La Révolution Islamique en Occident 2 PDF [PDF]

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Zitiervorschau

Roger Le Tourneau

Ignacio Olague, Les Arabes n'ont jamais envahi l'Espagne In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°8, 1970. pp. 193-195.

Citer ce document / Cite this document : Le Tourneau Roger. Ignacio Olague, Les Arabes n'ont jamais envahi l'Espagne. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°8, 1970. pp. 193-195. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1970_num_8_1_1095

COMPTES-RENDUS BIBLIOGRAPHIQUES

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Ignacio OLAGUE, Les Arabes n'ont jamais envahi V Espagne, Paris, Flam marion, 1969. Le titre est provoquant à souhait, mais exprime aussi l'idée fonda mentale de l'auteur. Tout se passe comme si M. Olaguë répugnait à l'idée que les Arabes aient pu conquérir l'Espagne. Il ne nie pas l'influence arabe et musulmane, mais il n'admet pas que les Arabes se soient emparés de la Péninsule les armes à la main. D'abord, dit -il, ce n'est pas possible : com ment les Arabes d'Arabie auraient-ils pu être assez nombreux et assez bien ravitaillés pour entreprendre la conquête de l'Espagne ? On pourrait lui ré pondre tout simplement qu'il fait erreur sur les conquérants. Ce ne sont pas les Arabes, au sens où il l'entend, qui ont franchi le Détroit, mais bien des Berbères islamisés, quoique peut-être très peu arabisés, et des troupes ara bisées recrutées en chemin et pendant des dizaines d'années, qui d'Irak, qui de Syrie, qui d'Egypte, qui d'If riqiya. Les Arabes d'Arabie étaient à coup sûr très peu nombreux et bien incapables de s'emparer d'une péninsule entière , tout le monde l'admet sans difficulté. De plus, ajoute l'auteur, une grande obscurité règne sur cette "con quête". Les sources sont tardives, pas très précises, pleines d'invraisem blance. Cela est vrai encore et les historiens traditionnels, que M. Olaguë , accuse de beaucoup d'erreurs ne se sont pas fait faute de le dire et de le regretter. Il n'en reste pas moins que sources musulmanes et sources chré tiennes concordent dans l'ensemble et qu'un tel accord est trop rare pour qu'on en fasse fi. Obscure et, sur certains points, peu vraisemblable, la con quête apparaît comme un fait à ne pas rejeter. Mais M. Olaguë n'en démord pas : il n'y a pas eu conquête. Alors comment expliquer l'islamisation et l'arabisation qui ne peuvent être niées ? Ici intervient l'un des thèmes majeurs de ce livre : l'importance décisive de l'arianisme. Les Wisigoths ont introduit en Espagne l'arianisme, que M . Olaguë appelle plus volontiers unitarisme, puis sont revenus au catholicisme romain que M. Olaguë qualifie plus souvent de trinitarisme. Il va sans dire que, dans cette querelle dogmatique, tout le monde n'a pas suivi les fluc tuations du pouvoir et qu'il est resté bien des ariens après que, à la fin du Vlème siècle, le roi Recared se fut rallié à l'Eglise de Rome. D'où l'exis tence dans la Péninsule de deux camps très hostiles l'un à l'autre et dont celui qui détenait en même temps le pouvoir temporel avait tendance à gros siret par suite à opprimer l'autre. Or dès le début du Vinème siècle, les "unitaires" surent qu'il y avait d'autres "unitaires" de l'autre côté du Détroit de Gilbraltar et recherchèrent leur appui, d'autant plus facilement, dit M . Olaguë que la région de Tanger était encore une province wisigothique, ce qui reste à démontrer. En somme les gens du Tarif et de Tariq auraient été appelés en Espagne et de ce fait, leur tâche aurait été grandement facilitée. Qu'il y eût zizanie en Espagne wisigothique au moment de la "conquête" musulmane, cela est hors de doute : tous les historiens traditionnels l'avaient déjà dit, comme ils avaient insisté sur les connivences juives que trouvèrent les Musulmans .

