. Anatomie et développement du disque Le développement du disque intervertébral et des vertèbres adjacentes débute très tôt durant la vie intra-utérine et sont étroitement liés. Au 17e jour de vie, l’ectoblaste va s’invaginer pour former le tube neural à l’origine de la moelle épinière tandis que le mésoblaste s’épaissit, puis se segmente pour former les sclérotomes qui migrent de part et d’autre de la notochorde. Chaque sclérotome va ensuite se cliver horizontalement. La partie crâniale à l’origine du disque, fusionnant à la partie caudale du sclérotome sus-jacent
Fig. 1. Spondylodiscite lombaire chez un enfant âgé de deux ans. Aspect radiographique et IRM en T1 et T2 avec séquences en saturation de graisse.
à l’origine du corps vertébral. La notochorde va régresser au sein des corps vertébraux lors de leur différenciation cartilagineuse puis osseuse. Au sein du disque, elle s’expand dans un premier temps pour former un amas cellulaire ovalaire, le nucleus pulposus (NP). Le disque péri-notochordal mésenchymateux (futur annulus fibrosus [AF]) se différencie en deux zones : une zone périphérique fibreuse faite de fibroblastes et de fibres de collagène et une zone centrale plus lâche. Chez le nouveau-né, à terme, on peut retrouver trois structures distinctes. Le NP au centre et l’AF périphérique, fait de lamelles compactes. La maturation postnatale se traduit par la disparition des vestiges chordaux et la transformation du NP en fibrocartilage à mesure qu’il se charge en fibres de collagène [2]. Les défauts lors du processus de segmentation vertébral vont entraîner des malformations discales associées aux malformations vertébrales. Ces anomalies sont rarement douloureuses et souvent diagnostiqués lors des troubles de croissance associés, dans le cadre des scolioses congénitales. 3. Pathologie infectieuse 3.1. Spondylodiscite non tuberculeuse Plusieurs terminologies sont utilisées pour cette nommer cette affection : discite, spondylarthrite, disc-space infection. Cette pathologie correspond à une inflammation qui atteint le plus fréquemment les disques thoraciques inférieurs ou lombaires. Certains auteurs pensent que l’atteinte est purement discale, d’autres que les corps vertébraux adjacents sont intéressés par l’affection. Concernant la physiopathologie, Ratcliffe [3] a montré la pauvreté vasculaire de la région équatoriale du corps vertébral par opposition à la région métaphysaire, richement vascularisée par un anneau anastomotique qui se termine à la naissance du pédicule vertébral. Il existe également des anastomoses entre les anneaux vasculaires des vertèbres adjacentes qui cheminent contre le disque entre les anneaux métaphysaires dans la partie postéro-latérale du disque. La contamination du disque se ferait à partir de la zone métaphysaire par les canaux vasculaires qui le pénètrent. Ces variations anatomiques expliquent la spécificité et la fréquence de l’atteinte discale de l’enfant, particulièrement chez le petit enfant où l’atteinte du disque peut être strictement isolée sans atteintes des plateaux vertébraux adjacents [4]. L’étiologie est restée également longtemps discutée : lésion infectieuse ou inflammatoire ? L’incidence est de 1:250 000 ce qui correspond à environ 3 % des infections osseuses de l’enfant [5]. Avec le développement des nouvelles techniques de diagnostic bactériologique par PCR, l’origine infectieuse ne fait plus de doute maintenant [6,7]. L’écologie des
germes rencontrés est semblable à celle des infections articulaires de l’enfant. Les germes les plus fréquemment isolés sont par ordre de fréquence le staphylocoque, le streptocoque, la Kingella [8,9]. Le taux de positivité des cultures bactériologiques dans le sang ou lors de prélèvement discaux varie de 0 à 67 %. Le diagnostic est difficile avec un retard diagnostique fréquent de quelques semaines. Le tableau clinique est souvent frustre et varie selon l’âge de l’enfant. Les spondylodiscites du nouveau-né sont associés à un tableau septique sévère avec des abcès vertébraux qui fusent rapidement vers le médiastin ou les espaces épiduraux [10]. Chez l’enfant de moins de cinq ans, le tableau clinique est souvent frustre. On retrouve une marche guindée ou un refus de la marche, d’aller sur le pot ou de s’asseoir. Des troubles digestifs peuvent être associés avec un ileus fonctionnel en cas d’abcès para vertébral associé. La fièvre est modérée et inconstante. Chez le grand enfant, le tableau clinique se résume en général à des dorsalgies ou à des lombalgies suivant l’étage discal concerné. Les complications neurologiques surviennent chez moins de 10 % des patients [11]. Le bilan biologique retrouve un syndrome inflammatoire dans 70 % des cas. La CRP est modérément élevée. L’augmentation de la vitesse de sédimentation est le signe biologique le plus sensible [12]. Les globules blancs sont normaux ou modérément élevés. Les clichés radiographiques simples peuvent montrer une inclinaison latérale du rachis secondaire à une attitude antalgique au début de l’affection. Après deux à trois semaines d’évolution, une diminution de hauteur du disque qui peut être associée à des réactions d’ostéolyse des corps vertébraux adjacents. La scintigraphie osseuse au technetium 99 m MDP montre au temps précoce une hyperfixation des vertèbres adjacentes. Cet examen a l’avantage de visualiser l’ensemble du squelette, ce qui est très utile quant la symptomatologie est trompeuse, notamment chez le petit enfant. La projection de la vessie peut masquer l’hyperfixation discale lors d’une atteinte lombosacrée. L’IRM de tout le rachis réalisée de fac¸on systématique est l’examen de choix [13]. Sur les séquences en T1, on retrouve une diminution de la hauteur discale, des anomalies associées des plateaux vertébraux et sur les séquences en T2 un signal anormal du disque. Des séquences injectées avec suppression du signal de la graisse (T2 fatsat ou STIR) vont rechercher un abcès (Fig. 1). Des discites isolées ont été décrites chez le petit enfant. La ponction discale n’est pas réalisée à titre systématique sauf en cas de doute diagnostique. Le rendement bactériologique est de 50 à 70 %. Elle est indiquée en cas de résistance au traitement antibiotique, en cas de doute diagnostique ou chez l’enfant immunodéprimé [14].
Le traitement repose sur une double antibiothérapie, probabiliste, débutée par voie intraveineuse en cas de fièvre ou de signes généraux importants. La durée est de deux mois. Une immobilisation par un corset ou un plâtre chez le petit enfant est préconisée pendant quatre à six semaines et a un effet antalgique certain. Le recours à la chirurgie est rare, en cas de compression des éléments neurologiques. À distance, des fusions vertébrales spontanées ont été rapportées, jusqu’à 40 % dans certaines séries, dont la fréquence serait plus élevée chez le petit enfant. Certaines ont évolué en cyphose angulaire, ce qui nécessite un suivi régulier jusqu’à la fin de croissance. 3.2. Spondylodiscite tuberculeuse Le mal de Pott est la localisation tuberculeuse la plus fréquente chez l’enfant. À la différence de l’adulte, plusieurs étages sont souvent concernés [15]. L’infection débute dans le corps vertébral et se propage aux vertèbres adjacentes à travers les ligaments vertébraux. Les signes cliniques sont la douleur rachidienne associée à un syndrome infectieux modéré et une détérioration de l’état général. Dans les formes évoluées, une déformation en cyphose est observée avec un risque de compression des éléments neurologique. 4. Lésions traumatiques et hernies discales 4.1. Hernies discales Les hernies discales sont rares chez l’enfant et l’adolescent. Le diagnostic doit être évoqué en cas de douleurs rachidiennes ou d’irradiation radiculaire. Les douleurs radiculaires isolées sont souvent au premier plan du tableau clinique. En raison de la rareté de cette affection, il y a fréquemment un retard diagnostique (dix mois chez l’enfant en moyenne comparé à 4,7 mois chez l’adulte) [16]. Les disques atteints sont le plus souvent situés dans la région lombaire, principalement en L4-L5 et en L5-S1. Les atteintes cervicales ou thoraciques sont exceptionnelles. Dans la plan rachidien sagittal, un morphotype avec un dos plat de type 2 selon la classification de Roussouly et al. avec une faible incidence pelvienne favorise les hernies discales précoces [17]. Tous les saillies discales visibles en IRM ne sont pas symptomatiques : une étude IRM du rachis lombaire de tennisman de haut niveau a montré que 30 % des hernies discales étaient asymptomatiques [18]. Un antécédent traumatique, la pratique intensive sportive, notamment de sports avec soulèvement de charges lourdes sont fréquemment retrouvés. Des facteurs favorisant sont également retrouvés comme un canal rachidien étroit (8,1 mm de diamètre antéro-postérieur moyen chez 12 patients ayant une hernie discale symptomatique lombaire contre 18,1 mm pour un groupe témoin [19]), des anomalies vertébrales transitionnelles, un spondylolisthésis, ou une malformation des éléments vertébraux postérieurs. L’anamnèse et l’examen clinique à réaliser est la même que chez l’adulte. Un examen neurologique complet est réalisé à la recherche d’un déficit neurologique radiculaire. Les radiographies simples sont généralement normales ou montrent une faible diminution de la hauteur discale. Elles peuvent montrer une contracture rachidienne ou une scoliose réactionnelle. Les facteurs de risques anatomiques suscités doivent être recherchés. L’IRM est nécessaire. La majorité des hernies sont sousligamentaires, centrales ou paracentrales et sont localisés en L4-L5 et L5-S1 [20]. Elle permet également d’éliminer une fracture du listel marginal, le diagnostic différentiel ou associé à la hernie discale le plus classique. Ce type de fracture peut s’observer jusqu’à l’âge de 25 ans, âge auquel le listel vertébral fusionne définitivement avec le corps vertébral. Plusieurs types de lésion ont été décrits, allant de l’avulsion isolée cartilagineuse, sans fragment
osseux jusqu’à une lésion emportant la totalité du mur vertébral postérieur. Dans certains cas, ces fractures apophysaires peuvent être associées à la hernie discale, chez 28 % des patients pour Chang et al. [21]. Ces fractures doivent être reconnues, ce d’autant qu’elles peuvent avoir une symptomatologie purement radiculaire lorsque la fracture est déplacée avec une migration dans le trou de conjugaison. Le traitement de ces fractures va dépendre de la symptomatologie : il est chirurgical lors d’une compression radiculaire car il ne faut pas espérer une résorption du fragment osseux avec le temps ce d’autant plus que l’exérèse sera plus difficile, en cas de consolidation du fragment détaché. Le scanner est l’examen de choix pour étudier les fractures du listel marginal et doit être réalisé de principe en cas de hernie volumineuse ou avant une exérèse chirurgicale [16]. De principe, une atteinte tumorale ou infectieuse doit être également éliminée. Les hernies de l’enfant résistent souvent au traitement médical, mais celui-ci doit être tenté de première intention chez les patients n’ayant pas de déficit neurologique. Le repos, l’arrêt des activités sportives et éventuellement l’école sont indiqués. Le traitement médical repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens et une immobilisation par corset semi-rigide. Ce traitement doit être essayé au minimum pendant six semaines. La littérature sur l’efficacité des injections épidurales chez l’enfant est pauvre et les résultats rapportés contreversés [22]. En cas de résistance au traitement médical ou de déficit neurologique, le traitement chirurgical par excision discale et laminotomie doit être considéré. Bien qu’il n’y ait aucune série rapportée, il faut souligner le risque de déstabilisation ou de fusion spontanée lorsque l’on opère un rachis immature et en croissance. Le traitement en urgence est indiqué en cas de déficit moteur important ou de trouble sphinctérien. Les atteintes de la queue de cheval sont rarissimes. Une hémilaminotomie est nécessaire pour accéder réaliser l’excision discale. Le matériel discal est souvent bien hydraté et abondant. En cas de fracture du ring associée, l’abord doit être élargi et le fragment osseux qui est souvent consolidé doit être retiré avec un ostéotome ou à la fraise motorisée. Les dissectomies percutanées par voie endoscopique sont maintenant largement utilisées chez l’adulte avec un risque principal d’exérèse incomplète. Une série est rapportée chez l’adolescent avec de bons résultats [23]. Les résultats précoces rapportés sont bons ou très bon sur la symptomatologie douloureuse à un an chez plus de 90 % des patients, ce qui est supérieur aux résultats rapportés dans la population adulte [24]. Le taux de récidive inférieur à 1 %. Quelques études ont rapporté les résultats à moyen terme après chirurgie. Smorgick et al. ont rapporté 65 % de bons et excellents résultats à un recul moyen de 8,9 ans chez 26 adolescents avec 15 % de réintervention pour récidive [25]. Pour Parisini et al. [26], les résultats sont bons pour 87 % des patients avec un recul de 12,4 ans. Les études à long terme sont moins encourageantes avec 20 à 30 % des patients qui nécessiteront une chirurgie vertébrale ultérieurement [27].
5. Disque et douleurs rachidiennes Les douleurs rachidiennes ne sont pas exceptionnelles chez l’enfant, surtout en période pubertaire avec une incidence qui augmente de 12 % à l’âge de 11 ans à 22 % à l’âge de 15 ans [1]. La responsabilité de la taille, de l’IMC ou du port du cartable reste controversée. En revanche, l’importance de la pratique sportive est corrélée aux douleurs. Une pratique hebdomadaire supérieure à six heures était associée à une fréquence de 30 % de douleurs rachidiennes, et 40 % au delà de 12 heures de pratique quotidienne [28]. En cas de douleur rachidienne de l’enfant, une IRM du rachis doit être demandée :
• • • •
en cas de douleur supérieure à trois mois ; en l’absence de contexte traumatique ; en cas d’irradiation radiculaire, de déficit neurologique ; en cas de signes inflammatoires ou contracture rachidienne.
5.1. Apophysite vertébrale de croissance ou maladie de Scheuermann Des contraintes mécaniques trop importantes sur la partie antérieures des vertèbres dont les zones cartilagineuses, plateaux et de zone de croissance, fragilisées entraînent des nécroses ischémiques localisées des plateaux vertébraux et des zones de croissance vertébrales avec un risque de hernie du disque dans le corps vertébral (nodule de Schmorl). Cette pathologie fait l’objet d’un chapitre de cette monographie. 6. Calcification discales Les calcifications discales sont rares chez l’enfant avec des cas rapportés isolement ou des séries au faible nombre de patients. Leur étiologie est inconnue et l’évolution et le plus souvent favorable [29–35]. L’origine infectieuse, traumatique avec un hématome qui se calcifierait secondairement ou ischémique avec une nécrose se rapprochant des ostéochondroses n’a jamais été confirmée et reste encore obscure. Lors de l’anamnèse, on retrouve fréquemment un de ces facteurs favorisant, notamment un traumatisme. Les dosages hormonaux et métaboliques ont écarté l’hyperpathyroïdie, l’hémochromatose. . . Cette pathologie atteint de préférence l’enfant âgé de cinq à dix ans, mais des cas précoces et plus tardifs ont été rapportés. Les garc¸ons sont plus fréquemment atteints. Le mode de découverte est variable avec deux grands tableaux cliniques : • soit la calcification est découverte fortuitement à l’occasion d’un cliché radiographique, ce qui est fréquemment le cas dans la région thoracique où ces calcifications peuvent rester asymptomatique pendant plusieurs années ; • soit la calcification est découverte à l’occasion d’un épisode douloureux, parfois hyperalgique qui peut se confondre avec une spondylodiscite. Au rachis cervical, l’enfant se présente avec une attitude en torticolis, une raideur rachidienne qui peut être associée à une irradiation douloureuse cervico-brachiale lorsque la calcification est protruse dans le canal vertébral ou une dysphagie si celle-ci saille en avant. De rares cas de compression médullaire ont été rapportés, surtout dans la région thoracique. Le diagnostic est fait sur les clichés radiographiques standard qui retrouvent la calcification discale (Fig. 2). Le rachis cervical est le plus souvent affecté (64,6 %), suivi du rachis thoracique (26,2 %), cervicothoracique (10,8 %), lombaire (4,6 %) et thoraco-lombaire (1,5 %) [36]. Au rachis cervical, la localisation préférentielle est le disque C6-C7, mais toutes les localisations sont possibles. Des calcifications multi-étagées ont été retrouvées dans un tiers des cas. La zone calcifiée se situe dans le nucléus, contrairement à l’adulte où la localisation préférentielle se situe dans l’annulus. Elle a une forme lenticulaire, régulière, ovalaire sur le profil. Suivant le stade évolutif, elle peut être multi-fragmentée, migrée latéralement ou sagittalement. Le bilan inflammatoire peut être normal ou retrouver chez certains patients une élévation de la vitesse de sédimentation. Une IRM doit être réalisée à titre systématique pour éliminer une atteinte infectieuse associée. L’IRM ou le scanner vont également évaluer le degré de protrusion ou de migration de la calcification. L’évolution de la calcification est variable. Elle peut s’étendre à tout le disque ou disparaître. Le taux d’involution spontané est de
Fig. 2. Calcifications discales thoraciques à deux niveaux. Aspect radiologique et IRM.
71 % six mois après la première crise douloureuse. Les crises douloureuses peuvent dans certains cas se répéter pendant plusieurs mois. L’involution discale est fréquente, bien que quelquefois réversible, avec des irrégularités des plateaux vertébraux, des troubles de croissance des corps vertébraux ou/et un pincement discal. Dans la région thoracique, les calcifications sont plus souvent multiples et ont tendance a moins régresser. Le traitement repose sur l’immobilisation stricte lors des poussées douloureuses qui peut être associé à des antalgiques ou des anti-inflammatoires. Même si le risque de migration est faible, il est recommandé d’immobiliser pendant quelques mois le rachis intéressé par la calcification. Nous recommandons une immobilisation initiale de trois mois après le début des signes douloureux. L’évolution est le plus souvent favorable. En cas de migration avec menace médullaire, une chirurgie d’exérèse discale est indiquée. Un cas de déficit neurologique permanent a été rapporté dans la région thoracique [37] et nous avons un cas personnel non rapporté. 7. Disque et maladies osseuses constitutionnelles Les troubles de croissance et du développement osseux et cartilagineux observés dans les pathologies osseuses constitutionnelles avec atteinte du squelette axial peuvent entraîner un aspect radiographiques anormal des disques intervertébraux. Des aspects caractéristiques sont rencontrés dans la dysplasie
spondylo-épiphysaire tardive, les muccopolysacharidoses, les fragilités osseuses. 8. Conclusion Les pathologies discales sont rares chez l’enfant. Du fait de leur rareté et des signes cliniques souvent atypiques, notamment chez le petit enfant, le diagnostic est difficile et souvent retardé. Pour des raisons anatomiques, la pathologie discale est fortement liée aux plateaux vertébraux (réseaux vasculaire interconnecté dans la spondylodiscite, ring fracture de l’adolescent. . .). L’examen diagnostique de référence est l’IRM qui va analyser avec le plus de précision ces structures anatomiques. En cas de douleur rachidienne de l’enfant, cet examen doit être demandé de fac¸on systématique en cas de douleur supérieure à trois mois, absence de contexte traumatique, irradiation radiculaire, déficit neurologique, signes inflammatoires ou contracture rachidienne. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Burton AK, Clarke RD, McClune TD, et al. The natural history of low back pain in adolescents. Spine 1996;21:2323–8. [2] Cotten A, Demondion X. Développement et vieillissement du disque intervertébral lombaire. Rev Rhum 2000;67:207–13. [3] Ratcliffe JF. Anatomic basis for the pathogenesis and radiologic features of vertebral osteomyelitis and its differentiation from childhood discitis. Acta Radiol Diagn 1985;26:137–43. [4] Offiah AC. Acute osteomyelitis, septic arthritis and discitis. Difference between neonates and older children. Eur J Radiol 2006;60:221–32. [5] Govender S. Spinal infections. J Bone Joint Surg Br 2005;61:1454–8. [6] Brown R, Hussain M, Mc Hugh K, et al. Discitis in young children. J Bone Joint Surg Br 2001;83:106–11. [7] Crawford AH, Kucharzyk DW, Ruda R, et al. Diskitis in children. Clin Orthop Relat Res 1991;266:70–9. [8] Budnik I, Porte L, Arce JD, et al. Espondilodiskitis caused by Kingella Kingae in children: a case report. Rev Chilena Infecttol 2011;28:369–73. [9] Gouliouris T, Aliyu SH, Brown NM. Spondylodiscitis: update on diagnosis and management. J Antimicrob Chemother 2010;65:iii11–24. [10] Bollini G, Jouve JL. Spondylodiscites non tuberculeuses de l’enfant. In: Les infections ostéoarticulaires de l’enfant. Monographie du groupe d’étude en orthopédie pédiatrique. Montpellier: Sauramps médical; 1995 [ISBN 2-84023078-X]. [11] Dormans JP, Moroz L. Infections and tumor of the spine in children. J Bone Joint Surg Am 2007;89:79–97.
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Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent J. Lechevallier, J. Leroux, S. Abu Amara Le diagnostic de la scoliose idiopathique de l’enfant ou de l’adolescent repose sur un dépistage qui doit être aussi précoce que possible. Les signes fonctionnels sont peu fréquents, voire absents au début de l’évolution. Il est donc indispensable d’acquérir une bonne connaissance des principaux signes cliniques et de la méthode d’examen. L’évaluation des facteurs d’évolutivité permet de déterminer une stratégie de surveillance. La décision d’un traitement orthopédique (par corset) ou a fortiori chirurgical est du ressort du praticien spécialisé en orthopédie pédiatrique. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Scoliose idiopathique ; Enfant ; Adolescent ; Facteurs d’évolutivité ; Corset ; Gibbosité
Plan ■
Introduction
1
■
Origine de la scoliose idiopathique Interrogatoire Examen clinique
1 1 2
■
Imagerie Radiographie Imagerie par résonance magnétique
5 5 6
■
Traitement Mesures médicales Traitement orthopédique Traitement chirurgical
6 6 8 10
Conclusion
10
■
• la prédisposition génétique est un fait incontestable. Il est courant de retrouver au sein d’une même fratrie ou parmi les ascendants plusieurs porteurs de scoliose idiopathique structurale (Fig. 1) [1] ; • la plus grande fréquence de la scoliose chez la fille (80 % de scoliose idiopathique) ; • l’existence d’un dysfonctionnement du système nerveux central est fort probable. En effet, plusieurs études ont montré des dysfonctionnements labyrinthiques, des anomalies de la proprioception et de l’activité électroencéphalographique.
Interrogatoire Les informations issues de l’anamnèse sont classiques.
Antécédents familiaux
Introduction La scoliose est une déformation tridimensionnelle de la colonne vertébrale, dont les critères de diagnostic sont très précis. Dans plus de 80 % des cas la scoliose est idiopathique. Son diagnostic doit être fait aussi précocement que possible, et en particulier avant l’apparition de signes fonctionnels grâce à un dépistage clinique qui permet de mettre en œuvre un traitement adapté. L’évolutivité de la scoliose est appréciée sur des paramètres cliniques et radiologiques. L’objectif de la prise en charge précoce est donc d’en empêcher ou d’en ralentir l’aggravation afin de prévenir l’apparition des complications qui sont observées le plus souvent à l’âge adulte.
Origine de la scoliose idiopathique L’étiologie de la scoliose idiopathique reste inconnue. Néanmoins, certains faits sont objectivement observés dans le suivi des patients porteurs :
L’interrogatoire est mené à la recherche d’un antécédent familial de scoliose structurale. Très souvent, les parents signalent qu’eux-mêmes ou d’autres membres de la famille ont été pris en charge dans leur adolescence pour une « scoliose ». Cet élément doit être précisé car il y a souvent une confusion dans le public entre une pathologie vertébrale, fréquemment bénigne, et une scoliose structurale. Il est facile de vérifier en consultation le dos des parents présents à la recherche d’une gibbosité. Sans que cela puisse être un critère formel, on peut demander si un membre de la famille a été traité orthopédiquement ou opéré à l’adolescence.
Antécédents de l’enfant Cette partie du questionnaire fait partie de la routine d’un interrogatoire de consultation. Dans l’éventualité d’une étiologie particulière à la scoliose, on recherche tout de même plus spécifiquement les antécédents en période néonatale.
Signes fonctionnels Les signes fonctionnels ne sont pas habituels dans le cadre de la scoliose idiopathique de l’enfant ou de l’adolescent. Néanmoins,
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A
B
C
Figure 1. Forme familiale de scoliose idiopathique. La grand-mère (A) présentait à l’âge de 18 ans une scoliose thoracique droite de 96◦ . La mère (B) présentait à l’âge de 10 ans une scoliose thoracique droite de 45◦ , et le fils (C) une scoliose thoracique droite de 20◦ à l’âge de 5 ans. On note en outre l’âge précoce du dépistage chez ce fils qui a permis un traitement précoce et l’arrivée à maturité avec un rachis aligné.
les épisodes douloureux sont assez fréquents chez l’enfant en période de croissance. Pour Taimela et al. [2] , 18 % à 19 % des adolescents de 14 à 18 ans interrogés à titre systématique signalent avoir présenté des phénomènes de rachialgies au cours de l’année précédant la date de l’interrogatoire. Ainsi, et bien que le lien entre scoliose et douleur rachidienne ne soit pas établi, le praticien est souvent amené à faire le diagnostic de la scoliose dans le cadre du bilan de rachialgies. Il a même été montré une plus grande fréquence des phénomènes douloureux qui apparaissent après l’annonce du diagnostic de scoliose structurale. Enfin, l’existence de phénomènes douloureux doit faire rechercher une pathologie associée.
Examen clinique Il est réalisé sur un enfant debout, torse nu (la jeune fille peut conserver ses sous-vêtements). Le cas échéant, en cas d’asymétrie de longueur des membres inférieurs, on peut utiliser une planchette du côté court afin d’équilibrer le bassin. On observe l’enfant de face, puis de dos, de profil et en antéflexion.
Diagnostic positif de la scoliose La scoliose est une déformation dont les caractères sont visibles dans les trois plans de l’espace. On observe l’enfant en position debout, de face d’abord, puis de profil, puis de dessus et enfin en position couchée. Dans le plan frontal (Fig. 2) On recherche principalement : • un déséquilibre du tronc à l’aide d’un fil à plomb positionné au niveau de l’épineuse de C7. Ce déséquilibre se manifeste aussi par le signe de la « lucarne » qui correspond à l’espace libéré entre le tronc et le membre supérieur du côté du déséquilibre ; • une surélévation de l’une des deux épaules ; • une saillie de l’une des deux scapula (omoplates) ; • une asymétrie des plis de taille.
Dans le plan sagittal (Fig. 3) On recherche une diminution de l’amplitude des courbures habituellement observées : la cyphose thoracique physiologique est réduite pour faire place à un dos plat, voire à un dos creux : il s’agit d’une lordoscoliose. De même, la lordose lombaire est légèrement effacée. La mesure de ces éléments est assurée plus précisément à l’aide d’un fil à plomb. L’aggravation de la cyphose thoracique (« cyphoscoliose ») est exceptionnelle dans les scolioses idiopathiques (Fig. 4) ; elle est alors le fait des déformations très sévères. Elle est plus souvent le fait des scolioses associées à une malformation congénitale (scoliose ou cyphose congénitale), une dystrophie osseuse ou à une pathologie neurologique.
“ À retenir La scoliose idiopathique est une lordoscoliose.
Dans le plan horizontal Cette observation est classiquement faite « vue du dessus ». Certains cliniciens utilisaient un miroir placé au-dessus de la place d’examen. En fait, le même objectif est atteint en plac¸ant le patient de face ou de dos, en lui demandant de joindre les mains et de se pencher en avant, de sorte que l’examinateur en position assise peut porter un regard tangentiel au dos du patient (Fig. 5). Après avoir mesuré la « distance mains-sol » qui apprécie la souplesse de la colonne vertébrale, l’examinateur observe le dos de fac¸on tangentielle, ce qui lui permet de mettre en évidence la gibbosité dans la région thoracique, thoracolombaire ou lombaire (Fig. 6). Cette gibbosité témoigne de la rotation des vertèbres qui emmènent avec elles le gril costal dans la région thoracique ou les masses musculaires paravertébrales dans la région lombaire.
Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent 8-0450
Figure 2. Déformations dans le plan frontal. On observe ici le léger déséquilibre du tronc sur la gauche, la surélévation de l’épaule droite, l’asymétrie du thorax, matérialisée par la « lucarne » gauche entre le tronc et le membre supérieur gauche. On observe enfin l’asymétrie des omoplates, la droite étant surélevée et la gauche plus saillante. Ce garc¸on présente une scoliose thoracique droite.
Figure 3. Déformation dans le plan sagittal. La lordoscoliose est la déformation habituelle spécifique de la scoliose idiopathique. Noter que cette jeune fille présente un dos creux (inversion de la lordose thoracique).
Cette gibbosité est l’élément pathognomonique de la scoliose. L’absence de gibbosité permet d’éliminer le diagnostic de scoliose structurale. C’est la recherche de la gibbosité qui est la seule et la plus efficace modalité de dépistage de la scoliose. Habituellement, dans le cadre de la scoliose idiopathique, la gibbosité est thoracique droite, thoracolombaire droite ou lombaire gauche. Si la latéralisation de la gibbosité est différente, on doit remettre en question l’hypothèse de la scoliose idiopathique (cf. infra). Quand la rotation vertébrale est de forte amplitude, elle devient visible de face avec la gibbosité thoracique antérieure. Chez la fille, elle est responsable d’une asymétrie mammaire, le sein gauche paraissant plus proéminent que le droit (Fig. 7).
Par définition, ce bilan est négatif dans le cadre de la scoliose idiopathique. On recherche : • des anomalies cutanées (taches café-au-lait de la neurofibromatose, angiomes plans sur la ligne médiane témoignant d’une anomalie malformative) ; • des stigmates d’une maladie des tissus élastiques (Marfan) : taille élevée, hyperlaxité tissulaire, hyperextension des coudes, arachnodactylie, déformation thoracique en « entonnoir ». En cas de suspicion clinique, un examen ophtalmologique est demandé (luxation des cristallins), de même qu’un examen cardiologique (insuffisance valvulaire et ectasie aortique) ; • l’examen neurologique est essentiel : réflexes ostéotendineux, réflexes cutanés plantaires, réflexes cutanés abdominaux, examen de la sensibilité cutanée, du tonus et de la force musculaires.
“ À retenir La gibbosité est le signe clinique pathognomonique de la scoliose. Le dépistage peut reposer sur lui seul.
Bilan étiologique Le bilan étiologique est réalisé dans le même temps que le bilan clinique.
Bilan pronostique Le pronostic évolutif d’une scoliose diagnostiquée repose sur certains caractères cliniques et sur l’appréciation du potentiel résiduel de croissance de l’enfant. Facteurs cliniques de risque d’évolutivité L’importance de la lordose et celle de la rotation des vertèbres (gibbosité) sont les principaux facteurs de risque d’évolutivité de la scoliose idiopathique. Croissance L’appréciation du niveau statural de l’enfant lors de la première consultation permet de le positionner à partir de valeurs standard
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L
T
Figure 5. Examen du patient à la recherche d’une gibbosité. Le patient est placé face à l’examinateur qui porte un regard tangentiel au dos de l’enfant dans le secteur thoracique (T) ou lombaire (L).
des courbes de croissance. La mesure de la taille debout est complétée par la mesure de la taille assis qui évalue de fac¸on plus précise la longueur du tronc, comparativement à celle des membres inférieurs. Ces mesures doivent être répétées à chaque contrôle de consultation pour avoir une appréciation plus fine de la vélocité de la croissance. Cette surveillance est particulièrement utile quand l’âge osseux de l’enfant n’est pas concordant avec l’âge civil. Figure 4. La cyphoscoliose est une déformation de plus en plus exceptionnelle dans le cadre des scolioses idiopathiques. Elle apparaît alors dans les formes très sévères, ici chez une enfant porteuse d’une scoliose infantile non traitée.
Maturation pubertaire L’appréciation de la maturation pubertaire repose sur des critères cliniques et radiologiques. On note en particulier les signes de maturation de la pilosité axillaire et pubienne, des seins ou des
1
1 2
A
B
Figure 6. La gibbosité est le témoin clinique de la rotation des vertèbres (A). À ce titre, elle est pathognomonique de la déformation scoliotique. La gibbosité est visible sous la forme d’une voussure du gril costal emporté par la rotation vertébrale en arrière du côté convexe (B). L’amplitude de la gibbosité (2) correspond à la distance entre une ligne virtuelle tangentielle à la partie la plus saillante de la gibbosité et le dos à un point équidistant par rapport à la ligne médiane du sommet de la gibbosité (1).
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“ Point important Aucun critère de maturité pris isolément ne peut suffire à déterminer la croissance résiduelle du patient et donc le potentiel évolutif de sa scoliose. En particulier, le fait qu’une jeune fille soit réglée ne permet pas de conclure que sa scoliose n’évoluera pas. Au contraire, sa scoliose peut encore évoluer au cours des deux années suivantes. Il est donc essentiel de s’appuyer sur l’ensemble des paramètres d’évaluation de la maturité pour établir un pronostic d’évolutivité résiduelle de la scoliose.
Figure 7. Gibbosité thoracique antérieure. Cette jeune fille présente une scoliose thoracique droite. Elle a donc une gibbosité thoracique postérieure droite. Cette rotation vertébrale se manifeste aussi en avant avec une gibbosité thoracique antérieure gauche qui donne l’impression d’un sein gauche plus développé que le droit.
testicules qui sont cotés selon la classification de Tanner. Chez la fille, enfin, on note la date d’apparition des premières règles. Au plan radiologique, le test de Risser permet d’évaluer la maturité de la colonne vertébrale. En effet, la maturation de la crête iliaque se fait de fac¸on presque contemporaine de celle du rachis. On recherche en outre, au niveau du bassin, la situation des cartilages de croissance : le cartilage en Y au niveau du fond du cotyle, les cartilages de croissance de l’extrémité supérieure du fémur. L’ouverture de l’ensemble de ces cartilages témoigne d’une immaturité squelettique et d’un fort potentiel de croissance résiduelle. Leur soudure témoigne en revanche d’une maturité avancée. On regarde aussi sur le cliché de profil la morphologie des corps vertébraux dont les faces sont plutôt convexes chez le jeune enfant et concaves à la maturité. Enfin, il est possible de demander au radiologue de mesurer l’âge osseux (radiographie du coude ou de la main gauche).
Imagerie Radiographie La radiographie du rachis ne constitue pas un examen complémentaire de dépistage de la scoliose mais les clichés radiographiques font partie du bilan initial d’une scoliose diagnostiquée pour évaluer son amplitude, surveiller son évolutivité, rechercher son étiologie, vérifier l’efficacité du traitement appliqué, apprécier la maturité squelettique, etc. Le premier bilan est un cliché du rachis en entier de dos et un autre du rachis en entier de profil, essentiel pour apprécier
A
B
Figure 8. Clichés standard du rachis. Le bilan de départ d’une scoliose idiopathique comprend un panoramique du rachis postéroantérieur (A) et un autre de profil en position debout (B). L’ensemble du rachis doit être visible sur les deux incidences pour avoir une bonne visibilité de la statique et de ses perturbations.
l’amplitude de la déformation et la statique rachidienne dans son ensemble (Fig. 8). L’incidence de dos est privilégiée par rapport à celle de face (limitation de l’irradiation de la thyroïde, des seins et des gonades). Cette incidence inclut la base du crâne et les deux têtes fémorales. À l’identique du cliché de dos, l’incidence de profil doit inclure sur le même cliché les conduits auditifs externes et les deux têtes fémorales. Les vues segmentaires du rachis thoracique et/ou du rachis lombaire, pourtant couramment pratiquées, ne sont d’aucune utilité pour l’analyse de la statique rachidienne.
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Figure 9. Mesure de l’angle de Cobb. La mesure de l’angle de Cobb est le moyen le plus simple de chiffrer l’amplitude d’une déformation et d’en surveiller l’évolution. On doit repérer dans un premier temps les deux vertèbres limites (vertèbres le plus inclinées sur l’horizontale). On trace une ligne tangentielle au plateau inférieur de la vertèbre limite inférieure (2), puis une autre ligne tangentielle au plateau supérieur de la vertèbre limite supérieure (1). L’angle réalisé par ces deux lignes est l’angle de Cobb.
Les clichés centrés ne sont demandés le cas échéant et en seconde intention que pour analyser une anomalie suspectée sur les clichés d’ensemble. L’imagerie EOS, actuellement en plein essor, n’est disponible que dans un petit nombre d’établissements en France. Elle permet d’apporter une vision globale du rachis d’aussi bonne qualité que les radiographies standard avec une moindre irradiation (10 % à 20 % de l’imagerie traditionnelle). Cette technique est d’utilisation idéale dans le cadre du suivi d’une scoliose traitée dont les contrôles sont répétés régulièrement. De nombreuses mesures peuvent être réalisées sur les clichés radiographiques standard. Celles-ci sont la base du diagnostic et de la surveillance avec une relative objectivité. L’angle de Cobb est la mesure le plus couramment réalisée (Fig. 9). On évalue ainsi l’amplitude de la courbure principale et des courbures annexes. La même technique est utilisée pour mesurer les courbures sagittales. La mesure de la rotation vertébrale est faite sur la vertèbre sommet de la scoliose sur l’incidence de dos (Fig. 10).
“ À retenir L’analyse de la statique du rachis se fait sur des clichés du rachis en entier de dos et de profil.
Imagerie par résonance magnétique L’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être demandée dans le cadre du bilan étiologique quand une anomalie médullaire est suspectée, en particulier une tumeur ou une syringomyélie
Figure 10. Mesure de la rotation des vertèbres. Celle-ci est appréciée sur la vertèbre sommet. Parmi les différentes méthodes utilisées, on retient la méthode de Cobb qui tient compte de la position de l’épineuse et la méthode de Perdriolle qui identifie la position des pédicules.
(Fig. 11). L’IRM permet en outre d’apprécier la qualité et la morphologie des cartilages de croissance des plateaux vertébraux dans les pathologies malformatives. Elle n’a pas sa place dans le bilan systématique. Il en est de même des autres explorations complémentaires, tomodensitométrie, scintigraphie, etc.
Traitement Dès lors que la preuve de l’évolutivité de la déformation est faite, voire en l’absence de cette preuve si les caractères de la scoliose sont péjoratifs (déformation déjà sévère, forte gibbosité, lordose thoracique), on doit mettre en place un traitement qui repose sur un arsenal de moyens orthopédiques et chirurgicaux.
Mesures médicales Rééducation La place de la rééducation est controversée. La preuve de son efficacité n’est pas faite en raison de la difficulté de constituer des séries homogènes de patients traités, de surcroît selon un programme thérapeutique reproductible [3] . En outre, il faut bien reconnaître que les modalités de la prise en charge de rééducation des enfants sont très hétérogènes d’un cabinet de rééducation à l’autre. Quoi qu’il en soit, la place de la rééducation est défendue, particulièrement par les médecins rééducateurs et les kinésithérapeutes [4] . La rééducation garde toutefois une place importante dans certaines situations : • rééducation respiratoire des jeunes enfants porteurs de scoliose infantile et traités orthopédiquement. La qualité du développement pulmonaire en dépend directement ; • en cas de rachialgies, elle permet de lever les contractures musculaires et contribue au rééquilibrage du rachis ; • dans la période de préparation à la chirurgie, elle contribue à l’assouplissement du rachis pour en améliorer la réductibilité ;
Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent 8-0450
A
B
C
Figure 11. Scoliose dans le cadre d’une syringomyélie : cette jeune fille de 14 ans présente une scoliose thoracique gauche (A) identifiable par sa gibbosité gauche (B) et par la convexité gauche de sa courbure sur le cliché de dos (C). L’examen neurologique retrouvait une abolition des réflexes cutanés abdominaux. L’imagerie par résonance magnétique mettait en évidence une volumineuse cavité syringomyélique cervicale (D).
D
• en postopératoire et en fin de période de croissance, elle est utile pour la récupération d’une bonne capacité respiratoire, pour l’école du dos (port de charges, positions de travail, mode de lever, etc.).
Autres consignes d’hygiène physique Il est important de souligner que les activités sportives, quelles qu’elles soient, ne sont pas contre-indiquées chez l’enfant scoliotique, bien au contraire [5] . On les recommande même volontiers dans l’objectif d’entretenir la souplesse, renforcer la musculature, développer la capacité respiratoire. En particulier il n’a jamais été démontré qu’un cartable dont le poids est effectivement déraisonnable au collège a une responsabilité dans le développement ou l’aggravation d’une scoliose. On
peut en revanche admettre que des rachialgies peuvent être soulagées par l’allègement du port des charges (attribution d’un casier de rangement au collège et attribution d’un double contingent de livres). Enfin, les sports dits asymétriques (sports de lancer en général et tennis en particulier) n’ont aucune raison d’être contre-indiqués.
“ Point important L’enfant scoliotique doit être encouragé à la pratique sportive. La dispense n’est jamais requise.
8-0450 Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent
A
B
C
Figure 12. Le corset de Caen impose une hypercorrection du rachis en le plac¸ant en situation de bending (A). Il ne peut être porté qu’en position couchée 8 heures sur 24. Cette jeune fille de 12 ans présente une scoliose idiopathique thoracique droite (B) ramenée à 0◦ en corset (C).
L’asymétrie musculaire n’est en effet acquise qu’au prix d’une pratique intensive. Son existence n’est en outre même pas connue pour être responsable du développement des scolioses.
Traitement orthopédique Traditionnellement, le traitement était utilisé pour enraidir le rachis en position de meilleure correction (Stagnara). Les différents corsets développés ces dernières années ont plutôt pour objectif de redresser au mieux le rachis et, en déchargeant les vertèbres dans la concavité de la déformation, de stimuler leur croissance dans le même secteur.
Méthodes Nous ne détaillons pas les différents appareillages de l’arsenal dont dispose l’orthopédiste. Deux grandes catégories de techniques sont utilisées. Corsets dynamiques Le représentant de cette catégorie le plus connu est le corset de Milwaukee. Il a pour objectifs de susciter une autoélongation de l’enfant par un anneau cervical dont l’enfant cherche à se dégager en se redressant. Les appuis sur la (ou les) gibbosités sont reliés à des mats par des sangles souples de sorte que les mouvements respiratoires sont préservés. Cette technique est très mal perc¸ue par les grands enfants et les adolescents en raison de son caractère contraignant et disgracieux. Elle n’est plus guère utilisée dans cette indication. En revanche, elle garde toute sa place chez le jeune enfant (scolioses infantiles), chez qui elle est bien tolérée et remarquablement efficace.
Corsets passifs Ils ont pour effet de corriger les déformations par appui sur la convexité de la courbure soit directement au niveau du rachis lombaire, soit par l’intermédiaire du gril costal au niveau du rachis thoracique : corset plexidur, corset de Boston, corset de Cheneau (CTM). Dans les formes sévères on associe une force de distraction du rachis avec une têtière (corset garchois). Dans les traitements d’attaque ou au cours des poussées évolutives on fait appel au corset plâtré (extension-dérotation-flexion [EDF]). Les corset de port nocturne basés sur le principe de l’hypercorrection semblent apporter des résultats de bonne qualité, particulièrement sur les courbures simples. Ils exploitent le concept du plus grand potentiel de croissance en période nocturne. Ils ont le grand avantage de laisser au patient une totale liberté dans la journée (Fig. 12).
Indications Nous ne détaillons pas les critères de choix des différents traitements qui dépendent de l’âge de l’enfant, de sa morphologie, du niveau de la courbure, de son évolutivité, de sa compliance au traitement, etc. La décision de la mise en route d’un traitement orthopédique repose sur la notion d’évolutivité de la scoliose. C’est finalement le spécialiste en orthopédie pédiatrique qui est amené à prendre la décision thérapeutique. En pratique, deux situations se présentent : • la scoliose est de faible amplitude (moins de 20◦ et gibbosité de moins de 20 mm), et l’enfant n’est pas en période de croissance pubertaire. Dans ce cas, il est raisonnable d’attendre la preuve de l’évolutivité de la déformation avant de mettre en route le traitement orthopédique. Un délai de 4 à 6 mois au maximum doit être fixé entre deux contrôles.
Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent 8-0450
C
B
A
D
Scoliose infantile régressive. Cette fillette de 2 ans présente une sévère scoliose thoracolombaire gauche de 60◦
Figure 13. (A, B). Le traitement orthopédique est confié à un corset de Milwaukee (C). La correction est obtenue à l’âge de 6 ans (D). La surveillance est maintenue jusqu’à la fin de la croissance.
A
B
C
Figure 14. Arthrodèse vertébrale postérieure. Jeune fille présentant une scoliose thoracique droite évoluée malgré un long traitement orthopédique. Elle atteint 78◦ à l’âge de 16 ans alors que sa puberté n’est pas achevée (A à C).
8-0450 Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent
D Figure 14. (D à F).
E
F
(suite) Une arthrodèse vertébrale postérieure est réalisée avec un bon résultat fonctionnel et anatomique au recul de 7 ans postopératoires
L’évolutivité est reconnue si la perte angulaire entre deux radios est supérieure ou égale à 5◦ en retenant les mêmes repères de mesure. En l’absence de preuve d’évolutivité, le contrôle est répété une à deux fois par an, en fonction de l’aspect clinique de la déformation, jusqu’à la fin de la croissance ; • la scoliose est d’amplitude plus élevée (plus de 20◦ ou forte gibbosité), ou l’enfant est en phase de croissance rapide. Dans ce cas, il est imprudent d’attendre la preuve d’une aggravation pour prendre une décision thérapeutique qui peut constituer une perte de temps et donc de chance.
“ Point important Le risque évolutif de la scoliose persiste tant que la croissance pubertaire n’est pas achevée. Une surveillance étroite clinique et éventuellement radiologique est indispensable. L’apparition des premières règles ne constitue pas en particulier un élément formel de maturité et ne saurait justifier une suspension de la surveillance.
Résultats attendus Chez le jeune enfant, le traitement orthopédique permet, dans la forme dite « régressive », d’obtenir une amélioration, voire une guérison de la déformation (Fig. 13). De même, les scolioses juvéniles peuvent tirer bénéfice du traitement orthopédique avec une diminution d’amplitude qui est d’autant plus faible que l’on s’approche de la période pubertaire. Dans beaucoup de cas, l’objectif raisonnable devient de mener l’adolescent à sa maturité à une valeur de déformation identique à ce qu’elle était au moment de sa prise en charge.
Traitement chirurgical Le recours au traitement chirurgical est requis en cas d’échec des autres procédures ou quand la scoliose est découverte avec une amplitude qui ne laisse plus de doute sur ses risques d’évolutivité future à l’âge adulte, associée à ses complications respiratoires, fonctionnelles et cosmétiques. Le traitement chirurgical consiste à associer la correction de la déformation à l’aide d’implants métalliques à une fusion osseuse (arthrodèse). Cette chirurgie est pratiquée par voie antérieure, par voie postérieure, ou par l’association des deux en un ou plusieurs temps. Tant sur le plan historique que sur le plan pratique, l’arthrodèse vertébrale par voie postérieure est le plus couramment pratiquée (Fig. 14). Les indications de l’abord antérieur sont retenues par certains quand la courbure est thoracique basse, thoracolombaire ou lombaire. Elle a l’avantage d’éviter la dévascularisation des muscles paravertébraux provoquée par l’abord postérieur, et de permettre une meilleure dérotation vertébrale. Elle est pratiquée dans certains cas sous thoracoscopie.
Conclusion La scoliose est une déformation tridimensionnelle du rachis habituellement asymptomatique chez l’enfant et l’adolescent. Son diagnostic ne peut donc qu’être le fruit d’une attitude de dépistage systématique dans le cadre de toute consultation médicale. La gibbosité est le signe pathognomonique de la scoliose, qui témoigne de l’amplitude de la rotation vertébrale. Son traitement orthopédique, mis en œuvre par le chirurgien orthopédiste est requis dès que la preuve de son évolutivité est faite, ou si la morphologie ou l’amplitude de la déformation est à risque. Il permet souvent d’en ralentir, voire d’en stopper l’évolutivité et d’éviter la survenue d’une déformation nécessitant un traitement chirurgical précoce, à l’adolescence ou à l’âge adulte.
Scoliose idiopathique de l’enfant et de l’adolescent 8-0450
Références
Pour en savoir plus
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OSTÉOCHONDROSE, POLYOSTÉOCHONDROSE
Genou
Synonymes
Définition
Osteochondrosis, polyosteochondrosis.
C’est une apophysite de traction microtraumatique. Le ligament patellaire tire sur la tubérosité tibiale antérieure (TTA) arrachant des petits morceaux de cartilage et d’os. Le sport favorise cette affection. Le noyau d’ossification secondaire de l’apophyse tibiale antérieure apparaît vers 10 ans chez la fille et 12 ans chez le garçon. Sexe : garçon entre 10 et 15 ans. Asymétrique, elle prédomine d’un côté mais l’atteinte mineure controlatérale est fréquente (30 %), parfois décalée dans le temps. Fréquence : c’est l’apophysite la plus fréquente. Sports : ski, athlétisme, football, judo, etc.
Définition L’ostéochondrose de croissance est une perturbation de l’ossification enchondrale qui touche les noyaux d’ossification épiphysaires ou apophysaires. Le terme d’ostéochondrite est inadapté puisqu’il n’y a pas de participation infectieuse et que la composante inflammatoire est minime ou absente. Il est néanmoins consacré par l’usage. Au genou on distingue les ostéochondroses apophysaires (maladie d’Osgood-Schlatter, de Sinding Larsen), les variantes de l’ossification, les véritables ostéochondrites disséquantes épiphysaires des condyles fémoraux (décrites initialement par König), de la patella et de la trochlée fémorale. Nous n’envisagerons pas la maladie de Blount qui est une ostéochondrite métaphysaire exceptionnelle. Le pronostic est très différent selon qu’il s’agit d’une ostéochondrose apophysaire, au pronostic bénin, ou d’une ostéochondrite articulaire épiphysaire, dont les risques essentiels sont la libération d’un fragment libre ostéochondral et à long terme l’arthrose. Ces maladies sont découvertes entre 12 et 15 ans et il peut être très difficile de faire la différence entre une simple variante de la normale qui va guérir sans séquelles et une véritable ostéochondrite.
Clinique La tubérosité est douloureuse, un peu tuméfiée, sensible à la pression et l’effleurement. La « mise à genou » est douloureuse. La douleur est mécanique, calmée par le repos. Examen : genou sec, patella normale, mobilité normale (fig. 39-1).
Biologie Normale.
Radiographies standards
OSTÉOCHONDROSES APOPHYSAIRES
M ALADIE
D ’O SGOOD -S CHLATTER
Face et surtout profil de genou. À un stade précoce de la maladie lorsque les signes cliniques sont bruyants, la radiographie est normale ou presque : simple œdème des parties molles prépatellaires. À un stade plus tardif, alors même que les douleurs ont tendance à s’estomper, à devenir plus chroniques voire intermittentes, les signes radiologiques apparaissent : aspect fragmenté de la TTA avec des ossifications à distance de la diaphyse, hétérotopiques, dans le tendon (fig. 39-2).
Synonyme
IRM
Osgood-Schlatter Disease (OSD), tibial osteochondrosis.
Séquences DP FS dans les 3 plans ± T1. Inutile au diagnostic, elle permet d’éliminer une tumeur cartilagineuse en présence d’une forme strictement unilatérale et de participer à l’établissement du pronostic. La TTA est peut-être hypertrophiée et fragmentée et en hypersignal intermédiaire, mais ce sont surtout les signes sur les parties molles qui dominent et sont constants, ce qui fait que l’OSD s’apparente plus, en imagerie magnétique, à une tendinopathie qu’à une apophysite. La bourse rétropatellaire (infrapatellaire profonde) ou prépatellaire est distendue (45 %). Le tendon patellaire est en hypersignal distal à proximité de l’insertion sur la TTA. Un ossicule, en avant de la TTA, est visible dans 32 % des cas. Il ne faudra pas confondre cet ossicule avec l’aspect fragmenté de la TTA elle-même. Un œdème de la TTA et de l’épiphyse tibiale est fréquent en phase aiguë. Sa disparition et celle des signes cliniques signent l’évolution vers la guérison (fig. 39-3 et 39-4).
Figure 39-1. Osgood-Schlatter. Aspect proéminent des TTA.
Ostéochondrose, polyostéochondrose
2
1 2 a1 a2 b1 b2
1
Figure 39-2. Osgood-Shlatter. Radiographie profil (ab) : aspect érodé de la TTA avec ossicule rétrotendineux (flèche). a2) Érosion de la TTM. 2. Fémur. b2) 1. Fragment ossifié. 2. TTA.
a b
Figure 39-3. Osgood-Schlatter. Homme, 15 ans. IRM DP FS sagittale (a) et axiale (b) : œdème de la TTA (flèches) et épaississement de l’insertion distale du ligament patellaire. Œdème prépatellaire (têtes de flèche).
a b c d
Figure 39-4. Osgood-Schlatter. Homme 16 ans, douleur de la TTA depuis 2 ans. IRM T1 sagittale (ab) et DP FS sagittale (cd) : bursite infrapatellaire profonde (flèche), tuméfaction en avant du ligament patellaire et à son insertion (tête de flèche). Petits corps étrangers ossifiés en avant de la tubérosité (flèches courtes).
Genou
Évolution
Traitement
Favorable en quelques mois au prix d’une hypertrophie résiduelle de la TTA n’entravant pas l’activité sportive ultérieure. Les complications sont exceptionnelles. On cite souvent le risque d’arrachement de la TTA. C’est un accident rare. Ogden a individualisé trois types d’arrachement : – type 1 : décollement isolé de la TTA; – type 2 : décollement de la TTA et d’une partie de l’épiphyse; – type 3 : le plus fréquent, arrachement apophyso-épiphysaire de l’extrémité supérieure du genou. C’est un accident du grand adolescent lorsque l’apophyse s’est intégrée à l’épiphyse. Il est consécutif à un saut avec impulsion (triple saut, saut en longueur), entraînant un verrouillage brutal de l’appareil extenseur du genou. Il s’apparente aux décollements apophysaires sauf que la TTA, qui est soudée à l’épiphyse, l’entraîne dans son décollement. Il se traduit par une hémarthrose douloureuse et une impotence fonctionnelle totale. La radiographie montre le décollement de l’extrémité supérieure proximale du genou (fig. 39-5).
Repos ou réduction des activités physiques. En période aiguë : port d’une genouillère. La chirurgie est exceptionnellement indiquée : ablation de calcifications hétérotopiques (fig. 39-6).
Diagnostic différentiel BURSITES PRÉPATELLAIRES ANTÉRIEURES Synonymes
Superficial infrapatellar bursitis, prepatellar bursitis, housemaid’s knee, preacher’s, clergyman’s knee. Physiopathologie
C’est une bursite sous-cutanée qui apparaît après la naissance, acquise, microtraumatique. Il existe trois bourses antérieures : – prépatellaire, la plus fréquente : entre la peau et le fascia arciforme du ligament iliotibial qui passe en pont en avant de la patella; – infrapatellaire superficielle également fréquente (en avant de la TTA et du ligament patellaire); – infrapatellaire profonde rare (en arrière du ligament et en avant de la TTA). Une petite quantité de liquide est constante dans cette bourse. Clinique
a b
Figure 39-5. Arrachements de la TTA et de l’épiphyse (Ogden 3). L’ostéosynthèse doit être le plus atraumatique possible (risque d’épiphysiodèse).
Apanage des travailleurs « à genou », elle se traduit par une tuméfaction souvent inflammatoire, chaude, rouge, centrée sur la patella (bursite prépatellaire) ou plus bas en avant de la TTA et du ligament, fluctuante (bursite infrapatellaire superficielle). L’examen montre un genou douloureux à la flexion mais sec, sans flessum. Femme > homme (prépatellaire). Homme > femme (infrapatellaire superficielle). Il faut éliminer un sepsis de cette bourse qui est pratiquement la seule avec l’hygroma olécrânien à s’infecter (30 %). La contamination est percutanée (excoriation cutanée) et le staphylocoque doré est en cause dans 80 % des cas. Il s’agit d’hommes dans 73 % des cas, moyenne d’âge 50 ans, on note une influence saisonnière (été, printemps). Les facteurs favorisants sont l’alcool, le diabète, une corticothérapie locale ou générale et l’immunodépression, notamment le VIH. Elle est rare dans la PR et les rhumatismes inflammatoires. Un traumatisme aigu peut être responsable (bursite post-traumatique). La sarcoïdose est exceptionnellement en cause. La ponction de la bourse devra être strictement extra-articulaire pour ne pas ensemencer le genou. Rarement une ostéomyélite s’accompagnera d’une bursite prépatellaire. Biologie
Normale. Ponction de la bourse septique : liquide ± puriforme contenant une majorité de leucocytes ± altérés (10 00030 000/mL). Germe à la culture (le plus souvent un staphylocoque aureus ou autre et streptocoque). Radiographie standard Figure 39-6. Ablation de corps étrangers ostéochondromateux douloureux rétrotendineux.
Des calcifications sont possibles dans les formes chroniques (fig. 39-7).
Ostéochondrose, polyostéochondrose
Des corps étrangers ostéochondromateux (hyposignal T1et T2) ou riziformes, surtout dans la PR (isosignal T1 et hyposignal T2), sont possibles. Forme clinique : bursite hémorragique prépatellaire chronique
Figure 39-7. Bursite infrapatellaire superficielle calcifiée.
IRM
Séquences DP FS dans les 3 plans ± T1 avec injection de gadolinium IV. La bursite ronde ou ovale, bien limitée, est en avant de la patella. Elle est en hyposignal intermédiaire T1, car elle contient souvent du sang et de la fibrine, et franc hypersignal T2. La paroi prend le contraste en T1.
C’est un piège clinique et en imagerie. Elle se présente comme une masse pseudotumorale chronique, sensible, peu douloureuse, mobile sur les plans profonds et superficiels, ronde ou ovalaire (lipome? sarcome synovial des parties molles?). L’antécédent traumatique est parfois très ancien (2-3 ans) et oublié. Ce qui est sûr, c’est que la masse n’a pas évolué en taille. L’échographie montre une masse « solide », échogène, homogène, avec parfois, un renforcement postérieur qui doit faire évoquer l’origine liquidienne initiale. L’étude Doppler montre des flux lents intralésionnels. Des calcifications grossières en plaques sont parfois visibles. L’IRM montre deux tableaux distincts : – soit une masse bien limitée en situation bursale typique, de signal intermédiaire T1, hypersignal T2 homogène. Après C + rehaussement pariétal périphérique des bursites et le diagnostic devient facile (fig. 39-8); – soit l’hygroma est remanié, le siège d’un granulome chronique gigantocellulaire et la masse n’est pas distinguable d’une tumeur bénigne (hyposignal T1 hypersignal T2 et prise homogène de gadolinium) (fig. 39-9).
2 1 3
4
3
6 4
2 1
a1 a2 b1 b2 c
Figure 39-8. Bursite hémorragique prépatellaire depuis 1,5 an après rupture du LCA, pas d’évolution. Échographie coupe longitudinale : masse échogène « solide » avec renforcement postérieur, homogène (flèche) (a). IRM DP FS et T1 sagittale (bc) : masse bien limitée ovale infrapatellaire antérieure non infiltrante de signal intermédiaire T1 égal à celui des muscles et hyper T2 un peu moins intense que les liquides purs (têtes de flèche). a2) 1. Masse. 2. Peau. 3. Renforcement postérieur. 4. Patella. b2) Bursite en hypersignal relatif T1. 2. Ligament patellaire. 3. T. quadricipital. 4. LCP. 5. M. gastrocnémien médial. 6. LCA.
Genou
a d b1 b2 c
1 2
6
3 5
4
Figure 39-9. Bursite prépatellaire chronique pseudosolide. Échographie coupe longitudinale : masse solide en avant de la patella (a). IRM T1 et T1 C + axiale (bc), sagittale T2 (d) : masse ovale bien limitée solide, prenant le contraste de façon homogène, de signal égal au muscle en T1 et hypersignal T2 non liquidien. Histologie : hygroma fibreux chronique avec granulome gigantocellulaire non spécifique. Recherches de sarcoïdose et tuberculose négatives. b2) 1. Bursite. 2. Retinaculum patellaire médial. 3. M. sartorius. 4. M. gastrocnémien médial. 5. M. gastrocnémien latéral. 6. M. biceps.
a b c d
Figure 39-10. Synovialosarcome. Femme, 39 ans, masse dure évolutive de la cuisse droite. IRM T1 FS C + coronale et axiale (ab), DP FS axiale (c), axiale T1 (d) : masse volumineuse bien limitée, signal T1 intermédiaire, prenant le contraste de façon hétérogène, et hypersignal aspécifique T2 (flèches). Pas de calcifications.
Ostéochondrose, polyostéochondrose
a d b c
Figure 39-11. Lymphangiome kystique. Fille, 10 mois, masse molle de la cuisse gauche depuis la naissance. IRM T1 axiale (a), T2 et T1 C + axiale (bc), STIR coronale (d) : masse kystique avec logettes et niveaux (flèche), les parois et septa prennent le contraste, hypersignal T2 STIR. Logettes, niveaux et âge sont caractéristiques.
C’est le siège typique, le caractère bien limité, rond ou ovale, non infiltrant, homogène de la bursite chronique qui évoque le diagnostic. Traitement
La bursite simple bénéficie d’une ponction évacuation infiltration cortisonée. La bursite prépatellaire ne communique pas avec l’articulation et l’efficacité est spectaculaire. La bursite septique est traitée par antibiotiques (10 jours) ± exérèse. La bursite hémorragique chronique fait l’objet d’une biopsie à l’aiguille ou chirurgicale avec exérèse.
LYMPHANGIOME KYSTIQUE
Rare, apanage du jeune enfant, il a un aspect échographique typique, anéchogène avec cloisons et multilobulé. La masse est molle. À l’IRM masse multicompartimentée, de signal liquidien avec fin rehaussement périphérique des septa et des parois kystiques. Des niveaux liquide-liquide sont fréquents témoignant de saignement intrakystique (fig. 39-11).
M ALADIE DE S INDING -L ARSEN -J OHANSON
SARCOME SYNOVIAL
Volumineux, évolutif, beaucoup plus dur et fixé, bien limité, il est calcifié dans 30 % des cas. Il est proche des bourses, tendons, capsules des grosses articulations. Il est responsable de douleurs vives. À l’IRM il est hétérogène en T2 et peut agresser l’os (érosions, lyse), iso-intense au muscle en T1 avec des zones hémorragiques en hypersignal T1 et kystiques en hypersignal T2 (fig. 39-10).
Moins fréquente que l’apophysite tibiale antérieure. Elle est microtraumatique et sportive et survient au même âge.
Clinique Deux formes : – chronique : la douleur siège à la pointe de la patella, la flexion du genou est douloureuse mais sans limitation
Genou
2 3
1 2
a b1 b2
Figure 39-12. Sinding-Larsen-Johanson : deux exemples différents (filles 11 et 12 ans). Radiographie profil genou : aspect irrégulier du noyau secondaire non encore fusionné, œdème des parties molles et irrégularités de la pointe de la patella. b2) 1. Noyau fragmenté. 2. Physe. 3. Patella.
vraie. Pas d’épanchement intra-articulaire. Extension et flexion active conservées; – aiguë : douleur plus brutale pendant le sport, l’extension active du genou est conservée.
Radiographie standard Face et surtout profil de genou. Petit arrachement osseux spiculaire de la pointe de la patella ou irrégularités du noyau d’ossification (fig. 39-12).
Évolution Bénigne, guérison sans séquelles avec parfois proéminence de la pointe rotulienne (fig. 39-13). Figure 39-13. Séquelle de Sinding-Larsen-Johanson.
Traitement Réduction d’activité sportive ± genouillère pendant 4 semaines.
P OUR
EN SAVOIR PLUS
Cea-Pereiro JC, Garcia-Meijide J, Mera-varela A, Gomez-Reino JJ. A comparison between septic bursitis caused by staphylococcus aureus and those caused by other organisms. Clin Rheum 2001; 20 (1) : 10-4. Choi HR. Patellar osteomyelitis presenting as prepatellar bursitis. Knee 2007; 14 (4) : 333-5.
Radiographie profil : déformation en « nez » (flèche).
Courroy JB, Bouchet T, Demarais Y et al. Ostéochondrose et ostéochondrite du genou. Rev Rhum 1998; 65 (7) : 147-51. Fujimoto H, Shimofusa R, Shimoyama K et al. Sarcoidosis presenting as prepatellar bursitis. Skeletal Radiol 2006; 35 (1) : 58-60. Rosenberg ZS, Kawelbblum M, Cheung YY et al. Osgood-Schlatter lesion : fracture or tendinitis? Scintigraphic, CT, and MRI features. Radiology 1992; 185 : 853-8. Stahnke M, Mangham DC, Davies AM. Calcific haemorrhagic bursitis anterior to the knee mimicking a soft tissue sarcoma : report of two cases. Skeletal Radiol 2004; 33 : 363-6.
Ostéochondrose, polyostéochondrose
a b d c e
Figure 39-14. Ostéochondrose épiphysaire variante de l’ossification. Garçon, 5 ans, tennis. Radiographie face et profil : minime irrégularité du condyle interne postérieur en zone non portante (flèches) (ab). Autre exemple (c-e) : garçon 12 ans, sportif. Radiographie (échancrure, profil) (cd) : fausse image d’ostéochondrite, en fait la variante est en zone non portante en arrière de la corticale postérieure de la diaphyse fémorale (flèches). TDM axiale (e) : noyau en cours d’ossification.
3
4 1 2 1
4
a b c d1 d2 e
Figure 39-15. Variante de l’ossification du condyle. Fille, 7 ans. Radiographie face et profil : seul le profil montre une pseudo-ostéochondrite postérieure en zone non portante (flèche) (ab). IRM T1, T2* et T1 C + sagittale (c-e) : petite zone en hyposignal T1 hypersignal T2, prenant le contraste. Le signal de cette zone est identique à celui du cartilage normal, le sous-sol sous-chondral est normal. d2) 1. Irrégularité postérieure. 2. Cartilage. 3. Patella. 4. Physe.
Genou
OSTÉOCHONDROSES ÉPIPHYSAIRES ET POLYOSTÉOCHONDROSES
Définition clinique et physiopathologie L’atteinte initiale est la souffrance de l’os sous-chondral d’origine microtraumatique. La frontière avec les variantes de l’ossification est floue. Il s’agit d’enfants jeunes, de moins de 12 ans, présentant de vagues douleurs du genou en règle peu
a b c d e f g1 g2 h
4 5
2 3
1
Figure 39-16. Polyostéochondrose. Garçon, 6 ans. Découverte par hasard au cours d’un rhume de hanche d’une lacune du condyle externe en zone portante segment moyen (entre les deux corticales du fémur) (flèches) radiographie (face et profil) (ab). 6 mois plus tard, radiographie (face) (c) : la lacune se remplit, apparition d’un noyau secondaire d’ossification. De l’autre côté, asymptomatique, lacune identique déjà presque entièrement comblée (radiographie face) (d). Un an plus tard, radiographie face et profil (ef) : aspect presque normal. L’image interprétée à tort comme une ostéochondrite, l’enfant subit une arthro-TDM qui montre l’intégrité du cartilage et révèle aussi que l’« anomalie » est très postérieure (gh). g2) 1. Noyau d’ossification. 2. Produit opaque. 3. Cartilage normal. 4. Patella. 5. Bulles d’air.
Ostéochondrose, polyostéochondrose
invalidantes. Le genou est sec et non limité. Les anomalies sont souvent bilatérales. Le siège des lésions est aussi très important : face postérieure des condyles fémoraux en arrière de la verticale de la corticale postérieure de la diaphyse du fémur (zone non portante), face inférieure du condyle externe.
Radiographies standards Face, profil, cliché d’échancrure intercondylienne. Le cliché de face est souvent normal. De profil, le noyau d’ossification est séparé de l’os porteur mais le sous-sol n’est pas altéré. L’image « d’œuf au nid » ainsi réalisée est un instantané radiologique qui ne signifie pas séquestre et nécrose en cours de séparation comme une ostéochondrite mais au contraire fusion progressive du noyau à l’os. C’est la séquence exactement inverse. Il faut donc savoir analyser le siège, prendre connaissance de l’âge et vérifier le côté controlatéral dans le cadre d’une possible poly-ostéochondrose (fig. 39-14, 3915 et 39-16). Le cliché d’échancrure est parfois trompeur car il projette en zone portante une variante postérieure. Une véritable ostéochondrite se voit aussi de face.
IRM T1 DP FS 3 plans et T1 C+. Elle rassure en montrant l’absence d’hypersignal anormal du noyau et du sous-sol. Le noyau secondaire prend le contraste normalement (fig. 39-15).
Traitement Abstention thérapeutique, surveillance de l’ossification progressive.
P OUR
EN SAVOIR PLUS
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FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .
La boiterie aiguë de l’enfant The acutely limping child S. Ferey a,∗, V. Merzoug b a
Radiologie pédiatrique, clinique pédiatrique des Grangettes, 7, chemin des Grangettes, CH 1224 Chêne-Bougeries, Suisse b Radiologie pédiatrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82 avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France
MOTS CLÉS Pédiatrie ; Boiterie ; Ostéomyélite ; Ostéochondrite ; Synovite aiguë transitoire ; Épiphysiolyse
KEYWORDS Pediatrics; Limping; Osteomyelitis; Osteochondritis; Transient synovitis; Slipped capital femoral epiphysis
Résumé La boiterie aiguë est un symptôme pouvant révéler de nombreuses pathologies chez l’enfant. En fonction de l’âge, les étiologies possibles diffèrent. À tout âge, le bilan radiologique de base comprend un cliché du bassin de face et en incidence de Lauenstein, et une échographie de hanche ; l’IRM vient en complément selon les tableaux. Avant trois ans, ce sont les infections ostéoarticulaires et les traumatismes qui dominent. En cas de suspicion d’ostéomyélite, l’IRM est l’examen de choix. Entre trois et dix ans, on évoque une synovite aiguë transitoire ou une ostéochondrite de hanche, mais également des lésions infectieuses, inflammatoires, ou une lésion osseuse focale. Après dix ans, s’ajoute à cette liste l’épiphysiolyse qui doit être systématiquement évoquée. © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
Abstract Acute limping may be the result of multiple pathologies in children. The differential diagnosis varies based on the age of the child. Irrespective of age, the initial imaging workup includes AP and frog leg radiographs of the pelvis and ultrasound; MRI may sometimes be helpful. In children less than 3 years, infections and trauma are most frequent. MRI is the imaging modality of choice when osteomyelitis is clinically suspected. Between the ages of 3 and 10 years, transient synovitis of the hip and Legg-Calvé-Perthes disease are main considerations but infection, inflammation and focal bony lesions are also considered. In children over 10 years, slipped capital femoral epiphysis also is considered. © 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.
La boiterie est un symptôme fréquent, motif de consultation aux urgences ou au cabinet de ville et pose un problème diagnostique différent en fonction de l’âge du patient. Cette donnée est fondamentale pour bâtir une stratégie d’imagerie et proposer le bon examen au bon moment ; le fil chronologique sera conducteur. La gamme des étiologies possibles est longue : traumatisme, pathologie infectieuse ou inflammatoire, lésion osseuse focale tumorale ; l’objectif de cet article est de hiérarchiser les différents examens d’imagerie pour arriver au diagnostic.
Affirmer la boiterie Il faut différencier la boiterie du trouble de la démarche ; ce dernier est le plus souvent bilatéral et la plupart du temps en rapport avec l’évolution de la morphologie des membres inférieurs. Un trouble de la démarche peut également être le signe d’appel d’une pathologie neuromusculaire qu’il est indispensable de reconnaître [1,2]. On distingue la boiterie d’esquive (correspondant à une atteinte du membre inférieur en dehors de la hanche) et la boiterie de Tredelenburg (bascule du tronc et des épaules au-dessus du membre pathologique) qui oriente vers une pathologie de la hanche. L’examen clinique doit être rigoureux et associé à un bon interrogatoire pour d’ores et déjà proposer une orientation diagnostique [1,3]. Nous allons décrire les étiologies de la boiterie en fonction de l’âge.
Entre un an et trois ans Il s’agit de la tranche d’âge qui pose le plus de problème, car l’enfant boite mais ne peut pas décrire l’origine de sa douleur : jambe, rachis, hanche ? L’examen clinique dirigé est une aide précieuse, en particulier pour exclure les causes centrales de boiterie (déficit neurologique) [1,2,4,5]. Dans cette tranche d’âge, deux étiologies dominent : les fractures du tibia et les infections ostéo-articulaires.
Fracture du tibia Cliniquement, la manœuvre de torsion tibiale aide à orienter le diagnostic vers une fracture du tibia. Le tableau classique est un traumatisme parfois passé inaperc ¸u au toboggan, ou dans un lit à barreaux. Le bilan radiologique initial comprend donc, outre le cliché de bassin de face et en incidence de Lauenstein, un cliché de jambe de face et de profil [1,5]. La fracture spiroïde du tibia est la plupart du temps facilement détectée (Fig. 1), mais des traits de fractures très fins (fracture en cheveu) peuvent passer inaperc ¸us et c’est seulement l’apparition d’appositions périostées à dix jours qui permet de confirmer ce diagnostic.
Infections ostéo-articulaires Les radiographies de bassin permettent de dépister une lésion osseuse constituée. Dans cette tranche d’âge, les lésions osseuses tumorales sont rares ; de même, il devient
Figure 1. Fracture du tibia chez un garc ¸on de 20 mois (chute d’un toboggan). a : radio de jambe de face : le trait de fracture sagittal oblique est situé au niveau de la diaphyse distale du tibia gauche ; b : le trait de fracture n’est pas visible sur l’incidence de profil.
exceptionnel de découvrir une luxation congénitale de hanche à l’âge de la marche. L’échographie à cet âge n’a d’intérêt que pour localiser la douleur à la hanche, si on détecte un épanchement. Celui-ci peut être présent lors d’une ostéomyélite, mais son absence ne permet pas d’éliminer ce diagnostic et il faut bien garder à l’esprit que l’échographie dans ce contexte n’a de valeur que si elle est positive [6]. Quand le bilan radiologique initial est normal, le problème reste entier. Le schéma classique propose de réaliser une scintigraphie osseuse pour localiser une éventuelle atteinte : rachis, bassin, membre inférieur ? L’imagerie en coupe est ensuite réalisée sur le site lésionnel. La modification du parc des installations IRM ces dernières années permet aujourd’hui de proposer une alternative. En effet, on peut réaliser une IRM d’emblée, en utilisant un large champ de vue (FOV) permettant en une acquisition d’étudier le rachis lombaire et le bassin. Les séquences STIR initiales orientent le reste de l’étude sur le site lésionnel (Fig. 2). Dans cette tranche d’âge, les infections ostéoarticulaires dominent [1,7]. Les discites sont plus fréquentes chez l’enfant que chez l’adulte, avec un pic de fréquence entre six mois et quatre ans, et un autre entre dix et 14 ans [8]. Le diagnostic peut être très retardé car la clinique n’est pas spécifique. L’ostéomyélite est une urgence thérapeutique ; la clinique peut être trompeuse, en particulier dans les infections à Kingella Kingae (qui devient le premier germe retrouvé dans les infections ostéo-articulaires des enfants de moins de deux ans) [9]. L’IRM est indispensable pour faire le diagnostic, localiser l’atteinte, confirmer l’atteinte osseuse, mettre en évidence un abcès, et finalement guider la prise en charge chirurgicale. Le protocole comprend des séquences STIR (selon les machines, des séquences 3D sont disponibles avec de grands
Figure 2. Ostéomyélite de hanche gauche chez un enfant de dix mois. a : IRM coupe coronale STIR (séquence 3D) ; le grand champ de vue permet de faire le bilan du rachis et du bassin. On met ainsi en évidence un épanchement intra-articulaire de la hanche gauche ; b : coupe sagittale T1 Fat Sat après injection de gadolinium ; confirmation de l’ostéomyélite de hanche gauche, avec importante inflammation des tissus mous adjacents.
FOV), des séquences T2, T1 puis T1 Fat Sat après injection de gadolinium. Les signes IRM de la spondylodiscite sont les suivants : anomalie de signal et de hauteur du disque intervertébral, associé à une atteinte des plateaux vertébraux en miroir et des tissus mous, avec un éventuel fuseau paravertébral. La pathologie infectieuse du genou ou de la hanche a une présentation en imagerie qui va de la simple arthrite à l’authentique ostéomyélite avec atteinte osseuse, abcès, épanchement intra-articulaire et inflammation significative des tissus mous adjacents. Attention, une maladie inflammatoire (arthrite juvénile) peut aussi se révéler à cet âge.
plus fréquente chez le garc ¸on (Fig. 3). La douleur peut être projetée au genou. La guérison est la règle avec le repos, voire la mise en traction. En l’absence de régression rapide des symptômes, une IRM doit être réalisée pour rechercher des signes précoces d’ostéochondrite de hanche (ou maladie de LeggPerthes-Calvé) [11—12]. De même, en cas de récidive de l’épanchement intra-articulaire, une IRM doit être réalisée pour rechercher des arguments pour une ostéochondrite ou pour une pathologie inflammatoire rhumatismale débutante.
Entre trois et dix ans
Ostéochondrite de hanche
Le bilan initial comprend des clichés simples de bassin de face et en incidence de Lauenstein, et une échographie de hanche pour rechercher un épanchement dans le récessus antérieur et un épaississement de la capsule. L’épanchement peut être purulent, très riche en fibrine, de diagnostic plus difficile qu’un épanchement hypoéchogène [10]. L’échographie confirme la présence d’un épanchement, mais ne permet pas de faire le diagnostic différentiel ; les radiographies doivent toujours être réalisées pour éliminer une lésion osseuse [6].
Les radios initiales sont normales, l’échographie montre un épanchement Synovite aiguë transitoire Dans le cas de radios initiales normales et d’épanchement intra-articulaire à l’échographie, le diagnostic probable est une synovite aiguë transitoire, affection aiguë unilatérale,
L’ostéochondrite de hanche peut également se présenter sous la forme d’une synovite aiguë transitoire. Il faut rechercher des signes précoces sur la radio initiale et en cas de persistance de la symptomatologie refaire un bilan radiologique à six semaines. L’atteinte est unilatérale dans la plupart des cas, mais elle peut être bilatérale ; la prédominance masculine est nette. Il s’agit d’une nécrose ischémique de la tête fémorale, retentissant sur le cartilage de croissance du col fémoral et de la tête. L’évolution est lente, pouvant durer trois ans, avant une phase de remodelage. À la phase initiale, il faut rechercher cinq signes radiologiques (Fig. 4) : • la fracture sous chondrale en coup d’ongle ; • la condensation épiphysaire (nécrose) ; • l’aplatissement épiphysaire ; • l’élargissement de l’interligne articulaire (augmentation de l’épaisseur des cartilages) ; • l’élargissement métaphysaire, avec des anomalies de densité de la métaphyse.
Figure 3. Synovite aiguë transitoire, ou rhume de hanche, chez un enfant de trois ans. a : radio de bassin de face : pas de lésion osseuse décelable ; b : incidence de Lauenstein : pas d’argument pour une ostéochondrite de hanche ; c : échographie de hanche : mise en évidence d’un épanchement intra-articulaire anéchogène, avec une capsule épaissie.
À la phase d’état, le noyau épiphysaire se fragmente, l’atteinte métaphysaire est plus marquée avec un col fémoral court et élargi. À la phase de réparation, une réossification apparaît, le remodelage du col persiste, il reste court et en varus,
la tête fémorale est déformée, aplatie, parfois élargie. L’acétabulum est également déformé, en rapport avec les anomalies de la tête. L’IRM à tous les stades est l’examen le plus performant ; elle est réalisée avec injection de produit de contraste
Figure 4. Ostéochondrite de hanche. a et b : radio de bassin face et Lauenstein : à gauche, la tête fémorale est effondrée à sa partie interne ; on détecte la fracture sous-chondrale sous la forme d’un coup d’ongle.
Figure 6. Synchondrose ischiopubienne droite hypertrophiée : cette image est une variante de la norme.
Figure 5. Dysplasie polyépiphysaire. Petite taille congénitale et boiterie ; découverte d’une anomalie épiphysaire bilatérale et symétrique faisant évoquer le diagnostic de dysplasie polyépiphysaire.
[11—13]. L’identification de critères pronostiques à l’IRM reste à valider.
Les ostéomyélites des pieds sont souvent radiologiquement silencieuses, d’autant que les signes cliniques d’infection sont inconstants ; une CRP normale n’élimine pas non plus le diagnostic d’ostéomyélite ; en cas de symptomatologie à point de départ du pied, l’IRM permet également de poser le diagnostic adéquat.
Dysplasies Les formes bilatérales font discuter la dysplasie de Meyer : il s’agit d’une anomalie dysplasique des épiphyses fémorales supérieures qui sont fragmentées. Les dysplasies polyépiphysaires sont également responsables d’une atteinte épiphysaire bilatérale, avec des épiphyses de petite taille sur l’ensemble du squelette (Fig. 5). Il faut également penser aux ostéochondrites secondaires : après luxation de hanche, traumatisme ou au cours des hémopathies (drépanocytose), de la maladie de Gaucher ou après une infection.
Les radios sont normales, l’échographie ne montre pas d’épanchement En cas de bilan radiologique et échographique normal, une IRM doit être réalisée. Certaines structures anatomiques sont en effet difficiles à analyser sur les clichés standard, en particulier le sacrum et l’os iliaque. Même si l’arthrite de l’articulation sacro-iliaque est une localisation rare de la pathologie infectieuse ou inflammatoire, l’IRM est la méthode d’imagerie de choix pour ce site lésionnel. Il faut connaître une variante de la norme de la synchondrose ischiopubienne à ne pas prendre à tort pour une lésion (Fig. 6). Attention toutefois à ne pas méconnaître les lésions infectieuses [9,14—17] (Fig. 7) (ostéomyélite de la synchondrose ilio-ischiopubienne, pyomyosites) ou traumatiques pelviennes (déchirure musculaire, avulsion de l’épine iliaque antéro supérieure ou du petit trochanter chez le jeune sportif), également au mieux détectées en IRM (Fig. 8).
Les radiographies sont anormales Il peut y avoir des signes osseux d’une lésion tumorale, infectieuse, ou d’une ostéochondrite primitive. Toutes les tumeurs osseuses peuvent se révéler par une boiterie, les lésions agressives sont souvent évocatrices d’emblée sur les radios standard, avec une ostéolyse irrégulière, rupture de la corticale et réaction périostée. Une IRM est indiquée rapidement dans ce cas pour faire le bilan locorégional de la lésion avant la biopsie chirurgicale. Entre cinq et 15 ans, les deux principales tumeurs osseuses primitives malignes sont l’ostéosarcome et le sarcome d’Ewing [18] (Fig. 9). Un « coup d’ongle » à l’angle supéro-externe de la tête fémorale fait évoquer une ostéochondrite primitive, mais peut aussi correspondre à une irrégularité d’ossification. Une lacune épiphysaire fait évoquer un chondroblastome (tumeur bénigne se présentant sous la forme d’une lacune à limites nettes, parfois partiellement calcifiée). Des causes plus rares peuvent être évoquées : granulome éosinophile [19] ou tuberculose osseuse ; une anomalie métaphysaire fait évoquer : • une dysplasie fibreuse (structure osseuse en verre dépoli), • un granulome éosinophile : ostéolyse à l’emporte-pièce [19,20], • un ostéome ostéoïde. Celui-ci représente un piège diagnostique, avec des radios quasi normales lorsqu’il est situé sur le col fémoral ou dans l’arrière-fond acétabulaire. En IRM, la réaction inflammatoire périlésionnelle peut être très trompeuse du fait de son intensité. La TDM est l’imagerie de référence pour ce diagnostic [21], • un kyste anévrysmal : la lésion est souvent excentrée et souffle les corticales,
Figure 7. Ostéomyélite de la synchondrose. a : séquence 3D STIR, reconstruction coronale : hypersignal de la synchondrose gauche, avec effraction de la corticale, et inflammation des tissus mous ; collection liquidienne des tissus mous ; b : coupe coronale T1 : hyposignal franc de la synchondrose gauche ; c : coupe axiale T1 Fat Sat après injection de gadolinium : rehaussement des tissus mous périlésionnels et de la synchondrose gauche.
