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French Pages 205 [215] Year 1997
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Données de catalogage avant publication (Canada) Vedette principale au titre : La gestion publique sous le microscope Comprend des réf. bibliogr. ISBN 2-7605-0947-8 1. Administration publique (Science). 2. Québec (Province) – Administration – Réorganisation. 3. Canada – Administration – Réorganisation. 4. Droit administratif. 5. Hauts fonctionnaires – Formation. 6. Administration publique (Science) – Recherche – Canada. I. Charih, Mohamed. II. Landry, Réjean. JFI352.G47 1997
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C97-940216-6
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1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 1997 9 8 7 6 5 4 3 2 1 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés © 1997 Presses de l’Université du Québec Dépôt légal – 1er trimestre 1997 Bibliothèque nationale du Québec / Bibliothèque nationale du Canada Imprimé au Canada
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Table des matières
Introduction ........................................................................................................ 1 Mohamed Charih et Réjean Landry
Première partie La recherche en administration publique La recherche en administration publique. État de la situation............................. 7 Kenneth Kemaghan et Mohamed Charih
Deuxième partie Les réformes administratives Les réformes administratives et la philosophie de gestion .......................... 27 André Gagné Les réformes de l’administration publique. Grande-Bretagne et Alberta ......................................................................................................... 57 Christian Dufour et Roger Pâquet Caractéristiques des réformes en gestion des ressources humaines .................. 73 Denis Laforte
Troisième partie Stratégies et performances Les stratégies ministérielles. Une taxonomie ................................................ 89 Mohamed Charih et Michel Paquin
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Table des matières
La performance financière des sociétés d’État. Essai d’un modèle quantitatif .......................................................................107 Luc Bernier, André Forget et Michel Bédard
Quatrième partie Justice et administration Administrer des lois en marge du droit. Un défi ..........................................127 Suzanne Comtois La gestion des tribunaux québécois. Deux rationalités conflictuelles ....... 139 Marcel Proulx
Cinquième partie Formation des gestionnaires publics Practicum : Une nouvelle pédagogie ............................................................157 Adrien Payette Les apprentissages reliés à la formation des gestionnaires en exercice. Une étude exploratoire ..................................................................177 Marie-Michèle Guay Collaborateurs et collaboratrices .................................................................201
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Introduction Mohamed Charih et Réjean Landry
Partout à travers le monde, la gestion publique est remise en question. De la médecine douce des années soixante et soixante-dix, l’administration publique fait l’objet de chirurgies radicales : redéfinition du rôle de l’État et réduction de sa taille, lutte au déficit, privatisation, sous-traitance, tarification des services publics, dévolution des responsabilités d’un niveau de gouvernement à l’autre, etc. Au plan de la gestion, l’allégement des structures, la suppression de la paperasse, l’habilitation des gestionnaires publics, l’innovation et la décentralisation de la prise de décision au personnel de contact direct avec la clientèle sont considérés par les promoteurs des réformes comme les fondements de la nouvelle logique de la gestion des organisations publiques. La qualité du service à la clientèle devient la préoccupation centrale du nouveau management public. La globalisation des marchés, les percées technologiques dans le domaine de l’information, la croissance des déficits et de la dette publique, la marge de manoeuvre de plus en plus limitée des gouvernements, les pressions des marchés financiers et la remise en question des pouvoirs publics par les Canadiens constituent un ensemble de facteurs déclencheurs des récentes réformes au Canada. Ainsi, le gouvernement du Québec a adopté en 1991 une politique sur l’amélioration des services aux citoyens, a gelé le salaire des fonctionnaires pendant deux ans, a lancé en 1993 l’opération réalignement et a opéré des changements importants dans le domaine de la santé. Avec le gouvernement du premier ministre Bouchard l’accent est mis sur l’élimination du déficit d’ici l’an 2000. Au gouvernement fédéral, une révision des programmes s’est déroulée entre février 1994 et février 1995. Ainsi, le gouvernement fédéral a pris un ensemble de mesures visant à réduire le déficit, notamment par l’élimination en trois ans de 45 000 em-
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Mohamed Charih et Réjean Landry
plois par attrition et mises à pied, la réduction des dépenses de programmes de 10,4 milliards de dollars d’ici 1996-1997, le recouvrement des coûts, la réduction des transferts sociaux aux provinces, etc. Lorsque nous examinons les réformes en cours au Canada, force est de constater qu’elles s’inspirent, malgré certaines variances, du courant du nouveau management public (NMP). Le nouveau management public, aussi appelé en Amérique du Nord mouvement de réinvention du gouvernement, a été rendu populaire par l’ouvrage de Gaebler et Osborne Reinventing government (1992). Les réformes proposées par les promoteurs du nouveau management public ont gagné les faveurs des leaders politiques et des fonctionnaires dans plusieurs pays : l’Angleterre, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, notamment sous les administrations Reagan et Clinton, et plus récemment le Canada. Cet ouvrage s’adresse à des universitaires, à des fonctionnaires et à des étudiants qui s’intéressent à l’administration publique. Il cherche, dans un premier temps, à contribuer au développement de la connaissance sur la gestion publique en présentant les travaux d’universitaires et de praticiens de l’administration publique et, dans un deuxième temps, à informer la pratique et ainsi contribuer aux efforts de réformes et d’améliorations des administrations publiques. Le lecteur y trouvera des études et des analyses sur plusieurs questions de l’heure : état de la recherche en administration publique, réformes administratives, stratégies et performances des organisations publiques, justice et administration et la formation des gestionnaires publics. Cet ouvrage regroupe les travaux présentés initialement à la section « Administration et management publics » au congrès de l’Association canadienne française pour l’avancement des sciences (ACFAS). Les communications initiales ont constitué le point de départ de ce livre. Par la suite tous les textes retenus ont été révisés par les auteurs pour les fins de publication dans cet ouvrage. Cet ouvrage est divisé en cinq parties. Devant les changements sans précédent que connaissent les organisations publiques au Canada, Kernaghan et Charih notent, dans la première partie, que plusieurs réformes ont été introduites dans le secteur public sans qu’elles aient fait l’objet de recherches systématiques sur les plans théoriques, conceptuels, empiriques et normatifs. Afin que la recherche puisse fournir des études pertinentes aux décideurs publics, Kernaghan et Charih brossent un tableau des problèmes fondamentaux que rencontrent les chercheurs en administration publique au Canada, notamment une petite masse critique de chercheurs et des fonds de recherche limités. Un agenda de recherche pour les années à venir est également mis de l’avant.
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Introduction
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La seconde partie traite des réformes administratives. André Gagné examine les réformes administratives au gouvernement du Québec sur trois périodes : 1965-1975, 1976-1985 et 1986-1995. La première période correspond à la recherche d’un système de gestion d’ensemble, la deuxième cherchait l’élaboration d’un projet de société et la dernière a été concentrée sur la création d’emplois et l’assainissement des finances publiques. Dufour et Paquet décrivent les réformes britannique et albertaine. D’après Dufour et Paquet, la réforme de Ralph Klein a permis d’éliminer le déficit, ce qui n’est pas le cas de la réforme britannique. Enfin, Denis Laforte examine les caractéristiques communes des réformes en gestion des ressources humaines dans certains pays de l’OCDE : Angleterre, Australie, Nouvelle-Zélande, etc. Les stratégies et performances des organismes publics font l’objet de la troisième partie. Charih et Paquin élaborent et analysent les stratégies ministérielles canadiennes et québécoises. Ainsi, Charih et Paquin ont mis en évidence huit stratégies auxquelles recourent les ministères : 1) la stratégie interne ou de revitalisation, 2) la stratégie d’amélioration et de développement des produits et services, 3) la stratégie de réorientation, 4) la stratégie politique, 5) la stratégie environnementale, 6) la stratégie de partenariat, 7) la stratégie de statu quo et 8) la stratégie d’attente. Bernier, Forget et Bédard examinent la performance financière des sociétés d’État du Québec. Ils affirment que la performance financière des sociétés d’État dépend de l’entrepreneurship de leurs dirigeants et des variables médiatrices relatives à l’environnement politique et économique. Huit sociétés d’État ont fait l’objet d’évaluation : Hydro-Québec, SGF, SIDBEC, CDPQ, SOQUEM, SOQUIP, Loto-Québec, RÉXFOR, SAQ, SDBJ, SOQUIA, SNASQT et SÉPAQ. La quatrième partie de cet ouvrage porte sur la justice et l’administration. Suzanne Comtois nous rappelle l’importance croissante des directives au sein des organisations. Contrairement aux lois et règlements qui sont considérés rigides ou contraignants et qui sont justiciables, les directives comblent un vide dans le règne de la discrétion. Si les directives comportent des avantages évidents pour la gestion et le citoyen, elles comportent également des désavantages sur le plan de la protection des citoyens lésés. Pour Comtois, le défi posé au droit administratif consiste à trouver de nouveaux principes compatibles avec ceux de la légalité afin de protéger les droits des citoyens. Pour sa part, Marcel Proulx nous fait entrer au sein des tribunaux judiciaires québécois. Son chapitre traite de deux rationalités conflictuelles : la rationalité managériale et la rationalité professionnelle. Proulx note que c’est l’accommodement informel des deux rationalités qui permet aux tribunaux d’éviter les crises sur le plan du fonctionnement.
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Mohamed Charih et Réjean Landry
Quant aux divergences relatives à des problèmes importants, elles sont référées aux acteurs centraux de l’appareil judiciaire. La formation des gestionnaires publics est abordée dans la cinquième partie. Adrien Payette considère que les approches de formation exclusivement analytiques sont de plus en plus remises en question. Dans son chapitre, il expose une nouvelle expérience d’enseignement, Practicum, pour les gestionnaires en exercice. Marie-Michèle Guay complète cette partie sur la formation en effectuant une évaluation de l’expérience de Practicum. MarieMichèle Guay constate que l’expérience de Practicum a permis aux participants d’améliorer leur pratique de gestion et d’articuler avec cohérence les aspects professionnels et personnels de leur vie.
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Première partie
La recherche en administration publique
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La recherche en administration publique État de la situation Kenneth Kernaghan et Mohamed Charih
Les administrations publiques connaissent, partout à travers le monde, une remise en question de leur rôle, de leur mandat, de leurs champs d’intervention et de leur structure organisationnelle. Le Canada n’échappe pas à ce phénomène attribuable à plusieurs facteurs, notamment à la mondialisation, à la marge réduite d’intervention des pouvoirs publics, à la perte de confiance dans les institutions publiques, à l’émergence de nouveaux centres de pouvoir, à la révolution des technologies de l’information et à la crise des finances publiques. Devant ces nouvelles réalités, les organisations publiques canadiennes ont entrepris des réformes substantielles visant la redéfinition du rôle de l’État, la réduction du déficit, la révision des programmes sociaux (éducation, santé et aide sociale), la production et la prestation des programmes publics de qualité. De plus, des changements ont été apportés aux formes organisationnelles et aux modes de livraison des services publics tels que la commercialisation, la privatisation, les organismes de services spéciaux, etc. La recherche en administration publique peut jouer un rôle stratégique dans les réformes des organisations publiques et leurs programmes et services. En examinant les enjeux, grâce à des perspectives et des approches différentes, la recherche en administration publique permettra aux Canadiens de bien saisir les défis que doivent relever les administrations publiques, identifiera les nouvelles approches de gestion plus efficaces, analysera les conditions propices à leur utilisation et, en conséquence, mettra à la disposition des décideurs publics les données pertinentes à la prise de décision.
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Kenneth Kemaghan et Mohamed Charih
Si nous voulions que la recherche contribue de façon positive aux réformes des organisations publiques, il serait important d’examiner en premier lieu l’état actuel de la recherche en administration publique au Canada. Pour cette raison, l’Association canadienne des programmes en administration publique (ACPAP), l’École nationale d’administration publique (ENAP), l’Institut d’administration publique du Canada (IAPC), le Centre canadien de gestion (CCG) et l’Université de Regina ont organisé, les 24 et 25 mars 1996, à Ottawa une conférence nationale sur la recherche en administration publique. Cette conférence visait trois objectifs fondamentaux : 1.
Dresser et apprécier le bilan de la recherche en administration publique.
2.
Élaborer, en fonction de la conjoncture actuelle, un programme de recherche pour l’an 2000.
3.
Préciser les moyens nécessaires à la réalisation de cet agenda.
Sur invitation seulement, plus de 70 experts provenant des milieux universitaires, de la fonction publique, des gens d’affaires et des organismes socio-économiques ont participé aux travaux de la conférence. Pendant deux jours, les participants ont tenté de répondre aux questions suivantes : 1.
Est-ce que la recherche en administration et management publics au Canada s’est repositionnée par rapport aux changements que connaît le secteur public ?
2.
Est-ce que tous les volets importants sont couverts par la recherche actuelle ?
3.
Est-ce que la recherche effectuée, ou en cours, est de nature stratégique ?
4.
Est-ce que la recherche réalisée (ou en cours) est vulgarisée et communiquée aux décideurs publics ?
5.
Est-ce que nous disposons d’infrastructures adéquates à la recherche ?
6.
Quelles sont les sources de financement des projets de recherche et est-ce qu’elles sont satisfaisantes ?
7.
Est-ce que des chercheurs de talent et leurs relèves sont disponibles ?
8.
Est-ce que les différents intervenants en recherche et les organismes subventionnaires collaborent à la réalisation de projets de grande envergure ?
Ces huit questions ont fait l’objet de discussions au sein des ateliers sectoriels et généraux. Charih et Kemaghan, respectivement directeur et rapporteur de la conférence, ont rédigé le rapport final des délibérations1,
1.
Kenneth Kemaghan et Mohamed Charih (1996). Research in Public Administration : An Agenda for the Year 2000, ACPA, ENAP, IAPC, CCG et Université de Régina, octobre, 53 p.
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La recherche en administration publique
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duquel ce chapitre est extrait. Il est divisé en trois parties. L’état de la recherche en administration publique est traité dans la première partie et le programme de recherche pour l’avenir est exposé dans la deuxième. Le lecteur trouvera dans la troisième partie les conclusions et les recommandations qui ont découlé des travaux de la conférence.
L’état de la recherche en administration publique Il a fallu attendre le début du deuxième siècle de l’histoire du Canada pour que la recherche sur l’administration publique commence à s’épanouir, à la fois au regard du nombre de chercheurs et du volume de publications. Un article écrit en 1967 pour célébrer le dixième anniversaire de la revue Administration publique du Canada (APC) décrivait l’état de la recherche sur l’administration publique à cette époque comme embryonnaire2. Parmi les grandes lacunes, on citait « la documentation insatisfaisante, les fonds de recherche insuffisants, la difficulté d’accès aux documents gouvernementaux, les perspectives nouvelles de l’étude et de l’enseignement de l’administration publique et l’apport indispensable de domaines autres que la science politique3 ». Un article publié 15 ans plus tard, pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la revue APC, notait les importants progrès réalisés en vue de corriger certaines de ces lacunes et concluait que « les réalisations de la discipline, telles que mesurées par la recherche, les publications, les chercheurs et les écoles, ont dépassé celles de toutes les années précédentes combinées4 ». Près de quinze autres années sont passées et l’heure est venue pour nous de réévaluer l’état de la recherche sur l’administration publique — et de planifier l’avenir en établissant un programme de recherche. Notre conception du programme de recherche le plus pertinent devrait s’inspirer d’une vision de la société, de l’économie et de la vie politique au début du prochain siècle. Les présentations faites par les conférenciers d’ouverture de la conférence ont été très utiles à cet égard. Pour souligner avec plus de force l’importance de brosser le tableau du monde où évolueront les fonctionnaires d’ici une décennie, il est bon de se référer aux scénarios développés par le Groupe de travail fédéral sur l’avenir de la fonction publique. Ce groupe a élaboré quatre scénarios de conduite des
2.
Kenneth Kernaghan (1968). « An Overview of Public Administration in Canada Today., Administration publique du Canada, vol. 11, automne, p. 291-306.
3.
Ibid., p. 306.
4.
Kenneth Kernaghan (1982). « Canadian Public Administration : Progress and Prospects., Administration publique du Canada, vol. 25, hiver, p. 12.
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Kenneth Kemaghan et Mohamed Charih
affaires publiques tournés vers l’avenir comme « méthode pour favoriser et nourrir la réflexion stratégique, la planification et le dialogue5 ». Ces scénarios peuvent aussi bien s’appliquer aux administrations publiques provinciales que locales. Ils nous rappellent « que l’avenir n’est pas immuable, mais peut être façonné par les décisions et les gestes des personnes, des organisations et des institutions6 », y compris ceux et celles qui font de la recherche sur l’administration publique. Les scénarios nous rappellent aussi que les organisations publiques devront s’adapter, probablement plus vite qu’à l’heure actuelle, aux changements et aux défis soudains et imprévus — et que les chercheurs en administration publique devront s’adapter avec elles pour leur permettre de prendre les décisions les plus éclairées possible. Ces scénarios s’appuient sur les grandes forces auxquelles sont soumis tous les pays de l’OCDE — des forces qui nous sont familières, comme la mondialisation, le progrès technologique, les restrictions financières et les écarts par rapport au modèle bureaucratique de l’organisation. Ces scénarios ont imprégné les discussions à la conférence sur les huit grandes questions énoncées plus haut. Dans la présente section, nous examinons chaque question, à tour de rôle, pour jeter les bases d’un programme de recherche pour l’avenir. 1.
EST-CE QUE LA RECHERCHE EN ADMINISTRATION ET MANAGEMENT PUBLICS AU CANADA S’EST REPOSITIONNÉE PAR RAPPORT AUX CHANGEMENTS QUE CONNAÎT LE SECTEUR PUBLIC ?
Les changements en cours (ou déjà réalisés) impliquent un éventail impressionnant de réformes de politiques, de programmes, de structures et de processus. La portée et le rythme du changement semblent tous deux sans précédent, et, dans une certaine mesure, cette situation regrettable découle de l’incapacité du milieu de l’administration publique de réorienter ses activités de recherche. Elle est toutefois aussi, selon un participant à la conférence, « le résultat d’un changement rapide amenant la pratique à devancer la théorie ». Manifestement, le rythme du changement n’est pas sur le point de ralentir pour permettre aux théoriciens de le rattraper ! La majeure partie des Organismes de recherches sur l’administration publique (ORAP) ont cherché à réorienter leurs programmes de recherche
5.
Gouvernement du Canada, Groupe de travail sur l’avenir de la fonction publique, Les scénarios de gestion des affaires publiques, 30 avril 1996, p. 1. Le rapport complet, qu’on peut se procurer en s’adressant à la Commission de la fonction publique du Canada, contient non seulement les scénarios, mais aussi de l’information sur les motifs de leur élaboration, sur le processus suivi et sur la façon de s’en servir pour « favoriser le dialogue et la discussion stratégique et améliorer la prise de décisions ».
6.
Ibid.
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La recherche en administration publique
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pour suivre l’évolution actuelle et prévue du secteur public (par exemple, le programme de l’IPAC sur les modes alternatifs de prestation de services). Cette réorientation vise largement à répondre aux besoins pressants des membres et des bailleurs de fonds. Comme la majeure partie des fonds provient des gouvernements, répondre à leurs besoins fut l’une des principales considérations dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs programmes de recherche. Plusieurs chercheurs ont aussi tenté de repositionner leur recherche pour s’adapter aux changements en cours. Leur motivation réside en partie dans le défi intellectuel intrinsèque posé par de nouveaux secteurs d’intérêt et en partie par leurs liens étroits avec divers ORAP dont les programmes de recherche ont changé. Une autre influence notable est le fait que les gouvernements, pressés d’apporter des changements, se sont tournés vers les chercheurs universitaires pour obtenir de l’information, des idées et des intuitions dans divers secteurs de l’administration publique et de la politique publique. Il n’en demeure pas moins que le repositionnement de la recherche des ORAP, comme des divers chercheurs, est le fruit d’initiatives dispersées dans les divers segments du milieu de l’administration publique et des organismes subventionnaires. Dans certains secteurs, la recherche ne s’est pas repositionnée parce qu’elle ne s’était jamais vraiment positionnée au départ. On constate, par exemple, que la recherche sur l’administration publique dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l’éducation est malheureusement très peu développée7. 2.
EST-CE QUE TOUS LES VOLETS IMPORTANTS SONT COUVERTS PAR LA RECHERCHE ACTUELLE ?
On a de bonnes raisons de célébrer les réalisations actuelles du petit nombre de chercheurs en administration publique, mais on a aussi des motifs de déplorer tout ce qui reste à faire, et à améliorer. On a négligé d’importants aspects des changements en cours (par exemple, les avantages relatifs des modes alternatifs de prestation de services), et il faut améliorer la qualité de la recherche sur certains des aspects étudiés. Un inventaire de la recherche achevée et en cours juxtaposé au long programme de recherche contenu dans la prochaine section du présent rapport démontrera bien l’ampleur du défi. Il y a eu un changement d’accent, à la fois chez les ORAP et chez les chercheurs, au profit des questions de gestion et de la recherche appliquée. Si ce changement a été bénéfique pour certains décideurs gouverne-
7.
Une liste récente et assez complète de chercheurs en administration publique indique un total de huit chercheurs pour les trois domaines. Voir Jacques Bourgault (1995). Directory of Researchers in Public Administration, Toronto, Institut d’administration publique du Canada.
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Kenneth Kemaghan et Mohamed Charih
mentaux, il s’est réalisé au prix de la négligence relative de l’analyse et des avis en matière de politiques8. En outre, le cours à l’utilité risque de nous faire négliger des problèmes qui persistent dans l’administration publique et qui n’ont pas encore fait l’objet de recherches adéquates aux niveaux théorique, conceptuel, philosophique et normatif. Quelques chercheurs en administration publique ont bien rendu service en examinant les incidences de réformes effectives ou proposées sur les grands principes d’un gouvernement parlementaire (par exemple, les incidences de nouvelles formes d’organisation et de gestion sur la responsabilité ministérielle et sur celle des fonctionnaires). On a aussi effectué des recherches transnationales fort utiles ; mais il y a eu peu de recherches comparant l’administration publique d’une province ou d’une municipalité à une autre et entre les divers paliers d’administration publique. Déplorant la négligence relative de la recherche sur l’administration municipale, un participant à la conférence a noté que dans certains secteurs de la réforme de la fonction publique (par exemple, la prestation de services), les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent profiter de l’expérience des administrations locales. Les études comparatives de l’administration de la santé, des services sociaux et de l’éducation sont rares, et il y a eu peu de recherches comparant, par exemple, l’administration de la santé et des services sociaux, d’une part, et celle de l’éducation, d’autre part. 3.
EST-CE QUE LA RECHERCHE EFFECTUÉE (OU EN COURS) EST DE NATURE STRATÉGIQUE ?
La réponse à cette question dépend dans une large mesure de la définition donnée à « la recherche stratégique ». Le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC) a appris en gérant son programme de subventions stratégiques que non seulement cette expression fait l’objet d’interprétations diverses, mais encore que certains chercheurs s’opposent à l’affectation spécifique de fonds à la recherche stratégique, convaincus que le choix des thèmes de recherche est fortement influencé par le gouvernement et que la participation au programme entraîne une perte d’autonomie intellectuelle. Le CRSHC répond que « rien n’est plus loin de la vérité » que le fait de croire que la participation à son programme de recherche stratégique signifie que les chercheurs ne pourront pas adopter les points de vue qu’ils jugent les plus pertinents ou la théorie et la méthodologie qu’ils considèrent les plus appropriées. Les ORAP, ayant considérablement moins d’indépendance financière que le CRSHC, subissent de plus fortes pres-
8.
Pour un excellent rapport et d’excellentes recommandations dans ce secteur, voir Gouvernement du Canada, Renforcement des services d’élaboration des politiques, Rapport du Groupe de travail sur le Renforcement des services d’élaboration des politiques, 3 avril 1995.
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sions de la part de leurs bailleurs de fonds pour axer leurs activités de recherche sur les besoins de ceux-ci et leur garantir des publications de bonne qualité en retour de leur investissement financier. Le modèle du CRSHC propose que la recherche stratégique comporte les caractéristiques suivantes : –
elle sert les besoins de notre société (c’est-à-dire qu’elle porte sur des questions et problèmes nationaux importants ; elle est axée sur la solution de problèmes et les résultats de recherche sont intégrés à l’élaboration des politiques et au développement socio-économique) ;
–
elle sert les besoins du milieu de la recherche ;
−
elle implique une approche multidisciplinaire de collaboration ;
−
elle implique une interaction entre les disciplines ; entre les chercheurs universitaires ; entre les secteurs public et privé ; entre la recherche et les politiques.
Existe-t-il présentement une recherche sur l’administration publique répondant à toutes ces exigences ? Un examen des activités de recherche des ORAP et des subventions du CRSHC au cours de la dernière décennie indique que la réponse est non. Toutefois, certains chercheurs intéressés par l’administration publique ont participé aux programmes de recherche stratégique du CRSHC sur des thèmes comme la gestion de la compétitivité mondiale et l’éthique appliquée. Les activités de recherche de certains des ORAP satisfont à certaines exigences de la recherche stratégique. Considérons, par exemple, l’accent mis par le Centre canadien de gestion sur la satisfaction des besoins des sousministres et des autres hauts fonctionnaires avec des initiatives de recherche comme son projet sur les questions critiques de gestion dans l’examen des programmes. Considérons aussi les projets de l’IPAC sur la mesure de la performance et la prestation des services. Ces organismes semblent avoir conclu que les défis actuels et à venir appellent une recherche ciblée, axée sur la solution des problèmes. En même temps, ils sont sensibles à la nécessité de relier les problèmes concrets aux questions théoriques et conceptuelles comme les principes démocratiques et constitutionnels. Ils insistent sur la recherche appliquée, par opposition à la recherche fondamentale9. Il est remarquable, toutefois, que le CRSHC décrit la recherche thématique stratégique comme « une recherche fonda-
9.
S’il est souvent impossible de distinguer la recherche fondamentale de la recherche appliquée, la recherche fondamentale a habituellement trait à l’enquête portant sur les questions de base dans la poursuite de nouvelles connaissances, tandis que la recherche appliquée désigne la quête visant, à partir de l’état actuel des connaissances fondamentales, à tirer de celles-ci une utilisation pratique.
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mentale utilitaire ». La reconnaissance de la difficulté d’opérer une distinction nette entre la recherche fondamentale et appliquée se reflétait dans l’appel de certains participants à la conférence en faveur ((d’une recherche fondamentale pertinente » et d’une « théorie pratique ». Un chercheur universitaire a fait valoir10 qu’une façon efficace de promouvoir des connaissances cumulatives dans l’administration publique pourrait être de passer de la recherche accomplie par un chercheur isolé pour un seul petit projet, dans la perspective d’une seule discipline et avec un petit budget fourni par un seul organisme subventionnaire à un travail d’équipe pour un projet d’envergure, dans une perspective multidisciplinaire, avec un plus gros budget provenant d’un certain nombre d’organismes subventionnaires et d’autres organisations. 4.
EST-CE QUE LA RECHERCHE RÉALISÉE EST VULGARISÉE ET COMMUNIQUÉE AUX DÉCIDEURS PUBLICS ?
Les principaux moyens de communiquer nos résultats de recherche aux décideurs publics sont 1) les livres, les articles spécialisés, les articles de magazines et de journaux ; 2) les communications et présentations de conférences, de colloques et d’ateliers ; 3) les travaux de consultation pour le gouvernement (la recherche se reflétant dans les rapports présentés au gouvernement et les décisions de celui-ci) ; 4) les cours donnés aux fonctionnaires (par exemple, par le CCG, l’ENAP, divers ministères, les cours universitaires) et 5) les équipes d’étude formées d’universitaires et de praticiens (par exemple, l’IPAC, le CCG, 1’ENAP). Quelques chercheurs universitaires exploitent habilement les cinq types de communications, mais la plupart ne font aucun effort pour traduire leurs résultats de recherche en langage de tous les jours. Si les chercheurs ne sont pas tenus de vulgariser leur recherche pour présenter des articles professionnels et participer à des conférences, ils doivent souvent le faire pour être efficaces dans le travail de consultation, les cours sur place et les groupes d’étude. Certains participants à la conférence ont fait valoir que le volume de recherches sur l’administration publique est si faible qu’il ne vaut pas la peine de se préoccuper des meilleurs modes de communications. Par contre, d’autres ont fait valoir que les fonctionnaires suivent parfois des modes passagères et prennent des décisions fautives sans consulter la recherche universitaire pertinente parce que celle-ci n’est pas vulgarisée. La recherche et la publication conjointes par des universitaires et des praticiens aident à surmonter ce problème. 10. Réjean Landry, dans une communication après la conférence, avril 1996.
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Le CRSHC est sensible à l’importance de la diffusion des résultats de recherche à l’extérieur de l’université. Cela suppose que non seulement les chercheurs participant aux projets de recherche stratégique, mais aussi ceux qui reçoivent des subventions individuelles, expliquent comment leurs résultats de recherche seront communiqués au sein et à l’extérieur du milieu universitaire, et qu’une partie de leur subvention soit affectée à cette fin. Le milieu universitaire peut apprendre des syndicats de la fonction publique des façons de populariser les résultats de recherche en les vulgarisant. 5.
EST-CE QUE NOUS DISPOSONS D’INFRASTRUCTURES ADÉQUATES À LA RECHERCHE ?
Parmi les grandes composantes de l’infrastructure actuelle, citons : 1)
les organismes de recherche sur l’administration publique – par exemple, le CCG, l’IPAC, l’ENAP, l’Institut de recherches sur les politiques publiques, le KPMG Centre for Government ;
2)
les organismes de réflexion – par exemple, l’Institut C.D. Howe, le Fraser Institute, le Forum des politiques publiques, le Conference Board ;
3)
les syndicats de la fonction publique – par exemple, l’Alliance de la fonction publique du Canada, l’Institut professionnel de la fonction publique, le Syndicat canadien de la fonction publique ;
4)
les organismes subventionnaires – par exemple, le CRSHC, le FCAR (Fonds pour la formation et l’aide à la recherche) ;
5)
les fondations – par exemple, Donner, Ford ;
6)
les ministères et organismes publics à tous les paliers de l’administration publique ;
7)
les universités, collèges et écoles d’administration publique11.
L’infrastructure de recherche sur l’administration publique, au moins quant au nombre d’organisations servant les divers segments du milieu de l’administration publique, s’est quelque peu renforcée au cours des deux dernières décennies. Comme on l’a déjà mentionné, le défi n’est pas tant de renforcer cette infrastructure que d’accroître la taille du milieu universitaire et l’importance du soutien financier de sa recherche. On a besoin non pas de nouvelles organisations intéressées à la recherche sur l’administration publique mais de plus de collaboration (partenariats, alliances, etc.) entre les organisations existantes et au sein de celles-ci. Certaines ententes de collaboration (par exemple, entre l’IPAC et le CCG, l’IPAC et 1’ENAP et l’IPAC et l’IRPP) ont été très fructueuses,
11. Notez le nombre proportionnellement faible d’écoles et de programmes au Canada par comparaison avec les États-Unis.
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notamment quant aux séminaires, conférences et publications parrainés conjointement. Une plus grande collaboration pourra assurer une utilisation plus efficace des fonds limités. Il existe déjà de bonnes possibilités d’ententes de collaboration entre les ORAP et les organismes subventionnaires. En vertu du Programme d’initiatives conjointes du CRSHC, les programmes de recherche sont « conjointement définis et financés grâce à des ententes entre le CRSHC et des organismes privés, des organismes gouvernementaux ou des organismes communautaires ». Ces partenariats de recherche se situent au niveau des organisations, pas des chercheurs individuels, et visent à « créer des liens entre universitaires, praticiens et décideurs » pour aider à mettre au point « de nouvelles perspectives relativement à d’importantes questions et à d’importants problèmes nationaux ». 6.
QUELLES SONT LES SOURCES DE FINANCEMENT DES PROJETS DE RECHERCHE ET EST-CE QU’ELLES SONT SATISFAISANTES ?
Par suite de l’expansion de l’infrastructure de la recherche sur l’administration publique décrite ci-dessus, les sources de financement autres que le CRSHC se sont multipliées et les subventions sont devenues plus généreuses dans une certaine mesure au cours des deux dernières décennies. Et pour les chercheurs spécialisés dans les domaines pertinents, les commissions royales d’enquête et les groupes d’étude demeurent une source de fonds de recherche. Pour les chercheurs individuels engagés dans une recherche qui n’est pas d’un intérêt immédiat pour les ORAP ou les ministères et organismes gouvernementaux, le CRSHC est maintenant, et est susceptible de demeurer, la source principale de financement. Le financement du CRSHC est plus limité (plus difficile à obtenir) qu’il n’avait l’habitude de l’être. En fait, le CRSHC rejetterait maintenant des propositions de recherche de haute qualité qu’il avait coutume d’accepter. Plusieurs participants à la conférence ont mentionné que d’importantes recherches sur l’administration publique ne sont pas effectuées faute de fonds suffisants. En particulier, on s’est préoccupé du peu de soutien financier disponible pour la recherche qui n’est pas axée sur les besoins du gouvernement ou « l’orthodoxie courante ». Par exemple, les organisations syndicales ont de la difficulté à obtenir des subventions pour les recherches mettant en doute la sagesse traditionnelle concernant les conséquences sociales des décisions gouvernementales dans des secteurs comme la réforme du régime de pension et la réduction des effectifs. 7.
EST-CE QUE LES CHERCHEURS DE TALENT ET LEUR RELÈVE SONT DISPONIBLES ?
Par ailleurs, on s’inquiète beaucoup du fait que le nombre de chercheurs en administration publique est en voie de tomber en deçà de la masse critique. À l’extérieur du gouvernement, à quelques exceptions près, les chercheurs
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en administration publique sont des professeurs d’université à plein temps avec une charge complète d’enseignement. Ainsi, leur temps pour la recherche est assez limité et, compte tenu de l’accroissement des contraintes financières, on s’oriente plus vers un alourdissement que vers un allégement des responsabilités d’enseignement — peu importe le talent du chercheur ! En outre, le milieu des chercheurs dans le domaine de l’administration publique est assez restreint. Lors d’un colloque national de l’IPAC, en 1982, un participant a laissé entendre que le « noyau » de chercheurs en administration publique, c’est-à-dire de ceux qui avaient fait, et continuaient à faire, d’importantes contributions à la littérature, était d’environ 25 personnes. Certains observateurs pensent qu’on a des motifs de célébrer l’augmentation du nombre de chercheurs sérieux provenant d’une plus vaste gamme de disciplines, plutôt que surtout de la science politique. Mais d’autres font valoir que le nombre de chercheurs vraiment productifs a de fait diminué. Une liste récente de chercheurs en administration publique, dont la plupart sont des professeurs d’université, comprend près de 200 personnes (la liste n’inclut pas les chercheurs travaillant dans les ministères gouvernementaux). Cinquante-sept d’entre elles contribuent assez régulièrement à la littérature spécialisée, par opposition aux gens qui contribuent à l’occasion. Environ 39 % de ces 200 chercheurs étaient à l’emploi de départements de science politique. Trentetrois pour cent étaient employés dans des écoles d’administration publique, y compris l’ENAP et le CCG, et parmi eux figuraient un bon nombre de politologues. Le « noyau » de chercheurs en administration publique est très restreint et, en l’absence de nouvelles initiatives destinées à le grossir, il est peu susceptible de prendre beaucoup d’expansion au cours de la prochaine décennie. Les gains récents commencent à être annulés en partie par le départ à la retraite des chercheurs de la « deuxième vague » — ceux qui ont commencé leur carrière universitaire entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1970. Fait regrettable, il y a eu peu d’efforts consacrés spécifiquement par les ORAP, ou d’ailleurs par quiconque, pour former de jeunes chercheurs en administration publique. La tendance compréhensible à se fier à des chercheurs reconnus doit être équilibrée par des initiatives visant à positionner les jeunes chercheurs en tête des quatrième et cinquième vagues — ceux qui ont amorcé leur carrière au milieu des années 1980 et ceux qui viennent de la débuter. La pénurie de chercheurs est particulièrement regrettable dans la sphère de l’administration locale et régionale. Les défis et la turbulence engendrés par la récente réforme du secteur public ont suscité l’intérêt des chercheurs du milieu universitaire élargi (par exemple, ceux des domaines comme le droit administratif et les relations industrielles). Il nous faut trouver des façons de maintenir cet intérêt et
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d’attirer dans notre milieu de plus en plus de chercheurs dont l’intérêt principal en recherche n’est pas l’administration publique (par exemple, les chercheurs en sociologie, en théorie de l’organisation et en administration des affaires, et les politicologues spécialisés dans l’administration fédérale et la politique canadienne). Il nous faut reconnaître que le noyau de chercheurs en administration publique ne possède pas l’expertise dans tous les secteurs de recherche dont les gouvernements ont besoin (par exemple, la technologie de l’information, ou la gestion des services généraux où les chercheurs en administration générale ou en administration des affaires ont une expertise). 8.
EST-CE QUE LES DIFFÉRENTS INTERVENANTS EN RECHERCHE ET LES ORGANISMES SUBVENTIONNAIRES COLLABORENT À LA RÉALISATION DE PROJETS DE GRANDE ENVERGURE ?
Sauf pour cette conférence, il semble y avoir eu peu d’ententes de collaboration entre le CRSHC et les ORAP. Il y a, ou il y a eu, toutefois, plusieurs initiatives conjointes entre le CRSHC et divers ministères et organismes gouvernementaux – par exemple, un projet sur les Affaires autochtones avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord et un projet sur les questions de droit et les questions sociales avec le ministère de la Justice. Et, comme on l’a déjà noté, le CRSHC manifeste, par ses programmes de subventions stratégiques, un intérêt marqué pour l’élaboration d’ententes de collaboration avec des organismes du secteur public comme du secteur privé. Il semble y avoir des possibilités sous les auspices du CRSHC, à la fois pour les ORAP et les chercheurs, d’obtenir des fonds pour des projets de recherche à caractère stratégique menés en collaboration.
Un programme de recherche pour l’avenir Il aurait été facile pour les participants à la conférence d’élaborer un programme de recherche comprenant plusieurs centaines de points couvrant tous les aspects du domaine à approfondir. La mission de cette conférence, toutefois, était plus difficile : il fallait fournir un programme de recherche relativement court et axé sur les grandes questions découlant des changements actuels et prévus sur les plans économique, social et politique. Cette mission aurait été grandement facilitée par l’existence d’examens à jour des grands sous-domaines de l’administration publique. Les délibérations de la conférence ont produit le programme de recherche que nous présentons ci-après. Chaque grande question au programme est accompagnée d’au moins une interrogation particulière indiquant le type de question de recherche auquel nous devons trouver des réponses au cours des prochaines années. À noter que les questions ne sont pas énumérées par ordre d’importance et qu’il y a un certain chevauchement entre elles.
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Le programme de recherche 1.
Le rôle approprié de l’État et le rôle conséquent de la fonction publique. • Les réductions et abolitions de programmes, la restructuration et l’élimination d’organismes publics et les réductions de personnel conduisent-elles graduellement à un « État vidé de son contenu » ?
2.
Les incidences de la réforme administrative sur le gouvernement démocratique. • Y a-t-il danger d’un « déficit démocratique » si les pouvoirs décisionnels des fonctionnaires sont accrus vis-à-vis des politiciens ? • Y a-t-il un génie ennemi de la bureaucratie qui se développe chez les législateurs ? • Que faire pour réduire la désaffection des citoyens et restaurer la confiance du public envers le gouvernement ?
3.
L’effet de la réforme administrative sur des principes et conventions constitutionnels, comme la responsabilité ministérielle et la neutralité politique, et sur des valeurs de la fonction publique comme la responsabilisation, l’intégrité et l’équité. • Assiste-t-on à un changement marquant dans les relations entre les politiciens et les fonctionnaires, notamment entre les ministres et les sous-ministres ? • Les dirigeants de la fonction publique prêchent-ils par l’exemple quant au respect des valeurs ?
4.
L’applicabilité du nouveau management public (NMP). • Quelles sont ses incidences politiques ? • Quelles sont les questions de conception et de valeurs sous-tendues dans la séparation des politiques et des opérations ? • Y a-t-il des modèles de rechange au NMP ?
5.
Les conséquences sociales des changements apportés aux politiques et aux programmes. • Quel est l’effet de la réduction des effectifs sur la prestation des services ? • Quelles sont les incidences de la réduction des effectifs sur l’équilibre de la représentation des hommes et des femmes ?
6.
La ligne de démarcation plus floue entre les secteurs public et privé et la tendance prévue à une plus grande mobilité des employés d’un secteur à l’autre. • Quel devrait être le rôle relatif des secteurs public et privé dans la prestation des services de santé ? • La circulation rapide d’employés entre les deux secteurs sapera-t-elle les valeurs traditionnelles de la fonction publique ?
7.
Les différences entre l’administration publique et privée.
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Kenneth Kemaghan et Mohamed Charih • Quel est le rôle éventuel du « troisième secteur » ou des organismes bénévoles ?
8.
Les perspectives d’une carrière professionnelle dans la fonction publique. • Quelles sont les nouvelles conditions d’emploi dans la fonction publique et leurs ramifications ? • Comment attirer et retenir les meilleurs candidats ?
9.
Les incidences sur les relations intergouvernementales des nouvelles approches de l’organisation et de la gestion. • Peut-on promouvoir des relations plus harmonieuses par des mécanismes comme des partenariats et des sociétés fédéralesprovinciales ?
10. La nécessité de promouvoir l’horizontalité en « gérant à travers les champs de compétence plutôt que dans des directions opposées ». • Comment concilier la tension entre la nécessité de l’horizontalité et le mouvement vers la fragmentation organisationnelle ? 11. L’effet du progrès rapide et continu dans les technologies de l’information et des communications sur presque tous les aspects de l’administration publique. • Comment peut-on assurer aux citoyens que les renseignements personnels contenus dans les banques de données gouvernementales seront tenus confidentiels ? 12. La capacité adéquate d’élaboration de politiques des gouvernements. • Comment réaliser une collaboration horizontale efficace entre les ministères ? • Comment renforcer le travail fédéral-provincial d’élaboration de politiques stratégiques ? 13. La gestion des questions de diversité au gouvernement. • Pourquoi les femmes fonctionnaires décrivent-elles encore la question des sexes en parlant de « deux solitudes » ? • Que savons-nous des différentes conceptions des nouveaux immigrants au sujet des services de santé ? 14. Les questions méthodologiques dans la recherche sur l’administration publique. • Laquelle des approches classiques12 est la plus couramment utilisée ? • Quelles sont les autres méthodes utilisées ou qui devraient l’être ? 12. Celles-ci comprennent des études de cas, des entrevues, des relevés de mesures inaperçues, l’observation des participants et des enquêtes. Voir Samuel Yeager (1989). « Classic Methods in Public Administration Research », dans Jack Rabin, W. Bartley Hildreth et Gerald J. Miller (dir.), Handbook of Public Administration, New York, Marcel Dekker, p. 683-793.
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• Quelles sont les méthodes les plus valides ou fiables pour la recherche appliquée en administration publique ? • Certaines méthodes sont-elles préférables pour étudier des questions ou domaines de politiques particuliers ? • Quelles sont les vertus et les limites de la recherche sur les meilleures pratiques de gestion ? • Qui fait la recherche sur les « pires » pratiques en « procédant aux autopsies » ? 15. Les questions pédagogiques en administration publique. • Quels sont les avantages relatifs et les limites de diverses approches de l’enseignement et de l’apprentissage dans l’administration publique ? • Quelles méthodes fonctionnent le mieux pour l’enseignement universitaire et lesquelles donnent les meilleurs résultats pour la formation sur place ? 16. Les avantages relatifs des modes alternatifs de prestation de programmes qui englobent une grande diversité de formes organisationnelles et approches de gestion (par exemple, les OSS, les organismes de services, la privatisation, la sous-traitance, les frais d’utilisateurs). • Quelle est la réponse à la Question sur les autres modes de prestation des services ? • Qu’est-ce qui donne de bons résultats, où et pourquoi ? • Quels mécanismes, approches ou modèles sont disponibles ? • Lesquels donnent de bons résultats, et lesquels donnent de meilleurs résultats ? • Selon quels critères devrions-nous évaluer le mérite relatif de ces mécanismes ? L’efficience ? L’efficacité ? La souplesse ? La responsabilisation ? • Où donnent-ils de bons résultats ? Dans quels secteurs ou domaines de politique ? • Pourquoi fonctionnent-ils bien13 ? Les participants à la conférence ne se sont pas vraiment entendus sur les points du programme à considérer en priorité. Toutefois, un participant a rapproché la conférence d’un consensus en suggérant de poser deux grandes questions sur les projets de recherche : 1) « La recherche contribue-telle au développement de nouvelles perspectives théoriques ? » et 2) « La recherche informe-t-elle la pratique de gestion ? » On a émis une opinion
13. Le fait de poser ces questions devrait nous faire prendre vivement conscience du peu que nous savons sur les mécanismes largement adoptés par les gouvernements. Nous avons progressivement moins de données sur 1) la fréquence globale du recours à ces mécanismes, 2) la fréquence de leur utilisation dans des secteurs de politique précis, 3) leur taux de succès et 4) les raisons de leur succès ou de leur échec.
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analogue quant à la focalisation de la recherche sur « des questions d’un niveau plus élevé » et « des considérations de gestion pratiques ». Quand les participants à la conférence ont évalué le programme de recherche à la lumière de ces considérations, on s’est largement entendu sur la nécessité d’accorder la priorité à deux grands groupes de questions, et à leurs rapports réciproques. Le premier groupe contient les incidences sur le gouvernement démocratique, pour toutes les sphères du gouvernement canadien et pour les divers domaines de politique, dont la santé, les services sociaux et l’éducation. Le second groupe contient les nombreuses questions découlant de l’interrogation sur les nouvelles perspectives en matière d’organisation, de gestion et d’exécution. Qu’est-ce qui donne de bons résultats ? Où et pourquoi ?
Conclusions et recommandations Comment nous assurer de la réalisation du programme de recherche exposé cidessus ? Plusieurs recommandations d’action sont implicites dans les réponses données aux huit questions considérées antérieurement dans le présent rapport. 1.
Les organisations et chercheurs qui s’intéressent à l’administration publique doivent repositionner plus activement leur recherche pour s’adapter à l’évolution actuelle et prévue du secteur public. Le repositionnement qui a eu lieu a suscité des initiatives plutôt dispersées de la part des divers intervenants du milieu de l’administration publique et des organismes subventionnaires.
2.
Il n’y a pas eu assez de recherche appliquée sur d’importants aspects des changements en cours. En outre, cette recherche appliquée doit être complétée par une recherche fondamentale théorique et normative, et par des études comparatives entre tous les paliers d’administration publique et tous les domaines de politiques.
3.
Une faible proportion de la recherche effectuée en administration publique répond aux exigences de la « recherche stratégique » selon la définition donnée à cette expression par le CRSHC.
4.
Une faible proportion de la recherche sur l’administration publique a été vulgarisée et communiquée aux décideurs publics. Les fonctionnaires prennent parfois d’importantes décisions sans consulter la recherche universitaire pertinente parce que cette recherche n’est pas vulgarisée.
5.
L’infrastructure de la recherche sur l’administration publique, au moins quant au nombre d’organisations servant les divers segments du milieu de l’administration publique, a été modestement renforcée au cours des deux dernières décennies. On n’a pas besoin de nouvelles
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organisations intéressées par la recherche sur l’administration publique, mais d’une plus grande collaboration entre les organisations existantes. 6.
Des recherches importantes sur l’administration publique n’ont pas été réalisées faute de fonds suffisants. Pour les chercheurs engagés individuellement dans une recherche ne suscitant pas un intérêt immédiat chez les organismes de recherche ou les ministères et organismes gouvernementaux, le CRSHC est maintenant, et est susceptible de demeurer, la principale source de financement.
7.
Le milieu de l’administration publique est près de glisser en bas de la masse critique de chercheurs de talent requis pour soutenir l’effort de recherche actuel. Il nous faut attirer, pour des projets de recherche multidisciplinaire menés en collaboration, des chercheurs provenant d’autres disciplines, dont la recherche porte sur le secteur public. Si le manque de fonds pour les chercheurs freine la recherche, le financement en l’absence d’un nombre suffisant de chercheurs rend les progrès peu probables.
8.
Il y a eu peu d’ententes de collaboration entre le CRSHC et les organisations de recherche sur l’administration publique. Et pourtant, la meilleure façon d’aborder une large part du programme de recherche exposé ci-dessus est une recherche stratégique impliquant la collaboration entre ces organisations, avec le CRSHC comme principale source de financement.
© 1997 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré : La gestion publique sous le microscope, Mohamed Charih et Réjean Landry (dir.), ISBN 2-7605-0947-8 • SA947N Tous droits de reproduction, de traduction ou d’adaptation réservés
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Deuxième partie
Les réformes administratives
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Les réformes administratives et la philosophie de gestion André Gagné
Introduction Les transformations technologiques, économiques, sociales, politiques et internationales des dernières décennies ont entraîné une réflexion et un débat concernant le rôle de l’État. Compte tenu du contexte de reconception, de reconfiguration, de réorganisation, de restructuration, de réingénierie des fonctions et des processus de production et de prestation des services publics, et de renouveau de la gestion publique, nous devons remettre en cause les modalités de structuration et de fonctionnement qui ont été prépondérantes au cours du dernier quart de siècle. Afin de fixer les idées sur la situation actuelle et de préciser d’où nous venons pour mieux comprendre où nous en sommes, et pour mieux traiter les perspectives de cheminement dans un proche avenir, il apparaît utile de faire l’examen de l’évolution des expériences de réforme administrative au cours des trente dernières années et d’en dégager les enseignements. Nous considérons le cas du mouvement de réforme administrative de l’administration québécoise. Nous nous plaçons dans la perspective de l’administration générale et non fonctionnelle, et du développement d’un système de gestion d’ensemble pour fins de gestion gouvernementale. Nous retenons une macroperspective de l’évolution de la gestion publique. Nous nous interrogeons sur ce que nous pouvons penser après trente ans d’expériences de modernisation de la gestion sous l’influence du courant de pensée rationalisant et de la dynamique politique. On peut se demander dans quelle mesure il est raisonnable de penser que nous retournons à la case départ avec, cependant, la ferme intention et la volonté de préciser
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André Gagné
un mode de fonctionnement compatible avec l’esprit du modèle de gestion que nous voulons instaurer afin de relever les défis de l’organisation des fonctions collectives. Au total, il semblerait qu’il n’y a rien de fondamentalement nouveau en ce qui a trait au modèle de gestion de référence. L’insertion d’un nouvel état d’esprit est plutôt lent, les mesures prises portant principalement sur les processus et les structures. L’examen de l’expérience de réforme de l’administration québécoise est fait à partir de la revue de documents administratifs, de communications d’intervenants et d’entrevues avec des personnes-ressources de la fonction publique. Pour présenter les résultats de notre étude exploratoire, nous traiterons les points suivants : −
les expériences de réformes administratives ;
−
l’évolution de la pensée en gestion et les réformes administratives ;
−
les enseignements des expériences de réforme administrative ;
−
le virage de la gestion publique et la philosophie de gestion qui en constitue le support : nous acheminerions-nous vers une « nouvelle » éthique administrative ?
