Le droit à la paresse
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Zitiervorschau

LAFARGUE Le Droit à la paresse

Avec une postface de

Gigi Bergamin

Illustrations de Frantz Rey

ÉDITIONS MILLE

ET UNE NUITS

LAFARGUE nO 30

Texte intégral.

© Mille et une nuits, département de la Librairie Arthème Fayard, mars 1994 septembre 2000 pour la présente édition.

ISBN: 2 910233-30-8

Sommaire

Paul Lafargue

Le Droit à la paresse page 5 Gigi Bergamin Éloge de la vraie vie page 67 Vie

de Paul Lafa rgue page 75

Repères bibliographiques page 79

LAFARGUE Le Droit à la paresse

Le Droit à la paresse

Avant-propos M. Thiers, dans le sein de la Commission sur l'ins­ truction pri m ai r e de 1849, di s a i t : «Je veux rendre toute-puissante l'influence du clergé, parce que je compte sur l u i

pour pro pager cette bonne

philosophie

qui apprend à l'homme qu ' i l est ici-bas pour souffrir

au c o ntrai r e à M. Thi e r s formulait la mo rale de la classe bourgeoise don t il incarna l ' ég oïs m e féroce et l' intelligence étroite. La h o u rg e o i s i e , alors q u ' el l e lu tta i t contre la noblesse, so utenue p ar le clergé, arbora le libre exa­ men et l'athéisme; mais, triomphante, elle changea de ton et d'allure ; et, aujourd'hui, elle entend étayer de la rel igio n sa su prématie économique et politique. Aux XV" et XVIe siècles, elle avait a llégrem ent repris la tra­ di t i on païenne et glorifiait la chair et ses p assions , réprou vées par le christianisme; de nos jours, gorgée

et non cett e

l ' h omm e

:

autre

philosophie qui dit

"Jouis".»

LAFARCUE

cie biens et

de jouissances, elle renie les enseignements et prêche l' a b s t i ne n ce aux salariés. La morale c a p it ali ste , piteuse parodie de la morale chrétienne, frappe d"ana­ thème la chair du travaill eur ; elle prend pour idéal de réduire le producteur au plus petit minimum de b es o ins , cie supprimer ses joies et ses passion s et de le condamner au rôle de m a chin e délivrant du travail s ans trêve ni merci. Les socialistes révolutionnaires ont à recommen cer le com bat qu'ont combattu les phil osophes et les pam­ phlétaires de la bourgeoisie; ils ont à mon ter à l' assaut de la morale et des théories sociales du capitalisme; ils cie ses penseurs, l es Rab elai s , les D i dero t ,

ont à dé m o l ir, dans les têtes de la cl asse app el é e à

l ' ac tion , les préjugés semés par la classe régn an te ; ils on t à proclamer, à la face des c a far ds de toutes les morales , que la terre cessera d'être la du travailleur; que, dans la société

vallé e de larmes communiste de

r avenir que nous fon d e r o ns «pacifiquement si pos­ s i b le , s i non viol emm e n t », les p a ss i o n s des hommes auront la bride sur le cou, car « toutes sont bonnes de leur nature, nous n'avons rien à évit er que leur mau­ vais us a ge et leurs excès * 1 », et ils ne seront évités que par leur mutuel contrebalancement, que p ar le déve­ l opp em ent h armon ique de l ' o rga n is m e hum ain , car, *

Les Ilotes

SOIlt

regroupées

eu

fin de texte, pages 61 et suivantes.

8

LE DHOIT

dit le Dr Beddoe, son

À

LA P;\IŒSSE

n'est que lorsqu'une race atteint

maximum de développement physique qu'elle

atteint son p lus haut point d'énergie et de vigueur morale». Telle élait aussi]' opinion du grand natura­ liste, Charles Darwin 2.

La réfutation du Droit au travail, que

je

avec quelques Ilotes additionnelles, parut dans

lité hebdomadaire de 1880, deuxième série.

réédite

L'Éga­

P. L. Prison de Sainte-Pélagie, 1883.

1. Un dogme désastreux en

aimant

«Paressons en toutes clzo.!es, hormis

et en

blll'ant, hormis en paressllnt. » Lessing.

Une étrange folie possède les classes ouvrières des na ti ons où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des mis ères in di vi du e ll es et s oci al es qui , depuis des s i è c les, torturent la tri ste humanité. Cette folie est l' amour du trav ail, la passion morib onde du travail, p o ussé e jusqu'à l'épuisement des forces vit ales de l'individu et d e sa p rog én iture . Au li e u de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralis tes , ont sacro-sanctifié le tra­ vail. Hommes av eu gl es et b o r n é s , ils ont voulu être plus sages que leur Dieu; hommes fa ib les et mépri ­ sables, ils ont voulu réhab iliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne p rofes s e d'être chrétien, économe et mor al , j'en appelle de leur ju gemen t à celui de leur Dieu ; des prédications de leur morale re ligieu s e, éco­ nomique, l i b re penseuse , aux épouvantables consé­ quences du travail dans l a so ciété c apitalis te . Dans la société c ap it alist e , le tra v ail est la cause de tout e dégén éres cen ce intellectuelle, de t ou te déforma­ tion o rganiq ue. C omp arez le pur-sang des écuries de R o th s chil d , s erv i p ar une v al e t aille de b im a nes, à la lourde brute des fe r me s normandes, qui la b ou r e la 11

LAFARGl'E

terre, chariote le fumier, engrange la

moisson. Regar­ du cmn­ merce et les commerçants de la rel i g i o n n 'ont pas enco re corrompu avec le christianisme, la syphilis et le do gme du travail, et regardez ensuite nos misérables s erv an ts de machines 3. Quand , dans notre Europe civilisée, on ve ut retrou­ ver une trace de beauté native de l ' h om m e , il fa ut l ' aller chercher chez les nations o ù les préj ugés écono­ m iques n'ont pas encore déraciné la haine du travail. dez le noble sauvage que les missionnaires

L'Espagne, qui, hélas! dégénère, peut encore se vanter de posséder moins de fabriques que nous de prisons

et ré j ou it en admirant le hardi Andalou , brun connue des castagnes, droit et flexible comme une tige d'acier; et le cœur de l'homme tressaille en entendant le mendi an t , s u p er b e m e n t dr ap é dans sa capa trouée, tra i ter d'amigo des ducs d'Ossuna. Pour l 'Es pagn ol , ch ez qu i l'animal primitif n'est pas atrop hié, le travail est le pire des esclavages 4. Les G r ecs de la grande épo q ue n'avaient, eux aussi, q u e du mépris p our le travail : aux es clayes seuls il était pennis de travailler : l'homme libre ne connaissait que les exercices corporels et les j eux de l'intelligence. C'était aussi le temps où l'on marchait et respirai t dans un peuple d'Aristote , de Phidias, d'Aristoph�me; c'était le temps où une poign é e de braves écrasait à Marathon les hordes de l'Asie qu'Alexanch·e allait bientôt conqué d e casernes; mais l'artiste se