• une bande claire métaphysaire, qui fait rechercher de principe une leucose ou des métastases de neuroblastome, • une étiologie infectieuse, qui peut réaliser un aspect radiologique identique à celui du sarcome d’Ewing ou du granulome éosinophile, • une cause traumatique : arrachement apophysaire (petit trochanter), fracture de fatigue.
Un pincement de l’interligne articulaire coxo-fémoral évoque fortement une pathologie articulaire (arthrite juvénile). L’ostéomyélite peut intéresser le col fémoral ou le grand trochanter. L’atteinte peut aussi être pelvienne ou sacro-iliaque. Enfin, lors du bilan réalisé pour explorer la boiterie, on peut découvrir des anomalies morphologiques épiphysaires ou métaphysaires évocatrices d’une pathologie osseuse constitutionnelle. Lors de l’analyse des clichés simples, il faut toujours avoir à l’esprit cette possibilité et demander des clichés complémentaires (âge osseux, rachis lombaire, et genou) si nécessaire. Les pathologies osseuses constitutionnelles à tropisme épiphysaire sont la source de complications arthrosiques chez l’adulte jeune.
Après dix ans En plus des étiologies citées pour le groupe d’âge précédent, il faut retenir le glissement épiphysaire ou épiphysiolyse [22] (Fig. 10).
Épiphysiolyse Il s’agit d’un glissement progressif ou aigu vers le bas et l’arrière de l’épiphyse fémorale supérieure sur le col. Elle survient souvent en fin de croissance, en période prépubertaire, moment où la physe et plus fragile. Une surcharge pondérale est souvent observée. Cette pathologie est trop souvent méconnue ; le traitement est simple s’il est réalisé précocement, mais le délai moyen entre les douleurs et la prise en charge chirurgicale est encore environ de trois mois. La prise en charge d’une épiphysiolyse à grand déplacement expose à un risque majeur : la nécrose de la tête, ce qui souligne l’importance d’un diagnostic précoce. La forme progressive est la plus fréquente : l’examen clinique met en évidence une limitation de la rotation interne. La forme aiguë est révélée par une impotence fonctionnelle totale, avec un facteur traumatique déclenchant inconstant [4,5] ; c’est une urgence thérapeutique. Dans ce
Figure 8. Arrachement de l’épine iliaque antéro-inférieure (EIAI) gauche. a : radio de bassin de face : la lésion n’est pas visible ; b : coupe coronale STIR : hypersignal franc de l’EIAI, avec arrachement et hypersignal des tissus environnants ; c : coupe axiale T2 Fat Sat : on voit nettement l’avulsion de l’EIAI, avec la réaction inflammatoire des tissus mous adjacents ; d : coupe sagittale T2 : réaction inflammatoire des tissus mous.
cas, l’incidence de Lauenstein peut être difficile à réaliser du fait de la douleur ; un autre type de profil est alors souhaitable. Le bilan radiologique comprend les clichés de bassin de face et en incidence de Lauenstein, permettant d’avoir une vision bilatérale. Sur le cliché de face, on cherche un élargissement du cartilage de conjugaison, et sur le profil, on détecte un décrochage de l’épiphyse par rapport au bord supérieur du col. Un signe à connaître est la diminution de hauteur de la tête fémorale par rapport au côté sain (du fait de la bascule postérieure). Sur l’incidence de profil, le glissement est plus évident. On peut également tracer la ligne de Klein de face : cette tangente au bord supérieur du col devient tangentielle au pôle supérieur de l’épiphyse en cas d’épiphysiolyse, au lieu de la couper. Il faut cependant se méfier de cette ligne de Klein, qui peut être faussement négative en cas de bascule postérieure de l’épiphyse fémorale. L’augmentation de la flèche basi-capitale est à rechercher de face comparativement au côté sain (Fig. 10c-e). La TDM peut être réalisée pour évaluer le degré d’épiphysiolyse et mesurer précisément l’angle tête-col. L’IRM devient l’outil
de choix, non irradiant, permettant de mesurer l’angle de bascule et de montrer d’éventuels signes précoces d’atteinte controlatérale avant la prise en charge chirurgicale.
Tumeurs et ostéomyélite Dans cette tranche d’âge, on rencontre également les pathologies tumorales : la radiographie de bassin peut montrer une lésion osseuse focale agressive, mais encore une fois le sacrum et le pelvis sont souvent masqués par des projections limitant l’analyse du cliché. L’imagerie en coupe à toute sa place. Le pic d’incidence du sarcome d’Ewing est situé entre dix et 15 ans. Les os du pelvis sont un site lésionnel fréquent. Le principal diagnostic différentiel est l’ostéomyélite : en effet, le sarcome d’Ewing peut s’accompagner de fièvre et du point de vue radiologique, il s’agit d’une lésion lytique hétérogène, avec appositions périostées et importante extension dans les parties molles, sans image spécifique. Le diagnostic de certitude est porté sur l’analyse anatomopathologique de la biopsie chirurgicale.
Figure 9. Sarcome d’Ewing. a : radio de bassin, incidence de Lauenstein. Condensation de l’aile iliaque droite, avec une trame osseuse hétérogène, faisant suspecter une lésion osseuse agressive ; b : TDM en reconstruction coronale : confirmation de la lésion osseuse de l’aile iliaque droite, avec une trame osseuse altérée ; c : IRM coupe axiale T2 : importante extension de la tumeur dans les tissus mous adjacents, caractéristique de cette tumeur agressive ; d : IRM coupe coronale T1 Fat Sat après injection de gadolinium : prise de contraste significative de la lésion agressive de l’aile iliaque droite.
Figure 10. Épiphysiolyse gauche. a : radio de bassin de face : la ligne de Klein ne coupe plus la partie supéro-externe de l’épiphyse, on note une augmentation de la flèche basi-capitale et une diminution de la hauteur épiphysaire à gauche ; b : incidence de Lauenstein : on voit nettement la bascule de la tête fémorale gauche vers le bas et l’arrière; c : schéma de la hauteur épiphysaire ; d : schéma de la ligne de Klein ; e : schéma de la flèche basi-capitale.
Figure 11.
a : radiographie du bassin de face ; b : incidence de Lauenstein.
Conclusion
Cas clinique
Il faut donc connaître les étiologies les plus fréquentes d’une boiterie en fonction de l’âge de l’enfant. Cette donnée est fondamentale pour bâtir une stratégie d’imagerie et proposer le bon examen au bon moment pour éviter un retard diagnostique.
Cet enfant de sept ans vous est adressé en radiologie pour une échographie de hanche dans le cadre d’une boiterie.
POINTS À RETENIR • Authentifier la boiterie avec un examen clinique ciblé. • À tous les âges, le bilan initial comporte des radiographies de bassin de face et en incidence de Lauenstein. • L’échographie de hanche permet de confirmer un épanchement intra-articulaire et a le mérite de localiser l’origine de la douleur à la hanche lorsque l’enfant ne sait pas encore bien localiser la douleur ; elle ne permet pas cependant le diagnostic différentiel et n’a de valeur que positive. • Entre un et trois ans, il faut penser à une fracture spiroïde du tibia et élargir le bilan radiologique aux radios de jambe. • En cas de suspicion d’ostéomyélite ou de spondylodiscite, une IRM est indiquée en relative urgence. • Entre trois et dix ans, la synovite aiguë transitoire est un diagnostic fréquent. C’est un diagnostic d’élimination. • Une ostéochondrite peut se présenter sous la forme d’une synovite aiguë transitoire initiale. • L’épiphysiolyse est un diagnostic important à savoir reconnaître. La sévérité du glissement (retard diagnostique) est corrélée au risque de complications. L’IRM est indiquée pour chercher des signes précoces d’atteinte controlatérale.
Questions 1) Que faites-vous ? 2) Comment analysez-vous le cliché réalisé ? (Fig. 11) 3) Quel examen réalisez-vous pour le bilan de cette pathologie ?
Réponses 1) Une échographie de hanche seule ne suffit pas au bilan de la boiterie ; même si elle est positive pour un épanchement intra-articulaire, elle ne permet pas de faire le diagnostic d’une atteinte osseuse. Il faut donc réaliser des radiographies simples de bassin de face et en incidence de Lauenstein. 2) On met en évidence les stigmates d’une ostéochondrite de hanche : effondrement de la tête fémorale gauche avec fracture sous-chondrale. 3) Une IRM doit être réalisée pour faire le bilan de la lésion : cette IRM doit comporter une injection de produit de contraste et des séquences dynamiques pour évaluer la nécrose.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Maladie de Legg-Perthes-Calvé J.-M. Laville La maladie de Legg-Perthes-Calvé est une affection de la hanche de l’enfant entre trois et dix ans dans la majorité des cas, due à une nécrose aseptique céphalique d’étiologie non encore élucidée. Elle se traduit par une boiterie douloureuse intermittente et une limitation des mouvements de la hanche. La radiographie est indispensable au diagnostic et permet de définir la phase évolutive (nécrose, revascularisation, reconstruction, séquelles), ainsi que la gravité de l’atteinte céphalique par la classification de Herring et l’étude des signes de tête à risque. La scintigraphie permet un diagnostic préradiologique, tout comme l’imagerie par résonance magnétique qui offre une analyse beaucoup plus précise des lésions. L’âge de survenue, l’importance de la raideur, le stade évolutif, la classification et la survenue d’une excentration progressive sont les bases du choix thérapeutique. Le traitement peut être orthopédique sous forme de décharge prolongée, traction au lit ou attelle d’abduction, aujourd’hui de moins en moins utilisées. Dans certaines indications bien précises, la chirurgie du bassin ou de l’extrémité supérieure du fémur modifie souvent l’histoire naturelle de la maladie. Dans les formes sévères, l’évolution peut conduire à une coxarthrose relativement précoce. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Maladie de Legg-Perthes-Calvé ; Ostéochondrite primitive de hanche ; Coxa plana
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Historique
1
¶ Fréquence
1
¶ Étiologie
2
¶ Anatomopathologie Microscopie Macroscopie Évolution
2 2 2 2
¶ Clinique
2
¶ Paraclinique Imagerie
2 3
¶ Classifications en imagerie Radiographie IRM Arthrographie
3 3 4 5
¶ Évolution
6
¶ Pronostic
6
¶ Diagnostic différentiel
6
¶ Traitement Buts Moyens Indications
7 7 7 8
¶ Conclusion
8
La maladie de Legg-Perthes-Calvé (LPC) correspond à la longue période de reconstruction consécutive à la nécrose ischémique idiopathique du noyau fémoral proximal en croissance et, à l’inverse de la nécrose de l’adulte, guérit toujours seule, mais presque toujours en laissant des traces, au moins radiologiques. En fonction de sa gravité, elle peut conduire à la coxarthrose à l’âge adulte et le seul but du traitement est de tenter de minimiser ce risque. Les synonymes de cette maladie sont coxa plana et ostéochondrite primitive de la hanche.
■ Historique En 1910, Arthur Legg [1], Jacques Calvé [2] et Georg Perthes [3] décrivent cette maladie. En 1921, Phemister confirme la nature nécrotique de l’atteinte épiphysaire [4]. En 1923, Waldenstrôm [5] décrit les trois phases de l’évolution. En 1971, Catterall [6] propose une classification topographique se voulant prédictive du résultat, mais Herring [7] , en 1980, propose une autre classification qui, progressivement, supplante sa précédente. En 1981, Stulberg [8] facilite l’analyse finale des dossiers en proposant une classification des résultats. Enfin, en 1984, Salter [9] apporte une précision à l’observation de l’évolution de la maladie.
■ Fréquence L’incidence varie entre 5,1 et 29 pour 100 000 [10] , avec 3,4 fois plus de garçons atteints et un âge moyen de diagnostic
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de 6,5 ans avec 70 % des cas survenant avant l’âge de huit ans. L’atteinte est unilatérale dans 90 % des cas.
nécrose et des rapports tête-acetabulum. Cela peut aboutir à une tête déformée, allant de la perte de sphéricité jusqu’à l’aplatissement complet.
■ Étiologie
Coxa magna
Des infarctus successifs semblent être à l’origine de l’ischémie épiphysaire. Beaucoup de travaux ont essayé de cerner l’étiologie. Ont été évoqués : • les anomalies génétiques [11-13] ; • les troubles de la coagulation [14-16]. De nombreuses études contradictoires ont été menées à la recherche d’anomalies de la coagulation sanguine – déficit en protéine S ou C, thrombophilie, hypofibrinolyse. Glueck [14] a consacré de nombreux travaux à ce sujet pour conforter cette hypothèse. Cependant, ces études ont pris, comme base de la coagulation normale, les normes d’adulte. D’autres études prenant les normes adaptées à l’enfant n’ont pas retrouvé cette anomalie [16, 17] ; • les troubles de croissance – il existerait un retard de la maturation osseuse de deux ans [18] ou une taille plus petite que la moyenne [19] ; • les facteurs environnementaux (tabagisme) [20, 21] ; • les troubles du comportement (hyperactivité). Une seule étude [22] vient corroborer cette constatation clinique ; • les troubles du métabolisme phosphocalcique, mais l’expérimentation animale [23-25] a testé les diphosphonates et n’a pas encore permis de conclure à leur efficacité sur l’évolution de la maladie.
■ Anatomopathologie Microscopie Jonsater [26] a observé une évolution histologique en trois stades : • le stade initial de nécrose avasculaire, où apparaissent déjà des phénomènes de revascularisation, associés à des nécroses itératives ; • le stade intermédiaire, où les foyers de résorption osseuse sont suivis de l’apparition d’os nouveau et immature, avec prolifération de tissu conjonctif richement vascularisé, puis d’une reprise de l’ossification enchondrale ; • le stade tardif, avec réapparition de tissu osseux spongieux normal. Catterall et al. [27] ont réalisé une étude histologique sur six têtes fémorales provenant de nécropsies et sur cinq biopsies réalisées in vivo. Ils en retirent les importantes observations suivantes : • l’os nécrosé est séparé de l’os nouveau par une interface de tissu fibrovasculaire contenant des ostéoclastes et des chondroblastes ; • la partie superficielle du cartilage de croissance continue à se nourrir par la synoviale et donc à se développer. En revanche, la partie profonde reste dépendante des vaisseaux épiphysaires et peut être affectée par le processus ischémique ; • enfin, il peut exister une désorganisation de la plaque de croissance caractérisée par des zones de cartilage dystrophique s’enfonçant dans la métaphyse. Cette désorganisation de la plaque de croissance est un élément de mauvais pronostic et est source de coxa vara et de mauvais remodelage [28].
Macroscopie Quelques définitions sont utiles dans ce cadre :
Elle débute tôt et se trouve déjà présente au stade radiographique de densification. Elle augmente et atteint son maximum au stade de fragmentation. Puis, la coxa magna diminue au stade de reconstruction, sans cependant revenir à la normale. La tête fémorale reste augmentée de volume à la fin du stade de reconstruction.
Remodelage cotyloïdien La maladie de LPC est une maladie de la tête fémorale, mais l’acetabulum présente des modifications secondaires à l’atteinte de la tête fémorale. Elles apparaissent tôt et évoluent parallèlement aux modifications de forme et de volume de la tête fémorale. L’adaptation acétabulaire est surtout représentée par une augmentation de son volume, caractérisée par une augmentation de l’angle d’ouverture et de la longueur du toit. Cette adaptation est cependant limitée et semble liée à la conservation d’un bon pilier externe. Elle est insuffisante dans les cas graves pour éviter l’excentration puis la déformation de la tête fémorale.
Cartilage de croissance Il peut aussi être atteint et présenter des ponts d’épiphysiodèse localisés entraînant une coxa vara et une déformation de la tête fémorale. L’atteinte du cartilage de croissance est un facteur de mauvais pronostic.
Évolution La maladie évolue invariablement en quatre phases : nécrose, revascularisation, reconstruction, séquelles. La phase initiale est celle de la nécrose ischémique. Durant la phase de revascularisation, l’os nécrotique est pénétré par des bourgeons vasculaires, ayant pour tache de résorber l’os nécrosé, et d’apporter les éléments nécessaires à la reconstitution de nouveaux ostéons. Une réossification de la tête fémorale se produit ensuite durant la phase de reconstruction, avec hypertrophie du cartilage articulaire, entraînant, en partie, une évolution vers la coxa magna. Enfin, les capacités de remodelage et de croissance de la tête fémorale aboutissent à l’absence ou à la présence de déformation (phase de séquelles).
■ Clinique Le tableau typique est celui d’une boiterie d’esquive, douloureuse et intermittente, chez un enfant de trois à 12 ans. La douleur, de faible intensité, s’exprime dans l’aine, irradie parfois vers le genou et augmente avec l’effort physique. Il n’y a aucun autre signe accompagnateur et, en particulier, ni fièvre ni altération de l’état général. À l’examen clinique, les limitations douloureuses se situent dans les secteurs de rotation interne et d’abduction, il faut les chiffrer et les noter. Trois types de raideur peuvent être différenciés par ordre de sévérité : • la raideur douloureuse, liée à une contracture des muscles périarticulaires de la hanche ; • la raideur par rétraction musculotendineuse sur une hanche ayant conservé trop longtemps une attitude vicieuse d’origine antalgique ; • la raideur ostéoarticulaire par incongruence, due à la déformation de l’épiphyse.
Coxa plana Jusqu’au stade de reconstruction, la tête fémorale présente une plasticité biologique, devient fragile et peut se déformer. L’importance de la déformation dépend de l’étendue de la
■ Paraclinique La biologie est normale.
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Scintigraphie osseuse .
Peu utilisée, elle peut supprimer alors une hypovascularisation épiphysaire. Elle pourrait aussi apprécier la revascularisation selon la classification de Conway [31] en deux groupes : le groupe A représente une revascularisation précoce et rapide de la colonne latérale et aurait un bon pronostic ; le groupe B représente une hyperactivité centrale ou une hypofixation persistant plus de cinq mois et serait de mauvais pronostic.
Imagerie par résonance magnétique (IRM) Elle permet de mieux délimiter les zones ischémiques et nécrosées. Elle révèle la nécrose aussi précocement que la scintigraphie, donne une estimation de l’extension de la nécrose beaucoup plus précise que la radiographie conventionnelle, précise les rapports tête-labrum et permet de suivre la guérison en montrant la revascularisation de la tête fémorale. Figure 1. Phase de revascularisation.
■ Classifications en imagerie Radiographie
Figure 2. Phase de reconstruction.
Imagerie .
.
Radiographie de face et sur l’incidence de Lauenstein Elle retrouve les signes de nécrose : simple image en coup d’ongle ou en coquille d’œuf au stade de début, puis densification de l’épiphyse et aplatissement du pôle supérolatéral, suivie d’un aspect de fragmentation où les zones d’hyperdensité contrastent avec des zones d’hypodensité (Fig. 1). Enfin, la reconstruction (Fig. 2) se fait avec souvent une hypertrophie (coxa magna) et une déformation céphalique (coxa plana). L’évolution vers la coxa magna et plana peut être accompagnée d’excentration (image du « gros œuf dans le petit coquetier »). Le centre de rotation de l’épiphyse ne correspond alors plus au centre de l’acetabulum. Cette excentration peut entraîner un effet came de la tête fémorale sur le bord latéral du talus, induisant une déformation de l’épiphyse, qui prend progressivement un aspect bilobé. Cette incongruence majeure, conduit rapidement à des lésions irréversibles du cartilage articulaire, donc à la coxarthrose. Une image radiographique pathologique suffit au diagnostic, mais, au stade de début, les radiographies du bassin sont souvent normales.
Salter et Thompson [32] ont décrit une classification simplifiée prenant en considération la taille de la fracture sous-chondrale (Fig. 3) : • groupe A : trait de fracture sous-chondrale inférieur à la moitié de la circonférence de la tête fémorale ; • groupe B : trait supérieur à la moitié. Simple et utilisable précocement, elle présente le désavantage de se fonder sur la fracture sous-chondrale, qui n’est présente que dans 30 % des cas. L’étendue de la nécrose peut être évaluée sur les radiographies de face et sur l’incidence de Lauenstein, comme l’a défini Catterall [6], mais cette classification est en passe d’être abandonnée (Fig. 4). Quatre stades ont été décrits, auxquels s’ajoutent des signes de « tête à risque » permettant d’avoir une appréciation du pronostic de la maladie. Ces stades sont les suivants : • stade I : atteinte de la partie antérolatérale ; • stade II : atteinte de toute la partie antérieure de la tête respectant un mur postérieur. De face, le séquestre a une allure ovalaire, entouré de part et d’autre par des fragments osseux vivants qui maintiennent la hauteur épiphysaire. De profil, le séquestre est séparé de la zone saine postérieure par une image claire dessinant un « V » caractéristique ; • stade III : atteinte de la majeure partie de l’épiphyse fémorale, seule une petite partie postérieure est respectée ; • stade IV : atteinte de toute la tête avec géodes métaphysaires. Les signes de tête à risque sont [33] : • la présence d’une lacune épiphysométaphysaire latérale (signe de Courtenay-Gage modifié par Catterall) (Fig. 5) ;
Échographie Elle permet de mettre en évidence une augmentation de l’interligne articulaire. Une analyse fine permettrait de faire la part entre synovite aiguë transitoire et maladie de LPC. Nauman et Terjesen [29, 30] ont montré une bonne corrélation entre les images échographiques et radiographiques dans l’appréciation des irrégularités et de la couverture de la tête.
Figure 3. Classification de Salter et Thompson (A, B). Groupe A : la fracture sous-chondrale atteint moins de 50 % de la superficie de la tête ; groupe B : plus de 50 %.
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Figure 4. Classification de Catterall.
Figure 6. L’index de Heyman mesurant le débord de la tête est plus important sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) que sur la radiographie. A. Index radiographique. B. Index IRM.
Figure 5.
Signe de Gage (flèche) (A, B).
• les calcifications latérales (opacités situées à la partie externe du noyau épiphysaire) ; • l’excentration, mesurée comparativement au côté opposé de deux manières : distance entre la partie la plus médiale de l’épiphyse et le fond de l’acetabulum (branche latérale du U radiologique) et la seconde évaluant la partie d’épiphyse débordant latéralement de la verticale abaissée du bord latéral de l’acetabulum [34] (Fig. 6) ; • l’horizontalisation du cartilage de croissance sous capital ; • une atteinte métaphysaire avec présence de géodes.
La classification de Herring [35, 36] est actuellement la plus utilisée sur le plan pronostique. Sur une radiographie de face à la phase de début de fragmentation, la tête fémorale est divisée en quatre piliers. Le pilier latéral est défini par la portion latérale (5 % à 30 % de la largeur de l’épiphyse) démarquée par une ligne claire de fragmentation. Sa hauteur est mesurée comparativement. Si elle est normale, il s’agit d’un groupe A (Fig. 7). Si elle est diminuée avec des images claires mais supérieure à 50 % de la hauteur normale, il s’agit d’un groupe B (Fig. 8). Si elle est égale à 50 %, il s’agit d’un groupe B/C (Fig. 9) et si la clarté est plus importante et la hauteur inférieure à 50 %, il s’agit d’un groupe C (Fig. 10). L’excentration est évaluée par la classification de Green [37] qui pondère négativement la classification de Catterall. Le rapport entre la largeur de tête (y compris la partie cartilagineuse), couverte par l’acetabulum et le labrum, et la largeur totale de la tête (os et cartilage) doit être supérieure à 77 %. Une subluxation de plus de 20 % est toujours de mauvais pronostic.
IRM La classification de Sales de Gauzy [38] est une transposition de la classification de Green à l’IRM. La classification de de Sanctis [39] tient compte de l’étendue de l’atteinte épiphysaire (A ≥ 50 %, B ≥ 50 %), de l’atteinte de la physe et de la latéralisation de la tête.
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Figure 7. Groupe A de Herring.
Figure 10. Groupe C de Herring.
Figure 8. Groupe B de Herring.
Figure 11. Index de subluxation arthrographique. (a/b) 100, normalement égal à 8,5 %. a. Distance entre la partie la plus médiale du cartilage articulaire de l’épiphyse et la branche latérale du U radiologique ; b. distance talus-partie latérale de la base du U radiologique.
Figure 9.
Groupe B/C de Herring.
Arthrographie Sous anesthésie générale levant les contractures musculaires, elle est un bon moyen d’analyse dynamique permettant de déterminer si l’emboîtement de l’épiphyse dans l’acetabulum
(containment) est possible et dans quelle position il est optimal. L’index de subluxation y a été décrit par Nakamura et al. [40] et correspond à : (a/b) 100 normalement égal à 8,5 %, où a est la distance entre la partie la plus médiale du cartilage articulaire de l’épiphyse et la branche latérale du U radiologique et b la distance talus-partie latérale de la base du U radiologique (Fig. 11). La classification de Laredo, modifiée par Shigeno [41], comporte cinq groupes : • groupe 1 : tête fémorale normale ; • groupe 2 : tête fémorale augmentée de volume, mais sphéricité conservée. Il existe une surélévation du labrum, mais la couverture est normale et le cotyle est adapté ; • groupe 3 : macro épiphyse ovoïde et excentration latérale. Le cotyle n’est pas adapté. Cependant, l’atteinte d’un seul diamètre de la tête fémorale permet un recentrage en abduction et en rotation interne ; • groupe 4 : aplatissement supéroexterne avec incongruence tête-cotyle. Il y a une perte de sphéricité définitive de la tête fémorale avec excentration latérale non réductible en abduction ;
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Figure 12. Stulberg V : mauvais pronostic.
• groupe 5 : il existe une déformation en « selle » avec flaque de produit de contraste et effet « came ».
“
Point fort
Moyen mnémotechnique pour une observation À chaque hanche, doit être au moins attribué le score « AREPE » suivant : • A : âge de début ; • R : raideur ; • E : stade évolutif ; • P : pour pilier latéral de Herring ; • et E : pour excentration. Exemple : garçon de sept ans – A : âge de début des signes, six ans ; R : limitation de l’abduction 30°, de la rotation interne 20° ; E : début de revascularisation ; P : Herring B ; E : excentration 7 mm.
■ Évolution Elle se fait sur une période moyenne de deux à quatre ans (minimum 18 mois, maximum six ans) et la guérison, même si elle est effective en fin de revascularisation, ne peut être certaine qu’en fin de croissance. En effet, le remodelage attendu sur cinq à dix ans, tant céphalique que cotyloïdien, ne surviendrait que dans 12 % des cas chez les sujets opérés et dans 5 % chez les non-opérés [42]. La hanche bilobée avec effet came en abduction ou hinge abduction of the hip [43] où le talus imprime sa marque dans l’épiphyse sous la forme d’un sillon supérieur est le type le plus défavorable entraînant une raideur en adduction, avec inégalité de longueur relative, très pénalisante sur le plan fonctionnel. Le suivi doit être assuré tous les trois mois avec évaluation clinique de la douleur et des mobilités de hanche, ainsi qu’évaluation radiographique, aidée au mieux par une IRM tous les six mois, afin de rechercher les signes de gravité et de poser l’indication opératoire au bon moment. Les séquelles sont évaluées grâce à la classification de Stulberg [44] utilisant les critères suivants : • sphéricité de la tête fémorale, appréciée grâce à l’index de Mose (la tête fémorale doit rentrer de face et de profil dans
le même cercle concentrique pour être classée normale ; elle est classée régulière quand elle s’inscrit entre deux cercles séparés de 2 mm, et irrégulière au-delà) ; • longueur du col fémoral ; • pente acétabulaire ; • présence d’une coxa magna. Les cinq catégories de Stulberg, représentant trois types de congruence entre la tête fémorale et l’acetabulum, sont les suivantes : • I-II tête sphérique et congruente (I tête normale ; II coxa magna, col court ou pente acétabulaire anormale) ; • III-IV tête asphérique et congruente (III tête ovoïde, en forme de champignon ou de parapluie, mais pas aplatie ; IV tête et acetabulum aplatis) ; • V tête asphérique et incongruente, acetabulum aplati (Fig. 12). Les stades I et II sont de bon pronostic et les III et IV augurent d’une évolution à long terme vers une arthrose légère à modérée. Le stade V conduit à une arthrose sévère avant l’âge de 50 ans. Dans la série de Mose [45], à 65 ans, 100 % des têtes irrégulières sont arthrosiques. Dans la série de Stulberg, les groupes 1 et 2 ne présentent pas d’arthrose. Les groupes 3 et 4 présentent une arthrose légère à modérée vers 40-50 ans. Le groupe 5 présente une arthrose avec handicap dès 30-40 ans. Ainsi, la tête fémorale peut être irrégulière mais si elle siège dans un acetabulum qui s’est adapté, l’arthrose n’apparaît que tardivement et reste longtemps bien tolérée. Enfin, une ostéochondrite disséquante peut survenir au décours de la maladie dans 2 % à 10 % des cas chez l’enfant de plus de sept ans. Son traitement ne peut être proposé que devant la libération intra-articulaire d’un fragment ostéochondral.
■ Pronostic Le pronostic est corrélé au degré de l’atteinte épiphysaire et physaire [46, 47] et à l’âge de l’enfant lors de la survenue de l’affection, la perte de hauteur de l’épiphyse semblant contribuer à l’augmentation de son diamètre. Quarante et un pour cent des coxa magna sévères auraient ainsi un mauvais pronostic [48]. Chez les enfants de moins de six ans, l’évolution de la maladie est généralement rapide et la plupart des hanches, mais pas toutes, sont de bon pronostic sans aucun traitement. Au-delà de six ans, l’évolution est beaucoup plus longue, la reconstruction de la tête est plus lente et la tête est, de ce fait, plus à même de se déformer. La plupart de ces enfants gardent pourtant une bonne fonction après les symptômes initiaux. Ils maintiennent ensuite une fonction normale avec toutefois un inconfort occasionnel à l’âge adulte, pour développer progressivement des douleurs durant la cinquième ou la sixième décennie et parfois nécessiter une prothèse totale de hanche. Ce sont surtout les patients de plus de huit ans, sévèrement atteints, qui subissent une détérioration précoce de la hanche. Dans la série de Herring [49], les groupes A cicatrisent en 37 mois avec 100 % de bon pronostic ; les groupes B en 50 mois avec 79 % de bon pronostic ; les groupes C en 67 mois avec 29 % de bon pronostic. Toutes populations confondues, il est actuellement reconnu que 60 % des hanches non traitées évoluent favorablement sans traitement. Dans les 40 % restantes, porteuses de signes de mauvais pronostic, le traitement est conseillé car on sait aujourd’hui que dans ces cas, le traitement raccourcit et modifie positivement l’histoire naturelle de la maladie.
■ Diagnostic différentiel Les formes bilatérales sont peu fréquentes (12 %) et l’apparition des signes est décalée dans le temps. En revanche, en cas de signes bilatéraux contemporains, il faut remettre en cause le diagnostic de maladie de LPC. Dans ces cas-là, il est nécessaire
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de rechercher une ostéo-chondro-dystrophie comme dans les mucopolysaccharidoses (où l’atteinte des hanches est sévère, sans reconstruction, et aboutit très souvent à une arthrose précoce), les dysplasies spondyloépiphysaire ou polyépiphysaire [50] et le syndrome tricho-rhino-phalangien. Dans la race noire, une hémoglobinopathie doit être recherchée. La drépanocytose est en cause dans les doubles hétérozygoties SC ou chez les sujets SS. La maladie de Gaucher (défaut de dégradation des sphingolipides) peut provoquer des ischémies de la tête fémorale, mais également humérale, évoluant comme la maladie de LPC. L’hypothyroïdie est une cause rare. La maladie de Meyer (dysplasia epiphysealis capitis femoris) a une place à part. Cette maladie atteint le petit enfant de deux à quatre ans et l’atteinte y est bilatérale et synchrone dans 40 % des cas. L’aspect radiologique est particulier avec un retard d’apparition du noyau fémoral proximal, qui prend ensuite une forme granuleuse. L’évolution ne se fait pas vers la condensation massive. Cette image radiologique s’améliore progressivement avec une épiphyse plus homogène et un retour à la normale en deux à trois ans. Il existe également un trou scintigraphique tout à fait comparable à celui observé dans la maladie de LPC, confirmant bien le lien entre ces deux maladies [51]. L’ostéochondrite iatrogène la plus fréquemment rencontrée est l’ostéochondrite postréductionnelle au décours du traitement de la luxation congénitale de la hanche. La nécrose céphalique se traduit par des images radiologiques ressemblant à celles de la maladie de LPC avec une reconstruction et des séquelles parfois sévères dans 10 % des cas. Les ostéoarthrites de l’enfant peuvent, en cas de diagnostic et de traitement tardifs, se compliquer d’une nécrose osseuse qui va se reconstruire partiellement. Les signes radiologiques sont proches de ceux de la maladie de LPC, sans toutefois suivre la même évolution. Les fractures du col du fémur et la luxation traumatique de la hanche, rares chez l’enfant, ont comme complication majeure la nécrose de la tête fémorale, qui ne peut pas être confondue avec celle de la maladie de LPC car la reconstruction y est exceptionnelle. Il en est de même pour les nécroses après corticothérapie ou greffe rénale. La synovite aiguë transitoire, appelée également « rhume de hanche », n’a aucun lien physiopathologique avec la maladie de LPC et ne peut être évoquée qu’au stade de début infraradiologique. Mais, pour porter ce diagnostic, il faut que tous les critères cliniques et d’imagerie soient présents : boiterie aiguë isolée sans fièvre chez un enfant de trois à dix ans, limitation de la mobilité de la hanche, radiographie normale, épanchement à l’échographie. Cet épanchement peut aussi se retrouver dans une maladie de LPC, mais s’il n’existe pas, il faut sûrement proposer une surveillance clinique et indiquer de nouvelles radiographies et/ou une scintigraphie ou une IRM, en cas de persistance de la symptomatologie.
■ Traitement Buts Le traitement vise à calmer la douleur, redonner de la mobilité, éviter la détérioration de la hanche, guider la reconstruction et ainsi diminuer les risques de séquelles en modifiant l’histoire naturelle et en raccourcissant l’évolution. Il s’appuie sur l’importance de la douleur et de la limitation de la mobilité, ainsi que sur l’éventuelle présence d’une extrusion latérale et d’un effondrement de la tête. Il repose sur le concept de containment (emboîtement) décrit par Eyre-Brook [52]. L’épiphyse fémorale doit être contenue dans la profondeur de l’acetabulum afin d’équilibrer les pressions et d’autoriser ainsi une action de modelage. Ce but peut être atteint de façon opératoire ou non opératoire.
Figure 13.
Hanche traitée par triple ostéotomie pelvienne.
Moyens Techniques non opératoires La décharge simple, difficile à proposer à long terme, depuis l’abandon des hospitalisations longues en centre spécialisé, peut être mise en œuvre sous forme de déplacements en fauteuil roulant ou avec l’aide de deux cannes anglaises. Elle a été proposée associée à une mise en abduction visant à recentrer la hanche grâce à diverses attelles (Atlanta, Chicago, Bois-Larris, Tachdjian, Scottish Rite). L’efficacité de ces attelles contraignantes, puisque portées à plein temps pour une durée moyenne de un an, a été remise en question par de nombreux auteurs [53]. La traction au lit permet de soulager la hanche des contraintes mécaniques liées à la mise en charge et au tonus musculaire. Elle peut être mise en route en hospitalisation ou à domicile. Elle est antalgique et vise à lever la contracture douloureuse limitant les mouvements. Elle permet alors de recentrer la hanche et prépare la mise en place d’une attelle d’abduction. Sa mise en œuvre doit être rigoureuse en partant sur une traction collée au dixième du poids du corps, s’accompagnant d’une surveillance des loges surales et d’une kinésithérapie adjuvante. La mise en abduction progressive peut être suivie de l’application d’une bande de dérotation, visant à redonner de la rotation interne. Cette méthode ne peut être acceptée qu’à condition d’être validée par une mesure radiologique de l’abduction maximale en début de traction et au bout de quelques jours. Si après ce délai aucun progrès n’est noté, son abandon doit être discuté [54].
Chirurgie Elle peut être pelvienne ou fémorale. La chirurgie pelvienne peut être de réorientation acétabulaire, type ostéotomie innominée [55] , avec l’inconvénient de la contrainte mécanique articulaire liée à son effet d’allongement chez le petit enfant, ou type triple ostéotomie pelvienne (Fig. 13), mieux adaptée aux objectifs de couverture choisis. Elle peut être d’agrandissement, type Chiari [56, 57], avec les inconvénients techniques liés à sa difficulté d’exécution parfaite, ou type butée ostéoplastique [5860], de réalisation plus simple (Fig. 14). La chirurgie fémorale est de varisation proximale modérée, maintenue par une ostéosynthèse [61] (Fig. 15). Au recentrage de la hanche, préalablement analysée radiologiquement par arthrographie, s’associerait un « coup de fouet vasculaire » dû à l’ostéotomie (aussi attribué aux ostéotomies pelviennes), dont l’effet et la réalité n’ont jamais été prouvés [62]. Il faut garder présent à l’esprit que, parmi les 16 % de maladies de LPC sur 198 prothèses totales posées pour coxopathies de l’enfant, la survie de la prothèse est modifiée de façon significative par un antécédent d’ostéotomie fémorale [63]. Enfin, sur 40 cas d’ostéotomies fémorales revus avec un recul de 33 ans, dix avaient eu
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Le travail de Herring [49] ne retrouve aucune efficacité du traitement non chirurgical, quelles que soient les modalités et les indications. Pour cet auteur, les ostéotomies fémorales et pelviennes ne peuvent modifier le cours naturel de la maladie de LPC que dans les Herring B ou B/C, après huit ans d’âge osseux. Enfin, le bon pronostic d’une maladie de LPC survenant avant l’âge de six ans permet de se passer de tout traitement, mais certaines évolutions défavorables imposent une surveillance attentive [69]. Il semblerait donc : • que les hanches raides et douloureuses puissent être mises en traction au lit de façon relativement brève, à condition d’évaluer objectivement le gain en mobilité obtenu ; • que l’on puisse abandonner la mise en place des appareillages en abduction, au profit d’une décharge stricte sous cannes anglaises accompagnée de mobilisations par un kinésithérapeute, en fonction de la compliance du patient et ce, jusqu’au passage à la phase de revascularisation avérée, dans les nécroses dont le volume atteint ou dépasse 50 % du volume IRM de l’épiphyse [37] ; • qu’un traitement chirurgical puisse être proposé : C en phase de début de revascularisation [70] ; C chez l’enfant de six ans d’âge osseux au moins, mais cela n’est pas admis par tous ; C en cas d’excentration progressive de la hanche ; C dans les Herring B ou B/C. Ce traitement chirurgical peut être proposé en fonction des possibilités d’emboîtement étudiées par radiographies et surtout arthrographie en abduction et abduction rotation interne, ainsi que par IRM ou tomodensitométrie tridimensionnelle. Les avantages et inconvénients des différentes ostéotomies pelviennes et fémorales doivent être alors soigneusement évalués.
Figure 14. Hanche traitée par butée.
■ Conclusion Alimentées par les incertitudes étiopathogéniques, les controverses concernant le traitement de la maladie de LPC persistent. Le traitement de cette affection a néanmoins évolué de façon spectaculaire au cours des trente dernières années. Aujourd’hui, les traitements sont plus courts et les interventions chirurgicales portées dans des indications bien précises permettent de raccourcir la durée des hospitalisations et des immobilisations inacceptables pour l’enfant et sa famille. .
Figure 15.
Hanche traitée par ostéotomie de varisation.
■ Références [1]
un abaissement du grand trochanter avec apophysiodèse pour boiterie de Trendelenburg [64], ce qui confirme l’aggravation des symptômes liée à la varisation. Par ailleurs, il existe des interventions de sauvetage utilisables dans les cas d’incongruence majeure, comme l’ostéotomie fémorale de valgisation [65], la cheilectomie [66], qui supprime la saillie latérale externe de la tête fémorale, expose à une raideur et se trouve pratiquement abandonnée, la butée dans les hinge abducted hips [67] et enfin, la distraction par fixateur externe ou arthrodiastasis, proposée pour regagner une mobilité de hanche [68].
[2]
[3] [4] [5] [6] [7] [8]
Indications L’analyse de la littérature souffre de la faiblesse du nombre de patients revus dans chaque type de gravité, classe d’âge et stade évolutif.
[9]
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Fractures de fatigue du pied et de la cheville F. Banal, F. Etchepare, J. Rousset, F. Esperabe-Vignau, D. Lechevalier Les fractures de contrainte sont définies comme des lésions osseuses survenant sans notion de traumatisme ou anomalie focale osseuse, liées à l’application de contraintes répétitives. On en distingue classiquement deux sous-groupes : d’une part les fractures par insuffisance osseuse survenant sur un os présentant une ostéopathie fragilisante, et d’autre part, les fractures de fatigue survenant sur un os sain à l’occasion de contraintes physiques inhabituelles. Décrites dans la seconde partie du XIXe siècle chez les jeunes recrues en milieu militaire, les fractures de fatigue constituent un véritable trouble de l’adaptation de l’os à l’effort. En milieu civil, cette pathologie est retrouvée fréquemment en pratique clinique, surtout chez le sportif. Elle se manifeste essentiellement par des douleurs mécaniques localisées au niveau de l’os atteint. Ses localisations au pied et à la cheville sont liées essentiellement à la pratique de la marche et de la course à pied. Le diagnostic est évoqué à l’interrogatoire devant la notion de circonstances favorisantes, essentiellement liées à une activité sportive trop intense ou une modification des activités sportives dans le cadre d’un entraînement mal conduit. Les signes cliniques varient selon la localisation osseuse, mais ne permettent que rarement d’affirmer le diagnostic. En cas de négativité des radiographies standards, le recours à l’imagerie moderne en coupes est alors requis, compte tenu de la faible sensibilité de la radiographie aux stades précoces, afin de visualiser la fracture. Ces dernières années ont vu l’échographie, examen peu coûteux, accessible, non invasif et non irradiant, tendre à prendre une place de plus en plus importante dans le diagnostic précoce des fractures de fatigue des os corticaux superficiels. Nous envisageons successivement les différentes localisations du pied et de la cheville, en étudiant pour chacune d’elles, les spécificités physiopathologiques, cliniques, les performances de l’imagerie ainsi que les solutions thérapeutiques. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Fracture de fatigue ; Sport ; Fracture du pied ; Fracture de la cheville
■ Introduction
Plan ¶ Introduction
1
¶ Historique
2
¶ Facteur déclenchant
2
¶ Physiopathologie
2
¶ Facteurs favorisants Facteurs extrinsèques Facteurs intrinsèques
2 2 2
¶ Localisations au pied Métatarsiens Os naviculaire Calcanéus Sésamoïdes de l’hallux Talus Cuboïde Cunéiformes Première phalange du gros orteil
3 3 7 8 9 10 10 11 11
¶ Localisations à la cheville Malléole fibulaire Malléole médiale Région métaphysoépiphysaire basse du tibia
12 12 12 13
Les fractures de contrainte sont définies comme des lésions osseuses survenant sans notion de traumatisme ou anomalie focale osseuse, liées à l’application de contraintes répétitives. On distingue classiquement les fractures de contrainte en deux sous-groupes. D’une part, les fractures par insuffisance osseuse, qui surviennent suite à des contraintes mécaniques normales exercées sur un os présentant une ostéopathie fragilisante généralisée. Dans ce cas, la fracture survient dans un contexte d’insuffisance osseuse. D’autre part, les fractures de fatigue qui surviennent suite à des sollicitations mécaniques inhabituelles, excessives et répétées sur un os sain. Nous nous limitons à l’étude des fractures de fatigue du pied et de la cheville, survenant habituellement chez le sujet sportif, militaire ou civil, professionnel ou amateur. La suspicion est d’autant plus forte que le niveau sportif est élevé. Quasiment tous les os du pied et de la cheville peuvent être affectés. Leurs points communs sont d’une part la présence d’une symptomatologie douloureuse d’horaire mécanique, sans notion de traumatisme patent, dans un contexte de surmenage ou d’hyperactivité, et d’autre part la normalité du bilan biologique inflammatoire et phosphocalcique. Outre leur fréquence variable selon la localisation, seuls diffèrent le bilan d’imagerie, toujours nécessaire au diagnostic différentiel, et les options
27-100-A-75 ¶ Fractures de fatigue du pied et de la cheville
thérapeutiques, qui sont variables selon la localisation, la durée de la symptomatologie et le niveau sportif.
■ Historique Historiquement, les fractures de fatigue ont été décrites en milieu militaire chez de jeunes recrues au niveau des métatarsiens. En 1855, Breithaupt, chirurgien militaire prussien, est le premier à les décrire, mais évoque à tort une origine ténosynoviale [1]. En 1887, Pauzat, médecin militaire français, est le premier à en faire une affection osseuse, la dénommant « périostite ostéoplastique des métatarsiens à la suite des marches » [2]. Dix ans plus tard, la découverte des rayons X permet de confirmer son hypothèse, avec la publication des premières radiographies de fractures de fatigue par Stechow [3]. Dès 1905, Kirschner remarque que les anomalies radiologiques n’apparaissent que 2 à 3 semaines après les signes cliniques [4]. En 1925, Deutchlander montre qu’il existe d’autres localisations et réalise la première étude d’ensemble [4] . La fracture par insuffisance est de description plus récente : Singer rapporte, en 1954, des observations de fractures du tibia survenant sans notion de traumatisme mais sans activité excessive, ni anomalie focalisée de l’os [5]. C’est à Pentecost que l’on doit l’appellation actuelle de fractures de contrainte [6]. Dans les années 1970, l’avènement de la scintigraphie permet une détection précoce des fractures de contrainte, dès l’apparition des signes cliniques, et met en évidence l’atteinte parfois plurifocale [4]. Dans les années 1980, ces fractures font l’objet de nombreuses publications, d’origine militaire pour la plupart, colligeant plusieurs centaines de cas [7-10]. La tomodensitométrie (TDM) va faciliter la détection des fractures en zone anatomique complexe, et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) va se révéler aussi sensible que la scintigraphie dans la détection précoce des lésions, mais avec une spécificité plus importante. Récemment, l’échographie a montré ses capacités diagnostiques des fractures de fatigue corticales des os superficiels dans les stades précoces.
■ Facteur déclenchant La notion d’effort inhabituel, intense et répété est un élément étiologique constant dans la survenue des fractures de fatigue qu’il faut rechercher à l’interrogatoire. Dans le cas des fractures de contrainte du pied et de la cheville, les activités de marche ou de course à pied en milieu civil ou militaire, amateur ou professionnel, en sont les grandes pourvoyeuses. Ceci est d’autant plus fréquent que le niveau sportif est élevé, amenant certains athlètes à un surentraînement délétère [11]. Cette notion est également retrouvée en milieu amateur, où le souhait de remise en forme entraîne certains excès sportifs [11].
■ Physiopathologie Selon la loi de Wolff, l’os présente un remodelage physiologique, en réponse à des contraintes mécaniques, qui débute par une phase de résorption ostéoclastique, demandant au maximum 3 semaines, entraînant des microdommages ou microcracks au sein de la structure osseuse normale. Cette phase est suivie d’une phase de formation osseuse ostéoblastique, durant approximativement 3 mois [12], qui répare ces microdommages en formant un os nouveau, empêchant donc leur chance de propagation. Quand la résorption ostéoclastique dépasse la formation osseuse ostéoblastique, du fait d’une contrainte mécanique imposée trop importante, l’os devient plus fragile et la fracture survient du fait de cette insuffisance osseuse localisée et transitoire, par propagation des microdommages. La fracture de fatigue apparaît donc être dans un continuum allant du remodelage osseuse normal à la fracture franche. C’est donc une maladie d’adaptation de l’os à l’effort au cours duquel survient une accélération des processus de remaniement osseux, entraînant un déséquilibre localisé entre les phénomènes physiologiques de résorption et de reconstruction osseuse. Ainsi, comme la course à pied entraîne des contraintes 3 à 8 fois plus importantes que la marche, on comprend qu’elle soit particulièrement pourvoyeuse de fractures de fatigue [11].
■ Facteurs favorisants Depuis sa découverte, de nombreux auteurs ont décrit le problème de la fracture de fatigue sans que soit défini un concensus clair quant à son étiologie. L’étiologie de ces fractures est multifactorielle [13]. Nous allons donc en développer les principaux facteurs de risque incriminés, en distinguant les facteurs favorisants extrinsèques des facteurs favorisants intrinsèques.
Facteurs extrinsèques Régime d’entraînement Un haut volume d’entraînement est un facteur majeur de survenue de fracture de fatigue [11]. De multiples études chez le coureur ont démontré une corrélation positive entre le kilométrage hebdomadaire et l’incidence des fractures de fatigue [11]. De même, les danseurs de ballet s’entraînant plus de 5 heures par semaine ont un risque significativement plus grand de fracture de fatigue que ceux s’entraînant moins de 5 heures [14]. Des variations rapides, voire abruptes dans la durée, la fréquence ou l’intensité des programmes d’entraînement augmentent également le risque pour l’athlète de développer une fracture de fatigue. La réduction de l’intensité ou de la fréquence des programmes d’entraînement s’accompagne d’une réduction de l’incidence des fractures de fatigue chez les recrues militaires, quel que soit le sexe [11]. Ainsi, le respect de périodes de sommeil minimales et la diminution des marches cumulatives ont permis une diminution de 62 % de l’incidence des fractures de fatigue dans l’armée israélienne [15].
Chaussage La chaussure joue un grand rôle dans la réduction de l’impact sur le sol et permet une certaine stabilité en contrôlant les mouvements du pied et de la cheville. Plus que son coût, l’ancienneté de la chaussure se révèle être le meilleur indicateur de ses qualités d’absorption de l’impact au sol. Ainsi, Gardner et al. ont montré que l’entraînement dans des chaussures de plus de 6 mois augmentait le risque de fracture de fatigue, alors qu’aucune corrélation n’existait avec le coût de la chaussure [16]. Dans une méta-analyse Cochrane, l’emploi d’orthèses plantaires semble réduire l’incidence des fractures de fatigue des recrues militaires. Cependant, ceci n’a pas été démontré chez l’athlète pratiquant la course à pied [17].
Surface d’entraînement La surface d’entraînement des athlètes pourrait également contribuer au risque de fracture de fatigue. Cependant, les études à ce sujet sont divergeantes, ne permettant pas de conclure formellement [11].
Type de sport Outre des incidences de fracture de fatigue variant selon le type de sport exercé, il semble que les sprinters et sauteurs fassent plus de fractures de fatigue du pied, alors que les coureurs à pied sur moyenne et longue distance font plus de fractures de fatigue des os longs et de la ceinture pelvienne [11].
Facteurs intrinsèques Densitométrie osseuse La plupart des études ne retrouvent pas d’association entre densité minérale osseuse (DMO) basse et résistance osseuse. Elle n’a donc pas d’intérêt actuellement démontré [13].
Géométrie osseuse Bien que la géométrie osseuse contribue aux propriétés mécaniques de l’os, à ce jour, il n’est pas possible de définir une valeur seuil permettant d’incriminer avec certitude ce paramètre dans la genèse de la fracture [13].
Fractures de fatigue du pied et de la cheville
Marqueurs biochimiques Aucune étude à ce jour n’a permis de mettre en évidence un marqueur de remodelage osseux comme prédictif d’une fracture de fatigue [13].
Microarchitecture osseuse Il est actuellement bien établi que la microarchitecture osseuse contribue à la résistance osseuse [13]. Parmi les techniques d’exploration de cette microarchitecture, l’analyse fractale sur radiographie du calcanéus est une méthode validée depuis 1994 [18]. Celle-ci est calculée à partir des lignes de niveaux de gris de l’image radiographique digitalisée. La valeur de la dimension fractale D se situe théoriquement entre 1 et 2. Le paramètre fractal H est relié à la dimension fractale D par l’équation H = 2 - D. La valeur H est calculée dans les 36 directions de l’espace et la moyenne des résultats de H (Hmean) représente le résultat final pour l’image [13]. Cet indice, qui s’est révélé plus faible chez des sujets sportifs fracturés par rapport à un groupe témoin, pourrait servir de facteur prédictif, mais des investigations complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats [13].
Sexe La majorité des auteurs rapportent une plus forte incidence des fractures de fatigue dans la population féminine, et ce aussi bien en milieu militaire que sportif [13]. Parmi les hypothèses avancées, les perturbations du cycle sont systématiquement retrouvées comme facteur favorisant, aboutissant au concept de la triade de l’athlète féminine établi en 1992 par l’American College of Sports Medicine, regroupant trois symptômes : troubles du cycle, carences nutritionnelles et ostéoporose. Ainsi, l’hypoestrogénisme entraîne une augmentation de la résorption osseuse et une diminution de la formation, empêchant la réparation des microfractures induites par les contraintes [13]. Des études montrent ainsi que la contraception orale aurait un effet préventif sur la survenue de fractures de fatigue chez l’athlète féminine [11].
Âge Le rôle de l’âge dans le risque de fractures de fatigue de l’athlète féminine n’est pas établi. Les études chez les recrues militaires sont divergentes à ce sujet [11]. De même, la plupart des études chez l’athlète ne montrent pas de corrélation entre l’âge et l’incidence des fractures de fatigue. Cela pourrait être expliqué par des facteurs confondants comme le niveau d’activité physique préexistant, le statut hormonal, les valeurs de la densité minérale osseuse et le niveau d’entraînement [11].
Race L’incidence des fractures de fatigue est significativement plus élevée chez la femme caucasienne et asiatique que chez la femme noire américaine. Ce fait serait lié aux différences dans le remodelage osseux et le pic de masse osseuse [13].
Fatigue et masse musculaire Une masse musculaire importante exerce un effet protecteur en diminuant les forces en compression exercées sur les surfaces corticales au niveau des membres inférieurs [19]. Par ailleurs, une étude montre une diminution de l’absorption des forces d’impact parallèlement à l’augmentation de la fatigue musculaire au cours d’effort d’endurance [20].
Facteurs nutritionnels Les carences nutritionnelles et les restrictions caloriques, volontaires ou non, peuvent accentuer le risque de fracture de fatigue. L’étude d’Armstrong [21] montre qu’une perte de poids rapide lors du cycle d’entraînement, traduisant une balance calorique et énergétique négative, est un facteur de risque pour les militaires masculins comme féminins. Elle pourrait agir soit par une carence calcique ou protéique néfaste pour le remodelage
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osseux, soit plus probablement par une fonte musculaire exposant à une réduction de la force musculaire, qui est un élément protecteur. Ces dernières années ont vu de plus en plus d’études impliquant la carence vitaminocalcique comme facteur favorisant des fractures de fatigue. La carence en apport vitaminocalcique semble fréquente comme le montre une étude chez des gymnastes de haut niveau [22]. De même, une carence en vitamine 25 (OH) D est corrélée avec un risque plus important de fracture de fatigue chez des recrues militaires finlandaises [23]. Enfin, une étude démontre qu’une supplémentation vitaminocalcique permet de réduire de 20 % l’incidence des fractures de fatigue chez des recrues féminines [24]. Ainsi, certains auteurs recommandent une supplémentation vitaminocalcique en prévention des fractures de fatigue chez la recrue militaire [25]. Enfin, deux études récentes montrent une corrélation entre carence martiale et risque de fracture de fatigue chez les recrues militaires féminines [26, 27]. Cependant, ces données demandent confirmation lors d’études futures.
■ Localisations au pied Métatarsiens Épidémiologie Il s’agit de la description princeps des fractures de fatigue, les plus fréquentes et les plus décrites au niveau du pied. Sa fréquence des grandes séries récentes varie entre 8 % et 38 % de l’ensemble des fractures de fatigue, en moyenne autour de 20 %. Au sein des localisations au pied, cette fréquence dépasse 50 %. Parmi l’ensemble des métatarsiens, les 2e et 3e métatarsiens arrivent largement en tête des localisations de l’ensemble des séries publiées. Viennent ensuite, par ordre de fréquence, les 4e, 1er et 5e métatarsiens.
Pathogénie Les explications physiopathologiques sont variables et dépendent de la localisation et des auteurs. Ainsi, pour Devas [28], les fractures du 1er métatarsien, qui sont toujours proximales, sont expliquées par des contraintes en compression, alors que pour les autres métatarsiens, il évoque plutôt des contraintes en flexion et en traction. Milgrom souligne la notion de contraintes verticales [29]. Ainsi, le 1er métatarsien, du fait de son important diamètre par rapport aux autres métatarsiens, résisterait mieux à l’onde de choc. De même, du fait de leur plus grande mobilité dorsoplantaire, les 4e et 5e métatarsiens seraient moins exposés aux contraintes grâce à un effet d’amortissement. En revanche, les 2e et 3e métatarsiens, plus longs et plus fins que les autres et maintenus de façon plus rigide au niveau du tarse, sont eux plus sensibles aux contraintes [29]. Cependant, une étude récente, sur 50 danseuses professionnelles, ne montre pas d’influence de la longueur du second orteil et du second métatarsien sur la fréquence des fractures de la base du 2e métatarsien [30]. De même, dans une autre étude, les auteurs ne mettent pas en évidence de différences biomécaniques statiques dans l’incidence des fractures du 3e métatarsien. Ils retrouvent, en revanche, des différences biomécaniques dynamiques significatives avec une augmentation du temps d’appui au niveau de l’avant-pied, mais le faible effectif de l’étude ne permet pas de conclusions définitives [31]. Certaines malformations du pied jouent probablement un rôle. Ainsi, des auteurs rapportent la survenue de quatre fractures de fatigue consécutives et unilatérales chez un patient porteur d’une déformation de l’avant-pied en varus [32]. Pour certains auteurs, l’hypothèse de la fatigue musculaire perturbant la capacité d’amortissement des contraintes expliquerait la plupart des fractures de fatigue. Ainsi, Sharkey et al. ont montré que la contraction des longs fléchisseurs des orteils permet de diminuer les contraintes en flexion s’exerçant sur les métatarsiens [33]. Une étude prospective récente portant sur 30 sujets amène un élément supplémentaire à cette explication
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physiopathologique intéressante. Elle montre l’influence de la fatigue musculaire sur les contraintes métatarsiennes, qui pourrait expliquer la fréquence des localisations, notamment sur les 2e et 3e métatarsiens [34]. Les investigateurs ont pris 30 sujets, coureurs et triathlètes entraînés (en moyenne, 60,8 ± 28,2 km par semaine), et les ont fait courir sur un tapis de course jusqu’à épuisement en mesurant l’activité électromyographique de surface de 14 muscles, et la pression plantaire par des semelles incorporant des capteurs de pression. Les mesures ont montré une augmentation de la force maximale, du pic de pression et de l’impulsion au niveau de la tête des 2e et 3e métatarsiens et de la partie médiale du médiopied en fin d’exercice. Dans le même temps, il était constaté une diminution significative de l’activité électromyographique au niveau des muscles gastrocnémiens et soléaire [34]. Concernant les fractures de la base du 2e métatarsien, des tractions ligamentaires mises en jeu lors de la flexion plantaire forcée sont mises en cause [35]. Enfin, l’hypovascularisation métaphysodiaphysaire est impliquée dans la physiopathogénie des fractures de la base du 5e métatarsien [36].
Clinique La symptomatologie douloureuse de l’avant-pied, d’horaire mécanique, est habituellement progressive. Elle s’accompagne volontiers d’un œdème du dos du pied. Au cours de l’évolution, la poursuite des contraintes peut entraîner un tableau invalidant avec boiterie, soit spontanément, soit au décours immédiat d’un traumatisme mineur, obligeant parfois le patient à marcher sur le talon. À l’examen clinique, on retrouve une tuméfaction dorsale plus ou moins étendue, comblant les vallées intermétatarsiennes. Cet élément est particulièrement flagrant par comparaison au côté sain. Exceptionnellement, on peut mettre en évidence une ecchymose dorsale. La palpation dorsale de chaque métatarsien sur toute leur longueur permet de mettre en évidence un point douloureux exquis, dont la valeur localisatrice est bonne. De même, la flexion dorsale forcée de la tête métatarsienne peut réveiller une douleur au niveau du foyer fracturaire situé en amont. Enfin, la douleur est déclenchée lors des tests de mise en charge sur demi-pointe. Certaines fractures possèdent des particularités. Ainsi, la fracture du col ou de la base du 2e métatarsien est plus souvent vue chez les danseuses. La douleur est alors parfois uniquement présente à la montée en pointe. En cas de fracture de la tête métatarsienne, la localisation intra-articulaire du trait peut simuler une arthrite métatarsophalangienne [37] . Enfin, la fracture proximale de la grosse tubérosité du 5e métatarsien est, elle, fréquemment confondue avec la fracture dite « de Jones », d’origine traumatique. Les fractures de fatigue sont métaphysodiaphysaires et plus distales, les fractures de Jones étant situées au sein même de la tubérosité. Dans des cas de fractures vues tardivement, la douleur et l’œdème sont alors moindres, mais on peut percevoir alors une tuméfaction dure, oblongue, le long du fût diaphysaire métatarsien, correspondant au cal osseux.
Imagerie
Figure 1. périostée.
Fracture de fatigue du col du 2e métatarsien : apposition
Figure 2. Fracture de fatigue de la base du 2e métatarsien : apposition périostée.
Radiographie standard Si de nombreuses publications ont parfaitement décrit les différents aspects des fractures en radiographie, il est important de garder à l’esprit que la plupart des clichés initiaux sont normaux, ce qui n’élimine donc pas le diagnostic. L’autre fait important est de bien réaliser des incidences obliques afin de dégager le trait cortical, parfois non visible de face. En cas de fracture corticale, à la phase initiale, on peut mettre en évidence la fissure sous la forme d’un « cheveu sur la porcelaine ». Celui-ci peut n’apparaître qu’après 3 semaines d’évolution. Au-delà de la troisième semaine survient habituellement une apposition périostée sous la forme d’un fin liseré parallèle à la diaphyse et paraissant la dédoubler (Fig. 1, 2). Initialement floue, elle s’épaissit progressivement, devenant de plus en plus nette, parfois exubérante, pouvant donner le change pour une pathologie maligne. Au-delà de 6 à 8 semaines, on voit apparaître le cal osseux fusiforme, engaînant l’un ou l’autre des
4
bords métatarsiens, parfois les deux en cas de fracture touchant les deux corticales, donnant alors un aspect de densification médullaire. En cas de fracture spongieuse, comme c’est le cas pour les fractures de la base du 1er métatarsien, on constate une ostéocondensation intramédullaire métaphysodiaphysaire, linéaire, perpendiculaire aux travées osseuses, d’apparition inconstante et tardive (Fig. 3). En cas de fracture de la tête des métatarsiens, on distingue au-delà de la quatrième semaine une sclérose en bande ou ponctuée au sein de la tête métatarsienne, qui disparaît dans l’évolution (Fig. 4). Mais la sphéricité est alors conservée, ce qui permet de distinguer cette pathologie de l’ostéonécrose des têtes métatarsiennes [37]. Une autre entité particulière mérite d’être décrite : la fracture de fatigue du 5e métatarsien. Elle se situe à 1,5 cm de la pointe du tubercule du Podologie
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Figure 3. Fracture de fatigue de la base du 1er métatarsien : ostéocondensation. Figure 5.
Figure 4. bande.
Fracture de fatigue de la base du 5e métatarsien.
Fracture de fatigue de la tête du 2e métatarsien : sclérose en
métatarsien, et est d’orientation transversale par rapport au grand axe de l’os (Fig. 5). La classification radioclinique de Torg [38] permet de distinguer : le type I en cas de douleur aiguë où les radiographies montrent un trait de fracture fin, associé à une discrète hypertrophie corticale ou une réaction périostée. Il n’existe pas de sclérose médullaire ; le type II en cas de douleur chronique où les clichés radiologiques mettent en évidence un trait de fracture plus large, avec un début de cal et la présence d’une sclérose intramédullaire ; enfin, le type III qui correspond à un aspect de pseudarthrose avec un trait de fracture très élargi et une diaphyse totalement obstruée par de la sclérose. Échographie La première description échographique en mode B de fracture métatarsienne remonte à 1992 [39]. Récemment, nous avons montré sa capacité diagnostique précoce et précisé la sémiologie échographique des fractures de contraintes métatarsiennes, à partir d’un cas confirmé par IRM [40]. En mode B, en coupes sagittales et frontales dorsales, on peut mettre en évidence une zone hypoéchogène correspondant à l’hématome périosté, un aspect discontinu de la corticale osseuse témoignant de la rupture corticale, signant le diagnostic de fracture. En mode Doppler puissance, on peut mettre en évidence une hypervascularisation, au sein de l’hématome, mais également dans les
Figure 6. Fracture de fatigue du 2e métatarsien ; coupe sagittale : rupture corticale, hématome périosté, hypersignal en fenêtre Doppler puissance.
parties molles adjacentes (Fig. 6, 7). Cette sémiologie est parfaitement corrélée à celle constatée en IRM. Dernièrement, nous avons mené une étude pilote sur 37 patients présentant une douleur mécanique de l’avant-pied évoluant depuis moins de 3 mois, en prenant comme gold standard l’IRM dédiée [41]. Avec une sensibilité, une spécificité, une valeur prédictive positive et une valeur prédictive négative de respectivement de 83 %, 76 %, 59 % et 92 %, l’échographie se montre supérieure à la radiographie dans le diagnostic précoce de fracture de contrainte. Compte tenu de sa disponibilité, de son faible coût et de son caractère non invasif et non irradiant, nous proposons de l’intégrer à un nouvel algorithme de prise en charge diagnostique en cas de suspicion de fracture de contrainte métatarsienne (Fig. 8). D’autres études sont cependant nécessaires afin de confirmer ces données préliminaires. Scintigraphie osseuse Elle met en évidence une hyperfixation, témoin de l’ostéoblastose locale, aux trois temps de l’examen. Cet examen n’étant pas spécifique, l’hyperfixation doit correspondre à la localisation douloureuse et au contexte clinique pour être très
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Figure 7. Fracture de fatigue du 2e métatarsien ; coupe frontale : hématome périosté, hypersignal en fenêtre Doppler puissance.
Douleur
Radiographie
Échographie
+ Figure 10. Fracture de fatigue du col du 3e métatarsien : hypersignal T2 intramédullaire s’étendant aux parties molles adjacentes.
+
Traitement IRM
+
±
Uniquement en cas de doute diagnostique sur IRM Scintigraphie osseuse
+
Figure 8. Arbre décisionnel. Algorithme décisionnel en cas de suspicion de fracture de contrainte métatarsienne.
IRM C’est actuellement l’examen de choix dans le diagnostic précoce, quand celui-ci est indispensable, car plus spécifique que la scintigraphie osseuse. Cependant, son coût et sa faible disponibilité font qu’on le réserve aux cas particuliers où la radiographie et l’échographie n’ont pas permis de porter le diagnostic. Il met en évidence, en séquences pondérées T1, un hyposignal se rehaussant après injection de gadolinium. En séquences pondérées T2 saturation de graisse/suppression du signal de la graisse par inversion-récupération (STIR), on note un hypersignal intramédullaire qui s’étend aux parties molles adjacentes (Fig. 10). Le trait de fracture, inconstant, est mis en évidence sous la forme d’un liseré en hyposignal dans chacune des séquences pondérées T1 ou T2 saturation de graisse/STIR (Fig. 11). En séquence T1 gadolinium, cet hyposignal se renforce du fait de la prise de contraste de l’œdème osseux périphérique.
Traitement
Figure 9. Fracture de fatigue du 2e métatarsien : hyperfixation localisée. Vue plantaire.
évocatrice (Fig. 9). Son seul intérêt actuel est la mise en évidence de foyers fracturaires multiples, symptomatiques ou non. En cas de négativité, le diagnostic de fracture de fatigue peut être exclu.
Le traitement repose essentiellement sur l’arrêt de l’activité à l’origine de la lésion. Le principal but est d’éviter d’aboutir à une fracture complète, ou en cas de fracture complète, le déplacement du foyer fracturaire. Pour les fractures des 2e, 3e, et 4e métatarsiens, les plus fréquentes, le traitement repose sur une décharge plus ou moins complète de l’avant-pied, soit par une simple limitation des activités de marche en cas de symptomatologie mineure, soit par le port d’une chaussure de décharge de l’avant-pied de type Barouk en cas de symptomatologie plus importante. Le recours à la contention plâtrée ou en résine n’est pas recommandé. La reprise des activités physiques est alors envisageable après la sixième semaine. En cas de fracture du 1er métatarsien, un traitement plus intensif par chaussure de décharge de l’avant-pied est indiqué afin d’éviter un déplacement secondaire dont les conséquences sur l’architecture du 1er rayon risquerait d’entraîner des troubles statiques importants. Dans certains cas, une réduction orthopédique suivie d’une immobilisation plâtrée est proposée [42] . Les
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conséquences chez l’athlète. Les médecins du sport doivent donc suspecter cette pathologie en cas de symptomatologie douloureuse vague et imprécise du médiopied ou de la cheville chez un athlète [12].
Pathogénie Les fractures de fatigue naviculaires sont orientées dans le plan sagittal et sont localisées au tiers central de l’os. La vascularisation et des phénomènes biomécaniques font que l’os naviculaire est particulièrement sujet aux fractures de fatigue. L’os naviculaire est recouvert de cartilage articulaire sur trois de ses faces et reçoit une vascularisation via de petites branches des artères pédieuse et tibiale postérieure [12]. Une étude de microangiographie sur cadavre montre que seuls les pôles médial et latéral sont bien vascularisés, laissant le tiers central relativement avasculaire [45]. Durant la marche, le naviculaire est soumis à un effet de cisaillement lié d’une part à la torsion entre les 1er et 2e métatarsiens transmise via les articulations rigides naviculocunéiformes, et d’autre part à la contrainte talienne sur la partie proximale et médiale du naviculaire [12]. L’analyse des contraintes au niveau du naviculaire chez le cadavre montre qu’elles sont plus importantes au niveau du tiers central de l’os [46]. Différents auteurs décrivent des variations anatomiques comme étant des facteurs prédiposants au développement de fractures de fatigue. Cependant, il n’y a pas de consensus, et dans une étude comparative entre athlètes ayant eu ou non une fracture de fatigue naviculaire, aucune différence significative n’a été montrée [47]. Comme habituellement, les erreurs liées à l’entraînement et aux conditions de surutilisation répétitive sont les facteurs communs aboutissant à la survenue de fractures de fatigue naviculaires.
Clinique
Figure 11. Fracture de fatigue de la base du 3e métatarsien : trait fracturaire en hyposignal sur séquence T2.
fractures de la base du 2e métatarsien nécessitent un traitement particulier, dépendant du délai diagnostique compte tenu du risque de pseudarthrose et d’arthropathie, très fréquent. On recommande alors une immobilisation plâtrée ou en résine avec décharge complète. Parfois, un traitement chirurgical est nécessaire avec ablation du fragment, associée ou non à une arthrodèse locale. En cas de fracture des têtes métatarsiennes, une décharge par chaussure de décharge de l’avant-pied type Barouk est recommandée pour une durée de 4 semaines [37]. Enfin, concernant les fractures du 5e métatarsien, le traitement dépend de la classification de Torg [38]. En cas de fracture de type I, un traitement orthopédique avec décharge est proposé. En cas de fracture de type II, le traitement chirurgical est alors proposé. Dans les fractures de type III, l’indication chirurgicale est systématique, associant un curetage médullaire avec greffe et vissage.
Os naviculaire Épidémiologie Le premier cas rapporté dans la littérature remonte à 1970 [43]. La plus grande série décrite, comprenant 150 cas, a été publiée en 1994 [44]. Les fractures de fatigue de l’os naviculaire sont classiquement décrites comme assez rares [12]. L’incidence estimée des séries des années 1980 variait entre 0,7 % et 2,4 % de l’ensemble des fractures de fatigue. Cependant, du fait d’une meilleur connaissance de la pathologie et de la disponibilité plus grande des techniques modernes d’imagerie, cette incidence a été estimée entre 14 % et 35 % de l’ensemble des fractures de fatigue [12] et en fait l’une des fractures les plus fréquentes en athlétisme. La fracture de fatigue de l’os naviculaire est de diagnostic difficile, expliquant un délai moyen de 4 à 7,2 mois après le début des symptômes. Ce retard diagnostique et donc thérapeutique de ces lésions peut avoir de sévères
Les fractures de fatigue de l’os naviculaire sont classiquement vues chez des athlètes pratiquant un sport demandant du sprint et des changements de vitesse et direction, entraînant des contraintes répétitives de haute intensité. Les patients se plaignent d’une douleur de l’arrière ou du médiopied, souvent plantaire, d’horaire mécanique. Les symptômes ont fréquemment une évolution lente et insidieuse. La douleur est présente initialement au début et à la fin de l’entraînement, cédant lors de phases de repos. Puis, la douleur devient plus intense, persistante malgré l’arrêt de l’effort. Les fractures de fatigue naviculaires sont particulières du fait de la pauvreté des signes cliniques. On ne retrouve souvent ni gonflement, ni déformation ou ecchymose. La force musculaire et l’amplitude articulaire sont souvent normales. La symptomatologie simule fréquemment une ténosynovite du tibial antérieur ou postérieur, une entorse du médiopied ou une fasciite plantaire. Un examen clinique minutieux révèle souvent une douleur à la pression et à la percussion de la partie dorsale du médiopied, qui peut irradier vers l’arche médiale. Torg [45] décrit ainsi une aire entre le tendon du tibial antérieur et l’extenseur de l’hallux, correspondant à la portion dorsale centrale du naviculaire qui est douloureuse à la pression dans 81 % des cas, dénommée par Khan [44] comme le N-spot ou « point naviculaire ».
Imagerie Radiographie standard La sensibilité des radiographies est faible dans le diagnostic radiologique des fractures de fatigue naviculaires. Cela a bien été montré par Pavlov [48] dans une étude rétrospective où seules cinq des 23 fractures naviculaires étaient identifiées sur les radiographies standards. Après relecture des radiographies à la lumière des scintigraphies positives, seules neuf des 23 fractures naviculaires étaient mises en évidence. Dans une revue de la littérature, Khan [44] montre que 83 % des fractures de fatigue de l’os naviculaire sont incomplètes lors de la présentation initiale et seules 24 % sont identifiées sur les radiographies standards, contre 81 % en cas de fractures complètes. Deux raisons expliquent cette faible sensibilité : d’une part les fractures de fatigue incomplètes ne deviennent visibles qu’une
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fois la résorption ostéoclastique réalisée ; d’autre part, une vraie incidence antéropostérieure de l’os naviculaire est difficile à obtenir. Scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse au technétium 99m est l’examen de première intention quand les radiographies sont négatives ou non contributives. La sensibilité de cet examen est proche de 100 % [44]. Pour être considérée comme positive, l’hyperfixation scintigraphique doit être visualisée au cours des trois phases de l’examen. Cependant, du fait de la faible spécificité de la scintigraphie, une imagerie complémentaire est souvent nécessaire. TDM Le scanner est considéré comme le gold standard pour le diagnostic des fractures de fatigue naviculaires. L’acquisition est axiale, inframillimétrique avec reconstructions multiplanaires. Le taux de faux négatifs varie entre 7 % et 11 % [12]. Le scanner est utile afin d’analyser les caractéristiques de la fracture, permettant de distinguer les fractures partielles des fractures complètes et les fractures déplacées. Les fractures se développent à la partie proximale et dorsale de la corticale et se propagent dans le plan sagittal à la partie plantaire et distale de l’os. Saxena [49, 50] a proposé une classification basée sur les images scanographiques, séparant les fractures en trois groupes : type I, rupture corticale dorsale ; type II, propagation de la fracture dans le corps de l’os naviculaire ; type III, propagation à la corticale opposée. Cependant, cette classification ne s’est pas imposée à ce jour. IRM L’IRM possède une grande sensibilité dans le diagnostic des fractures de fatigue naviculaires. Un œdème osseux en pondération T2 est vu de manière précoce. Mais cet œdème ne signe pas forcément une fracture et peut refléter la réponse osseuse à une contrainte. De même, des faux négatifs sont rencontrés dans les fractures de fatigue chroniques présentant des bords sclérotiques [51]. Ainsi, sauf en cas d’impossibilité d’accès au scanner, l’IRM ne peut être un examen de premier choix dans la démarche diagnostique après une scintigraphie osseuse positive, du fait de son coût et de son manque d’information additionnelle.
Traitement Ces fractures de fatigue sont à haut risque d’évolution vers une fracture complète. De ce fait, des traitements agressifs médicaux et chirurgicaux sont nécessaires [47]. Le traitement médical agressif repose sur une immobilisation plâtrée empêchant l’appui jusqu’à consolidation fracturaire. Le choix entre traitement médical et traitement chirurgical dépend des caractéristiques de la fracture et des attentes du patient quant à sa reprise d’activité. Un traitement médical par immobilisation plâtrée devrait être débuté pour une période d’au moins 6 semaines. Une fois que la douleur a cédé suite à l’immobilisation, la reprise de l’appui peut avoir lieu et la rééducation fonctionnelle débuter. Si la douleur persiste, le patient est alors autorisé à marcher avec une botte de maintien jusqu’à ce que la douleur disparaisse. Le retour à l’activité complète peut prendre jusqu’à 8 mois. Le traitement chirurgical repose sur une fixation par vis percutanée ou un abord du site fracturaire. Ce traitement est généralement réservé aux fractures chroniques, déplacées ou pseudarthrosées. Dans leur étude de 21 fractures naviculaires, Torg et al. rapportent un succès thérapeutique dans 100 % des patients traités par immobilisation pendant 6 à 8 semaines, avec une moyenne de retour à l’activité de 3,8 mois [45]. Pour Saxena et al. [49, 50], le retour à l’activité et le recours à la chirurgie dépendaient du type de fracture, selon leur classification : le délai moyen était de 3 mois pour les fractures de type I, 3,6 mois pour les fractures de type II et 6,8 mois pour les fractures de type III. Le recours à la chirurgie était plus important dans les fractures de type II et III afin de permettre une reprise plus rapide de l’activité. Ces auteurs recommandent
donc, chez les athlètes, une prise en charge agressive incluant une chirurgie précoce, afin de minimiser la perte de temps d’entraînement et de compétition sans affecter le succès thérapeutique. Pour les patients présentant une fracture de type I, l’immobilisation plâtrée est privilégiée [47]. Des traitements par ultrasons et stimulateurs électriques ont été proposés, mais aucune preuve d’efficacité n’a pu être avancée [52].
Calcanéus Épidémiologie L’incidence des fractures de fatigue calcanéennes varie dans la littérature. La plupart des grandes séries sont rapportées chez des recrues militaires. Leur fréquence varie de 20 % à 25 % selon les séries. Les fractures bilatérales sont fréquentes, rapportées entre 33 % et 75 % des cas dans les différentes séries publiées [53].
Pathogénie Outre le classique facteur favorisant d’une augmentation de l’activité physique, un chaussage inadéquat et des surfaces de course dures ont été impliqués dans le développement des fractures de fatigue du calcanéus [53]. Des anomalies biomécaniques telles que le pes cavus, une malformation calcanéenne, une anomalie de longueur des membres inférieurs pourraient les favoriser. L’action contrariée des muscles et des tissus mous, notamment tendons et aponévrose plantaire, a été impliquée dans la genèse des fractures calcanéennes. Ceci pourrait expliquer pourquoi certaines activités qui requièrent un grand degré de contraction concentrique ou excentrique des gastrocnémiens, comme le saut, le parachutisme, ou la station debout prolongée, prédisposent aux fractures de fatigue calcanéennes [53].
Clinique Les patients peuvent présenter différents symptômes. Comme les symptômes s’aggravent progressivement sur une période de 3 à 8 semaines et que la plupart des radiographies initiales sont normales, le diagnostic est souvent retardé. Typiquement, le patient présente un gonflement douloureux du talon dans les suites d’une activité inhabituelle. La symptomatologie la plus fréquente inclut une douleur plantaire ou diffuse du talon, aggravée à la marche et regressive au repos, pouvant obliger le patient à marcher sur la pointe du pied, talon légèrement surélevé. La douleur augmente généralement à l’effort, et des dyskinésies peuvent être présentes. Parfois, la symptomatologie mime une fasciite plantaire, une talonnade, une tendinopathie, ou une bursite. L’examen clinique met en évidence une douleur du talon à la compression transversale bidigitale entre le pouce et l’index. On peut également retrouver une douleur à la pression postérieure ou plantaire du talon. Le talon peut être plus chaud que les tissus environnants, ou que le talon controlatéral, mais ceci n’est pas systématique. Un très inconstant œdème intéressant l’ensemble du talon peut être observé, avec notamment un empâtement effaçant les gouttières rétrotibiales. Le tendon calcanéen est asymptomatique : la marche sur la pointe des pieds est indolore, sa palpation également. L’ecchymose n’est habituellement pas observée, car la corticale osseuse demeure le plus souvent intacte.
Imagerie Radiographie standard La radiographie standard peut montrer, après un délai minimal de 2 à 3 semaines après le début des symptômes, une bande de condensation au sein de l’os spongieux d’une largeur de 2 à 7 mm et d’une longueur de 1 à 5 cm, perpendiculaire aux travées osseuses de l’os spongieux (Fig. 12), qui siège le plus souvent dans la partie postérieure du calcanéus [54]. Ce signe est particulièrement bien vu sur les clichés de profil, mais certains auteurs proposent également des clichés axiaux ou obliques [55]. Aucun déplacement ou perte de l’angle de Bohler n’est normalement vu. Habituellement, on ne note pas de réaction corticale car la fracture, développée au sein de l’os spongieux, ne s’étend que très rarement à l’os cortical [56].
Fractures de fatigue du pied et de la cheville
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Traitement
Figure 12. Fracture de fatigue du calcanéus : bande de condensation perpendiculaire aux travées osseuses.
Le traitement des fractures de fatigue calcanéennes varie selon la sévérité et le degré de douleur. Il est avant tout conservateur, car cette localisation guérit habituellement de manière spontanée. Tout traitement repose sur le soulagement de l’appui talonnier et la prévention d’évolution vers la fracture complète [53]. Dans les anciennes publications, le traitement des fractures de fatigue calcanéennes reposait sur un repos strict au lit de 1 semaine, puis une reprise progressive de l’appui avec béquilles et talonnette en caoutchouc de 1 cm. Les béquilles étaient alors abandonnées à l’amélioration de la symptomatologie douloureuse, environ 4 à 6 jours après. La disparition complète des symptômes se faisait en 4 à 6 semaines [53]. Les publications plus récentes proposent un repos relatif initial suivi d’une reprise progressive de l’appui avec chaussage adapté (exclusion des chaussures plates type mocassin, sandales...) et talonnette compensatrice afin de limiter les tractions du tendon calcanéen et favoriser l’appui sur l’avant-pied tout en diminuant celui sur le talon [53]. Un traitement symptomatique peut être utile, mais ne dispense pas d’un repos relatif. Parfois, des douleurs résiduelles sont notées, cédant habituellement au bout de 6 mois. Seul un auteur propose un traitement chirurgical, dans les cas les plus sévères, résistant au traitement conservateur et mis sur le compte de fractures comminutives du calcanéus se propageant jusqu’à l’articulation sous-talienne [57]. Le traitement préventif repose sur l’amélioration du chaussage, notamment en utilisant un bon amortissement talonnier.
Sésamoïdes de l’hallux Épidémiologie
Figure 13. Fracture de fatigue du calcanéus : trait fracturaire en hyposignal en séquence T2.
Sa première description, par Schunke, remonte à 1901 [58]. La plus grande série de fractures de fatigue des sésamoïdes de l’hallux est rapportée par Kewenter en 1939 [59], avec 62 cas. Sa fréquence est rare, estimée à 0,9 % dans la série de Matheson [60]. Les fractures des sésamoïdes médiaux sont plus fréquentes que celles des sésamoïdes latéraux [61]. Cette pathologie est souvent décrite dans les sports d’endurance comme la course à pied, le football et la danse [62].
Pathogénie Scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse demeure, du fait d’une sensibilité proche de 100 %, d’une nette supériorité par rapport à la radiographie standard, et ce de manière très précoce. Cependant, son manque de spécificité oblige à l’associer en pratique à un suivi radiologique ou scanographique afin de ne pas passer à côté d’autres causes d’hyperfixation telles que les ostéomyélites ou plus rarement les néoplasies. Habituellement, on constate une hyperfixation du traceur, surtout au niveau de la partie postérieure du calcanéus. Les hyperfixations inférieures ou très localisées se rencontrent, elles, plus volontiers dans les talonnades ou dans les enthésopathies. IRM L’IRM est hautement sensible et relativement spécifique dans le diagnostic des fractures de fatigue. Du fait de son caractère non invasif et de sa meilleure spécificité, certains la préfèrent à la scintigraphie dans l’évaluation des fractures de fatigue. D’autres la réservent aux cas où les signes cliniques, la symptomatologie, la radiographie standard et la scintigraphie osseuse sont équivoques [53]. L’œdème intraosseux associé à la fracture de fatigue peut être visualisé sous la forme d’un hypersignal en séquences pondérées T2 saturation de graisse et STIR. Un hyposignal remplace le signal normal de la moelle en séquences pondérées T1. Le trait fracturaire lui-même peut être visualisé en séquences pondérées T1 et T2 saturation de graisse (Fig. 13). Sa mise en évidence permet de distinguer les fractures de fatigue d’autre cause d’œdème osseux telle que l’infection ou la tumeur.