Les expériences de réformes administratives Pour faire le point sur les expériences de réforme administrative reliées à la perspective que nous privilégions, nous pouvons faire un découpage en trois périodes correspondant à autant de décennies : les périodes 1965-1975, 19761985 et 1986-1995. Ce découpage nous servira de cadre de référence pour dégager les temps forts et les principaux jalons de l’expérience. Nous aurons alors une base de référence pour prendre acte des enseignements de l’expérience. La période 1965-1975 La première période, couvrant les années 1965-1975, est celle du développement et de la tentative de mise en place d’un système de gestion d’ensemble. Elle se situe dans la foulée des travaux du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec en ce qui a trait au souci d’insertion de l’analyse et de plus de rigueur dans la gestion des interventions, et des premiers balbutiements de la gestion des ressources humaines, matérielles, physiques et financières dans le cadre d’une démarche de professionnalisation de la fonction publique. Cette période est caractérisée par la mise en place de mécanismes et de structures. Nous nous référons en particulier à la création d’unités administratives et à l’expérimentation de processus d’analyse, de planification et d’élaboration de politiques et de programmes d’intervention, ainsi que de processus d’allocation des ressources, de programmation des interventions, d’exécution et de suivi des conséquences des
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Les réformes administratives et la philosophie de gestion
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interventions. On veut se donner des instruments permettant d’assurer l’articulation de la réflexion et de l’action, compte tenu de la préoccupation pour la coordination et l’harmonisation des actions (OPDQ, 1967, 1969 et 1970 ; Gouvernement du Québec, Étude Mineau). À la suite de l’extension du rôle du gouvernement et du développement de politiques et de programmes devant lui permettre d’assumer de nouveaux mandats d’agent de développement socio-économique dans un contexte plus interventionniste, il apparaissait pertinent d’adapter l’appareil administratif pour répondre aux nouvelles orientations et aux nouveaux besoins dans de meilleures conditions. Ce fut alors l’annonce d’un mouvement de réforme administrative. Pour l’essentiel, des mesures ont été prises, d’une part, pour renforcer l’action des organismes centraux après avoir révisé leur mandat et leur rôle et, d’autre part, pour mettre en place le cadre organisationnel des ministères responsables de la gestion des politiques sectorielles. De plus, afin d’assurer une présence administrative sur le territoire, nous notons l’amorce de la mise en place de « points de services », compte tenu du nouveau découpage du Québec en régions administratives. Au passage, il est intéressant de noter que, dès le début du mouvement de réforme administrative, on considérait les aspects sectoriels et territoriaux afin de vérifier, en principe à tout le moins, la compatibilité des mesures d’intervention en ce qui a trait aux dimensions sectorielle et territoriale. Bref, ce début de modernisation de l’administration publique québécoise visait à doter le Québec d’instruments essentiels à son développement économique et social, à mettre en place des services de base à la population dans les domaines de l’éducation, de la santé, des services sociaux, entre autres, et à ériger les infrastructures de base sur l’ensemble du territoire pour en faciliter l’occupation. Le courant rationalisant qui sous-tend ces développements s’est principalement manifesté entre 1970 et 1975 par le développement et la mise en place d’un système de gestion qui prit la forme du Système de planification – programmation et budgétisation (Système PPB). Ce nouveau cadre de gestion a été utilisé pour éclairer, en partie, les politiques et les programmes de développement économique dans des secteurs de la mission économique, tels que la forêt, le transport et l’énergie. Il constituait un changement radical, en principe, de philosophie de gestion. Il devait permettre le passage d’une gestion de moyens à une gestion de résultats (Conseil du Trésor, 1971). Afin d’améliorer les chances d’application de l’idée de gestion intégrée qui était sous-tendue par le nouveau système de gestion devant encadrer la perspective d’administration générale, des comités permanents
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furent créés sur la base des missions gouvernementales et rattachés au Conseil exécutif. Ce faisant, on voulait favoriser la coordination des orientations et des interventions des ministères et des organismes sectoriels afin d’assurer la cohérence et la cohésion des actes et des gestes. En somme, on recherchait une prise en compte formelle de la perspective horizontale pour intégrer les perspectives verticales correspondant aux mandats sectoriels et spécialisés des ministères et organismes. Au fil des ans, et en particulier au cours de la dernière décennie, la diversité, l’ampleur et la complexité des interventions s’étaient développées. Un groupe limité de quelques personnes ne pouvait tout gérer ni continuer d’appliquer une approche globale globalisante. La période 1976-1985 La deuxième décennie que nous considérons, celle couvrant la période 19761985, est caractérisée par le souci d’élaborer un projet de société pour le Québec qui toucherait tous les secteurs d’activités. Il s’agit d’une approche prenant davantage appui sur la concertation des partenaires socio-économiques, tels que les agents des secteurs privé, public et des organismes communautaires. Ces préoccupations ont été gérées dans un contexte où l’on souhaitait renforcer la coordination des politiques et des programmes sectoriels et ministériels. À cette fin, des mesures ont été prises pour consolider les comités ministériels du Conseil exécutif pour mieux cerner la perspective globale et d’ensemble au moment de la préparation des choix. Elles ont été articulées autour de la création de ministères d’État qui complétaient la structure de coordination centrale existante. À cette influence, il faut ajouter celle de la crise économique et de la crise constitutionnelle de la première moitié des années 1980. Au cours de cette période, nous observons plus particulièrement un changement de perspective qui se manifeste par le passage d’une approche par le haut et globale à une approche par le bas plus atomisée. De plus, l’intérêt pour la régionalisation se développe : des réflexions sont réalisées d’une manière plus systématique et des mesures sont prises afin d’encadrer la déconcentration et la décentralisation. Finalement, le contrôle budgétaire traditionnel attira davantage l’attention dans un contexte où les contraintes économiques et financières se manifestent avec plus d’intensité. Au milieu des années 1970, on assiste à un changement majeur de la philosophie générale de gestion. Dans l’administration québécoise, on passe d’une approche par le haut à une approche par le bas en ce qui a trait à la gestion des politiques sectorielles. L’approche globale globalisante en vertu de laquelle les interventions dans les différents secteurs d’activités étaient élaborées, exécutées et contrôlées au moyen d’un cadre de gestion centralisé
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était en partie remise en cause. Se préoccupant davantage des contextes et des particularités de mise en oeuvre des politiques et des programmes, une approche de gestion par le bas commençait à attirer de plus en plus l’attention. La complexité et l’incertitude des facteurs de l’environnement incitaient à une plus grande ouverture, à un échange de points de vue avec les personnes et les groupes concernés par la pertinence et les résultats des interventions. C’était le début de l’application de l’idée de la prise en charge par les individus et les groupes de la mise en valeur des dynamismes locaux et régionaux et du développement des communautés afin d’avoir un impact significatif sur les conditions de vie. Nous passons donc d’une approche de gestion globale véhiculée par le système de gestion mis en place au début des années 1970, à une approche de gestion par projet pour sortir de l’impasse devant laquelle l’analyse et la planification des politiques et des programmes des années 1960 nous avaient placés. Nous sommes en présence du mouvement de balancier qui a tendance à nous faire passer d’un extrême à un autre. Le nouveau souci d’une plus grande participation et implication de la population et des partenaires socioéconomiques s’est traduit par l’organisation de sommets généraux, sectoriels et régionaux. Il s’agissait d’une réaction à la perte de confiance de la population en la capacité du secteur public de jouer un rôle direct dans le développement économique et social. Cette réaction s’expliquait par un certain désenchantement face aux résultats des interventions gouvernementales des quinze dernières années. Au milieu des années 1970, une amorce de changement fondamental d’approche s’est signalée par une réflexion et des mesures en vue d’une plus grande régionalisation des interventions gouvernementales. Cet intérêt pour la régionalisation, qui était d’ailleurs présent en tant que fondement du système de gestion intégrée, progressivement mis en place au début des années 1970, rappelons-le, s’est manifesté de deux façons : la déconcentration administrative et la décentralisation de l’autorité et de la responsabilité des choix et des actions. C’est également au cours de la période 1976-1985 que l’intérêt pour le suivi des conséquences des interventions s’est manifesté de manière de plus en plus intense à la suite d’un questionnement relatif aux conséquences de la mise en oeuvre des politiques et des programmes. Ce souci s’est traduit, à la fin des années 1970, par un renforcement du contrôle budgétaire traditionnel qui mettait l’accent sur l’acquisition et l’utilisation des ressources dans une perspective de gestion des moyens (Conseil du Trésor, 1976, 1977, 1978 et 1979).
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La période 1986-1995 Au cours de la période 1986-1995, outre le dossier constitutionnel et la discussion du statut politique du Québec, l’attention a été concentrée sur deux préoccupations dominantes : la création d’emploi par le développement économique et l’assainissement des finances publiques. La première partie de cette période a été influencée par trois rapports qui ont alimenté les discussions relatives à la gestion publique, soit les rapports Gobeil, Scowen et Fortier sur les fonctions gouvernementales, la déréglementation et la privatisation. À la même époque, entre 1986-1989, il a également été question d’un projet de rénovation de l’administration publique québécoise. On s’interrogeait sur la nature et la portée, ainsi que les conditions et les exigences d’un renouveau de la gestion publique qui influencerait le style de gestion, les mécanismes et les méthodes. C’était la reprise et la réanimation d’un « vieux » dossier en vue de mettre en place la gestion des résultats et l’application du principe de reddition de comptes. On envisageait la possibilité de réaliser un virage important du style de gestion afin de mettre l’accent non seulement sur les moyens et les activités, mais également sur les productions gouvernementales et leurs répercussions. Il était alors question d’une gestion moins introvertie dans la tradition bureaucratique et plus extravertie dans la perspective d’une gestion stratégique. Les orientations et les actions visaient l’amélioration du service à la clientèle, l’accroissement de la productivité, le développement de la gestion des ressources humaines, l’évaluation de programme et l’imputabilité. On retrouve des traces de cette intention dans les travaux concernant les politiques de santé et de services sociaux, de la main-d’œuvre, du développement économique, des richesses naturelles, de la culture et du développement régional, entre autres (Conseil du Trésor, 1987). Une quinzaine d’années plus tard, nous en sommes à la deuxième génération de schémas. Toutefois, des tentatives ont été faites pour élargir les préoccupations et décentraliser davantage les questions relatives au développement économique et social. Nous pensons, entre autres, à la nouvelle politique de développement régional dans le cadre de la réforme Picotte et de la mise en place des régies régionales de santé et de services sociaux. Une deuxième phase de décentralisation est en cours. Il faut voir à l’expérience si nous allons assister à une réelle décentralisation. Compte tenu du déséquilibre des finances publiques et de la nécessité de gérer les nouvelles contraintes budgétaires, l’accent fut mis sur la consolidation des services existants et la stabilisation de la part des dépenses publiques dans l’économie. Cette évolution a débouché dans les années
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1990 sur l’opération de réalignement de l’administration publique (Conseil du Trésor, 1995 : 4-6 ; Conseil exécutif, 1993). Cette opération de réalignement de l’administration publique se situe dans un contexte influencé par quatre questions majeures : la nature et la portée des fonctions fondamentales du gouvernement quand les services aux citoyens sont privilégiés, les pièges associés aux tâches de réalisation et de mise en œuvre qui mobilisent l’attention et les énergies au détriment de la conception et du suivi des conséquences des interventions, le caractère structuré et spécialisé de l’administration publique qui entraîne des lourdeurs et des lenteurs freinant la créativité et l’innovation, et la contribution des organismes publics à la gestion des conséquences de la situation économique et financière (Conseil du Trésor, 1994). Le réalignement de l’administration publique est une réponse à l’intention de revoir l’organisation et le fonctionnement des unités administratives en vue d’améliorer la productivité, l’efficacité et l’équité des services publics, dans un contexte d’une situation budgétaire tendue et dans la foulée des travaux de la commission parlementaire relative aux orientations fiscales et budgétaires et aux recommandations découlant des groupes de travail Arpin, Gobeil, Morin et Poulin, entre autres. Le réalignement de l’administration publique est en outre une démarche globale d’amélioration susceptible de renforcer le processus et le système de gestion. C’est l’occasion de consolider les efforts déployés depuis le milieu des années 1980 et de leur donner une cohérence globale dans la perspective de la gestion intégrée. Il repose sur le souci de mettre en place le plus vite possible un train de mesures coordonnées afin d’accélérer le processus de reconception et de reconfiguration de l’appareil administratif pour adapter le mode de pensée et les façons de faire (Conseil du Trésor, 1993, 1994 et 1995).
Les enseignements des expériences de réforme administrative Les enseignements des expériences de réforme administrative peuvent être articulés autour de six points : 1)
la relation entre les besoins de la population et la capacité de les satisfaire ;
2)
l’articulation de la conception et de la mise en œuvre des éléments de réforme administrative ;
3)
la dichotomie entre les aspects politiques et administratifs ;
4)
la relation entre les dimensions sectorielles et territoriales ;
5)
le caractère discontinu du mouvement de réforme administrative ;
6)
la stratégie encadrant les expériences de réforme administrative.
34 1.
André Gagné LA RELATION ENTRE LES BESOINS DE LA POPULATION ET LA CAPACITÉ DE LES SATISFAIRE
L’évolution des réformes administratives met en évidence la transformation de la dynamique des choix et des finances publiques. On sait que tout citoyencontribuable exerce des pressions sur la demande de produits gouvernementaux pour répondre à ses besoins et à ses attentes, mais est peu enclin à en assurer le financement en exprimant directement et clairement ses préférences, en espérant que ses concitoyens le feront pour lui. Le phénomène de la médiation exercée par les instances politiques, associée à l’expression indirecte des goûts et des préférences de la population, ne favorisent pas l’articulation des besoins de la population et la capacité d’y répondre dans des conditions satisfaisantes, ni la détermination de la compatibilité entre les ressources disponibles et les emplois de ces ressources pour offrir des biens et des services. Quand nous considérons le développement du rôle et des interventions du gouvernement dans ce contexte, nous constatons qu’entre 1960 et 1980, on se trouvait dans une période au cours de laquelle des produits étaient développés au moyen de politiques et de programmes. Depuis 1980, même si de nouveaux produits gouvernementaux ont été offerts, nous sommes dans une période qui met l’accent de plus en plus sur la capacité de répondre aux besoins. Plus particulièrement depuis la fin des années 1980, la dynamique semble inversée. On se préoccupe d’abord de la capacité de financer les produits gouvernementaux en se donnant un cadre financier serré ou, à tout le moins, relativement plus contraignant. Elle détermine le contexte des compressions et de la réallocation des ressources. Les besoins à satisfaire sont donc établis en tenant compte des plafonds de dépenses et des priorités, la réponse aux besoins est modifiée selon la capacité de la société et la gratuité des services prend un autre sens. Enfin, la relation Revenus — Dépenses dans la gestion publique devient moins élastique en raison du souci d’appliquer l’idée de financement à enveloppe fermée et de limiter le plus possible le recours au budget supplémentaire. 1.
L’ARTICULATION DE LA CONCEPTION ET DE LA MISE EN ŒUVRE DES ÉLÉMENTS DE RÉFORME ADMINISTRATIVE
La deuxième observation que nous dégageons de l’expérience de l’administration québécoise concerne la difficile articulation et intégration de la conception et de la mise en œuvre de toute politique, y compris une politique administrative. En ce qui a trait à la relation entre la conception et la mise en œuvre, nous constatons que l’initiative et la conception des propositions de réforme administrative émanent des organismes administratifs centraux tels que 1’OPDQ (Office de planification et de développement du
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Québec), le Conseil du Trésor et le Conseil exécutif. Les différents moments de la réforme administrative étaient en quelque sorte téléguidés à partir de la direction centrale en vue de l’application globale et généralisée des mécanismes et des méthodes. Dans le cadre de l’expérimentation et de projets pilotes, les gestionnaires de programmes et les gestionnaires des ministères, comme les professionnels d’ailleurs, étaient plus directement liés à la démarche et aux travaux. Par contre, dans le cadre de la généralisation de l’utilisation des mécanismes et des méthodes, la conception des éléments de la réforme administrative était surtout l’affaire de la direction centrale. Il y avait « ceux qui pensaient » et « ceux qui agissaient ». La mise en œuvre des éléments de la réforme administrative reposait alors sur deux hypothèses : la première concernait la capacité de dégager une réponse technique et scientifique à l’amélioration de la gestion ; la seconde postulait une adaptation automatique et spontanée des propositions découlant d’une réflexion et d’une analyse purement techniques et scientifiques. La réalité mérite d’être plus nuancée. En effet, en particulier au cours de la période 1970-1990, nous notons une tendance à vider les processus et les méthodes proposés de leur substance. Ce constat peut être illustré par l’examen des tentatives de développement de systèmes d’indicateurs de résultats, soit de produits et d’effets de programme, au moment de la mise en place du nouveau système de gestion au début des années 1970, du développement de l’infrastructure des activités des programmes à la fin des années 1970 et des travaux en vue d’améliorer la productivité des interventions au milieu des années 1980. 3.
LA DICHOTOMIE ENTRE LES ASPECTS POLITIQUES ET ADMINISTRATIFS
Quant à la dichotomie entre les aspects politiques et administratifs, elle met en évidence le partage de la responsabilité et de l’autorité dans un système parlementaire de type britannique et dans un système de gouvernement par Cabinet. Les contraintes à ce partage se manifestent, entre autres, sur le plan de la délégation de l’autorité qui est réalisée dans un cadre de responsabilité et de solidarité ministérielles. Étant donné que la responsabilité ultime des actes et des gestes administratifs ne peut être déléguée, il y a une tendance à la concentration et à la centralisation de l’autorité décisionnelle, tant en ce qui a trait aux orientations qu’aux opérations. Ces observations nous aident à comprendre la difficulté de traduire dans la réalité de la gestion courante l’intention d’alléger les contrôles administratifs centraux pour donner plus d’autonomie de gestion et une plus grande marge de manœuvre aux responsables de programmes. Les tentatives passées n’ont pas réellement décollé. Toutefois, la tentative en cours d’assouplissement des contrôles administratifs semble avoir de meilleures
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André Gagné
chances de produire des résultats plus significatifs dans le cadre de la mise en place d’un système de gestion axé sur les résultats et l’imputabilité. De plus, il apparaît pertinent de clarifier la nature et la portée de la notion de résultat. Il n’est pas évident que tous les acteurs, tant sur les plans politique et administratif qu’au sein de la population, en ont la même perception. En somme, c’est quoi l’obligation de résultat ? Il importe donc de mieux cerner les types et les niveaux de résultats. Quand nous parlons de résultats, faisons-nous référence aux effets réels socio-économiques, au développement, à la survie et à la croissance de l’organisme concerné, ou à la satisfaction de la population et du contribuable ? Il faut également préciser s’il s’agit de résultats immédiats, intermédiaires et ultimes. La clarification de la nature et de la portée de la notion de résultat est d’autant plus importante que nous avons souvent tendance à confondre activité et résultat. 4.
LA RELATION ENTRE LES DIMENSIONS SECTORIELLES ET TERRITORIALES
L’examen de la notion de résultat, dans le cadre d’un système de gestion axé sur l’obligation de résultat, soulève également la question de la relation entre les dimensions sectorielle et territoriale. L’approche sectorielle traditionnelle, qui met l’accent sur les moyens d’action, les activités et les manières de faire, constitue-t-elle la base la plus pertinente pour gérer en fonction des résultats ? Permet-elle de mieux répondre aux besoins de la population et de s’adapter plus rapidement aux conditions locales et aux particularités de communautés spécifiques ? Dans la perspective de la gestion par résultats, la prise en compte des effets directs et indirects, entre autres, des interventions, apparaît essentielle. Nous sommes alors incités à considérer les phénomènes de complémentarité et d’interdépendance entre les actions dans différents champs d’intervention. L’expérience passée enseigne que le rôle nettement dominant de la dimension sectorielle a plutôt favorisé une approche fragmentée et cloisonnée. Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure une insertion plus systématique de la perspective territoriale, à tous les niveaux de décision, contribuerait à renforcer la cohérence et la coordination des interventions. Le territoire constitue un point de référence susceptible d’élargir la base du cadre de gestion pour mieux mettre en évidence les effets d’intersectorialité au cours des phases d’élaboration, de mise en oeuvre et de suivi des conséquences des interventions. Il peut être utilisé à titre de structure d’accueil pour l’examen et la discussion de la compatibilité des interventions sectorielles, compte tenu des orientations et des priorités gouvernementales. À la lumière de l’expérience passée et récente, nous reconnaissons qu’il est plus facile de parler d’une insertion plus systématique de la dimension territoriale que de la faire. Il faut d’abord préciser ce que nous enten-
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dons par territoire. Le renforcement de la prise en compte de la dimension territoriale au sein de l’administration québécoise soulève la question de la multiplication des niveaux et des lieux de pouvoir, et de leur remise en cause quand la mise en place d’un système de gestion plus simple, plus transparent et axé sur les résultats devient souhaitable. De plus, nous devons considérer les implications en ce qui a trait à l’adaptation de la philosophie de gestion et à la modification de la délégation d’autorité décisionnelle concernant le choix des interventions et des modalités de réalisation. 5.
LE CARACTÈRE DISCONTINU DU MOUVEMENT DE RÉFORME ADMINISTRATIVE
L’examen des traits saillants des phases du mouvement de réforme administrative montre son caractère discontinu. Nous relevons un cycle de réformes qui se déroulent autour d’une constance des thèmes traités. D’abord, signalons qu’ils se rattachent aux préoccupations fondamentales de la gestion concernant l’état d’esprit ou le style de gestion, les mécanismes (les structures et les processus) et les méthodes de gestion. Ces préoccupations sont reprises de façon discontinue au cours de quatre temps forts de la tentative de modernisation du système de gestion. Quand nous analysons les principales composantes de ces phases du mouvement de la réforme administrative, nous constatons que les propositions et les initiatives mettaient surtout l’accent sur les mécanismes, les structures et les processus ainsi que sur les méthodes de gestion. Les actions sur l’état d’esprit et le style de gestion semblent avoir été nettement moins importantes. Cette attitude découle, pour une bonne part, du fait que la vision administrative était dominante de façon générale et qu’on voulait éviter toute controverse politique. Le changement et l’adaptation étaient souhaités, mais dans la mesure où il n’en résultait pas trop de turbulence ni de modifications trop dérangeantes. Bref, on semblait rechercher quelque chose qui se rapprocherait du statu quo créateur et de l’inaction dynamique. Dans le cadre de l’exercice du mandat de chaque gouvernement au cours du dernier quart de siècle, soit à chacun des six mandats de gouvernement, nous observons la manifestation d’un intérêt notable pour la réforme administrative pendant quelques années, suivi d’un essoufflement. Voyons rapidement ce qui se dégage de chaque mandat : 1970-1975 Mise en place du nouveau système de gestion d’ensemble qui s’inspire du système PPB et réforme du Conseil exécutif. 1976-1984 Amorce de la décentralisation et mise en place des MRC et accélération de la déconcentration administrative. 1985-1990 Amorce du débat relatif au rôle du gouvernement et coup d’envoi de l’idée de rénovation de l’administration publique.
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1991-1994 Débat relatif à l’assainissement des finances publiques et lancement de l’opération concernant le réalignement de l’administration publique. 1995-
6.
Éclaircissement de la portée de l’opération réalignement, et renforcement du rôle de l’imputabilité et de l’organisation du travail.
LA STRATÉGIE ENCADRANT LES EXPÉRIENCES DE RÉFORME ADMINISTRATIVE
Nous retenons également que le cycle des projets et des initiatives de réforme administrative se déroule sous l’influence d’une stratégie. Au cours des années 1970 et 1980, la stratégie dominante de développement et d’application des éléments de la réforme administrative fut gradualiste, centralisée et fragmentée. Gradualiste, en ce sens que les propositions de réforme administrative étaient étalées dans le temps. En vue d’en améliorer les chances de succès, on préférait les mettre en place au compte-gouttes. Ce faisant, on pensait que les changements seraient mieux compris et acceptés, et qu’ils pourraient donc être plus facilement intégrés à l’appareil administratif. On procédait par essais et erreurs, par retouches successives. De plus, étant donné la faible propension à l’innovation et à l’adaptation des manières de faire de la part des organismes sectoriels dans un contexte de transformations majeures de l’environnement, le mouvement de réforme administrative était animé et piloté par un organisme central, généralement le Conseil du Trésor, dont l’un des mandats concernait son rôle d’administration générale. Les organismes sectoriels sont intervenus à différentes étapes de la démarche, mais leur marge de manœuvre était limitée en ce qui a trait aux possibilités d’adaptation à leurs conditions et à leurs particularités de fonctionnement. En principe, les propositions retenues ont été appliquées de manière uniforme dans tous les organismes. Finalement, la stratégie était fragmentée, c’est-à-dire qu’elle n’était pas intégrée. Les mesures prises l’étaient à la pièce ou au coup par coup. Ne voulant pas alourdir le processus de changement, on se trouvait en présence de mesures dont l’intégration laissait à désirer. Leur planification était fragmentée et on ne pouvait en dégager une vision d’ensemble évidente et explicite. Depuis 1990, la stratégie est moins centralisée. L’implication et la participation des organismes et responsables des programmes sont davantage affirmées. Il y a consensus au sujet de la lourdeur de la réglementation administrative et de l’importance de réduire les ressources mobilisées pour fins de contrôle administratif. L’allégement des règles et des normes qui a
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été amorcé va contribuer à réduire les charges administratives et à donner plus d’autonomie. Par contre, nous pouvons nous interroger sur le degré d’intégration du projet de réforme en cours de réalisation. Sur le plan des intentions, le souci de se donner un cadre de gestion répondant à une vision intégrée est plus affirmé. Toutefois, sur le plan de l’action, c’est beaucoup moins clair. Le plan d’action ne semble pas à point. On lance un message plus clair qu’avant, quant à l’orientation du projet de réforme administrative, mais le plan d’action ne correspond toujours pas à un ensemble de mesures intégrées. Le caractère parcellaire du plan d’action est associé au gradualisme de la stratégie qui est toujours maintenu. Il est proposé de ne pas privilégier des modifications à la marge de directives, mais de réaliser progressivement un changement de l’ensemble du système de gestion gouvernemental central. Les fondements et les principes sont clairs (débureaucratisation, responsabilisation, gestion axée sur les résultats, mobilisation et motivation du personnel, contrôle central stratégique). Par contre, tous les processus et les instruments d’application sont peu ou pas suffisamment développés. Tout le monde ne partage toutefois pas le même point de vue en ce qui a trait à la stratégie gradualiste. Une solution de rechange est suggérée pour mettre les chances de son côté et s’assurer que les changements sont réellement mis en place : une stratégie de changement rapide et radicale pour éviter que les mesures soient vidées de leur substance pour se retrouver devant le statu quo ante. Les modifications et les adaptations ne doivent pas se faire lentement pour tenir compte des sensibilités et des susceptibilités, car l’inertie bureaucratique serait telle que ces ajustements marginaux ne mèneraient nulle part (Tellier, 1994).
L’évolution de la pensée en gestion et les réformes administratives Les réformes administratives québécoises se situent dans la foulée de l’évolution de la pensée de gestion dans le cadre du développement du phénomène organisationnel et, plus particulièrement, de la remise en cause du modèle traditionnel de gestion, tant dans les entreprises privées que dans les organismes publics. Pour mémoire, rappelons que le modèle traditionnel de gestion met l’accent sur l’environnement interne. Il privilégie, en conséquence, une approche introvertie. Ce faisant, la préoccupation dominante concerne la gestion de moyens d’action et d’activités. Les résultats sont exprimés en termes généraux et le respect des normes, règles, procédures et manières de faire encadre un comportement routinier et réactif sur lequel est fondé une attitude passive peu favorable à la motivation et s’inspirant de précédents pour éviter l’erreur. Au total, le modèle traditionnel de gestion est hiérarchisé, centralisé et mécanique. Il est assimilé au modèle bureau-
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cratique qui propose des principes, des mécanismes, des pratiques et des méthodes pour gérer des situations relativement simples et stables. Dans le secteur public, le modèle de gestion traditionnel a intégré les particularités du système politico-administratif du parlementarisme britannique pur et a priorisé quatre principes de base qui ont constitué le fondement de l’état d’esprit, des mécanismes et des méthodes de la gestion publique : −
la neutralité en vertu de laquelle les fonctionnaires ne se prononcent pas sur les questions politiques pour se concentrer sur les questions administratives ;
−
la hiérarchisation de l’autorité qui entraîne une centralisation de la capacité décisionnelle et une délégation limitée du pouvoir et de la responsabilité se traduisant dans un fonctionnement régi par des règlements ;
−
la permanence de l’emploi et de l’existence des organismes publics en vue d’assurer la continuité de la gestion administrative et de favoriser le développement d’une fonction publique compétente ;
−
la subordination aux autorités politiques en vertu de laquelle, en corollaire au principe de neutralité, l’appareil administratif se contente de traduire en actes et en gestes les choix et les décisions des autorités politiques (Peters, 1995, p. 265-268).
Les transformations technologiques, économiques, sociales, culturelles et internationales depuis les années 1950, ainsi que l’intensification de l’interventionnisme gouvernemental ont provoqué un questionnement sur la pertinence du modèle traditionnel de gestion et des principes de la gestion bureaucratique publique. Depuis les trois dernières décennies, on s’est interrogé, à des degrés divers selon les périodes, sur le bien-fondé du modèle de commandement et de contrôle hiérarchisé pour répondre aux besoins et aux attentes de communautés en mutation rapide. La gestion de la complexité et de l’incertitude est apparue de plus en plus problématique. Les adaptations nécessaires pour relever les défis posés aux communautés exigeaient qu’on adopte une nouvelle approche de la gestion du développement. Depuis une trentaine d’années, nous assistons au développement d’un nouveau paradigme axé sur l’ouverture sur son milieu et son contexte. Il se traduit dans le souci de l’articulation de l’environnement interne et de l’environnement externe. Au fil des ans, le nouveau paradigme a pris différentes colorations en réponse aux différentes préoccupations qui se sont manifestées à la suite des transformations de la société. Indépendamment des particularités des systèmes de gestion, nous identifions un noyau dur constitué de trois relations fondamentales : la relation entre l’environ-
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nement interne et l’environnement externe qui repose sur la relation entre la réflexion et l’action, d’une part, et sur la relation entre les moyens d’action et les résultats, d’autre part. Dans tout système de gestion, le mode pensée, les mécanismes et les méthodes visent à assurer l’utilisation des relations fondamentales dans les activités quotidiennes. Plus précisément, les logiques ou les rationalités de gestion nous sensibilisent à la problématique de la diversité des dimensions et des partenaires de l’environnement des organismes privés et publics. Le processus de transformation des moyens en résultats est l’instrument d’application de la relation moyens d’action — résultats et le processus de gestion, celui de la relation réflexion — action. Diverses approches ont été proposées à partir du modèle traditionnel bureaucratique pour régir l’allocation et l’utilisation des ressources. Elles rendaient compte d’une évolution de la vision et de la perception de la combinaison des moyens d’action et du type de relations à privilégier avec l’environnement externe d’une organisation. On note un passage du modèle de gestion hiérarchique, verticale, déterministe et mécanique à différentes formes de modèles qui, malgré leurs particularités, ont des traits communs qui combinent, selon un dosage différencié, une vision décentralisée, horizontale, volontariste et stratégique. Toute forme d’organisation en vint à être comparée à un organisme vivant, à un cerveau et à un écosystème plutôt qu’à une machine. Il en est résulté, pour la gestion publique, l’élaboration de modèles de prise de décision, de structuration et de fonctionnement qui visaient un allégement des lourdeurs et des lenteurs administratives par la décentralisation politique et administrative, la participation et l’implication accrues du citoyen et du contribuable, la privatisation, la déréglementation et la mise en place d’organismes de gestion plus autonomes (Elmore, 1978 ; Nakamura et Smallwood, 1980 ; Starling, 1986 ; Peters, 1995). Si nous considérons l’évolution des quinze dernières années, nous observons, au cours des années 1980, une préoccupation pour l’aplanissement des structures et la réingénierie des manières de faire en vue d’améliorer les relations avec les clientèles. Depuis le début des années 1990, ces préoccupations se manifestent toujours, mais leur portée est plus nuancée. Nous relevons un intérêt grandissant pour une transformation globale de l’organisation ou des organismes publics et privés, soit une transformation des idées, de la philosophie de gestion, des mécanismes et des méthodes. Les transformations du dernier quart de siècle sont le résultat de réactions et de réponses plus créatives, plus rapides, plus précises et mieux ciblées pour relever le défi d’attentes et de besoins hétérogènes, complexes, conflictuels et transitoires. Dans un tel contexte, le modèle dominant des dernières décennies reposant sur la gestion d’actifs matériels et tangibles, d’un portefeuille de produits destinés à des marchés spécifiques, d’unités
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administratives cloisonnées, de l’allocation de ressources par centres de décision et d’un système de mesure de performance et d’imputabilité axé sur des indicateurs propres à chaque composante de l’organisation, est contesté par un nouveau modèle. Ce dernier tient davantage compte de la gestion des capacités matérielles et immatérielles, de l’effet de levier du développement des compétences de l’ensemble du personnel, de la gestion de capacités stratégiques articulées autour des connaissances, de l’allocation des ressources tangibles et intangibles en considérant l’organisation en tant que « système intégré », et du système de mesure de performance et d’imputabilité privilégiant la croissance, le développement des connaissances ainsi que le partage de l’information et des pratiques. La gestion des connaissances, pour produire une capacité concurrentielle, exige l’articulation d’interactions et d’échanges allant au-delà des découpages organisationnels et des unités administratives constituant le fondement d’un système de gestion dont les principales composantes sont : –
le noyau dur qui crée la raison d’être d’une organisation et encadre la production de valeurs ajoutées de l’ensemble des composantes de la dite organisation ;
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les centres de gestion mis en relation pour tenir compte du phénomène d’interdépendance assurant l’échange des connaissances et des capacités ;
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les services opérationnels de base de production et de mise en marché pouvant être gérés en régie ou sur la base de sous-traitance ; la prestation de ces services repose sur le principe de l’échange volontaire plutôt que sur la mise en place de fonctions centralisées ;
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la direction générale d’ensemble ou la gouvernance qui prévoit un rôle plus actif pour le conseil d’administration, ou le groupe qui y est assimilé, dans le choix des orientations et le suivi des résultats, d’une part, et une plus grande imputabilité de la direction des opérations, d’autre part ;
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l’aménagement des relations entre les composantes de l’organisation par la mise en place de processus et de systèmes de planification, d’allocation de ressources, de mise en œuvre des stratégies et des décisions, de suivi des résultats, de communication et de motivation ; il s’agit de la mise en place d’un réseau inter- et intraorganisationnel (Viscio et Pastemack, 1996, p. 8-14).
L’idée de réseau et le phénomène d’interdépendance sont précisés dans l’étude des organisations en tant que composantes d’un écosystème comprenant un ensemble d’acteurs et d’agents en interaction à travers des activités sociales et économiques. Cette perspective va au-delà de l’analyse organisationnelle pour considérer plus explicitement la perspective inter-
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organisationnelle relativement peu développée. Elle met en évidence le développement des capacités d’acteurs et le cheminement complexe de la constitution de relations d’une manière séquentielle. Il s’agit d’une évolution qui exige du temps et qui ne se fait donc pas selon le principe de la génération spontanée. Elle met en évidence l’importance de l’innovation et de la coopération dans le cadre de développement d’alliances à travers des relations entre producteurs, fournisseurs, clients, groupes d’employés et groupes de la communauté. Cette approche permet une plus grande sensibilisation au rôle du développement des capacités et des relations entre les partenaires. Le cheminement est, en général, articulé autour de quatre phases : l’émergence, l’expansion, la maturité et le renouveau ou le déclin. Des écosystèmes peuvent être identifiés dans les domaines ou champs majeurs d’activités (santé, éducation, répartition et redistribution du revenu ou de la richesse collective, activités fondées sur les ressources renouvelables et non renouvelables, activités manufacturières, services de base et sophistiqués reposant sur des technologies). La compréhension des séquences de l’évolution jette un éclairage neuf sur la dynamique de la concurrence et de la coopération. Au total, nous sommes en présence d’un cheminement qui met en relation des capacités par la constitution de coalitions pour mettre en commun des compétences particulières. Par la suite, des masses critiques sont créées compte tenu de compétences qui sont renforcées pour améliorer leur profondeur et leur portée. L’étape suivante est consacrée à la consolidation du rôle des uns et des autres afin d’être en position de relever les nouveaux défis découlant des transformations de la société. Finalement, de nouvelles idées sont insérées dans les composantes du système pour faciliter l’adaptation nécessaire à l’amélioration continue de la performance, sinon le système risque le déclin et la désuétude. En somme, on veut éviter le piège du conservatisme (Moore, 1996). Les tentatives de modernisation de la gestion publique par le biais des réformes administratives visaient la rationalisation de la prise de décision et de l’action au moyen de l’élaboration et de la mise en place d’un système de gestion permettant de gérer des activités dans un cadre plus méthodique et systématique. Les composantes du système de gestion devaient permettre de réaliser l’adéquation entre les particularités de l’environnement plus ou moins complexe et incertain, les buts et les objectifs plus ou moins nombreux et conflictuels, les processus, les structures et les méthodes de gestion. La prise en compte de l’environnement était une amorce de la sensibilisation à l’ouverture sur son milieu et à l’importance de la mise en commun des capacités et des compétences pour créer des synergies.
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Dans un premier temps, on voulait renforcer l’analyse et la réflexion dans le système de gestion. Cette préoccupation s’est traduite dans le développement de l’idée de planification. Après une période au cours de laquelle, selon une approche rétrospective, la planification était perçue comme un moyen de préciser les points de repère pour un contrôle de la réalisation d’activités prévues et un contrôle des résultats attendus, elle fut par la suite considérée, selon une approche prospective, en tant qu’instrument de prévision des évolutions plausibles et possibles à moyen et long terme et de gestion stratégique du développement dans un environnement qui devenait plus complexe et plus incertain. La planification devenait un outil de réduction de l’incertitude et de maîtrise de l’avenir. Dans les années 1960 et 1970, les travaux de planification devinrent de plus en plus éclatés, influencés qu’ils étaient par une perception diverse des entreprises et des organisations et des courants de pensée diversifiés. Bref, de multiples éclairages avaient un impact sur la démarche et l’approche de la planification. Dans le secteur public, la préoccupation pour une réflexion méthodique, rigoureuse et systématique en vue d’éclairer la prise de décision et l’action se concrétisa dans le développement d’analyses de politiques et des tentatives de mise en place d’un système de planification programmation — budgétisation (système PPB). Ce faisant, on voulait intégrer dans la gestion publique les éléments de l’analyse de système. Une analyse plus poussée et plus sophistiquée des interventions gouvernementales devait améliorer l’élaboration, la réalisation et le suivi des conséquences des politiques et des programmes dans le cadre d’une démarche rationnelle. En dépit des bonnes intentions, la réalité de la diversité des logiques présentes dans la gestion publique refroidit les ambitions et mit en lumière la difficile articulation et intégration de l’élaboration et de la mise en œuvre des interventions, compte tenu de l’hétérogénéité des perceptions et des attentes des intervenants. L’approche centralisée par le haut constituait un obstacle majeur à l’intégration des activités de « ceux qui pensaient » et de « ceux qui agissaient ». Les processus de gestion et les structures administratives envisagés et utilisés reposaient sur deux hypothèses qui n’étaient pas vérifiées dans la réalité : 1)
les études techniques permettent d’identifier les meilleures options ou solutions pour résoudre les problèmes et tirer avantage d’occasions intéressantes ; c’est la vision de l’ingénierie sociale ;
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les attitudes et les mécanismes administratifs s’ajustent et s’adaptent automatiquement et spontanément pour appliquer les résultats des études techniques ; c’est la vision déterministe et mécanique de la gestion.
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Dans un deuxième temps, l’accent fut mis sur le contrôle des moyens d’action et l’amélioration des services à la population compte tenu de la rareté relative des ressources disponibles et accessibles. Le contrôle budgétaire classique avait une influence dominante. Toutefois, nous observons la manifestation de velléités d’élargissement et d’approfondissement du contrôle traditionnel. Les modifications et l’utilisation des mécanismes visaient à mieux encadrer le suivi de l’utilisation des moyens d’action et des effets des interventions gouvernementales. La préoccupation pour le développement de « productions gouvernementales » a été remplacée par celle relative au questionnement concernant leurs conséquences. Dans la réalité, les évaluations administratives et de performance ont été priorisées sous l’influence de la dichotomie classique entre les aspects politiques et administratifs de la gestion publique. Les réformes administratives de 1980-1995 ont été inspirées par les nouvelles tendances en gestion qui influençaient la philosophie de gestion et les mécanismes de l’appareil administratif. Les tendances les plus significatives concernaient le rôle de la culture organisationnelle et administrative dans l’aménagement de la prestation de services à la population, la promotion du travail en équipe pour aller au-delà des découpages administratifs sources de cloisonnement, la responsabilisation et l’habilitation du personnel œuvrant au niveau des paliers intermédiaires et opérationnels de la structure administrative, et l’amélioration continue de la qualité des services. Il en a résulté, à tout le moins, des discussions relatives au renouvellement des modalités d’organisation du travail, entre autres, par la constitution de réseaux susceptibles de favoriser l’application du principe de l’obligation de résultat. Il fut également question, dans le cadre de l’allégement de la lourdeur administrative et de la compression d’effectifs, de réingénierie des manières de faire afin d’améliorer les chances de décloisonnement et d’une utilisation plus efficiente, mais nécessairement plus efficace des individus au service de l’appareil administratif. Les nouvelles tendances en gestion ont, en bout de ligne, eu un impact sur les structures administratives et les modalités de fonctionnement. Dans un souci de responsabilisation, la perception traditionnelle de la délégation de l’autorité décisionnelle et des relations entre les unités administratives était sérieusement discutée, sinon remise en cause. La vision de la gestion de la prestation de services à la population était plus décentralisée et éclatée sous l’influence de l’idéologie néolibérale d’où l’intérêt pour un nouveau partage des rôles et des responsabilités et, accessoirement, des ressources entre l’administration québécoise et les gouvernements locaux. Dans tous ces débats, nous faisons face au piège de la transposition des manières de faire de la gestion privée dans la gestion publique. Ce n’est toutefois pas nouveau. En effet, depuis les années 1960, la pensée managériale, dans ses modes et sa pensée magique, fascine les gestionnaires publics,
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élus et nommés, qui recherchent la sécurité et désirent être confortés dans un environnement changeant, complexe et incertain (Massenet, 1975). De plus, les expériences de réformes administratives tentent de se situer dans la perspective de la vision écologique qui est articulée autour d’une approche intersectorielle et interorganisationnelle. En pratique, dans la foulée de la pensée dominante bureaucratique, les modifications des systèmes de gestion ont principalement porté sur les aspects instrumentaux plutôt que sur les valeurs. En dépit des discours et des intentions déclarées, les mécanismes et les méthodes mis en place s’inspiraient d’une vision mécanique de la gestion publique dans ses aspects administratifs. L’esprit de la dynamique réelle des institutions ne fut pas adopté de manière significative pour s’adapter aux exigences de la coordination des interventions dans un environnement de plus en plus complexe et incertain. On ne pouvait plus s’en remettre à une coordination automatique des actions des agents atomisés dans un souci de décentralisation, ni à une coordination centralisée. La réalisation d’un équilibre satisfaisant entre des positions extrêmes était plus facile à proposer en théorie qu’à réaliser en pratique. Il semble raisonnable de se demander si l’accent n’a pas trop été mis sur des considérations techniques et managériales limitées plutôt que sur des considérations institutionnelles traduisant en pratique les fondements de la gestion publique. La crise du managérialisme de la dernière décennie constitue un élément majeur de l’explication de ce constat. Il a été difficile de dégager une vision intégrée, interorganisationnelle et intersectorielle à tous les paliers de gestion à cause des valeurs dominantes et des visions disciplinaires fragmentées et cloisonnées. La domination de la spécialisation a ainsi constitué un frein à la transdisciplinarité. Les divers éclairages, associés à des formations, expériences, langages et champs d’intérêt spécifiques de nature disciplinaire, débouchaient sur une lecture et une compréhension différenciées du contexte, des buts et des méthodes de gestion du secteur public. Nous pensons, par exemple, à la contribution de la science politique, de la science économique, de la théorie des organisations, de l’administration publique, du droit administratif et de la gestion de l’entreprise privée. Un large éventail de thèmes pertinents pour l’amélioration de la gestion publique était traité. Toutefois, la discussion et l’analyse se faisaient de façon dispersée et sans intégration. L’attention a été progressivement mobilisée autour de deux questions fondamentales dans cette démarche : •
Comment favoriser l’adaptation des cadres de gestion à des changements fréquents des mandats politiques ?
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Comment favoriser l’expérimentation, l’apprentissage et l’innovation au sein des organismes publics, compte tenu de la transformation de l’environnement ?
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Du moins implicitement, nous pouvons relever un fil conducteur reliant l’essentiel des réformes proposées : l’articulation de l’analyse du contenu des politiques et programmes existants ou envisagés, ou l’examen des buts et des moyens d’action en vue de « créer de la valeur » pour la population, d’une part, avec les modalités de mise en œuvre du contenu des politiques et programmes, d’autre part (Chubb et Peterson, 1989). Toutefois, en pratique, nous notons une forte tendance au renforcement des contrôles administratifs conventionnels jusqu’à tout récemment et à la réalisation d’économies budgétaires pour fins de comptabilité financière et de gestion des mouvements de trésorerie. Il est alors question de la conception et de la réalisation de politiques et programmes, ainsi que de cadre de gestion et d’organisations responsables de la gestion intégrée des interventions. La recherche d’une nouvelle vision de la gestion publique passait par une redécouverte de la gestion efficace des interventions et le développement des organismes publics, et par une intégration à l’analyse des politiques et des programmes. L’idée de la gestion intégrée et stratégique, qui est sans cesse présente dans les travaux consacrés aux réformes administratives, traduit cet intérêt pour la synthèse de l’analyse et de la gestion d’interventions en vue de considérer les organisations et les actions publiques comme des instruments flexibles pour la réalisation des attentes et des besoins de la population, qui se transforment sous l’influence de mutations du contexte politique, économique et international. C’est une réponse à deux défis majeurs, soit les changements du contexte politique et la nécessité d’innover pour s’adapter (Chubb et Peterson, 1989). Les réformes administratives de l’administration québécoise sont encadrées par une approche ou par un modèle, selon d’aucuns, qui puise dans l’expérience ou la tradition américaine et européenne, principalement britannique et française. Le développement des domaines d’intervention du gouvernement appelle une adaptation de l’aménagement de l’utilisation des ressources et des moyens d’action afin de mieux répondre à la transformation des attentes et des besoins de la population. Les modifications du cadre et du système de gestion se sont inspirées de trois principaux courants de pensée, soit les perspectives bureaucratique, organisationnelle et managériale. En principe et sur le plan des intentions, depuis les années 1960, les tentatives de réformes ont eu tendance à privilégier le courant managerial. Toutefois, en pratique, l’application des aspects du managérialisme a été diluée sous l’influence conjuguée des préoccupations bureaucratiques et organisationnelles qui avaient un poids significatif dans un cadre de gestion reposant sur la spécialisation et les mandats sectoriaux. L’approche managériale n’a jamais pu exercer une influence significative sur le plan des idées et de la philosophie de gestion non seulement à cause de l’influence des autres approches, mais également à cause de ses propres limites.
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Les transformations des années 1970 et 1980 et les résultats des interventions en deçà des attentes, nous incitent à une remise en cause du cadre d’action et des modalités d’organisation pour favoriser l’adaptation au changement de contexte et limiter le plus possible, à défaut de les éliminer, les effets des irritants constituant des obstacles au développement économique et social. Une autre forme de régulation économique et sociale est recherchée, et on tente de simplifier la gestion de la complexité. Les réflexions et les débats sont influencés par une certaine nostalgie d’une époque révolue où la gestion du développement était beaucoup plus simple. Le dernier demi-siècle interventionniste ayant été jugé insatisfaisant, le modèle des années 1930 est repris et revu légèrement pour le mettre au goût du jour et lui donner une coloration de fin de siècle. Dans la ligne de pensée du courant néolibéral, il est proposé de privatiser, de réglementer et de réduire les dépenses de l’État pour assainir les finances publiques en vue de donner plus d’espace aux initiatives et choix privés, sources d’un réel développement économique et social selon les croyances de la pensée dominante. L’idée de l’entrepreneurship privé a des retombées dans le secteur public et devient une idée maîtresse dans l’orientation donnée aux travaux relatifs à la reconception, à la réinvention et au renouvellement de l’État et de l’appareil administratif. Toutefois, les expériences de réingénierie et de réorganisation du travail nous incitent à nous demander si nous ne serions pas en présence d’une forme de taylorisme du XXe siècle. Car il s’agit bien de tentatives d’adaptation du système de gestion publique dans une dynamique qui demeure, tout compte fait, bureaucratique et sectorielle, d’où la difficulté d’insérer l’obligation de résultat et d’appliquer une approche intégrée ou intersectorielle.
Le virage de la gestion publique et la philosophie de gestion : vers une « nouvelle » éthique administrative ? D’entrée de jeu, il est pertinent de préciser en quoi la dimension éthique est associée à la philosophie de gestion et constitue une composante à part entière d’un système de gestion. La gestion est essentiellement une approche, une démarche, un cadre de réflexion et d’action correspondant à un système de production et d’échange d’informations en vue de poser des choix et de réaliser des actions et se situant dans un réseau de relations internes et externes qui encadrent l’acquisition de ressources (humaines, matérielles, financières, informationnelles) en vue de produire des biens et d’offrir des services. Tout système de gestion qui encadre le processus décisionnel repose sur des valeurs qui fondent les critères régissant les choix et les actions.
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Quant à l’éthique, elle représente un questionnement relatif aux valeurs qui sous-tendent l’agir des individus et des groupes. Nous voyons donc l’étroite relation qui existe entre la gestion et l’éthique. En conséquence, l’éthique est, explicitement ou implicitement, indissociable de la gestion. Elle fait référence à ce qui donne un sens à l’action, à ce qui compte, à ce qui a de la valeur. Elle nous oblige à réfléchir sur notre attitude individuelle, organisationnelle et sociétale en ce qui a trait à la dignité humaine ou de la personne et à la qualité de la vie ; elle est source de questionnement sur notre comportement avec « les autres ; elle encadre l’examen de questions fondamentales. L’éthique nous convie à une explicitation des valeurs sur lesquelles reposent les orientations et les opérations relatives aux politiques et aux programmes. Elle force à une clarification des fondements et des principes qui influencent le choix des instruments d’intervention et contribue à éclairer les divergences de points de vue qui sont à l’origine de tensions et de conflits. Le contexte du fonctionnement interne d’un organisme public et l’environnement dans lequel il intervient sont assimilables à un champ de bataille où se déroule une lutte ou une guerre dont l’enjeu fondamental est le triomphe d’intérêts particuliers de groupes ou d’individus. Les acteurs font alors face à une situation problématique parce que personne ne semble intéressé à déclarer directement et ouvertement les mobiles réels de leurs actes et de leurs gestes ; ils ne précisent pas clairement les intérêts en jeu. Cette situation nous incite à soulever la question qui sous-tend tout questionnement éthique dans le cadre de la gestion de toute forme d’organisation : étant donné l’importance des intérêts particuliers, comment pouvons-nous aménager un cadre de réflexion et d’action qui permette de réaliser un équilibre satisfaisant entre les soucis d’efficacité et d’équité tout en garantissant une vie démocratique et un fonctionnement normal d’institutions administratives bureaucratisées, afin d’améliorer la qualité de vie de l’ensemble de la population et de réduire les inégalités de situation et de conditions de vie ? L’éthique étant, tout compte fait, la « préoccupation de l’autre », la gestion des interventions est une activité qui tient fondamentalement de l’éthique, car elle est le lieu d’aménagement d’opérations qui impliquent un rapport aux autres (acteurs, agents, intervenants). Il n’est pas raisonnablement possible de construire des systèmes de gestion sur une base amorale ou anti-morale. La prise en compte des valeurs est incontournable sous une forme ou l’autre. La tâche du gestionnaire ne se résume pas uniquement à l’aménagement d’instruments techniques. La gestion ne se réalise pas dans une mécanique céleste, libérée des contraintes spatiales et temporelles : elle ne se fait pas dans un vacuum social et ne peut faire abstraction des valeurs, des idées, des coutumes, des croyances, des préjugés, des perceptions de la
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communauté et de la société. L’examen des fondements et des principes que le gouvernement québécois tente d’appliquer rend compte, à tout le moins implicitement, du souci de se donner une « nouvelle » éthique de l’administration. Cette préoccupation se traduit d’ailleurs dans l’importance accordée à la responsabilisation des gestionnaires et des responsables de programmes et à la reddition de comptes. Il y a lieu de revoir l’articulation de deux principes fondamentaux de gestion, soit la rationalité et le respect étant donné que la dynamique de leur relation se situe dans un environnement qui a changé de manière significative au cours des dernières années : –
La rationalité met l’accent sur une « routine de base » pour éclairer la prise de décision (problématique, établissement des objectifs et des critères de choix, identification et analyse des options, choix et actions) en vue de réaliser des buts ou des résultats désirés associés à des intérêts particuliers individuels ou de groupes.