12

LE DROIT

À

LA PARESSE

rir. Les philosophes de l'Antiquité enseignaient le mépris du travail, cette dégradation de l'homme libre; les poètes chantaient la paresse, ce présent des Dieux: o Melibœ, Deus nobis hœc

otiafecit5•

Christ, dans son discours sur la montagne, prêcha la paresse: «Contemplez la croissance des lis des champs, ils ne travaillent ni ne filent, et cependant, je vous le dis, Salomon, dans toute sa gloire, n'a pas été plus brillamment vêtu6.» Jéhovah, le dieu barbu et rébarbatif, donna à ses adorateurs le suprême exemple de la paresse idéale; après six jours de travail, il se reposa pour l'éternité. Par contre, quelles sont les races pour qui le travail est une nécessité organi que? Les Auvergnats; les Écossais, ces Auvergnats des îles Britanniques ; les Gallegos, ces Auvergnats de l'Espagne; les Poméra­ niens, ces Auvergnats de l'Allemagne; les Chinois, ces Auvergnats de l'Asie. Dans notre société, quelles sont les classes qui aiment le travail pour le travail? Les paysans propriétaires, les p etits bourgeois, les uns courbés sur leurs terres, les autres acoquinés dans leurs boutiques, se remuent comme la taupe dans sa galerie souterraine, et jamais ne se redressent pour regarder à loisir la nature. Et cependant, le prolétariat, la grande classe qui embrasse tous les producteurs des nations civilisées, 13

LAFAI\Gl"l-:

en s'émancipant, émancipera l'humanité du travail servile et fera de l'animal humain un être

la classe qui,

libre, le prolétariat t rahissant ses instincts, mécon­ naissant sa mission historique, s'est laissé pervertir par

le dogme du travail. Rude et terrible a été son châti­

ment. Toutes les misères individuelles et sociales sont nées de sa passion pour le travail.

2. Bénédictions du travail En 1770 parut , à L o n dres, un écrit anonyme inti­ tulé : Ail Essay on Trade and Commerce. Il fit à l'époque un cer t.a in bruit. Son auteur, grand philan ­ thrope, s'inùignait de ee que « la plèbe manufacturière d'Angleterre s 'était mis dans la tête l'idée fixe qu'en qualité d 'Anglais, tous les individus qui la composent ont, par droit de n a i s s ance, le privilège d'être plus libres et plus indépenùants que les ouvriers de n'im­ porte quel autre pays de l'Europe. Cette idée peut avoir son utilité pour les soldats dont elle stimule la bra­ voure ; mais moins les ouvriers des manufactures en

sont imbus, mieux cel a vaut pour eux-mêmes et pour l' É tat. Des ouvriers ne devraient j am ais se tenir pour indépendants de leurs supérieurs. Il est extrêmement dan�ereux d'encourager de pareils engouements dans un

Etat commercial

COlluue

le nôtre, où, peut-être, les

sept huitièmes de la populatioll n'ont que peu ou pas dc propriété. La cure I1C sera pas complète tant que 110S pauvres de l'industrie Ile sc résigucront pas à t.ravailler six jours pour la même somme qu'ils gagnent maint.e­ nant

en

quatre».

Ainsi, près d'un siècle avant Guizot,

ouvertement à Londres le travail

OII

prêchait

comme un

frein aux

lIobles passions de l'homme. «Plus mes p eu p l e s travaileront, moins il y 15

aura

de

LAfAHr.n:

vices, écrivait d'Osterode, le 5 mai 1807, Napoléon. ] et je serais disposé à ordonner g u e le dimanche, p as sé l'heure des offices, les bou­ tiques fussent ouvertes et les ouvriers r e n dus à leur 1Tavail. » Pour extirper la paresse et courber les sentiments de fierté et d'indépendance qu'elle engendre, l'auteur de l'Assay 0/1 7}'ade proposaitd'incarcérer les pauvr es dans les maisonsidéales du travail (édeal U'orkhouses) de ter reur où l'on qui deviendraient « des ferait travailler quatorze heures par jo ur de telle sorte que, le temps des repas soustrait, il resterait douze heures de travail pleines et entières Douze heures de tr ava i l par jour, voilà l'idéal des philanthropes et des moralistes du XVIIIe si ècle Que nous avons dépassé ce nec plus ultra! Les at el ie r s Illodernes sont devenus des maisons idéales de con-ec­ tion où l'on incarcère les masses oU\Tières, où coudamne aux t ra v a u x forcés pendant douze et qua­ torze h eu res non seulement les hOlUmes, femmes et les enfants 7! Et dire que les fils des héros de la T'erreur se sont laissé dégrader par la religion travail au poiut d'accepter après 1848, comme une conquête ré volutiollnaire, la loi qui limitait à douze heures le tra vail dans les fabriques; ils proclamaient, connue un priucipe révolutio1 l naire, l'Qil. Honte au prolétar iat français! Des esclaves seuls Je suis l'autorité [

. . .

,

.

,

16

LE 011011

À

LA PAIIESSE

eussent été capables d'une telle bassesse. Il faudrait vingt ans de civilisation capitaliste à un Grec des temps héroïques pour concevoir un tel avilissement. Et si les douleurs du travail forcé, si les tortures de la faim se sont abattues sur le prolétariat, plus nom­ breuses que les sauterelles de la Bible, c'est lui qui les a appelées. Ce travail, qu'en juin 1848 les ouvTiers réclamaient les armes à la main, ils l'ont imposé à leurs familles; ils ont livré, aux b arons de l'industrie, leurs femmes et leurs enfants. De leurs propres mains, ils ont démoli leur foyer domesti que ; de leurs propres mains, ils ont tari le lait de leurs femmes; les malheureuses, en­ ceintes et allaitant leurs bébés, ont dû aller dans les mines et les manufactures tendre l'échine et épuiser leurs nerfs; de leurs propres mains, ils ont brisé la vie et la vigueur de leurs enfants. - Honte aux prolé· taires ! Où sont ces commères dont parlent nos fabliaux et nos vieux contes, hardies au propos, franches de la gueule, a man te s de la dive bouteille? Où sont ces luronnes, toujours trottant, toujours cuisinant, touj ours chantant, toujours semant la vie en engendrant la joie, enfantant sans douleurs des petits sains et vigou­ reux ? . Nous avons aujourd'hui les f illes et les femmes de fabrique, chétives fleurs aux pâles couleurs, au sang sans rutilanee, à l'estomae délabré, aux membres alan­ guis 1. Elles n'ont jamais connu le plaisir robuste et .

.

. .

17

LAFARCU;

ne s a u r ai en t

raconter gaillardement c o m m e n t l'on

c as sa leur coquille! - Et les enfants? Douze heures

de travail mu enfants.

Ô misère !

- Mais tous les Jules

Simon de l' Acad�Olie des s ci en c e s morales et poli­ tiques, tous les Genninys de la jésuiterie, n'auraient pu

inventer un

vice plus abrutissant pour l'intelligence des

enfants, plus corrupteur de leurs insti ncts, plus de s­ tructeur de leur org anisme que le travail dans l'atmo­

sphère viciée de l'atelier capitaliste.