Situé juste sous la tête du 1 er métatarsien, le sésamoïde médial est le plus exposé à la pression directe qui, associée à la traction des muscles intrinsèques, expliquerait la plus grande fréquence des fractures de fatigue à son niveau [61]. Le pied creux est également décrit comme facteur favorisant.
Clinique La symptomatologie est le plus souvent insidieuse, mais peut également être brutale. À l’examen, la dorsiflexion de l’hallux entraîne de vives douleurs. On peut constater également une rougeur, une chaleur ou un œdème local. La palpation élective du sésamoïde médial ou latéral peut révéler un syndrome douloureux peu intense. La flexion plantaire et surtout la dorsiflexion forcée de l’hallux sont des éléments cliniques évocateurs.
Imagerie Radiographie standard Elle permet le plus souvent de porter le diagnostic, car du fait des tractions, les fractures s’accompagnent toujours d’un écartement entre les deux fragments, en transversal ou en longitudinal (Fig. 14). Un cliché comparatif est recommandé afin de ne pas méconnaître un sésamoïde bipartite, variant physiologique touchant 10 % de la population, bilatéral et symétrique dans 84 % des cas [63]. Par ailleurs, on note un aspect irrégulier à bords pointus des fragments, non retrouvé en cas de sésamoïde bipartite.
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antérieure que postérieure, voire mal localisée. Parfois, il existe un œdème local. L’examen clinique est pauvre, notamment en cas d’atteinte du col, cas le plus fréquent. Sinon, il met en évidence une souffrance de l’articulation sous-talienne en cas d’atteinte du corps ou de la queue du talus. La palpation du sinus du tarse peut être douloureuse, notamment dans les atteintes du col.
Imagerie
Figure 14.
Fracture de fatigue du sésamoïde latéral.
Scintigraphie osseuse Compte tenu de l’ancienneté des séries, c’est l’examen le plus souvent rapporté. Il met en évidence une hyperfixation punctiforme. Cependant, son manque de spécificité, du fait de la nonvisualisation du trait fracturaire et de l’absence d’exploration des parties molles adjacentes, fait que l’on recommande actuellement la réalisation d’une IRM en cas de radiographie non contributive. IRM Les premières descriptions des images IRM remontent à 1994 [64]. Elles mettent en évidence, dans les fractures de fatigue récentes, un hyposignal en séquence pondérée T1. En séquences pondérées T2 saturation de graisse ou STIR, on constate un hypersignal, traduisant l’œdème osseux. Cet hypersignal s’étend aux parties molles. Au fur et à mesure de l’évolution, cet hypersignal osseux diminue du fait de l’apparition du tissu fibreux.
Traitement Il repose sur un traitement conservateur pendant 2 à 6 mois [63]. En phase précoce, on préconise une décharge plus ou moins importante du gros orteil par un repos sportif, une décharge à l’aide d’une chaussure de décharge de l’avant-pied de type Barouk, le port de sabots, des orthèses plantaires comprenant une barre rétrocapitale et parfois une cuvette de décharge d’appui, pour une durée de 4 à 6 semaines. La guérison clinique correspond à la disparition de la symptomatologie douloureuse, correspondant au temps nécessaire à la cicatrisation fibreuse. Ce délai varie de 4 à 6 mois. Le traitement chirurgical, réservé aux cas réfractaires, repose sur l’excision d’un seul ou des deux sésamoïdes, ou parfois uniquement d’un fragment, complétée ou non d’une greffe osseuse. Cependant, le risque de complication postopératoire est élevé, notamment la dégradation de l’appareil fléchisseur et de la première métatarsophalangienne, entraînant des déviations de l’hallux chez 10 % à 20 % des patients [62]. D’un point de vue histologique, on retrouve soit une cicatrice fibreuse, soit une pseudarthrose [65].
Talus Épidémiologie Cette localisation est assez rare, survenant dans moins de 1 % des cas de fracture de fatigue. La première description remonte à 1965 [66] à propos de deux cas. Depuis, seuls quelques cas isolés sont rapportés, jusqu’à récemment avec la plus grande série jamais publiée comportant 56 cas dont cinq bilatéraux [67]. Selon cette série, 67 % des fractures sont localisés au niveau du col du talus, 25 % au corps du talus et 8 % à la queue du talus [67]. Cette fracture a la particularité d’être associée, dans la plupart des cas, à d’autres localisations au niveau des os de voisinage. Ainsi, seuls 21 % des fractures de fatigue du talus étaient isolées dans la série de Sormaala [67].
Clinique La douleur est souvent insidieuse, d’apparition progressive, localisée sur le compartiment latéral de la cheville, plutôt
La radiographie peut montrer un trait d’ostéosclérose au niveau de la tête du talus, localisation la plus fréquente, mais habituellement, peu de fractures sont visibles au stade précoce (un cas sur 56 dans la série de Sormaala) [67]. La scintigraphie met en évidence une hyperfixation localisée du talus, en bande ou parfois plus diffuse. La TDM permet de visualiser, dans des formes évoluées, des images de condensation tardive et une fissure débutant toujours de l’articulation sous-talienne, en remontant de manière plus ou moins importante. L’imagerie précoce de choix est cependant l’IRM, mettant en évidence précocement un œdème osseux aspécifique, et surtout le trait fracturaire caractéristique [67].
Traitement Le traitement médical avec repos sportif de 4 à 6 semaines, avec ou sans décharge, est la thérapeutique la plus adaptée dans la majorité des cas diagnostiqués précocement. Ainsi, dans la série de Sormaala, tous les patients furent traités par repos de 2 à 4 semaines, sans nécessité de port d’orthèse stabilisatrice de cheville, plâtre ou chirurgie [67]. Rarement, pour des fractures du col vues tardivement, une chirurgie peut être proposée.
Cuboïde Épidémiologie et pathogénie Les fractures de fatigue du cuboïde sont extrêmement rares et seuls quelques cas sont rapportés dans la littérature [68]. Ainsi, dans une étude portant sur une série de 113 cas de fracture de fatigue chez des militaires croates, les auteurs ne retrouvent qu’un seul cas [69]. Cette faible incidence résulte probablement des faibles contraintes à ce niveau, ces contraintes se répartissant au niveau de l’avant-pied, du médio- et de l’arrière-pied. Ainsi, l’arrière-pied soutient 60 % du poids du corps, l’avantpied et le médiopied soutenant respectivement 28 % et 8 % du poids corporel [68]. Les fractures de fatigue du cuboïde résulteraient donc de la relation étroite entre cet os et le tendon du long fibulaire. Le cuboïde est en effet le point d’appui du long fibulaire afin de stabiliser le 1er rayon. En cas d’instabilité de l’articulation médiotarsienne, comme dans le cas d’un pied de type pronateur, le cuboïde devient un point d’appui moins stable, entraînant des contraintes plus importantes à son niveau, d’où la survenue d’une fracture de fatigue [68].
Clinique La symptomatologie est celle d’un syndrome douloureux du bord latéral du pied, habituellement d’apparition progressive et d’horaire mécanique. Souvent, la douleur ne peut être localisée de façon exacte, ou ne peut être distinguée de celle d’une pathologie des tendons fibulaires. Elle peut mimer un syndrome du sinus du tarse du fait de la proximité de ces structures anatomiques. L’inversion et l’éversion passive du pied peuvent augmenter la douleur. Parfois, on peut percevoir un œdème local modéré [68].
Imagerie Radiographie standard Comme habituellement, elle est très souvent normale. Elle peut montrer une ligne d’ostéosclérose perpendiculaire aux travées osseuses, le cuboïde étant un os trabéculaire. Scintigraphie osseuse C’est l’imagerie la plus décrite dans la littérature et l’examen clé en cas de radiographie normale. Elle met en évidence une hyperfixation non spécifique.
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Figure 15. Fracture de fatigue du cuboïde : hypersignal intramédullaire avec suppression du signal de la graisse par inversion-récupération (STIR).
IRM Récemment, Dodson rapporte un cas de fracture de fatigue du cuboïde diagnostiqué par IRM chez un patient de 40 ans. En séquence pondérée T2 saturation de graisse, l’IRM met en évidence un hypersignal du cuboïde, traduisant l’œdème osseux, associé à un hypersignal des parties molles alentours [68]. Cependant, le trait de fracture n’était pas mis en évidence (Fig. 15).
Traitement Selon l’intensité de la douleur, il consiste en une simple limitation de la contrainte avec autorisation d’appui, et parfois une immobilisation par botte amovible pendant 4 à 6 semaines, la durée de l’immobilisation dépendant de la symptomatologie douloureuse [68].
Figure 16.
Fracture de fatigue du cunéiforme latéral : hypersignal T2.
Cunéiformes Épidémiologie Cette localisation est très rare ; seuls quelques cas sont rapportés dans la littérature. Le premier cas décrit par Maseritz remonte à 1936 [70]. Les cunéiformes médial et latéral sont les plus fréquemment atteints.
Clinique La symptomatologie douloureuse, d’horaire mécanique, est localisée au niveau du médiopied, avec parfois un gonflement local à la base des trois premiers métatarsiens.
Imagerie Les cunéiformes étant des os trabéculaires, la fracture se traduit, quand elle est visible sur la radiographie standard, par une ligne d’ostéosclérose perpendiculaire aux travées osseuses. La scintigraphie osseuse met en évidence une hyperfixation localisée sur le cunéiforme incriminé. L’IRM montre un hypersignal en séquence T2 saturation de graisse ou STIR localisé sur le cunéiforme concerné par la fracture (Fig. 16, 17).
Traitement L’arrêt de l’activité nocive est le seul traitement proposé dans la littérature. Aucun cas de traitement chirurgical n’est rapporté à ce jour.
Première phalange du gros orteil Épidémiologie et pathogénie C’est une lésion exceptionnelle, dont il existe une vingtaine de cas dans la littérature, curieusement tous japonais [71]. Les premiers cas décrits remontent à 1987 où les auteurs rapportent seulement deux cas sur une série de 368 fractures de fatigue de l’athlète [72]. La plus grande série rapportée comporte dix cas [71]. Podologie
Figure 17. Fracture de fatigue du cunéiforme médial : trait fracturaire en hyposignal T2.
Dans tous les cas, il s’agit de sportifs, la plupart ayant moins de 20 ans et pratiquant des sports de vitesse comme le sprint. Un hallux valgus est retrouvé dans 23 des 24 cas rapportés de la littérature, la plupart intéressant la femme, avec un angle moyen de 24°, confirmant son rôle essentiel dans la physiopathologie. Ainsi, la traction contrariée exercée par, d’une part le long extenseur de l’hallux et l’adducteur de l’hallux sur sa face latérale, d’autre part l’abducteur de l’hallux et le ligament collatéral médial sur sa face médiale, explique que la fracture se situe sur le versant médial de la base de la 1re phalange, zone d’insertion de ces deux éléments [71].
Clinique La symptomatologie est celle d’une douleur mécanique du bord médial de la métatarsophalangienne de l’hallux. Parfois, un gonflement peut être présent.
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Imagerie Habituellement, la radiographie standard suffit au diagnostic, en mettant en évidence un fragment détaché de la base, en interne et à la partie plantaire.
Traitement Le traitement repose classiquement sur le repos avec décharge initiale. Cependant, dans sa série de dix cas, Yokoe rapporte quatre cas de traitement chirurgical : trois cas de réduction ouverte et ostéosynthèse interne et un cas d’ostéotomie pour hallux valgus [71].
■ Localisations à la cheville
Figure 18. Fracture de fatigue de la malléole fibulaire ; coupe sagittale : rupture corticale, hématome périosté et hypersignal en fenêtre Doppler puissance. On note un artefact créé par la rupture corticale.
Malléole fibulaire Épidémiologie Il s’agit de la plus fréquente des localisations de fractures de fatigue fibulaires. C’est aussi la troisième en fréquence de la plupart des séries chez le coureur à pied. Dans les séries récentes, sa fréquence varie de 7 % à 12 % [73]. Les formes bilatérales semblent plus fréquentes que dans les autres localisations.
Pathogénie La fibula est l’illustration même de la théorie physiopathologique du rôle des tractions et/ou de la fatigue musculaire dans la survenue des fractures de fatigue, car cet os n’est pas porteur. Ainsi, les tractions exercées par les fléchisseurs de la cheville et du pied pourraient expliquer cette localisation [74].
Figure 19. Fracture de fatigue de la malléole fibulaire ; coupe frontale : hématome périosté et hypersignal en fenêtre Doppler puissance. On note également un artefact créé par la rupture corticale.
Clinique Habituellement, la douleur siège à la partie basse de la loge antérolatérale de la jambe ou au niveau de la région rétromalléolaire. Elle est d’installation progressive, mais il existe parfois un début brutal, notamment lors de la course à pied sur terrain irrégulier. On peut mettre en évidence un gonflement local, une rougeur, voire un œdème englobant parfois tout le compartiment latéral, pouvant simuler une ténosynovite des tendons fibulaires. À la palpation, on peut retrouver un point exquis sur la corticale de la partie distale de la fibula, très évocateur. Tardivement, on peut également percevoir un cal osseux. Enfin, un cas de fracture distale simulant une arthrite de cheville est retrouvé dans la littérature [75].
Imagerie Radiographie standard Elle permet le diagnostic dans la plupart des cas, d’autant plus que l’on demande plusieurs incidences de face avec rotations progressives de la jambe. Parfois, les images mettent plusieurs semaines à apparaître.
Figure 20. Fracture de fatigue de la malléole fibulaire : trait fracturaire en hyposignal avec suppression du signal de la graisse par inversionrécupération (STIR) au sein de l’hypersignal intramédullaire STIR.
Échographie La partie distale de la malléole étant très superficielle, elle est donc parfaitement accessible à l’échographie. En mode B, celle-ci peut mettre en évidence précocement, comme pour les métatarsiens, une zone hypoéchogène correspondant à l’hématome sous-périosté, une rupture de la corticale osseuse. En mode Doppler puissance, il existe une hypervascularisation au sein de l’hématome et des parties molles environnantes (Fig. 18, 19).
Traitement Dans tous les cas, le repos sportif est impératif. Les attelles de cheville peuvent être proposées. L’évolution favorable se fait habituellement au bout de 6 semaines. La reprise sportive est alors possible, avec parfois la nécessité du port d’une attelle ou d’un bandage temporaire. Il s’agit d’une fracture de bon pronostic.
IRM et scintigraphie osseuse Habituellement, la radiographie et l’échographie permettent facilement le diagnostic. En cas de négativité de ces examens et dans le cas seulement d’un sportif de haut niveau, chez lequel un diagnostic précoce est nécessaire, l’IRM et la scintigraphie osseuse permettent de mettre en évidence la fracture, sans attendre l’apparition du trait sur les radiographies réalisées quelques semaines plus tard (Fig. 20).
Malléole médiale Épidémiologie La fracture de fatigue de la malléole médiale est une localisation rare mais importante à connaître du fait du risque réel de déplacement. Sa description initiale remonte à 1975 par Devas [28]. Les rares cas rapportés depuis permettent de définir
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des sports à risque : course à pied, basket-ball, football, course de haies, décathlon, saut à la perche, gymnastique et patinage, sur glace ou à roulettes [76, 77].
Pathogénie D’un point de vue pathogénique, des forces d’écartement vers l’intérieur au niveau de la malléole lors des activités de charge pourraient expliquer que la direction du trait fracturaire soit verticale et parte généralement de l’angle entre le plafond tibial et la facette articulaire de la malléole médiale. De même, une tendance au varus calcanéen est un facteur mécanique favorisant indiscutable [76]. Le mode de survenue est toujours très progressif, avec des délais diagnostiques entre plusieurs mois et jusqu’à 2 ans, du fait d’une bonne tolérance de la lésion initiale. Parfois, il peut se produire un accident aigu correspondant soit à une fracture, qui incomplète au départ se complète brutalement, soit au déplacement de la malléole. Cet accident survient souvent suite à une immobilisation trop courte [76].
Figure 21. Fracture de fatigue du tiers distal du tibia : bande de condensation perpendiculaire aux travées osseuses.
Clinique La localisation de la douleur se fait au niveau du compartiment médial de la cheville, plus volontiers dans sa partie antérieure. Elle est d’horaire mécanique, augmentée à la marche et à la station debout prolongée. L’inspection met en évidence une tuméfaction médiale englobant la malléole. À la palpation, on retrouve un point exquis à la partie haute de la face antérieure de la malléole médiale, légèrement au-dessus et en dedans du dôme médial du talus. La douleur médiale est réveillée par l’enserrement en étau de la mortaise tibiofibulaire. Parfois, la mise en varus peut également réveiller la douleur médiale. De même, la dorsiflexion passive ou en charge, qui entraîne un écartement malléolaire par la partie antérieure plus large du talus, peut provoquer cette douleur. En revanche, on ne retrouve pas de limitation d’amplitude de la talocrurale ; il n’y a pas de signe ligamentaire médial et les tests isométriques sont indolores.
Imagerie Radiographie standard Les radiographies sont systématiques, comportant au moins deux faces dans des rotations légèrement différentes. Elles peuvent être normales, surtout si elles sont précoces. Cependant, les données de la littérature montrent qu’elles sont positives dans plus de la moitié des cas. Quand il est visible, le trait part de l’angle formé par le bord antérieur du plafond de la mortaise tibiale et la malléole médiale, monte plus ou moins verticalement, le plus souvent dans une direction oblique vers le dedans, rejoignant la corticale médiale en cas de fracture complète. Une image de toute petite encoche linéaire radiotransparente au sein de la densité de l’os sous-chondral suffit alors à fortement suspecter le diagnostic. Parfois, on constate une zone lytique plus arrondie.
Figure 22. Fracture de fatigue du tiers distal du tibia : trait fracturaire en hyposignal T1.
Scintigraphie osseuse
médiale étant de l’ordre de 10 % à 15 %, le traitement chirurgical est recommandé de manière plus importante. Pour de nombreux auteurs, le traitement fonctionnel ne se conçoit qu’en cas de radiographie négative et de scintigraphie positive [76, 77]. Il consiste alors en un strict repos sportif avec port d’une orthèse de cheville pour au moins 6 semaines. La reprise sportive est alors possible après 3-4 mois d’arrêt. En cas de fracture complète, l’attitude est alors chirurgicale dans la quasi-totalité des cas, reposant sur une ostéosynthèse par vissage, permettant un délai de reprise sportive compris entre 3 à 8 mois.
Elle n’a d’intérêt que si la radiographie est normale, mais positive dans le contexte, elle est très évocatrice.
Région métaphysoépiphysaire basse du tibia
TDM C’est le meilleur examen pour mettre en évidence la lésion, car la direction du trait fait que les plans de coupes fines passent obligatoirement par le trait fracturaire. Parfois, des images d’aspect kystique ou lacunaire moins typique sont constatées. IRM Elle se montre aussi sensible que la scintigraphie aux stades précoces ; cependant, elle n’est pas plus performante que la TDM pour visualiser le trait fracturaire.
Traitement Les modalités de traitement sont très variées dans la littérature et aucune série n’est homogène. Cependant, la fréquence des pseudarthroses et des fractures traumatiques de la malléole
Fractures de fatigue rares chez le sportif, elles touchent plus fréquemment les sujets âgés, dans le cadre des fractures par insuffisance. Souvent trompeuses, elles peuvent simuler une arthrite de cheville, exceptionnellement bilatérale [78]. Cependant, le caractère strictement mécanique des douleurs, l’absence de syndrome inflammatoire biologique, voire une augmentation modérée des phosphatases alcalines, traduisant l’ostéoformation, permettent de redresser le diagnostic. La radiographie standard peut mettre en évidence une zone d’ostéocondensation horizontale en région métaphysaire (Fig. 21). Le diagnostic précoce repose sur la scintigraphie osseuse ou l’IRM (Fig. 22), bien qu’il semble possible, du fait de son caractère superficiel, de mettre en évidence la fracture en échographie. Le traitement repose essentiellement sur la restriction des activités, parfois associée transitoirement à une décharge, permettant la disparition des signes en 6 semaines [78]. Très rarement, le traitement est chirurgical [79].
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Point fort
• Les fractures de fatigue surviennent suite à des sollicitations mécaniques inhabituelles, excessives et répétées sur un os sain. • La fracture de fatigue est une maladie d’adaptation de l’os à l’effort. • La notion d’effort inhabituel, intense et répété est un élément étiologique constant. • Le recours à l’imagerie moderne en coupe est souvent requis pour le diagnostic précoce. • L’échographie tend à prendre une place de plus en plus importante dans le diagnostic précoce des fractures de fatigue des os corticaux superficiels. .
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Pour en savoir plus www.cochrane.org/reviews/en/ab000450.html.
Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I C. Masson L’algodystrophie ou syndrome douloureux régional complexe de type I est caractérisée par des anomalies vasculaires avec hyperperméabilité suivies par une colonisation de fibroblastes, le plus souvent confinées à un membre, un segment de membre, ou à une zone encore plus limitée, en premier la région distale, après un événement initiateur. Son évolution naturelle est divisée typiquement en trois stades : aigu ou pseudo-inflammatoire, puis dystrophique, puis atrophique. La douleur, disproportionnée par rapport à l’événement intial, est continue et accentuée avec l’essai d’utilisation des articulations affectées. La douleur spontanée, l’allodynie, l’hyperalgésie, et/ou l’hyperpathie ne se limitent pas au territoire d’un seul nerf périphérique. L’œdème, les anomalies du flux vasculaire cutané, les anomalies sudoromotrices sont perceptibles cliniquement pour les atteintes distales ou mésoméliques. L’hyperperméabilité vasculaire transitoire dans la zone affectée est mise en évidence par les signes d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la scintigraphie osseuse aux trois temps. Certains patients, des adultes jeunes et surtout des adolescents de sexe féminin, développent une forme froide d’emblée avec des manifestations douloureuses, mais sans œdème dans la zone affectée, avec, à la scintigraphie, une hypofixation du radiotraceur par rapport au côté opposé, une IRM normale. La déminéralisation osseuse retardée, inconstante est mise en évidence par des radiographies standards comparatives, un scanner. Dans l’algodystrophie, la perte osseuse peut, en quelques semaines ou mois, devenir comparable à la perte osseuse d’une ostéoporose commune après 10 ans d’évolution. Une fracture initiale corticale ou occulte (fracture corticale et/ou trabéculaire) est un événement initial fréquent d’une algodystrophie, mais les patients souffrant d’algodystrophie peuvent garder une déminéralisation prolongée et être ainsi à risque de développer une fracture. La causalgie, les fractures trabéculaires, l’ostéoporose transitoire, la rétraction capsulaire, l’ostéonécrose aseptique sont discutées au diagnostic différentiel. La prise en charge thérapeutique d’un patient souffrant d’algodystrophie est difficile en l’absence de traitement validé. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Algodystrophie ; Syndrome douloureux régional complexe ; Syndrome réflexe sympathique ; Fracture trabéculaire ; Œdème médullaire osseux ; Ostéoporose transitoire ; Ostéonécrose aseptique
Plan ¶ Introduction Définition Terminologie Données épidémiologiques Données physiopathogéniques
2 2 2 2 2
¶ Algodystrophie post-traumatique d’un segment de membre Traumatisme responsable sur l’appareil locomoteur Tableau clinique d’installation progressive ou rapide Imagerie Tests dysautonomiques et vasculaires Explorations neurologiques Dysynchiria
3 3 3 3 5 5 5
¶ Formes cliniques Formes étiologiques Formes symptomatiques particulières
5 5 6
¶ Diagnostic positif Pertinence clinique Critères d’algodystrophie Analyse des critères d’algodystrophie
7 7 7 7
¶ Diagnostics différentiels Causalgie ou syndrome douloureux régional complexe de type II Fractures trabéculaires Ostéoporose transitoire, possiblement migratrice Capsulite rétractile Situations d’une monoarthropathie apparente Formes à expression douloureuse préférentielle Pièges selon l’imagerie Modifications vasculaires induites par les calcineurines Algodystrophie factice
7 7 8 9 10 10 10 11 11 11
¶ Modes évolutifs Guérison Algodystrophie extensive
11 11 12
¶ Traitement Thérapeutiques physiques Problématique de la calcitonine Traitements symptomatiques Sympathectomie, blocs régionaux, épiduraux Prise en charge psychologique Mesures préventives
12 12 12 12 13 13 13
¶ Conclusion
14
14-286-A-10 ¶ Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
■ Introduction
Terminologie
Définition L’algodystrophie ou syndrome douloureux régional complexe de type I [1-6] comporte des troubles vasomoteurs et trophiques sur des structures cutanées, sous-cutanées, articulaires, périarticulaires et osseuses d’un segment de membre faisant suite à un facteur déclenchant, assez souvent un traumatisme. Le traumatisme est soit modéré sur des zones riches en terminaisons nerveuses soit important : fractures incluant l’os cortical d’emblée radiologiquement visibles, ou fractures corticales et surtout trabéculaires occultes les premières semaines en radiologie standard principalement sur un membre inférieur après un traumatisme, ou un effort prolongé plus important que d’habitude. Quand la fracture survient spontanément ou après un effort modéré, c’est la fracture en elle-même qui représente le facteur traumatique local, qui déclenche l’algodystrophie. À la lésion initiale douloureuse succède une réponse anormale dans son importance et sa prolongation du système nerveux autonome, se traduisant typiquement par trois phases résumées sur le Tableau 1. Le stade I comporte une hyperperméabilité locorégionale dans la zone affectée (phase dite aiguë ou chaude). Le stade II, qui peut inaugurer la maladie, est sclérodystrophique (phase froide). Durant cette phase, l’hyperperméabilité locorégionale initiale laisse place à l’installation progressive d’une fibrose régionale, pouvant porter anatomiquement sur l’ensemble des tissus, peau, muscle, ligament, tendon, aponévrose, capsule articulaire, synoviale, tissu osseux, englobant en particulier le voisinage de neurorécepteurs et des vaisseaux sanguins. L’aboutissant de ce stade II est le stade III, atrophique, source de séquelles.
Tableau 1. Les trois stades classiques de l’algodystrophie. Stade I : stade « aigu » d’hyperperméabilité locorégionale transitoire
Il dure de quelques semaines à quelques mois. La douleur débute dans la région du site traumatisé, augmente volontiers à la mobilisation, à la pression, à la chaleur, aux émotions. Des signes autonomiques sont présents : rougeur, hyperthermie locale, œdème, pousse accrue des phanères. L’ostéoporose commence.
Stade II : stade dystrophique
Il commence à la fin du stade I et dure plusieurs mois, parfois presque une année ou plus. La douleur s’aggrave en extension, en intensité ; le froid, plutôt que le chaud, augmente la douleur. En région distale, les signes sont : cyanose, peau froide, troubles des phanères, hypersudation. La fibrose s’installe. L’ostéoporose, quand elle est présente, est nette. L’atrophie commence.
Stade III : stade atrophique
Il commence à la fin du stade II et dure 2 ans ou plus après le début de la maladie. La douleur peut rester importante pour ensuite s’atténuer. Le gonflement a disparu. La raideur et la limitation des mouvements prédominent. Aux extrémités, la peau est brillante, fine, pâle, le tissu sous-cutané est atrophique. L’ostéoporose est possiblement présente de façon nette sur le segment de membre ou le membre.
Les stades sont plus ou moins marqués, inconstants. Le stade II est le mode d’entrée dans la maladie pour certains patients.
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La terminologie historique traduit les cheminements nosologiques au sein du concept d’algodystrophie. Sont mises ici au diagnostic différentiel de l’algodystrophie, comme dans l’article précédent [2], l’ostéoporose transitoire, possiblement migratrice, et la capsulite rétractile. Certains auteurs gardent une approche assez globale, avec une utilisation parapluie du terme algodystrophie couvrant plusieurs affections [7, 8].
Données épidémiologiques La survenue d’une algodystrophie est possible à tout âge. Les formes des enfants, adolescents, adultes jeunes sont assez fréquentes. Une seule étude épidémiologique concernant l’algodystrophie a été réalisée [9]. Elle a comporté les critères d’inclusion « dystrophie sympathique réflexe », puis « syndrome douloureux régional complexe » quand ce terme a été créé (en excluant les cas d’ostéoporose régionale transitoire ou migratrice). Cette étude a révélé une incidence et une prévalence de l’algodystrophie respectivement de 5,4 pour 100 000 et de 20,5 pour 100 000. Le sex-ratio femme/homme a été, dans cette étude, de 4/1. L’atteinte du membre supérieur était deux fois plus fréquente que celle du membre inférieur.
Données physiopathogéniques Il n’y a pas de réponse de phase aiguë dans l’algodystrophie. Les patients n’ont pas de fièvre. Mais les signes locaux dans l’aire affectée au stade I [10] suggèrent une inflammation vasculaire : gonflement, œdème marqué, augmentation de la température locale, rougeur. Des explorations isotopiques au stade I révèlent une augmentation de la perméabilité microvasculaire dans la zone algodystrophique pour les protéines de haut poids moléculaire (immunoglobulines G [IgG] marquées à l’111indium) ainsi que pour les hématies. Le signe important d’une hyperfixation plus étendue sur le segment de membre en scintigraphie osseuse conventionnelle est lié à l’hyperhémie régionale. Cette hyperperméabilité microvasculaire régionale, caractéristique du stade I, explique l’œdème des parties molles, assez ferme (car riche en protéines), et l’œdème (inconstant toutefois) de structures plus profondes : osseuses (plasmostase osseuse), articulaires (épanchement articulaire, œdème de la membrane synoviale), et des structures périarticulaires. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) objective – quand il existe – cet œdème dans les tissus superficiels et profonds algodystrophiques. Les signes autonomiques (modifications du flux sanguin, hyperhidrose, œdème) traduisent ou évoquent un dérèglement localisé, intense et durable du système nerveux végétatif. Tout se passe comme si des agressions venues de la périphérie déclenchaient des impulsions efférentes anormales, au moins par leur intensité et leur durée, responsables des perturbations vasomotrices par un arc réflexe avec : • comme voie afférente, les nerfs sensitifs, ou des structures proches ; • comme centre, les formations végétatives de la moelle ; • comme voie efférente, les fibres sympathiques postganglionnaires ou d’autres fibres proches. Il n’y a pas d’équivalence entre la douleur maintenue par le système sympathique (un mécanisme de douleur) et l’algodystrophie (qui n’est pas définie par un mécanisme de douleur). Si la participation du système nerveux périphérique est certaine [11, 12], avec des mécanismes plus complexes qu’ils ne pouvaient apparaître [13, 14], la participation du système nerveux central est également indiscutable [15-18], ne serait-ce que par les pathologies touchant le système nerveux central responsable d’algodystrophie. Différents modèles expérimentaux d’algodystrophie ont été proposés [19-26]. Ceux comportant une ligature d’un gros tronc nerveux sont en relation avec le syndrome douloureux régional complexe de type II. En revanche, ces dernières années, un modèle expérimental a été mis au point chez le rat ayant des caractéristiques possiblement proches de l’algodystrophie [27]. Un garrot posé sur le membre inférieur au-dessus de la cheville
Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
• une impotence fonctionnelle parfois majeure ; • des troubles vasomoteurs avec changements de coloration et de température localement ; • une hyperhidrose ; • un enraidissement articulaire actif, passif.
du rat anesthésié est laissé en place 3 heures. Il entraîne, dans un premier temps, une ischémie distale, suivie, une fois le garrot enlevé, d’une phase d’hyperhémie transitoire, avec installation sur le pied homolatéral, dans les quatre semaines qui suivent, de manifestations douloureuses et de troubles trophiques chez 70 % des animaux. Ce modèle d’ischémiereperfusion peut aider à comprendre les mécanismes de l’algodystrophie [28-33].
Douleur algodystrophique La douleur algodystrophique est ressentie dans la région affectée sous forme d’un élancement, de fourmillements, de picotements (paresthésies), d’une brûlure, ou bien quelque chose d’aigu, ou souvent sans autre précision que celle « c’est une douleur ». Elle est présente au repos, volontiers aussi la nuit, à la pression légère ou au simple toucher (hyperesthésie), dès l’essai de mise en fonction du membre affecté (boiterie, marche avec une ou deux cannes pour le membre inférieur). Parfois, une stimulation non douloureuse est ressentie comme une douleur (allodynie). Une stimulation douloureuse peut entraîner une douleur hors de proportion avec le stimulus douloureux (hyperalgésie). L’application de chaud (parfois de froid) majore la douleur (thermodynie) ou au contraire la soulage. Les moindres excitations sensitives ou affectives (émotions, stress) peuvent entraîner une douleur anormale par son intensité et son caractère angoissant ou encore, chez certains patients dont le seuil douloureux est dépassé, la douleur progresse en intensité plus vite et pour un degré plus élevé qu’attendu, de façon explosive, en étant encore perçue après arrêt du stimulus déclenchant (hyperpathie). La douleur globale des sept derniers jours est quantifiée sur une échelle visuelle analogique continue ou de Likert, servant de référence évolutive.
■ Algodystrophie post-traumatique d’un segment de membre Traumatisme responsable sur l’appareil locomoteur Des fractures osseuses corticales expressives ou des fractures occultes corticales et ou trabéculaires (« fissures osseuses »), quelles que soient leurs origines, leurs modes de survenue, leurs localisations aux membres, surtout inférieurs, peuvent se compliquer d’algodystrophie, en particulier si leur diagnostic n’a pas été porté précocement. Une immobilisation prolongée, une kinésithérapie inadaptée, des luxations, des entorses sur un membre, un acte chirurgical (orthopédique, thoracique, vasculaire) sont par eux-mêmes sources possibles d’algodystrophie, de même qu’une contusion paraissant modérée sur un site riche en terminaisons nerveuses (main, poignet, dessus du pied, cheville, genou). Il n’y a pas de parallélisme entre la sévérité du traumatisme et la survenue d’une algodystrophie. Des patients ayant un traumatisme d’intensité égale dans deux localisations symétriques peuvent développer une algodystrophie d’un seul côté. Une hyperthermie ou hypothermie régionale paraît un mécanisme réactionnel assez fréquent après un traumatisme. Il y a un continuum certain entre la réponse physiologique à un traumatisme et la constitution d’une algodystrophie, où la réponse excessive devient pathologique.
Troubles vasomoteurs
Tableau clinique d’installation progressive ou rapide Éléments évocateurs Une algodystrophie post-traumatique est évoquée sur le segment de membre lésé et à son voisinage (Fig. 1) : • sur un œdème assez ferme persistant au-delà du délai de guérison du traumatisme initial (souvent moins de 6 semaines, rarement plus de 12 semaines), rendant une contention douloureuse ; • une douleur après un intervalle libre de quelques jours ou semaines à la reprise de la fonction articulaire, ou au repos, parfois la nuit ;
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Les troubles vasomoteurs dans le territoire douloureux sont nets à la main, au pied, à la cheville, ou au genou (dans les régions articulaires superficielles) : peau rouge ou cyanotique, hyperthermie locale, ou alternances rapides hyper-/hypothermie locales, œdème assez ferme des tissus mous périarticulaires, majoration à l’essai modéré d’activité du membre affecté ou en charge des signes vasomoteurs, épanchement articulaire (qui, à l’analyse paraclinique, est paucicellulaire), rarement ponctionné en pratique dans l’algodystrophie. Progressivement s’installe le stade II algodystrophique avec disparition de l’œdème et apparition de troubles de la trophicité tissulaire : peau froide, sèche, cyanotique en particulier en position déclive, ou pâle, atrophique, avec troubles de la sudation, anomalies des phanères, rétraction tendineuse, ligamentaire, capsulaire, avec à la main une peau d’allure sclérodermiforme, au pied un varus équin et au genou un flessum. La douleur, dans les meilleurs cas, s’atténue, mais elle peut rester vive, en particulier à la fonction articulaire. Ce stade II est une modalité d’entrée dans la maladie assez fréquente.
Psychotrope Sur le plan psychologique, on note si le patient se considérait avant l’installation de l’algodystrophie plutôt émotif, anxieux, dépressif, ou hyperactif.
Imagerie Radiographie standard
Figure 1. chaude.
Aspect typique d’une main algodystrophique en phase
Les radiographies standards comparatives montrent une hypertransparence osseuse locale puis régionale, après un délai d’au moins 3 à 4 semaines, hétérogène. La déminéralisation hétérogène se traduit par une hypertransparence trabéculaire mouchetée (Fig. 2) micro- ou macropolygéodique. La déminéralisation prédominant dans la zone épiphysaire sous-chondrale fréquente, nette, souligne la corticale quand celle-ci est respectée ou fine (Fig. 3). Cette déminéralisation peut s’étendre progressivement dans la profondeur de l’épiphyse ou à la lame osseuse sous-chondrale. Les métaphyses hypervascularisées algodystrophiques des enfants, des adolescents, ou des adultes jeunes sont volontiers le siège de bandes claires (qui se rencontrent toutefois dans d’autres pathologies comme les leucémies
14-286-A-10 ¶ Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
Scintigraphie osseuse .
La fixation locale du radiotraceur méthylène-bisphosphonate marqué au technétium 99m (99mMBP) du côté algodystrophique aux temps précoces est accrue chez les patients en phase d’hyperperméabilité locorégionale, mais diminuée dans la forme froide d’emblée. L’image statique vers la 5e-10e minute représente le temps tissulaire appelé os précoce. La fixation du traceur y est généralement accrue dans l’algodystrophie en phase chaude. L’hyperfixation tardive 3 heures après l’injection est le reflet de l’activité ostéoblastique osseuse, mais aussi du lit vasculaire et de ses débordements. L’accroissement de la fixation osseuse dans l’algodystrophie en phase chaude dans la zone pathologique est un paramètre scintigraphique attendu, précoce (troubles fonctionnels), sensible, durable, mais non spécifique. La réalisation d’une scintigraphie osseuse n’est pas systématique devant une suspicion clinique d’algodystrophie. Elle est indiquée au stade initial s’il existe un doute pour le diagnostic clinique, lors de discordance entre l’intensité des douleurs et la pauvreté des signes cliniques, dans les situations après chirurgie, quand le site anatomique est inhabituel et en cas de problèmes médicolégaux. Elle est utile en cours d’évolution, si l’on suspecte une fracture secondaire occulte trabéculaire, favorisée par l’ostéoporose locale algodystrophique, si l’on évoque une nouvelle localisation d’algodystrophie, et en cas de problèmes médicolégaux.
Figure 2. Main algodystrophique : ostéoporose radiologique algodystrophique périarticulaire.
Imagerie par résonance magnétique
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Figure 3. Pied algodystrophique : ostéoporose du tarse globale et sous-chondrale.
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aiguës). L’interligne articulaire traduisant l’épaisseur du cartilage est conservé. La présence d’une bande inhomogène de condensation épiphysaire ou métaphysaire évoque une fracture trabéculaire en voie de consolidation, cause ou complication de l’algodystrophie selon la chronologie. L’absence de déminéralisation radiologique n’est pas un argument contre une algodystrophie (l’ostéoporose ne figure pas comme critère du syndrome douloureux régional complexe de type I, voir infra). Cette absence de déminéralisation est retrouvée dans un quart des atteintes algodystrophiques du pied. L’ostéoporose locale est d’autant plus marquée que l’algodystrophie a continué d’évoluer. Les sésamoïdes peuvent être englobés dans le processus de déminéralisation, ainsi, au genou, à la fabella ou au pied, le sésamoïde de l’hallux avec des aspects de déminéralisation homogène, ou en cible, ou polymicrogéodique. Le scanner (en règle générale demandé pour une autre indication) sur la zone algodystrophique visualise sur les coupes osseuses et parties molles la déminéralisation marquée et les anomalies de structures de tendons, ligaments et des parties molles adjacentes (selon les phases : épaississement, rétraction, atrophie).
L’IRM objective, sur la même aire pathologique algodystrophique, l’œdème transitoire des tissus superficiels, périarticulaires, synoviaux, l’épanchement synovial transitoire (hypersignal en images pondérées T2), la plasmostase intramédullaire inconstante, transitoire, aspécifique, possiblement bigarrée sous forme d’un hyposignal en images pondérées T1, hypersignal d’intensité variable T2, hypersignal net en séquence avec annulation du signal graisseux (séquence short tau inversion recovery [STIR]). Une image de perte du signal sous-chondral, arciforme, immédiatement sous-chondrale, peut correspondre à une zone d’œdème marqué ou à la zone d’intense déminéralisation souschondrale retrouvée sur les clichés radiologiques quand elle est fine, allongée, régulière, parallèle à la lame osseuse souschondrale et qu’elle disparaît après injection de gadolinium. Une telle image, de façon générale, fait discuter aussi le diagnostic d’une fracture sous-chondrale. Les résultats de l’IRM sont fonction des stades de l’algodystrophie. Au stade d’algodystrophie froide, il n’y a pas ou il n’y a plus d’œdème. La présence d’un œdème algodystrophique des tissus mous périarticulaires n’implique pas la constance d’un œdème médullaire intraosseux. Il y a en revanche toujours un œdème médullaire lors des fractures trabéculaires et au cours de l’ostéoporose transitoire. Dans des formes chroniques séquellaires avec déminéralisation intense, l’IRM met parfois en évidence de petites plages épiphysaires en discret hypersignal T1 et T2, traduisant l’atténuation du signal normalement généré par la présence du réseau trabéculaire.
Densitométrie osseuse La densitométrie osseuse offre la possibilité de quantifier la perte minérale osseuse dans l’aire osseuse algodystrophique, plus marquée sur l’os trabéculaire que cortical. Elle est équivalente chez certains patients, en quelques semaines ou mois à celle apparaissant en 10 ans d’évolution d’une ostéoporose postménopausique. La densité minérale osseuse en g/cm2 et le contenu minéral osseux en grammes dans le membre algodystrophique par absorptiométrie biphotonique aux rayons X sont, par rapport au côté opposé, significativement plus bas, avec des diminutions de 10 % à 20 %, voire plus au bout de quelques semaines ou mois sur l’aire affectée dans des formes posttraumatiques, après fractures par exemple de Pouteau-Colles. La diminution de la densité minérale osseuse trabéculaire est plus
Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
importante que la corticale. La perte osseuse chez les sujets algodystrophiques persiste à 6 mois ou à 1 an, et parfois plus longtemps.
Documents anatomopathologiques
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Les documents histologiques ne font pas partie de la démarche clinique. Des biopsies dans des zones algodystrophiques ont été pratiquées à une époque où le diagnostic posait plus de problème, pour exclure une pathologie infectieuse ou tumorale, ou le sont parfois encore lors d’une intervention chirurgicale indiquée pour une raison autre que l’algodystrophie.
Tests dysautonomiques et vasculaires .
La thermographie, les tests de la sueur, l’étude des flux microcirculatoires ne sont pas de pratique courante, mais participent à la compréhension de l’algodystrophie [10, 34].
Explorations neurologiques
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Par définition, il n’y a pas dans l’algodystrophie ou dans le syndrome douloureux régional complexe de type I de lésion d’un gros tronc nerveux, mais différentes explorations neurologiques portent sur l’atteinte de nerfs de faible calibre, et surtout sur les terminaisons nerveuses [11, 35-38].
Dysynchiria La thérapie par le miroir a fait découvrir la dysynchiria au cours de l’algodystrophie [39]. Le patient a ses deux membres supérieurs séparés par un miroir. La main saine se reflète dans le miroir et le patient focalise son attention sur l’image reflétée, de telle sorte qu’il a l’impression de voir sa main pathologique. Le but initial est, en faisant faire des mouvements à la main saine, de faire croire au cerveau du patient que c’est la main algodystrophique qui bouge, de telle sorte qu’il y a une stimulation réelle des zones cérébrales en lien avec la main pathologique. Dans l’algodystrophie, il semble exister une dysynchiria : quand la main saine reflétée dans le miroir est regardée de façon continue par le patient, une stimulation légère de la main saine provoque une sensation d’allodynie ou de paræsthésies sur la main algodystrophique [39]. Cette dysynchiria ne serait pas retrouvée dans la douleur neurologique chronique [40]. L’allodynie pourrait ainsi être médiée directement par le cerveau. Elle illustre la complexité de l’atteine cérébrale centrale en dehors du champ du domaine et de la prise en charge psychologique.
■ Formes cliniques .
Formes étiologiques Les causes d’algodystrophies sont nombreuses. L’algodystrophie de la femme enceinte ou en post-partum touche préferentiellement les membres inférieurs et fait discuter ses liens avec l’ostéoporose de la grossesse, ses rapprochements ou différences avec les fractures trabéculaires, l’ostéoporose transitoire, l’ostéonécrose aseptique [41, 42]. Des fractures d’apparition spontanée aux membres inférieurs apparaissent au cours de maladies avec fragilité osseuse : maladie de Lobstein, ostéomalacies diverses, diabète phosphaté (suspecté devant une hypophosphatémie inférieure à 0,9 mmol/l), hyperparathyroïdie, anorexie mentale. Ces fractures ont leur symptomatologie propre et se compliquent parfois d’une algodystrophie. Les syndromes de Fanconi de l’adulte d’âge moyen 50 ans, d’origine acquise (toxique, médicamenteuse, dysglobulinémie, affection maligne, amylose, syndrome sec ou diverses affections rénales) se compliquent indirectement d’algodystrophies par l’intermédiaire de fractures trabéculaires souvent occultes des membres inférieurs. Une algodystrophie après chirurgie de revascularisation peut être liée à une abolition transitoire du réflexe veinoartériolaire. Une algodystrophie après une intervention chirurgicale (arthroscopie, chirurgie d’un syndrome du canal carpien, arthro-
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Point important
• Les termes algodystrophie et syndrome douloureux régional complexe de type I sont équivalents. • Le syndrome douloureux régional complexe de type II est synonyme de la dénomination causalgie. • L’algodystrophie fait suite à un facteur déclenchant ou à une cause d’immobilisation. • Le site de l’algodystrophie sur un membre est fonction du facteur déclenchant. • Une fracture occulte, si elle n’est pas diagnostiquée, est une cause d’algodystrophie, à partir du moment où le patient, malgré la douleur, continue ses activités. • La douleur algodystrophique localisée comporte une allodynie, une hyperalgie. • L’œdème, les troubles vasomoteurs et thermiques, sont nets en phase chaude dans le territoire algodystrophique. • Les troubles trophiques régionaux s’installent progressivement et peuvent affecter tous les tissus dont l’os (ostéoporose localisée). • La scintigraphie osseuse montre, en phase chaude, une hyperfixation de la région algodystrophique aux temps précoces et tardifs.
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Point important
Neuf points communs à considérer pour l’ostéoporose transitoire, l’algodystrophie, l’ostéonécrose aseptique et les fractures trabéculaires pendant la grossesse • Survenue au troisième trimestre de la grossesse, parfois avant, parfois en post-partum. • Changement transitoire des conditions biomécaniques : prise de poids, modification de la répartition des charges, rapidité de ces modifications. • Modifications métaboliques : augmentation du cortisol, augmentation des lipides circulants, inondation hormonale estroprogestative, variations phosphocalciques. • Localisation préférentielle dans des zones portantes • Expression d’une douleur intense en charge avec une boiterie contrastant avec la pauvreté de l’examen clinique. • Difficultés des moyens d’exploration : pas de radiographies standards, pas de scintigraphie osseuse pendant la grossesse. • IRM possible au deuxième et troisième trimestre, mais sans injection de gadolinium (injection contre-indiquée aussi pendant la lactation). • En attendant l’IRM, mise en décharge dès la suspicion d’un des quatre diagnostics, à visée antalgique et pour éviter des complications (fractures sous-chondrales, fractures corticales). • Complément éventuel d’imagerie après la délivrance et selon l’évolution.
plastie, etc.) fait discuter le rôle de la pathologie initiale, justifiant la chirurgie et le traumatisme chirurgical. Au cours de pathologies articulaires inflammatoires ou infectieuses, le diagnostic d’algodystrophie est rare, possible, mais particulièrement difficile. Le diabète paraît plus fréquent dans une grande population algodystrophique par rapport à une population témoin, mais l’algodystrophie de la main doit être dissociée de la chéiroarthropathie diabétique. Les troubles lipidiques ne sont
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pas retrouvés dans l’algodystrophie, contrairement à l’ostéoporose régionale transitoire. Le nombre de syndromes épaulemain, surtout gauche, survenant 2 à 8 semaines après un infarctus myocardique, a chuté de façon drastique par rapport à l’incidence ancienne indiquée de 10 % à 20 % sous l’effet des traitements efficaces vasculaires et/ou du meilleur contrôle de la douleur dans cette situation. L’algodystrophie des patients hémiplégiques reste fréquente à l’épaule, la main, parfois le coude, du côté paralysé, 2 à 4 mois après l’hémiplégie, différente de la contracture musculaire permanente neurologique [43]. Par définition, 2 % à 5 % de patients avec une lésion sur un nerf périphérique développant des signes « algodystrophiques » ont un syndrome douloureux complexe régional de type II. Le phénobarbital (rhumatisme gardénalique des membres) a été décrit comme responsable de troubles algodystrophiques bilatéraux, pas toujours symétriques, davantage aux membres supérieurs. Plusieurs facteurs peuvent être intriqués dans la précession d’une algodystrophie. À l’inverse, l’absence de cause retrouvée dans certaines séries pose la question même de la définition de l’algodystrophie, qui inclut en règle générale un facteur déclenchant ou une cause d’immobilisation. Dans la série historique de Veldman et al. [1] chez 829 patients (487 atteintes des membres supérieurs, 342 des membres inférieurs), une cause traumatique avait été retrouvée dans 65 % des cas, une intervention chirurgicale dans 19 % des cas et, dans quelques pourcentages, un processus inflammatoire, un accident vasculaire cérébral, des injections intraveineuses. Dans cette série importante, aucun facteur n’était présent chez 9,6 % des cas, alors qu’un facteur initiant faisait partie des critères d’inclusion. Certains patients dans leur expression neurosensorielle fonctionnelle paraissent avoir des signes et symptômes, traduisant une labilité neurovégétative, avec une personnalité fragile. Cependant, les études portant sur l’algodystrophie postfracturaire n’ont pas retrouvé en règle générale une détresse ou des troubles psychologiques avant la survenue de l’algodystrophie post-traumatique [44-46].
Formes symptomatiques particulières Algodystrophie froide d’emblée .
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L’algodystrophie froide d’emblée est la forme la plus fréquente chez l’enfant, l’adolescent [2, 47]. Elle est possible aussi chez l’adulte jeune. Une prédominance féminine est certaine. Les atteintes sont distales sur un membre. La présentation clinique prend parfois l’allure d’une ischémie d’un membre, surtout au membre inférieur. Il n’y a pas, dans cette forme, d’hyperperméabilité localisée. Dans le segment de membre atteint, siège d’une douleur intense, existent une hypothermie, une érythrocyanose, une hyperhidrose. Les patients sont parfois adressés pour la suspicion d’une vascularite ou d’une ischémie artérielle aiguë. La scintigraphie osseuse objective une hypofixation aux temps précoces et tardifs à différencier de la non-utilisation du membre. Les images IRM restent normales : il n’y a pas d’œdème intramédullaire ou des parties molles. La déminéralisation radiologique est retardée, parfois de plusieurs mois (rôle de la non-utilisation) ou absente jusque dans deux tiers des cas. L’artériographie exceptionnellement pratiquée a montré dans un cas un aspect grêle distal de l’arbre vasculaire du membre inférieur. Tout se passe comme s’il y avait une hypoperfusion régionale globale. Cette forme clinique d’algodystrophie froide d’emblée est si différente de l’algodystrophie à forme initiale chaude que certains sont partisans de l’isoler du concept d’algodystrophie, en utilisant les termes de pseudodystrophie ou d’algodystonie [48-50]. Cependant, les patients remplissent les critères de l’algodystrophie, syndrome douloureux régional complexe de type I (voit infra). La nosologie exacte de la présentation clinique historique « pied ou main bleu douloureux de Charcot » reste de nos jours inconnue [2], mais pourrait se rapprocher de cette forme.
Autres formes symptomatiques La douleur est un signe obligatoire pour certains dans l’algodystrophie, d’autres admettent l’absence de douleur jusque dans 5 % des cas d’algodystrophie. Dans des observations, il y a manifestement une prédominance des signes liés à l’hyperperméabilité locale alors que dans d’autres, la douleur est plus à composante neurologique. Doury a décrit la claudication douloureuse intermittente algodystrophique, retrouvée chez 4 % des patients pour l’atteinte du pied. Quelquefois une absence de sensibilité au toucher contraste avec la présence d’une douleur sévère dans la même zone algodystrophique (anaesthesia dolorosa). Certains patients se plaignent de contracture musculaire, après essai d’efforts, de tremblements de l’extrémité affectée, de petits mouvements cloniques rythmiques des doigts, de signes d’incoordination musculaire [51-53]. Un tremblement, une incoordination musculaire, des spasmes musculaires sévères ont été retrouvés respectivement dans 49 %, 54 % et 25 % des 829 patients de Veldman et al. [1]. Il est assez fréquent que soit présent aussi un « syndrome de négligence du membre algodystrophique », le patient ressent son membre algodystrophique comme étranger à lui-même [54]. Des rétractions plantaires ou palmaires peuvent survenir de façon rapide, tableaux proches respectivement de la maladie de Ledderhose et de la maladie de Dupuytren. La peau est dans quelques cas siège d’ulcérations, ou d’une éruption bulleuse.
Formes topographiques Formes des membres Aux membres supérieurs, les localisations distales algodystrophiques à la main et au poignet sont communes. L’association des deux localisations homolatérales main et épaule (rare) est appelée syndrome épaule-main. Le coude algodystrophique est exceptionnel, mais possible. Aux membres inférieurs, les atteintes distales du pied et de la cheville sont prédominantes. Le genou algodystrophique n’est pas exceptionnel. La hanche algodystrophique est très rare. La richesse différente en terminaisons nerveuses imprime une expression variable de l’algodystrophie des membres selon les sites distaux (mains-poignets, pieds-chevilles), mésoméliques (genoux, coudes) ou rhizoméliques (hanches, épaules). Formes focales des membres Lequesne et al. avaient décrit deux formes focales d’algodystrophie [55]. L’une touche un ou deux rayons de la main (ou du pied) : c’est la forme dite radiale d’algodystrophie. L’autre comportait une atteinte osseuse douloureuse portant sur une partie d’un condyle ou de la tête fémorale : c’était la forme zonale d’algodystrophie. Chez ces patients, la déminéralisation radiologique est nette au deuxième mois. Et, élément important, elle s’étend initalement sur une plage osseuse sous-chondrale, puis de façon plus diffuse régionalement. La scintigraphie osseuse retrouve dans ces cas une hyperfixation massive d’abord localisée puis panrégionale. L’hypothèse actuelle est toutefois, dans cette forme zonale condylienne, un événement osseux (qui n’est pas une algodystrophie) par exemple une fracture souschondrale ou une ostéoporose transitoire et ensuite, au moment de la phase d’extension, une algodystrophie. La forme zonale d’algodystrophie n’existe donc pas. L’IRM, dont ne disposaient pas Lequesne et al. [55] , chez ces patients, confirme cette nouvelle interprétation. Formes en dehors des membres Le changement de paradigme avec l’introduction des nouveaux critères a ouvert la porte à la description de formes d’algodystrophie en dehors des membres, non pas tant les localisations osseuses au rachis, au gril costal, au sternum, source de discussions anciennes avec des pathologies communes comme les fractures trabéculaires, que dans divers sites anatomiques comme la face, les régions thoracique, périnéale, fessière (« syndrome de la fesse froide »).
Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
■ Diagnostic positif Pertinence clinique L’observation et le contexte clinique permettent en règle générale de faire le diagnostic d’une algodystrophie. Le choix des examens d’imagerie est fonction de la période de consultation et des doutes diagnostiques. Un patient se plaignant après un traumatisme de douleurs avec des signes vasomoteurs nets à la main et aux doigts, un enraidissement des doigts en demiflexion (impossibilité d’étendre complètement les doigts et, à l’inverse, de faire le poingt), et une épaule homolatérale limitée et douloureuse présente un syndrome épaule-main algodystrophique clinique.
Critères d’algodystrophie
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Différents critères ont été proposés pour le diagnostic d’algodystrophie. Les critères précis cliniques, paracliniques, thérapeutiques proposées par Doury [8] ne permettent pas de différencier les patients ayant une algodystrophie de ceux ayant par exemple une fracture occulte trabéculaire (éventuellement spontanée) et non compliquée d’algodystrophie, en dehors même de la discussion avec l’ostéoporose transitoire, qui, pour Doury, faisait partie de l’algodystrophie. Les critères de Kozin et al. (in [2]) excluaient les formes algodystrophiques mésoméliques et rhizoméliques en définissant l’algodystrophie sur l’association des signes et symptômes suivants : douleur et sensibilité provoquée dans une extrémité distale d’un membre, instabilité vasomotrice, gonflement d’une extrémité avec souvent une prédominance périarticulaire et souvent modifications dystrophiques cutanées. Les nouveaux critères ont été ensuite établis sur l’expérience des spécialistes de la douleur. Les quatre critères modifiés, suffisants et nécessaires de « l’Association internationale pour l’étude de la douleur » pour retenir une algodystrophie (terme non utilisé) dans le sens syndrome douloureux régional complexe de type I ont été les suivants : • un événement initial délétère ou une cause d’immobilisation ; • une douleur continue, une allodynie, ou une hyperalgésie, avec une douleur disproportionnée par rapport à l’événement initiant ; • la preuve, à une certaine période d’œdème, de modifications dans le flux sanguin, ou d’une activité sudoromotrice anormale dans la région douloureuse (exemples : modification de la température cutanée, de la couleur de la peau, hyperhidrose) ; • exclusion du diagnostic en présence d’une condition qui pourrait expliquer le degré de la douleur par elle-même [56]. Veldman et al. [1] ont proposé un jeu de critères à partir de leur série importante d’algodystrophie. Harden et Bruehl [57, 58] ont affiné les critères cliniques d’algodystrophie applicables, d’une part, en clinique et, d’autre part (avec une exigence plus grande), en recherche.
Analyse des critères d’algodystrophie La notion de stades évolutifs algodystrophiques, typiquement la phase chaude du stade I, puis la phase froide du stade II et ensuite la phase atrophique du stade III n’a pas été retenue dans les nouveaux critères. Mais certains patients peuvent initier une algodystrophie par une phase froide, et certains patients ont une succession de modifications thermiques régionales rapides, ce qui explique que la pertinence de la notion de stade a été mise en cause [59]. Les critères ne comportent pas l’atteinte osseuse algodystrophique. Cette absence de prise en compte de l’ostéoporose algodystrophique s’installant dans la zone de troubles trophiques est possiblement reliée à son caractère retardé. La non-utilisation des données des examens complémentaires (radiographie standard, scintigraphie osseuse, IRM) s’explique possiblement par l’essai d’applications de critères universels, non liés aux moyens économiques. L’absence de syndrome inflammatoire biologique n’est pas indiquée textuellement. Le syndrome douloureux régional complexe défini n’a pas de définition anatomique. Il est dit régional. D’un côté, sa
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Point important
CRPS : critères diagnostiques cliniques modifiés proposés selon Harden et Bruehl Les quatre critères suivants doivent être validés : • douleur continue, disproportionnée par rapport à n’importe quel élément déclenchant ; • présence signalée par le patient d’au moins un des symptômes dans trois des quatre catégories suivantes : C troubles sensoriels : hyperalgie et/ou allodynie, C troubles vasomoteurs : asymétrie thermique et/ou de modifications de la couleur de la peau, et/ou asymétrie de la coloration cutanée, C troubles sudoromoteurs/œdème : œdème et/ou sudation modifiée et/ou sudation asymétrique, C troubles moteurs/trophiques : diminution de la mobilité et/ou troubles moteurs (faiblesse, tremblement, dystonie) et/ou troubles trophiques portant sur les poils, les ongles ou la peau ; • présence constatée à l’examen au moment de l’évaluation d’au moins un signe dans deux ou plus des catégories suivantes : C troubles sensoriels : hyperalgie (à la piqûre) et/ou allodynie (à l’effleurement léger ou à la pression somatique profonde), C troubles vasomoteurs : asymétrie thermique et/ou changements de la coloration cutanée, et/ou asymétrie de la coloration cutanée, C troubles sudoromoteurs ou œdème : œdème et/ou sudation modifiée et/ou sudation asymétrique, C troubles moteurs/trophiques : diminution de la mobilité et/ou troubles moteurs (faiblesse, tremblement, dystonie) et/ou troubles trophiques (cheveux, ongle, peau). • Les signes et symptômes ne sont pas mieux expliqués par un autre diagnostic. Remarque. Les critères diagnostiques de recherche modifiés selon Harden et Bruehl sont écrits de façon identique. La seule différence pour remplir les critères est la nécessité de la présence signalée par le patient d’au moins un des symptômes dans les quatre catégories définies pour l’item 2.
localisation n’est pas limitée aux membres, mais, d’un autre côté, l’atteinte des régions de membres plus profondes n’est pas accessible aux critères uniquement cliniques. Le syndrome ne comporte pas de critères faisant appel à une réponse à un traitement donné. La présence d’un facteur initiant identifiable est obligatoire pour certains et non pour d’autres pour retenir le diagnostic d’une algodystrophie.
■ Diagnostics différentiels Causalgie ou syndrome douloureux régional complexe de type II La causalgie de Weir-Mitchell ou syndrome douloureux régional complexe de type II [3] survient après une lésion identifiable d’un tronc nerveux riche en fibres sympathiques (nerf médian, nerf sciatique, plexus brachial). La douleur est sévère à type de brûlure, avec allodynie, hyperpathie. Il existe un œdème, d’autres troubles de la microcirculation, une hypersudation, des conséquences trophiques dans les territoires du métamère du nerf traumatisé ou bien régionalement. Les soldats blessés examinés par Weir-Mitchell étaient obligés de porter une bouteille d’eau et une éponge pour humidifier avec
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Point important
• L’algodystrophie à forme froide d’emblée s’accompagne d’une hypofixation scintigraphique régionale. • L’IRM ne montre pas, dans la forme froide, d’œdème régional. • L’ostéoporose transitoire de cause incertaine (troubles lipidiques, ischémie réversible, troubles vasculaires par contrainte mécanique, microfractures) prédomine aux membres inférieurs. • L’ostéoporose transitoire s’accompagne toujours d’une hyperfixation scintigraphique zonale correspondant à la zone en IRM de l’œdème médullaire qui est (transitoirement) déminéralisée. • L’ostéoporose transitoire est migratrice dans presque un cas sur deux sur quelques mois ou années. • Les fractures occultes trabéculaires aux membres inférieurs s’accompagnent d’une hyperfixation osseuse focale, avec des signes IRM d’œdème médullaire au sein duquel sont visibles des images d’impaction trabéculaire. • Les fractures surviennent aux membres inférieurs parfois en cascade : tableau clinique de polyfractures trabéculaires. • L’ostéonécrose aseptique est caractérisée en IRM par une zone cernée : celle de la nécrose ischémique irréversible. • Les explorations d’imagerie (scintigraphie, IRM) sont importantes en cas de difficultés du diagnostic différentiel, en particulier pour les localisations aux membres inférieurs.
Figure 4. Fracture sous-chondrale de hanche en imagerie par résonance magnétique coupe pondérée T1.
du froid leur segment de membre blessé par balle dans l’espoir de calmer la brûlure ressentie.
Fractures trabéculaires
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Leur symptomatologie douloureuse, le gonflement locorégional, l’absence initiale de signes radiologiques (fractures radiologiquement occultes) rendent le diagnostic de fracture trabéculaire difficile avec une algodystrophie débutante. Elles se rencontrent au cours des insuffisances osseuses, et surviennent alors parfois de façon spontanée ou bien après des contraintes anormales et les circonstances de survenue sont alors évocatrices. La scintigraphie osseuse objective toujours une hyperfixation présente comme dans l’algodystrophie aux trois tremps, mais focalisée sur la zone de la fracture. La scintigraphie osseuse a un rôle majeur dans le diagnostic positif et le diagnostic topographique des fractures trabéculaires. L’IRM met en évidence les impactions trabéculaires au sein de l’œdème médullaire. Elles apparaisssent en hyposignal en pondération T2 et après injection intraveineuse de gadolinium. Elles sont également en hyposignal T1, faciles à identifier si leur hyposignal T1 est plus marqué que celui de l’œdème médullaire (Fig. 4). Elles s’accompagnent d’un œdème médullaire bien visible en IRM par les coupes pondérées T1 et avec les coupes en annulation de la graisse (Fig. 5). Ces parcelles osseuses linéaires épiphysaires impactées sont différentes du liséré de démarcation d’une ostéonécrose aseptique qui, anatomiquement, isole complètement un secteur osseux (Fig. 6). Les sites de fractures trabéculaires sont nombreux : • aux membres inférieurs : calcanéus, talus, épiphyse tibiale inférieure, cuboïde, scaphoïde, cunéiformes, métatarses (diaphyse, épiphyse), épiphyses phalangiennes, plateau tibial médial ou latéral, condyle médial ou latéral, grand trochanter, col du fémur, épiphyse fémorale supérieure ; • au bassin : région supra-acétabulaire, sacrum partie droite ou gauche, ou global, aile iliaque.
Figure 5. Fracture sous-chondrale de la partie antérieure du talus en résonance magnétique, coupe avec saturation de graisse montrant une zone d’œdème intraosseux.
Figure 6. Ostéonécrose aseptique : zone cernée en résonance magnétique, coupe pondérée T1.
Aux membres supérieurs, une fracture trabéculaire isolée est exceptionnelle (sauf au cours de l’anorexie mentale sévère). Les
Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
fractures trabéculaires des membres inférieurs sont des équivalents périphériques de la fracture vertébrale avant la rupture corticale. Les conditions mécaniques font que les ruptures corticales sont, en règle générale, absentes dans les fractures trabéculaires des membres inférieurs, sauf quand se surajoute un traumatisme ou une activité inadaptée (si le diagnostic n’a pas été posé). À l’inverse, les conditions mécaniques incontrolables s’exerçant sur les vertèbres liées au poids du patient, au tonus musculaire, à l’espace intersomatique, font qu’il existe souvent, dans la fracture vertébrale trabéculaire, un tassement avec rupture de la corticale des bords supérieur ou inférieur et/ou antérieur, tellement fréquent qu’il avait donné son nom à cette forme de fracture. De même qu’il existe des patients ayant une seule fracture vertébrale, ou plusieurs fractures vertébrales en quelques mois ou années, il est possible d’avoir, aux membres inférieurs, un seul épisode de fracture trabéculaire, ou plusieurs épisodes en quelques mois ou années, tableau clinique que l’on peut appeler polyfracture trabéculaire périphérique. Une fracture déclenche localement un foyer de résorption osseuse (les travées fracturées sont éliminées totalement ou en partie), suivie d’une phase de réparation. La phase de résorption se traduit par une déminéralisation localisée au bout de quelques semaines, la phase de régénération par une condensation trabéculaire en serpentin ou en bandes assez épaisses à renflement visible radiologiquement sur le site de la fracture trabéculaire 4 à 6 semaines après la survenue de la fracture trabéculaire. Cette dernière image correspond au cal trabéculaire, témoin de l’évolution favorable de la fracture. Les liens de causalité entre fractures trabéculaires et algodystrophie sont importants. Les fractures trabéculaires des membres peuvent se compliquer d’une algodystrophie, comme toute fracture, surtout si le diagnostic de fracture trabéculaire (et donc la mise au repos précoce) n’a pas été effectué. L’os est ainsi souvent responsable d’algodystrophie (« os coupable »), une lésion à son niveau douloureuse provoquant l’algodystrophie. Mais il peut subir aussi les conséquences trophiques de l’algodystrophie (« os victime »). L’algodystrophie, de par sa déminéralisation locorégionale nette, peut se compliquer d’une fracture plus souvent trabéculaire que corticale et trabéculaire, après un traumatisme important, ou minime ou de façon apparemment spontanée. La limitation d’activité du patient liée à la douleur en charge diminue, mais n’annule pas ce risque. Les fractures des épiphyses métatarsiennes peuvent ainsi par exemple induire une algodystrophie, s’y associer ou la simuler : douleurs aiguës localisées, arthropathie métatarsophalangienne d’allure inflammatoire, œdème diffus de l’avant-pied, évolution favorable après décharge d’appui de 1 mois. La prédominance des fractures trabéculaires vient de la sévérité plus grande de la diminution de la masse osseuse dans ce site par rapport à l’os cortical.
Figure 7. Ostéoporose transitoire. Œdème osseux monocondylien et des parties molles adjacentes en coupe pondérée T1 avec injection de gadolinium.
Ostéoporose transitoire, possiblement migratrice L’ostéoporose transitoire est au cœur de discussions souvent passionnées depuis un demi-siècle. Elle pose la question de son existence, de ses liens avec l’algodystrophie de survenue spontanée, l’ostéonécrose aseptique à son stade précoce, les fractures trabéculaires, l’ostéoporose de la grossesse [2, 41, 60-65]. Cette affection est caractérisée par une atteinte osseuse zonale, d’un seul côté d’une articulation, ce qui fait que cette simple caractéristique est un argument différentiel majeur avec l’algodystrophie, qui se traduit par une atteinte de part et d’autre de régions articulaires. L’IRM retrouve toujours, dans l’ostéoporose transitoire, un œdème osseux médullaire, une hyperfixation scintigraphique dans cette même zone, qui est la zone visible en radiographie standard ou scanner déminéralisée. Les causes possibles de l’ostéoporose transitoire restent discutées : ischémie locale, anomalies métaboliques systémiques lipidiques, fractures sous-chondrales, lésions affectant la congruence articulaire (au genou, méniscopathie), changeant les contraintes mécaniques. Les localisations anatomiques préférentielles sont la région épiphysaire, où la vascularisation terminoterminale est fragilisée par les contraintes mécaniques avec hyperpression.
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Les patients souffrant d’une ostéoporose transitoire, plus souvent des hommes que des femmes, jeunes ou d’âge moyen (50 ans), développent de façon rapide et le plus souvent sans notion de traumatisme antérieur ou bien, après une chute modérée ou un mouvement brusque d’amplitude maximale, un syndrome douloureux dans une seule ou plusieurs aires osseuses aux membres inférieurs (exceptionnellement aux membres supérieurs). Les aires préférentielles sont, par ordre décroissant à la hanche (ostéoporose transitoire de la hanche), au genou, à la cheville et au pied. Le site anatomique affecté est une épiphyse, ou une partie ou même une parcelle d’épiphyse, parfois une métaphyse ou une partie de diaphyse, en particulier celle du fémur ou du tibia. La douleur est accentuée avec l’utilisation de l’articulation, à la limite des mouvements possibles, à la mise en charge. La boiterie marquée oblige le patient en quelques jours ou semaines à esquiver presque totalement l’appui sur le membre atteint et, pour le mettre en décharge, il s’appuie de toutes ses forces sur une ou deux cannes. Une amyotrophie régionale est précoce et fréquente. La douleur est rare ou modérée en décubitus. La douleur s’aggrave en quelques semaines et devient maximale au deuxième et au troisième mois pour s’atténuer et disparaître ensuite, mais souvent en bout de plusieurs mois. L’hyperfixation scintigraphique homogène ne manque jamais au stade initial et elle est précoce. Des localisations régionales ou locales infracliniques, en particulier sur le même membre, sont parfois découvertes. Un épanchement synovial est retrouvé cliniquement ou sur une articulation profonde comme la hanche, en échographie. En revanche, il n’y a pas d’atteinte simultanée de l’autre versant osseux articulaire. Une ostéoporose radiologique homogène est visible au bout de quelques semaines. La vitesse de sédimentation est normale ou subnormale, de même que la protéine C réactive. L’IRM (hanche, genou, cheville, pied) objective l’œdème transitoire intraosseux d’un condyle (Fig. 7) ou d’une épiphyse ou parfois juste une parcelle osseuse, incluant une zone souschondrale épiphysaire, correspondant à la zone qui est déminéralisée et correspondant à l’aire de l’hyperfixation scintigraphique. Elle permet aussi de préciser s’il existe des fractures trabéculaires correspondant par ailleurs sur la scintigraphie à une zone de renforcement de l’hyperfixation du radio-isotope. Dans l’atteinte de la hanche, l’aspect fantomatique sur la radiographie standard (Fig. 8) est tardif par rapport aux anomalies IRM et scintigraphiques immédiates.
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Figure 8. Ostéoporose transitoire. Ostéoporose localisée à la partie postérieure de l’épiphyse fémorale supérieure gauche en tomodensitométrie.
Le pronostic est fonction du risque connu dans environ 40 % des cas de la survenue d’autres épisodes. La même symptomatologie, dans les formes migratrices ou plurifocales, apparaît sur la même épiphyse controlatérale ou sur des sites autres du même membre inférieur ou du membre controlatéral. Une nouvelle localisation sur le même os ou une aire proche est possible. La douleur n’est pas cliniquement alors strictement au même endroit. Des cartographies scintigraphiques répétées montrent les localisations successives dans les différentes aires au pied et à la cheville (28 os ou osselets, sésamoïdes non inclus), mais aussi au genou (condyles et plateaux tibiaux médiaux et latéraux, patella). Le scanner et l’IRM, dans des observations privilégiées, ont permis de visualiser la migration du processus pour des localisations à l’épiphyse fémorale supérieure ou dans des zones osseuses des genoux ou encore de la cheville et du pied. Certains patients ne sont pas encore guéris d’une localisation qu’une autre apparaît avec, à chaque fois, une durée d’évolution de quelques mois se surajoutant, l’ensemble des épisodes pouvant durer 1 à 3 ans. Histologiquement sont retrouvés, selon les stades, une plasmostase intramédullaire, une augmentation du volume de l’os ostéoïde, une déminéralisation acellulaire, avec une activité ostéoblastique importante et la formation d’un os nouveau. Les ostéoclastes présents parfois face à un os lamellaire « mort » (disparition des ostéocytes) ou un os irrégulier nouvellement formé paraissent peu nombreux. Outre les problèmes nosologiques avec l’algodystrophie, le diagnostic différentiel surtout au premier épisode est parfois difficile avec une lésion tumorale bénigne ou maligne, une arthrite en particulier infectieuse (tuberculose, se traduisant volontiers par une déminéralisation marquée), une ostéomyélite, une ostéonécrose aseptique, une fracture trabéculaire isolée. L’importance et la durée de la déminéralisation locale avec un aspect homogène sont indiscutables et inhabituelles dans une fracture non compliquée. L’hyperhémie régionale constatée en scintigraphie osseuse, les signes vasomoteurs qui peuvent apparaître secondairement, la déminéralisation secondairement plus régionale et préférentiellement mouchetée, parfois un enraidissement localisé, pouvant aller jusqu’à une rétraction capsulaire sont autant d’arguments laissant penser que l’ostéoporose régionale transitoire peut se compliquer d’une algodystrophie, la lésion initiale osseuse douloureuse étant la cause de l’algodystrophie. La différenciation ostéoporose régionale transitoire et ostéonécrose à un stade précoce (type I et II de Ficat) est difficile et certains pensent qu’il s’agit de la même maladie. Mais les troubles circulatoires ischémiques de l’ostéoporose transitoire n’entraînent pas une ischémie osseuse d’amplitude identique à celle de l’ostéonécrose aseptique où l’ischémie est définitive.
L’IRM initiale apporte des indications diagnostiques et évolutives [2, 41, 66] . Une plage tissulaire sous-chondrale en hyposignal T2 assez profonde ou étendue ou encore (ce qui est le même signe) non réhaussée (c’est-à-dire non vascularisée) après injection intraveineuse de gadolinium est en faveur d’une ostéonécrose aseptique épiphysaire irréversible. Au genou, dans des atteintes œdémateuses osseuses du condyle médial, l’évolution vers une ostéonécrose aseptique ou une forme réversible varie selon la présence d’une aire sous-chondrale en hyposignal T2 de plus de 4 mm d’épaisseur ou d’une longueur de plus de 14 mm, alors que la zone d’œdème médullaire était comparable. La perte en densité minérale osseuse sur la hanche affectée dans quelques observations privilégiées étudiées avec une ostéoporose transitoire de la hanche [67-70] a été similaire avec une perte moyenne aussi élevée que 36 % dans le triangle de Ward (aire non affectée par le poids du corps). La différenciation ostéoporose régionale transitoire, algodystrophie a des conséquences thérapeutiques. Une procédure chirurgicale peut aggraver une algodystrophie, mais ce n’est pas le cas dans l’ostéoporose transitoire que ce soit pour des interventions orthopédiques après fractures corticales secondaires ou bien quand on réalise un forage biopsique pour lutter contre l’hyperpression localisée intraosseuse épiphysaire fémorale supérieure ou inférieure. Dans cette situation, les patients ne s’aggravent pas et, au contraire, paraissent rapidement soulagés après le forage biopsique. Différents traitements sont envisagés [71, 72]. Les corticoïdes sont inefficaces. Une équipe propose dans ces formes un traitement par prostacycline, avec une efficacité montrée [73, 74].
Capsulite rétractile [75-77]
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Une algodystrophie d’une région d’un membre peut se compliquer d’un enraidissement articulaire quelle que soit la localisation par différents mécanismes et, en particulier, par une fibrose progressive de la capsule articulaire. Cette complication évolutive de l’algodystrophie n’est pas synonyme de capsulite rétractile, elle fait partie des raideurs articulaires [75-77].
Situations d’une monoarthropathie apparente Une algodystrophie de la main en phase chaude œdémateuse fait parfois discuter une arthrite, une ténosynovite, ou une cellulite. Un syndrome inflammatoire est alors présent. Une algodystrophie en phase scléreuse de la main est à dissocier d’une cheiroarthropathie diabétique (le diabète est ancien et donc connu), une sclérodermie localisée ou systémique, ou encore, de façon plus exceptionnelle, une fasciite palmaire avec arthrite liée à un cancer en particulier de l’ovaire. Dans ces trois cas, l’atteinte est en règle générale bilatérale avec un signe de la prière : le patient ne peut pas mettre les deux paumes de ses mains à plat l’une contre l’autre. Une algodystrophie du genou, de la cheville ou localisée au pied avec aspect pseudoinflammatoire fait discuter une arthrite septique ou aseptique (rhumatisme inflammatoire, arthrite microcristalline). Une chondromatose synoviale peut entraîner une ostéoporose locale.
Formes à expression douloureuse préférentielle Une impotence fonctionnelle douloureuse depuis quelques jours ou semaines avec boiterie et radiographies normales au pied, à la cheville, au genou, ou à la hanche chez un sujet avec un état général conservé, sans fièvre, fait discuter, outre une algodystrophie, une fracture trabéculaire ou corticale/ trabéculaire de stress ou par insuffisance osseuse d’une zone portante épiphysaire ou métaphysaire ou diaphysaire – qui peut se compliquer d’une algodystrophie – (signes focaux d’œdème/ d’hémorragie péricorticaux échographiques précoces en parties molles, hyperfixation scintigraphique précoce, signes IRM), une ostéonécrose aseptique [78] (circonstances évocatrices, hypofixation scintigraphique partielle épiphysaire entourée d’une hyperfixation, bande étroite arciforme IRM en hyposignal
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fractures trabéculaires. La guérison survient en quelques mois, parfois presque une année. Le sirolimus a été mis en cause exceptionnellement [79].
T1 réalisant l’interface entre la zone nécrotique qu’elle circonscrit et la zone saine), une enthésite (spondylarthropathie connue ou non, hyperfixation scintigraphique localisée, signes échographiques, signes IRM sur l’enthèse, avec œdème intramédullaire osseux en regard de l’enthèse, syndrome inflammatoire biologique), une tendinobursite (signes échographiques). La présence, sur les sites superficiels, de signes d’instabilité vasomotrice fréquents, mais inconstants, oriente vers une algodystrophie. L’intérêt du cliché radiologique standard 4 à 8 semaines après le début clinique est qu’il peut visualiser une déminéralisation dans l’algodystrophie, méplat du contour de l’épiphyse en cas d’ostéonécrose ou de fracture sous-chondrale, signe de la coquille d’œuf en cas d’ostéonécrose, bandes de condensation en cas de fracture trabéculaire correspondant au cal osseux. La mise en évidence, à la scintigraphie osseuse, d’une hyperfixation ou, plus rarement, d’une hypofixation alors qu’il n’existe pas de signes vasomoteurs superficiels va à l’encontre d’un pithiatisme, d’une hystérie, ou d’une simulation, en particulier dans les formes des membres inférieurs, difficiles d’interprétation quand la douleur et l’hyperesthésie sont isolées.
Algodystrophie factice Le gain est externe, par exemple : compensation financière, syndrome du revenu paradoxal, simulation, ou interne : syndrome de Münchausen, névrose. Toutefois, certains patients ne guérissent jamais de leur algodystrophie. L’hyperperméabilité est transitoire, mais la fibrose peut être définitive, et quand elle colonise régionalement différentes structures anatomiques (peau, tissu sous-cutané, capsule, synoviale, tendons, muscles, os, structures nerveuses), les patients peuvent rester handicapés. L’allodynie, l’hyperpathie, la douleur spontanée, volontiers une sensation de brûlure, expliquent l’appréhension compréhensible du malade à se faire examiner et sont source de difficultés d’interprétation de l’examen clinique. Dans la série historique de Veldman et al., 121 patients sur 829 restaient dans l’impossibilité d’effectuer des mouvements de leur membre algodystrophique après un recul important. Une décompensation psychologique survient obligatoirement si la douleur persiste. Tous ces paramètres sont à l’esprit dans les prises en charge tardives et quand des issues médicolégales sont en cause.
Pièges selon l’imagerie Hyperfixation scintigraphique régionale L’hyperfixation scintigraphique régionale d’une région, d’un membre, aux trois temps, n’est pas spécifique de l’algodystrophie à forme chaude, mais sa confrontation avec les données cliniques et paracliniques permet en général de ne pas la confondre avec un ostéome ostéoïde, une maladie de Paget osseuse, une ostéonécrose aseptique. L’hyperfixation d’une fracture trabéculaire isolée est constante, mais très localisée. L’accompagnement par une hyperhémie régionale (souvent moins intense que la zone fracturée), entourant la zone d’hyperfixation intense, est un argument pour l’installation d’une algodystrophie faisant suite à la fracture. L’hypofixation scintigraphique pourrait correspondre, dans certains cas, à une non-utilisation du membre (« pied de béquillage »).
■ Modes évolutifs Guérison
Œdème intramédullaire L’œdème intramédullaire osseux visible en IRM accompagne d’autres conditions : toujours les fractures trabéculaires récentes, souvent les enthésites évolutives des spondylarthropathies, et possiblement des cas d’ostéonécrose aseptique dans la zone qui va devenir ostéonécrotique ou plus souvent en dessous de la zone nécrotique visible en IRM ou en radiologie standard. Il se rencontre aussi autour de l’ostéome ostéoïde, au cours de cancer infiltrant, ou d’infections osseuses. Un œdème intramédullaire parcellaire (sur une parcelle d’os) ou partiel (sur un condyle, un plateau tibial, une zone épiphysaire, ou métaphysaire ou diaphysaire, ou encore un osselet du pied ou de la main) fait discuter selon le contexte une fracture occulte trabéculaire, une ostéonécrose aseptique, une ostéoporose régionale transitoire, ou encore une enthésite, une ostéite, un ostéome ostéoïde. La densitométrie quantifie la perte osseuse, mais n’a pas de valeur diagnostique pour l’œdème intramédullaire. .