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Le respect élargit et approfondit la rationalité en prenant en compte les préoccupations et les intérêts des autres acteurs ou agents socioéconomiques dans la rationalisation de projets personnels ou de projets de groupes spécifiques. Les groupes et les personnes concernés et affectés par des interventions ne sont pas uniquement considérés comme des instruments ou des moyens d’atteindre des fins particulières, mais également comme des fins, comme des agents ayant des attentes et des besoins. Les instances décisionnelles concernées se préoccupent des conséquences des actions sur « les autres ». L’approche est extravertie et non introvertie.
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Les formes que prend l’articulation de la rationalité des choix et du respect des personnes ou groupes concernés déterminent la perception de la responsabilisation privilégiée. En effet, de quelle responsabilité parlonsnous ? De la responsabilité de résultat, de conformité ou de prise de décision ? Il n’est pas toujours évident que ce qui est souhaité est effectivement appliqué. D’un côté, il y a le discours et, de l’autre, la pratique et la réalité. Il n’y a pas nécessairement compatibilité entre les deux à cause de la différence des valeurs dominantes.
Dans le cheminement menant de la réflexion à la discussion et à l’action, le système de valeurs a une influence significative sur la manière de traduire des intentions en actes et en gestes au moyen de la sélection des modalités de structuration et de fonctionnement. Il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions, encore faut-il les traduire en pratique, et concrétiser les bonnes idées en termes de productions gouvernementales. C’est sur le plan de l’action que la démonstration est faite qu’il y a plus que l’expression de vœux pieux et qu’un exercice de propagande. Le rôle clé du système des valeurs est en effet indéniable dans le cadre de la mise en œuvre. L’exécu-
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tion des politiques et des programmes est souvent l’occasion pour les acteurs et les intervenants d’en infléchir subtilement et discrètement les orientations et les priorités. En somme, il apparaît essentiel de s’interroger sur la pertinence du renforcement des capacités et de l’initiative individuelles pour l’amélioration des conditions de vie de la communauté. La solution des dilemmes éthiques implique le développement et la mise en place de processus et de structures favorables à l’amenuisement de la confrontation d’intérêts particuliers, et l’explicitation des valeurs qui sous-tendent les modèles d’organisation susceptibles de structurer l’épanouissement personnel et la qualité de vie de la société ou de l’ensemble de la communauté. À l’analyse, nous constatons que le modèle d’organisation, qui repose sur le cadre de structuration des activités, des rôles, des responsabilités et de l’autorité décisionnelle, ainsi que sur les modalités de fonctionnement, constitue un élément clé dont l’influence sur les implications éthiques des actes et des gestes des unités administratives est considérable. Quand nous y regardons de plus près, force est de reconnaître que la perception éthique des intervenants a un impact sur la manière d’aménager la conception, la réalisation et le suivi des conséquences des interventions. Le système traditionnel de valeurs repose sur une pensée rationalisante axée sur la maximisation de la satisfaction du citoyen-contribuable. À cette fin, un système de gestion priorisant l’économie et l’efficience dans la gestion des ressources, ainsi que le contrôle centralisé et a priori des actes et des gestes des gestionnaires et des responsables de programmes est utilisé. Il est articulé autour de quatre principes de base : la division du travail, l’autorité décisionnelle hiérarchisée et centralisée, la structuration des activités et des tâches en fonction de spécialisations et d’expertises et l’éventail de contrôle et de subordination. Au total, l’accent est mis sur le fonctionnement de l’environnement interne des organismes publics. Nous dégageons une vision verticale et fragmentée du cadre de gestion. À la suite de l’établissement d’un constat relatif à la persistance de disparités et d’inégalités qui affectent les individus et les catégories socioéconomiques, les secteurs d’activités et les territoires ou les régions, le système de gestion et, partant, le système de valeurs le sous-tendant sont remis en cause. Nous nous interrogeons sur les attributs d’un « nouveau » système de gestion susceptible de renforcer la capacité de relever les défis des prochaines années, compte tenu des transformations des environnements interne et externe des organismes publics. Les intervenants sont à la recherche d’un modèle de gestion qui intègre de façon plus systématique la sensibilisation aux attentes des citoyens, qui ne se limite donc pas à respecter les exigences techniques de la réalisation d’activités et de projets, et
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qui se préoccupe également de l’efficacité des interventions. C’est un dépassement de la vision scientifique et bureaucratique conventionnelle. En bout de ligne, la mesure et la discussion des effets et des répercussions des interventions ne sont pas neutres. En effet, des jugements de valeur s’infiltrent constamment dans les analyses et les discussions. Il faut donc accepter de débattre des valeurs qui influencent les choix et les actions. Cela est d’autant plus important que nous vivons une phase transitoire dans le cheminement qui accompagne le passage d’un paradigme à un autre. Les enseignements des expériences passées nous mettent d’ailleurs en garde contre les pièges de l’illusion de la neutralité administrative et technique dans notre quête de solutions aux problèmes et de réponses aux questions dans de meilleures conditions au moyen d’un paradigme qui approfondit et élargit les préoccupations scientifiques et bureaucratiques, pour faire appel à une approche et à un style plus stratégiques. Comme l’ont signalé des observateurs de la scène fédérale, les changements de structures, de modalités de fonctionnement et de méthodes sont liés à des valeurs qui en constituent les fondements, que nous le reconnaissions ou non (Johnson, 1992). Le même constat pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’expérience québécoise. Et il nous sensibilise au rôle déterminant de la philosophie de gestion et des valeurs qui en constituent le fondement et qui influencent directement, souvent de façon implicite, l’état d’esprit régissant la gestion des organismes publics. Le nouveau paradigme découle d’une perception de la réalité et d’une vision du monde nouvelles également et exige une adaptation majeure du système de gestion pour établir des relations plus soutenues et plus transparentes avec l’environnement. Derrière cette transformation, nous retrouvons la problématique de l’adhésion à de nouvelles valeurs. Comme cela a été le cas fréquemment depuis les années 1950, les préoccupations de la gestion des organisations privées à but lucratif ont une grande influence sur le style et les mécanismes de gestion. Nous avons malheureusement souvent tendance à assimiler la gestion publique à la gestion privée (Massenet, 1975 ; Parenteau, 1993). Les approches et démarches proposées pour appliquer effectivement les nouvelles valeurs sont difficilement acceptées dans les bureaucraties publiques à cause d’une différence de contexte, et sont la source de défis et de dilemmes tant pour les individus que pour les organisations (Glor, 1994, p. 11-15). Nous sommes alors en présence du délicat problème de l’harmonisation des valeurs reliées aux attentes et aux préoccupations de la société avec celles des organisations privées et publiques qui existent, en principe, pour y répondre.
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La quête de sens dans un environnement en profonde mutation remet implicitement en cause les valeurs dominantes de l’administration publique. Cela se traduit concrètement dans les réflexions et les discussions relatives à la reconception et à la reconfiguration des institutions administratives publiques. Dans la réalité de la vie administrative, l’adaptation des mécanismes et des méthodes implique l’harmonisation de composantes de différents cadres de référence. Certaines de ces composantes ne sont pas automatiquement compatibles, d’où la nécessité d’en réaliser un dosage en tenant compte des attentes des individus et des groupes. Par exemple, que signifie l’application des principes de division du travail, d’autorité et de responsabilité centralisées et hiérarchisées, de partage des tâches en fonction des connaissances et de l’expertise, d’efficience, d’efficacité, de loyauté et d’imputabilité, qui constituent les fondements de l’éthos bureaucratique, dans un contexte de lutte à l’inflation, d’équilibre budgétaire annuel et non cyclique, de remise en cause du système fiscal progressif, et de promotion de la compétitivité dans le cadre d’une économie de marché qui conserve toujours un fort contenu d’économie administrée ? Et comment tenir compte, dans la réalité et dans l’utilisation de mécanismes et de méthodes, des préoccupations concernant le respect des droits individuels et, pouvons-nous ajouter, des responsabilités qui y sont associées, du respect de la liberté individuelle, de la recherche de l’équité et de la réduction, sinon de l’élimination, des inégalités et des disparités, du souci de l’intérêt public et de la participation soutenue des citoyens à la vie démocratique ? (Pugh, 1991, p. 10-17)
Conclusion Alors, quoi de neuf après ces trente années de développement et de tentatives de mise en place d’initiatives de modernisation du système de gestion à la suite d’une succession de réformes administratives ? L’idée maîtresse que nous retenons de cet examen rétrospectif est que le cadre conceptuel de référence est, pour l’essentiel, resté le même. La différence entre ce qui est proposé aujourd’hui et ce qui l’a été il y a un quart de siècle, se situe sur le plan de l’explication de la nature et de la portée des composantes du système de gestion, et de la volonté d’en faire l’application. Les éléments fondamentaux sont les mêmes. Toutefois, il y a un glissement sémantique faisant en sorte que des mots différents recouvrent une même préoccupation. L’examen des expériences passées met en lumière le fait que nous avons affaire à un problème de mise en place et d’utilisation des approches et des méthodes de la gestion contemporaine, compte tenu des particularités et des caractéristiques de la gestion publique. Il faut être attentif
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aux préoccupations véhiculées et prendre garde au piège de la transposition pure et simple des valeurs et des approches de la gestion privée quand nous nous inspirons du managérialisme. S’il y a des similitudes entre la gestion privée et la gestion publique, il n’en demeure pas moins qu’il y a des différences considérables. Ces deux types de gestion ne sont pas assimilables (Johnson, 1992 ; Parenteau, 1994). Tout compte fait, ne tentons-nous pas la quadrature du cercle ? Le contexte politique fait que des efforts sont déployés pour mettre en place un style de gestion et un état d’esprit qui impliquent une ouverture sur l’extérieur dans un système politique et administratif qui semblait, jusqu’à tout récemment, plus à l’aise dans une démarche plutôt introvertie gérant des activités selon une transparence mitigée et hésitante, pour ne pas dire sous l’empire du secret administratif. Une réelle adaptation et modernisation du système de gestion nécessitent d’entreprendre et de réaliser des actions qui ont un impact réel non seulement sur les mécanismes et les méthodes, mais également sur la philosophie de gestion et le système de valeurs sous-tendant les orientations de la gestion publique. Dans le passé, les mécanismes et les instruments proposés ont été déformés et vidés de leur substance pour les rendre compatibles avec les valeurs dominantes du système en place. On ne « décalque » pas n’importe quel processus, structure et méthode sur n’importe quel style ou philosophie de gestion. À la suite de trois décennies de tentatives de modernisation de la gestion sous l’influence des diverses formes prises par le courant de pensée rationalisant et de la dynamique politique, nous observons des indices qui rendent compte d’une volonté plus affirmée de préciser et d’appliquer un mode de fonctionnement compatible avec l’esprit du modèle de gestion proposée. Toutefois, en dépit de bonnes intentions et de la meilleure volonté du monde, nous restons toujours avec une interrogation : jusqu’où est-il possible d’aller dans l’adaptation des mécanismes et des méthodes de gestion si nous n’intervenons pas de manière significative sur les valeurs qui régissent le développement et l’utilisation des éléments du cadre de gestion ? C’est à cette condition qu’il est envisageable de se donner un modèle de gouvernement et de gestion susceptible de s’adapter aux conditions locales et régionales, dans un contexte caractérisé par des besoins différenciés découlant d’un développement contrasté et asymétrique des différentes parties du territoire québécois. La philosophie de gestion de crise et d’urgence nous révèle régulièrement ses lacunes et ses faiblesses, et nous ramène constamment à la case départ quand nous tentons de renouveler et de rénover le système de gestion. Nous serions donc constamment en présence de variations sur des thèmes connus.
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Les réformes de l’administration publique Grande-Bretagne et Alberta Christian Dufour et Roger Paquet
Lors de ses deux premières années d’existence, l’Observatoire de l’administration publique s’est penché, entre autres, sur certaines réformes qui se situaient dans ce qu’il est convenu d’appeler la mouvance anglo-saxonne : Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Canada. L’approche initiale de cette petite unité de travail au sein de l’École nationale d’administration publique, qui se situe au confluent de l’administration publique proprement dite et du monde universitaire, était avant tout descriptive et pragmatique. Dans le présent chapitre, nous tentons de mettre brièvement en évidence les principales caractéristiques de deux réformes dont on a beaucoup parlé au Québec et au Canada ces dernières années et qui ont été appliquées dans des administrations publiques présentant certains points communs avec l’administration publique québécoise. La première partie de ce texte porte sur la Grande-Bretagne. À partir de l’énoncé de certains constats initiaux, nous y faisons ressortir ce qui caractérise une approche britannique avant tout axée sur la compétition et la place du citoyen, pour terminer sur des considérations d’appréciation globale de la réforme en question. La seconde partie porte sur l’Alberta. Après avoir souligné le contexte très particulier de la réforme de l’administration publique dans cette province canadienne et avoir rappelé sa genèse, nous en décrivons les caractéristiques générales et les points saillants, pour conclure également avec quelques éléments d’appréciation globale.
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Christian Dufour et Roger Paquet
1. Les réformes au Royaume-Uni Moins d’État, mieux d’État1 Les réformes de la fonction publique au Royaume-Uni constituent un modèle qui a été qualifié, par un comité de la Chambre des communes, de tentative la plus ambitieuse de réforme de la fonction publique au XXe siècle. C’est également un modèle de référence important des pays de l’OCDE, notamment dans le monde anglo-saxon. De son côté, le professeur Frederic F Ridley, de l’Université de Liverpool, qui rencontrait, dans la foulée de plusieurs collègues britanniques, les collaborateurs de l’Observatoire en août 1995, précisait que : l’approche britannique a comme caractéristique intéressante de ne pas être conçue spécialement pour concrétiser les politiques d’un gouvernement conservateur. Elle peut également constituer un modèle pouvant tout aussi bien servir les fins d’efficacité d’un gouvernement social-démocrate. En fait, l’efficacité n’est pas reliée à l’idéologie d’un gouvernement. Les réformes des administrations publiques sont devenues une question universelle, notamment en raison des effets paralysants de la crise des finances publiques sur l’Etat2. De plus, il semble que : Le succès remporté avec la création des agences n’est qu’un moyen et non une fin en soi. Il faut maintenant asseoir et intégrer le changement de culture qui réside au coeur de l’initiative Next Steps3. Ce processus de réforme, formellement lancé en 1988 par la première ministre Thatcher, a produit des changements considérables dont les plus visibles, outre les privatisations, ont été la mise sur pied d’organismes autonomes (agences) chargés de la prestation de services à la population (antérieurement assumés par les ministères du gouvernement) ainsi que la déréglementation afférente. Pour saisir l’ampleur des transformations, mentionnons que plus de 63 % des fonctionnaires travaillent désormais au sein de 110 nouvelles agences. Le présent document brosse un portrait général de la situation tout en faisant ressortir qu’au-delà d’une transformation radicale des structures, il y a, au Royaume-Uni, une mutation importante quant au rôle du gouvernement, notamment en ce qui concerne les frontières traditionnelles entre les secteurs public et privé. Le professeur Ridley illustrait d’ailleurs l’amplitude du changement en cours en affirmant « qu’il
1.
C. Hood et M. Jackson (1991). Administrative Argument, Darmouth Aldershot, cité par P. Kerandren, « Le Nouveau management public en Grande-Bretagne depuis 1979 », Revue française de science politique, août 1993.
2.
Exposé du professeur Ridley, le 17 août 1995, traduction libre.
3.
Treasury and Civil Service Committee (1994). The Role of the Civil Service, Londres, HMSO, novembre, traduction libre.
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n’y a presque plus un seul service public qui ne soit susceptible d’être confié à un organisme autonome ou même donné à contrat au secteur privé4 ». 1.1. Les constats initiaux Le rapport d’étape intitulé « Improving Management in Government : The Next Steps5 », publié en 1988 par l’Efficiency Unit du gouvernement, signalait notamment que le personnel de direction de la fonction publique était traditionnellement dominé par des individus dont les préoccupations portaient principalement sur la conception des politiques et qu’ils n’avaient, par ailleurs, que peu d’expérience en matière de gestion des services à la population. Cette situation était considérée en porte à faux avec le fait que la majorité des effectifs de la fonction publique se consacrait à la prestation de services. Il était également noté qu’il n’y avait pas suffisamment d’énergie investie dans l’atteinte des résultats et dans l’amélioration de la qualité. Enfin, la fonction publique était jugée trop imposante et diversifiée pour être administrée comme une seule entité. Une approche nouvelle de fonctionnement du gouvernement devait naître de ces constats. 1.2. L’approche britannique Dans le modèle britannique, le gouvernement doit demeurer le maître d’œuvre des orientations, de la détermination des politiques (dont l’établissement de critères de performance), de la réglementation et de l’allocation budgétaire, mais rien n’impose qu’il doive agir directement en matière de gestion et d’administration de programmes et, a fortiori, qu’il demeure ou devienne un dispensateur de services auprès de la clientèle. Il existe maintenant une gamme d’instruments et de solutions de remplacement à l’approche traditionnelle du gouvernement intégré et autosuffisant. Ainsi, une partie importante du gouvernement, celle qui assure des services à la population, se retrouve dans une situation semblable à toute autre organisation pouvant potentiellement dispenser des services. Le secteur public devient donc régi par des critères de productivité et d’efficience semblables à ceux du secteur privé. Précisons que les conditions de travail du personnel sont désormais déterminées au sein même des organisations, non plus au niveau central, et que la notion de sécurité d’emploi n’existe pas dans les agences. Cette situation fait maintenant en sorte que la fonction publique, avec le statut particulier qui y était associé, se retrouve en profonde mutation. 4.
Exposé du professeur Ridley, op. cit., traduction libre.
5.
The Efficiency Unit (1988). Improving Management in Government. The Next Steps, Londres, HMSO, traduction libre.
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1.3. Rappel des principales étapes de la réforme britannique 1986
Introduction des budgets globaux de fonctionnement.
1987
Accords à long terme sur la flexibilité des rémunérations. Introduction de la rémunération liée à la performance.
1988
Initiative « Next Steps » visant à promouvoir la création d’agences exécutives administrées par des directeurs généraux.
1989
Introduction, dans 21 domaines, de mesures d’assouplissement de l’administration du personnel, des rémunérations et des indemnités touchant les ministères et les agences.
1989/1990
Mesures visant à améliorer la formation des cadres supérieurs. Introduction de nouvelles structures et de nouveaux cadres de fixation des rémunérations. Mesures d’assouplissement des procédures de recrutement, de perfectionnement des cadres et de formation.
1990
Lancement de programmes de promotion de l’égalité des chances.
1991
Le Trésor public publie une liste de 40 mesures d’assouplissement de la gestion du personnel, des traitements et des indemnités au profit des ministères et des agences. Présentation du Livre blanc portant sur la Charte des citoyens et sur l’établissement de la compétition en vue d’améliorer la qualité des services.
1992
Négociation de nouveaux accords de rémunération plus souples. La Loi relative à la gestion dans la fonction publique prévoit une délégation de pouvoirs accrus en matière de gestion des ressources humaines au profit des gestionnaires opérationnels. Mise à jour de l’opération « Next Steps ».
1993
Promulgation d’un nouveau Code de gestion de la fonction publique.
1994
Délégation aux agences des pouvoirs de négociation des rémunérations. Adoption de la Loi visant la déréglementation et l’attribution des contrats de services. Présentation d’un important rapport du Comité parlementaire du Trésor et de la fonction publique sur l’avenir de la fonction publique.
1995
Présentation au Parlement d’un rapport du premier ministre sur les orientations gouvernementales en matière de réformes de la fonction publique.
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1.4. La compétition Cette révolution managérielle a redéfini les frontières entre les secteurs privé et public en même temps qu’elle modifiait le secteur public par l’introduction de modèles et de méthodes provenant du milieu des affaires6. Parmi les éléments les plus récents des réformes, il faut noter l’introduction d’un système de compétition afin d’assurer des services de qualité, répondant aux besoins des citoyens, et ce, au meilleur coût possible. Ces services peuvent être achetés indistinctement de la fonction publique ou du secteur privé. Le choix ne doit pas relever d’une conception idéologique de l’État, mais seulement de critères d’efficience. Pour implanter un tel système, le gouvernement favorise de « tester » le marché pour chaque activité gouvernementale afin d’obtenir une base de comparaison entre les coûts du secteur privé et ceux du secteur public. Notons que la procédure d’achat de services s’applique également à toutes les relations administratives entre les différents services d’une même organisation. Cette approche vient enrichir la gamme d’instruments traditionnels que sont l’augmentation de la productivité et la réduction des coûts. Autre aspect important de l’introduction de la compétition, les postes les plus élevés de la fonction publique sont accessibles à la concurrence externe, généralement par l’entremise de concours. Ainsi, 71 des 110 dirigeants d’agences ont été recrutés par concours et 32 d’entre eux proviennent de l’extérieur de la fonction publique. 1.5. La place du citoyen Les délais d’attente pour les examens de permis de conduire sont passés de 13 à moins de 6 semaines et le bureau des passeports peut maintenant traiter une demande en 7 jours au lieu de 24 auparavant7. Le gouvernement britannique a doté le citoyen d’outils lui permettant d’obtenir des résultats en tant que client-consommateur de services publics. Cette politique doit, en principe, se traduire dans tous les gestes du gouvernement et de ses mandataires. À cette fin, le premier ministre Major a instauré la Charte des citoyens qui a, à son tour, donné naissance à une soixantaine de chartes sectorielles (santé, éducation, douanes, emploi, etc.). Ces documents, largement diffusés dans le public, définissent des
6.
Les Metcalfe (1993). « Conviction Politics and Dynamic Conservatism : Mrs. Thatcher’s Managerial Revolution », International Political Science Review, vol. 14, no 4, traduction libre.
7.
Julian Mackenney (1995). « Une réforme pas à pas : La fonction publique en Grande-Bretagne », Revue Service public, France, avril.
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objectifs et des engagements très précis, souvent chiffrés, en matière de qualité des services à laquelle la population peut s’attendre. C’est sur ces points de référence que le gouvernement évalue sa performance et qu’il invite la population à le juger. En outre, chaque organisation doit, chaque année, consulter sa clientèle, adapter ses services afin de répondre aux besoins exprimés et faire rapport sur les progrès accomplis. 1.6. Les perspectives On a constaté une meilleure adaptation des administrations à leurs buts, des gains d’efficacité, une meilleure communication entre les services sur le terrain et les administrations centrales et, surtout, une plus grande réceptivité aux attentes des usagers8. Le processus de réforme en cours au Royaume-Uni se fonde désormais sur un consensus au niveau des parlementaires et des citoyens, qui amène le gouvernement à poursuivre son chemin et à appliquer encore plus systématiquement les réformes. Pour les parlementaires, l’heure est cependant venue de procéder à des évaluations en profondeur des résultats obtenus et d’apporter les modifications qui s’imposent pour corriger le tir. Le Comité parlementaire du Trésor et de la fonction publique (comprenant des membres de tous les partis politiques représentés à la Chambre) a d’ailleurs jugé opportun de préciser, dans un volumineux rapport publié au cours de la session 1993-1994, que « peu importe les frontières qui seront établies entre les secteurs public et privé, il y a un certain nombre de valeurs fondamentales (l’impartialité, l’intégrité, la sélection et la promotion au mérite ainsi que l’imputabilité) qui doivent régir l’administration publique9 ». En janvier 1995, en réponse au comité parlementaire, le premier ministre Major reconnaissait qu’il y avait encore de nombreux changements à apporter afin de s’adapter aux besoins du XXIIe siècle, ne serait-ce que pour maximiser les bénéfices des nouvelles approches de gestion et des délégations de responsabilités. Est-il nécessaire de préciser que le nouveau modèle de gouvernement en construction au Royaume-Uni ne constitue pas la solution rêvée à tous les problèmes des administrations publiques pour la simple et bonne raison qu’il est adapté à un État et à une culture particulière. Les réformes sont néanmoins d’une importance et d’une influence telles que les administrateurs publics doivent s’y intéresser. 8.
Sylvie Trosa (1993). Next Steps : Moving on, Londres, HMSO, traduction libre.
9.
Treasury and Civil Service Committee, op. cit., traduction libre.
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1.7. Éléments d’appréciation globale Si bon nombre d’observateurs s’entendent désormais pour dire que la GrandeBretagne est aujourd’hui mieux administrée et que le citoyen a acquis une confiance nouvelle à l’égard de l’administration publique, il faut toutefois constater que le portrait est moins reluisant sous l’angle des finances publiques)°. Ainsi, la population de la Grande-Bretagne devra encore patienter avant de sentir un allégement de son rôle social de contribuable. Elle devra également continuer à espérer que l’équilibre budgétaire, symbole traditionnel par excellence de la saine gestion publique, soit enfin atteint, après seize années de régime conservateur. La situation est telle que, malgré une croissance économique soutenue et toutes les réformes cumulées à ce jour, il demeure illusoire de faire profiter les contribuables, d’une manière significative et durable, de réductions d’impôts. Le seul coût des programmes sociaux, où la demande ne cesse de croître, représente une pression si forte que même de vastes mesures de restriction ou de rationalisation administrative n’arrivent pas à le compenser. À elles seules, les coupures cumulatives en 1996 ont été de 3,5 milliards de livres au chapitre des prestations sociales, faisant ainsi porter aux plus démunis un lourd fardeau, sans pour autant assurer un éventuel équilibre budgétaire avant l’an 2000. Ainsi, malgré des hausses de taxes et d’impôts, malgré des diminutions dans les services, notamment dans les programmes sociaux, et malgré une réforme en profondeur des structures et des méthodes de fonctionnement de la fonction publique, le bilan pour le citoyen demeure d’un intérêt moyen. Et force est de conclure que la Grande-Bretagne demeure soumise aux grands défis de toutes les administrations publiques en cette fin de siècle.
2. L’Alberta 2.1. Une réforme importante On a beaucoup parlé ces derniers temps, au Québec et dans le reste du Canada, du programme de réforme de l’administration publique du gouvernement conservateur du premier ministre albertain Ralph Klein. Même si
10. Les dépenses publiques se situent aujourd’hui à 42 % du PIB, soit seulement 0,25 % de moins qu’à l’époque — il y a 17 ans — où les travaillistes étaient au pouvoir. En fait, depuis l’élection des Conservateurs en 1979, les dépenses publiques, en termes réels, ont augmenté en moyenne de 1,9 % par an et diminué seulement deux fois (en 1985.1986 et 1988-1989). En matière de déficit, la prévision, pour l’année 1996, est de 22,5 milliards de livres, ce qui permettrait toutefois d’atteindre, en 1997, l’objectif de limitation à 3 % du PIB fixé par le traité de Maastricht.
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la réforme albertaine est controversée et en dépit de différences de contexte majeures, elle est intéressante pour le Québec, ne serait-ce que parce que l’on s’interroge de plus en plus sur son exportabilité éventuelle, en tout ou en partie. C’est également l’une des principales réformes qui ont été influencées, directement ou indirectement, par l’expérience britannique dont il est question plus haut. La réforme Klein touche directement à l’un des plus graves problèmes posés aux sociétés développées depuis une dizaine d’années : la crise des finances publiques. Elle a été instaurée dans une province qui partage avec le Québec un nombre important de caractéristiques, entre autres, leur appartenance au même pays et au même système fédéral depuis un siècle. Par ailleurs, le programme de réforme de Ralph Klein se situe dans une mouvance idéologique beaucoup plus large, qui est en train d’affecter profondément l’ensemble du continent nord-américain : la montée d’une nouvelle droite, incarnée également par le Reform Party au Canada et le Parti républicain aux États-Unis. Le programme albertain de réforme est ambitieux. Quel que soit le jugement que l’on porte sur son contenu, ce programme a été mené de façon énergique et efficace, d’une manière en bonne partie planifiée. Enfin, au regard de l’objectif premier de l’exercice — l’élimination du déficit —, il s’agit d’un succès rapide et incontesté. Deux ans avant l’échéance, on a atteint l’objectif d’équilibrer le budget au cours de l’année fiscale (1994-1995), en raison notamment des revenus supplémentaires provenant de la hausse du prix du gaz et du pétrole, de même que du rendement plus élevé de l’impôt sur les corporations. 2.2. Un contexte particulier Si la réforme albertaine comporte un intérêt certain pour le Québec, il importe de rappeler qu’elle prend place dans un environnement différent à beaucoup d’égards. L’une des plus grandes originalités de la réforme est qu’elle s’est déroulée dans des conditions que l’on pourrait qualifier d’idéales : cela en détermine en même temps les limites. Trois fois moins peuplée que le Québec, l’Alberta est plus riche et plus dynamique dans un certain nombre de domaines. Les indicateurs économiques et sociaux démontrent, entre autres, que depuis vingt ans, l’accroissement démographique y a été plus élevé qu’au Québec (17,1 % contre 59,26 %). La population albertaine est donc plus jeune que la population québécoise. Par ailleurs, cette province de l’Ouest produit 10,85 % du PIB canadien et le Québec, 22,54 %, alors que ces pourcentages étaient respectivement de 8 % et de 24,95 % il y a vingt ans. Le taux de chômage est traditionnellement plus élevé au Québec qu’en Alberta, de même que le pourcentage d’assistés sociaux par rapport à la population totale.
Les réformes de l’administration publique
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Tableau comparatif Alberta — Québec Alberta
Québec
Population (milliers 1993) PIB/habitant (1993) Taux de chômage (1993)
2 662 28 970 9,6
7 209 22 218 13,1
Dépenses du gouvernement ( % du PIB, 1993-1994)
21,34
28,58
4,31 2,96
3,65 3,14
34,86
43,24
Déficit ( % du PIB) 1992-1993 1993-1994 Dette brute (% du PIB, 1992)
Source : Statistique Canada, CANSIM, disque 1994-1 (révisé).
Rappelons que l’Alberta elle-même est une province jeune, dont la création ne remonte qu’en 1905 et où le poids du passé et des habitudes est en général moins important qu’au Québec. L’industrialisation de la province n’a commencé qu’après la Deuxième Guerre mondiale et son économie, en dépit de son dynamisme exceptionnel, reste encore très dépendante du secteur de l’énergie et, dans une moindre mesure, de celui de l’agriculture. Une autre différence notable avec le Québec se situe sur le plan des finances publiques proprement dites. Lors de l’arrivée au pouvoir du premier ministre Klein à la fin de 1992, le déficit par habitant de la province était le plus élevé au Canada. En pourcentage du produit intérieur brut (PIB), la dette accumulée était cependant nettement moins élevée que son équivalente québécoise. L’endettement albertain était plus récent, résultant pour une grande part de dépenses gouvernementales engagées depuis le début des années 1980, sous l’effet combiné de la crise de l’énergie et du sentiment de sécurité entraîné par l’existence de « l’Heritage Fund ». À l’opposé, la dette québécoise rend compte d’habitudes de dépenses plus anciennes, plus structurantes, qui remontent aux débuts de la Révolution tranquille, il y a 35 ans. Une autre différence importante, enfin, avec la situation québécoise se situe sur le plan de l’environnement idéologique et politique. L’Alberta est la province canadienne où l’influence américaine est la plus importante, en particulier dans la partie sud, autour de Calgary. Plus qu’au Québec, on y valorise un certain individualisme à l’américaine ; le concept de « selfreliance » y est très populaire. Depuis ses origines, l’Alberta véhicule un vieux fond conservateur, qui n’est pas dénué de connotation religieuse et qui traverse l’ensemble de la société albertaine. Au Canada, la province est le berceau du Crédit social
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et, plus récemment, du Reform Party. Le programme de réforme de l’administration Klein se situe nettement à droite. 2.3. Genèse et caractéristiques générales Ralph Klein, ancien maire de Calgary, a été élu à la tête du Parti conservateur de sa province le 5 décembre 1992, devenant de ce fait premier ministre de l’Alberta. Cinq mois plus tard, le 8 mai 1993, le ministre des Finances de la province rendait public son plan d’élimination du déficit de 3,5 milliards en quatre ans, sans hausse de taxes, et le Parlement adoptait par la suite le Deficit Elimination Act. Sur la base de l’engagement d’en arriver à un budget équilibré avant le 31 mars 1997 et sans que beaucoup d’éléments d’information n’aient été donnés sur les modalités d’application du projet, le Parti conservateur albertain fut reporté au pouvoir lors de l’élection provinciale du 15 juin 1993 avec 51 sièges sur 83. Le programme de réforme de l’administration Klein comporte un aspect global et planifié. Cette planification ne s’est pas toujours étendue aux détails, l’une des caractéristiques de la réforme étant que l’on n’a pas attendu de connaître toutes les conséquences des initiatives envisagées avant d’agir. On s’est fortement inspiré de la réforme de l’administration publique mise en œuvre en Nouvelle-Zélande au cours des années 1980 et, à travers elle, de l’expérience britannique. L’ancien ministre des Finances de ce pays, Sir Roger Douglas, est récemment venu en visite en Alberta, à l’invitation d’un gouvernement qui le reconnaît comme l’inspirateur de son programme. En rendant public au printemps 1993 son « Plan for Change » sur quatre ans, le gouvernement albertain se fixait quatre objectifs : équilibrer le budget d’ici 1997, créer un bon climat pour le secteur privé, éliminer le gaspillage dans le secteur public et être à l’écoute des Albertains. Parmi les principes sur lesquels était fondé ce plan, notons ceux-ci : ne pas augmenter les impôts, aider ceux qui en ont vraiment besoin et favoriser une plus grande implication des communautés dans la gestion de leurs affaires. Pour l’administration Klein, en plus du traditionnel maintien de la loi et de l’ordre, le rôle de l’État doit être d’investir dans les gens et les idées, de bâtir une province forte et prospère, ainsi que de maintenir un excellent système de services publics et de communications à la grandeur de la province. Il lui incombe aussi de fournir les services essentiels à la santé et au bien-être des Albertains. Le programme de réforme albertain comporte : Un niveau politique et stratégique. À partir de l’expérience de monsieur Klein comme maire de Calgary, certains moyens inédits ont été utilisés par le gouvernement albertain pour faire adopter et accepter sa réforme. Par exemple, on a remplacé les comités gouvernementaux existants par quatre
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« Standing Policy Committees » (Ressources naturelles, Planification financière, Services communautaires, Agriculture). Composés de députés du parti gouvernemental, ces comités reçoivent directement des mémoires du public et font des recommandations sur les changements à apporter. La personnalité charismatique du premier ministre albertain a joué un rôle important dans le processus. Le gouvernement conservateur a commencé à agir tout de suite après son élection, rapidement et dans tous les domaines, ce qui a neutralisé une bonne partie de l’opposition sectorielle aux réformes. Il n’a pas caché certaines conséquences négatives de ces dernières. Par exemple, des documents officiels énoncent que, dans le secteur de la santé, il y aura moins d’employés et ces derniers seront payés moins cher. On a insisté enfin sur le fait que l’effort demandé serait limité dans le temps à quatre ans et qu’il permettrait de restaurer « The Alberta Advantage ». L’action du gouvernement albertain a comporté une dimension nettement populiste, en accord avec les traditions de la province. C’est ainsi que Ralph Klein a rendu publics ce qu’il appelle les sept secrets de son succès : donner l’exemple à partir du sommet ; aller rapidement ; ne pas avoir de vache sacrée ; faire preuve de franchise ; être simple ; favoriser le rapport direct du premier ministre avec la population ; se préparer à assumer les conséquences de ses actes. Enfin, au-delà de ses aspects pragmatiques, la réforme présente des aspects idéologiques clairs. Avec enthousiasme, elle est présentée par ses instigateurs comme un moyen de promouvoir certaines valeurs. Dans les cercles proches du gouvernement albertain, plusieurs parlent d’une « révolution Klein » qui ne saurait qu’influencer les juridictions voisines (rappelons que le mouvement reprend certains thèmes véhiculés par le Reform Party au Canada et le Parti républicain aux États-Unis). Un niveau proprement administratif. À cet égard, les meilleurs documents de référence semblent être les budgets 1994 et 1995, de même que les documents gouvernementaux intitulés « Business Plans et « Measuring up ». On y retrouve de l’information liée aux coupures proprement dites, de même qu’aux différents moyens à utiliser pour augmenter la productivité et la pertinence de l’administration publique albertaine. Il y est question de l’importance de disposer d’objectifs clairs, de mettre en œuvre des stratégies efficaces et de mesurer les performances et résultats réels. On y prend l’engagement formel de réduire les dépenses, tout en améliorant la qualité des services au « client ». Les documents officiels référent à la nécessité de changer la façon de gérer le secteur public, en incorporant la discipline du monde des affaires. C’est dans cet esprit que le programme de réforme du gouvernement albertain a pris la forme de
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« Business Plans » pour chacun des ministères. De même, des indicateurs de performance pour chaque ministère ont été incorporés dans le budget 1995 de la province. 2.4. Points saillants La réforme a commencé par une initiative spectaculaire, extrêmement bien accueillie par la population : l’abolition du système de pension des députés. Dans le secteur de la fonction publique, le nombre de ministères a été réduit du tiers, passant de 26 à 17. On prévoit passer de 34 000 postes à temps plein en 1992-1993, à 27 500 en 1996-1997, soit une réduction de 20 %. Le salaire des fonctionnaires a été diminué de 5 % la première année et plafonné pour les années suivantes. Dans le secteur public en général, on a imposé une réduction des dépenses de l’ordre de 20 % pour la période 1992-1996, dont les modalités d’application sont décidées par les gestionnaires des différents secteurs (cela a amené, par exemple, la privatisation des services de soutien dans certains collèges et universités). Notons que les coupures sont de l’ordre de 30 %, si l’on ne tient pas compte des « Big Three » : éducation –12,4 % (255 millions), santé –18 % (749 millions) et aide sociale (« Family and Social Services ») –19,3 % (328 millions). Les secteurs de l’environnement –30 % (121 millions) et des affaires municipales –48 % (87,9 millions) ont notamment été touchés. Le secteur de la santé a été particulièrement touché. On a supprimé 2 000 lits d’hôpitaux, fermé certains établissements et mis à pied un nombre considérable d’infirmières. Le gouvernement albertain a regroupé certains services sur une base régionale, en constituant 17 « Regional Health Authorities » sur lesquels le contrôle gouvernemental est important et qui assument une partie des responsabilités autrefois détenues par 200 conseils d’administration d’hôpitaux. On essaie également de mieux définir et de limiter les services médicaux essentiels, dans le cadre de l’assurance-santé. Est encouragée, enfin, la création de cliniques privées ou semi-privées qui iraient à l’encontre, selon Ottawa, de la Loi canadienne sur la santé. Le secteur de l’éducation a été relativement épargné en ce qui a trait aux coupures proprement dites. On a l’intention de mener à terme un projet de réduction du nombre des commissions scolaires de 181 à 57. Depuis le 1er janvier 1994, le gouvernement assume la totalité du financement de l’éducation. Il exerce un contrôle plus grand sur la nomination des directeurs d’écoles. Par ailleurs, les effectifs du ministère de l’Éducation ont diminué et les bureaux régionaux ont été abolis pour consacrer plus de ressources aux écoles elles-mêmes. On a diminué de moitié les fonds disponibles pour les classes de maternelle. On a institué un fonds équivalent à 5 % du budget de l’éducation de la province, pour le distribuer aux institutions qui offraient
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les programmes d’études les plus attrayants pour les employeurs. Enfin, le ministre de l’Éducation a demandé aux universités de la province de renégocier leurs conventions collectives avant le 1er mars 1995, de façon à pouvoir procéder à des mises à pied si les institutions ont des difficultés financières ou décident de supprimer des programmes. En matière d’aide sociale, 43 000 bénéficiaires se sont vus retirer le droit à leurs prestations ou en ont vu le montant réduit. Cela en aurait incité plus de 4 000 à quitter la province la première année de la réforme. Le gouvernement a pris les mesures pour obliger les prestataires jugés employables à suivre des cours de recyclage dont les coûts seront défrayés par les économies résultant de l’allégement du nombre de bénéficiaires. Le gouvernement a présenté une législation pour réformer le système des pensions du secteur public. Il a également privatisé la Société provinciale des alcools, de même que les services d’enregistrement (certificats de mariage, permis de conduire, etc.). En général, on a tenté de revenir à ce qu’on appelle le vrai rôle du gouvernement. Dans le domaine de l’application des lois, par exemple, on distingue le rôle des agences privées, qui est de prévenir et de dissuader, et celui des policiers, qui est d’enquêter et de procéder aux arrestations. Différentes hypothèses sont étudiées, comme celle de privatiser les prisons qui accueillent les détenus condamnés pour délits mineurs, à l’instar de ce qui se fait dans l’État du Tennessee. 2.5. Les perspectives Deux ans avant l’échéance prévue, on a atteint l’objectif d’équilibrer le budget au cours de l’année fiscale 1994-1995, en raison entre autres des revenus supplémentaires provenant de la hausse du prix du gaz et du pétrole, de même que du rendement plus élevé de l’impôt sur les corporations. Sur le plan économique, à l’échelle de la province, le dynamisme du secteur de l’énergie, centré autour de Calgary, a plus que compensé la diminution de la fonction publique, plus présente dans la région de la capitale provinciale à Edmonton. Tous les sondages démontrent que le programme de réforme du gouvernement de Ralph Klein a remporté jusqu’à présent l’adhésion d’une nette majorité d’Albertains (plus de 60 %), malgré qu’il y ait une majorité d’opposants à chaque réforme sectorielle prise séparément, à l’exception notable de l’aide sociale. A été particulièrement critiquée la privatisation de la vente d’alcool, pour n’avoir initialement entraîné ni baisse de prix, ni plus grand choix pour le consommateur. À la mi-janvier 1995, monsieur Klein recevait l’approbation de 63 % de ses concitoyens : un record personnel.
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L’opposition aux réformes Klein a cependant été forte dans certains milieux traditionnellement de gauche (universités, syndicats, travailleurs sociaux), où l’on rappelle qu’on ne connaît pas vraiment les conséquences à long terme de coupures « sauvages », qui risquent d’avoir endommagé durablement et profondément le tissu social albertain. Au printemps 1995, il est apparu que le gouvernement Klein avait décidé de ralentir le rythme de ses réformes qui se heurtent à une opposition de plus en plus évidente, tout particulièrement dans le secteur de la santé, alors que le déficit budgétaire apparaît moins menaçant. C’est maintenant l’opposition libérale qui réclame des actions plus énergiques ! Il n’en reste pas moins que les coupures continuent : elles seront de l’ordre de 478 millions de dollars pour l’année 1995-1996, dont plus de la moitié dans le secteur de la santé dont le budget passera de 3,83 milliards à 3,55 milliards. En outre, 976 postes seront abolis dans la fonction publique d’ici mars 1996. Le déficit pour l’année 1995-1996 a été de 506 millions, conformément au scénario prévu en 1993. On a cependant enregistré un surplus de 110 millions pour l’année 1994-1995, en raison de rentrées de fonds exceptionnellement élevées pour des raisons conjoncturelles. Le gouvernement albertain a enfin décidé de rembourser sur une période de vingt ans la dette accumulée de la province, qui se chiffre à 8,6 milliards de dollars, au moyen de versements annuels de 343 millions. 2.6. Éléments d’appréciation Il est encore tôt pour porter un jugement définitif sur une réforme encore extrêmement jeune, contrairement à l’expérience britannique. Par exemple, la réforme Klein apparaissait au départ portée par un fort courant idéologique d’inspiration américaine, véhiculant des valeurs nettement de droite et aspirant à la réalisation d’un projet de société en conséquence. Cependant, à compter du début de l’année 1996, il est apparu que ces éléments s’affaiblissaient plus rapidement que prévu, alors que le vieux fonds conservateur canadien refaisait surface à Edmonton. Les éléments pragmatiques, conservateurs au sens traditionnel du terme, de l’administration Klein, semblent prendre de la force à mesure que l’on s’approche de la prochaine élection provinciale, dans la foulée des difficultés rencontrées dans le secteur de la santé. Cela fait dire à certains observateurs que le second mandat du gouvernement Klein a toutes les chances de ressembler à celui d’une administration conservatrice classique. Tout bilan définitif apparaît à ce stade difficile à faire, mais certains éléments apparaissent d’ores et déjà clairs. L’un des plus importants est que la réforme Klein a été menée dans un contexte si exceptionnellement favorable à tous les niveaux que son succès, même dans l’hypothèse où il
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serait incontestable, ne signifie pas que l’on puisse exporter globalement la réforme ailleurs. Cette réserve n’a pas empêché certains de ses éléments les plus percutants d’être très rapidement repris par certaines administrations provinciales et municipales, comme le système des plans d’affaires que l’on retrouve maintenant à la Ville de Montréal. Il en va de même de la stratégie du gouvernement Klein, qui a manifestement inspiré le gouvernement Harris en Ontario, tout de suite après son élection en juin 1995 : frapper vite et fort, en mettant rapidement en place la réforme dans de multiples secteurs, sans attendre les habituels consensus. Notons un autre élément important : le fait que la réforme Klein ait été très médiatisée dans le contexte canadien et qu’elle ait rapidement produit certains résultats tangibles a donné de la crédibilité aux expériences radicales de réformes, ailleurs au pays. Cela apparaîtra un peu paradoxal s’il est confirmé que la réforme Klein, au fil d’arrivée, est moins radicale qu’elle ne le semblait au départ. L’expérience de la réforme Harris en Ontario sera, à cet égard, révélatrice. En effet, elle a été menée dans des conditions beaucoup moins favorables que la réforme Klein et sur des bases encore plus idéologiques. C’est ainsi que le gouvernement ontarien a décidé de baisser les impôts en même temps qu’il coupait ses dépenses.
3. Conclusion générale Menée à compter du début des années 1980 sous la gouverne de la première ministre Margaret Thatcher, l’expérience britannique a été justement qualifiée par plusieurs de « mère de toutes les réformes ». En dépit de son caractère idéologique marqué à droite, elle a comporté plusieurs éléments qui se sont par la suite imposés dans la plupart des pays qui ont procédé à des réformes de leur administration publique. On pense tout particulièrement à l’introduction d’éléments de compétition au sein du secteur public, de même qu’à l’accent mis sur les services aux citoyens-clients. Plus près de nous dans l’espace et dans le temps, la réforme de l’administration publique albertaine sous la direction du premier ministre Ralph Klein a présenté, dès ses débuts en 1993, certaines ressemblances avec l’expérience néo-zélandaise, tout en étant influencée par la nouvelle droite américaine. À partir d’une approche axée sur les coupures de dépenses, la « Révolution Klein » s’est rapidement imposée comme la réforme de l’administration publique la plus spectaculaire, sinon la plus intéressante, des dernières années au Canada. Le développement du réflexe comparatif en ce domaine ne saurait se faire sans la contextualisation des réformes. À cet égard, il importe d’insister
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sur le fait que les réformes Thatcher et Klein ont été appliquées dans des environnements très différents. Alors que la Grande-Bretagne est un vieux pays unitaire européen d’une cinquantaine de millions d’habitants, l’Alberta est une jeune province canadienne qui n’a pas un siècle d’existence, qui est vingt fois moins peuplée et membre d’un État fédéral. Ces différences évidentes ne doivent pas empêcher de voir que le processus de mondialisation affecte éminemment le secteur des réformes de l’administration publique : elles s’influencent l’une l’autre. Ce secteur a été nettement dominé jusqu’à présent par une filière anglosaxonne de droite. Les expériences menées par des administrations socialdémocrates – on pense par exemple à la Suède – ont eu moins de succès et n’ont pas bénéficié du même dynamisme de nature idéologique. À plusieurs reprises, madame Thatcher a reconnu le président Ronald Reagan comme son mentor idéologique, même si les réformes américaines en ce domaine n’ont pas eu l’ampleur des réformes britanniques. Par ailleurs, il est clair que la réforme néozélandaise et son homologue albertaine auraient été très différentes, et qu’elles n’auraient peut-être même pas eu lieu, s’il n’y avait pas eu de réforme Thatcher. Enfin, en dépit du consensus très large dans plusieurs pays du monde sur la nécessité de réformer les administrations publiques dans le contexte de la crise des finances publiques et de la mondialisation, il est révélateur qu’aucune expérience globale, même la britannique, ne fasse vraiment l’unanimité. Aucune ne s’est révélée un succès incontesté par rapport aux buts initiaux recherchés, c’est-à-dire la lutte au déficit et de meilleurs services aux citoyens. C’est pourtant un tel succès, qui semble impossible à atteindre, qui permettrait de justifier une fois pour toutes le coût social parfois élevé des réformes.
Caractéristiques des réformes en gestion des ressources humaines Denis Laforte
Introduction Dans la société de la connaissance et de l’information qu’est devenue la nôtre1, la ressource humaine, autant dans le secteur privé que dans le secteur public, compte désormais, avec les ressources financières et les ressources physiques, pour une des trois ressources stratégiques essentielles de toute organisation. Et si le secteur public a été plus lent à s’adapter à cette nouvelle réalité, il n’en a pas moins commencé à rattraper ce retard au début des années 19802. À telle enseigne que dans son deuxième examen des évolutions dans la gestion publique (1993), l’OCDE note que 23 des 24 pays membres à cette époque avaient entrepris des réformes dans la gestion de leurs ressources humaines3. 1.
Dans son article intitulé « The Age of Social Transformation », Peter Drucker affirme : « It is the first society in which ordinary people – and that means most people – do not earn their daily bread by the sweat of their brow. It is the first society in which "honest work" doest not mean a callused hand. » (p. 64) Et il ajoutait lors d’une entrevue (notre traduction) : « Dans la nouvelle société de l’information, il n’y aura plus de pays pauvres, mais des pays ignorants.
2.
Parmi les pays qui ont entrepris des réformes à cette période, on peut noter l’Australie, le Canada, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Suède, la Nouvelle-Zélande et les PaysBas.
3.
L’OCDE a lancé en 1990 le premier de la série triennale de ses examens des Évolutions dans la gestion publique. Entre ces parutions, l’organisme, qui compte maintenant 26 membres avec l’ajout du Mexique et de la République tchèque, publie annuellement des Mises à jour.
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Comprendre les bouleversements dans ces fonctions publiques est donc essentiel pour bien saisir la nature et l’orientation des réformes mises en route depuis près de vingt ans. Les enjeux en cause depuis l’avènement de la mondialisation4 forcent une meilleure compréhension de ces réformes, jugées réussies ou non5, pour tirer des leçons des stratégies utilisées, des efforts déployés et des résultats obtenus. L’objectif du chapitre est donc de mettre en lumière les points saillants des réformes en gestion des ressources humaines et à en saisir les caractéristiques communes. L’étude se limite à certains pays membres de l’OCDE pour deux raisons. Tout d’abord parce que seule l’OCDE publie des données comparables de cette nature sur des pays qui sont dans notre environnement, donc qui représentent un certain intérêt. La deuxième raison tient à la notion même de réforme : un changement radical apporté à une institution ou à une organisation en vue d’une amélioration6. Parmi les pays membres de l’OCDE, tous n’ont pas procédé à des réformes de cette nature, même si chacun apporte continuellement des modifications à ses modes de gestion.