Notre époque est, dit-on, le siècle du travail; il est

cn

effet le si è cle de la douleur, de la misè re et de la

corruption. Et cep endant, les philosophes, les é c o nom i ste s

bourgeois, depuis le péniblement confus Auguste Comte, j us qu ' au ridiculement dair Leroy-Beaulieu; les gens de lettres bourgeois, depuis l e charlatanes­

quemellt romantique Victor Hugo, jusqu'au naÏve­ ment grotesque Paul de Kock, tous ont entonné les chants nauséabonds en l'honneur du dieu Progrès, le fils aîné du Travail. À les entendre, le bonheur allait régner sur la terre: déjà on en sentait la veuue. 11s allaicIIt dans les sièdes passés fouiller la po u ssi èr e et la misère féodales pour rapporter de somhres repoussoirs aux dél i ces des temps présents. - NOliS ont-ils fatigués, ces repus, ces satisfaits. naguère encore membres de

la domesticité des grands seigneurs, aujourd'hui

va

le t s

de plume de la bourgeoisie, grassement rentés; nons 18

LE DI\OIT

,\

LA PAHESSf:

ont - il s fati g ués avec le paysan du r hétori cie n La Br uyère? Eh bien! voici le brillant tableau des jouis­ sa nces prolétarien nes en l'an de progrès capitaliste 1840, p eint par un des leurs, par le Dr Villermé, membre de l' Insti tu t, le même qui, en 1848, fit partie de cette société de savants (Thiers, Cousin, Passy, Blanqui, l'académicien, en étaient) qui propagea dans les masses les sottises de l'économie et de la morale bourgeoises. C'est de l'Alsace manufacturière que pade le Dr Vil­ lermé, de l'Alsace des Kestner, des Dollfu s , ces fleurs de la phi l ant hropi e et du rép ubli canisme industriel. Mais avant que le docteur ne dresse devant nous le tableau des misères prolétariennes, écoutons un manu­ facturier alsa cie n , M. Th. Mieg, de la maison Dollfus , Mieg et Cie, dépei g na nt la situatio n de l'artisan de l'ancienne industrie : «À M ul house , il y a ci nquante ans (en 1813, alors que la moderne in d us tr ie mécanique n ais s ait ), les ouvriers étaient to us enfants du sol, habitant la ville et les villages en vir onnants et p ossédant presque tous une maison et souvent un petit champ 8. » C'était l'âge d'or du travailleur. Mais, alors, l'indus­ trie alsacienne n'inondait pas le monde de ses coton­ nades et n'emmi l l ionuait pas ses Dollfus e t ses Kœchlin. Mais vingt-cinq ans après , quand Villermé visita l'Alsace, le minotaure moderne, l'atelier capita19

LAFARGl."E

liste, avait conquis le pays; dans sa boulimie de travail humain, il avait arraché les ouvriers de leurs foyers pour mieux les tordre et pour mieux exprimer le tra­ vail qu'ils con tenaient. C'était par milliers que les ouvriers accouraient au sifflement de hl machine. «

Un grand nombre, dit Villermé, cinq mille sur dix­

sept mille, étaient contraints , par la cherté des loyers ,

à se loger dans les vilages voisins. Quelques - uns habi­ taient à deux lieues et quart de la manufacture où ils travaillaient.

»À

Mulhouse, à Dornach, le travail commençait à

cinq heures du matin et finissait à cinq heures du soir,

été comme hiver. [ .. . ] Il faut les voir arriver chaque matin en ville et p artir chaque soir. Il y a p armi eux une multitude de femmes p âles , maigres , marchant pieds nus au milieu de la b o u e et q ui, à défaut de parapluie, portent, renversés sur la tête, lorsqu'il pleut ou qu'il neige, leur s tabliers s e p réserver la f i g u re

et

OH

jupons de dessus pour

le cou, e t un nombre plus

considérable de jeunes enfants non moins sales, non moins hâves , couverts de haillons, tout gras de l'huile des métiers qui tombe sur eux pendant qu'ils tra­

vaillent. Ces derniers , mieux prés ervés de la pluie par l'imperméabilité de leurs vêtements , n'ont même pas au bras , comme les femmes dont

011

vient de p arler,

un panier où sont les provisions de la journée; mais

ils portent à la main, ou cachent sous leur veste 20

ou

LF.

DROIT'\'

I.A PARESSE

comme ils peuvent, l e m o r ce a u d e p ain qui doit l es nourrir jusq u ' à l'heure de leur rentrée à la maison. » A in si , à la fa tig u e d'une journée démesurément

lon gue, puisqu'elle a au moins quinze heures , vient se joindre pour ces malheureux celle des allées et venues si fréyuentes, si p énibles . Il r ésult e que le soir ils arrivent chez eux accablés par le besoin de dornrir, et que le len­ dem ain ils sort en t avant d ' ê tre complètement reposés po ur se trouver à l'atelier à l'heure de l'ouverture. » Voi c i m aint en ant l e s bou ges où s'entassaient ceux qui logeaient en ville : «J'ai vu à Mu lh ou s e , à Dornach et dans des mai­ sons voisines, de ces mi s ér ab les logements où deux familles couchaient chacune dans un coin, sur la paille jetée sur le carreau et retenue par deux p la n ches ... Cette misère d a ns l a q u e l le vivent les o u v ri e r s de l'industrie du coton dans l e d é p a rte m e n t du Haut­ Rhin est si profonde qu ' ell e p rodui t ce triste résultat que, tandis que dans les familles des fabricants négo­ ciants, d r ap i e rs , directeurs d'usines, la moitié des e nf ants atteint la vingt et unième ann ée , cette même moitié cesse d'exister avant deux ans accomplis dans les fa mi lles de tisserands et d'ou vriers de filat u res de coton.

»

travail de l' atelier, Villermé aj o ute : «Ce n'est pas là un travail, une t âche, c'est une tor­ ture, et on l'inflige à des enfants de six à huit ans. [ . .. ] Parlant du

21

LAFAHGLE

C'est ce long supplice de tous les jours qui mille prin­ cipalement les ouvriers daus les filatures de coton. » Et, à propos de la durée du travail, Villermé obser­ vait que les forçats des bagnes ne travaillaient que dix h e ures, l es esclaves des Antill es neu f heures en moyenne, tandis qu'il existait dans la France qui avait fait la Révolution de 89, qui avait proclamé les pom­ peux Droits de l'homme, des manufactures où la jour­ née était de seize heures, sur lesquelles on accordait aux ouvriers une heure et demie pour les repas9. Ô misérable avortement des principes révolution­ naires de la bourgeoisie ! ô lugubre présent de son dieu Progrès! Les philanthropes acclament bienfaiteurs de l'humanité ceux qui, pour s'enrichir en fainéantant, donnent du travail ame pauvres ; mieux vaudrait semer la peste, empoisonner les sources que d'ériger une fabrique au milieu d'une population rustique. Intro­ duisez le travail de fabrique, et a dieu j oie, santé, liberté ; adieu tout ce qui fait la vie belle et digne d'être vécue 10. Et les économistes s'en vont répétant aux ouvriers: Travaillez p our augmenter l a fortune sociale! et cependant un économiste, Destut de Tracy, leur répond : « Les nations pauvres, c'est là où le peuple est à son aise; les nations riches, c'est là où il est ordinairement pauvre. » 22