Modifications vasculaires induites par les calcineurines La prescription de ciclosporine chez des greffés rénaux peut entraîner, dès sa prescription ou quelques semaines ensuite, un syndrome douloureux osseux, articulaire, musculaire aux deux membres inférieurs de façon symétrique avec des troubles vasomoteurs dans les zones affectées, une ostéoporose localisée, une hyperfixation scintigraphique se prolongeant après disparition des douleurs. Ce syndrome iatrogène serait directement lié à l’action vasculaire osseuse de la ciclosporine, dans des conditions de modification brutale du métabolisme d’un tissu qui était devenu ostéodystrophique avant la greffe (il n’y a pas de cas décrits après prescription de ciclosporine dans la polyarthrite rhumatoïde). Les anomalies épiphysaires IRM initiales transitoires comportent un œdème médullaire et des signes de
La guérison est obtenue assez rarement en quelques mois, souvent en une année, parfois plus, sans séquelles. Les formes de la main, de l’épaule, du pied et de la cheville évoluent pendant 1 à 2 ans. Sous traitement uniquement physique, la main et le poignet algodystrophiques après fracture de PouteauColles restent à 6 mois douloureux et gonflés dans 20 % à 30 % des cas, siège d’une instabilité vasculaire et d’une sensibilité à la pression chez un patient sur deux, et d’une raideur dans 80 % des cas, raideur qui reste présente à 1 an dans 50 % des cas. Classiquement, les formes aux genoux et encore plus à la hanche évoluent plus rapidement, mais il s’agissait d’un regroupement à la fois de l’algodystrophie et de l’ostéoporose régionale transitoire, cette dernière évoluant en quelques mois. Chez certains patients, l’algodystrophie passe progressivement au stade III atrophique, redoutable dans sa chronicité. Les patients gardent alors des séquelles dans la zone algodystrophique : raideur douloureuse, atrophie, ostéoporose, hyperpathie, allodynie, mobilisation ou démarche pseudoparalytique (sans paralysie vraie), difficile à dissocier d’une hystérie au sens ancien ou d’une simulation, cette dernière dans une situation éventuellement de bénéfices secondaires. Cette forme d’algodystrophie atrophique, fixée avec une chronicité désespérante, se rencontre dans un grand nombre de cas dans les séries de patients algodystrophiques venant consulter en centres tertiaires ou dans les centres antidouleur. La gravité de l’évolution a conduit, dans quelques observations anciennes et récentes, à pratiquer des escalades thérapeutiques, voire une arthrodèse ou même une amputation, avec alors persistance malgré tout des douleurs [80]. Un patient algodystrophique encore douloureux au stade atrophique a une probabilité faible de guérir spontanément. La réalité de cette forme grave, chronique, handicapante, dramatique, a rendu caduque le paradigme « une algodystrophie guérit toujours ». Sa prévalence est toutefois faible. L’étude épidémiologique réalisée par Sandroni et al. à Olmsted County (Rochester, États-Unis) [9] a montré que l’évolution était favorable dans 74 % des cas, quelle que soit la modalité thérapeutique, en moins d’une année. Ces auteurs évoquent l’hypothèse d’une résolution spontanée des signes et symptômes dans la majorité des cas en moins de 1 an. Les modalités thérapeutiques avaient comporté chez leurs patients une kinésithérapie et une physiothérapie dans 93 % des cas, des blocs sympathiques (33 % des cas) et des médications diverses dans 49 % des cas.
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Algodystrophie extensive
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Des localisations cliniques successives sont décrites sur le même membre, au membre controlatéral, rarement aux quatre membres en quelques mois ou années, cartographiées cliniquement avec soit une guérison entre les différentes atteintes, soit une évolution prolongée d’un seul tenant. Dans la série historique de Veldman et al. [1] de 829 patients algodystrophiques, 39 patients ont une algodystrophie touchant plus d’un membre, 34 ont une algodystrophie touchant deux membres, quatre patient ont trois membres touchés et un patient a eu les quatre membres touchés. Ces auteurs ont signalé une récidive dans le même membre après une période libre ou presque libre de symptômes chez 18 patients. Une extension de l’algodystrophie à un autre membre a été retrouvée dans 4 % des cas dans l’étude épidémiologique de Sandroni et al. [9]. Des cas isolés sont rapportés dans la littérature avec des localisations extensives multiples [2]. Une algodystrophie multirécidivante a été ainsi décrite chez une jeune femme ayant un lupus érythémateux disséminé, plus de 20 sites non donnés clairement, mais aux quatre extrémités des membres, à différentes périodes, sans corrélation entre les sites de poussées d’arthrite et ceux de récidive de l’algodystrophie. Un cas a été décrit avec quatre épisodes touchant trois membres sur une période de 4 ans, n’ayant pas répondu à la corticothérapie, mais aux blocs sympathiques ou une sympathectomie ; un autre à trois extrémités en 4 ans sans facteur déclenchant (main, poignet et coude gauches, membres inférieurs sans séquelles). La question se pose dans ces formes du diagnostic différentiel avec les polyfractures trabéculaires et l’ostéoporose régionale transitoire migratrice, situations beaucoup plus fréquentes que l’algodystrophie plurifocale.
• Un patient souffrant d’algodystrophie guérit dans la majorité des cas. • Il n’y a pas de traitement curatif identifié de l’algodystrophie. • De nombreux traitements symptomatiques sont proposés, adaptés à chaque patient. • Une extension de l’algodystrophie à d’autres sites est possible, mais rare. • Certains patients développent des formes rebelles de traitement difficile. • La kinésithérapie, la physiothérapie sont nécessaires chez la plupart des patients algodystrophiques. • Les thérapeutiques par le miroir ou la provocation de l’illusion du mouvement par mise en jeu de la proprioception musculaire en stimulant de façon mécanique les tendons sont prometteuses. • Les essais thérapeutiques doivent concerner des formes typiques d’algodystrophie, en différenciant forme chaude et froide, la durée d’évolution. • La prévention de l’algodystrophie inclut la prise en charge efficace de la douleur dans toute situation où la douleur pourrait entraîner une algodystrophie.
• d’autre part, par la réeducation proprioceptive avec la création de l’illusion du mouvement par stimulation mécanique tendineuse mettant en jeu la proprioception musculaire, qui est une voie prometteuse dans la prise en charge rééducative de patients algodystrophiques [85, 86]. Aux stades tardifs, la rééducation est également importante, associant différentes techniques : • étirements progressifs et répétés, postures adaptées, hydrokinésithérapie (piscine chauffée), orthèses statiques et dynamiques avec matériaux thermoformables luttant contre l’enraidissement ; • neurostimulation transcutanée dans des formes rebelles, permettant la mobilisation active, le port d’une orthèse, la rééducation de la sensibilité. La neurostimulation périphérique avec implantation d’électrode chirurgicale est proposée quand l’atteinte préférentielle correspond au territoire d’un gros tronc nerveux (sans que ce soit une atteinte de celui-ci qui soit en cause) dans des formes rebelles. La neurostimulation médullaire cordonale postérieure est discutée dans des formes rebelles.
■ Traitement
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Le traitement a pour but de lutter contre la douleur, les anomalies vasomotrices, et de prévenir l’installation d’éventuelles rétractions capsulaires, synoviales, tendineuses, aponévrotiques. Mais il n’y a pas de traitement curatif de l’algodystrophie actuellement défini [2, 13, 80-83]. L’algodystrophie n’est parfois pas la seule cause de douleurs. Il faut tenir compte de la maladie sous-jacente, de la lésion initiale, des données psychologiques, d’éventuelles maladies chroniques associées comme le diabète, des problèmes médicolégaux. La prise en charge en kinésithérapie et en physiothérapie est nécessaire, de même qu’un temps suffisant consacré aux informations données au patient algodystrophique.
Thérapeutiques physiques Les thérapeutiques physiques comportent de nombreuses possibilités toujours utiles dans la prise en charge d’un patient algodystrophique [2, 84]. Mise au repos en décharge ou hors contrainte du segment de membre atteint, marche avec pas simulé ou port de cannes anglaises, repos au lit, membre affecté surélevé, contention élastique en cas de verticalisation pour les atteintes distales (main, pied), physiothérapie à visée circulatoire (bain écossais, à adapter selon la tolérance), hydrokinésithérapie antalgique et facilitatrice, massage de drainage de l’œdème, mobilisation kinésithérapique douce, active, assistée, analytique, luttant contre la raideur et restant en deçà des amplitudes provoquant ou exarcerbant la douleur (règle classique de nondouleur). Une rééducation hâtive ou douloureuse entretient une algodystrophie. Donner d’emblée quatre séances de rééducation par semaine pendant 6 semaines. L’hyperesthésie cutanée, l’allodynie limitent les possibilités d’une kinésithérapie active qu’elle interdit le plus souvent, le moindre effleurement n’étant pas supporté. De façon novatrice, une double réeducation à impact moteur cérébral a été proposée : • d’une part, par la thérapeutique des miroirs : le patient algodystrophique est placé de telle sorte qu’il confond sa main saine et sa main algodystrophique. Du même coup, il mobilise sa main saine en pensant que c’est sa main algodystrophique qu’il bouge ;
Point important
Problématique de la calcitonine .
La calcitonine a perdu son autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’algodystrophie en France en 2004.
Traitements symptomatiques L’arsenal thérapeutique est vaste, mais empirique [2, 13, 80, 81]. Les antalgiques de palier I ou II ne remplissent pas leur fonction de painkillers dans l’algodystrophie. Les antiinflammatoires non stéroïdiens ne sont pas ou peu efficaces. Une corticothérapie (20 à 30 mg/j en équivalent prednisone), pendant 1 à 2 semaines, avec réduction ensuite et sevrage en moins de 1 mois a été proposée, y compris après une étude contre placebo, mais elle est controversée. Les injections locales de corticoïdes retard non fluorés sont parfois utilisées, dans les formes articulaires accessibles. L’application locale de capsaïcine est plus efficace dans les douleurs neurologiques d’origine périphérique que dans l’algodystrophie. Beaucoup de médicaments ont été ou sont proposés. La griséfuline (qui interfère avec l’efficacité de la pilule contraceptive) est du domaine du passé. Les bêtabloquants, les alphabloqueurs (phénoxybenzamine) ont été essayés, de même que la
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Point important
Algodystrophie : un arsenal thérapeutique assez vaste, mais empirique, avec des indications hors autorisation de mise sur le marché (AMM) • Antalgiques : pain killers : AINS (peu efficaces), tramadol, paracétamol, codéine, antalgiques de palier III • Calcitonine • Bisphosphonates : alendronate per os, pamidronate, clodronate • Cortisonothérapie générale limitée ou locale • Traitements antidépresseurs (action sur la douleur, la dépression, le sommeil) • Gabapentine, prégabapentine • Analgésiques en topiques • Divers produits : nifédipine, clonidine, prazosine, cyclobenzaprine, kétamine, prostacycline (iloprost), bêtabloquants, antioxydants (vitamine C) • Techniques anesthésiques régionales : blocs sympathiques, blocs somatiques • Neuromodulation : stimulation électrique transcutanée, stimulation médullaire, analgésie intrathécale, training the brain (technique du miroir si dysynchiria) • Y a-t-il un intérêt au recours à la toxine botulique en cas de dystonie/contracture ? • Kinésithérapie, physiothérapie, ergothérapie toujours utiles • Prévention primaire (lutte contre la douleur, vitamine C) • Prévention secondaire (techniques lors d’intervention sur un segment de membre algodystrophié) nifédipine (antagoniste du calcium) et, de façon plus récente, dans un autre registre, la gabapentine, de même que la prégabapentine, mais sans données d’essais thérapeutiques contrôlés. Des bisphosphonates : pamidronate, alendronate, clodronate, ont fait l’objet de nombreuses études souvent ouvertes [80]. Les résultats de deux études contrôlées ont été discordants : inefficacité pour le pamidronate de sodium par voie intraveineuse (Liens et al. [80]), efficacité partielle pour l’alendronate « à dose maladie de Paget osseuse » [87]. Les bisphosphonates restent en 2010 de prescription hors autorisation de mise sur le marché dans l’algodystrophie. Le rôle prépondérant des ostéoclastes n’est pas démontré dans l’ostéoporose algodystrophique et le mécanisme d’action bénéfique des bisphosphonates s’il existe pourrait être autre qu’une action sur les ostéoclastes. Un analogue de la prostacycline a été essayé dans la forme de l’enfant [88].
Sympathectomie, blocs régionaux, épiduraux La sympathectomie L2-L4 ou tiers inférieur du ganglion stellaire jusque T3 selon les localisations respectivement aux membres inférieurs et supérieurs a été proposée, mais est assez rarement pratiquée dans l’algodystrophie. Une grande controverse demeure sur l’intérêt et la place des blocs moteurs, des anesthésies péridurales, des blocs régionaux [89, 90]. De nombreux produits [2, 80] ont été testés dans les blocs régionaux intraveineux : clonidine, phentolamine, labétalol, réserpine, guanethidine, dropéridol, kétansérine, méthylprednisolone, brétylium, lidocaïne. Une des difficultés provient de la reconnaissance des mécanismes en jeu, qui sont variables selon les patients et pour un même patient en fonction du temps. En phase chaude d’algodystrophie, les données actuelles sont en faveur d’une double réponse du système sympathique : en premier lieu un défaut locorégional de réponse, mais auquel s’oppose une hypersensibilité locorégionale des récepteurs noradrénergiques aux monoamines circulantes, dont la sécrétion est fonction du stress, de la douleur, de l’état général du
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patient. Des blocs ayant pour but de bloquer le système sympathique à cette phase ne pourraient être efficaces que sur cette deuxième anomalie (en aggravant même la première composante). Les dystonies en flexion au membre supérieur, ou en extension au membre inférieur font l’objet d’essai de traitement par injection intrathécales de baclofène ou bien d’injections locales de toxine botulinique. La stimulation médullaire est envisagée par certains dans des algodystrophies rebelles [91-94]. La kétamine a été proposée [95] à des doses infraanesthésiques ou massives, en situation pour ces dernières de coma provoqué dans des cas tout à fait exceptionnels. Un recul plus grand est bien entendu nécessaire avant de se prononcer sur cette modalité dangereuse rappelant une observation de guérison après contusion cérébrale [96].
Prise en charge psychologique La prescription de tranquillisants, ou d’antidépresseurs à action antalgique ou antidépressive est à adapter selon les patients. Les interférences état psychique-algodystrophie sont complexes, mais la douleur prolongée a par définition toujours un retentissement psychologique, qu’il ne faut pas prendre pour la maladie initiale. Le malade, une fois la douleur disparue, retrouve une personnalité normale. Les patients continuant malheureusement de souffrir d’une algodystrophie sont réellement handicapés. Une psychothérapie peut réaliser un soutien pour le patient algodystrophique qui continue à souffrir, d’autant que l’entourage proche, amis, collègues de travail, employeur, et parfois les médécins peuvent considérer, à tort, le patient algodystrophique comme une personne qui se plaint de façon exagérée. Dans un même ordre d’idée, des associations de malades existent dans différents pays ainsi que plusieurs sites Internet d’informations et d’échanges sur l’algodystrophie, mais qui regroupent souvent des patients avec des formes chroniques et graves.
Mesures préventives L’absence de traitement actuel curatif rend encore plus importantes les mesures de prévention primaires de l’algodystrophie. La prise en charge de la douleur est réalisée de façon aussi efficace que possible dans les différentes circonstances susceptibles de se compliquer d’une algodystrophie. Des mesures préventives sont assurées après un traumatisme : surveillance régulière des patients sous contention, immobilisation aussi courte que possible, utilisation de matériaux nouveaux mieux supportés, rééducation douce, contrôle de l’initiation de la rééducation en testant la sensibilité douloureuse des sujets à la reprise d’une activité ; il s’agit aussi d’éviter le cercle vicieux de la douleur provoquant puis maintenant une algodystrophie. La prescription de vitamine C a été proposée en prévention d’une algodystrophie chez les patients ayant une fracture post-traumatique [97]. L’extrême rareté désormais de l’algodystrophie après infarctus du myocarde est un exemple de l’efficacité de la prévention primaire. Dans les cas particuliers où les patients développent une algodystrophie après une fracture, la mise en évidence d’une cause de déminéralisation osseuse (ostéoporose féminine ou masculine par hypogonadisme, ostéomalacie, diabète phosphaté) conduit au traitement de celleci, adapté selon l’évolution de nos connaissances pour éviter des fractures trabéculaires et/ou corticales, sources potentiellement de nouvelles localisations d’algodystrophie (mais un patient ayant développé une algodystrophie après une fracture a une probabilité faible de développer une algodystrophie après une nouvelle fracture). Des mesures de prévention secondaire sont en cours d’étude, en particulier chez les patients qui doivent avoir une chirurgie sur un segment de membre qui a été le siège ou est encore le siège d’une algodystrophie [98]. Si la persistance d’une algodystrophie paraît favorisée par le maintien d’une anomalie statique, mécanique, ou une compression nerveuse, par exemple canalaire, la question se pose d’entreprendre un geste chirurgical malgré l’algodystrophie.
14-286-A-10 ¶ Algodystrophie : syndrome douloureux régional complexe de type I
■ Conclusion Les données cliniques sont suffisantes dans un grand nombre de cas pour retenir le diagnostic d’algodystrophie ou syndrome douloureux régional complexe de type I. La scintigraphie osseuse aux trois temps est démonstrative dès le début de l’algodystrophie. Selon les malades, l’hypofixation isotopique est aussi importante que l’hyperfixation. De plus en plus de cas sont rapportés avec hypofixation scintigraphique, en particulier chez le sujet jeune (enfant, adolescente). L’IRM est normale dans les formes avec hypofixation scintigraphique et dans les stades tardifs (quand l’œdème a disparu). Le cliché radiologique standard 4 à 6 semaines après le début clinique est intéressant, en particulier pour les atteintes des membres inférieurs où le diagnostic se pose souvent avec les fractures trabéculaires isolées ou l’ostéonécrose aseptique. Le choix des examens d’imagerie est fonction de la période de consultation et des doutes diagnostiques. La prise en charge d’une algodystrophie ne se résume pas à la prise en charge d’une douleur. La personnalité du patient ne doit pas être mise en avant comme explication de la survenue d’une algodystrophie. Dans les formes à localisations multiples, il faut rechercher une fragilité osseuse sousjacente ou une maladie générale. En l’absence d’un traitement curatif défini de l’algodystrophie, tout médecin doit envisager d’emblée, devant un traumatisme, une maladie, ou un acte thérapeutique susceptibles de se compliquer d’une algodystrophie, une prise en charge aussi précoce que possible et efficace de la douleur, pour mettre le patient dans les meilleures conditions pour ne pas développer une telle complication. Dans les protocoles futurs d’essais thérapeutiques, il est souhaitable, compte tenu des flous nosologiques encore perceptibles, d’inclure, de façon exclusive par exemple, des patients développant une algodystrophie récente à phase chaude de la main et du poignet après fracture de Pouteau-Colles, cette forme étant démonstrative, ou bien des patients ayant une forme froide d’emblée prouvée sur les données scintigraphiques. Les difficultés d’appréciation actuelles de l’efficacité réelle des traitements ont pu avoir comme causes l’inclusion de formes de mécanismes ou de stades différents. .
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Congenital insensitivity to pain: Difficulty of management H. Benhalima, S. Kerrary*, D. Kamal, M. Boulaich, M. Kzadri Service d’otorhinolaryngologie et de chirurgie maxillo-faciale, hoˆpital de spe´cialite´s, Rabat,
L’insensibilite´ conge´nitale a` la douleur : difficulte´s de prise en charge
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www.sciencedirect.com
Maroc
Summary Introduction. Congenital insensitivity to pain with anhidrosis (CIPA) is a very rare disorder, most often of genetic origin. Case report. The authors present the case of two siblings, 10 and 13 years old, both followed-up since the age of 2 for CIPA diagnosed after discovering insensitivity to pain during iterative falls, burns, and of severe oro-digital self-mutilating behavior. Sural nerve biopsy and an electromyogram confirmed the diagnosis. Discussion. CIPA with anhidrosis is a very rare disease. It is characterized by unexplained fever episodes, anhidrosis, pain insensitivity, self-mutilating behavior, and sometimes mental retardation. Complications of this insensitivity (non-treated fractures, burns, and oro-digital mutilation) may be lethal. Treatment remains preventive. The patient must observe a very strict hygiene. Prevention for maxillofacial involvement consists in breaking the cycle of oral self-mutilation. ß 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Pain insensitivity, Congenital, Oro-digital self-mutilation
Re´sume´ Introduction. L’insensibilite´ conge´nitale a` la douleur (ICD) avec anhidrose est un syndrome clinique tre`s rare, le plus souvent d’origine ge´ne´tique. Observation. Les auteurs rapportent deux cas d’une meˆme fratrie aˆge´s de dix ans et 13 ans, tous les deux suivis depuis l’aˆge de deux ans, pour une ICD diagnostique´e devant une indiffe´rence a` la douleur lors de chutes ite´ratives ou de bruˆlures et devant un comportement d’automutilations oro-digitales graves. La biopsie du nerf sural et l’e´lectromyogramme ont confirme´ le diagnostic. Discussion. L’ICD avec anhidrose est une pathologie tre`s rare. Elle se caracte´rise par des acce`s fe´briles, une anhidrose, une absence de sensation douloureuse, des automutilations et parfois un retard mental. Les complications de cette insensibilite´ (fractures ne´glige´es, bruˆlures, mutilations oro-digitales) peuvent engager le pronostic vital. Le traitement reste pre´ventif. Le patient doit respecter une hygie`ne de vie tre`s stricte. Sur le plan maxillofacial, la pre´vention vise a` rompre le cycle d’automutilations orales. ß 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Insensibilite´ conge´nitale a` la douleur, Automutilations oro-digitales
Introduction L’insensibilite´ conge´nitale a` la douleur (ICD) avec anhidrose est un syndrome clinique tre`s rare, le plus souvent d’origine
ge´ne´tique. Sa forme la plus se´ve`re se caracte´rise par une absence ou une diminution radicale de la perception douloureuse, des e´pisodes re´currents de fie`vre dus a` l’absence de transpiration (anhidrose) et un retard mental. Les divers accidents et complications, notamment les automutilations oro-digitales, posent un re´el proble`me de prise en charge multidisciplinaire. La pre´vention, souvent difficile, semble eˆtre la seule alternative.
L’insensibilite´ conge´nitale a` la douleur : difficulte´s de prise en charge
Observations Premier cas Une jeune fille de 13 ans a e´te´ adresse´e par son pe´diatre pour des mutilations oro-digitales dans le cadre d’une insensibilite´ conge´nitale a` la douleur (ICD) diagnostique´e a` l’aˆge de deux ans. Elle e´tait issue d’un mariage non consanguin, de parents en bonne sante´. La grossesse et l’accouchement ont e´te´ sans particularite´. Le de´veloppement psychomoteur e´tait normal. Vers l’aˆge de deux ans, avec le de´but de la marche, les parents ont remarque´ une indiffe´rence a` la douleur apre`s des chutes, des bruˆlures thermiques et un comportement d’automutilations oro-digitales profondes. A` l’examen, l’anesthe´sie tactile et douloureuse e´tait associe´e a` une anesthe´sie corne´enne et une diminution de la sensibilite´ profonde. La biopsie du nerf sural a mis en e´vidence une rare´faction des fibres mye´linise´es de petit calibre avec une relative conservation des fibres amye´liniques. L’e´lectromyogramme a montre´ une absence totale d’expression fonctionnelle des fibres amye´liniques aussi bien sensitives que ve´ge´tatives en faveur d’une neuropathie sensitive he´re´ditaire de type IV.
Figure 2. Amputations digitales et troubles trophiques.
Second cas Un garc¸on de dix ans, le second de la fratrie de la patiente pre´ce´dente, pre´sentait un retard psychomoteur diagnostique´ a` l’aˆge de six mois. Le diagnostic d’ICD a e´te´ e´voque´ a` l’aˆge de deux ans devant la meˆme symptomatologie que sa sœur. Il a e´te´ confirme´ par le meˆme bilan clinique et paraclinique. L’e´tude ge´ne´tique n’a pas pu eˆtre faite par manque de moyens financiers. Dans les deux cas, des automutilations e´taient responsables de plaies labiales et linguales a` re´pe´tition, pare´es et suture´es re´gulie`rement. Pour rompre ce cycle d’automutilations, des dents lacte´ales ont e´te´ extraites. L’ame´lioration a e´te´ temporaire et les morsures ont re´cidive´ avec l’arrive´e de la denture
Figure 3. De´formation de la cheville par cal osseux hypertrophique.
de´finitive, entraıˆnant une perte de substance labiale chez le garc¸on (fig. 1). Des morsures digitales re´pe´te´es ont conduit a` des amputations digitales bilate´rales (fig. 2). Les dents de´finitives ont e´te´ conserve´es. La protection a e´te´ assure´e par des gouttie`res maxillo-mandibulaires. Malgre´ une tole´rance mode´re´e, surtout chez le garc¸on atteint de retard psychomoteur, elles ont re´duit la fre´quence des mutilations. La re´pe´tition des traumatismes et des bruˆlures ont conduit a` des troubles trophiques (fig. 2) et a` de nombreuses fractures asymptomatiques responsables de cals osseux hypertrophiques (fig. 3). Une complication oste´itique passe´e inaperc¸ue chez la fille s’est termine´e par une amputation de jambe. Des conseils pre´ventifs ont e´te´ donne´s a` la famille, notamment afin de proce´der a` un examen me´dical a` chaque e´pisode hyperthermique et a` un examen radiologique en cas de traumatisme.
Discussion Figure 1. Perte de substance labiale.
L’insensibilite´ conge´nitale a` la douleur (ICD) avec anhidrose est une pathologie ge´ne´tique tre`s rare. Sa description initiale
remonte a` 1932 par Dearbon [1]. Depuis, le nombre de cas diagnostique´s dans le monde reste incertain. Une association internationale (Tomorrow) recense ces cas depuis le Japon. Elle a de´clare´ officiellement a` l’e´chelle nationale 300 cas en 2007. Quatre vingt-sept autres cas ont e´te´ diagnostique´s aux E´tats-Unis, seulement deux cas en Nouvelle-Ze´lande, deux cas au Maroc, et deux cas en France [2–4]. Depuis, d’autres cas sporadiques ont e´te´ rapporte´s. Cette pathologie se caracte´rise dans sa forme se´ve`re par une analge´sie totale, ce qui explique la survenue des blessures diverses lors des gestes les plus anodins de la vie quotidienne, comme dans nos deux cas. La mastication, par exemple, peut entraıˆner des automutilations des le`vres, de la langue et de la face interne des joues. Dans le meˆme contexte, des traumatismes se´ve`res peuvent survenir (bruˆlures, plaies, troubles trophiques, fractures et autres le´sions oste´oarticulaires) orientant a` tord (surtout en cas de retard mental) vers un trouble psychiatrique, un syndrome de Silverman ou un syndrome de Lesch-Nyhan. L’absence de pleurs et de comportement de protection de la zone le´se´e est caracte´ristique de l’ICD [3,4]. Les e´pisodes de fie`vre par anhidrose sont re´currents. Les reflexes oste´otendineux et les autres modes de sensibilite´ sont conserve´s. L’ICD de cette fratrie est probablement symptomatique d’une anomalie ge´ne´tique de transmission re´cessive bien que l’e´tude ge´ne´tique n’ait pu eˆtre faite. Les arguments en faveur de cette hypothe`se sont des parents bien portants et la biopsie du nerf sural qui a mis en e´vidence une diminution importante des fibres mye´linise´es. L’ensemble e´voque une maladie neuropathique sensitive he´re´ditaire de type IV (HSAN IV: hereditary and sensory automatic neuropathy IV), qui serait due a` une anomalie du ge`ne TRKA ou NTRK1 (neurotrophic tyrosine kinase receptor), responsable d’une mort neuronale massive touchant ces deux populations de fibres nerveuses pe´riphe´riques et qui correspond bien au phe´notype clinique [5]. Dans cette neuropathie de type IV, la biopsie cutane´e montre l’absence d’innervation e´pidermique, une re´duction tre`s marque´e de l’innervation dermique et une disparition de l’innervation des glandes sudoripares. La classification de cette HSAN diffe´rencie de fac¸on plus ou moins nette cinq types de I a` V [6]. L’ICD doit eˆtre diffe´rencie´e de l’indiffe´rence conge´nitale a` la douleur, de´crite en 2006 par Cox et al. [7]. Dans cette dernie`re affection, les patients pre´sentent la meˆme symptomatologie clinique mais le bilan paraclinique est normal. Cette indiffe´rence serait due a` une augmentation de la production d’endorphines dans le cerveau avec une perte du me´canisme thalamique protecteur qui interpre`te comme douloureuses les agressions traumatiques. La prise en charge est souvent difficile. Elle doit eˆtre multidisciplinaire, associant neurologue, chirurgien, stomatologue, dermatologue et pe´dopsychiatre. Bien souvent la pre´vention de ces accidents et de leurs complications est la seule alternative avec un suivi re´gulier des patients. Un
examen me´dical doit avoir lieu a` chaque e´pisode d’hyperthermie pour rechercher un foyer infectieux et e´liminer une infection potentiellement grave. Une fracture doit eˆtre suspecte´e en cas de traumatisme. Les patients doivent adopter un rythme de vie tre`s strict et contraignant. L’e´viction des bruˆlures peut eˆtre re´alise´e graˆce a` la confection de gants sur mesure. Le conseil ge´ne´tique est indispensable, compte tenu de la gravite´ de la maladie. Le soutien psychologique de la famille est e´galement important. Sur le plan maxillo-facial, la pre´vention des automutilations orales est un grand de´fi. L’extraction des dents temporaires offre une accalmie de quelques anne´es, le temps que l’enfant atteigne un degre´ de maturation psychologique suffisant pour comprendre le caracte`re nocif des le´sions et e´viter les situations dangereuses. A` un aˆge plus avance´, les prote`gedents, la cre´ation d’une be´ance ante´rieure artificielle (extractions de dents ante´rieures, chirurgie orthognathique, attelles poste´rieures) peuvent permettre de rompre le cycle de ces automutilations [8]. Des gouttie`res thermoforme´es souples ou en acrylique peuvent eˆtre mises en place, mais elles ne sont pas stables. Une protection des le`vres en les e´loignant des arcades dentaires, par le biais de gouttie`res maxillo-mandibulaires fixe´es par vis sur bagues orthodontiques, peut eˆtre aussi pratique´e. [9,10]. A` court terme, un diagnostic ante´natal sera certainement possible pour les neuropathies he´re´ditaires dont les ge`nes sont connus comme la HSAN IV.
De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.
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L’insensibilite´ conge´nitale a` la douleur : difficulte´s de prise en charge
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Syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne J.-S. Giraudet-Le Quintrec, N. Legoupil Le syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne (SHAB), ou hypermobility syndrome (HS) est une maladie rare (une maladie est dite « rare » lorsqu’elle touche moins d’une personne sur 2 000, soit pour la France moins de 30 000 personnes pour une maladie donnée) ; il correspond en fait au syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) type hypermobile, ancien SED III, type de SED le plus fréquent, avec une prévalence estimée à 1-5/10 000. Il s’agit d’une maladie systémique du tissu conjonctif d’origine génétique (transmission autosomique dominante). Les anomalies portent sur la synthèse des collagènes fibrillaires (protéine A1(III)/gène COL3A1 locus 2q31) ou sur la ténascine-X, qui est une molécule non collagénique de la matrice extracellulaire (gène TNXB, locus 6p21.3). Le diagnostic de SHAB repose sur une association de critères diagnostiques stricts : deux majeurs ou un majeur et deux mineurs ou quatre mineurs ou encore deux mineurs en présence de notion familiale (atteinte d’un parent du premier degré). Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Ce syndrome n’est pas aussi bénin que son intitulé l’indique : il entraine une atteinte systémique avec un retentissement musculosquelettique (douleurs et/ou lésions articulaires et périarticulaires chroniques volontiers invalidantes), parfois viscéral (atteinte cutanée, ophtalmologique, vasculaire, etc.), et psychologique (anxiété, dépression, retentissement sur la qualité de vie des patients). Son dépistage et sa prise en charge précoce devraient améliorer le pronostic. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Hyperlaxité articulaire ; Hypermobilité articulaire ; Syndrome d’Ehlers-Danlos type hypermobile (ancien SED III) ; Score de Beighton ; Critères de Brighton ; Anomalies du collagène
Plan ¶ Introduction
1
¶ Épidémiologie
1
¶ Quelques définitions
2
¶ Étiopathogénie
2
¶ Manifestations cliniques Atteinte musculosquelettique Complications viscérales Retentissement psychologique
2 2 3 3
¶ Diagnostic
4
¶ Diagnostic différentiel Diagnostic évident Diagnostic plus difficile
4 4 5
¶ Traitements Médicaments Rééducation Petit appareillage Hygiène de vie Chirurgie
6 6 7 7 7 7
¶ Information et éducation des patients
8
■ Introduction Le syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne est une maladie rare (une maladie est dite « rare » lorsqu’elle touche
moins d’une personne sur 2 000, soit pour la France moins de 30 000 personnes pour une maladie donnée) ; il correspond en fait au syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) type hypermobile, ancien SED III, type de SED le plus fréquent, avec une prévalence estimée à 1-5/10 000 (Orphanet : http://www.orpha.net) et 1/20 000 (www.geneclinics.org). Le SHAB peut révéler une maladie potentiellement sérieuse du tissu conjonctif. Plusieurs auteurs ont publié des articles concernant le SHAB. Ce syndrome est connu depuis fort longtemps, Kirk [1] a été le premier auteur à le décrire en 1967. Child a été le premier à évoquer une pathologie liée au collagène en 1986 [2]. Bird [3, 4] a évoqué ses effets à long terme sur les articulations en 1978 et 1992. Beighton [5] est l’auteur à l’origine du score permettant de définir l’hypermobilité articulaire. Enfin, Brighton, en 1998, est à l’origine des critères diagnostiques du SHAB revisités par Grahame [6] en 2000.
■ Épidémiologie Le SHAB est probablement sous-estimé en France, car mal connu, en particulier par les rhumatologues. La prévalence du SHAB est estimée à 1-5/10 000 (Orphanet : http://www.orpha. net) et 1/20 000 (www.geneclinics.org). Pour Remvig [7], la prévalence du SHAB est de 5 % à 15 % dans la population générale avec une fréquence plus élevée chez les enfants et chez les femmes. Pour Grahame [8], la prévalence du SHAB au Royaume-Uni serait de 45 %, ce qui semble très élevé.
14-023-D-10 ¶ Syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne
La prévalence de l’hypermobilité est estimée par Klemp [9] à 6,2 % dans la population Maori, pourcentage identique à la population néo-zélandaise d’origine européenne.
■ Quelques définitions Avant de définir le syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne (SHAB), il semble utile de différencier l’hyperlaxité et l’hypermobilité articulaire : • l’hyperlaxité articulaire (du latin laxitas : relâchement) est l’élasticité excessive de certains tissus comme les ligaments, la capsule, les tendons, les muscles qui entourent l’articulation. Il ne faut pas confondre hyperlaxité articulaire et hyperélasticité cutanée (peau trop élastique, trop lâche). À l’avantbras, on estime que la peau est hyperélastique si son étirabilité est supérieure à 1,5 cm ; • l’hypermobilité articulaire (joint hypermobility [JH]) est caractérisée par une souplesse exagérée des articulations (par exemple « hypermobilité des contorsionnistes »). Elle peut être localisée (ou pauciarticulaire) ou généralisée (hypermobilité articulaire généralisée, ou generalized joint hypermobility, [GJH]). L’hyperlaxité articulaire entraine une hypermobilité articulaire.
Le conseil génétique doit prévenir que le risque de transmission est de 50 % , mais que l’affection peut s’exprimer avec une intensité non prédictible (phénotype). Il n’y a pas de corrélation phénotype-génotype. Le recrutement de grandes familles permettant les études de liaison génétique pouvant conduire à l’identification du ou des gène(s) responsable(s) est essentiel à la recherche. Il n’existe à l’heure actuelle aucun marqueur diagnostique biochimique ou moléculaire du SED hypermobile et le diagnostic reste donc avant tout clinique, nécessitant souvent un avis en consultation spécialisée. D’autres anomalies du collagène ont été rapportées (mutation du gène du COL1A2). Récemment, des études semblent impliquer une mutation d’une molécule non collagénique de la matrice extracellulaire : la ténascine-X (mutation du gène TNXB), glycoprotéine de la matrice extracellulaire appartenant à la famille des ténascines (cette anomalie serait observée dans 5 % à 10 % des SHAB) [6, 12]. Chez un patient chez qui l’on suspecte un syndrome de SHAB, ou SED III, et qui répond aux critères de Brighton, la recherche d’un déficit en ténascine-X est recommandée (prélèvement sanguin) pour confirmer le diagnostic [13] . Le taux sérique de ténascine-X n’étant diminué que chez 5 % à 10 % des patients souffrant de SHAB, le diagnostic clinque prime [14].
■ Manifestations cliniques
“
Point fort
Le syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne (SHAB), ou en anglais benign joint hypermobility syndrome [BJHS], hypermobility syndrome [HMS], joint hypermobility syndrome [JHS], a plusieurs synonymes : syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) type hypermobile (autrefois SED type III), syndrome d’hypermobilité bénigne. (OMIM [Online Mendelian Inheritance in Man] # 130020 : www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/dispomim.cgi? id=130020).
La présomption de bénignité du SHAB est profondément ancrée dans les croyances médicales. La réalité est toute autre, avec un fossé qui sépare la perception médicale du syndrome et la dure réalité des patients au quotidien. La situation est encore aggravée par le fait que l’imagerie est muette, de même que la biologie. Ceci explique le fait que le délai de consultation soit souvent retardé (en moyenne 6,5 ans) [15]. En fait, ce syndrome entraîne une atteinte systémique avec un retentissement musculosquelettique, viscéral, psychologique (anxiété, dépression, retentissement sur la qualité de vie des patients).
Atteinte musculosquelettique
“
Douleur
Point important
En résumé, il y a une cause : l’hyperlaxité articulaire, et une conséquence : l’hypermobilité articulaire.
■ Étiopathogénie Le syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne (SHAB) est lié à une maladie systémique du tissu conjonctif d’origine génétique (transmission autosomique dominante). Les anomalies portent sur la synthèse des collagènes fibrillaires et en particulier le collagène de type III (protéine a1(III) / mutation du gène COL3A1 au locus 2q31) [10]. Cette anomalie est également rencontrée dans le SED vasculaire (ancien type IV). Le gène responsable est porté par un chromosome non sexuel, ou « autosome », « dominant » signifie qu’un individu est atteint du syndrome – c’est-à-dire qu’il montre des signes cliniques de la maladie – dès lors qu’une seule des deux versions du gène qu’il possède porte une mutation délétère. Chaque enfant d’un parent « atteint » a un risque sur deux d’être lui-même affecté du syndrome. Les études menées chez les jumeaux ont bien démontré le facteur génétique prédominant du SHAB [11].
Elle est présente chez la plupart des patients, puisqu’elle fait partie des critères diagnostiques du syndrome. Il s’agit de douleurs articulaires (arthralgies) qui peuvent toucher toutes les articulations, intermittentes ou continues, et qui peuvent parfois s’accompagner de « craquements », de bruits des articulations lors des mouvements. Des douleurs rachidiennes (rachialgies), musculaires (crampes, myalgies), des douleurs tendinobursales (tendinites touchant les coudes, lésions de la coiffe des rotateurs, bursites) ou ligamentaires sont fréquentes. Ces douleurs sont le plus souvent mécaniques (maximales à l’effort et cédant avec le repos). Elles touchent les articulations des membres, le cou, le rachis dorsal ou lombosacré, des troubles de l’articulé dentaire sont présents ; elles peuvent être très intenses, augmentées par les mouvements, imposant des changements de position fréquents, difficiles à calmer par les antalgiques, même puissants. Il existe également des douleurs myofasciales paravertébrales ou périarticulaires secondaires à l’instabilité et ressemblant à celle de la fibromyalgie, liées à un spasme myofascial. Des douleurs neuropathiques caractérisées par des douleurs électriques, des brûlures, des picotements sur les trajets nerveux (distribution radiculaire ou périphérique) sont fréquentes. L’électromyogramme (EMG) n’est en général pas contributif. La biopsie de peau peut montrer une diminution, voire l’absence de petites fibres nerveuses. Certaines douleurs sont liées à une compression nerveuse directe (canal carpien, sciatique, etc.). Le retentissement psychosocial est
Syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne ¶ 14-023-D-10
parfois important, avec la survenue d’une véritable maladie douloureuse chronique invalidante. Certains auteurs évoquent même la possibilité de douleurs diffuses tendinomusculaires évocatrices d’une fibromyalgie [6, 15].
Déformations musculosquelettiques Le SHAB peut être à l’origine de déformations musculosquelettiques : pieds plats, avec douleurs et/ou déformations des orteils, cyphose/scoliose, lordose, parfois responsables de douleurs rachidiennes (dorsalgies, lombalgies), de conflit iliocostal, de troubles neurologiques, d’un spondylolisthésis, de lomboradiculalgies, de lombalgies, d’un genu valgum, d’un palais ogival (chevauchement ou malposition dentaire).
Épanchements intra-articulaires Des épanchements intra-articulaires (hydarthrose) sont également rencontrés (genoux).
Compressions nerveuses Des compressions nerveuses (syndrome du canal carpien, tunnel tarsien, acroparesthésies, syndrome du défilé cervicothoraco-brachial), des phénomènes vasomoteurs (syndrome de Raynaud) sont parfois rapportés [6, 15]. Ils sont estimés à 2 % dans une étude menée sur une population chilienne [16].
Subluxations, luxations L’hypermobilité articulaire peut être responsable de subluxations (épaules, métacarpophalangiennes, rotules, articulations costovertébrales ou costosternales) ou luxations vraies (rotule, épaule, temporomandibulaire) et d’entorses à répétition (l’« étirabilité » excessive des ligaments pourrait éviter la plupart du temps leur rupture), en particulier des chevilles, lésions méniscales, exceptionnellement luxation de hanche ; ces accidents surviennent spontanément ou pour des traumatismes minimes.
Troubles de l’équilibre Ils sont dus aux difficultés biomécaniques de fonctionnement des capteurs proprioceptifs. Liées a l’instabilité articulaire elles entraînent des perturbations considérables du contrôle du mouvement avec risque de chutes, des troubles proprioceptifs. Un retard du développement moteur a été exceptionnellement rapporté [6, 15].
Arthrose précoce Cette relation hypermobilité articulaire/arthrose est très débattue, certains auteurs considérant que l’hyperlaxité est plutôt un facteur protecteur [17], d’autres que c’est un facteur de risque d’arthrose précoce [6, 15]. Cette relation hypermobilité/arthrose précoce fait l’objet de publications controversées. Aucune étude prospective statistiquement irréprochable ne permet de conclusion formelle. Un article récent [18] fait le lien entre les lésions ligamentaires et les nodosités d’Heberden et les érosions ostéocartilagineuses. Divers mécanismes pourraient intervenir : • l’augmentation des amplitudes articulaires responsable de charges ou d’une hyperpression inhabituelles sur les cartilages ; • les antécédents d’entorses ou subluxations récidivantes très arthrogènes du fait de l’instabilité articulaire ; • l’anomalie génétique du collagène ; • enfin, la présence d’une chondrocalcinose parfois découverte à l’examen histologique [3]. Un SHAB peut prendre le masque d’une fibromyalgie [19].
Tendance à l’ostéopénie ou aux fractures Une ostéopénie ou une ostéoporose est observée chez 26 % des patients chiliens souffrant d’un SHAB [16] . La densité minérale osseuse serait diminuée de 0,9 DS (déviation standard) [15, 20]. Le risque de masse osseuse basse est multiplié par 1,8 chez les femmes préménopausées pour Gulbahar [21]. Une densitométrie osseuse mérite d’être discutée chez la femme préménopausée.
Complications viscérales Le SHAB s’accompagne exceptionnellement de complications viscérales [22]. La souffrance d’origine viscérale peut résulter d’une laxité du tissu conjonctif thoracique, abdominal ou pelvien, entraînant : • un prolapsus de la valve mitrale, qui a été décrit à plusieurs reprises. Le prolapsus mitral est soit une manifestation cardiaque isolée d’une anomalie du tissu conjonctif, soit l’expression d’une maladie diffuse avec signes rhumatologiques discrets [23, 24], une dilatation de l’aorte exceptionnelle, des troubles du rythme (tachycardie supraventriculaire, palpitations au repos ou à l’effort), des douleurs thoraciques atypiques, et/ou une hypotension orthostatique peuvent être observées et liées à un syndrome dysautonomique [25] ; • un pneumothorax spontané est observé chez 0,9 % des patients dans une étude menée par Bravo et Wolff [16], une souffrance bronchique avec dyspnée pseudo-asthmatiforme ; • une peau fine, étirable (parfois une hyperélasticité cutanée) et fragile (ecchymoses et érosions cutanées faciles, cicatrisation lente, vergetures), papules ; • une constipation, des douleurs et ballonnements abdominaux, des troubles digestifs fonctionnels, un reflux gastroœsophagien, un côlon irritable, des calculs vésiculaires, des gastrites ; • des hernies, liées à un manque de résistance des fascias ; • des troubles vésicosphinctériens avec fuites ou dysurie ou incontinence urinaire ou anale [26], un prolapsus utérin ou rectal, une dyspareunie ; • des complications pendant la grossesse (rupture prématurée des membranes exceptionnelle, instabilité pelvienne, hémorragie du post-partum) : elles sont liées le plus souvent à un déficit en ténascine qui, lorsqu’il est complet, correspond à la forme récessive d’Ehlers-Danlos [27] ; • des troubles de la circulation de retour, des varicosités ou varices ; • une frilosité ; • des céphalées, parfois de véritables migraines liées en partie à une atteinte périarticulaire cervicale ou à un trouble de l’articulé dentaire ; • une fatigue intense est souvent rapportée ; • des saignements, des épistaxis, des ménométrorragies ; • une gingivite, une parodontopathie, une dysfonction mandibulaire. Toutes ces manifestations extrarhumatologiques suggèrent une maladie tissulaire généralisée.
Retentissement psychologique Il est volontiers sous-estimé. La méconnaissance de la maladie, l’errance diagnostique souvent prolongée, une histoire familiale parfois douloureuse, la transmissibilité de la maladie engendrant une inquiétude quant au statut des enfants et les éventuels handicaps résultant de complications de la maladie sont autant de motifs nécessitant parfois un soutien psychologique des patients. La souffrance psychologique engendrée par le SHAB est souvent méconnue [28]. Le soutien psychologique des patients peut être obtenu auprès de groupes de soutien, dont l’Association française des syndromes d’Ehlers-Danlos ou auprès de spécialistes (psychologues, psychiatres).
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Points forts
• Le SHAB n’est pas toujours aussi bénin que son intitulé le laisserait penser. Ce syndrome est responsable d’une atteinte tissulaire généralisée. • Il se traduit par des douleurs articulaires et/ou périarticulaires chroniques volontiers invalidantes, des lésions musculosquelettiques (entorses, subluxations, etc.) et entraîne parfois des déformations (pieds plats, scoliose, etc.) ou des tuméfactions articulaires douloureuses, des compressions nerveuses. • La souffrance d’origine viscérale peut résulter d’une laxité du tissu conjonctif thoracique, abdominal ou pelvien. • Le retentissement psychologique est volontiers sousestimé.
■ Diagnostic Le diagnostic de SHAB repose sur l’interrogatoire et un examen clinique rigoureux. Le score de Beighton [5], qui permet de faire le diagnostic d’hypermobilité articulaire en 45 à 60 secondes, ne suffit pas à lui seul pour confirmer le diagnostic. Comme pour le syndrome de Marfan, le diagnostic de SHAB repose sur une association de critères diagnostiques stricts : deux majeurs, ou un majeur et deux mineurs ou quatre mineurs ou encore deux mineurs en présence de notion familiale (atteinte d’un parent du premier degré), selon les critères de Brighton 1998 modifiés par Grahame en 2000 [6]. Ces critères ont été revus par une équipe danoise pour évaluer leur performance [29] et leur reproductibilité [30], qui est excellente. Le Tableau 1 montre que le diagnostic de SHAB est difficile et qu’il s’agit d’un diagnostic d’élimination. La première étape diagnostique fait cependant appel au calcul du score de Beighton (attention, à ne pas confondre avec les critères diagnostiques de Brighton), qui est reproductible entre des mains entraînées. L’examen clinique classique articulaire comporte toujours la recherche soigneuse d’une raideur articulaire, mais néglige volontiers le dépistage d’une éventuelle hypermobilité, alors qu’elle est probablement fréquente. Le calcul du score de Beighton est simple, il consiste à additionner plusieurs notes correspondant à la souplesse des articulations testées. On parle d’hypermobilité si le score de Beighton est supérieur à 4 (Tableau 2). D’autres scores, non utilisés pour les critères diagnostiques du SHAB, ont été utilisés pour faire le diagnostic d’hypermobilité : le score de Carter et Wilkinson [31] , qui prend en compte l’hyperextension passive des doigts et l’hyperflexion de la cheville, ou le test de Rotès-Quérol, qui prend en compte l’extension du 2e et la rotation externe de l’épaule. Bulbena [32] a proposé dix autres caractéristiques fréquemment rencontrées dans le syndrome d’hypermobilité : excès de la dorsiflexion du poignet et de l’éversion de la cheville, extension des métacarpophalangiennes supérieure à 9°, abduction du pouce sur l’avant bras, hypermobilité de la rotule, rotation externe excessive de l’épaule, abduction excessive de la hanche, hyperextension du genou supérieure à 10°, hyperextension du coude supérieure à 10°, ecchymoses, extension de la première métatarsophalangienne supérieure à 90°. Simpson a proposé de dépister une hyperlaxité par cinq questions simples (Tableau 3). Il n’y a pas d’examen biologique spécifique, mais il semble intéressant de demander une numération-formule sanguineplaquettes, vitesse de sédimentation (VS), protéine C réactive (CRP), des facteurs antinucléaires, sérologie rhumatoïde et antipeptides cycliques citrullinés (CCP), le complément (C3, C4,
Tableau 1. Critères diagnostiques (Brighton, 1998) pour confirmer le syndrome d’hypermobilité articulaire bégnine (SHAB) (d’après [6]). Critères majeurs 1
Score de Beighton > 4/9
2
Douleurs articulaires (arthralgies ≥ 3 mois touchant au moins quatre articulations)
Critères mineurs 1
Score de Beighton > 1, 2 ou 3/9 (ou 0, 1, 2 ou 3/9 au-delà de 50 ans)
2
Douleurs articulaires ≥ 3 mois touchant plus de une à trois articulations ou rachialgies ≥ 3 mois/spondylolyse/ spondylolisthésis
3
Épisodes de luxation/subluxation touchant au moins une articulation ou à répétition
4
Lésions périarticulaires répétées (au moins trois) : épicondylite, ténosynovite, bursite
5
Aspect de syndrome de Marfan (grande taille, maigreur, envergure/taille > 1,03, sommet crânesymphyse (SS)/symphyse-sol (SI) < 0,89, arachnodactylie [signe du poignet ou du pouce])
6
Atteinte cutanée : vergetures, peau élastique, peau fine, aspect plissé en parchemin fripé
7
Atteinte oculaire : paupière tombante ou myopie ou fentes palpébrales antimongoloïdes (fentes vers le bas)
8
Varices ou hernie ou prolapsus rectal ou utérin
Le diagnostic de SHAB repose sur la présence de deux critères majeurs, ou un majeur et deux mineurs, ou quatre critères mineurs. Deux critères mineurs suffisent s’il y a une atteinte d’un apparenté de premier degré. Il est nécessaire d’éliminer un syndrome de Marfan ou d’Ehlers-Danlos (SED) (autres que le SED III) définis par les critères de Gand 1996 et Villefranche 1998, respectivement. Les critères majeurs 1 et mineurs 1 sont exclusifs l’un de l’autre, comme les majeurs 2 et mineurs 2.
Tableau 2. Score de Beighton. Évaluation de la souplesse de chaque pouce
Flexion passive du pouce qui vient toucher la face antérieure de l’avant-bras - contact pouce avant bras (0-1 pour chaque pouce)
Évaluation de la souplesse de chaque 5e doigt
Dorsiflexion du 5e doigt sur la face postérieure de l’avant-bras au-delà de 90° (0-1 pour chaque 5e doigt)
Évaluation de la souplesse des coudes
Hyperextension passive - recurvatum coude > 10° (0-1 pour chaque coude)
Évaluation de la souplesse des genoux
Hyperextension passive - recurvatum genou > 10° (0-1 pour chaque genou)
Évaluation de la souplesse de la colonne vertébrale
Mise à plat des deux mains sur le sol lors de l’antéflexion du rachis, genoux tendus
La note 0 indique un manque de souplesse, la note 1 une souplesse excessive pour chaque articulation testée. Une hyperlaxité est diagnostiquée si le score est supérieur à 4 points sur 9.
CH50), un dosage des immunoglobulines (IgG, IgM, IgA) pour écarter une pathologie inflammatoire [33]. Une échographie cardiaque et un électrocardiogramme (ECG) peuvent être utiles pour le diagnostic différentiel.
■ Diagnostic différentiel Diagnostic évident Hypermobilités localisées Un syndrome d’hypermobilité localisée après un traumatisme avec troubles de la proprioception est facilement diagnostiqué.
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Tableau 3. Cinq questions simples à poser à un patient pour dépister une hyperlaxité (Simpson). 1
Pouvez-vous actuellement (ou avez-vous pu) vous pencher et mettre vos mains à plat sur le sol sans fléchir les genoux ?
2
Pouvez-vous actuellement (ou avez-vous pu) placer votre pouce sur l’avant bras ?
3
Enfant, vous amusiez-vous à épater vos amis en jouant au « contorsionniste » ou pouviez-vous faire le grand écart ?
4
Enfant ou adolescent, avez-vous eu des luxations de la rotule ou de l’épaule répétées ?
5
Vous considérez-vous comme « désarticulé » ?
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Points forts
• Le syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne correspond en fait au syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) type hypermobile (ancien SED III). • Le calcul du score de Beighton est la première étape incontournable pour évoquer le diagnostic de syndrome d’hypermobilité articulaire bénigne. On peut parler d’hyperlaxité articulaire si le score est supérieur à 4 points sur 9. • Le diagnostic de certitude repose ensuite sur des critères diagnostiques précis, les critères diagnostiques de Brighton, qui font appel à des critères majeurs (arthralgies et hyperlaxité) et des critères mineurs (lésions musculosquelettiques, atteinte viscérale, ou aspect marfanoïde). • Ne pas confondre le score de Beighton, qui permet de confirmer l’hypermobilité articulaire, et les critères diagnostiques de Brighton, qui permettent de faire le diagnostic de SHAB. • Il s’agit d’un diagnostic d’élimination (écarter un syndrome de Marfan, ou un syndrome d’Ehlers-Danlos autre que le type II).
Hypermobilités généralisées Hyperlaxité familiale (HF) Le SHAB ressemble beaucoup, mais semble cependant différent, de l’hyperlaxité familiale, encore appelée syndrome d’instabilité articulaire familiale, syndrome d’hypermobilité articulaire, syndrome d’Ehlers-Danlos (SED autrefois type XI). L’HF varie selon le sexe (plus fréquente chez les femmes : 5 % des femmes seraient hyperlaxes versus 0,6 % des hommes), l’ethnie (fréquente chez les personnes de race noire ou asiatique) et est souvent asymptomatique ou liée à une maladie congénitale ou acquise du tissu conjonctif. L’hypermobilité tend à diminuer avec l’âge [15]. Une hypermobilité isolée, sans atteinte systémique, est notée dans 4 % à 13 % de la population. Une illustration du syndrome d’hypermobilité familiale bénigne est visible sur le tableau « Les trois Grâces » de Rubens (scoliose, hyperlordose, signe de Trendenlenbourg, hyperextension des métacarpophalangiennes, platypodie) [34]. Syndrome d’hypermobilité articulaire Il est extrêmement fréquent chez l’enfant : on le retrouve chez 25 % à 50 % des enfants de moins de 10 ans ; 66 % des enfants avec des douleurs articulaires non étiquetées seraient hyperlaxes [33] , mais il est nécessaire d’écarter une arthrite chronique juvénile avant de retenir ce diagnostic.
Hyperlaxité articulaire généralisée de la femme enceinte Chez la femme, les douleurs pelviennes (peripartum pelvic pain ou « instabilité pelvienne »), pendant la grossesse sont très fréquentes : on parle généralement de syndrome douloureux pelvien de la grossesse. Les chiffres exacts font défaut, variant de 3,9 % à 89,9 % [1, 2] et l’on ne connaît pas la cause réelle des plaintes alléguées. Généralement, les douleurs pelviennes sont progressives antérieures et postérieures, d’allure mécanique. La première douleur se manifeste habituellement dans la seconde moitié de la grossesse, avec pesanteur pelvienne, douleurs de la symphyse pubienne, de la région sus-pubienne ; il s’y associe des douleurs postérieures en regard des articulations sacroiliaques, des fesses, irradiant dans les cuisses. Les douleurs pelviennes au cours d’une précédente grossesse constituent un facteur prédisposant. Par ailleurs, la probabilité de symptômes est augmentée en cas de lombalgies préexistantes, d’attitude vicieuse au travail et/ou de mauvaise condition physique. Les douleurs pelviennes en rapport avec la grossesse sont supposées être dues à une diminution, d’origine hormonale (estrogènes, progestérone, relaxine et/ou récepteurs), de la stabilité du bassin (relâchement ligamentaire, micromobilité des articulations sacro-iliaques et de la symphyse pubienne, distension musculaire). Outre la laxité des articulations pelviennes, le tonus des muscles joue probablement aussi un rôle dans la mobilité du bassin. Par ailleurs, il faut également tenir compte de la prise de poids. Les microtraumatismes des tissus conjonctifs, du fait des modifications de la posture jouent enfin un rôle probablement non négligeable. Longtemps après la grossesse et l’accouchement, cette atteinte pelvienne peut laisser une « empreinte » indélébile radiologique sous la forme d’une ostéose iliaque condensante. Les radiographies montrent une condensation dense, homogène, triangulaire, bilatérale, symétrique souvent supérieure à 10 mm, à la base inférieure des berges iliaques des sacro-iliaques, l’interligne et les berges sacrées restant normaux. L’image persiste le plus souvent indéfiniment. La symphyse pubienne peut également être le siège d’érosions suivies de reconstructions, donnant un aspect scléreux aux berges de la symphyse. Généralement, les douleurs pelviennes s’améliorent spontanément au cours des premières semaines qui suivent l’accouchement, mais le rétablissement complet peut parfois prendre plusieurs mois. La probabilité de récidive lors d’une prochaine grossesse est élevée ; les plaintes apparaissent alors souvent plus tôt dans la grossesse.
Diagnostic plus difficile Il s’agit des hyperlaxités secondaires aux autres pathologies du tissu conjonctif, en particulier matricielles (lésions du collagène, de la fibrilline, de l’élastine et/ou des protéoglycanes). En interrogeant la littérature et certaines bases de données plus pointues (Orphanet : base de données sur les maladies rares), un grand nombre de maladies ou syndromes peuvent être l’objet d’une hypermobilité articulaire. Dans la plupart des cas, cette hypermobilité est associée à d’autres signes, bien souvent au premier plan.
Maladies des microfibrilles (fibrillinopathie)/maladies ectasiantes Syndrome de Marfan Il est lié à la production défectueuse de la fibrilline (FBN1), cette protéine essentielle du tissu conjonctif. La fibrilline 1 altérée ou en moindre quantité conduit à un tissu conjonctif de mauvaise qualité, moins dense que la normale. Il s’agit d’une maladie rare (1 personne/5 000), héréditaire : autosomique dominante, en rapport avec une mutation du gène de la fibrilline FBN1 (chromosome 15) ou du TGFBR2 (transforming growth factor-beta receptor type II, chromosome 3). Elle se transmet de génération en génération sans prédominance de sexe.
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Une néomutation (modification d’un gène qui touche de façon isolée et pour la première fois un individu d’une famille) est observée dans un tiers des cas. L’atteinte est musculosquelettique (dolichosténomélie, arachnodactylie, hypermobilité articulaire, scoliose, protrusion acétabulaire, pectus carinatum ou excavatum, dolichocéphalie, platypodie, palais ogival), oculaire (luxation du cristallin, cornée plate, myopie). L’atteinte cardiaque conditionne le pronostic du syndrome de Marfan, elle se traduit par : • une dilatation aortique avec un risque de dissection aortique ; • une insuffisance valvulaire aortique avec un risque d’endocardite ; • un anévrisme avec le risque de dissection ou rupture de l’aorte. Il est également possible d’observer un prolapsus mitral, une insuffisance mitrale ou une arythmie. D’autres signes peuvent être observés : ectasie durale, vergetures ou hernies, pneumothorax. Le diagnostic de syndrome de Marfan repose sur un ensemble de critères [35]. Parmi ces critères (1996), certains sont dits « majeurs » et d’autres « mineurs ». Le diagnostic de syndrome de Marfan est posé lorsque un parent est malade et qu’il existe une atteinte d’au moins deux systèmes avec au moins un critère majeur ou, lorsqu’il n’y a pas de parent malade, mais une atteinte de trois systèmes avec au moins deux critères majeurs.
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génétique caractérisée par une fragilité osseuse. Elle est généralement due à une anomalie de la production du collagène de type I et se traduit par des fractures multiples sans traumatisme majeur (classification de Sillence 1978) [37]. D’autres pathologiques rares peuvent s’accompagner d’une hyperlaxité.
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Points forts
Conduite à tenir devant une hyperlaxité Quatre diagnostics doivent être évoqués : 1. Grande taille, pectus, arachnodactylie, atteinte cardiaque, cutanée, pulmonaire, ophtalmologique, neurologique : syndrome de Marfan (critères de Ghent 1996) 2. Fractures multiples, sclérotiques bleues et petite taille : ostéogenèse imparfaite (classification de Sillence 1978) 3. Hyperélasticité cutanée, peau papyrus, fragilité vasculaire : SED (critères de Villefranche 1997) 4. Atteinte musculosquelettique, parfois cutanée, pas d’atteinte oculaire, exceptionnellement cardiaque : SHAB : (critères de Brighton 98 modifiés en 2000 par Grahame)
Syndrome MASS Il est très proche du syndrome de Marfan (myopie, prolapsus de la valve mitrale, dilatation aortique, vergetures, hyperlaxité).
■ Traitements
Syndrome de Loeys-Dietz
Aucune thérapeutique médicamenteuse spécifique n’est disponible pour le SHAB. Vivre avec une maladie chronique comme le SHAB, prendre des traitements très régulièrement n’est pas simple et parfois même décourageant : il faut parfois aménager sa vie, vivre différemment, renoncer à certaines choses.
Provoqué par une mutation de TGFBR1 ou TGFBR2, il est caractérisé par des anévrismes, une tortuosité artérielle, un hypertélorisme, une luette bifide.
Maladie de l’élastine Cutis laxa liée à une mutation de la fibuline 5
Médicaments
Cette maladie héréditaire ou acquise rend la peau anormalement élastique et plissée. Il s’agit d’une anomalie du tissu conjonctif élastique de la peau touchant l’élastine. Les cutis laxa congénitales généralisées se caractérisent par une perte de l’élasticité de la peau, responsable d’un pli cutané excessif ; une hyperlaxité ligamentaire et une luxation congénitale de hanche sont fréquemment rapportées.
Pour lutter contre la douleur, les médicaments antalgiques (médicaments contenant du paracétamol, seul ou en association) sont proposés ; le traitement doit être pris à la dose recommandée par le médecin, le soir en cas de réveil nocturne ou le matin si le dérouillage est pénible. En cas de déplacement, de marche prolongée, de visite de musée, l’antalgique peut être pris une demi-heure avant de partir avec un grand verre d’eau en mangeant une collation. Les opioïdes, les tricycliques, les antiépileptiques, l’acupuncture, peuvent être utilisés dans les douleurs neuropathiques. L’acide ascorbique (vitamine C) à doses pharmacologiques (250 à 500 mg/j) est parfois proposé pour assurer une hydroxylation maximale du collagène disponible et stimuler sa synthèse. En cas d’atteinte cardiaque (dilatation aortique), un traitement par bêtabloquant est justifié ; l’intérêt du losartan est en cours d’investigation. La prophylaxie de l’endocardite bactérienne en cas de dilatation aortique ou de prolapsus mitral est indispensable. En cas d’ostéoporose, du calcium, de la vitamine D, voire un traitement spécifique (bisphosphonate) peut être indiqué. Pour juguler une poussée inflammatoire, l’application de froid (glaçons ou légumes surgelés dans un sac en plastique entouré d’une serviette, ou coldpack sortant du congélateur), une pommade, une crème, un gel anti-inflammatoire, peuvent être efficaces localement. Le repos de l’articulation est souvent nécessaire. Un médicament anti-inflammatoire à prendre au milieu d’un repas en l’absorbant avec un grand verre d’eau pendant plusieurs jours est souvent utile : les modalités (dose, durée, association à un médicament protecteur de l’estomac, etc.) sont individuelles et les consignes données par le médecin doivent
Maladie du collagène fibrillaire ou non
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Les SED autres que le SED hypermobile, ou type III, font référence à un groupe hétérogène de maladies héréditaires du tissu conjonctif caractérisés par une hyperélasticité cutanée, une hyperlaxité articulaire et une fragilité des tissus. Plusieurs formes cliniques sont actuellement reconnues (critères diagnostiques cliniques de Villefranche, 1998) [36]. Ils sont en rapport avec une anomalie de synthèse ou de structure des fibrilles collagène. Dans tous les cas, il existe des formes légères, moyennes ou sévères. Le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire (anciennement type IV) est le plus sévère ; il s’agit d’une affection génétique très rare liée à des mutations du gène COL3A1, (collagène de type III, alpha-1). La maladie se transmet de manière autosomique dominante, touchant autant de femmes que d’hommes avec un risque de 50 % qu’elle soit transmise à chacun des enfants d’un sujet atteint. Les patient(e)s présentent un risque accru de dissection ou rupture artérielle, de perforation colique responsable de péritonite ou de rupture de l’utérus gravide. Une autre maladie bien connue des rhumatologues doit également être écartée : l’ostéogenèse imparfaite, maladie
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être respectées. Dans tous les cas, il ne faut pas l’associer à de l’aspirine ou à un autre médicament anti-inflammatoire (même à petites doses et vendu sans ordonnance en pharmacie comme antidouleur). En cas d’hypertension, les chiffres tensionnels doivent être surveillés pendant le traitement. Si la poussée persiste (douleur la nuit, raideur le matin, gonflement de l’articulation, échec des médicaments), un geste local (infiltration d’un dérivé cortisonique) est peut-être nécessaire.
Rééducation La rééducation proprioceptive (coordination neuromusculaire), le contrôle postural, le renforcement musculaire, une physiothérapie à visée antalgique sont la clé de voûte du traitement du SHAB. Ferrell et al. [38] ont démontré un déficit de la proprioception en regard des interphalangiennes proximales et du genou [39, 40]. L’articulation hyperlaxe doit continuer à fonctionner, sous peine de voir fondre les muscles, ce qui aggrave encore la situation et augmente les douleurs. Un exercice physique régulier et doux, comme la marche à plat rapide, c’est à dire d’un bon pas (une demi-heure par jour, en préférant marcher 10 minutes trois fois par jour avec un rythme soutenu : « peu et souvent »), est bénéfique. L’effet de 210 minutes d’activité physique en une fois le dimanche n’est pas équivalent à 30 minutes sept fois par semaine ! La marche est l’activité physique la plus simple et la plus facile à pratiquer quotidiennement ; elle ne demande pas d’équipement particulier et peut être pratiquée par tous, à tout moment. Pour marcher, des chaussures confortables, à talons ni trop hauts ni trop bas, ou des baskets avec des semelles souples, épaisses, « amortisseuses », du type chaussures avec des talons à semelles de caoutchouc, basket à air, sont nécessaires, afin d’amortir les impacts sur les membres inférieurs. Des séances de kinésithérapie spécifiques, une à deux fois par semaine, sont parfois utiles afin d’apprendre les exercices d’autoentretien (un ou deux exercices à faire à la maison quotidiennement). L’utilisation de poids, poulies, est peu indiqué, les exercices simples contre la main du thérapeute paraissent préférables. La physiothérapie, la balnéothérapie, les cures thermales peuvent être utiles en parallèle aux soins quotidiens. Une activité sportive douce, adaptée, régulière (ni trop, ni trop peu) et sans choc est intéressante : natation (aquagym ou nage), vélo (vélo d’appartement), gymnastique, Tai Chi Chuan, golf, etc. Il est alors indispensable de bien s’étirer et de s’hydrater pendant cette activité. Chez les enfants qui pratiquent des sports avec des impacts répétés, tels le football ou la gymnastique, et chez lesquels surviennent des entorses à répétition, des protections articulaires (casque, genouillères, jambières, etc.) sont utiles ; des étirements musculaires sont également préconisés.
Petit appareillage Un petit appareillage spécifique est parfois utile : • dans certains cas, talonnettes viscoélastiques ou semelles sur mesure (orthèses plantaires de soutien avec appui rétrocapital médian et voûte de confort) pour corriger une déformation du pied ; • des orthèses de repos du poignet et des doigts à utiliser la nuit et, au besoin le jour, par courtes périodes, après une activité sollicitant de façon importante la préhension ; • des orthèses de fonction avec support palmaire, fixation partielle de la colonne du pouce et bras de levier suffisamment long pour éviter les pressions cutanées trop importantes ; • une ceinture lombaire souple à porter dans toutes les activités sollicitant le dos (ce qui inclut la position assise) et le plus souvent possible, car elle facilite le jeu musculaire contrairement à cette contre-vérité trop souvent rapportée sur une prétendue « fonte musculaire » ;
• d’autres orthèses de contention souples (genoux, cheville, coudes, poignets, épaules, doigts, etc.) peuvent être proposées ; • des modèles sur mesure antiluxations (orthèses de cheville, de coude, de poignet) sont parfois utilisés. Ils ont une efficacité probable sur les douleurs ; • des gouttières dentaires et des soins locaux d’orthodontie appropriés peuvent être utiles en cas de troubles de l’articulé dentaire ; • des collants et bas de contentions antivarices peuvent améliorer considérablement les difficultés à la marche et à l’équilibre, ainsi que les sensations douloureuses ; • en cas d’arthrose, une canne permet les sorties un peu longues : elle réduit la pression sur le membre de deux tiers du poids du corps, au lieu de quatre fois celui-ci à chaque pas.
Hygiène de vie Le patient ne doit pas présenter de surcharge pondérale, car il est nécessaire de ne pas surmener l’articulation hyperlaxe : prendre 1 kg, c’est soumettre l’articulation portante (hanche ou genou ou cheville) à 4 kg de plus à chaque pas. Perdre 5 kg c’est épargner 20 kg de pression sur les jambes à chaque pas. Un aménagement de l’habitat passe par le choix du lit, des oreillers, une couette moins lourde que des draps et une couverture. Si, la nuit, les douleurs réveillent, il est possible de dormir sur le côté en calant un gros coussin entre les genoux (pas sous les genoux) ; un matelas chauffant est parfois utile en cas de douleurs lombaires. L’ergothérapie tient une place importante, pour mettre en place les aides techniques fonctionnelles. Des aides manuelles adaptées (ouvre-boîte, couteaux électriques, brosses à long manche, caddie, etc.) peuvent rendre de grands services. L’adaptation de l’environnement (habitat, travail) est essentielle pour diminuer les contraintes et assurer la sécurité (risque de chutes). Une canne-siège peut aider à faire quelques promenades ou visites de musée, elle permet de se reposer et d’entrecouper les stations debout prolongées, les attentes trop longues dans la foule. Le mode de vie et l’activité professionnelle doivent également être choisis pour éviter les circonstances où la fragilité des tissus de soutien serait cause de lésions importantes pour des traumatismes parfois minimes. Les patients ont souvent la peur d’endommager leurs articulations et redoutent les séances de rééducation. La douleur est très « dépendante » des émotions. En cas de stress, la douleur est plus intense. Tout ce qui peut relaxer est donc intéressant : écouter de la musique, regarder un film, tapoter sur l’ordinateur, sortir, rencontrer des amis, faire du bénévolat, jardiner, bricoler, voyager, etc. Cela peut être une relaxation seul(e) ou avec un thérapeute (massages, sophrologie, yoga, Tai Chi Chuan). Une prise en charge par un psychologue, une thérapie cognitive comportementale dans un centre de la douleur, etc. peut être envisagée dans certains cas. Il faut poursuivre les activités (professionnelles, physiques, sexuelles, sociales de loisirs) nécessaire à l’équilibre, en les aménageant.
Chirurgie En cas de chirurgie, il est nécessaire de prévenir le chirurgien de la fragilité des tissus pour assurer une fermeture des plaies bien débridées et des incisions avec une large marge de sécurité. La chirurgie réparatrice peut être effectuée en prenant soin de veiller à la qualité des sutures. L’anesthésie cutanée locale est difficile à obtenir et, parfois, de plus courte durée qu’habituellement. La mise en place d’une prothèse doit être envisagée dès
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lors que l’articulation est usée et douloureuse, que le traitement médical ne soulage plus, que le handicap est trop important. Il faut alors consulter un chirurgien orthopédiste entraîné.
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[7]
■ Information et éducation des patients Elle peut être proposée de façon individuelle ou collective et permet d’aborder différents points. Il est important d’expliquer au patient qu’il s’agit d’une maladie génétique autosomique dominante à expression variable, qui se traduit par une souplesse exagérée des articulations participant à leur fragilité ; qu’ils doivent ménager leurs articulations pour éviter les traumatismes. Il est bon de dire que cette maladie chronique nécessite d’aménager sa vie, de bien prendre les traitements, mais qu’aucun traitement n’est miraculeux et ne peut d’un coup de « baguette magique » faire disparaître la maladie et réparer l’articulation endommagée. Il faut vivre le plus normalement possible, ne pas se décourager, ne pas faire appel aux « charlatans » ni aux médicaments « miracle » vendus sur Internet. Si le patient souhaite essayer certains produits naturels ou traitements non conventionnels, il ne faut pas qu’il se cache ni hésite à en parler au médecin, qui peut le guider utilement dans cette option. Un ajustement ou une utilisation judicieuse des traitements permet souvent de sortir d’une impasse thérapeutique. Il faut également insister sur deux points : éviter les prouesses sportives et les mouvements forcés destinés à épater l’entourage. Enfin, il est bon de rappeler l’intérêt de rejoindre les associations afin de glaner des informations utiles et de se sentir moins seul(e) face à cette maladie.
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Points forts
Le traitement repose sur : • les traitements médicamenteux luttant contre les douleurs : antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), éventuellement vitamine C ; • la rééducation proprioceptive, en association avec des exercices d’autoentretien spécifiques et une activité physique régulière et adaptée ; • une hygiène de vie adaptée : poids stable, ergothérapie, appareillage, aménagement de l’habitat ; • enfin, une prise en charge psychologique si nécessaire. Il faut éviter d’avoir recours aux « charlatans » vendeurs de mirages. Il faut connaître le rôle des associations pour glaner des informations et se sentir moins seul(e).
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■ Références [1]
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Imagerie de la maltraitance chez l’enfant C. Adamsbaum, C. Rey-Salmon Le diagnostic de maltraitance est souvent étayé par les données de l’imagerie squelettique et cérébrale. Sur les radiographies du squelette, l’argument diagnostique principal est la présence de fractures d’âges différents et/ou de localisations particulières (épiphysométaphysaires, arcs postérieurs de côtes, etc.). La scintigraphie osseuse est utile pour détecter des lésions infraradiologiques récentes. Les traumatismes infligés de l’encéphale font l’essentiel du pronostic. Souvent graves, ils représentent la cause principale de décès. Ils sont liés à des secousses violentes, parfois associées à un impact final. Ils peuvent être isolés, sans aucune lésion squelettique, cutanée ou ophtalmologique décelable. Le recours à l’imagerie de l’encéphale (scanner en phase aiguë, souvent complété d’une imagerie par résonance magnétique en phase subaiguë) est donc systématique chez l’enfant âgé de moins de 2 ans. Les lésions retrouvées peuvent être des hématomes sous-duraux diffus, bilatéraux, de siège profond (interhémisphérique, tente du cervelet) ou des lésions intraparenchymateuses (contusion, œdème, anoxo-ischémie ou cisaillement). Les lésions viscérales, plus rares et non spécifiques, doivent être recherchées largement chez les jeunes enfants dans ce contexte, au moins par échographie. La pertinence des examens d’imagerie, leur qualité et la précision de l’interprétation sont des éléments fondamentaux pour établir le diagnostic de maltraitance, toujours très lourd de conséquences. La présence de lésions d’âges différents est un élément diagnostique important à reconnaître mais inconstant. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Traumatisme ; Squelette ; Pédiatrie ; Maltraitance ; Syndrome du bébé secoué
Plan ■
Introduction
1
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Contexte
1
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Quelle imagerie ? Radiographies du squelette Scintigraphie osseuse Imagerie encéphalique Imagerie abdominale
2 2 2 2 2
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Principales lésions squelettiques Fractures-arrachements métaphysaires Fractures diaphysaires Appositions périostées Fractures de côtes Autres fractures Éléments de datation
2 2 4 4 5 5 5
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Lésions viscérales
6
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Traumatismes de l’encéphale
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Conclusion
7 10
Introduction La maltraitance infligée à des nourrissons et enfants est un fléau de santé publique qui déborde largement le cadre de l’imagerie. Néanmoins, cet article se limite à exposer l’apport de celle-ci au
diagnostic initial et à la recherche de séquelles viscérales ou encéphaliques lors du suivi de ces enfants. Plusieurs termes sont utilisés pour nommer les traumatismes infligés à l’enfant : syndrome de Silverman, d’Ambroise Tardieu, syndrome des enfants battus, syndrome de sévices à enfants, traumatisme non accidentel, syndrome du « bébé secoué » [1–3] .
Contexte La maltraitance frappe tous les milieux sociaux. La plupart des enfants victimes de maltraitance sont d’âge préscolaire et certains facteurs de risque sont bien identifiés : grossesse multiple, enfant de petit poids ou présentant des anomalies congénitales. La fréquence des séquelles cérébrales est importante [4] . Parmi les enfants qui guérissent physiquement, des troubles du comportement sont fréquemment notés ultérieurement [3] . Les auteurs des sévices sont des membres de la famille ou des proches de l’enfant (nourrice, assistante maternelle, etc.). L’imagerie est très souvent à l’origine du diagnostic qui peut être complètement insoupc¸onné cliniquement. Il est donc utile de rappeler d’emblée que le moindre doute sur un diagnostic de maltraitance doit aboutir à une hospitalisation immédiate, ce d’autant plus que l’enfant est jeune. L’hospitalisation permet de se donner du temps pour la prise de décision et notamment pour le signalement. Il est donc indispensable que le radiologue, souvent en première ligne pour évoquer le diagnostic, prenne directement contact avec le pédiatre ou une structure hospitalière pédiatrique.
31-045-A-10 Imagerie de la maltraitance chez l’enfant
Le diagnostic de maltraitance sous-entend un abord pluridisciplinaire en concertation avec les travailleurs sociaux. S’il n’appartient pas au corps médical de déterminer les responsabilités des uns ou des autres, tout médecin a le devoir de soustraire rapidement un enfant à un danger potentiel [3] . La présentation clinique est très variable mais certaines lésions sont d’emblée évocatrices du diagnostic : la présence d’ecchymoses multiples, de siège inhabituel (lésions du thorax, du cou, de la face, des pulpes des doigts) et/ou de brûlures de cigarettes sont très évocatrices de maltraitance. Chez les nourrissons, les lésions du frein de la langue, des lèvres ou de la muqueuse buccale en rapport avec l’administration brutale des biberons sont très évocatrices. Le caractère des lésions, leur topographie, leur aspect multifocal, leur association et leur répétition (lésions d’âges différents) plaident en faveur d’une origine non accidentelle. Il peut s’agir d’une altération de l’état général, de retard staturopondéral ou psychomoteur en rapport avec des négligences et des carences de soins, de troubles du contact, avec prostration ou état d’agitation [3] . L’attention doit également être attirée par un nombre important de consultations qui traduisent une situation de crise de l’entourage de l’enfant ou de l’auteur des sévices qui n’ose pas révéler les faits. Il est essentiel de savoir décoder ces appels à l’aide et de proposer une hospitalisation immédiate de l’enfant.
Quelle imagerie ?
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Radiographies du squelette
[5]
Le diagnostic de maltraitance repose souvent sur les radiographies du squelette. Il importe donc que ces radiographies soient d’excellente qualité. Ce sont les informations obtenues à partir de ces radiographies qui vont déclencher les enquêtes sociales et judiciaires. L’expertise médicojudiciaire ultérieure est également basée sur les documents initiaux. Toute suspicion de maltraitance doit faire pratiquer des radiographies du squelette complet, incluant tous les segments osseux, y compris les extrémités, avant l’âge de 2 ans (Tableau 1). Tous les clichés d’os longs doivent inclure les articulations sus- et sous-jacentes. Les métaphyses doivent être parfaitement analysables, et des clichés centrés complémentaires doivent être effectués au moindre doute. Si ce doute persiste, en particulier avec les variantes de la normale, des radiographies de contrôle à deux semaines doivent être pratiquées, l’enfant devant être protégé pendant cette période.
Scintigraphie osseuse La scintigraphie osseuse n’est pas systématique mais peut être très utile au diagnostic lorsque ce dernier est douteux. La scintigraphie montre, au prix d’une faible irradiation, les fractures récentes infraradiologiques, notamment au niveau des côtes. Elle permet ainsi d’orienter les clichés centrés dans un deuxième temps. Cette technique a cependant des limites : fracturesarrachements métaphysaires difficiles à interpréter du fait de l’hyperfixation physiologique des cartilages de croissance, risque de faux négatifs chez les enfants de moins de 3 mois, en Tableau 1. Radiographies du squelette [1] . Thorax (face et profil) Humérus de face Avant-bras de face Mains et poignets de face Bassin de face Rachis lombaire (face et profil) Fémurs de face Jambes de face Pieds de face Crâne (face et profil) Une incidence de profil des genoux et des chevilles est conseillée ainsi que des incidences obliques du gril costal
cas de fracture symétrique ou déjà consolidée ; non-visibilité des fractures du crâne. Le diagnostic différentiel est difficile (affection métabolique). En pratique, il s’agit d’une technique utile en cas de doute diagnostique, après le bilan squelettique, viscéral et encéphalique habituel.
Imagerie encéphalique Le scanner de l’encéphale est indispensable en urgence s’il existe une symptomatologie neurologique. Il est systématique, avant l’âge de 2 ans, devant la présence de lésions traumatiques extracérébrales suspectes, même en l’absence de signe neurologique. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale ne fait pas actuellement partie du bilan systématique mais est largement indiquée en complément du scanner car elle permet une meilleure analyse du parenchyme cérébral grâce aux séquences de diffusion en période aiguë. Les séquences en écho de gradient T2 sont très sensibles à la présence de dépôts d’hémosidérine. L’échographie transfontanellaire n’est pas indiquée mais elle peut être utile après le scanner pour préciser la topographie sous-durale ou sous-arachnoïdienne d’un épanchement et son échostructure.
Imagerie abdominale La recherche de lésions viscérales par une échographie abdominale est recommandée en France chez les nourrissons et les jeunes enfants. Le moindre doute conduit à pratiquer un scanner abdominal et parfois thoracique [3] .
Principales lésions squelettiques [1]
Les fractures squelettiques élémentaires sont surtout des localisations métaphysaires et/ou diaphysaires. Les mécanismes en cause sont fréquemment des arrachements, des torsions et/ou des étirements, parfois associés à des chocs directs. L’enfant « battu » peut être aussi violemment secoué ; il s’agit, le plus souvent, de jeunes enfants âgés de moins de 2 ans. À cet âge, la plaque métaphysaire est fragile et le périoste est faiblement attaché à la corticale osseuse, sauf au niveau du coin métaphysaire où son adhérence est très forte. Ainsi, le périoste se comporte comme un ligament et, lors d’un traumatisme, la traction du périoste sur le coin métaphysaire entraîne des lésions d’arrachement. La faible adhérence du périoste au niveau de la diaphyse explique la formation facile des hématomes sous-périostés.