1. Trois facteurs déterminants Trois facteurs déterminants sont à l’origine des réformes apportées en gestion des ressources humaines : le poids du secteur public, particulièrement financier, la vétusté du système de gestion devenu sclérosé et les nouvelles tendances en gestion des ressources humaines en milieu du travail. 4.
On considère généralement que la naissance électronique de la mondialisation a eu lieu au milieu des années 1980 avec la liaison continue entre les Bourses de New York, Londres et Tokyo. Sa consécration politique s’est faite avec la chute du mur de Berlin en novembre 1989. La mondialisation crée sur l’État-nation une pression nouvelle en diminuant ses pouvoirs économiques mais en accentuant les exigences politiques des citoyens à son endroit. Ce nouveau paradoxe a bouleversé les approches traditionnelles de la gouvernance, entraînant au premier chef une remise en question profonde du rôle de l’État et de sa fonction publique. (Pettigrew, 1995 et Massé, 1993)
5.
La position nuancée de Caiden, Halley et Maltais (1995) est intéressante : « Administrative reforms tend to be judged by a simple but misleading success-failure dichotomy, namely, did the reforms work as originally intended ? If so, they are deemed successful. If not, they are considered failures. Consequently, most reforms are deemed failures or unsuccessful simply because they rarely work as planned. Instead, they usually get transformed during the process of implementation, which has always been their Achilles’ heel. This transformation often occurs without mechanisms to adapt the original comprehensive blueprints to changing circumstances. Judgments of simple "successfailure" are fairly characteristic of traditional, rationalist management approaches that often fail to deal with the complexities, ambiguities and contradictions inherent in organizational reality and government. »
6.
L’Observatoire-ENAP a retenu cette définition de « réforme » pour orienter ses travaux, conformément à son mandat.
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1.1. Le coût du secteur public Les deux crises pétrolières de la fin des années 1970, ajoutées à la croissance souvent mal contrôlée des coûts entraînés par les bienfaits de l’État-providence, ont provoqué dans nombre de pays industrialisés un profond déséquilibre financier lié aux déficits d’opération, à l’endettement, etc. La structure et le fonctionnement de la gouvernance de l’État étaient mal préparés à ces soubresauts tant et si bien que le poids du secteur public est devenu insupportable, comme le démontrent les données de l’OCDE : [...] Les dépenses publiques en 1990 s’élevaient à plus de 50 % du PNB dans sept pays de l’OCDE (sur 21 pays recensés) ; et au cours de la même année l’emploi gouvernemental représentait plus de un cinquième de l’emploi total dans sept pays membres (sur 22 recensés). (OCDE, Examen 1993, p. 10) Pour retrouver une certaine autonomie politique, les gouvernements ont choisi de réduire le poids gouvernemental, de plus en plus critiqué, par ailleurs, par les tenants de la doctrine monétariste et les défenseurs de l’économie de marché. 1.2. La vétusté du système de gestion Ainsi, la crise des finances publiques a mis à l’avant-scène la lourdeur administrative du secteur public, devenue intolérable dans le nouveau contexte « libéral ». À ce sujet, le vérificateur général du Canada a maintes fois attiré l’attention sur les politiques inefficaces, les contrôles détaillés et centralisés, de même que sur l’imputabilité diffuse qui régnait dans la fonction publique au Canada. Le jugement qu’il porte sur la fonction publique canadienne pourrait s’appliquer à nombre de pays de l’OCDE : [...] la réforme de la fonction publique tient à la nécessité de moderniser ses méthodes de gestion. Les bureaucraties des pays démocratiques d’Occident ont été dirigées conformément à des traditions établies de longue date. Malgré l’avènement de nouveaux modes d’organisation et de systèmes de gestion, les attitudes et les pratiques sont demeurées foncièrement inchangées au fil des ans7. Partant, le poids social du secteur public est de plus en plus contesté, particulièrement dans les sociétés où les bienfaits attribués à l’économie de marché ont pris une plus grande importance et où les citoyens, plus instruits et mieux informés, ont développé de nouvelles exigences à l’égard de leurs gouvernements : Partout les gouvernements ont ressenti le besoin rationaliser les démocraties [...] Le concept bon gouvernement englobe le respect des droits de
7.
Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, 1993, p. 180-181.
de de la
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Denis Laforte personne, l’absence de corruption et le gouvernement démocratique. (Massé, 1993)
Devant cette situation, plusieurs pays ont procédé à des réformes, souvent radicales, de leur administration publique : réduction du nombre de fonctionnaires, réduction du nombre de ministères, réingénierie, privatisation d’entreprises publiques, dévolution, cession de certaines opérations à l’entreprise privée, introduction de notions de rentabilité, de performance et de gestion d’entreprise8. Il est évident que ces réformes touchent en premier lieu les fonctions publiques. 1.3. Les nouvelles tendances en gestion des ressources humaines Forcées d’abandonner progressivement l’ancienne gestion du personnel au profit de la « nouvelle » gestion des ressources humaines (Laforte, 1993), les entreprises ont modifié profondément le milieu de travail et les conditions de leurs salariés au point de contribuer fortement à l’émergence du nouveau « travailleur autonome » qui assure son existence par sa compétence et qui, tout en améliorant celle-ci, l’offre aux entreprises intéressées à l’utiliser. Ces nouvelles entreprises « réticulaires » (Weiss, 1994), pour qui la « coordination horizontale est [...] devenue essentielle [...] » (Massé, 1993), ont littéralement façonné les caractéristiques de la nouvelle gestion des ressources humaines et ont grandement influencé les gouvernements dans la gestion de leur fonction publique. Il faut donc rappeler brièvement ces nouvelles tendances, plus respectueuses de la valeur humaine et de l’intelligence qui la caractérise. Elles éclairent le sens des réformes effectuées dans le secteur public, puisqu’elles indiquent les nouvelles préoccupations des gestionnaires9. Tout d’abord, la nouvelle gestion des ressources humaines devient plus stratégique : elle est intégrée dans l’organisation, au même titre que celle des ressources financières et matérielles, pour l’atteinte des objectifs communs. De là, elle devient plus culturelle, puisqu’elle permet de développer des attitudes et des valeurs qui sont facteurs de performance. Par ailleurs, elle est plus participative dans l’organisation du travail, le partage de l’information et le partage des compétences ; elle devient ainsi plus individualisée, en ce
8.
À titre d’exemples, on peut relever l’Australie, qui a réduit le nombre de ministères de 28 à 18, la Nouvelle-Zélande qui a réduit de 41,2 % sa fonction publique de 1980 à 1993, le RoyaumeUni, qui a privatisé nombre de services d’Utilités publiques (eau et électricité) et le Québec, dont les Unités autonomes de services mises sur pied depuis avril 1995 fonctionnent selon des principes de rentabilité et de performance, suivant un modèle inspiré des agences britanniques.
9.
Cette section est tirée de l’article de Gilles Guérin et Thierry Wils, 1993.
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qu’elle tend à gérer chaque employé comme un système indépendant ayant ses propres caractéristiques et son besoin de mesures personnalisées. Le nouveau principe selon lequel « l’organisation a des problèmes si son employé en a » a amené l’entreprise à se préoccuper de plus en plus des besoins et problèmes personnels des employés ; en ce sens, elle est plus anthropocentrique. Les tendances précédentes ont amené une gestion des ressources humaines plus évaluative, puisque celles-ci contribuent stratégiquement à l’atteinte des objectifs de l’organisation et qu’elles représentent une partie importante des coûts de production. Enfin, dans ce contexte, il est normal que la nouvelle gestion des ressources humaines se soit informatisée et ait conduit au développement de systèmes d’information de gestion plus performants et plus raffinés. Ces nouvelles approches ont donc peu à peu pénétré le secteur public et, jointes à d’autres facteurs tels le vieillissement, le souci d’équité en emploi et de justice sociale, ont forcé les gouvernements à revoir leurs pratiques de gestion pour les adapter à leurs nouvelles obligations politiques.
2.
Les caractéristiques des réformes
L’ampleur des organisations gouvernementales et la complexité de leur fonctionnement amènent souvent à confondre gestion des ressources humaines et gestion de l’organisation. Ainsi, on inclut parfois le processus de rationalisation de la fonction publique dans la gestion des ressources humaines alors qu’il ressort plutôt d’une décision de gestion organisationnelle. Pour éviter ces pièges, on utilisera une grille de lecture reconnue et validée, qui reprend les fonctions essentielles de la gestion des ressources humaines10. 2.1. L’organisation du travail La déconcentration et la décentralisation ont marqué profondément l’organisation du travail, autant pour le design organisationnel que pour celui de l’emploi. Ces nouvelles tendances dans le management ont affecté l’organisation du travail par les transferts de compétences des organismes centraux aux ministères ou agences, de même qu’aux gestionnaires opérationnels. Les organismes centraux conservent cependant la responsabilité de la conception des politiques. C’est le cas notamment de l’Angleterre où les « agencies », modelées selon les principes de gestion utilisés dans l’entreprise privée, sont respon-
10. Cette « grille » est empruntée à Guérin et Wils, 1992.
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sables des services opérationnels, alors que les ministres se réservent exclusivement les décisions d’orientation politique. En Australie, dès 1984, dans le cadre du Financial Management Improvement Program, on décentralise vers les agences opérationnelles la prise de décision en matière de gestion de personnel)11. Cette volonté de souplesse et d’allégement de la structure s’est incarnée en France dans la Charte de la déconcentration de 1992, en vertu de laquelle les agents des organismes centraux se déplacent sur le territoire pour collaborer avec les fonctionnaires locaux (régionaux et départementaux). On veut ainsi mieux coordonner les interventions gouvernementales ; en zones rurales, les Points publics (du type Guichets uniques) ont pour mission de répondre directement aux divers besoins des citoyens12. La réorganisation du travail a aussi englobé les diverses formes de prestation de travail : télétravail, travail à temps partiel, travail à temps partagé, avec des résultats qualifiés d’encourageants dans certains cas : augmentation de 6 % en 5 ans dans le secteur public au Canada, ou qui se font encore attendre dans d’autres cas, notamment en France où les fonctionnaires, pour des raisons culturelles, semblent bouder notamment le télétravail (Service Public, n° 39). Par ailleurs, au Québec, l’entente signée le 19 décembre 1994 entre le gouvernement et huit syndicats portant sur « L’organisation du travail dans la fonction publique » ne semble pas avoir donné à ce jour de résultats concrets13. 2.2. Le recrutement Dans l’entreprise privée, on a attaché plus d’importance à cette fonction traditionnelle au fur et à mesure qu’on prenait conscience de son impact à
11. Ainsi, les ministères et organismes deviennent responsables de l’interprétation et de l’application des politiques et normes établies par les organismes centraux ; à l’échelon local, les gestionnaires obtiennent un pouvoir plus étendu qu’antérieurement en matière de dépenses et gèrent leurs unités de production pour atteindre les résultats fixés, par la voie du corporate planning. 12. Service de médiation entre les usagers et l’administration, les Points publics permettent un contact personnel et la solution de problèmes divers, d’ordre économique ou social. Ce service permet au citoyen de mieux connaître et d’utiliser à bon escient les programmes qui lui sont destinés. En 1996, avec la suppression de nombreux régimes d’autorisation administrative, on a créé les Maisons des services publics, dans une dizaine de départements, toujours dans un but de rapprocher l’administration et d’offrir une plus grande polyvalence des services publics. (Service Public, n° 40) 13. Le mandat de l’entente est celui-ci : [...] l’examen en profondeur de l’organisation du travail, des règles de travail et des modes de dispensation des services publics [...] ». Une structure de comités ministériels avec pouvoir de recommandation à un comité sectoriel permet l’avancement des travaux. Les comités comprennent des représentants de toutes les parties.
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long terme sur la qualité du développement et du rendement de l’organisation. Dans le secteur public, le recrutement ne figure cependant pas au centre des préoccupations des réformes. Une des explications tient sans doute au fait que la majorité des pays sont en période de maintien ou de réduction des effectifs. Nonobstant cette constatation générale, il faut souligner deux principales tendances. D’abord, dans tous les pays, les organismes centraux ont conservé le contrôle des emplois dans la haute fonction publique, particulièrement en ce qui concerne la nomination, la rémunération, le classement et l’évaluation des détenteurs. Il en va de même pour le respect des obligations dans des domaines comme l’égalité des chances en matière d’emploi, l’hygiène et la sécurité et les obligations d’un bon employeur14. Ensuite, dans les pays où la réforme du secteur public est plus orientée vers la promotion des valeurs traditionnellement reliées au secteur privé, les dirigeants d’organismes sont souvent recrutés à partir de ce secteur. C’est le cas au Royaume-Uni où le gouvernement Thatcher a systématiquement recruté les directeurs d’agences dans le secteur privé, la confiance de la première ministre dans les compétences de Whitehall n’étant pas des plus grandes (Zifcak, 1994). Il faut noter, enfin, que pour les postes de haut niveau, plusieurs pays ont adopté une approche plus contractuelle de la gestion des ressources humaines : contrats de travail à durée déterminée, accords annuels sur des objectifs de performance individuelle et organisationnelle, évaluation annuelle des résultats, ainsi que récompenses et sanctions appropriées. La Nouvelle-Zélande a développé la « théorie des organismes » qui inclut un contrat entre le ministre et la haute direction de son ministère15. 2.3. L’évaluation Pour les emplois supérieurs, les systèmes d’évaluation, axés sur les comportements, les efforts fournis ou le respect de la réglementation par l’employé, ont été abandonnés au profit de systèmes tournés vers l’évaluation de la performance, basée sur la gestion par résultats. Cette tendance, conforme aux nouvelles orientations de la gestion publique, se retrouve surtout dans les pays de tradition britannique. Il en va ainsi en Nouvelle-Zélande, comme on l’a souligné au point précédent, et en Australie, où l’approche
14. En Suède, le ministère des Finances donne son avis concernant le recrutement des directeurs généraux des agences (OCDE, mars 1995). 15. « Cette théorie traite du problème qui consiste à s’assurer que les agents servent les responsables conformément à des modalités contractuelles énoncées ou implicites. L’élément essentiel de la politique qui résulte de cette théorie consiste à éclaircir et définir les liens entre le ministre et la haute direction, et entre cette dernière et les gestionnaires ministériels des paliers inférieurs. » (Bureau du vérificateur général du Canada, 1995)
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« gestion par résultats » retient notamment comme lignes directrices : l’imputabilité publique, la performance et la gestion de risque16. Pour le personnel non cadre, les systèmes d’évaluation semblent avoir peu évolué. Axée sur l’appréciation des habiletés et la bonne réalisation des tâches, l’évaluation est plutôt perçue comme accessoire, surtout dans les cas d’employés qui exercent des fonctions subalternes à un même poste depuis quelques années. 2.4. La gestion des carrières Peu considéré dans le modèle traditionnel de la gestion du personnel, cet aspect de la gestion est l’objet d’un grand intérêt dans la nouvelle approche de gestion des ressources humaines, en particulier dans le secteur privé. Point de convergence entre les besoins de l’organisation (meilleure utilisation du potentiel humain, amélioration de la compétence des employés et préparation de la relève) et les besoins individuels (réalisation et progression personnelles), la gestion de carrière est devenue un important objet d’études et de recherches dans le milieu universitaire des relations industrielles. Alors qu’antérieurement l’employé pouvait « réorienter » sa carrière en cours de route dans la même organisation, il n’en va plus de même dans un environnement où les coupures de postes sont monnaie courante. Pour faire face à la nouvelle mobilité née avec l’entreprise réticulaire, l’employé doit donc de plus en plus se soucier de l’amélioration de sa compétence, devenue sa principale ressource17. Cependant, force est de constater que peu de pays semblent se préoccuper formellement de cet aspect de la gestion des ressources humaines. En effet, il ne semble pas que, dans leurs réformes, les efforts importants consacrés à la formation, au perfectionnement, voire au développement personnel, soient intégrés à une politique de gestion de carrière18. Comme on le
16. Le Financial Management Improvement Program-FMIP, mis en place dès 1984 et qui a servi d’instrument majeur pour la réforme australienne, a permis la création d’une trousse d’outils de gestion dans laquelle on retrouve une volonté de structurer l’organisation en fonction des résultats visés plutôt qu’en fonction des processus internes, de même qu’une volonté d’améliorer la capacité d’évaluation et d’intégrer celle-ci dans le processus de gestion. 17. Les considérations de Dimitri Weiss sur les mutations des frontières de l’entreprise l’amènent à parler du « groupe de sous-traitants auxquels est dévolue une bonne partie de l’activité productive, employés pour des travaux spécifiques et qui détiennent le contrôle total de leur propre activité, rémunérés sur la base des résultats et non pas à travers la perception d’un salaire [...] » (1994, n° 98, p. 102). 18. Il faut noter l’exception australienne, où la Commission de la fonction publique, responsable de l’amélioration de la performance, s’attache, entre autres points, au « développement du personnel et à la planification de carrière ».
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verra ci-après, ces efforts sont plutôt orientés vers l’atteinte des objectifs de l’organisation. 2.5. La formation et le développement Le développement des qualifications et des compétences du personnel du secteur public a été l’objet d’une attention accrue et soutenue19. Les raisons les plus souvent invoquées sont les suivantes : 1.
La nécessité de permettre aux cadres d’acquérir les qualifications requises pour qu’ils s’acquittent de leurs nouvelles attributions.
2.
Les connaissances et les qualifications croissantes exigées par les nouvelles responsabilités de la fonction publique, ainsi que la nécessité d’améliorer la qualité des services fournis tout en se préoccupant davantage de la clientèle.
3.
Le besoin de s’adapter aux nouvelles technologies et aux nouvelles méthodes de travail, ainsi que de parer aux pénuries de personnel qualifié.
D’une façon générale, les programmes de formation et de perfectionnement semblent susceptibles de contribuer à inculquer des valeurs nouvelles et à infléchir les attitudes dans le sens souhaité. Les agences et les ministères sont même encouragés à concevoir des programmes de formation sur mesure pour satisfaire leurs besoins en personnel20. 2.6. La rémunération Même si d’autres facteurs ont diminué la prépondérance relative de la rémunération comme facteur de motivation21, celle-ci demeure quand même très importante, autant pour l’organisation que pour l’employé. 19.
Par exemple en France, on a mis l’accent depuis 1992, en accord avec les syndicats, sur la formation des agents de l’État. Voici quelques exemples de ces mesures : – six mois de formation continue sur l’ensemble de la carrière pour les cadres supérieurs ; – cycles de journées d’études pour les hauts fonctionnaires et les hauts magistrats ; – obligation de formation d’un mois à l’occasion de l’accès aux emplois de direction ; – mise en place d’indicateurs de performance.
20. À partir d’une étude de cas réalisée auprès des pays suivants : Australie, Canada, Danemark, Espagne, France, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Suède, l’OCDE note : « En revanche, les mesures relatives à la formation et au perfectionnement du personnel étaient souvent fort bien intégrées aux processus de planification de l’organisation. En ce qui concerne notamment les ministères et agences de grande taille, les transferts de compétences soulèvent le problème des défauts de coordination et de l’attention insuffisante accordée à la gestion des ressources humaines lorsqu’il n’y a pas de véritable intégration stratégique. » (OCDE, mars 1995) L’organisme souligne également qu’en Australie, au Canada, au Danemark, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande on a créé des programmes axés sur la préservation de valeurs fondamentales tout en assurant le maximum de flexibilité (p. 78). 21. On peut penser ici à toutes les nouvelles approches de mobilisation des employés : cercles de qualité, consultation, empowerment, intéressement financier, etc.
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Compte tenu de l’importance de la masse salariale dans le budget de l’État, nombre de pays, dont la Nouvelle-Zélande, ont voulu avoir une plus grande maîtrise de leurs dépenses salariales en s’attaquant à la rémunération : suppression de l’indexation, élimination d’ajustements automatiques entre catégories d’emplois, congés non payés, réduction du salaire versé. D’autres, comme l’Australie, ont lié de manière explicite les augmentations de traitement à une amélioration de la productivité ou ont obligé les agences à financer leurs augmentations de salaire par un accroissement de l’efficience. Si certains disent avoir réussi, les Pays-Bas sont plus nuancés dans leur évaluation d’un régime de rémunération lié au mérite et à la performance. L’évaluation qu’ils ont faite de leur expérience en cette matière ne semble pas concluante22. Il convient, cependant, de noter que tous les pays qui ont déconcentré les systèmes de détermination des rémunérations ont maintenu un contrôle centralisé de la masse salariale totale. Certains ont de plus imposé un plafond aux augmentations de salaire pouvant être consenties. Jusqu’à maintenant, c’est la seule voie adoptée pour concilier assouplissement de gestion et contrôle des dépenses salariales23. 2.7. Les relations avec les employés Ce titre regroupe tout autant les relations que l’administration entretient avec chacun des employés que celles qu’elle entretient avec les syndicats. Le premier aspect (administration – individu) a fait l’objet d’attentions particulières, surtout dans les pays qui ont adopté des mesures de décentralisation ou de déconcentration. Les réformes ont en effet été assorties de mesures de diffusion de l’information, de consultation, voire de concertation. En ce sens, les relations avec chaque employé se sont personnalisées ou, à tout le moins, ont tendu à être plus respectueuses des individus24. 22. « Les cadres et les agents de la fonction publique sont très satisfaits [...] du régime de rémunération liée à la performance et au mérite [...] car il accroît l’efficacité de l’administration, il encourage la réflexion sur les performances, il permet aux cadres d’influer sur la rémunération de leurs subordonnés et il est source d’équité. En revanche, il pèche par son manque de transparence, l’information insuffisante des intéressés et l’emploi de critères incorrects. L’instauration d’un système de rémunération entièrement flexible [...] pose également des problèmes de cohérence. » (OCDE, Examen 1993, p. 164) 23. En Suède, l’évolution des salaires n’est limitée que par le plafond budgétaire global fixé par le ministère des Finances. (OCDE, mars 1995) 24. Les exemples sont ici nombreux, dont le Canada : « FP2000 propose que l’on mette davantage l’accent sur la transparence et la consultation, de même que sur les résultats, la souplesse, le jugement, l’innovation, le régime d’obligation de rendre compte et les fonctionnaires en tant qu’actif à mettre en valeur. » (Rapport du vérificateur général du Canada, 1993, p. 181)
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Quant aux relations collectives de travail, on peut considérer que la Nouvelle-Zélande constitue le bout du spectre : élimination du droit à l’arbitrage, suppression du statut juridique particulier dont jouissaient les syndicats officiels, introduction de la liberté de choix dans la représentation des salariés et réduction des négociations à des discussions entre employeurs et employés sans passer par les représentants syndicaux. D’autres pays ont ajusté les relations professionnelles avec leurs employés sur les pratiques suivies dans le secteur privé et ont normalisé les conditions d’emploi des fonctionnaires25. Enfin, certains ont emprunté la voie de la participation des syndicats à la détermination du milieu de travail, dans un objectif de transparence et de plus grande motivation26. Nulle part, cependant, à moins d’y avoir été contraints par législation, les syndicats n’ont abandonné des droits acquis importants (sécurité d’emploi, représentation, rémunération, bénéfices sociaux, etc.).
Conclusion Les réformes en gestion des ressources humaines sont à l’évidence tributaires des réformes administratives et en présentent les caractéristiques : réduction des dépenses, décentralisation et déconcentration ; s’y ajoute une gestion inspirée de l’entreprise privée : comptabilité d’entreprise, évaluation basée sur la performance, etc. Quatre points ressortent de l’examen des caractéristiques des réformes en gestion des ressources humaines, à l’intérieur du contexte plus général des réformes du secteur public. Premièrement, les organismes centraux n’ont abandonné aucune des fonctions essentielles reliées à la planification stratégique de l’organisation
25. En Australie, « la décision la plus importante du gouvernement, touchant les relations de travail de la fonction publique, a pour effet de ramener celle-ci au même niveau que les autres composantes du monde du travail australien. Ainsi, le gouvernement abolit le poste séparé d’Arbitre pour la fonction publique et confie cette juridiction à la Commission des relations de travail. Le ministre responsable qualifie cette opération de « cohérente avec l’approche générale du Gouvernement [...] qui souhaite que la Commission place sur un pied d’égalité le secteur public et le secteur privé. » Conséquemment à cette opération, la fonction publique voit ses conditions de travail régies par les politiques générales du gouvernement qui affectent l’emploi et la rémunération et visent l’amélioration générale de l’efficience et de la productivité du pays dans son ensemble. Ces changements font de la fonction publique australienne un joueur significatif dans le secteur des relations de travail, en lui fournissant l’assise d’un syndicat national large et puissant. De son côté, le gouvernement améliore sa crédibilité auprès de la population en traitant ses fonctionnaires comme les autres travailleurs. » (« Australie, une décennie de réforme », Téléscope, vol. 3, n° 3, septembre 1996, Observatoire de l’administration publique) 26. C’est notamment le cas du Québec, cf. note 13.
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gouvernementale : contrôle des masses salariales, des nominations des hauts dirigeants et des paramètres à l’intérieur desquels sont discutées les conditions de travail avec les syndicats. Dans le contexte des réformes, cependant, les services centraux de gestion des ressources humaines ont vu leurs effectifs réduits et leur rôle a été orienté vers la gestion prévisionnelle, la formulation de politiques et de directives, les conseils aux services opérationnels, le suivi et l’élaboration d’une stratégie de gestion des ressources humaines. Les carences de cette approche sont de deux ordres : tout d’abord, les compétences du niveau central en gestion des ressources humaines ont disparu sans pour autant se retrouver au niveau opérationnel ; ensuite, bon nombre de gestionnaires ont continué de ne pas considérer la gestion des ressources humaines comme une partie importante de leur travail. Ces failles créent un manque de sensibilisation au rôle stratégique de la gestion des ressources humaines pour l’ensemble de l’organisation. Deuxièmement, les transferts de compétences ont porté sur les aspects opérationnels de la gestion des ressources humaines : organisation du travail, assignation et promotion, évaluation et formation, etc. Ce transfert des attributions en matière de gestion des ressources humaines au profit des ministères et agences opérationnels requiert une intégration beaucoup plus étroite de la gestion des ressources humaines aux objectifs et aux stratégies d’une organisation que cela n’a généralement été le cas jusqu’ici dans les organisations du secteur public. On peut ainsi mieux traduire les objectifs de la gestion des ressources humaines en buts et stratégies précis qui trouvent leur prolongement à travers toute l’organisation, dans les plans d’activités et les plans de performance, et ainsi mieux intégrer des mesures de formation et de perfectionnement. Cependant, dans les ministères et agences de grande taille, la coordination et l’intégration stratégique pour les transferts de compétences ont fait défaut. Dans la pratique s’ajoute à cette difficulté les longs délais requis pour la mise en place d’une nouvelle approche de gestion. Il faut, en effet, s’assurer de la bonne articulation entre, d’un côté, la fixation des buts et le contrôle des performances au niveau personnel et, de l’autre, les objectifs des plans de performance de l’organisation. Troisièmement, la réussite du transfert de compétences des organismes centraux aux unités opérationnelles est liée à la qualité de la formation et de l’appui que reçoivent les gestionnaires à qui on les attribue. Trop souvent, on a tendance à négliger ce niveau d’intervention, jugé, à tort ou à raison, moins intéressant. Et si l’on se préoccupe bien de la formation liée à l’acquisition et au maintien des habiletés requises pour la bonne exécution du travail, on oublie par ailleurs trop souvent de développer, en les
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tenant pour acquis, les outils de gestion nécessaires reliés aux ressources humaines. Un programme de formation pour cadres supérieurs et cadres intermédiaires, établi à l’échelon central pour assurer une cohérence de vue est un moyen utile pour faire naître et entretenir les principes de gestion des ressources humaines que l’on veut respecter. Quatrièmement, la valorisation des employés a trouvé sa place avec la souplesse et la simplicité introduites dans les systèmes de classement des emplois, permettant ainsi un enrichissement des tâches et une plus large autonomie qui contribuent à développer l’intérêt. Par ailleurs, les systèmes de relations de travail ont subi des transformations profondes et ont souvent été inspirés par les règles qui prévalent dans le secteur privé : élimination du droit à l’arbitrage, introduction de la liberté de choix dans la représentation des salariés, suppression du statut juridique particulier dont jouissaient les syndicats officiels, etc. En terminant, il faut relever trois éléments pouvant susciter un certain intérêt : 1) l’apparent sous-développement des systèmes de gestion de la performance, particulièrement, en ce qui concerne l’évaluation de l’employé et celle de l’unité opérationnelle, 2) l’absence d’évaluation systématique des réformes de la gestion des ressources humaines et 3) les raisons qui expliquent les réticences que semble avoir le gestionnaire à exploiter sa nouvelle autonomie en gestion des ressources humaines.
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Troisième partie
Stratégies et performances
Les stratégies ministérielles Une taxonomie1 Mohamed Charih et Michel Paquin
La survie et la réussite des organisations dépendent de l’adaptation de l’organisation aux besoins de son environnement. Dans ce cadre, les gestionnaires font appel à la stratégie afin de positionner leur organisation en fonction des menaces et des opportunités qu’ils perçoivent dans leurs environnements. Comme les contextes et les environnements différent d’un secteur à l’autre et d’un produit ou service à l’autre, les chercheurs ont tenté d’identifier et de classer les différentes stratégies organisationnelles (Miles et Snow, 1978 ; Porter, 1980 ; Mintzberg, 1988 ; Herbert et Deresky, 1987 ; Rubin, 1988 ; Wechsler et Backoff, 1987 ; Nutt et Backoff, 1992). Or, comme le font remarquer Wechsler et Backoff (1987), les organisations publiques opèrent dans un système d’autorité gouvernementale qui est différent du système de marché et de concurrence. En fait, au lieu d’évoluer sur des marchés, les organisations du secteur public manœuvrent à l’intérieur d’enchevêtrements complexes de lieux de pouvoir et d’influence où chacun cherche à promouvoir l’atteinte de ses propres objectifs. Les ministères, en tant qu’organisations publiques particulières, n’ont pas fait l’objet d’étude visant à identifier leurs stratégies. Ces organismes possèdent des caractéristiques différentes au sein des organisations publiques. Des facteurs comme les pressions des élus, les demandes des groupes d’intérêt et de pression, les mandats spécifiques et les juridictions, les méca-
1.
La version anglaise de ce texte a été présentée à la conférence annuelle de 1’Academy of Management à Vancouver en 1995. Les auteurs remercient le CRSHC pour le financement de cette étude.
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Mohamed Charih et Michel Paquin
nismes centralisés d’allocation des ressources et les impératifs de collaboration et de collégialité compétitive façonnent les types de stratégies du secteur public (Wechsler et Backoff, 1987 ; Nutt et Backoff, 1992). Dans le secteur public canadien, les ministères opèrent dans le cadre d’un gouvernement parlementaire (Dawson, 1968 ; Franks, 1987 ; Woodhouse, 1994). Créés par la volonté politique pour remplir des mandats dans un domaine donné, les ministères doivent composer avec la souveraineté du Parlement, la responsabilité collective du Cabinet, la responsabilité ministérielle (seul le ministre est imputable des politiques et de l’administration de son ministère) et le programme du parti au pouvoir. De plus, chaque ministère est un monopole dans son domaine d’intervention. Sa marge de manœuvre stratégique est contingentée par les impératifs politiques, le mandat ministériel, la répartition des pouvoirs entre les différents ministères et organismes, et les différents niveaux du gouvernement et par les demandes et le support provenant de l’environnement de ces organisations. Cette recherche, amorcée au printemps 1990, avait initialement comme objectif de mieux connaître la pratique de la planification stratégique formelle dans les ministères du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec. Plus précisément, nous cherchions à mettre en relief les raisons qui incitent les ministères à entreprendre un tel exercice, pour ensuite tenter d’améliorer notre compréhension de la nature même de la planification stratégique (son objet et le contenu des plans) (Charih et Paquin, 1993a ; 1993b ; 1993c). Dans le deuxième volet de l’étude, notre point de mire s’est déplacé vers l’identification des types de stratégies qui émanent des exercices de planification stratégique réalisés par les ministères (stratégies délibérées). Deux questions fondamentales forment la clé de voûte de cette partie de la recherche : Quels sont les types de stratégies adoptées par les ministères ? Quelle est la fréquence des stratégies identifiées ? Ce chapitre est divisé en cinq parties. La première traite du cadre conceptuel et distingue les typologies des taxonomies. Dans la deuxième partie, nous trouvons la méthodologie et l’identification des stratégies ministérielles. La troisième partie comporte une description des différentes stratégies, tandis que les parties quatre et cinq analysent respectivement les stratégies et leur fréquence. Le cadre théorique Dans la perspective des choix stratégiques, les décisions des gestionnaires portant sur comment répondre aux conditions environnementales sont des déterminants importants du succès de l’organisation (Child, 1972 ; Ketchen, Thomas et Snow, 1993). Sous cet angle, les organisations, en plus de s’adapter à leur environnement, les influencent grâce à leurs multiples
Les stratégies ministérielles
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actions (Child, 1972 ; Miles et Snow, 1978). Les tenants de cette perspective soutiennent que les organisations peuvent être efficaces, tout en adoptant des configurations organisationnelles et des stratégies différentes. Ce faisant, les chercheurs ont commencé à identifier et à classer les stratégies organisationnelles sous forme de typologie (Miles et Snow, 1978 ; Porter, 1980 ; Mintzberg, 1988 ; Herbert et Deresky, 1987 ; Rubin, 1988 ; Wechsler et Backoff, 1987 ; Nutt et Backoff, 1992). La typologie, en tant que mode de classification, regroupe les stratégies en fonction d’un ensemble d’attributs. En classant les stratégies, il devient possible d’identifier les différents comportements stratégiques efficaces des organisations. Les chercheurs reconnaissent ainsi que la stratégie est le résultat de l’interaction des forces internes et externes de l’organisation. Jusqu’à présent, la typologie la plus populaire est celle développée par Miles et Snow. Ces derniers soutiennent qu’il existe quatre stratégies fondamentales : défense, prospection, analyse et réaction (Miles et Snow, 1978). A l’exception des typologies de Rubin (1988), Wechsler et Backoff (1987) et Nutt et Backoff (1992), les typologies développées jusqu’à présent s’adressaient plutôt au secteur privé qu’au secteur public. Wechsler et Backoff (1987) puis Nutt et Backoff (1992) ont développé des typologies particulières au secteur public. Nutt et Backoff remplacent la notion de compétition dans le secteur privé par des besoins à la recherche de satisfaction dans le secteur public. Ces besoins peuvent être stables ou changeants (Nutt et Backoff, 1992, p. 84). Les auteurs utilisent une matrice bivariée qui tient compte de la pression pour l’action provenant de l’environnement et de la sensibilité de l’organisation aux besoins des acteurs externes. La typologie offre cinq stratégies organisationnelles : bureaucratisation, orientation, accommodation, compromis et mutualisme. La stratégie de bureaucratisation et celle d’orientation répondent de façon modérée aux pressions pour l’action, mais demeurent insensibles sur le plan de l’imputabilité. L’accommodation et le compromis réagissent favorablement aux pressions pour l’action et assument une grande imputabilité envers l’environnement externe. Quant à la stratégie de mutualisme, elle répond à la fois à des pressions élevées de l’environnement et à une grande imputabilité externe (Nutt et Backoff, 1992, p. 87-94). Dans une autre étude, Wechsler et Backoff ont réalisé une recherche sur le terrain auprès de trois organismes gouvernementaux de l’État d’Ohio. Leur étude dégage trois stratégies : la stratégie de développement, la stratégie protectrice et la stratégie politique. Les deux typologies en question sont intéressantes, car elles focalisent l’attention sur les stratégies des organisations publiques. Mais elles ont besoin d’être plus testées sur le plan empirique. Cette étude cherche à améliorer notre compréhension de la stratégie dans le secteur public, en employant une classification taxonomique.
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Les chercheurs ont souvent utilisé le terme typologie et taxonomie d’une manière interchangeable lorsqu’ils classent les stratégies. Récemment, un nombre croissant de chercheurs propose de faire des distinctions entre les deux formes de classification (Hambrick, 1983a, 1983b, 1984 ; Rich, 1992 ; Doty et Glick, 1994). Selon ces chercheurs, les typologies sont engendrées par une démarche conceptuelle, puis elles sont testées au regard des théories du premier et du second niveau. Quant aux taxonomies, elles sont obtenues grâce à une approche empirique et sont utiles en matière de développement des théories de deuxième niveau (Hambrick, 1984 ; Rich, 1992 ; Doty et Glick, 1994). La taxonomie est appropriée à l’étude des stratégies, car elle permet de classer des phénomènes dans des catégories exhaustives et mutuellement exclusives grâce à un ensemble de règles décisionnelles (Doty et Glick, 1994, p. 232). D’autres chercheurs peuvent, par la suite, pousser l’élaboration et la vérification des stratégies identifiées et enrichir la réflexion théorique. Méthodologie Notre recherche a été effectuée auprès des ministères du gouvernement fédéral du Canada et des ministères du gouvernement du Québec. Au fédéral, on a pu procéder à l’analyse de dix plans stratégiques ministériels, tandis qu’au Québec, on a pu analyser huit plans stratégiques ministériels et quatre énoncés de politique gouvernementale. Nous avons retenu ces énoncés parce que, pour les ministères concernés, l’énoncé de politique tenait lieu de plan stratégique. Cela s’explique par le fait que la politique concernée est de nature sectorielle et recouvre la totalité du champ d’action du ministère. Il faut noter, cependant, que l’énoncé de politique définit les objectifs poursuivis par le gouvernement (et non ceux du ministère) et qu’il présente les orientations et les actions envisagées par ce dernier. Nous avons relevé toutefois que, selon les cas, entre 65 et 90 % des actions concernent le ministère étudié (les autres actions concernant d’autres ministères ou organismes, ou le gouvernement lui-même). Les recommandations d’actions contenues dans les plans et les politiques recueillis ont constitué l’objet d’analyse. Ces recommandations constituent des engagements plus ou moins précis. Certaines d’entre elles expriment uniquement un objectif général (par exemple, « Favoriser l’adaptation des entreprises du secteur à la mondialisation des échanges ») et ne donnent aucune indication sur l’action à mener. D’autres recommandations expriment vaguement les actions à mener (par exemple, « Développer des outils permettant de mieux informer les citoyens quant à leurs droits et obligations »). Enfin, certaines recommandations sont relativement précises (par exemple, « Présenter au Parlement un rapport annuel détaillé »).
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Au total, 900 recommandations ont été analysées, soit 374 recommandations pour les dix plans provenant de ministères fédéraux, 263 recommandations pour les huit plans stratégiques des ministères québécois et 263 recommandations pour les quatre énoncés de politique. Dans les plans fédéraux, le nombre de recommandations varie entre 19 et 68, pour une moyenne de 37. Dans les plans des ministères québécois, le nombre de recommandations varie entre 22 et 46, pour une moyenne de 33. Quant aux énoncés de politique, le nombre de recommandations varie entre 31 et 140, la moyenne étant de 66. Afin de dégager les stratégies ministérielles, nous nous sommes inspirés de la méthode utilisée par Denis, Langley et al. (1991). D’une manière plus spécifique, nous avons procédé de la façon suivante. Premièrement, quatre chercheurs ont été appelés à établir, pour chaque plan étudié, la liste des types de stratégies qui semblaient ressortir de l’examen de chaque plan. Par la suite, dans le cadre d’une séance de brainstorming, les listes ont été réconciliées et un consensus a été établi sur la définition et l’appellation des catégories retenues. Lors de cet exercice, il est apparu que l’analyse avait porté sur deux niveaux différents : certaines appellations cherchaient à représenter la ou les stratégies d’ensemble – les stratégies génériques – du ministère (par exemple, on faisait appel à des expressions telles que stratégie de développement, stratégie de consolidation), tandis que d’autres s’apparentaient plutôt à des moyens de réaliser les stratégies génériques. Ces moyens pouvaient donc être considérés comme des sous-stratégies. Une première liste de sous-stratégies fut élaborée et on procéda à l’analyse de chacune des recommandations d’actions en se demandant à quel type d’action stratégique elle appartenait. Cet exercice fut effectué par un assistant de recherche avec la participation, lorsqu’il y avait ambiguïté, d’un des chercheurs principaux. Cela a permis de valider la liste originale à laquelle quelques modifications furent apportées, notamment en insérant quelques catégories nouvelles. L’exhaustivité de la liste put ainsi être vérifiée et l’on procéda à la codification de chacune des recommandations d’action. L’analyse des fréquences a été utilisée afin de relever, d’une part, les stratégies les plus importantes et, d’autre part, le nombre de stratégies poursuivies par ministère. Le tableau 1 nous donne la répartition des recommandations entre les vingt types d’actions stratégiques identifiées. Ces types d’actions stratégiques ou sous-stratégies ont été regroupés en huit stratégies globales : −
la stratégie interne ou de revitalisation,
−
la stratégie d’amélioration et de développement des produits et services,
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la stratégie de réorientation,
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−
la stratégie politique,
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la stratégie environnementale,
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la stratégie de partenariat,
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la stratégie de statu quo,
−
la stratégie d’attente.
Les types de stratégies La stratégie interne ou de revitalisation La stratégie interne (ou stratégie de revitalisation) met l’accent sur les variables internes à l’organisation. Elle comprend quatre types d’actions stratégiques : •
L’amélioration ou la simplification des processus et des systèmes de gestion ; cette catégorie comprend les actions recommandées en vue d’améliorer ou de simplifier la gestion des ressources financières, matérielles et informationnelles ainsi que l’administration générale du ministère.
•
L’amélioration des processus de production ; cette catégorie comprend les actions visant des changements aux méthodes, aux systèmes et aux technologies utilisées.
•
La réorganisation ou la modification des structures de l’organisation ; cette catégorie comprend les actions se rapportant au réaménagement des responsabilités, à la décentralisation des services, aux mécanismes de coordination, aux mécanismes de liaison et à la réorganisation du travail.
•
Le développement des ressources humaines et la modification de la culture organisationnelle ; cette catégorie comprend les actions relatives à la formation et au développement des employés, à la mobilisation du personnel, à la planification des besoins et au recrutement, au développement de programmes d’accès à l’égalité, à l’évaluation du rendement, à l’amélioration du climat organisationnel et, enfin, à l’identification à une nouvelle culture organisationnelle et à de nouvelles valeurs, par exemple, une gestion plus participative et la priorité accordée au client.
La stratégie d’amélioration et de développement des produits et services Cette stratégie comprend les quatre types d’actions stratégiques suivants : •
L’amélioration de la qualité des produits ou des services ; cette catégorie comprend les mesures dont l’objectif est de mieux répondre aux besoins de la clientèle ; on ne cherche pas à modifier la nature du
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produit ou du service mais à accroître la satisfaction de la clientèle, par exemple, en améliorant l’accueil ou en réduisant les délais. •
La mise en marché des produits et services ; cette catégorie comprend les actions visant à mieux faire connaître les produits et services du ministère mais aussi les actions visant à favoriser la mise en marché des produits et services des entreprises du secteur, telles que l’identification d’occasions d’affaires et le soutien à la commercialisation.
•
Le développement des produits et services ; cette catégorie comprend les actions visant la conception et la réalisation d’activités ayant pour effet d’élargir la gamme des produits et services, d’en modifier les caractéristiques ou d’en accroître le volume.
•
Le développement de la recherche et des inventaires ; cette catégorie comprend les actions visant à accroître la recherche effectuée dans un secteur donné, qu’elle soit faite au sein ou à l’extérieur du ministère, et les actions visant à développer les connaissances au moyen d’inventaires ou d’enquêtes.
La stratégie de réorientation La stratégie de réorientation vise la remise en question de façon fondamentale du rôle du ministère. Elle comprend les trois types d’actions stratégiques suivants : •
La redéfinition des différents niveaux de juridiction ; cette catégorie comprend les actions visant à redéfinir les champs de juridiction des divers niveaux de gouvernement (fédéral, provincial, municipal, gouvernements autochtones) et un nouveau partage de responsabilités.
•
La privatisation ; cette catégorie comprend les actions visant à transférer à l’entreprise privée la propriété et la gestion d’installations faisant partie du domaine public, par exemple, la privatisation d’aéroports.
•
Le désengagement ou le retrait ; cette catégorie comprend les actions en vertu desquelles le ministère abandonne purement et simplement la réalisation de certaines activités sans procéder à un transfert de juridiction ou à la privatisation.
La stratégie politique La stratégie politique repose sur la modification des relations de pouvoirs et d’influence entre le ministère et des éléments externes. Elle comprend quatre types d’actions stratégiques : •
Le rayonnement, la promotion et la défense des intérêts du secteur ; cette catégorie comprend les actions visant le rayonnement du minis-
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Mohamed Charih et Michel Paquin tère auprès de la population dans le but de gagner sa confiance et son appui ainsi que les activités de promotion et de défense des intérêts du ministère ou du secteur qu’il représente, que ce soit sur la scène internationale, auprès des autres niveaux de gouvernements, de groupes d’intérêts particuliers ou de la population en général.
•
Le renforcement de la position politique du Canada ou du Québec ; cette catégorie comprend les actions visant la promotion et la défense des intérêts sociaux, économiques, culturels et politiques du Canada ou du Québec, tant sur la scène internationale que nationale.
•
L’encadrement, la régulation et le contrôle ; cette catégorie comprend les actions visant à revoir la nature ou l’application des mesures d’encadrement, de régulation et de contrôle, par exemple, les activités d’inspection, s’appliquant tant aux individus qu’aux entreprises.
•
La modification du cadre législatif et réglementaire ; cette catégorie comprend les propositions visant la révision de lois ou de règlements et, en conséquence, la modification des règles du jeu qui prévalent.
La stratégie environnementale Cette stratégie vise la modification ou la protection de l’environnement physique et humain lui-même. Elle comprend deux catégories d’actions stratégiques : •
L’éducation ou la sensibilisation des clientèles ou des citoyens ; cette catégorie comprend les actions visant la modification des perceptions et des comportements des clients ou des citoyens, par exemple, en matière d’accueil des immigrants ou de conservation et de protection du milieu naturel.
•
La conservation et la protection des ressources et du patrimoine ; cette catégorie comprend les actions visant la conservation, la protection et l’amélioration du milieu naturel et du patrimoine historique ou culturel.
La stratégie de partenariat La stratégie de partenariat correspond à la catégorie d’actions stratégiques visant l’établissement d’un partenariat ou de mesures de concertation en vertu desquelles deux ou plusieurs organisations ou gouvernements s’entendent pour agir de concert, pour coopérer, pour développer des projets communs, pour échanger de l’information ou pour partager les coûts d’un programme ; cette stratégie comprend la coopération fédérale-provinciale et internationale ainsi que le partenariat entreprise – gouvernement.
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La stratégie de statu quo Cette stratégie correspond à la catégorie de recommandations ayant pour but d’assurer le statu quo et le maintien du volume des activités à son niveau actuel. La stratégie d’attente Cette stratégie correspond à la catégorie de recommandations visant à définir ultérieurement les orientations du ministère ou à étudier les problèmes soulevés, à concevoir des politiques et à élaborer des plans d’intervention. Si l’on exclut les deux dernières stratégies qui, en fait, correspondent plutôt à l’absence de volonté de changement, du moins dans l’immédiat, on reste donc avec six stratégies caractérisant les actions concrètes envisagées par les ministères. Cinq de ces stratégies se situent à l’intérieur de la mission existante alors que la stratégie de réorientation suppose une modification fondamentale à la mission du ministère. Analyse des six stratégies de changement Des six stratégies de changement, une concerne les aspects internes à l’organisation (ses processus, sa structure, sa culture et son personnel) et elle peut être vue comme une stratégie de revitalisation. Ce type de stratégie n’est pas propre aux organisations gouvernementales ; on le rencontre aussi bien dans le secteur privé. Une deuxième stratégie concerne l’amélioration et le développement des biens et services produits par le ministère ou par les entreprises du secteur ainsi que leur distribution. On rejoint ici une caractéristique intéressante de la planification stratégique dans le secteur public : le ministère qui élabore le plan n’est pas toujours la seule organisation concernée, l’ensemble des entreprises ou agents du secteur que le ministère représente pouvant aussi être dans le coup. Si la stratégie d’amélioration et de développement n’est pas propre au secteur public, il reste que l’aspect « sectoriel » lui est propre : un ministère représente parfois les intérêts d’un secteur d’activité économique et il définit alors son action en fonction de ce secteur. La troisième stratégie en est une de réorientation où le rôle du ministère est remis en question de façon fondamentale, que ce soit par un nouveau partage de responsabilités entre niveaux de juridiction, la privatisation ou le retrait. Là aussi, il s’agit de types d’actions propres aux organisations gouvernementales, à l’exception peut-être des cas de retrait. Toutefois, lorsqu’une entreprise se retire d’un secteur, des concurrents prennent le plus souvent la relève. Dans le cas d’organisations gouvernementales, cela n’est pas assuré, car les activités éliminées peuvent ne pas faire partie de l’économie marchande mais plutôt correspondre à un type d’activité pour laquelle il n’y a pas de substitut.
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Alors que la troisième stratégie touche le positionnement du ministère, les quatrième, cinquième et sixième stratégies touchent les relations avec l’environnement. La quatrième stratégie est politique ; elle repose sur la modification des relations de pouvoir et sur les jeux d’influence. On y retrouve des activités de promotion et de défense de ses intérêts, comme on peut en rencontrer aussi dans le secteur privé, mais avec une optique bien différente : on déborde parfois l’organisation pour considérer le secteur ou même des enjeux plus globaux (économiques, sociaux, culturels et politiques) touchant la société dans son ensemble ou l’État lui-même. On notera aussi la capacité de contrainte que détient l’État qui est en mesure de réguler et de contrôler les agents socioéconomiques ainsi que de modifier les règles du jeu par son pouvoir législatif et réglementaire. Voilà des actions stratégiques que seuls les pouvoirs publics peuvent exercer. La cinquième stratégie s’adresse directement à l’environnement physique et humain dans le but de l’améliorer, le modifier, le protéger. Les actions auprès des clients et des citoyens visent la modification de leurs perceptions et de leurs comportements en vue d’en faire de meilleurs clients ou citoyens (nous excluons ici les activités éducatives proprement dites qui font partie des services offerts par les maisons d’enseignement et pour lesquelles peut correspondre une stratégie d’amélioration et de développement des services). Cette stratégie comprend aussi les actions visant la conservation, la protection et l’amélioration du milieu naturel et du patrimoine historique et culturel. L’objet visé par l’action a une certaine valeur pour la « collectivité » et l’État intervient ici en tant qu’instrument du bien commun. Là aussi, ce type de stratégie est propre aux organisations gouvernementales et aux organisations volontaires. La sixième stratégie, celle de partenariat, s’apparente à des formes de partenariat pouvant exister dans le secteur privé. Dans une société où les pouvoirs publics sont constitués de réseaux complexes d’organisations à divers échelons (local, provincial, national) et où le partage des juridictions donne lieu à des redondances comme à des complémentarités, la stratégie de partenariat semble s’imposer.