LE DROIT

À

LA PAIlESSE

Et son discip le Cherbuliez de continuer:

u x - m ê m e s , en coopérant à l'accumulation des capitaux productifs, contribuent à l'événement qui, tôt ou tard , doit les pr ive r d'une par­ tie de le u r salaire. » Mais, as sourdis et idi otis és par leurs p rop res hurle­ ments, les économistes de répondre: Travaillez, tra­ vaillez toujours pour crée r votre bien-être! Et, au nom de la mansuétude ch r é ti en n e , un prêtr e de l'Église « Les travailleurs

e

a n g li ca ne , le révérend Townshend, psalmodie: Tra­ vai l l ez , travaillez nuit et jour; en travaillant, vous faites croître votre misère, et votre misère nous dis­ pense de vous impos e r le travail par la force de la loi. L' i mpositio n légale du travail « donne trop de peine, exige trop de violence et fait trop de bruit; la faim, au contraire, est non s eule ment une p ress i o n paisible, silencieuse, in c cs s a nt e , mais comme le mo b il e le plus naturel du tra vai l et de l'industrie, elle provoque aussi les efforts l es p l u s p uiss ants ». Travaillez, travaillez, prolétaires, pour agrandir la fortune sociale et vos misères individuelles, travaillez, travaillez, pour que, devenant plus pauvres, vous ayez plus de raisons de travailler et d'être misérables. l'dIe est la loi inexorable de la production capitaliste. Parce que, prêtant l 'ore ille aux fallaeieuses paro les des économistes, les prol ét a ires se sont l i vrés corps et âme -au vicc du travail, ils précipitent la société fout

23

LAFAHGI'"

entière dans ces crises industrielles de surproduction qui convuls ent l'organisme social. Alo rs, p arce qu' il y a p l étho re de mar c h an d i ses et pénurie d'acheteurs, les ateliers se ferment e t la fa i m c i n gl e l e s p o p u la t i ons ouvrières de son fouet aux mille lanières. Les p r o lé­ taires, abrutis par le dogme du travail, ne cornprenant pas que le surtravail qu'ils se sont infligé p en d ant le temps de prét en d u e p ro sp érit é est la cause de leur misère présente, au li e u de c o u ri r au grenier à blé et de crier: «Nous avons faim et nous voulons man­ ger ! . . . Vrai, nous n' avons pas un rouge liard, m ais tout gueux que nous sommes, c'est nous cependant qui av on s moissonné le blé et v e n d an g é le rai s i n . . . » Au lieu d ' a s s iég e r les m a g a sins de M . B o nne t , de Juj u­ rieu x , l'inventeur des couvents industriels, et de da­ mer: Bonnet, voici vos ouvrières ovalistes, moulineuses, fileuses, tisseuses, elles grelottent sous leurs c otonna des r ap et ass é es à chagriner l'œil d'un juif et, cep endant , ce sont e lle s qu i ont filé et tissé les robes de soie des co c o tt e s de toute la chrétienté. Les pau vresses, travaillant t ei z e hemcs par jour, n'avaient pas le temps de songer à la t o ilette , maintenant, elles chô­ ment et peuvent faire du fr ou - fro u avec l e s soieries qu'elles ont ouvTées . Dès qu ' ell es ont perdu leurs dents de l ai t , elles se sont dé v o u é e s à votre fortune et out vécu dans l'abstinence; maintenant, elles ont des loi­ sirs et veulent jouir un peu des fruits d e leur travail. r

24

LE l)ROIT

,\

LA PAHESSE

Allons, Monsieur Bonnet, mel fournira ses mousselines, calicots, M. Pinet ses bottines pour leurs chers petits pieds froids et humides ... V êtues de pied en cap et fringant es, Allons, l'humanité, ché? - Mettez à la disposition devos ouvrièresla for­ tune qu'elles vous ont édifiée avec la chair de leur chair. culation des marchandises; voici des consommateurs tout trouvés; ouvrez-leur des crédits illimités. Vous êtes bien obligé d'en faire à des négociants que vous ne cOllnaissez ni d'Adam ni d'Ève, donn é, même pas un verre d'eau. Vos ou vrières s'acquitteront comme elles le pourront: si, aujour de l'échéance, signature, rien à saisir, prières: elles vous enverront en paradis, sacs noirs, Au lieu de profiter des moments de crise pour une distribution générale des produits et un gaudissement mlÏversel, de leur tête lespOItes de l'atelier. Avec des figures hâves, des corps amaigris, des discourspiteux, ilsassaillent les fabricants: «Bon M. 25

LAFAHGUE

neZ-Hou s du travai l , ce n' e s t pas la faim ,

mais la pas­ sion du travail qui nous tourmente ! » Et ces misérables, q ui ont à peine la force de se tenir debout, vendent douze et quatorze heures de travail delL",{ fois moins eher que lorsqu'ils avaient du pain sur la planche. Et les phi­ lanthropes de l'industrie de profiter des chômage s pour fab ri quer à meilleur marché . Si les crises industrielles suivent l es périodes de sur­ tr avai l aussi fatalement que la n uit le jou r, traîna nt après elles le chômage forcé et la misère sans issue, elles amènent aussi la b an q u ero u te inexorable. Tant que le fabricant a du crédit, il lâche la bride à la rage du travail, il emprunte et e m prunte encore pour four­ nir la matière première aux ouvriers . Il fait p ro d u i re , s ans réf l é chir que l e m arch é s ' eng or g e et que, si ses marchandises n'arrivent pas à la vente, ses billets vien­ dront à l ' échéance . Acculé, il va imp lorer l e jui f, il se jette à ses pieds, lui offre son sang, son honneur. «Un petit peu d'or ferait mieux mon affaire, répond le Rothsch il d , vous avez 20 000 p air e s de bas en maga­ sin, ils valent vingt s o u s, je les prends à quatre sous. » Les bas obtenus, le j uif les vend six et huit sous, et empoche les frétillantes pièce s de cent so us q ui ne d oi ­ vent rien à p ers on ne : mais le fabric ant a reculé pour mieux s auter. Enfin la débâcle arrive et les magasins dég orge nt ; on jette alors tan t de ma rch an dis e s par la fenêtre, qu'on ne sait comment elles sont entrées par la 26

LE OHOIT

À

LA PAHESSE

porte. C'est par centaines de millions que se chiffre la valeur des marchandises détruites; au siècle dernier, on les briHait ou on les jetait à l ' eau Il . Mais av an t d'aboutir à cette conclusion, les fa bri ­ cants parcourent le monde en q uête de déb o uchés pour les marchandises qui s'entassent; ils forcent leur gou­ vemement à s'anexer des Congo, à s'emparer des Ton­ kin, à démolir à coups de canon les m urailles de la Chine, pour y écouler leurs cotonnades. Atu: siècles der­ niers, c 'éta it un duel à mort entre la France et l'Angle­ t erre , à qui aurait le privilège exclusif de vendre en Amér ique et aux Indes. Des milliers d'hommes jeunes et vigoureux ont rougi de leur sang les mers, pendant les guerres coloniales des Xlc, XVIe et XVIII" siècles. Les capitaux abondent comme les marchandises . Les financiers ne savent plus où l e s placer; ils vont alors chez les nations heureuses qui lézardent au soleil en fumant des cigarettes, poser des che m i ns de fer, éri­ ger des fabriques et importer la malédiction du travail. Et cette exp ortati on de capitaux français se termine un beau matin par des complications diplomatiques: en Égypte, la France, l'Angleterre et l 'A lle magne étaient sur le p oint de se p re n d r e aux cheveux pour savoir quels usuriers s eraient p ayé s les premiers; par des guerres du Mexi que où l'on envoie les soldats français faire le métier d'huissier pour recouvrer de mauvaises dettes 12.