Fractures-arrachements métaphysaires (Fig. 1 à 3)
[8]
L’aspect classique de ces lésions d’arrachement est celui de fractures « en coin » marquées par la présence d’un fragment osseux à l’angle de la métaphyse ou une image en « anse de seau » (Fig. 1). Dans ce cas, une partie plus ou moins étendue de la métaphyse est décollée. La reconnaissance de ces fractures est difficile quand il n’y a pas d’apposition périostée. On voit parfois une fine ligne radiotransparente parcourant la métaphyse, au contact du cartilage de conjugaison. La répétition des traumatismes modifie progressivement de manière globale la forme de la métaphyse qui peut devenir irrégulière. Ces lésions peuvent être très discrètes cliniquement, sans aucune tuméfaction ni impotence fonctionnelle. Elles échappent donc facilement tant à l’entourage qu’aux médecins s’il n’y a pas d’examen radiologique orienté. Ces fractures-arrachements métaphysaires très évocatrices de sévices sont surtout observées chez des enfants de moins de 18 mois. Souvent bilatérales, elles siègent préférentiellement sur l’extrémité distale des fémurs, sur les extrémités proximale et distale des tibias et proximale des humérus (genoux, chevilles, épaules). À long terme, ces fractures purement métaphysaires laissent peu de
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1
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A Figure 1. Fracture métaphysaire. A. Radiographie de l’extrémité supérieure du tibia gauche chez une enfant âgée de 2 mois. Suspicion clinique de syndrome des enfants battus. Fracture en anse de seau avec décroché métaphysaire (flèche). Cette image, difficile à visualiser sur une seule incidence, est très évocatrice du diagnostic. B. Représentation schématique des fractures-arrachements métaphysaires. 1. Ligne claire métaphysaire ; 2. fracture en « coin » ; 3. fracture en « anse de seau ».
Figure 2. Décollement épiphysaire de l’extrémité supérieure du fémur. Radiographie du bassin de face (A) et Lauenstein (B). Cet enfant avait par ailleurs des fractures de côtes, en rapport avec un syndrome de Silverman.
Figure 3. Syndrome de Silverman. Enfant âgé de 4 mois. A, B. Fractures métaphysaires bilatérales des extrémités supérieures du tibia. C. Évolution un mois plus tard : apparition d’appositions périostées diaphysaires. D. Fracture avec déplacement en avant du corps vertébral de L4. Tassements vertébraux des trois vertèbres sus-jacentes (L1, L2, L3, ainsi que D11). E. Fracture de la clavicule droite avec cal.
31-045-A-10 Imagerie de la maltraitance chez l’enfant
Figure 4. Arrachement métaphysaire du coude droit (A, B). Nourrisson âgé de 4 mois. Irrégularités de la métaphyse de l’extrémité inférieure de l’humérus droit visible sous la forme d’une « anse de seau » (flèches). Ces lésions étaient associées à des fractures de côtes bilatérales, d’âges différents.
Les exceptionnelles insensibilités congénitales à la douleur peuvent s’accompagner de fractures multiples mais les lésions métaphysaires ne sont pas observées avant l’âge de 2 à 3 ans. L’examen neurologique permet d’éliminer ce diagnostic. Enfin, l’ostéogenèse imparfaite n’est pas un diagnostic différentiel des lésions métaphysaires isolées qui ne se rencontrent pas dans cette maladie [1] .
Fractures diaphysaires (Fig. 6, 7) [1]
Figure 5. Diagnostic différentiel : ostéomyélite. Nourrisson âgé de 1 mois : appositions périostées importantes de l’extrémité supérieure du fémur droit, en rapport avec une ostéomyélite. Ces atteintes infectieuses du nourrisson peuvent être multiples.
séquelles, contrairement au véritable décollement épiphysométaphysaire vu surtout après 2 ans (Fig. 2A, B) qui expose au risque d’épiphysiodèse et à ses conséquences. La principale difficulté des lésions métaphysaires est de ne pas les manquer car elles sont subtiles (Fig. 1, 3, 4). Une fois reconnues, le diagnostic différentiel doit considérer les items qui suivent. Les variantes de la normale (éperon métaphysaire physiologique) sont en général faciles à reconnaître car l’éperon est toujours en continuité avec la métaphyse voisine [9] . Les pathologies métaboliques ou carentielles atteignent l’ensemble des métaphyses, de fac¸on symétrique. Le scorbut, actuellement très rare, entraîne une déminéralisation, des corticales fines et des hématomes sous-périostés. Un rachitisme est facilement éliminé si la hauteur des cartilages de croissance est normale. Les anomalies du métabolisme du cuivre, qu’elles soient d’origine génétique (syndrome de Menkès lié à l’X) ou acquise (prématurés sous nutrition parentérale prolongée) sont rares. Il faut cependant se méfier de l’association possible d’une maltraitance authentique avec carences alimentaires et/ou vitaminiques. L’ostéomyélite peut entraîner des fractures métaphysaires avec des images en « coin » et peut parfois être multifocale chez le nourrisson (Fig. 5). La fièvre peut être discrète ou manquer mais il existe des marqueurs biologiques d’inflammation. La syphilis congénitale, actuellement très rare, est responsable de lésions bilatérales, symétriques sur l’extrémité antéromédiale du tibia. Les dysplasies métaphysaires congénitales s’accompagnent d’un retard statural et l’atteinte métaphysaire est diffuse [10] .
Si les fractures de la métaphyse sont les plus fréquentes chez le nourrisson, les fractures diaphysaires peuvent être observées en cas de maltraitance. Elles n’ont pas d’aspect radiologique particulier mais l’attention est attirée par une histoire floue ou contradictoire de la part de l’entourage. Il faut toujours s’étonner de découvrir une fracture diaphysaire chez un enfant de moins de 9 mois et ne pas hésiter à élargir le bilan. Il peut s’agir de fractures spiroïdes, notamment de l’humérus, liées à des mécanismes de torsion et d’étirement. La présentation clinique est souvent évidente : douleur, tuméfaction, déformation, impotence fonctionnelle, et le diagnostic est précoce, contrairement aux lésions métaphysaires. Le diagnostic différentiel des fractures diaphysaires pose surtout le problème des fragilités osseuses constitutionnelles (ostéogenèse imparfaite), en particulier chez les nourrissons, dans une forme mineure (type 4). En effet, les types 2 et 3 présentent des formes majeures létales (type 2) ou s’accompagnent d’une déformation extrêmement sévère. Le type 1, le plus fréquent, de transmission autosomique dominante, s’accompagne de sclérotiques bleues, d’ostéoporose et de nombreux os wormiens sur la voûte du crâne. Le type 4 (environ 5 % des cas), également de transmission autosomique dominante, s’accompagne d’os wormiens et fréquemment d’une dentinogenèse anormale. Dans ce type, il n’y a pas d’histoire familiale et l’ostéoporose peut être inapparente, surtout chez le nourrisson. Devant des lésions diaphysaires à répétition, une densitométrie peut être effectuée selon l’âge de l’enfant et il est rarement utile d’avoir recours à la biopsie de peau. Il est important de souligner que ces fragilités osseuses constitutionnelles ne sont pas responsables de lésions métaphysaires isolées (cf. supra) [1, 10] .
Appositions périostées (Fig. 8 à 11) [1] Les traumatismes répétés, surtout lorsqu’il existe un mécanisme de torsion, peuvent entraîner des saignements périostés à répétition, responsables d’appositions périostées sans fracture. Ainsi, la présence de telles appositions périostées doit faire rechercher des lésions métaphysaires concomitantes. Les appositions périostées s’incorporent progressivement à la corticale osseuse et un remodelage progressif se fait. Ces lésions peuvent siéger sur n’importe quel os long, ne s’accompagnent d’aucune contusion ni tuméfaction des parties molles et ne sont pas spécifiques. Lors de la phase initiale, la scintigraphie est très sensible dans leur détection.
Imagerie de la maltraitance chez l’enfant 31-045-A-10
Figure 6. Syndrome de Silverman. Nourrisson de 2 mois. A. Fracture diaphysaire spiroïde du tibia droit (tête de flèche). Il n’y a pas d’apposition périostée visible. Ce type de fracture est toujours suspect chez un enfant de moins de 9 mois. B. Les radiographies complémentaires montrent des fractures de côtes multiples à droite (5e , 6e et 7e côtes, à la jonction arc postérieur-arc moyen). Des fractures de côtes controlatérales au même niveau sont probables. C. Le cliché de profil montre un arrachement métaphysaire très discret, en coin, au niveau de l’extrémité inférieure du tibia gauche (tête de flèche).
Le diagnostic différentiel des appositions périostées doit éliminer : • les variantes de la normale, en particulier les appositions périostées physiologiques des premières semaines de vie, qui sont symétriques, fines et régulières, et ne s’accompagnent d’aucune autre lésion osseuse ; • les affections métaboliques telles que le scorbut (Fig. 10, 11) ou l’ingestion excessive de vitamine A ; • l’ostéomyélite qui s’accompagne d’une déminéralisation ; • la maladie de Caffey ou hyperostose corticale infantile, entité de plus en plus rare s’accompagnant d’épisodes fébriles.
Fractures de côtes (Fig. 6) Les fractures de côtes sont fréquentes, leur présence est estimée à environ 25 % des enfants victimes de maltraitance [1] . La plupart des enfants sont âgés de moins de 2 ans et les fractures costales sont liées à la compression thoracique violente qui a lieu au cours des secouements. Ces fractures sont en général multiples sur des côtes contiguës, bilatérales et symétriques. Elles siègent le plus souvent en arrière, à la jonction costovertébrale ou sur les arcs antérieurs, du fait de l’écrasement thoracique latéral. Le diagnostic n’est souvent fait radiologiquement qu’une fois le cal formé, soit au moins huit jours après le traumatisme. Il peut donc être intéressant de pratiquer une scintigraphie osseuse pour le diagnostic de fractures récentes encore infraradiologiques. La découverte d’une fracture de côtes constitue un signe de très forte présomption de maltraitance chez un nourrisson, en l’absence de kinésithérapie respiratoire récente ou plus rarement de manœuvres de réanimation cardiorespiratoire, ces contextes pouvant théoriquement entraîner des fractures de l’arc moyen par compression antéropostérieure du thorax.
Autres fractures (Fig. 12) Certaines fractures du crâne sont évocatrices de sévices : fractures extrapariétales, fractures de plus de 5 mm de large, fractures multiples, fractures évolutives avec développement de kystes leptoméningés. Une fracture de l’os occipital avec embarrure est considérée comme très suspecte de sévices. Il n’est pas possible de dater une fracture du crâne sauf dans le cas ou il existe un œdème des parties molles (clinique, scanner encéphalique avec étude des parties molles), indiquant le caractère récent de la fracture. Le diagnostic de fracture du crâne nécessite d’éliminer une variante de la normale (sutures accessoires, os wormien, etc.) lorsqu’il n’y a pas de tuméfaction des parties molles en regard [11] . Il peut aussi exister des fractures du rachis (Fig. 3). Il s’agit surtout de tassements vertébraux uniques ou multiples liés à des manipulations violentes lors des secouements ou à une projection du nourrisson en position assise sur un plan dur.
Éléments de datation La datation d’une fracture est aléatoire et dépend de l’âge de l’enfant [12] . Classiquement, la réaction périostée apparaît sept jours après le traumatisme initial et devient évidente en deux semaines. Le cal se développe progressivement, le trait de fracture peut être visible jusqu’à huit semaines ; entre huit et 12 semaines, le trait de fracture s’efface mais le cortex se déforme et s’épaissit. Cette déformation osseuse peut persister des mois, voire des années. L’essentiel, au moment du diagnostic, n’est pas de dater la fracture mais de reconnaître des fractures d’âges différents. Leur présence indique des traumatismes infligés répétés, et donc un haut risque de réitération.
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Figure 9. Syndrome de Silverman. Nourrisson âgé de 3 mois. Hématomes sous-périostés bilatéraux. Pas de déminéralisation. L’association à une fracture du crâne et à des fractures-arrachements métaphysaires des tibias a fait porter le diagnostic de syndrome de Silverman. Le principal diagnostic différentiel est le scorbut.
Figure 7. Syndrome de Silverman. Nourrisson de 1 mois et demi. Fracture spiroïde de la diaphyse fémorale gauche révélée par une impotence fonctionnelle du membre inférieur gauche. Dans ce cas, présence de multiples fractures associées : arrachement de toutes les métaphyses, appositions périostées fémorales droites, tibiales bilatérales, qui rendent le diagnostic évident, d’autant que ces fractures sont d’âges différents.
Figure 8. Hématome sous-périosté (h : hématome ; les flèches représentent le décollement périosté).
Figure 10. Diagnostic différentiel : scorbut (A, B). Enfant âgé de 11 mois. Déminéralisation importante, avec corticales fines, appositions périostées bien visibles au niveau des fémurs et des tibias. Appositions périostées très importantes au niveau de l’humérus droit, en rapport avec un volumineux hématome sous-périosté. Métaphyses irrégulières avec aspect d’arrachement en coin, pouvant simuler un syndrome de Silverman. Ce diagnostic différentiel est d’autant plus difficile que les deux pathologies peuvent s’associer.
Lésions viscérales L’échographie abdominale est systématique en France au cours d’une suspicion de maltraitance. Cela est d’autant plus important que l’enfant est jeune. En effet, les traumatismes abdominaux sont plus sévères chez les enfants maltraités que chez les enfants
accidentés, et le traumatisme abdominal est la deuxième cause de mortalité chez l’enfant maltraité [13] . La présentation clinique est variable selon la violence du traumatisme et l’organe atteint. À côté des tableaux très bruyants orientant d’emblée vers une lésion viscérale, il existe des tableaux plus insidieux pour lesquels les symptômes sont repérés de fac¸on retardée par rapport au traumatisme causal.
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Figure 11. Syndrome de Silverman et scorbut. Enfant de 15 mois. A. Décollement épiphysométaphysaire de l’extrémité supérieure de l’humérus et volumineux hématome sous-périosté englobant le tiers supérieur de l’humérus. Déminéralisation. B. Aspect sept mois plus tard : il persiste une déformation résiduelle de la diaphyse.
sont d’âges différents en l’absence de fracture associée de la cage thoracique.
Traumatismes de l’encéphale
[1, 15–21]
Figure 12. Fracture du crâne. Reconstructions volumiques au scanner. Large trait pariétal dans le cadre d’un syndrome de Silverman.
Les mécanismes sont liés à des chocs directs, des coups de poing ou des coups de pieds, l’enfant étant allongé sur un lit ou au sol. L’échographie peut montrer un épanchement intrapéritonéal devant faire rechercher une rupture d’organe plein ou d’organe creux. Dans ce contexte, le pancréas est un des organes intraabdominaux les plus souvent touchés, écrasé entre le billot rachidien et le point d’impact. En échographie, le pancréas est alors augmenté de volume et apparaît d’échostructure hétérogène. Le canal de Wirsung peut devenir visible et la constitution progressive d’un pseudokyste est possible. Un hématome duodénal peut être présent, le duodénum étant une structure exposée car accolée et immobile [1, 13, 14] . Un pneumopéritoine par rupture postérieure du duodénum peut être mis en évidence à l’abdomen sans préparation ou au scanner. L’échographie peut montrer aussi une rupture du foie et de la rate, associée à un épanchement intrapéritonéal ou purement sous-capsulaire. Les traumatismes thoraciques peuvent intéresser les poumons, le médiastin et/ou le diaphragme. Les contusions pulmonaires sont pratiquement toujours associées à des fractures de côtes et n’ont pas d’aspect particulier : opacités alvéolaires floues qui vont progressivement se condenser. Les épanchements pleuraux peuvent être sanguins (hémothorax) ou séreux. Des pneumothorax et des pneumomédiastins peuvent se voir, liés à une hyperpression intra-alvéolaire brutale [13] . Les ruptures diaphragmatiques sont rares et doivent être évoquées sur la surélévation d’une coupole diaphragmatique en radiographie, mais le diagnostic est surtout confirmé au scanner qui montre une solution de continuité ou un épaississement localisé du diaphragme. La datation des lésions viscérales n’est pas possible en imagerie et il n’est même pas possible de déterminer si les lésions
Les lésions cérébrales constituent la principale cause de morbidité et de mortalité chez l’enfant de moins de 2 ans victime de sévices. Certaines morts subites inexpliquées du nourrisson sont vraisemblablement imputables à une maltraitance méconnue. Les traumatismes non accidentels de l’encéphale ou syndrome du « bébé secoué » peuvent être responsables de séquelles lourdes, avec une forte incidence de retard psychomoteur. La fréquence de ces lésions et leur gravité font que le recours à l’imagerie de l’encéphale est systématique avant l’âge de 2 ans, même en l’absence de point d’appel neurologique. Les mécanismes invoqués, à l’origine des lésions encéphaliques observées, sont des secousses violentes, parfois associées à un choc direct sur un canapé ou un lit (shaken impact baby syndrome des Anglo-Saxons), voire à une strangulation. Le cerveau du nourrisson et du petit enfant est particulièrement exposé aux lésions intracrâniennes lors de secousses violentes du fait de la faiblesse des muscles cervicaux, du poids important du pôle céphalique, de la densité du cerveau riche en eau avant la myélinisation et de la souplesse de la boîte crânienne. Ces éléments permettent chez le nourrisson la mobilisation de l’encéphale au sein de la boîte crânienne, elle-même plastique [22] . Des mouvements violents de secousses, surtout avec décélération à direction antéropostérieure, entraînent une rupture des veines corticales appelées veinesponts, avec formation d’hémorragies sous-arachnoïdiennes et sous-durales diffuses (Fig. 13), parfois associées à des lésions parenchymateuses. Ces lésions parenchymateuses sont liées à des mécanismes anoxo-ischémiques plus qu’à des contusions directes. Les gestes de secouements sont réitérés dans plus de la moitié des cas car ils sont effectués dans le but de « calmer » l’enfant, ce qui souligne l’intérêt d’un diagnostic précoce et d’une hospitalisation immédiate de l’enfant, dans un souci de protection [23] . Cliniquement, le tableau est très variable et le diagnostic est assez rarement évoqué d’emblée [24] . Il s’agit souvent d’un enfant irritable ou ayant fait un malaise, des épisodes de cyanose ou des crises convulsives, sans fièvre [1] . Une pâleur est souvent rapportée. Parfois, le tableau est celui d’une mort « subite ». Si un traumatisme est évoqué, une chute de faible hauteur ne permet pas d’expliquer les lésions observées. Cette discordance entre le tableau clinicoradiologique et l’histoire rapportée est fondamentale pour le diagnostic et a bien été soulignée par l’audition publique [25] . Dans ce contexte, le fond d’œil à la recherche d’hémorragies rétiniennes doit être systématique dès lors que le diagnostic de maltraitance est évoqué. En effet, les hémorragies rétiniennes, fréquentes mais non constantes, constituent un argument diagnostique important. Idéalement, ce fond d’œil doit être effectué
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Figure 13. Syndrome du bébé secoué chez un enfant âgé de 3 mois. A. Scanner sans injection de produit de contraste. Hémorragie de la tente du cervelet. B. Hématome sous-dural bilatéral, hyperdense, avec localisation interhémisphérique et au niveau du vertex. C. Épanchement sous-dural hypodense, bifrontopariétal, probablement d’âge différent. Dédifférenciation entre la substance blanche et la substance grise, témoignant de lésions anoxo-ischémiques. Fracture temporopariétale gauche avec tuméfaction des parties molles en regard.
dans les 24 premières heures car les hémorragies rétiniennes disparaissent très rapidement [26] . L’imagerie est la clé du diagnostic, basée sur le scanner. L’IRM montre mieux les atteintes parenchymateuses. Les radiographies du crâne doivent être effectuées de face et de profil, à la recherche de fracture (cf. supra). Les reconstructions volumiques de la boîte crânienne sont possibles sur les scanners multibarrettes récents, mais elles ne se sont pas encore complètement substituées aux radiographies du crâne (Fig. 12). Elles permettent de bien visualiser la boîte crânienne, en l’absence d’artefact de mouvement. Rappelons que la datation d’une fracture du crâne n’est pas possible, sauf en présence d’une tuméfaction du cuir chevelu en regard (Fig. 13). Il n’y a pas de constitution de cal et le trait de fracture peut persister pendant plusieurs mois. Les lésions intracrâniennes sont constituées principalement par des hématomes sous-duraux, dont la localisation est particulière : ils sont situés au niveau du vertex et/ou le long de la tente du cervelet et/ou dans l’espace interhémisphérique (Fig. 14). L’hémorragie sous-arachnoïdienne est mieux appréciée à la phase initiale au scanner, mais elle est repérable en IRM grâce aux séquences en écho de gradient T2, sensibles aux produits de dégradation de l’hémoglobine. Les hémorragies intraventriculaires sont rares, en rapport avec une plaie veineuse sous-épendymaire. L’hématome sous-dural aigu est spontanément hyperdense au scanner, puis devient progressivement hypodense en environ sept à huit jours. La répétition fréquente des secouements [23] , la présence d’un choc, le taux d’hémoglobine, la présence d’une plaie de l’arachnoïde favorisant le mélange du liquide cérébrospinal à l’hématome sous-dural et le resaignement spontané sont autant de facteurs qui rendent très difficile la datation des hématomes sous-duraux. En pratique, des saignements d’âges différents peuvent être évoqués en cas d’intensité franchement différente dans deux contingents d’hématomes éloignés, par exemple un hématome sous-dural droit hypodense et un hématome de la tente du cervelet hyperdense [27] . En effet, un hématome sousdural dans un contexte de traumatisme infligé est souvent hétérogène et cela n’est pas possible à interpréter en termes de datation.
Quoi qu’il en soit, la datation n’est pas utile au moment du diagnostic et une datation erronée peut compliquer l’expertise médicolégale ultérieure. La localisation des hématomes est l’élément essentiel du diagnostic. Ainsi, un hématome sous-dural bilatéral, associé à un contingent interhémisphérique et des hématomes au niveau du vertex, est un aspect caractéristique du diagnostic du syndrome du bébé secoué. La présence de caillots au sommet du crâne est un élément indirect témoignant de la rupture/thrombose de veinesponts et plusieurs articles ont souligné la possibilité de visualiser directement ces veines-ponts thrombosées au scanner, et surtout en IRM, sur les séquences sensibles aux dépôts d’hémosidérine T2* (Fig. 15) [28, 29] . Des hématomes en situation rétroclivale ont été également rapportés [30] . Chez le nourrisson, la faux du cerveau peut être spontanément hyperdense, mais elle présente toujours des bords réguliers, alors qu’en cas d’hématome celle-ci s’épaissit et devient surtout irrégulière (Fig. 13, 14). Les collections sous-durales de la fosse postérieure sont également évocatrices de lésions de secousses (Fig. 14). Dans le parenchyme cérébral, tous les types de lésions (contusions, œdème, anoxie, cisaillement) sont beaucoup mieux appréciés en IRM qu’en scanner. Les séquences pondérées en diffusion permettent la détection précoce des zones œdémateuses [15, 21] . Les séquences en écho de gradient T2 peuvent mettre en évidence des pétéchies de petite taille (Fig. 15). Les contusions doivent être particulièrement recherchées dans les régions frontales et temporales, du fait de l’impact facile de ces zones sur les tables osseuses internes lors des mouvements de secousse. La jonction substance blanche-substance grise est également une zone d’atteinte élective. Les contusions cérébrales peuvent être uni- ou bilatérales. Tous les types de lésions anoxiques peuvent se voir : atteinte du cortex, des noyaux gris, des thalamus. Au scanner, ces lésions se traduisent par des hypodensités parfois hémorragiques, associées à une perte du contraste entre substance blanche et substance grise, et à une diminution des espaces liquidiens en rapport avec l’œdème cérébral. Ces signes sont à analyser en tenant compte du faible degré de myélinisation chez le nourrisson.
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Figure 14. Syndrome du bébé secoué. Enfant âgé de 6 mois vu aux urgences pour malaise, convulsions et hémiplégie gauche. A à D. Scanner le jour du malaise. A, B. Hémorragie de la tente du cervelet. C. Hématome sous-dural hémisphérique droit avec effet de masse : effacement des sillons cérébraux et du ventricule latéral droits. Hémorragie interhémisphérique. D. Hémorragies des sillons à droite, au niveau du vertex et de la faux du cerveau, épaisse et irrégulière. Effacement des sillons cérébraux à droite. E à G. Imagerie par résonance magnétique dix jours plus tard, séquences pondérées en T1. Confirmation rétrospective de l’hémorragie de la tente du cervelet, de l’espace interhémisphérique et de l’hématome hémisphérique sous-dural droit, marqués par des hyperintensités.
A
B
C
D
Figure 15. Syndrome du bébé secoué. Garc¸on âgé de 7 mois vu pour malaise au domicile de l’assistante maternelle. A, B. Scanner initial. A. Hématome interhémisphérique marqué par une hyperdensité à bords irréguliers (flèche). B. Coupe passant par le sommet montrant des hyperdensités tubulaires et arrondies (flèches) correspondant aux ruptures-thromboses de veines-ponts caractéristiques du diagnostic. C, D. Coupes en imagerie par résonance magnétique passant par le sommet, le même jour, séquence T2* confirmant les ruptures-thromboses de veines-ponts, sous la forme de structures ovalaires, arrondies et en forme de « têtard » (tadpole sign).
En IRM, la présence d’un coefficient de diffusion (ADC – apparent diffusion coefficient) restreint permet de donner des éléments pronostiques en indiquant la présence d’un œdème cytotoxique. Les lésions parenchymateuses diffuses, atteignant la quasi-totalité du cerveau mais épargnant la fosse postérieure, doivent faire évoquer des lésions par strangulation [1] . Le pronostic global de ces lésions intracrâniennes parenchymateuses est, dans l’ensemble, très péjoratif. Les lésions parenchymateuses constituées évoluent vers une atrophie parfois majeure (Fig. 16). Le diagnostic « du syndrome du bébé secoué » nécessite d’éliminer plusieurs diagnostics différentiels tels que la présence des troubles de l’hémostase, les suites d’un traumatisme obstétrical, une infection cérébroméningée, une déshydratation hypernatrémique et certaines maladies métaboliques comme
l’acidurie glutarique de type 1 et les anomalies du métabolisme du cuivre [21] . En particulier, le diagnostic de traumatisme crânien infligé est difficile à porter en période périnatale étant donné la fréquence des hémorragies sous-durales de la fosse postérieure à cette période. Ces collections sous-durales périnatales régressent en moins de trois semaines et sont asymptomatiques [31] . Un traumatisme accidentel n’est pas responsable de telles lésions diffuses et profondes, sauf éventuellement s’il s’agit d’un traumatisme majeur avec forte décélération (accident de la route ou chute d’une très grande hauteur) [1, 16] . Le contexte est donc évident. Le problème du saignement sous-dural favorisé par un trouble de résorption (hydrocéphalie externe) ne peut être
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Figure 16. Syndrome du bébé secoué. Enfant âgé de 5 mois, malaise avec arrêt cardiorespiratoire. A. Scanner initial, hématome sous-dural interhémisphérique récent marqué par une hyperdensité et épanchement sous-dural hypodense, hétérogène, bilatéral frontopariétal. Disparition des sillons cérébraux et du contraste entre substance blanche et substance grise, faisant suspecter des lésions anoxo-ischémiques parenchymateuses diffuses. B à E. Imagerie par résonance magnétique effectuée 24 heures plus tard. B, C. Séquence pondérée en diffusion, hypersignal étendu cortico-sous-cortical, frontopariétal (avec restriction du coefficient de diffusion) : lésion d’œdème cytotoxique. D, E. Séquence en T2*, confirmation de la présence de dépôts d’hémosidérine en hyposignal dans l’espace interhémisphérique et au sein des épanchements sous-duraux : il s’agit donc d’hématomes sous-duraux diffus dont les densités différentes au scanner évoquent leurs âges différents. F, G. Scanner effectué trois semaines plus tard : atrophie cérébrale majeure avec nécrose pariéto-occipito-temporale. Dilatation passive des ventricules et des sillons, et épanchement sous-dural liquidien passif, résiduel.
Diagnostic différentiel du syndrome de sévices à enfants
Lésions squelettiques
Fracture-arrachements métaphysaires – maladies métaboliques : scorbut, rachitisme, cuivre (Menkes) – ostéomyélite – syphilis congénitale – variante du normal – dysplasie métaphysaire – insensibilté congénitale à la douleur
Fractures diaphysaires
Lésions périostées
Fractures de côtes
Lésions viscérales
Lésions encéphaliques
– fragilité osseuse constitutionnelle
– variantes du normal – maladies métaboliques (scorbut, hypervitaminose A) – ostéomyélite – maladie de Caffey
– kinésithérapie respiratoire – réanimation cardiorespiratoire
– troubles de l'hémostase
– troubles de l'hémostase – traumatisme obstétrical – infection cérébroméningée – maladies métaboliques (acidurie glutarique type 1, cuivre) – trouble de résorption du liquide cérébrospinal (hydrocéphalie externe)
Figure 17.
Arbre décisionnel. Diagnostic différentiel du syndrome de sévices à enfant.
éventuellement discuté que lorsqu’il existe une macrocrânie préexistante, connue, attestée par la courbe de périmètre crânien. Un fond d’œil doit être pratiqué car nombre de ces enfants correspondent à d’authentiques enfants secoués [1, 3] . Les traumatismes médullaires sont probablement sous-estimés et la présence d’un hématome sous-dural au niveau rachidien a été rapporté [19, 32, 33] . Il est indispensable de pratiquer une étude complète du canal rachidien en cas de doute diagnostique et en cas de signe médullaire, à la recherche d’un hématome intracanalaire.
Conclusion L’importance de l’imagerie est majeure dans le syndrome de sévices à enfant (Fig. 17). La pertinence des examens radiologiques, leur qualité et la précision de l’interprétation sont des éléments fondamentaux du diagnostic. L’imagerie est déterminante pour établir le certificat descriptif nécessaire au signalement. La méconnaissance d’une fracture et/ou d’une lésion encéphalique peut avoir des conséquences dramatiques pour l’enfant.
Imagerie de la maltraitance chez l’enfant 31-045-A-10
Choisir des mots précis lors de la rédaction du compte rendu radiologique est essentiel. Il faut savoir clairement exprimer le diagnostic, accompagné de son degré de probabilité. Il est indispensable, en plus de la rédaction du compte rendu, de prendre attache directement avec le pédiatre en charge de l’enfant. Un dialogue clair et fluide est d’une aide précieuse et favorise un signalement précoce. La réitération des violences est habituelle et l’objectif premier de tout médecin est la protection de l’enfant.
“ Points essentiels Spécificité des signes radiologiques • Très spécifiques : ◦ fractures-arrachements métaphysaires ; ◦ fractures de côtes (arc postérieur+++) ; ◦ fractures d’une apophyse épineuse ; ◦ fractures du sternum et de l’omoplate (rares) ; ◦ fractures d’âges différents. • L’âge de prédilection des syndromes de maltraitance se situe avant l’âge de 8 mois et le pronostic dépend des lésions encéphaliques. • L’imagerie doit inclure, si l’enfant est âgé de moins de 2 ans, des radiographies du squelette, une imagerie cérébrale et une échographie abdominale. • La suspicion du diagnostic de maltraitance impose l’hospitalisation. • Les fractures-arrachements métaphysaires, les fractures de côtes, les fractures multiples, d’âges différents sont des éléments diagnostiques majeurs. • Les hématomes sous-duraux diffus, de localisation particulière (vertex, espace interhémisphérique, tente du cervelet) sont très évocateurs de lésions provoquées par des secousses violentes et volontaires. La présence d’hémorragies rétiniennes, très fréquemment associées, étaye le diagnostic. • La datation des lésions squelettiques et/ou encéphaliques est difficile et inutile au moment du diagnostic.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
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Rachitismes J. Bacchetta Les rachitismes correspondent à des anomalies de minéralisation sur l’os d’un squelette en croissance, par opposition à l’ostéomalacie, anomalie de la minéralisation d’un os adulte. Les étiologies en sont multiples : rachitisme carentiel, rachitisme par anomalie génétique de la vitamine D (mutation de la 1␣-hydroxylase [CYP27B1] ou mutation du récepteur de la vitamine D [VDR]), rachitisme hypophosphatémique (par dérégulation de la voie du fibroblast growth factor 23 [FGF23]). L’objectif de cette mise au point est de rappeler les principales caractéristiques cliniques et biologiques permettant de différencier ces différentes formes de rachitisme, avant de développer leurs principes de prise en charge. Dans un futur proche, la vision thérapeutique du rachitisme hypophosphatémique sera probablement bouleversée par l’avènement des anticorps anti-FGF23, en cours d’évaluation dans des essais internationaux de phase III. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Rachitisme carentiel ; Rachitisme vitaminorésistant ; Rachitisme hypophosphatémique ; Vitamine D ; FGF23
Plan ■
Introduction
1
■
Rappels de physiologie phosphocalcique Vitamine D Parathormone « Fibroblast growth factor 23 »
1 1 2 3
■
Recommandations de supplémentation en vitamine D chez l’enfant entre 0 et 18 ans en France
3
■
Rachitisme carentiel, conséquence de la carence en vitamine D
4
■
Rachitismes par anomalies du métabolisme de la vitamine D
5
■
Rachitismes hypophosphatémiques (RH)
6
■
Rachitismes iatrogènes
6
■
Conclusion et perspectives
7
dérégulation de la voie du fibroblast growth factor 23 [FGF23]). L’objectif de cette mise au point est de rappeler les principales caractéristiques cliniques et biologiques permettant de différencier les différentes formes de rachitisme, avant de développer leurs principes de prise en charge.
Rappels de physiologie phosphocalcique Globalement, trois hormones sont impliquées (vitamine D, parathormone et binôme FGF23/Klotho), trois organes sont centraux (l’intestin, le rein et l’os), et trois ions sont régulés (calcium, phosphore et magnésium). Un schéma intégratif de la physiologie phosphocalcique telle que connue en 2015 est proposé (Fig. 1).
Vitamine D
Introduction Les rachitismes correspondent à des anomalies de minéralisation osseuses d’un squelette en croissance, par opposition à l’ostéomalacie, anomalie de la minéralisation d’un os adulte. La carence en vitamine D, qui était une cause majeure de rachitisme il y a quelques décennies et qu’on essayait de prévenir par l’administration hebdomadaire d’huile de foie de morue, est actuellement exceptionnelle du fait de la supplémentation systématique en vitamine D des nouveau-nés. Néanmoins, nous avons observé récemment dans le service une recrudescence de cas de rachitismes carentiels par non-prescription ou mal-prescription de la vitamine D chez les nourrissons. Les étiologies des rachitismes sont diverses : rachitisme carentiel, rachitisme par anomalie génétique de la vitamine D (mutation de la 1␣-hydroxylase [CYP27B1] ou mutation du récepteur de la vitamine D [VDR]), rachitisme hypophosphatémique (RH) (par
Hormone synthétisée dans l’organisme humain sous l’action de certains rayonnements ultraviolets et malheureusement peu retrouvée dans l’alimentation (à l’exception des poissons gras), la vitamine D joue un rôle majeur dans la croissance et la qualité osseuse. C’est en effet une hormone liposoluble dont la biosynthèse commence au niveau cutané sous l’effet du rayonnement ultraviolet, et se termine au niveau rénal par l’hydroxylation en 1, après plusieurs étapes successives. La vitamine D existe sous deux formes principales : la forme de stockage (25 OH vitamine D3 ou calcidiol) et la forme active (1,25 OH2 vitamine D3 ou calcitriol). La 1,25 OH2 vitamine D3 est une hormone stéroïde et, à ce titre, elle agit donc comme tel au niveau cellulaire, avec une liaison initiale cytoplasmique au VDR qui appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires, et qui va ensuite transloquer dans le noyau de la cellule et se fixer sur une séquence RXR. L’hétérodimère ainsi formé va se fixer sur le vitamin D responsive element (VDRE), et ainsi déclencher l’expression ou la répression des gènes cibles contrôlés par la vitamine D [1] .
4-008-A-10 Rachitismes
Le rôle « historique » et classiquement décrit de la vitamine D est son rôle dans l’homéostasie phosphocalcique, avec la stimulation de l’absorption intestinale de calcium et de phosphore (permettant ainsi de maintenir un état de normocalcémie nécessaire pour une minéralisation osseuse adéquate), la stimulation de la réabsorption tubulaire de calcium et l’inhibition de la synthèse de parathormone (PTH), hormone hypercalcémiante et phosphaturiante, comme résumé sur la Figure 2. En pratique clinique, dans une série de 675 cadavres adultes, il a été montré une prévalence relativement importante d’anomalies de la minéralisation osseuse (36 %), qui étaient uniquement retrouvées chez les patients avec une 25 OH vitamine D circulante inférieure à 30 ng/ml (soit 75 nmol/l) [2] . À l’inverse, lorsque la concentration sérique en 25 OH vitamine D excède 200 ng/ml, ce qui est exceptionnel en pratique courante, les effets toxiques de la vitamine D peuvent alors théoriquement s’observer, tout particulièrement l’hypercalcémie et l’hyperphosphatémie. Depuis le début des années 2000, la connaissance de la physiologie de la vitamine D a considérablement progressé au-delà du métabolisme osseux suggérant, pour cette hormone, un effet sur la santé globale, avec notamment la description d’un rôle anti-infectieux, anti-inflammatoire, antitumoral et protecteur
1,25 vitamine D
Phosphore
Calcium
FGF23
PTH
Figure 1. Schéma intégratif du métabolisme phosphocalcique (flèches rouges correspondant à un effet stimulant, et flèches vertes correspondant à un effet inhibiteur). PTH : parathormone ; FGF23 : fibroblast growth factor 23.
PTH
cardiovasculaire dans des modèles expérimentaux et dans des études épidémiologiques [3] . Jusqu’à une époque récente, la réplétion en 25 OH vitamine D était définie comme la concentration minimale qui permettait de prévenir la survenue des rachitismes carentiels chez l’enfant et des ostéomalacies chez l’adulte, soit environ 8 ng/ml (20 nmol/l). Même si la réalité des effets globaux de la vitamine D n’est pas encore prouvée de manière indiscutable, de plus en plus d’études épidémiologiques ont montré la très grande fréquence du déficit en vitamine D dans la population générale, même s’il n’existe en 2015 aucun consensus (ni à l’échelon national ni à l’échelon international) sur le seuil de vitamine D reconnu comme étant associé à un déficit (la plupart des experts s’accordant néanmoins sur un seuil entre 50 et 75 nmol/l, soit un seuil entre 20 et 30 ng/ml pour la limite inférieure) ; pour la limite supérieure, il y a encore moins de consensus, mais l’existence d’études montrant une courbe en U entre 25 OH vitamine D circulante et mortalité suggère une limite supérieure entre 120 et 150 nmol/l [4] .
Parathormone La PTH est un peptide de 84 acides aminés d’un poids moléculaire de 9500 daltons codé par un gène situé sur le bras court du chromosome 11, très conservé au cours de l’évolution et synthétisé par la cellule parathyroïdienne. L’hormone mature (PTH 1-84) est stockée dans deux types de granules de sécrétion : le premier contenant uniquement la PTH totale (1-84) et le second contenant la PTH et des cathepsines, qui vont cliver la PTH 184 en PTH 37-84 et en un mélange de fragments N-terminaux. La production de la PTH 1-84 est régulée à plusieurs niveaux. La régulation transcriptionnelle de la PTH est assurée par le calcitriol, avec une diminution de l’expression de l’acide ribonucléique messager (ARNm) de la PTH [5] . La calcémie régule la sécrétion de PTH via le récepteur du calcium (CaR) de la cellule parathyroïdienne. Ce CaR régule négativement la PTH 1-84 en fonction de la calcémie : en effet, l’augmentation du calcium intracellulaire entraîne l’inhibition de la sécrétion de PTH 1-84 et l’augmentation des fragments Ntronqués de la PTH, alors qu’en situation d’hypocalcémie, le mécanisme est inversé, avec une augmentation relative de la PTH 1-84 par rapport aux fragments C-terminaux. La calcémie pourrait agir indépendamment de son récepteur en modulant l’activité cathepsine des granules de type 2, donnant lieu à la production de fragments courts de PTH. L’hypocalcémie induit également un contrôle transcriptionnel de la PTH en augmentant sa quantité d’ARNm. La calcémie apparaît donc comme un régulateur majeur de la sécrétion de PTH 1-84 mais aussi des fragments dérivés de PTH. La phosphatémie est également un régulateur post-transcriptionnel de la sécrétion de PTH : en situation d’hyperphosphatémie, l’ARNm de la PTH est stabilisé. La magnésémie modifie également la sécrétion de PTH, avec une Figure 2. Vitamine D et homéostasie phosphocalcique. PTH : parathormone ; hormone hypercalcémiante et phosphaturiante ; FGF23 : fibroblast growth factor 23, hormone phosphaturiante ; + : stimulation ; – : inhibition ; ± : effet mixte.
FGF 23
+
–
1α-hydroxylase rénale 25 OH vitamine D3 Calcidiol, forme de stockage + Intestin Absorption de 20 % du calcium et de 60 % du phosphore alimentaires
+
1,25 OH2 vitamine D3 Calcitriol, forme active
+ Rein Réabsorption tubulaire distale de calcium et tubulaire proximale de phosphore
– Parathyroïde Inhibition de la PTH
± Os Stimulation du FGF 23 Homéostasie osseuse (maintien d'une calcémie et d'une phosphatémie efficaces) Stimulation ostéoblaste Inhibition Différenciation ostéoclaste
Rachitismes 4-008-A-10
intensité moindre. Le magnésium extracellulaire est un agoniste faible du CaR. L’hypermagnésémie réduit la sécrétion de PTH. En cas d’hypomagnésémie modérée, la PTH augmente. En revanche, si l’hypomagnésémie est sévère, la sécrétion de PTH est inhibée. L’association hypomagnésémie et hypocalcémie inhibe paradoxalement la sécrétion de PTH, expliquant des situations cliniques d’hypocalcémie réfractaire, malgré de fortes doses de calcium intraveineux [6] . La PTH est dégradée dans le foie et dans les tubules rénaux. Les quatre principales actions de la PTH sont les suivantes : hypophosphatémie par baisse de la réabsorption tubulaire des phosphates, hypercalcémie par augmentation de la réabsorption tubulaire distale du calcium, stimulation de la synthèse rénale de 1,25 OH2 D, et stimulation de la synthèse du FGF23.
Tableau 1. Recommandations 2012 de supplémentation en vitamine D chez l’enfant et l’adolescent selon le comité de nutrition de la Société franc¸aise de pédiatrie. En l’absence de facteur de risque
« Fibroblast growth factor 23 » Le FGF23 (gène situé en 12p13) est une protéine de 251 acides aminés (30 kDa) appartenant à la famille des FGFs (fibroblast growth factors), dans le sous-groupe des FGFs dits « endocrines » (FGF 19 et assimilés). Il partage avec tous les FGFs une séquence hautement conservée sur les premiers acides aminés ; en revanche, il possède une structure C-terminale unique. Par ailleurs, ses propriétés conformationnelles différentes des autres FGFs (pont disulfide et structure  plissée notamment) expliquent son mode d’action unique, systémique, alors que les autres membres de la famille des FGFs (à l’exception des FGFs endocrines) ont une action locale. Le FGF23 peut circuler sous forme active ou inactive : son clivage au niveau de l’acide aminé 180 (séquence RXXR) permet d’obtenir la forme inactive [7] . Le FGF23 est synthétisé par les ostéocytes et dans une moindre mesure par les ostéoblastes et les odontoblastes, avec trois actions principales au niveau de la cellule tubulaire proximale rénale : inhibition de la 1␣-hydroxylase, stimulation de la synthèse de la 24-hydroxylase et inhibition de l’expression membranaire apicale des cotransporteurs Npt2a/Npt2c, ce qui entraîne à la fois une diminution de la 1,25 OH2 vitamine D3 et une diminution de la réabsorption tubulaire des phosphates. Le FGF23 agit également au niveau de la parathyroïde, avec deux actions principales : inhibition de la synthèse de PTH et stimulation locale de la 1␣-hydroxylase, ce qui augmente localement la 1,25 OH2 vitamine D3 et pourrait donc accentuer localement l’effet inhibiteur sur la synthèse de PTH [8] . En revanche, le rôle exact du FGF23 au niveau de l’os reste à déterminer puisque les données issues de la recherche fondamentale et de la recherche clinique peuvent sembler contradictoires. Le FGF23 in vitro semble en effet inhiber la différenciation ostéoblastique et la minéralisation, alors que chez 49 enfants en dialyse péritonéale, il a été bien montré une association positive entre concentrations sériques de FGF23 et meilleurs indices de minéralisation sur la biopsie osseuse [9] . Si au départ, la théorie principale était que l’os régulait le métabolisme rénal du phosphore, en revanche en 2015, il semble plus que la communication entre os et rein se fait dans les deux sens, avec une augmentation très précoce de l’expression du FGF23 par les ostéocytes des patients insuffisants rénaux par exemple, avant même que la phosphatémie ne soit modifiée [10] . De nombreux facteurs sont impliqués dans la régulation de la synthèse du FGF23, notamment la calcémie et la phosphatémie. Il existe également un rétrocontrôle positif de la 1,25 OH2 vitamine D3 et de la PTH sur le FGF23 [11] .
Recommandations de supplémentation en vitamine D chez l’enfant entre 0 et 18 ans en France En France, plusieurs études ont en effet bien montré un déficit en vitamine D dans des populations franc¸aises d’adolescents sains, avec un déficit majoré en fin de puberté [12, 13] . La qualité de la croissance et de la minéralisation osseuses pendant l’enfance
En présence d’un ou de plusieurs facteurs de risque a
Femme enceinte
Dose de charge unique de 80–100 000 unités au début du 7e mois de grossesse
Nourrisson allaité
1000 à 1200 unités par jour
Enfant de moins de 18 mois recevant un lait enrichi en vitamine D
600 à 800 unités par jour
Enfant de moins de 18 mois recevant un lait de vache non enrichi en vitamine D
1000 à 1200 unités par jour
Enfant de 18 mois à 5 ans
2 doses de charge de 80 à 100 000 unités en hiver (novembre et février) b
Dose de charge trimestrielle
Enfant de 5 à 10 ans
Pas de supplémentation
2 doses de charge de 80 à 100 000 unités en hiver (novembre et février) b
Adolescent de 10 à 18 ans
2 doses de charge de 80 à 100 000 unités en hiver (novembre et février) b
Dose de charge trimestrielle
a
Sont considérés comme facteurs de risque les facteurs suivants : forte pigmentation cutanée, absence d’exposition au soleil estival, affection dermatologique empêchant l’exposition solaire, port de vêtements très couvrants en période estivale, malabsorption digestive, cholestase, insuffisance rénale, syndrome néphrotique, certains traitements (et notamment rifampicine, phénobarbital, phénytoïne), obésité, régime aberrant (végétalisme). b Ou une ampoule de 200 000 unités.
a un rôle important sur l’état squelettique à l’âge adulte ; en effet, 90 % de la masse osseuse définitive se constitue au cours des 20 premières années de vie. De nombreux facteurs, notamment génétiques et environnementaux (par exemple nutrition, activité physique et facteurs hormonaux), sont impliqués dans la constitution du capital osseux, mais une des phases critiques de l’acquisition de la masse osseuse est représentée par l’adolescence, 25 % du capital osseux final étant en effet acquis sur deux ans. C’est dire l’importance de l’optimisation des facteurs environnementaux lors de cette période, une augmentation du pic de masse osseuse décalant en effet la survenue de l’ostéoporose de 13 ans et diminuant le risque fracturaire après la ménopause de 50 %. Il existe également une « programmation » périnatale de la minéralisation osseuse, avec un rôle important des facteurs maternels (déficit en vitamine D, tabagisme) et fœtaux (retard de croissance). Il en découle donc les schémas de supplémentation en vitamine D chez les enfants et adolescents sains qui ont été rappelés dans les recommandations 2012 du comité de nutrition de la Société franc¸aise de pédiatrie (http://sf-pediatrie.com/sites/ default/files/pdf/RECOMMANDATIONS DE LA SFP/Reco VIT D VersionFR VF.pdf) (Tableau 1), avec une supplémentation certes chez les nourrissons de moins de 18 ans (ce qui est en général fait en pratique), mais également systématiquement chez les 18 mois à 5 ans et chez les 10 à 18 ans [14] . Dans cette dernière tranche d’âge, l’expérience montre que la supplémentation est exceptionnellement prescrite. Même si les rachitismes carentiels sont exceptionnels à l’adolescence, ils existent néanmoins encore : 41 cas en cinq ans dans plusieurs hôpitaux franc¸ais, essentiellement chez des adolescentes à forte pigmentation cutanée et/ou porteuses de vêtements très couvrants [12] . À ces
4-008-A-10 Rachitismes
recommandations en population générale s’ajoutent les recommandations spécifiques pour les patients souffrant de maladie chronique, et notamment de pathologies osseuses, de pathologies inflammatoires digestives ou d’insuffisance rénale, spécialité par spécialité. En pratique, les apports en vitamine D peuvent être de deux types : les apports endogènes (biotransformation cutanée du déhydrocholestérol sous l’effet des ultraviolets B entre 290 et 315 nm, variable selon le type de pigmentation, la latitude, la période de la journée, la saison, les conditions météorologiques, les vêtements et la photoprotection) et les apports exogènes (nourriture, supplémentation médicamenteuse ou alimentaire). Chez les humains, environ 80 % de la vitamine D provient de la biosynthèse cutanée, mais dans tous les cas, lors de la consultation, il faut tenir compte du contexte général de l’enfant, et des apports en vitamine D dans son alimentation, avant de prescrire ou non une supplémentation médicamenteuse [15] . En termes de supplémentation médicamenteuse, la vitamine D peut être de forme D2 ou D3 , mais la forme D2 (ergocalciférol) est d’origine végétale alors que la forme D3 (cholécalciférol) est d’origine animale, ce qui explique au moins partiellement qu’en cas de supplémentation quotidienne on puisse donner indifféremment des suppléments D2 ou D3 , alors qu’en cas de supplémentation mensuelle ou trimestrielle, on préférera une supplémentation en D3 du fait d’une demi-vie plus longue de la vitamine D3 . À ces recommandations de supplémentation en vitamine D native, le Programme national nutrition santé (PNSS 2004) s’est aussi intéressé aux apports en vitamine D (http://www.inpes. sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/779.pdf) : pour tous les enfants de plus de 3 ans et les adolescents, les apports nutritionnels conseillés en vitamine D sont de 5 g par jour, avec les conseils diététiques suivants : consommer au moins deux fois par semaine du poisson (en privilégiant les poissons gras, apportant entre 3 et 20 g de vitamine D pour 100 mg), consommer des produits enrichis en vitamine D (par exemple certains laits et produits laitiers de consommation courante, certaines huiles végétales), et s’exposer régulièrement mais raisonnablement au rayonnement solaire (15 à 30 minutes par jour, avec une photoprotection nécessaire lors des situations de fort ensoleillement), dans un contexte où l’étude Individuelle nationale sur les consommations alimentaires (INCA 2) a bien montré une diminution de 11 % de la consommation de produits laitiers chez les enfants franc¸ais de 3 à 14 ans entre 1999 et 2007, avec des apports calciques cependant stables dans la tranche 15 à 17 ans. Peu d’aliments sont naturellement riches en vitamine D : c’est le cas des poissons gras (saumon, morue, maquereau, sardine, etc.), mais certains aliments sont enrichis en vitamine D, et ce d’autant plus depuis la circulaire du 11 octobre 2001 autorisant la supplémentation en vitamine D dans les laits et produits laitiers
frais de consommation courante (Journal officiel de la République franc¸aise du 19 octobre 2001). En ce qui concerne les préparations lactées pour nourrissons, l’arrêté plus ancien du 13 février 1992 autorise l’adjonction de vitamine D dans ces produits. À ces conseils s’ajoutent également la nécessité d’apports calciques suffisants et la promotion d’une activité physique régulière, les deux étant nécessaires pour optimiser le pic de masse osseuse et ainsi limiter le risque de fractures sur le très long terme. L’Académie américaine de pédiatrie a pour sa part publié en 2008 des recommandations d’apports journaliers d’au moins 400 UI par jour chez les enfants sains, y compris les adolescents, en insistant sur les groupes à risque de carence vitaminique D : enfants avec peau pigmentée, anciens prématurés, enfants nés de mères déficitaires en vitamine D, enfants en allaitement maternel exclusif et enfants vivant sous des latitudes élevées. En parallèle, la limite supérieure d’apports quotidiens en vitamine D a été fixée par les instances américaines (Food and Nutrition Board) à 2000 UI [16] .
Rachitisme carentiel, conséquence de la carence en vitamine D Le rachitisme est une pathologie du squelette de l’enfant en croissance, marquée par un défaut de minéralisation du tissu préosseux nouvellement formé. Depuis la supplémentation systématique des nourrissons en vitamine D, la prévalence du rachitisme carentiel a considérablement diminué en France mais n’est pas nulle, du fait de défauts d’observance et d’éducation [14] . Cliniquement, le rachitisme peut se révéler par une hypocalcémie aiguë (convulsions, laryngospasme, troubles digestifs chez le petit nourrisson, et hyperexcitabilité neuromusculaire avec la « main d’accoucheur », des réflexes vifs, et un allongement du QT sur l’électrocardiogramme chez l’enfant plus grand), par des signes squelettiques (craniotabès, retard de fermeture des fontanelles, chapelet costal à la jonction chondrocostale antérieure, nouures épiphysaires, et déformations osseuses de type genu varum). Il peut également y avoir un retard d’éruption dentaire. D’un point de vue radiologique, la radiographie du poignet (± membres inférieurs) suffit le plus souvent, avec une atteinte métaphysaire (élargissement, aspect en toit de pagode, spicules latéraux et bourrelets métaphysaires), une atteinte épiphysaire (retard d’apparition des noyaux d’ossification), un amincissement cortical, des stries de Looser-Milkman et une déminéralisation osseuse globale (Fig. 3). Sur une radiographie thoracique, on retrouvera un chapelet costal en bouchon de champagne et des déformations osseuses. Il peut y avoir des fractures associées. Figure 3. Rachitisme carentiel au moment du diagnostic (A) et trois mois après le début du traitement (B) chez un jeune garc¸on de 7 ans.
A
B
Rachitismes 4-008-A-10
Tableau 2. Caractéristiques biologiques des différents rachitismes. Rachitisme carentiel
Rachitisme par mutation de la 1␣-hydroxylase
Rachitisme par mutation du VDR
Rachitisme hypophosphatémique
Calcémie
Normale ou diminuée
Diminuée
Diminuée
Normale
Phosphatémie
Normale ou diminuée
Diminuée
Diminuée
Diminuée
Phosphatases alcalines
Augmentées
Augmentées
Augmentées
Augmentées
Parathormone
Augmentée
Augmentée
Augmentée
Normale
25 OH vitamine D
Diminuée
Normale
Normale
Normale
1,25 OH2 vitamine D
Diminuée, parfois augmentée
Diminuée
Augmentée
Normale
VDR : récepteur de la vitamine D.
A
B
Figure 4. Rachitisme par mutation du récepteur de la vitamine D (VDR), caractérisé cliniquement par une alopécie (A), et par une atteinte osseuse sévère avec nombreuses fractures (B).
En cas de rachitisme carentiel avéré, en l’absence d’hypocalcémie, on peut proposer de la 25 OH vitamine D à doses plus importantes qu’en prophylaxie, soit 1500 à 3000 UI par jour pendant six à huit semaines, puis 300 à 400 UI par jour ; en cas d’hypocalcémie, on traitera d’abord quelques jours l’hypocalcémie avant d’introduire la vitamine D comme précédemment décrit, pour ne pas avec la vitamine D inhiber la PTH et donc diminuer d’autant plus la calcémie en phase précoce de traitement. La Figure 3 représente l’évolution radiologique d’un rachitisme carentiel après trois mois de traitement adapté. Il est important de savoir qu’il existe des rachitismes non carentiels, constituant ses diagnostics différentiels, et qu’il faut savoir les reconnaître pour demander un avis spécialisé en néphrologie et/ou endocrinologie pédiatrique [17] . Les diagnostics différentiels principaux du rachitisme carentiel et leurs caractéristiques biologiques permettant de différencier ces différentes pathologies sont ainsi résumés dans le Tableau 2. Le RH fait ainsi partie de la famille des rachitismes vitaminorésistants, avec les rachitismes par anomalie du métabolisme de la vitamine D (vitamin D dependent rickets, VDDR). Au contraire de ces derniers, très homogènes génétiquement (VDDR 1 et mutation de la 1␣-hydroxylase, VDDR 2 et mutation du VDR), les RH sont très hétérogènes, et l’ensemble de la boucle de régulation de l’axe os/rein (FGF23, Klotho et leurs régulateurs) peut être atteint.
Rachitismes par anomalies du métabolisme de la vitamine D Le rachitisme vitaminorésistant par mutation du VDR, également appelé pseudocarentiel de type 2, est une pathologie rare (moins de 20 cas connus en France), et est principalement observé parmi les populations du pourtour méditerranéen. La maladie est reconnue assez tôt dans la vie, en général entre 6 mois et 3 ans, soit par des convulsions hypocalcémiques, soit par l’apparition d’un retard de croissance et de déformations osseuses des membres souvent très importantes. Un trait caractéristique est l’alopécie totale ou partielle, souvent associé aux formes les plus sévères (Fig. 4). Sur le plan biologique, on retrouve une hypocalcémie et une hypophosphatémie. La 1,25 OH2 vitamine D3 est très élevée, tout comme la PTH et les phosphatases alcalines (PAL) [18] . Noter que le même phénotype clinicobiologique doit aussi faire évoquer un rachitisme de type VDDR 1, par mutation de la 1␣hydroxylase ; néanmoins, dans ce cas, il n’y a pas d’alopécie et la 1,25 OH2 vitamine D3 est logiquement très basse, puisque l’anomalie génétique se situe en amont de la forme de vitamine D [17] . L’administration d’une dose unique de vitamine D s’avère totalement inefficace, et la résistance au traitement par vitamine D orale est variable. Depuis la démonstration par Balsan et al. en
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Tableau 3. Hétérogénéité génétique des rachitismes hypophosphatémiques (RH). RH lié à l’X
Mutation inhibitrice de PHEX Mutation de ClCN5
RH autosomique dominant
Mutation activatrice de FGF23
RH autosomique récessif
Mutation inhibitrice de DMP1 Mutation inhibitrice de ENPP1
Autres formes
Avec hypercalciurie : mutation inhibitrice de Npt2c Translocation activatrice de Klotho
PHEX : phosphate-regulating gene with homologies to endopeptidase on the X chromosome ; ClCN5 : canal chlore voltage-dépendant ; FGF23 : fibroblast growth factor 23 ; DMP1 : dentin matrix protein 1 ; ENPP1 : ecto-nucleotide pyrophosphatase/phosphodiesterase 1 ; Npt2c : cotransporteur sodium/phosphate type 2c.
1986 de l’efficacité du calcium parentéral [19] , la prise en charge des rachitismes par mutation du VDR repose sur une charge orale de vitamine D pour éliminer un déficit en vitamine D potentiellement associé, puis un apport de fortes doses de 25 OH vitamine D3 en augmentant la posologie par paliers tous les 15 jours, en association avec un apport oral de calcium (2 à 4 g/j). En cas d’inefficacité de ce traitement au bout de trois mois, ou si le diagnostic génétique suggère une forme très résistante au traitement, des perfusions calciques sur voie veineuse centrale, une supplémentation en 1,25 OH2 vitamine D3 à doses supraphysiologiques et une supplémentation en ergocalciférol seront mises en place, tant que les PAL et la PTH ne sont pas normalisées, ce qui peut prendre plusieurs mois. Le contrôle de la calciurie sera régulièrement réalisé, pour éviter les hypercalciuries par excès de traitement quand toutes les anomalies osseuses seront corrigées. Une fois les PAL normalisées, un relais oral de la supplémentation calcique peut être tenté, tout en maintenant l’apport de vitamines D au même niveau.
Rachitismes hypophosphatémiques (RH) Le RH est une maladie orpheline, atteignant un enfant sur 20 000 [20, 21] . Le diagnostic est en général évoqué à l’âge de la marche, devant l’apparition progressive d’une déformation des membres inférieurs et d’un retard de croissance. D’autres signes cliniques peuvent apparaître lorsque le diagnostic est plus tardif : anomalies d’éruption dentaire, abcès dentaires sans carie, et de manière exceptionnelle stigmates d’hypophosphatémie chronique (encéphalopathie, myopathie, cardiomyopathie). Comme il n’y a pas d’hypocalcémie, les enfants ne convulsent pas. Les atteintes osseuses de la maladie rénale chronique et des tubulopathies complexes, ainsi que les tumeurs sécrétant des phosphatonines (tumor induced osteomalacia, TIO), sont également des diagnostics différentiels des RH. La plupart des RH sont expliqués par des mutations des facteurs régulant l’axe os/rein, et principalement PHEX et FGF23 (Tableau 3) [22, 23] . Il importe de connaître les grands principes de régulation de la phosphorémie, de même que les grands cadres étiologiques des hypophosphorémies de l’enfant. Le traitement du RH, uniquement symptomatique pour l’instant, a pour objectif d’assurer une croissance optimale et de limiter les douleurs et déformations osseuses. Il associe une vitaminothérapie (dérivés actifs de la vitamine D) et une supplémentation phosphatée en plusieurs prises par jour (4 prises quotidiennes chez le très jeune enfant du fait de la demi-vie très courte du phosphore, avec une diminution progressive jusqu’à 2 prises quotidiennes chez l’adolescent), comme résumé dans le Tableau 4[24, 25] . À l’adolescence, les besoins phosphatés vont baisser progressivement, alors que la posologie en dérivé actif de la vitamine D augmentera progressivement. À l’âge adulte, le traitement ne sera poursuivi que si le patient est symptomatique ; néanmoins le patient devra être informé de la nécessité d’une consultation
Tableau 4. Posologies des traitements en fonction de l’âge dans les rachitismes hypophosphatémiques. Début du traitement
Enfant
Adolescent Adulte
1␣ (gouttes/jour) 10
10–15
20–35
5–15
Phosphore (mg/kg/j)
30–50
50–70
20–40
10–30
Vitamine D
À tout âge supplémentation tous les 3 mois, cible de 25 OH vitamine D entre 75 et 120 nmol/l
rapide en cas d’apparition d’une asthénie, d’une dépression ou de douleurs osseuses [25] . En cas de besoin, un suivi orthopédique sera également mis en place. Un traitement par hormone de croissance (rhGH) peut être utile, et ce d’autant que certains patients avec RH avec des polymorphismes particuliers du VDR ont à la fois une croissance staturale plus faible que les autres patients avec RH, et une tendance à aggraver leur hypercalciurie à la moindre tentative d’augmentation des analogues actifs de la vitamine D [26] . Même si la prescription de rhGH dans ce contexte se fait encore hors autorisation de mise sur le marché en France, les résultats de plusieurs études européennes montrent son efficacité et sa sécurité [27] . Au niveau clinique, la surveillance s’attachera à surveiller la croissance, la correction de la déformation des membres inférieurs (en mesurant à chaque consultation la distance intercondylienne ou la distance intermalléolaire), l’apparition de céphalées ou de modifications du couloir du périmètre crânien (devant faire redouter les exceptionnelles malformations de Chiari et craniosténoses associées aux RH). La surveillance paraclinique (biologie et échographie rénale) doit être régulière du fait du risque de néphrocalcinose et d’hyperparathyroïdie iatrogènes. Pour ce faire, la calcémie, la phosphatémie, la parathormonémie, les phosphatases alcalines, la 25 OH vitamine D et la calciurie seront régulièrement dosées. La cible de phosphatémie doit être au maximum la valeur normale basse pour l’âge (Tableau 5), et celle des phosphatases alcalines la valeur normale haute selon les normes du laboratoire. Les valeurs normales du bilan phosphocalcique urinaire de l’enfant sont rappelées dans le Tableau 6. La prise en charge du RH va probablement être amenée à être complètement modifiée dans un futur proche, avec l’avènement des anticorps anti-FGF23 qui sont en cours d’évaluation dans des essais cliniques internationaux, et qui ont montré des résultats extrêmement prometteurs dans les modèles murins et les premières études pharmacocinétiques cliniques [28] . Il semble exister une corrélation génotype/phénotype dans les RH, avec des formes autosomiques dominantes moins sévères, permettant en général d’arrêter le traitement en fin de croissance. Le problème principal est celui de la taille finale ; une thèse lyonnaise reprenant de manière rétrospective 42 patients atteints de RH retrouvait une taille inférieure à -2DS chez 30 % des patients. Les deux complications possibles du traitement sont la néphrocalcinose et l’hyperparathyroïdie. La néphrocalcinose atteint jusqu’à 50 % des patients, d’autant plus que la posologie moyenne quotidienne en vitamine D et phosphore est élevée ; cependant, avec un contrôle régulier des paramètres biologiques, la proportion des patients présentant une néphrocalcinose est actuellement plus faible. En cas de néphrocalcinose avérée, un traitement par thiazidiques peut être proposé. L’hyperparathyroïdie secondaire est décrite chez 20 à 25 % des patients, l’intérêt des calcimimétiques (cinacalcet) dans cette indication est de plus en plus rapporté [29] .
Rachitismes iatrogènes Certains médicaments, induisant une hypocalcémie, soit par inhibition de la production de vitamine D (écrans solaires
Rachitismes 4-008-A-10
Tableau 5. Valeurs normales phosphocalciques en fonction de l’âge en pédiatrie. Âge
Phosphatémie (mmol/l)
Calcémie totale (mmol/l)
PTH (ng/l)
1,25 OH2 vitamine D (pmol/l)
j0–j7
1,15–2,50
1,80–2,75
10–46
100–225
< 3 mois
1,55–2,39
2,20–2,83
10–46
100–225
3 mois–1 an
1,55–2,20
2,20–2,70
10–46
1–5 ans
1,49–2,10
2,35–2,70
10–46
6–12 ans
1,16–1,87
2,35–2,57
10–46
13–20 ans
0,74–1,45
2,20–2,55
10–46
Adulte
0,85–1,50
2,25–2,60
10–46
50–150
PTH : parathormone.
Tableau 6. Valeurs normales des marqueurs phosphocalciques urinaires en pédiatrie (en gardant en mémoire que le seuil de cristallisation correspond à une calciurie supérieure à 3,8 mmol/l). Âge
< 6 mois 7–12 mois 1–2 ans 3–5 ans > 5 ans
Calcium/créatinine (mmol/mmol)
< 2,4
< 1,7
< 1,1
< 1,1
“ Points essentiels • Le rachitisme carentiel n’a pas disparu en France en 2015. Sa meilleure prévention consiste à respecter les recommandations de supplémentation publiées en 2012 par le comité de nutrition de la Société franc¸aise de pédiatrie chez l’enfant de 0 à 18 ans. • Les rachitismes génétiques (par anomalies du métabolisme de la vitamine D ou par anomalies du métabolisme du phosphore) sont des pathologies rares, qui doivent toujours être évoquées si le tableau clinicobiologique n’est pas typique d’un rachitisme carentiel et/ou s’il persiste des anomalies après correction de la carence en vitamine D. • Les rachitismes hypophosphatémiques sont secondaires à une diminution de l’expression rénale des cotransporteurs sodium/phosphore permettant la réabsorption tubulaire proximale du phosphore (mutation du facteur phosphaturiant FGF23, de ses régulateurs d’amont ou de son effecteur d’aval) ; le traitement en est pour l’instant symptomatique (supplémentation orale en phosphore et dérivés actifs de la vitamine D), mais dans un futur proche, les anticorps anti-FGF23 vont probablement révolutionner la prise en charge de cette pathologie.
< 0,7
totaux), soit par inhibition de l’absorption intestinale de calcium (cholestyramine), soit par induction du catabolisme de la vitamine D (antiépileptiques de type phénytoïne et carbamazépine), peuvent expliquer des tableaux de rachitisme a minima. De même, les médicaments hypophosphatémiants par inhibition de l’absorption intestinale de phosphore (anti-acides à base de sels d’aluminium) ou par défaut de réabsorption tubulaire des phosphates (cadmium, ifosfamide, oxyde ferreux voie intraveineuse, antiviraux) et les médicaments ayant un effet direct sur la minéralisation osseuse (aluminium, dérivés fluorés, bisphosphonates) peuvent également induire des troubles de la minéralisation.
Conclusion et perspectives La vitamine D a des effets pléiotropes, à la fois locaux et systémiques. Son rôle bénéfique sur l’os, les fonctions immunitaires, le statut cardiovasculaire et sur le couple mère/fœtus, dans un contexte de « pandémie » de déficit en vitamine D, renforce le besoin de respecter les recommandations de supplémentation, en gardant néanmoins à l’esprit que, comme toujours, le « trop » pourrait être aussi délétère que le « trop peu », et nécessitant de vérifier avant sa prescription l’absence de contreindications, et notamment un antécédent personnel ou familial d’hypercalcémie, de néphrocalcinose ou de lithiase. Des mutations dans le gène de la 24-hydroxylase, l’enzyme qui convertit la forme active de vitamine D en forme inactive de vitamine D, ont été récemment décrites, qui induisent donc en cas de mutation inhibitrice une accumulation de 1,25 OH2 vitamine D, une hypercalcémie et une hypercalciurie (responsable de néphrocalcinose) [30] . Le rachitisme carentiel, s’il est devenu rare, n’a pas complètement disparu en France en 2015, et il faut savoir y penser devant des convulsions chez un enfant. Les autres rachitismes, génétiques, sont des pathologies orphelines dont la prise en charge est spécialisée, soit par des équipes de néphrologie pédiatrique, soit par des équipes d’endocrinologie pédiatrique. Cependant, la meilleure prévention du rachitisme carentiel reste le respect des recommandations de la Société franc¸aise de pédiatrie pour les enfants de 0 à 18 ans, et ce n’est pas parce que l’Union nationale des caisses d’assurance maladie a déremboursé la majorité des indications (licites selon les experts) de dosage de la vitamine D circulante en France en 2014 qu’il faut oublier cette hormone ayant vraiment un rôle sur la santé globale [31] .
Déclaration d’intérêts : J. Bacchetta est investigateur principal d’une étude clinique (Vitatol) financée en partie par les laboratoires Crinex.
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Pour en savoir plus SFP 2012 : supplémentation en vitamine D en population générale des enfants de 0 à 18 ans. Vidailhet M, Mallet E, Bocquet A, Bresson JL, Briend A, Chouraqui JP, et al. La vitamine D : une vitamine toujours d’actualité chez l’enfant et l’adolescent. Mise au point par le comité de nutrition de la Société franc¸aise de pédiatrie. Comité de nutrition de la Société franc¸aise de pédiatrie. Arch Pediatr 2012;19:316–28. http://sfpediatrie.com/sites/default/files/pdf/RECOMMANDATIONS DE LA SFP/Reco VIT D VersionFR VF.pdf. PNSS 2004 : programme national nutrition santé 2004. http://www.inpes. sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/779.pdf.
14 OSTÉOPOROSES DE L’ENFANT
V. FORIN, A. LIENHARDT, C. HALB, C. JOB-DESLANDRE et A. LINGLART
Depuis 1994, l’OMS a proposé que l’« ostéoporose » chez l’adulte soit définie par une densité minérale osseuse inférieure à –2,5 DS par rapport à une référence adulte (T-score), cette ostéoporose étant « avérée » ou « sévère » en cas de fractures associées. La définition de l’ostéoporose chez l’enfant est beaucoup plus difficile à établir, car la densité minérale osseuse pendant la croissance doit être interprétée en fonction de valeurs de référence par âge et par sexe (Z-score), et non de références adultes (T-score). De plus, le seuil de densité minérale osseuse en dessous duquel le risque de fractures augmente (–2,5 DS chez l’adulte) n’a pas été établi chez l’enfant. Ainsi, il n’a pas pu être proposé de valeur seuil de densité minérale osseuse en dessous de laquelle il y aurait ostéoporose chez l’enfant (–2 DS, –2,5 DS, seuil encore inférieur ?). Cependant les auteurs s’accordent à considérer que la présence de fractures est une composante majeure pour la définition de l’ostéoporose de l’enfant [5, 23]. L’ostéoporose peut avoir de multiples causes, primitives ou secondaires, chez l’enfant (Tableau 16-I) [4]. Ce chapitre fait le point sur les spécificités cliniques, diagnostiques et thérapeutiques de cinq ostéoporoses de l’enfant auxquelles nous sommes régulièrement confrontés : le handicap neuromoteur, la corticothérapie, l’ostéoporose idiopathique juvénile, le syndrome de Turner et l’anorexie mentale. Les ostéoporoses et défauts de minéralisation liés à des anomalies intrinsèques des cellules responsables de la minéralisation osseuse, et en particulier l’ostéogenèse imparfaite, ne sont pas abordés dans ce chapitre. Le lecteur trouvera des informations sur le diagnostic et
le traitement de l’ostéogenèse imparfaite dans d’autres ouvrages [49, 73].
ÉVALUATION DE L’OSTÉOPOROSE CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT Elle repose sur la mesure du contenu minéral osseux (CMO) et/ou de la densité minérale osseuse (DMO) du rachis lombaire, du radius et/ou du corps entier, en utilisant par exemple des techniques d’absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA). Cependant, étant donné le gain progressif de masse minérale osseuse au cours de la croissance, il est nécessaire d’ajuster les résultats bruts par rapport à des populations de référence de même âge et sexe (Z-score). De plus, comme le montre le Tableau 1-II (voir Chapitre 1), la densité minérale osseuse mesurée par DXA augmente fortement en fin de puberté, avec un pic dans l’année qui précède la ménarche chez les filles [62]. Son interprétation doit donc tenir compte de la maturation pubertaire, avec possibilité d’ajustement sur le stade pubertaire, l’âge statural, ou mieux encore, l’âge osseux. Enfin, comme chez l’adulte, la DMO mesurée par DXA est influencée par le poids de l’enfant, et donc par son état de dénutrition éventuel. Il faut aussi rappeler que la mesure de la densité minérale osseuse n’a pas de valeur prédictive sur le risque de fractures chez l’enfant. Le choix du site d’analyse doit prendre en compte les contraintes liées à l’enfant (déformations), à son traitement (matériel orthopédique, risque d’atteinte vertébrale plus élevé si
TABLEAU 16-I. – Causes d’ostéoporose chez l’enfant. (D’après Bachrach et coll. [4].) Causes
Maladies
Ostéoporoses primitives
Ostéogenèse imparfaite Ostéoporose-pseudogliome Maladie d’Ehlers-Danlos Maladie de Marfan Ostéoporose idiopathique juvénile
Maladies neuromusculaires
Polyhandicap, souffrance cérébrale ou maladie dégénérative Myopathie de Duchenne et autres myopathies Spina bifida et paraplégies Syndrome de Rett* Immobilisation prolongée
Maladies chroniques
Leucémies et cancers de l’enfant Maladies inflammatoires articulaires Anorexie Mucoviscidose Maladies inflammatoires digestives (Crohn) VIH Insuffisance rénale Brûlures sévères
Autres
Maladies cœliaque Thalassémie Transplantation d’organes
Pathologies endocriniennes de la reproduction
Hypogonadisme Syndrome de Turner Déficit en hormone de croissance Hyper- et hypothyroïdie Hyperprolactinémie Diabète de type I (exceptionnel) Aménorrhée des athlètes Syndrome de Cushing
Iatrogènes
Corticothérapie Agonistes de la GnRH Radiothérapie L-T4 à doses excessives Anticonvulsivants** Inhibiteurs de l’aromatase** Méthotrexate** Ciclosporine** Héparine** Lithium** Neuroleptiques** Antiprotéases**
Erreurs innées du métabolisme
Homocystinurie Glycogénoses Maladie de Gaucher Galactosémie***
* Pourrait aussi être classé dans les ostéoporoses primitives. ** L’effet sur la densité osseuse et le risque de fracture n’est pas complètement démontré. *** Noter également l’effet de l’insuffisance ovarienne.
corticothérapie) et à la disponibilité de valeurs de référence pour l’âge et le sexe au site considéré. La masse minérale osseuse peut être également évaluée par tomodensitométrie quantitative (pQCT). Cette technique plus irradiante ne permet d’évaluer que des sites précis, tels que vertèbres et fémur, et non la minéralisation du corps entier. En revanche elle présente l’avantage de
pouvoir analyser d’autres paramètres osseux intervenant dans le risque fracturaire, tels que les diamètres intérieur et extérieur des os longs et l’épaisseur des corticales, et elle n’est pas influencée par le poids ni la masse grasse [25]. L’évaluation d’une ostéoporose doit également inclure des examens radiologiques à la recherche de fractures et anomalies des corticales des os longs, et de déformations et fractures/tassements du rachis. La radiographie d’un poignet/d’une main s’avère souvent utile pour évaluer l’âge osseux, l’épaisseur et l’aspect des corticales et, éventuellement, la densité minérale osseuse des métacarpiens lorsque l’on dispose de logiciels d’analyse adaptés. Enfin, les mécanismes responsables du défaut de minéralisation peuvent être abordés par la mesure de marqueurs sanguins et urinaires des activités de formation, minéralisation et résorption osseuses. Ces mesures sont détaillées dans le Chapitre 2.
OSTÉOPOROSE DU HANDICAP NEUROMOTEUR Les enfants atteints de handicaps moteurs sévères ont une ostéoporose profonde de cause multifactorielle dont la fréquence est mal évaluée. Les conséquences cliniques en sont : a) les douleurs fracturaires ou chroniques [33] ; b) les fractures pour des traumatismes minimes voire absents dont l’incidence annuelle, 5 %, est plus du double de celle observée chez les enfants sains ; c) les difficultés opératoires orthopédiques, avec mise en place et tenue délicates des matériels d’ostéosynthèse, et contentions postopératoires plus fréquentes retardant la mise en charge. Ces conséquences ont un impact négatif sur la qualité de vie des enfants et induisent un coût non négligeable.
Facteurs favorisants Facteurs mécaniques Le handicap moteur étant souvent associé à une diminution de la mobilité, il est facilement concevable d’imaginer l’ostéopénie dans cette population. Le degré de mobilité peut être évalué avec des scores comme le Gross Motor Function Classification (GMFC). Le degré de mobilisation et de masse musculaire est clairement corrélé à la masse minérale osseuse chez les enfants atteints de handicap neurologique sévère [34, 35, 77], et une amélioration significative de la masse osseuse peut être observée en 8 mois lorsque la station debout est favorisée [14]. Facteurs nutritionnels Les enfants difficiles à nourrir, ou ayant une nutrition entérale par sonde, ont les masses osseuses les plus basses, et la correction des troubles nutritionnels améliore la densité osseuse [35]. La malnutrition résulte de l’impossibilité de se nourrir seul, d’un mauvais appétit (syndrome de dysoralité sensorielle), d’une toux périprandiale (reflux gastro-œsophagien), d’une diarrhée, de constipation [46]. Les apports protéiques sont primordiaux pour la constitution de la masse osseuse [8]. Des apports calciques insuffisants contribuent, mais dans une moindre
mesure, au déficit de masse osseuse [35]. Le statut en vitamine D est variable [35], mais des valeurs basses de 25(OH)D circulante seraient associées à un nombre plus grand de fractures [21]. Chez 111 jeunes filles avec un syndrome de Rett, nous avons trouvé que 42 % avaient une valeur sérique de 25(OH)D basse, inférieure à 15 ng/ml (37,5 nmol/l), un tiers d’entre elles ayant une carence sévère avec 25(OH)D indosable. Chez 29 de nos patients atteints de handicap moteur central, adressés pour des fractures, 26 % avaient une carence en vitamine D. Facteurs médicamenteux Tous les traitements antiépileptiques peuvent diminuer la masse osseuse [54]. Divers mécanismes ont été invoqués : augmentation du renouvellement osseux par action directe sur les cellules osseuses, diminution de l’absorption de la vitamine D, altération du métabolisme hépatique de la vitamine D, induction enzymatique de CYP24, le cytochrome impliqué dans la dégradation de la vitamine D par 24-hydroxylation. Dans une étude australienne, le défaut de minéralisation des enfants avec syndrome de Rett est plus marqué lorsqu’un traitement antiépileptique est associé (–2,21 DS versus –1,23 DS). Parmi les antiépileptiques, le valproate apparaît significativement associé au risque de fracture [21]. Facteurs hormonaux La puberté retardée, voire incomplète, de ces enfants (une jeune fille avec syndrome de Rett sur deux), liée au déficit nutritionnel et à la maladie neurologique, retarde l’acquisition de la masse minérale osseuse. Facteurs génétiques La maladie à l’origine du retard neuromoteur peut ellemême favoriser l’ostéoporose. C’est le cas du syndrome de Rett, avec une incidence de l’ostéoporose évaluée à environ 75 % après 9 ans, et avec une incidence de fractures évaluée à environ 40 % après 15 ans [42]. Cette ostéoporose est plus fréquente et plus précoce chez les jeunes filles avec syndrome de Rett par rapport à des enfants ayant un retard psychomoteur secondaire à une souffrance cérébrale [30].
Présentation clinique L’ostéoporose s’installe plusieurs années avant d’être parlante cliniquement ; la transparence osseuse fait même partie de la vision que l’on a d’un enfant polyhandicapé. Les douleurs sont difficiles à évaluer chez ces enfants (communication verbale et non verbale déficitaire, causes multiples). La douleur à la pression osseuse nous semble spécifique d’une ostéoporose. Un sommeil de mauvaise qualité peut refléter des douleurs intenses (voir les outils d’auto- ou d’hétéro-évaluation sur www.pediadol.org). Les fractures touchent 5 à 40 % de ces enfants [42], la survenue d’une fracture permettant de prédire des fractures ultérieures. Les fractures surviennent surtout sur les os longs, fémur en particulier [21, 32]. Chez 21 enfants polyhandicapés qui nous étaient adressés pour 39 épisodes de fracture, 19 étaient fémorales et 8 tibiales. Chez 79 filles avec syndrome de Rett, 27 avaient des fractures
souvent multiples, avec un total de 43 fractures, et la moitié de ces jeunes filles avaient moins de 10 ans.
Éléments du diagnostic Mesure de la densité osseuse La densité osseuse peut être évaluée sur une radiographie standard (index cortico-diaphysaire) ou par densitométrie (absoptiométrie biphotonique ou tomodensitométrie quantitative). La mesure de la densité osseuse au niveau des vertèbres est la plus fiable. Le matériel d’ostéosynthèse (chirurgie de scoliose) peut empêcher la mesure. Il faut toujours utiliser les normes pédiatriques établies pour l’appareil utilisé et éviter la mesure au col fémoral. Marqueurs osseux La densité osseuse est le résultat de la balance entre la formation et la résorption osseuse. Chez l’enfant, la formation osseuse prédomine et permet l’augmentation quotidienne de la masse calcique osseuse. Dans des conditions normales, les valeurs d’excrétion urinaire de calcium se situent entre 1 et 6 mg/kg/j. À cause des différents facteurs mentionnés ci-dessus, le handicap neuromoteur perturbe cet équilibre. Bien que l’os soit peu minéralisé, la résorption osseuse prédomine et l’excrétion urinaire de calcium est inadéquatement élevée ou à la limite supérieure de la normale (données personnelles et [56]). D’autres marqueurs de résorption osseuse tels que les D-pyridinolines urinaires peuvent être utilisés, ils doivent toujours être comparés à des normes pour des enfants de même âge. Le dosage des marqueurs de formation osseuse apporte peu à l’étude de l’ostéoporose pour ces enfants. Dans l’exploration d’une ostéoporose fracturaire d’un enfant handicapé, il nous paraît essentiel de dépister une carence calcique (mesure quantitative des apports quotidiens, calciurie), ainsi qu’une carence en vitamine D [dosages sériques de 25(OH)D et PTH]. Quelles investigations pour quel enfant ? Les fractures ou les douleurs doivent susciter une exploration de la densité osseuse et du métabolisme osseux afin de proposer le traitement adéquat : densitométrie, évaluation des apports calciques, caloriques et protidiques, dosages sériques de 25(OH)D et de PTH, dosage de la calciurie et de la créatininurie sur une miction, voire dosages sanguins ou urinaires de marqueurs de résorption (voir Chapitre 2). En l’absence de retentissement clinique, une déminéralisation majeure ou la programmation d’une chirurgie lourde justifient l’évaluation de la masse minérale osseuse et des facteurs favorisants l’ostéoporose. Dans les autres cas, l’évaluation des facteurs favorisants, et leur correction le cas échéant, nous paraît aujourd’hui suffisante.