La fréquence des stratégies rencontrées Le tableau 1 nous indique la fréquence des stratégies rencontrées, et les pourcentages montrent l’importance des recommandations d’actions appartenant à la stratégie mentionnée. La stratégie interne ou de revitalisation et la stratégie d’amélioration et de développement des produits et des services sont celles que l’on rencontre le plus fréquemment, représentant chacune entre 25 et 35 % des recommandations, à l’exception du cas des politiques gouvernementales québécoises. Dans ce dernier cas, la stratégie de revitalisation est très peu significative (ce qui ne surprend pas, étant donné que la politique est une orientation gouvernementale et non un exercice axé sur la gestion d’un ministère),
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tandis que la stratégie d’amélioration et de développement des produits et des services compte pour plus de la moitié des recommandations. Pour ce qui est des autres stratégies, trois apparaissent relativement fréquentes : la stratégie politique, la stratégie environnementale et la stratégie de partenariat qui comptent chacune entre 10 et 14 % des recommandations, selon les catégories de plans, et sont pratiquement au même niveau si l’on considère
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le total (environ 12 % pour chaque stratégie). Quant aux trois autres stratégies, elles sont peu fréquentes. Ce sont des organisations en particulier qui adoptent des stratégies. Aussi avons-nous voulu examiner comment les ministères pouvaient se distinguer les uns des autres. Aux tableaux 2 et 3, nous présentons la répartition des recommandations d’actions de chaque plan ou politique. Si nous considérons qu’une stratégie n’est significative que lorsqu’elle regroupe un pourcentage minimum des actions prévues dans les plans, l’examen des tableaux 2 et 3 nous indique que, en règle générale, les ministères focalisent sur un très petit nombre de stratégies.
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Si l’on retient le seuil de 30 % comme niveau significatif, une quinzaine de ministères (sur 22) ont une seule stratégie dominante. Lorsqu’on baisse le seuil à 20 %, 3 ministères n’ont qu’une seule stratégie, 18 en ont deux et 1 en a trois. Au seuil de 10 %, le nombre de stratégies varie entre 2 et 5. L’examen de la répartition des actions stratégiques entre les stratégies permet de dégager des profils (voir tableaux 4 et 5). Nous comptons trois ministères qui ont nettement une stratégie dominante, c’est-à-dire une stratégie regroupant la moitié ou plus des recommandations alors que les autres stratégies regroupent un faible pourcentage des recommandations (15 % ou moins). Ces ministères sont F9, P2 et P3. F9 a opté pour une stratégie de revitalisation, alors que P2 et P3 ont choisi une stratégie d’amélioration et de développement des produits et des services. P2 et P3 sont deux ministères où s’applique une politique gouvernementale. Huit ministères ont une stratégie qui se dégage comme plus importante que les autres mais aussi une stratégie secondaire qui regroupe plus de 20 % des recommandations. Ces ministères sont F5, F8, F10, P1, P4, Q2, Q5 et Q7. On notera que P1 et P4 sont des ministères où s’applique une politique gouvernementale. Il ressort que les quatre ministères québécois où une politique s’applique ont soit une stratégie dominante ou une stratégie principale d’amélioration ou de développement des produits et services. Deux ministères (Q1 et F7) comptent une stratégie principale mais deux stratégies secondaires qui apparaissent relativement importantes. Pour un total de dix ministères qui ont une stratégie principale, quatre de ces stratégies sont des stratégies d’amélioration ou de développement des produits et des services,
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trois sont des stratégies de revitalisation, deux sont des stratégies environnementales et une représente une stratégie de partenariat. Dans le cas de neuf ministères, on ne peut dégager une stratégie dominante ou principale. Huit de ces ministères font appel à deux stratégies majeures (approche duale) qui apparaissent toutes deux très importantes. Ces ministères sont les suivants : F2, F3, F4, F6, Q3, Q4, Q6 et Q8. Dans le cas de deux de ces ministères (F3 et F6), une troisième stratégie apparaît comme secondaire. Quant au neuvième ministère (F1), les actions stratégiques de son plan sont éclatées entre quatre stratégies significatives. On remarquera que dans le cas des huit ministères qui ont eu recours à une approche duale, cinq ont associé la stratégie de revitalisation à celle de l’amélioration et du développement des produits et services, un a associé la stratégie de revitalisation à la stratégie environnementale, un a associé la stratégie d’amélioration et de développement des produits et services à la stratégie de partenariat alors qu’un dernier ministère associait la stratégie de réorientation à la stratégie de statu quo. Le cas de ce dernier ministère est, à première vue, plutôt paradoxal. Il s’explique par le fait qu’on veut à la fois procéder à des changements quant au niveau de juridiction tout en voulant rassurer la clientèle au regard du maintien des services.
Conclusion Récemment, plusieurs chercheurs ont essayé de classer les stratégies organisationnelles sous forme de typologies et de taxonomies. Toutefois, à l’exception de quelques études, la majorité des typologies s’adressent surtout au secteur privé. De plus, les rares études sur les organisations publiques n’ont
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pas tenu compte du cas particulier des ministères. Afin de combler cette lacune, cette étude a cherché à identifier les stratégies des ministères de deux gouvernements parlementaires : le gouvernement fédéral du Canada et le gouvernement du Québec. Les ministères d’un gouvernement parlementaire exercent leurs fonctions dans un environnement particulier, sur les plans constitutionnel, législatif et organisationnel. Grâce à une classification taxonomique, les chercheurs ont pu identifié huit stratégies ministérielles : la stratégie interne ou de revitalisation, la stratégie d’amélioration et de développement des produits et services, la stratégie de réorientation, la stratégie politique, la stratégie environnementale, la stratégie de partenariat, la stratégie de statu quo et la stratégie d’attente. La stratégie interne ou de revitalisation et la stratégie d’amélioration et de développement des produits et services ressortent comme les orientations les plus fréquentes, suivies par la stratégie politique, la stratégie environnementale et la stratégie de partenariat. Il ressort également de cette étude que les ministères font des combinaisons de différentes stratégies. Comme l’indique l’analyse des fréquences, certains ministères ont une seule stratégie dominante, d’autres ont des stratégies majeures duales et, dans certains cas, des stratégies principales et secondaires. La combinaison de plusieurs stratégies peut s’expliquer par les domaines variés d’intervention de certains ministères et les pressions de l’environnement interne et externe exigeant du ministère qu’il prenne position sur les différents programmes et politiques dont il est responsable. La présence de plusieurs stratégies et leurs différentes combinaisons soulèvent un ensemble de questions qui méritent d’être examinées. Par exemple, quelles sont les variables contextuelles et organisationnelles qui poussent un ministère à adopter un type ou une combinaison de stratégies ? Si nous plaçons à l’extrême d’un axe, l’adoption d’une stratégie éclatée et, à l’autre extrême, une stratégie dominante, ces deux stratégies constituent-elles, par exemple, des réponses à des environnements et des clientèles respectivement fragmentés ou homogènes ? Cette étude comporte certaines limites. Principalement, elle a identifié les stratégies intentionnelles des ministères à un moment donné dans le temps. Il est donc possible, dans un premier temps, que les plans stratégiques constituent un exercice de relations publiques et que, dans un deuxième temps, ils soient des réponses à des problèmes temporaires. Il serait donc intéressant de répéter cette étude dans quelques années afin d’examiner, dans un premier temps, si les stratégies identifiées persistent et, dans un deuxième temps, la dynamique et l’évolution des stratégies ministérielles.
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La performance financière des sociétés d’État Essai d’un modèle quantitatif Luc Bernier, André Forget et Michel G. Bédard
Introduction et problématique Dans les sociétés occidentales, l’État n’a plus la légitimité qu’il a déjà eue. Peu importe où l’on en cherche la cause, dans l’idéologie dominante qui a changé, dans les réajustements structurels rendus nécessaires par la mondialisation de l’économie ou encore dans l’état des finances publiques, l’État a la réputation d’être moins efficace que le secteur privé. On reproche également au secteur public sa difficulté à se renouveler. En 1986, pris dans ce courant mondial, le gouvernement du Québec annonçait son intention de privatiser dix entreprises publiques dites « stratégiques » (Gouvernement du Québec, 1986). Le ministre responsable, Pierre Fortier, a célébré en 1988 la réussite de l’expérience de privatisation (Gouvernement du Québec, 1988). On aurait alors pu croire, à la lecture de son rapport d’étape, que le programme de privatisation avait été complété. La privatisation est cependant demeurée un sujet d’actualité et le gouvernement libéral a relancé une vague de privatisation peu avant l’élection générale de septembre 1994. Le gouvernement du Parti québécois une fois élu a annoncé son intention de poursuivre le programme de privatisation du gouvernement précédent après avoir dénoncé la vente à la sauvette (Bernier, 1995 ; Lessard, 1995). La privatisation présume que la propriété est un facteur dominant d’explication de la performance, présomption conforme à la tradition de la littérature dans le domaine. Autant au Québec (Gélinas, 1980) qu’au Canada ou ailleurs (Stevens, 1993), on postule que le contrôle gouvernemental est la variable explicative de la performance des entreprises publiques. Dans cette
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Luc Bernier, André Forget et Michel G. Bédard
perspective axée sur le contrôle, on peut améliorer la performance d’une entreprise publique en resserrant son contrôle. De la même façon, on présume qu’une entreprise publique peu performante est mal contrôlée. Les contrôles gouvernementaux des entreprises publiques ont été scrutés durant des décennies (Garant, 1985). Diverses manières d’améliorer ces contrôles ont été discutées (Aharoni, 1981). De nouvelles formes de contrôle se sont ajoutées aux précédentes sans que la performance ne fluctue favorablement. Même si les recherches récentes démontrent que le contrôle n’est pas déficient au départ mais qu’il le devient au cours d’un cycle (Hafsi et Koenig, 1988), les défenseurs de la privatisation ont conclu que l’État ne serait jamais capable de contrôler ses entreprises et qu’il ne restait qu’à les vendre. Cette présomption et la conclusion sont douteuses. Elles négligent la dynamique organisationnelle des sociétés d’État et des travaux théoriques déjà vieux. Depuis les travaux de Berle et Means (1932), le lien entre propriété et contrôle a été remis en cause. On peut se demander pourquoi la littérature sur les entreprises publiques a continué à porter sur la notion de contrôle alors que leur nature même rendait celui-ci difficile. Une hypothèse plus plausible que celle du contrôle serait que la performance des sociétés d’État dépend de l’entrepreneurship de ses dirigeants. Si la performance n’est pas liée à l’application des volontés politiques parce que le contrôle gouvernemental des entreprises publiques est insuffisant, il faut chercher dans ce qui motive les employés, en général, et les dirigeants, en particulier, de ces organisations (Bernier et Fortin, 1994). Dans un contexte politique où l’austérité est un thème populaire dans l’électorat, les gouvernements ont rapidement acquis le réflexe de scruter la performance financière de leurs entreprises. Les indicateurs complexes capables d’évaluer la performance en termes de buts sociaux exigent des quantités d’information difficile à obtenir. Les gouvernements et les évaluateurs externes n’ont souvent que des informations financières à partir desquelles prendre des décisions. Bien que ces indicateurs financiers puissent n’être que de piètres critères d’évaluation des sociétés d’État, car ils ne tiennent pas compte de la mission de l’entreprise, ils sont à tout le moins un reflet de la capacité qu’a l’entreprise de bien exploiter la technologie dont elle dispose. De plus, la légitimité de l’intervention gouvernementale pour une société d’État ne peut être que renforcée par une performance financière solide (Bernier, 1989 ; 1994). L’analyse des ratios financiers a donc une importance certaine et il convient de connaître les facteurs qui en déterminent l’évolution. On doit donc pouvoir expliquer l’évolution des ratios financiers pour ainsi départager les facteurs de performance des facteurs externes qui auraient affecté l’entreprise même si elle avait été privée. La performance financière des sociétés d’État constitue un enjeu important en cette fin de siècle alors qu’on s’interroge sur la performance comparée du privé et du public. Cette recherche vise à démontrer que la
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propriété publique n’explique que très partiellement leur performance. C’est pourtant sur la présomption que le privé est plus efficace que le public que les privatisations se sont faites dans le monde occidental. Selon ceux qui plaident en faveur de la privatisation, le secteur privé rendra plus efficaces et efficientes les entreprises publiques que leur appartenance au secteur public rend déficitaires ou peu rentables. Nous nous sommes demandé tout d’abord s’il était vrai que ces entreprises publiques sont si peu efficaces.
Concepts et mesures Cette recherche s’articule autour de trois concepts touchant la dynamique des sociétés d’État, à savoir celui de la performance financière, celui de l’entrepreneurship public et celui d’environnement politico-économique. 1. La performance financière Mishra (1990) rapporte tout près d’une trentaine de ratios financiers qui peuvent servir à évaluer la liquidité, le levier économique, le roulement et le profit des entreprises publiques. Toutefois, pour des raisons d’accessibilité et de commodité, les chercheurs ont tendance à articuler leur recherche autour des ratios de rentabilité que sont le rendement du capital employé (ROCÉ), la marge bénéficiaire (MB), le rendement des actifs (ROA) et le rendement de l’équité (ROÉ) (Parker et Hartley, 1991 ; Vinning et Boardman, 1992). Pour les fins de la présente recherche, la mesure de la performance financière est prise à partir de la marge bénéficiaire, du rendement des actifs et du rendement de l’équité (Bernier et Fortin, 1994). La marge bénéficiaire est considérée comme l’un des aspects les plus importants pour juger du succès en affaires. Il constitue une mesure cruciale pour évaluer jusqu’à quel point une entreprise va bien. Ce paramètre capte tout un réseau de forces et d’influences et constitue une mesure importante de la stratégie de l’entreprise (Allaire et Firsirotu, 1993). Le rendement des éléments d’actif indique dans quelle mesure leur utilisation engendre des profits. Ce second paramètre, poursuivent Allaire et Firsirotu (1993), constitue lui aussi un élément fondamental de la performance économique de la firme. À court terme, un faible ROA donne une bonne indication soit d’une piètre performance économique, soit du résultat d’une phase d’investissement en actifs. À long terme, quand on le combine avec le rendement de l’équité, il donne une excellente indication de la capacité de la firme de créer de la richesse économique. Le rendement sur l’équité constitue le troisième paramètre fondamental de la performance financière des entreprises incluses dans notre analyse. Ce ratio indique la hauteur des profits que tire l’entreprise de l’avoir investi par les actionnaires.
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2. L’entrepreneurship L’entrepreneurship public est défini ici comme la capacité d’utiliser l’autonomie relative de l’État à l’égard du système politique pour faire prospérer une société d’État. Comme dans le secteur privé, un entrepreneur est quelqu’un qui sait reconnaître une occasion d’innovation et qui a la volonté, la capacité et la ténacité pour réunir les ressources nécessaires pour en profiter. Dans le contexte financier, la performance financière est un élément non négligeable de la performance des entreprises et de la réussite des entrepreneurs qui les dirigent. L’entrepreneur ne crée pas forcément l’entreprise qu’il dynamise. Dans une étude récente portant sur 21 cas de PME à succès, Biais et Toulouse (1992) citent plusieurs cas où ce n’est qu’après des décennies que les organisations ont pris leur envol. Dans une organisation moderne, l’entrepreneur est rarement une seule personne mais une équipe (Marmor et Fellman, 1986). Il n’y a que dans de petites organisations oeuvrant dans un environnement stable qu’un individu peut remplir seul toutes les fonctions entrepreneuriales. Dans la plupart des entreprises d’envergure, l’entrepreneurship s’articule autour de deux postes stratégiques : celui de chef de la direction et celui de président du conseil d’administration. Pour les fins de la présente analyse, ces deux indicateurs serviront de mesure de l’entrepreneurship au sein des entreprises publiques à l’étude. Plus précisément, ce concept sera mesuré à partir du changement de directeur général ou du chef de la direction, d’une part, et du changement de président du conseil d’administration, d’autre part. Parce que ces postes sont remplis par des personnes bien identifiées dans le rapport annuel de l’organisation, on peut alors considérer chaque détenteur de ces deux postes comme une valeur qualitative propre et définir chacun d’eux sous la forme de variables à échelle nominale. 3. L’environnement politique et économique Un entrepreneur public doit réussir à coordonner les relations de son organisation avec ce qui compose son environnement. Pour Fernandes (1986), l’interface entre l’entreprise publique et son environnement doit être gérée de telle sorte que les influences contraignantes de l’environnement soient maîtrisées et non subies. Tous ces liens font référence, en dernière analyse, aux deux aspects fondamentaux de l’environnement de l’entreprise publique, à savoir son aspect économique et son aspect sociopolitique. Pasquero (1989) écrit à ce propos que la gestion doit s’ouvrir non seulement aux aspects économiques traditionnels de la création de richesse mais aussi à toutes les dimensions de l’interaction qui lie l’entreprise aux aspects sociopolitiques de son environnement.
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C’est à partir de cette double perspective que le concept d’environnement est opérationnalisé dans cette analyse. En ce qui a trait à la mesure du contexte politique, trois variables ont été retenues. La première fait référence directement à la différence d’idéologie véhiculée par les trois grands partis politiques qui existent au Québec entre 1960 et 1994. Plus précisément, l’idée est de voir dans quelle mesure la performance financière peut être associée à la présence de tel ou tel parti politique au pouvoir. La variable peut prendre seulement trois valeurs : Union nationale (1), Parti libéral (2), Parti québécois (3). La seconde façon de mesurer le contexte politique correspond non plus à la différence entre les partis en soi mais à la succession de ceux-ci au pouvoir. Ici, la variable change de valeur à chaque
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fois qu’il y a changement de parti politique au pouvoir au fil des ans. S’il y a huit changements de parti au pouvoir depuis la date de fondation de la société d’État étudiée, les valeurs nominales varieront de 1 à 8. Enfin, la troisième mesure de l’environnement politique se rapporte au changement de ministre responsable de chacune des sociétés d’État. À chaque changement de ministre, la variable prend une autre valeur nominale. Pour ce qui est de la mesure de l’environnement économique, nous avons retenu une série de ratios tirés de certains indicateurs économiques généraux pour le Québec et le Canada. Le tableau 1 donne un aperçu de chacun de ces ratios.
Design et méthode de recherche La présente recherche porte sur l’ensemble des sociétés d’État québécoises consignées dans le tableau 2. Ce projet de recherche doit mener à l’élaboration d’un modèle explicatif et quantitatif de la performance financière de l’ensemble des sociétés d’État québécoises. La démarche comporte deux phases : d’abord, une étude longitudinale par cas et, ensuite, une analyse à la fois longitudinale et transversale englobant l’ensemble des cas. La première phase se divise en deux étapes. La première consiste à explorer au moyen d’une série de tests de corrélation le degré d’association qui existe, primo, entre les variables de performance financière et les variables d’entrepreneurship et, secondo, entre les variables de performance financière et les différentes variables externes à l’entreprise qui pourraient relativiser cette relation performance – entrepreneurship. Signalons que ce chapitre représente un rapport préliminaire. À la seconde étape, les variables de performance financière seront considérées comme des variables dépendantes. Les variables liées à l’entrepreneurship et à l’environnement politico-économique qui montreront un degré de corrélation suffisant avec les ratios financiers seront considérées comme des variables indépendantes. Il s’agit, en bout de piste, d’intégrer ces variables dans une équation de régression multiple afin de pondérer l’influence de chacune d’elles sur la performance financière de chaque société d’État. Enfin, la deuxième phase de la recherche vise à accroître la validité des résultats de la première phase en élargissant l’ampleur de l’échantillonnage. Les données financières pour chacune des entreprises publiques à l’étude ont été calculées à partir des rapports financiers annuels tirés des Comptes publics de la Province de Québec entre 1960 et 1994. Les données qui ont servi à mesurer le concept d’entrepreneurship proviennent des renseignements sur l’équipe de direction et sur le conseil d’administration contenus dans le rapport annuel de chacune des sociétés d’État. Les données décrivant l’environnement politique et économique de ces entreprises publiques sont tirées de deux sources. La trame politique a été élaborée en
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très grande partie à partir du Guide parlementaire québécois (1990) et complétées par des informations récentes obtenues auprès des différents ministères concernés. Les données économiques proviennent des renseignements fournis par le Bureau de la statistique du Québec, par Statistique Canada et par le ministère des Finances du Canada. Les variables à l’étude appartiennent à deux échelles de mesure différentes. Les variables financières et les variables économiques sont de type ratio tandis que les variables liées à l’entrepreneurship et au contexte politique sont des variables de type nominal. Dans le premier cas, nous avons calculé le cœfficient de corrélation de Pearson entre chacune des trois variables financières et chacune des variables économiques. Dans le second cas, nous avons établi le cœfficient de corrélation Eta entre chacune des trois variables financières et chacune des variables de type nominal. Le cœfficient Eta est particulièrement approprié aux études de corrélation entre une variable ratio et une variable nominale (Norusis, 1983). De plus, comme cette étude est exploratoire et que nous ne pouvons préjuger avec
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certitude si la relation entre les variables sera positive ou négative, nous avons choisi d’effectuer des « two tailed test » à chaque fois que l’échelle de mesure le permettait.
Résultats Les résultats des tests de corrélation rapportés sont seulement ceux qui se sont révélés significatifs, c’est-à-dire ceux où les chances d’obtenir le cœfficient de corrélation indiqué dans les différents tableaux sous l’hypothèse nulle (pas de corrélation) sont très faibles. Dans le cas du cœfficient de Pearson, on a retenu et distingué les résultats ayant un p égal à 0,001 et moins1 et ceux ayant un p égal à 0,01 et moins. Dans le cas du cœfficient Eta, on a retenu et distingué les résultats qui ont un seuil de signification F de 0,005 et moins et ceux qui ont un seuil de 0,0005 et moins. L’examen de ces résultats montre que, pris globalement, on peut classer les quatorze sociétés d’État en trois catégories si on les compare selon le nombre de corrélations significatives. Il est à noter que les chiffres rapportés dans le tableau 3 englobent les corrélations significatives entre les ratios financiers entre eux. Comme on peut le constater, le premier groupe, formé de Loto-Québec, d’Hydro-Québec, de la Caisse de dépôt et de la Société des alcools du Québec accapare à lui seul 69 % de toutes les corrélations significatives. Le second groupe, composé de Rexfor, de Soquip, de Soquem, de la Société de développement de la baie James et de la Société québécoise des transports, montre un écart prononcé avec le premier mais réussit à capter près de 26 % de l’ensemble des corrélations significatives. Le dernier groupe, formé de la Société des établissements de plein air du Québec, de la Société générale de financement, de la Société québécoise d’initiatives agroalimentaires, de la Société nationale de l’amiante et de la Société industrielle du Québec, n’obtient qu’un maigre 5 % du total. L’examen général des corrélations entre les variables reliées à la performance financière et les variables d’entrepreneurship montre que 28 tests de corrélation sur une possibilité de 84 se sont révélés significatifs soit 31 %. Sur ces 28 tests, 20 ont un seuil de signification de 0,0005 et 6 en ont un de 0,005. Les résultats compilés dans le tableau de gauche montrent que l’association entre la performance financière et l’entrepreneurship s’est révélée significative pour un peu moins de la moitié des 14 sociétés d’État soit Loto-Québec, Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, la SAQ, Rexfor et la SDBJ. De plus des trois ratios financiers, c’est la marge bénéficiaire qui est la plus faiblement corrélée avec l’entrepreneurship soit 6 fois, tandis que les
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À l’avenir dans le texte, 0,001 signifiera 0,001 et moins, 0,01 signifiera 0,01 et moins, 0,0005 signifiera 0,0005 et moins et 0,005 signifiera 0,005 et moins.
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deux autres présentent une corrélation bien supérieure, soit 12 fois pour le RAO et 10 fois pour le ROE. Par contre, les deux variables d’entrepreneurship correllent pratiquement aussi souvent l’une que l’autre avec les ratios financiers, soit 15 fois pour la variable « direction générale » et 13 fois pour la variable « président du CA », et cela, dans les mêmes proportions pour chacune des trois variables financières (3 fois chacun pour la MB, 6 fois chacun pour le ROA ainsi que 6 et 4 fois respectivement pour le ROE). L’étude des corrélations entre les variables liées à la performance financière et les variables rattachées au contexte politique indique que 23 tests de corrélation sur une possibilité de 126 sont significatifs, soit 18 %. Sur ces 23 tests, 16 ont un seuil de signification F de 0,0005 et moins et 7 en ont un de 0,005 et moins. Les résultats du tableau 4 font voir que la
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relation entre la performance financière et le contexte politique est relativement intéressante pour cinq sociétés d’État à savoir, Loto-Québec, la Caisse de dépôt, Hydro-Québec, la Société des alcools du Québec et Soquem. Parmi les trois ratios financiers, c’est la marge bénéficiaire qui, encore une fois, correlle le plus faiblement avec les variables du contexte politique, soit 6 fois dont 4 au seuil signification de 0,0005 et moins. Les deux autres correllent plus souvent, soit 9 fois pour le RAO et 8 fois pour le ROE. Le seuil de signification est de 0,0005 et moins dans 6 cas sur 9 pour le ROA et dans 6 cas sur 8 pour le ROE. Toutefois, si on regarde du côté des trois variables du contexte politique, on constate que les variations de la performance financière des sociétés d’État sont plus liées au changement de ministre et au changement de parti politique qu’au parti politique en soi. En effet, la performance financière est associée 13 fois au
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changement de ministre, 8 fois au changement de parti et seulement 2 fois aux partis politiques. En ce qui a trait au seuil de signification, ce sont les corrélations entre les ratios financiers et le changement de ministre qui s’avèrent le plus souvent significatives à 0,0005 et moins, soit 9 fois sur 13. Les corrélations entre le changement de parti et les ratios financiers sont significatives à 0,0005, 5 fois sur 8, et celles entre les partis politiques et les ratios financiers sont significatives à 0,0005, 2 fois sur 2. L’observation des corrélations entre les ratios financiers et les variables liées au contexte économique du tableau 5, fait voir que seulement 54 corrélations sont significatives sur une possibilité de 504 soit 10,7 %. De ces corrélations, 34 ou 63 % ont un seuil de signification de 0,001, vingt d’entre elles ou 37 % ont un seuil de signification de 0,01. Plus précisément, 85 % de ces corrélations, soit 46 sur 54 concernent les quatre sociétés d’État suivantes : Loto-Québec, Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et la SAQ. Parmi les autres, seul Soquip voit ses trois ratios corréler avec une variable économique, soit celui de l’indice canadien des prix à la consommation. En ce qui concerne les ratios financiers eux-mêmes, on ne peut pas dire qu’il y en ait un qui correlle beaucoup plus ou beaucoup moins souvent que les deux autres avec les variables économiques : seulement 4 points séparent le ROA de la MB. Par contre, quand on examine le seuil de signification de chacun de ces ratios, on constate que le ROE est le plus solide des trois, car 16 de ses 18 corrélations ont un seuil de 0,001. Pour sa part, le ROA présente une fiche un peu moins forte puisque 12 des 20 corrélations où il est impliqué affichent un seuil de 0,001. Pour ce qui est de la MB, la proportion du degré de signification s’inverse puisque seulement 6 des 16 tests donnent un seuil de signification de 0,001. Enfin, l’examen des résultats du tableau 6 montre que, des douze variables économiques mises en relation avec les ratios financiers, seulement 6 semblent corréler assez souvent. Il s’agit de la variation de l’IPC canadien (9 corrélations dont 6 à 0,001), de la variation des revenus sur les dépenses du gouvernement du Québec (8 corrélations dont 6 à 0,001), de la variation du PIB québécois par rapport au PIB canadien (7 corrélations dont 5 à 0,001), de la variation du taux de chômage québécois (7 corrélations dont 5 à 0,001), de la variation du taux de chômage canadien (7 corrélations dont seulement 3 à 0,001) et pour finir de la variation du taux de change (6 corrélations dont 5 à 0,001). Nous croyons que les résultats obtenus sont intéressants parce qu’ils recoupent ceux de travaux antérieurs de nature qualitative. La marge bénéficiaire semble la mesure de rendement la moins significative. Faut-il y voir un lien avec le fait que les sociétés d’État ont rarement été créées dans des buts de rentabilité ? Elles ont, en fait, été créées pour stimuler l’activité économique, ce qui peut être mesuré par le rendement de l’équité et des actifs. On peut souligner l’étrange absence de corré-
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lation entre les trois ratios dans le cas de Sidbec, dont la performance financière au fil des ans a été cauchemardesque. Dans le cas de Loto-Québec, il est intéressant de relever que le taux de chômage a un lien négatif avec la performance. Les ventes de billets de loterie augmenteraient-elles dans des économies prospères ? L’absence de lien entre les partis politiques et la performance confirme les résultats obtenus antérieurement sur le lien entre l’idéologie partisane et la création de sociétés d’État dans les dix provinces canadiennes (Bernier, 1994). Par contre, il semble exister un lien entre le changement de ministre et la performance. Cette donnée peut être intéressante, si on considère que les contrôles formels sont inefficaces mais que les ministres et les dirigeants de ces entreprises ont des contacts quasi quotidiens. Un changement de ministre pourrait donc avoir un impact sur une société d’État. L’absence de lien entre les variables internationales et la performance confirme les résultats obtenus lors d’entrevues avec les dirigeants des sociétés d’État québécoises qui ne s’intéressaient guère à cette question mais contredit la thèse selon laquelle des facteurs internationaux influeraient sur ce que font les gouvernements. Les explications liant évolution de l’économie et performance sont partiellement soutenues. La performance des sociétés d’État fluctue avec les indices économiques. Les résultats obtenus dans le cas de la Caisse de dépôts confirment l’impression que la Caisse est impliquée dans tous les secteurs de l’économie canadienne et québécoise. Il est difficile pour elle d’échapper aux tendances générales de l’économie. Dans le cas de la Caisse, il faut également souligner le lien négatif entre le taux de change (comparé au dollar américain) et la performance de la Caisse. Celle-ci n’a pas encore assez diversifié son portefeuille étranger.
Conclusion Quand on considère l’ensemble de cette première tentative visant à faire émerger certains facteurs pouvant être associés à la performance financière des sociétés d’État, trois remarques peuvent être faites. Ce premier coup de sonde a d’abord permis de voir quelles variables, incluses au départ, sont plus susceptibles d’être utiles dans un éventuel modèle explicatif de la performance financière des sociétés d’État. Mentionnons tout de suite que malgré le fait que la marge bénéficiaire ait moins souvent corrélé que les deux autres ratios avec l’ensemble des autres variables, il n’en demeure pas moins que les résultats obtenus la concernant (38 tests significatifs contre 54 et 49 pour le ROA et le ROE) sont assez élevés pour justifier qu’on la conserve dans le modèle. D’ailleurs, vus sous un autre angle, ces résultats très préliminaires semblent indiquer l’impact
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plus significatif des gestionnaires sur le ROA et le ROE que sur la marge bénéficiaire. Ensuite, pour ce qui est des deux variables d’entrepreneurship, le changement de directeur général et le changement de président du CA, le pourcentage de tests significatifs est de 35 % pour la première et de 31 % pour la seconde. Ces résultats justifient amplement que l’on conserve ces variables puisque ces taux sont les plus élevés de l’ensemble de l’étude. Les deux variables rattachées au changement de parti politique et au changement de ministre devraient être conservées puisque le pourcentage de corrélation de la première est de près de 20 % et de la seconde, de plus de 30 %. Enfin, les résultats des tests de corrélation entre les ratios financiers et les variables du contexte économique indiquent que certaines variables doivent être conservées dans certains cas et éliminées dans d’autres. En effet, la variable concernant le budget du Canada et les variables touchant le commerce extérieur québécois et canadien devraient être éliminées puisque leur pourcentage de tests significatifs varie entre 0 et 9 %. Toutefois, en ce qui concerne la variable liée à l’indice des prix à la consommation québécois qui, pour sa part, n’a obtenu qu’un maigre 9 %, nous pensons qu’il serait prématuré de l’éliminer du modèle car, pour des raisons techniques, nous avons dû réaliser les tests la concernant avec un nombre assez élevé de données manquantes, chose qu’il serait possible de corriger dans une deuxième série de tests. Quant aux autres variables, nous pensons qu’il serait utile de les conserver dans le modèle puisque, excepté la variable du taux de change qui a un pourcentage de 14 %, toutes les autres obtiennent des pourcentages entre 17 et 21 %. Finalement, si d’une part il est apparu nécessaire d’éliminer certaines variables du modèle, il serait tout aussi pertinent d’en ajouter un certain nombre afin de l’améliorer. Ainsi, pour l’entrepreneurship, il serait intéressant de raffiner encore la mesure de concept en cherchant à opérationnaliser des équipes plutôt que des détenteurs de poste clé. Pour ce qui est des variables touchant le contexte politique, on aurait peut-être avantage à fouiller du côté des changements de sous-ministres et des variations dans les divers processus de contrôle exercé par l’État. Concernant le contexte économique, on pourrait inclure un certain nombre d’indicateurs économiques rattachés plus directement au secteur industriel ou commercial particulier à chaque société d’État. L’analyse de corrélation faite ici ne permet que de trouver des liens entre les variables utilisables. Cette analyse permet également de constater, avant de poursuivre plus avant, que certains liens méritent d’être explorés et que l’analyse des sociétés d’État peut dépasser les études de cas habituelles. Nous travaillons également à élargir la banque de données afin de
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pouvoir effectuer des comparaisons avec les entreprises publiques du gouvernement du Canada et à celles des autres provinces canadiennes. Ces résultats sont demeurés lors de l’analyse de régression par la suite. Les résultats obtenus jusqu’ici indiquent que nous avons trouvé une explication satisfaisante du rendement sur l’équité de ces entreprises, plus que satisfaisante du rendement sur actifs et des chiffres assez décevants concernant la marge bénéficiaire. Ces résultats confirment nos analyses qualitatives antérieures sur le sujet. Ces résultats indiquent aussi qu’il faut poursuivre l’opérationnalisation des concepts et qu’il faut travailler le modèle statistique pour régler des problèmes techniques. Nous sommes conscients que les résultats présentés ici sont préliminaires tout en étant confiants d’être sur une piste intéressante. Par ailleurs, notre revue de la littérature ne nous a pas permis de trouver de modèle construit expliquant la performance financière des entreprises publiques. Nous sommes à construire ce modèle pour faire suite à l’analyse présentée dans ce chapitre.
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Quatrième partie
Justice et administration
Administrer des lois en marge du droit Un défi Suzanne Comtois
Introduction Poursuivant une variété d’objectifs sociaux, l’État a pris le contrôle de larges pans de l’activité économique et sociale1. Sur le plan juridique, cet interventionnisme s’est généralement traduit par l’adoption de dispositions statutaires vagues, accompagnées d’une délégation de larges pouvoirs discrétionnaires en faveur de l’administrateur. Lorsqu’on examine le processus d’application des lois, on se rend toutefois compte que l’étendue de la discrétion dévolue au titulaire se resserre lors de la prise de décision. En marge des lois et des règlements, les administrations publiques modernes ont pris l’habitude d’adopter des normes internes — qu’elles désignent sous le nom de directives, guides, circulaires, manuels d’instruction ou autre — pour expliciter la loi et encadrer l’exercice des pouvoirs discrétionnaires qui y sont conférés2. 1.
Qu’on pense notamment aux interventions touchant l’éducation, la santé, les loisirs ; les accidents de travail, la protection du territoire agricole, l’environnement, la consommation, les valeurs mobilières, le logement, les biens culturels ; le transport, l’énergie et les communications, de même que les nombreux régimes d’assurance, d’assistance et d’allocations divers tels que l’assurance chômage, l’assurance maladie, l’assurance automobile, l’aide sociale, et les diverses formes d’aide aux entreprises.
2.
On notera que cette tendance n’est pas exclusive au Canada. Elle se manifeste dans plusieurs autres pays industrialisés, tels que les États-Unis, l’Allemagne, la France, le Japon, les PaysBas, la Grande-Bretagne et la Belgique, voir T. Fujita (1994). Informal Administrative Actions, XIVe Congrès international de droit comparé, Athènes. Dans certains cas, la tendance va même jusqu’à vouloir réglementer au moyen de directives.
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Suzanne Comtois
Le phénomène des directives ne date pas d’hier. Déjà en 1969, le Rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur les instruments statutaires3 faisait état d’une tendance, au sein des ministères et organismes publics, à recourir à ce type de normes informelles pour guider les fonctionnaires dans l’application de la loi, notamment, dans des domaines comme la main-d’œuvre et l’immigration, l’agriculture, les relations de travail dans le secteur public, les transports, les finances publiques, etc.4. Cette tendance s’est accrue et les directives occupent aujourd’hui une place centrale dans le fonctionnement des administrations publiques fédérale et provinciales. Le poids qui leur est accordé par les fonctionnaires dépasse souvent celui de la loi5, et on en retrouve dans à peu près tous les domaines, allant de la protection de l’environnement6 au statut de réfugié politique7, en passant par la construction de bâtiments8, les valeurs mobilières9, la radiodiffusion et les télécommunications10, les accidents du travail11, les accidents d’automobile12, l’éducation13, l’exploitation minièrel4, 3.
M. MacGuigan (1969). Troisième rapport du Comité spécial sur les instruments statutaires, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 97 p.
4.
Id., p. 23-29.
5.
À ce sujet voir, notamment, les propos tenus par M. Daniel Jacoby, protecteur du citoyen du Québec, dans le Rapport annuel 1988-1989, p. 8 ainsi que le Rapport annuel 1990-1991, p. 11, cités dans D. Mockle (1992). « Ordre normatif interne et organisations », Les Cahiers de Droit 965, p. 1017.
6.
Pierre Meunier (1989). Droit québécois de l’environnement, Directives politiques et autres textes officiels, Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 71.
7.
Guide à l’intention des Commissaires de la section du Statut de réfugié politique.
8.
Code national du bâtiment du Canada, Ottawa, 1991, 446. Ce code édicte des prescriptions techniques relatives aux matériaux et à leur mise en place ainsi que des mesures de sécurité du travail. Les normes qu’il contient sont dépourvues de caractère réglementaire mais elles jouissent quand même de la confiance générale qui leur confère une autorité de fait plus que de droit. Voir Thérèse Rousseau-Houle (1982). Contrat de construction en droit public et privé, Montréal, Éditions Wilson et Lafleur, p. 238.
9.
« Instructions générales » de la Commission des valeurs mobilières dans l’ouvrage de M. Thériault et P. Fortin (1992). Droit des valeurs mobilières au Québec, t. 1, Montréal, Wilson et Lafleur.
10. Voir notamment Capital Cities Communications Inc. c. C.R.T.C. (1978) 2 R.C.S. 141. 11. CSST c. Papeterie Reed Ltée, (1988) R.J.Q. 1191 (C.A.). 12. Régie de l’assurance automobile du Québec, Service aux accidentés, Normes et directives, citées dans Jean-Pierre Villaggi (1989). L’application de la directive et le rôle du tribunal administratif, Développements récents en droit administratif, Volume 2, Cowansville, Éditions Yvon Biais, p. 73. 13. R. Dussault et L. Borgeat (1984). Traité de droit administratif, t. 1, 2e éd., Québec, PUL, p. 417-431. 14. Loi sur la société québécoise d’exploration minière, L.R.Q., S-19, art. 13.
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la discipline en milieu carcéral15, l’importation de volailles16, l’annexion de municipalités17, le processus décisionnel institutionnalisé d’un tribunal spécialisé18, les transports19, l’accès à l’information gouvemementale20, etc. Ce chapitre propose de rendre compte de cette nouvelle juridicité, rendue nécessaire par le nombre et la complexité des interventions de l’administration publique moderne. On analysera comment cette tendance à recourir à des normes souples, plutôt qu’à des moyens plus formels, a été accueillie par les cours de justice. On examinera ensuite les caractéristiques qui découlent du statut reconnu aux directives ainsi que les problèmes juridiques qu’elles soulèvent, et on tentera d’évaluer dans quelle mesure les principes dégagés en jurisprudence pour encadrer cette pratique administrative sont adaptés aux besoins des justiciables ainsi qu’aux caractéristiques institutionnelles de l’administration publique. En développant sur ces différents aspects, ce chapitre tentera, d’une part, de mettre en lumière le déséquilibre que le recours accru aux directives risque de provoquer dans les rapports juridiques qu’entretiennent l’administration et le citoyen et, d’autre part, de sensibiliser l’administrateur public aux moyens limités qu’offre le contrôle judiciaire pour rétablir cet équilibre ainsi qu’aux initiatives qu’il peut prendre pour limiter le risque d’arbitraire dans l’application des lois.
1. La légalité des directives L’adoption par l’administration publique de normes internes susceptibles d’affecter les droits des citoyens n’a pas toujours été accueillie avec enthousiasme par les juristes et les cours canadiennes. Ces derniers ont cru, initialement, que la discrétion conférée aux autorités administratives devait être exercée de novo dans chaque cas d’espèce et, qu’en l’absence d’habilitation législative expresse, il serait illégal, pour l’autorité administrative, d’encadrer sa discrétion au moyen de directives. Cette approche a toutefois été rejetée par la Cour suprême du Canada. 15. Voir Martineau n° 1 (1978) 1 R.C.S. 118. 16. Maple Lodge Farms Ltd (1982) 2 R.C.S. 2. 17. lnnisfil c. Town of Vespra (1981) 2 R.C.S. 145. 18. Consolidated Bathurst Packaging Ltd c. Syndicat international des travailleurs du bois d’Amérique et al., [1990] 1 R.C.S. 282 et Québec (C.A.S.) c. Tremblay, [1992] 1 R.C.S. 952. 19. J.M. Evans (1988). Administrative Law, Cases, Text and Materials, Toronto Emond Montgomery Publications, p. 660. 20. Yvon Duplessis et jean Hétu (1988). Accès a l’information : Loi sur l’accès aux organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Cowansville, Éditions Yvon Blais.
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En adoptant une approche fonctionnelle, la Haute Cour a reconnu, dans l’arrêt Capital Cities Communications Inc. c. Canadian Radio-Television Commission21, que la discrétion administrative conférée parla loi habilite le décideur non seulement à décider chaque cas d’espèce sur une base « ad hoc », mais aussi, à élaborer des directives ou politiques générales, pour le guider dans la prise de décisions individuelles22. Ce pouvoir implicite d’adopter des directives a été réaffirmé par la Cour suprême dans des jugements plus récents, notamment dans les affaires Maple Lodge Farms Ltd c. Gouvernement du Canada23 et R. c. Friends of the Oldman River Society24, et sa reconnaissance ne pose généralement pas de problème en droit canadien25. Au contraire, les cours vont même jusqu’à encourager les autorités à y recourir. Par exemple, dans l’arrêt Capital Cities Communications Inc. c. C.R.T.C.26 la Cour note qu’il « [...] est dans l’intérêt des titulaires éventuels de licences [de radiodiffusion], et du public d’avoir une politique d’ensemble. Même si une telle politique peut ressortir d’une succession de demandes, il est plus judicieux de la faire connaître à l’avance27 ». Au même effet, la Cour fédérale affirme, dans l’arrêt Cabalfin c. Canada28, « [...] qu’aucune personne raisonnable n’oserait contester l’utilité de telles lignes directrices, qui sont destinées à guider les agents d’immigration dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Elles contribuent à garantir un certain degré d’uniformité et de concordance dans la façon dont sont traités des milliers de cas et à montrer clairement que, dans un cas donné, on s’abstient d’exercer ce pouvoir discrétionnaire avec une rigueur ou une indulgence excessive29. » Après avoir reconnu qu’il était légal pour l’autorité investie de pouvoirs discrétionnaires d’émettre des directives, dès lors qu’elles sont compatibles avec les textes de lois ou des règlements, la cour a contribué de façon significative à l’expansion de cette pratique administrative en leur niant
21. (1978) 2 S.C.R. 141. 22. Voir Capital Cities Communications Inc. c. C.R.T.C. (1978) 2 R.C.S. 141, p. 171. 23. (1982) 2 R.C.S. 2. 24. (1992) 1 R.C.S. 2, 35-36. 25. On notera que le pouvoir d’un organisme de se donner des politiques générales est également reconnu en droit anglais, voir notamment British Oxygen Co. c. Board of Trade, (1971) A.C. 610. 26. (1978) 2 R.C.S. 141. 27. Id., p. 171. 28. (1991) 2 C.F. 235. 29. Id., p. 245.
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toute valeur normative30. Que les directives aient pour objet l’encadrement de pouvoirs discrétionnaires ou la stricte régie interne, les cours ont tendance à les traiter sur un même pied et à leur nier le statut de règle de droit. Conséquemment, sous réserve de rares exceptions31, les directives, considérées comme des normes purement internes, sont inopposables aux tiers et à l’administration, et ne peuvent être sanctionnées judiciairement32.
2. Principales caractéristiques des directives La flexibilité est l’élément essentiel qui caractérise les normes administratives et les distingue du règlement. Contrairement au règlement dont l’adoption et la modification sont assujetties à des formalités impératives et
30. Cette position a pour source principale l’opinion controversée, rédigée par le juge Pigeon, dans l’arrêt Martineau c. Comité de discipline des détenus de l’institution de Matsqui (n° 1) (1978) 1 R.C.S. 118, où ce dernier refuse de reconnaître un statut et des effets juridiques à une directive régissant la procédure applicable en matière de discipline carcérale et ce, en dépit du fait que cette directive était issue d’une disposition législative expresse, et qu’elle visait en outre à protéger les droits des détenus. Le juge retient plutôt que ces directives, de nature purement administrative et non législative, « ne sont rien de plus que des instructions (aux fonctionnaires) relatives à l’exécution de leurs fonctions dans l’institution où ils travaillent », et que le pouvoir du commissaire aux pénitentiers d’émettre de telles directives « existerait même en l’absence d’une disposition expresse de la loi » (p. 129). Non déterminante au moment de son prononcé, puisque les neufs juges de la Cour se sont également partagés sur la question alors que le neuvième a statué sur un autre motif, la conclusion du juge Pigeon a été reprise par la Cour suprême dans d’autres contextes, notamment dans les affaires Maple Lodge Farms Ltd (1982) 2 R.C.S. 2, p. 6-7 ; Parklane Private Hospital Ltd (1975) 2 R.C.S. 47, p. 56-57 ; R. c. Comité pour la République du Canada (1991) 1 R.C.S. 139 ; Reg. of Motor Vehicles c. Can. Ass. Transfer Ltd (1972) R.C.S. 811 ; Innisfil c. Town of Vespra (1981) 2 R.C.S. 145 et, de façon plus explicite, dans un jugement récent rendu dans l’affaire Friends of the Oldman River Society (1992) 1 R.C.S. 2, p. 35-36. Au même effet, voir Weatherall c. Canada (1989) 1 C.F. 18, 35 où la Cour d’appel fédérale, prenant appui sur l’opinion du juge Pigeon, ajoute qu’une directive émise par le commissaire au pénitencier conformément à une disposition de la Loi sur les pénitenciers n’est pas non plus une règle de droit au sens de l’article 1 de la Charte canadienne. 31. Comme ce fut le cas dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society (1992) 1 R.C.S. 2, p. 3536, la Cour accepte toutefois de reconnaître une force contraignante à des directives qui, en dépit de leur dénomination, présentent un caractère réglementaire. Mais, comme en témoigne cet arrêt, le moment venu de distinguer entre les « normes » ayant force de loi et les normes non opposables aux tiers, la Cour revient à la conception formaliste de la « règle de droit » développée par le juge Pigeon dans l’arrêt Martineau et tient compte du formalisme entourant l’adoption de normes beaucoup plus que de leur contenu ou de leurs effets sur les tiers. Au même effet, voir aussi Bureau des Écoles protestantes du grand Montréal c. P. G. du Québec, C.S. Montréal 500 – 05-012002-786, le 23 novembre 1981. Voir Friends of the Oldman River Society. 32. Capital Cities Communications c. C.R.T.C. [1978] 2 R.C.S. 141 ; Maple Lodge Farms Ltd c. Le Gouvernement du Canada [1982] 2 R.C.S. 2 confirmant [1981] 1 C.F. 500 ; Harel c. Sousministre du Revenu, [1978] 1 R.C.S. 851 ; Laker Airways Ltd c. Department of Trade [1977] 2 All. E.R. 182 ; Canadian National Railways Co. c. Bell Telephone Co. [1939] R.C.S. 308. Charles Bently Nursing Home c. P.G. du Québec, (1978) C.S. 30.
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qui, lorsqu’il est en vigueur, a force de loi et lie tant l’administration que le citoyen, les directives, assimilées à des normes purement internes, ne sont assujetties à aucun formalisme et n’ont, en principe, aucune force contraignante33. Elles sont toujours susceptibles de dérogation, d’extension ou de modification si, dans un cas d’espèce, le décideur le juge à propos. Concrètement, la flexibilité qui caractérise les directives et l’absence de contrainte légale qui en découle font de ces dernières un mode d’intervention beaucoup plus souple et efficace que le règlement. Elles peuvent notamment être édictées et remplacées plus rapidement qu’un règlement. Elles possèdent une valeur opératoire plus grande que le règlement en ce qu’elles permettent non seulement d’éviter « la rédaction articles par articles en utilisant la prose épistolaire, mais elle(s) permet(tent) aussi l’introduction de formules mathématiques, d’exemples d’applications, de commentaires et de tableaux34 ». Leur absence de force contraignante offre au décideur plus de flexibilité pour s’adapter aux besoins de changements ou aux circonstances particulières d’un dossier et, lorsque le contexte le permet, favorise une certaine forme de négociation avec les citoyens qui peut être mutuellement avantageuse dans la mesure où elle favorise l’adhésion des parties, limite les risques de conflit et réduit les coûts reliés à l’application ou aux contestations judiciaires. Le recours aux directives offre également de nombreux avantages par rapport à l’exercice de la discrétion sur une base de cas par cas, plus particulièrement dans des domaines où l’administration doit statuer sur un grand volume de dossiers. Plutôt de décider chaque cas isolément des autres, le recours aux directives permet à l’administration de développer une approche systématique dans l’application de la loi, tout en restant libre de décider autrement si les circonstances le justifient. Mentionnons, par ailleurs, que même si les directives sont, en droit, dépourvues de force contraignante, elles sont, dans les faits, susceptibles d’avoir un effet considérable sur les droits des citoyens, en raison de l’importance qui leur est accordée par les fonctionnaires appelés à assumer des fonctions décisionnelles35. 33. Ibid. 34. D. Mockle (1984). Recherche sur les pratiques pararéglementaires, tome CXLVII, Paris L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit public. 35. Le degré de précision des directives édictées pour encadrer l’exercice de pouvoirs discrétionnaires varie considérablement. Certaines, formulées en termes vagues, se limitent à énoncer quelques règles interprétatives ou à indiquer le type de considérations qui devraient être prises en compte, pour assurer le respect des objectifs visés par la loi. D’autres comportent des normes concrètes, ou des directions très claires, afin de restreindre les options possibles et d’indiquer les voies à privilégier. D’autres encore contiennent des normes suffisamment précises et concrètes pour être des règlements et sont, de fait, utilisées comme substitut au pouvoir réglementaire.
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3. Problèmes juridiques résultant du recours aux directives Pour l’administration, la flexibilité qui découle de l’absence de valeur normative des directives présente des avantages indéniables et explique la forte tendance à y recourir. Sans contraintes formelles, elle peut édicter d’avance des normes qui contribueront à définir son action, tout en restant libre d’y déroger, de les modifier ou d’en étendre l’application selon les circonstances. Cette technique lui laisse donc une importante marge de manoeuvre, tout en lui permettant d’accroître son efficacité, de favoriser un traitement équitable des dossiers et de limiter les contestations judiciaires. Du point de vue du citoyen, le recours aux directives plutôt qu’aux modes traditionnels comporte certains avantages mais est aussi une source de préoccupations. Si elles sont accessibles, les directives représentent un moindre mal par rapport à l’exercice non balisé de la discrétion en ce qu’elles permettent au citoyen de bénéficier d’une certaine prévisibilité des décisions de l’administration et limite le risque d’être l’objet d’une application rétroactive de nouvelles normes. Par rapport au règlement, le recours aux directives présente à la fois des avantages et des inconvénients. Le règlement constitue un gage de sécurité juridique ; il est public et lie l’administration, mais les contraintes qu’il comporte imposent une rigidité qui le rend inadéquat pour résoudre des problèmes qui nécessitent une adaptation aux besoins changeants. La directive présente, à cet égard, un avantage non négligeable en ce qu’elle favorise la prise en compte des circonstances particulières d’un dossier mais comporte, en contrepartie, un grave danger d’arbitraire. Si les directives font partie de documents internes, non publiés, s’ajoute le problème de la confidentialité qui empêche les parties de connaître les règles qui les régiront ; et même lorsqu’elles sont publiées, les parties peuvent être incertaines quant au poids qui leur sera accordé par l’administration. Pour ces raisons, les citoyens et les juristes ont une attitude ambivalente face aux directives et ont cherché, par différents moyens, de faire entrer ces normes administratives dans le domaine du contrôle de la légalité.