LAFARGLE

Ces misères individuelles et sociales, pour grandes et innomb r ab l es q u ' e l l e s s o ient , p o ur é te r ne l l es qu'elles paraissent, s' évanouiront COlmne les hyènes et

les chacals à l'approche

ùu

lion , quand le prolétariat

dira: «Je le veux. » Mais pour qu'il parvienne à la conscience de s a force, il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chr étienne, écono ­ miqile, libre penseuse; il faut qu'il retourne à ses ins­

tincts naturels , qu'il proclame les Droits de la paresse, mille et mille f ois plus nobles et plus s acrés que les phtisi ques Droits de l'homme, concoctés par les avo ­ cats métaphysiciens de la révolution b ourgeoise ; qu'il se contraigne à ne travail ler que trois heures par jour,

à

fain é anter et b omb ancer le reste de la j o urné e et de

la nuit. Jus qu ' ici, ma tâche a été facile, je n'avais qu'à d é crire des maux réels bien connus de nous tous, hélas! Mais convaincre l e prolé tariat que la parole qu'on lui a inoculée est perverse, que le travail effréné auquel il s'est livré dès le commencement du siècle est

le plus terrible fléau qui ait j amais frappé l'humanité, que le tr avail ne deviendra un condiment de plaisir de

la paresse, un exercice bienf ais an t à l ' o rg anisme humain, une passion util e à l' or g anisme socia l q ue l o rsqu ' i l sera sageme nt rég l eme nt é et limité à un

maximum de trois heures par jour, est une tâche ardue au-dessus de mes forces; s euls des p hysiolo gistes, d es 28

LE DIIOIT

,\

LA PAIIESSE

hygiénistes , des économist.es communistes pourraier l'entreprendre. Dans le s pa ges qui vont s uivr e , je III bornerai à démontrer qu ' é t ant donné les moyens d pro du c tion modernes et leur puissance reproductiv illimitée, il faut mater la p a s si o n extravagante de ouvrier s pour le travail et les obliger à co n s o mmer le marchandises qu ' il s produisent.

3. Ce qui suit la surproduction

Un poète grec dutempsde Cieéro n, Antipatrm tai tainsi l'invention du moulin à eau (po ur la n du grain ) : il allait émanciper les femmes e s cl

ramener l'âge d'or: «

É pargnez lebrasqui fai t tourner la me ule ,

coq vou tisse en va in qu'il fait jour ! Dao a imposé aux n� le travail des esclaves et les voilà qui sautillent l nières, et dormez paisiblement! Que le

ment sur la roue et voilà que l'essieu ébranlé

ses

rot

rais, faisant tourner la pesante pierre ro Vivons de la vie de nos pères et oisifs réjouissor des dons que la déesse a c e or de . » Hélas! les loisirs que le poète païen annon sont pas venus; la passion aveugle, perverse el cide du travail transforme la machine libérat instrument d'asservissement des hommes lib] productivité les appauvrit . Une bo n ne ouvrière ne f ai t avec le fuseau q' mailles à la minute, certains mé ti ers circulaire coter en font trente mille dans le même temps. ( minute à la ma chine équivaut donc à cen t he" travail de l'ouvrière; ou bien chaque m inute vail de la machine délivre à l'ouvrière dix j( rep os. Ce qui est vrai p o ur l'industrie du trieot plus ou moins vrai pour toutes les in d us tri es re 31

LAF,\RGn:

lé es

pa�

l a méc anique moderne . Mais que voyons­

nous? A mes u re que la ma chi n e se p er fectio nn e et ab a t le tr av ail de l'homme avec une rapidité et une p réc i s ion s a n s c esse croiss a ntes, l 'ou vri e r, au lieu de prolonger s on rep o s d'a u t a n t , re d o u b l e d ' arde u r , comme s' il voulait rivaliser ave c la machine'.

Ô

concurr en ce ab surde e t meur triè re !

c o n c u r re n c e de l ' h o m m e et d e l a m ac h in e prît l i bre ca rri è re , les prolétaires out aboli le s Pour que l a

sag e s lois qui limitaient le tr a v a il des artisans des

a n tiques

corporations; ils ont supprimé les jours

f ériés 13. Parce que l es producteurs d' alors ne tra

vaill a ient que cinq j o urs

sur sept, ainsi que l e r acontent les é co nomistes menteurs, qu'ils ne vivaient que d'air et d' eau fraîche? Allons donc!

Ils avaient des loisirs pour goûter les joies de la terre,

pour f aire l'amour e t ri goler ; pour b an queter j o yeu ­ sement cn l ' honne u r du ré j ou issa n t dieu de la Fai­

n éanûse. La

m

o ros e Angleterre, enc agoté e dans le pro

testantisme, se nomm ai t alors l

a « joyeuse Angleterre»

(Merry England). Rabelais, Quevedo, Cervantès,

auteur s in connus des romans pi car e s ques , nous font che avec l eurs peintures de ces monumentales r ip a ill e s 14 dont on se ré galait alors entre deux b atailles et deux dévas tati o n s , qu el les tout « allait par escuelles». Jo rd ae n s et l'école flamande les on t écrites sur leurs toiles réjouissantes .

venir l'e au à la bou

32

LE DROIT

À

LA PAHESSE

Sublimes estomacs gargantues ques, qu'êtes-v ous devenus? Sublimes cerveaux qu i encercliez toute la pensée humaine, qu'êtes-vous devenus? Nous sommes bien amoindris et Lien dégénérés . La vache enragée, la pomme de terre, le vin fuchsiné et le sch na ps p ru s s ie n savamment combinés avec le travail forcé ont débilité nos eorps et rapetissé nos esprits. Et c'est alors que l'homme rétrécit son estomac et que la machine élargit sa produetivité, e'est alors que les économistes nous prêchent la théorie malthusienne, la religion de l'abs­ tinence et le dogme du travail? Mais il faudrait leur arracher la langue et la j eter aux ehiens. Parce que la classe ouvrière, avec sa boulle foi sim­ pliste, s'est laiss é endoctriner, parce que, avec sou impétuo s ité native, elle s'est précipitée en aveugle dans le travail et l'abstinence, la classe eapitaliste s'est trou­ vée con damnée à la paresse et à la j ouissance forcée, à l'improduetivité et à la s ureonsommation. Mais, si le surtravail de l ' ouvrier meurtrit sa chair et tenaille ses nerfs, il est aussi fécond en douleurs pour le bourgeois. L'abstinence à laquelle se eondamnt:' la dasse pro­ ductive oblige les bourgeois à se eonsaerer à la sur ­ cons ommation des produits qu'elle manufacture désordonnément. Au début de la produetion capita­ liste, il y a un ou deux siècles de cela, le bourgeois était un hOImne rangé, de m œ u rs raisonnables et paisibles ; il se contentait de sa femme ou à peu p rès; il ne buvait 33

qu'à sa soif et ne mangeait qu'à sa faim. Il laissait aux aux c o urtis a n e s les nobles vertus de la vie déb au ch é e . Aujourd'hui, il ll' es t fils de parvenu qui ne se croie tenu de développer la prostitution e t de mercurialiser son corps pour donner un but au l a b e ur que s ' imposent les ouvriers des mines de mercure ; il n ' es t bourg eois qui ne s ' e mp i ff e de c hap ons truffés e t de lafite nav ig u é , pour encou rager les éleveurs de La F l èc h e e t l e s vignero n s du Bo r de l ais . À ce métier, l ' org a ni s m e s e dé l abre r ap i de men t , les cheveux tom­ b ent' les dents se déchau ssent, le tr on c sc dé fo rme , le courtisans et

r

ventre

s'entripaille, la respiration s' embarrasse, les

m o uvements s'alourdissent, l es articulations s ' ank y l o ­

sent, les phalanges se nouent. D' au t r e s , trop mal ingres de la d é bau ch e , m ais dotés

pour supporter les fatigu e s

de la bosse du pru dhommisme, dessèchent leu r cer­

velle comme les G a rn i er de l' économie politique, les

Acollas de la ph il o s op h i e j u r i d i q u e , à é l u c u b re r de gros livres s o p o rifi q u e s pour occuper l e s loisirs des c omp o sit e u r s et des imprimeurs .