Traitement La correction des facteurs favorisant l’ostéoporose est le premier objectif : a) adaptation des apports calciques (surtout alimentaires), caloriques et protidiques ; b) apport
systématique de vitamine D ; c) traitement hormonal si besoin ; d) mise en charge quotidienne en maintenant la marche, la déambulation ou la verticalisation passive. L’élévation fréquente des marqueurs de résorption osseuse suggère que les molécules antirésorptives de type bisphosphonates seraient un traitement de choix, mais le recul est insuffisant pour connaître les éventuels effets à long terme de traitements chroniques sur plusieurs années. Chez l’enfant polyhandicapé, une augmentation significative de la densité minérale osseuse a été montrée après traitement par pamidronate, mais l’impact sur les fractures n’a pas été étudié [56]. Dans notre expérience, le traitement par alendronate oral (35 mg/semaine) ou pamidronate IV (≈ 1,5 mg/kg/trimestre) est réservé aux enfants avec fractures ou douleurs. Avec de tels traitements, le nombre de fractures par enfant et par an chez 18 de nos patients a diminué, pour passer de 1,5 en moyenne avant traitement à 0,32 après 12 mois de traitement (n = 12), puis à 0 après 18 mois de traitement (n = 8). De plus, et malgré l’inadéquation des méthodes d’évaluation, nous avons observé une diminution significative du score de douleur sous traitement.
OSTÉOPOROSE CORTISONIQUE Les corticoïdes induisent un déséquilibre minéralisation/résorption avec des conséquences à court terme (déminéralisation) et à long terme (perturbation du processus d’acquisition de la masse osseuse). Leur impact sur la minéralisation osseuse peut présenter des particularités selon la maladie ayant motivé la corticothérapie. Trois exemples de maladies nécessitant une corticothérapie illustrent ces interactions : l’arthrite juvénile idiopathique, le syndrome néphrotique et l’asthme. Une quatrième, la maladie de Crohn est abordée dans le chapitre consacré aux maladies digestives de l’enfant (voir Chapitre 18).
Physiopathologie Les corticoïdes diminuent la masse osseuse et augmentent le risque de fractures vertébrales et de fractures de hanche chez l’adulte, particulièrement chez ceux qui reçoivent une dose cumulative supérieure à 1 g [71]. De même chez l’enfant, le risque de fracture est significativement augmenté au-delà de 4 cures de corticothérapie orale [71]. La corticothérapie inhalée n’augmente le risque relatif de fracture que si elle est associée à des cures intermittentes de corticothérapie orale (RR = 1,36 pour une dose supérieure ou égale à 400 μg/j) [71]. Les corticoïdes exercent leurs effets délétères sur l’os, principalement en inhibant la formation osseuse. Plusieurs mécanismes sont invoqués [76] ; a) le nombre des ostéoblastes est diminué en raison d’un ralentissement de la différenciation terminale des ostéoblastes, de la différenciation des cellules souches mésenchymateuses vers les adipocytes plutôt que vers les ostéoblates, et de l’augmentation de l’apoptose ostéoblastique ; b) la synthèse des composants matriciels par les ostéoblastes est diminuée, particulièrement celle de l’ostéocalcine, dont les valeurs sériques baissent dès les premières 24 heures
de traitement proportionnellement à la dose de corticoïdes utilisée [26] ; c) la diminution de la synthèse d’IGF1 prive l’os d’un effet anabolisant puissant. De plus, les corticoïdes limitent l’absorption intestinale du calcium, en partie via une diminution de production rénale de 1,25(OH)2D, et freinent la fonction gonadotrope, diminuant ainsi la production de stéroïdes sexuels [1]. Une perte urinaire de calcium peut être observée qui, associée au défaut d’absorption intestinale de calcium, aggrave le risque d’hyperparathyroïdie secondaire [68]. Enfin, les corticoïdes augmentent la résorption osseuse, particulièrement à l’initiation de la corticothérapie, en favorisant la synthèse de RANKL et en réprimant la synthèse de l’ostéoprotégérine [36]. La combinaison de ces deux mécanismes accentue la différenciation des ostéoclastes et la résorption osseuse, mais l’effet négatif des corticoïdes sur les progéniteurs ostéoclastiques réduit secondairement le nombre des ostéoclastes, et la résorption osseuse diminue [20]. Par ailleurs, l’étude de modèles animaux montre que l’administration de corticoïdes diminue la croissance en longueur des os, l’épaisseur des travées de l’os trabéculaire et l’épaisseur des corticales. Cet effet est associé à une diminution de la résistance des vertèbres et des os longs (fémur en particulier) à l’application des forces mécaniques [39]. La pathologie qui motive l’administration de corticoïdes peut elle-même induire des modifications osseuses par l’action des cytokines inflammatoires telles que l’interleukine 6 (IL-6), le TNFα et l’IL-1. Chez l’adulte, l’infliximab (anticorps monoclonal anti TNFα), en l’absence de corticoïdes, augmente significativement la densité osseuse et les marqueurs de formation osseuse, et diminue les marqueurs de résorption osseuse [10, 31].
Pathologies nécessitant une corticothérapie Arthrite juvénile idiopathique L’arthrite juvénile idiopathique est associée à une augmentation du risque de fractures, en particulier vertébrales, la corticothérapie semblant être un facteur contributif à la survenue des fractures [11, 22, 72]. De plus, les enfants atteints gardent un risque augmenté de fracture à long terme, malgré la guérison de leur pathologie articulaire [12]. La densité osseuse des enfants atteints est significativement plus faible que celle d’enfants sains, par exemple 0,533 g/cm2 versus 0,636 g/cm2, p < 0,001, dans l’étude de Celiker et coll. [15]. Le jeune âge au diagnostic et la durée de la maladie contribuent à retarder l’acquisition de la masse minérale osseuse. Bien qu’il n’y ait pas consensus, la plupart des études montrent un effet négatif des corticoïdes sur la densité osseuse de ces enfants [15, 41, 55]. La mesure de la densité osseuse par pQCT montre que l’atteinte concerne à la fois l’os trabéculaire et l’os cortical [11]. La densité osseuse fémorale et rachidienne des adultes qui ont souffert d’arthrite juvénile idiopathique pendant leur enfance est significativement plus basse que celle des sujets contrôles ; l’utilisation prolongée des corticoïdes, la sédentarité, le tabac et les apports insuffisants en calcium pendant l’adolescence sont des facteurs aggravants [24, 45].
Alors que la baisse de la densité osseuse résulte de l’inflammation chronique et de la corticothérapie, les marqueurs osseux reflètent essentiellement l’activité de la maladie. Il est donc difficile dans le contexte de la corticothérapie d’utiliser les marqueurs osseux comme facteurs prédictifs de fractures [69]. Globalement, l’arthrite juvénile idiopathique induit une baisse des marqueurs de formation osseuse (ostéocalcine, phosphatases alcalines), qu’il y ait ou non une corticothérapie. Mais l’évolution des marqueurs de résorption osseuse varie selon les études. Syndrome néphrotique Le syndrome néphrotique est un modèle d’étude de l’effet des corticoïdes in vivo ; en effet, les effets observés sont liés à la corticothérapie et quasiment pas à la maladie sous-jacente [43]. Leonard et coll. ont étudié 60 enfants qui ont reçu plusieurs cures de corticoïdes pour une dose totale moyenne de 23 g par enfant, soit 0,65 mg/kg/j. Leur densité osseuse était comparable à celle des témoins [44]. Il est probable que, contrairement aux études antérieures [29], ce travail reflète plus spécifiquement l’effet des corticoïdes in vivo en réduisant les biais liés à la taille des enfants, à leur développement pubertaire et à leurs masses maigre et grasse. En revanche, il faut mentionner que la densité osseuse, particulièrement celle de l’os trabéculaire, est diminuée chez les adultes traités dans l’enfance par de fortes doses de corticoïdes pour un syndrome néphrotique [32]. Asthme Au moins quatre études prospectives portant sur plusieurs centaines d’enfants (doses de corticoïdes allant jusqu’à 400 μg/j), ainsi que la plupart des études non contrôlées, montrent que la corticothérapie par voie inhalée n’augmente pas le risque de fractures et n’altèrent pas la densité minérale osseuse [57, 60, 74] ; l’addition de cures de corticoïdes par voie orale, en revanche, augmente le risque relatif de fractures [71]. Seules des doses élevées, ou la béclométasone, se sont montrées capables de diminuer les marqueurs de formation et de résorption osseuse, indiquant un effet de la corticothérapie sur le couplage formation-résorption [2, 57].
Prévention de l’ostéoporose cortisonique Aucun traitement médicamenteux n’a montré d’effet sur la prévention des fractures associées à la corticothérapie, mais certains permettent en revanche une amélioration de la densité osseuse. Chez l’adulte, la supplémentation vitamino-D-calcique permet une augmentation significative de la densité minérale osseuse sans diminution du risque de fractures [38]. Chez l’enfant, les petits effectifs et la variété des maladies sous-jacentes rendent difficile une analyse homogène des résultats. Cependant, il semble que la supplémentation en vitamine D (400 UI/j), ou en 25(OH)D3 (Dédrogyl® 0,5 μg/kg/j), améliore la densité osseuse ou limite la perte osseuse secondaire à la corticothérapie [59, 75]. De façon similaire à ce qui est observé chez l’adulte, les dérivés 1-hydroxylés de la vitamine D pourraient
améliorer la masse osseuse des enfants sous corticoïdes, mais le nombre d’études reste très limité. Même si l’effet propre des apports calciques semble limité [6, 47], il est nécessaire de maintenir ces apports calciques proches des apports nutritionnels conseillés pour l’âge (voir Chapitre 1, Tableau 1-III). D’autres traitement comme l’hormone de croissance ont été utilisés dans diverses pathologies pour prévenir la perte staturale et osseuse due à la corticothérapie. Globalement, elle permet d’améliorer la densité osseuse d’enfants traités pour une arthrite chronique juvénile, améliore le taux d’IGF1 et limite la fonte musculaire [28, 64]. Le tériparatide ou PTH recombinante, permet de prévenir la perte osseuse chez la femme après la ménopause, mais la constatation d’effets délétères chez l’animal fait que ce traitement est contre-indiqué chez l’enfant en croissance [70].
Traitement curatif de l’ostéoporose cortisoniques : les bisphosphonates Une revue extensive de l’utilisation des bisphosphonates chez l’enfant avec arthrite juvénile idiopathique [69] retrouve 16 études, dont une seule randomisée contrôlée avec alendronate (22 patients), 3 études prospectives (61 patients), et des séries rétrospectives (5 à 45 patients). Dans la plupart de ces études ont été utilisés l’alendronate ou le pamidronate, mais avec des durées d’utilisation et des posologies variables. De plus, la poursuite de la corticothérapie n’était pas constante et seules 9 études sur 16 mentionnent la supplémentation vitamino-calcique. Dans toutes ces études, l’efficacité du traitement a été jugée sur la densité minérale osseuse, sachant que tous les enfants avaient au départ un Z-score inférieur aux valeurs normales. L’étude randomisée met en évidence une amélioration significative de la densité osseuse après 1 an de traitement dans le groupe alendronate versus placebo, mais uniquement au niveau lombaire [61]. De même, dans l’étude ouverte de Bianchi [9], l’amélioration de la densité osseuse est significative après 1 an dans le groupe traité et non dans le groupe d’enfants témoins appariés sur l’âge. Dans les études comportant une durée de traitement supérieure à 1 an, l’augmentation de la densité osseuse se réduit au fil du temps. Quelques études mentionnent l’évolution des marqueurs de remodelage osseux avec des résultats discordants [9]. Indications des bisphosphonates chez l’enfant sous corticothérapie Les données rapportées sont hétérogènes quant aux schémas thérapeutiques utilisés et encore insuffisantes quant aux méthodes d’évaluation utilisées. Le but du traitement n’est pas tant de normaliser la minéralisation que de réduire ou d’annuler le risque fracturaire (qui dépend également de la microarchitecture osseuse). L’incertitude sur de possibles effets secondaires à long terme contribue également à réduire les indications. En conséquence, la décision ne peut se prendre qu’au cas par cas, en présence de facteurs de risque indiscutables : – corticothérapie prolongée (supérieure à 3 mois) à forte dose (> 0,5 mg/kg/j) ;
– avec baisse significative du Z-score après 6 à 12 mois de traitement (comparativement à J0) ; – et/ou fracture, ; – le risque étant majoré par l’immobilisation (cas des dermatomyosites) et par la persistance d’un syndrome inflammatoire. La prévention de ces deux éléments par un traitement efficace de la pathologie inflammatoire et les mesures de rééducation sont indispensables. Les schémas thérapeutiques sont le plus souvent dérivés soit des schémas de traitement utilisés dans l’ostéogenèse imparfaite, soit de ceux utilisés dans l’ostéoporose cortisonique de l’adulte. La durée de traitement n’est pas clairement définie, elle dépend de la durée de la corticothérapie à forte dose et doit être au maximum de 2 à 4 ans ; la vérification de l’efficacité par mesure annuelle de la densité osseuse (prenant en compte les modifications de croissance staturo-pondérale et le développement pubertaire) est nécessaire.
Recommandations pour les enfants recevant une corticothérapie
– d’apporter une supplémentation systématique en vitamine D, soit sous forme de traitement quotidien (au moins 400 UI/j) soit sous forme trimestrielle (ampoules de 80 000 ou 100 000 UI). On peut vérifier une à deux fois par an la valeur sérique de 25(OH)D pour adapter cette supplémentation. L’objectif est d’avoir un taux sérique compris entre 20 et 40 ng/ml ; – en cas de corticothérapie orale prolongée (au-delà de 3 mois), il est licite de mesurer la densité minérale osseuse et d’évaluer le métabolisme osseux par des dosages des marqueurs sanguins et/ou urinaires. La prescription des bisphosphonates n’est envisagée qu’après réflexion, généralement chez des enfants qui ont des fractures, des douleurs osseuses, ou dont la maladie nécessite une corticothérapie prolongée et chez lesquels on constate une aggravation rapide du défaut d’acquisition de leur masse minérale osseuse après quelques mois de corticothérapie.
OSTÉOPOROSE IDIOPATHIQUE JUVÉNILE
L’analyse de la littérature exposée ci-dessus et notre expérience chez l’enfant nous amènent à proposer les recommandations suivantes pour les enfants recevant une corticothérapie orale (Tableau 16-II). Les mesures générales sont : – d’appliquer une corticothérapie d’épargne et de promouvoir l’activité physique ; – de vérifier que les apports alimentaires en calcium correspondent aux apports recommandés pour l’âge par un simple interrogatoire. Si les apports alimentaires sont inférieurs aux apports recommandés pour l’âge, il faut compléter avec les suppléments de calcium ;
L’ostéoporose idiopathique juvénile est une pathologie d’étiologie inconnue dont moins de 150 cas sont décrits dans la littérature, essentiellement sous forme de cas cliniques. C’est une ostéoporose souvent sévère, invalidante, fracturaire, constatée chez les enfants aux alentours de la puberté, et considérée comme pouvant se corriger complètement en 3 à 4 ans. Le diagnostic d’ostéoporose idiopathique juvénile est porté lorsque toutes les causes d’ostéoporoses détaillées dans le Tableau 16-I, et en particulier une hémopathie maligne, ont été exclues. Il est possible que certaines ostéoporoses idiopathiques
TABLEAU 16-II. – Évaluation osseuse des enfants recevant une corticothérapie orale prolongée. Méthode
Fréquence
Observations
Densité osseuse
DXA ou QCT*
Avant traitement, puis Z-score < -1 DS, répéter après 6 mois de en fonction du Z-score traitement de départ Z-score < -2 DS, répéter après 6 mois de traitement, puis traitement éventuel par BP** ou dérivés actifs de la vitamine D
Vitamine D
Dosage de 25(OH)D sérique
Tous les 6 à 12 mois
Formation osseuse
Activité sérique des phos- Tous les 6 à 12 mois phatases alcalines (totales ou d’origine osseuse) Ostéocalcine, éventuellement IGF1 et PICP
Résorption osseuse
Calciurie (mg/kg/j ou rapport Tous les 6 à 12 mois Cal/créat dans un échantillon d’urines) Marqueurs urinaires ou sanguins de résorption osseuse
Maintenir la valeur entre 20 et 40 ng/ml (50-100 nmol/l)
Bilan en faveur d’un défaut de formation osseuse, discuter d’un traitement par dérivés actifs de la vitamine D à petites doses en surveillant la calciurie Bilan en faveur d’un excès de résorption osseuse, discuter d’un traitement par BP** en fonction des éléments mentionnés dans le texte
* DXA : densitométrie par absorptiométrie biphotonique à rayons X (rachis lombaire et/ou corps entier) ; QCT : tomodensitométrie quantitative au niveau des vertèbres lombaires. ** BP : bisphosphonates.
juvéniles soient des formes modérées d’ostéogenèse imparfaite.
Physiopathologie Le terme d’ostéoporose idiopathique juvénile recouvre vraisemblablement plusieurs maladies différentes, d’étiologie(s) encore inconnue(s). Mais quelques études histomorphométriques montrent une diminution de la formation osseuse et du nombre d’ostéoblastes, sans véritable activation de la résorption osseuse [58]. L’étude de notre casuistique (24 patients, 15 ans de recul) montre une atteinte familiale chez 25 % des patients suggérant une origine génétique à certaines formes de ce syndrome.
Diagnostic Dans la littérature, l’âge moyen du diagnostic est de 7 ans (12 ans dans notre série de 24 enfants) avec un sexratio de 1/1. Les manifestations cliniques sont des douleurs des membres inférieurs et dorsales, une fatigue musculaire et/ou une cyphoscoliose secondaire aux tassements vertébraux. Dans notre expérience, le peu de spécificité des symptômes aboutit à un retard au diagnostic d’environ 2 ans, et un nombre moyen de fractures de 6 par enfant. La moitié des enfants ont au moins une fracture vertébrale. Dans de nombreux cas les douleurs s’amenuisent puis disparaissent, la force musculaire récupère et on peut observer une guérison complète au bout de 2 à 4 ans, généralement en parallèle avec la puberté [19]. À la phase aiguë, les radiographies montrent une déminéralisation sévère, des tassements étagés avec déformations vertébrales et des fractures métaphysaires. La densitométrie osseuse dans notre série fait apparaître un Z-score moyen de –3 ± 1 DS. L’évaluation biologique du métabolisme phosphocalcique est décevante car elle ne montre pas d’anomalie de la calcémie, de la phosphatémie, du statut en vitamine D, de la PTH, ni de la valeur circulante de 1,25(OH)2D. En ce qui concerne les marqueurs du renouvellement osseux et la calciurie, plusieurs situations peuvent être rencontrées, suggérant une hétérogénéité des causes de ce syndrome, celles-ci pouvant inclure, entre autres, certaines formes frustes d’ostéogenèse imparfaite ou d’hypercalciurie idiopathique. Dans quelques cas, souvent des garçons de grande taille, la calciurie est basse, avec un bilan calcique négatif, et les marqueurs osseux sont normaux, suggérant un déficit d’apport calcique part rapport à la rapidité de croissance. Dans d’autres, les marqueurs de formation osseuse (PAL et ostéocalcine) sont normaux, les marqueurs de résorption osseuse (CTX et D-pyridinolines urinaires) sont presque toujours normaux, mais peuvent être élevés, la calciurie peut être élevée où à la limite supérieure de la normale. La fréquence de ces différents tableaux varie selon les séries publiées, ce qui peut s’expliquer par la petite taille des cohortes et par de possibles biais de recrutement.
Traitement Comme pour les autres ostéoporoses, il est nécessaire, bien que souvent insuffisant, de corriger les facteurs pouvant favoriser la déminéralisation tels qu’une
carence en vitamine D, un défaut d’apport en calcium alimentaire ou un défaut d’activité physique. Chez ces enfants, l’ostéoporose est souvent douloureuse, aboutissant à une diminution d’activité physique. Au mieux, il faut reprendre la mobilisation après le début du traitement actif de l’ostéoporose. En cas de calciurie basse, voire indétectable, nous proposons une supplémentation en calcium et vitamine D, voire un traitement par petites doses de dérivés actifs de la vitamine D afin de stimuler la formation osseuse [63]. Les bisphosphonates doivent être réservés aux enfants très douloureux, avec fractures vertébrales ou déformations des os longs, et avec hypercalciurie et/ou marqueurs élevés de l’activité de résorption osseuse. Dans les formes très douloureuses, le traitement se fait d’abord par voie intraveineuse, pamidronate (1 à 3 mg/kg/cure tous les 3 mois) ou zoledronate, avec un éventuel relais par voie orale. Dans les formes moins douloureuses, on peut utiliser la forme orale (alendronate ou Fosamax®) chez les enfants qui n’ont pas de reflux. La posologie peut être de 1 comprimé à 70 mg par semaine chez les plus de 40 kg, et 1 comprimé toutes les 2 semaines chez les moins de 40 kg. Les précautions d’administration doivent être rigoureuses (à distance des repas, pas de décubitus). Le risque d’hypocalcémie est moindre avec les formes orales mais il existe, et il faut s’assurer que l’enfant n’a pas de déficit en vitamine D avant mise sous traitement. En l’absence de signes cliniques (douleurs principalement), et si la densité osseuse est supérieure à –3DS en Z-score, on peut se contenter d’une surveillance associée à une supplémentation en calcium et vitamine D.
SYNDROME DE TURNER Depuis la première description faite par Turner en 1938, la compréhension du syndrome de Turner et donc la prise en charge des patientes a considérablement évolué. La prévalence est de 1/2 500 à 1/3 000 naissances féminines, inférieure à l’incidence supposée, estimée à 3 % des conceptions, probablement en raison de la perte précoce des fœtus monosomiques. La perte de tout ou partie d’un chromosome X chez la fille signe ce syndrome. Les mécanismes entraînant cette perte sont divers et donc les formules chromiques des patientes très variées. L’haplo-insuffisance du gène SHOX durant l’embryogenèse explique un grand nombre de symptômes (petite taille, déformation de Magdelung, cubitus valgus, genu valgum, palais ogival, micrognathie, déficit auditif, malposition des oreilles) mais pas tous (hygroma et lymphœdème, cou trapu, petite taille, insuffisance ovarienne, malformations cardiovasculaires, morbidité et mortalité plus élevées) ; d’autres gènes restent à découvrir [18]. L’augmentation du risque fracturaire de ces patientes, enfants ou adultes, est soulignée depuis de nombreuses années, risque majoré en présence d’insuffisance ovarienne. Le risque fracturaire varie selon l’âge des patientes et selon les études : pour certains auteurs, il n’y a aucune majoration, d’autres décrivent une augmentation de 10 à 50 % par rapport à la population générale ou de 15 % parmi les femmes souffrant d’aménorrhée. L’avant-bras
est le site le plus fréquemment fracturé, deux périodes sont à haut risque : l’enfance et après 45 ans [7, 27].
Physiopathologie Elle n’est pas uniciste. Tout d’abord il n’y a pas de corrélation entre l’anomalie chromosomique portée et le risque fracturaire [27]. L’haplo-insuffisance de SHOX est souvent mise en avant de par l’altération de la géométrie et de la structure osseuses qu’elle induit, rendant l’os plus fragile, ou de par la petite taille et donc une certaine maladresse des patientes, maladresse responsable de chutes et traumatismes divers [3]. En ce qui concerne la minéralisation osseuse, les premières études retrouvaient une nette diminution quel que soit l’âge, avec une incidence parfois très élevée de patientes ostéopéniques (86 % dans l’étude de Costa et coll. [17]). Ces résultats sont à moduler car, ajustées à la taille et/ou au retard de maturation osseuse observé, les densités osseuses se rapprochent de la normale. Une étude plus récente ne retrouve plus que 14,5 % de patientes ostéopéniques et précise que celles-ci sont en majorité impubères et présentent un retard pubertaire, le capital osseux s’améliorant avec l’induction pubertaire [37]. De même, les patientes ayant une puberté spontanée ont des densités minérales osseuses normales, tout du moins au niveau de l’os trabéculaire [13]. La carence œstrogénique, soit directement, soit par le biais de l’action des œstrogènes sur l’hormone de croissance, les IgF1 ou la synthèse de 1,25(OH)2D, joue donc un rôle central dans la genèse de l’ostéopénie observée dans le syndrome de Turner. Il n’y a aucun intérêt à retarder l’induction pubertaire, ce d’autant plus que cette induction à un âge civil pubertaire normal n’est pas délétère sur la taille adulte finale. Chez la femme adulte, la poursuite d’un traitement œstroprogestatif bien suivi depuis l’induction pubertaire permet le maintien du contenu minéral osseux [16]. Si la minéralisation de l’os trabéculaire est conservée, celle de l’os cortical est par contre altérée, comme l’attestent des mesures effectuées sur l’avant-bras [7]. Cette atteinte n’existe pas dans l’enfance, n’est pas améliorée si la prise d’œstrogènes est trop tardive, et semble plutôt la conséquence d’une morphogenèse anormale de l’os. Cette atteinte de l’os cortical est responsable de densités corps entier basses et de fractures. Les patientes atteintes de syndrome de Turner observant leur traitement œstroprogestatif ont donc un os trabéculaire conservé mais une atteinte de l’os cortical. SHOX est en partie responsable de ces anomalies de l’ostéogenèse.
Traitement Depuis plusieurs années, le traitement par hormone de croissance fait partie intégrante de la prise en charge précoce de ces enfants. Malgré quelques études concernant le suivi des densités osseuses sous traitement, le bénéfice de cette thérapeutique sur l’acquisition de la masse osseuse reste amplement débattu [3]. Étant donné le risque avéré d’ostéopénie, voire d’ostéoporose, il est indispensable que les patientes avec syndrome de Turner aient non seulement une supplémentation
œstrogénique débutée à l’âge normal de survenue de la puberté et poursuivie, mais également qu’elles respectent les apports recommandés de vitamine D et produits laitiers.
ANOREXIE MENTALE L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire défini, selon la classification DSM-IV, par la triade : anorexie, aménorrhée secondaire, amaigrissement. Des éléments sémiologiques plus précis permettent de reconnaître le trouble : restriction alimentaire volontaire avec tri alimentaire qui va peu à peu évoluer pour devenir drastique, perte de poids parfois rapide de 25 à 50 % du poids initial, contrôle total des ingestas, déni total du trouble avec peur phobique de grossir et trouble du schéma corporel, investissement sportif et/ou intellectuel excessif. La symptomatologie est plus trompeuse chez l’enfant prépubère. L’anorexie mentale touche plus les filles que les garçons (sex-ratio 1/10 à 1/15), principalement entre 15 et 19 ans et sa fréquence est en augmentation, avec une prévalence de 1,2 à 2,2 % des adolescents soit 4,2 à 8,3 patients pour 100 000 par an. Les complications sont nombreuses, liées aux conséquences de la dénutrition, certaines peuvent être graves (troubles du rythme cardiaque, hypokaliémie, hypophosphatémie, cytolyse hépatique). La mortalité est importante, 5 à 10 % des patients voire 16 % selon les études ; la morbidité après la phase aiguë est élevée, 20 % des patients conservent des troubles du comportement alimentaire à très long terme, 15 % sont dépressifs, 60 % ont des troubles anxieux pathologiques, 20 à 80 % des troubles de la personnalité ultérieurs [51]. Parmi ces diverses morbidités, l’ostéopénie est objet de controverses. Les études évaluant le capital osseux de ces patients sont nombreuses mais difficiles d’interprétation car les séries sont limitées, souvent rétrospectives, utilisant des critères et outils diagnostiques différents, et concernant des populations d’âge moyen de 20 ans avec bilan effectué pour des durées d’aménorrhée variables. Globalement, 34 à 92 % des patientes de 6 études différentes ont une ostéopénie, 13 à 38 % une ostéoporose, mais ces études concernaient des jeunes femmes âgées de 21 à 30 ans et en aménorrhée depuis au moins 25 mois [40, 53]. Deux études concernant des adolescentes illustrent les difficultés rencontrées. Une diminution des densités osseuses lombaires ajustées aux maturations osseuses est décrite chez des adolescentes âgées de 12,8 à 18,5 ans et en aménorrhée depuis 24 mois en moyenne [65], mais cette altération ne semble observée que chez les adolescentes non réglées avant le début de l’anorexie mentale [66]. En fait, ces patientes sont clairement à risque de déficit minéral osseux, avec une apparition et une aggravation progressives de l’ostéopénie [53]. AÀ terme, ces patient(e) s ont un risque fracturaire plus élevé que la population générale (risque relatif de 2,9 pour les femmes et 3,4 pour les hommes), fractures siégeant principalement au niveau du rachis, des cols fémoraux et des avant-bras [48]. La physiopathologie du déficit minéral osseux est complexe, centrée par l’œstrogénopénie et le déficit des
TABLEAU 16-III. – Rôle potentiel de différents facteurs dans la genèse de l’ostéopénie de l’anorexie mentale. (D’après Mika et coll. [50] et Jayasinghe et coll. [40].) Facteur
Rôle potentiel
Déficit en œstrogènes
↑ résorption osseuse ↓ formation
Déficit en IgF1 et résistance à la GH
↓ formation
Diminution des androgènes (testostérone)
↑ résorption osseuse ↓ formation
Augmentation du cortisol
↓ formation
Résistance à la ghréline
Action via le cortisol
Augmentation de l’ostéoprotégérine
↓ résorption
Leptine basse
?
Dénutrition
Apports insuffisants protéines/calcium/vitamine D
Peptide Y augmenté
↓ activité ostéoclastique ?
Augmentation de l’adrénaline et de la noradrénaline
↑ résorption osseuse
apports alimentaires. Tous ces patients ont un déséquilibre formation/résorption aux dépens de la formation osseuse, comme l’attestent les marqueurs osseux [40, 50]. Le Tableau 16-III rapporte les effets des différentes altérations retrouvées sur la dynamique osseuse. La thérapeutique est décevante, même si certaines études montrent une amélioration des densités osseuses sous traitement par bisphosphonates, IgF1 ou œstroprogestatifs [40,52]. L’effet des œstrogènes est à ce jour très controversé : une seule étude prospective en double aveugle contre placebo n’a montré aucune amélioration au bout de 13 cycles [67]. En revanche, la guérison avec reprise d’apports alimentaires puis restauration de menstruations est efficace [53]. À notre connaissance, aucune étude publiée ne s’est intéressée aux hommes.
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Maladies de surcharge lysosomale : classification fonctionnelle et principes thérapeutiques Irène Maire
Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme de Lyon, Hospices Civils de Lyon Hôpital Debrousse, 29, rue Sœur-Bouvier, 69322, Lyon cedex 05 (69), France.
Correspondance : Irène Maire, Centre de Référence des Maladies Héréditaires du Métabolisme de Lyon, Hospices Civils de Lyon - Hôpital Debrousse, 29, rue Sœur-Bouvier, 69322, Lyon cedex 05, France. [email protected]
■ Key points
■ Points essentiels
Lysosomal storage diseases: functional classification and treatment principles
Longtemps considérés simplement comme le lieu de dégradation des macromolécules de la cellule, les lysosomes sont désormais considérés comme des organites participant à l’homéostasie cellulaire. La compréhension de leur rôle complexe permet de mieux appréhender la physiopathologie des maladies résultant de leur dysfonctionnement. Après avoir brièvement rapporté la biosynthèse des enzymes lysosomales et les systèmes d’adressage des macromolécules dans le lysosome, nous proposons une classification fonctionnelle des maladies de surcharge lysosomale, qui permet de mieux comprendre les bases rationnelles de leurs traitements. À l’exception de la cystinose qui est due à un déficit en un transporteur de la membrane lysosomale, la majorité des traitements actuels vise à traiter des enzymopathies peut être apportée par greffes de cellules hématopoïétiques (ou par d’autres thérapies cellulaires) ou par perfusion d’enzymes recombinantes humaines. Cette enzyme normale peut aussi être produite in situ en apportant le gène normal : c’est l’enjeu de la thérapie génique. Les autres approches thérapeutiques visent à limiter la quantité de substrat non dégradé pénétrant dans le lysosome en diminuant sa synthèse ou à augmenter l’activité résiduelle de l’enzyme mutante, en la stabilisant grâce à de petites molécules pharmacologiques (molécules chaperons) ou en favorisant la translecture de certains codons stops.
Until recently, lysosomes were only considered as the place of macromolecules degradation. To date, these organelles are considered as playing a key role in cellular homeostasis. The knowledge of their complex role allows a better understanding of the physiopathology of the diseases resulting from their dysfunction. Biosynthesis of lysosomal enzymes and routes for macromolecules influx within lysosomes are briefly described and a functional classification of lysosomal diseases, which allows a comprehensive approach of treatment rationale, is proposed. Except cystinosis which is a lysosomal membrane transport disorder, the majority of current treatments aim at treating enzymatic defects. Normal enzyme can be brought by haematopoietic cell transplant (or other cell therapies) or by infusions of human recombinant enzyme. The normal enzyme can be also produced in situ by bringing the normal gene: it is the objective of gene therapy. The other therapeutic approaches aim at decreasing the quantity of non degraded substrate reaching the lysosomes by limiting its biosynthesis or, thanks to small pharmacologic molecules, at increasing the residual enzyme activity by stabilizing the protein (chaperones) or by improving read through possibilities of some stop codons in special contexts.
The better knowledge of secondary phenomena set by the cell in order to try to restore homeostasis which are sometimes more deleterious than the storage itself, should allow to develop complementary treatments. The rationale of these different therapeutic approaches and their limits are described in this paper. Maire Irène. Les maladies de surcharge lysosomale : classification fonctionnelle et principes des thérapeutiques. Presse Med. 2007; 36: 1S88-1S95 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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usqu’au début des années 50, les lysosomes étaient une entité imaginée par les biochimistes pour expliquer la « latence » de certaines enzymes : lorsqu’ils réalisaient des homogénats de tissu hépatique, certaines activités augmentaient au cours du temps ; l’hypothèse avancée était que ces enzymes étaient incluses dans des organites intracellulaires dont les membranes se rompaient peu à peu. Puis, les progrès technologiques (centrifugation différentielle, centrifugation isopycnique à grande vitesse et microscopie électronique couplées à identifications biochimiques et histochimiques) ont permis à ce concept de devenir une réalité [1]. Cette découverte valut en 1974 à Christian de Duve, Albert Claude et Georges Palade le Prix Nobel de Médecine « pour leurs découvertes sur la structure et l’organisation fonctionnelle de la cellule ». Le lysosome est un organite cellulaire limité par une membrane simple qui entoure une matrice dense, amorphe. Il est généralement de petite taille (⬍ 1 μm), mais peut atteindre plusieurs microns, et de forme variable : sphérique, ovoïde, voire parfois tubulaire. Il peut varier selon les tissus dans son contenu et ses fonctions. Sa matrice contient un grand nombre d’enzymes, principalement des hydrolases fonctionnant à pH acide, qui permettent la dégradation de la plupart des molécules complexes. Le reste des composants de la cellule est protégé de cet ensemble d’enzymes digestives par une membrane particulière tant dans sa composition lipidique que dans ses glycoprotéines membranaires fortement glycosylées : LIMPs (Lysosomal integral membrane proteins) et LAMPs (Lysosomal associated membrane proteins) [2]. Cette membrane renferme en outre une pompe à protons qui assure le pH acide à l’intérieur
Glossaire EGF FDA LAMP LIMP MSL
Epidermal growth factor Food and Drug Administration Lysocomal associated membrane proteins Lysocomal integral membrane proteins Maladie de surcharge lysocomale
La meilleure connaissance des phénomènes secondaires que la cellule met en place en place pour essayer de palier la situation anormale et qui parfois sont plus délétères que la surcharge ellemême, devrait permettre de proposer des traitements complémentaires. Les principes de ces diverses approches thérapeutiques et leurs limites sont détaillées dans l’article ci-après.
de cet organite et des transporteurs qui assurent le transport de certains composés qui, du fait de leur taille et/ou de leur charge, ne peuvent diffuser librement à travers cette membrane. Les lysosomes, véritables « usines de recyclage » de la cellule, ne sont pas des organites isolés, mais appartiennent à un réseau complexe de vacuoles [3] et jouent un rôle de coordinateur métabolique à l’échelle cellulaire ; ainsi, les lysosomes : – peuvent servir de compartiments de stockage (de neurotransmetteurs, d’ions calcium, libérés sous contrôle hormonal) ; – constituent un passage obligé pour la production de certains métabolites actifs (vitamine B12, hormones comme la thyroxine, présentation des antigènes...) ; – sont impliqués dans la régulation de facteurs de croissance et du cholestérol ; – participent à l’homéostasie des ions métalliques, à la dégradation sélective de certaines protéines cytosoliques lors du jeûne prolongé, et à la réparation de la membrane plasmatique, etc. Leur dysfonctionnement entraîne non seulement un stockage des molécules non dégradées, mais aussi des déficits cellulaires en certains métabolites et une réponse de la cellule par une série de cascades pathogènes [4].
Le concept de maladies de surcharge lysosomale et classification fonctionnelle de ces affections Une maladie de surcharge lysosomale (MSL) peut survenir : – si le substrat qui pénètre dans la cellule est indigestible (c’est ce qui se produit par exemple dans les cellules à vie longue comme les neurones où des pigments de type lipofuschine vont s’accumuler au cours du vieillissement) ; – quand l’efflux d’un métabolite est impossible ; – quand la vitesse de pénétration de la molécule complexe dans les lysosomes devient supérieure à sa vitesse de dégradation du fait de l’absence ou de l’anomalie fonctionnelle d’une enzyme intervenant dans sa dégradation. La vitesse d’accumulation dépend du niveau d’activité fonctionnelle résiduelle de l’enzyme anormale, de la nature de la molécule complexe, de l’intensité de son métabolisme dans le tissu
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Maladies de surcharge lysosomale : classification fonctionnelle et principes thérapeutiques
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ou la cellule considérée [5] et de nombreux facteurs génétiques et épigénétiques [6] régulant le métabolisme cellulaire du malade. Le phénotype clinique dépendra donc non seulement de l’activité résiduelle de l’enzyme, mais aussi des réponses cellulaires secondaires à cette surcharge et/ou aux déficits cellulaires induits par ce défaut de dégradation de la molécule complexe. Une maladie de surcharge lysosomale, bien que monogénique, est donc une maladie multifactorielle complexe : les différences de phénotypes cliniques de malades présentant le même génotype s’expliquent donc parfaitement et la difficulté à établir des corrélations génotype/phénotype sera d’autant plus grande que la protéine aura une activité résiduelle (qui pourra être modulée par tous ces facteurs).
Biosynthèse des enzymes lysosomales Les enzymes lysosomales solubles (les plus nombreuses) sont des glycoprotéines N-glycosylées. Dans le réticulum endoplasmique, une ou des chaîne(s) oligosaccharique(s) riche(s) en résidus mannose est (sont) transférée(s) en bloc sur des résidus asparagines de la protéine nouvellement synthétisée [7]. Ces chaînes sont ensuite modifiées dans le réticulum endoplasmique et dans l’appareil de Golgi où une étape essentielle, la phosphorylation d’un ou plusieurs résidus mannose présents dans ces chaînes oligosaccharidiques, permet de différencier les enzymes lysosomales des glycoprotéines destinées à être sécrétées. Grâce à la présence de ces résidus mannose-6-
phosphate, les enzymes lysosomales vont en effet pouvoir se lier à des récepteurs reconnaissant ces résidus [8] pour rejoindre la voie endolysosomale et les lysosomes [9] (figure 1). Quelques enzymes (strictement membranaires comme la phosphatase acide ou liées aux membranes comme la bêtaglucosidase acide dont le déficit est responsable de la maladie de Gaucher) et les protéines de la membrane lysosomale empruntent d’autres voies pour rejoindre le lysosome [10].
Entrée des molécules complexes dans les lysosomes et premières classifications des MSL Les composés extracellulaires peuvent rejoindre les lysosomes par phagocytose, pinocytose ou grâce à des récepteurs spécifiques présents à la surface de la cellule par endocytose [11]. Enfin, les molécules complexes intracellulaires vont aussi pénétrer dans les lysosomes par autophagie, laquelle peut être un processus extrêmement sélectif pour la dégradation des protéines cytosoliques dans diverses conditions pathologiques [12]. Les premières classifications des MSL ne concernaient que les enzymopathies et reposaient sur la nature de la ou des macromolécules complexes partiellement dégradées accumulées dans les lysosomes. On distinguait les déficits uniques d’une enzyme et les mucolipidoses qui comportaient des surcharges complexes du fait de déficits enzymatiques lysosomiaux multiples. Dans le cas des mucolipidoses, les enzymes lysosomales solubles n’ont pu acquérir le résidu mannose-6-phosphate par suite d’un déficit en phosphotransférase de l’appareil de Golgi : elles suivent la voie des protéines sécrétoires fuyant dans le milieu extracellulaire (figure 1). Il en résulte une concentration extrêmement élevée de la plupart de ces hydrolases acides dans le plasma sanguin et un déficit profond de ces mêmes hydrolases dans les cellules d’origine mésenchymateuse [10]. Dans d’autres tissus (foie, rein...), les activités de ces hydrolases sont normales, montrant que des voies alternatives d’adressage aux lysosomes, spécifiques du type cellulaire considéré, existent [13].
Classification fonctionnelle des MSL
TGN = transgolgi network EP = endosome précoce ET = endosome tardif Ribosomes Enzyme lysosomale dépourvue du marqueur mannose-6-phosphate (M6P)
Protéines sécrétoires Voie des protéines sécrétoires Voie de biosynthèse des enzymes lysosomales
Enzyme lysosomale portant le marqueur M6P
Enzymes lysosomales échappant à l’adressage lysosomal intracellulaire
Récepteurs reconnaissant les résidus M6P
Enzyme lysosomale du milieu extracellulaire rejoignant le lysosome par la voie d’endocytose
Figure 1
Biosynthèse des enzymes lysosomales
Actuellement, cette classification peut être englobée dans une classification fonctionnelle qui permet de prendre en compte les MSL différentes des enzymopathies dont les mécanismes commencent à être mieux connus [14]. Il est possible de distinguer : – les déficits primitifs des hydrolases lysosomales (enzymopathies lysosomales) ou des cofacteurs qui leur sont indispensables in vivo pour hydrolyser certaines molécules complexes (déficits en prosaposines et saposines et activateur du ganglioside GM2). On trouve dans ce groupe en fonction des types de surcharge : la glycogénose de type II, les sphingolipidoses et les lipidoses neutres (la maladie de Fabry, due à un déficit en alphagalactosidase A, appartient à ce groupe), les oligosaccharidoses ou glycoprotéinoses, les mucopolysaccharidoses, la pycnodysostose et les céroïdes lipofuscinoses de type 1 et 2 ;
– les déficits primitifs de protéines lysosomales solubles non enzymatiques : protéine nécessaire à la protection intralysosomale de certaines enzymes dans le cas de la galactosialidose, ou protéines dont le rôle n’est pas encore totalement élucidé (protéine dont le dysfonctionnement est responsable de la maladie de Niemann-Pick C de type 2 et protéine dont le dysfonctionnement est responsable de la céroïde lipofuschinose de type 5) ; – les déficits multiples d’enzymes lysosomales secondaires au défaut d’une étape post-traductionnelle nécessaire à l’acquisition de l’activité enzymatique (déficit multiple en sulfatases ou maladie d’Austin) ou à l’adressage intracellulaire des enzymes lysosomales (mucolipidoses de types II et III) ; – les déficits primitifs de transporteurs de la membrane lysosomale : cystinosine dans la cystinose, sialine dans la maladie de surcharge en acide sialique libre et exceptionnel déficit en transporteur F de la cobalamine CblF (responsable d’une acidurie organique et non d’une surcharge lysosomale). – les déficits de protéines endolysosomales impliquées dans le trafic vésiculaire qui sont responsables de la maladie de Niemann-Pick de type C, de la maladie de Danon, et des ceroïdes lipofuscinoses de types 3, 6 et 8. Cette classification fonctionnelle présente l’avantage de montrer que les lysosomes jouent dans la cellule un rôle beaucoup plus central que celui de simples organites de dégradation des molécules complexes, de mieux appréhender la complexité de la physiopathologie de ces maladies et apporte des bases rationnelles aux traitements de ces affections.
Principes des thérapeutiques des maladies de surcharge lysosomale Les déficits en transporteurs : le cas de la cystinose Il s’agit de la première maladie de surcharge lysosomale pour laquelle a été proposé un traitement spécifique. La cystinosine, transporteur de la cystine présent dans la membrane lysosomale, permet son efflux du lysosome. La thérapeutique consiste à transformer la cystine en un composé qui peut utiliser un autre transporteur de la membrane lysosomale : la cystéamine, donnée au malade sous forme de bitartrate rentre dans les lysosomes et y réagit avec la cystine qui est ainsi transformée en cystéine et en disulfure mixte de cystéine et cystéamine (traitement approuvé dès 1994 pour la cystinose par la Food and Drug Administration [FDA]). La cystéine quitte le lysosome par simple diffusion ou grâce à un transporteur spécifique et le disulfure mixte de cystéine et cystéamine, de structure analogue à la lysine, peut utiliser son transporteur pour quitter le lysosome [15]. Il s’agit de l’unique traitement spécifique disponible aujourd’hui pour traiter un déficit du transport lysosomal.
Les thérapeutiques enzymatiques de substitution : les greffes de cellules hématopoïétiques, les perfusions de protéine recombinante humaine, les thérapies cellulaires et la thérapie génique Elles visent toutes à apporter aux lysosomes l’enzyme normale pour pallier le dysfonctionnement de l’enzyme déficitaire soit en amenant directement la protéine, soit en introduisant son gène. Apport de l’enzyme déficitaire par transplantation de cellules hématopoïétiques La rationalité de cette approche est que la greffe va être une source continue d’enzyme et que sa présence va faciliter la clairance du substrat accumulé. L’expérience a montré que ni la greffe de foie dans la maladie de Gaucher, ni la greffe de rein dans la maladie de Fabry ne jouent le rôle escompté de source d’enzyme et qu’elles constituent des traitements symptomatiques d’une atteinte hépatique sévère dans le premier cas et d’une insuffisance rénale terminale dans le deuxième cas. Par contre, la transplantation de cellules hématopoïétiques a joué ce rôle de source d’enzymes pour certains tissus ou types cellulaires [16] : les cellules circulantes (monocytes) issues du donneur migrent et vont coloniser les macrophages de la rate, de la moelle osseuse, les ostéoclastes, les cellules de Küpffer du foie, les macrophages alvéolaires et même une partie des cellules microgliales. Ce type d’approche a trouvé sa plus large application dans le traitement de la mucopolysaccharidose de type I, pour laquelle plus de 400 malades ont été greffés à travers le monde : si cette transplantation est pratiquée très précocement, l’atteinte neurologique peut être prévenue, mais l’atteinte osseuse en particulier n’est pas améliorée. Compte tenu de la mortalité et de la morbidité liées à ces transplantations, elles ne sont plus indiquées dans les formes atténuées sans atteinte neurologique depuis que la protéine peut être apportée par perfusion de protéine recombinante (voir paragraphe suivant). Dans les autres maladies de surcharge lysosomale, les données sont plus limitées et des recommandations quant aux indications et contre-indications de ces greffes ont été proposées [17]. Les évolutions incluent l’utilisation, qui paraît prometteuse, comme source de cellules souches, de sang du cordon de donneurs non apparentés et les greffes de cellules souche mésenchymateuses qui restent à évaluer [16]. L’intérêt de combiner l’enzymothérapie de substitution avec la transplantation de cellules hématopoïétiques reste à démontrer [17, 18]. Apport de l’enzyme par perfusion d’enzyme recombinante [19] Les enzymes recombinantes sont glycosylées et leurs chaînes oligosaccharidiques présentent des résidus sucrés nécessaires à leur reconnaissance par des récepteurs présents à la surface
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des cellules qui permettent à l’enzyme de rejoindre le lysosome par la voie d’endocytose. Cette nécessaire glycosylation a conduit à produire l’enzyme, non dans des bactéries, mais dans des cellules eucaryotes (cellules COS, cellules CHO, cellules fibroblastiques humaines) pour que les enzymes produites possèdent ces signaux de reconnaissance qui permettent leur adressage aux lysosomes par la voie d’endocytose [11] (figure 1). Dans le cas de la maladie de Gaucher de type 1 où les lysosomes des cellules du système réticulo-endothélial constituent la cible à atteindre, des traitements par des glycosidases permettent de révéler, sur les chaînes oligosaccharidiques de l’enzyme recombinante, des résidus mannose reconnus spécifiquement par des récepteurs d’endocytose présents à la surface de ces cellules. La plupart des autres enzymothérapies substitutives, qui ont reçu au cours de ces dernières années des autorisations de mise sur le marché, présentent sur leurs chaînes oligosaccharidiques des résidus mannose-6phosphate, qui sont reconnus par les récepteurs ubiquitaires utilisés pour la biosynthèse des enzymes lysosomales. D’autres enzymothérapies de substitution sont en cours de développement (soit pour un meilleur ciblage de certains tissus : produits de 2e génération, soit pour traiter de nouvelles maladies ou pour essayer de réduire les coûts très élevés). Dans le cas de la maladie de Fabry, deux alpha-galactosidase A recombinantes sont disponibles en France, l’une produite dans des cellules CHO, l’autre dans des lignées fibroblastiques humaines. Ces enzymothérapies de substitution ont permis des progrès indiscutables pour le traitement des MSL mais se heurtent à un certain nombre de difficultés. Les malades, qui n’ont pas de protéine enzymatique ou une protéine enzymatique anormale, vont donc développer une réponse immune contre la protéine normale. Toutefois, ces anticorps ne semblent pas, dans la très grande majorité des cas, avoir d’effet sur l’efficacité thérapeutique et on observe en général, au cours du temps, une tolérisation à la protéine. Une autre difficulté est l’absence d’accès significatif au système nerveux central, bien que l’enzymothérapie de substitution puisse avoir un certain effet en limitant la surcharge d’origine périphérique et en améliorant la qualité de vie des malades. Une autre atteinte difficile à traiter reste l’atteinte osseuse : les résultats peuvent être améliorés grâce à la découverte de systèmes d’adressage peptidiques [20] et par des thérapeutiques adjuvantes visant à traiter des phénomènes secondaires délétères. Enfin, il a été montré dans la glycogénose de type II que l’importante surcharge lysosomale est difficilement accessible par la voie d’endocytose dans certaines fibres musculaires [21]. De nouvelles formules comportant des mélanges d’enzymes comportant divers types de signaux d’adressage par la voie d’endocytose ou utilisant des signaux peptidiques passant par d’autres voies devraient permettre d’améliorer l’efficacité de ces enzymothérapies de substitution [20, 22, 23].
La thérapie cellulaire (implantation de cellules souches qui peuvent être manipulées ex-vivo pour faire surexprimer le gène d’intérêt [24, 25]) et la thérapie génique [26] Elles font l’objet de multiples recherches [27] qui devraient aboutir dans un futur plus ou moins lointain. Toutes visent à apporter une source continue de la protéine déficitaire chez le malade. Il est également possible que l’apport de cellules normales puisse avoir une action plus complexe en produisant des composés qui pourraient être déficitaires chez le malade par suite du blocage métabolique.
Les thérapeutiques par réduction de synthèse du substrat La réduction de la vitesse de synthèse du substrat non dégradé, et donc de son influx dans les lysosomes, vise à rééquilibrer cet influx et la vitesse de dégradation très réduite [28]. Une telle approche ne peut être efficace à elle seule que s’il existe une activité de dégradation résiduelle de l’enzyme mutante du malade [29]. Cette approche ne s’applique aujourd’hui qu’aux sphingolipidoses. Dans les années 70, NS. Radin découvre les premiers inhibiteurs (très toxiques) de la synthèse du glucosylcéramide et propose en 1981 le concept, alors mal accepté, de la réduction de synthèse du substrat. Depuis des inhibiteurs moins toxiques de la synthèse des sphingolipides ont été développés, en particulier des iminosucres (dérivés alkylés du désoxynojirimycine et du désoxygalactonojirimycine). L’un d’eux (le miglustat, Zavesca®) dispose actuellement d’une autorisation européenne de mise sur le marché pour les formes modérées de maladie de Gaucher de type 1 chez les malades pour lesquels la thérapeutique enzymatique de substitution ne convient pas. D’autres molécules inhibant la synthèse des glycosphingolipides à une étape précoce sont en préparation. Par rapport aux enzymes de substitution, ces molécules, qui présentent l’intérêt de pouvoir être prises par voie orale et de traverser la barrière hémato-encéphalique, ne s’adressent qu’aux formes neurologiques tardives qui correspondent à des malades ayant une activité enzymatique résiduelle [29]. Leur cible primaire est le traitement des sphingolipidoses : maladie de Gaucher de type 1 modérée, gangliosidoses à GM1 et GM2 de révélation tardive [30]. D’autres cibles secondaires sont potentiellement envisageables, car les gangliosides (GM2 et GM3) s’accumulent dans le cerveau de beaucoup de MSL : Niemann-Pick de type C, Niemann-Pick de type A, mucopolysaccharidoses de types I, II et III, alpha-mannosidase... [4, 30] et, dans les essais thérapeutiques (thérapie génique...) chez les modèles animaux, la normalisation des gangliosides, qui est corrélée à l’amélioration clinique, constitue un excellent marqueur [31] de l’efficacité du traitement, conduisant à l’idée d’essayer d’utiliser cet inhibiteur de la synthèse des gangliosides dans d’autres MSL que les sphingolipidoses. D’autres inhibiteurs de la synthèse des glycosphingolipides sont en développement et un inhibiteur de
Les thérapeutiques spécifiques de certaines mutations : chaperons pharmacologiques et molécules favorisant la translecture des codons stop
Les molécules favorisant la translecture des codons stop Il a été montré, dans des cellules en culture, que la gentamycine avait la capacité d’augmenter la possibilité de translecture de certains codons stop dans des contextes particuliers et de permettre la restitution d’une activité enzymatique qui, bien que faible, peut être cliniquement significative [41]. Cette approche n’est pas spécifique des MSL et des composés moins toxiques que la gentamycine sont en développement pour d’autres maladies génétiques.
Les molécules chaperons
Le traitement des effets secondaires délétères
Beaucoup de mutations génèrent des protéines dont la conformation est altérée. Elles sont retenues dans le réticulum endoplasmique par les molécules chaperons naturelles de la cellule qui contrôlent la conformation correcte des protéines nouvellement synthétisées. Ces intermédiaires associés avec les chaperons de la cellule sont rapidement dégradées par le système du protéasome (ou forment des autoaggrégats toxiques). Toutefois, si elles pouvaient poursuivre leur route jusqu’au lysosome, ces protéines mutantes conserveraient une activité enzymatique résiduelle parfois proche de la normale [11, 3537]. Les molécules chaperons exogènes ont pour but de stabiliser les intermédiaires de conformation et de leur permettre d’échapper à la dégradation dans le protéasome. Les inhibiteurs de synthèse du substrat, qui se fixent au site actif, du fait de leur analogie structurale avec celui-ci, ont la capacité de se lier à pH neutre dans le réticulum endoplasmique à la protéine mutante pour stabiliser le complexe enzyme - molécule chaperon dans une conformation quasi-normale lui permettant de poursuivre sa voie vers le lysosome où, à pH acide, le complexe se dissocie. Les inhibiteurs de synthèse précédemment décrits peuvent donc souvent jouer à faible concentration le rôle de molécules chaperons [35, 38]. En outre ces petites molécules hydrophobes peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique. L’effet de ces petites molécules chaperons n’est pas général mais dépend de la mutation et donc du domaine protéique déstabilisé [39]. Cette approche peut concerner certaines mutations faux-sens et peut-être de petites délétions respectant le cadre de lecture et conduisant à l’absence d’un ou deux acides aminés en dehors du site actif. En dehors des essais sur cellules des malades en culture et dans les modèles animaux, la validité du concept a reçu une confirmation chez un patient atteint de variant cardiaque de maladie de Fabry traité par perfusions de galactose à la dose de 1 g/kg, trois fois par semaine chez qui ont été objectivés, après trois mois de traitement, une diminution de 20 % de la masse cardiaque et une amélioration sensible de la contractilité cardiaque. Cette amélioration clinique s’est poursuivie les années suivantes permettant le retrait du malade de la liste des patients inscrits pour une transplantation cardiaque [40].
Le dysfonctionnement enzymatique qui constitue la cause primaire de la maladie entraîne certes une surcharge (parfois peu importante dans certains tissus) mais aussi toute une série de réactions cellulaires et tissulaires parfois plus délétères que la surcharge elle-même [4, 42]. Des thérapeutiques adjuvantes limitant les phénomènes secondaires particulièrement délétères permettraient sans doute de freiner l’évolution de la pathologie vers des lésions irréversibles et d’améliorer le résultat des thérapeutiques existantes. Une meilleure connaissance de la physiopathologie (facilitée par la disponibilité actuelle de nombreux modèles animaux) devrait permettre de développer ces thérapeutiques adjuvantes. Par ailleurs, une meilleure connaissance des effets délétères de certains médicaments est également indispensable [43].
Conclusion Les progrès dans le traitement des enzymopathies lysosomales au cours des dernières années ont été considérables. Des thérapeutiques reposant sur des principes différents ont été développées et pour certaines sont passées dans la pratique clinique. C’est le cas de l’enzymothérapie de substitution, même si le passage de la barrière hémato-encéphalique pour les MSL à expression neurologique reste un challenge, et de la thérapeutique par réduction de la synthèse de substrat qui nécessite la recherche de nouveaux composés plus spécifiques, moins toxiques et agissant sur d’autres métabolismes que celui des sphingolipides. La thérapie génique progresse tandis que le développement de la thérapie cellulaire nécessite une meilleure maîtrise de la différenciation des cellules souches : celles-ci seront sans doute particulièrement intéressantes en cas d’absence de la protéine enzymatique ou d’altération de protéines membranaires. Des solutions plus spécifiques à certaines mutations viendront aussi de petites molécules : chaperons pharmacologiques et molécules favorisant la translecture. Les thérapeutiques qui visent à augmenter l’activité résiduelle de l’enzyme mutante ou à apporter l’enzyme normale et celles qui visent à réduire la synthèse du substrat cherchent par des moyens différents à rétablir l’équilibre influx du substrat dans le lysosome et efflux de celui-ci : elles sont donc complé-
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la synthèse des mucopolysaccharides (la ginestéine) est en cours d’évaluation en Pologne dans la mucopolysaccharidose de type III (bien que cet inhibiteur de l’activité kinase du récepteur de l’EGF « Epidermal Growth Factor » soit potentiellement génotoxique) [32]. Dans la maladie de Fabry, des développements de ce type d’approche sont également en cours [33, 34].
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mentaires et ne devraient pas être opposées. Malheureusement, les autorisations de mise sur le marché qui les considèrent indépendamment et leurs coûts élevés laissent actuellement peu de place à l’exploration de ces associations. Il est néanmoins probable qu’avec le temps, on s’acheminera vers une carte personnalisée des options thérapeutiques qui devront être adaptées à chaque malade pour un résultat thérapeutique et une qualité de vie optimales. L’optimisation du traitement passe aussi par le diagnostic précoce de ces pathologies pour que le traitement soit initié avant l’installation de lésions irréversibles : ceci implique une sensibilisation de
l’ensemble des médecins à ces pathologies rares. Par contre, il n’est pas prouvé aujourd’hui que le diagnostic présymptomatique par le biais d’un diagnostic néonatal systématique pour des patients qui ne manifesteront des signes que 40 ou 50 ans plus tard (voire pour certains resteront asymptomatiques toute leur vie) soit bénéfique ; compte tenu de l’hétérogénéité de ces affections, ce diagnostic présymptomatique n’est pas envisageable aujourd’hui, tant que les progrès indispensables dans l’établissement de critères prédictifs de la sévérité de la maladie pour un malade peu ou pas symptomatique n’auront pas été réalisés.
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Communication
Maladies de surcharge lysosomale : classification fonctionnelle et principes thérapeutiques
Maladies osseuses constitutionnelles M. Le Merrer Les maladies osseuses constitutionnelles forment un groupe hétérogène d’affections responsables d’insuffisance staturale ou d’anomalies de la structure de l’os associées ou non à des déformations. Peuvent y être incluses également les dysostoses se traduisant par des malformations d’une ou plusieurs pièces squelettiques, parfois associées à des malformations viscérales ou un retard mental. Les ostéochondrodysplasies peuvent être regroupées selon leur expression clinique : chondrodysplasies létales, pathologies osseuses découvertes à la naissance par une micromélie ou une insuffisance staturale globale ou bien une autre malformation, chondrodysplasie découverte dans l’enfance ou l’adolescence, ou associée à des incurvations diaphysaires ou des anomalies de développement du cartilage et du tissu fibreux. Une place à part doit être donnée aux anomalies de la structure osseuse, avec transparence excessive comme les ostéogenèses imparfaites et les densifications du squelette dont les ostéopétroses en sont le meilleur exemple. Les gènes de la plupart de ces anomalies osseuses constitutionnelles ont été identifiés. Ils s’expriment, soit dans la matrice cartilagineuse ou osseuse, soit au cours de la prolifération cellulaire, ou la différenciation cellulaire. L’identification des gènes nous a récemment montré que la sévérité du phénotype peut dépendre du siège et du type de la mutation dans le gène, et que des affections fort différentes, létales ou compatibles avec un morphotype modéré, peuvent être secondaires à des mutations d’un même gène. À l’inverse, des entités cliniques très bien individualisées peuvent être la conséquence de mutations de gènes très différents appartenant ou non à une même voie de signalisation. Ceci conduit à définir des groupes de maladies classées selon le gène impliqué et à mettre en évidence des spectres malformatifs spécifiques pour chaque gène. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ostéochondrodysplasie ; Maladie osseuse constitutionnelle ; Génétique ; Conseil génétique ; Ostéogenèse imparfaite ; Achondroplasie ; Maladie condensante ; Maladie des exostoses multiples
Plan ¶ Introduction
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¶ Ostéochondrodysplasies Anomalies de la croissance osseuse Troubles de la transparence osseuse
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¶ Dysostoses Dysostoses du crâne et/ou de la face Dysostoses rachidiennes et costales Dysostoses des membres
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■ Introduction Les maladies osseuses constitutionnelles forment un groupe hétérogène d’affections responsables d’insuffisance staturale ou d’anomalies de la structure de l’os associées ou non à des déformations. Elles comprennent les ostéochondrodysplasies mais aussi les dysostoses qui se traduisent par des malformations squelettiques associées ou non à des anomalies viscérales ou un retard mental. Elles sont détectées parfois in utero ou à la naissance ou bien le diagnostic est plus tardif au cours de la croissance, voire à l’âge adulte. L’identification récente des gènes responsables nous a récemment montré que la sévérité du phénotype peut dépendre du siège et du type de la mutation
dans le gène et que des affections fort différentes, létales ou compatibles avec un morphotype modéré, peuvent être secondaires à des mutations d’un même gène. À l’inverse, des entités cliniques très bien individualisées peuvent être la conséquence de mutations de gènes très différents appartenant ou non à une même voie de signalisation. Ceci conduit à définir des groupes de maladies classées selon le gène impliqué et à mettre en évidence des spectres malformatifs spécifiques pour chaque gène [1, 2]. C’est ainsi que la nomenclature internationale [3] a pris le parti de classer, lorsque c’était possible, les affections selon le gène impliqué. Cependant, cette classification est encore imparfaite puisque tous les phénotypes osseux ne sont pas encore associés à une mutation d’un gène. Mais cet abord a permis de rapprocher des affections jusqu’alors considérées comme très différentes et de mieux comprendre leur mode de transmission, leur évolution et leur prise en charge. Trente-sept groupes ont été ainsi définis incluant des affections dont la cause (le gène, la voie de signalisation, la physiopathologie) est commune et qui réunissent plus de 300 entités différentes dont la fréquence est très variable. Chaque groupe réunit les maladies qui appartiennent souvent au même spectre phénotypique qui va de la forme fœtale et souvent létale aux formes très modérées parfois de révélation tardive, comme par exemple le groupe lié aux mutations de FGFR3 (le nanisme thanatophore létal, l’achondroplasie et l’hypochondroplasie) ou les anomalies du collagène 2 (achon-
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drogenèse, dysplasie spondyloépiphysaire congénitale, syndrome de Stickler). Parfois, le groupe correspond à un phénotype caractérisé par un signe majeur commun, conséquence d’anomalies différentes d’un même processus physiopathologique comme le groupe des côtes-polydactylie (ciliopathie) ou les ostéogenèses imparfaites (anomalies du collagène 1, mutations géniques ou anomalie post-transcriptionnelle de la protéine). Enfin, il peut aussi correspondre au processus physiopathologique lui-même comme les anomalies de sulfatation du cartilage (dysplasie diastrophique, achondrogenèse, dysplasie spondyloépimétaphysaire type Omani ou Pakistani). Malgré l’aide très substantielle de cette classification internationale à la compréhension des maladies constitutionnelles, une classification reposant sur la clinique et l’aspect radiologique reste cependant plus accessible en clinique. On distingue donc deux grands groupes : • les ostéochondrodysplasies dans lesquelles s’inscrivent : les anomalies responsables d’un désordre de la croissance osseuse, les anomalies responsables du développement du tissucartilage ou du tissu fibreux et les anomalies avec troubles de la transparence osseuse ; • les dysostoses.
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Achondrogenèses Il s’agit d’un groupe hétérogène caractérisé par un nanisme létal avec tronc très court et une micromélie extrême distingués tôt à l’échographie et souvent associés à un hygroma kystique et un excès de liquide amniotique. Radiologiquement, les os sont courts et leurs métaphyses sont cupuliformes ; les ailes iliaques sont également hypoplasiques avec un bord interne concave, mais le signe le plus caractéristique est le défaut d’ossification des corps vertébraux. La forme dite de ParentiFraccaro ou achondrogenèse de type I entraîne une dysmorphie plus sévère des os, réduits à des ébauches plus ou moins informes. Elle se décompose phénotypiquement en deux formes Ia et Ib : • le type Ia décrit par Harris et Houston dans lequel les côtes sont grêles avec des fractures multiples de transmission autosomique récessive est lié à des mutations de TRIP11 [10] ; • le type Ib ou type Fraccaro dans lequel les doigts sont très anormaux (pouce en « auto-stoppeur ») est dû à des mutations récessives du gène DTDST. Une forme moins sévère est appelée dysplasie de la Chapelle [11, 12]. Dans le type Langer-Saldino ou achondrogenèse de type II, les os longs ont une forme définie avec des métaphyses légèrement cupuliformes. Il est dû à des mutations hétérozygotes (dominantes) du collagène de type 2 [13]. Il s’agit de la forme la plus sévère d’un groupe comprenant plusieurs formes selon la gravité de l’atteinte osseuse (hypochondrogenèse, dysplasie spondyloépiphysaire congénitale, syndrome de Stickler, arthropathie précoce, etc.).
■ Ostéochondrodysplasies Anomalies de la croissance osseuse On peut les distinguer selon l’âge de découverte : anténatales, à la naissance ou dans les premières années de vie.
Chondrodysplasies létales Il s’agit d’un groupe complexe que les progrès de la détection anténatale, à l’aide de l’échographie, ont contribué à élargir considérablement au cours de ces dernières années. Elles sont habituellement repérées au cours des 3 e ou 4 e mois de la grossesse, ou lors de l’échographie morphologique [4, 5] . Le caractère létal de la chondrodysplasie peut être établi sur l’existence de membres très courts (inférieurs au 3 ou 1 percentile) avec des os longs difficilement individualisables contrastant avec une macrocrânie et des signes de souffrance fœtale : hydramnios, anasarque, hygroma kystique, œdème généralisé, diminution de mouvement fœtaux, etc. Enfin, diverses malformations viscérales peuvent s’y associer. Le pronostic peut alors être évalué comme défavorable uniquement sur les aspects échographiques sans que le type précis de la chondrodysplasie ne soit établi précisément. Les examens complémentaires d’imagerie comme le contenu utérin n’ont ici que peu d’intérêt compte tenu de l’ossification insuffisante avant la 24e semaine de grossesse. Les techniques récentes d’échographie 3D et le scanner 3D multibarettes peu irradiant n’apportent que peu d’éléments utiles à la décision d’interruption compte tenu du caractère létal déjà confirmé par l’échographie classique [6, 7]. Le diagnostic est évoqué sur l’examen du cliché radiologique postmortem qui doit toujours être pratiqué. L’étude fœtopathologique et histologique du cartilage est hautement souhaitable afin d’affirmer le diagnostic et de proposer un conseil génétique [8]. Les bonnes pratiques imposent d’informer les parents de la nécessité de réaliser des examens complémentaires sans lesquels un conseil génétique ou un diagnostic prénatal moléculaire ne peuvent être proposés. La précocité du diagnostic échographique qui conduit à des interruptions de grossesse par aspiration, rend rend parfois difficile, voire impossible, toute identification précise de l’affection dont le diagnostic est essentiellement radiologique. Encore faut-il que le fœtus soit suffisamment ossifié pour qu’un diagnostic soit possible. Nanisme thanatophore Cette chondrodysplasie létale est la plus fréquente (1/40 000). Elle est repérée à l’échographie sur une micromélie particulièrement sévère contrastant avec un tronc de longueur normale et une macrocéphalie associée parfois un crâne en « trèfle » et un excès de liquide amniotique. À l’accouchement ou après l’interruption de grossesse, l’examen radiologique montre la
brièveté extrême des os longs dont les extrémités sont irrégulières et effilées. Le bassin a un aspect carré avec des toits de cotyles horizontaux et un éperon latéral. La hauteur des corps vertébraux est réduite, alors que les pédicules et les disques intervertébraux sont bien développés (vertèbres en H). Les côtes sont très courtes. Deux types sont individualisés, l’un plus sévère ou type I, dont les fémurs sont très incurvés en « combiné téléphonique », et un type 2 moins marqué avec des fémurs plus rectilignes mais une déformation en « trèfle » du crâne. Le nanisme thanatophore est dû à des mutations récentes (de novo) dominantes du récepteur au facteur de croissance fibroblastique (FGFR3) touchant la partie extracellulaire ou intracellulaire de cette protéine transmembranaire. Le type 2 est spécifiquement lié à la mutation au codon 650 dans le deuxième domaine tyrosine kinase de la protéine [9].
Syndromes côtes courtes-polydactylie
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Ils se traduisent, en dehors de la brièveté des os longs, par l’extrême raccourcissement des côtes qui en est le signe essentiel. Il en est distingué plusieurs variétés suivant la morphologie des os longs : le type Saldino-Noonan (type I), très sévère et très rare, se distingue par des extrémités métaphysaires qui ont un aspect de « flammèche » et un bassin en « trident ». Le type Majewski (type II) est caractérisé par une polydactylie pré- et postaxiale et une hypoplasie du tibia. Le type Verma-Naumoff (type III) est fréquent, avec bassin en « trident » et aspect des métaphyses en « cornet de glace » caractéristique. Le type Beemer (type IV) se présente parfois sans polydactylie et les métaphyses sont arrondies. La transmission des syndromes côtes courtes-polydactylie est récessive autosomique. Les gènes impliqués ne sont pas encore tous connus, mais deux des gènes de ciliopathies responsables d’une forme moins sévère (dystrophie thoracique de Jeune, DYNC2H1 et IFT80) sont également impliqués dans ces formes létales [14, 15]. On peut citer de nombreux autres types plus rares de chondrodysplasies létales : fibrochondrogenèse, atélostéogenèses 1 et 3 dans laquelle existe un défaut d’ossification aléatoire des os (mutations hétérozygotes de la filamine B), dysplasie « boomerang » avec une déformation triangulaire des os longs également liée à la filamine B [16, 17]. Elles sont très exceptionnelles. Sont décrites plus loin les formes létales de l’ostéogenèse imparfaite qui appartiennent à ce groupe.
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Figure 1. Achondroplasie, aspect horizontal du toit du cotyle, éversion métaphysaire et distances interpédiculaires étroites en région lombaire.
Chondrodysplasies de découverte périnatale Elles sont décelées pour des motifs variables : brièveté relative des membres (micromélie), insuffisance staturale plus globale ou pour d’autres motifs (polydactylie, étroitesse thoracique, par exemple). Chondrodysplasies avec micromélie La plus fréquente est l’achondroplasie. Nous envisageons ensuite les chondrodysplasies ponctuées, la dysplasie diastrophique, la dysplasie métatropique, les dysplasies mésoméliques. Achondroplasie. La plus connue des chondrodysplasies est aussi la plus fréquente (1/15 000) [1]. Cette maladie se traduit, chez le nouveau-né, par un nanisme micromélique et une déformation craniofaciale. La brièveté des membres prédomine sur le segment proximal mais les mains sont trapues, avec un écart anormal des troisième et quatrième doigts réalisant, avec le pouce, un aspect en « trident ». Le crâne est volumineux, les bosses frontales sont exagérément saillantes et la racine du nez est aplatie. Une hypotonie est habituelle chez le nourrisson, responsable d’une cyphose dorsale lors de la station assise (Fig. 1). Chez l’enfant plus grand, la cyphose disparaît le plus souvent, mais une hyperlordose lombaire est constante ; la croissance est lente et le contraste entre la longueur normale du tronc et le raccourcissement des membres va s’accentuer. Une limitation de l’extension des coudes est fréquente. L’examen radiologique montre un aspect trapu des os, visible dès la naissance, avec une éversion brusque de la région métaphysaire et un aspect effilé de l’extrémité fémorale supérieure sur le cliché de profil. Le développement des épiphyses est satisfaisant avec une asymétrie des condyles fémoraux. Les reliefs osseux sont excessivement développés. Les toits du cotyle
sont horizontaux et les ailes iliaques ont un aspect carré. Les distances interpédiculaires des dernières vertèbres lombaires sont réduites ; les pédicules sont courts sur les clichés de profil, et le bord postérieur du corps vertébral est anormalement concave. Les dimensions de la base du crâne sont un peu réduites. Le pronostic de l’achondroplasie est essentiellement celui de l’insuffisance staturale qui est sévère, car la taille adulte est voisine de 1,25 m. La surveillance des patients achondroplases doit être attentive [18, 19]. Divers problèmes neurologiques peuvent survenir : une discrète hydrocéphalie souvent non évolutive est constante chez l’enfant achondroplase et secondaire à un trouble de la circulation du liquide cérébrospinal (LCS) (augmentation des pressions veineuses liées à la sténose du trou déchiré postérieur). Il est nécessaire, surtout si l’hypotonie est importante et accompagnée d’encombrement ou d’apnée du sommeil, de faire un examen en résonance magnétique nucléaire (IRM) pour déceler une éventuelle compression médullaire secondaire au rétrécissement du trou occipital (Fig. 1) [20]. Un traitement chirurgical peut alors être envisagé par crâniectomie et laminectomie. Chez l’adulte, l’étroitesse du canal rachidien, majorée par l’hyperlordose lombaire peut être responsable de lombalgies, de paresthésies avec périmètre de marche réduit et de troubles sphinctériens. Cette sténose du rachis lombaire à la fois médiane et latérale est confirmée par l’IRM et peut justifier un traitement chirurgical par laminectomie. La réduction des voies aériennes supérieures peut être à l’origine de difficultés respiratoires majorées par l’étroitesse thoracique, parfois la compression médullaire, ce qui justifie la réalisation systématique, dans la première année de vie, d’une polysomnographie. Au plan orthopédique, la cyphose dorsale du nourrisson est prévenue en évitant d’asseoir l’enfant précocement, par le port d’un petit corset jusqu’à la marche seul et une kinésithérapie pour développer la musculature dorsale. Cette kinésithérapie est prolongée au cours des premières années pour lutter contre le flessum de la hanche responsable de l’hyperlordose. Au cours de la croissance un varus des membres inférieurs, conséquence d’une asymétrie de croissance entre le tibia et le péroné et de la laxité du genou, se développe dans la moitié des cas et est traité par ostéotomie tibiale avec dérotation. L’allongement chirurgical des os longs est parfois proposé dans l’achondroplasie mais ne doit être envisagé qu’en fin de la croissance et en l’absence de toute contre-indication, car il s’agit d’interventions lourdes qui doivent répondre à la demande de l’intéressé après entretien psychologique indispensable. Le traitement par hormone de croissance n’est pas efficace dans cette affection [21]. Une vigilance particulière de l’audition doit être assurée du fait du défaut de perméabilité tubaire responsable d’otites séreuses récidivantes. Enfin, il convient de surveiller la courbe de poids des enfants achondroplases qui ont souvent tendance à l’obésité et de s’assurer du bon équilibre psychologique, parfois mis à mal par le regard des autres [22]. La maladie obéit à une transmission dominante, mais la majorité des cas observés sont secondaires à une mutation récente. Il s’agit de la mutation au codon 380 du gène FGFR3 (région transmembranaire) [23, 24]. À côté de l’achondroplasie, l’hypochondroplasie est une forme atténuée de la maladie qui est parfois découverte plus tardivement. Elle est reconnue par un canal vertébral étroit, la forme carrée des ailes iliaques, l’aspect trapu des os longs avec un discret élargissement de la limite métaphysaire. Il n’y a pas de modifications faciales ou crâniennes. L’insuffisance staturale est moins sévère que dans l’achondroplasie. Cette affection est également dominante mais le diagnostic clinique peut en être malaisé lorsque les signes radiologiques sont atténués. Il est facilité par la mise en évidence de la mutation au codon 540 de FGFR3 (domaine tyrosine kinase I) [25] . Ainsi, le nanisme thanatophore, l’achondroplasie et l’hypochondroplasie définissent un spectre clinique de gravité décroissante selon le siège de la mutation dans le gène.
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Chondrodysplasies ponctuées. Il s’agit d’un groupe hétérogène dont le trait caractéristique est la présence de multiples calcifications, qui siègent au voisinage des articulations ou sur le rachis. Ces calcifications disparaissent plus ou moins rapidement dans les premiers mois ou les 2 premières années de la vie. Des atteintes oculaires (cataracte) ou cutanées (ichtyose) s’y associent fréquemment. La forme rhizomélique isolée par Spranger se traduit par la brièveté de l’humérus et du fémur où siègent électivement les calcifications, épargnant le rachis avec, cependant, une fissure des corps vertébraux sur le cliché de profil. L’évolution de cette forme est particulièrement sévère, associée à une atteinte mentale et sensorielle presque toujours fatale au cours de la première année. Autosomique récessive, il a été montré qu’elle était secondaire à une anomalie peroxysomale, tout comme le syndrome de Zellweger. Deux gènes sont connus : PEX7 sur le chromosome 6 et DHAPAT sur le chromosome 1 [26]. La forme brachytéléphalangique récessive liée au sexe touche, en revanche, les garçons. La dysmorphie faciale est très marquée, correspondant au syndrome de Binder ; la brièveté des phalanges terminales, qui en est un des signes, permet le diagnostic rétrospectif après disparition des calcifications. L’évolution est relativement favorable sans retard des acquisitions. Une instabilité cervicale ou des calcifications trachéales qui peuvent y être associées sont des signes de gravité. Le gène impliqué est l’arylsulfatase E (ARSE) localisé sur le bras court du chromosome X. Il faut signaler que l’intoxication par le dicoumarol (warfarine) simule une phénocopie de cette affection [27, 28]. Il existe, d’autre part, un groupe complexe dit de ConradiHünermann qui se traduit par une atteinte asymétrique et touchant le rachis et dont l’hétérogénéité génétique est probable. La forme dominante liée au sexe, décrite par Happle, est létale chez le garçon et ne s’observe que chez la fille. Elle est caractérisée par une asymétrie des os longs, par une ichtyose en « bandes » et des plages d’alopécie, une cataracte mais un développement psychomoteur normal. Ce phénotype est lié à des mutations de l’enzyme 3-bêta-hydroxystéroïde delta-8-delta7 isomerase impliquée dans la voie de biosynthèse du cholestérol [29, 30]. D’autres chondrodysplasies ponctuées sont encore difficilement classables dont certaines sont des fœtopathies. Outre la warfarine, le lupus maternel et l’imprégnation alcoolique maternelle peuvent être responsables de chondrodysplasie ponctuée chez le fœtus. Dysplasie diastrophique. Elle se distingue in utero ou dès la naissance par la présence de pieds bots et d’une implantation anormale du pouce en abduction. Une fente palatine est observée dans un tiers des cas et des déformations du pavillon de l’oreille se développent dans les premières semaines de vie. Ce nanisme peut être très sévère [1]. L’examen radiologique montre une brièveté des os longs avec élargissement de l’extrémité inférieure du radius, un aspect parfois ovoïde du premier métacarpien, une avance de maturation des points carpiens et les déformations des pieds ; les épiphyses du genou et fémorale supérieure sont précocement aplaties. Le bassin et les vertèbres sont peu modifiés en dehors d’anomalies cervicales (subluxation C3-C4). Une cyphoscoliose ainsi que d’importants désordres du développement des épiphyses sont responsables de déformations majeures et de flessum (Fig. 2). Un suivi orthopédique attentif est nécessaire pour traiter les pieds bots et corriger les déviations vertébrales et les rétractions. Il s’agit d’une affection autosomique récessive. Le gène impliqué est un transporteur de sulfate (DTDST). Ses mutations sont responsables d’un spectre malformatif allant du phénotype de l’achondrogenèse de type Ib et l’atélostéogenèse de type II, à une dysplasie polyépiphysaire modérée associée ou non à des pieds bots sans insuffisance staturale ni déformations majeures [31, 32]. Dysplasie métatropique. Elle est découverte par la brièveté relative des membres, alors que le tronc semble long et étroit. La palpation révèle souvent des saillies métaphysaires surtout au voisinage du genou. Une scoliose est souvent précoce. L’examen
Figure 2. Dysplasie diastrophique, noter le premier métacarpien court et un élargissement de l’extrémité inférieure du radius.
radiologique, à la naissance, montre l’aspect élargi de la métaphyse des os longs, en « haltère ». La hauteur des corps vertébraux est réduite. Ultérieurement, la déformation des os longs va s’atténuer, mais une très grave cyphoscoliose se développe. Le traitement de cette dernière, d’ailleurs très difficile, nécessite souvent le recours à des arthrodèses vertébrales [33]. Le mode de transmission longtemps discuté est dominant autosomique et des mutations du gène TRPV4 ont été récemment décrites également impliquées dans des dysplasies spondylométaphysaires (Koslowski) et des brachyolmies. Ce groupe de pathologie osseuse lié à TRPV4 a comme caractéristique une platyspondylie importante associée à des anomalies métaphysaires plus ou moins sévères [34]. Dysplasies mésoméliques. Nous citons ici la forme décrite par Langer, autosomique récessive, qui semble correspondre à la forme homozygote de la dyschondrostéose. Elle est responsable d’un raccourcissement qui prédomine sur le segment moyen du membre, avec la brièveté très marquée du radius et du cubitus et l’hypoplasie du péroné. Il s’agit d’une altération homozygote du gène SHOX, lui-même responsable de la dyschondrostéose à l’état hétérozygote [35]. Un autre syndrome, décrit par Robinow, comporte, en plus de l’atteinte mésomélique, des troubles de la segmentation rachidienne, une hypoplasie de la verge ainsi qu’une morphologie particulière du visage. À côté d’une forme récessive liée au gène ROR2 [36], il existe une forme dominante dont le gène n’est pas identifié. Il existe d’autres types de nanisme micromélique découverts à la naissance, telles les dysplasies acromésoméliques qui intéressent également la main et le pied. La forme de HunterThompson est liée à des mutations récessives du gène cartilagederived morphogenetic protein (CDMP1) [37]. La forme de Maroteaux est caractérisée par un raccourcissement des os de l’avant-bras et de la main, et une déformation cunéiforme des corps vertébraux ; elle est également de transmission autosomique récessive et est liée à des mutations du gène NRP2, localisé sur le chromosome 9 [38]. Chondrodysplasies avec insuffisance staturale globale Elles sont découvertes en raison d’une insuffisance staturale qui intéresse à la fois le tronc et les membres. Nous envisageons ici les anomalies du collagène de type 2 et de type 11 responsables de dysplasie spondyloépiphysaire de gravité variable.