4. Les solutions jurisprudentielles Bien que dépourvues de statut juridique, les directives n’échappent pas complètement au contrôle traditionnel de la légalité qui permet aux cours de justice de contrôler la conformité des actes de l’administration à la loi et aux autres règles du droit administratif36. 36. Sur le sujet voir notamment : Denis Lemieux (1991). Le cadre juridique de la directive en droit québécois, Holdsworth Club, Birmingham, p. 175-192 et jurisprudence citée.
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Au niveau substantif, le citoyen peut ainsi obtenir l’aide des tribunaux pour résoudre des conflits résultant de l’adoption de directives incompatibles avec la loi. À cet égard, les cours sont notamment intervenues pour sanctionner l’inconstitutionnalité de directives adoptées par une autorité provinciale sur une matière de juridiction fédérale37 ; l’invalidité de décisions prises en vertu de directives qui allaient à l’encontre de la loi ou des règlements38, ou qui faisaient défaut de respecter les Chartes39. Sous réserve des cas plus difficiles qui mettent en doute la compatibilité des directives avec les objets (plus ou moins bien définis) de la loi, il s’agit là de cas classiques de contrôle de conformité à une norme supérieure que les cours sont bien placées pour contrôler. Souvent, toutefois, les problèmes auxquels font face les citoyens ne touchent pas l’invalidité per se des directives mais leur inaccessibilité ou l’application qui en est faite, plus particulièrement le poids qui leur est accordé par les fonctionnaires chargés de statuer sur leur dossier. Ces problèmes sont plus difficilement contrôlables judiciairement. Ainsi, en ce qui a trait au problème de transparence des directives, on notera que ni la loi40 ni la jurisprudence n’obligent les organismes à publier ou à consulter les intéressés préalablement à l’adoption de directives41. Le citoyen n’a donc pas un droit automatique d’être informé, ni simplement d’avoir accès aux directives susceptibles de l’affecter. Alors que le danger d’un droit « secret » croît avec le recours aux directives, les tribunaux sont réticents, en l’absence d’obligation statutaire, à intervenir pour obliger les organismes, de façon systématique, à publier les directives ou à tenir des consultations préalables. Selon la jurisprudence, la justice naturelle ou l’équité procédurale, le cas échéant, ne recevront application que lorsque,
37. Central Potash Co. c. Gouv. de la Saskatchewan et al. [1979] 1 R.C.S. 42, p. 71-76. 38. Capital Cities Communications c. C.R.T.C. [1978] 2 R.C.S. 141 ; Maple Lodge Farms Ltd c. Le Gouvernement du Canada [1982] 2 R.C.S. 2 confirmant [1981] 1 C.F. 500 ; Harel c. Sousministre du Revenu, [1978] 1 R.C.S. 851 ; Laker Airways Ltd c. Department of Trade [1977] 2 All. E.R. 182 ; Canadian National Railways Co. c. Bell Telephone Co. [1939] R.C.S. 308. Charles Bently Nursing Home c. P.G. du Québec (1978) C.S. 30. 39. Commission des droits de la personne du Québec c. Ville de Brossard [1988] 2 R.C.S. 279. Re Ontario Films and Video Board of Censors (1983) 41 O.R. (2d) 583 (Ontario High Court, Divisional Court) ; Henry c. Commissioners of Penitentiaries, [1987] 25 Admin. L.R. 1 (C.F.D.). 40. Il se peut que l’obligation de consultation et de publication existe dans certaines lois particulières, mais elle n’est pas prévue dans la Loi fédérale sur les textes réglementaires (L.R.C. (1985), chap. S-22), et la Loi sur les règlements du Québec, L.R.Q., c. R-18.1, est non applicable aux directives. 41. Komo Construction Inc. c. C.R.T.C. [1968] R.C.S. 172 et Innisfil c. Vespra [1981] 2 R.C.S. 145 ; Comité de discipline de l’Institution de Matsqui c. Martineau (n° 2) [1980] 1 R.C.S. 602 ; Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police [1979] 1 R.C.S. 311.
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dans des cas individuels, une décision quasi judiciaire ou administrative sera prise, pour permettre à l’intéressé de prendre connaissance des directives en cause, si cela lui est nécessaire pour faire valoir ses moyens, ou s’il a été créé, par la directive, une expectative raisonnable de droit42. La contribution du juge saisi d’une contestation de nature procédurale se limite de fait à une intervention ponctuelle, après décision, et la sanction judiciaire habituelle, la nullité de la décision, est souvent insuffisante pour régler le problème d’accès aux directives. Le rôle du contrôle judiciaire pour corriger les problèmes reliés à l’application des directives n’est guère moins limité qu’en matière procédurale. Concrètement, les problèmes d’application les plus typiques sont ceux où, en dépit de l’absence de valeur normative des directives, les fonctionnaires les appliquent comme des règlements et refusent d’exercer leur discrétion ; ou, à l’opposé, les cas où l’administration décide de ne pas observer les normes qu’elle s’est données et le citoyen revendique l’application d’une directive qui lui est favorable. Pour tenter de remédier à ces problèmes, les juges ont dégagé, dans l’exercice de leur pouvoir de surveillance, un certain nombre de principes — que l’on pourrait qualifier de principes de bonne administration43 — pour baliser l’exercice des pouvoirs décisionnels conférés aux autorités administratives. Mais la portée du contrôle qu’ils permettent est plutôt faible. Les directives étant dépourvues de valeur normative, le refus de s’y conformer ne constitue pas, en soi, une irrégularité contrôlable judiciairement. Ainsi, quand les citoyens veulent forcer l’administration publique à respecter les règles qu’elle s’est données, leurs recours tendent à faire contrôler judiciairement la discrétion de l’organisme et les chances d’obtenir l’intervention de la cour sont faibles. En effet, comme en atteste la jurisprudence et la doctrine pertinente44, les cours pourront intervenir si les direc-
42. D. Lemieux, supra, note 36, p. 188. Id. 188, et jurisprudence citée. 11 convient par ailleurs de noter que si elle peut, dans certains cas, permettre la reconnaissance de droits procéduraux, la théorie des attentes légitimes n’a pas pour effet de priver l’administration de ses pouvoirs discrétionnaires ni de sa faculté de modifier ses directives. Sur cette question voir Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), (1991) 2 R.C.S. 525, 557-558 ; voir aussi Association des résidents du Vieux Saint-Boniface inc. c. Winnipeg (1990) 3 R.C.S. 1170 ; Re Findlay, (1985) A.C. 318, voir aussi G. Cartier « La théorie des attentes légitimes en droit administratif » (1992) 23 R.D.U.S. 74. 43. Dans le sens où le but visé par la cour n’est pas de s’immiscer directement dans l’exercice de la discrétion qui est conférée à l’administrateur pour substituer son opinion à celle de l’administrateur, mais plutôt de vérifier sa démarche afin de s’assurer qu’il s’est conformé au droit en rendant sa décision. 44. R. Dussault et L. Borgeat (1984). Traité de droit administratif, t. 111, 2e éd., Québec, PUL, p. 476-511 et jurisprudence citée.
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tives appliquées révèlent que l’autorité exerce sa discrétion de façon abusive, c’est-à-dire si elle agit de mauvaise foi ou pour des motifs impertinents et déraisonnables ; mais en dehors de ces cas qui sont, somme toute, assez peu fréquents (ou, à tout le moins, peu prouvables), le citoyen sera laissé sans protection lorsque l’administration décide simplement de changer d’idée et de ne pas observer les directives qu’elle s’est données45. Pour ce qui est de l’autre type de problème évoqué plus haut, c’est-à-dire celui de la force contraignante de facto des directives, en vertu d’un des principes jurisprudentiels qui découle de l’absence de valeur normative des directives, même en présence de directives administratives, le titulaire d’un pouvoir discrétionnaire doit exercer sa discrétion et évaluer chaque dossier au mérite. Ce faisant, le décideur peut tenir compte de la directive mais ne doit pas se sentir lié par cette dernière. Les cours peuvent donc, en principe, intervenir pour sanctionner l’application aveugle des directives et obliger l’autorité à exercer sa discrétion en étudiant chaque dossier à son mérite46. En pratique, l’applicabilité de ce principe paraît toutefois restreinte. Tout d’abord, parce que cette preuve n’est pas facile à faire. En effet, il incombe au justiciable de prouver que le décideur s’est non seulement inspiré de la directive, mais l’a appliquée de façon rigide en refusant de tenir compte des circonstances particulières pertinentes de son dossier. Cela, dans un contexte où la loi, en raison du caractère vague, ambigu ou incomplet des dispositions qu’elle contient, ne dicte pas le résultat où l’autorité n’a pas l’obligation de motiver ses décisions et où les directives sont souvent non publiées, donc inaccessibles aux citoyens. Mais surtout, parce que ce
45. Maple Lodge Farms Ltd (1982) 2 R.C.S. 2. On notera, par ailleurs, qu’en marge de cette tendance, les cours ont, dans certains cas, nuancé leur position et permis aux citoyens de s’en prévaloir contre l’administration — par exemple, dans l’affaire Michel Miller Inc. c. Québec (1990) R.R.A. 583, 587 la Cour supérieure du Québec a reconnu qu’une directive administrative relative à l’attribution des contrats gouvernementaux avait créé des espérances légitimes et que le défaut du fonctionnaire de s’y conformer équivalait à une faute entraînant la responsabilité du ministère. Dans d’autres cas isolés, les cours sont même allées jusqu’à qualifier de règlement, une directive issue d’un pouvoir général de direction pour pouvoir lui reconnaître une force contraignante. À titre d’exemple, voir notamment : Moreau c. Comité d’appel de la Fonction publique (1973) C.F. 593 ; Cossette c. P.G. du Québec, C.A. 11 mai 1977 et Les Éditions Thormont inc. c. Canada J.E. 94-463. Il est intéressant de noter que dans cette affaire, la Cour supérieure du Québec ayant à interpréter une clause d’un contrat prévoyant que l’offre d’achat d’un terrain était conditionnelle à ce que les résultats des analyses du sol soient conformes « [...] as accepted level of contamination as per regulations set forth by the provincial government » a en outre tenu compte de l’adhésion des parties aux lignes directrices du ministère de l’Environnement et de la Faune portant sur les seuils de contamination des sols pour assimiler cette directive, par ailleurs, dépourvue de statut juridique, à un règlement et donner effet à la clause de résiliation. 46. C.N.R. Co. c. Bell Telephone Co. of Canada (1939) R.C.S. 308 ; Maple Lodge Farms Ltd c. Gouvernement du Canada (1982) 2 R.C.S. 2.
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principe jurisprudentiel s’harmonise mal avec certaines contraintes qui conditionnent le travail des fonctionnaires appelés à assumer des fonctions décisionnelles. Comme mentionné, la loi est souvent trop vague, incomplète ou ambiguë pour permettre une application stricte. Pour suppléer aux carences de la loi et éviter un processus décisionnel ad hoc par des fonctionnaires de premier niveau, les autorités hiérarchiques édictent, à leur attention, des directives pour les encadrer dans la prise de décisions individuelles. Mais dans les faits, pour éviter de s’exposer à des sanctions disciplinaires, ou tout simplement parce qu’ils sont enclins à respecter l’autorité hiérarchique, il semble que les fonctionnaires soient portés à faire preuve de référence à l’égard des directives, même indicatives, qui en émanent ; et, qu’en bout de ligne, les directives constituent, pour bon nombre de citoyens, le droit qui gouverne leur situation47.
Conclusion Comme le rappelait le professeur MacLauchlan, la conception traditionnelle de la légalité, qui insiste sur la suprématie de la loi avec comme corollaire la subordination de l’administration, ne correspond plus à la réalité48. Les directives existent par nécessité : elles comblent un vide juridique entre le droit traditionnel — souvent perçu comme étant trop rigide ou trop contraignant — et le règne de la discrétion. Dans les faits, leur pertinence ou leur force résulte non seulement de l’attitude des fonctionnaires mais aussi des attentes qu’elles suscitent auprès des citoyens visés. Sur le plan juridique, le contrôle traditionnel de la légalité, tel qu’il est exercé en matière de directives, offre au citoyen certains moyens pour faire contrôler la conformité de décisions qui, prises en vertu de directives n’ayant pas force de loi, affectent leurs droits ; mais comme en témoignent les développements qui précèdent, ces moyens sont insuffisants pour rétablir l’équilibre des parties. Il est d’ailleurs, peu probable, que la solution réside dans un contrôle judiciaire plus serré. L’expansion de la normativité administrative et le besoin qu’elle comble appellent une nouvelle compréhension des principes qui régissent les rapports juridiques qu’entretiennent l’administration publique et le citoyen. Par le biais des directives, les administrateurs exercent, avec l’assentiment des cours de justice, une influence privilégiée au regard de la mise en oeuvre des lois. Le défi posé au droit administratif et aux autres disciplines qui s’intéressent à l’administration publique est de rechercher de nouveaux principes — compatibles avec les valeurs fondamentales du principe de léga-
47. À ce propos, voir notamment les textes cités supra, note 5. 48. « Le caractère intransigeant du principe de la légalité » (1991-1992) 5 C.J.A.L.P. p. 73, 74.
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lité — pour encadrer cette nouvelle juridicité de manière à protéger les citoyens, tout en laissant à l’administration une marge de manoeuvre suffisante pour qu’elle puisse s’adapter. Concrètement, ce dont les citoyens ont besoin, c’est de plus de transparence et de prévisibilité quant aux normes susceptibles de les affecter. Pour répondre à ce besoin, l’organisme administratif pourrait, par exemple, dans les cas qui le permettent, prendre l’initiative de consulter informellement les intéressés avant d’adopter de telles directives et, une fois adoptées, veiller à ce qu’elles soient rendues accessibles aux citoyens. De plus, pour éviter de placer le citoyen dans une situation d’insécurité, l’autorité administrative pourrait, à tout le moins, s’obliger à motiver sa décision lorsqu’elle entend déroger à des directives clairement établies ou, comme le suggère le professeur Galligan, s’engager à appliquer les directives qu’elle s’est données, à moins qu’elle ne décide de les modifier ou d’y faire exception49. Ainsi, sans être déterminantes, les directives seraient plus qu’un simple facteur pertinent. Cette approche, retenue dans certains arrêts anglais50, contribuerait à un plus grand respect des attentes légitimes du citoyen tout en laissant suffisamment de souplesse à l’administration. Elle aurait, en outre, l’avantage de responsabiliser davantage l’administration qui serait ainsi continuellement obligée de réévaluer ses politiques à la lumière des nouvelles demandes et encouragée à développer une attitude critique et réflective face à ses politiques et décisions. Compatibles avec le devoir d’agir avec équité qui incombe à l’administration publique, ces initiatives rendraient le processus d’application des lois plus transparent et moins arbitraire. Certaines autorités administratives le font déjà sans y être formellement contraintes51. 49. D.J. Galligan (1976). « The Nature and Functions of Policies Within Discretionary Powers », P.L. 332. 50. Voir jurisprudence citée dans D.J. Galligan, supra, note 49. 51. Capital Cities Communications Inc. c. C.R.T.C. (1978) 2 R.C.S. 141, p. 171.
La gestion des tribunaux québécois Deux rationalités conflictuelles Marcel Proulx
Les tribunaux judiciaires sont parmi les grands négligés des études portant sur le management des organisations publiques. Tout se passe comme si l’on avait tendance à oublier que les institutions qui incarnent cette mission fondamentale de l’État qu’est la justice sont aussi des organisations, et qu’à ce titre leur gestion et leur dynamique interne déterminent dans une large mesure la manière dont elles assument leur rôle. Étudier les tribunaux judiciaires comme des organisations, c’est dans cette perspective s’interroger sur les incidences de « l’effet organisation » (Crozier et Friedberg, 1977, p. 17) dans le monde de la justice, en montrant comment l’efficacité et l’efficience de l’institution judiciaire sont affectées par les modes d’organisation et de gestion particuliers dont on l’a dotée. Outre leur importance intrinsèque, il existe une autre raison de s’intéresser à la gestion des tribunaux judiciaires : ils constituent des organisations très proches du type pur de la « bureaucratie professionnelle » (Mintzberg, 1982, p. 310-330). Cette configuration organisationnelle particulière est caractérisée par l’influence déterminante qu’y exercent les professionnels sur la conduite des affaires. La gestion de ces organisations pose un problème particulièrement intéressant du point de vue de la théorie des organisations : comment peut-on gérer ces organisations caractérisées par une faiblesse marquée du principe d’autorité hiérarchique (Benveniste, 1987, p. 257-258), au point que l’on a dit de celles-ci qu’elles constituaient des « anarchies organisées » (Cohen, March et Oslen, 1972) ? Cette question de la « gouvernabilité » des organisations professionnelles est d’autant plus importante que ce modèle d’organisation est extrêmement répandu
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dans le secteur public, notamment dans les grandes institutions de la santé et de l’éducation. Aussi, à une époque où l’on s’interroge sur la capacité de l’État de gérer efficacement et avec un souci d’économie les institutions publiques, on doit se demander dans quelle mesure la présence forte du modèle de « bureaucratie professionnelle » dans le secteur public ne constitue pas un frein à l’amélioration du management public. Dans notre étude des tribunaux judiciaires québécois, nous nous sommes particulièrement intéressé à une question qui est au cœur de la problématique de gestion des organisations professionnelles : la confrontation de la logique professionnelle (des juges) et de la logique managérielle (des administrateurs judiciaires) (Mintzberg, 1982, p. 328-335). Cette étude, complétée en 1993, a été menée à partir d’une série d’entretiens avec des juges-administrateurs, des juges, des administrateurs judiciaires et des employés des greffes œuvrant dans les tribunaux québécois. Nous avons au total interrogé une centaine de personnes dans le cadre d’entretiens en profondeur, insistant sur le « vécu » de ces personnes dans leur rapport au travail et dans leurs relations avec les divers groupes d’acteurs intervenant dans l’activité des tribunaux (Crozier et Friedberg, 1977, p. 391-399).
Le système de gestion des tribunaux québécois L’organisation des tribunaux : un système éclaté Les tribunaux québécois sont caractérisés par leur éclatement sur le plan organisationnel. D’une part, l’appareil judiciaire est constitué de trois tribunaux rigoureusement indépendants quant à leur gestion interne, soit la Cour d’appel, la Cour supérieure et la Cour du Québec. Bien que sur le plan strictement judiciaire, la Cour d’appel soit le premier tribunal du Québec, le juge en chef de ce tribunal n’a aucune autorité sur les juges en chef des deux autres tribunaux. Les juges en chef n’ont ainsi aucun compte à rendre sur leur gestion à une autorité judiciaire supérieure, et encore moins au ministre ou au ministère de la Justice. Par ailleurs, le soutien à l’activité judiciaire ne relève pas de chacun des tribunaux : c’est la responsabilité d’une organisation totalement distincte des tribunaux proprement dits, la Direction des services judiciaires du ministère de la Justice. Celle-ci gère les Palais de Justice, la logistique de l’activité judiciaire et les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires à l’activité des tribunaux sans avoir de lien officiel de subordination avec les autorités judiciaires qu’elle assiste. L’activité judiciaire est donc le résultat de la coordination de deux organisations siamoises : le tribunal proprement dit, dirigé par un juge en chef et ses adjoints, et les services judiciaires, relevant des autorités du
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ministère de la Justice. Le juge en chef est entièrement responsable de la gestion de l’activité judiciaire, au sens étroit du terme : en vertu de notre Constitution, seule l’autorité judiciaire a le pouvoir de décider de l’affectation et de la charge de travail des juges et de déterminer le calendrier d’audition des causes soumises à l’attention du tribunal. Mais les juges n’ont, par contre, aucune autorité sur le personnel, le budget et les autres ressources affectées aux activités matérielles de soutien aux tribunaux : il leur faut donc s’arranger avec les services judiciaires. Ce dualisme structurel a pour effet d’isoler, sur le plan organisationnel, les « professionnels » que sont les juges et le personnel administratif, tout en les obligeant à coopérer. Or, les recherches relatives aux bureaucraties professionnelles montrent qu’on assiste généralement, dans ces conditions, à l’affrontement de deux rationalités divergentes : la rationalité professionnelle, centrée sur la qualité de l’acte professionnel et l’autonomie des professionnels, et la rationalité managérielle, axée sur l’efficacité d’ensemble du système et l’économie des ressources (Gerpott et Domsch, 1985). Tant et aussi longtemps que les affrontements entre professionnels et « administratifs » peuvent être soumis à un arbitrage hiérarchique, une organisation peut arriver à composer avec les tensions qui en découlent. Mais qu’en est-il dans un système organisationnel comme celui des tribunaux québécois, où les tribunaux et leurs services de soutien ne disposent pas d’une autorité commune ? Comment peut s’établir la coordination de l’action dans un tel contexte ? C’est ce que nous avons tenté de découvrir dans notre recherche. Juges et administrateurs : des visions divergentes sur la gestion Les entretiens que nous avons réalisés avec des juges-administrateurs et des administrateurs judiciaires révèlent que les deux groupes en présence ont tendance à adopter une vision très typée des rationalités qui s’affrontent dans la gestion des tribunaux. D’une part, les gestionnaires disent des juges que leur comportement est marqué par une rationalité professionnelle étroite, c’est-à-dire qu’ils sont peu sensibles aux impératifs d’efficacité, d’économie et de productivité, parce que centrés sur les actes professionnels proprement dits et sur la défense des intérêts personnels des membres de la magistrature. D’autre part, les juges disent de l’administration des services judiciaires qu’elle est obsédée par le contrôle quantitatif de l’efficacité et de l’efficience de l’organisation, faisant ainsi primer les objectifs de rendement aux dépens de la qualité même de l’activité judiciaire. Ce discours correspond bien à l’opposition classique entre la rationalité professionnelle et la rationalité managérielle, vues comme deux « cultures » irréconciliables. Pourtant, nous avons constaté qu’au-delà du discours des acteurs, le mode de raisonnement des professionnels et celui des
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gestionnaires ne rendent pas nécessairement les tribunaux ingouvernables. En effet, les conflits entre gestionnaires et professionnels nous sont apparus comme des conséquences de la structure des tribunaux plutôt que de l’affrontement de deux cultures fondamentalement irréconciliables. Plus précisément, il nous est apparu que la structure des tribunaux tendait à exacerber les différences de perspectives entre gestionnaires et professionnels.
Une structure qui tend à isoler les souscultures professionnelles et managérielles Deux éléments de la structure des tribunaux québécois nous sont apparus comme étant à l’origine des tensions entre la magistrature et les services judiciaires. Le premier porte sur le partage des responsabilités de gestion entre les juges-administrateurs et les administrateurs judiciaires. Ce partage des responsabilités isole les premiers des préoccupations administratives et coupe totalement les seconds des dimensions professionnelles de l’action judiciaire. Ainsi, on déresponsabilise les professionnels de tout ce qui concerne l’intendance des tribunaux, et on leur demande malgré cela de tenir compte de contraintes administratives sur lesquelles ils n’ont aucune prise. De la même façon, la magistrature refuse aux administrateurs judiciaires le droit de participer à la gestion de l’activité professionnelle, au nom de l’indépendance judiciaire, tout en leur demandant de prendre en compte les contraintes qui s’y rattachent. L’irresponsabilité des uns et des autres en ce qui regarde les deux aspects de la gestion des tribunaux est donc institutionnalisée par le mode cloisonné de partage des rôles de gestion. Une seconde caractéristique de la structure des tribunaux tend à favoriser l’affrontement entre la magistrature et les services administratifs : c’est le fait que les uns et les autres partagent la même enveloppe de ressources budgétaires et matérielles. Selon le principe des vases communicants, ce qu’obtient un groupe est ainsi « arraché » à l’autre. Comme les juges-administrateurs n’ont pas de budget propre, et qu’on les garde même dans l’ignorance quant aux ressources gérées exclusivement par les administrateurs judiciaires, ils n’ont aucun intérêt à s’autodiscipliner dans leurs demandes de ressources. Vue dans cette perspective, la structure des tribunaux tend à accentuer le décalage culturel entre la magistrature et les administrateurs judiciaires, en cantonnant chacun des deux groupes dans sa logique propre et en les mettant en compétition pour l’obtention des ressources rares nécessaires à leur activité respective. Ce modèle de gestion paraît donc comme étant fondamentalement dysfonctionnel, puisqu’il compromet la nécessaire coopération entre la magistrature et les services de soutien à son activité.
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Des dysfonctions atténuées par la régulation locale Si ce système se perpétue, alors qu’il paraît absurde, c’est que, dans l’action, on a inventé des moyens d’éviter que les conflits entre la magistrature et les services judiciaires ne paralysent l’activité quotidienne des tribunaux. Les juges et les administrateurs locaux des services judiciaires soutiennent que c’est là une affaire de personnes : les uns et les autres affirment que si le système fonctionne, c’est grâce à la bonne volonté des personnes en place, qui acceptent de mettre de l’eau dans leur vin et de faire les compromis nécessaires à la bonne marche du tribunal. Cette logique de l’arrangement local négocié est favorisée par le fait que, de part et d’autre, on s’entend sur un principe commun : éviter à tout prix que les conflits ne paralysent l’activité courante des tribunaux. Ce souci d’éviter les crises s’explique dans une large mesure par la crainte de l’opinion publique, inévitablement alertée quand un tribunal se trouve incapable de faire face à ses obligations. Du côté des juges, même si certains sont tentés de dramatiser les conséquences des contraintes que leur impose l’Administration en affectant le fonctionnement de la machine judiciaire, on se montre en général très sensible à l’image de la Justice dans la population, sachant que l’on aura tendance à leur imputer la responsabilité du malfonctionnement des tribunaux. Les administrateurs judiciaires sont eux aussi préoccupés par les risques de crise dans les rapports avec les juges : en effet, il est clair pour eux que les autorités politiques et administratives du ministère de la Justice s’attendent à ce qu’ils s’arrangent pour ne pas « faire de vagues » en ce domaine ; pour être vu comme un bon administrateur, il faut notamment maintenir de bonnes relations avec la magistrature, ou à tout le moins que l’on n’entende pas parler de conflit en haut lieu. Cela va plus loin : plusieurs se disent convaincus qu’advenant un conflit majeur avec la magistrature, leur hiérarchie aurait tendance à les sacrifier pour ne pas que la crise dégénère jusqu’au point où elle se rendrait jusqu’aux oreilles des autorités politiques et, éventuellement, avoir des échos dans les médias. Les bonnes relations personnelles entre les juges-administrateurs et les administrateurs judiciaires sont dans ce contexte perçues par les uns et les autres comme un antidote à un système qui tendrait à empoisonner la coopération entre les deux composantes majeures de l’appareil judiciaire. Or, pour conserver ces bonnes relations, les uns et les autres s’entendent pour évacuer de l’arène locale tous les enjeux susceptibles de donner lieu à des conflits : ces enjeux sont renvoyés vers la direction centrale des services judiciaires et des tribunaux en cause. C’est ce qui explique que les relations entre la magistrature et les services judiciaires soient si tendues au centre, alors qu’elles sont relativement harmonieuses sur le plan local.
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Des arrangements de portée limitée Si les arrangements locaux font que les tribunaux fonctionnent sans trop de heurts, ils comportent malgré tout un désavantage majeur : ils ne permettent pas au système de se réformer en profondeur pour répondre aux exigences du terrain. En fait, ce ne sont pas tant les arrangements locaux qui font problème à cet égard que le moyen utilisé pour parvenir à ces arrangements, c’est-à-dire le renvoi des enjeux conflictuels au niveau central. En repoussant les problèmes délicats vers le haut, on réduit d’autant la capacité du système à produire des arrangements fondés sur des compromis entre deux points de vue également nécessaires à la bonne marche des tribunaux : le point de vue administratif, marqué par le souci de l’efficience dans l’utilisation des ressources, et le point de vue « professionnel » judiciaire, tourné vers les enjeux de fond relatifs à la qualité du processus judiciaire et sensible aux exigences de la gestion de « professionnels » autonomes. Il n’est pas nécessaire d’argumenter longuement pour démontrer que ces deux points de vue doivent être représentés dans la gouverne de l’institution judiciaire : d’une part, les mesures destinées à améliorer la performance qualitative du système judiciaire, même si elles relèvent exclusivement des juges, ont des incidences directes sur les services judiciaires, et dépendent dans une certaine mesure de la capacité de « l’intendance » à appuyer les efforts de la magistrature ; d’autre part, on voit mal comment les services judiciaires peuvent réussir à maintenir la qualité de leurs services si la magistrature n’est pas associée à la démarche visant à composer avec les contraintes budgétaires. Si les arrangements locaux rendent la vie quotidienne dans les tribunaux acceptable et assurent la continuité de l’action judiciaire, ils comportent une limite intrinsèque : dans la mesure où ils agissent comme une soupape, évitant au système d’exploser sous la pression des crises que la non-concertation entre la magistrature et les services judiciaires ne manquerait pas de provoquer, ils assurent la perpétuation d’un modèle de relations largement dysfonctionnel. Ce modèle est dysfonctionnel parce qu’il favorise le développement de politiques judiciaires et de politiques administratives parallèles, alors que les unes et les autres sont par essence interreliées. Cette tendance à l’isolationnisme réciproque est particulièrement marquée en ce qui concerne les acteurs centraux, autour desquels se sont cristallisés les affrontements entre la magistrature et les services judiciaires. Car même si ces affrontements ont trouvé une issue, les crises qu’ils ont provoquées ont laissé les acteurs sur leurs gardes quant à la possibilité qu’ils se répètent. De sorte que chacun des deux groupes tend à se replier sur
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lui-même et à éviter de s’engager dans des mesures qui risqueraient de provoquer de nouveaux affrontements. Sur le plan du fonctionnement quotidien de l’activité judiciaire, cela ne pose pas vraiment de problème en raison des arrangements locaux dont nous avons fait état. Cependant, dès qu’il s’agit de concevoir des projets d’innovation qui dépassent le quotidien et qui, de ce fait, mettent en cause les services centraux, une forme d’autocensure s’est installée dans les rapports entre les deux groupes : du côté de la magistrature, on tend à demander le moins de choses possible aux services judiciaires, convaincus que ceux-ci n’ont ni les ressources financières ni l’ouverture d’esprit nécessaires pour accueillir favorablement les demandes qu’on leur ferait, surtout si celles-ci entraînent l’engagement de ressources ; quant aux services judiciaires, ils ont tellement été échaudés par diverses crises qu’ils évitent le plus possible d’associer les juges à la réflexion sur l’allocation des ressources dans un contexte de pénurie, en supposant par avance qu’ils sont hostiles à toute forme de compromis sur cette question. Les restrictions budgétaires avec lesquelles doit composer l’appareil judiciaire, comme l’ensemble de l’appareil administratif québécois, obligent ses gestionnaires à concevoir des solutions originales pour faire face à l’augmentation du volume et de la complexité du contentieux. Or, le « bricolage » que permettent les arrangements locaux comporte, à cet égard, d’importantes limites, étant donné qu’il ne touche pas aux aspects structurels du fonctionnement du système judiciaire. Notre recherche nous a ainsi amené à la conclusion que la gestion des tribunaux commande un rapprochement institutionnalisé de la magistrature et des services de soutien à son activité. Ce rapprochement devrait amener une responsabilisation des juges-administrateurs à l’égard des conséquences administratives et financières de l’activité des juges. Il devrait aussi favoriser la prise en compte, par les administrateurs judiciaires, des contraintes propres à la dimension professionnelle de l’activité judiciaire. Cela ne peut se faire, à notre avis, que par une intégration de ces deux organisations distinctes que constituent actuellement les tribunaux et leurs services de soutien. Cette intégration des préoccupations administratives et professionnelles ne peut se faire que sous l’autorité de la magistrature. En effet, suivant le concept d’indépendance judiciaire, protégé par la Constitution, la magistrature a seule autorité sur les aspects cruciaux de la gestion des tribunaux que sont l’affectation des juges, la planification des activités judiciaires et la confection des rôles d’audience (Valente c. La Reine, p. 712). Cela soulève un problème important, à la fois sur le plan empirique et sur le plan théorique : peut-on faire confiance à des professionnels en situation de gestion, en l’occurrence des juges, pour gérer efficacement ? Dans un
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contexte où s’affrontent la rationalité professionnelle et la rationalité managérielle, quel parti les professionnels-administrateurs vont-ils prendre ? Ce sont des questions auxquelles nous allons chercher à répondre dans la prochaine section, en nous appuyant sur notre étude des juges-administrateurs québécois.
Les professionnels en situation de gestion et la conciliation des rationalités managérielles et professionnelles Nous avons donc cherché à savoir si les juges-administrateurs tendaient à adhérer davantage à la rationalité des professionnels qu’ils dirigent ou à celle des administrateurs avec qui ils partagent la responsabilité de la gestion des tribunaux. Nous avons à cet égard constaté que, de façon générale, les jugesadministrateurs avaient tendance à adopter des priorités de gestion marquées par la rationalité managérielle. Ce n’est pas qu’une affaire de choix personnel : le contexte organisationnel fait qu’ils n’ont guère le choix, comme nous essayerons de le démontrer. Par ailleurs, on ne peut ici parler de rationalité managérielle pure : la logique d’action des juges-administrateurs intègre aussi la logique professionnelle, dans la mesure où ces derniers ne peuvent pas ne pas tenir compte du cadre de référence de leurs juges. Les juges-administrateurs : des priorités marquées par la rationalité managérielle Les politiques et les pratiques de gestion adoptées par les juges-administrateurs nous éclairent sur l’importance relative de la rationalité professionnelle et de la rationalité managérielle dans la gouverne des organisations professionnelles dirigées par des professionnels. On peut dans cette perspective distinguer deux aspects de la performance de ces organisations : la performance qualitative, qui rend compte de la conformité des pratiques judiciaires aux normes et aux standards de qualité des actes judiciaires, tels qu’ils sont définis par la profession juridique, et la performance quantitative, fondée sur l’ajustement de la capacité de production de l’appareil judiciaire à la demande et sur le contrôle des délais de traitement des affaires. Un juge-administrateur d’orientation professionnelle devrait logiquement privilégier les aspects qualitatifs de la performance de son tribunal, alors que celui qui adhère davantage à la logique managérielle devrait normalement se préoccuper davantage des aspects quantitatifs. À ce propos, nous avons constaté que, loin d’être insensibles à la performance quantitative de leur tribunal, les juges en chef font de cet aspect de la performance judiciaire le critère premier d’évaluation de leur action. Quant à la dimension qualitative, dont on s’attendrait à ce qu’elle occupe une place prépondérante dans l’esprit d’un professionnel, elle est
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relativement marginale parmi les objectifs de gestion des juges-administrateurs. On pourrait en tirer la conclusion qu’en accédant à des fonctions de gestion, les professionnels changent de logique d’action : « l’habit faisant le moine », ils en viendraient à s’identifier davantage à leur rôle de gestionnaire qu’à celui de professionnel. Ce constat rejoint celui de Heydebrand et Seron (1990) au sujet des priorités visées par les gestionnaires des tribunaux américains. Bien que ces tribunaux soient sous l’autorité de juges, ce qui devrait faire en sorte que leur gestion respecte scrupuleusement la rationalité professionnelle, les deux auteurs soulignent que les tribunaux fédéraux des États-Unis sont gérés selon un mode proche de celui des organisations publiques « ordinaires ». Ils soutiennent que les juges qui les dirigent adoptent une vision managérielle de l’action judiciaire, aux dépens de ce qui fait l’essence même de la fonction judiciaire : la productivité y occupe une place centrale parmi les préoccupations de gestion de ces administrateurs, au point de constituer le moteur des efforts de « rationalisation » entrepris dans les tribunaux américains au cours du XXe siècle : Rationalization – the process of systematization, simplification, standardization, and routinization in a quest for efficiency, productivity, and cost effectiveness – has [...] left its imprint on the federal judiciary in the twentieth century through a distinctly observable transformation in the structure of courts. A new emphasis on speed and efficiency is changing the organization of dispute resolution and, in doing so, exposes the limitations of due process model. (p. 6) C’est sous le leadership de juges investis de responsabilités de gestion qu’ont été mises en place différentes mesures permettant d’accélérer le processus judiciaire et d’augmenter de façon marquée la productivité de l’appareil. Ces innovations managérielles apparaissent comme étant largement le résultat de la pression qu’a exercée et qu’exerce toujours sur l’appareil de production des tribunaux l’augmentation de la demande de décisions judiciaires (Heydebrand et Seron, 1990, p. 812). La logique d’action professionnelle aurait commandé que cette augmentation du contentieux soit compensée par une hausse équivalente du nombre de juges et des services de soutien qui s’y rattachent, sans toucher aux caractéristiques mêmes de la décision judiciaire. Mais l’incapacité des autorités judiciaires de convaincre les décideurs politiques d’accroître ainsi l’effectif des tribunaux a amené les juges-administrateurs à imaginer des solutions de type managériel afin d’éviter les crises majeures qui auraient pu découler de l’incapacité des tribunaux à faire face à la demande. Cette référence au cas américain et à l’interprétation que donnent Heydebrand et Seron de la réforme administrative des tribunaux des États-Unis éclaire notre propos en montrant comment des juges-administrateurs
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en viennent à adhérer à une logique managérielle. Certes, tous les juges responsables d’un tribunal ne manifestent pas le même souci d’efficacité. Il n’en demeure pas moins que, de façon générale, la présence de juges à la tête des tribunaux fédéraux américains n’a pas empêché l’adoption de politiques et de pratiques inspirées davantage de la logique managérielle que de la logique professionnelle. Ces conclusions, qui rejoignent les résultats de nos propres travaux, tendent à démontrer que, quand les circonstances le commandent, des considérations pragmatiques peuvent prendre le pas sur les considérations idéologiques inhérentes à la rationalité professionnelle. Il est vrai que certains juges-administrateurs se contentent de jouer un rôle relativement effacé et ne cherchent vraisemblablement pas à laisser une trace impérissable de leur passage à la tête de leur tribunal ; nous en avons rencontré. Mais la plupart des juges-administrateurs que nous avons interviewés montraient qu’ils avaient sinon le désir de passer à l’Histoire, du moins l’orgueil d’avoir fait quelque chose pour améliorer le fonctionnement de leur tribunal. Pour ceux-là, la performance quantitative du tribunal constituait l’un des seuls champs d’action envisageables. Cet objectif était, par ailleurs, légitimé par la conjoncture : au moment de notre enquête, l’augmentation du volume et de la complexité du contentieux, couplée à la crise des finances publiques, faisait de la performance quantitative des tribunaux québécois un enjeu qui n’avait rien d’artificiel. Ainsi, plusieurs juges-administrateurs ont fait de l’efficacité de leur tribunal un défi personnel, une source de motivation intrinsèque. Mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi pour qu’un juge-administrateur soit incité à se soucier des indicateurs de performance de son tribunal. En effet, même s’il adhérait à des objectifs étroitement corporatistes, c’est-à-dire orientés essentiellement vers la défense des conditions de travail de ses juges, il ne pourrait se désintéresser de la bonne marche de son tribunal. D’une part, sa position de négociation auprès de l’Administration serait terriblement affaiblie s’il ne pouvait faire état de ses efforts en vue de maintenir et, le cas échéant, d’améliorer l’action de son tribunal ; à l’inverse, un juge-administrateur qui arrive à bien faire tourner son tribunal est nettement mieux placé pour obtenir des avantages pour ses juges. D’autre part, les juges de base, eux-mêmes, sont sensibles à l’image de leur tribunal et ils s’attendent des juges-administrateurs qu’ils fassent en sorte que la machine judiciaire fonctionne correctement. Ainsi, même si un juge en chef avait pour seule préoccupation d’être au service de ses collègues, il aurait malgré tout à s’assurer que son tribunal fonctionne suffisamment bien pour jouer de façon efficace son rôle de défenseur de la magistrature. L’étude du comportement des juges-administrateurs, ces professionnels devenus gestionnaires, tend donc à montrer que l’idéologie professionnelle n’est pas un déterminant absolu des comportements des
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professionnels, du moins quand ils accèdent à des fonctions de gestion. Ainsi, en supposant que les résultats de nos travaux puissent être applicables à d’autres types de professionnels et d’organisations professionnelles, on peut en conclure que les valeurs propres aux professionnels n’empêchent pas les professionnels devenus gestionnaires d’adopter des pratiques guidées par la rationalité managérielle. Aux prises avec des problèmes qui affectent le fonctionnement d’ensemble de l’organisation dont ils sont responsables, ces professionnels se montreront vraisemblablement sensibles aux attentes que l’on entretient à leur endroit quant à la réponse à ces problèmes, et tendront à adopter des solutions de gestion, même lorsque celles-ci heurtent les intérêts et les valeurs des professionnels qu’ils gèrent. Des stratégies managérielles prenant en compte la rationalité professionnelle Est-ce à dire que, devenus gestionnaires, les juges-administrateurs perdent totalement leur « âme » de professionnel, et qu’en conséquence on n’observerait pas de différences marquées entre les pratiques d’un gestionnaire « ordinaire » et celles d’un professionnel devenu gestionnaire ? Les politiques et les pratiques managérielles adoptées par les juges en chef québécois se rattachent très nettement à une logique d’action mixte, caractérisée par un souci de l’efficacité du tribunal, mais cherchant en même temps à minimiser l’impact des mesures adoptées en ce sens sur les susceptibilités et les valeurs des professionnels que sont les juges. Les juges en chef manifestent en cela une grande sensibilité aux besoins et aux points de vue de leurs juges. La quête de l’efficacité ne se traduit pas, pour eux, par une valorisation intrinsèque des instruments et des moyens de rationalisation administrative. On les sent au contraire méfiants envers l’application d’un raisonnement tendant à considérer le processus judiciaire comme un processus de production ordinaire. En cela, ils continuent à raisonner comme des professionnels. Si, malgré tout, ils adoptent des mesures qui peuvent être perçues comme pénalisant les juges ou menaçant l’intégrité du processus judiciaire, comme par exemple l’augmentation de la charge de travail, ou qui modifient les traditions judiciaires (le resserrement des remises d’audience), ils sont toutefois très prudents face à ce tout ce qui pourrait être perçu comme un affaiblissement de la magistrature. Ainsi, les magistrats devenus juges-administrateurs ne sont pas en rupture totale avec la logique d’action professionnelle. S’ils adoptent des objectifs de type managériel, c’est pour ainsi dire par la force des choses. En effet, un juge en chef qui souhaite « laisser sa marque », être reconnu comme ayant eu une contribution significative à la gouverne de son tribunal, n’a guère que cette possibilité ; le principe de l’autonomie professionnelle, de
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l’indépendance quasi absolue du juge dans l’exercice de ses fonctions judiciaires, ne laisse pas au juge en chef et à ses juges-administrateurs un rôle majeur quant à l’aspect qualitatif de l’action judiciaire : seuls les tribunaux d’appel, d’une part, et les Conseils de la magistrature, d’autre part, sont habilités à contrôler et à sanctionner la qualité des actes judiciaires et le comportement professionnel des juges. N’ayant de moyens d’action qu’au regard de l’aspect quantitatif de l’action judiciaire, les juges-administrateurs se fixent donc des objectifs à la mesure de leurs moyens. Autrement, ils devraient se contenter d’un rôle symbolique, sinon insignifiant. Ainsi, tout en adoptant des objectifs et des mesures marqués par la logique d’action managérielle, les juges-administrateurs restent très sensibles à la rationalité professionnelle. Leur raisonnement implicite pourrait se résumer ainsi : la rationalisation administrative si nécessaire, mais pas n’importe quelle rationalisation administrative. Cela traduit sans doute le fait que les juges accédant à des fonctions managérielles ne peuvent totalement rompre avec les schèmes de référence propres aux professionnels qu’ils étaient et qu’ils ne cessent pas d’être. Mais il y a une autre raison à cela : un juge en chef qui manifesterait son rejet des valeurs professionnelles des juges, ou même qui démontrerait une simple tiédeur à leur égard, n’arriverait pas à faire accepter à ses collègues ses politiques et pratiques de gestion. C’est en effet parce qu’il est considéré comme un des leurs et qu’il démontre qu’il sert les intérêts du Judiciaire, qu’un juge en chef peut arriver à obtenir de ses juges les compromis qu’il attend d’eux, en matière d’augmentation de la charge de travail ou de transformation de leurs pratiques professionnelles. La défense des intérêts des juges face à l’Administration est, dans ces conditions, le fondement de toute politique destinée à améliorer l’efficacité de son tribunal : dans la mesure où les juges ont les moyens de faire obstacle aux politiques mises en place pour améliorer la performance de leur tribunal, le juge en chef a intérêt à disposer d’une solide monnaie d’échange s’il souhaite faire accepter à ses juges des réformes qui, dans beaucoup de cas, bouleversent les habitudes et les traditions du milieu judiciaire, quand elles n’entraînent pas une augmentation de la charge de travail des magistrats. Faute de disposer d’une autorité suffisante pour imposer à ses juges des politiques de gestion qui les dérangeraient, le juge en chef est donc amené à composer, dans ses stratégies managérielles, avec les intérêts de ses juges : il doit s’efforcer, d’une part, de faire en sorte que les politiques et les pratiques de gestion pénalisent le moins possible ses juges ; d’autre part, s’il doit, pour atteindre ses objectifs de gestion, demander à ses juges d’accroître leur charge de travail, d’accepter une dégradation de leurs conditions de travail ou encore de modifier leurs habitudes, il est dépendant de la bonne volonté de ces derniers, largement fondée sur l’estime qu’ils lui vouent. Cette estime ne paraît pas, dans l’esprit des juges-administrateurs interrogés, liée à la
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compétence professionnelle du magistrat exerçant des fonctions administratives, mais plutôt à ses qualités de défenseur du Judiciaire et des juges. Ainsi, un juge en chef s’assure le respect de ses collègues en faisant en sorte de représenter au mieux son tribunal auprès de l’Administration, à la fois en obtenant les moyens (postes de juges, soutien administratif) nécessaires au bon fonctionnement du tribunal et en assurant aux juges un cadre de travail à la mesure de leur statut ; à défaut d’obtenir des services judiciaires, du ministère de la Justice ou du gouvernement, tout ce que ses juges souhaiteraient, un juge en chef doit au moins démontrer qu’il mène une lutte vigoureuse pour protéger les acquis et pour tirer le maximum des rapports avec l’Administration, dans un contexte budgétaire difficile. En s’appuyant sur la crédibilité qu’il se gagne ainsi, un juge en chef pourra légitimement demander à ses juges de « faire leur part » pour améliorer l’image du tribunal face au gouvernement et à la population, de façon à renforcer sa position de négociation face à l’Administration. Ainsi, à la question « le juge-administrateur est-il un professionnel ou un administrateur ? », notre étude nous permet de répondre qu’il est à la fois l’un et l’autre. En effet, nous avons constaté qu’un juge-administrateur ne peut exercer efficacement ses fonctions d’administrateur que s’il est sensible aux points de vue et aux besoins des professionnels. C’est dire que même s’il ne s’identifiait pas aux intérêts personnels et professionnels de ses juges, un jugeadministrateur ne pourrait absolument pas ne pas en tenir compte dans la définition de ses politiques de gestion. Cela tient au fait que, comme nous l’avons vu, l’autorité du juge-administrateur sur ses juges est fonction de sa légitimité face à ses troupes. Or, cette légitimité repose dans une très large mesure sur la capacité dont il fait preuve à résoudre les problèmes d’intendance qui affectent l’activité professionnelle des juges. Le bon juge en chef, nous l’avons vu, est donc celui qui permet à ses juges de vaquer à leurs occupations professionnelles dans de bonnes conditions, en s’attaquant aux irritants susceptibles de perturber celles-ci. Et comme ces irritants résultent en bonne partie, dans un contexte de restrictions budgétaires, des décisions — ou des « non-décisions » — des services judiciaires et de l’Administration en général, un juge en chef sera d’autant plus respecté qu’il saura tirer le maximum de ses rapports avec ceux-ci. Les administrateurs judiciaires : une autre rationalité managérielle La théorie relative à la gestion des organisations professionnelles nous invitait à considérer la gouverne de ces organisations comme le résultat de l’affrontement de deux rationalités, l’une professionnelle, l’autre managérielle, caractérisant respectivement les professionnels et les « administratifs » œuvrant dans ces organisations. Or, nous venons de voir que, dans les tribunaux québécois, les professionnels en situation de gestion tendent à
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raisonner selon la logique managérielle, tout en intégrant dans ce raisonnement les contraintes inhérentes à la gestion de professionnels. Si les jugesadministrateurs raisonnent effectivement comme des gestionnaires, comment expliquer qu’ils ne s’entendent pas avec les administrateurs judiciaires quant aux objectifs majeurs de gestion des tribunaux ? En fait, on est bien en présence de deux rationalités différentes. Cependant, il ne s’agit pas d’une rationalité managérielle opposée à une rationalité professionnelle, mais bien de deux rationalités managérielles différentes : les juges-administrateurs raisonnent en termes d’efficacité, de performance globale du tribunal, alors que les administrateurs judiciaires mettent, eux, l’accent sur l’efficience, la productivité, l’utilisation optimale des ressources. On pourrait considérer ces deux logiques d’action, celle des jugesadministrateurs et celle des administrateurs judiciaires, comme étant le fruit de deux cultures professionnelles distinctes : les professionnels devenus gestionnaires conserveraient de leur culture professionnelle d’origine un souci du service au client, qui les amènerait à privilégier les objectifs de production sur les objectifs de productivité, alors que les administrateurs judiciaires adhéreraient à une culture de gestion visant prioritairement l’utilisation optimale des ressources. Si c’est bien en ces termes que se pose l’affrontement entre la magistrature et les services judiciaires québécois, il serait, selon nous, abusif d’en faire un principe général applicable à l’ensemble des organisations professionnelles. Soutenir une telle thèse impliquerait que la « culture professionnelle » découlant de la formation en gestion soit forcément axée sur la recherche de la productivité, même aux dépens de l’efficacité. Or, tel n’est certainement pas le cas : la « doctrine » enseignée dans les manuels de gestion n’isole jamais les questions de productivité de celles relatives au contenu même des biens et services produits. Il serait, en effet, absurde de soutenir, sur le plan des principes, que l’efficience doit être privilégiée aux dépens de l’efficacité des organisations. Comment expliquer, dans ce cas, les différences de logiques adoptées par les juges-administrateurs et les administrateurs judiciaires québécois ? Il faut ici rechercher l’origine de ce phénomène non pas dans les caractéristiques fondamentales des rôles de professionnels et d’administrateurs, comme le proposent certaines thèses relatives à la professionnalisation, mais bien plutôt dans la conjoncture particulière propre aux tribunaux québécois, sinon aux tribunaux dans leur ensemble : c’est parce que les administrateurs judiciaires ont été, pour l’essentiel, écartés de la gestion du processus judiciaire proprement dit qu’ils se sont rabattus sur le seul aspect du management qui leur appartenait en propre, soit la gestion des ressources. De plus, la conjoncture budgétaire et les compressions qu’elle a imposées ont rendu légitime, sinon nécessaire, une insistance sur la
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productivité qui, dans un autre contexte, aurait été beaucoup plus difficile à soutenir. Ainsi, de la même façon que les juges-administrateurs ont été amenés à privilégier des objectifs de production quantitatifs parce que c’était le seul aspect de la gestion du processus judiciaire sur lequel ils avaient véritablement prise, les administrateurs judiciaires ont été incités à se concentrer sur les seuls objectifs à la mesure de leurs moyens, ceux se rapportant à la productivité des ressources.