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Peut-être est-il bon de mettre l'accent sur le climat favorable que rencon traient les Musulmans dans un milieu arien et antitrinitaire. On nous pro met pour plus tard "un texte hautement scientifique" du travail de M. Olagu'é . Peut-être apportera-t-il sur ce point important les précisions indispensables qui, pour le moment, ne sont même pas esquissées. On ne trouve en effet que des indications comme celles-ci : "... le manque de documents ne nous interdit pas de supposer qu'il (l'Islam) a d'abord été prêché par des propa gandistes inconnus aussi bien de nous que de leurs contemporains ; la con naissance précise de phénomènes analogues nous y engage au contraire". On admettra qu'un historien traditionnel (on serait tenté de dire : un historien tout court) ne puisse souscrire à des assertions de la sorte. L'infiltration musulmane s 'étant donc faite presque subrepticement, les chrétiens espagnols ne comprirent pas tout de suite ce qui se passait dans leur pays et c'est seulement au milieu du IXème siècle, un siècle et demi ou presque après l'événement initial, que quelques clercs de Cordoue devien nent conscients de la nouvelle situation religieuse qui s'était établie dans la plus grande partie de la Péninsule et réagirent jusqu'au martyre. Il est vrai que Lévi-Provençal a buté sur l'épisode des "martyrs de Cordoue"1 et n'est pas parvenu à en démonter complètement le mécanisme. Il n'est pas moins vrai que l'inconscience dans laquelle auraient vécu les clercs espagnols pen dant si longtemps dépasse les bornes de l'imagination. En somme M. Olaguô nous propose d'abandonner une interprétation délicate pour une autre qui n'est pas moins surprenante. Tout de même, il faut bien expliquer l'afflux des Musulmans en Es pagne et la diffusion de l'Islam et de la langue arabe parmi les populations locales. Alors l'auteur a recours à une explication climatique sur laquelle il ne peut malheureusement donner aucune précision ou presque. Pour lui , le Sahara et le désert arabique auraient subi plusieurs "pulsations" dans le sens du dessèchement. Ces pulsations auraient comme projeté au dehors les populations locales et seraient à l'origine des invasions nomades, depuis celle du Vnème siècle qui lança vers le Nord les bédouins d'Arabie, jusqu'à celle du Xlème siècle qui fit sortir les Almoravides du Sahara occidental et les amena à constituer un immense empire. Je ne connais malheureusement qu'une seule phrase d'Ibn al-Athir2 qui puisse fournir un fondement bien mince à la théorie des pulsations. La voici : "En 450 (27 févr. 1058), à la suite d'une sécheresse dont souffrirent ces régions [le Sahara occidental], Ibn Yâsln envoya les plus misérables d'entre eux [les Almoravides] dans le Soûs pour y prélever la Zekbt. Neuf cents hommes s'avancèrent ainsi jusqu'à Sidjilmâssa , firent une récolte de quelque valeur puis rentrèrent chez eux. 'Comment fon der une théorie de grande ampleur sur une base aussi étriquée, si l'on se souvient, de surcroît, que l'auteur de cette phrase vivait deux siècles après l'événement ? M. Olaguë ajoute à cela des considérations intéressantes mais peu convaincantes, sur l'architecture espagnole qui tendent a peu près toutes à 239.

1. E. Lévi-Provençal, Histoire de l'S3paine musulmane, Paris, 1950, T. I, p. 225-

2. Ibn al-Athir, éd. Tornberg, t. IX, p. 427 ; trad, in Fagnan, Annales du Maghreb et de l>Bspa£ne, Alger, 1898, p. 465.

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montrer que l'art "musulman" espagnol était déjà plus ou moins préfiguré par l'art wisigothique et que je ne me sens pas qualifié pour discuter. Ce qui apparaît le plus nettement après la lecture de ce livre, c'est qu'il cherche à présenter sous une forme de démonstration une réaction sen timentale de l'auteur qui ne peut pas admettre la conquête de l'Espagne par les "Maures" et cherche à minimiser autant qu'il est possible l'influence cul turelle du monde musulman sur la Péninsule. On serait donc tenté de rejeter purement et simplement cet ouvrage pour son parti pris et la faiblesse de son information en ce qui concerne les sources en langue arabe. Toutefois il est honnête de retenir l'accent mis sur les incertitudes des récits relatifs à la "conquête". On ajoutera alors que la même incertitude règne dans les récits relatifs à la conquête de l'Afrique du Nord. Les phénomènes climati ques ont pu jouer un rôle, encore que notre information là-dessus soit tout à fait insuffisante et n'autorise que des hypothèses très timides. L'ouvrage souligne encore notre impuissance à expliquer de manière satisfaisante l'épi sode des "martyrs de Cordoue". Enfin et surtout il insiste sur l'importance du phénomène arien en Espagne peut-être trop négligé jusqu'à présent. De ce côté-là, il suggère de patientes et difficiles recherches. Mais, tout compte fait, je ne pense pas qu'il permette de remettre en cause la conception jusqu'à présent reçue de l'islamisation et de l'arabi sation de l'Espagne. R. LE TOURNEAU

Ha'im ZAFRANI, Pédagogie juive en terre d'Islam, V enseignement tradi tionnel de l'hébreu et du judaïsme au Maroc, ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique, Paris , Adrien Maisonneuve, 1969, 191 p., 7 phot. h. t. Tout ce qui a trait au judaïsme marocain, surtout au juda'isme tra ditionnel, est en passe de prendre une valeur historique, en raison de la d iminution rapide de la communauté israélite au Maroc. On sait que l'émigrat ion vers Israël a pris des proportions considérables depuis l'indépendance : de 250 000 environ à la fin du Protectorat, le chiffre de la population juive est tombé à moins de 60 000. Le mouvement se poursuivant, on peut prévoir , à plus ou moins brève échéance, la disparition quasi totale de cette antique communauté, une des plus anciennes du Maroc puisque sa présence est at testée à une époque bien antérieure à la conquête arabe. Le petit livre de M. Zafrani est donc précieux, en tant qu'il fixe l'image de l'enseignement traditionnel tel qu'il a été pratiqué pendant des siècles au sein de cette communauté. On est nécessairement frappé, s'agissant de Juifs vivant au milieu d'une communauté islamique très largement majoritaire, par les ressemblan ces ou les différences avec l'enseignement traditionnel musulman. On relè-