du monde vivent une vie de martyr. fa ire valOIr les toilettes féeri q u e s que cou turiè re s se tuent à b âtir, d u soir au m a tin elles

Les fem mes

Pour essayer les

et

font la \Un'cHe d'une robe dans une autre ; pen da n t des he ur( ' ,.; . el l es livrent l e ur tête cre use aux artistes c a pi l l ai re s qui, à tout prix, veulent assouvir leur pas­ sion pour l ' échafaudage des faux c hign o ns . Sa ng l é e s 34

I . E D R O IT

.�

LA l' A lt E S S E

dans leurs corsets, à l'étroit dans leurs bottines, décol­ letées à faire ro u gi r un sapeur, elles tournoient des nuits entières dans leurs bals de charité afin de ramas­ ser quelques sous p o ur le pauvre mon d e . S aintes âmes ! Pour remplir sa d ouble fonction sociale de n o n ­ producteur et de surconsommateur, le bourgeois dut non seulement violenter ses goûts modestes, perdre s es habitudes laborieuses d'il y a deux siècles et se livrer au luxe effréné, aux indigestions truffées et aux débauches syphilitiques, mais encore soustraire a u travail prod uctif un e masse énorme d'hommes afin de se procurer des aides. Voici quelques chiffres qui prouvent combien colos­ sale est cette déperdition de forces productives : « D'après le recensement de 186 1 , la population de l ' A n g l e t e rr e e t d u p ays de G a l l e s c o m p re n a i t 20 066 224 personnes, dont 9 776 259 d u sexe mascu­ lin et 1 0 289 965 du sexe féminin. Si l'ou en déduit ce qui est trop vieux ou trop j eune pour travailler, les femmes, les adolescents et les enfants improductifs, puis les professions idéologiques telles que gouverne­ ment, police, clergé, magistrature, année, savants, artistes, ete . , ensuite les gens exclusivement occupés à manger le travail d'autrui , sous forme de rente fon­ ci ère, d ' intérêts, de dividen d e s , et c . , et enfin l e s p auvres, les vagabonds, les criminels, etc . , i l reste en 35

LAFARGUE

gros huit millions d'individus des deux sexes et d e tout âge, y compris les capitalistes fonctionnant dans la production, le commerce, la finance, etc. Sur ces huit millions,

on

compte :

» Travailleurs agricoles (y compl'Ïs les bergers, les valets et les fil les de ferme, habitant chez le fermier)

.. . . .. .

1 098 261 ;

» Ouvriers des fabriques de coton, de laine, de worsted,

de lin, de chanvre, de soie, de dentelle et ceux des métiers à

bras

. . . . . . . . . . . . .................... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .........

» Ouvriers des mines de charbon et de métal

. . . . . .

642

607 ;

565 835 ;

» Ouvriers employés dans les usines métallurgiques (hauts fourneaux, laminoirs, etc. ) et dans les manufactures de métal de toute espèce

. . . . . .. . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .............

» Classe domestique »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........

. . . .

. . . . . . .

. . 396 998 ;

1 208 648.

Si nous additionnons les travailleur s des fabriques

textiles et ceux des mines de charbon et de métal, nous obtenons le chiffre de 1 208 442 ; si nous additionnons les premiers et le per sonnel de toutes les usines et de toutes les manufactures de métal, nous avons un total de 1 03 9 605 per sonnes ; c'est-à-dire chaque fois un nombre plus petit que celui des es claves domestiques modernes. Voilà le magnifique r ésultat de l'exploita­ tion capitalis te des machines 15.

À

toute cette classe domes tique, dont la grandeur

indique le degré atteint par la civilisation capitaliste, il 36

L E D R OI T

,\

LA P A R E S S E

faut ajouter la classe nombreuse des malheureux vo ués exclusivement à la satisfaction des goûts dispendieux et futiles des classes riches, tailleurs de diamants, dentellières, brodeuses, relieurs de luxe, couturières de luxe, décorateurs des maisons de plai­ sance, etc . 1 6 . Une fois accroupie dans la paresse absolue et démo­ ralisée par la j ouissance forcée, la bourgeoisie, malgré le mal qu'elle en eut, s'accommoda de son nouveau genre de vie .' Avec horreur elle envisagea tout change­ ment. La vue des misérables co n ditio ns d'existence acceptées avec résignation par la classe ouvrière et celle de la dégradation o rga ni q u e e ng e n d rée par la passion dépravée du travail a u g mentai e nt encore sa répulsion pour toute imposition de travail et pour toute restriction de j ouissances. C'est précisément alors que, sans tenir compte de la démoralisation que la bourgeoisie s'était impo s ée comme un devoir social, les prolétaires se mirent en tê te d'infliger le travail aux capitalistes. Les naïfs, ils prirent au sérieux les théories des économistes et des moralistes sur le travail et se sanglèrent les reins pour en infliger la pratique aux capitalistes. Le prolétariat arbora la devise : Qui ne travaille p as, ne mange p as ; Lyon, en 1 83 1 , se leva pour du plomb Olt du travail, les fédérés de mars 1 87 1 déclarèrent leur soulèvement la Révolution du travail. 37

LAFAHGCE

À ces déchaînements de fureur barbare, destructive de toute jouissance et de toute paresse b o urgeoises , les capit alistes ne p ouv aien t répondre que par la ré pres ­ sion féroce, mais ils s avaient que, s' ils ont pu com p ri­ mer ces explosions révolutionnaires, ils n'ont pas n oyé daus le sang de leurs massacres gigantesques l'absurde idée du prolétariat de vouloir infliger le travail aux classes oisives et repues, et c ' est pour déto urner ce malheur qu 'ils s'entourent de prétoriens , de policiers , de magistrats, de geôliers entretenus dans une impro­ ductivité laborieuse. On ne peut pl u s conserver d'illu­ sion sur le caractère des armées modernes, elles ne se sont maintenues en permanen c e que pour comprime r « l'ennemi intérieur » ; c'est ainsi que les forts dc P a ris et de Lyon n'ont pas été construits pour défendre la ville contre l ' étranger, mais pour l ' écraser en cas de révolte. Et s'il fallait un exemple sans réplique, citons l'armée de la Belgique, de ce pays de Cocagne du capi­ talisme; sa neutralité est garanti e par les puiss ances européennes , et cependant son armée est une des plu s fortes p roporti onnel le m ent à la p op u l ati o n . Les g l o ­ rieux champs de bataille de la brave année belge sont les pl ain es du Borinage et de Charleroi ; c'est dans le sang des mineurs et des ouvriers désanllés que les offi­ ciers belges trempent leurs épées et ramassent leurs ép aulettes . Les nations e urop é e n nes n'ont p as des années nati onales, mais des armées mercenaires, elles 38

LE DHOIT

;\

LA P A II E S S E

protègent l e s capitalistes contre l a fureur populaire gui vo udrait les condamner à dix heures de mine ou de filature . Donc, en se serrant: le ventre , l a dasse o uvrière

a

d é v el o p p é outre mesure le ventre de la b o u rg e o i sie condamnée à la s urconsonunatiOll .