Conclusion Notre étude nous a amené à nuancer la thèse selon laquelle les bureaucraties professionnelles sont des lieux d’affrontement entre la logique managérielle et la logique professionnelle : nous avons en effet constaté que l’opposition entre ces deux logiques, tout à fait réelle, est nourrie par l’isolement dans lequel on enferme les deux groupes, comme c’est souvent le cas dans les bureaucraties professionnelles. Quand on arrive à les sortir de cet isolement, nous avons constaté que les juges-administrateurs font preuve d’une sensibilité évidente aux préoccupations administratives et budgétaires ; de même, quand ils sont amenés à travailler de façon étroite avec les juges-administrateurs, les administrateurs judiciaires apprennent à composer avec les contraintes liées à la gestion de professionnels. Cette conclusion rejoint les constats de recherches monographiques réalisées en milieu hospitalier, aux États-Unis (Guy, 1985) et en France (Binst, 1990), tendant à démontrer que, dans certaines conditions, les cultures professionnelles et managérielles ne sont pas irréconciliables. Ainsi, on peut faire soutenir que les effets dysfonctionnels de la juxtaposition des cultures professionnelles et managérielles sont, dans une large mesure, la conséquence d’arrangements institutionnels particuliers propres à beaucoup de bureaucraties professionnelles.
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Bibliographie BENVENISTE, G. (1987). Professionalizing the Organization, San Francisco, Jossey-Bass. BINST, Marianne (1990). Du mandarin au manager hospitalier, Paris, L’Harmattan. COHEN, M.D., MARCH, J.G. et OLSEN, J.P. (1972). « A Garbage Can Model of Organizational Choice, Administrative Science Quarterly, vol. 17, p. 1-25. CROZIER, Michel et FRIEDBERG, Erhard (1977). L’acteur et le système, Paris, Seuil. GERPOTT, T.J. et DOMSCH, M. (1985). « The Concept of Professionalism and the Management of Salaried Technical Professionals : A Cross-National Perspective », Human Resource Management, été, vol. 24, n° 2, p. 207-225. GUY, Mary (1985). Professionals in Organizations : Debunking a Myth, New York, Praeger. HEYDEBRAND, Wolf et SERON, Carol (1990). Rationalizing Justice : The Political Economy of Federal District Courts, Albany (N.Y.), State University of New York Press. MINTZBERG, Henry (1982). Structure et dynamique des organisations, Paris, Les Éditions d’Organisation. VALENTE C. LA REINE (1985) 2 R.C.S., p. 613-715.
Cinquième partie
Formation des gestionnaires publics
Practicum Une nouvelle pédagogie Adrien Payette
Introduction1 À l’heure où les critiques sont de plus en plus vives à l’égard d’une approche trop exclusivement analytique de la formation des gestionnaires (Vaill, 1996 ; Mintzberg, 1996), il convient de prendre des risques pour tester des intuitions qui permettent aux formateurs d’accéder à d’autres dimensions de la pratique des gestionnaires. Les trois mots clés de la pédagogie présentée ici — personne, expérience et compétence — fournissent l’architecture centrale de notre travail d’innovation. Personne : nous nous adressons à toute la personne des gestionnaires, et non seulement à l’hémisphère gauche de leur cerveau. Expérience : dans la perspective d’une épistémologie en construction (Polanyi, 1967 ; Schön, 1983) qui fonde la connaissance de type Delta (Paquet et Gélinier, 1991) — connaissance qui ne peut être acquise autrement que par l’expérience concrète —, nous postulons que les expériences vécues par les gestionnaires (McCall et al., 1988) sont d’une densité d’apprentissages telle qu’elles méritent d’être élevées au rang de matière académique. Compétence : cette pédagogie s’inspire également du courant des
1.
Ce texte est la version révisée d’une communication faite au 63e Congrès de l’ACFAS, Section Administration et management publics, Les administrations publiques sous le microscope, Chicoutimi, les 24 et 25 mai 1995. Nous remercions : Colette Lehoux avec qui fut conçue et réalisée cette nouvelle activité pédagogique ; les gestionnaires étudiants qui ont « risqué » six crédits de leur maîtrise dans cette aventure ; Marie-Michèle Guay et Natalie Rinfret qui ont mené une recherche sur cette innovation pédagogique, recherche présentée dans le chapitre suivant : le Fonds de développement académique du réseau (FODAR) de l’Université du Québec qui a permis la réalisation de plusieurs parties de cette expérience ; finalement, l’ENAP qui nous a soutenus dans la réalisation de cette innovation.
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compétences en gestion, courant, en plein développement pratique et théorique (Bigelow, 1991 ; Bigelow, 1996 ; Whetten et Cameron, 1991), qui se veut une réponse articulée aux sévères critiques du MBA traditionnel. Le texte se divise en trois parties. Dans la première, nous présentons les idées centrales qui fondent cette pédagogie. Dans la deuxième, nous décrivons les principales étapes de l’expérience. Dans la troisième, nous examinons les principales questions soulevées par cette première expérience et les décisions que nous avons prises pour la seconde édition. Nous concluons par quelques réflexions provoquées par Practicum sur la formation des gestionnaires.
Première partie : idées centrales Pour mieux saisir les idées centrales de cette expérience pédagogique, il est utile de fournir une définition de Practicum et les principaux paramètres de l’organisation du cours. Nous avons choisi le terme Practicum pour deux raisons : d’une part, il exprime clairement l’intention pratique de la formation proposée, d’autre part, étant peu connu, il attire l’attention sur le caractère innovateur de l’expérience. Dans plusieurs professions, la formation théorique s’accompagne obligatoirement d’une formation pratique qui prend diverses formes et reçoit divers noms. En gestion, les formules pédagogiques qui rejoignent cette dimension « formation pratique » sont la méthode des cas, les simulations, les jeux de rôles et les stages. Après avoir exploré ces méthodes, nous cherchions une façon plus directe de « former à la pratique réelle ». L’idée de laboratoire, où l’étudiant pratique une activité sous la supervision d’un professeur, nous attirait depuis longtemps. Nous avons réalisé (Payette, 1988) que le fait d’enseigner à des gestionnaires en situation de gestion nous fournissait les principales conditions que nous recherchions. Déjà influencés par les travaux de Schön (1987, p. 37-38), nous en sommes venu à choisir la définition et la vision qu’il propose de Practicum : « Un Practicum est un environnement construit pour favoriser l’apprentissage d’une pratique. Dans un contexte qui se rapproche du monde réel, les étudiants apprennent en faisant [...] La plupart des Practicum sont construits de telle sorte que le groupe d’étudiants y est aussi important que le professeur, car ils jouent, eux aussi, ce rôle d’entraîneur ("coach"). » Remarquons d’abord que, pour nos étudiantsgestionnaires, l’apprentissage de la pratique managérielle est commencé depuis longtemps ; il s’agit de les aider à consolider cet apprentissage, à l’approfondir, à l’élargir, en un mot, de les aider à construire leur identité de gestionnaire. Remarquons ensuite que nous n’avons pas à nous « rapprocher le plus possible du monde réel » puisque, en dehors des cours, ils sont à temps plein dans « ce monde réel de la
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gestion » et en expérimentent continuement les multiples dimensions. Remarquons finalement que notre Practicum a confirmé le fait que les autres étudiants jouent un rôle important d’entraîneur. Les principaux paramètres de l’organisation du cours sont les suivants : Practicum est composé de deux cours optionnels de trois crédits chacun, Practicum I et II, qui sont offerts dans le cadre de la maîtrise en administration publique, option A, de l’ENAP. Ces cours s’adressent à des gestionnaires en exercice, étudiants à temps partiel. Chaque cours s’étend sur une année chacun ; notre intention est d’encadrer durant deux années complètes, à l’exception des vacances, la pratique managérielle des gestionnaires inscrits. Le but de cette activité, constituée de deux cours, est de permettre à l’étudiant d’apprendre à mieux se connaître et à se développer comme gestionnaire et comme personne. Pour atteindre ces deux objectifs fondamentaux, quatre sortes d’apprentissages sont utilisés : acquisition de connaissances théoriques sur le développement de la personne et le développement du gestionnaire ; feed-back personnalisé (acquisition de connaissances idiosyncrasiques) fourni non seulement par les professeurs et les collègues étudiants, mais également par l’entourage organisationnel de chaque participant et par des observateurs neutres ; réflexion sur des expériences passées et actuelles ; étude et évaluation de projets individuels de développement personnel et professionnel (voir tableau 1). Idées centrales Comme nous l’avons déjà indiqué en introduction, trois idées sont au centre de cette innovation pédagogique : personne, expérience et compétence. La première idée, partagée depuis longtemps par les deux professeurs responsables de l’expérience, pourrait donner lieu à de longs développements ; nous nous limiterons ici à quelques propositions essentielles pour illustrer notre pensée : les gestionnaires gèrent avec toute leur personne ; la personne du gestionnaire est son premier outil de gestion (le métier de gestionnaire est très peu médiatisé par des outils tangibles et intangibles) ; le style de gestion d’un gestionnaire, c’est sa personnalité ; ou encore, la gestion de quelqu’un reflète toutes les facettes de sa personnalité, elle exprime toutes les dimensions de sa personne : valeurs, sentiments, forces et faiblesses, compétences et incompétences, etc. ; la pratique d’un gestionnaire est sa théorie en actes, et cette théorie pratiquée exprime bien plus et généralement d’autres lois que sa théorie professée de la gestion ; le développement personnel est sans conteste un apport majeur au développement des gestionnaires (Conger, 1992 ; Kaplan, 1991). Dans la première édition de Practicum, nous avons donc intégré la dimension « développement personnel », comme le démontre la formulation des objectifs (voir tableau 1).
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Notons dès maintenant que la deuxième édition séparera nettement la dimension « développement personnel » et la dimension « développement professionnel », nous y reviendrons plus loin. La deuxième idée à la base de Practicum est la richesse pédagogique de l’expérience. Il est surprenant de devoir argumenter sur l’importance de l’expérience dans l’apprentissage d’une profession comme la gestion ; de tout temps, les leçons de l’expérience ont été valorisées par divers systèmes éducatifs, et, de nos jours également, nombreux sont les gestionnaires qui accordent assez peu de crédibilité aux formations formelles. À l’opposé, le monde universitaire a beaucoup de difficultés à intégrer dans ses pratiques d’enseignement et de recherche cette évidente importance de l’expérience. En plus de l’être par la sagesse populaire, toujours susceptible d’être regardée d’un oeil critique par l’université, l’importance de l’expérience est confirmée par quatre courants de recherche théorique et d’exploration pratique : 1) le vieux courant de la pédagogie expérientielle qui prend sa source chez Kurt Lewin, demeure une référence fondamentale ; 2) le courant déjà cité de la pratique réfléchie (Schön et bien d’autres) dont le postulat central renverse la perspective de la science appliquée suivant laquelle les pratiques professionnelles seraient la mise en pratique, l’application de théories, de modèles déduits des recherches fondamentales ; la pratique professionnelle
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se développe davantage selon un modèle de dialogue continu entre le praticien et la situation, dialogue où la théorie, les modèles et les recherches peuvent être d’une aide importante, mais où ils ne jouent certainement pas le rôle de modèles à décalquer sur la réalité2 ; 3) l’« action learning » inventée par Revans en Angleterre dans les années 1950 et récemment rendue célèbre par l’usage percutant qu’en fait General Electric dans sa formation de cadres multinationaux (Noel et Charam, 1992) ; 4) les recherches du Center for Creative Leadership (McCall et al., 1988) et celles des Britanniques (Davies et Easterby-Smith, 1984) qui ne cessent d’être citées et approfondies par d’autres chercheurs3. Au risque de nous répéter, il importe de souligner l’extraordinaire richesse pédagogique que constitue le fait que des gestionnaires en exercice viennent, à temps partiel, étudier la gestion, c’est-à-dire précisément étudier ce qu’ils font à longueur de journée. C’est pourquoi Practicum vise à fournir un environnement stimulant de réflexions, d’expérimentations, d’échanges divers, et à encadrer durant deux ans la pratique de gestion des étudiants de sorte qu’ils puissent en extraire toute la substantifique moelle pour se développer comme gestionnaires et comme personnes. La troisième idée de base de cette première édition de Practicum tourne autour du concept de compétence. Comme nous le verrons, les résultats pédagogiques de cette idée dans Practicum ont été mitigés ; cela est peut-être dû au fait que nous étions un peu trop ambitieux en voulant accorder autant d’importance à chacune des trois dimensions : personne, expérience et compétences. Notre idée de départ était simple : l’ENAP ayant développé depuis plusieurs années des instruments d’évaluation des compétences – l’Appréciation par simulation (APS) et le Profil de compétences en gestion (PCG) –, les étudiants de Practicum seraient évalués dès le début et recevraient ainsi un diagnostic assez complet de leurs forces et de leurs faiblesses, diagnostic qui leur permettrait de se donner un plan d’action pour les deux années du cours. La question des compétences en gestion est extrêmement pertinente par rapport aux objectifs de Practicum, cependant, la place qui doit leur être accordée, l’articulation de cette dimension avec les deux autres idées centrales est à préciser. On peut dire que ces trois idées, exprimées par les mots expérience, personne et compétence, ont formé le noyau central du plan de cours. Autour de ce centre gravitent les autres concepts clés de la démarche que nous présentons ici brièvement : 2.
Il est très éloquent que la littérature en management soit si pauvre sur cette phase cruciale du processus de décision et de planification qu’est l’implantation.
3.
Dans une perspective complémentaire, il faut signaler les travaux sur l’intelligence au quotidien et l’intelligence pratique (Stemberg et Wagner, 1986).
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Adrien Payette Théories : d’une part, nous croyons à l’importance des théories pour éclairer la pratique et, d’autre part, nous nous référons aux idées de Schön sur l’importance de la théorie pratiquée de tout praticien (la pratique vue comme une théorie en acte) ; Faits : l’importance de l’observation, aussi bien de soi-même, de la situation dans laquelle on travaille, que des autres avec lesquels on interagit ; approche situationnelle et contingente qui soutient que chaque situation est unique et doit être analysée en tenant compte de sa dynamique particulière ; Feed-back : aucune pratique ne peut se développer sans feed-back ; feedback sur ses propres compétences, feed-back sur ses façons d’agir et d’interagir, comme personne et comme gestionnaire ; Action : seule l’action concrète permet certains types d’apprentissages. Cette perspective rejoint la méthode expérimentale classique : agir permet d’expérimenter des stratégies comportementales et de les tester par l’action ellemême, d’en comprendre la dynamique spécifique (Revans, 1980 ; Pedler, 1983 ; McGill et Beaty, 1995 ; Paquet et Gélinier, 1991 ; StArnaud, 1992) ; Groupe : familiers des méthodes expérientielles, nous croyons à la puissance de l’apprentissage en groupe, à l’importance de réfléchir avec d’autres et de comparer des situations (études de cas) et des expériences. Inutile d’insister sur la richesse qu’apporte la diversité des personnalités, des organisations et des postes représentés dans une classe de vingt gestionnaires ; cette variété, en elle-même, est pleine d’apprentissages potentiels. Le groupe sert aussi de soutien affectif indispensable pour réussir certains apprentissages difficiles ; Écriture : la majorité des gestionnaires ne sont pas spontanément portés à utiliser l’écriture comme instrument de réflexion, comme moyen d’extériorisation et d’objectivation de sa vie intérieure (ce mélange d’idées, de sentiments, de phantasmes). Dans Practicum, l’écriture est systématiquement valorisée.
Pour compléter cette première partie sur les fondements de cette expérience pédagogique, il est utile d’ajouter quelques-uns des postulats qui nous ont guidés : 1.
Apprendre à gérer, c’est autre chose qu’apprendre des choses au sujet de la gestion. En suivant des cours, les gestionnaires apprennent beaucoup de choses utiles au sujet de la gestion ; plusieurs de ces choses auront sans doute un impact sur leur pratique. Mais cela ne suffit pas : gérer s’apprend essentiellement en gérant, par la pratique même, comme beaucoup d’autres métiers.
2.
Dans plusieurs formations professionnelles, il est possible d’assurer une supervision de la pratique. Cette supervision est faite d’observation directe de la personne en exercice, de feed-back, de suggestions, de réflexions, de références à des modèles théoriques et de comparaisons avec l’expérience des seniors dans le domaine. En gestion, il est très difficile d’offrir une telle supervision. Voilà pourquoi nous propo-
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sons aux gestionnaires en exercice de la MAP-A un encadrement pédagogique qui, durant deux ans, leur fournira une sorte de supervision professionnelle : en entrant dans ce Practicum, ils entrent en quelque sorte en stage pour deux ans et transforment, pour ainsi dire, leur poste actuel en laboratoire de gestion. 3.
Cette supervision managériale suppose une analyse critique de la pratique de gestion. Cette analyse critique exige une volonté ferme de jouer le jeu : vouloir apprendre à mieux gérer implique d’accepter d’être évalué de divers points de vue par diverses personnes. Dans cette activité pédagogique, le feed-back constitue un instrument pédagogique de première importance.
4.
La formule, apprendre à apprendre (Gordon, 1990), exprime une autre dimension importante du Practicum. Cette dimension, plus implicite que les autres, constitue une sorte de métaqualité d’apprentissage qui, bien développée, permet d’apprendre à partir de toutes sortes de situations et de toutes sortes de façons. C’est une attitude d’apprentissage qui (Payette, 1988, p. 5) : [...] est sans conteste l’une des attitudes de base de cette démarche. Elle est indispensable à qui veut devenir plus compétent et à qui veut cheminer à l’aide de la démarche. Elle introduit une façon de percevoir, de comprendre et d’agir qui transforme tout en opportunités pour apprendre : événements, situations, décisions, erreurs, succès [...] Globalement, cela consiste à se mettre en position d’apprendre, à adopter la posture intérieure de quelqu’un qui est disposé à apprendre à partir de ce qui est en train d’arriver. Cette attitude a l’énorme avantage de rendre bien relatifs les échecs et les succès. Elle fait voir sa propre pratique comme quelque chose qui « mature » lentement, se consolide étape par étape, s’apprend à travers une suite de structurations, de déstructurations, de restructurations. Les pratiques expérimentées consolident la confiance.
En tentant d’intégrer ces idées et croyances à nos expertises respectives4, nous en sommes venus à structurer les deux objectifs principaux et les quatre sortes d’apprentissage comme illustré au tableau 1. 4.
En combinant ces idées et ces croyances de base, nous avons construit un plan de cours qui puisait inévitablement à nos propres expériences : pour Colette Lehoux, les cours « Développement personnel du gestionnaire », « Planification de vie et de carrière », et « Habiletés de direction », auxquels s’ajoute une expérience de plusieurs années à la coordination du programme Formacadres, volet ENAP ; pour moi-même, les cours « Introduction au management », « L’efficacité des gestionnaires et des organisations », « Groupe de consultation pour cadres » et la gestion du cours « Profil des compétences en gestion » depuis plusieurs années.
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Deuxième partie : les six principales étapes de l’expérience La première étape, après les inscriptions, était constituée d’une entrevue pour établir un premier contact entre les professeurs et chaque étudiant. Un dossier avait été établi à partir d’un aperçu du curriculum vitae et d’un questionnaire portant sur les attentes, les objectifs et les appréhensions de chacun. L’entrevue visait à rendre plus explicites les objectifs du cours et à permettre à l’étudiant de mieux adapter dès le départ, et même d’annuler son inscription si nécessaire, ce que personne n’a fait. Cependant, nous estimons maintenant que les objectifs de cette entrevue auraient pu être plus explicites, car elle avait aussi un caractère de sélection qui n’était pas assez clair ; cela ne pouvait probablement pas être clair avant l’expérience (apprendre par l’expérience !). La deuxième étape était réservée à l’Appréciation par simulation (APS) et au Profil de compétences en gestion (PCG)5. Notre but était de permettre aux gestionnaires, en commençant, d’avoir un portrait de leurs forces et de leurs faiblesses ; à partir de ces diagnostics, ils pourraient définir leurs cibles de développement personnel et professionnel. Cette phase mériterait à elle seule plusieurs développements, limitons-nous aux commentaires suivants : −
pour plusieurs étudiants-gestionnaires, c’était la première fois qu’ils recevaient un feed-back aussi détaillé sur leurs compétences en gestion ;
−
le fait que les vingt étudiants de Practicum se retrouvaient ensemble dans l’APS a introduit dans le groupe une compétition qui a eu une influence sur plusieurs, influence difficile à évaluer, mais à laquelle les étudiants référaient souvent en parlant de l’APS. S’ils avaient passé un APS par petits groupes de trois ou quatre, mêlés à d’autres gestion-
5.
L’Appréciation par simulation (APS) utilise une méthode bien connue sous le nom de Centre d’évaluation (Assessment Center). Elle consiste en plusieurs simulations de situations courantes de gestion (entrevue, réunion, négociation, courrier, etc.) au cours desquelles les candidats sont observés par des observateurs spécialement formés à l’utilisation d’une grille de 91 comportements qui définissent les 18 compétences de gestion. Les deux jours et demi de simulations se terminent par une entrevue où un observateur transmet les résultats au candidat ; un rapport écrit est ensuite produit. Le Profil de compétences en gestion (PCG) est basé sur les mêmes comportements et compétences, mais cette fois l’évaluation se fait par 11 personnes qui entourent le gestionnaire dans son organisation : son supérieur, quatre pairs et six subordonnés répondent à un questionnaire de 93 énoncés définissant 19 compétences. De ces questionnaires, nous tirons un profil qui compare la perception que le gestionnaire a de ses compétences à celle que ses collègues ont de ces mêmes compétences. Un rapport écrit est remis dans le cadre d’une entrevue d’une heure.
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naires inconnus d’eux, cet effet, apparemment négatif, n’aurait pas eu lieu (à retenir pour la prochaine édition) ; −
l’entrevue individuelle qu’exige le PCG, et qui était la deuxième entrevue depuis le début du cours, a permis de consolider un peu plus la relation professeur — étudiant ; rétrospectivement, nous aurions dû accorder plus de temps à cette entrevue et y intégrer la comparaison APS-PCG ; même si l’investissement peut paraître énorme pour les professeurs (20 étudiants avec une entrevue en moyenne de 1,5 heure), l’expérience, encore une fois, nous enseigne qu’il aurait été rentable ;
−
l’analyse comparative des résultats de l’APS et du PCG, réalisée par chaque étudiant, a été instructive pour plusieurs, quoique difficile, malgré le guide que nous leur avions fourni ;
−
en général, le choix des compétences prioritaires, établi par chacun dans la suite de l’APS et du PCG, s’est maintenu tout au long des deux années de Practicum. Nous avions insisté pour que ces priorités ne portent pas exclusivement sur les faiblesses, mais qu’il était important d’investir également dans ses forces6, ce que plusieurs ont fait avec profit.
Maintenant que cette première édition est terminée, notre évaluation de cette importante partie du cours nous amènera, dans la deuxième édition, à ne pas la placer au début du processus, mais plutôt à lui faire jouer un rôle d’appoint, à en faire une source d’information, privilégiée certes, mais qui vient appuyer la réflexion sur la pratique et non pas l’orienter systématiquement vers un plan d’action qui vise à développer telle et telle compétence. Toute la dimension compétence de Practicum sera réajustée dans ce sens dans la prochaine édition. La troisième étape a été cruciale : trois jours intensifs, en résidence, portant principalement sur le bilan de vie et de carrière. Plusieurs des étudiants ne s’étaient jamais arrêtés pour revoir et relier ensemble, dans une vision panoramique, leur histoire personnelle et professionnelle. Ce bilan de vie et de carrière avait été préparé avant le début des trois jours intensifs. Après quelques exercices de présentation de chacun, afin de mieux se connaître, et après des exposés d’introduction sur l’esprit et l’organisation de
6.
« Investir dans ses forces » est une loi du développement professionnel que nous ont enseignée les multiples entrevues d’APS et de PCG. Indépendamment de la validité probable de l’analogie avec les investissements financiers ou avec ce qui est devenu un nouveau credo de la stratégie des entreprises (compétence distinctive), il est important pour les gestionnaires d’abord d’être conscients de leurs forces, ce que plusieurs négligent, et, ensuite, de tenir compte de ses propres compétences face à une décision, à un projet, individuel ou organisationnel.
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ces trois jours, les étudiants ont été invités à former des groupes de quatre pour échanger sur leur bilan personnel et professionnel ; ce fut probablement l’étape la plus intense de tout le Practicum. Plusieurs n’avaient jamais fait l’expérience d’échanger sur des aspects aussi personnels avec un tel degré d’ouverture et dans un tel climat de confiance. En ce premier après-midi des trois jours intensifs, les groupes de quatre venaient de se souder assez solidement, quoique de façon variable, pour se maintenir jusqu’à la fin de Practicum II, seize mois plus tard. Les résultats de la recherche le montreront, ces groupes de quatre ont eu beaucoup d’importance pour les participants. Les vocables utilisés par les étudiants expriment les divers besoins que cette sorte de groupe a satisfaits : alors que nous proposions de les appeler groupe de consultation ou groupe de supervision, eux les appelaient groupe de support, de référence, de soutien, d’échanges ou groupe-conseil. Il est à noter que ce genre de groupe (Payette et Champagne, en préparation) se développe de plus en plus dans le milieu des gestionnaires publics ; à notre avis, ces groupes répondent au besoin de solidarité qui se fait sentir en ces temps difficiles, au besoin de discuter de problèmes de gestion réels vécus par les participants eux-mêmes, et représentent une option économique aux coûteuses formations que le secteur public peut de moins en moins se payer. Les divers travaux proposés durant ces trois jours ont, dans l’ensemble, bien répondu aux besoins des étudiants. Contrairement aux formules pédagogiques plus limitées dans le temps, la formation en résidence a ce très grand avantage d’offrir du temps pour se connaître les uns les autres ; les échanges lors des repas et des pauses furent appréciés de tous. Placée au tout début de cette expérience de deux ans, cette session intensive fut indiscutablement rentable. Hélas ! notre décision de séparer le développement personnel et le développement professionnel nous amène à réviser complètement cette partie, comme nous le préciserons plus loin. La quatrième étape de Practicum a été marquée par le premier travail écrit et par l’entrevue individuelle (la troisième) de décembre où ce travail était discuté. À la fin des trois jours intensifs, chacun devait esquisser un plan de développement personnel et professionnel qui s’étendait jusqu’à mars 1995, soit la fin de Practicum. En décembre 1993, les étudiants devaient remettre un travail synthèse sur tous les éléments du cours vus depuis le début et y inclure un plan de développement ; les professeurs remettaient leurs commentaires sur ce travail lors d’une entrevue individuelle qui avait aussi pour objectif de clarifier la démarche personnelle de chacun. Cette opération ne s’est pas avérée facile : à quelques exceptions près, les plans avaient tendance à être généraux, plutôt abstraits, manquant de précisions concrètes sur les démarches projetées. Une étape intermédiaire de travail en classe sur les plans et la synthèse aurait permis à l’entrevue d’être plus
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efficace ; l’entrevue avait tendance à se transformer en une séance de travail qui, pour être vraiment efficace, aurait demandé beaucoup trop de temps. Cette dimension du cours, plan de développement personnel et professionnel, et rapport synthèse, sera reprise au début de Practicum II, en septembre 1994, et, comme d’autres aspects, réorganisée et clarifiée. La cinquième étape a été constituée des quatre rencontres mensuelles qui ont suivi les trois jours intensifs ; novembre, janvier, février et mars (l’entrevue dont nous venons de parler prenait place en décembre). Ces quatre rencontres, de cinq heures chacune, furent profitables à plusieurs égards, mais nous devons admettre que les professeurs n’avaient pas tout à fait syntoniser la bonne fréquence de ces rencontres. Nous nous efforcions de sortir des modèles de nos cours habituels pour donner à Practicum un style particulier. Étudiants et professeurs avaient accepté l’aventure et échangeaient ouvertement sur les hésitations que la nouveauté faisait surgir. Par exemple, les lectures ne trouvaient pas facilement leur place. Le mentor avait été suggéré, mais nous hésitions à le proposer systématiquement. Comme nous l’avons déjà mentionné, certains étudiants avaient des difficultés à se construire un plan d’action réaliste et pertinent, et il n’était pas toujours facile de les aider à mieux s’organiser. Cependant, pour la majorité, les groupes de consultation demeuraient une source d’apprentissages remarquable, de même que la réflexion sur la pratique quotidienne. Finalement, le fait de n’avoir que deux grands travaux à remettre, l’un en décembre et l’autre à la fin de Practicum I, en mars 1994, n’aidait pas les étudiants à organiser les diverses démarches proposées. En résumé, à la fin de Practicum I, le message était clair : il nous fallait « resserrer les boulons », clarifier les différentes démarches, systématiser le tout. Entre Practicum I et Practicum II (mars et septembre 1994), deux points doivent être soulignés. Le premier concerne l’effort de systématisation de la bibliographie (Payette et al., 1994). En juin, un important travail fut accompli pour choisir les textes les plus pertinents pour les étudiants selon les 19 compétences de l’APS et du PCG7 ; aux 19 compétences furent ajoutés quelques thèmes indispensables comme les compétences en gestion, le développement des gestionnaires, la gestion des employés, la gestion des gestionnaires, la gestion du temps et la négociation. Pour chaque compé-
7.
COMPÉTENCES PERSONNELLES : Autonomie, Connaissance de soi, Énergie et ténacité, Éthique, Flexibilité et adaptation, Initiative ; COMPÉTENCES INTERPERSONNELLES : Capacité d’écoute, Communication, Habileté à conduire des réunions ; COMPÉTENCES INTELLECTUELLES : Analyse et synthèse, Créativité, Objectivité ; COMPÉTENCES MANAGÉRIALES : Attention à l’organisation et à son environnement, Contrôle, Délégation, Esprit de décision, Leadership, Sens de la planification, Sens de l’organisation.
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tence, la bibliographie donne la définition de l’APS et celle du PCG, et relève les cinq meilleurs titres, lorsque cela est possible. Cet instrument visait à aider les étudiants à choisir des lectures adaptées à leurs besoins personnels puisque nous avions décidé, pour Practicum II, de laisser les lectures au choix. De fait, plusieurs étudiants ont utilisé systématiquement cette bibliographie en choisissant, parmi les meilleurs titres, les lectures qui les intéressaient. Le deuxième point important de cet intermède concerne le départ de six étudiants. Practicum a été conçu au départ comme deux cours de trois crédits chacun, au lieu d’un seul de six crédits. Cette souplesse nous paraissait essentielle afin d’être justes envers les étudiants qui s’aventuraient dans cette expérience ; ceux qui le désiraient pouvaient quitter après trois crédits. Diverses raisons ont amené ces six étudiants à ne pas s’inscrire à Practicum II : des raisons de changement d’emploi et de poste, mais aussi des raisons d’incompatibilité avec les objectifs, les méthodes et les professeurs. Nous nous sommes limités à inviter les étudiants qui quittaient à venir en parler avec nous ; trois l’ont fait. Il est certain que ces départs ont modifié la dynamique globale du groupe qui passait alors à 14 étudiants. La sixième étape : Practicum II. Si nous englobons en une seule étape tout le deuxième cours de cette expérience pédagogique, c’est que son déroulement fut beaucoup plus homogène que le premier. Practicum II se déroula de septembre 1994 à mars 1995. Sa principale caractéristique fut la systématisation des rencontres et des travaux. Practicum II fut organisé sur la base de sept rencontres de six heures et demie chacune. Chaque rencontre se déroulait, à quelques variations près, selon le modèle suivant : −
la première demi-heure était consacrée aux affiches : en cinq minutes chacun, sept des quatorze étudiants présentaient l’essentiel des lectures effectuées. À la rencontre suivante, les sept autres étudiants présentaient à leur tour leurs lectures ;
−
durant l’heure et demie suivante, les professeurs exposaient des thèmes choisis pour leur pertinence par rapport à la démarche des étudiants. Les sept thèmes traités furent : conditions à mettre en place pour une vie personnelle et professionnelle satisfaisante ; gérer les changements inhérents à la vie ; les types psychologiques Myers-Briggs ; l’essence de la gestion ; la relation de consultation ; les mentors ; les nouvelles compétences en gestion ;
−
après une pause de vingt minutes, les groupes de consultation se mettaient au travail pour une période de quatre heures, entrecoupée par un souper communautaire (chacun apportait son repas) d’une heure qui servait à des échanges informels qui ont toujours leur importance.
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Ce modèle ne fut modifié qu’à l’occasion du Myers-Briggs8 ; la présentation des résultats et la discussion qui s’ensuivit occupèrent pratiquement toute la rencontre. Il importe de souligner le très grand intérêt que cet instrument a suscité chez les étudiants. De plus, l’organisation des travaux fut radicalement changée. Dans Practicum I, nous avions cru que deux synthèses suffiraient, car les étudiants avaient beaucoup de démarches à accomplir en dehors des cours. Cependant, une structure plus rigide de rapport d’activité et une plus grande régularité (à chaque rencontre, ce rapport devait être remis) aidèrent les étudiants à mieux organiser les diverses démarches proposées. Pour chacune des activités énumérées ci-après, l’étudiant devait indiquer dans son rapport ce qu’il avait fait et quels étaient les apprentissages réalisés, les résultats obtenus, les commentaires et les questions soulevés par l’activité : I.
Travail en classe : exposés ; groupe de consultation ; autres activités en classe.
II.
Journal de bord : le tenir et en analyser le contenu ; ligne de vie personnelle et professionnelle ; sujet de consultation.
III. Plan d’action : rencontres avec mentor(s) ; action 1 ; action 2 ; action 3 ; action 4 ou plus. Notons que la ligne de vie personnelle et professionnelle représente une innovation importante. Inspirée des techniques utilisées dans Bilan de vie et de carrière, cette façon de survoler sa pratique de gestion et de la mettre en parallèle avec les principaux événements de sa vie personnelle du mois écoulé fait ressortir les événements marquants consignés dans le journal de bord. Les interactions entre vie professionnelle et vie personnelle deviennent ainsi très visibles : les hauts et les bas se compensent, ou se suivent, ou sont sans lien précis. Notons également qu’à chaque rencontre l’étudiant préparait un sujet de consultation qui était soumis à son groupe. Cette mini-étude d’une situation qui est en train d’être vécue dans son service, et dont l’étudiant gestionnaire est nécessairement l’acteur central, recevra des éclairages variés et quelquefois déterminants des collègues du groupe de consultation ; de
8.
L’Indicateur de types psychologiques Myers-Briggs (MBTI-fr) est la version française élaborée et standardisée au Canada et en France du Myers-Briggs Type Indicator. Le MBTI est un instrument basé sur la théorie des types psychologiques de Jung. Cet indicateur a engendré depuis une quarantaine d’années un très grand nombre de recherches tout particulièrement chez les gestionnaires. En identifiant les préférences des gens à l’égard de la pensée logique ou de l’intuition, de la perception ou du jugement, il permet de différencier 16 types psychologiques. Son objectif principal est de contribuer à la connaissance personnelle et au développement de la personne ; l’intérêt d’un tel instrument dans le cadre du Practicum est surtout d’apporter des informations complémentaires à l’APS et au PCG.
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retour au travail, le lendemain, le gestionnaire pourra tenir compte de ces conseils qui auront enrichi sa compréhension et ajouté à ses hypothèses d’action. Malgré les résultats très positifs tirés de cette pédagogie (Payette, 1988, chap. 2), il nous faudra, dans la prochaine édition de Practicum, insister beaucoup plus sur les habiletés spécifiques requises pour mener un groupe de consultation dont l’objectif central est d’aider l’étudiant-client à penser et à agir de façon plus efficace dans sa pratique de gestion. La gestion des plans d’action s’est considérablement améliorée avec Practicum II. Le fait d’être obligé de remettre un rapport à chaque mois et le fait de recevoir régulièrement les commentaires écrits des professeurs en ont aidé plusieurs à rendre leur plan plus concret et plus réaliste. Malgré cette amélioration, la technique du plan d’action sera infléchie dans la prochaine édition de telle sorte que l’accent sera mis sur l’action plutôt que sur le plan. En effet, l’objectif ici n’est pas de concevoir un « beau » plan, mais d’agir, de « s’essayer » dans de nouveaux comportements, dans de nouvelles façons de gérer ; l’idée étant de produire dans son service de petites innovations, d’en tester les impacts pour apprendre par l’action, pour changer sa pratique de gestion par l’action elle-même. Le mentor est devenu, dans Practicum II, une pratique plus systématique. Les étudiants étaient invités à rencontrer leur mentor à chaque mois. Certains en avaient même choisi deux ; l’un à l’intérieur de l’organisation et l’autre à l’extérieur. Plusieurs ont choisi leur supérieur hiérarchique, d’autres, le directeur des ressources humaines ou un des conseillers de ce service, d’autres encore, un cadre supérieur de leur propre organisation. Les mentors choisis à l’extérieur de l’organisation l’ont souvent été en raison de leur position stratégique par rapport aux projets de carrière de l’étudiant. Le fait d’avoir laissé les lectures au choix nous a permis de constater que plusieurs étudiants avaient des besoins importants du côté du développement personnel et que plusieurs s’intéressaient aux livres pratiques sur la délégation, la créativité et la gestion du temps. Troisième partie : principales questions posées par cette première édition et les décisions pour la deuxième édition À la fin de cette expérience, la question dominante qui nous a été posée renvoyait à notre ambition initiale de mener de front le développement personnel et professionnel. Cette ambition a fait que les frontières du cours furent très étendues ; tant du point de vue des lectures que du point de vue des sujets de consultation, toutes les facettes de la vie personnelle et de la vie professionnelle étaient admissibles. Plus Practicum II avançait, plus il nous semblait que la cible devait être plus précise, si nous voulions rester fidèles à notre idée de départ : « encadrer la pratique des gestionnaires
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durant deux ans pour leur permettre d’apprendre le plus possible de leur expérience ». La décision s’est imposée peu à peu : nous devions séparer plus clairement ces deux grands objectifs. (Pour un résumé de nos réflexions sur ce sujet, voir le tableau 2.) Pour la deuxième édition de Practicum, nous ne retiendrons que la dimension développement professionnel. Cependant, pour conserver la richesse évidente d’associer étroitement le développement professionnel et le développement personnel, tout en les distinguant clairement, nous ferons du cours Développement personnel du gestionnaire un préalable fortement
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recommandé à Practicum I. Cela représente un changement de taille par rapport à la première édition et cela entraîne des modifications dans toutes les parties du cours. À titre d’exemple, dans la nouvelle édition, nous ne prévoyons pas maintenir les trois jours intensifs en résidence malgré la richesse de ce genre de dispositif ; les étudiants qui s’inscriront au Développement personnel du gestionnaire bénéficieront de ce genre d’encadrement pédagogique, et nous espérons que tous les étudiants de Practicum le suivront. En revanche, l’objectif d’encadrer la pratique de gestion de façon continue durant deux ans, d’accompagner9 chaque gestionnaire au fil des événements, sera considérablement renforcé. L’objectif global reformulé de Practicum devient donc le suivant : améliorer sensiblement la maîtrise de plusieurs facettes de sa pratique de gestion. Cet objectif global peut être exprimé de diverses façons afin de faire ressortir les perspectives pédagogiques que la deuxième édition mettra de l’avant. Le cours vise à développer chez les étudiants l’aptitude à apprendre à partir de leurs expériences, à apprendre à « tirer du savoir » (connaissances, savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre) de ces expériences. Il vise aussi à aider les étudiants à apprendre par l’action, en tentant des expériences inhabituelles, innovatrices, si modestes soient-elles, et en analysant les conséquences de ces expériences (selon le modèle de base de la méthode scientifique). Le cours vise également à développer chez les gestionnaires des habiletés de consultation ; aussi bien des habiletés à consulter d’autres personnes – à être un client qui veut obtenir de l’aide – que des habiletés à aider les autres à penser et à agir — à être un consultant qui veut aider les autres. Malgré une longue pratique de ce genre de groupe, ce n’est que récemment qu’il nous est apparu que les étudiants avaient besoin de plus d’information pour jouer le rôle de client et de consultant dans ce genre de groupe (Beary et al., 1993). En outre, Practicum veut également faire de l’écriture sur sa pratique de gestion une pratique de réflexion qui deviendra une habitude chez les gestionnaires qui auront suivi les deux cours. La deuxième question à laquelle nous avons dû nous attaquer est celle de la place et de la façon de travailler sur les compétences en gestion. Ce problème peut être formulé de la façon suivante : si l’on se place dans une logique pédagogique simple, après avoir fourni aux étudiants des diagnostics sur leurs compétences en gestion, il faudrait leur offrir des activités propices à développer ces compétences. Or, Practicum n’est pas un cours centré sur le développement systématique des compétences, mais bien sur l’optimisa-
9.
Nos collègues français utilisent le terme « accompagnement » pour traduire « coaching » (Lenhardt, 1993). Malgré le fait que ce terme ne contienne pas l’idée de supervision professionnelle, il est intéressant. De plus, il véhicule des saveurs de bois, de métiers et même de Moyen Âge, toutes liées à la tradition du compagnonnage, toujours vivante en France.
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tion des apprentissages issus de la pratique. C’est donc à cet objectif que doit être subordonné le travail sur les compétences ; plus conscients de leurs forces et de leurs faiblesses, les étudiants orienteront leur pratique en conséquence. Ceux qui ont des besoins précis pourront, à l’intérieur ou à l’extérieur de la maîtrise, aller chercher des formations particulières sur l’une ou l’autre de ces compétences ; plusieurs des étudiants de la première édition l’ont d’ailleurs fait en parallèle à Practicum. Une autre dimension doit être signalée. La première édition de Practicum a été menée, du début à la fin, par deux personnes-ressources ; c’était de la prudence élémentaire, et les échanges que nous avons eus avant, pendant et après le cours, prouvent qu’il était sage de ne pas se lancer seul dans cette aventure. Maintenant que la première a eu lieu, que les appréhensions face à la nouveauté sont à peu près tombées, nous pouvons essayer de mener la deuxième édition avec une seule personne-ressource. Nous entendons bien continuer de suivre à deux l’évolution de cette expérience, mais dans un cadre différent, en séparant le développement personnel et le développement professionnel. D’ailleurs, l’expérience des mentors s’est avérée un complément important à l’accompagnement que les collègues étudiants et les professeurs peuvent assurer ; ce type d’accompagnement dans le milieu naturel du gestionnaire a l’avantage de pouvoir se poursuivre facilement après le cours. En résumé, on peut dire que la prochaine édition de Practicum mettra l’accent sur le développement professionnel et que le travail sur les compétences sera subordonné à la réflexion sur la pratique. La réflexion sur la pratique sera renforcée par des analyses d’expériences qui seront discutées en groupe de consultation et par l’accompagnement systématique d’un (ou de) mentor(s). Les habiletés requises pour profiter au maximum de la pédagogie du groupe de consultation devront être plus clairement expliquées aux étudiants et, dans la mesure du possible, développées systématiquement. En d’autres termes, il faut faire en sorte que l’expérience et l’action soient les deux principaux véhicules des apprentissages, sachant que, pour réussir cela, il faut faire de la place au feed-back, à l’écriture, aux échanges en groupe, aux mentors et aux lectures.
Conclusion Qu’est-ce que Practicum nous a appris de la formation des gestionnaires ? Il n’est pas facile d’apprendre de l’expérience. Quelles sortes de savoirs (de leçons) tirer de telle ou telle expérience ? Très souvent, nous « sentons » clairement que nous avons appris quelque chose de significatif d’une expérience donnée : cela nous a marqué, dirons-nous, mais nous sommes incapables de l’identifier, encore moins de décrire ce quelque
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chose. Cela ouvre un large débat : doit-on pouvoir exprimer verbalement un apprentissage pour avoir le droit de prétendre « savoir » ? Dans tous les domaines de l’activité humaine, des experts reconnus, interrogés sur leur façon de faire (sur les secrets de leur réussite), avouent « ne pas savoir », s’avouent incapables de mettre des mots sur leurs méthodes. Si l’on reformulait la question, il deviendrait peut-être plus facile d’y répondre positivement : faire l’effort de devenir plus conscient et de nommer ses apprentissages permet-il d’acquérir un certain pouvoir sur ces savoirs qui « se cachent » dans la pratique, dans les expériences ? Investissement et rentabilité. Au sortir de cette expérience, il nous faut formuler quelques grosses questions, le genre de questions auxquelles il est quasi impossible de répondre. Les gestionnaires qui ont investi énormément dans cette aventure pédagogique ont-ils appris plus et mieux que ceux qui ont investi raisonnablement ? Et ces derniers ont-ils appris plus et mieux que ceux qui ont investi un peu moins ? Les gestionnaires qui ont, au cours de ces deux années, expérimenté des événements10 très intenses, tant dans leur vie personnelle que professionnelle, ont-ils appris plus, mieux que ceux qui ont vécu ces années de façon plus régulière ? Et à quoi tiennent les bons choix faits par les uns et les choix moins heureux faits par les autres : le choix des collègues du groupe de consultation, le choix d’un mentor, le choix d’une lecture, le choix d’une action qui a provoqué une prise de conscience (insight) très significative... ? Appétit d’apprendre et hasard. Ces niveaux d’interrogation — investissement, intensité et choix — sont marqués par deux grandes variables, impossibles à contrôler, et qui semblent se renforcer l’une l’autre : l’appétit d’apprendre et le hasard (quel que soit le nom exact que l’on veuille donner à cette réalité). Est-ce que l’on a de l’appétit parce qu’il faut en avoir ? Elsa Triolet disait : « On n’a pas une passion parce que c’est bien d’en avoir une ! » Peut-on investir énormément, passionnément, sans un appétit proportionnel ? Le cycle de l’énergie humaine demeure très mystérieux. Pour quelques-uns sans aucun doute, Practicum est arrivé à un très bon moment. Fut-ce pour celles et ceux qui ont investi le plus ? Est-ce pour cela qu’elles et qu’ils ont investi beaucoup ? Fut-ce pour celles et pour ceux qui ont vécu de grands bouleversements ? Choix ou hasard, il est certain que Practicum fut pour plusieurs un véritable refuge pour apprivoiser ces nouvelles réalités qui surgissaient soudainement dans leur vie personnelle ou professionnelle. Pour d’autres, peu nombreux, le hasard semble avoir été moins favorable. Est-ce que ce furent celles et ceux qui ont investi moins ? Est-ce à cause de cela qu’elles et ils ont moins investi ? Il est clair que tous
10. Naissance d’un enfant ; coupure de personnel à réaliser ; changement d’emploi ; décès de proches ; mandat énorme ; changement organisationnel subi ; début ou fin d’une relation personnelle importante ; etc.
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n’ont pas le même appétit, la même énergie ni, pourrait-on dire, le même talent pour profiter des hasards ; tous n’ont pas non plus la même chance. Apprendre de sa pratique est possible. Apprendre de sa pratique pendant deux ans, à l’aide d’un encadrement pédagogique qui sert en quelque sorte d’amplificateur aux apprentissages réalisés et aux apprentissages potentiels, est possible, mais, comme nous l’avons vu, plusieurs ajustements au système d’amplification sont encore nécessaires ; c’est ce que nous essaierons de faire dans la deuxième édition. Ce qui est certain, c’est que l’ENAP apporte une contribution originale à la formation des gestionnaires, non seulement par cette expérience du Practicum, mais par plusieurs autres expériences pédagogiques qui exploitent de diverses façons11 la grande richesse d’apprentissages de cette situation : être gestionnaire à temps plein et étudiant à temps partiel ; situation idéale pour apprendre à gérer (voir les propos de Mintzberg dans Briand, 1991 ; propos que Mintzberg reprend avec vigueur en 1996). Practicum repose sur la reconnaissance du potentiel de savoirs de ce genre de situation et entend continuer de raffiner les méthodes pédagogiques pour le plus grand profit des gestionnaires publics.
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Adrien Payette
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Les apprentissages reliés à la formation des gestionnaires publics en exercice Une étude exploratoire Marie-Michèle Guay
Introduction Lorsqu’il est question d’apprentissage significatifs, la littérature nous indique qu’il est difficile de séparer les connaissances des expériences. Selon Villeneuve (1991), apprendre c’est se représenter la réalité par le biais de sa propre expérience. Pour que cela se fasse avec un certain plaisir et sans anxiété, il est nécessaire que le contexte de l’apprentissage valorise le respect, la confiance et propose des outils, des méthodes qui favorisent l’apprentissage. La nouvelle expérience pédagogique qui nous a servi de terrain pour cette étude exploratoire visait en ce sens à créer un environnement propice pour que les gestionnaires publics en exercice inscrits au cours « Practicuml » puissent y réaliser divers types d’apprentissages personnels et professionnels2. Cette expérience, qui s’est déroulée sur une période de deux ans, était fondée sur les deux postulats suivants : •
La gestion s’apprend par l’expérience, par la pratique, à condition de réfléchir sur cette pratique et d’en tirer toutes les leçons. C’est ce que des auteurs tels McCall, Lombardo et Morrison (1988) ont démontré
1.
« Practicum » est le titre donné à ce cours optionnel ; il souligne le caractère de « laboratoire pratique » de ce cours.
2.
Cette recherche a été réalisée en collaboration avec Natalie Rinfret, Ph.D., professeure à l’École nationale d’administration publique. Je lui adresse ici tous mes remerciements.
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lorsqu’ils se sont penchés sur le rôle de l’expérience dans l’apprentissage des gestionnaires en exercice. •
Le développement personnel renforce et enrichit le développement professionnel, car c’est toute la personnalité qui est engagée dans l’exercice du rôle de gestionnaire.
À ces postulats se sont greffés les deux objectifs suivants : 1) apprendre à mieux se connaître et à se développer comme gestionnaire ; 2) apprendre à mieux se connaître et à se développer comme personne. L’esprit qui a animé Adrien Payette et Colette Lehoux, professeurs responsables de ce cours, visait à fournir aux étudiants la meilleure information possible sur eux en tant que gestionnaires, d’où l’importance du feed-back comme instrument privilégié pour favoriser leurs apprentissages. Dans le plan de cours proposé figuraient des modalités pour développer par l’action des compétences nouvelles s’appuyant sur les expériences actuelles ou passées des gestionnaires-étudiants et sur des théories valides et pertinentes aux apprentissages visés. Compte tenu de la nouveauté de l’expérience et de l’intérêt des professeurs responsables du cours à en documenter la démarche et les résultats, il nous est apparu important de suivre l’ensemble de la démarche, cela afin de fournir aux responsables des informations leur permettant d’apprécier la mesure de l’atteinte des objectifs proposés et d’apporter les changements nécessaires en vue d’une seconde édition de l’expérience. Nous présentons donc, dans ce chapitre, tout d’abord les objectifs poursuivis par l’étude, le cadre théorique qui a sous-tendu la collecte des informations utiles à l’atteinte de ces objectifs et la méthode employée pour recueillir les données. Nous présentons et analysons, enfin, les principaux résultats issus des questionnaires soumis au cours de la première année et de l’analyse effectuée à partir des travaux des étudiants à la toute fin de l’expérience (Bilan Practicum II – 1994-1995).
1. Objectifs généraux de l’étude 1)
Identifier les intentions du cours et ses effets − les ressources investies ; − les activités réalisées ; − les principaux impacts afin d’évaluer la pertinence de l’activité.