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Dysplasie spondyloépiphysaire congénitale. Elle est responsable d’une brièveté de la taille qui est déjà notable à la naissance, mais qui ne s’accompagne pas de disproportion entre le tronc et les membres, ni de dysmorphie faciale. Une fente palatine ou un syndrome de Pierre Robin et une myopie peuvent être décelées précocement. Ultérieurement, l’évolution se fait vers des déformations des membres, un flessum de la hanche responsable d’une bascule du bassin et d’une hyperlordose lombaire. La croissance staturale est habituellement très perturbée. L’examen radiologique, à la naissance, montre la brièveté des os longs et, surtout, un retard d’apparition des noyaux épiphysaires et une ossification insuffisante des branches ischiopubiennes. Les vertèbres ont un aspect légèrement ovoïde ou trapézoïdal. Plus tard, l’extrémité fémorale supérieure est très déformée responsable d’une coxa vara fréquente et la bascule du bassin justifie parfois une ostéotomie. La maladie obéit, le plus souvent, à une transmission autosomique dominante et est liée à une mutation du collagène de type 2, mais il existe peut-être une hétérogénéité génétique [39, 40]. Maladie de Kniest. Elle est proche de la précédente, mais elle s’accompagne d’une dysmorphie faciale caractérisée par la dépression de la base du nez et parfois une fente palatine ou un syndrome de Pierre Robin. La myopie est fréquente et, parfois, une hypoacousie est observée. La croissance est variable : certains enfants ont une croissance subnormale alors que d’autres sont très petits. La scoliose est fréquente et les déformations des membres sont souvent importantes avec des genoux volumineux en flessum. Radiologiquement, l’extrémité métaphysaire supérieure du fémur est élargie et, ultérieurement, le défaut du développement de la tête fémorale contraste avec le volume souvent important des épiphyses du genou. La platyspondylie est nette et précoce. L’évolution se fait vers une arthrose précoce et une scoliose qu’il est parfois nécessaire d’arthrodéser. La surveillance ophtalmologique est nécessaire pour éviter l’évolution d’une atteinte vitréenne ou d’une myopie vers le décollement de rétine. La transmission est dominante autosomique, avec identification de mutations hétérozygotes (délétion-substitution) dans le collagène de type 2 [40, 41]. Maladie de Stickler et apparentés. Cette affection est souvent suspectée dans les premiers mois de vie par la coexistence d’un syndrome de Pierre Robin ou équivalent, d’une hypoplasie de l’étage moyen de la face (face plate) et des articulations volumineuses parfois hyperlaxes. Une myopie sévère avec risque de décollement de rétine ultérieur et une surdité de perception sont fréquemment associées. Radiologiquement, à la naissance, les os sont peu modifiés, parfois un peu trapus avec des métaphyses élargies. L’ossification des épiphyses est irrégulière ; celles-ci peuvent être volumineuses aux genoux, contrastant avec un aplatissement de la tête fémorale. Les diaphyses sont graciles. Les corps vertébraux ont parfois une hauteur réduite avec déformation cunéiforme en région dorsale [41]. Très variable cliniquement, cette affection est autosomique dominante. Son large spectre clinique permet d’y rattacher le syndrome de Weissenbacher-Zweymüller ou syndrome micrognathe, le syndrome oto-spondylo-méga-épiphysaire (OSMED) [42] et le syndrome de Marshall. Les études moléculaires ont démontré son hétérogénéité génétique : si certaines formes sont liées au collagène de type 2, d’autres sont secondaires à des mutations du gène COL11A1 ou COL11A2. Des mutations à l’état homozygote de COL11A2 ont été mises en évidence dans les OSMED, alors qu’une mutation à l’état hétérozygote peut être responsable d’un phénotype de Stickler sans anomalie oculaire. Les corrélations phénotypes-génotypes ne sont pas encore très claires [43]. Chondrodysplasies découvertes en raison d’anomalies autres que le retard de croissance Nous envisageons surtout ici : la dysplasie chondroectodermique, la dysplasie thoracique et la dysplasie cléidocrânienne. Dysplasie chondroectodermique (syndrome d’Ellis-Van Creveld). Cette dysplasie associe des désordres de la croissance
Figure 3. cotyle.
Syndrome d’Ellis-Van Creveld, noter l’aspect en « trident » du
osseuse, une polydactylie, des anomalies ectodermiques et, dans un quart des cas, une malformation cardiaque. La polydactylie est toujours postaxiale. Les anomalies ectodermiques concernent surtout les ongles qui sont petits et de mauvaise qualité, et les dents déformées et irrégulièrement implantées. Les troubles de la croissance sont relativement modérés, et c’est essentiellement la cardiopathie qui fait la gravité de la maladie car elle peut compromettre le pronostic vital. Radiologiquement, en dehors de la polydactylie et des phalanges distales et moyennes très courtes, le toit des cotyles est horizontal, avec deux saillies latérales et une médiane arrondie réalisant le bassin en « trident ». De petits éperons métaphysaires sont également présents (Fig. 3). Ultérieurement, la brièveté des os longs s’accompagne de la fusion des os du carpe et d’une asymétrie des plateaux tibiaux. La transmission obéit au mode autosomique récessif et est due à des mutations récessives des gènes EVC1 et EVC2 localisés sur le chromosome 4 [44-46]. Dysplasie thoracique asphyxiante de Jeune. L’étroitesse du thorax conduit à la reconnaissance de cette maladie déjà parfois in utero et en fait la gravité du fait d’accidents respiratoires dans les premières semaines ou les premiers mois de vie responsables d’un pronostic très sévère. Certains cas développent au cours de la vie des complications rénales (kystes rénaux, insuffisance rénale), d’autres une rétinite pigmentaire ou une cholestase. Au cours de l’évolution, les troubles de la croissance sont modérés, mais les complications viscérales peuvent aussi en faire toute la gravité. L’examen radiologique montre la brièveté des côtes et l’aspect cylindrique du thorax ; la morphologie du bassin est, d’autre part, très comparable à celle décrite dans la dysplasie chondroectodermique [44]. De transmission récessive autosomique, cette affection paraît être génétiquement hétérogène. Les gènes
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.
Figure 4. Dysplasie cléidocrânienne, défaut d’ossification des branches ischiopubiennes, développement excessif des têtes fémorales.
IFT80 et DYNC2H1 impliqués dans le transport ciliaire ont été récemment identifiés mais ne relèvent sûrement pas de l’ensemble des cas. L’identification des gènes EVC, DYN2CH1 et IFT80 impliqués dans la mécanique ciliaire permet d’inclure ces affections dans des ciliopathies [47, 48]. Dysplasie cléidocrânienne. Cette chondrodysplasie est bénigne et est le plus souvent découverte en raison d’un défaut d’ossification du crâne avec une fontanelle largement ouverte parfois détectable in utero. Des anomalies d’implantation ou d’éruption des dents sont fréquentes. L’absence ou l’hypoplasie des clavicules peut être décelée cliniquement ou mise en évidence par la radiologie qui montre aussi le retard du développement des branches ischiopubiennes et la présence d’os wormiens sur la voûte du crâne dont l’ossification est retardée. La dysplasie cléidocrânienne trouble habituellement peu la croissance. Quelques troubles de la statique sont possibles et doivent être surveillés mais il faut craindre surtout, au cours de son évolution, le développement d’une coxa vara (Fig. 4). Autosomique dominante, cette affection est liée à des mutations du gène CBFAI, dont le rôle est essentiel dans la mise en place des ostéoblastes [49, 50]. Dysplasies osseuses avec incurvation diaphysaire Une incurvation diaphysaire repérée in utero peut faire évoquer plusieurs affections différentes : une ostéogenèse imparfaite, une hypoplasie fémorale uni- ou bilatérale, une chondrodysplasie de type campomélique, un syndrome de Stuve et Wiedemann ou bien un syndrome kyphomélique. Cette incurvation diaphysaire peut aussi se rencontrer plus rarement dans certaines formes de la dystrophie thoracique de Jeune ou de dysplasie métaphysaire récessive de type Mc Kusick. L’ostéogenèse imparfaite est traitée plus loin, dans le cadre des anomalies de la transparence osseuse. Hypoplasie fémorale isolée. Elle peut être uni- ou bilatérale et responsable d’incurvation lorsqu’elle est modérée. Son pronostic dépend de la qualité de l’articulation de la hanche. Lorsqu’elle est bilatérale, parfois asymétrique, elle peut s’accompagner d’une dysmorphie faciale (philtrum long et micrognathisme) et est parfois associée à une malformation vertébrale ou costale. Le plus souvent sporadique, cette affection semble souvent associée à un diabète maternel [51]. Dysplasie campomélique. L’incurvation fémorale est découverte in utero ou à la naissance, parfois associée à des pieds
bots. L’incurvation des os longs, avec parfois fossette en regard, est associée à une dysmorphie avec face plate, fente palatine, étroitesse du thorax et parfois réversion sexuelle. L’examen radiologique confirme l’incurvation des fémurs et des tibias à convexité interne, plutôt grêles, et une hypoplasie des péronés. Les ailerons sacrés et des omoplates sont hypoplasiques et constituent l’un des signes pathognomoniques de l’affection. Il existe aussi une absence d’ossification des branches ischiopubiennes à la naissance et des corps vertébraux cervicaux petits. Les phalanges moyennes sont courtes. L’évolution dans sa forme classique est péjorative, liée à une détresse respiratoire précoce [52]. Certaines formes sont compatibles avec la survie et développent un tableau malformatif proche de la dysplasie ischiovertébrale [53] dans lequel une scoliose cervicale basse et dorsale haute évolutive est associée à une hypoplasie des ischions et des rotules. De nombreuses formes cliniques sont possibles, certaines avec ambiguïté sexuelle, d’autres sans incurvation osseuse. L’étude moléculaire du gène SOX9, un facteur de transcription impliqué dans la différenciation sexuelle [54, 55] permet le diagnostic de certitude en montrant soit des mutations ponctuelles, des délétions, voire des remaniements à distance du gène et confirme la transmission dominante autosomique. Syndrome de Stuve et Wiedemann. Il se distingue par des incurvations des os longs sur des os plutôt trapus, la présence d’une camptodactylie et parfois de pieds bots, des troubles respiratoires précoces, avec épisodes d’hyperthermie maligne, responsables du décès fréquent au cours de la première année de la vie. Parfois suspecté in utero, son diagnostic différentiel avec une ostéogenèse imparfaite est difficile. Radiologiquement, les os longs sont trapus avec une corticale épaisse dans leur concavité ; les métaphyses sont irrégulières, comme gommées. Les ailes iliaques et les omoplates sont normales [56]. L’évolution est sévère et lorsque les enfants survivent il persiste une très petite taille, des déformations osseuses importantes et des signes de dysautonomie (langue dépapillée, insensibilité à la douleur et hyper/hypothermie). La transmission de l’affection est récessive autosomique et liée à des mutations du gène LIF récepteur (LIFR [57]). Syndrome kyphomélique. L’autonomie de ce syndrome est discutée du fait d’une probable hétérogénéité clinique des cas rapportés. Cependant, il existe un tableau clinique assez caractéristique associant à l’incurvation souvent très sévère une micromélie importante et des os courts et massifs, ainsi qu’une dysmorphie avec hypoplasie de l’étage moyen de la face. L’élargissement métaphysaire accompagne des os très incurvés dont la croissance est très ralentie. La transmission obéit au mode autosomique récessif [58].
Chondrodysplasies découvertes dans l’enfance ou l’adolescence D’autres chondrodysplasies sont plutôt détectées seulement au cours de la croissance sur une anomalie de croissance. On distingue ainsi les dysplasies avec atteinte élective des épiphyses dont la forme majeure est la pseudoachondroplasie et les dysplasies métaphysaires. D’autres chondrodysplasies plus rares sont décrites et récemment ont été identifiées sur le plan moléculaire [1]. Dysplasies polyépiphysaires Ce groupe hétérogène d’affections intéresse électivement les épiphyses mais il n’est pas rare de constater aussi de petits remaniements métaphysaires ou vertébraux sans conséquences majeures. Pseudoachondroplasie. Dans cette dysplasie, l’atteinte osseuse intéresse les épiphyses mais aussi les métaphyses et les vertèbres. La maladie est découverte vers la 2e année de la vie en raison d’une démarche dandinante et d’une inflexion staturale brutale qui va rapidement se majorer, et évoluer vers un nanisme micromélique avec une brièveté très marquée de la main et du pied et une hyperlaxité. Le visage, en revanche, est normal.
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Figure 5. Dysplasie polyépiphysaire de type Fairbank, les épiphyses sont très petites pour un enfant de 10 ans.
Les radiographies montrent un défaut d’ossification des épiphyses, en particulier fémorale supérieure qui est très ronde et punctiforme. Les autres épiphyses et le carpe sont très dysplasiques. Les corps vertébraux sont déformés en languette, déformation qui va progressivement disparaître avec le temps. La maladie nécessite une surveillance orthopédique attentive car les déformations des membres sont habituelles et souvent récidivantes : incurvation en varus avec ébauche de subluxation antérieure du fémur sur le tibia. La transmission obéit au mode dominant, mais les mutations récentes (de novo) sont fréquentes. La protéine anormale est COMP [59, 60]. Dysplasies polyépiphysaires isolées. La plus fréquente est la forme dominante (type Fairbank). Elle est découverte, le plus souvent, vers la 2e année de la vie, en raison de troubles de la marche (démarche dandinante). La vitesse de croissance s’infléchit légèrement ; les mains sont trapues. La limitation des mouvements des articulations, en particulier de la hanche, est souvent observée (abduction, rotation). L’examen radiologique montre les déformations des épiphyses qui sont irrégulières, fragmentées et d’apparition souvent tardive (Fig. 5). La métaphyse des phalanges et des métacarpiens, voire des grosses articulations, peut être légèrement modifiée, mais il n’y a pas de platyspondylie [60, 61]. C’est le gène initialement qui code pour la protéine cartilage oligomatrix (COMP), également impliqué dans la pseudoachondroplasie (cf. infra), qui a été identifié comme responsable de ces dysplasies polyépiphysaires. Cependant, certaines formes également dominantes, parfois moins sévères mais difficilement distinguables des précédentes, sont dues à des mutations sur l’une des chaînes alpha-1, alpha-2 ou alpha-3 du collagène 9 [62] ou de la matrilline 3. Enfin, d’autres formes de dysplasies polyépiphysaires peuvent avoir un mode de transmission autosomique récessif et être la conséquence de mutation de DTDST (cf. supra) ou relever de formes modérées de mucolipidoses de type III.
Figure 6. Dysplasie métaphysaire de Schmid, noter la coxa vara et l’éversion métaphysaire.
Dysplasies métaphysaires .
Il s’agit d’affections responsables de petites tailles, parfois sévères, liées à une anomalie de la métaphyse. Ces atteintes métaphysaires peuvent parfois s’associer à des troubles de la croissance vertébrale que l’on regroupe alors sous le terme de dysplasie spondylométaphysaire.
Dysplasie métaphysaire de Schmid. Découverte au cours de la 2e année de vie, elle se manifeste par un ralentissement de la croissance ou une incurvation des membres inférieurs en varus. La petite taille reste modérée (1,40 m à l’âge adulte) et les membres paraissent plutôt courts mais les mains sont normales. Cliniquement, en dehors de cette micromélie, un léger élargissement du bassin est fréquent. L’examen radiologique montre la présence d’irrégularités des métaphysaires des os longs qui sont élargies. L’atteinte du col fémoral est souvent plus marquée et elle s’accompagne d’une coxa vara (Fig. 6). En revanche, les os de la main sont épargnés. Une petite atteinte vertébrale est parfois possible. Cette affection obéit à une transmission autosomique dominante et est due à une mutation hétérozygote du gène du collagène 10 (COL10A1) [63, 64]. Dysplasie métaphysaire de McKusick ou cartilage hair hypoplasia. À l’inverse de la précédente, cette dysplasie osseuse est responsable d’une très petite taille dès la naissance et parfois suggérée en cours de grossesse. Elle est cliniquement très polymorphe. Chez certains enfants elle s’accompagne de signes associés sévères tels qu’une maladie de Hirschsprung, ou d’une anémie de type Blackfan-Diamond, de déficit immunitaire de type cellulaire (lymphopénie), humoral ou auto-immun parfois très discret mais toujours présent. Les cheveux peuvent être clairsemés et blonds mais aussi normaux. Les radiographies peuvent montrer des os trapus avec des métaphyses élargies et de grosses épiphyses. Le rachis est normal. Une incurvation fémorale est possible également parfois détectable in utero. Dans d’autres cas, les lésions osseuses sont plus discrètes. L’association d’une atteinte
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immunitaire et de lésions osseuses doit faire évoquer ce diagnostic dont la transmission récessive autosomique est clairement démontrée. Cette affection est la conséquence de mutation du gène RMRP qui code pour une endoribonucléase impliquée dans la synthèse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial [65, 66]. Lors de l’évolution, les traitements pour combattre le déficit immunitaire (greffe, traitements antibiotiques au long court) sont souvent nécessaires ainsi que la cure chirurgicale de l’incurvation des membres inférieurs. Une forme très rare et sévère de chondrodysplasie métaphysaire est caractérisée par une insuffisance staturale importante, d’énormes métaphyses floculeuses et une densification de la base du crâne. Cette dysplasie dite de Jansen est due à des mutations du gène PTH/PTHrP [67]. Dysplasies spondyloépimétaphysaires sévères L’archétype de ces affections est la maladie de Morquio qui n’est pas étudiée ici, car elle entre dans le cadre des mucopolysaccharidoses, maladies de surcharge lysosomale. Elle est progressive et elle associe à la platyspondylie une instabilité cervicale redoutable. Sa transmission est récessive autosomique. Dysplasie spondylométaphysaire de type Kozlowski. Découverte, le plus souvent, dès les premières années de la vie par une insuffisance staturale qui prédomine sur le tronc, elle se traduit radiologiquement par une réduction de la hauteur de tous les corps vertébraux qui sont élargis : sur le cliché de face, ils débordent largement les pédicules en dehors, et de profil ils se prolongent antérieurement en « languette ». La scoliose est fréquente. Les métaphyses fémorales supérieures et la région trochantérienne sont irrégulières. Le col est très court, déformé en varus ; les toits de cotyle sont horizontaux et la hauteur des ailes iliaques est réduite. La transmission est autosomique dominante [68]. Des mutations hétérozygotes du gène TRPV4 ont été récemment montrées. Ainsi, la dysplasie métatropique, la dysplasie de Koslowski et la brachyolmie réalisent un spectre phénotypique de gravité variable correspondant à des mutations d’un même gène [69]. Dysplasies spondyloépiphysaires complexes. De nombreuses dysplasies osseuses n’entrent pas dans les cadres définis (cf. supra). Leur symptomatologie est variable et l’hétérogénéité est grande. La dysplasie décrite par Dyggve-Melchior-Clausen associe à la dysplasie spondyloépimétaphysaire, un retard mental et une microcéphalie, ce qui est un élément discriminant et rare dans les maladies osseuses. Radiologiquement, la déformation des plateaux vertébraux (double ondulation) s’accompagne d’un bassin particulier : cotyles horizontaux, tête fémorale subluxée et double contour irrégulier des ailes iliaques et des branches ischiopubiennes (Fig. 7). Cette affection est autosomique récessive et fréquente au Maghreb et liée à des mutations du gène dymecline [70]. La dysplasie pseudorhumatoïde doit être également reconnue : elle se manifeste dans les premières années de la vie par des douleurs et des limitations articulaires avec gonflement des petites articulations sans signe inflammatoire et le flessum des hanches. Radiologiquement, les corps vertébraux ont un aspect ovoïde et les épiphyses des os de la main sont élargies avec pincement des interlignes articulaires. Cette affection douloureuse et progressive est autosomique récessive et est due à des mutations du gène WISP1 [71]. Elle ne doit pas être confondue avec des arthrites juvéniles inflammatoires. Platyspondylies dites isolées Dysplasie spondyloépiphysaire tardive. Elle est décelée entre 5 et 10 ans en raison de la brièveté du tronc et d’un infléchissement de la croissance. Chez l’adulte, la taille est voisine de 1,45 m. L’examen radiologique du rachis de face montre un aplatissement généralisé des corps vertébraux, qui est souvent plus accentué dans la région dorsale ; en outre, le plateau vertébral est bombé dans sa partie médiane, et l’espace intervertébral est élargi latéralement (Fig. 8). Le bassin est de petite dimension. Le pronostic est relativement favorable en dehors d’une ostéochondrite où une arthrose précoce de la hanche est fréquente au cours de l’évolution. La transmission
Figure 7. Dysplasie de Dyggve-Melchior-Clausen : aspect festonné des ailes iliaques.
obéit au mode récessif lié au sexe et seuls les garçons sont atteints. Le gène impliqué, la sedline, est localisé sur le chromosome Xp22 [72]. Brachyolmie. Cette affection est caractérisée par une réduction de la hauteur de tous les corps vertébraux, qui ont en revanche, sur les clichés de face, une largeur excessive. Une déviation vertébrale, en particulier une scoliose, est souvent présente. Les épiphyses sont sensiblement normales, en dehors parfois d’une discrète déformation de la tête fémorale. Les métaphyses peuvent être légèrement striées et irrégulières (hanche). L’insuffisance staturale est quelquefois un peu plus sévère que dans la dysplasie spondyloépiphysaire tardive. La transmission n’est pas claire, certaines obéissent à un mode dominant, et dans ce cas sont liées à des mutations du gène TRPV4 [69, 73] déjà impliqué dans la dysplasie métatropique. Dysplasies acroméliques Il s’agit également d’un groupe de pathologies d’origine et de transmission différentes. Syndrome tricho-rhino-phalangien. Décrite par Giedion, cette affection associe des modifications du visage et des cheveux à des atteintes épiphysométaphysaires des extrémités. Le nez est élargi, ce qui confère au visage des sujets atteints un aspect caractéristique. Les cheveux sont clairsemés. Les épiphyses en cônes des phalanges moyennes caractéristiques apparaissent dans la seconde enfance et sont source de déviation des doigts. La transmission est dominante. Le pronostic est favorable, mais la surveillance de la hanche est nécessaire car le développement d’une ostéochondrite semble particulièrement fréquent. Localisé sur le chromosome 8, le gène zinc finger protein (TRPS1) s’exprime à l’état dominant [74]. La dysplasie tricho-rhino-phalangienne de type II (LangerGiedion) est un syndrome voisin qui associe une atteinte assez proche du visage, des cheveux et des phalanges, un retard mental et des exostoses multiples. Elle est due à une délétion de gènes contigus, incluant TRPS1 et EXT1 portant sur le bras long du chromosome 8.
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Figure 9. Déformation de Madelung dans le cadre d’une dyschondrostéose.
Figure 8. Dysplasie spondyloépiphysaire tardive : aplatissement des corps vertébraux avec saillie médiane des plateaux.
Acrodysostose. Elle associe une face plate et une extrême brièveté des mains et des pieds qui s’accentue avec l’âge. Une obésité et un retard statural et mental modéré sont quasiment constants. Parfois rapprochée de la pseudohypoparathyroïdie de type II du fait de désordres du métabolisme phosphocalcique déjà rapportés, elle s’en distingue par l’absence de mutation du gène GNAS [75, 76]. Sa transmission est dominante. Dysplasie géléophysique. Parfois découverte dès les premiers mois sur une brièveté des mains et des pieds elle est repérée sur un faciès dit « rieur » avec une grande bouche à lèvre supérieure fine, un long philtrum plat et une peau tendue. Un épaississement du derme et un aspect pseudomusclé accompagnent l’enraidissement progressif des doigts ; des flessum des grosses articulations sont responsables de troubles de la statique (pieds équin). Une hépatomégalie et des anomalies valvulaires peuvent être détectées tôt après la naissance. Un rétrécissement des voies aériennes supérieures (trachéal), une hypoacousie, une hypertension intracrânienne peuvent apparaître au cours de l’évolution qui est lentement progressive. Cependant, certaines complications cardiaques et respiratoires (détresse respiratoire obstructive par rétrécissement trachéal et épaississement des parois alvéolaires) en font toute la sévérité ; radiologiquement les métacarpiens sont courts et leurs extrémités effilées, les têtes fémorales sont petites. Cette affection est récessive autosomique et liée à des mutations du gène ADAMTSL2 [77, 78].
Dysplasie acromicrique. Très proche cliniquement dans la petite enfance, elle s’en distingue par l’absence de signes cardiaques et de progression de l’épaississement du derme et l’enraidissement des articulations. Il existe cependant une atteinte respiratoire possible au fil du temps à l’âge adulte. Sa transmission est dominante autosomique mais le gène n’est pas encore identifié [78]. Dysplasies mésoméliques Les dysplasies osseuses avec mésomélie sont assez complexes mais la plus fréquente d’entre elles, la dyschondrostéose est bien identifiée au plan clinique et moléculaire : elle est responsable d’une petite taille relative, variable au sein d’une même famille, associée à une déformation de Madelung (Fig. 9, incurvation du radius et luxation de la tête cubitale, déformation en « dos de fourchette »). Elle est le plus souvent dépistée à l’adolescence mais le ralentissement statural est plus précoce. Un traitement par hormone de croissance peut être envisagé mais dont les résultats sont encore à évaluer. Cette affection est liée à une délétion ou une mutation ponctuelle de SHOX, localisée sur la partie pseudoautosomique du chromosome X [79].
Chondrodysplasies avec développement anarchique du cartilage et du tissu fibreux On distingue ici la dysplasie épiphysaire hémimélique, la maladie des exostoses multiples, l’enchondroplasie et la dysplasie fibreuse. Dysplasie épiphysaire hémimélique (tarsomégalie) Les altérations épiphysaires unilatérales du membre inférieur intéressant électivement le genou et les os du tarse sont découvertes à un âge variable, en raison d’une tuméfaction du genou et de la tibiotarsienne (genu valgum, pied plat) et de limitations articulaires. Radiologiquement, les épiphyses intéressées ou les os du tarse sont hypertrophiés de façon asymétrique. On note, à leur voisinage, plusieurs noyaux
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d’ossification de petites dimensions, de formes et de limites irrégulières, et qui se confondent souvent en une masse unique. Les condyles du fémur, le talus, sont le plus fréquemment atteints ainsi que les os voisins : plateau tibial, naviculaire, premier cunéiforme. La maladie apparaît de façon isolée [1]. Les lésions évoluent vers la stabilisation à la fin de la croissance, mais les déformations justifient souvent des interventions correctrices. Maladie des exostoses multiples Habituellement découverte au cours de la deuxième enfance, elle se traduit cliniquement par des tuméfactions des os longs, qui siègent au voisinage des articulations. Parfois, des déformations des membres les accompagnent, en particulier une déviation de la main du côté cubital. La taille est généralement un peu inférieure à la moyenne. La radiologie objective l’anomalie osseuse caractéristique de l’affection : l’exostose. De volume varié, souvent bilatérales et symétriques, les exostoses siègent sur les métaphyses et se développent en subissant l’action des muscles et des tendons, tantôt sessiles, tantôt pédiculées. Un défaut de modelage des métaphyses accompagne ces exostoses. Certains segments peuvent être plus courts, en particulier de l’extrémité cubitale inférieure, et responsables de déformations. Le développement des exostoses s’arrête habituellement à l’âge adulte et le pronostic de cette affection est relativement favorable. Des compressions vasculaires et nerveuses sont possibles, responsables de troubles sensitifs et d’anévrismes. La dégénérescence maligne est la complication la plus redoutable de la maladie chez l’adulte, mais sa fréquence reste faible entre 5 % et 10 % [77]. La maladie des exostoses multiples est transmise selon le mode autosomique dominant ; sa fréquence est de l’ordre de 1/20 000. Cette affection est génétiquement hétérogène : plusieurs localisations génétiques sont connues, sur les chromosomes 8, 11 et 19 et deux gènes EXT1 (8q23-q24) et EXT2 (11p) ont été clonés [80, 81]. À côté de la maladie des exostoses multiples, il a été décrit une autre affection dominante, la métachondromatose, qui intéresse électivement la main et le pied dont les os sont déformés par de petites exostoses d’évolution souvent capricieuse et, parfois, régressive. Sur les os longs, les images sont, en revanche, plus proches de celles de l’enchondromatose que nous allons étudier. Enchondromatose La maladie est découverte le plus souvent entre 2 et 10 ans, dans des circonstances variables : tuméfaction d’un doigt ou d’un orteil, ou bien raccourcissement d’un membre et une claudication. Des tuméfactions, de consistance légèrement élastique, déforment les phalanges, qui peuvent s’accompagner de leur déviation, ou les membres et le thorax. Les chondromes peuvent ne pas être perceptibles et seul leur retentissement sur la croissance peut conduire à un raccourcissement des membres atteints parfois sévère et asymétrique. Des déformations (genu valgum, déviation cubitale de la main) ou une limitation des mouvements articulaires s’y associent fréquemment. L’examen radiologique montre la présence de chondromes : plages claires à limites habituellement nettes. La forme en est ovalaire, polycyclique ou allongée, en « colonnes parallèles » au grand axe de l’os avec parfois la présence de calcifications. Ils sont situés dans la région métaphysaire des os longs à laquelle ils donnent, en se développant, un aspect soufflé (Fig. 10). Au cours de la croissance, ils tendent à se déplacer vers la diaphyse, mais ont une grande prédominance métaphysaire. Les épiphyses sont souvent anormales, irrégulières et fragmentées. Le développement des chondromes se poursuit au cours de la croissance et s’arrête habituellement avec celle-ci. Même dans les formes généralisées, l’atteinte conserve toujours une certaine asymétrie. Dans d’autres cas, seul un membre est atteint et c’est à ceux-ci que l’on réserve le nom de maladie d’Ollier. Le rachis et la base du crâne sont habituellement épargnés. Le mauvais pronostic de l’enchondromatose du squelette est dû à son retentissement sur la croissance des os longs et ses asymétries mais aussi à l’association avec des microangiomes multiples constituant alors la
Figure 10. Chondromatose d’Ollier, asymétrie de l’atteinte osseuse et raccourcissement des os atteints.
maladie de Maffucci. La dégénérescence maligne à l’âge adulte en constitue la redoutable complication [82, 83] . La maladie apparaît isolément dans une famille normale. Sous le nom de spondyloenchondromatose a été décrite une maladie récessive dans laquelle des chondromes métaphysaires s’associent à une atteinte généralisée des corps vertébraux feuilletés dont la hauteur est réduite. Il s’agit d’une entité clairement différente. Dysplasie fibreuse Elle est découverte à un âge variable, le plus souvent au cours de l’adolescence, par une fracture, une déformation d’un membre ou des douleurs. L’examen montre parfois une incurvation ou une inégalité de longueur, souvent un allongement relatif du membre touché. Une limitation d’une articulation de voisinage peut s’observer, ainsi que des troubles de la statique rachidienne. Le bilan phosphocalcique peut montrer une élévation des phosphatases alcalines ou un diabète phosphaté [84]. La radiologie révèle l’existence de clartés osseuses diaphysaires arrondies ou polycycliques, dans lesquelles la structure normale est estompée (Fig. 11). Ces géodes tendent à confluer et à envahir une grande partie de l’os atteint ; les diaphyses, en particulier fémorales, se modifient et s’incurvent. La répartition des lésions est très anarchique et, parfois, elle n’intéresse qu’un seul os (atteinte monostotique). L’atteinte du crâne, inconstante, se traduit par une densification anormale de la base et par des lacunes claires de la voûte. On parle d’atteinte polyostotique lorsque plusieurs os sont atteints. Le retentissement de la maladie sur la croissance est habituellement assez modéré, mais des fractures récidivantes ne sont pas rares sur les os déformés (fémur). Les formes polyostotiques s’accompagnent fréquemment de troubles endocriniens qu’il faut systématiquement rechercher. La dégénérescence maligne en ostéo- ou chondrosarcome est rare mais doit être suspectée devant une reprise douloureuse à l’âge adulte. Ceci implique un suivi régulier tout au long de la vie. Les lésions squelettiques peuvent s’associer à des taches caféau-lait et à une puberté précoce. Ainsi, se trouve réalisé le syndrome de Mc Cune-Albright [85], ce qui correspond à environ 5 % à 8 % des dysplasies fibreuses. Dans d’autres cas, elle s’associe à des myxomes pour constituer le syndrome de Mazabraud (très exceptionnel).
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Figure 11.
Dysplasie fibreuse : aspect estompé de la trame osseuse.
Aucun traitement ne permet d’en modifier l’évolution et il faut seulement s’efforcer de lutter contre les possibles déformations des membres et du rachis. En cas de compression des nerfs crâniens, des interventions neurochirurgicales peuvent être envisagées. L’utilisation des bisphosphonates en perfusion a été proposée pour lutter contre l’expansion des lésions et a un effet substantiel sur les douleurs. Comme l’enchondromatose, la dysplasie fibreuse n’a pas de caractère familial. Des mutations activatrices de GS alphaprotein 1 (GNAS1) en « mosaïque » ont été montrées dans les tissus modifiés [85].
Troubles de la transparence osseuse Ce groupe doit être divisé en deux grandes classes, suivant que la transparence osseuse est excessive ou qu’il existe, au contraire, une densification.
Maladies avec transparence osseuse excessive Ostéogenèse imparfaite Il s’agit d’un ensemble très complexe de maladies dont les données récentes fournies par l’étude moléculaire du collagène ont confirmé l’extrême hétérogénéité. Plusieurs phénotypes peuvent être distingués selon la précocité et la sévérité de l’affection [1]. Formes à début anténatal. Celles-ci se traduisent à la naissance par la déformation ou le raccourcissement des membres, souvent reconnus in utero par l’échographie. Appelées volontiers en France maladies de Porak et Durante, leur évolution est très variable et il est possible de les subdiviser en trois catégories.
Figure 12. Ostéogenèse imparfaite sévère : déformations des fémurs et transparence excessive.
Formes létales (type II de la classification de Sillence). Elles sont responsables d’une micromélie sévère avec des incurvations des membres et, parfois, une crépitation lors de leur mobilisation. Le thorax est étroit. Le crâne est large avec un défaut d’ossification de la voûte qui se laisse déprimer. Radiologiquement, les os longs ont un aspect trapu ; leur transparence est excessive, et ils sont déformés par des cals multiples. Les côtes sont également courtes ayant un aspect en « bambou ». La voûte du crâne n’est pas, ou très peu, ossifiée [86]. Formes sévères. De traduction clinique proche de la précédente, la défaillance respiratoire est absente. Radiologiquement, les os longs ont un aspect trapu et sont incurvés avec des cals ou des fractures récentes (Fig. 12). Le crâne s’ossifie à partir d’os wormiens multiples, lui donnant un aspect en « mosaïque ». Les côtes peuvent être le siège de fractures, mais n’ont pas l’aspect en « bambou ». L’évolution est, le plus souvent, compatible avec la vie, mais la croissance est très lente et les déformations squelettiques sont particulièrement sévères. Sans traitement, ces sujets étaient presque toujours grabataires. Les sclérotiques sont bleues. Ces formes correspondent au type III ou IIB de Sillence. Formes régressives. Celles-ci s’observent aussi à la naissance. Cliniquement, elles se caractérisent par une discrète incurvation ou une brièveté des cuisses. Le crâne est souvent mal minéralisé. Radiologiquement, les os n’ont pas l’aspect massif précédemment décrit, mais il existe une déformation de certaines pièces squelettiques, en particulier du fémur, secondaire à des fractures in utero. La croissance de ces enfants est plus favorable que dans les cas précédents.
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Formes découvertes après la naissance. Cliniquement, au début de l’évolution ou dans les formes bénignes, la reconnaissance de la maladie est parfois difficile en l’absence de récurrence de fractures. Dans les formes les plus sévères, les membres sont incurvés. Parfois, il existe une déformation des jambes qui simule l’aspect en « lame de sabre ». Le crâne est élargi transversalement et le tronc est court, avec une saillie antérieure du sternum. Les dents sont parfois translucides et de mauvaise qualité (dentinogenèse imparfaite). La musculature est pauvre et l’hyperlaxité ligamentaire est habituelle. Les ecchymoses sont faciles. L’insuffisance de croissance peut être absente, alors que d’autres ont une évolution plus sévère. L’examen radiologique du squelette révèle une transparence excessive des os avec une corticale très mince. La trame osseuse est anormalement lâche. Les os sont graciles, incurvés, parfois déformés par les cals. Les corps vertébraux sont plats, en « lentille biconcave ». La voûte du crâne est élargie transversalement avec un aspect en « mosaïque » dû aux os wormiens multiples. Une impression basilaire est fréquente. L’ensemble de ce tableau radiologique n’est pas toujours réalisé, et il existe des observations indiscutables d’ostéogenèse imparfaite sans atteinte du crâne ou du rachis et avec peu de fractures. Dans la classification de Sillence, deux types sont distingués : le type I avec sclérotiques bleues, le type IV avec sclérotiques normales, d’évolution habituellement plus grave. Il existe en fait un spectre phénotypique très large allant de quelques fractures au cours de la vie lors de réels traumatismes à des formes beaucoup plus sévères avec retentissement sur la croissance et multiples fractures ou tassements vertébraux. La présence, dans certains cas, de cals hypertrophiques qui peuvent simuler un sarcome permet d’individualiser une forme particulière, identifiée comme le type V de Sillence initialement décrite par Soua et al. Outre les cals exubérants qui réagissent aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), une calcification de la membrane interosseuse en permet le diagnostic. D’autres formes s’associent à des pterygia et des contractures présentes dès la naissance et s’atténuant avec la croissance et constituent le syndrome de Brück. Génétique. La très grande majorité des ostéogenèses imparfaites obéit à une transmission autosomique dominante. Il s’agit de mutation de l’une des deux chaînes alpha-1 ou alpha2 dont est constitué le collagène de type 1, constituant essentiel de la matrice osseuse. Ces deux gènes COL1A1 et COL1A2 sont localisés sur les chromosomes 7 et 17. Les mutations sont très variables et sont distribuées tout le long du gène, responsables de tableaux cliniques variables, selon leur conséquence sur la stabilité de la triple hélice de collagène. Les formes sévères ou létales sont en général sporadiques, secondaires à une mutation de novo. Cependant, dans l’ostéogenèse imparfaite, la fréquence des mosaïques germinales est élevée (autour de 7 %) conduisant à un conseil génétique prudent pour des parents sains, après un premier enfant atteint [86-89]. Il est à noter qu’il existe une certaine homogénéité de sévérité lors des atteintes familiales malgré le poids de l’environnement et de la prise en charge dans l’évolution naturelle de cette maladie. Cependant, ces dernières années, il a été démontré que les formes récessives d’ostéogenèse imparfaite existaient par la description de patients avec mutations homozygotes de COL1A2, mutations bialléliques de protéines impliquées dans la maturation du procollagène telle que CRTAP, Leprecan, CyclophilinB, SERPIHN, FK506, PLOD (syndrome de Brück), etc. Ces formes ne représentent cependant que 15 % à 20 % des ostéogenèses imparfaites [90]. Elles impliquent toutefois une certaine prudence pour le conseil génétique, en particulier après la naissance d’un cas sporadique. Thérapeutique. Le traitement de l’ostéogenèse imparfaite est à la fois d’ordre chirurgical et médical : outre l’immobilisation ou l’ostéosynthèse nécessaire aux fractures, l’enclouage des os longs à l’aide de clous télescopiques est envisagé en cas de répétition des fractures ou lorsqu’il existe des déformations très sévères des os longs. Il permet d’éviter une immobilisation prolongée qui risque d’aggraver l’ostéoporose, de réduire le nombre de fractures et de redresser les courbures. Il doit être suivi d’une longue rééducation si l’enfant n’a jamais marché [91].
L’administration de bisphosphonates par perfusion est maintenant largement proposée. Ce traitement est pour autant indiqué dans les formes sévères (plus de 3 fractures par an et/ou tassements vertébraux). Il est administré chez l’enfant par perfusion essentiellement de pamidronate tous les 4 mois sans dépasser la dose de 9 mg/kg/an. Un apport correct en vitamine D et calcium doit impérativement être prescrit. Ce traitement est généralement bien supporté en dehors de quelques pics fébriles et est efficace sur les phénomènes douloureux chroniques importants dans cette affection. L’impact sur les fractures est moins flagrant et sans doute affecté par la plus grande mobilité des patients traités. La durée du traitement est cependant encore discutée du fait de la rémanence du produit [86]. Hypophosphatasie L’hypophosphatasie est une affection récessive autosomique dont la variabilité clinique est extrême, dépendant de la sévérité du défaut d’activité de la phosphatase alcaline sérique et s’exprimant à des âges et selon des modalités différentes [92]. En anténatal, les formes létales sont caractérisées par un défaut d’ossification aléatoire et plus ou moins sévère des os long, du crâne, des vertèbres. Elles sont dépistées à l’échographie sur la déformation des os longs (incurvations, spicules métaphysaires ou diaphysaires, aspect filiforme), un hydramnios, voire une absence complète d’ossification. En revanche, une incurvation isolée des os longs parfois mal minéralisés va régresser spontanément et constitue la forme périnatale régressive de bon pronostic. Chez le jeune enfant, une forme sévère dite infantile associe une altération de l’état général, des signes de rachitisme, une hypercalcémie néonatale, une micromélie, une craniosténose, des difficultés respiratoires et un pronostic vital compromis. Les radiographies montrent une très mauvaise minéralisation, des os courts et des inclusions claires métaphysaires. Une forme plus modérée (forme juvénile) va se manifester par une chute prématurée des dents, des fractures et parfois une craniosténose à type d’oxycéphalie. Les lésions métaphysaires à type d’encoche médiane ou d’irrégularité métaphysaire, une ostéoporose suggèrent le diagnostic. La maladie peut se révéler chez l’adulte, par la chute prématurée de dents ou anomalies de formes, accompagnées d’épisodes de pseudofractures, d’ossification des ligaments paraspinaux, de chondrocalcinose et arthropathies associées à une ostéoporose. Ces formes de l’adulte ne peuvent s’exprimer que par des manifestations dentaires sans aucune anomalie osseuse et prennent le nom d’odontohypophosphatasie. Ces formes de l’adulte peuvent aussi être liées à des mutations hétérozygotes dominantes négatives se transmettant selon un mode dominant autosomique. Les espoirs très encourageants des récents traitements enzymatiques incitent à dépister ces patients le mieux possible. Ostéoporose juvénile idiopathique La découverte de la maladie se situe entre les âges de 8 et 11 ans, et est habituellement secondaire à une fracture provoquée par un traumatisme minime ou à des douleurs rachidiennes. Une cyphose dorsolombaire s’accompagne d’une réduction de la hauteur du tronc avec projection du sternum en avant. Le bilan phosphocalcique est normal. Radiologiquement, l’ostéoporose est généralisée avec une diminution de l’épaisseur de la corticale des os longs et une réduction du rapport corticodiaphysaire. Les fractures touchent électivement les métaphyses et cette localisation doit être soulignée. La formation du cal est normale et la consolidation est satisfaisante. La hauteur des corps vertébraux est réduite, en forme de « lentille biconcave », leur transparence est excessive et leur limite semble anormalement visible. En revanche, la voûte du crâne n’est pas modifiée [93]. L’évolution de la maladie est variable et, souvent, elle semble favorable. Il est difficile, de ce fait, de juger de l’efficacité des traitements préconisés : calcium, vitamine D, fluor, stéroïdes anabolisants, bisphosphonates. De toute façon, les fractures
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Figure 13. Ostéopétrose, densification osseuse et déformation des métaphyses avec aspect strié.
justifient une immobilisation très brève, comme celles de l’ostéogenèse imparfaite et parfois des enclouages en cas de fractures récidivantes. L’étiologie de la maladie reste mystérieuse : elle ne semble pas être familiale.
Maladies osseuses condensantes Dans ce groupe complexe, il convient de distinguer les affections responsables d’une densification plus ou moins diffuse de l’os, celles qui s’accompagnent d’un défaut du modelage diaphysaire et celles qui provoquent un défaut du modelage métaphysaire. Condensations généralisées Sont étudiées successivement : ostéopétroses, pycnodysostose, ostéopœcilie et mélorhéostose, ostéopathie striée, maladie de Camurati-Engelmann et la dysplasie craniométaphysaire. Ostéopétroses. Il s’agit d’un groupe cliniquement et génétiquement hétérogène [94]. Formes précoces. Elles sont découvertes dans les premières semaines de la vie en raison d’une altération de l’état général, d’une pâleur ou de troubles visuels. L’hypotrophie importante s’accompagne de troubles hémorragiques, ecchymoses ou purpura. L’enfant ne suit pas des yeux. Un nystagmus vrai est fréquent. Une hépatomégalie et une splénomégalie sont constantes. L’examen radiologique montre une densification généralisée y compris le crâne et les vertèbres. Les métaphyses des os longs sont élargies, réalisant un aspect en « massue » ou en « canne de golf ». Assez fréquemment, des irrégularités de la limite métaphysaire, rappelant un rachitisme ou des fractures sont observées. Une atrophie optique, une anémie avec parfois une hyperplaquettose sont fréquentes. En revanche, il n’y a pas de désordre du métabolisme phosphocalcique, mais la fixation du calcium sur l’os est très excessive. L’évolution est particulièrement sévère par décès précoce dans les premières années de la vie dans un tableau d’hypotrophie, d’anémie sévère, voire d’hémorragie, d’infection intercurrente. La greffe de moelle est la seule thérapeutique actuellement possible avec des résultats partiels [95]. La transmission de la maladie se fait exclusivement sur le mode autosomique récessif. Il existe cependant une hétérogénéité génétique : si le gène TCIRG1, codant pour une pompe à proton semble le plus fréquemment impliqué, CLCN7 (canal chlore), FAM20C, Plekstrin et TNFRSF11A, peuvent également être impliqués dans ces formes récessives. Une forme particulière doit être citée associée à une atteinte tubulaire rénale et liée à des mutations de l’anhydrase carbonique (CA2). Forme tardive. Découverte plus tardivement et dans des circonstances très différentes, une fracture motive l’examen radiologique d’un enfant et décèle l’éburnation. Chez l’adulte, ce sont plutôt des troubles visuels ou d’autres compressions des nerfs crâniens, voire une ostéite du maxillaire inférieur. L’examen clinique est peu parlant. L’examen radiologique permet seul d’affirmer le diagnostic en montrant la densification de l’ensemble du squelette (Fig. 13). Les os longs ont une zone métaphysaire élargie en « massue » avec une striation transversale, parallèle au cartilage conjugal, et parfois longitudinale. Ce défaut de modelage n’est cependant
Figure 14. Pycnodysostose : densification des os de la main et aspect de lyse des phalanges distales.
pas constant. La densification des vertèbres intéresse principalement les plateaux vertébraux, alors que la zone médiane reste transparente (vertèbre sandwich). La base du crâne est très opaque et les dimensions des trous sont réduites. L’évolution de cette forme est compatible avec une vie prolongée, mais fait craindre trois complications : la compression des nerfs crâniens responsable d’une cécité avec atrophie optique, d’une paralysie faciale ou d’une surdité. L’anémie peut être un accident évolutif. Enfin, l’ostéite ou l’ostéonécrose du maxillaire inférieur, favorisée par la compression des nerfs et des vaisseaux dans un canal dentaire rétréci, est également à redouter. La transmission est habituellement dominante, mais certaines observations sont autosomiques récessives. Un gène localisé sur le chromosome 1 a été identifié, mais une hétérogénéité génétique a été démontrée [96]. Une place particulière doit être faite à l’ostéopétrose associée à l’acidose tubulaire. Celle-ci, de transmission récessive autosomique, associe à l’atteinte squelettique une acidose métabolique qui est présente dès la naissance. La symptomatologie est variable, associant un retard mental presque constant. La présence de calcifications cérébrales est mise en évidence par la tomodensitométrie et l’acidose tubulaire rénale est à la fois proximale et distale. Il a été montré par Sly qu’un déficit en anhydrase carbonique de type II était à l’origine de cette maladie [97]. Pycnodysostose. Cette maladie associe une condensation squelettique, un défaut d’ossification du crâne, un micrognathisme et des mains courtes. Elle est découverte habituellement dans la seconde enfance en raison d’une fracture ou d’une brièveté de la taille ou d’un retard de fermeture de la fontanelle. L’insuffisance staturale est assez modérée, mais les doigts et les orteils sont particulièrement trapus. Les bosses frontales sont saillantes et, surtout, la grande fontanelle reste ouverte, même à l’âge adulte. Les sclérotiques sont souvent légèrement bleutées. Enfin, le maxillaire inférieur est petit et les dents sont mal implantées (Fig. 14). Radiologiquement, tous les os sont anormalement denses, mais sans défaut de modelage. Les dernières phalanges des doigts sont grêles ; souvent, leur extrémité distale est amputée, fragmentée comme dans une ostéolyse. Les sutures du crâne sont anormalement larges et la fontanelle bregmatique est largement ouverte. Le maxillaire inférieur est hypoplasique, l’angle mandibulaire a disparu. Le pronostic de la pycnodysostose est favorable, mais le risque de fracture persiste [98]. Cette affection obéit au mode autosomique récessif et est due à des mutations dans le gène codant pour la cathepsine K [99]. Ostéopœcilie. Plus une curiosité radiologique qu’une véritable maladie, elle n’a pas de traduction clinique, sauf lorsque des modifications cutanées s’associent aux atteintes squelettiques, en particulier une dermatofibrose lenticulaire (syndrome de
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Buschke-Ollendorf) ou, plus rarement, une kératose palmoplantaire. Découverte d’examen radiologique, elle se traduit par des taches arrondies de la dimension d’une lentille, siégeant dans les épiphyses des os longs et la métaphyse voisine, sur le bassin, l’omoplate. Le crâne et les vertèbres sont épargnés. L’ostéopœcilie n’entraîne aucun accident. Elle se transmet comme un caractère dominant et est liée à des mutations hétérozygotes du gène LEMD [100]. Mélorhéostose. Ce terme proposé par Léri décrit l’aspect particulier de la condensation osseuse qui ébauche la forme d’une « coulée de bougie » et dont la localisation est le plus souvent monomélique. La maladie est découverte habituellement chez l’adolescent ou le jeune adulte en raison d’une déformation d’un membre, d’une raideur, voire d’une douleur locale. Dans certains cas, une sclérodermie en « bande » peut s’y associer. L’examen radiologique montre des zones de condensation parallèles du grand axe de l’os et qui, chez l’adulte, peuvent prendre la forme de « coulées » latérales n’épargnant pas les épiphyses [101]. Le pronostic de la mélorhéostose est favorable, en dehors des déformations des membres atteints. Elle apparaît toujours de façon isolée. Ostéopathie striée. Il s’agit souvent d’une anomalie purement radiologique, sans traduction clinique. Elle donne un aspect strié de la métaphyse des os longs, parallèle au grand axe de l’os. Elle s’observe fréquemment dans l’hypoplasie dermique en aire (syndrome de Goltz) [102]. L’association d’une sclérose de la voûte et de la base du crâne avec l’ostéopathie striée semble se transmettre sur le mode dominant. Elle peut parfois se compliquer de la compression des nerfs crâniens, en particulier d’une surdité, et de malformations cardiaques ou de fentes chez le garçon. Les fémurs sont le plus souvent atteints. Récemment une mutation du gène WTX a confirmé la transmission liée à l’X [103]. Le terme de dystrophie osseuse sclérosante mixte a été proposé pour désigner l’association de la mélorhéostose, d’ostéopœcilie et d’une ostéopathie striée. L’étiologie en est inconnue. Anomalies de la corticale des os longs La maladie de Camurati-Engelmann et l’hyperostose corticale généralisée sont les affections les plus fréquentes. Maladie de Camurati-Engelmann. Habituellement découverte au cours de la seconde enfance, ce sont généralement des douleurs des membres inférieurs qui attirent l’attention, plus rarement des troubles de la marche ou une fatigabilité excessive. Cliniquement, le fait le plus frappant est la disproportion entre le tronc et les membres qui paraissent anormalement longs. La musculature est insuffisamment développée. La palpation des os permet parfois de déceler leur élargissement diaphysaire. La marche est souvent dandinante et les dents sont fréquemment cariées. Un retard pubertaire est fréquent. Parfois, il n’y a pas de traduction clinique. L’examen radiologique montre un épaississement en « fuseau » de la corticale diaphysaire des os longs dont les contours sont légèrement ondulés. Les os de la main sont épargnés, mais la base du crâne est souvent densifiée. Le pronostic de la maladie est habituellement favorable. Chez l’enfant, seule la sévérité des douleurs peut poser un problème, réagissant assez bien aux traitements par corticoïdes. La transmission est autosomique dominante et liée à une mutation du gène TGF-beta1 [104]. Hyperostose corticale généralisée. Il s’agit essentiellement d’une maladie de l’adulte, du moins la forme récessive de Van Buchem. La forme dominante, décrite par Worth et Wollin, est parfois observée chez le grand enfant, en particulier dans les familles atteintes. Cliniquement, une saillie de la voûte palatine, le torus palatin, est parfois visible. Radiologiquement, la maladie est responsable de l’épaississement régulier de la corticale. La base du crâne, voire la voûte, est également condensée. Ces affections sont liées à des mutations du gène SOST récessives ou dominantes [105]. La sténose tubulaire diaphysaire dominante est très proche (syndrome de Kenny-Caffey) et se traduit par l’aspect filiforme de la cavité médullaire. Une hypocalcémie a été signalée dans la description initiale de la maladie. Il semble qu’il s’agisse
d’une entité héterogène incluant l’hypoparathyroïdie avec dysmorphie décrite chez les bédouins et récessive autosomique (gène TBCE). Défauts de modelage métaphysaire Dysplasie craniométaphysaire. Dès la naissance, elle est caractérisée par l’élargissement et l’épaississement de la base du nez, un hypertélorisme, parfois une paralysie faciale. Les troubles visuels sont assez rares mais la surdité semble en revanche fréquente. Radiologiquement, l’hyperostose intéresse la base du crâne et la face, plus électivement le frontal et l’occipital et peut atteindre le maxillaire inférieur ; la pneumatisation du crâne est insuffisante, et les cellules mastoïdiennes ne sont plus visibles. Cette hyperostose semble susceptible de régresser avec l’âge. Les os longs montrent le défaut de modelage et lui aussi tend à régresser avec l’âge. La transmission obéit au mode dominant, mais des formes récessives ont été décrites, souvent plus sévères. Les mutations du gène ANKH sont responsables de ce tableau [106].
■ Dysostoses Malformations d’un ou plusieurs os, parfois associées à des anomalies viscérales, elles appartiennent au groupe complexe des syndromes polymalformatifs. Pour les plus fréquentes, les gènes sont connus, appartenant parfois à des familles de gènes déjà impliqués dans des chondrodysplasies (FGFR), des gènes à homéodomaines ou des facteurs de transcription. Sont brièvement envisagées quelques dysostoses touchant la face, le tronc et le rachis, les membres et les extrémités.
Dysostoses du crâne et/ou de la face Dysostoses crâniennes Au premier rang des dysostoses crâniennes, il faut citer les craniosténoses isolées qui peuvent, suivant les sutures intéressées, donner une brachycéphalie (synostose des sutures coronales), une scaphocéphalie (synostose longitudinale), une acrocéphalie ou un crâne en « tour » (atteinte complexe), une plagiocéphalie (synostose coronale unilatérale) ou une trigonocéphalie par fermeture de la suture métopique. À côté de ces formes isolées certaines sont associées dans des tableaux malformatifs caractéristiques d’étiologie génétique. D’autres ont été mises en relation avec un effet tératogène comme le valproate [107]. Dysostose craniofaciale (maladie de Crouzon) et acro-céphalo-syndactylies La maladie de Crouzon est due à une synostose prématurée des os de la voûte du crâne et des os de la face. Cliniquement, elle se traduit par la déformation du crâne avec bosse médiane siégeant sur le frontal. Le massif facial est insuffisamment développé, les yeux sont saillants (proptôse) et anormalement écartés ; le nez est déformé en « bec ». Le maxillaire semble prognathe du fait de l’atrophie du maxillaire supérieur. L’examen radiologique montre un crâne brachycéphale, une fermeture prématurée des sutures crâniennes et des signes d’hypertension intracrânienne : impressions digitiformes, modification de la base du crâne avec refoulement des petites ailes du sphénoïde et élargissement de la selle turcique. L’atteinte faciale intéresse surtout le maxillaire supérieur qui est hypoplasique. Les complications de la maladie de Crouzon sont particulièrement redoutables : hypertension intracrânienne, compression du nerf optique dans un canal rétréci, troubles olfactifs et auditifs. La maladie de Crouzon obéit à une transmission dominante. Ce sont des mutations du gène fibroblastique growth factor receptor 2 (FGFR2) dans la région de la troisième boucle immunoglobuline du domaine extracellulaire qui sont responsables de ce phénotype [107]. D’autres mutations de ce même domaine extracellulaire de FGFR2 sont responsables d’atteintes crâniennes associées à des anomalies des extrémités : le syndrome d’Apert ou acro-céphalosyndactylie de type I. Le crâne est déformé en « tour », avec un
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front très haut. Les yeux sont anormalement saillants ; la région occipitale est aplatie. Une division palatine est fréquente. Les anomalies des extrémités se traduisent par une soudure plus ou moins complète des doigts et des orteils. Le retard mental est presque constant et sévère. L’examen radiologique montre une fermeture prématurée des sutures crâniennes et des signes d’hypertension intracrânienne (impressions digitiformes). Sur les clichés de la main, les phalanges, notamment celles du pouce, peuvent être anormalement larges, parfois bifides. Aux pieds, les phalanges des orteils sont hypoplasiques . Les complications oculaires, secondaires à la craniosténose, justifient la surveillance du fond de l’œil. Les tentatives de remodelage du crâne n’améliorent malheureusement pas le retard mental qui fait la gravité de cette dysostose. La maladie semble due le plus souvent à une mutation récente entre la deuxième et la troisième boucle immunoglobuline de FGFR2, et l’âge paternel est significativement élevé. D’autres formes d’acro-céphalo-syndactylie sont plus rares. Pfeiffer a décrit une forme dominante, plus modérée, qui s’accompagne d’un élargissement du gros orteil qui est génétiquement hétérogène. Il s’agit de mutation soit de FGFR2 ou soit de FGFR1 [108]. Le syndrome de Saethre-Chotzen associe une craniosténose coronale, des oreilles petites et un ptôsis, à des syndactylies membraneuses des doigts et un élargissement du gros orteil. De transmission dominante, il est lié à des mutations du gène Twist [109]. S’en distinguent les patients atteints de craniosténoses bicoronales avec mains courtes décrites par Muenke ayant un phénotype secondaire à la mutation P250R de FGFR3 [110].
Dysostoses rachidiennes et costales
Dysostoses faciales
Dysostoses des membres
Les dysostoses électives de la face sont nombreuses, elles sont rapidement évoquées.
Elles sont également très complexes car elles comprennent les agénésies partielles ou totales des os longs, les phocomélies, les incurvations des membres et les anomalies de la main et du pied : brachydactylie, syndactylie, symphalangie, polydactylie, camptodactylie, etc. Ces dernières sont étudiées dans d’autres chapitres de l’Encyclopédie médico-chirurgicale. Nous envisageons seulement ici l’ostéo-onycho-dysostose et nous terminons en parlant brièvement des acro-ostéolyses.
Dysostose mandibulofaciale (syndrome de Franceschetti ou de Treacher-Collins) Découverte dès la naissance, la maladie se traduit par une obliquité anormale des fentes palpébrales, une hypoplasie des os de la face, en particulier des os malaires, une macrostomie, des anomalies des pavillons des oreilles et des fistules borgnes. L’examen radiologique confirme l’hypoplasie des os malaires et du maxillaire inférieur. La maladie se transmet sur un mode irrégulièrement dominant et est due à des mutations du gène TREACLE (chromosome 5) [111]. Des interventions plastiques viseront à en réparer le préjudice esthétique. Une hypoplasie du pouce peut s’y associer et constituer alors le syndrome de Nager-de Reynier. À côté de la dysostose mandibulofaciale, d’autres variétés ont été décrites : syndrome oculo-auriculaire de Goldenhar ou syndrome facio-auriculo-vertébral, dans lequel à l’asymétrie de la face et à la malformation des oreilles externes s’associent des anomalies de la colonne cervicale. Autres dysostoses faciales Parmi celles-ci, nous citons la dysostose maxillofaciale (syndrome de Binder) dans laquelle l’hypoplasie du maxillaire supérieur est responsable d’un aplatissement de l’étage moyen de la face. Celle-ci est présente dans certaines formes de chondrodysplasies ponctuées. Dans le syndrome de Pierre Robin, il existe une hypoplasie mandibulaire avec une division palatine et une glossoptôse souvent responsable d’accidents respiratoires graves. Des anomalies diverses accompagnent souvent ce syndrome dont l’étiologie est multiple, et qui peut s’intégrer dans diverses pathologies, del 22q11, dysplasie campomélique, syndrome de Stickler et apparentés, etc. Les syndromes oro-digito-faciaux associent des anomalies buccales (langue lobulée, freins gingivaux), des anomalies des extrémités et, dans la moitié des cas, un retard mental. Ces syndromes sont génétiquement hétérogènes : dominant lié à l’X et ne touchant que les filles, ou bien autosomique récessif, se différenciant cliniquement par des anomalies des extrémités différentes (polydactylie pré- ou postaxiale, voire médiane).
Les malformations rachidiennes étendues échappent à toute description. Habituellement, elles se traduisent par la brièveté du cou et du tronc, associée à des troubles de la statique vertébrale. L’examen radiologique montre des anomalies très variées : hémivertèbres, fusion partielle ou totale des corps vertébraux, absence d’une vertèbre. Des malformations costales s’y associent : absence d’une ou plusieurs côtes, bifidité costale ou fusion partielle. Dans ce groupe malformatif, il est habituel de distinguer le syndrome de Klippel-Feil qui intéresse électivement le rachis cervical, mais qui ne paraît pas correspondre à une entité bien caractérisée. Les dysostoses costales sont également complexes et le plus fréquemment associées à des anomalies rachidiennes. La mieux individualisée est la dysostose spondylocostale autosomique récessive, qui se traduit par la brièveté du tronc, avec d’importants troubles de la segmentation rachidienne et des côtes très rapprochées dans leurs segments postérieurs qui divergent en « ailes de papillon ». Une hétérogénéité génétique se superpose à une évidente hétérogénéité clinique. Quelques gènes ont été identifiés, en particulier dans la voie de signalisation de Notch mais n’expliquent que quelques cas particuliers [112, 113]. Le conseil génétique reste pour l’instant difficile, compte tenu des diverses possibilités de transmission. Dans le syndrome cérébro-costo-mandibulaire, une solution de continuité est visible à la partie postérieure des côtes. L’hypoplasie mandibulaire et le retard mental y sont volontiers associés ; la transmission est autosomique récessive.
Ostéo-onycho-dysostose La maladie est habituellement découverte en raison des troubles fonctionnels secondaires aux anomalies des genoux. Cliniquement, la maladie associe une luxation en dehors de la rotule, parfois une déformation du coude en valgus avec une limitation des mouvements articulaires. Les ongles sont minces, cassants, déformés et striés longitudinalement. L’examen radiologique confirme la luxation rotulienne externe et son hypoplasie, l’hypoplasie de la tête radiale et du condyle huméral avec subluxation de la tête radiale. Mais le signe le plus caractéristique est la présence des cornes iliaques, éperons siégeant sur la face postérieure de l’os en dessous de la crête iliaque et en dehors des articulations sacro-iliaques. Le pronostic de l’ostéo-onycho-dysostose est favorable, mais une néphropathie se développe parfois dans cette affection. La transmission obéit au mode autosomique dominant et le gène localisé sur le chromosome 9 puis du locus ABO, code pour un gène à homéodomaine LMXIB [114].
Acro-ostéolyses Il s’agit d’un groupe hétérogène qui se traduit par la destruction progressive des os de la main et du pied [1]. Deux variétés peuvent être distinguées suivant que l’ostéolyse débute par les phalanges distales ou par les os du carpe et du tarse. La forme à début distal entraîne d’importantes déformations des doigts en « lorgnette ». La transmission obéit, soit au mode récessif, soit au mode dominant. La forme carpotarsienne, dominante, se complique souvent d’une néphropathie nécessitant une transplantation. Enfin dans la maladie d’Hajdu-Cheney de transmission dominante autosomique, une ostéoporose sévère, une perte prématurée des dents, des fractures spontanées avec pseudarthrose, des os wormiens, une acné rebelle et parfois une atteinte rénale et des fractures accompagnent l’ostéolyse.
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Mucopolysaccharidoses F. Feillet, A. Wiedemann, E. Jeannesson, R. Jaussaud, P. Journeau Les mucopolysaccharidoses (MPS) forment un groupe de maladies lysosomales causées par un déficit des enzymes de la dégradation des glycosaminoglycanes (GAG) ou mucopolysaccharides. En fonction de l’enzyme déficitaire, le catabolisme du dermatane sulfate, de l’héparane sulfate, du kératane sulfate, des chondroïtines sulfates ou de l’acide hyaluronique peut être bloqué de fac¸on isolée ou en combinaison. Les GAG sont excrétés dans les urines et permettent de suspecter le diagnostic qui est ensuite confirmé par les études enzymologiques et en biologie moléculaire. Il y a sept types de MPS qui sont dus à 11 déficits enzymatiques différents. L’accumulation progressive des GAG dans les différents tissus entraîne une maladie de surcharge. La présentation clinique est celle d’une atteinte progressive avec organomégalie, dysostose multiple et faciès anormal. Une surdité, une atteinte ophtalmologique, cardiologique et neurologique peuvent venir compléter le tableau en fonction du type de MPS. Le traitement comprend une prise en charge symptomatique qui est très importante. La greffe de moelle a été longtemps le seul traitement étiologique (MPS I et VI principalement). L’enzymothérapie substitutive est venue proposer un traitement étiologique pour les MPS I, II, IV et VI. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Mucopolysaccharidose ; Glycosaminoglycanes ; Maladie génétique ; Maladie de surcharge lysosomale ; Prise en charge multidisciplinaire ; Greffe de moelle ; Enzymothérapie substitutive ; Thérapie génique
Plan ■
Introduction
1
■
Glycosaminoglycanes
1
■
Enzymes et biologie moléculaire
2
■
Épidémiologie
2
■
Clinique Déficit en ␣-L-iduronidase ou MPS I (MIM 607014) Mucopolysaccharidose II : maladie de Hunter (MIM 309900) Maladie de Sanfilippo (MPS III) Mucopolysaccharidose IV : maladie de Morquio Mucopolysaccharidose V Mucopolysaccharidose VI : maladie de Maroteaux-Lamy (MIM 253200) Mucopolysaccharidose VII : maladie de Sly (MIM 253220) Mucopolysaccharidose VIII (MIM 253230) Mucopolysaccharidose IX (MIM 601492)
2 2 6 6 7 7
■
Diagnostic Glycosaminoglycanes urinaires Enzymologie Biologie moléculaire
9 9 9 9
■
Prise en charge Traitement symptomatique Traitement étiologique
7 9 9 9
kératane sulfate, des chondroïtines 4 et 6 sulfate et de l’acide hyaluronique peut être déficient de fac¸on isolée ou combinée. L’accumulation des GAG entraîne une dysfonction des cellules et des organes touchés. Les différentes MPS sont des maladies progressives et dégénératives qui touchent de multiples organes. Elles partagent de nombreux signes en commun à des degrés variables : ce sont l’organomégalie, une dysostose multiple et un faciès grossier. L’audition, la vision, la fonction cardiovasculaire, le système neurologique et l’ensemble du squelette osseux sont habituellement atteints. Les MPS sont transmises de fac¸on autosomique récessive hormis la maladie de Hunter (MPS II) qui est récessive liée à l’X. Le diagnostic est suspecté sur la mise en évidence des GAG urinaires, puis est confirmé par des études enzymologiques et génétiques. Le diagnostic néonatal systématique est aujourd’hui possible pour la plupart des MPS. Les traitements ont été longtemps symptomatiques ; la greffe de moelle puis l’enzymothérapie substitutive sont venues apporter un traitement étiologique de certaines de ces maladies (MPS I, II, IV, VI, VII). La prise en charge de ces patients relève d’équipes multidisciplinaires qui sont en mesure de faire face à tous les défis qu’ils posent. L’efficacité des traitements dépend de la précocité du diagnostic, ce qui pose le problème d’insérer ces maladies dans le panel des maladies à dépister en période néonatale.
9 9 10
Glycosaminoglycanes Introduction Les mucopolysaccharidoses (MPS) sont un groupe de maladies de surcharge lysosomale causées par des déficits des enzymes impliquées dans la dégradation des glycosaminoglycanes (GAG) ou mucopolysaccharides [1] . En fonction de l’enzyme responsable, le catabolisme de l’héparane sulfate, du dermatane sulfate, du
Les GAG ou mucopolysaccharides sont des produits de dégradation des protéoglycanes qui sont des substances macromoléculaires de la matrice extracellulaire. Ces GAG sont au nombre de cinq : le dermatane sulfate, l’héparane sulfate, le kératane sulfate et les chondroïtines 4 et 6 sulfates. Ils sont schématisés dans la Figure 1. La description plus récente de la MPS IX (un patient) entraîne une accumulation d’acide hyaluronique.
4-059-V-20 Mucopolysaccharidoses
3 O COOH
H2COH sO O
COOH O
O
H2COH
2
4
O s 1
NAc
H2COH
2
O ...etc
5
NAc
O COOH
O
O O
O
O
COOH O
8
H2CO s
5
10 O
O
O
O ...etc
O 7
O s 1 H2CO s 11
12
N s 6
O s 9
H2CO s
O
13 O
O
NAc
B
H2CO s
CH2OH O
O
A
O O ...etc
O
4 NAc
H2COH s O O O
NAc
COOH
H2COH sO O
O O
O
NAc
O O
O ...etc
D
H2CO s O O
COOH O O
NAc
COOH
NAc
H2CO s O O O
C
O
COOH O O
O ...etc
NAc
E
Figure 1. Différents glycosaminoglycanes et les enzymes de leur catabolisme. A. Dermatane sulfate : 1. Iduronate sulfatase ; 2. ␣-L-iduronidase ; 3. Nacétylgalactosamine-4-sulfatase ou arylsulfatase B ; 4. -hexosaminidase ; 5. -glucuronidase. B. Héparane sulfate : 1. Iduronate sulfatase ; 2. ␣-L-iduronidase ; 5. glucuronidase ; 6. héparane-N-sulfatase ; 7. acétyl-CoA-acétyltransférase ; 8. ␣-N-acétyl-glucosaminidase ; 9. glucuronate sulfatase (pas de déficit connu) ; 10. N-acétylglucosamine-6-sulfatase. C. Kératane sulfate : 4. -hexosaminidase ; 11. galactose-6-sulfatase ; 12. -galactosidase ; 13. N-acétylgalactosamine-6-sulfatase. D, E. Les chondroïtines 4 et 6 sulfates sont dégradées en oligosaccharides par la hyaluronidase ; les oligosaccharides sont secondairement dégradés grâce à la N-acétylgalactosamine-4-sulfatase ou 6-sulfatase, la -hexosaminidase et la -glucuronidase.
L’analyse des GAG urinaires est à la base du diagnostic des MPS. Les MPS se caractérisent par une augmentation quantitative des GAG urinaires (cette augmentation diminue avec l’âge) ; l’analyse qualitative permet de déterminer le type de MPS (Fig. 1). Les enzymes nécessaires au catabolisme de ces GAG sont nombreuses et certaines sont spécifiques d’un GAG et d’autres sont indispensables au catabolisme de plusieurs d’entre eux (Fig. 1). Enfin une enzyme (la -galactosidase) est indispensable au catabolisme du kératane sulfate mais aussi à celui du ganglioside GM1. Le déficit de cette enzyme peut donner soit une gangliosidose GM1, soit une MPS IVB. L’analyse des GAG réalisés après une suspicion clinique permet d’aboutir au diagnostic de MPS (Fig. 2).
Enzymes et biologie moléculaire Les enzymes et les gènes impliqués dans les MPS sont résumés dans le Tableau 1. Ces enzymes sont impliquées dans la dégradation d’un ou de plusieurs GAG. C’est pourquoi on retrouve en excès l’héparane et le dermatane sulfate dans les MPS I et II alors qu’il n’y a que le kératane sulfate qui est augmenté dans la MPS IV. Les enzymes dont le déficit est responsable des MPS et leurs gènes sont tous connus. La dernière MPS décrite est due à un déficit en hyaluronidase (MPS IX) [2] et le dernier gène décrit a été celui de la MPS IIIC [3] . De fac¸on générale, un continuum phénotypique existe dans toutes ces MPS, la sévérité du phénotype dépendant essentiellement de l’activité enzymatique résiduelle et du génotype. Il
existe des formes sévères et modérées dans la plupart de ces MPS (exemple de la MPS I allant de la forme sévère [Hurler] à la forme modérée [Scheie]). Un grand nombre de variants génétiques ont été décrits pour ces MPS (plus de 160 pour la MPS I). Un certain nombre de mutations permettent de déterminer la sévérité plus ou moins grande du phénotype. Comme dans la plupart des maladies métaboliques, la corrélation génotype/phénotype n’est pas parfaite. Le diagnostic prénatal est possible pour toutes ces pathologies, par mesure enzymatique ou par biologie moléculaire quand les mutations du cas index sont connues.
Épidémiologie La prévalence de ces maladies est très variable en fonction des populations étudiées. Les données sont rares, les études épidémiologiques n’ayant été menées que dans un faible nombre de pays : l’Australie, l’Irlande du Nord, Israël [4–7] . Le recensement global des MPS fait l’objet d’une étude spécifique en France (projet Radico). La MPS I a une prévalence d’environ 1/100 000 en France, cette prévalence est semblable dans les autres pays industrialisés (Australie : 1/88 000, Irlande du Nord : 1/100 à 144 000 en fonction des études). En revanche toujours en Irlande du Nord, la forme la plus bénigne de MPS I (maladie de Scheie) est beaucoup plus rare : 1/600 000. La prévalence de la MPS II est relativement identique dans les différentes études (environ 1/130 000), une étude montrerait une fréquence particulière dans la population israélite [7] . Les MPS IIIA et IIIB ont une prévalence en Australie de 1/114 000 et de 1/211 000, les MPS IIIC et IIID sont beaucoup plus rares [5] . La MPS IV a une prévalence de 1/169 000, la MPS VI de 1/235 000 et la MPS VII de 1/2 000 000. La prévalence de cette dernière maladie est probablement sous-estimée car elle ne prend pas en compte les décès in utero liés aux anasarques fœtoplacentaires [8] .
Clinique Déficit en ␣-L-iduronidase ou MPS I (MIM 607014) Maladie de Hurler (MPS IH) Tableau clinique Le tableau caractéristique des MPS est représenté par la maladie de Hurler ou MPS IH. Les premiers signes cliniques apparaissent dans les premiers mois de vie mais peuvent n’aboutir au diagnostic que dans la deuxième année. Le tableau comprend une surcharge viscérale évolutive avec atteinte neurologique, une dysostose multiple sévère et une dysmorphie [1, 9] . Dysmorphie Elle n’existe pas ou peu à la naissance ; elle devient de plus en plus sévère avec le temps au fur et à mesure que la surcharge s’installe. Les traits du visage deviennent grossiers, les lèvres, les oreilles, la langue et les gencives s’épaississent, les narines sont larges et ouvertes vers l’avant. Le système pileux est très développé, les cheveux épais et raides, les sourcils broussailleux (Fig. 3). Surcharge viscérale Il existe une hépato-spléno-mégalie, une hypertrophie gingivale et une obstruction des voies aériennes supérieures. Des hernies inguinales et ombilicales sont liées à la protrusion abdominale secondaire à la splanchnomégalie et à l’hypotonie. Dysostose multiple Les lésions osseuses constituent la forme majeure de la dysostose multiple observée dans les MPS [10] . Un enraidissement articulaire progressif, à la fois par infiltration synoviocapsulaire et aussi par déformation plus ou moins marquée des surfaces articulaires, intéresse les épaules, les coudes, les hanches et les doigts qui sont fléchis en griffe (Fig. 4). On observe une cyphose dorsolombaire à rayon court. Les corps des dernières vertèbres dorsales et des premières lombaires présentent une hypoplasie de leur partie antérosupérieure responsable d’une cyphose thoracolombaire
Mucopolysaccharidoses 4-059-V-20
Signes d'appel Dysmorphie, hépatosplénomégalie, dysostose, cyphose, limitations articulaires, opacités cornéennes, surdité, retard de développement ...
GAG urinaires (dosage et chromatographie) Dermatane S+ Héparane S
Héparane S
HSS NAαDG A αGNAT NAG6S
L-iduronidase
Kératane S*
Dermatane S
Gal 6 S β Gal
Aryl sulfatase B
Chondroïtine S Dermatane S Héparane S
β Glucuronidase
Figure 2. Démarche diagnostique. Seule la mucopolysaccharidose (MPS) IX (déficit en hyaluronidase) n’est pas dépistée par l’étude des glucosaminoglycanes (GAG) urinaires ; il doit être fait par le dosage de l’acide hyaluronique plasmatique. Les différentes enzymes sont décrites dans le Tableau 1. Astérisque : la MPS IV n’est détectée que par la seule chromatographie, le dosage quantitatif des MPS reposant sur le dosage des acides uroniques que ne comprend pas le kératane sulfate. HSS : héparane sulfate sulfatase ; NA␣DG : N-acétyl-␣D-glucosaminidase ; A ␣GNAT : acétyl-CoA-␣glucosamine N-acétyltransférase ; NAG6S : Nacétylglucosamine-6-sulfatase ; Gal 6 S : galactosamine 6-sulfatose ; -Gal : -galactosidase.
Iduronate sulfatase
MPS I
MPS II
MPA IIIA MPS IIIB MPS IIIC MPS IIID
MPS IVA MPS IVB
MPS VI
MPS VII
Tableau 1. Différentes mucopolysaccharidoses (MPS). Nom
Enzyme
GaG urinaires
Gène (nom et localisation)
Nombre d’exons
MPS I H MPS I HS MPS I S (V)
Hurler Hurler-Scheie Scheie
A-L-iduronidase
Héparane sulfate Dermatane sulfate
IDUA 4p 16.3
14
MPS II
Hunter
Iduronate sulfatase
Héparane sulfate Dermatane sulfate
IDS Xq27.3q28
9
MPS IIIA
Sanfilippo A
Héparane sulfate sulfatase
Héparane sulfate
SGSH 17q25.3
8
MPS IIIB
Sanfilippo B
N-acétyl-␣-D-glucosaminidase
Héparane sulfate
NAGLU 17q21
6
MPS IIIC
Sanfilippo C
Acétyl-CoA : ␣-glucosamine N-acétyltransférase
Héparane sulfate
Chr 14
MPS IIID
Sanfilippo D
N-acétylglucosamine-6- sulfatase
Héparane sulfate
GNS 12q14
14
MPS IVA
Morquio A
Galactosamine-6-sulfatase
Kératane sulfate Chondroïtine sulfate
GALNS 16q24.3
14
MPS IVB
Morquio B
-galactosidase
Kératane sulfate
GLB1 3p21.33
16
MPS VI
Maroteaux-Lamy
Arylsulfatase B
Chondroïtine sulfate
ARSB 5q11 q13
8
MPS VII
Sly
-glucuronidase
Dermatane sulfate Héparane S Chondroïtine sulfate
GUSB 7q21.11
12
MPS IX
Déficit en hyaluronidase
Hyaluronidase
Hyaluronane sulfate
HYAL1 3p21.3-p21.2
4
croissante avec aspect caractéristique de la vertèbre en « rostre », en « coin » ou en « marteau » (Fig. 5). Les côtes sont élargies en « palettes ». Les ailes iliaques sont petites, carrées, les cotyles hypoplasiques entraînant un risque de dysplasie de hanche [11] (Fig. 6). Les diaphyses des os longs sont courtes, larges, les épiphyses mal développées. Les phalanges et les métacarpiens sont courts, trapézoïdes, leurs extrémités proximales coniques (Fig. 7). Le crâne est augmenté de volume, scaphocéphale ; la selle turcique est allongée en J. Il est extrêmement fréquent d’observer le développement d’un syndrome du canal carpien [12] . Il est à rechercher systématiquement à la fois lors de chaque évaluation clinique, mais aussi par la réalisation annuelle d’un électromyogramme, car son installation est insidieuse, et les signes cliniques fréquemment frustes. La compression est souvent particulièrement importante, le nerf médian pouvant être complètement laminé (Fig. 8).
Croissance Elle est touchée en deux temps. Il y a initialement une avance staturale pendant la première année de vie, puis le retard statural s’installe entre 12 et 18 mois. Il peut être très sévère ; la taille définitive n’excédant pas 110 cm dans les formes les plus sévères. Atteinte sensorielle Des opacités cornéennes se développent, alors qu’apparaît secondairement une rétinopathie et, de fac¸on non exceptionnelle, un glaucome. La rétinopathie peut être évolutive malgré les traitements, y compris par transplantation cellulaire. Une surdité se développe, de type mixte ; elle contribue à limiter les capacités verbales de ces enfants.
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Figure 3. Dysmorphie faciale dans le cadre d’une mucopolysaccharidose (MPS) I.
Figure 5. Forme typique de la deuxième vertèbre lombaire en « rostre de poisson », responsable d’une cyphose dorsolombaire parfois très importante. On peut également noter l’aspect élargi des arcs costaux.
Figure 4. griffe.
Aspect épaissi de la main et des doigts qui sont enraidis et en
Atteinte neurologique Elle est spécifique de la forme sévère de la MPS I [1] alors qu’elle est modérée dans la forme Hurler-Scheie et absente dans la forme Scheie [13] . La détérioration mentale devient évidente dans la deuxième année, le quotient intellectuel maximal ne dépassant pas 2 à 4 ans. Sans traitement, l’atteinte centrale génère un polyhandicap sévère. Un syndrome pyramidal, qui doit être recherché systématiquement, doit faire suspecter une compression médullaire le plus souvent au niveau de la charnière craniocervicale. Cette compression est due d’une part à l’étroitesse du canal vertébral et du foramen magnum (trou occipital), mais également à l’épaississement dure-mérien qui peut être considérable. L’autre anomalie observée est parfois l’existence d’une instabilité atloïdoaxoïdienne par hypoplasie de l’apophyse odontoïde. Ces complications neuro-orthopédiques requièrent une prise en charge chirurgicale [14, 15] (Fig. 9, 10). L’hydrocéphalie se développe fréquemment du fait de l’infiltration des méninges ; elle semble jouer un rôle non négligeable dans la détérioration mentale et doit être traitée précocement [16] . Des anomalies du comportement sont fréquemment retrouvées : crainte, anxiété, troubles du sommeil et troubles de l’alimentation [17] .
Figure 6. Dysplasie cotyloïdienne bilatérale. Les épiphyses fémorales supérieures sont petites, mais le pronostic épiphysaire dans la mucopolysaccharidose (MPS) I est relativement bon, pour peu que la couverture cotyloïdienne soit satisfaisante. Il est donc parfois nécessaire de réaliser des interventions chirurgicales sur le bassin afin d’améliorer l’encorbellement de la tête fémorale.
Atteinte respiratoire L’infiltration des muqueuses respiratoires s’accompagne d’un encombrement nasopharyngé progressif avec infections rhinopharyngées fréquentes. Les patients ont une respiration bruyante en particulier pendant le sommeil où les pauses respiratoires nocturnes obstructives sont fréquentes [18] .
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Figure 7. Altération des métacarpiens et des phalanges, qui sont courts, trapus, associés à une dysplasie épiphysaire du radius et du cubitus inférieurs.
Figure 9. Compression médullaire dépistée à l’imagerie par résonance magnétique, cet examen devant être systématiquement fait dans le bilan de surveillance.
Figure 8. Compression du nerf médian, complètement laminé, avec interruption de sa vascularisation épineurale.
Atteinte cardiaque Il est fréquent de noter des souffles à l’auscultation cardiaque et l’échocardiogramme témoigne d’une atteinte valvulaire surtout mitroaortique et myocardique. L’atteinte myocardique peut être précoce et sévère avec fibroélastose endomyocardique pouvant révéler la maladie. Une coronaropathie diffuse peut se développer, rarement révélée cliniquement par des crises d’angor. L’apparition d’une hypertension artérielle est fréquente, probablement secondaire au rétrécissement de calibre des artères rénales [19, 20] . Atteinte digestive Des troubles du transit intestinal sont habituels avec diarrhée ou alternance de diarrhée et de constipation. Évolution Sans traitement, le décès survient en général avant l’adolescence du fait de l’aggravation des atteintes respiratoire et cardiaque.
Figure 10. Hypoplasie de l’apophyse odontoïde, responsable d’une instabilité C1–C2 (flèche). Une telle lésion nécessite une décompression médullaire associée à une arthrodèse vertébrale de stabilisation.