Pour être soul agée dans son pénib l e travail, l a bour­ g e o i s i e a r e t i r é de l a c l a s s e o u v r i è r e u n e m a s s e d' hommes de beaucoup supérieure à celle gui restait consacré e à la pro du ctio n utile, et ra co nd a nm é e à son tour à l 'improductivité et à la surconsommation . Mais ce t roup e a u de b ouches i nu t iles , malgré sa voracité insatiable, ne suffit p as à consommer to u tes les mar­ chandises gue les ouvriers , abrutis p ar le do g m e du travail, p ro dui s e n t conllue des maniaques, sans vou­ loir les consommer, et sans même songe r si l'on trou­ vera des gens pour les cons ommer.

En présence de cette double folie des travailleurs,

de se tuer de surtravail et de végéter dans l'abstinence, le grand p roblème de la production capitaliste n'est plus de tro uver des pro ducteurs et de dé c u pler leurs f o rces , mais de découvrir des consommate urs , d'exci ­ ter leurs appétits et de l e ur créer d es b esoins factices . Puis que les ouvriers eu ro p ée ns , grel ottant de froid et de faim, refusent de p orter les étoffes qu'ils tissent, de boire les vins qu'ils récoltent, les pauvres fabricants , ainsi que des dératé s , doivent courir aux a nt i p o des 39

L A F A Il C ll;

chercher qui les portera et qui les boira : ce sont des centaines de millions et de milliards que l'Europe exporte tous les ans, aux quatre coins du mo n de, à des peuplades qui n'en ont que faire 1 7 . Mais les continents explorés ne s ont p lus assez vastes, il faut des pays vierges. Les fabricants de l'Europe rêvent nuit et j our de l ' Afrique , du lac saharien, du chemin de fer du Soudan ; avec anxiét é , ils suivent les progrès des L ivingston e , des Stanley, des Du Chaillu, des de Brazza ; bouche b éante , ils écoutent les histoires miro­ bolantes de ces courageux vo y ageurs . Que de mer­ veilles inconnues renferme le « continent noir » ! Des champs sont plantés de dents d'éléphant, des fleuves d'huile de coco charrient des paillettes d'or, des mil­ lions de culs noirs, nus comme la face de Dufaure ou de Girardin, attendent les cotonnades pour apprendre la décence, des bouteilles de schnaps et des bibles pour connaître les vertus de la civilisation. Mais tout est impuissant : bourgeois qui s'empiffrent, classe domestique qui dépasse la classe productive, nations étrangères et barbares que l'on engorge de mar­ chandises européennes ; rien, rien ne peut arriver à écouler les montagnes de produits qui s'entassent plus hautes et plus énormes que les pyramides d' É gypte : la productivité des ouvriers européens défie toute consom­ mation, tout gaspillage . Les fabricants, affolés, ne savent plus où donner de la tête, ils ne peuvent plus 40

LE D R O I T

À

LA P A R E S S E

trouver l a mati è re première p o ur s ati s faire la

p a s s i on désordonnée, dépravée, de leurs ouvriers pour le tra­ vail. Dans nos départements lai n i ers , on effi oche le s chiffons s ouillés et à demi p ou rris , on en fait des drap s dits de renaissance, qu i durent ce que durent les pro­

messes électorales ; à Lyon, au lieu de laisser à la fibre soyeuse s a s im p l ici té e t s a s o up l e s s e n a t ur e lle , on l a s u rc h arge de sels m i n éra u x qui, en l u i aj outant du poids, la rende n t friable et de peu d' usage . Tous nos p ro dui ts sont adultérés pour en fa c i li te r l'écoulement et en abré ge r l'existence. Notre époque sera appelée l'âge de la falsification, comme les p remières époques de l'humanité ont reçu les noms d'ôge de pierre, d'âge de bronze, du caractère de leur prod u cti o n . Des igno­ rants accusent de fra u d e 1l0S pieux industriels, tandis qu'en ré al ité l a p e n sé e qui le s anime est de fournir du travail aux o uvri er s , qui ne p e u ve nt se r é s ign er à vi vre les b ras croisés. Ces falsifications, flui out pour unique mobile un se n ti m en t h um a n i t a i re, m ais q ui rapportent de superbes p rofits aux fabrieants qui les prati qu e nt , si elles sont désastreuses p our la q ua li té des marchan­ dises, si elles sont une so urce intarissable de gaspillage du travail hum ain , prouvent la philanthropique ingé­ ni o s i t é des b o urg e o i s et l ' h o rrib l e p e rver s i o n d e s o uvriers flui, pour assouvir l eur vice d e travail , ob l ig ent les in d us tri els à étouffer les cris de leur c on s c i ence et à violer même l e s lois de l'honnêteté commerciale . 41

Et cependant, en dépit de la surproduction de mar­ chandises, en dépit des falsifications industrielles, les ouvriers encombrent le m arc h é innombrab l ement, implorant ; du travail ! du travail ! Leur surabondance devrait les obliger à refréner leur p assion ; au contraire,

ell e la porte au p aroxysme. Q u ' u ne chance de travai l se présente, ils se ruent: dessus ; alors c'est douze, qua­

en avoir leur saoul, et le lendemain les voilà d e no uveau rej etés sur le pavé,

torze heures qu'ils réclament p our

sans plus rien pour alim enter leur vice . Tou s les ans , dans toutes les industries, des chômages revi ennen t avec la régu larité des saisons .