2)
En se basant sur un cadre théorique pertinent, identifier, tout au long de la démarche, les apprentissages réalisés par les étudiants, les transferts et applications de ces apprentissages dans leur réalité quotidienne : –
mettre en évidence l’écart entre les objectifs d’apprentissage des étudiants, au début de la première année du cours, et les résultats
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atteints, à la fin de la première année et au terme de la deuxième année du cours ; –
mettre en évidence les apprentissages les plus utiles ou ceux qui sont plus facilement utilisés, transférés dans le contexte professionnel des étudiants ;
–
fournir aux professeurs les éléments pouvant leur permettre d’introduire des ajustements, après la première année (Practicum I), et d’alimenter la décision de poursuivre ou non l’expérience avec d’autres groupes, à la fin de la deuxième année (Practicum II).
2. Cadre théorique et articulation dans le contexte du cours « Practicum » Dans le cadre de l’étude, c’est le lien entre la formation, les apprentissages qu’ils entraînent et les transferts possibles de ces apprentissages dans la réalité quotidienne des étudiants qui a été au coeur des préoccupations. Nous avons postulé, à l’instar de Dominicé (1989) qui s’est penché sur les liens entre formation et expérience, que pour qu’une activité éducative ait une portée formatrice, il convient que cette dernière remette en question ou enrichisse la signification donnée aux expériences de sa vie par celui ou celle qui apprend. Mais avant de traiter plus particulièrement de ce lien, il nous faut parler de l’apprentissage en tant que processus et, ensuite, en tant que résultat concret de ce processus, puisque c’est justement cet aspect qui nous a intéressée dans le cadre de l’étude reliée au cours. Pour ce faire, nous présenterons ci-après une synthèse de ce que des auteurs clés ont écrit sur le sujet. 2.1. Le processus d’apprentissage Berbaum (1984, p. 6) souligne que l’apprentissage peut être défini comme « un processus de construction et d’assimilation d’une réponse nouvelle, c’est-à-dire une démarche d’ajustement du comportement, soit à l’environnement, soit à un projet retenu par celui ou celle qui apprend ». L’apprentissage est donc un processus omniprésent et multiforme aux conséquences non nécessairement prévues à l’avance. À cet effet, l’auteur cité précédemment nous rappelle qu’une même situation peut modifier les savoirs, les savoir-faire et savoir-être. Et, chose intéressante, les effets spécifiques des situations vécues peuvent être en grande partie le résultat des choix que fait la personne qui apprend, au regard des informations reçues et des stimuli de l’environnement. Nous nous appuyons donc sur l’approche constructiviste qui stipule qu’il n’y a véritablement acquisition que s’il y a compréhension ou prise de
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conscience du comportement ou des capacités nouvelles de la part de celui ou celle qui est en situation. Cela rejoint la définition de Kidd (1973) qui souligne que celui qui apprend s’ouvre, intègre des expériences nouvelles, les relie à ses expériences passées, les réorganise différemment et s’exprime à travers elles. Il rejoint, par cette conception, Thibault (1978) et Reboul (1980) qui indiquent, de leur côté, que celui qui apprend doit vouloir faire l’expérience de quelque chose et être impliqué dans sa démarche d’apprentissage. Pour apprendre, il y a donc interaction entre celui qui apprend et un environnement : cela constitue le déroulement de l’expérience d’apprendre. Dans le cadre du cours Practicum, l’environnement est créé par les professeurs qui proposent les activités et permettent les interactions entre ce contexte et chaque étudiant-gestionnaire. Certains auteurs qui se sont intéressés à l’apprentissage (Cantin, 1979 ; Gagné, 1976 ; Steinaker et Bell, 1979), cités par Villeneuve (1991), nous rappellent que le processus d’intégration des apprentissages en est un « par lequel s’enchaînent une série de constatations, de synthèses, de significations successives, symbolisées et exprimées dans des termes qui renvoient au savoir, au savoir-faire et au savoir-être ». Une expérience en elle-même, une simple saisie de l’expérience ne sont donc pas suffisants pour générer l’apprentissage. Selon Brookfield (1986), une activité de conceptualisation est nécessaire, car l’acte d’apprendre s’organise à partir de la réflexion. Comme nous l’avons souligné précédemment, le cours Practicum crée un environnement propice à l’apprentissage visant à permettre aux étudiants de saisir leur expérience personnelle et professionnelle dans ses dimensions cognitives et affectives, et à en dégager des significations. D’après Gameau et Larivey (1979), dans Villeneuve (1991, p. 27), ces significations « n’ont rien d’interprétatif, de déductif ou de théorique ; elles s’imposent de l’intérieur même de la subjectivité de la personne ». Le dégagement de ces significations est primordial car, selon ces auteurs, sans cela, il n’est pas possible qu’il y ait acquisition ou modification du savoir, du savoir-faire et, finalement, du savoirêtre. Et cela est essentiel puisque ces savoirs sont les produits concrets, les résultats de l’apprentissage qui, selon Dufresne-Tassé (1978), aboutissent à « [...] l’acquisition d’un pouvoir nouveau résultant d’un échange avec la réalité ». Pour cet auteur, lorsqu’on apprend, on acquiert un pouvoir, une capacité de penser, d’agir sur soi, de participer à la réalité extérieure ; on se repositionne par rapport à sa propre vie ; on se « réinvente ». Et ce pouvoir peut s’exprimer par la maîtrise de connaissances, d’habiletés, de compétences liées à soi-même ou à la réalité extérieure. C’est ce qui fait que la personne évolue et se transforme ; c’est ce qui permet de constater les résultats des apprentissages réalisés.
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L’enseignement proposé par la nouvelle expérience pédagogique qu’est le Practicum s’est donc situé au cœur du lien étroit entre ces différents types de savoirs. Et si l’on se réfère au plan de cours, on remarque que les activités et l’encadrement proposés par les professeurs visent tous ces savoirs à la fois. 2.2. Cadre de référence Compte tenu des objectifs généraux de l’étude qui visent à la fois à identifier le processus d’intégration des apprentissages et les résultats concrets obtenus à chacune des étapes de ce processus d’intégration, le cadre de référence retenu souligne un processus circulaire qui correspond à l’aspect continu de tout apprentissage où les expériences, les connaissances se lient aux acquis pour former un nouvel ensemble dont l’ultime résultat est une adaptation à un environnement. Il s’inscrit donc dans une perspective qui considère la personne dans sa totalité et souligne que les dimensions cognitives, affectives et comportementales sont interdépendantes.
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Présenté par Villeneuve (1991), ce cadre s’inspire principalement de Steinaker et Bell (1979), de Gagné (1976) pour le processus d’intégration des apprentissages, et de Kolb et Fry (1975, 1984) pour le processus d’apprentissage expérientiel. Les différentes étapes mises en évidence par ces auteurs pour illustrer le processus d’apprentissage permettent de comprendre les étapes nécessaires à la démarche des étudiants dans le contexte du cours Practicum. Étape 1. Disponibilité et motivation D’après Villeneuve (1991), cette première étape réfère à tout ce qui est mis en place par l’individu et qui l’incite à orienter ses expériences et ses connaissances dans une direction donnée. Pour Kolb, c’est l’étape où l’apprenant, comme « acteur » est mis en face de ce qu’il est et de ce qu’il veut être, pour mieux établir comment il pourra réduire cet écart. C’est à ce moment que l’étudiant relie le nouvel apprentissage qu’on lui propose à ses expériences passées, qu’il devient plus conscient des émotions qui l’habitent et qu’il tente de préciser ses intentions au regard des objectifs à atteindre. Il est donc primordial qu’à cette étape, les objectifs de l’activité sont clairs et qu’une relation de confiance s’installe entre ceux qui sont engagés dans l’expérience d’apprentissage et les personnes-ressources qui en assureront l’encadrement. Le Practicum offre à cet effet les conditions qui permettront de bien vivre cette étape. Des rencontres préparatoires sont assurées par les professeurs afin de clarifier les objectifs du cours, et un contact avec l’un des professeurs-chercheurs permet aux étudiants de bien comprendre les résultats visés par la recherche. Etape 2. L’exposition Selon Villeneuve (1991, p. 30), cette étape « constitue une expérience vécue par celui ou celle qui apprend, dans laquelle l’organisme est mis en contact avec la réalité à apprendre ». Pour Kolb, c’est l’étape de l’observation réflexive, celle où la personne s’engage dans l’expérience et commence à faire des liens entre l’expérience qu’elle vit et ses conséquences. Dans le contexte du Practicum, c’est l’étape du début du cours où, après avoir vécu l’expérience de l’Appréciation par simulation (APS) qui a fourni un premier feed-back aux étudiants sur leurs forces, leurs faiblesses, sur des zones d’améliorations possibles, ils se rendent mieux compte des exigences reliées au cours (travaux de groupes, lectures, réflexions, etc.), du type de contribution qu’ils auront à apporter et des émotions suscitées par tout ce qui leur est proposé par les professeurs. Cette étape recoupe les caractéristiques de l’« expérience concrète » mise en évidence par Kolb et Fry (1975) : moment où ceux qui apprennent
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sont placés dans une situation réelle, avec des problèmes concrets qu’ils ont envie de résoudre. À cette étape, il est donc important que les problématiques soulevées par les activités d’apprentissage proposées soient significatives pour les étudiants afin qu’ils soient motivés à entreprendre des actions pour les résoudre. Étape 3. Le mouvement de l’expérience C’est l’étape où ceux qui se sont engagés dans une expérience d’apprentissage sont vraiment actifs au regard de cette expérience et où ils cherchent à découvrir la signification de cette expérience. C’est le moment de la conceptualisation abstraite, de la « recherche du sens », l’étape où, selon Kolb, l’apprenant élargit sa représentation mentale de sa situation et en dégage certaines synthèses, observations et réflexions. À ce stade, les étudiants sont bien engagés dans le cours : ils deviennent plus familiers avec les appuis théoriques, sont capables d’en parler, de faire les liens entre leur vie professionnelle et personnelle, et les réflexions suscitées par les rétroactions des collègues et des professeurs. Étape 4. La symbolisation À cette étape, l’apprenant se rend disponible à la découverte du sens relié à son expérience et tente d’organiser certaines informations sur lui, sur sa réalité professionnelle. Dans le contexte du Practicum, c’est le moment qui correspond à celui où les étudiants ont participé à une session intensive qui a mis l’accent sur le travail en petits groupes. À cette étape de « soutien » des apprentissages, les personnes-ressources doivent créer un climat qui permet, selon Villeneuve (1991), de chercher, d’explorer, de se sentir perdu ou en contradiction. Voilà pourquoi les échanges et le partage sur le sens que les étudiants accordent à leurs apprentissages, aux prises de conscience qu’ils font sont essentiels à cette étape, afin de soutenir leur motivation et leur permettre de faire les liens nécessaires aux transferts utiles dans leur réalité professionnelle. Étape 5. L’action expressive C’est le moment où la personne engagée dans l’expérience essaie de dégager des synthèses et des significations en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir-être. À cette étape de consolidation et de généralisation de l’expérience, la personne qui apprend acquiert, selon les termes de Dufresne-Tassé, un « nouveau pouvoir » qui s’exprime par des connaissances et des capacités supplémentaires qui lui permettent d’être en meilleure possession d’elle-même et, finalement, de s’approprier ses expériences, ses connaissances et ses choix.
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Selon les termes de Kolb, il s’agit, à cette étape d’expérimentation active, de soumettre les solutions et les actions identifiées en cours d’expérience au test de la réalité. C’est donc le moment de vivre concrètement les résultats de l’apprentissage. Dans le contexte du Practicum, cette étape correspond au moment où les étudiants devront vraiment faire de la place aux nouveaux « pouvoirs » conférés par les apprentissages réalisés, et les appliquer aux différentes réalités personnelles à leur situation de gestion quotidienne. Ils devraient en outre être capables, à cette étape, d’identifier plus clairement comment ils pourront s’appuyer sur les résultats des apprentissages reliés au cours pour mieux exercer leur rôle de gestion ou relier les apprentissages réalisés à d’autres expériences et connaissances.
3. Méthodologie Afin d’atteindre les objectifs visés par l’étude de cette expérience pédagogique, plusieurs méthodes de collecte d’information ont été retenues. •
L’étude de documents : lecture d’articles, de livres traitant de l’apprentissage, de la formation des gestionnaires, afin de bien situer le contexte théorique de la recherche.
•
Des questionnaires comportant des questions semi-ouvertes distribués aux étudiants à des étapes clés de l’expérience.
•
L’analyse des travaux des étudiants au terme de la deuxième partie de l’expérience intitulés « Bilan, Practicum 1994-1995 ».
•
Des entrevues individuelles avec les professeurs à différents moments (début, mi-terme et fin de l’expérience, transmission d’informations issues des questionnaires, échanges, discussions sur les résultats tirés de l’expérience).
4. Personnes impliquées Des gestionnaires publics en exercice inscrits au programme de maîtrise en administration publique (MAP) de l’ENAP : 20, la première année et 14, la deuxième année ; deux professeurs : un plus particulièrement responsable du volet professionnel et l’autre, du volet personnel.
5. Présentation des résultats Nous présentons ci-après les informations recueillies par les deux principales méthodes de collecte de données utilisées pour documenter cette expérience : d’abord, les résultats issus des questionnaires auxquels les étudiants ont répondu du début de l’expérience (avril 1993) jusqu’en juin 1994. Nous y mettons également en évidence les résultats reliés à l’analyse de contenu effectuée à l’aide des travaux des étudiants présentés aux professeurs à la toute fin de l’expérience en mars 1995.
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5.1.
Résultats issus des questionnaires3 – Practicum I (avril 1993-juin 1994)
5.1.1.
Les besoins, intérêts et attentes au moment de l’inscription au cours
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Les variables qui ont le plus contribué à motiver les étudiants à s’inscrire au Practicum sont : la possibilité de s’améliorer (55 %), la connaissance de soi (45 %) et, finalement, le transfert des apprentissages dans leur vie quotidienne (40 %). Les besoins sont de trois ordres : 1) obtenir du support, 2) l’ouverture des étudiants les uns envers les autres et 3) recevoir de la rétroaction. L’amélioration de soi et l’élaboration d’un plan de carrière constituent les deux attentes envers cette activité. Quant aux sentiments éprouvés à l’égard de cette expérience, ils se résument à la curiosité, à l’enthousiasme et à une certaine appréhension devant l’effort à fournir et l’évaluation qui sera effectuée par les outils de diagnostics, l’Appréciation par simulation (APS) et le Profil de compétences en gestion (PCG). À cette étape de disponibilité et de motivation, c’est donc avec un certain enthousiasme mais également avec des réserves sur les moyens qui seront proposés pour apprendre à se comporter différemment dans leur vie personnelle et professionnelle, que les étudiants abordent le cours. 5.1.2. Le début du cours (septembre 1993) 1)
Au début du cours, 100 % des étudiants trouvent les objectifs du Practicum pertinents : selon eux, ils leur permettent de travailler sur la connaissance d’eux-mêmes, l’amélioration de leurs compétences de gestion alors que les activités prévues proposent des moyens facilitant l’intégration de la théorie dans leur vie quotidienne. Déjà, à ce moment du cours, plusieurs constatent qu’il sera possible de transférer les habiletés développées dans la réalité quotidienne, suite aux moyens proposés pour réfléchir à leur expérience. Les deux tiers des étudiants considèrent que cette activité complète ou consolide les apprentissages déjà amorcés dans d’autres cours, comme les cours de comportement organisationnel, management, formulation de problème et prise de décisions, alors que 88 % d’entre eux trouvent la méthode pédagogique utile et intéressante surtout à cause de son aspect pratique et de son efficacité quant aux transferts possibles dans leurs rôles professionnels et personnels.
2)
Les principaux besoins que les étudiants cherchent à satisfaire sont formulés comme suit : apprendre de nouvelles choses (100 %), obtenir
3.
Les données provenant des questionnaires reliés à la première partie de cette recherche ont été compilées sous forme de fréquences et transformées en pourcentages. Seules les réponses données par au moins 25 % des étudiants sont rapportées dans cette étude.
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plus de pouvoir sur ma réalité quotidienne (88 %) et me réaliser (75 %). D’autres, comme créer de nouveaux contacts, faire le point sur sa carrière, partager avec des collègues, leur semblent secondaires en ce début d’expérience. 3)
En ce qui a trait aux apprentissages développés depuis le début du Practicum, on retrouve dans la catégorie des savoirs, les connaissances reliées au pouvoir dans les organisations et à l’importance des perceptions de l’entourage sur leur rôle de gestion. Dans la catégorie des savoir-faire, les étudiants ont rapporté avoir développé les capacités suivantes : une meilleure gestion de leurs priorités, l’écoute, une plus grande facilité à évaluer certaines décisions, à tenir compte des enjeux reliés aux situations et des façons d’intégrer le feed-back de l’entourage (pairs, professeurs) en vue de s’améliorer. Finalement, au regard des savoir-être : accepter plus facilement la critique, être plus ouvert, porter un regard nouveau sur leurs capacités de gestion et les effets de leurs comportements sur les autres.
4)
Interrogés sur les objectifs qu’ils visent et les apprentissages qu’ils comptent avoir faits au terme de Practicum, les étudiants relèvent les aspects suivants : développer de nouvelles façons de transiger avec leur entourage, faire des choix éclairés en ce qui concerne leur vie professionnelle et leur carrière. Ils veulent développer des capacités à distinguer l’essentiel de l’accessoire et être capables d’utiliser au mieux leurs forces et leurs limites dans des situations diverses : conflits, relations interpersonnelles. Leurs objectifs sont donc en grande majorité centrés sur l’acquisition d’outils et de nouveaux savoir-faire.
De plus, ils expriment à cette étape beaucoup d’intérêt et de plaisir à s’engager dans cette aventure, ainsi que des réticences dues principalement à la timidité et à la crainte de mal performer. Finalement, les questions qui demeurent en suspens sont liées aux incertitudes occasionnées par la nouveauté de l’expérience, leur propre motivation, le type d’effort à fournir, la diversité des intérêts des membres du groupe et la possibilité de faire des apprentissages qui intègrent les aspects théoriques à leur pratique de gestion : à cette étape, ils sont donc loin d’avoir une vision claire des apprentissages qui seront réalisés. 5.1.3. La session intensive (novembre 1993) 1)
Au moment de cette session, les étudiants témoignent d’apprentissages au regard du savoir-faire et du savoir-être. Les habiletés acquises relativement au savoir-faire ont trait à l’activité principale de cette semaine : le bilan de vie et de carrière (moyens pour mieux gérer ce difficile équilibre), au plan d’action, au fonctionnement en groupe, à
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l’écoute et à la synthèse. Dans la catégorie du savoir-être, les étudiants rapportent avoir développé une meilleure connaissance d’eux-mêmes et une plus grande conscience des liens qui existent entre leur expérience actuelle et passée. Les quelques habiletés reliées au savoir ont trait aux connaissances sur les étapes de la vie, le rôle de la personne, les avantages du travail de groupe et les différentes façons de gérer en fonction des besoins des individus. Ces derniers apprentissages sont reliés aux exposés des professeurs et aux lectures proposées pour les enrichir et les compléter. 2)
Les deux principales satisfactions qu’ont retirées les étudiants de cette session intensive sont les liens tissés, en particulier avec les membres de leur sous-groupe respectif, le travail sur le plan d’action qui leur permet d’entreprendre des actions concrètes reliées aux objectifs poursuivis dans ce cours. Les commentaires témoignent que les étudiants sont, à ce moment, entrés de plain-pied dans le cours et ont commencé à établir des liens significatifs avec les membres de leur sous-groupe. À la fin de cette session, 79 % d’entre eux ont une confiance élevée à l’égard du groupe, et ils expriment une telle confiance dans une proportion de 87 % à l’égard des professeurs. Plusieurs rapportent éprouver du plaisir à s’impliquer dans les activités proposées, voire de l’euphorie, et se sentent stimulés par leurs objectifs (vie et carrière). Par ailleurs, pour une minorité, certaines inquiétudes demeurent. Si certains semblent en mesure, à ce moment-ci, d’intégrer tout ce que le contexte de cette activité leur a proposé comme apprentissages, qu’ils savent mieux comment il faut gérer l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle et comment utiliser les personnes de leur entourage comme ressources, d’autres cherchent encore le sens à donner à tout cela et les liens qu’ils pourront faire avec leur expérience de gestion. De plus, il semble qu’un conflit émerge entre le groupe pris dans son ensemble et les sous-groupes : la complicité semble, en effet, plus grande entre les membres des groupes restreints.
Les étudiants ont donc franchi l’étape d’observation réflexive et s’engagent pleinement dans l’expérience. À ce moment, ils élargissent, selon Kolb (1975), leur représentation mentale de la situation, en dégagent des synthèses, des observations et des réflexions. Les données qui précèdent nous permettent de constater que leur pratique quotidienne semble au cœur des apprentissages qui sont en train de se faire : cela constitue donc un premier pas vers l’établissement de ce difficile lien entre expérience et apprentissage et un premier aperçu des possibilités d’utiliser leur entourage pour favoriser ce processus.
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5.1.4. Bilan de Practicum I (juin 1994) 5.1.4.1. Les apprentissages généraux À la fin de la première année, après la session intensive et les rencontres mensuelles avec les professeurs, ce sont les apprentissages reliés au savoir-être qui sont signalés par la majorité : 80 % mentionnent des capacités accrues à mieux s’accepter et à utiliser leurs forces et leurs faiblesses et une plus grande facilité à prendre du recul. Les autres apprentissages rapportés ont trait à des capacités à élargir leurs schèmes de pensée, à se comporter davantage selon leurs priorités, à être plus sensible aux autres et, finalement, à une plus grande ouverture à l’égard de l’apprentissage : ces étudiants apprennent à apprendre ! En ce qui concerne le savoir-faire, 70 % relatent qu’ils ont acquis des capacités principalement au regard de l’écoute, de la gestion du temps et, dans une moindre mesure, au niveau du leadership, de la mobilisation d’équipe et de la priorisation d’objectifs. Finalement, pour le savoir, près de la moitié font état de connaissances supplémentaires sur les théories de la personnalité et du développement de la personne, les étapes de vie, la communication interpersonnelle et le leadership. Sur le plan du groupe, un lieu d’apprentissage et d’expérimentation important dans ce cours, les capacités développées concernent le savoir-être : tous les étudiants affirment avoir appris la solidarité (sentiment de partager des problèmes communs), l’ouverture, l’écoute et la grande majorité (80 %) signale la confiance, la générosité, et l’autocritique constructive des membres. Au niveau du savoir-faire, plusieurs soulignent les apprentissages suivants : donner du feed-back aux autres, ne pas sauter trop rapidement aux conclusions. « On apprend autant des expériences des autres membres du groupe que de nos expériences ; le partage est donc très intéressant (ouverture). » Relativement au transfert de ces apprentissages dans leur milieu de travail, près de la moitié des étudiants soulignent le leadership (influencer ses pairs, un groupe), la confiance en soi, le sens politique, l’utilité du « mentor » pour favoriser leur développement. Selon plusieurs auteurs, ce dernier aspect semble un moyen clé pour favoriser le développement des gestionnaires : les mentors sont souvent identifiés comme des personnes très importantes dans leur cheminement. Ils servent à la fois de modèles et de conseillers, tout en permettant au gestionnaire d’avoir accès à un réseau utile à son développement (Kram, 1985). « Le cours me permet à date d’améliorer mon leadership, de développer mon sens politique et de voir l’utilité d’un mentor. » 5.1.4.2. Apprentissages reliés au plan d’action Le plan d’action constitue un aspect clé de ce cours : à cet effet, les résultats indiquent que les apprentissages reliés au « Plan d’action » concernent prin-
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cipalement le savoir-faire. Ils ont trait aux capacités à élaborer un plan d’action (actions concrètes, échéances, etc.) relié à la carrière, à des capacités de gestion accrues touchant la délégation, le leadership, la gestion du temps, la gestion des conflits, le développement de capacités interpersonnelles dans un groupe et l’établissement d’une relation avec son « mentor ». Pour plus de 60 % des étudiants, le plan formel favorise la rigueur, incite à l’action et stimule les efforts à sa réalisation. Si certains déclarent avoir atteint tous leurs objectifs, d’autres viennent de saisir plus clairement l’utilité du plan d’action et se permettront de donner suite aux objectifs déjà fixés, lors de Practicum II. 5.1.4.3. Les difficultés reliées au plan d’action Les difficultés relevées à ce sujet concernent principalement la variable temps : plusieurs signalent avoir manqué de temps pour réfléchir à leurs objectifs et pour faire les lectures appropriées au plan d’action. D’autres rapportent des difficultés à se définir des objectifs mesurables, leur manque de persévérance, d’autodiscipline et de courage pour réaliser certains aspects de leur plan, et cela, malgré la pertinence du soutien et des conseils des professeurs. D’après ces derniers, cet aspect nécessitera plus de rigueur et d’encadrement pour la deuxième partie du cours. Il n’est pas facile d’adapter les objectifs aux réalités quotidiennes du vécu de gestion et de définir des indicateurs pour les évaluer. Beaucoup d’éléments incontrôlables interfèrent avec le plan projeté. 5.1.4.4. Atteinte des objectifs Au terme de cette première partie du cours, 88 % des étudiants considèrent que les objectifs portant sur les connaissances reliées aux aspects personnels sont atteints de façon satisfaisante. Les aspects positifs, à cet égard, portent sur les groupes de consultation, surtout de la session intensive, les bilans de vie et de carrière et la possibilité de relever des liens entre leurs motivations et leurs comportements et, finalement, sur les lectures. La moitié des étudiants expriment la satisfaction d’avoir acquis des connaissances théoriques sur le développement de la personne et du gestionnaire. Plusieurs soulignent, à cet effet, la pertinence des lectures et se disent satisfaits du temps alloué durant le cours pour réfléchir. Ceux qui déclarent que leurs objectifs ont été moyennement atteints (44 %) rapportent également qu’il ne leur a pas été facile de choisir les bonnes lectures. Concernant la réflexion sur les expériences passées et actuelles, les étudiants sont d’avis que le cours leur a proposé des activités et un environnement pertinents pour ce genre de réflexion. Les activités reliées au « Bilan de vie et de carrière » et à la « ligne de gestion » ont été significatives
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pour 44 % d’entre eux, alors que près de 60 % signalent le dynamisme du groupe de consultation et leur confiance dans l’utilité de cette formule. 5.1.4.5. Pertinence des activités proposées À la lecture des données brutes reliées à cette question, on peut mettre en évidence certaines activités jugées utiles par une grande majorité des étudiants : le Profil de compétences en gestion (PCG), le Bilan de vie et de carrière, les groupes de consultation et, finalement, l’Appréciation par simulation (APS) : notons que ce dernier outil est, selon Boisvert (1995), jugé satisfaisant par 93 % des personnes qui à l’ENAP se sont prévalues de cet instrument. Notons également la pertinence et l’utilité des activités personnelles reliées au Plan d’action, de même que des entrevues individuelles avec les professeurs et, finalement, des lectures. Les données du tableau 1 permettent, en outre, d’émettre quelques réserves (activités jugées moyennement utiles) : elles portent sur la supervision des professeurs dans les groupes et sur les exposés théoriques.
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5.1.4.6. Bilan au terme de Practicum I Les données recueillies au terme de la première année de cette expérience pédagogique nous permettent d’affirmer que les objectifs proposés sont dans l’ensemble reliés positivement aux résultats atteints. La grande majorité des étudiants et étudiantes souligne que le cours permet d’améliorer leur pratique de gestion et d’articuler avec une plus grande cohérence les aspects personnels et professionnels de leur vie. Il est à noter que les apprentissages réalisés concernent principalement les attitudes et les comportements et, dans une moindre mesure, les savoir-faire (outils). Le lieu d’apprentissage qui semble susciter le plus grand consensus est le sous-groupe : un grand nombre d’étudiants témoignent des échanges fructueux qu’ils y ont eus avec leurs collègues du groupe de consultation et les apprentissages significatifs qui ont pu y être réalisés : connaissance de soi, capacité d’écoute, utilisation constructive du feed-back, etc. Par ailleurs, plusieurs soulignent également la pertinence des autres activités proposées par les professeurs — Profil de compétence en gestion (PCG), Appréciation par simulation (APS), plan d’action, entrevues individuelles avec les professeurs, lectures —, l’à-propos de la méthode pédagogique ainsi que l’aspect personnalisé des activités. Dans l’ensemble, la majorité des étudiants sont satisfaits de ce qu’ils ont appris, fiers de leur contribution et souhaitent que la deuxième partie du cours soit aussi stimulante. De façon plus précise, certains aimeraient que les aspects théoriques soient plus liés aux expériences pratiques proposées et que des liens entre ce cours et les autres aspects du programme de maîtrise soient également renforcés ; les professeurs donneront suite à ces suggestions. On peut dire relativement au cadre théorique qu’au terme de la première année, les étudiants ont commencé à dégager des synthèses et des significations principalement en ce qui concerne le savoir-être et, ensuite, le savoir-faire. Il semble également que ces étudiants ont su faire place dans leur réalité quotidienne à de nouveaux « pouvoirs » conférés par les apprentissages réalisés. Ils ont été aidés dans cette intégration par les professeurs qui, par la rétroaction fournie, leur ont permis d’intérioriser certains acquis et de les transférer dans leur pratique de gestion. Le sous-groupe, le feed-back des professeurs et certains liens tissés avec des personnes significatives de l’entourage de chacun sont donc au cœur du développement de ces gestionnaires à la fin de la première partie de l’expérience. 5.2.
Les résultats issus des travaux d’étudiants (Practicum II, septembre 1994-mars 1995)
Comme nous l’avons mentionné au début de la présentation des résultats, cette dernière partie rend compte des résultats issus de l’analyse de
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contenu effectuée à partir des travaux intitulés « Bilan de Practicum II — 19941995 ». 5.2.1. Les savoir-faire Au terme de Practicum II, ce sont les apprentissages au regard du savoir-faire qui sont les plus nombreux. Les trois quarts des étudiants témoignent de capacités acquises ayant trait au leadership, aux habiletés stratégiques, à la communication, à l’affirmation de soi et à une maîtrise accrue dans l’élaboration et la réalisation d’un plan d’action. Certains ont aussi mentionné qu’ils étaient plus à l’aise pour aller chercher du soutien, des appuis auprès des personnes significatives de leur entourage (utilisation d’un « mentor »), plus en mesure de gérer efficacement leur temps et de prendre du recul face à leurs expériences. Au regard du leadership, ces capacités s’expriment de la façon suivante : capacité à influencer les projets de leur service, à gagner la confiance de leurs employés, à obtenir le soutien de leur organisation, à influencer les autres, etc. Les habiletés stratégiques recouvrent plus précisément des capacités à mieux cerner les intérêts et enjeux des différents acteurs de leur organisation, à établir des stratégies leur permettant d’atteindre leurs objectifs avec succès, à développer des alliances, des solidarités. Je suis maintenant capable d’adapter mon style de gestion en fonction du contexte et des intérêts de mes interlocuteurs, et d’aller chercher des appuis lorsque c’est nécessaire. À ce chapitre, soulignons que les lectures, les exposés en classe, le journal de bord, le feed-back du groupe de consultation et, pour certains, la rencontre avec les mentors ont été les moyens qui ont grandement contribué au développement de ces capacités. Concernant la communication, les capacités développées touchent principalement la dimension interpersonnelle (écoute, échange avec les autres) et les dimensions orale et écrite (présenter des informations de façon claire et précise, exprimer clairement ses idées, argumenter, rédiger des travaux). À cet effet, signalons l'utilité des exercices en classe, de l'expérience du groupe de consultation et de la pratique en milieu de travail, laboratoire par excellence pour confronter ces apprentissages à la réalité quotidienne. Sur le plan personnel, plusieurs étudiants déclarent avoir acquis des savoirfaire liés à l'affirmation de soi : Practicum II leur a fourni plusieurs occasions d'apprendre à exprimer leurs sentiments avec justesse, à s'affirmer davantage avec les personnes de leur entourage. D'autres résultats reliés au savoir-faire ont trait au plan d'action. Cet outil présenté en classe s'est avéré un instrument très utile : il a permis la
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maîtrise d’une méthode structurée permettant aux étudiants d’établir des objectifs précis et de choisir des moyens « souples » en vue de l’atteinte des résultats, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. Des capacités ont aussi été développées relativement au « mentorat ». Ainsi, certains mentionnent qu’ils ont plus de facilité à aller chercher du soutien auprès de personnes leur permettant de réfléchir sur leur gestion, leur carrière. Toutefois, cet aspect ne semble pas avoir été suffisamment traité durant le cours, car plusieurs signalent qu’ils voudraient à l’avenir intensifier ce type de contact. Pour plusieurs, l’habileté à gérer le temps se traduit par certains réaménagements de leurs activités : délégation, découpage différent entre les aspects de leur vie personnelle et professionnelle, distinction plus nette entre ce qui est important et ce qui est accessoire. À cet égard, les lectures, les exposés, le travail sur le plan d’action, le groupe de consultation et, finalement, la réflexion personnelle ont permis à plusieurs étudiants de consolider des acquis sur cette épineuse question de la gestion du temps. Relevons finalement des capacités déclarées par les étudiants concernant l’analyse rétroactive de situations. À l’aide du journal de bord, de rencontres avec les mentors et d’une réflexion sur leur cheminement personnel et professionnel, certains se déclarent mieux outillés pour réfléchir à leurs expériences, pour les analyser afin d’en tirer parti dans d’autres circonstances à venir. Cela amène certains à faire état de capacités à évaluer avec plus de justesse les bénéfices et les coûts de leurs décisions et à faire preuve d’une cohérence accrue entre leur discours et leurs actions. 5.2.2. Les savoir-être Sous cet aspect, la plupart des étudiants rapportent avoir développé une meilleure connaissance de soi par le biais d’outils de diagnostic (Indicateur de tempéraments Myers-Briggs, Appréciation par simulation et Profil de compétence en gestion), du feed-back de l’entourage (collègues, professeurs), d’exposés et de réflexions personnelles. Un peu plus de la moitié d’entre eux affirment mieux connaître leurs intérêts personnels, leurs valeurs et priorités, leurs forces et faiblesses en tant que gestionnaires et être plus en contact avec leurs émotions. À cet égard, on peut dire « mission accomplie », si on se réfère à la dimension « développement personnel » de ce cours. Sont également mentionnées dans cette catégorie des habiletés nouvelles concernant les communications interpersonnelles, que ce soit avec les collègues ou avec les employés. La confiance en soi constitue un autre apprentissage lié au savoir-être relevé par plusieurs étudiants. Par le biais du groupe de consultation, du
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journal de bord, du Myers-Briggs et du feed-back de plusieurs personnes significatives (mentors, collègues et professeurs), les étudiants affirment avoir acquis de l’assurance et une plus grande confiance en eux-mêmes, ce qui semble les rendre plus sereins face à leur avenir professionnel. Finalement, certains déclarent avoir développé une nouvelle attitude à l’égard du leadership : plus conscients des limites de leur style de leadership et des améliorations qu’ils doivent y apporter, ils se sentent plus à l’aise face à leur rôle de gestion. 5.2.3. Les savoirs Près de 40 % des étudiants auraient acquis des connaissances supplémentaires concernant le leadership par le biais de lectures, d’exposés et de réflexions personnelles. Ils connaissent davantage quelles sont les compétences et qualités requises pour exercer du leadership et avoir l’influence voulue sur l’environnement et les personnes de leur entourage. Font également partie de cette catégorie les connaissances nouvelles concernant les étapes de vie, plus particulièrement, les enjeux reliés à l’étape du mitan : une étape charnière qui en incite plusieurs à faire le point pour réévaluer rêves et objectifs. Les lectures proposées et les exposés sur ce sujet ont été éclairants pour la grande majorité des étudiants, aux prises pour la plupart avec certains enjeux caractéristiques du mitan (faire le point, faire de nouveaux choix professionnels, s’occuper de son rêve de vie, etc.). D’autres résultats ont trait au rôle que peut jouer un « mentor » dans la carrière des personnes : plusieurs mentionnent que ces nouvelles connaissances les ont conduits à chercher des appuis et un soutien auprès de personnes pouvant favoriser leur développement professionnel. Par ailleurs, certains étudiants rapportent mieux comprendre l’utilité de certaines habiletés de direction (gestion du temps, délégation de tâches, communication interpersonnelle, préparation et conduite de réunion) et le bienfondé d’outils de diagnostic (PCG, APS), en particulier l’Indicateur de tempéraments Myers-Briggs, qui leur a permis de mieux connaître les caractéristiques de leur profil personnel et révélé l’importance de bien saisir comment ces caractéristiques personnelles peuvent influencer leur style de gestion. Il est intéressant de noter que l’importance et l’utilité de cet outil de diagnostic ont fait l’objet d’apprentissages à plusieurs niveaux. 5.2.4. Les résultats atteints par rapport aux objectifs du cours Dans l’ensemble, les résultats atteints sont conformes aux objectifs énoncés au début du cours. Les étudiants ont trouvé dans Practicum un lieu pour
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réfléchir sur leurs expériences ainsi que des outils et des ressources qui leur ont permis de consolider leur développement professionnel et personnel. La grande majorité des résultats (apprentissages, changements) signalés par les étudiants sont liés principalement aux deux objectifs suivants : réfléchir sur ses expériences et réaliser des plans d’action. Travailler à l’atteinte de ces objectifs a permis à plusieurs étudiants de se sentir davantage en possession de leurs moyens à la fois en tant que personnes (meilleure connaissance de leurs forces et faiblesses, meilleur équilibre affectif, interpersonnel) et en tant que gestionnaires (capacité à prendre du recul face à son entourage, à utiliser des stratégies d’influence appropriées, etc.). 5.2.5. Pertinence des activités Quant aux parties du cours qui semblent avoir été les plus utiles pour favoriser l’atteinte des résultats visés, mentionnons, en premier lieu, le groupe de consultation. Pour la très grande majorité, ce lieu d’apprentissage a été très significatif : un soutien affectif indispensable aux apprentissages. Il m’a permis de mieux comprendre mon rôle de gestionnaire, de développer mes capacités de solidarité, de synthèse, et de saisir l’univers des autres [...] En deuxième lieu, mentionnons l’utilité du plan d’action et de l’Indicateur de tempéraments Myers-Briggs qui a facilité à plusieurs étudiants une réflexion sur leurs comportements et leurs effets sur les dimensions personnelles et professionnelles de leur vie. Les apprentissages signalés à ce sujet sont nombreux et concernent également les trois catégories d’apprentissages. En troisième lieu, il faut souligner l’utilité du journal de bord et des réflexions autour de l’exercice sur la vie personnelle et professionnelle. Ces moyens ont également permis à certains étudiants de faire une réflexion sérieuse sur leurs expériences et de mieux saisir les interactions entre les aspects personnels et professionnels de leur vie. Cet exercice semble avoir été un moyen fort utile pour articuler les deux principaux objectifs du cours : se développer comme gestionnaire, se développer comme personne. En quatrième lieu, il importe de relever l’utilité et la pertinence des lectures proposées et l’à-propos de plusieurs exposés faits par les professeurs. Ces aspects venaient compléter, enrichir la réflexion sur l’expérience de chacun et confirmer certains liens entre la théorie et la pratique. En cinquième lieu, soulignons l’influence de la relation avec les mentors qui, pour plusieurs, a été la clé leur permettant d’atteindre leurs objectifs dans le cadre du cours et, pour certains, de rompre l’isolement. Au cours de la deuxième année, ces rencontres ont permis à certains étudiants de se
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sentir moins isolés et de bénéficier d’un soutien, de conseils utiles pour atténuer certaines difficultés. Ces rencontres m’ont permis de mieux cibler mes objectifs de carrière et de valider la vision de mon environnement afin d’adopter de meilleures stratégies, compte tenu des enjeux reliés aux différentes situations [...]
6. Conclusion Les étudiants qui ont vécu l’expérience du cours Practicum n’ont pas seulement acquis des connaissances, développé ou consolidé des habiletés, mais ils ont aussi, et surtout, appris de leurs expériences et ont trouvé auprès des professeurs, des autres étudiants, le feed-back utile pour réfléchir aux effets de leurs actions dans les dimensions professionnelles et personnelles de leur vie. Parvenir à prendre du recul après l’action et saisir le sens de cette action en l’intégrant à ce qu’ils savaient déjà, voilà selon Anciaux (1994), la forme la plus achevée de l’apprentissage. Cette innovation pédagogique semble leur avoir permis d’améliorer leur pratique de gestion et d’articuler avec une plus grande cohérence les aspects professionnels et personnels de leur vie. Ils ont dans le sens de Dufresne-Tassé (1978) acquis de « nouveaux pouvoirs » leur permettant de mieux transiger avec leur propre réalité. Ce pouvoir semble avoir suscité chez plusieurs de nets sentiments de satisfaction, un certain plaisir, qui selon ce même auteur, agissent comme des facteurs de motivation face à l’apprentissage. La très grande majorité des étudiants (90 %) déclarent
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qu’ils ont enclenché, grâce à Practicum, un processus de transformation : recherche d’un plus grand équilibre entre vie personnelle et professionnelle, d’une plus grande ouverture aux autres. En ce qui concerne le savoir-faire, c’est pour la grande majorité, la découverte d’outils utiles à leur pratique de gestion, et cela vaut particulièrement pour le plan d’action. Finalement, ce sont les connaissances relatives aux forces et aux faiblesses de chacun, aux compétences et habiletés de gestion confirmées par les outils de diagnostic tels que le Profil de compétences en gestion (PCG), l’Appréciation par simulation (APS), l’Indicateur de tempéraments Myers-Briggs, qui semblent avoir été les plus utiles pour étendre le « territoire » de chacun. L’information liée aux acquis de cette expérience nous permet de constater que les étudiants ont cheminé en parcourant les différentes étapes du processus d’intégration d’apprentissage qui a servi de cadre de référence : une étape de disponibilité et de motivation où les étudiants se sont familiarisés avec les objectifs du cours et se sont engagés à les atteindre ; c’est à cette étape également que les professeurs ont su créer le climat propice aux apprentissages proposés et établi le contrat d’apprentissage (intentions du cours, exigences institutionnelles, objectifs des étudiants). Au moment de l’étape d’exposition, les étudiants se sont véritablement engagés dans l’expérience tout en commençant à établir des liens avec des apprentissages antérieurs pouvant leur servir d’appui ; les professeurs se sont, de leur côté, préoccupés de fournir les appuis théoriques, de proposer des exercices et des lectures afin de nourrir l’engagement des étudiants. À l’étape suivante, le mouvement vers l’expérience, les étudiants ont signalé que les enseignements reliés à Practicum leur permettaient de relier les données du cours (exposés, exercices, lectures, outils de diagnostic) et leurs réalités professionnelle et personnelle. C’est à ce moment qu’ils ont pu évaluer les difficultés d’intégrer les apprentissages proposés par le cours avec la réalité et juger des améliorations à apporter au plan d’action amorcé au début du cours. À l’étape de symbolisation, les étudiants ont pu dégager des significations relatives aux apprentissages réalisés et aux façons de les intégrer concrètement à leur vie personnelle et professionnelle. Pour les étudiants du Practicum, cette étape semble avoir été vécue parallèlement à l’étape d’action expressive : le sens donné à l’expérience de chacun par le biais des outils proposés était rapidement transposé dans la pratique de la plupart des étudiants, intéressés à utiliser les réflexions et les apprentissages divers que permettait le cours pour enrichir leurs expériences quotidiennes. Le groupe de consultation est sans contredit l’élément clé du cours, aux dires de plusieurs, la composante innovatrice : c’est l’élément qui a favorisé et surtout soutenu l’intégration de la théorie à la pratique tout au long des deux années de Practicum. La compétence des professeurs, leur ouverture et leur
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disponibilité sont d’autres facteurs qui ont permis que l’expérience de chacun puisse s’insérer à chacune des étapes pour atteindre les objectifs du cours. À ce sujet, les commentaires sont hautement élogieux. Forts de ces acquis, et de ces appuis, les étudiants ont maintenant la tâche de « boucler la boucle », de continuer d’explorer les nouveaux « pouvoirs » que les activités proposées par Practicum et leur engagement soutenu leur ont permis d’acquérir. En espérant que les prises de conscience, les connaissances nouvelles et les nouveaux comportements qu’ils ont commencé à intégrer, leur permettront, à court terme, de déboucher sur des actions susceptibles de bousculer certaines habitudes et d’enrichir, pour mieux les intégrer, les significations qu’ils donnent à leurs expériences professionnelles et personnelles.
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Collaborateurs et collaboratrices
Michel G. Bédard Michel G. Bédard est professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. Ses intérêts d’enseignement et de recherche sont l’analyse des décisions stratégiques, la culture organisationnelle, le profil des administrations dans le contexte des entreprises privées ou publiques, la privatisation des entreprises publiques, la pédagogie universitaire dans le secteur des sciences administratives et les théories des organisations. Michel Bédard est récipiendaire, en 1993, du « Best Paper Award », section Stratégie et Politique, décerné par l’Association des sciences administratives du Canada. Luc Bernier Luc Bernier est professeur à l’École nationale d’administration publique depuis 1991. Il a auparavant enseigné à l’Université Concordia après avoir terminé, en 1989, son doctorat en science politique à l’Université Northwestern. Il a publié en 1996 « De Paris à Washington, la politique internationale du Québec ». Il a participé à de nombreux ouvrages portant sur l’administration publique québécoise en général et sur les sociétés d’État en particulier. Il est aussi coauteur de The Quebec Democracy (avec Guy Lachapelle, Gérald Bernier et Daniel Salée) et de L’administration publique avec Carolle Simard. Mohamed Charih Mohamed Charih est professeur titulaire de management à l’École nationale d’administration publique. Il détient un M.B.A. en mana-
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Collaborateurs et collaboratrices gement international de l’Université d’Ottawa et un Ph.D. spécialisé en administration publique de l’Université Laval. Ses domaines d’intérêt sont le management stratégique dans l’administration gouvernementale, les réformes administratives et la prise de décision dans les organisations publiques complexes. Auteur de plusieurs articles, chapitres et livres. Mohamed Charih a créé en 1992 la section Administration et management publics à l’Association canadienne française pour l’avancement des sciences (ACFAS) et il en est responsable depuis.
Suzanne Comtois Suzanne Comtois est avocate et professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke. Elle est titulaire de deux maîtrises en droit, l’une de l’Université de Montréal et l’autre de New York University. Ses domaines d’enseignement et de recherche sont le droit administratif et le droit de l’environnement. Christian Dufour Avocat, Christian Dufour est attaché de recherche et d’enseignement à l’Observatoire de l’École nationale d’administration publique, où il s’intéresse principalement aux réformes de l’administration publique au Canada. Après avoir travaillé une dizaine d’années au gouvernement du Québec dans le secteur des relations intergouvernementales canadiennes, il a publié en 1989, Le Défi québécois et, en 1992, La rupture tranquille. André Forget André Forget est étudiant au doctorat et professeur en administration à l’Université du Québec à Montréal. Ses intérêts de recherche portent présentement sur la gouvernance et la performance des entreprises publiques et privées et sur la privatisation des activités gouvernementales sous toutes ses formes. Après avoir fait carrière comme enseignant et coordonnateur à tous les niveaux d’enseignement au Québec, il a tour à tour occupé des postes de secrétaire particulier à l’Assemblée nationale, d’adjoint à la direction des services pédagogiques et de directeur d’école à la Commission scolaire Saint-Jean-sur-Richelieu. André Gagné André Gagné est professeur de management et de gestion de développement régional à l’Université du Québec à Rimouski. Il possède un
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DES en sciences économiques (Paris), une maîtrise en administration et un Ph.D. en science politique de l’Université Laval. Ses domaines d’intérêt sont la gestion du développement régional, l’analyse et la gestion de politiques et programmes publics, la gestion et les types de l’organisation, l’évaluation des interventions et la territorialité, l’éthique et la prise de décision et l’environnement externe de l’entreprise. Marie-Michèle Guay Marie-Michèle Guay est directrice des études et professeure à l’École nationale d’administration publique (Montréal). Elle détient un Ph.D. en sciences de l’éducation et une licence en counseling de l’Université de Montréal. Elle concentre actuellement son enseignement et ses conférences sur les thèmes de la gestion du changement dans les organisations publiques, de la carrière des cadres et du mentorat. Ses recherches portent sur la carrière des femmes cadres à l’étape du mitan de la vie et sur le mentorat comme outil de gestion de la relève. Elle est l’auteure de plusieurs articles sur la gestion du changement et la gestion de carrière et elle agit également comme consultante auprès d’organismes publics, plus particulièrement avec des cadres du réseau de la santé. Kenneth Kernaghan Kenneth Kernaghan est professeur de science politique et de management à l’Université de Brock. Il est titulaire d’une maîtrise en économique et en science politique de l’Université McMaster et d’un Ph.D. de l’Université de Duke. Ses intérêts sont l’éthique, les valeurs et les réformes de l’administration publique. Auteur de plusieurs livres et articles en administration et politiques publiques, ex-rédacteur de la revue Administration publique du Canada, rédacteur de la Revue internationale des sciences administratives (Bruxelles), récipiendaire du prix Hodgetts pour le meilleur article et de la médaille Vanier de l’Institut d’administration publique du Canada. Denis Laforte Denis Laforte est membre de l’Observatoire de l’administration publique à l’École nationale d’administration publique. Diplômé en science politique, il a assumé des fonctions de vice-recteur (enseignement-recherche et ressources humaines) durant une vingtaine d’années. Ses champs d’intérêt touchent les stratégies de gestion des ressources humaines dans les processus de réforme du secteur public.
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Réjean Landry Réjean Landry est professeur titulaire au département de science politique de l’Université Laval à Québec. Il a obtenu un doctorat en science politique de York University. Ses travaux concernent les politiques et le management public ainsi que les théories institutionnelles de l’école des choix rationnels. Il a publié près d’une centaine d’articles et de chapitres de livres qui mettent en évidence l’importance des arrangements institutionnels et les biais de l’offre et de la demande des politiques publiques. Roger Paquet Roger Pâquet est à l’emploi du ministère de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie du Québec après avoir œuvré à l’École nationale d’administration publique et au ministère du Conseil exécutif. Il est politicologue et détenteur d’une maîtrise en aménagement du territoire et en développement régional. Outre ses activités de recherche en matière de réformes comparées de l’État, il possède une longue expérience des questions fédérales-provinciales. Michel Paquin Michel Paquin est professeur de management à l’École nationale d’administration publique. Il est diplômé de l’École nationale d’administration de Paris et il est titulaire d’un Ph.D. en administration de l’École des Hautes Études commerciales de Montréal. Ses domaines d’intérêt sont le nouveau management public, les nouvelles formes d’organisation, la réingénierie dans le secteur public et le management stratégique. Adrien Payette Adrien Payette est professeur de management à l’École nationale d’administration publique. Il est titulaire d’une maîtrise en philosophie, de diplômes en psychologie et en sociologie, et d’un M.B.A. de l’École des Hautes Études commerciales. Son principal domaine d’intérêt est la formation pratique et intégrale des gestionnaires publics. Adrien Payette est auteur de l’efficacité des gestionnaires et des organisations. Marcel Proulx Marcel Proulx est professeur de sociologie à l’École nationale d’administration publique. Il détient une maîtrise en science politique de
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l’Université Laval et un doctorat en sociologie de l’Institut d’études politiques de Paris. Les intérêts en recherche de M. Proulx l’ont surtout amené à se pencher sur la gestion des organisations publiques, particulièrement dans la fonction publique québécoise. Il a notamment réalisé des travaux portant sur la gestion des cadres, l’évaluation du rendement, le chevauchement des programmes fédéraux et québécois, le processus réglementaire et la gestion des tribunaux. Il vient de compléter une vaste enquête sur l’organisation de la fonction de ressources humaines dans l’appareil administratif québécois. Il s’est aussi récemment engagé dans une recherche portant sur les conséquences des rapports amoureux au travail.
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