Aujourd’hui le pronostic a été transformé par la greffe de moelle [21] et par l’enzymothérapie substitutive (enzyme replacement therapy [ERT]) qui n’est efficace que sur les symptômes non neurologiques. Traitement symptomatique Il faut insister sur l’importance des traitements symptomatiques à visée respiratoire (kinésithérapie, fluidifiants, adénoïdoamygdalectomies, traitement des apnées obstructives, etc.), cardiaque
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(antihypertenseurs, coronarodilatateurs, tonicardiaques), otorhino-laryngologique (ORL) (aérateurs transtympaniques, appareillage), ophtalmologique (protection des lumières vives, traitement d’un glaucome), digestive (régulateurs du transit intestinal), neurologique (traitement chirurgical d’une hydrocéphalie, d’un canal carpien, d’une myélopathie cervicale compressive) qui peuvent être nécessaires chez ces enfants en dehors des traitements spécifiques (cf. infra). Il faut proscrire une kinésithérapie trop agressive par étirements passifs qui ne peuvent qu’endommager davantage les articulations et augmenter les douleurs. Celles-ci peuvent être calmées par des massages, la chaleur et les antalgiques. Des chaussures orthopédiques, un corset visant à limiter la cyphose, peuvent apporter une aide significative [22] . Anesthésie Quand une anesthésie générale est nécessaire, elle doit être réalisée par un anesthésiste informé des difficultés d’intubation du fait de la brièveté et de l’enraidissement du cou et de l’infiltration des muqueuses du pharynx, du larynx et de la trachée par les GAG [23] . Il doit être également informé des risques liés à l’instabilité atloïdoaxoïdienne, celle-ci étant habituellement recherchée avant une anesthésie générale.
Maladie de Hurler-Scheie (MPS IHS) Il s’agit d’une forme de gravité intermédiaire dont la fréquence serait de 1/115 000 naissances [1, 10] . L’intelligence de ces enfants peut être normale, mais ils peuvent souffrir de déficience intellectuelle. Les manifestations physiques, osseuses et viscérales sont plus sévères que dans la maladie de Scheie et leur prise en charge thérapeutique est proche d’une maladie de Hurler. Ils ont un développement pubertaire normal, bien que l’âge de la puberté puisse être retardé. Le développement d’une myélopathie cervicale compressive par infiltration et épaississement des méninges est fréquent [1] .
Maladie de Scheie (MPS IS) Initialement décrite en 1962 [24] , comme MPS V, elle est en réalité la forme modérée du déficit en ␣-L-iduronidase. Sa fréquence est estimée à moins de 1/500 000 naissances mais est peut-être sous-estimée. Les premiers signes apparaissent après 5 ans, le diagnostic n’étant en règle évoqué que beaucoup plus tard dans la deuxième ou troisième décennie. Elle se caractérise par le développement d’enraidissements articulaires invalidants, d’un syndrome du canal carpien, d’opacités cornéennes, parfois d’atteinte valvulaire et de compression médullaire. Les atteintes viscérale, bronchopulmonaire, hépatique, splénique sont discrètes et peuvent manquer. Il n’y a pas d’atteinte neurologique et le développement intellectuel est normal. L’aspect physique, la dystrophie osseuse rappellent, en beaucoup moins marqué, la MPS IH. La puberté est normale, la taille définitive de l’ordre de 150 cm. Les patients peuvent avoir une vie conjugale et sociale normale et leur espérance de vie est superposable à celle de la population générale [1, 12] .
Mucopolysaccharidose II : maladie de Hunter (MIM 309900) La MPS de type II est due à un déficit en iduronate sulfatase [25] . On distingue deux formes : la MPS IIA est la plus sévère avec une atteinte neurologique, une atteinte viscérale et osseuse grave qui entraîne le décès avant 20 ans et une forme plus modérée, MPS IIB, où il n’y a pas d’atteinte neurologique et où l’atteinte viscérale et osseuse permet une vie à l’âge adulte [26] . La particularité génétique de cette MPS est sa transmission qui est récessive liée à l’X, le gène se situant en Xq28 [27] . Comme dans toutes les affections liées à l’X, des sujets féminins atteints de la maladie de Hunter ont été décrits [28, 29] mais ces atteintes restent très rares comparativement à ce que l’on observe dans d’autres maladies métaboliques liées à l’X (déficit en ornithine transcarbamylase, maladie de Fabry). La symptomatologie est en général semblable à celle observée dans la MPS I. Elle commence entre 2 et 4 ans avec une dégradation neurologique et une atteinte viscérale. Le tableau
comprend une dysostose généralisée pratiquement superposable à celle observée dans la maladie de Hurler, une petite taille, et surtout un faciès particulièrement typique avec des traits grossiers, une macrocéphalie, des cheveux épais et difficilement coiffables. On observe également une hépato-spléno-mégalie liée à la surcharge en mucopolysaccharides, des anomalies cardiaques et une surdité. Une diarrhée chronique liée à un dysfonctionnement du système nerveux autonome et à une atteinte de la muqueuse intestinale survient chez les patients jeunes. Il n’y a pas d’infiltration cornéenne. L’atteinte neurologique est plus tardive que dans la MPS I, mais est néanmoins très sévère avec en particulier des troubles du comportement invalidants. Malheureusement, cette atteinte neurologique ne répond pas à l’enzymothérapie [30] . La forme modérée (beaucoup plus rare) ressemble à la maladie de Scheie avec une espérance de vie prolongée et une atteinte viscérale d’évolution lente [31] . Une atteinte cutanée caractéristique de la MPS II a été observée au niveau de la région sacrée, des fesses et des membres supérieurs. Cette atteinte cutanée, parfois présente à la naissance, est constituée de lésions nodulaires de couleur ivoire composées de mélanocytes contenant des mélanosomes en nombre important, ces cellules sont entourées d’une gaine extracellulaire et de tissu élastique [32] . Ces lésions sont typiques de la MPS II et peuvent permettre un diagnostic précoce. En revanche, elles ne disparaissent pas après un traitement par greffe de moelle [33] . Les stigmates biologiques urinaires sont une excrétion anormale de GAG : (héparane et dermatane sulfates comme dans la MPS I [Fig. 1]). Le diagnostic est confirmé par le déficit enzymatique et la biologie moléculaire.
Maladie de Sanfilippo (MPS III) La MPS de type III ou maladie de Sanfilippo correspond à un phénotype clinique et biochimique identique en relation avec quatre déficits enzymatiques différents portant tous sur le catabolisme de l’héparane sulfate. La MPS III a été initialement décrite comme une oligophrénie polydystrophique car l’atteinte neuropsychique y est majeure. L’hétérogénéité clinique existe moins dans la forme Sanfilippo que dans les autres MPS, peut-être en raison d’une difficulté accrue à reconnaître les formes mineures. Les enzymes déficientes dans les quatre soustypes sont l’héparane sulfate sulfatase [34] (MPS IIIA ; MIM 252900), la N-acétyl-␣-D-glucosaminidase [35] (MPS IIIB ; MIM 252920), l’Acétyl-CoA : ␣-glucosamine N-acétyltransférase [36] (MPS IIIC ; MIM 252930) et la N-acétylglucosamine-6-sulfatase [37] (MPS IIID ; 252940). La MPS III se présente essentiellement par la détérioration neuropsychique qui domine le tableau clinique. On observe un retard des acquisitions psychomotrices en particulier du langage qui n’est parfois jamais acquis. À partir de 3 ou 4 ans, le comportement de ces enfants devient difficile avec agressivité, colère, crises de panique, insomnies prolongées, l’ensemble rendant la vie familiale très difficile [17, 38, 39] . Le diagnostic est souvent tardif pouvant aller de 1 à 16 ans [40] , en raison du retard d’apparition et de la discrétion du syndrome dysmorphique (épaississement des traits du visage, cheveux épais broussailleux, hirsutisme). L’hypoacousie est fréquente. Certains signes classiques des MPS sont absents (absence d’opacités cornéennes, de retard statural précoce [stagnation de la croissance staturale possible après l’âge de 4 à 6 ans]) ou modérés (lésions osseuses, hépato-spléno-mégalie). Parmi les manifestations viscérales, il faut insister sur les troubles de la motricité digestive avec diarrhées et les infections respiratoires hautes (rhinopharyngites, otites). L’atteinte myocardique et valvulaire est possible. Une prise en charge pédopsychiatrique adaptée, certains traitements médicamenteux par thioridazine ou halopéridol à des doses progressivement croissantes peuvent apporter une aide décisive à ces enfants [40, 41] . Un traitement des troubles du sommeil (mélatonine, antihistaminiques pour leur effet sédatif de type Atarax® ) peut être également nécessaire. À l’adolescence, la spasticité, les troubles de l’équilibre joints à l’enraidissement articulaire les amènent progressivement à une perte d’autonomie allant jusqu’à la perte de la marche et à un état grabataire. Les troubles de
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déglutition, les fausses routes obligent à recourir à l’alimentation par gastrostomie. L’évolution se fait vers un état démentiel et le décès intervient vers l’âge de 20 ans. Dans les formes moins sévères, surtout décrites dans le type B, les altérations morphologiques sont plus discrètes et l’évolution vers l’état démentiel ne se fait que vers la 3e ou 4e décennie [1] .
Mucopolysaccharidose IV : maladie de Morquio Décrite en 1929 par L. Morquio [42] puis par J.-F. Brailsford [43] , la MPS de type IV est due au défaut du catabolisme du kératane sulfate. La présence préférentielle du kératane sulfate à l’appareil ostéoarticulaire explique une symptomatologie très différente de celle des autres MPS. Il n’y a pas d’infiltration cutanéomuqueuse, l’intelligence est normale, la dysmorphie faciale et la dysostose sont d’un type différent. Il en existe deux types enzymatiques : • dans la maladie de Morquio de type A (MIM 253000), le déficit concerne la N-acétylgalactosamine-6-sulfatase (GAL NS) [44] ; elle libère le groupe sulfate aux extrémités non réductrices du chondroïtine-6-sulfate et du kératane sulfate. Le gène a été localisé sur le chromosome 16 (q24) [45] ; • dans la maladie de Morquio de type B (MIM : 253010), le déficit concerne la -galactosidase [46] . Il s’agit de la même galactosidase que celle impliquée dans la gangliosidose à GM1 dont le gène de structure est situé sur le bras court du chromosome 3 (p21 - 3pter) [47] . Dans la MPS IVB, le déficit ne concerne que le site catalytique en rapport avec le kératane sulfate et n’altère pas le catabolisme du ganglioside GM1. Néanmoins, il a été décrit une mutation pouvant donner à la fois une MPS IVB et une gangliosidose GM1 [48] . Une mutation (Trp273Leu) est communément trouvée dans la MPS IVB mais elle n’est pas constante, plusieurs autres mutations ont déjà été décrites [49] . Quel que soit le type, l’enfant est normal à la naissance. Ce n’est qu’entre 1 et 3 ans [43] qu’apparaissent les premiers symptômes avec démarche dandinante, des chutes fréquentes et un genu valgum [1] . L’apparition d’un thorax en « carène » est également très évocateur (Fig. 11, 12). Le tableau s’aggrave progressivement avec retard statural sévère (taille définitive inférieure à 120 cm), tronc et cou très courts, cyphose dorsale sévère, scoliose, déviation cubitale des mains, hyperlaxité articulaire. La dysmorphie faciale est modérée avec prognathisme, rejet de la tête en arrière, bouche trop large, dents petites avec hypoplasie de l’émail et caries fréquentes. Apparaissent secondairement de fines opacités cornéennes, une hépatomégalie et parfois des lésions valvulaires cardiaques [50] . Une menace évolutive majeure est la survenue d’une compression médullaire cervicale aiguë par subluxation atloïdoaxoïdienne due à l’hypoplasie de l’apophyse odontoïde et à l’hyperlaxité ligamentaire et/ou compression médullaire cervicale lente par rétrécissement progressif du canal rachidien cervical. Cette myélopathie compressive peut apparaître précocement dans les formes sévères et une surveillance neurologique attentive complétée par une imagerie par résonance magnétique (IRM) doit être assurée annuellement afin de ne pas laisser passer l’heure du traitement chirurgical [51] . Lors de toute anesthésie générale, par ailleurs, l’anesthésiste doit être informé de cette instabilité de la charnière cervico-occipitale qui entraîne un risque de compression médullaire [52] . Les anomalies radiologiques sont nombreuses, et certaines d’entre elles sont caractéristiques : • au niveau vertébral, la platispondylie devient majeure à partir de 2 à 3 ans avec, sur les clichés de profil, un prolongement antérieur en languette des corps vertébraux et au niveau des deux premières vertèbres lombaires, une hypoplasie antérieure caractéristique [10] (Fig. 13). Les autres anomalies rachidiennes sont situées au niveau de la charnière craniocervicale. Le risque de compression peut être dû à plusieurs causes : l’hypoplasie de l’odontoïde est pratiquement constante, et est responsable d’une instabilité, le canal cervical est rétréci, et les méninges ainsi que les tissus périduraux sont infiltrés, ajoutant un facteur supplémentaire de compression. C’est dire que la surveillance neurologique est impérative annuellement, tant cliniquement qu’à l’aide d’une IRM ;
Figure 11.
Maladie de Morquio de type A : petite taille, genu valgum.
• au niveau des fémurs et des hanches, les métaphyses sont irrégulières, les cols fémoraux déformés en coxa valga et les cotyles élargis. Les épiphyses sont petites et dystrophiques en particulier au niveau des têtes fémorales. La morphologie des épiphyses fémorales supérieures suit un processus de détérioration que rien ne peut enrayer, aboutissant à une disparition radiographique progressive des têtes fémorales, avec un retentissement sur la mobilité et la fonction globale des hanches (Fig. 14) ; • le syndrome du canal carpien est exceptionnel dans la MPS IV, à l’inverse des types I, II, et VI, où il est fréquent. L’évolution de cette forme sévère, très invalidante, se fait vers le décès dans la deuxième ou troisième décennie du fait des complications cardiorespiratoires, de la cyphoscoliose et de la compression médullaire. Il existe des formes modérées retentissant peu sur la taille, peu invalidantes et compatibles avec une vie sociale et une longévité normales [53] .
Mucopolysaccharidose V Elle correspond à la forme modérée de MPS I (maladie de Scheie), ce terme n’étant actuellement plus utilisé.
Mucopolysaccharidose VI : maladie de Maroteaux-Lamy (MIM 253200) Décrite en 1963, elle est due au défaut de catabolisme du dermatane sulfate par déficit en N-acétyl-galactosamine-4sulfatase ou arylsulfatase B [54] . La fréquence de cette maladie serait de 1/100 000 à 1/1 300 000 en fonction des populations étudiées [4–6, 55] . Une vingtaine de patients vivants sont actuellement recensés en France. Le diagnostic est habituellement posé
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Figure 14. Aspect évolutif habituel des épiphyses fémorales supérieures dans la maladie de Morquio, qui deviennent petites, irrégulières, et dont le retentissement fonctionnel est net.
Figure 12. Même enfant que sur la Figure 11. Projection antérieure du massif facial inférieur, thorax en « carène », flessum des genoux primitif et également secondaire au flessum des hanches. Figure 15. Aspect de dysmorphie faciale dans la maladie de Maroteaux et Lamy (mucopolysaccharidose VI).
Figure 13.
Platyspondylie caractéristique de la maladie de Morquio.
entre 6 et 24 mois quand les enfants présentent une diminution de la vitesse de croissance, des déformations squelettiques, un faciès grossier, et une obstruction des voies aériennes supérieures (Fig. 15). Des opacités cornéennes, une cécité, une hydrocéphalie communicante ou une atteinte cardiaque [56] peuvent compléter le tableau clinique dans les formes sévères. Comme dans le type IV, il n’y a pas de détérioration neuropsychique chez les patients atteints de MPS VI [1] ; néanmoins les problèmes sensoriels et la limitation motrice peuvent parfois retentir sur les apprentissages. Il y a une grande variabilité clinique dans la MPS VI en fonction du niveau d’activité enzymatique résiduelle. Chez les malades souffrant d’une forme sévère, l’activité enzymatique résiduelle serait plus faible (0 à 1,4 %) que dans les formes modérées (2 à 3 %) alors qu’une activité enzymatique de 5 % suffirait à éviter le développement de manifestations pathologiques [57] . Le décès survient habituellement dans la deuxième décennie du fait des complications cardiorespiratoires. La forme modérée est très proche de la maladie de Scheie. Les manifestations beaucoup moins sévères expliquent que ces patients puissent atteindre la septième ou huitième décennie [57, 58] . Le gène de l’arylsulfatase B est localisé sur le chromosome 5 (q11-q13) et plusieurs mutations ont été identifiées [58, 59] . La diversité des mutations est importante et il n’y a pas de mutation principale dans cette pathologie. Certaines mutations permettraient de déterminer le phénotype [60] .
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Mucopolysaccharidose VII : maladie de Sly (MIM 253220) La maladie de Sly due à un déficit en -glucuronidase fut décrite en 1973 [61] . Cette maladie dont l’hétérogénéité est extrême peut se présenter sous des formes très modérées, découvertes à l’adolescence, ou bien sous des formes très sévères s’exprimant dès la vie intra-utérine par un anasarque fœtoplacentaire [61] . Le déficit en -glucuronidase entraîne un défaut du catabolisme du dermatane sulfate, de l’héparane sulfate et des chondroïtines sulfates 4 et 6. Curieusement, la nature des GAG excrétés en excès est variable : chondroïtine sulfate 4 et chondroïtine sulfate 6 dans l’observation originale de Sly, dermatane sulfate et héparane sulfate dans d’autres observations. Dans certains cas, les GAG urinaires peuvent être normaux. Le gène a été localisé sur le chromosome 7 (7q21-11) [62] . Différentes mutations ont par ailleurs déjà été publiées [63] . Dans les formes les plus sévères, la révélation est néonatale, voire anténatale. Ces dernières se présentent par un tableau d’anasarque fœtoplacentaire, entre 18 et 26 semaines de grossesse [64] , La MPS VII représente 34 % des anasarques liés à une maladie de surcharge lysosomale (qui représentent 1,4 % des anasarques non immuns) dans une série de Lyon [65] . Dans les formes néonatales [66] , la dysmorphie est évidente d’emblée : visage aplati, traits grossiers, aspect boudiné et œdématié des mains et des pieds, pieds bots varus équins ; on peut noter des hernies inguinales, une hépato-spléno-mégalie. Il y a une atteinte neurologique sévère avec hypotonie, difficultés d’alimentation et troubles respiratoires. Il peut exister des enraidissements articulaires, un ictère, une hydrocéphalie. Les radiographies du squelette montrent des images de dysostose multiple, parfois des calcifications ponctuées de certaines épiphyses. L’évolution peut être rapidement fatale mais peut être compatible avec une survie de plusieurs mois ou années durant lesquelles s’aggravent la dysmorphie faciale, les atteintes viscérales et le retard psychomoteur. Des opacités cornéennes apparaissent secondairement. Dans un cas, décrit par Guibaud et al. [67] , malgré l’expression néonatale évidente, l’évolution est beaucoup moins sévère avec développements staturopondéral et psychomoteur normaux et absence d’hépato-spléno-mégalie à l’âge de 18 mois. La forme classique correspond à la description initiale de Sly et al. [61] . Bernsen et al. [68] y rattachent les formes à début néonatal dont l’évolution est compatible avec une survie de quelques années. Le tableau est pratiquement superposable à celui de la maladie de Hurler. La forme modérée est diagnostiquée à l’adolescence ou à l’âge adulte ; elle est révélée par des manifestations osseuses, cyphoscoliose, dysplasie de hanches. En revanche, il n’y a habituellement pas d’hépato-spléno-mégalie, d’opacités cornéennes ni de déficience mentale.
Mucopolysaccharidose VIII (MIM 253230) Cette maladie serait due à un déficit en glucosamine-6-sulfate sulfatase. Il n’y a qu’un patient décrit en 1978 [69] . Ce patient présentait un tableau clinique qui combinait les signes des MPS III et IV avec une petite taille, un retard mental, un hirsutisme, une hépatomégalie, une dysostose multiple modérée et une hypoplasie de l’odontoïde. Il n’y avait pas d’atteinte cornéenne. Les explorations biochimiques ont permis de retrouver à la fois de l’héparane et du kératane sulfate dans les urines. La réalité de ce tableau a ensuite été fort discutée [70] et il est actuellement admis que ce syndrome n’existe pas.
Mucopolysaccharidose IX (MIM 601492) La MPS IX est la dernière décrite et est en rapport avec un déficit en hyaluronidase [2] . L’acide hyaluronique est un des principaux mucopolysaccharides de la matrice extracellulaire. Il n’y a eu qu’une description clinique en 1996. Ce patient (adolescente de 14 ans) présentait une petite taille avec de multiples masses périarticulaires dans les tissus mous. Ces masses (prises initialement
pour des ganglions) se sont révélées être liées au stockage d’acide hyaluronique. Le déficit en hyaluronidase a été montré et les mutations du gène HYAL 1 (situé en 3p21.3-p21.2) ont été publiées en 1999 [71] . Au niveau biochimique, l’analyse des mucopolysaccharides urinaires était normale comme celle des oligosaccharides. Le diagnostic a été fait sur le dosage de l’acide hyaluronique plasmatique (918-2118 g/l versus 10 chez les parents). Le dosage enzymatique de la hyaluronidase a montré une activité nulle chez l’enfant et à 30 et 53 % de la normale chez les deux parents.
Diagnostic Le diagnostic est tout d’abord orienté par la clinique. Il doit être évoqué devant les formes typiques mais également devant les formes mineures qui sont paucisymptomatiques.
Glycosaminoglycanes urinaires Le diagnostic passe toujours par l’analyse des GAG urinaires qui sont augmentés (sauf dans certaines formes de MPS IV et dans la MPS IX). L’analyse quantitative précède une analyse qualitative qui détermine le type de GAG en excès. Il faut noter que l’excrétion des GAG diminue avec l’âge et peut même se négativer quantitativement à l’âge adulte. L’orientation diagnostique en fonction des résultats des GAG urinaires est résumée dans la Figure 2. Pour la MPS IV, il n’y a pas d’augmentation des GAG car leur mesure quantitative se base sur la mesure des acides uroniques (iduronique, glucuronique) et il n’y en a pas dans le kératane sulfate ; dans ce cas le diagnostic est posé sur la chromatographie des GAG qui met en évidence la présence de kératane sulfate. Le diagnostic de MPS IX repose, comme on l’a vu, sur le dosage spécifique de l’acide hyaluronique plasmatique.
Enzymologie Le diagnostic doit être confirmé par enzymologie, puis par biologie moléculaire. Les activités enzymatiques sont mesurables sur leucocytes. Cette démarche est résumée dans la Figure 2. Le degré d’activité résiduelle n’est pas toujours corrélé au phénotype, en particulier, certains patients ont un degré d’activité nul avec un phénotype modéré.
Biologie moléculaire Cette analyse confirme le diagnostic. Il doit être systématiquement réalisé. Un grand nombre de mutations sont connues pour la plupart des MPS [59, 72–74] , dont certaines permettent de définir le phénotype du patient. La mise en évidence des mutations permet une information familiale, en particulier pour un diagnostic prénatal en cas de nouvelle grossesse si la famille le désire. Celui-ci est réalisé par biologie moléculaire quand la ou les mutations sont connues [75–79] .
Prise en charge Traitement symptomatique Ce traitement relève d’une structure multidisciplinaire, qui doit pouvoir évaluer l’état clinique initial, dépister et traiter les complications quand elles surviennent. Cette prise en charge doit se faire au sein d’une équipe spécialisée dans les maladies métaboliques qui coordonne toutes les spécialités indispensables à la prise en charge de ces malades [22] . La liste des spécialistes et leurs rôles spécifiques sont décrits dans le Tableau 2. Il faut noter l’importance de la prise en charge orthopédique qui reste nécessaire même après traitement étiologique, qu’il soit par thérapie cellulaire ou enzymothérapie substitutive, car les déformations squelettiques ont une évolutivité propre malgré le traitement médical. La détermination et le traitement des atteintes sensorielles sont fondamentaux pour le pronostic. Toutes ces évaluations ainsi que les différents traitements qui peuvent en
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Tableau 2. Composition de la consultation multidisciplinaire nécessaire à la prise en charge des mucopolysaccharidoses. Spécialité
Rôle
Métabolicien pédiatre ou interniste
Référent de la maladie, centralise les informations, coordonne la prise en charge
Anesthésiste
Assure les anesthésies (toujours à risque) de ces patients
Biologiste
Réalise le diagnostic biochimique et enzymologique
Cardiologue
Surveillance et bilan d’une éventuelle atteinte cardiaque, valvulaire ou myocardiopathie
Explorations fonctionnelles respiratoires
Bilan de la fonction respiratoire, oxymétrie nocturne
Gastroentérologue
Prise en charge des troubles digestifs et nutritionnels
Généticien
Diagnostic moléculaire et implication dans le diagnostic prénatal éventuel
Hématologue
Transplantation de cellules souches hématopoïétiques
Neurologue
Évaluation et prise en charge du retard mental, prise en charge du handicap, de l’épilepsie, surveillance de l’hydrocéphalie, des compressions médullaires, etc.
Odontologiste
Surveillance et prise en charge des problèmes dentaires et gingivaux
Ophtalmologue
évaluation de la vision, bilan cornéen, rétinien, glaucome, atteinte du nerf optique
Oto-rhino-laryngologiste
Surveillance de la fonction auditive, des voies aériennes supérieures, des sinus, prise en charge d’une éventuelle trachéotomie
Orthopédiste en collaboration avec un neurochirurgien si nécessaire
Bilan de la dysostose, dépistage et prise en charge des complications squelettiques des membres inférieurs et supérieurs, cyphose, canaux carpiens, compression médullaire, etc.
Pneumologue
Prise en charge des infections respiratoires et de l’insuffisance respiratoire chronique
Psychiatre
Prise en charge des troubles psychiatriques et des troubles du comportement
Radiologue
Bilan d’extension de l’organomégalie, surveillance neuroradiologique (compression médullaire, hydrocéphalie, etc.), évolution de la dysostose, etc.
Rééducation fonctionnelle
Bilan moteur et fonctionnel, assure la prise en charge de la raideur articulaire et de la cyphose en collaboration avec l’orthopédiste, prise en charge des différents aspects du handicap
Stomatologue
Prise en charge des atteintes buccales liées à la dysostose
découler doivent intervenir le plus précocement possible, avant que les lésions ne soient définitives et irréversibles (syndrome du canal carpien, surdité, atteinte visuelle, etc.).
Traitement étiologique Thérapie cellulaire De toutes les maladies lysosomales, la maladie de Hurler est celle où la greffe a donné les meilleurs résultats [80–82] . La transplantation cellulaire est indiquée chez les patients Hurler âgés de moins de 2 ans et qui ont un quotient de développement supérieur à 70 [22] . Les deux complications principales (l’échec de la greffe et la toxicité liée au conditionnement) sont en diminution grâce à l’amélioration des protocoles de greffe [83] , en particulier avec l’utilisation de sang de cordon. Les améliorations dues à la greffe sont multiples, et concernent les atteintes viscérale, cardiaque, pulmonaire, hépatique, splénique, l’apparence physique ; on observe un assouplissement des articulations, et aussi une amélioration du pronostic intellectuel et neurologique si la transplantation est réalisée de fac¸on très précoce et avant que les lésions neurologiques ne soient trop avancées. En revanche, elle a peu d’impact sur les déformations osseuses constituées, et cellesci continuent souvent de s’aggraver, notamment au niveau des hanches, du rachis ou de l’axe frontal des membres inférieurs, nécessitant parfois le recours à des interventions chirurgicales. La thérapie cellulaire est inefficace quand l’atteinte cérébrale est déjà présente comme dans la maladie de Hunter (MPS II a). Certains succès ont pu être obtenu quand la transplantation a été réalisée de fac¸on ultraprécoce [84] . La transplantation est inefficace dans la maladie de Sanfilippo (MPS III) [85] et elle n’est plus indiquée dans les MPS à expression ostéoarticulaire majeure comme les maladies de Morquio et de Maroteaux-Lamy [86] (MPS IV et VI) qui disposent maintenant d’une enzymothérapie. Dans la MPS VII, la greffe de moelle n’a été réalisée que sur un modèle animal [87] .
Enzymothérapie substitutive L’enzymothérapie substitutive est apparue depuis quelques années dans le traitement des maladies lysosomales. Après la maladie de Gaucher [88] , puis celle de Fabry [89] , sont apparus les traitements de la MPS I [90] , de la MPS VI [91] , de la MPS II [92] et
puis plus récemment de la MPS IV [93] . L’ERT pour la MPS VII a été publiée chez l’animal et est actuellement au niveau des études cliniques chez l’homme [94] . Dans la MPS I, les premiers essais chez l’animal ont été publiés en 1994, mais la première étude chez l’homme a été rapportée par Kakkis en 2001 [90] . Après un an de traitement chez dix patients, les auteurs ont montré une diminution de l’hépato-spléno-mégalie avec normalisation de la taille du foie, une reprise de la croissance chez les six patients en période prépubertaire, une amélioration des amplitudes articulaires au niveau du coude et de l’épaule, une diminution de 61 % du nombre d’apnées et d’hypopnées de sommeil et une amélioration de la fonction cardiaque. Les paramètres biologiques ont également été corrigés, comme la réduction des GAG urinaires qui est apparue au bout de trois à quatre semaines de traitement. Les perfusions ont en général été bien supportées, puisque seulement cinq épisodes transitoires d’urticaire ont été observés au cours de l’étude. Cette nette efficacité ne concerne malheureusement ni l’état neuropsychique ni la dysostose. Enfin, l’enzymothérapie est un traitement à vie qui nécessite une perfusion par semaine ; la lourdeur de ce traitement peut poser à terme des problèmes de compliance thérapeutique. L’ensemble de ces résultats fait que l’enzymothérapie substitutive est pour l’instant réservée aux MPS sans atteinte neurologique (maladie de Hurler-Scheie et maladie de Scheie). Dans les MPS IH, la transplantation médullaire reste le traitement de choix, qui est le plus souvent encadrée par l’enzymothérapie substitutive (début dès le diagnostic et arrêt lorsque la transplantation est efficace en termes de substitution enzymatique), ce qui en diminuerait les complications. Dans les cas intermédiaires où l’atteinte neurologique n’est pas prédominante, il faut peser les risques (y compris de mortalité) de la greffe de moelle et les risques de la dégradation neurologique sous ERT. Dans les MPS II et VI, nous avons aujourd’hui une expérience de plusieurs années, et les résultats sont similaires à ce que l’on observe dans la MPS I : dans ces deux pathologies, l’ERT est efficace sur l’atteinte viscérale, et sur l’excrétion des GAG urinaires. Il y a une amélioration modérée du périmètre de marche et des fonctions respiratoires. En revanche, il n’y a pas ou peu d’efficacité sur la dysostose, et pas d’effets sur l’atteinte neurologique, puisque aucune de ces enzymes ne passe la barrière hématoméningée. Une revue récente montre qu’il n’y a pas de preuves actuelles de l’effet de l’ERT sur la croissance, les apnées, l’atteinte
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cardiaque, la qualité de vie et la mortalité [95] . Cela pose la question de l’intérêt de cette enzymothérapie dans les formes graves de MPS II avec atteinte neurologique par exemple [96] . Des essais sur l’administration d’ERT par voie intrathécale sont actuellement en cours dans la MPS II. La maladie de Morquio bénéficie d’une ERT depuis 2014 [93] . Dans cette maladie, l’ERT améliore la fonction motrice chez les patients qui sont marchants. Le recul est encore insuffisant pour savoir si un traitement très précoce permettrait d’améliorer le pronostic osseux et la croissance de ces enfants. Enfin il faut signaler que le coût de ces traitements est extrêmement élevé, pouvant aller jusqu’à 600 000 D par an pour un patient adulte atteint de MPS II. L’importance de ce coût justifie des indications soigneusement posées et un suivi très rigoureux de ces patients pour pouvoir évaluer l’efficacité à long terme de ces traitements.
• La présence d’une atteinte neurologique est très péjorative (nécessité d’une transplantation de cellules souches précoce dans la MPS I ; pas d’efficacité des traitements pour l’instant dans les MPS IIA et MPS III). • Le diagnostic est suspecté sur la clinique et doit être confirmé par la biologie. • L’analyse des GAG urinaires permet d’orienter le diagnostic qui sera confirmé par l’enzymologie et la biologie moléculaire. L’activité enzymologique ne permet pas de prédire la gravité de la MPS et il n’y a pas de corrélation génotype/phénotype. • Le diagnostic différentiel se fera avec d’autres maladies lysosomales, en particulier les mucolipidoses et certaines oligosaccharidoses. • La prise en charge multidisciplinaire est essentielle pour le traitement spécifique des différentes atteintes. • La dysostose représente une atteinte majeure des MPS, et nécessite une prise en charge prolongée, car ni la greffe, ni l’enzymothérapie n’empêchent la survenue de l’atteinte osseuse et de ses complications. • Le traitement étiologique est basé sur la transplantation de cellules souches précoce (avant 2 ans si le quotient de développement est supérieur à 70) dans la MPS I de type Hurler, ou sur l’enzymothérapie (qui n’a pas d’efficacité sur l’atteinte neurologique) dans les MPS I (HS et S), MPS IIB, MPS IV et MPS VI. L’enzymothérapie de la MPS VII est en cours d’évaluation. • Des essais de thérapie génique sont en cours dans la MPS III. • Un diagnostic précoce est gage d’un meilleur pronostic ; les capacités techniques permettent aujourd’hui de proposer un diagnostic néonatal pour les MPS. Celui-ci n’est pour l’instant réalisé que dans des études pilotes en Europe, mais il est déjà mis en place dans certains états des États-Unis.
Thérapie génique Comme dans de nombreux domaines des maladies métaboliques, la thérapie génique a fait l’objet de multiples travaux dans les différentes MPS (I, IIIA, IIIB, VI, VII). Ces travaux sont porteurs d’espoir car l’atteinte neurologique est améliorée dans certains modèles animaux avec des traitements néonatals [97, 98] . Les essais cliniques réalisés chez l’homme concernent la maladie de Sanfilippo A et la maladie de Sanfilippo B. Les résultats sont encore préliminaires, mais ce type de traitement semble le seul actuellement capable de prévenir l’atteinte neurologique dégénérative, à condition que les traitements soient réalisés avant l’apparition de séquelles neurologiques définitives.
Dépistage néonatal systématique La nécessité de traiter le plus précocement possible les patients atteints de MPS a généré la nécessité d’un diagnostic présymptomatique qui est idéalement fait grâce au dépistage néonatal systématique. Celui-ci est techniquement possible grâce à des techniques enzymologiques multiplex qui permettent de mesurer l’activité d’un grand nombre d’enzymes sur une simple tache de sang sur papier buvard [99] . Des études pilotes ont été réalisées et ont montré la faisabilité de ce programme [100] . Dans le cadre de la MPS I, l’absence de corrélation génotype/phénotype rend difficile la décision thérapeutique (ERT ou transplantation de cellules souches hématopoïétiques) en situation présymptomatique. Pour la MPS II, un diagnostic néonatal permettrait peut-être d’améliorer le pronostic via une transplantation très précoce. La situation est plus simple pour les MPS IV et VI où l’atteinte neurologique est absente, et où l’on pourrait espérer un bénéfice maximal d’une ERT débutée en période néonatale.
Déclaration d’intérêts : F. Feillet : membre des advisory board Genzyme, Shire, BioMarin ; congress (voyage-hôtel-inscription) par Genzyme, Shire, BioMarin ; participation etude Clinique Genzyme et BioMarin. Les auteurs A. Wiedemann, E. Jeannesson, R. Jaussaud et P. Journeau n’ont pas transmis de déclaration de liens d’intérêts en relation avec cet article.
“ Points essentiels • Les MPS sont des maladies de surcharge lysosomale comprenant une atteinte multisystémique, évolutive au pronostic sévère. • Ce sont des maladies génétiques à transmission autosomique récessive hormis la MPS II qui a une transmission liée à l’X. • Comme pour la plupart des maladies lysosomales, il y a un continuum phénotypique allant des formes infantiles sévères à des formes atténuées ne s’exprimant qu’à l’âge adulte.
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EXPRESSION ARTICULAIRE DES MALADIES CONSTITUTIONNELLES
429
,
15-50. - Evolution defavorable de l'articulation coxofernorale chez un patient porteur d'une rnucopolysaccharidose de type VI. La dystrophie et la deformation de la tete fernorale sont rapidernent evolutives entre I'age de 10 ans (A) et l'fige de 12 ans (B). Toute intervention conservatrice semble exclue, et une arthroplastie totale de hanche bilaterale est la seule alternative.
FIGURE
MUCOPOL YSACCHARIDOSE DE TYPE VI L'atteinte orthopedique des MPS de type VI est severe, tres voisine des atteintes des formes graves de MPS I et II. Le retentissernent fonctionnel est sou vent important chez ces patients qui conservent par ailleurs de bonnes competences psycho- intellectuelles. La dystrophie osseuse est severe, notamment au niveau des hanches (Figure 15-50), des genoux et des corps vertebraux. Pres de la moitie des patients presentent une compression medullaire cervicale, et Ie depistage doit done etre regulier au moyen de I'IRM. Dans Ies MPS de type VI, comme pour les MPS de type IV, les lesions medullaires sont habituellement dues a une compression par des depots extrinseques de mucopolysaccharides dans les tissus perimedullaires plus qu'a une reelle instabilite vertebrale [22].
CONCLUSION Tous les patients porteurs de MPS vent presenter durant Ia croissance des atteintes plus ou moins severes de I'appareil locomoteur. Les deformations epiphysaires et metaphysaires associees aux remaniements des parties molles peri-articulaires sont responsables de deformations des membres et de raideurs avec incongruences articulaires. Le retentissement fonctionnel est parfois tres severe et doit etre arneliore par la prise en charge orthopedique precoce de ces patients. En cas de deformation axiale des membres inferieurs, les osteotomies de correction permettent de redonner un axe rnecanique satisfaisant. La deformation est susceptible de recidiver, notamment si une premiere correction est pratiquee a un age encore jeune. Les incongruences articulaires, notamment des hanches peuvent etre traitees par des osteotomies fernorales et pelviennes de reorientation. Toutefois, lorsque la dystrophie touche egalernent les surfaces articulaires avec une deformation
epiphysaire, seule la prothese permet, en fin de croissance, de redonner une relative mobilite et une indolence a ces patients. Concernant Ia prise en charge des deformations orthopediques du tronc, le traitement orthopedique par corset reste essentiel en cas de cyphose ou de scoliose evolutive. L'appareillage de ces patients est parfois delicat et peut conduire a un echec, notamment si l'enfant est agite ou si Ie tronc est tres court et tres deforrne. Les indications chirurgicales sont exceptionnelles, mais doivent etre envisagees pour eviter les complications respiratoires et digestives en cas de deformation severe du rachis et du thorax. Le depistage des compressions medullaires cervicales, plus que des instabilites, est un element essen tiel de la prise en charge et du suivi des patients porteurs de MPS de types IV, VI et I. La realisation d'une IRM doit etre, sinon systematique, toujours proposee au moindre doute cJinique. L'indication d' une decompression rnedullaire cervicale doit etre posee avant Ia survenue de deficits neurologiques qui sont, malheureusement encore de nos jours, une cause frequente de deces chez ces patients.
••
HYPERPARATHYROIDIES ,
E. MALLET La situation dhyperparathyrordie correspondant a une production excessive d' hormone parathyroidienne (PTB) peut resulter d'un defaut prirnaire au niveau des glandes parathyroides, tels un adenome ou LIne hyperplasie cellulaire definissant l' hyperparathyroidie primaire.
Cependant, le plus souvent en pediatrie, l'augrnentation de production de la PTB est reactionnelle a une situation d' hypocalcemic liee a differentes origines qui
Elements sous droits d'auteur
430
PATHOLOGIES NON INFLAMMATOIRESDE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
definissent I'hyperpathyroidie secondaire. C'est le cas du rachitisme par carence en vitamine D que I'on voit encore chez I'adolescent, des syndromes de malabsorption telle la maladie cceliaque, situation dans laquelle l' absorption intestinale du calcium est deficiente, I'hypocalcernie pouvant etre temporisee par l'augmentation de I'activite des glandes parathyroidiennes. Dans la pseudo-hypoparathyroidie, les taux de PTH sont eleves, dus a une resistance a l' hormone lice aux IUU tations de Ia proteine Gsa. Enfin, au stade precoce de l 'insuffisance renale, l'hyperphosphaternie, entrainant une diminution de la calcemie, a cornme consequence une augmentation de secretion de P'TH ; dans les stades plus avances de I' insuffisance renale, la production du metabolite actif 1,25-dihydroxyvitaluine D [l,25(OH)2D3] est reduite, conduisant a une aggravation de I' hypocalcemic et donc a une stimulation plus importante de la secretion de PTH. Cela peut conduire a nne autonomisation de la secretion de PTI-I, correspondant a une situation dite d' hyperparathyroidie tertiaire. Seule sera envisagee la situation d'fryperparathyroidie primaire dont les causes et la severite different selon l'age de debut.
MANIFESTATIONS CLINIQUES ET RADIOLOGIQUES •• D'UNE HYPERPARATHYROIDIE PRIMAIRE Chez Ie nouveau-ne Les signes presents au diagnostic sont avant tout une hypotonie, souvent des difficultes alirnentaires, parfois une detresse respiratoire. Les anomalies radiologiques osseuses sont frequentes, II peut s'agir d'une simple demineralisation, mais aussi d'une atteinte plus severe avec irregularite metaphysaire, dedoublernent cortical, resorption sousperiostee par fractures multiples avec parfois des defermations thoraciques en « cloche» [37] (Figure 15-51). Une hyperparathyroidie congenitale secondaire a une hypocalcemic maternelle peut s'observer en cas de
I
Deformation thoracique
carence en vitamine D ou d' hypoparathyroidie maternelle non cornpensee. Cette situation est liee a une hyperplasie diffuse des parathyroides foetales en rcponse a une reduction du flux de calcium a travers Ie placenta. Apres hydratation et administration adaptee de vitamine D au nouveau-ne, cette situation se corrige en quelques sernaines [42].
Chez I'enfant et I'adolescent La plupart des cas sont diagnostiques dans la tranche d' age de 12 a 16 ans. Les modes de revelation sont de facon predorninante des signes en rapport avec la lithiase renale, colique nephretique avant tout, hernaturie, syndrome polyuro-polydipsique. Viennent ensuite, en frequence, les douleurs osseuses, articulaires ou rnusculaires, entrainant frequernment des troubles de Ia marche avec boiterie. En fonction du degre d' hypercalcernie peuvent exister des signes digestifs (nausees, vornissernents) ou des signes generaux (asthenic, amaigrissement). Enfin, a cet age, des troubles ncuropsychiques a type de cephalees ou de syndrome depressif peuvent etre observes. L' hypercalcemic peut cependant etre decou verte de facon fortuite. Le delai entre l'apparition des premiers signes et Ie diagnostic d' hyperparathyroidie primaire varie beaucoup. II est relati vernent rap ide en cas d' hypercalcernie aigue ou de coJique nephretique, et naturellernent beaucoup plus long pour les troubles digestifs non specifiques ou les douleurs osteornusculaires d' apparition progressive, delai allant dans ces cas-Ia de quelques sernaines a plusieurs annees [37] (Figure 15-52). Dans ces cas peu vent etre observes des signes de resorption sousperiostee au niveau des phalanges et des clavicules.
Tumefaction 1--.., cervicale 1---' Polyuro- 1------1.---.. polydipsie I-------r--- ..... Signes I----J---. neuropsychiques I----ro- ......
J
Signes digestifs Signes
Detresse
respiratoire
qeneraux
Dlfticultes
I----r----\ 1
--1
--'-_--,
1----,....---,....- ...
Douleurs I----J---.
alimentaires
osteornusculaires
Hypotonie I,
o
1
I, 2
3
Lithiase renale
I, 4
5
1----,....-...
6
7
Nombre de cas FIGURE 15-51. - Signes presents au diagnostic dans les formes neonatales de la serie francaise [37].
o
5
10
15
20
Nombre de cas FIGURE 15-52. - Signes presents au diagnostic chez I'enfant et I'adolescent de la serie francaise [37].
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EXPRESSION ARTICULAIRE DES MALADIES CONSTITUTIONNELLES
Dans les formes severes, Ia houppe de la troisierne phalange est resorbee et, autour des gerrnes dentaires, la lamina dura est gommee. La recherche de nephrocalcinose doit etre systematique, faisant appel a I'cchographie.
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Les signes biologiques sont le fait de l'action physioIogique de la PTH. La calcernie est elevee ou a la limite superieure des valeurs normales, superieure a 2,6 mmoill. La calcernie ionisee doit etre dernandee en cas de troubles de la protidernie ou de l'equilibre hydro-electrolytique. Ces troubles peuvent en effet rnasquer une hypercalcemic moderee (en cas d'hypoprotidemie ou d'acidose) ou, au contraire, induire un faux diagnostic d' hypercalcemic (s'il y a hyperprotidernie ou alcalose). La calciurie est moderement elevee et non en rapport avec I'hypercalcemie existante du fait de l'action stimulante de PTH sur la reabsorption tubulaire du calcium. La phosphaternie est diminuee, en tenant compte des normes pour l'age et d'un prelevernent sanguin non hernolyse, le phosphore comme Ie potassium etant des elements intracellulaires. L'appreciation du taux de reabsorption renale des phosphates est opportune, car diminuee et inferieure a 85 p. 100. L'activite serique des phosphatases alcalines peut etre elevee en Ionction des normes pour I'age, et ce, en rapport avec l'activite du metabolisme osseux. Le dosage de la PTH est essentiel, dosage utilisant actuelIernent la detection de la PTI-I intacte 1-84 (iPTI-I Nichols) [38]. L'interpretation de son raux doit etre faite en relation avec Ia calcernie. Ainsi est-elle soit elevee ou a la limite superieure des valeurs normales mais, dans ce cas, non adaptee a l' hypercalcemic, cette derniere entrainant physiologiquement line reduction de la la production de la PTH. Dans les situations lirnites, il est necessaire de repeter les prelevernents couples de PTH et de calcemie. Enfin, le dosage serique de la 25-hydroxyvitalnine D [25(OH)D] peut mettre en evidence une carence neonatale pouvant aggraver I'hyperparathyro'idie. Le dosage de la 1,25(OH)2D3 n'a pas d'interet dans ce contexte, les valeurs pouvant etre variables (Tableau 15-11).
TABLEAU
15-11. - Principalcs causes d'hyperparathyroi'die
pri-
Illaire avec hypercalcelllie chez l'enfant
Chez Ie l1otlveau-ne Carence I11aternelleen vitaIlline D I-Iypoparathyro'idie materne"e non conlpensee Fonne heterozy gote et hOlllozygote de la lllutation inhibitrice du recepteur du calciuJ11(syndrome hyperca]ceJ11iehypocalciurie)
Chez I 'enfant et l'adolescent Aden0l11e isole Neuro-endocrinopathies de Sipple)
multiples de types I. et 2A (syndrolne
431
ETIOLOGIE ET PRISE EN CHARGE Les acquisitions recentes ont une incidence sur la prise en charge des hyperparathyroidies primaires de l'enfant. Les connaissances issues de la biologie moleculaire ont specialernent concerne les formes hereditaires d' hyperpararhyroidie prirnaire liees a des rnu tations du gene du recepteur sensible du calcium, exprimees chez Je nouveau-tie, rnais egalement des neuro-endocrinopathies de type NEM-l et 2A, exprimees chez l'enfant et l'adolescent. Le recepteur sensible du calcium est un recepteur appartenant a Ia famille des recepteurs couples aux proteines G, exprirne au niveau des cellules parathyroidiennes et renales ; il joue un role primordial dans I'homeostasie clu calcium extracellulaire, regulant la secretion de PTH et la reabsorption tubulaire du calcium. Le gene du recepteur sensible du calcium est situe sur le chromosome 3q21-q24. Dans I' hyperparathyrotdie neonatale severe, il y a une mutation inactivatrice, Ie plus sou vent homozygote, alors que le tableau d' hypercalcemie hypocalciurique familiale benigne correspond a une mutation activatrice heterozygote [40]. Plus d'une vingtaine de mutations ont ete rapportees, certaines peu severes, Cependant, il n'existe pas de franche correlation phenotype/genotype et la situation clinique peut etre tres variable pour une merne mutation homozygote chez des patients d'une meme famille. C'est Ie tableau d'hyperparathyroidie neonatale severe qui est le plus sou vent en rapport avec des mutations homozygotes, mais quelques mutations peuvent etre responsables de ce tableau a I'etat heterozygote, comrne la mutation C58YY. L' affection etant autosomique dorninante, il est possible d' approcher le diagnostic apres determination de la calcernie chez Ies parents. 'La mise en evidence de formes cliniques de gravite variable et I'utilisation recente de bisphosphonates ont beaucoup modifie la prise en charge des hyperparathyroidies primaires neonatales, autrefois operees systematiquernent en urgence. Dans Ies formes Ies plus severes, I'utilisation des bisphosphonates s'est developpee compte tenu de leur efficacite sur l'hypercalcernie [43], perrnettant ainsi d'envisager un acte chirurgical dans les meilleures conditions. En revanche, la mise en evidence de formes peu severes avec une bonne tolerance clinique permet de ne pas avoir recours a la chirurgie. La neuro-endocrinopathie multiple de type] (NElVI-l) se caracterise par I'association, chez }'enfant ou l'adolescent, de lesions hyperplasiques tumorales des glandes parathyro'jdes, du pancreas endocrine, de I' antehypophyse, des tissus neuro-endocrino-gastro-entero-pancreatiques et de la corticosurrenale. L'affection est transnlise sur Ie mode autosolnique dOlnillant a forte penetrance, avec une frequence estiinee a 1 pour 200 000. Le gene NEA1] est situe sur Ie bras long du chrolnosolne 11. L'adenonle pent etre heureuselnent solitaire, correspondant a une tUlneur lnonoclonale. La NEM (Ie type 2A, ou syndrolne (Ie Sipple, associe un cancer nlcdullaire de la thyroi'de pour la plupart des patients, des chrolnocytolnes dans la lnoitie des cas et,
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432
PATHOLOGIES NON INFLAMMATOIRES
TABLEAU
DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR
15-lIi. - Series publiees d'hyperparathyroidies
primaires pediatriques (enfants et adolescents).
Series Johns Hopkins [33J
Mayo Clinic {32J
Periode
1984-2001
1976-1998
1970-2000
1984-2004
Nornbre de cas
24
33
52
44 (+ 11 nouveau-nes)
Age (intervalle en annees)
10,5-20
9-19
4-18,9
6-18
Calcernie (mrnol/l)
2,98 (inter valle : 2,65-3,45)
Moyenne : 3,02
Calcium ionise: 6,2 (3,2-7,6 rng/dl)
3,27 (intervalle : 2,6-4,33)
Syrnptomatique (p. 100) (16/44)
77
94
79
82
Lithiase urinairc (p. 100) (16/44)
83
42
33
41
Signes osseux et rnusculaires (p. 100)
29
27
34
16
~1
35 16
29 11
NEM exclu
10 NErvI-l 2NEM-2A
2NEM-l + 1 polyrnorphisme
~
Mayo Clinic {35J
Serie francoise
{37J
Histologic - adenome - hypcrplasie
11 4
NEM
1 NEM-2A
_)
plus rarement, une hyperparathyroidie primaire dans un tiers des cas dans I' hyperplasie ou I' adenome. Cette transmission est autosornique dorninante. La mutation est situee sur le chromosome 10q11. II existe une bonne correlation genotype/phenotype. La frequence des NEM-l est d'environ 1 p. 100 des hyperparathyroidies primaires chez I'adulte. II existe une predominance des hyperplasies parathyroidiennes, des quatre glandes ou des adenornes multiples. Le diagnostic de NEM implique done I'exerese subtotale (7/8) des quatre glandes parathyroidiennes hyperplasiees ou, m.ieux, l'ablation totale avec re-implantation et dosage de la PTH per operatoire. Le risque de recidive d'hyperparathyroidie primaire est eleve ,d'ou l'interet de rechercher une NEM en biolozie 0 moleculaire pour orienter la prise en charge, notarnment chirurgicale, ainsi que la surveillance post-operatoire. L'adenorne peut etre heureusernent solitaire, correspondant a une tumeur monoclonale. Les resultats concernant le mode de revelation et les causes chez Ies enfants et adolescents sont globalernent cornparables aux quelques series publiees [32,33, 3S] (Tableau IS-ill). ,
EXPLORATIONS PRE, OU PER OPERATOIRES La localisation pre-opera toire est actuellement une preoccupation essentielle. L' echographie, qui est l' examen de premiere intention pour la localisation pre-operatoire des hyperparathyroidies primaires, ne permet pas de differencier les nodules thyroidiens ou de detecter des adenornes en situation ectopique, retrotracheale 01.1 cesophagienne. L'association actuelle au Doppler qui apprecie la vascularisation perrnet une meilleure differenciation de I' adenome [31]. La scintigraphie au MIBI a recemment supplante la scintigraphic par soustraction au thallium/technetium,
moins performante. La technique consiste en l'injection du cornplexe MlB l-technetium fixe en 15 minutes par la thyroide et les parathyroides, le traceur etant retenu plus longtemps dans Ies parathyroides que dans la thyroide. L'avantage de cette scintigraphic est la capacite a detecter les glandes ectopiques. La sensibilite est influencee par la taille des lesions, ce qui a son importance chez Ie jeune enfant. La forte sensibilite de I' association des deux examens echographie-Doppler et scintigraphic au NIIB! a permis une strategie de localisation pre-operatoire [30], qui conduit a proposer, en cas de concordance de resultats de ces deux examens effectues en pre-operatoire, la realisation d'une exploration cervicale seulernent unilaterale. Cette strategic semble done reservee aux cas didentification pre-operatoire quasi certaine d' adenomes solitaires et doit etre associee au dosage de Ia PTH per operatoire. Bien que le traiternent chirurgical conventionnel air un taux de reussite eleve, il reste un certain nombre dechecs entrainant des re-explorations chirurgicales, parfois diffici les. Ainsi le dosage de la P'TH per operatoire a-t-il ete propose, Ia secretion de PTH etant quasi supprirnee dans Ies glandes parathyroidiennes normales du fait de la surproduction du tissu parathyroidien hyperfonctionnel. Le dosage per operatoire peut done etre utilise pour confirmer, en cours d'intervention chirurgicale, la resection du tissu hyperfonctionnel et apprecier l'efficacite du geste chirurgical, et ce, a condition que Ie niveau de decroissance du taux de PTH soit superieur a 50 p. 100 a 10 minutes [39]. Actuellement se developpe chez l'adulte une technique chirurgicale de rnoins en moins invasive, Ia parathyroidectornie microinvasive (Ml'P pour minimal invasive parathyroidectomy), grace aux exarnens de localisation pre-operatoire utilisant la scintigraphie au MIBI et Ies dosages de PTH en per operatoire. La technique pennet de realiser une petite incision et done de diminuer Ies sequelles estheti-
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EXPRESSION ARTICULAIRE DES MALADIES CONSTITUTIONNELLES
ques. Ce geste chirurgical est ensuite aide par une camera inseree dans I'incision cutanee, detectant le niveau de radioactivite. Le resultat du dosage de la PTH et un cliche per operatoire sont consideres pour sassurer de la resection complete. Les progres de la prise en charge des hyperparathyroidies primaires chez I'enfant sont egalernent rnedicaux, avec la rneilleure connaissance de I'utilisation des bisphosphonates pour lutter contre I'hypercalcernie. Le parnidronate (Aredia") a desormais sa place dans la prise en charge des hypercalcernies de I'enfant. II est utilise en pre-operatoire dans I' hypercalcemic majeure, rnais egalernent en cas d'echec de la parathyroidectornie en attendant une re-intervention chirurgicale [28]. Les calcirnirnetiques (cinacalcet [Mimparaf'[) ont ete utilises jusqu'a present chez les adolescents insuffisants renaux presentant une hyperparathyroidie secondaire irnportante (41). Les suites operatoires peuvent cornporter une hypocalcernie transitoire, Ie temps necessaire a Ia relance de l'activite parathyroidienne normale qui avait ete inhibee, situation j ustifiant l'apport adapte de calcium et de derive 1o-bydroxyle de vitamine D. Toutefois, dans les cas ou existaient des lesions osseuses importantes, cette hypocalcernie peut se prolonger du fait de l'avidite osseuse liee a I'accretion calcique qui suit la periode de resorption osseuse intense, ce qui correspond au hung 1)1 bone syndrome anglosaxon, le « syndrome de l'os affame » [34], l'existence d'une carence en vitamine D pouvant retarder la phase de reparation [36].
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formes peu syrnptomatiques peuvent ainsi beneficier d'une simple surveillance, la chirurgie etant reservee aux formes severes avec mauvaise tolerance clinique de la thyrordectomie subtotale, avec insertion d'un greffon d' une demi-glande parathyroidienne dans l' avant-bras. Concernant les formes a diagnostic plus tardif, a I'adolescence, I'utilisation des bisphosphonates dans Ie traitement pre-operatoire et I'amelioration des techniques ainsi que la sensibilite dcs moyens de localisation pre-operatoire, cornme I'echographie cervicale-Doppler et la scintigraphic au MIBI, et per operatoires, dont le dosage de la PTH rapide, permettent desormais denvisager une chirurgie plus aisee et plus lirnitee. Chez I'enfant, les interventions unilaterales commencent a supplanter la traditionnelle cervicotomie exploratrice bilaterale, L'obstacle de ce type de chirurgie reste toutefois les atteintes pluriglandulaires et c' est dans ce cadre diagnostique de NEM, dont Ia recherche doit etre systematique chez l' enfant par biologie moleculaire, que se pose encore I'mdication de la cervicotornie bilaterale avec parathyroidectomie su btotale. Les modes de revelation font de I' hyperparathyroidie primaire une affection relevant de differentes specialites, dont la rhumatologie [29], la place de la genetique etant egalernent devenue essentielle.
,
AeRO-OSTEOL YSES IDIOPATHIQUES ,,, , A DEBUT PEDIATRIQUE
R. MOUY CONCLUSION L'hyperparathyroidie prirnaire est une pathologie tres rare chez l'enfant, Une serie nationale francaise multicentrique, mais non exhaustive, a recense 55 cas au cours des vingt-cinq dernieres annees, permettant d'estimer une incidence d'environ 1 pour 200000 naissances [37]. Cette hyperparathyroidie primaire regroupe deux entites bien distinctes : I'hyperparathyroidie primitive neonatale, liee a l'hyperplasie des quatre glandes parathyroidiennes, d'expression precoce, en rapport avec des mutations inactivatrices du recepteur sensible du calcium, et I'hyperparathyroidie primitive a revelation plus tardive a l'adolescence, Ie plus souvent en rapport avec des adenornes parathyroidiens ou des hyperplasies parathyroldiennes pouvant entrer dans Ie cadre d'une NEM. Concernant les forlnes neonatales, la mise en evidence des mutations du recepteur sensible du calciunl a lnodifie la prise cn charge. Actuellclnent, I' ctude en biologie lnoleculaire do it etre systenlatique devant ces formes neonatales. Le traitenlent est d'abord medical, avec possibilite de reCOllrs aux bisphosphonates en cas d'hypercalcen1ie severe. La suite de la prise en charge est guidee par la tolerance clinique, Ie degre de l'hypercalcemie et Ie resultat de la biologie n101eculaire. Les
On regroupe sous ce vocable differents syndromes caracterises par une lente destruction des structures osseuses avec disparition progressive d'un ou de plusieurs elements du squelette [61,64,66,67]. Les aeroosteolyses entrainent la disparition des os des mains et des pieds. Essentiellernent secondaires chez I'adulte, elles sont surtout primitives chez l'enfant. La transmission se fait sur un mode autosornique tantot dominant, tantot recessif, plus rarernent il sagit d'une mutation sporadique. La classification pent se faire en fonction des zones preferentiellement atteintes, ainsi que I'a propose l'International Bone Dysplasia Society [51]. Cette classification peut aussi et.re etablie selon Ies zones primitivement atteintes : carpotarsienne, distale ou multiple [58]. II existe par ail leurs des formes de recouvrement entre les differentes entites. ,-
ACRO-OSTEOl YSE , , A DEBUT CARPOTARSIEN Aussi nominee acro-osteolyse carpotarsienne multicentrique et idiopathic lnulticentric osteolysis dans la litterature anglo-saxonne, il s'agit d'une forme d'acro-osteolyse idiopathique parlni les Inoins rares. Elle est translnise sur un n10de autosonlique dOlninant. Elle debute au cours des
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Arthrogryposes V. Forin L’arthrogrypose est un syndrome comportant des raideurs articulaires, atteignant les enfants, dont les étiologies sont multiples. La prise en charge des problèmes musculosquelettiques associés à l’arthrogrypose peut être un challenge. Ces enfants doivent être pris en charge par une équipe multidisciplinaire médicale et paramédicale expérimentée comprenant un généticien, un orthopédiste pédiatre, un médecin de médecine physique, un pédiatre, un kinésithérapeute, un ergothérapeute et un travailleur social. Un grand pourcentage de ces enfants devrait acquérir la possibilité d’une déambulation fonctionnelle mais qui est en partie perdue avec l’âge. La chirurgie est d’un grand intérêt et souvent plusieurs interventions sont nécessaires. Il faut s’entretenir régulièrement avec la famille sur les objectifs réalistes à obtenir et sur les points essentiels à développer pour procurer à l’enfant une autonomie maximale à l’âge adulte. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Arthrogryposes ; Amyoplasia
■ Terminologie – Classification
Plan ¶ Introduction
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¶ Terminologie – Classification
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¶ Physiopathologie – Étiologie Physiopathologie Étiologies
1 1 2
¶ Formes cliniques Circonstances diagnostiques Arthrogrypose classique ou amyoplasia Arthrogrypose distale Arthrogryposes syndromiques Devenir fonctionnel
2 2 3 3 4 5
¶ Traitements Buts Principes Problèmes médicaux généraux Indications : schémas et controverses
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¶ Conclusion
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En 1841, Otto [2] décrit pour la première fois un enfant né avec des raideurs articulaires sous le terme de « monstrum humanum extremitabilis incurvatis ». L’apparition du mot « arthrogrypose » est due à Rosencranz [3] en 1905. Stern [4], en 1923, utilise l’appellation d’arthrogrypose multiple congénitale. Sheldon [5] rapporte la première description détaillée d’un patient atteint d’arthrogrypose, en utilisant le mot « amyoplasia », liée à une prétendue hypoplasie ou une aplasie musculaire. Depuis les années 1980, Judith Hall décrit plus de 300 affections avec un tableau d’arthrogrypose qui ont toutes en commun des périodes d’hypomobilité fœtale et de multiples raideurs articulaires à la naissance [6]. Elle a divisé l’arthrogrypose multiple congénitale en trois sous-groupes d’incidence semblable : • atteintes exclusives des membres : amyoplasia, arthrogryposes distales ; • atteintes des membres et d’autres parties du corps ; • atteintes des membres et du système nerveux central dont la mortalité en période néonatale dépasse 50 %.
■ Physiopathologie – Étiologie ■ Introduction Le terme d’arthrogrypose regroupe des pathologies rares et hétérogènes atteignant des enfants présentant au moins deux articulations enraidies sur un même membre. Sur le site web « Online Mendelian Inheritance in Man », la recherche du terme arthrogrypose liste 104 syndromes. L’incidence de l’ensemble de ces affections est estimée entre 1/3 000 et 1/5 100 naissances vivantes [1]. La majorité des enfants a une atteinte orthopédique à suivre. Le but de cet article est de faire le point des connaissances de l’étiologie, du diagnostic, de l’histoire naturelle et de la prise en charge orthopédique des enfants pour qui ces diagnostics sont portés.
Physiopathologie Des modèles animaux de fibrose et raideur articulaires ont été créés par paralysie intra-utérine toxique ou infectieuse des muscles fœtaux [7]. Le mécanisme commun est l’absence de mouvement articulaire fœtal après un développement initial normal, conduisant à une prolifération du collagène, une fibrose musculaire et un épaississement notable des capsules articulaires à l’origine des raideurs articulaires. Le syndrome de Pena-Shokeir [8], de causes multiples, toujours létal, représente la forme extrême de l’akinésie fœtale. Aux raideurs articulaires s’associent des anomalies craniofaciales (fente palatine, petite bouche et petite langue, micrognathisme), une hypoplasie pulmonaire, un cordon ombilical court, un
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retard de croissance intra-utérin et un polyhydramnios. Il semble qu’une durée d’immobilisation fœtale supérieure à 3 semaines survenant à certaine période détermine la sévérité des raideurs [9].
Étiologies Les causes neuromusculaires représentent 60 % à 70 % des étiologies, les autres causes étant plus anecdotiques, en particulier les causes extrinsèques.
Anomalies neurologiques À type de malformation ou dysfonction, elles peuvent concerner le cerveau et/ou la moelle épinière et/ou le système nerveux périphérique. • Les atteintes du système nerveux central, cérébrales et médullaires représentent 15 % des étiologies et sont sporadiques. Les atteintes cérébrales sont à l’origine des formes sévères en termes de mortalité, de gravité des raideurs, de troubles de l’alimentation et de pronostic fonctionnel [1]. Le syndrome facio-occulo-cérébral (arthrogrypose + anomalies faciales sévères + anomalies du développement cérébral) en est un exemple. • Les atteintes de la corne antérieure et les neuropathies congénitales hypomyélinisantes représentent 40 % des causes. L’amyotrophie spinale de type I avec délétion du gène SMN est responsable des formes progressives.
Anomalies structurales et fonctionnelles musculaires Elles représentent 10 % à 15 % des étiologies. Elles sont évoquées chez le petit nourrisson devant une faiblesse musculaire, un visage peu expressif, une ophtalmoplégie, des difficultés alimentaires et respiratoires du fait de la faiblesse des muscles diaphragme et intercostaux, une élévation des enzymes musculaires. L’anomalie musculaire peut toucher le muscle lui-même : myopathies congénitales à némaline et à core centraux, dystrophie myotonique congénitale de Steinert et certaines dystrophies musculaires congénitales telles que la dystrophie musculaire avec déficit en mérosine ou la dystrophie musculaire congénitale d’Ullrich (atteinte du collagène de type 6). Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) sont un groupe d’affections génétiques à l’origine d’un dysfonctionnement de la transmission neuromusculaire. Une forme sur deux est identifiée sur le plan moléculaire, permettant de distinguer trois types de SMC : SMC postsynaptique, le plus fréquent, autosomique récessif ou dominant, SMC synaptique ou présynaptique, autosomique récessif.
Anomalies du tissu conjonctif Elles entravent le développement tendineux ou articulaire et peuvent être à l’origine de raideurs articulaires congénitales (dysplasie diastrophique). Dans quelques formes d’arthrogrypose distale, les tendons normalement constitués s’insèrent anormalement sur l’os ou l’articulation et sont à l’origine de mouvements insuffisants, générateurs de raideurs articulaires secondaires constatées à la naissance.
Anomalies génétiques L’arthrogrypose est due à la fois à des causes génétiques et environnementales isolées ou combinées. Les causes génétiques incluent des anomalies géniques (autosomique dominante, autosomique récessive, récessive liée à l’X), des anomalies chromosomiques (trisomies 4p, 8, 9, 18) et des anomalies mitochondriales [7, 9]. Plus de 35 anomalies génétiques associées à une arthrogrypose ont été identifiées, rendant les conditions génétiques hétérogènes. Pour un même phénotype, des mutations de gènes différents ont parfois été retrouvées. Les arthrogryposes associées à des anomalies génétiques sont particulièrement sévères du fait des malformations du système nerveux central et du retard mental de ces enfants. L’amyoplasia est habituellement sporadique : ses facteurs génétiques restent inconnus.
L’arthrogrypose distale est un des syndromes arthrogrypotiques à se transmettre sur un mode autosomique dominant (risque de 50 %) avec des variations phénotypiques interfamiliales en relation avec une hétérogénéité des locus [10]. L’arthrogrypose distale peut être due au moins à la mutation de quatre gènes différents codant chacun pour un composant de l’appareil contractile des myofibrilles à contraction rapide. Récemment, quatre loci associés à une arthrogrypose transmise sur le mode autosomique récessif (risque de 25 %) ont été identifiés [11]. Le risque de transmettre une arthrogrypose liée à l’X est de 50 %, avec un risque plus élevé lors d’atteinte mitochondriale [7].
Volume utérin limité (grossesses gémellaires, malformations ou tumeurs utérines) Il peut être à l’origine de l’hypomobilité fœtale : le fœtus manque de place pour bouger librement. Pour cette même raison, l’incidence de l’arthrogrypose est beaucoup plus élevée lors de jumeaux, un seul fœtus étant atteint.
Maladies maternelles De nombreuses maladies maternelles peuvent être associées à des raideurs congénitales : sclérose multiple, diabète sucré, dystrophie myotonique, myasthénie, hyperthermie sévère du premier trimestre, infections, traumatisme sévère avec traumatisme et saignement abdominaux. Des causes toxiques (drogue, alcoolisme) et médicamenteuses ont également été mises en cause.
Anomalies placentaires Elles sont à l’origine de défaut de vascularisation fœtale (métrorragies gravidiques sévères) et peuvent endommager le développement nerveux. Le défaut de fonctionnement musculaire qui en résulte entraîne une akinésie fœtale et secondairement des raideurs articulaires. L’incidence élevée de l’amyoplasia chez l’un des jumeaux monozygotes pourrait être en relation avec les connexions placentaires qu’ils ont à partager, les prédisposant à des accidents vasculaires.
Mucopolysaccharidose Un tableau de raideurs articulaires ne doit pas faire méconnaître l’ensemble des maladies métaboliques de surcharge lysosomale que sont les mucopolysaccharidoses et tout particulièrement les formes atténuées telles que la maladie de Scheie. Ces maladies comportent, entre autres, diverses atteintes orthopédiques à type de doigts en griffe, de dysplasie coxofémorale et de cyphose thoracolombaire dans un cas sur deux, de genu valgum, de sténose et d’instabilité cervicale [12].
■ Formes cliniques Circonstances diagnostiques Diagnostic anténatal [6] Souvent, au milieu ou à la fin de la grossesse, les anomalies à l’échographie intra-utérine associées à la perception maternelle d’une diminution des mouvements fœtaux font évoquer la possibilité d’un syndrome arthrogryposique. Les signes à l’échographie deux ou trois dimensions sont hétérogènes et liés à l’akinésie fœtale : anomalies posturales fixées (pied varus équin, poignet fixé en flexion palmaire), hydramnios par insuffisance des mouvements de déglutition, hypoplasie pulmonaire par diminution des mouvements du diaphragme et des muscles intercostaux, retard de croissance intra-utérin, nuque épaisse, anomalie faciale du syndrome de Freeman-Sheldon... Le diagnostic prénatal, après la naissance d’un cas index, repose sur une échographie morphologique à faire vers la 18e semaine d’aménorrhée ; un hydramnios avec diminution/ disparition des mouvements fœtaux, un œdème du scalp et une hypoplasie pulmonaire doivent être recherchés.
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Quand l’anomalie génétique du cas index est connue, la confirmation diagnostique peut être apportée plus précocement par amniocentèse ou biopsie des villosités choriales. Sinon, une consultation prénatale ne peut pas délivrer d’informations précises aux parents sur l’avenir de l’enfant, tellement les anomalies associées à des raideurs articulaires sont variables et multiples.
Diagnostic à la naissance [7] Le nouveau-né présentant des raideurs articulaires doit être examiné par un neuropédiatre et un généticien expérimentés pour réaliser le diagnostic étiologique nécessaire à la réalisation du conseil génétique et l’établissement du pronostic vital. L’histoire familiale et prénatale de la grossesse et de l’accouchement est reprise. L’examen des parents recherche une myasthénie, voire une dystrophie myotonique. Un oligoamnios conduit à vérifier la fonction rénale. Des anomalies des mains orientent vers des anomalies chromosomiques. Une atteinte neuromusculaire est évoquée lors de faiblesses musculaires du visage en particulier (visage amimique), de difficultés respiratoires et d’alimentation. En fonction des constatations cliniques, le neuropédiatre décide des examens complémentaires : imagerie par résonnance magnétique cérébrale et médullaire, caryotype, dosages des enzymes musculaires, échographie urinaire, électromyogramme, biopsie cutanée, nerveuse ou musculaire. Des anomalies spécifiques peuvent faire décider de recherches en biologie moléculaire d’emblée (myasthénie congénitale, amyotrophie spinale progressive...). Une équipe multidisciplinaire, comprenant également un médecin de médecine physique, un orthopédiste pédiatre, un kinésithérapeute et un ergothérapeute, planifie la prise en charge du syndrome articulaire qui se fait en ambulatoire. Nous décrivons l’arthrogrypose classique ou amyoplasia, les atteintes isolées distales et quelques syndromes bien individualisés. Les syndromes arthrogryposiques associés à des anomalies viscérales et/ou neurologiques évoqués précédemment ne sont pas repris. Nous conseillons pour cela la lecture des revues très complètes de Hall [6, 7].
Figure 1. Nourrisson porteur d’une arthrogrypose de type amyoplasia : noter l’hémangiome de la ligne médiane du visage et la position des épaules en adduction.
Arthrogrypose classique ou amyoplasia L’amyoplasia est un syndrome sporadique fait de raideurs articulaires symétriques des membres. Le tronc est souvent épargné. Le petit enfant présente très fréquemment un hémangiome de la ligne médiane du visage (Fig. 1). Sa cause serait en relation avec une atteinte de la corne antérieure entre la 9e et la 12e semaine d’aménorrhée. Quatre-vingt-quatre pour cent des sujets concernés présentent une atteinte des quatre membres (Fig. 2), 11 % des membres inférieurs seulement et 5 % des membres supérieurs uniquement. Dix pour cent des enfants ont une anomalie abdominale et 55 % à 70 % une anomalie génitale [13, 14]. Les épaules sont en adduction et rotation interne. Les coudes sont fixés le plus souvent en extension, les avant-bras en pronation. Les poignets sont en flexion ou en extension et en inclinaison cubitale. Le pouce est dans la paume en flexionadduction (Fig. 3). Les autres doigts sont fléchis à l’articulation interphalangienne proximale. La qualité de la différenciation des doigts – plis de flexion bien visibles, doigts mobiles et actifs, sudation non excessive – permet d’établir le pronostic fonctionnel du membre supérieur de l’arthrogrypose. Des doigts peu différenciés donnent une fonction médiocre [15]. Les déformations des membres inférieurs comprennent souvent des pieds en varus équins sévère et des genoux fixés en flexion ou en extension (recurvatum). Les hanches sont en place ou bien luxées ou subluxées, enraidies en rotation externe, flexion ou extension [16]. L’atteinte du tronc est rare. Elle est à type de scolioses sévères dès le tout jeune âge. Les scolioses thoraciques, associées à une lordose thoracique, s’accompagnent d’une rigidité thoracique contribuant à la constitution d’une insuffisance respiratoire précoce. Les scolioses lombaires peuvent s’accompagner d’une obliquité pelvienne gênante pour la position assise.
Figure 2. Petit nourrisson présentant une atteinte des quatre membres. Les deux membres supérieurs présentent un coude raide en extension et un pouce adductus. Aux membres inférieurs, les hanches et les genoux sont raides en extension, les pieds en position varus équin très sévère. Les plis de flexion poplités sont absents.
Arthrogrypose distale Les deux classifications [10] proposées pour l’arthrogrypose distale sont l’objet de modifications régulières. Elles incluent les patients qui présentent des raideurs des mains et des pieds, les articulations proximales étant épargnées ou modérément atteintes. Toutes ont une transmission héréditaire autosomique
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Figure 3. Atteinte sévère du poignet et de la main chez un nouveau-né. Le pouce est en flexion-adduction, les articulations métacarpophalangiennes sont raides en extension, le poignet est raide en flexion palmaire. La peau ne présente pas les plis de flexion habituels.
dominante. Certains enfants peuvent présenter des anomalies craniofaciales (syndrome de Gordon et Freeman-Sheldon) mais ont une intelligence normale. À la main dont le pli palmaire est unique, le pouce est replié dans la paume en flexus adductus, les doigts sont fléchis et déviés du côté cubital. La déformation des pieds est variable en équin, varus équin ou talus valgus (Fig. 4). Le pronostic fonctionnel est excellent après correction des déformations.
Arthrogryposes syndromiques Syndrome de Gordon Le syndrome de Gordon est un syndrome génétique extrêmement rare caractérisé par l’association d’une camptodactylie, de pied varus équin et dans 25 % des cas, d’une fente palatine. L’intelligence est normale, mais dans certains cas, d’autres anomalies peuvent s’additionner, comme une scoliose ou une cryptorchidie. Le nombre et la sévérité des symptômes varient d’un patient à l’autre. Le syndrome de Gordon semble être une maladie à transmission dominante, autosomique ou liée à l’X, avec une pénétrance incomplète (plus faible chez les femmes que chez les hommes) et une expression variable. L’étiologie reste inconnue.
Syndrome de Freeman-Sheldon Le syndrome de Freeman-Sheldon, aussi connu comme « syndrome de la face du siffleur », est un syndrome congénital rare caractérisé par une dysmorphie combinant des anomalies osseuses et des contractures articulaires avec un faciès typique. Les trois anomalies caractéristiques sont une microstomie avec des lèvres en « U », une camptodactylie avec une déviation cubitale de la main et des pieds en varus équin. Le phénotype du syndrome de Freeman-Sheldon inclut également une scoliose, un sillon mentonnier en « H », des plis nasolabiaux profonds et un blépharophimosis. Une dysphagie, un retard de croissance et des complications pulmonaires potentiellement
Figure 4. Atteinte variable des pieds chez un même petit nourrisson : à gauche, l’arrière-pied est en varus équin et l’avant-pied en très fort adductus avec un sillon médioplantaire profond ; à droite, le pied est convexe sous un axe jambier en très forte rotation interne.
mortelles dues à des altérations structurelles de l’oropharynx et des voies aériennes supérieures sont fréquents. Les deux sexes sont également touchés. La plupart des cas de syndrome de Freeman-Sheldon sont sporadiques sans aucune notion d’histoire familiale, bien qu’il existe des cas décrits compatibles avec une hérédité autosomique dominante ou récessive. L’étiologie demeure inconnue. Compte tenu de sa variabilité clinique et de sa rareté, il n’y a pas de traitement standardisé pour le syndrome de Freeman-Sheldon (chirurgie plastique et reconstructrice de la microstomie).
Dystrophie myotonique congénitale de Steinert La forme congénitale s’observe chez les nouveau-nés de mère atteinte de maladie de Steinert. Le diagnostic repose sur l’examen génétique : l’anomalie génétique se situe en 19q13-2, le nombre de répétitions de triplets CTG étant le plus souvent > 1 500. Elle est létale dans 16 % des cas. Le début anténatal explique l’hydramnios, la diminution de la motilité fœtale et l’arthrogrypose. À la naissance, l’enfant est hypotonique, présente des troubles de succion et de déglutition et souvent une détresse respiratoire. Plus tard, le développement moteur est retardé mais la marche est acquise. Cependant, cette forme se caractérise par un retard mental chez deux tiers des enfants. Dans la forme congénitale, la morbimortalité d’origine cardiaque est importante dans la 3e et la 4e décennie.
Syndrome des ptérygions multiples [17] Le syndrome d’Escobar est un syndrome malformatif très rare responsable de ptérygions multiples avec une sévérité et un pronostic très variables. Il comporte des raideurs articulaires associées à des palmures cutanées aux plis de flexion, une scoliose très sévère, une fente palatine, une surdité et une petite taille. Transmis selon un mode autosomique récessif, on le rencontre surtout dans les pays à forte endogamie. Ce n’est que très récemment que ce syndrome a été élucidé au niveau moléculaire : en fonction des patients étudiés, des mutations ont été identifiées dans quatre gènes codant respectivement la rapsyne, la sous-unité fœtale gamma, la sous-unité delta, et la sous-unité alpha du récepteur à l’acétylcholine. Ces découvertes plaidaient clairement en faveur d’un trouble se situant primitivement à la jonction neuromusculaire et entravant le développement du muscle.
Arthrogryposes ¶ 15-201-A-10
En 2009, Monnier et al. élargit le champ des gènes impliqués dans le syndrome d’Escobar en rapportant une mutation homozygote du gène TMP2 (codant la tropomyosine de type bêta) [17].
Devenir fonctionnel Historiquement, il était convenu que les enfants porteurs d’amyoplasia n’avaient pas de possibilité de déambulation et peu de capacité à une autonomie de vie quotidienne. Des séries anciennes rapportent une déambulation fonctionnelle chez 50 % à 78 % des patients, tous types d’atteintes et de procédures de prise en charge étant confondus [18]. Sells montre que 85 % des 38 enfants de sa série, porteurs d’une amyoplasia, acquièrent une déambulation fonctionnelle après chirurgie vers l’âge de 5 ans [13]. Récemment, Kroksmark rapporte une série de nouveau-nés atteints d’une amyoplasia sévère qui répondent d’une façon très positive et inattendue à la kinésithérapie [19]. Toutes ces séries optimistes pour l’âge pédiatrique, avec un pic de fonction maximale vers l’âge de 10 ans, relatent une moindre performance à l’âge adulte. Notre expérience doit cependant rapporter que de nombreux enfants porteurs d’amyoplasia n’ont pas de possibilité de déambulation. Le pronostic de la déambulation est difficile à établir. Il est élaboré au fur et à mesure de la maturation neurologique de l’enfant, par des évaluations articulaires, musculaires et fonctionnelles et modifié selon les procédures chirurgicales engagées. Staheli et Hoffer ont évalué les enfants avec des possibilités de déambulation comme suit : cotation musculaire des extenseurs de hanches ou des abaisseurs d’épaules au moins à 4/5 ; flessum de hanches inférieur à 20 degrés ; cotation musculaire des quadriceps à 4/5 ; cotation musculaire des quadriceps à 3/5 et flessum de genoux inférieur à 20 degrés ; chaque item étant accompagné de bons muscles du tronc, d’une position assise correcte, de muscles abaisseurs d’épaule fonctionnels et d’une atteinte modérée des membres supérieurs [14, 20]. Carlson et Hahn rapportent également des devenirs optimistes [21, 22] pour les enfants porteurs d’amyoplasia. Pour ces auteurs respectivement, « 70 % n’ont aucune limitation pour les activités de la vie quotidienne » et « une indépendance raisonnable ». Carlson rapporte que la majorité des patients devenus adultes ont une bonne fonction mais que certains d’entre eux restent partiellement dépendants. Sells rapporte que 64 % de ses patients n’ont pas de retard scolaire, 75 % sont indépendants pour les repas, 20 % pour se laver, 10 % pour l’habillage, 35 % pour aller aux toilettes et 25 % pour prendre un bain [13]. Les enfants porteurs d’arthrogrypose distale n’ont pas été étudiés séparément, ce qui peut expliquer les bons résultats fonctionnels cités précédemment. Dans notre expérience, ces enfants obtiennent toujours une déambulation fonctionnelle après correction des déformations des pieds et si leurs capacités cognitives sont normales. La fonction des membres supérieurs et la progression de leur autonomie sont généralement excellentes avec une kinésithérapie adaptée. L’ensemble des données de la littérature rapporte la variabilité du pronostic selon le type d’articulation atteint et la gravité de l’atteinte. Le pronostic fonctionnel est, pour l’ensemble des auteurs, difficile à établir à la naissance. L’échelle de cotation de Staheli et Hoffer permet une approche réaliste de la fonction à venir.
■ Traitements Buts L’objectif principal de la prise en charge de ces enfants est de leur procurer une autonomie maximale. Même si l’ensemble des soins vise avant tout à obtenir une déambulation indépendante ou aidée, il ne faut pas perdre de vue les nécessités d’autonomie pour les modes de communication, les activités de la vie quotidienne, la mobilité et la marche.
Ces enfants étant intellectuellement normaux à la naissance, il est impératif que la prise en charge des problèmes orthopédiques ne compromette pas leur développement cognitif et social. Idéalement, un médecin de médecine physique devrait superviser la coordination de l’ensemble des soins médicaux et paramédicaux (kinésithérapie, ergothérapie, chirurgie, appareillage, scolarité, socialisation...) pour ne négliger aucun aspect du développement global de l’enfant. Il faut viser à une autonomie maximale tant pour les déplacements (déambulation sur de courtes distances, fauteuil roulant manuel ou électrique même chez le petit enfant pour les plus longues distances) que pour les transferts (monter et descendre de son fauteuil roulan