Au

s urtravail meurtrier

pour l'organisme succède le repos absolu, pendant des de ux et quatre mois ; et plus de travail, plus de pitance . Pu i s qu e le vice du travail est diaboli q uement chev illé dans le cœur des o uv riers ; puis que ses exigences étouf­ fent tous les autres inst incts de la nature ; puisque la

quantité de travail req uise par la société est forcément

limitée par la co nsommation et par l ' abondance de la

matière première , p o urquoi dévorer en six mois le t ra ­ vail d e toute l ' année ? P ourquoi

ne

pas le dis t ribuer

uniforméme n t sur les douze m ois et forcer tout ouvri er à se eontenter de six o u de cinq heu res par j o u r, pen­

dant l' année, au lieu de pren d re d es indige s t i o n s de

douze heures pen da n t six mois ? Assurés de leur part

qu oti dien ne de tra vail, les ouniers ne se j al ouseron t p l u s , n e se battront p l us pour s ' arraeh er le travail des 42

LE D Il O I T

A

1 . ,\ P A R E S S E

mains e t le pa in de l a b ouche ; alors, non épuisés ùe corps et d'esprit, ils commen ceront à pratiquer les ver­ tus de la paresse. Abêtis par leur vice, les ouvriers n ' o nt p u s'élever à l'intelligence de ce fait que, pour avoir d u travail pour tous, il fallait le rationner comme l'cau sur un n avir e en détresse. Cepen dant les industriels , au nom de l ' exp l o i t a ti o n capitaliste , ont dep u i s l o ngtem p s demandé une limitation légale de la journée de travail . Devant la Commission d e 1 860 s u r l'enseignement professionnel, un des plus grands manufacturiers de l ' Als a ce , M. Bourcart, de Guebwiller, déclarait : « Q u e la j o urn ée de douze heures était exces s ive et devait être ramenée à onze heures, que l'on devait sus­ pendre le travail à deux he ures le s amedi. Je puis conseiller l ' a d o p t.ion de cette mes ur e q u o i q u ' e l l e paraisse onéreuse à première vue ; nous l'avons expé­ rime n té e dans nos établissements industriels depuis quatre ans et nous nous en trouvons bien, et la pro­ duction moyenne, loin d'avoir diminué, a augmenté. » D a n s s o n étude s ur l e s m a c h i n e s , M . F. P a s s y cite l a lettre suivante d'un grand industriel b elge, M. M. Ottavaere : « Nos machines, quoique les mêmes que celles des filatures anglais e s , ne produisent pas ce q u ' e l l e s devraient produire e t ce que p ro duirai ent ces mêmes machines en Angleterre, quoique les filatures travaillent 43

LAFARGl E

deux heures de moins par jour. [ . . . ] Nous travaillons tous deux grandes heures de trop ; j'ai la conviction que si l'on ne travaillait que onze heures au lieu de treize, nous aurions la même production et produirions par conséquent plus économiquement. » D ' un autre côté, M . Leroy-Beaulieu affirme que « c'est une observation d'un grand manufacturier belge que les semaines où tombe un jour férié n'apportent pas une production inférieure à celle des semaines ordi­ naires 18 » . Ce que le peuple, pipé en sa simplesse par les mora­ listes, n'a j amais osé, un gouvernement aristocratique l'a osé . Méprisant les hautes considérations morales et industrielles des économistes, qui, comme les oiseaux de mauvais augure, croassaient que diminuer d'une heure le travail des fabriques c'était décréter la ruine de l'industrie anglaise, le gouvernement de l'Angle­ terre a défendu par une loi, strictement observée, de travailler plus de dix heures par jour ; et, après comme avant, l'Angleterre demeure la première nation indus ­ trielle du monde. La grande expérience anglaise est là, l'expérience de quelques capitalistes intellig ents e s t l à , e l l e démontre irréfutablement que, pour puissancer l a pro­ ductivité humaine, il faut réduire les heures de travail et multiplier les jours de paye et de fêtes, et le peuple français n'est pas convaincu . Mais si une misérable 44

L E D Il O I T

,\

LA P A Il E S S E

réduction d e deux heures a augmenté e n dix a ns de près d'un tiers la production anglaise 19, que lle marche vertigineuse imprimera à la produ cti on française une réducti o n légale de l a j o u r n é e de tr a va i l à t r o i s h e ures ? Les ouvriers n e p euv ent - i l s do nc c omp r en dre qu'en se surmenant de travail, ils épuisent l e ur s forces et c e l l es de l eur pro g éniture ; que , usés, ils arrivent av ant l'âge à être incapables de tout travail ; qu'absor­ b é s , abrutis p a r un seul vice, ils ne sont plus d e s hommes, mais des tronçons d'hommes ; qu'ils tuent en eux t o u tes les belles facultés pour ne laisser deb o u t , et luxu rian te , que la folie furibonde du travail. Ah! comme des perroquets d'Arcadie ils répètent la leçon des économistes : « Travaillons, travaillons pour accroître la richesse nationale. » Ô idi ots ! c'est parce que vous travaillez trop que l'outillage in dustriel se déve­ loppe lentement. Cessez de braire et écoutez l l U écono­ miste ; il n'est p as un aigle, ce n'est que M. L. R eyb au d, que nous avons eu le bonheur de p erd e il y a qu el qu es r

mOlS :

« C ' est en général sur les conditions de la mai n ­ d'œuvre que s e règle l a révolution d an s les méthodes du travail . Tant que la m ain-d'œuvre fournit ses ser­ vices à bas prix, on la prodigue ; on cherche à l'épar­ gn er quand ses services deviennent plus coÎlteux 20. » Pour forcer les capitalistes à p erfectionner leurs m ach in es de bois et de fer, il faut hausser les salaires 45

et diminuer les heures de travail des machines de chair et d'os . Les preuves à l ' app u i ? C 'est par centaines qU'OIl peut les fournir. Dans la fil a ture, le métier ren­ vi d � IH ( self acting mule) fu t inv enté et a ppl iqué à M ancheste r, parce que les fi le ur s se re fu s aie nt à tra­ vailler aussi longtemps qu'auparavant . E n A mé r i q u e , l a m a c h i n e e n v a h i t t o u t e s l e s branches de l a production agricole, depuis l a fabrica­ tion du beurre j usqu'au s a rc l ag e des blés : pourquoi ? Parce que l ' Amér i cain , libre et p a re sseu x, aimerait mieux mille morts qu e la vie bovine du p a y san fran ­ ç a i s . L e l a b o u r a g e , s i p é n ib l e en n o t re g l o ri e u s e France, si riche en courbatures , est, dans l'Ouest amé­ ricain, un agréable p a ss e -te m p s au grand air que l ' o n p re n d ass i s , en fu m an t nonchalamment sa pipe.

4.

À nouvel air, chanson nouvelle

Si, en dimin uant le s heures de t ravail , ou con q uiert à la pro d uct i on s o ciale de n o u velles forces méca­ n iq u e s , en ob ligeant les o uvri ers à con sommer leurs produits, on conquerra une im mense arm ée de forees de travail . La bou rgeoisie, déchargée alors de sa tâehe de consommateur u niversel, s ' em p ressera de li cencier la eohu e de soldats , de magis trat s , de figaristes , de proxénètes, etc . , qu'eUe a retirée du trava il ut ile pour l ' aide r à consommer et à gaspille r. C 'est alors que le marché du trav ai l sera débordant, c'est alors qu'il fau­ dra une l o i de fer p o ur mettre l'int erdi t s u r l e travail : i l se r a imp o s s i ble de trouver de la besogne p o ur cette Huée de ci- devant improdu ctifs , pIns llom b reux que les poux des Lois . E t après e ux il faudra songer à tous ceux qui pOlllToya ient à leu rs beso ins ct go ûts futiles et: dispen dieux . Quand il n'y a ura plus de laq uais ct de généraux à galonn er, plus de prostituées libres et mariées à c o uvrir de dentell es, p l u s de can o ns à forer, plus de p al ais à bâ tir, il fau d ra, par d('s lois sévères , i m poser aux o u v ri è re s et ouvriers eIl passcmeutcries , C i l dentelles, en fe r, en bâtiment s, du canotage hygié­ nique et des exerc i ce s chorégra ph i qu e s p o ur le ré t a ­ blisseme l l t de leur santé et le p